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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mercredi 13 septembre 2006 - Vol. 39 N° 24

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc commencer nos travaux, et je déclare la séance ouverte. Et je demanderais, pour ceux qui ont oublié, ceux qui ont des cellulaires, autant alentour de la table que dans la salle, de bien vouloir au moins fermer les sonneries.

Donc, la commission est réunie ici, ce matin, afin de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme James (Nelligan) est remplacée par M. Blackburn (Roberval); M. Marsan (Robert-Baldwin) est remplacé par M. Auclair (Vimont); et M. Moreau (Marguerite-D'Youville) est remplacé par Mme Perreault (Chauveau).

n (9 h 40) n

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, pour le bénéfice des membres et de ceux qui nous écoutent, aujourd'hui, nous allons recevoir dans l'ordre suivant, particulièrement ce matin, l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations, qui sera suivi du Centre RIRE Québec. Cet après-midi, nous recevrons en premier lieu le Service Intégration Travail Outaouais, qui sera suivi de la Fédération des femmes du Québec et Action Travail des femmes. Ensuite de ça, nous recevrons le Gala Noir et Blanc au-delà du racisme et la Fondation canadienne pour les jeunes Noirs; et, pour terminer, l'Union des municipalités du Québec.

Remarques préliminaires

Nous allons procéder comme à l'habituel pour l'ouverture de ces auditions publiques, en débutant tout d'abord par les commentaires de Mme la ministre. Je vous rappelle, Mme la ministre, que vous avez un temps maximal de 15 minutes pour formuler vos remarques préliminaires, qui sera suivi des remarques de la porte-parole officielle de l'opposition, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Donc, je suis prêt à reconnaître immédiatement Mme la ministre de l'Immigration.

Mme Lise Thériault

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. le Président, je suis très heureuse aujourd'hui de procéder à l'ouverture de cette commission parlementaire qui mènera le Québec vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Depuis mon arrivée en fonction, j'ai fait de la lutte contre le racisme et la discrimination une de mes grandes priorités. À l'instar d'un nombre grandissant de pays occidentaux qui se sont dotés de politiques ou de plans d'action pour lutter contre le racisme et la discrimination, le Québec assume aujourd'hui un leadership gouvernemental fort afin de mettre en place les mesures requises pour que chacun de nos concitoyens puisse participer pleinement à la société québécoise. J'aimerais rappeler que le Québec est le premier gouvernement provincial à se doter d'une politique de lutte contre la discrimination et le racisme.

Le moment est venu, M. le Président, de sensibiliser tous les acteurs de notre société à l'importance d'agir afin de lever les obstacles qui se dressent encore à l'intégration des Québécois des communautés culturelles et à leur épanouissement. Il ne faudrait toutefois pas omettre de souligner que cette démarche s'inscrit dans la continuité des actions gouvernementales déjà entreprises jusqu'à maintenant et qui nous ont menés jusqu'à la présente consultation.

Rappelons-nous que le Québec a souscrit aux engagements internationaux en matière de droits de la personne, notamment avec la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination. En 1975, le Québec se dotait d'une Charte des droits et libertés de la personne en accord avec les valeurs québécoises et qui prohibait déjà toute discrimination fondée notamment sur la race, la couleur, l'origine ethnique ou nationale et la religion. Ainsi, la Commission des droits de la personne a été instituée afin de permettre à tous les citoyens de faire respecter leurs droits.

En 1986, par la Déclaration du gouvernement du Québec sur les relations interethniques et interraciales, le Québec condamnait sans réserve le racisme et la discrimination et s'engageait à favoriser la pleine participation de tous.

Quelques années plus tard, en 1990, le Québec rendait public son énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration: Au Québec, pour bâtir ensemble, qui désignait le racisme comme une problématique à laquelle il faut résolument s'attaquer.

En 2004, le gouvernement publie son programme d'action gouvernemental qui a pour but de léguer aux générations futures l'optimisme et le potentiel du Québec. Par ailleurs, en 2004, le gouvernement a mis en oeuvre le plan d'action 2004-2007, Des valeurs partagées, des intérêts communs ? Pour assurer la pleine participation des Québécois des communautés culturelles au développement du Québec.

Puis, à l'automne 2005, j'ai créé un groupe de travail pour qu'il se penche sur la question de la pleine participation à la société québécoise des communautés noires. Cette consultation a permis de dégager des constats et de formuler des recommandations concrètes. Le groupe de travail a ainsi recommandé que le Québec se dote prioritairement d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, ce à quoi le gouvernement a décidé de donner une suite immédiate. C'est pourquoi, dès le 15 juin 2006, je lançais le document de consultation et que j'ai réalisé, cet été, une tournée de sensibilisation.

Nous ouvrons aujourd'hui les travaux de cette commission parlementaire, et je suis persuadée qu'il s'agit de la bonne direction à prendre pour renforcer une société juste et équitable et répondre ainsi aux défis d'une diversité croissante. Il est important de bien comprendre, M. le Président, que le Québec a fait le choix de l'immigration à la fois pour maintenir sa croissance démographique et économique et aussi pour assurer la pérennité du fait français et pour s'ouvrir sur le monde. Avec un objectif de 48 000 nouveaux arrivants en 2007, ce qui représente une hausse de 50 % depuis l'an 2000, le Québec se doit d'être proactif s'il veut faire en sorte que, tous ensemble, nous puissions assumer nos responsabilités et nos obligations pour mieux intégrer la diversité dans notre société. Plusieurs défis attendent la société québécoise, et la manière dont nous y ferons face engagera l'avenir des prochaines générations de Québécoises et de Québécois.

Permettez-moi de vous donner une image plus précise du Québec d'aujourd'hui. Le Québec est constitué de quelque 165 cultures différentes. En 2001, 10 % de la population québécoise était issue de l'immigration et 7 % faisait partie d'une minorité visible; la majorité des personnes de 15 ans et plus issues des minorités visibles, soit 86 %, sont nées à l'étranger et 12 % ont au moins un parent né à l'étranger: la grande région de Montréal accueille environ 80 % des personnes issues de l'immigration.

Cette diversité, qui croît d'année en année, nous oblige à faire preuve de grande vigilance afin de prévenir les discriminations et de maintenir l'harmonie des relations interculturelles existantes, qui, comme nous l'avons déjà vécu, peut s'avérer soudainement fragile. Dans le contexte des mouvements migratoires internationaux, le présent débat devient donc nécessaire et inévitable. Il n'est pas question d'amoindrir la pertinence et la portée des efforts déployés auparavant par les gouvernements, les institutions et les associations, cependant le nouveau visage du Québec nous amène à réajuster notre intervention.

Cette démarche qui conduira le Québec à se doter d'une politique en matière de lutte contre le racisme et la discrimination sera aussi l'occasion de prendre les moyens nécessaires pour arriver à réaliser le Québec de demain. Notre objectif ultime: intégrer le pluralisme au quotidien et ainsi permettre à tous de découvrir et d'apprécier le plein potentiel de tous les Québécois, peu importe leur origine. La présente démarche concerne spécifiquement la discrimination qui est vécue par nos concitoyens issus des communautés culturelles, qu'ils soient nés à l'étranger ou ici. Parfois de deuxième et même de troisième génération, ils sont encore trop souvent perçus comme des étrangers et font l'objet de discrimination.

Afin de mener à terme cet important exercice démocratique, je déposais, le 15 juin dernier, le document de consultation qui allait nous guider vers son élaboration. Intitulé Pour la pleine participation des Québécoises et des Québécois des communautés culturelles ? Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, ce document permet de nommer des manifestations de racisme. Il propose trois orientations ainsi que des choix stratégiques et permet d'aborder une réflexion importante sur l'avenir de notre société. Ce document est disponible en ligne dans le site du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et il est également disponible dans celui de l'Assemblée nationale. M. le Président, j'aimerais rappeler aux auditeurs qu'il est toujours possible de participer à la consultation en ligne, jusqu'à la fin des auditions de la présente commission.

Du 7 au 25 août dernier, j'ai mené une tournée de sensibilisation dans 12 régions du Québec pour présenter le document de consultation, faire valoir l'importance du débat au sein de la population et sensibiliser les principaux acteurs de notre société à l'importance de se mobiliser et de participer à la consultation. Au cours de cette tournée, près de 600 personnes ont eu l'occasion de venir ainsi me rencontrer, et quelque 300 autres ont pris part à des activités de sensibilisation. J'ai eu le plaisir de les informer de la démarche gouvernementale en vue de doter le Québec d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Les participants à ces rencontres en région m'ont aussi fait part de leur volonté de bien intégrer les nouveaux arrivants, de poursuivre notamment les actions visant à lever les obstacles à l'emploi et de développer des relations interculturelles harmonieuses.

Au cours de ces 21 rencontres, j'ai multiplié les invitations à participer à la consultation, soit par la présentation d'un mémoire auprès de la commission parlementaire, soit par la participation à la consultation en ligne. Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont témoigné de leurs expériences sur la présence du racisme ou de la discrimination dans toutes les sphères de notre société, ainsi que toutes celles qui, n'étant pas personnellement touchées, ont exprimé leurs préoccupations et proposé des pistes de solution à titre de citoyens. Je suis persuadée que leur expérience concrète au coeur du quotidien et que leurs suggestions nous permettront d'ériger une société plus ouverte et plus tolérante. Je trouve qu'il est essentiel, M. le Président, de donner la parole à toutes les Québécoises et à tous les Québécois, de les inciter à transmettre leurs idées et leurs suggestions, des moyens d'action qu'ils jugent pertinents et efficaces pour lutter contre le racisme et la discrimination. Ainsi, toute la société québécoise pourra en bénéficier, de même que les générations futures.

Au terme de cette présente commission parlementaire, nous aurons reçu plus de 110 mémoires de groupes ou d'individus, et cela témoigne de la place qu'occupe cette délicate question dans le coeur de nos concitoyens et de leur volonté de faire du Québec une société ouverte sur le monde, où l'égalité des chances et la justice sociale sont au rendez-vous. En participant à ce débat de société, les citoyens du Québec, les représentants des communautés culturelles et des groupes communautaires, les syndicats, les entreprises, les institutions et les organismes des différents secteurs de la société contribuent à bâtir l'histoire du Québec, puisqu'ils nous donnent les repères essentiels pour la poursuite de notre développement collectif.

n (9 h 50) n

Bien que le Québec soit une société tolérante et accueillante, où les relations interculturelles sont généralement harmonieuses et empreintes de civilité, je tiens à porter à votre attention, M. le Président, qu'un Québécois issu des communautés culturelles sur cinq se dit visé par des actes discriminatoires. De nombreux faits de l'actualité nous confirment que le Québec n'est pas à l'abri des manifestations de racisme et de discrimination, qui vont des préjugés exprimés plus ou moins ouvertement jusqu'à l'agression physique directe. Se faire refuser un logement, un emploi ou un droit consenti à d'autres citoyens, est-ce réellement le genre de société où nous voulons vivre? Peut-on se permettre de marginaliser les individus ou des groupes de personnes et de limiter ainsi leurs horizons et, de par le fait même, les nôtres?

M. le Président, le racisme est insidieux. Il prend des multiples visages et se manifeste sous les formes les plus diverses, dans les moments où on s'y attend le moins. Comment ignorer que le racisme et la discrimination engendrent souvent la précarité des revenus, la pauvreté, le chômage, le décrochage scolaire et la marginalisation des gens? En effet, en 2001, le taux de chômage pour les minorités visibles se situait à 15,4 %, atteignant ainsi le double de celui de l'ensemble des Québécois. Quant au taux de chômage des jeunes des minorités visibles de 15 à 25 ans, il s'élevait à 19,7 %. Pourtant, ils étaient plus scolarisés que la moyenne: 21,7 % détenaient un grade universitaire, comparativement à 14 % pour l'ensemble de la population.

Par ailleurs, je tiens à porter à votre attention, M. le Président, qu'il serait important d'accompagner nos concitoyens dans leur compréhension du phénomène de l'immigration et dans leur perception de l'apport actuel et potentiel des Québécois des communautés culturelles. Nous devons comprendre que le Québec est présentement en pleine mutation et que plusieurs personnes vivent ce passage comme une crise identitaire qui provoque des questionnements dont nous reconnaissons la légitimité. Cependant, nous ne pouvons être tolérants envers les manifestations de racisme et de discrimination, quelle qu'en soit la source.

Dans le cadre de cette démarche, nous avons jugé nécessaire de proposer dans le document de consultation des définitions aux diverses manifestations de racisme et de la discrimination qui prévalent encore dans notre société. Je crois, M. le Président, qu'en nommant mieux les choses nous raffinerons notre compréhension commune au bénéfice de cette commission parlementaire. Alors, si vous me le permettez, M. le Président, j'inviterai les parlementaires à prendre connaissance de la fiche que nous leur remettrons dans quelques instants et ne pas hésiter à s'y référer.

Les préjugés, la discrimination directe ou indirecte, la discrimination systémique et le racisme sont autant de formes de manifestation d'intolérance qui nous préoccupent et qui nous interpellent. Nous devons être conscients que personne n'est à l'abri des préjugés et que nous pouvons en être porteur même à notre insu. Une meilleure connaissance des diverses manifestations de racisme et de la discrimination nous amènera à adopter une attitude plus ouverte dans nos rapports avec les Québécois des autres communautés.

Nous sommes conscients du fait que la discrimination raciale ne s'applique pas seulement aux communautés culturelles et que la situation autochtone est parfois soulevée. C'est pour cette raison que nous recevrons également plusieurs groupes préoccupés par la situation des premières nations et que ces mémoires seront également transmis à mon collègue le ministre responsable du Secrétariat aux affaires autochtones, dans le but d'être considérés dans leurs travaux futurs.

Le contexte actuel nous oblige à reconnaître la nécessité de renouveler notre vision en matière de lutte contre le racisme et la discrimination afin d'agir plus efficacement en assumant un leadership gouvernemental fort. Nous croyons, M. le Président, qu'il importe d'intervenir de façon plus globale sur les causes directes et indirectes qui engendrent l'exclusion et qui empêchent de participer pleinement à la société québécoise. Je suis convaincue qu'ensemble nous prendrons les meilleurs moyens d'atteindre nos objectifs.

Au cours des prochains jours, nous aurons le privilège d'entendre plusieurs personnes et représentants d'organismes et de recevoir leurs mémoires. Nous pourrons réfléchir tous ensemble aux avenues qui nous permettront de lutter contre le racisme et la discrimination. Je suis convaincue que nous profiterons de ce cadre de travail exceptionnel pour traiter de ce sujet crucial pour nos concitoyens dans un climat de respect et d'ouverture. C'est grâce à la qualité de notre écoute et grâce aux échanges qui suivront les propos exprimés que nous parviendrons à une compréhension plus nette et plus juste des enjeux auxquels sont confrontés certains groupes de notre société. Cet important exercice démocratique permettra au gouvernement d'élaborer sa future politique en matière de lutte contre le racisme et la discrimination, qui à son tour nous permettra de mettre en place dès le printemps 2007 un premier plan d'action. Je suis convaincue que nous nous engageons aujourd'hui dans une étape charnière qui fera du Québec une société plus ouverte où chacun pourra s'épanouir dans le respect et la dignité.

En terminant, j'aimerais que toutes les citoyennes et tous les citoyens du Québec portent leur regard sur les liens qui les unissent les uns aux autres, sur cette société que nous avons le pouvoir de renouveler tous ensemble, sur les valeurs que nous partageons et sur ce beau projet collectif, celui d'un Québec ouvert sur le monde, harmonieux et qui profite de la richesse de sa diversité. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Nous sommes donc à l'étape des remarques préliminaires de la part de la porte-parole de l'opposition. Donc, Mme la députée de Laurier-Dorion, vous avez un temps maximal de 15 minutes pour formuler vos remarques préliminaires. La parole est à vous.

Mme Elsie Lefebvre

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. J'aimerais d'abord saisir l'occasion pour vous saluer, vous remercier de diriger nos travaux pour les semaines qui viennent, en profiter pour saluer la ministre et mes collègues du Parti québécois, du gouvernement, les fonctionnaires qui nous accompagneront, et enfin j'aimerais remercier toutes celles et ceux qui ont contribué aux travaux en soumettant un mémoire ou répondant au questionnaire en ligne. J'anticipe déjà les échanges fructueux que nous pourrons tenir avec ceux qui viendront ici, en commission, avec nous. Donc, je tiens à les remercier à l'avance pour leur contribution à cet important débat pour l'avenir du Québec.

Donc, d'entrée de jeu, soulignons que l'opposition officielle accueille favorablement cette consultation. Nous appuyons la ministre dans sa démarche de consultation et l'assurons de la pleine collaboration des députés du Parti québécois. Nous croyons qu'il s'agit de trouver ensemble les meilleures solutions afin de relever collectivement un défi important, celui de la lutte contre toute forme de racisme ou de discrimination, mais surtout celui de l'égalité et du respect de la différence. Cela est d'autant plus important que le Québec a toujours oeuvré à bâtir une société respectueuse, où la dignité et la reconnaissance des droits de la personne sont au coeur de nos politiques et de notre idéal de société. La société québécoise est d'ailleurs reconnue pour son adaptation aux changements et est considérée comme une société ouverte à la diversité. Nous reconnaissons sans contredit l'apport merveilleux que l'immigration a su apporter au Québec, tout comme le fait que l'immigration a toujours joué un grand rôle dans notre histoire.

C'est ainsi que dans les dernières décennies les gouvernements qui se sont succédé, formés du Parti libéral ou du Parti québécois, ont tour à tour contribué à bâtir l'édifice de notre vision en matière d'immigration et d'intégration. Ces gouvernements ont construit, en matière de diversité, sur les fondations laissées par les administrations précédentes. Progressivement, les gouvernements successifs ont mis en oeuvre des programmes de rapprochement et d'échange interculturels, introduit le programme d'accès à l'égalité à l'emploi, sans oublier des politiques d'immigration et d'intégration qui ont déterminé les grandes lignes de conduite institutionnelles, fondées sur les principes modernes de l'État de droit.

Toutefois, l'originalité de notre modèle d'intégration ne nous met pas à l'abri contre toutes les formes de racisme et de discrimination. Rappelons-nous les déclarations incendiaires d'un psychologue sur le quotient intellectuel des personnes noires, de la profanation de la mosquée de Trois-Rivières, survenue en mai 2006, de Maka Kotto, traité de nègre suite à sa victoire à titre de député à la Chambre des communes, du cocktail molotov lancé contre une école juive il y a à peine quelques jours, des reportages réalisés par un journaliste du Journal de Montréal qui s'est mis dans la peau d'un Noir pour quelques jours.

Ces événements nous rappellent que l'équilibre de notre existence pacifique et respectueuse des différences est fragile. Ces événements ont été médiatisés, mais combien d'autres ont été vécus dans le silence, dans la tourmente, dans l'angoisse? Pensons aux cas de discrimination dans le logement ou sur le marché du travail, dont sont victimes essentiellement les minorités racisées. Or, force est de constater que, malgré l'adoption dès 1975 de notre Charte québécoise des droits et libertés interdisant, à l'article 10, la discrimination fondée sur une série de 14 motifs dont la race, la couleur, l'origine ethnique ou nationale ainsi que la religion, nous n'avons pas été en mesure de prévenir toute forme ou reproduction des attitudes et des comportements discriminatoires formellement interdits par nos lois ou notre charte. Ces programmes et politiques se sont avérés malheureusement insuffisants pour endiguer tout développement de racisme et de discrimination.

Par exemple, quand je me promène dans mon comté, notamment dans Parc-Extension, je rencontre ces personnes, Québécois et Québécoises à part entière qui animent ce quartier et qui font en sorte que nous sommes tous plus riches de leur apport. Néanmoins, je rencontre aussi trop souvent des gens qui sont confinés à la pauvreté, qui cherchent un logement abordable ou un emploi digne de leurs qualifications. Trop souvent au Québec, même en 2006, immigration et minorité riment avec exclusion et pauvreté. Trop souvent, il faut à un nouvel arrivant un diplôme d'ingénieur pour conduire un taxi. Trop souvent au Québec, un jeune d'origine haïtienne, par exemple, né ici a deux fois moins de chances de trouver un emploi qu'un jeune qui a la peau blanche.

n (10 heures) n

Bien que la société québécoise soit considérée comme une société généralement ouverte à la diversité et une société qui ne tolère dans le discours public ni la discrimination ni le racisme, il faut admettre néanmoins qu'il existe encore aujourd'hui ce type d'actes. Nous croyons que nous sommes mûrs pour une réflexion sur nos instruments de lutte contre le racisme et la discrimination. Le moment est venu de réactualiser certaines pratiques parce que le contexte sociopolitique a changé et que la situation des groupes vulnérables demeure précaire. Nous sommes donc heureux de pouvoir participer à cette consultation et impatients d'entendre les personnes et organismes qui se présenteront devant nous. Nous sommes fidèles à nos engagements envers la justice sociale et l'égalité pour les citoyens ou les groupes sociaux.

Le Parti québécois croit fermement qu'en tant que société ayant fait le pari de l'ouverture à l'immigration et tant que société ayant choisi librement d'inscrire la diversité comme un apport essentiel à la vitalité de sa vie sociale, politique, économique et culturelle le Québec doit réitérer avec force, en faisant abstraction des clivages partisans, son opposition aux discours et aux pratiques racistes ou discriminatoires, qui ne peuvent engendrer qu'exclusion, désespoir et décrochage civique. De tous les temps, le peuple québécois s'est montré capable de relever des défis. Nous sommes confiants qu'il relèvera celui-ci. Nous avons le pouvoir d'être novateurs dans nos rapports avec l'autre. Il nous revient donc, en tant que nation, de faire la différence et de bâtir les assises d'une société où la paix, le respect et reconnaissance de l'apport de l'autre seront toujours plus présents. Pourquoi ne pas être la société la plus ouverte, la plus tolérante, être un modèle? Nous pouvons toujours nous améliorer.

En conclusion, nous souhaitons profondément que cette consultation mène à une véritable politique et à un plan d'action concret. Personne ne peut s'opposer à une volonté d'éliminer le racisme et la discrimination. Dans ce cas, plus que tout, l'action sera garante de notre succès. Le gouvernement se doit, à l'issue de cette consultation, d'agir concrètement en mettant en place des mécanismes structurants accompagnés de moyens mesurables, notamment financiers et humains. Il faut aller au-delà de la sensibilisation et agir concrètement en mettant en oeuvre des mécanismes efficaces d'insertion à l'emploi notamment. En somme, nous sommes d'avis qu'il est en effet urgent de mettre en oeuvre des mécanismes qui auront du mordant afin de lutter efficacement contre les inégalités, la discrimination, voire le racisme, que trop de personnes vivent encore aujourd'hui au Québec. Enfin, nous souhaitons que la ministre dépose une politique dès cet automne afin de rendre effectif le plus vite possible le fruit des discussions que nous tiendrons. Bons travaux.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée. Donc, nous sommes maintenant à l'étape de l'ouverture de nos audiences publiques. J'inviterais le premier groupe à venir s'asseoir avec nous, soit l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations.

Donc, Mme Micheline Labelle et M. Jean-Claude Icart, j'imagine?

Veuillez prendre place, oui. Je vous rappelle, pendant que vous prenez place et que vous vous installez, les règles de la commission parlementaire, qui sont généralement les mêmes depuis presque toujours. Donc, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour formuler vos remarques... pas vos remarques préliminaires, mais vos remarques à vous, selon la façon que vous le désirez. Et, à la suite de ça, ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Auditions

Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et, à la suite de ça, de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous. La parole est à vous.

Observatoire international sur le
racisme et les discriminations

Mme Labelle (Micheline): Alors, Micheline Labelle, professeure au Département de sociologie de l'Université du Québec à Montréal et directrice du Centre de recherche sur l'immigration, l'ethnicité et la citoyenneté, qui a un volet appelé l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations.

M. Icart (Jean-Claude): Jean-Claude Icart, coordonnateur de l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations.

Le Président (M. Brodeur): Merci.

Mme Labelle (Micheline): Alors, M. Brodeur, président de la Commission de la culture, député de Shefford; Mme Lise Thériault, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles; Mme Elsie Lefebvre, porte-parole de l'opposition officielle et députée de Laurier-Dorion; distingués membres de la commission. Au nom de l'UQAM, du CRIEC et de son Observatoire international sur le racisme et les discriminations, nous souhaitions féliciter très chaleureusement le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles pour le dépôt du document de consultation Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Cette politique était revendiquée et attendue depuis très longtemps. La lutte contre le racisme interpelle les sociétés démocratiques, et de nombreuses initiatives des Nations unies ont été prises dans ce domaine au cours des dernières décennies.

Ainsi, en septembre 2001, les États membres des Nations unies et les représentants de la société civile se réunissaient à Durban, en Afrique du Sud, dans le cadre de la troisième conférence de l'ONU sur le racisme. Le but était d'adopter une déclaration et un plan d'action pour préciser les orientations de la lutte contre le racisme. La Déclaration préliminaire de Durban faisait le constat de la vulnérabilité croissante des victimes du racisme colonial, des peuples autochtones, des diverses minorités non territoriales, des migrants, des demandeurs d'asile et des réfugiés. Elle interpellait, entre autres choses, les États, les différents paliers de l'État à assumer leurs responsabilités dans le domaine de la lutte contre le racisme. Puis advint le 11 septembre 2001. La question du racisme, que la Déclaration de Durban invitait à nommer et à reconnaître, a crû en visibilité. Divers rapports internationaux ont souligné depuis l'accroissement des actes racistes dans le monde, la contamination des partis politiques démocratiques par des arguments d'extrême droite, etc. C'est dans ce contexte que l'initiative de la Coalition internationale des villes contre le racisme a vu le jour à Nuremberg, en 2004, sous l'égide de l'UNESCO.

Ces nombreuses initiatives confirment l'importance accordée à la lutte contre le racisme à l'échelle internationale et dans une perspective globale. En 2004, les rapports de deux rapporteurs à l'ONU ont examiné la situation au Canada, ont recommandé que le racisme ? et je pense ici à M. Doudou Diène et M. Rodolfo Stavenhagen ? ont recommandé que le racisme soit reconnu comme tel au Canada et ont fait de la situation des populations autochtones... ont fait état de la situation désastreuse des populations autochtones de même que de groupes particulièrement ciblés, entre autres, les communautés noires, les musulmans et les arabes.

En 2005, le Canada a donc dévoilé son plan d'action contre le racisme, le plan d'action canadien contre le racisme. Ce plan réaffirme les engagements pris lors de la conférence de Durban. Le gouvernement du Québec a fait de la lutte contre le racisme ? Mme la ministre, vous l'avez rappelé ? une de ses grandes préoccupations depuis longtemps. Mais enfin nous avons une volonté étatique d'adopter un véritable plan d'action. Nous saluons cette volonté étatique, et nous avons particulièrement apprécié l'énoncé de cinq principes directeurs très clairs, c'est-à-dire une approche globale concertée, une articulation aux autres efforts gouvernementaux visant à réduire les inégalités économiques et sociales, le renforcement des solidarités entre les groupes de toutes origines, l'inclusion de mesures préventives et l'appel aux autres secteurs de la société.

Deuxièmement, les grandes orientations, les trois grandes orientations de cette politique, à savoir: la coordination des efforts, la nécessité de reconnaître et de contrer les préjugés et la discrimination, le renouvellement des pratiques et des institutions.

Et, troisièmement, nous saluons l'approche intersectorielle, qui traverse tout le document, qui souligne une action globale sur plusieurs fronts en tenant compte bien sûr de la spécificité des obstacles auxquels font face certains segments de la population. C'est donc pourquoi nous soutenons le document.

Cependant, nous émettons certaines réserves. La plus importante concerne l'évacuation de la question autochtone. Dans l'introduction, il est précisé que les autochtones ne sont pas visés par le projet de politique mais qu'ils bénéficieront éventuellement de la politique publique adoptée de lutte contre le racisme. Même si cette question relève du Secrétariat aux affaires autochtones, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles aurait pu se montrer à notre avis proactif. Et, pour amener une perspective de concertation interministérielle, cette question pose le problème de la division du travail au sein de l'appareil d'État, bien sûr, et qui n'est pas une question qui concerne essentiellement le gouvernement actuel.

Deuxièmement, nous ne pouvons pas adhérer à l'analyse suivante selon laquelle ? je cite: «L'idéologie raciste, à proprement parler, a éclaté au milieu du XXe siècle et bien des pans ont disparu.» L'idéologie raciste actuelle ne s'exprime pas comme elle s'exprime dans un régime d'apartheid, bien sûr. Nous ne sommes pas en régime nazi, bien sûr. Mais nous estimons que les manifestations du racisme, qui sont les préjugés, la discrimination directe et indirecte, la violence et la ségrégation résidentielle persistent.

n (10 h 10) n

Les recherches que je fais sur le terrain, les enquêtes que je fais depuis 2000 en témoignent, la persistance d'insultes, de blagues racistes, de stéréotypes, exemples: les termes de «nigger», de «négresse», de «ti-noir» subis par des jeunes d'origine haïtienne, africaine, jamaïcaine, etc., les termes de «sauvage», d'«indien», dans les communautés autochtones, les termes de «les arabes sont tous des terroristes», ils sont des «freedom fighters», ils sont des «desert niggers», «sale arabe, retourne donc sur tes chameaux», «c'est des sauvages, il faut libérer leurs femmes», les blagues racistes dans le milieu du travail, le harcèlement, le harcèlement qui va jusqu'à la menace de coups, les clichés dans les médias, c'est-à-dire, par exemple, le fait qu'on voie souvent les musulmans en prière, vus de dos, hurlant, menaçants, fessant l'air, ça relève des stéréotypes et des préjugés qui sont en lien avec le racisme colonial et classique.

La discrimination ? madame en a parlé tout à l'heure ? les hôtels où il y a des étages séparés pour les autochtones et les non-autochtones, les autobus où il y a des places réservées ? bien sûr que ce n'est pas légal mais factuel ? pour des autochtones et des non-autochtones, les difficultés d'avoir une entrevue à cause du port du foulard, les difficultés d'avoir une entrevue en embauche à cause du nom que l'on porte, et donc, l'obligation, la peur, l'obligation de changer, d'essayer de changer son nom, de le franciser, les questions insidieuses sur les origines, le refus d'embauche sous prétexte d'indisposer les clientèles, etc. Les rapports de Doudou Diène, de Stavenhagen l'illustrent entièrement, plus les enquêtes sur la diversité, que Mme la ministre a évoquées, au niveau pancanadien ou au niveau québécois.

Ces manifestations du racisme classique s'articulent avec la logique du néoracisme, dont parle le document, le discours selon lequel les cultures sont incompatibles, qu'il y a choc de civilisations, qu'il va y avoir islamisation de la société québécoise, que la polygamie envahit notre société, etc. Ces conséquences sur les cibles sont soit la peur, soit le rejet, le sentiment de rejet, soit la haine, soit une identité oppositionnelle: Je ne suis pas Québécois, un Québécois, c'est un Blanc pure laine, etc. Nous sommes à l'extrême opposé de l'identité citoyenne et de l'exercice des droits associés à la citoyenneté.

Troisièmement, le document de consultation refuse l'expression... d'utiliser l'expression «discrimination raciale» sous prétexte qu'«elle ne ? je cite ? permet pas de cerner l'objet du projet de politique». En effet, une bonne partie de la discrimination présente au Québec prend d'autres formes: discrimination selon le motif de l'appartenance à un sexe, etc. Bien sûr. Mais cet argument ne devrait pas servir à gommer l'existence d'une discrimination de nature raciste, basée sur le présupposé de la race, entre guillemets, de la couleur, ou du phénotype, ou encore de l'origine nationale. Elle est l'objet central de la politique publique.

Quatrièmement, il y a dans le document confusion entre éducation interculturelle et éducation antiraciste. Le document utilise indistinctement les deux termes comme s'ils étaient équivalents. L'une, l'éducation interculturelle, a pour objectif de réduire l'ethnocentrisme par la valorisation des cultures et la compréhension interculturelle. Historiquement, on le fait au Québec dans les municipalités par les spectacles, les loisirs, les festivals de musique ethnique, les mets ethniques, une approche qu'on a eue trop souvent, folklorique. L'autre approche, l'éducation antiraciste, repose sur une stratégie intellectuelle, politique et juridique différente, qui va évidemment varier selon les milieux ? si on est dans le milieu de l'éducation, ou dans le milieu des services sociaux, ou dans le milieu des services juridiques ? et selon bien sûr les sociétés.

Je n'entrerai pas dans la liste des mesures intellectuelles, politiques et juridiques, analysées d'ailleurs par des rapporteurs ? Doudou Diène ? par les documents du plan d'action de Durban, de la Déclaration de Durban, ou encore par les documents de la Commission des droits de la personne du Québec ? on pourra y revenir dans la période de questions. Le discours de l'État, donc, peu importe le gouvernement en place, sur le multiculturalisme au niveau fédéral, sur l'interculturalisme au niveau du Québec, sur la diversité aux niveaux fédéral et québécois, a trop souvent servi à masquer ou à amenuiser la reconnaissance du racisme dans la société canadienne et québécoise.

Dans la section qui suit ? donc, je vais passer la parole à mon collègue Jean-Claude Icart ? nous allons dégager des pistes, un certain nombre de pistes ? nous ne pouvons pas être exhaustifs étant donné le temps dont nous disposons; un certain nombre de pistes ? pour contrer le racisme, un certain nombre de recommandations qui concernent le suivi et la mise en oeuvre d'une politique publique de lutte contre le racisme qui engage l'ensemble de la société québécoise. Je vous remercie.

M. Icart (Jean-Claude): M. le Président, Mme la ministre, Mme la représentante de l'opposition officielle, distingués membres, généralement la lutte contre le racisme suit trois grandes orientations. D'abord l'éducation, on en a parlé un peu dans notre mémoire; deuxièmement, des mesures d'ordre juridique, on en a parlé un peu également; troisièmement, des politiques sociales et économiques, et c'est peut-être là qu'on va mettre l'accent.

À la page 12 du document, on peut lire ceci: «La discrimination et la création d'inégalités sociales sont intimement liées et constituent un ensemble intégré d'exclusions et de dominations complémentaires. En effet, les inégalités sociales sont un terreau fertile pour le développement de préjugés, qui tendent à se traduire par de la discrimination. La combinaison des différences culturelles et des inégalités sociales stimule fortement le racisme.» Je cite le document. Et c'est clair que ceci est confirmé par les données du dernier recensement, de 2001, qui indiquent une polarisation croissante de la société. Selon ces chiffres, pour les personnes nées au Québec ? j'insiste sur «les personnes nées au Québec», je ne parle pas d'immigration ici ? le taux de chômage était de 7,7 % pour les personnes faisant partie de la, entre guillemets, majorité blanche, 14 % pour les personnes faisant partie des minorités dites visibles, 16,1 % pour les Noirs. Et ça se confirme, dans ce recensement, à travers tout le Canada, et c'est ce que des chercheurs appellent de plus en plus le phénomène de la racialisation de la pauvreté. D'ailleurs, un livre paru cette année à Toronto parlait de «color of poverty».

Évidemment, parallèlement, on observe également une détérioration prononcée de la situation économique des nouveaux arrivants, des immigrants, et, compte tenu du profil ethnoculturel de ces derniers, cette tendance va se traduire par un écart grandissant entre les minorités visibles et les groupes d'origine européenne.

Donc, au tout premier point, on a situé bien sûr la lutte contre la pauvreté, d'autant plus qu'il y a eu d'importants débats au Québec sur la pauvreté au cours des 10 dernières années, débats couronnés par l'adoption, en 2002, de la loi n° 112, c'est-à-dire la Stratégie de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Est-ce que les mesures adoptées toucheraient les minorités visibles? Ça, c'est ce qu'il faudrait... c'est ce dont il faudrait s'assurer.

Ça prendra également une stratégie urbaine, parce que c'est de plus en plus un phénomène urbain, ce phénomène touche de plus en plus les grands centres urbains. Et, dans les grands centres urbains, un pourcentage croissant de la population des gens pauvres est constitué de communautés racialisées, nouveaux immigrants, peuples autochtones, etc. Et cette combinaison de concentration résidentielle et de marginalisation économique est généralement le signe le plus visible de la racialisation de la pauvreté dans les grandes villes.

Prenons uniquement l'exemple de Montréal. Les minorités visibles y forment 21 % de la population, 34 % des pauvres sont des membres des minorités visibles; pour les immigrants récents, ça monte à 57 %. Le taux de pauvreté général à Montréal, c'est de 29 %. Et évidemment il y a certaines concentrations résidentielles qui rendent le phénomène encore plus visible.

C'est effectivement un phénomène qu'on observe un peu partout, et c'est d'ailleurs pourquoi... c'est d'ailleurs en Europe qu'est partie l'initiative de la création d'une Coalition internationale des villes contre le racisme, mais, depuis mars 2005, il y a la formation d'une coalition canadienne de villes contre le racisme, et on espère que la ville de Montréal y adhérera dans les prochains mois. Mais ce partenariat avec les villes semble fondamental pour faire face à ces situations.

Le deuxième élément sur lequel je voudrais attirer l'attention, c'est la question de la discrimination systémique, c'est-à-dire le résultat d'une interaction de différentes pratiques discriminatoires directes ou indirectes. Et donc il s'agit de traitement, dans divers domaines de la vie sociale, sur un mode qui infériorise, entrave l'égalité et la participation, que ce soit dans le marché du travail, les institutions publiques, les médias, le système politique, sans forcément qu'il y ait d'intention consciente. Ce n'est pas forcément voulu. On a des exemples, notamment au niveau du marché du travail ou d'autres, là, mais je vais prendre un petit exemple au niveau du système de protection de la jeunesse.

n (10 h 20) n

Selon une étude récente, citée aussi dans le document ? je fais référence à l'étude de Lionel Bernard ?  la surreprésentation des jeunes Haïtiens à toutes les étapes du processus d'intervention, cette surreprésentation, il le dit clairement, n'est pas due à des attitudes discriminatoires de la part des intervenants mais résulte plutôt d'un effet systémique lié aux conditions socioéconomiques de ces jeunes. La loi encourage les mesures volontaires d'encadrement dans le milieu familial et social et fait de la judiciarisation un recours exceptionnel.

Mais les facteurs socioéconomiques qui vont être pris en compte pour rechercher une solution à la judiciarisation vont désavantager systématiquement ces jeunes, puisque les critères de sélection pour l'application des mesures volontaires excluent les cas de milieu économique pauvre, va exclure également généralement les familles monoparentales, etc., donc une bonne part de ces jeunes va être dirigée vers des services d'aide. Le résultat, c'est que, à 68 %, les jeunes qui sont pris en charge par le système de protection de la jeunesse vont suivre une trajectoire judiciarisée, contre à peu près 50 % pour l'ensemble. Donc, on a un phénomène de judiciarisation de la pauvreté, et ces jeunes-là, évidemment, un peu plus tard, on va les retrouver dans les centres de détention, etc. Enfin!

Un mot également sur la présence des minorités dans les lieux de décision, puisqu'on dit toujours que le coeur de la citoyenneté, dans une démocratie moderne, réside dans la participation à la régulation de la cité et dans l'exercice réel des droits formels. Il y a encore un déficit démocratique et de justice sociale qui persiste, et nous encourageons fortement le gouvernement à faire de la représentation adéquate des groupes racisés dans les lieux de décision par le biais de nominations relevant du pouvoir politique, une des priorités de ce programme d'action.

Je vais rapidement dire un mot sur les mesures de mise en oeuvre et de suivi. L'UNESCO, en lançant la Coalition internationale...

Une voix: ...

M. Icart (Jean-Claude): Une minute? L'UNESCO, en lançant la Coalition internationale des villes contre le racisme, disait: «Le combat contre le racisme et la discrimination raciale est un effort de longue haleine qui nécessite une actualisation régulière des stratégies et des pratiques de lutte et une mise en cohérence des différentes politiques internationales et régionales.» Le maître mot ici, c'est la continuité dans l'action, la cohérence et la constance nécessaires pour obtenir des résultats significatifs.

Alors, on terminait notre mémoire en disant qu'il serait souhaitable qu'une telle politique, pour y arriver, fasse l'unanimité à l'Assemblée nationale. Est-ce que ça suffirait? Honnêtement, je l'ignore, parce que cette constance impliquerait un budget pluriannuel avec possibilité de renouvellement. Est-ce que ça prendrait une loi-cadre qui définisse un programme, une résolution de l'Assemblée nationale avec des points précis sur l'obligation et des mécanismes de suivi? Honnêtement, on l'ignore, et on terminera plutôt par une requête, c'est de trouver cette formule juridico-administrative ou cette loi qui permettrait d'assurer la pérennité d'une action qui ne peut que s'inscrire dans la longue durée. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup de votre présentation. Nous sommes donc à l'étape des échanges, et je suis prêt à reconnaître immédiatement Mme la ministre. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Labelle, Pr Icart, merci d'avoir accepté de participer à ces audiences. Vous pouvez considérer que votre mémoire sera pris en considération, comme tous les mémoires que nous allons recevoir. Vous avez une expérience qui s'avère très, très utile, je dirais, et il est évident que toutes vos suggestions seront examinées avec toute l'attention qu'elles méritent. Pr Icart, vous avez terminé votre intervention en parlant d'un cadre législatif. Présentement, nous envisageons une politique pour lutter contre... un politique gouvernementale. Donc, lorsqu'on parle d'une politique gouvernementale, on parle d'une politique qui interpelle toutes les composantes du gouvernement, et non pas que la responsabilité du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Donc, évidemment, une politique gouvernementale peut en mener très large, et par la suite il y aura un plan d'action; avec le plan... avec la politique de lutte, il y aura un plan d'action qui sera déposé, dans lequel nous allons retrouver les moyens d'action évidemment pour mettre de l'avant le plan.

Vous parlez d'un cadre législatif. J'aimerais vous entendre un peu plus sur le cadre législatif. Est-ce que vous croyez que nous avons besoin d'une loi? Parce que, bon, moi, je considère que nous avons déjà la Charte des droits et libertés qui interdit toute forme de racisme et de discrimination. On le sait, ce n'est peut-être pas suffisant, on n'a peut-être pas les moyens qu'on devrait avoir, mais vous parlez de loi, de cadre législatif, j'aimerais ça vous entendre un peu plus là-dessus.

M. Icart (Jean-Claude): Je vais terminer en soulignant mon ignorance et en présentant une requête. Est-ce que c'est une loi? Est-ce que ça prend une résolution? Je l'ignore, madame. Et je terminerai en disant ceci: Cependant, c'est clair que, quand on parle d'action, de lutte contre le racisme, la plupart des expériences nous indiquent que les résultats durables surviennent après une action de 10, 15, 20 ans, c'est-à-dire ça s'inscrit sur une longue durée. Comment arriver à cette constance dans l'action, qui seule va garantir des résultats durables? C'est la question.

Vous avez parlé de loi, enfin on peut prendre un exemple au niveau interculturel: On a eu l'énoncé de politique de 1990, qui a été adopté à l'unanimité de l'Assemblée nationale. C'est un précédent et un domaine connexe. Est-ce qu'on a eu forcément cette même constance au niveau des plans d'action? Est-ce que les différences entre les plans d'action n'ont pas été parfois très grandes? Vous voyez? Parce qu'il y a eu beaucoup de flottement. Le signe le plus clair de ça: depuis 1990, le ministère a changé probablement de nom à quatre ou cinq reprises, et à chaque fois c'étaient des orientations différentes, des plans d'action différents. Vous voyez? Alors, comment arriver à cette constance, pas seulement au niveau de la politique, mais des plans d'action? C'est la question que je pose, et je reconnais que nous n'avons pas de réponse. Et c'est une requête que nous adressons à la commission.

C'est quoi, la meilleure formule? Nous ne savons pas. Mais on pense que ce serait fondamental que la commission propose cette formule qui permette cette continuité et cette constance. Parce qu'autrement on ne va pas y arriver. Si on prend le programme d'équité en emploi, le premier date de 1990; ensuite, après trois mois, il n'était plus mis en vigueur, il y en a eu un autre qui a duré deux ans. Bref, après 15 ans, on est passés de 2,3 % à 2,5 %. Les résultats ont été très maigres à cause de ce manque de constance dans l'action. Vous voyez? Même si on a des résultats modestes, je pense que, s'il y a une politique suivie et constante, au bout de 15, 20 ans, on aurait des résultats extrêmement intéressants et durables, je veux dire, pour l'ensemble de la société.

Mme Labelle (Micheline): Nous avons consulté brièvement un juriste spécialisé en droit de la personne qui propose effectivement une loi-programme ? n'étant pas juristes, on ne peut pas élaborer là-dessus; une loi-programme ? qui est adoptée par le Parlement, qui contient des orientations et qui fixe un programme qui engage les autorités, mais qui engage l'ensemble de la société québécoise. Ou encore une résolution du Parlement avec des points précis, et l'idée est de protéger ce plan d'action contre les changements de gouvernement, contre les crises gouvernementales.

Quand il s'agit de la politique relative aux relations interculturelles ou à l'immigration, on sait bien que le changement de gouvernement entraîne un nouveau discours, on sait bien que le discours du gouvernement, d'un gouvernement libéral n'est pas celui d'un discours d'un gouvernement péquiste. Les termes ne sont pas les mêmes, les priorités ne sont pas les mêmes, quand on fait l'analyse des documents depuis les années quatre-vingt. Il s'agit donc de mettre à l'abri les enjeux politiques qui traversent la société québécoise, de mettre à l'abri donc le plan d'action des enjeux politiques qui traversent la société québécoise.

n (10 h 30) n

Mme Thériault: Merci, je comprends mieux. Mme Labelle, lors de votre intervention, vous avez parlé aussi des médias, oui, les médias, le rôle que jouent les médias. C'est évident, vous le savez, que les médias du Québec sont indépendants, comme tous les médias évidemment. Comment vous pensez que le gouvernement pourrait améliorer l'image des communautés culturelles ou le traitement de l'information tout en respectant l'indépendance des médias? Parce que ce n'est pas évident, hein, les médias peuvent faire et reproduire ce qu'ils veulent, évidemment. Moi, je sais bien, je suis consciente que, comme députée, si je dis quelque chose, ça peut être reproduit dans les médias, comme ministre aussi. J'assume mes propos, mais il y a beaucoup de gens qui vont assumer leurs propos aussi, à tort ou à raison. Et on a plein d'exemples, là, qui sont assez faciles, où on va mettre l'accent réellement sur ce qu'on veut bien mettre, ce qu'on veut bien voir. Vous l'avez bien démontré avec les mosquées notamment. Comment vous pensez qu'on devrait essayer de travailler avec les médias pour...

Mme Labelle (Micheline): Prenons un exemple qui me tient à coeur, c'est la distinction, dans l'espace public, entre autochtone et Blanc: inacceptable, cette distinction. Dans la société, il y a des autochtones et des non-autochtones, le reste, ce qui n'est pas autochtone n'est pas nécessairement blanc, et de toute façon je ne vois pas pourquoi on diviserait une société en Blancs et autochtones. Bon. C'est... Beaucoup de journalistes utilisent encore le terme de «Blancs», et, dans l'appareil politique, au sein de l'État, on a commencé à prendre un recul ? on le voit dans le document ? parce que beaucoup d'analystes et d'ONG ont milité pour faire disparaître l'utilisation de la notion de race dans les documents; elle pose problème, d'où l'adoption du terme... et même la notion de minorité visible pose problème. Si on se réfère à sa définition dans la Loi sur l'équité en emploi du gouvernement fédéral: personnes qui ne sont pas de race blanche ou qui n'ont pas la peau blanche. Ça pose un problème de fond. Bon, il y a un moyen de s'en sortir, c'est par l'utilisation du groupe... de la notion de «groupes racisés», de «groupes racialisés». On le fait un peu dans le document.

Si le plan d'action vise une action interministérielle, une concertation interministérielle pour sensibiliser les fonctionnaires, dans l'écriture de leurs documents, dans leurs réflexions, etc., à prendre certaines distances par rapport à certains termes, certains stéréotypes, je ne vois pas pourquoi, par son action de sensibilisation de la société civile, ça n'atteindrait pas les tribunaux, les médias, etc. Il ne s'agit pas d'imposer, de faire force de loi, mais il s'agit de concertation, de programmes de formation. Les juges ont besoin de programmes de formation, depuis 20 ans on en parle. Les policiers ont besoin de programmes de formation. Et là on parle d'éducation antiraciste. L'éducation antiraciste, ce n'est pas l'éducation interculturelle. L'éducation raciste, ça suppose... Ce n'est pas seulement l'éducation antiraciste, c'est un ensemble de mesures politiques et juridiques, les programmes d'équité à l'emploi, le fait qu'il y ait un comité, par exemple, contre le harcèlement de nature raciste dans les entreprises, dans les institutions scolaires, dans le milieu des services sociaux, etc., le fait qu'il y ait de la sensibilisation. Les documents de la Commission des droits de la personne sont très clairs sur l'action éducative et de sensibilisation. Il y a des mesures très concrètes. Et on doit... De toute façon, on a un très bel héritage au Québec. On a, depuis les années quatre-vingt-dix et même avant, des réflexions sur les défis de l'accommodement raisonnable, qui touchent la gestion de la diversité ethnoculturelle ? ce qui est autre chose; on a une réflexion sur l'adaptation des institutions publiques à la diversité, qui touche des mesures internes et qui touche des mesures externes. On a des documents. On a un héritage. On a des documents, écrits par des fonctionnaires, qui sont précieux, il s'agit de retourner à ça et d'adapter ces documents à l'analyse d'une stratégie antiraciste. Alors, la concertation, comme on peut le faire avec les ONG.

D'ailleurs, dans la coalition des municipalités contre le racisme, la coalition canadienne, il y a des engagements, il y a un plan d'action en 10 points qui touche la municipalité comme employeur, la municipalité comme milieu de vie pour des citoyens, la municipalité comme garante de l'ordre public. Dans chaque cas, il y a une série d'engagements. Au niveau de la coalition européenne, on a pris des engagements qui sont relatifs à la situation des villes européennes, ce n'est pas la même chose. Il fallait adapter le plan d'action en 10 points à la situation des villes canadiennes, et chaque ville canadienne doit bien sûr adapter aussi son plan d'action en fonction des spécificités. Mais il y a beaucoup d'exemples ici, et donc dans ce sens je dirais que c'est encore une fois une question de stratégie politique, de stratégie intellectuelle et de lien avec les institutions concernées, dont les associations de journalistes, les médias, etc.

Mme Thériault: C'est beau, merci.

Le Président (M. Brodeur): Est-ce qu'il y a un autre intervenant maintenant?

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Donc, c'est ça, il y avait plusieurs... Excusez-nous, une petite question de procédure. Parce que souvent il y a toutes sortes de possibilités d'intervention, soit de 20 minutes de chaque côté en un seul bloc ou en blocs de 10 minutes.

Mme Lefebvre: ...aux 20 minutes, puis on fera notre bloc de 20 minutes ensuite.

Le Président (M. Brodeur): Je n'ai aucune objection. Chacun des députés est libre d'intervenir comme il veut. Donc, il y a 11 minutes de faites environ sur le côté ministériel; il reste neuf minutes du côté ministériel et 20 minutes du côté de l'opposition officielle. Mais, moi, je suis libre de disposer de la façon dont vous le désirez.

Mme Thériault: Je veux bien continuer, là.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, Mme la ministre.

Mme Thériault: Je pense ça aurait été intéressant aussi d'aller en alternance, mais il n'y a pas de problème...

Le Président (M. Brodeur): Peut-être. Nous pourrons en discuter durant la période de la pause.

Mme Thériault: C'est beau. C'est beau. J'aimerais vous entendre sur les crimes haineux, toute la propagande aussi qu'on peut retrouver sur Internet. Vous savez que le gouvernement fédéral a un pouvoir de législation en matière de crimes haineux et évidemment pour tout ce qu'on peut retrouver sur Internet, qui est un fléau, on doit le dire.

Nos jeunes ont accès à peu près n'importe quoi sur Internet, et les crimes haineux et les propos haineux qui sont propagés peuvent influencer de beaucoup nos jeunes et notre société comme telle. Évidemment, c'est de la législation fédérale.

J'aimerais peut-être vous entendre là-dessus, par rapport à ce que vous attendez du gouvernement du Québec. Parce que, bien que ce soit une compétence fédérale, évidemment on peut... on travaille quand même en collaboration. Il y a des choses qu'on peut faire. Est-ce que vous attendez que le gouvernement du Québec intervienne dans cette matière-là?

M. Icart (Jean-Claude): Pour les crimes haineux, surtout si on parle d'Internet, c'est clair que ce n'est même pas le gouvernement fédéral. On parle de législation internationale à ce niveau-là, puisque même la loi fédérale, je veux dire...

En Colombie-Britannique, beaucoup de groupes haineux ont leur site hébergé en dehors du Canada. Donc, là, on parle vraiment de législation internationale. Le gouvernement du Québec a certainement son mot à dire là-dessus. La plupart des conventions internationales doivent être approuvées par les gouvernements provinciaux. Donc, c'est sûr qu'on souhaite une meilleure collaboration à ce niveau-là.

Si on pense, par exemple, au Comité pour l'élimination du racisme et de la discrimination, souvent les rapports du Canada ont été très en retard. Et, au Canada, on nous dit généralement que ce sont les provinces qui ne font pas leurs devoirs à temps. Est-ce que c'est vrai? Je l'ignore, mais c'est clair que crimes haineux, Internet, de plus en plus ça prend absolument des législations internationales qui ont du mordant. Et, pour ces législations internationales, c'est une meilleure collaboration entre les provinces et le gouvernement fédéral, de ce que j'ai compris des autorités fédérales.

Mme Thériault: Je suis convaincue que le député de Mercier sera peut-être intéressé à revenir sur ce sujet-là. Je sais que mon collègue de Charlesbourg voulait faire une intervention, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue également. Je me permets de souhaiter la bienvenue ici, à l'Assemblée nationale, à M. Icart et à Mme Labelle. Je me permettrai, compte tenu que le temps file, de faire référence au bilan que vous... le bilan annuel que vous suggérez de dresser, compte tenu que c'est unanimement... les différents paliers gouvernementaux sont d'accord pour dire qu'il manque un tel bilan annuel.

Et vous suggérez que ce soit un bilan de calibre universitaire ou du moins rédigé, compilé par une institution universitaire. Et là, je me pose la question à l'effet... pourquoi ça devrait être une institution universitaire et non pas la Commission des droits de la personne, par exemple?

Et vous, également, dans votre mémoire, dites que vous avez peut-être peur à un certain lobby, si jamais c'était une autre institution que... que la vôtre, par exemple, ou peut-être... peut-être est-ce que je vous ai mal compris? Alors, j'aimerais avoir quelques explications là-dessus, si c'est possible.

n (10 h 40) n

Mme Labelle (Micheline): La question de l'université, c'est en principe, je dis bien «en principe», parce que la réalité est parfois différente, en principe, ça suppose indépendance face à l'État, analyse critique et rigueur dans les méthodologies. Ça, c'est l'idéal de la conception universitaire. Et je pense qu'on sait bien que la recherche de nos jours est de plus en plus liée aux injonctions de l'État, ou en tout cas aux interpellations de l'État et des entreprises. Mais ça, c'est une autre question.

Nous pensons qu'effectivement les ministères peuvent bien faire; ce serait bien sûr extrêmement utile que chacun des ministères fasse un bilan des manifestations du racisme, l'analyse du discours. Et est-ce que le ministère fera sa propre analyse, l'évaluation de l'efficacité des mesures entreprises? Voilà la question qui se pose. Dans ce sens-là, on pense que ça ne devrait pas être confié, uniquement en tout cas, aux ministères, à l'État. Par ailleurs, les ONG, beaucoup d'ONG ont leur propre agenda politique, n'ont pas nécessairement les moyens, d'accord?, et donc ont une fonction essentiellement de lobby, dans un sens positif du terme, donc leur mission n'est pas de faire l'analyse des manifestations du racisme, de ses logiques, de ses niveaux et de faire l'analyse des mesures de l'évaluation de l'efficacité des mesures de correction qui sont prônées dans une société donnée. Dans ce sens-là, on pense que l'université, mais de concert avec les ministères ou avec un organisme comme la Commission des droits de la personne ? ça pourrait aussi être la Commission des droits de la personne ? dans tous les cas il faudrait... évidemment ça suppose des moyens à donner à l'instance à qui on confiera de faire ce bilan.

M. Mercier: Pourrait-on parler également d'une espèce de coopération interuniversitaire québécoise, par exemple, en la matière?

Mme Labelle (Micheline): On peut parler de coopération interuniversitaire, on peut parler de coopération avec la Commission des droits de la personne, on peut parler de coopération avec les ministères, oui. Oui, on peut en parler en principe.

M. Icart (Jean-Claude): Deux éléments sur lesquels je voudrais attirer l'attention. Bon, on peut parler aussi de partenariat, il n'y a pas de doute, mais il y a deux choses. Premièrement, si on parle de discrimination systémique, est-ce que ça sera toujours par des enquêtes publiques de la Commission des droits de la personne? La dernière remonte à à peu près 20 ans. Et l'exemple que j'ai cité, de Léonel Bernard, c'est une enquête sur la discrimination systémique dans les services sociaux, dans l'occurrence protection de la jeunesse... et à différentes recherches de ce type qui doivent être faites soit par la Commission des droits de la personne dans le cadre de grande enquête publique, exemple, le racisme dans le taxi, exemple, les relations entre les jeunes des minorités visibles et la police, et ces enquêtes ont débouché sur des correctifs d'ordre structurel, et j'insiste, qui ont profité à l'ensemble de la société, pas seulement aux groupes racisés. Le bureau du taxi, le plan d'assainissement du taxi, etc., ça a profité à l'ensemble des chauffeurs de taxi. L'enquête sur les jeunes des minorités visibles et la police a débouché notamment sur la police communautaire aujourd'hui, et ça, c'est des mesures qui touchent l'ensemble de la société.

Et il y a bien des secteurs, que ce soit au niveau de l'éducation notamment, où il y a des enquêtes de ce type qui doivent être faites. Il y a du travail également assez spécialisé notamment au niveau des statistiques, au niveau de la ventilation des données. Parce que j'ai mentionné à dessein la stratégie de lutte contre la pauvreté, puisque, dans cette stratégie, le document gouvernemental de l'époque disait: Nous ne disposons pas de données directes sur l'incidence de la pauvreté chez les minorités visibles au Québec. Ces données n'existent pas, il faut les construire, soit au niveau administratif, soit partenariat avec StatCan, pour inclure cette dimension dans l'enquête dynamique sur le revenu et le travail.

Il y a des éléments assez techniques qui doivent être faits et également, bon, il y avait, comment dirais-je?, ce souci de continuité, de permanence dans l'action et de mettre à l'abri. Ça devra probablement se faire en partenariat avec l'État, il n'y a pas de doute, mais je veux dire qu'il y a quand même des éléments de recherche de fond à faire aussi dans ce dossier-là, si on veut vraiment toucher les cibles qui nous intéressent.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Je suis vraiment heureuse qu'on ait pu commencer cette commission en ayant l'honneur de vous entendre, votre mémoire est très enrichissant pour le débat que nous tenons aujourd'hui.

Pour prendre la balle au bond sur... j'ai plein de questions, j'espère que j'aurai l'occasion de toutes les poser. Je sais que mes collègues également en ont plusieurs. Donc, pour prendre au bond la question de mon collègue, lorsqu'on parle du bilan annuel, donc vous mentionnez, bon, l'observatoire notamment ou un organisme indépendant universitaire pourrait pouvoir faire ce bilan; vous avez parlé également de la Commission des droits de la personne. Quel est à votre avis les outils qui devraient être mis à la disposition d'un tel organisme pour qu'on puisse effectuer un suivi serré? Vous avez parlé également de l'importance d'assurer le suivi des politiques, d'assurer le suivi des plans d'action. Depuis plusieurs années, je pense que le gouvernement du Québec a toujours démontré une volonté nette de vouloir contrer, là, la discrimination et le racisme. Je pense que la volonté a été là. Malheureusement, c'est dans l'action, je pense, puis, comme vous l'avez mentionné, dans le suivi de ces politiques-là que les lacunes se sont démontrées, puis qu'en 2006 finalement on se retrouve avec les résultats que l'on a, notamment si on pense à la présence des minorités racisées ou des groupes, par exemple, dans la fonction publique.

Donc, je me demandais quels seraient à votre avis les outils qui devraient être mis à la disposition d'un organisme afin qu'on puisse avoir un bon bilan, puis, ensuite de ça, qu'est-ce qu'on devrait faire pour avoir le meilleur suivi de nos politiques et plans d'action.

Mme Labelle (Micheline): Je ne connais pas la budget de la Commission des droits de la personne du Québec, mais je pense qu'ils se plaignent un peu de leur côté de ne pas pouvoir tout faire. Quant à nous, si je pense à l'Observatoire sur le racisme et les discriminations, nous fonctionnons avec un budget annuel de 30 000 $ cette année, et, avec ce budget annuel, grâce, entre autres, à un montant accordé pour l'année par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles du Québec, avec ce budget, nous pouvons faire une veille mensuelle qui surveille tout ce qui se passe, tout ce qui se produit en termes de rapports internationaux pertinents dans la lutte contre le racisme, puis en ce qui touche les groupes cibles suivants: les autochtones, les minorités racisées, les femmes et les réfugiés et demandeurs d'asile.

Nous publions un bulletin quelques fois par année, mais nous ne pouvons pas faire le suivi ni l'analyse. Nous ne pouvons pas, avec ces moyens-là, faire un bilan systématique, qui demande des outils statistiques, des méthodologues, l'utilisation de l'enquête statistique, de l'analyse de contenu, l'embauche d'un méthodologue à temps partiel ou à temps plein, et en plus faire des analyses d'évaluation. C'est absolument impossible. Je ne sais pas si la Commission des droits de la personne, dans le secteur de recherche qu'elle a, a tous les moyens pour fonctionner, je l'ignore, mais les outils sont multivariés. Il y a une question de données, enquêtes, enquêtes, données, collecte de données statistiques, collecte de données d'entrevue, analyses de contenu, analyses statistiques, diffusion de l'information, etc. Tu veux ajouter quelque chose?

M. Icart (Jean-Claude): C'est sûr que, dépendant de l'ampleur qu'on veut donner à ce bilan-là, dans le mémoire, on indique les grandes lignes. Bon. Est-ce qu'il y faut toutes les retenir? Ça, c'est autre chose, mais c'est clair que l'accès à des données de type administratif et la ventilation de ces données est fondamental. Avoir à faire le bilan d'une politique gouvernementale dans ce cas-là, honnêtement, je me serais beaucoup inspiré du dossier des femmes. Je vais prendre un exemple. Le programme d'équité en emploi pour les femmes date de 1985. Un peu plus de 10 ans après, grâce à un suivi soutenu, ce groupe était assez confiant de la permanence des résultats, c'est-à-dire avoir atteint une masse critique qui rend les changements irréversibles, qu'il se préoccupait déjà d'équité salariale plus que d'équité en emploi, vous voyez?

Pour les minorités visibles ? le programme date de 1990 ? jusqu'à aujourd'hui, on est au même point. Il y a un problème. On connaît la mécanique qui fait fonctionner un programme d'équité en emploi, puisqu'on l'a fait pour un autre groupe, voyez? Pourquoi réinventer la roue, pourquoi ne pas s'inspirer de cette mécanique, de cette plomberie? Quels ont été les éléments de suivi? Quels ont été les éléments? Si je parle uniquement d'équité en emploi, je me serais inspiré de ça pour faire ce suivi-là et pour essayer d'assurer cette constance, d'autant plus que ce programme, bon, on le sait, a été offert quelque part et copié sur d'autres programmes faits au sud de la frontière.

Donc, ça existe, ces éléments-là, c'est l'accès aux données, c'est la possibilité de certaines recherches fondamentales surtout au niveau de la discrimination systémique. Et quelle ampleur est-ce qu'on veut en plus... est-ce que c'est simplement une veille? Le suivi administratif des programmes, qu'est-ce qu'on se donne comme résultats? Plus souvent qu'autrement, on a des résultats... on a des indicateurs de mise en oeuvre seulement. Exemple, on veut avoir, je ne sais pas, moi, 50 programmes recherche dynamique d'emploi, et puis on a atteint ses objectifs. Non. C'est quoi, les indicateurs de résultats qu'on a? Pour travailler avec des indicateurs de résultats, c'est, minimum, évaluation aux trois ans. Donc, enfin, c'est les différents niveaux.

n (10 h 50) n

Mme Lefebvre: Sur le suivi, justement, différents groupes proposent différentes alternatives; bon, il y a la création d'un comité interministériel, ou encore le ministère de l'Immigration peut être celui qui va assurer le suivi, malgré que par le passé c'est un peu lui qui en avait un peu la responsabilité, puis on voit les résultats un peu mitigés. D'autres groupes pensent à un vérificateur ou à un secrétariat. Bon, il y a la commission, vous en avez parlé, j'aimerais vous entendre aussi sur la commission, puis le mordant et les dents que la commission peut avoir. C'est quoi, le bilan que vous dressez de l'action de la commission? En fait, la commission doit... en fait sa mission, c'est le respect puis la promotion de notre charte, alors je pense que la commission est un outil fondamental qu'on s'est donné. Maintenant, quel bilan faites-vous? Puis, sur les mesures de suivi, quel type de structure serait la meilleure?

M. Icart (Jean-Claude): Je déplore notamment que la commission n'ait pas travaillé au niveau des enquêtes systémiques depuis 20 ans. Ses résultats les plus importants sont venus de là, première chose. Deuxième chose, le principal reproche qu'on fait à la commission souvent, c'est les délais relativement longs en termes de traitement des plaintes, alors qu'à côté de ça le Tribunal des droits de la personne reçoit un nombre relativement peu élevé de cas. Donc, il y a comme un effet d'engorgement.

Troisième élément, au niveau même de la comptabilité des plaintes pour discrimination, c'est systématiquement sous-évalué. Pourquoi? Parce que la jurisprudence interdit, par exemple, les doubles recours. Si le harcèlement au travail va provoquer, mettons, un accident, si je vais à la CSST, je n'ai pas le droit d'aller à la commission. Je dois choisir. Et donc il y a une plainte en discrimination qui ne sera jamais enregistrée. Parce que, dès qu'un cas passe par les tribunaux administratifs, la commission ne peut pas se saisir de ce dossier-là. Il y a des choses à améliorer, il n'y a pas de doute. La commission, enfin tout le monde applaudit, c'est un excellent outil, il y a des choses à améliorer.

Et au fond est-ce que la commission, quand on parle de ce dossier-là... Parce que ça, ce serait... enfin pas une nouveauté, là, mais ce serait vraiment... L'article 10, et c'est confirmé par l'article 45, parle de... et le Québec est unique à ce niveau-là, un des motifs de discrimination qui n'a jamais été évoqué à ma connaissance durant la commission, c'est la condition sociale. Et, quand on parle de lutte à la pauvreté, c'est une ouverture du travail de la commission sur les droits économiques et sociaux, qui généralement ont été les parents pauvres en termes de défense des droits. Et, si on parle d'indivisibilité des droits, il y a beaucoup de travail qui va se faire au niveau des droits civils et politiques, mais le recours à des organismes comme la commission pour les droits économiques, sociaux et culturels est généralement beaucoup plus faible. Et, si, comme on le dit au début, on lie la lutte contre le racisme à la lutte contre les inégalités, je pense que ce serait une ouverture, ça ouvrirait un champ extrêmement riche à la commission.

Mme Lefebvre: Donc, est-ce qu'on peut comprendre que, en fait, la commission a son utilité? Tout à l'heure, vous avez mentionné qu'on se questionnait sur les budgets que recevait la commission, donc en fait ce serait de renforcer les mandats en donnant des ressources à la fois humaines, puis des mandats de recherche, notamment des enquêtes systémiques, qui pourraient nous permettre de dresser un vrai bilan une fois pour toutes, pour ensuite pouvoir continuer avec des bilans annuels?

M. Icart (Jean-Claude): Il reste la difficulté ? je m'excuse; il reste la difficulté ? la commission fait partie du gouvernement. Si je prends l'exemple des programmes d'équité en emploi, la commission est chargée de faire le suivi pour les programmes s'adressant au privé ou au parapublic, mais, pour le plan d'action gouvernemental, ce n'est pas la commission, c'est le Conseil du trésor. Est-ce que la commission, faisant partie de l'appareil gouvernemental, aura cette possibilité? C'est une question qu'on doit se poser. Le gouvernement se soustrait lui-même au suivi de la commission dans le cadre du Programme d'équité en emploi. Est-ce que le gouvernement ne va pas aussi se soustraire? Est-ce que les motifs qui ont fait qu'il se soit soustrait pour le Programme d'équité en emploi, est-ce que ces mêmes motifs ne vont pas être évoqués pour un plan d'action gouvernemental? Je m'excuse d'avoir plus de questions peut-être que de réponses.

Mme Lefebvre: Non, mais c'est extrêmement important, ce que vous soulevez, puis c'est ce qui permet à la fin d'avoir les résultats, finalement.

Tout à l'heure, vous avez parlé, en termes de législation qu'on pourrait adopter, d'une loi-programme qui vous a été conseillée. Je ne sais pas si vous avez des exemples ou modèles de... Est-ce que ça s'est fait à l'étranger, ou c'est seulement à l'étude?

Mme Labelle (Micheline): C'est en dehors de nos compétences. Ça relève du...

Mme Lefebvre: O.K. Parfait. Vous avez mentionné hier, au Téléjournal notamment... Ce n'était pas vous? Ah, pardon. Donc... Bien en fait cette question ne s'applique plus.

Mais vous avez parlé tout à l'heure sur, bon, la commission, le tribunal, le tribunal, le nombre de plaintes qu'il reçoit. Est-ce que vous pouvez élaborer sur ça, les raisons pour lesquelles...

Mme Labelle (Micheline): J'ai essayé de trouver l'information dans les rapports annuels de la Commission des droits de la personne, ventilée. On sait que le handicap est la première source de plainte. Ensuite, il y a les plaintes de nature raciste. Ensuite, c'est les discriminations selon le sexe. J'ai essayé de voir si, depuis 2001, entre autres, il y avait augmentation pour chacun des motifs, et c'est difficile à voir parce que la terminologie utilisée est la race, et on ne sait pas... et la religion, mais on ne sait pas à quel groupe précis ça réfère. Je n'ai pas eu le temps de pousser davantage l'analyse, mais les journalistes prétendent qu'il y a une augmentation, et je ne sais pas d'où ils tiennent l'information, une augmentation des cas de discrimination de nature... à l'égard des musulmans et des Arabes en particulier. Bon.

Maintenant, est-ce que tous les cas sont rapportés? Est-ce que tous les gens ont accès à la Commission des droits de la personne, ont les moyens, ont les connaissances pour aller rapporter des cas? Ça, c'est une autre question qui demanderait un peu de temps pour l'investigation.

M. Icart (Jean-Claude): Si vous permettez, rapidement. Oui, il y a une augmentation des cas de discrimination. On pense que c'est un effet de l'après-11 septembre et qu'il y a eu beaucoup de cas, surtout en termes de discrimination à l'embauche, touchant les minorités arabo-musulmanes.

Au niveau du tribunal, les derniers chiffres que j'avais, on parlait d'une quarantaine de cas par an. Puisque le tribunal, en fait l'accès au tribunal, ça passe par la commission, ce que je voulais souligner, c'est le fait que le tribunal soit à mon avis sous-utilisé, alors qu'on se plaint des délais trop grands à la commission. Disons, les victimes, là, se plaignent du délai trop grand à la commission, alors qu'il me semble que le tribunal est sous-utilisé. Est-ce qu'il y a moyen de réaffecter ça, que les services d'enquête, je ne sais pas, relaient plus de dossiers ou plus rapidement au Tribunal des droits de la personne de façon à accélérer le processus, à faciliter le processus? Enfin, on constatait cette sous-utilisation du tribunal, c'est tout.

Le Président (M. Brodeur): Il y a deux demandes d'intervention pour les cinq dernières minutes qui nous restent: le député de Mercier, puis ensuite le député de Saint-Hyacinthe. M. le député de Mercier. Ah! Ou Mme la porte-parole.

Mme Lefebvre: ...avant de céder la parole. Vous avez parlé tout à l'heure de l'importance de lutter contre les inégalités, donc la lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale. Vous avez parlé de l'importance de mettre en oeuvre des politiques sociales et économiques, donc des programmes. Notamment, j'imagine que vous pensez au logement, l'accès à l'emploi. Est-ce que vous avez des modèles récents ou des suggestions de politiques qui devraient être mises en oeuvre rapidement et qui peuvent vraiment faire la différence au quotidien chez les personnes qui sont victimes de discrimination ou de racisme?

n (11 heures) n

M. Icart (Jean-Claude): Très rapidement, ce serait... si je pense à la situation à Montréal, ce serait d'abord au niveau des logements sociaux, et, si on parle en termes de politique publique, enfin je ne sais pas si c'est une politiques publiques ou... mais, cette année, ce qu'on a constaté, c'était l'augmentation du nombre de personnes à l'emploi et qui sont quand même sous le seuil de la pauvreté. Est-ce que, au niveau du salaire minimum, il y aurait quelque chose à voir? Évidemment, projets de création d'emplois, et surtout s'assurer que des programmes mis en oeuvre dans le cadre de la stratégie de lutte à la pauvreté touchent les minorités visibles. Parce que, dans cette stratégie, on déplore ne pas avoir des données suffisantes par rapport aux minorités visibles. Est-ce que les programmes adoptés rencontrent les caractéristiques de la pauvreté chez les minorités visibles? Il faut s'en assurer.

Je vais prendre un exemple. Quand on attribue les programmes par territoire, par quartier de Montréal, par arrondissement, ça facilite l'administration, mais on va retrouver des concentrations de pauvres ou de minorités visibles dans des quartiers moyens: Montréal-Nord, Saint-Léonard, etc., ce qui veut dire que ces programmes vont peut-être marcher dans Saint-Henri ou Hochelaga-Maisonneuve, mais les concentrations dans ces quartiers moyens n'ont pas accès à ces programmes, et c'est ce genre de raffinement qu'il faut faire. Le programme existe, oui, mais est-ce qu'il retouche ces personnes-là? Pas évident.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Mercier.

M. Turp: M. le Président, un commentaire d'abord puis ensuite une question. D'abord, j'ai beaucoup apprécié que vous inscriviez le débat qui commence ici dans une perspective internationale en parlant de la Convention internationale sur l'élimination de toute forme de discrimination raciale, et tout ce qui s'est fait depuis à l'ONU, à l'UNESCO, ce qui se fait dans le milieu des villes, et je suis assez d'accord avec votre remarque selon laquelle le mot «discrimination raciale» ne devrait pas être gommé dans nos débats, et je pense qu'on va devoir revenir à la définition qu'il y a dans la convention de 1965 pour nous rendre compte jusqu'à quel point elle est encore pertinente et ne devrait pas être gommée au Québec, parce qu'il y a quelque chose qui s'appelle la discrimination raciale. Et, moi, j'ai fait, par l'intermédiaire du secrétaire de la commission, j'ai fait distribuer la convention, et je suggère aux membres de cette commission d'en prendre bien connaissance, avec les observations générales qu'a faites le comité sur la discrimination raciale pour chacun des articles à la suite de l'examen des rapports des États.

Puis, en passant, le Canada est très souvent en retard, mais au moins le Québec, lui, ne l'est pas. Et, quand le Canada est en retard, ce n'est pas à cause du Québec, mais il l'est beaucoup souvent, et le comité l'a rappelé à maintes reprises. Et le Canada est d'ailleurs en violation de la convention parce qu'il refuse d'interdire les groupes comme le Ku Klux Klan et d'autres groupes qui font de la propagande haineuse en faveur de la guerre.

Ma question, et je pense qu'elle devrait faire l'objet de nos débats en partie, c'est sur l'islamophobie et l'antisémitisme, parce que ça, c'est un vrai problème, et un problème contemporain. Puis on l'a vu cet été dans les débats, dans nos quotidiens, par exemple, et c'est un débat qui recommence à chaque fois qu'on parle du 11 septembre, qu'on s'en approche, qu'on s'en éloigne, mais on y revient. Est-ce qu'il y a quelque chose de particulier qui doit être fait pour prévenir l'islamophobie et l'antisémitisme au Québec?

Mme Labelle (Micheline): Bon, le racisme englobe à mon avis les formes particulières que certains appellent le racisme anti-Noirs, ou l'islamophobie, ou l'antisémitisme. Actuellement, je ne parle pas de longues périodes historiques antérieures, on parle des sociétés contemporaines, il y a... le racisme... donc les mesures sont générales, englobent tous les groupes cibles, dont les musulmans, dont les Arabes, etc.

Maintenant, est-ce que quelque chose doit être fait en particulier? La concertation avec les groupes visés, une élaboration de mesures de sensibilisation, d'éducation avec les groupes visés, peut-être? Certainement la concertation, certainement la recherche de données concrètes au sujet des groupes visés. Parce qu'effectivement les rapports des rapporteurs aux Nations unies mentionnent, je le répète, quatre groupes: les autochtones, les communautés noires, les Asiatiques ? on parle du Canada, là, dans l'ensemble canadien, les Asiatiques dans l'Ouest ? les musulmans et les Arabes.

Dans tous les cas, ça suppose une connaissance des situations concrètes acquise auprès des groupes visés et puis une concertation pour imaginer des mesures de sensibilisation, d'éducation et de correction.

M. Icart (Jean-Claude): Si vous permettez...

Le Président (M. Brodeur): En conclusion.

M. Icart (Jean-Claude): 30 secondes sur ce point-là. Souvent, mes étudiants, je leur propose d'étudier le conflit en Irlande du Nord en sortant la religion protestante et catholique ? parce que les groupes se définissent comme religieux. Évidemment, c'est le tollé dans la classe. Alors, si on enlève les causes économiques, sociales, politiques et historiques, il ne reste que la haine pour expliquer ce conflit. Et, en focalisant uniquement sur cette dimension-là par rapport au Moyen-Orient, il ne reste que la haine pour expliquer le conflit. Je pense que trop souvent on évacue ces autres dimensions. C'est peut-être un exemple, là, mais...

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci pour votre exposé. Donc, malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, nous remercions l'Observatoire international sur le racisme et les discriminations. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le Centre RIRE Québec s'installe devant nous.

(Suspension de la séance à 11 h 6)

(Reprise à 11 h 10)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc continuer nos travaux en souhaitant la bienvenue au Centre RIRE Québec. Donc, si mes informations sont vraies, M. Songa, Mme Asanovic et Mme Villeneuve. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Les règles sont très simples, vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi, comme à l'habituel, d'une période d'échange avec les députés, une période de 40 minutes. Donc, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Centre RIRE 2000

M. Songa (Benoît): Voilà, M. le Président, Mme Thériault, distingués députés, ça me fait plaisir en fait d'être là pour présenter notre mémoire. Mon nom est Benoît Songa. Je suis là en qualité de directeur général du Centre RIRE 2000. Alors, je suis accompagné par mes deux collègues, Mme Villeneuve, chargée des relations publiques au Centre RIRE 2000, Mme Jasminka Asanovic, adjointe administrative du Centre RIRE 2000.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.

M. Songa (Benoît): Merci. Voilà. Donc, nous sommes ici pour présenter ce mémoire en... Avant de passer dans le contenu de notre mémoire, quand même je vais essayer de présenter en bref c'est quoi, notre organisation. On intervient auprès de la clientèle immigrante hautement scolarisée au niveau d'employabilité, au niveau d'intégration socioéconomique. Ça, c'est notre intervention un peu spécifique en fait, mais indirectement on intervient aussi au niveau de la société d'une façon générale, parce que l'intégration des personnes immigrantes ne peut pas se faire à sens unique, ça se fait à deux sens et ça prend également la sensibilisation des deux côtés.

La problématique et les faits observés par rapport à cette politique. On a participé à la consultation, on a été vraiment acteurs lors des déplacements de Mme la ministre et de l'équipe du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Beaucoup de faits ont été observés, mais quand même, nous, on va se limiter à notre contexte à nous en particulier, la ville de Québec. Que ce soit dans la ville de Québec, que ce soit partout ailleurs, l'inclusion passe par une acceptation personnelle en tant que citoyen, et le sentiment d'appartenance est fonction d'un pressentiment d'acceptation qu'on peut percevoir autour de nous et de reconnaissance de notre contribution dans la société. J'insiste sur ce fait-là: donc contribution dans la société. Nous avons constaté que le sentiment de rejet et d'exclusion présent chez certains de nos concitoyens est souvent alimenté par la perception négative qu'ont certaines personnes par rapport à l'immigration, par rapport à une catégorie de la population québécoise, en l'occurrence les membres des minorités visibles. Le dilemme auquel nous faisons de plus en plus face est de savoir comment favoriser l'ouverture à la diversité de notre société.

On s'est questionné: est-ce qu'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination améliorerait la situation? On a poussé la réflexion, qui se résume de la façon suivante. Si le grand mouvement international qui a mené à l'adoption des chartes, des conventions et des pactes visant à faire connaître, respecter les droits de la personne a contribué à l'édification du Québec moderne, le projet d'une politique gouvernementale serait plus qu'une valeur ajoutée dans les actions mises en place par le gouvernement. Certes, nous appuyons les démarches de Mme Lise Thériault et du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et osons espérer que le gouvernement du Québec et la population québécoise adopteront cette politique dans une perspective rationnelle de travailler pour le développement socioéconomique de notre province et de notre ville en particulier.

Dans cette ville, la capitale nationale évidemment, depuis l'année 2000, beaucoup d'encre a coulé sur la problématique relative à l'intégration et la rétention des immigrants dans la ville de Québec. Plusieurs projets ont été initiés par diverses ressources du milieu afin de faciliter l'intégration et la rétention des immigrants. Malheureusement, les résultats n'ont pas été concluants. Les objectifs fixés par les différents acteurs ont été atteints partiellement. Dans le plan d'action 2004-2007 sur l'immigration, le gouvernement du Québec, par le biais évidemment du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, veut favoriser la régionalisation de l'immigration. Il reconnaît ? ça, c'est le document consulté évidemment ? que les résultats des efforts de régionalisation entrepris au cours de la dernière décennie ont été mitigés et que la plupart des régions étaient peu sensibilisées à l'apport potentiel de l'immigration au dynamisme régional.

Finalement, le gouvernement exhorte, dans son plan d'action, les régions à prendre en charge l'attraction, l'accueil et l'intégration de nouveaux arrivants en fonction de leurs besoins en main-d'oeuvre et de leurs réalités. Depuis, les responsables de certaines régions qui ressentent le besoin des ressources immigrantes se mobilisent de plus en plus et fournissent de nombreux efforts afin d'attirer ces dernières dans leur région. En région comme dans la ville de Québec, pour que cette attraction et cette intégration se concrétisent, il faudrait de la part de la population une plus grande ouverture d'esprit sur le monde et sur la diversité. Cette même ouverture de la population serait un gage de succès pour l'implantation de la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

Cette politique vise la participation civique des personnes actuellement exclues et ayant le potentiel pour contribuer au développement socioéconomique de notre société. Cette politique n'est pas un acte de charité. Quelle stratégie devrait donc être mise en place pour faire la promotion de cette politique? Dans le document de consultation sont présentées trois orientations. La première orientation consiste à coordonner les efforts en favorisant l'émergence de propositions destinées à concrétiser le leadership de l'État en matière de lutte contre le racisme et la discrimination et à faire le suivi de la situation sur le terrain.

La deuxième orientation consiste à reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination en suscitant la réflexion sur les mesures nécessaires pour lutter contre les préjugés, pour diffuser plus largement une conception du monde en accord avec les valeurs modernes de droit et d'égalité de la société québécoise et pour favoriser les rapprochements interculturels. Et la troisième orientation consiste à renouveler nos pratiques et nos institutions en suscitant l'émergence de solutions aptes à éliminer la discrimination qui pourrait exister dans les institutions québécoises et à assurer une représentation adéquate des Québécois de toutes les origines dans les institutions privées et publiques.

n (11 h 20) n

Les actions actuelles du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et ses partenaires des communautés culturelles sont planifiées sur la base d'orientations semblables à celles présentées dans le document de consultation. Les efforts fournis ne sont pas toujours proportionnels aux résultats escomptés par manque de collaboration de certains partenaires et la société civile en particulier.

Nous constatons que, dans les institutions publiques autres que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, la question de la diversité et la lutte contre le racisme ne semblent pas faire partie de leurs stratégies d'action. Pourtant, toutes les institutions publiques et parapubliques et l'entreprise privée devraient être interpellées par cette problématique et devraient prendre les actions nécessaires. Dans la société en général, la problématique relative au racisme et à la discrimination n'est portée principalement que par les personnes racisées, par les organisations qui luttent contre ces fléaux et, bon, par la Commission des droits et libertés de la personne.

Comme recommandations, nous appuyons la démarche de Mme Lise Thériault, du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, par défaut, du gouvernement, dans ses projets d'implantation d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Nous appuyons les orientations et les choix stratégiques énumérés dans le document de consultation, mais nous nous questionnons sur l'application concrète dans la vraie vie de cette politique de lutte contre le racisme et la discrimination:

Est-ce que le leadership de l'État se traduira par une implantation des politiques dédiées au niveau de chaque ministère, organisation étatique, agence gouvernementale, afin que le gouvernement devienne un modèle à suivre pour les compagnies du secteur privé et la population en général?

Est-ce que ces politiques dédiées doivent se traduire par une structure de gestion de la diversité dans les différentes couches ministérielles, à l'image des syndicats, afin que la lutte contre les préjugés et contre la discrimination fasse partie de la culture de travail?

Est-ce qu'un mécanisme de reconnaissance relatif à l'application de cette politique de lutte contre les préjugés dans les différents ministères, à l'image de la reconnaissance de la contribution à Centraide, favoriserait l'appropriation de la politique?

Est-ce que l'appropriation des événements nationaux relatifs à la diversité, en l'occurrence la Semaine des rencontres interculturelles, le Mois de l'histoire des Noirs, la Journée internationale contre le racisme, par tous les ministères, les agences gouvernementales et les sociétés d'État ne serait pas un moyen de faire de l'État un leader en matière de lutte contre le racisme et la discrimination et également un catalyseur de la situation sur le terrain?

Est-ce que la promotion de l'apport de l'immigration et l'implication des médias à ce niveau ne seraient pas un moyen de faire valoir l'implantation de la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et, par ricochet, renouveler nos pratiques et nos institutions?

Pour formuler ces recommandations, nous nous sommes inspirés des résultats des expériences mises de l'avant par le Centre RIRE 2000 et d'autres partenaires du milieu et de leurs actions visant à l'intégration des immigrants sur le marché du travail et la lutte contre le racisme et la discrimination dans le milieu scolaire, dont voici un bref aperçu. C'est sûr que notre démarche... Je tiens à le souligner pour essayer de donner sa vraie de cette politique, notre démarche est apolitique, et nous l'apprécions vraiment, ce projet. Ça ne nous empêche pas de mettre en évidence des actions qui ont été mises de l'avant par le Parti québécois quand le Parti québécois était au pouvoir.

En 1998, le lancement du Fonds pour les jeunes des minorités visibles avait comme partenaires, au niveau de la ville de Québec, notre organisation et d'autres partenaires. Résultat de cette action, 55 jeunes en ont bénéficié. Ce programme nous a permis de changer la politique d'embauche de plusieurs terrains de jeu de la ville de Québec. La présence des jeunes de communautés culturelles parmi des moniteurs des terrains de jeu a facilité l'intégration des jeunes issus de familles immigrantes dans les différents groupes et a fait baisser les taux d'abandon avant la fin de la campagne estivale.

2001, lancement du Fonds Jeunesse Québec. Grâce à ce fonds, le Centre RIRE 2000 a facilité l'intégration en emploi de plus de 45 jeunes des communautés culturelles. Quelques entreprises partenaires de la région ont implanté une structure d'accueil d'employés québécois issus de l'immigration. À leurs dires, cette sensibilisation a changé la vision des employés québécois de souche vis-à-vis de l'immigration dans ces entreprises-là. En l'an 2003, ce même fonds a permis à la ville de Québec d'initier un programme de stage en emploi pour les jeunes d'origine immigrante. Le fait marquant de ce projet est la participation significative des entreprises privées dans la ville de Québec. L'an 2005, le lancement du programme PRIIME, sous la responsabilité d'Emploi-Québec, dans la région de la Capitale-Nationale: ce programme a eu du succès et a des retombées, et les retombées sont positives.

Ces quelques mesures démontrent l'importance de mettre en place des initiatives concrètes pour favoriser l'intégration des minorités en emploi et l'importance également d'avoir une équipe ou une structure dédiée à la gestion de ces actions. Nous avons mis l'accent sur l'employabilité, mais quand même nous posons aussi d'autres gestes afin de sensibiliser la population de façon générale ? c'est-à-dire les immigrants, tout le monde, en fait ? à la richesse de cette diversité. Et nous soulignons également d'autres gestes, évidemment initiés ou bien favorisés par les gouvernements en finançant ces genres d'initiatives. Première édition de la Foire de la diversité, à Québec, sous la supervision du Centre RIRE 2000, avec la collaboration d'une entreprise privée qui est les Galeries de la Capitale, la ville de Québec ainsi que d'autres partenaires. 2005, le lancement de la Semaine des rencontres interculturelles, à Québec, avec la participation active des membres de l'équipe Belle et Bum, sous la supervision du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Nous recommandons que la mise en place de la politique et le suivi des orientations et la gestion des mesures et leur application soient sous la responsabilité d'une structure indépendante et autonome avec un mandat clair, un pouvoir de décision; qu'un plan stratégique promotionnel soit mis de l'avant afin de mettre en évidence les raisons d'une telle politique, en lien avec la pertinence de l'immigration pour le développement socioéconomique, démographique, linguistique de notre société. Merci.

Le Président (M. Turp): Merci, M. Songa. Je vous remercie pour la présentation de votre mémoire. Je remercie vos collègues, Mme Asanovic, Mme Villeneuve, de vous accompagner ici.

Juste pour instruire les membres de cette commission et ceux qui nous écoutent, ceux et celles qui nous écoutent, le Centre RIRE ? c'est bien comme ça que vous l'avez dénommé, R-I-R-E, c'est l'acronyme ? c'est un centre où le premier R veut dire rapprochement, le I est pour intégration, le deuxième R est pour rattrapage scolaire, et le E est pour éveil à la réalité multiculturelle. C'est bien cela?

M. Songa (Benoît): C'est bien ça, oui, orienté vers les années 2000.

Le Président (M. Turp): Orienté vers les années 2000 et les technologies de l'informatique...

M. Songa (Benoît): C'est ça, notre outil de travail.

Le Président (M. Turp): Alors, je vous remercie. Je remarquais d'ailleurs que votre mémoire, vous l'avez préparé comme on prépare des lois à l'Assemblée nationale, hein?

M. Songa (Benoît): Merci.

Le Président (M. Turp): On le rédige. Il y a une révision de première lecture, il y a une deuxième lecture, et c'est un document fort bien préparé. Je vous remercie d'avoir donc pris le temps de le rédiger, de le présenter aux membres de cette commission.

J'invite donc maintenant la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles à bien vouloir prendre la parole et vous poser ses questions.

n (11 h 30) n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, M. Songa. Bonjour, Mme Asanovic et Mme Villeneuve. Merci d'être ici, aujourd'hui, parmi nous, en commission. Le Centre RIRE 2000 est un partenaire qui est très actif dans la capitale nationale. Je crois que les pistes de solution que vous nous apportez aujourd'hui peuvent être évidemment intéressantes.

J'aimerais vous entendre, parce que, bon, vous avez posé une question notamment dans votre mémoire, une des questions que vous posez, c'est si un mécanisme de reconnaissance relatif à l'application de cette politique de lutte contre les préjugés dans les différents ministères, à l'image de la reconnaissance de la contribution de Centraide, favoriserait l'appropriation de la politique. Vous savez qu'il y a présentement les Prix de la citoyenneté qui sont remis annuellement par notre ministère, nous remettons le prix Jacques-Couture, Anne-Greenup, Maurice-Pollack et également le prix Charles-Biddle, qui est un nouveau prix qui a été créé cette année pour reconnaître l'apport. Il y a également Un monde à faire, de la Chambre de commerce de Québec, qui existe, où on va honorer les entreprises qui ont su inclure dans leur équipe la gestion de... la diversité culturelle. Donc, puisque vous posiez la question: de quelle façon on pourrait peut-être reconnaître des entreprises ou les organismes gouvernementaux qui auront lutté contre le racisme et la discrimination, est-ce que vous avez, vous, une idée plus précise que la question que vous posez?

M. Songa (Benoît): Bon, le but, évidemment, en prenant l'exemple de Centraide... parce que, quand je regarde un peu au départ la structure, au départ, ses actions partout, que ce soit dans le secteur public ou bien que ce soit dans le secteur privé, on dirait que les gens sont plus sensibilisés, en fait.

Pour revenir aux actions du ministère, j'y participe souvent, je suis tout le temps là, mais je sens toujours que c'est limité au niveau du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et de ses partenaires directs. J'aimerais bien que ça aille au-delà de ça, et peut-être que la politique gouvernementale pourrait amener d'autres ministères, d'autres institutions à se sentir interpellés, raison pour laquelle donc nous avons formulé cette recommandation sous forme de questionnement. Je ne sais pas si j'ai répondu à la question?

Mme Thériault: Pour vous rassurer, c'est un plan... c'est une lutte, c'est un... Voyons! C'est un... Il y aura le plan d'action qui sera déposé après la politique de lutte, mais la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Donc, évidemment, lorsqu'on parle d'une politique gouvernementale, ça n'interpellera pas que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, les ministères et organismes gouvernementaux seront mis à contribution. Je crois sincèrement que c'est un débat de société dans lequel nous évoluons aujourd'hui et que toutes les composantes du gouvernement doivent se sentir interpellées. Et évidemment il y a une participation active ou une participation citoyenne, si vous voulez, par rapport à la présence des gens sur le terrain lorsqu'il y a des activités de rapprochement qui peuvent se faire, ou des activités de sensibilisation, ou encore des activités de reconnaissance.

Vous avez émis une recommandation, dans votre mémoire, concernant le fait qu'un plan stratégique soit mis de l'avant pour mettre en évidence... Non, ce n'est pas ça. Excusez-moi. Oui, c'est ça, qu'un plan stratégique promotionnel soit mis de l'avant. Lorsque vous parlez d'un plan stratégique promotionnel, vous vous attendez à quoi exactement: une campagne de sensibilisation, une campagne média pour parler de cette politique-là, pour parler du plan d'action?

M. Songa (Benoît): Effectivement, effectivement, c'est ce que nous attendons, en fait, qu'il y ait une promotion, que ça aille au-delà du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, que ça se retrouve même au niveau du secteur privé et au niveau de la population de façon générale. Donc, c'est exactement ça, notre préoccupation, et d'où la recommandation faite qui est vraiment un plan promotionnel de cette politique pour qu'elle soit adoptée, que tout le monde se sente interpellé, et qu'elle aille au-delà de... Parce que, quand on regarde la politique, on voit les expressions «lutte contre le racisme», «lutte contre la discrimination». C'est sûr que ça prend une certaine réflexion pour se dire: Oui, lutte contre le racisme, lutte contre la discrimination; si je m'arrête à ça, il y a certaines personnes qui peuvent se sentir visées. Mais, quand, moi, je vois l'outil, je vais au-delà de cet aspect-là, c'est-à-dire que c'est une loi qui nous amène à réfléchir comment lutter contre l'exclusion pour que ces acteurs, ces citoyens québécois exclus puissent contribuer également au développement socioéconomique. D'où la pertinence de ces plans promotionnels, en fait, parce que, si on se limite juste à la loi telle qu'elle est formulée, bon, on risque d'avoir toutes sortes d'interprétations un peu biaisées. Or, je sais très bien que cette loi-là, c'est un outil en soi promotionnel pour un but bien clair, la participation active de tous les citoyens, la non-exclusion en fait, bon, pas la discrimination, pas le racisme, je ne m'arrête pas à ça, mais je préfère me limiter à l'exclusion. L'exclusion de ces acteurs qui peuvent contribuer d'une façon ou d'une autre au développement socioéconomique de notre société, de notre province, de notre pays.

Mme Thériault: Votre organisme oeuvre à Québec. Évidemment, à peu près tout le monde ici vous connaît ou connaît le Centre RIRE, lorsqu'on parle d'intégration, lorsqu'on parle de lutte au racisme et à la discrimination. La situation de Québec est particulière, vous en avez parlé vous-même, par rapport à la rétention des immigrants dans la région de la Capitale. Est-ce que vous croyez que les gens partent de la capitale parce qu'il y a plus de racisme à Québec qu'ailleurs?

M. Songa (Benoît): Bon. On doit se poser cette question. Je crois que c'est... nous tous ici, nous devons nous poser cette question, parce qu'on a des faits et, quand on a des faits,on se demande: mais pourquoi ça? Alors, chacun doit interpréter à sa façon. Moi, je me dis, à un certain moment, il ne faut pas s'arrêter au niveau supérieur, il faut redescendre. Du fait qu'on est sur le terrain, c'est que j'ai constaté que des fois on ne voit pas la pertinence... M. et Mme Tout-le-monde ne voient pas la pertinence de cette immigration, probablement. Ca, c'est personnel en fait. Je crois que, le jour où les gens vont commencer à comprendre et à voir la pertinence de l'immigration, tout le monde va contribuer à l'intégration de ces immigrants-là. Parce que l'immigration ne peut pas se faire à sens unique, c'est impossible; ça prend également l'apport de personnes qui accueillent dans la société.

Alors, si on constate qu'il y a des gens qui repartent, et des fois même des gens qui ont trouvé un emploi et, après quelques années, même malgré le fait que ces personnes-là étaient actives, décident de quitter la ville, on doit se questionner. Il doit y avoir un problème. C'est quoi, ce problème? Je ne peux pas répondre. Je peux me répondre à moi-même, parce que je... peut-être mes raisons peuvent être biaisées. C'est à chacun de nous de se questionner en fait, parce que c'est un problème de société. Si un acteur économique s'en va, ça touche tout le monde en fait. Si un acteur économique se retrouve sur le bien-être social, ce que les gens oublient: tout contribuable paie pour ça. Je crois qu'on a tout intérêt que quelqu'un qui a les moyens, qu'il puisse travailler, travaille en fait pour contribuer au développement.

Il y a beaucoup de cas, bon, écoutez, connus, médiatisés en fait, mais il y en a d'autres non connus. Malheureusement, c'est une réalité et, quand on n'est pas au courant, c'est sûr que, devant une démarche comme celle-ci, et si on n'est pas sur le terrain, on doit se poser la question et on va poser la question à des gens qui sont sur le terrain. Mais, même ça, on peut dire qu'on prêche pour notre paroisse, mais j'essaie de me dissocier de cette philosophie. Je me présente comme étant un citoyen, un citoyen qui contribue au développement socioéconomique de notre ville, un citoyen qui aimerait que tous ces exclus-là puissent m'aider afin que mes taxes puissent baisser du moins, afin qu'on ait plus de moyens pour développer la ville. Voilà.

Mme Thériault: Merci, M. Songa. M. le Président, je pense que mon collègue de Charlesbourg, député de la région de Québec, aimerait parler.

Le Président (M. Turp): Ça me fait plaisir de vous donner la parole, M. le député de Charlesbourg.

n (11 h 40) n

M. Mercier: C'est avec plaisir, M. le Président, que je prends la parole pour évidemment adresser quelques éloges peut-être à l'endroit de cet organisme très connu ici, dans la région de Québec. M. Songa, Mme Asanovic et Mme Villeneuve, vous faites un travail remarquable, et je dois dire que M. Songa, que je me permets d'appeler Benoît compte tenu qu'on se rencontre très souvent dans diverses occasions ici, à Québec... je dirais que vous êtes très humble dans vos commentaires à l'égard de votre organisme et de vous-même également, parce que vous vous distinguez ici, dans la région de Québec, et vous marquez manifestement une certaine différence qui se doit d'être entendue ici, dans la région de Québec, et c'est ça qui est la beauté des actions concrètes que pose votre organisme.

Vous avez, à la page 6 de votre mémoire, et vous en avez fait mention tout à l'heure, M. Songa, de divers... vous avez dressé un bilan finalement de votre organisme, d'une certaine façon, ce qui n'est pas un diagnostic mais plutôt un bilan, qui est très positif, qui se démarque. Par exemple, en 1998, vous le disiez, vous avez lancé le Fonds pour les jeunes des minorités visibles, ce qui a fait baisser le taux d'abandon avant la fin de la campagne estivale, vous le disiez; ensuite, en 2001, lancement du Fonds Jeunesse; 2003, le programme de stage en emploi pour les gens d'origine immigrante; et, 2005, évidemment, le succès du programme IIME; également, vous le disiez, en 2005, le lancement de la Semaine des rencontres interculturelles, où j'avais l'honneur d'être invité et où, je dois vous dire ? évidemment, M. Songa, vous avez reçu un certificat, ou du moins, de mérite, à cet événement; mais je dois vous dire ? que ce sont des événements comme ceux-là qui font Québec, que le tissu, je vous dirais, des communautés culturelles au Québec s'amalgame, il devient davantage une mosaïque qu'une espèce de ghettoïsation. Et c'est par des événements comme ceux-là que vous distinguez.

Et ma question, M. Songa, à cet égard: Vous savez que la ville de Québec a été un partenaire à un moment donné dans l'octroi de stages; et, compte tenu du bilan très positif de votre organisme, et très manifestement convaincant, et qui doit être entendu par les gens de la région de Québec, quel est le diagnostic, et non pas votre bilan, mais quel est le diagnostic que vous faites en ce moment, ici, dans la région de Québec? Et quel est l'avenir justement pour les communautés culturelles ici, dans la région de Québec? Je sais que Mme la ministre a effleuré la question tout à l'heure, mais, si on se projette dans l'avenir, j'aimerais avoir... évidemment, on n'est pas devins, on ne peut pas tout calculer aux niveaux socioéconomique et psychologique même de la chose, mais quelle est votre vision de l'avenir ici, pour Québec?

M. Songa (Benoît): Je suis optimiste. Ma vision comme telle ? comment je peux dire? ? si j'essaie... Bon. Ça fait 20 ans que je suis ici, dans cette ville que j'ai adoptée, que j'adore beaucoup, il y a des choses quand même qui s'améliorent, hein? Tout n'est pas négatif en fait, et ça, c'est ça qui m'alimente aussi. Si on travaille fort, si on essaie de sensibiliser, si on commence à initier des activités à grand déploiement, c'est amener les gens à se trouver devant cette diversité, à pouvoir l'apprécier également. Je côtoie des gens à travers des organisations dans lesquelles je participe. Je vais citer seulement mon implication dans une organisation connue ici, le Patro Roc-Amadour. Je suis le deuxième président... le deuxième vice-président de cette organisation-là qui au départ était gérée par des communautés religieuses, et aujourd'hui ce sont des laïcs qui dirigent ces organisations-là.

Quand j'ai été nommé deuxième vice-président du conseil d'administration, j'ai senti une certaine inquiétude de la part du président du conseil d'administration. Il se demandait: Est-ce que vraiment ça allait passer? Je l'avais senti. Bon. Écoutez, des fois, il y a des choses non palpables, mais on les sent. Il croyait en moi et il se disait: O.K., j'y vais. On le nomme, et puis on verra après. Mais, à la grande surprise de tout le monde, je crois que j'ai été très bien accepté. Ça démontre très bien que quand même les gens cheminent. Si les gens avaient accepté cette nomination au départ, c'est parce qu'il y avait une démission, il fallait maintenant, l'année suivante, donc des élections en fait. La peur était que, bon, l'année suivante, que je ne sois pas élu en fait, mais, l'année suivante, j'ai été élu également.

Donc, j'ai été accepté, et ça démontre très bien que c'est en cheminant. Les gens ont appris à m'apprivoiser. Les gens ont appris à me connaître. Je crois que, quand je suis dans ces organisations-là, on ne me voit plus comme un Noir, on me voit comme un citoyen, comme quelqu'un qui veut du bien à cette organisation. Et je crois que c'est vers là... Je me dis, cette politique pourrait nous aider à sensibiliser des gens, à les amener à comprendre que, oui, il y a cette loi-là, et la loi, l'objectif, c'est qu'on comprenne pourquoi le gouvernement s'acharne à mettre... à voter une telle loi. Ce n'est pas pour protéger les minorités, je crois que c'est pour amener que tout le monde puisse être acteur, pour que tout le monde puisse contribuer au développement socioéconomique. Donc, pour revenir à votre question, je suis optimiste.

M. Mercier: Très, très heureux de l'entendre, évidemment, M. le Président. Il nous reste...

Le Président (M. Turp): Il vous reste 48 secondes, M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: 48 secondes. Évidemment, ça nous démontre à quel point des leaders comme vous, comme votre organisme, ici, à Québec, et toujours en partenariat avec le gouvernement du Québec, réussissent évidemment à pondre des documents comme ceux-ci.

Mais également, votre apport est indéniable, et c'est ce qui est important pour nous, évidemment, ici, au gouvernement du Québec. Mais, je vous dirais, vous dressez un optimisme pour les gens de Québec, et votre leadership indéniable fait que je suis d'autant plus optimiste que vous l'êtes, M. Songa.

Le Président (M. Turp): Il faut que vous sachiez, M. Songa, que le député de Charlesbourg est optimiste de nature. Ça, c'est bien. Il en faut, des gens au Parlement, qui soient optimistes de nature. Alors, écoutez, il y eu a un consentement pour que chaque parti puisse disposer de 16 minutes, là, dans le cadre de cet échange, pour que nous puissions terminer à midi. Je donne donc la parole à la députée de Laurier-Dorion et la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles. Mme la députée.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Songa, Mme Asanovic et Mme Villeneuve, merci de ces échanges, de votre présentation puis des réponses que vous avez offertes aux députés du gouvernement. Puis c'est intéressant d'avoir la vision également d'un organisme qui travaille directement ici, à Québec, parce que, on le sait, la question de la régionalisation de l'immigration est une question très importante, préoccupante pour l'avenir du Québec. Évidemment, le Québec a fait le choix de favoriser et d'ouvrir ses portes à l'immigration; ceci étant dit, il est important également, je pense, pour la pérennité de notre tissu social puis pour des objectifs et la réalisation de nos idéaux de société que cette immigration puisse être diffuse partout au Québec puis que ces personnes, dans le fond, qui décident d'unir leur destinée à la nôtre se sentent pleinement valorisées et acceptées dans le milieu dans lequel ils choisissent de s'établir.

Et vous êtes donc... puis, à écouter votre témoignage également, vous êtes donc un exemple puis un modèle pour d'autres personnes qui choisiraient de s'établir ici, dans la région de Québec. Donc, c'est d'autant plus important de vous entendre que vous serez sans doute sollicité dans le futur également pour nous parler de vos expériences, pour tenter d'aller chercher d'autres personnes, plus de personnes immigrantes, que ce soit ici, à Québec, mais également dans d'autres régions où malheureusement encore les taux de rétention et d'immigration sont encore trop faibles. Donc, merci d'être ici avec nous.

Vous avez émis plusieurs recommandations dans votre mémoire, que j'ai lu avec intérêt, notamment sur... vous avez élaboré sur les mesures de suivi qui doivent être mises en oeuvre, donc vous avez parlé de l'importance de la politique comme un peu un symbole ? en tout cas, c'est ce que j'en ai compris; un symbole ? oui, pour les personnes qui sont victimes de discrimination et de racisme, mais également pour montrer aux citoyens de l'ensemble du Québec que c'est réellement une priorité nationale, et, étant une priorité, raison pour laquelle le gouvernement tient à adopter une politique.

Mais j'aimerais vous entendre sur les politiques de suivi. Donc, vous avez une affirmation dans votre mémoire qui est peut-être plus pessimiste, là, donc que vous vous questionnez sur l'application concrète, dans la vraie vie, de cette politique de lutte contre le racisme. Donc, à votre avis, quels seraient finalement les meilleurs mécanismes pour s'assurer du meilleur suivi ? parce que c'est l'objectif, je pense, de tout le monde réuni ici, à cette table, que les politiques soient efficientes?

n (11 h 50) n

M. Songa (Benoît): Bon, le moyen... Écoutez, je vais utiliser des exemples, en fait, hein? Donc, j'ai parlé des syndicats, par exemple. Bon, écoutez, nous connaissons tous les syndicats, comment ils militent, en fait; je ne veux pas qu'il y ait un syndicat pour cette loi-là. Bon, c'est un exemple seulement. Je parle de Centraide aussi, comment cette structure fonctionne en fait pour sensibiliser les gens à sa mission. Il y a le ministère qui est là, oui, qui travaille fort. J'ai suivi la présentation de l'équipe qui était là avant nous, on a parlé de la Commission des droits, et tout ça. Toutes les structures ont leur place, et je crois que la politique également a sa place. Et, pour qu'elle ait vraiment sa place, il faut qu'elle soit bien gérée, d'où cette fameuse structure. Comment elle doit être, cette structure? Je crois que c'est un travail de réflexion, en fait. Parce qu'il ne faut pas que ce soit à l'image, disons, vous allez m'excuser, du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, par rapport à la vision de la société d'une façon générale. Des fois, quand il y a des activités, quand on va inviter les gens de certains ministères autres, carrément la réponse, c'est que: Bon, je crois que, pour cette activité, le gouvernement est déjà représenté, parce que le ministère de l'Immigration est là. Alors, je crois que vous me comprenez, à ce moment-là.

Si vraiment, avec la politique, et chaque ministère voit en cette politique une interpellation, je n'aurais pas cette réponse. Je crois le réflexe du gestionnaire serait: Ah oui, effectivement on va essayer de voir si on peut envoyer une équipe à l'activité, parce qu'on veut être sensibilisés. C'est un peu ça, la préoccupation. Donc, la structure comme telle, ce serait un travail de réflexion, vous, moi, tout le monde, Mme la ministre, M. le Président, tout le monde, en fait.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous pensez qu'une structure, parce que vous mentionnez dans votre mémoire que vous croyez important qu'il y ait une structure indépendante et autonome, donc est-ce que vous croyez que ce serait important que cette structure... Parce que ce que je comprends, en fait, c'est que le ministère de l'Immigration, est-ce que vous considérez en fait qu'il fonctionne trop de façon...

M. Songa (Benoît): Le ministère, c'est le gouvernement, en fait.

Mme Lefebvre: Mais est-ce qu'il devrait y avoir une meilleure... des comités interministériels? Est-ce que... Comment faire? Est-ce que vous souhaitez que, dans le fond, l'État travaille, tout le monde...

M. Songa (Benoît): Je me questionne, effectivement, je me questionne, mais quand même je me réfère un peu à des ordres professionnels. Écoutez, il pourrait y avoir une structure gouvernementale qui gérerait ces ordres-là, mais la présence de ces ordres fait en sorte qu'il y a quand même des résultats intéressants sur le terrain. C'est un peu à l'image de ces structures-là, donc. Effectivement, pour répondre à la question, prenez l'exemple des ordres, une structure comme ça.

Mme Lefebvre: O.K., parfait. Vous mentionniez tout à l'heure des programmes qui ont bien fonctionné, notamment pour l'insertion en emploi, bon, le Fonds pour les jeunes des minorités visibles, le Fonds Jeunesse Québec, le programme de stage en emploi. Pour tous ces programmes, vous avez mentionné le nombre de personnes qui ont réussi... que vous avez réussi à placer en emploi. Je me demandais, pour le programme PRIIME, est-ce que vous avez les résultats...les résultats...

M. Songa (Benoît): ...les résultats chiffrés, donc quantifiés, en fait. Mais les résultats sont prometteurs, en fait. Parce que, moi, je travaille beaucoup avec Emploi-Québec, c'est Emploi-Québec qui est la structure qui gère le programme PRIIME. Moi, je fais un peu le parallèle, en fait. Donc, en mentionnant donc ces initiatives, en fait, c'est de démontrer comment, quand on mandatait, on arrivait à des résultats. Je suis sûr, si juste le Fonds Jeunesse gérait des actions sur le terrain, on n'allait pas avoir les résultats du projet de stage au niveau de la ville, mais, au niveau de la ville, il y avait une entité, il y avait une structure, qui est le Commissariat des relations internationales, qui avait pris en main ces projets-là. Et, comme résultat, il y a eu beaucoup d'entreprises privées qui se sont impliquées. Donc, encore une fois, une structure qui est autonome. C'est un peu ça, le parallèle, en fait.

Mme Lefebvre: J'aurais une dernière question, mes collègues ont des questions également. Je me demandais, dans le document de consultation, on parle du rôle joué par les médias. J'aimerais vous entendre un peu sur le rôle des médias pour combattre...

M. Songa (Benoît): Les médias ont un rôle, un rôle important vraiment. Mais, malheureusement, en ce qui concerne l'apport de l'immigration, bon, il font du bon travail, mais ce n'est pas assez, ce n'est pas assez. Parce que, si je compare, oui, chez les immigrants, il y a des faits négatifs. Et, quand ces faits négatifs sont amplifiés, vous connaissez les conséquences. Écoutez, nous connaissons tous l'histoire de la prostitution juvénile, où c'était pas mal médiatisé. Et les conséquences, vous les connaissez. Bon. Si je mets de côté le problème de la prostitution juvénile, le terrorisme, vis-à-vis de personnes immigrantes, ici, des pays arabes, vous connaissez les conséquences également. Malheureusement, quand les médias prennent certains sujets, ils privilégient plus le sensationnalisme.

Bon. Alors, le jour où les médias vont essayer de faire un beau travail de sensibilisation par rapport à l'immigration, de démontrer vraiment l'apport de l'immigration, de ? bon, je vais m'excuser de l'expression que je vais utiliser, mais de ? laver un peu le cerveau d'une façon positive, pas d'une façon négative, je crois qu'on aurait des résultats quand même intéressants, et c'est là leur rôle. Comment les amener à promouvoir cette politique? Encore une fois, c'est sous forme de questionnement dans notre mémoire. Je crois qu'ils ont un rôle à jouer, les médiums, les médias, en fait.

Le Président (M. Turp): Je vous remercie, M. Songa. La députée de Terrebonne souhaiterait vous poser des questions.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup de votre présentation. On voit très bien votre expérience terrain quand on regarde particulièrement la page 5 de votre mémoire, les recommandations et votre questionnement sur l'application concrète dans la vraie vie.

Les questions que vous posez là, c'est effectivement toutes les questions qu'on doit se poser pour nos politiques gouvernementales. On en a mis plusieurs en application au cours des dernières années. Le Parti québécois en avait mis plusieurs, ces politiques sont continuées par le gouvernement actuel, que je pense à la stratégie de lutte à la pauvreté, que je pense à la politique contre la violence faite aux femmes, que je pense aux orientations en matière d'agression sexuelle, ce sont toutes des politiques qui ont été adoptées par l'ensemble des ministères et qui doivent donc nous permettre d'agir dans chaque ministère, dans chaque organisation, dans chaque agence.

Et le problème est toujours là, les politiques sont bonnes, mais on n'arrive à les faire atterrir au niveau de l'ensemble des ministères et au niveau de l'ensemble des régions du Québec. C'est tellement vrai que la dernière politique qu'on a adoptée, qui est gouvernementale, c'était la politique, en 2001, de reconnaissance de l'action communautaire. Elle doit s'appliquer à l'ensemble des ministères. Mais concrètement on s'aperçoit qu'il y a en particulier deux ministères fautifs qui ne l'appliquent pas présentement, puis ça adonne que c'est l'Environnement puis l'Immigration. Mais il faut qu'on arrive à trouver, dans ces politiques-là, un outil, quelqu'un qu'il ait le pouvoir de pouvoir les mettre en application.

Vous suggérez une structure autonome, indépendante avec un mandat clair. J'avoue que je pense que, pour sensibiliser la population, c'est intéressant, mais, pour obliger chaque ministère à agir, je ne sais pas si une structure indépendante va avoir ce pouvoir-là d'obliger chaque ministre à agir, puisque, dans chacune de nos politiques gouvernementales, la ministre ou le ministre responsable n'a pas le pouvoir d'agir pour que ses collègues interviennent. Ils peuvent signer des ententes administratives, ils peuvent se donner des outils, mais est-ce qu'il ne faudrait pas finalement que la personne qui doit s'assurer que toutes les politiques gouvernementales soient mises en application, ce soit le premier ministre qui, lui, dès qu'un ministère ne répond pas aux politiques gouvernementales qui ont été adoptées, puisse intervenir directement?

n (12 heures) n

M. Songa (Benoît): Je ne pense pas, parce qu'il y a toujours deux... Bon, ça, c'est mon point de vue: il y a toujours deux réalités dans la vraie vie. Des fois, on peut porter le chapeau ? je vais le dire comme ça ? de premier ministre, mais, en dehors de ça, on est citoyen.

Moi, la catégorie qui m'intéresse beaucoup, c'est quand on est citoyen. Je pourrais bien mener ma vie et me détacher de cette problématique, mais la particularité, c'est que je suis un citoyen qui pousse loin ma réflexion. Ou je regarde ma ville; je l'aime beaucoup. Je me dis: Qu'est-ce que je peux faire? Quel est mon apport, en fait? Et ça, c'est vraiment à mon niveau à moi.

Je m'implique, je croise des gens, des personnes avec un esprit d'ouverture extraordinaire qui me poussent encore, qui m'alimentent. Donc, c'est dans la vraie vie que ça se passe. C'est dans la vraie vie que je me dis... que je m'outille, en fait. Le premier ministre reste le premier ministre. Le premier ministre, ce n'est pas la vraie vie, malheureusement.

Mme Caron: Les ministères, s'ils n'appliquent pas les politiques...

M. Songa (Benoît): Même pour les ministères. Même pour les ministères.

Mme Caron: ...qui peut les pénaliser?

M. Songa (Benoît): Je vais revenir maintenant... au niveau des ministères. Une structure autonome qui va, par exemple, défendre l'idée de 25 % d'embauche des immigrants, cette structure est là quel que soit le ministre qui est là, qu'il soit ministre d'un parti autre...

Écoutez, vous savez, il y a une loi par rapport à ça. Et je crois que, pour respecter la loi, un petit effort pour atteindre au moins 10 % ? on demande pas 25 %; 10 % ? pour vous démarquer par rapport à d'autres ministères... Et il y a une plaque commémorative. Atteignez ça, et vous allez voir! À l'image de Centraide. Vous voyez, partout, dans tous les départements, dans différents bureaux, dans des secteurs privés, partout, les gens sont fiers de plaquer leur... de mettre leur plaque là. Bon: «Cette année, on a réussi à ramasser 3 millions de dollars.» C'est un peu dans ce sens-là. Je crois que ça prend cette structure. Le premier ministre, je ne pense pas qu'il soit le... Encore une fois, donc, on met ça entre les mains des politiciens. Je crois qu'à un certain moment il faudrait que les citoyens se sentent interpellés.

Tandis que, quand je vais dans les ministères, je ne vois pas des fonctionnaires, je vois des citoyens. Comme quand quelqu'un... Quand les médias m'interpellent souvent, je leur pose des questions... «souvent», quand il y a des mauvaises nouvelles, évidemment ? il y a un Noir qui a poignardé quelqu'un ? là on va m'appeler, mais, quand il y a un Noir qui a fait des prouesses positives, on ne m'appelle pas. Mais c'est un peu bizarre. Pourquoi on m'appelle? Ce n'est pas mon problème à moi seul. C'est le problème de tout le monde. Je crois qu'à ce moment les gens doivent s'interpeller. On se pose des questions: Est-ce que c'est un cas de racisme? Ça me concerne comme ça concerne quelqu'un d'autre.

Donc, en bref, dans ces ministères-là aussi, quand je rentre, par rapport à cette politique, je crois que c'est chacun de nous qui doit s'interpeller, se dire: Écoutez, à côté de moi, ah oui, il y a quelqu'un qui est un Noir, Arabe... pas moi, c'est un contribuable comme tout contribuable.

Le Président (M. Turp): M. Songa...

Mme Caron: Merci.

Le Président (M. Turp): ...je pense c'est une belle façon de terminer les travaux de cette commission ce matin. Je vous remercie pour votre contribution, celle de vos collègues du Centre RIRE.

J'invite mes collègues à revenir à 14 heures. Vous pouvez laisser vos effets personnels ici. La ministre m'a indiqué qu'elle voulait distribuer un document, qui le sera au début de nos travaux, cet après-midi, sur le profil des nouveaux participants à PRIIME, selon certaines caractéristiques, là, entre le 1er avril et le 30 juin 2006.

Donc, je suspends les travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

 

(Reprise à 14 h 8)

Le Président (M. Turp): La Commission de la culture reprend donc ses travaux. Je demanderais encore une fois à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leur téléphone cellulaire. Je vous rappelle que le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques et de procéder à une consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Je voudrais mentionner que la ministre, à la fin de la séance, ce matin, avait souhaité faire le dépôt d'un document, et je crois que ce document a été remis au secrétaire de la commission et a fait l'objet d'un dépôt. A-t-il été distribué à l'ensemble des membres de la commission? Alors, je vous remercie.

Document déposé

J'inviterais donc maintenant les représentants du Service Intégration Travail Outaouais, qui est représenté, je crois, par M. Robert Mayrand, son directeur général, à prendre la parole. Je vous rappelle, M. Mayrand, que vous disposez de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivi d'une période de 40 minutes d'échange avec les membres de la commission. La parole est donc à vous.

Service Intégration Travail Outaouais (SITO)

M. Mayrand (Robert): Merci. Je voudrais vous remercier, dans un premier temps, de me donner cette deuxième occasion de venir en commission parlementaire pour présenter un mémoire sur la question de la main-d'oeuvre immigrante. Même si c'est la Commission de la culture ici, je vais avoir un peu l'impression d'être devant une commission de l'insertion en emploi, parce que c'est surtout ce dont je vais parler, le SITO ayant comme mission l'intégration à la société québécoise par l'insertion en emploi. Le SITO a été créé il y a 10 ans par des personnes immigrantes qui croyaient que la meilleure façon de s'intégrer à la société québécoise, c'était par le biais de l'emploi. Et, 10 ans après, on est toujours convaincu de la même chose.

n (14 h 10) n

Personnellement, je travaille depuis 1972 dans des environnements où la majorité des employés sont des personnes immigrantes, donc j'ai une assez bonne expérience de travail avec les personnes immigrantes. Je dois dire aussi que le mémoire qui vous a été soumis a été validé auprès d'une quinzaine de personnes immigrantes d'un peu partout, du Brésil, de la Guadeloupe, d'Haïti et de l'Afrique, du Liban, de la France, et tout le monde endosse en fait ce qui est écrit dans ce mémoire-là.

La première chose... En fait, il y a quatre volets dans le mémoire. Le premier élément qu'on suggère, c'est qu'il faudrait un changement de vision. La façon dont on regarde les personnes immigrantes les amène souvent à se voir plus petits qu'il le sont en réalité. Je vous donnais comme exemple que, lorsque la conférence régionale des élus nous a invités à participer à ses consultations, on nous a mis dans la commission sociale; je dois dire que ça a été corrigé depuis, maintenant je fais partie de la commission... La même chose lorsque la ville de Gatineau nous invite pour des activités quelconques, il s'agit toujours d'activités interculturelles extrêmement ponctuelles qui à notre avis ne font pas grand-chose pour l'insertion en emploi, pour l'intégration des personnes immigrantes. Donc, on pense qu'il est extrêmement important de changer ce regard qu'on porte sur les personnes immigrantes.

Je vous le dis, quand on regarde, par exemple, les personnes qui sont venues chez nous l'an passé ? je vous donne des statistiques: 8 % des clients avaient un doctorat ou une maîtrise, 53 % un baccalauréat, 15 % un D.E.C., 20 % un diplôme d'études professionnelles ou secondaires; seulement 4 % n'avaient pas un diplôme. Alors donc, vous voyez tout de suite qu'on a là une main-d'oeuvre qui est super qualifiée, et, nous, on trouve que, lorsqu'on les laisse sans emploi, c'est un grand gaspillage de ressources humaines. En fait, au lieu de pratiquer l'intégration en emploi, on pratique ce que j'appellerais la désintégration des personnes et même des familles. Donc, le changement de regard, c'est important.

Je vous donne des anecdotes, mais j'en ai une autre qui m'est venue à l'esprit. Il y a deux jours, j'étais à mon bureau, il y a une Haïtienne qui s'amène, elle est au Québec depuis quatre mois, elle a enseigné le français pendant 10 ans en Haïti et elle vient ici pour enseigner le français, sauf qu'elle ne peut pas enseigner le français; on la retourne sur les bancs de l'école pendant trois ans pour qu'elle aille chercher un baccalauréat en éducation. Alors, au lieu de se demander si elle est compétente, on regarde seulement du côté de la qualification formelle. Et vous savez aussi bien que moi que les qualifications formelles, ce n'est pas toujours ce qui garantit la compétence.

Je vais vous donner un exemple, que certaines personnes n'aiment pas entendre mais je vais le dire pareil. Il y a trois ans, la même personne a eu l'occasion de faire une étude sur les vices de construction domiciliaire à Ottawa et ensuite à Gatineau. En théorie, comme tous les travailleurs de la construction de Gatineau ont une carte de compétences, on ne devrait pas y trouver de vices de construction; or, c'est exactement l'inverse qu'on a trouvé, beaucoup plus de vices de construction domiciliaire du côté de Gatineau que du côté d'Ottawa. Pourtant, Ottawa ne demande pas aux personnes d'avoir des cartes de compétence, et c'est l'employeur qui décide qui il veut bien embaucher.

Donc, je pourrais vous donner des anecdotes... je pourrais vous en donner beaucoup, mais je vais m'arrêter là. Pour...

Le Président (M. Turp): ...question d'Ottawa et de Québec, là.

M. Mayrand (Robert): Pardon?

Le Président (M. Turp): Surtout quand il y a une différence Ottawa, Québec.

M. Mayrand (Robert): Oui, je sais.

Le Président (M. Turp): Là, on va faire attention, là.

M. Mayrand (Robert): Je sais, parce que souvent... je sais que c'est critique, parce que, comme j'ai travaillé une bonne partie de ma vie à Toronto et au collège Algonquin, à Ottawa, il est arrivé plusieurs fois, au Québec, que, lorsque j'ai fait des comparaisons, on m'a dit de retourner en Ontario. Bon, j'aurais dû y rester, je paierais moins d'impôt!

Bon, alors, l'autre point aussi qui nous agace beaucoup ? parce que, nous, on a un taux de placement en emploi avec les personnes immigrantes de 60 % ? il y a deux groupes qui nous dérangent: il y a tous ceux qui sont soumis aux ordres professionnels, aux métiers réglementés, et évidemment il y a les minorités visibles. Donc, c'est deux groupes sur lesquels on n'a pas beaucoup de prise. On ne peut pas placer en emploi les minorités visibles, elles sont toujours à 22,5 % en recherche active d'emploi, comme à Montréal d'ailleurs, et, pour les métiers réglementés, les ordres professionnels, il n'y a pas non plus beaucoup de déblocage de ce côté-là.

Vous savez que, dans la région de l'Outaouais, il y a 26 citoyens qui n'ont toujours pas de médecin de famille, dont moi. On a une liste de médecins formés à l'étranger; je suis allé au bureau de Norm MacMillan, il y a quelques années, lui présenter huit médecins formés à l'étranger, mais ces personnes-là ne peuvent pas travailler. Il y a l'exemple d'une femme, elle vient du Kosovo, elle était médecin, elle a fait du service à Bagdad, elle a travaillé à l'ONU, et maintenant elle vit sur le bien-être social à Hull. Bon.

Alors, des exemples comme ça, on pourrait vous en donner à la tonne, et c'est pour ça que je pense qu'il faudrait peut-être changer de paradigme dans la façon dont on regarde les personnes immigrantes chez les ordres professionnels. Au lieu de contrôler l'accès à la profession, on devrait peut-être mettre en place des mécanismes pour favoriser l'accès à la profession. Je vous donne un exemple. Il y a trois ans, on manquait d'infirmières en Outaouais. J'avais une liste de 34 infirmières et auxiliaires formées à l'étranger. 34. On les a présentées à la commission scolaire et au cégep pour une mise à niveau; la grande majorité d'entre elles a été refusée parce qu'elles n'ont pas réussi l'examen de français écrit. Et vous savez peut-être comme moi qu'il n'y a aucune corrélation... nulle étude au monde n'est capable d'établir une corrélation entre le résultat à un test de français écrit et la capacité de pratiquer une profession. J'ai eu l'occasion, moi-même, de faire cette étude pour la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa. On a suivi les étudiants pendant deux ans; on leur avait administré un test. En principe, les étudiants qui avaient les meilleurs résultats au test auraient dû être ceux qui réussissaient le mieux leurs études en droit; or, il n'y avait aucune corrélation entre les résultats du pré-test et les notes obtenues lors des tests.

Bref, au niveau de la Charte de la langue, je sais que la Charte de la langue, bon, ça vise à protéger le français au Québec, mais des fois c'est contre-productif, surtout la façon dont on l'applique, et c'est souvent ce que les... Vous savez, on m'a... Bien, je reviens à la question des Noirs, les Noirs qui viennent ici, la majorité parlent un excellent français; ça ne les empêche pas d'être sans emploi plus que les autres. Donc, il n'y a pas de relation, là non plus, entre leur capacité de s'exprimer en français et la capacité d'avoir un emploi et donc de s'intégrer à la société.

Bref, j'accélère. C'est la même chose... Au niveau de la francisation, évidemment il y a plusieurs personnes qui passent chez moi aussitôt après avoir suivi les heures de francisation, et on nous fait quelques reproches de ce côté-là. On nous dit: Les manuels qu'on nous présente nous parlent toujours des emplois les plus bas de la société. Alors, comme je vous l'ai montré tantôt, les personnes qui viennent chez nous sont très qualifiées, sont capables de faire autre chose que de livrer de la pizza.

Pour ce qui est du travail au noir, ça aussi, ce n'est pas... Dans le fond, vous savez, quand je regarde, ce que j'observe, ce que je vois depuis des années, ce n'est pas les Québécois qui sont racistes ou discriminatoires ? les Québécois sont peut-être xénophobes, mais je ne pense pas qu'ils sont racistes ? c'est le système qui renvoie toujours une image négative par rapport aux personnes immigrantes. Lorsque, par exemple, on présente des personnes, on a les personnes formées à l'étranger qui sont infirmières, bon, puis on pense qu'on devrait les recycler comme préposées aux bénéficiaires, qu'est-ce qu'on... et qu'en même temps les professeurs, les enseignants me disent: Bien, tu sais, on peut se le dire entre nous, là, ces personnes-là n'ont pas beaucoup de chances de réussir, parce qu'en général elles ne comprennent pas comment ça marche... Ce sont des personnes qui des fois ont trois, quatre ans d'études. C'est sûr qu'elles laissent le programme, parce qu'après un mois elles se sentent tellement humiliées qu'elles abandonnent. Donc, encore là, c'est une question de regard qu'on porte sur elles.

Le travail au noir, bien je ne veux pas insister là-dessus. Je pense qu'il y a beaucoup de personnes immigrantes qui sont ce que j'appelle des «décrochés économiques», qui ne peuvent pas travailler mais qui finissent par s'habituer très, très bien, de s'accommoder très, très bien du travail au noir. Quand vous venez de la Colombie et que vous êtes habitué de magouiller un petit peu, et, comme on dit Brésil... là, les petits trucs par en dessous, ils sont très habiles, beaucoup plus habiles que nous à jouer avec ça, et ils s'accommodent très bien du système. Sauf qu'on ne leur rend pas service et on ne rend pas non plus service à la société québécoise, parce qu'après on voudrait que ce soient des citoyens honnêtes, parfaits, qui participent à l'équité, et le reste, et le reste, du Québec, mais au départ on leur a appris à magouiller avec le système.

n (14 h 20) n

Nous, on pense qu'il faudrait peut-être se pencher sur d'abord la mise en oeuvre des politiques existantes. Il y a la Loi sur l'accès à l'équité en matière d'emploi, O.K.? Les villes et d'autres devraient se donner des plans d'action. On les cherche toujours. L'année passée, j'avais développé un projet pour aider la ville de Gatineau à embaucher 10 jeunes personnes immigrantes comme moniteurs dans les parcs pendant l'été, O.K.? J'arrivais même avec un projet qui me permettait de payer 60 % du salaire à ces 10 personnes là. La ville en embauche 500. Théoriquement, la ville devrait en embaucher 50, si on regarde la proportion de la population. Nous en avons un, peut-être. Le projet, comme on dit, est mort au feuilleton. Il y a quelqu'un parmi les fonctionnaires qui a dit qu'il ne pouvait pas faire ça parce que ce serait de la discrimination à l'endroit des personnes immigrantes... à l'endroit des Québécois. Vous voyez, tout de suite? Donc, ils n'ont embauché aucun moniteur pour travailler dans les parcs. Et pourtant j'arrivais avec un projet, nous, on s'offrait, on avait trouvé l'argent pour faire toute la formation en aval, on arrivait même avec 60 % des salaires. Pourquoi? Parce qu'il y a des fonctionnaires qui ont jugé que, ah, non, c'était un peu compliqué, puis que, bon, on ne voulait pas s'embarquer là-dedans. Le maire n'était pas content, mais, quand il est devenu mécontent, il était trop tard.

Quand on regarde l'article 17 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, je pense que c'est un article qui démontre une très belle ouverture, et on devrait peut-être méditer davantage sur cet article pour voir comment on pourrait le mettre en oeuvre davantage.

Enfin, dans la dernière partie du rapport, nous, ce qu'on recommande, c'est des mesures extrêmement concrètes, peut-être moins de discours et plus d'actions concrètes. Et ce qui nous semble le plus utile pour aider les personnes immigrantes à s'insérer en emploi et conséquemment à s'intégrer à la société québécoise, c'est quand on a des programmes d'immersion professionnelle et des programmes préparatoires à l'emploi.

Ce que les personnes immigrantes ont besoin en général, ce dont elles ont besoin, ce n'est pas de la formation professionnelle, ce n'est pas un retour à l'université. Ce n'est pas parce que vous envoyez une personne immigrante qui a déjà une maîtrise étudier à l'UQO, faire une deuxième maîtrise, qu'elle va améliorer ses chances de se trouver un emploi. Surtout qu'on la conforte dans un système qu'elle connaît déjà, mais ça ne la prépare absolument pas à un emploi.

Nous, ce qu'on a constaté, c'est que les personnes immigrantes ont besoin de travailler au niveau de ce qu'on appelle les aptitudes génériques, c'est-à-dire des aptitudes transversales et réutilisables dans toutes les occasions. Au Québec, on a une façon de communiquer, il faut leur montrer comment on communique au Québec. On a une façon de travailler ensemble, d'interagir les uns avec les autres. La recherche d'emploi, c'est autre chose. C'est là-dessus qu'il faut travailler, et il faut que ça débouche sur des stages. Et, quand on a des stages... 80 % des personnes qui passent chez nous et qui vont en stage restent en emploi. 80 %! Donc, c'est la... Et, une fois que ces personnes ont un emploi... Moi, je dis toujours à la blague: Vous savez, les personnes immigrantes, c'est la même chose que les Québécois, ils veulent une hypothèque, ils veulent s'endetter pour acheter une auto, ils veulent des cartes de crédit, et là ils se sentent parfaitement intégrés. Et, un jour, il y a une personne immigrante qui est arrivée avec sa carte de crédit, puis elle a dit: Ça, c'est plus important que mon papier de citoyenneté, parce que là je me sens intégrée, la banque m'a reconnue. Donc, c'est une blague, mais, je veux dire, ça illustre quand même comment ces personnes-là nous voient et se voient aussi.

Donc, sensibilisation des employeurs et de la population, je pense, c'est extrêmement important. Les employeurs sont ouverts, mais il va falloir donner aux employeurs plus de latitude dans l'embauche de leurs employés. Souvent, ils disent: Ah, on ne peut pas parce qu'il y a telle règle, il y a telle norme, il y a tel ci, il y a tel ça. Donc, je pense qu'il faut travailler à aider les employeurs, les sensibiliser à la main-d'oeuvre immigrante, et la population en général. Je vais vous donner un petit exemple. J'étais dans un comité de repeuplement dans la région de Papineau, et puis il y a quelqu'un qui m'a dit, parce qu'on fait appel à nous, là, pour qu'on amène des travailleurs immigrants chez eux, et on m'a dit tout candidement: Nous, on en veut, des personnes immigrantes, mais on les veut blancs et qui parlent français. Donc, il y a un effort à faire au niveau de la population, parce qu'il n'y aura pas seulement que des Blancs qui parlent français.

Donc, en conclusion, on pense que, si on agit sur ces... Vous savez, pour améliorer un système, quand on parle des principes de la qualité totale, il y a un principe qui dit: Pour changer un système, il faut agir sur les sous-systèmes. Si vous voulez faire réparer votre auto, vous faites réparer les sous-systèmes qui ne fonctionnent pas. Parce qu'un système en soi, ça n'existe pas. Et je pense qu'il est très important qu'on développe des politiques pour modifier les irritants, modifier les normes, modifier tout ce qui s'appelle des sous-systèmes qui empêchent l'insertion en emploi des personnes immigrantes.

Le Président (M. Turp): Merci beaucoup. Et on va passer donc la parole aux députés du parti ministériel et de l'opposition officielle. Suite à une entente qui a été faite ce matin, les deux côtés ont 20 minutes chacun, et ce sera divisé en quatre périodes de 10 minutes. Je donne donc la parole à la ministre pour ses premiers échanges d'une dizaine de minutes avec vous.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Mayrand, de votre présence aujourd'hui en commission. Évidemment, je vois que vous avez fait beaucoup de recommandations qui touchaient les axes d'orientation qu'on avait. Il est évident que tout sera analysé avec le plus grand soin possible.

Vous avez débuté votre intervention en parlant de la vision, le regard que les gens ont sur l'immigration. Il est vrai que très longtemps l'immigration au Québec a été perçue comme étant des réfugiés et non pas nécessairement à caractère de l'apport du développement du Québec, l'apport au développement économique, social et culturel du Québec. Lorsqu'on sait, aujourd'hui, que près du deux tiers de l'immigration est sélectionnée par le gouvernement du Québec en fonction des qualifications, en fonction de la formation des gens, en fonction des pénuries de main-d'oeuvre que nous avons présentement, il est évident que je crois qu'on a du travail à faire pour que les gens changent la vision, le regard qu'on porte sur les immigrants. On a tendance à penser que ce sont des gens qu'on accueille ici parce qu'ils avaient des problèmes dans leur pays alors que c'est tout à fait le contraire, ce sont des gens qui ont été choisis par le Québec pour leurs compétences, mais qu'ils ont également choisi le Québec, parce qu'ils auraient pu aller ailleurs, soit dans une autre province ou dans un autre pays. Donc, je suis d'accord avec vous qu'on doit travailler sur la perception que les gens ont de l'immigration pour pouvoir faire en sorte que les gens perçoivent aussi que l'immigration est un levier de développement économique qui est très important pour nos régions.

D'ailleurs, pour avoir visité votre région quelquefois et les autres régions, je sais qu'il y a beaucoup de régions qui sont en pénurie de main-d'oeuvre présentement, dans des secteurs très spécialisés également. Et, la volonté des régions de signer des ententes de régionalisation, d'avoir des plans d'action qui interpellent non seulement l'immigrant ou le gouvernement, mais toutes les composantes de la société, je le dirai ainsi, il est évident que, lorsque les partenaires se sentent interpellés, ils sentent qu'ils sont partie prenante de la décision comme telle, il est évident qu'on ne peut qu'améliorer le visage ou la perception qu'ont les gens du visage de l'immigration.

Vous avez parlé de la recherche d'emploi, que, lorsqu'il y a des stages, d'après les données que vous avez, le travail que votre organisme fait dans l'Outaouais, que, lorsque les gens ont fait des stages, à 80 %, ils restent en entreprise ou en emploi. C'est une donnée qui est tout à fait excellente, je dirais, puisqu'il est vrai que dans votre région, même si les statistiques de 2001 qui sont disponibles parlent de 5,7 % de la population, on tourne plus alentour du 10 %. Avec le dernier recensement, on va pouvoir confirmer cette donnée-là. Et à mon avis c'est sûr que des stages peut être une formule intéressante. Lorsqu'on regarde aussi le programme PRIIME, qu'on a mis sur pied l'an passé, les résultats sont excellents aussi, parce que les gens demeurent en emploi, et il est évident que le stage peut permettre de démystifier, je dirais, ce qu'est l'immigration et de changer la perception que les gens peuvent avoir des immigrants.

J'imagine que, dans vos contacts que vous avez avec les entreprises, certaines d'entre elles doivent vous faire part de commentaires par rapport à leur changement de vision ou leur perception avec le temps, j'aimerais vous entendre là-dessus.

M. Mayrand (Robert): Oui, c'est très vrai, parce qu'en général lorsque les employeurs embauchent une personne immigrante ils reviennent pour en embaucher une deuxième et même une troisième.

Mme Thériault: ...proportion de cas. Est-ce que vous avez une statistique là-dessus?

M. Mayrand (Robert): Ah! Je n'aurais pas... j'ai des entreprises qui sont venues pour embaucher des personnes huit fois. Il y en a qui en ont embauché deux. Évidemment, des fois on ne peut pas toujours répondre à la demande parce qu'on n'a pas le profil recherché par l'entreprise. Mais il y avait justement une anecdote. L'entreprise qui embauchait un Marocain et un Québécois la même journée; après une semaine, ils ont congédié le Québécois et ils ont gardé le Marocain. Et le commentaire qui était fait: si c'est le Marocain qui n'avait pas fait l'affaire, on aurait dit: On n'en veut plus, de Marocains. Mais, heureusement, c'était le Québécois, ils ne l'ont pas dit. Mais en général ça démontre une très grande ouverture. On a placé, par exemple ? j'oublie le nom de la firme d'ingénieurs qui a construit l'hôtel Hilton puis le casino ? une Chinoise qui ne parlait presque pas français, on l'a envoyée en stage, un stage de six semaines; après deux semaines, ils ont mis fin au stage et ils l'ont embauchée. Donc, on a pas mal d'expériences comme ça. Et, nous, on essaie actuellement de sensibiliser les employeurs en développant un répertoire d'histoires à succès de personnes immigrantes qui, dans notre région, parce qu'on ne les voit pas toujours, occupent des postes extrêmement importants. Ça, ça va être un outil de sensibilisation qu'on espère développer dans les prochains mois.

n (14 h 30) n

Mme Thériault: Effectivement, je pense que vous abordez un sujet qui est intéressant, c'est que, dans toutes les sphères de la société, il y a des gens qui sont issus de différentes communautés; on n'a qu'à regarder nos universités, qui regorgent de professeurs, de docteurs, de titulaires de chaires qui sont des Québécois issus des communautés culturelles ou qui proviennent de d'autres pays, qui sont en poste de commande, et il est évident que ça, ce n'est pas assez connu. Moi, je pense que les jeunes ont besoin de modèles. Je regarde, même à notre ministère, nous, on a la première femme sous-ministre issue de l'immigration d'origine haïtienne, qui y a été nommée voilà un an et quelques. Et ce n'est pratiquement pas connu, mais pourtant c'est une personne qui peut faire foi d'exemple au niveau de sa communauté.

Est-ce que vous avez envisagé des programmes comme ça, ou faire une espèce de gala reconnaissance pour justement aller chercher les meilleurs éléments ou les gens avec lesquels vous pourriez dire: Bien, voici une personne qui a réussi dans notre société, un peu, si vous voulez, ce qu'on s'affaire à faire avec la création du prix Charles-Biddle, qu'on a lancé pour la première fois au prix de la Citoyenneté, au mois de juin, où on a voulu mettre de l'avant l'apport d'un Québécois issu d'un autre pays, depuis plus de 20 ans, à la société québécoise? Et c'est Mme Ivy, qui est conseillère municipale à Val-d'Or, qui a reçu le prix Charles-Biddle justement parce que c'est une personne qui a contribué à bâtir le Québec, dans sa région, à sa façon aussi.

M. Mayrand (Robert): Oui. On travaille, on a des projets similaires. Ce qui est toujours difficile, c'est d'amener les employeurs à une rencontre ou à un événement quelconque. Je crois qu'il va falloir compter beaucoup sur les élus pour attirer les employeurs. C'est un peu la stratégie que, nous, on avait développée, au SITO, il y a quelques années. C'est de commencer à travailler beaucoup avec les élus pour que les élus exercent un leadership auprès des employeurs.

Et, dans notre région, on le fait beaucoup, beaucoup. On travaille beaucoup avec la conférence régionale des élus, le conseil des partenaires, et on se rend compte qu'à partir du moment où les députés, ministres ? on a rencontré M. Pelletier à plusieurs reprises ? à partir du moment où le député, le ministre ou les élus passent aux employeurs un message, ça passe. Mais, nous, on se rendait compte que, quand on essayait de faire le travail tout seuls auprès des employeurs, on n'avait pas le même niveau de succès.

Mme Thériault: Parce que vous êtes perçus comme étant un organisme qui travaille avec les immigrants. Donc, c'est le bien de l'immigrant à tout prix.

M. Mayrand (Robert): Bien, j'imagine qu'on a...

Mme Thériault: Est-ce que vous pensez que c'est perçu comme ça par les employeurs? Parce que, je ne sais pas, il me semble que c'est quand même un langage économique.

M. Mayrand (Robert): Oui. Mais, si on amène un ministre, par exemple, qui vient parler, qui vient faire un discours auprès des employeurs, ça va attirer les employeurs, et son discours va avoir plus de portée que si c'est un conseiller en emploi qui va en entreprise.

Parce que la sensibilisation, c'est au niveau d'un certain discours qu'il faut tenir. Nous, on va répondre à un besoin immédiat, combler un poste, une vacance, quelque chose comme ça, mais ça n'a pas la même portée.

Le Président (M. Turp): Merci, Mme la ministre. D'ailleurs, j'invite les gens à regarder le mémoire, à le lire. Il y a une série d'anecdotes, là, qui sont assez intéressantes, que vous présentez dans le mémoire. Peut-être que vous pourriez aussi, pour les fins de la commission, nous faire un document sur les histoires à succès et nous le faire parvenir. Ce ne serait pas inintéressant. Alors, je donne la parole à la députée de Laurier-Dorion, la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles.

Mme Lefebvre: Bien, merci, M. le Président. M. Mayrand, je vous remercie de votre présentation. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt votre mémoire. D'ailleurs, vous êtes un de ceux qui a focussé le plus sur l'importance de l'insertion en emploi pour faciliter l'intégration et donc lutter contre la discrimination et le racisme. Puis je pense c'est une voie qui est intéressante à privilégier.

Puis, d'entrée de jeu, j'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Vous mentionnez qu'«il serait plus concret et efficace d'élaborer et mettre en oeuvre une politique sur l'intégration et l'insertion en emploi plutôt qu'une politique contre le racisme». Donc, je ne sais pas... Des initiatives qui ont été mises en place par le gouvernement actuel ou les gouvernements précédents, est-ce qu'on peut retrouver à l'intérieur de ça des pistes d'action pour améliorer la situation?

M. Mayrand (Robert): Ce qui a été mis en place est très intéressant puis ça donne certains résultats, mais on pense qu'on pourrait aller beaucoup plus loin. Et je vais vous donner une anecdote.

Un ami ici me disait, la semaine dernière, parce qu'il a un de ses frères qui travaille aux États-Unis... Et puis il me faisait ce commentaire au sujet du racisme. Il a dit: Tu sais, quand tu vis aux États-Unis, tu es Noir aux États-Unis et que tu es président-directeur général d'une grosse compagnie puis tu gagnes 300 000 $ par année, tu t'en fous pas mal, du regard raciste qu'on porte sur toi dans la rue, O.K.?

Et je pense que c'est un peu vrai. Je disais la même chose à quelqu'un. Moi, je travaillais à Toronto, et évidemment, comme Québécois, des fois, à Toronto, on se fait regarder d'une drôle de façon. Mais ça ne me dérangeait pas tellement parce qu'ils me payaient un très bon salaire, et puis j'étais capable d'en prendre.

Donc, vous voyez un petit peu... Mais, quand une personne est prise, et je pense surtout aux Noirs, puis je le dis dans le rapport, les Noirs qui viennent, qui parlent français, qui n'ont même pas la chance de passer par les classes de francisation, qui se ferment dans leur petit quartier et qui finalement vivent entre eux... Il y a un de mes amis, qui est Congolais, qui a enseigné ici, on lui a trouvé un emploi à l'Université Laval d'ailleurs, c'est un bel exemple à succès. Il s'appelait Léonard. Il a écrit, l'année passée, un truc, et il dit justement que les Africains vivent ici une relation schizophrénique avec notre société. Dans la rue, ils jouent un rôle, ils ont un comportement, ils ont une attitude, ils essaient de s'adapter. Mais, aussitôt qu'ils se retrouvent entre eux, ils vivent comme s'ils étaient encore en Afrique. Ils écoutent la musique africaine, ils s'habillent comme des Africains, ils mangent comme les Africains puis ils ont les mêmes anecdotes que lorsqu'ils étaient en Afrique.

Donc, ce qu'il faut, c'est les sortir de ces petits ghettos, et la meilleure façon de les sortir, c'est encore par l'insertion en emploi. Une fois qu'on les fait travailler, leur vision de notre société change, ils apprennent aussi, ils se transforment. Mais, quand on ne le fait pas, ils restent dans leur coin. Puis vous avez vu ce qui s'est passé en France, c'est exactement pour ça. Au Brésil, par exemple, il y a 8 millions de Libanais, 8 millions de Libanais au Brésil. Les Libanais sont très bien au Brésil. Pourquoi? Parce qu'ils travaillent. Ils sont très, très bien intégrés, vous ne les voyez même plus dans la société brésilienne, tellement ils sont intégrés.

Donc, c'est pour ça que, nous, on pense que... on remarque d'ailleurs, parce que, depuis 10 ans qu'on est là, il y a plus de 3 000 personnes qui sont passées chez nous, aussitôt que ces personnes-là ont un emploi, puis qu'il y a des manifestations sur la diversité culturelle, ou des trucs comme ça, ils ne sont même plus là, ils ne viennent même pas, parce que là ils se sentent... ils font partie de la gang, ils font partie de la société québécoise, ils paient des taxes comme tout le monde. Et donc leur vision change aussi. On est allés l'autre jour, il y a deux semaines, à Hull, il y avait une journée de la diversité culturelle. Qui était là? Les Noirs qui ne travaillent pas, les personnes qui aiment jouer au soccer puis des parents dont les enfants dansaient ou chantaient. C'est à peu près tout ce qui s'est retrouvé là. Tous ceux qui venaient du SITO, qui ont de l'emploi, ne sont pas présentés, parce qu'eux autres, ils n'ont plus envie d'être vus là-dedans. Bizarrement, là, c'est comme ça!

Mme Lefebvre: Bien, c'est intéressant, ce que vous dites, parce que dans les dernières années on a quand même... puis je pense que c'est des bonnes initiatives, là, de mettre en oeuvre justement les prix de reconnaissance, puis... donc pour valoriser ceux qui réussissent dans leur domaine, mais en même temps des actions concrètes. Vous avez parlé aussi qu'il serait important de se pencher sur les lois qui existent déjà. Donc, si on regarde... parce qu'on est en train de rebrasser un peu ce qui se fait, puis cette politique-là va raffermir nos mécanismes. Mais, si on regarde dans ce qui se fait, les mécanismes existants, qu'est-ce qui selon vous sont les meilleures pratiques et ce sur quoi on pourrait se baser puis fortifier en fait notre action?

M. Mayrand (Robert): Moi, je crois toujours... je reviens... je suis tout à fait d'accord avec Mme Thériault, que de la reconnaissance, faire de la reconnaissance de la valeur des personnes immigrantes, ce n'est pas juste au niveau symbolique, comme gouverneur général. C'est différent quand on regarde Condoleezza Rice puis qu'on regarde la gouverneure générale. D'ailleurs, les Noirs regardent les deux de façon extrêmement différente. Tu sais, dans un cas, c'est une personne qui joue un rôle symbolique, dans l'autre, c'est la deuxième personne la plus importante aux États-Unis. Donc, ça change complètement leur vision.

Donc, je pense que c'est très, très important, oui, d'aider les personnes immigrantes. C'est important d'aider les personnes immigrantes à obtenir un emploi selon leur niveau de compétence, et c'est extrêmement important de le reconnaître. Donc, je pense que ça vaudrait la peine qu'il n'y ait pas seulement des galas du prix... mais qu'il y ait des galas sur... Nous, on pensait, on avait pensé à deux activités ? on voulait avec la Chambre de commerce, d'ailleurs, en Outaouais ? c'est, un, la reconnaissance des employeurs qui embauchent les personnes immigrantes, d'une part. Donc, qu'il y ait une reconnaissance des employeurs qui, eux, se commettent, n'ont pas peur d'embaucher des personnes immigrantes, puis en même temps qu'on reconnaisse des entrepreneurs personnes immigrantes ? parce qu'il y en a aussi ? qui participent au développement économique du Québec, et, troisièmement, qu'on reconnaisse aussi des personnes immigrantes qui se distinguent dans leur emploi. Je pense à la Chinoise qui travaille pour la compagnie de génie, là, elle a fait un témoignage devant... Malheureusement, on avait organisé ça avec Emploi-Québec, la Chambre de commerce, il y a eu seulement 15 employeurs qui sont venus. Bon. Donc, il y avait plus de personnes immigrantes qui faisaient des témoignages puis d'employeurs qui avaient été employeurs, mais...

Donc, il faut trouver un façon... Il va falloir trouver une façon de... Il faut que les employeurs s'impliquent, puis ça, c'est une marotte que j'ai, là, je ne vous dirai pas pourquoi, mais il faut que les employeurs soient de plus en plus impliqués dans les régions au niveau du développement de la main-d'oeuvre, pas seulement au niveau théorique, mais au niveau des programmes d'études. Si vous êtes capables d'impliquer les employeurs au niveau de programmes d'études dans les cégeps, ce qui se passe, ils vont s'impliquer. Si c'est fait seulement au niveau des grandes instances, ils ne sont pas là, ils ne s'impliquent pas, ils disent: On n'a rien à dire, ce n'est pas notre décision. Par exemple, quand un employeur ne peut pas embaucher la main-d'oeuvre qu'il veut parce qu'il y a des normes qui empêchent d'embaucher qui il veut, l'employeur, qu'est-ce qu'il fait? Il ne s'implique plus, là, il applique la norme. Puis, une norme, vous savez comme moi, quand... Une norme, ça empêche de réfléchir, c'est fait pour ça. Parce que, quand on a des normes, on a seulement à appliquer la norme, puis on n'a plus besoin de se poser de questions. Alors, plus une société est normée, moins elle réfléchit.

n (14 h 40) n

Mme Lefebvre: Puis vous avez également parlé... puis ça suit un peu le thème, mais, dans l'insertion, les stages, l'importance de pouvoir en offrir, puis ça permettait, bien, aux personnes de s'intégrer en emploi finalement. Puis, la finalité est celle que vous avez dite, celle de la baisse des discriminations. Je pense que c'est la même chose également pour les jeunes. Tu sais, si on regarde les parcours, ceux qui réussissent le mieux, c'est ceux qui se sont impliqués jeunes puis qui ont eu différentes expériences. Puis, le programme d'aide à l'intégration des immigrants et des minorités visibles, le programme PRIIME, je travaille un peu là-dessus, j'aimerais vous entendre sur ça. Vous mentionnez les résultats, dans votre mémoire, qui paraissent peu concluants, j'aimerais comprendre pourquoi.

M. Mayrand (Robert): Bien, nous, il y avait...

Le Président (M. Turp): ...1 min 30 s.

M. Mayrand (Robert): Il y avait un programme d'immersion professionnelle avant, qui était coordonné par CAMO-Personnes immigrantes. La dernière année de ce programme-là, on placé 35 personnes en emploi, dont 20 minorités visibles. Depuis que c'est PRIIME, et on n'est plus responsables de PRIIME, là, on a envoyé les personnes, on a eu deux placements.

Mme Lefebvre: Quand vous dites que vous n'êtes plus responsables, je ne comprends pas.

M. Mayrand (Robert): Géré directement par Emploi-Québec. Autrefois, c'était une relation directe entre nous et l'employeur. Maintenant, on est comme... il y a plus d'intervenants.

Mme Lefebvre: L'intermédiaire d'Emploi-Québec ne vous permet pas de faire la représentation pour le candidat?

M. Mayrand (Robert): Non.

Mme Lefebvre: Donc, qu'est-ce qu'on pourrait améliorer?

M. Mayrand (Robert): Bien, nous, on trouvait que l'immersion professionnelle, telle qu'elle existait du temps de CAMO-Personnes immigrantes, pour nous en tout cas, ça donnait d'excellents résultats.

Le Président (M. Turp): Merci, M. Mayrand. Je repasse la parole à la ministre ou aux collègues du parti ministériel, en leur indiquant qu'il reste 11 min 40 s.

Mme Thériault: Merci. M. Mayrand, vous avez fait état de PRIIME par rapport à l'autre programme qui existait. Moi, je voudrais peut-être juste faire une petite mise au point ici: PRIIME n'a pas été créé pour remplacer le programme qui existait déjà, ce programme-là... les deux programmes sont gérés par Emploi-Québec, ce sont deux programmes totalement distincts. Et, PRIIME, ce qu'il permet de faire, c'est d'ajouter une chance ou un accès à l'emploi, si vous voulez, soit pour les personnes immigrantes de moins de deux ans ou pour une personne qui est issue d'une minorité visible, et ça vaut également pour quelqu'un qui est né ici, au Québec, qui peut être issu de la communauté haïtienne, jamaïcaine, chilienne, asiatique, etc. Donc, c'est un programme qui est complémentaire. À ce moment-là, c'est Emploi-Québec qui gère réellement les deux programmes de façon distincte et différente. Et, nous, les données qu'on a indiquent que PRIIME a eu 15 placements dans votre région, en Outaouais, l'année passée. C'est bien évident que c'est un programme qui est quand même restreint, mais il faut comprendre que c'est un nouveau programme, qui a été mis sur pied l'an passé, et que nous avions, la première année, 5,3 millions de dollars, puisque cet argent-là, c'est une portion des intérêts qui est générée à même les bénéfices des placements qui sont faits par les immigrants investisseurs. Donc, ce n'est même pas des fonds gouvernementaux, là, c'est un autre programme à côté pour justement faciliter l'intégration en emploi des minorités visibles et des nouveaux immigrants.

J'aimerais vous entendre. Tout à l'heure, vous avez parlé que vous aviez deux catégories de personnes qui, pour vous, c'était beaucoup plus difficile à placer, vous parlez des minorités visibles dans un premier temps et, après ça, vous avez parlé des gens des métiers réglementés avec les ordres professionnels. Vous semblez dire qu'il y a de la discrimination systémique, je ne sais pas si c'est l'essence de vos propos?

M. Mayrand (Robert): Bien...

Mme Thériault: Quand je parle de discrimination systémique, je dis que c'est peut-être le système qui fait en sorte qu'on refuse. Parce qu'on peut...

M. Mayrand (Robert): D'abord, pour les minorités visibles, et c'est là où je faisais allusion à PRIIME, on connaît PRIIME, puis je sais qu'en Outaouais on a atteint les objectifs du point de vue d'Emploi-Québec, ce que je disais, c'est, quand on avait l'autre programme, on a réussi à aider les minorités visibles, on en a placé 20 en emploi la dernière année, 20, à part des autres. Donc, pour nous, c'était plus efficace pour aider les minorités visibles, de notre point de vue. Ça n'exclut pas le travail fait par PRIIME.

Deuxièmement, pour ce qui est des métiers réglementés et des ordres professionnels, puis ça, j'ai beaucoup de... j'aurais beaucoup d'exemples à vous donner, parce que j'ai téléphoné moi-même aux ordres professionnels, j'ai fait des démarches, c'est une perception, c'est une vision, c'est une attitude. La réceptivité n'est pas là; on est là pour contrôler l'accès. On a organisé une rencontre à l'Université du Québec, nous-mêmes, avec les ingénieurs. La première chose qu'on nous a dit, c'est: Nous, on est là pour contrôler l'accès à la profession, on contrôle.

Donc, ce que je dis, c'est que ce serait intéressant d'avoir un changement de paradigme, puis dire: Est-ce qu'on ne peut pas mettre en place des mécanismes pour favoriser l'accès? On ne dit pas qu'il faut jeter le bébé avec l'eau du bain, là, on ne dit pas qu'il faut amoindrir la qualité des services qu'on donne, mais il me semble... Avant hier, j'avais une Mexicaine qui était à mon bureau, et elle me racontait que son père a épousé une Québécoise il y a 30 ans, il était médecin au Mexique, il s'est en venu au Québec, il n'a jamais pu travailler dans son domaine. Il a suivi des cours, il est retourné à l'université, il a fait d'autres maîtrises, mais finalement sa carrière comme médecin, elle a été complètement perdue. Il a essayé, il s'est entêté, mais aujourd'hui il est en fin de carrière et il a l'impression d'avoir perdu sa vie. C'est drôle, je parle de désintégration.

Mme Thériault: Quand vous parlez des ordres professionnels, votre rencontre que vous avez faite à l'Université du Québec à Montréal, est-ce que ça fait longtemps?

M. Mayrand (Robert): Ça fait un an et demi à peu près.

Mme Thériault: Un an et demi, O.K. Parce que, moi, je dois vous dire que ça fait un an et demi que je suis ministre, ça fait un an et demi qu'on travaille sur le dossier, et plus parce qu'on a travaillé avant également, et, lorsqu'on a mis sur pied l'équipe de travail qui a été présidée par M. Bazergui, le Conseil interprofessionnel, l'Office des professions siégeaient à ce comité-là. On a priorisé les métiers de la santé, de par les pénuries de main-d'oeuvre qu'on avait, évidemment, avec les médecins et les infirmières, et je vous dirais qu'il y a eu beaucoup de chemin qui a été parcouru. Nous, au ministère, on a signé 11 ententes à ce jour qui portent soit sur de l'autoévaluation, la reconnaissance des équivalences, de la formation d'appoint, des mesures d'accompagnement pour les examens, des groupes d'étude pour aider les gens à passer au travers du processus. Il y a eu beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail qui a été fait, il y a présentement 14 ordres professionnels avec lesquels on est en négociation pour mettre sur pied des projets.

Je vous dirais que, si, à l'époque, les ordres professionnels ont toujours gardé en tête qu'ils devaient protéger le public, je pense qu'ils sont très conscients aujourd'hui qu'ils ne peuvent pas non plus mettre en péril la sécurité du public en ne voulant pas reconnaître l'expérience qui a été acquise à l'étranger, surtout pas dans un contexte où notre immigration repose en grande partie sur les qualifications des gens, leurs compétences professionnelles, puisque c'est pour ça qu'on les a choisis.

Je vous dirais même que je suis agréablement surprise de voir certains ordres professionnels, avec la vitesse à laquelle ils ont répondu à notre appel lorsqu'on a dit qu'on avait de l'argent pour faire des projets avec eux pour les aider dans cet accompagnement-là. Il y a déjà des choses qui existent; on peut moduler, on peut adapter d'un ordre professionnel à l'autre. Je pense qu'il faut tenir compte aussi que chaque ordre professionnel est très différent l'un de l'autre.

Vous parliez du médecin mexicain; c'est sûr que, voilà 25 ans, de toutes façons, dans les normes ici, il n'y a pas si loin que ça, sur le site Internet, c'était écrit qu'il y avait une certaine liste de professions qu'il n'était même pas pensable de pratiquer, ou on recommençait tout simplement les études. Là, vous parlez des médecins. Au début des années 2000, il y avait à peine cinq médecins qui pouvaient être admis en résidence. Présentement, on parle de 65 médecins cette année qui ont eu des postes de réservés pour être admis en résidence. Bien, il est évident qu'une personne que ça fait 20 ans qu'elle n'a pas pratiqué de médecine, ça va tellement vite aujourd'hui, l'environnement de travail change, les médicaments changent, le contexte change, il est utopique de penser que cette personne-là pourrait recommencer à zéro sa formation ou s'en voir reconnaître une certaine partie. Je pense qu'il faut se dire quand même les vraies choses, là.

n (14 h 50) n

M. Mayrand (Robert): On est d'accord avec ça, là. Ce n'est pas que... Puis on est d'accord aussi, parce qu'on a suivi d'assez près ? je peux dire, moi, ça fait ma septième année au Service Intégration Travail Outaouais ? et je peux dire qu'on reconnaît qu'il y a eu pas mal de progrès, qu'il y a eu un changement; ça, on le reconnaît. On pense qu'il y a encore du chemin à faire, il y a encore beaucoup de chemin à faire. On est dans la bonne direction, ça, je suis tout à fait d'accord. Et je pense que ce sur quoi il faut travailler, c'est souvent sur des irritants, des irritants qui sont là et qui empêchent que... oui, il y a des bonnes intentions, mais souvent il y a des irritants qui empêchent que les choses se fassent sur le terrain. C'est là, je pense, qu'il y a du travail.

Il y a beaucoup de travail à faire du côté de l'éducation, par exemple. Tu sais, juste la reconnaissance des acquis, il y avait un document d'à peu près une quinzaine de pages qui était utilisé par la commission scolaire. Si vous preniez le document et que vous encercliez seulement les mots «formation» et «retour aux études», ça revenait à peu près cinq, six fois par page. Vous voyez? Donc... Et je leur ai fait remarquer: Est-ce que vous faites de la reconnaissance des acquis pour retourner les personnes sur les bancs d'école? Ce n'est pas ça, de la vraie reconnaissance des acquis; c'est exactement le contraire, et c'est pour ça qu'on doit se donner des mécanismes de reconnaissance des acquis expérientiels.

Mais ça a même une incidence sur la manière dont les programmes d'études sont faits. Si vous avez des programmes d'études qui sont développés en fonction des contenus... c'est sûr que, quand vous voulez faire de la reconnaissance des acquis, vous avez tendance à comparer des contenus. Si vous avez des programmes d'études qui sont développés en fonction de compétences ou de résultats d'apprentissage, ça devient beaucoup plus facile de faire de la reconnaissance des acquis expérientiels, parce que là vous êtes capables de comparer une compétence, une tâche, en quelque sorte, avec ce qui est prévu dans le programme d'études. Donc, ça a même une incidence sur la manière dont les programmes d'études sont développés.

Mme Thériault: Pour votre information et pour clore ma portion, je vous dirais que le projet que nous avons conclu avec les technologues en radiologie, ça permet justement de pouvoir voir de quelle façon on peut reconnaître et mesurer les compétences qui ont été acquises. Donc, je ne peux que vous dire ainsi qu'aux gens qui nous écoutent que nous sommes sur la bonne voie, mais, par contre, c'est un dossier qui est complexe: 50 professions qui sont régies par 45 ordres professionnels, donc... Mais on s'y attelle. On avance. Merci, M. Mayrand.

M. Mayrand (Robert): Excellent.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Tout à l'heure, pour continuer dans la même voie, vous avez parlé des infirmières, puis, bon, quand on a connu la pénurie, il y a eu des mesures facilitantes. À ce moment-là, vous, vous aviez une liste d'infirmières. Puis comment vous avez fait pour les faire entrer?

M. Mayrand (Robert): Bien, nous, c'est parce qu'on des clients, puis, à un moment donné, on bâtit des listes de professions, de métiers ou de personnes, et, comme il y avait une...

Mme Lefebvre: ...aussi faire le lien avec la liste de docteurs que vous avez présentement, de médecins.

M. Mayrand (Robert): La liste des médecins.

Mme Lefebvre: C'est ça. Donc, vous avez réussi avec les infirmières, puisqu'il y a eu une modification à la...

M. Mayrand (Robert): Bien, c'est-à-dire qu'on a eu une liste de médecins, puis on avait aussi une liste de 34 infirmières. On avait des listes. Et votre question?

Mme Lefebvre: Bien, c'est ça. Donc, il y a eu une modification qui a fait en sorte qu'on a facilité l'intégration des infirmières, puisque votre liste...

M. Mayrand (Robert): Non, ça n'a rien donné.

Mme Lefebvre: Donc, les infirmières sont toujours à la maison?

M. Mayrand (Robert): Non, parce qu'elles ont raté le test...

Mme Lefebvre: Ah!, de français.

M. Mayrand (Robert): ...de français.

Mme Lefebvre: O.K. Mais, sinon...

M. Mayrand (Robert): On m'a même dit, à la commission scolaire, quelqu'un... Elles ont dit: De toute façon, il y en a là-dedans qui parlent trop bien le français, là. Si elles doivent travailler avec des vieilles madames, ça va les intimider!

Mme Lefebvre: Mais, si elles parlent trop bien, elles auraient dû réussir l'examen! Mais, sur ce, je sais que mon collègue de Saint-Hyacinthe avait des questions pour vous.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Alors, M. Mayrand, je vous remercie beaucoup. Votre document est très éclairant, et votre présentation aussi. C'est extrêmement intéressant. Et je ne veux pas faire oublier la discussion extrêmement importante que vous venez d'avoir sur la question de la reconnaissance des acquis professionnels, c'est peut-être une des choses les plus importantes qu'on avait à discuter aujourd'hui. Mais il y a aussi toute la question de la langue qui est importante aussi. Pourquoi c'est important? Et ça, je suis convaincu que vous allez partager mon point de vue, mais peut-être que vous aurez des observations plus particulières et plus pointues à faire.

Moi, je pense que la première condition, préalable à toutes les autres, pour lutter contre la discrimination et le racisme, c'est que les gens se reconnaissent l'un et l'autre. Et, pour se reconnaître, il faut pouvoir communiquer, et la langue commune est extrêmement importante pour diminuer les possibilités d'incompréhension et pour diminuer les forces de ghettoïsation qui existent nécessairement dans les groupes qui viennent d'arriver. Je pense que là-dessus on va s'entendre.

Alors, étant donné cette situation-là, vous savez que ? et ça, je ne le fais pas dans un sens partisan, c'est un vieux problème ? la francisation des immigrants qui arrivent ici est toujours plus ou moins réussie, en partie à cause des délais d'inscription dans les sessions de formation ou les cours de français, comme vous voudrez les appeler. Pourquoi? Parce que l'immigrant qui arrive ici ne demande rien de mieux que d'apprendre le français, il veut communiquer avec les gens. Mais, quand ça fait six mois qu'il est rendu ici et qu'il a un petit emploi et qu'il gagne sa vie, qu'on lui demande d'oublier ça puis de retourner à l'école, puis tout ça, là c'est une autre histoire, parce qu'il est habitué à s'arranger avec ce qu'il avait.

Alors, vous ne trouvez pas que la question de l'intégration des immigrants aux cours de français ou aux sessions de formation en français dès qu'ils arrivent est une condition importante pour faire en sorte que les autres instruments d'intégration fonctionnent mieux?

M. Mayrand (Robert): Bien, là, ça pourrait faire l'objet d'un autre mémoire. On est devant la Commission de la culture, il n'y a rien que j'aimerais mieux que de présenter un mémoire sur les rapports entre la culture et la langue. Puis, vous savez, j'ai été directeur de département de français langue maternelle et langue seconde pendant 18 ans, donc j'ai une très bonne expérience dans ce qui s'appelle l'apprentissage des langues secondes et de la langue maternelle.

Là, vous ouvrez un autre débat, là, qui est... Oui, je pense que c'est important, mais... Oui, c'est important, la langue, mais c'est la manière aussi dont on l'enseigne. Il y a des façons assez efficaces, plus efficaces que d'autres. Je regarde en Europe, où on a développé, par exemple, ce qu'on appelle une approche fonctionnelle. Je crois qu'il serait très important pour quelqu'un qui veut aller travailler dans le domaine de la santé que son français soit, au début, selon une approche fonctionnelle, c'est-à-dire pour lui permettre d'aller très rapidement travailler dans le domaine de la santé. Le Conseil de l'Europe a fait un travail extraordinaire là-dessus pour développer ce qu'on appelle un français fonctionnel.

Maintenant, ce n'est pas parce qu'une personne... Ce n'est pas parce qu'une personne ne parle pas nécessairement un français parfait qu'elle ne peut pas travailler, O.K.? Ça, c'est... Moi, quand je suis arrivé en Ontario, je ne parlais pas français ? je viens de la région de Québec ? on m'a donné un poste qui était bilingue et on m'a dit: Tu vas l'apprendre. Et j'ai un de mes employés, il vient de la Serbie. Il a travaillé pour moi au SITO pendant six ans. Il ne parle pas anglais. Il vient d'être embauché à la Défense nationale. Il y a à peu près seulement 5 % des gens là-bas qui parlent le français. On l'a embauché pareil et on lui a dit: Tu vas l'apprendre. Mais en fait, nous, on dit: Tu vas l'attraper. Le français, ça s'apprend; l'anglais, ça s'attrape. Bref. Donc, vous voyez que des fois il y a moyen... Pensez-vous que... Dans six mois, il va parler l'anglais, là, parce qu'il est dans un environnement qui est propice à l'apprentissage de l'anglais. Donc, ce n'est pas toujours parce qu'on amène quelqu'un dans une salle de classe... J'ai des personnes qui vont apprendre, qui vont dans les classes de francisation, là, ils demandent à venir chez nous aussitôt, s'occuper du service de réception parce qu'ils jugent qu'ils apprennent la langue plus vite.

Donc, l'environnement d'apprentissage est aussi important... Ce n'est pas juste parce qu'on donne des cours que les personnes... Ce n'est pas juste parce qu'on enseigne que les gens apprennent.

M. Dion: Alors, M. Mayrand...

M. Mayrand (Robert): C'est tout un autre débat, par contre.

M. Dion: Je suis très sensible à ce que vous dites, parce qu'il y a... C'est sûr qu'il y a des cours de français qui sont extrêmement utiles pour les professeurs parce qu'ils peuvent enseigner longtemps, mais d'autres qui sont très utiles pour les étudiants parce qu'ils peuvent apprendre vite.

Moi, je préfère la deuxième méthode, et je suis très sensibilisé à cette chose-là, pour avoir été professeur de langue seconde aussi. Et je sais qu'il y a des méthodes qui ne sont pas faites pour apprendre la base d'une langue, mais elles sont faites pour acquérir une connaissance fine de la langue. Or, je suis d'accord avec vous que, pour un professionnel, ça peut être différent. Si on est, par exemple, électricien, une bonne connaissance pour une bonne conversation de base est suffisante pour qu'un employeur dise: Lui, je l'emploie parce que je le comprends et il me comprend. C'est ça, l'enjeu. Mais, s'il s'agit d'un psychothérapeute, ça peut être un peu différent.

M. Mayrand (Robert): Ça dépend. Moi, je lis le portugais couramment puis je lis assez bien l'espagnol, je n'ai jamais suivi de cours.

M. Dion: Donc, vous êtes d'accord que l'apprentissage du français est quand même la première barrière à traverser pour lutter contre la ségrégation?

M. Mayrand (Robert): Mais il y a un point aussi, parce que, là, je... Il y a toute la question aussi de la culture, des rapports entre les cultures. Parce que je pense que la langue, c'est un outil de... c'est un outil d'expression d'une culture, première des choses.

Et je crois que l'accent sur la culture est extrêmement important dans un premier temps, et la langue ne devient que la manière d'exprimer cette culture-là. Je pourrais vous donner, en tout cas, beaucoup d'exemples et d'anecdotes, là, mais je pense que ça irait au-delà du mémoire que j'ai ici.

Vous savez, hier, je suis passé dans le comté de Portneuf. J'ai de la famille là-bas, je suis arrêté. Et ce qui m'a étonné, ce qui m'étonne, c'est que tous mes neveux et mes nièces qui sont là, qui sont en plein coeur du Québec, là, dans le coeur du Québec, dans... et puis le rêve de tous ces jeunes-là, c'est d'apprendre l'anglais. C'est d'apprendre l'anglais, c'est de voyager, c'est d'aller partout.

Bizarrement, quand ils m'envoient des messages sur Internet, il y en a plusieurs d'entre eux qui essaient de communiquer en anglais avec moi. Le seul qui communique toujours en français avec moi, il travaille pour la marine canadienne puis il est stationné dans le Pacifique. Lui, il a toujours écrit juste en français ? bizarre, hein? ? alors qu'eux qui sont en plein coeur de Québec, il y a comme une vision, il y a comme un rêve que, l'avenir, ce n'est pas dans la langue parlée par leurs parents, disons.

n (15 heures) n

M. Dion: Alors, ce que vous dites là est clair: le fait qu'apprendre le français et apprendre l'anglais en Amérique du Nord, ce n'est pas du tout la même chose.

M. Mayrand (Robert): Non. Et en même temps il ne faut pas que les personnes immigrantes deviennent captives ? parce que c'est comme ça qu'elles le voient ? captives d'une idéologie linguistique.

M. Dion: Une idéologie?

M. Mayrand (Robert): Linguistique. Politique ou linguistique. Il y a beaucoup de personnes immigrantes, puis vous le savez aussi bien que moi, il y a beaucoup de personnes immigrantes, si on leur donnait le choix, elles iraient plutôt vers l'anglais que le français, O.K.? Donc, ils se sentent... Certains d'entre eux se sentent captifs, et, quand on est captif, bien on a tendance à ruer dans les brancards.

M. Dion: Est-ce que vous voulez dire par là qu'on ne devrait pas insister pour leur enseigner le français?

M. Mayrand (Robert): Je n'ai pas dit ça. Je n'ai pas dit ça. Non, c'est une question plus... c'est une préoccupation, mais je constate moi-même, je constate ce qui se passe autour, O.K.? Quand quelqu'un, par exemple, d'Impératif français m'appelle puis il me dit qu'on devrait interdire aux personnes immigrantes d'apprendre l'anglais, dans l'Outaouais, je ne suis pas très à l'aise avec ça.

Les Québécois, la plupart des postes que... la même personne disait à Mme Thériault que c'était discriminatoire pour un employeur que d'indiquer qu'il voulait une personne bilingue; à ce moment-là, on pourrait tout aussi bien dire que demander une personne qui parle français, c'est discriminatoire aussi, si on veut pousser la logique jusqu'au bout. C'est dire: à un moment donné, il faut savoir s'arrêter, hein?

M. Dion: Non. Non, on ne peut pas dire ça. On ne peut pas dire ça. On ne peut pas dire que c'est discriminatoire, quand on va vivre en Russie, d'exiger que les gens parlent le russe.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, malheureusement, moi, je dois vous dire que vous devez vous arrêter parce que votre temps est écoulé. Donc, merci beaucoup, M. Mayrand. Je vais suspendre quelques instants, le temps que la Fédération des femmes du Québec et Action Travail des femmes s'installent.

(Suspension de la séance à 15 h 2)

 

(Reprise à 15 h 4)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous recevons la Fédération des femmes du Québec et Action Travail des femmes. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle tout simplement les règles de la commission, qui sont toujours les mêmes: donc, vous faites la présentation de votre mémoire de la façon que vous jugez à propos; vous aurez un temps maximal de 20 minutes, donc, après 18 ou 19 minutes, vous allez me voir gesticuler pour la conclusion; et, à la suite de votre intervention, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission.

Je vous demanderais tout d'abord, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier et de procéder immédiatement après à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Fédération des femmes du Québec (FFQ)
et Action Travail des femmes

Mme Asselin (Michèle): Alors, bonjour, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. membres de la commission. Alors, Michèle Asselin, de la Fédération des femmes du Québec. Je suis accompagnée de Yasmina Chouakri, de la Fédération des femmes du Québec, et je vais laisser mes collègues d'Action Travail des femmes se présenter.

Mme Piché (Claire): Claire Piché, membre du conseil d'administration d'Action Travail des femmes.

Mme Gadoua (Esther): Esther Gadoua, membre du conseil d'administration d'Action Travail des femmes.

Mme Asselin (Michèle): Alors, trois d'entre nous vont se partager brièvement la présentation de notre mémoire. D'abord, je tiens à souligner, au nom d'Action Travail des femmes et de la Fédération des femmes du Québec, que cette initiative gouvernementale d'entreprendre la rédaction d'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination est une initiative souhaitée, incontournable, et nous sommes heureuses de nous associer à cette consultation. Cependant, nous devons vous faire remarquer qu'à la lecture du document de consultation nous avons été surprises et déçues de constater qu'il n'y avait qu'un paragraphe et quelques lignes traitant de la situation spécifique des femmes, et nous voulons vous alerter cet après-midi sur le fait que les femmes issues des communautés culturelles, les femmes immigrantes, ont des besoins spécifiques et elles sont spécifiquement affectées par les questions de racisme et de discrimination, et c'est ce qu'on va vous illustrer. Et ce qu'on veut illustrer aussi, c'est certaines recommandations. Alors, nous nous sommes penchées sur plusieurs aspects de la consultation, nous n'avons pu répondre à toutes les questions et d'autres questions auraient pu être soulevées.

Rappelons-nous avant de commencer notre présentation que, selon la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, l'État se doit de garantir l'absence de toute discrimination directe ou indirecte dans les lois comme dans les domaines publics et privés. Il se doit également d'améliorer la condition féminine de fait par des politiques et des programmes concrets pour lutter contre tous les aspects discriminatoires des configurations sociales et culturelles qui entravent l'exercice par les femmes de leurs libertés et droits fondamentaux.

Vous connaissez nos travaux. Tant Action Travail des femmes que la Fédération des femmes du Québec, nous travaillons avec acharnement pour que toutes les femmes jouissent de ces droits, et force est de constater que, si dans les faits il demeure énormément de discrimination à l'égard des femmes ici, au Québec, même si on a fait des gains importants, pour les femmes des communautés culturelles et les femmes immigrantes, ces gains sont loin d'être un acquis et il faut qu'une politique qui va lutter contre le racisme et la discrimination ait ça en tête en préoccupation. Toutes les données les plus récentes sur l'immigration et les femmes immigrantes laissent apparaître des différences mesurables entre les femmes et les hommes en termes d'exclusion, de pauvreté, de revenu, de secteurs d'emploi. Vous pouvez regarder les dernières enquêtes, entre autres Statistique Canada qui a publié un portrait en statistiques en 2006, le nouveau portrait statistique qui démontre en chiffres les écarts que les femmes immigrantes, même si elles sont mieux scolarisées, vivent notamment sur le marché de l'emploi.

En 20 minutes, on n'a pas le temps de faire toute une liste de statistiques, mais je pense qu'on a conscience que les femmes immigrantes, les femmes des communautés culturelles vivent une discrimination systémique. Cette situation n'est pas un hasard, elle découle de discrimination croisée que vivent les femmes issues des communautés ethnoculturelles et racisées du Québec, incluant les femmes immigrantes. Et, même si nous félicitons le gouvernement du Québec pour son initiative de mettre en oeuvre une politique de lutte contre le racisme et la discrimination abordant de façon détaillée de nombreux aspects de la question, nous déplorons que le racisme et la discrimination qui touchent les femmes soient à peine effleurés. Et ce qu'on veut vous dire, c'est que les politiques d'immigration et d'intégration ont des impacts différents sur les hommes et les femmes. Donc, il faut qu'on ait une analyse différenciée selon les sexes. Dans toute l'analyse qu'on fait des politiques d'immigration, il faut qu'il y ait un engagement clair et que dans la future politique on voie cette préoccupation d'analyse différenciée selon les sexes. Mais on doit aussi prévoir des mesures de redressement spécifiques aux femmes au niveau des politiques en général, et c'est ce que ma collègue Yasmina Chouakri va vous présenter brièvement. Yasmina.

n (15 h 10) n

Mme Chouakri (Yasmina): Oui, merci. À la suite de ce qui a été dit, je vais directement entrer dans le vif du sujet et aborder les points qu'on a touchés dans les différentes orientations. Donc, dans la première orientation, sur le point concertation et partenariat, nous sommes tout à fait d'accord que la participation de la société civile et l'accroissement des partenariats est important, mais il nous semble que cela devrait passer aussi par une reconnaissance du travail des organismes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé et qui représentent et qui interviennent auprès des femmes des communautés ethnoculturelles et racisées, notamment des femmes nouvellement arrivées.

Malheureusement, dans ce secteur, nous constatons qu'il y a un grand déficit en termes de ressources et de financement de ce secteur. Pourtant, quand on regarde les données sur les statistiques concernant l'immigration admise, ne serait-ce qu'entre 1999 et 2003, on s'aperçoit qu'il y a une augmentation très sensible du nombre de femmes, qu'il y a une féminisation de l'immigration, sans pour autant que les groupes qui travaillent, les groupes de femmes ethnoculturelles et racisées qui travaillent auprès de ces femmes perçoivent en tout cas les mêmes ressources ou des ressources équivalantes au reste du mouvement communautaire.

Donc, pour illustrer cette constatation et à travers une étude qui a été faite par la FFQ en 2004 à partir des données existantes sur 2003, il avait été constaté, par exemple ? et là c'est juste pour résumer un petit peu la situation ? qu'à l'exception du soutien qui avait été octroyé par le Secrétariat à la condition féminine, où les montants ont été alloués de façon équitable, les groupes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé n'avaient reçu que 6,8 % du montant total alloué par le MRCI à l'époque au secteur communautaire à caractère ethnoculturel et racisé, que 4,8 % et 10,5 % des montants respectivement alloués par le SACA et le ministère de la Santé et des Services sociaux aux mouvements des femmes en général. Donc, ça donne une idée du portrait. Alors, oui, des partenariats avec la société civile et notamment avec le milieu des femmes, le mouvement des femmes à caractère ethnoculturel et racisé, mais de façon, aussi, égale.

Ce qu'on constatait aussi à travers cette étude, très brièvement, c'est que, sur les 30 groupes qui avaient répondu au questionnaire, la moitié de ces groupes ne bénéficiaient pas de financement de base. Donc ça, c'est aussi pour illustrer la situation dans laquelle se trouve cette partie du mouvement communautaire. Alors, eu égard à cette situation, nous, ce que nous demandons, c'est une reconnaissance et un soutien financier adéquat des groupes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé qui interviennent auprès des femmes des communautés culturelles et des nouvelles arrivantes, et qui font partie, ces groupes-là, ces derniers, des groupes les plus discriminés et exclus de la société.

Une vérification également des biais discriminatoires des critères de financement pour les groupes de femmes à caractère ethoculturel et racisé, les critères actuels excluant une bonne partie de ces groupes.

Le deuxième point aussi sur lequel nous voudrions intervenir ? et je vais essayer d'être très brève ? c'est sur le point b, évaluer ? la première orientation; évaluer ? et mesurer la discrimination. Je vais juste donner la recommandation, peut-être que dans le courant de la discussion on pourra revenir dessus, parce qu'il me reste encore un point. Ce que nous demandons sur ce point-là, c'est qu'il est urgent d'approfondir toute la problématique des discriminations croisées, notamment liées au sexe, à l'origine ethnique, à la religion, à la situation socioéconomique, à l'âge, à l'handicap, à l'orientation sexuelle, en appuyant et en privilégiant des partenariats avec des chercheuses d'origines diverses et des groupes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé qui interviennent auprès de ces groupes, ces chercheuses et ces groupes étant souvent exclus des recherches qui les concernent.

Concernant la deuxième orientation, reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, nous pensons que le mouvement des femmes et les groupes de femmes, incluant les groupes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé, sont très bien placés pour favoriser ? elle le font déjà; pour favoriser ? la levée des préjugés et la sensibilisation et l'éducation. Alors, nous pensons notamment que déjà le mouvement des femmes le fait, et les groupes de femmes à caractère ethnoculturel et racisé le font beaucoup, notamment à l'égard de certains groupes visant, par exemple, les femmes noires, les femmes arabes, les femmes musulmanes, etc.

Ce que nous recommandons également pour cette partie-là, c'est un appui financier adéquat et l'établissement de partenariats avec les groupes des femmes qui interviennent auprès des femmes des communautés culturelles et racisées par de la sensibilisation et de l'éducation aux droits dans le domaine de la condition féminine, du racisme et de la discrimination notamment à l'embauche et en emploi également, et un appui financier adéquat également et l'établissement de partenariats avec des groupes de femmes ethnoculturels et racisés qui s'impliquent sur la question de l'éducation, de la sensibilisation concernant les femmes de certaines communautés qui vivent plus de racisme ou de discrimination liée à la couleur où à la conjoncture politique.

Pour ce qui est de la troisième... enfin de la troisième orientation, nous aborderons tout le point sur l'accès à l'emploi et nous allons relever notamment... nous avons relevé notamment certains éléments au niveau de la déqualification, du problème de la déqualification et de la non-reconnaissance des acquis et des compétences. Il y a des...

Je vais citer rapidement des données de Statistique Canada 2003 selon lesquelles, sur 8 % des immigrantes qui travaillaient en gestion dans leur pays d'origine, elles ne sont plus que 2 % à le faire au Canada; le quart oeuvrait dans les affaires, le monde de la finance et de l'administration, une proportion qui baisse à 18 % dans le pays d'accueil; par contre, à peine 4 % se retrouvaient dans le domaine de la transformation à l'étranger sont ici 18 % à gagner leur vie dans ce secteur d'emploi. Ça, c'est pour dire que la déqualification et le problème de la non-reconnaissance des acquis est encore quelque chose de plus accentué... les conséquences sont encore plus accentuées quand il s'agit des femmes.

Je ne vais pas rentrer dans d'autres citations, mais le deuxième point aussi que je voudrais relever, c'est l'inéquité existante dans les mesures et programmes en cours en matière de reconnaissance des acquis et en développement de la main-d'oeuvre. En effet, plusieurs programmes du MICC et de ses partenaires prévoient des mesures chargées d'aider les personnes immigrantes dans leur intégration en emploi et la reconnaissance de leurs acquis et compétences. Malheureusement, aucun de ces programmes n'est fondé sur une approche sexodifférenciée ou ne tient compte des obstacles spécifiques aux femmes immigrantes et n'assure ainsi une équité entre les hommes et les femmes immigrantes.

Je vais citer quelques programmes notamment, par exemple le PANA, le Programme d'accompagnement des nouveaux arrivants, qui s'adresse aux personnes arrivées depuis moins de cinq ans seulement. Alors que, pour les femmes, le processus d'intégration est souvent parfois plus long, et les démarches même en reconnaissance des acquis parfois peuvent prendre plus de temps. Je reviendrai là-dessus peut-être dans le débat, mais j'ai des arguments pour vous expliquer tout ça.

Au niveau aussi du programme PRIIME, qui émane du MICC et d'Emploi-Québec, ce programme aussi est limité aux immigrants arrivés depuis moins de deux ans, alors que les femmes immigrantes ne sont souvent pas prioritaires à l'arrivée au niveau de la famille et de l'intégration en emploi, ce qui fait qu'au moment où elles peuvent, par exemple, bénéficier de ce programme, eh bien, les délais sont déjà passés pour elles. Pour les formations d'appoint, le MICC avait prévu, depuis 2002, de multiplier les formations d'appoint, mais, nous, nous trouvons que ça n'avance pas suffisamment.

n (15 h 20) n

Au niveau notamment, par exemple, des subventions salariales et des formations, nous constatons aussi que les femmes immigrantes ne sont pas prises en compte spécifiquement et tenant compte de leurs problèmes. Ainsi, très souvent elles se retrouvent dans des... c'est-à-dire qu'elles bénéficient de subventions salariales ou de formations mais qui ne sont pas du tout dans leur domaine de qualification.

Pour les stages d'immersion professionnelle administrés par Emploi-Québec et le CAMO-Personnes immigrantes, nous avons constaté, en rapport aux dernières données, que les femmes étaient sous-représentées, par exemple, les femmes immigrantes étaient sous-représentées.

Alors, pour cela, nous demandons... ce que nous proposons, c'est vraiment d'assurer un accès équitable à l'emploi des femmes immigrantes et que le gouvernement du Québec devrait réduire cette déqualification notamment en utilisant une approche différenciée selon les sexes dans toutes les mesures et programmes en reconnaissance des acquis, en développement de la main-d'oeuvre, qui s'adressent aux personnes immigrantes. Et effectivement aussi que des mesures d'appui spécifiques aux femmes immigrantes en parcours de reconnaissance et de leurs acquis et compétences soient mises en place également.

Pareillement, pour les recommandations de l'équipe de travail, du groupe de travail et de l'équipe de travail, qu'une approche différenciée soit utilisée, ce qui permettrait effectivement que le déficit en termes de situation favorable, si on peut dire, des femmes immigrantes par rapport aux hommes immigrants ne soit pas lié par ce biais-là.

Alors, pour ce qui est aussi des plans d'accès à l'égalité, là je vais laisser la parole à ma collègue d'Action Travail des femmes qui va aussi énumérer les dernières recommandations. Merci.

Mme Piché (Claire): Merci, Yasmina. Alors, le gouvernement du Québec a mis en place des mesures de discrimination positive sensées permettre l'adaptation des institutions publiques et privées à la diversité ethnoculturelle du Québec et de lever ainsi les discriminations systémiques existantes. Mais on remarque que les objectifs fixés par les mesures des programmes d'accès à l'égalité n'ont pas été atteints.

Par ailleurs, on constate que les femmes des groupes ciblés par les programmes ne sont pas prises en considération, alors qu'elles sont souvent en infériorité numérique par rapport aux hommes de ces mêmes groupes. Aussi, nous proposons un renforcement de la mise en application des mesures d'accès à l'égalité qui tient compte d'une parité hommes-femmes pour les groupes cibles de la communauté culturelle... ethnoculturelle ? excusez ? des minorités visibles.

Deuxièmement, que des objectifs d'embauche numériques soient fixés, et ce, pour chacun des groupes ciblés et selon une analyse différenciée selon les sexes pour chacun des organismes ou entreprises visés par des mesures d'accès à l'égalité.

Troisièmement, que les périodes entre la remise des rapports de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse sur les programmes d'accès à l'égalité soient raccourcies et que les acteurs gouvernementaux ou privés concernés soient rendus imputables des résultats obtenus. Merci.

Mme Asselin (Michèle): Alors, en conclusion, on voudrait attirer votre attention sur le fait que d'autres questions devraient être prises en compte au moment où le gouvernement va élaborer sa politique. Nous voulons mentionner notamment les questions soulevées par la diversité religieuse et l'égalité des femmes. Et prochainement la Commission des droits de la personne va procéder à une vaste consultation sur toute la notion de l'accommodement raisonnable, et il nous semble que les travaux de la Commission des droits de la personne, et pour ce qui nous concerne, l'égalité des femmes et la diversité religieuse, devraient être mentionnés et ses conclusions devraient être prises en compte dans la future politique en matière de lutte contre le racisme et la discrimination. Là-dessus, merci, et on pourra poursuivre avec les échanges.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, je suis prêt immédiatement à reconnaître Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mesdames, bonjour, bienvenue, merci d'être ici aujourd'hui pour discuter avec nous. Vous savez, même si vous avez salué l'initiative du gouvernement, toutefois en déplorant qu'on n'ait pas parlé spécifiquement des femmes, je tiens à vous rassurer, les femmes seront incluses dans le plan d'action. Évidemment, comme ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, lorsque je parle des communautés culturelles et des immigrants dans un sens large, je ne fais pas de différence entre homme et femme, mais je m'adresse réellement à toute la clientèle et les gens qui sont desservis par mon ministère.

Ce serait un peu utopique, parce qu'avant d'avoir fait de la politique j'ai milité pour la place des femmes, les nominations des femmes aux conseils d'administration, j'étais membre de Femmes Desjardins pour qu'il y ait plus de femmes dans le Mouvement Desjardins, j'étais membre du conseil d'administration, j'ai toujours prêché et milité pour que les femmes puissent prendre leur place dans toutes les sphères de la société, et il est évident qu'à mes yeux, lorsque nous élaborerons le plan d'action et la politique, évidemment les femmes immigrantes ou issues des minorités visibles et des communautés culturelles seront prises en compte. Je tiens à vous rassurer d'entrée de jeu. Loin de moi l'idée de ne pas considérer les femmes dans une telle politique gouvernementale ou un plan d'action de l'ordre qu'on veut bien lui donner. Donc, d'entrée de jeu, je croyais que c'était important de vous le préciser.

Vous avez parlé, Mme Piché, de la Loi d'accès à égalité à l'emploi. Effectivement, je crois qu'on peut se questionner. C'est une loi qui existe depuis plusieurs années, on peut se questionner. J'ai vu moi-même le rapport également, où on se rend compte qu'il y a 368 organismes qui sont soumis à cette loi-là, ou composantes, il y en a 365 qui ont fait leur rapport, et qu'on a à peine analysé le tiers des rapports qui ont été déposés. À ce rythme-là, dans 15 ans, on ne changera pas grand-chose. C'est assez surprenant de voir qu'il n'y a pas eu plus que le tiers des rapports qui ont été pris en considération.

Vous, vous proposez quoi exactement pour qu'on puisse aller plus rapidement dans cette loi-là? Est-ce qu'on doit la renforcer? Est-ce qu'on doit donner plus de moyens à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse? Est-ce qu'on ne devrait pas venir rebaliser une portion du travail qui doit être fait par rapport à cette loi-là?

Mme Piché (Claire): ...possibilité d'aller voir ces entreprises-là puis de faire un peu de lobby auprès de ces compagnies-là pour qu'elles remplissent tout simplement les mesures qui sont déjà en place.

Mme Thériault: Leurs obligations, oui.

Mme Piché (Claire): C'est qu'il y a un laisser-aller, puis, bon, on s'en occupe plus ou moins, puis finalement, bien ça repasse au deuxième... ou quelques années plus tard. Puis on retourne, puis, bon: Ce n'est pas grave; on n'a pas le temps de s'occuper de ça. On remet, on remet. Si les mesures déjà qui sont en place seraient suivies, et, je ne sais pas, les entreprises responsables, eh bien, si elles ne remettent pas leur rapport ou si ce n'est pas bien fait, bien, qu'elles aient des représailles, ou je ne sais pas, qu'on fasse...

Mme Thériault: Est-ce que vous pensez qu'on devrait peut-être aussi...

Mme Piché (Claire): Ou qu'on les sensibilise. Il y a peut-être une...

Mme Thériault: Oui, c'est ça, les sensibiliser à la gestion de la diversité culturelle et à l'apport que ça peut avoir pour l'organisme, ne serait-ce qu'au niveau du service à la clientèle, là. Parce que c'est évident que, lorsqu'on regarde différents organismes gouvernementaux qui sont à Montréal, qui doivent dispenser des services, et même dans différentes régions... Moi, j'ai été en Beauce, et on m'a dit, en Beauce, parce qu'il y a une concentration de Colombiens qui ont été accueillis dans une certaine région, où on s'est même assuré qu'au CLSC il y ait quelqu'un qui puisse parler espagnol. Donc, évidemment, c'est sûr que, quand tu regardes les besoins de ta population, ce que tu as comme représentativité, il est beaucoup plus facile de dire: Bien, un plus un, ça fait deux; oui, j'ai des gens qui parlent espagnol; si je veux être capable de les servir comme il faut, dans le domaine de la santé, comprendre qu'est-ce qu'ils veulent me dire, etc., ça me prend quelqu'un qui parle espagnol. Il y a une espèce de logique, entre guillemets, qui va de soi.

Est-ce que vous pensez qu'on devrait travailler pour leur dire: Bien, voici ? la gestion de la diversité culturelle; voici ? le reflet du portrait dans votre région. Maintenant, qu'est-ce que vous entendez faire? Voici comment on peut vous aider. Pensez-vous qu'on...

Mme Piché (Claire): Oui, je pense qu'il faut leur apporter assistance, parce qu'il y a des raisons. Si ces rapports-là ne sont pas remplis ou si, bon, on les remet aux oubliettes, bien c'est qu'il n'y a pas juste, je pense, de la mauvaise volonté là, c'est que peut-être qu'ils n'ont pas les outils ou ne voient pas les raisons d'être de ces mesures, etc. Alors, s'il y avait une analyse qui était faite du pourquoi, pourquoi les rapports ne sont pas remis, pourquoi les femmes n'ont pas accès à ces emplois-là, qu'est-ce qui empêche, après ça on a un portrait de la situation puis, à ce moment-là, bien le gouvernement peut tout simplement prendre les dispositions pour le faire.

Mme Thériault: Est-ce que...

Mme Piché (Claire): Mais, chaque outil, chaque région, j'imagine, comme vous citez la Beauce présentement, mais chaque région a ses problèmes propres, puis, bien, il faut aller voir un peu. On ne peut pas généraliser. Je pense que l'étendre aux 340 entreprises... Elles ont toutes des raisons différentes, et puis il faudrait peut-être justement aller sonder le terrain.

Mme Thériault: Est-ce que vous pensez qu'on doit rendre imputables les gestionnaires qui devraient appliquer cette loi-là, dans les objectifs d'embauche?

Mme Piché (Claire): Bien, je ne pense pas. Pas de prime abord. Moi, je n'opterais pas pour le bâton en partant, c'est sûr. Il faut premièrement fournir l'aide nécessaire, les aider à trouver la raison d'être de cette discrimination. Après ça, les aider, les soutenir et les aider.

Mme Chouakri (Yasmina): Et après ça les rendre imputables.

Mme Piché (Claire): Puis, après ça, bien, si...

Mme Thériault: Et après ça...

Mme Chouakri (Yasmina): Quand les moyens seront là, on...

Mme Piché (Claire): ...à un moment donné, c'est ça, quand ils ont les moyens en place...

Mme Thériault: Une escalade, quoi, finalement.

n (15 h 30) n

Mme Asselin (Michèle): Mais peut-être qu'on pourrait renforcer, intensifier la sensibilisation, parce que là ça fait un bout, là, qu'on attend. Alors, je pense, dans nos trois recommandations, on voudrait un leadership plus fort de l'État, donc une reddition de comptes plus accentuée.

C'est pour ça aussi qu'on veut une fréquence de rapport plus importante et que les entreprises sentent bien que l'État les surveille, c'est-à-dire que ce n'est pas qu'un voeu pieux, là, que, cette loi-là, elle existe, tablettée à quelque part, puis qu'il n'y a personne qui s'en préoccupe. Alors, je pense que notre sens est de faire une sensibilisation intensive.

Mme Chouakri (Yasmina): Puis une autre préoccupation aussi, c'est la représentation des femmes sur les groupes cibles. Que ce soit pour la fonction publique, les organismes publics et les entreprises privées, je pense que dans tous les cas il faut cibler les femmes également, parce qu'elles ne sont pas... les femmes de ces groupes-ci, parce que sinon... On a des données de 2001 pour la fonction publique, où on voit que justement il y a plus d'hommes que de femmes qui ont été... qui ont bénéficié, en tout cas, de ces programmes, des programmes d'accès à l'égalité. Donc, imputabilité avec des moyens.

Concernant la capacité de la commission de réaliser un tel mandat, moi, je pense que le gouvernement, en ayant un mandat fort sur cette question, peut voir si la commission a les capacités à continuer ou à ne pas continuer. Voilà ce que je voulais rajouter.

Mme Thériault: Il nous reste encore un petit peu de minutes au premier bloc, je vais vous poser une question...

Le Président (M. Brodeur): Le temps pour une question.

Mme Thériault: Oui, pour une question? D'accord. Et au niveau des entreprises privées, vous pensez quoi? Parce qu'on parle de la Loi à l'accès à l'égalité pour emploi ? c'est dans les organismes gouvernementaux, évidemment, là, le ministère de la Santé, Éducation, les villes, etc. ? mais, dans le privé, est-ce que vous envisagez quelque chose? Ça, ça demande une réponse courte.

Mme Chouakri (Yasmina): Écoutez...

Mme Thériault: Je ne sais pas si, de l'autre côté, on va continuer là-dessus. Sinon, je reviendrai, là, il n'y a pas de problème.

Mme Chouakri (Yasmina): Moi, je voudrais insister sur le fait qu'il y a beaucoup de groupes, je pense, que vous allez auditionner qui vont vous faire des propositions. Nous, en tant que Fédération des femmes du Québec, moi, personnellement, représentant le Comité des femmes des communautés culturelles, de la Fédération des femmes du Québec, et puis au nom aussi des représentants d'ATF, je peux vous dire que, sur ces sujets-là, surtout, pour nous, c'est la représentation des femmes des communautés culturelles et des minorités visibles, parce que, selon les programmes d'accès à l'égalité dont on parle, que ce soit fonction publique, organisme public ou entreprise privée, nous tenons beaucoup à ce que les femmes soient représentées sur ces groupes cibles; c'est surtout ça, notre préoccupation.

En ce qui concerne le domaine privé, je pense qu'on peut discuter longtemps. Effectivement, les modalités ne sont pas évidentes, ne sont pas évidentes comme ça, mais je pense que des moyens... Et effectivement, dans le domaine privé, à partir du moment où ça touche les entreprises qui bénéficient de contrats de... d'un certain montant ou qui emploient un certain nombre de travailleurs sont soumises, je pense que oui, à partir du moment... ils pourraient être imputables, ils pourraient être rendus imputables des résultats obtenus, donc au même titre peut-être que les autres... les organismes publics ou la fonction publique.

Mme Asselin (Michèle): Mais il faut que les organismes publics et parapublics donnent l'exemple.

Mme Thériault: Donnent l'exemple, je suis d'accord avec vous. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup. Je suis très heureuse d'avoir eu l'occasion de vous entendre, tout comme mes collègues. D'ailleurs, une des premières fois où j'ai siégé en commission, ici, c'était lors de la consultation sur l'égalité hommes-femmes, et j'ai été très sensibilisée à toute la dynamique et l'importance du discours... de l'inclusion des femmes dans le discours public puis dans nos politiques. Et vous faites bien de rappeler qu'il est important que la politique qui sera déposée, même si elle touche des personnes immigrantes, les communautés culturelles, les minorités racisées ? nous choisirons le bon qualificatif à la fin de cette consultation ? que la dynamique femme doit être abordée. Et surtout avec les statistiques que vous avez relevées dans votre mémoire, je pense qu'il y a certainement du travail à faire. D'ailleurs, moi, dans Parc-Extension, je le constate: l'isolement des femmes, surtout immigrantes, la problématique est encore pire.

Vous avez parlé des différents programmes ? on a parlé, juste précédemment, avec le groupe avant vous de l'importance de l'insertion en emploi ? j'aimerais vous entendre. Vous aviez mentionné que vous pourriez peut-être élaborer davantage sur les programmes qui sont actuellement mis en oeuvre, notamment le PANA, le PRIIME, les formations d'appoint, les subventions salariales, de quelle façon les programmes pourraient peut-être être modifiés afin d'être plus efficaces pour l'insertion des femmes.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. En ce qui concerne, par exemple, le PANA, il y a une partie du PANA qui porte sur la formation notamment, en tout cas le suivi, l'information concernant les personnes immigrantes qui sont en processus de reconnaissance de leurs acquis et compétences. Moi, je... ayant donné des ateliers sur ce sujet, je peux vous dire que ce n'est pas quelque chose qui est suffisamment développé auprès des femmes pour qu'elles prennent conscience ? des femmes immigrantes ? pour qu'elles prennent conscience de l'importance de se pencher sur la reconnaissance de leurs acquis et des compétences dans les premières années de leur arrivée. Alors, elles ne sont déjà pas favorisées, priorisées au sein de la famille. Il faut savoir qu'au Québec la plupart des femmes immigrantes sont des femmes parrainées, donc elles sont dans des situations très particulières et donc, à partir de là, il n'y a pas cette sensibilité. Et c'est pour ça qu'on est revenu souvent sur la nécessité d'utiliser une approche différenciée selon les sexes au niveau des programmes, et c'est pourtant une politique qui a été retenue par le gouvernement du Québec et qui tarde à être appliquée, par exemple au niveau des politiques d'immigration et d'intégration. En même temps, ça s'adresse à des personnes qui sont ici depuis moins de cinq ans. Je peux vous dire que, dans mon expérience, j'ai vu beaucoup de femmes immigrantes qui commencent, à cause de différentes raisons, conciliation travail famille, francisation, etc., qui commencent à s'occuper d'elles-mêmes au bout de cinq ans, si ce n'est pas plus tard encore, c'est-à-dire qu'elles vont commencer à s'intégrer dans la société après un certain nombre d'obstacles et de difficultés diverses. Donc ça, c'est pour dire qu'il y a dans les mesures actuelles des effets, des éléments discriminatoires à l'égard des femmes immigrantes, et ça, je tenais vraiment à la soulever.

Pour ce qui concerne le programme PRIIME, c'est, par exemple, la durée des deux ans, c'est une période extrêmement courte qui fait que les femmes sont exclues. Puis, sur ce programme-là, par exemple, nous n'avons pas vraiment de données qui démontrent que, pour l'accès à ce programme-là, on est équitables en termes d'objectifs hommes-femmes. On l'a constaté, par exemple, au niveau des stages d'immersion professionnelle. Le dernier rapport établi par Emploi-Québec et le CAMO montre que les femmes sont sous-représentées au niveau des stages d'immersion professionnelle. Alors, c'est donc à ce niveau-là que nous soulevons tout le problème qui existe, étant donné la situation alarmante et particulière en termes de chômage, en termes de revenu où se trouvent les femmes immigrantes. Je ne sais pas si j'ai répondu?

Mme Lefebvre: Oui, non. C'est intéressant. Ce qu'on comprend en fait, c'est vraiment les délais qui posent le principal problème. D'ailleurs, la ministre nous a remis un document qui fait état des résultats de la participation pour le programme PRIIME, puis il serait intéressant de pouvoir avoir les résultats différenciés selon les sexes, là, hommes-femmes. Je ne sais pas si...

Une voix: Tu l'as, regarde.

Mme Lefebvre: Ah! Il est là, pardon. O.K. Mais c'est ça donc... Bref, on pourra en discuter tout à l'heure. Maintenant, juste une dernière petite chose avant de céder la parole, vous avez parlé des mesures de suivi, donc l'imputabilité, la Commission des droits de la personne. À votre avis, quel serait le meilleur moyen d'assurer le succès de la politique, d'assurer son suivi? Vous connaissez, vous êtes assez familiers avec le processus, bon, l'État québécois puis les différents ministères, des succès...

n (15 h 40) n

Mme Chouakri (Yasmina): Il faudrait d'abord commencer par uniformiser les groupes cibles, déjà, parce que chaque institution a ses groupes cibles, chaque organisme public aussi. Donc, on n'a pas, par exemple, au niveau de la fonction publique, des organismes publics, des entreprises privées, les mêmes groupes cibles qui sont mentionnés. Et également notre demande, nous, pour nous, c'est vraiment, en tant que féministes, c'est vraiment qu'il y ait aussi une parité sur ces groupes cibles hommes-femmes qui soit retenue, et qui est vraiment importante pour nous, qui est urgente. Voilà, c'est surtout sur ces aspects-là.

Pour revenir sur les programmes, je veux juste noter que je ne voulais pas soulever simplement la durée, au niveau des problèmes qui affectent les femmes, uniquement la durée. La question de la représentation devrait être un souci constant. Le nombre des femmes immigrantes est de 52 % par rapport aux hommes immigrants; il n'y a pas de raison quelconque pour laquelle il y aurait plus d'hommes représentés que de femmes au niveau des différents programmes, quels qu'ils soient.

Mme Lefebvre: Si vous aviez à plaider, est-ce qu'il serait opportun d'avoir de programmes qui s'adressent spécifiquement aux femmes issues des...

Mme Chouakri (Yasmina): Moi, je pense qu'il y aurait des mesures de redressement à faire étant donné leur situation. Je prendrai le cas, à ce moment-là, par exemple... Moi, j'ai entendu... j'ai organisé des «focus groups» il y a quelques mois de ça avec des femmes diplômées hors Québec, et ce qu'elles disaient, c'était que souvent elles étaient dans des situations où elles n'étaient même pas en mesure de payer l'étude du dossier, au niveau des ordres professionnels. Il y a des exemples, par exemple. Oui, dans les recommandations de l'équipe de travail, il y a des éléments concernant l'appui financier, une aide financière. Mais je crois que ça, c'est des éléments qui sont très importants pour les femmes.

Également, au niveau de l'accès à l'information, ce qu'il faut savoir, c'est qu'au niveau de l'accès à l'information les femmes parfois immigrantes sont complètement ignorantes de certains jargons ou n'ont pas forcément un accès facile à Internet qui leur permet d'aller chercher les informations nécessaires. Donc, elles ont vraiment besoin d'être appuyées et accompagnées.

Et ça, on peut aussi noter que, dans le programme du PANA, la part qui est allouée à la reconnaissance des acquis et des compétences n'est pas suffisamment développée au niveau des organismes qui interviennent auprès des personnes immigrantes. Et il y a peu de mesures spécifiques aux femmes qui sont dans des situations particulières, par exemple, qui font qu'on va un peu plus les appuyer, les aider pour achever ou terminer leur parcours en reconnaissance de leurs acquis et compétences. Voilà un petit peu ce que je pourrais rajouter.

Le Président (M. Brodeur): Bien. Il vous reste une minute sur votre bloc.

Mme Caron: Je peux-tu la mettre avec le 10 minutes de tantôt?

Le Président (M. Brodeur): Oui, oui, oui. Allez-y.

Mme Caron: Je vais le faire tantôt.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y, c'est à titre indicatif, ça, là. Vous pouvez y aller, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Non, non, je vais le faire tantôt.

Le Président (M. Brodeur): Ah, O.K. Parfait! Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Moi, j'aimerais revenir sur deux petits points, Mme Chouakry. Vous avez dit que le programme PRIIME, bon, parce qu'il s'adresse aux immigrants de moins de deux ans, peut être discriminatoire pour les femmes parce qu'il y a une limite de temps. Par contre, il faut être conscient que, pour les membres des minorités visibles ? parce que c'est un programme qui s'adresse aux immigrants et aux minorités visibles...

Mme Chouakri (Yasmina): Oui, oui, tout à fait.

Mme Thériault: ... ? il n'y a absolument aucune limite de temps pour une personne qui est issue d'une minorité visible.

Mme Chouakri (Yasmina): Visible, oui.

Mme Thériault: Et ça va jusqu'à un ou une Québécoise qui est né ici et qui pourrait avoir besoin de ce programme-là.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui, mais...

Mme Thériault: Exemple, on sort de l'école, on a un diplôme, on ne trouve pas d'emploi. Un jeune né ici qui est membre d'une minorité visible peut se prévaloir du programme PRIIME, ou une jeune, pour pouvoir aller.

Il faut comprendre aussi qu'avec le temps ce qui a balisé un peu ce programme-là, c'est qu'avec le temps ? et là je vais parler d'une majorité, je ne nie pas qu'il peut y avoir des exceptions, mais je vais parler d'une majorité; avec le temps ? il est clairement démontré que les personnes issues de l'immigration et qui proviennent des pays de l'Europe, exemple, qui sont Blancs, caucasiens, les difficultés s'amenuisent beaucoup, et la facilité d'adaptation se fait plus rapidement, ou ils n'ont pas les mêmes difficultés qu'une personne qui est issue d'une minorité visible. Donc, c'est pour ça qu'au départ, lorsque PRIIME a été créé, il y a une limite de deux ans pour un nouvel arrivant, un nouvel immigrant, une ou un, et que ça pouvait s'appliquer aussi à une minorité visible, qu'elle soit native d'ici ou pas, pour justement pouvoir permettre aux gens qui sont issus de l'immigration, exemple qui proviennent des pays de l'Afrique ou de l'Amérique latine ou des pays asiatiques, qu'ils puissent continuer à bénéficier de ce programme-là même lorsque ça fait plus que deux ans. Donc, il est évident qu'il y a une certaine continuité.

Mais j'entends ce que vous dites aussi et, là, je me dis: Bon, O.K. Il y a probablement une situation particulière...

Mme Chouakri (Yasmina): Parce que, eu égard à la situation des femmes immigrantes en général ou les femmes issues des communautés ethnoculturelles, ce serait nécessaire de l'élargir, en fait de lever cette réduction en ce qui concerne les femmes. Personnellement. Moi, j'ai beaucoup entendu dire que c'était un problème de se retrouver.. bien de ne pas pouvoir bénéficier de ce type de programme.

Mme Thériault: O.K. Avant de continuer mon intervention, j'oublie... Ma collègue voulait faire une intervention. Je reviendrai. Je voulais juste faire une précision pour le programme PRIIME. Excusez-moi.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de...

Mme Perreault: Chauveau.

Le Président (M. Brodeur): ...Chauveau.

Mme Perreault: Merci, M. le Président. Mme Asselin, Mme Chouakri, Mme Gadoua, Mme Piché, merci à vous d'être ici avec nous cet après-midi et de nous faire partager votre connaissance par rapport aux femmes immigrantes. C'est intéressant, ce que vous nous apprenez.

Je discutais tout à l'heure avec Mme Pelchat, qui est ici, qui est la chef de cabinet de ma collègue la ministre de la Famille, des Aînés et de la Condition féminine, et on était à la page 10 de votre mémoire ? puis on l'a partagé ensemble ? où vous dites qu'il y a une répartition inéquitable du financement. Vous êtes sur des données de 2002, 2003, si je ne m'abuse. Et vous parlez de critères, finalement ? je ne sais pas si j'ai bien compris ? de financement qui excluent ou, en tout cas, qui ne favorisent pas le financement des groupes dédiés aux femmes à caractère ethnoculturel.

J'aimerais vous entendre là-dessus. Je vais vous poser ma deuxième question en même temps, parce que là je me posais la question: Est-ce qu'il n'y a pas aussi des groupes de femmes qui ont souvent un intérêt particulier pour les femmes immigrantes puis... je ne dirais pas «qui se spécialisent», mais qui sont un groupe de femmes qui ne s'affichent pas nécessairement comme un groupe de femmes mais qui se... Vous connaissez la solidarité des femmes. Je n'ai pas besoin de vous dire souvent que... parce que, chez eux, c'est un phénomène qui naît, qui vont se pencher sur cette question-là et qui vont supporter les femmes, notamment les femmes immigrantes. J'aimerais vous entendre là-dessus. Merci.

Mme Chouakri (Yasmina): Oui. Au niveau des critères de financement qui excluent... Ça, c'est... ça a été vérifié à travers une recherche que nous avons faite en 2003 et qui découlait d'ailleurs d'une des revendications de la Marche mondiale des femmes, concernant les femmes des communautés ethnoculturelles.

Et notamment je peux citer, à travers ces critères, disons, qui excluent les groupes de femmes... C'est, par exemple, leur existence depuis deux ans. C'est un certain nombre d'éléments. C'est l'appartenance à un certain nombre de réseaux. Je ne vais pas vous citer quels sont les bailleurs de fonds, mais il y a toute une liste de critères qui font que très souvent, après le sondage que nous avions fait en 2003, très souvent, les groupes qui ont été interrogés nous disaient: Moi, j'ai renoncé parce que...  ? et c'est des groupes qui font beaucoup de choses très intéressantes; j'ai renoncé parce que ? j'ai été exclue. J'ai regardé les critères, là, je n'appartiens pas à ça, je n'ai pas fait ça, etc. Donc, il y a quand même un certain nombre d'éléments, notamment la durée, la présence dans un certain nombre de réseaux. Il y a tout un élément, toute une sorte de liste comme ça, que je n'ai pas sous les yeux, là, mais qui sont... qui sont, d'après ces groupes-là... ils ont eu des effets... ont des effets discriminatoires sur la demande.

Il faut dire aussi que, dans la structuration, parfois des groupes de femmes à caractère ethnoculturel ? puis ça, c'est un constat ? leur structuration ne se fait pas forcément de la même façon que dans un groupe de femmes québécois, des femmes de la majorité, bien qu'il y a un très grand effort, par exemple, d'être représentatives, de mettre en place une assemblée... un conseil d'administration et une assemblée générale. Mais ça ne fonctionne pas forcément. La structuration n'est pas forcément la même. Et ça, c'est souvent aussi un handicap, un problème qui est soulevé par les groupes. Ça, c'est... Oui?

Mme Asselin (Michèle): Peut-être que je pourrais vous illustrer un exemple concret que j'ai bien connu, parce qu'avant d'être présidente de la Fédération des femmes du Québec je travaillais avec le réseau des centres de femmes. Et, pendant des années, les centres de femmes, il y avait dans notre réseau des centres à vocation spécifique qui recevaient une communauté culturelle. Je pense au Centre communautaire des femmes sud-asiatiques, Afrique au féminin ou le Centre des femmes italiennes. Elles faisaient exactement la même mission que tous les autres centres de femmes, mais elles n'avaient pas accès au même financement parce que Santé et Services sociaux considérait qu'elles ne venaient en aide qu'à une communauté spécifique de femmes et ne voulaient pas favoriser ce type de travail.

À force de revendications ? et ce fut un gain de la Marche 2000 ? on a obtenu le même financement de ces centres de femmes que les autres centres de femmes. Par contre, il y a beaucoup d'autres organismes qui existaient avant ou après qui ne sont pas... qui n'étaient pas des centres de femmes spécifiques, qui pouvaient être toutes sortes d'autres groupes.

n (15 h 50) n

Ces groupes-là n'ont jamais eu d'autre financement, et, parce qu'il y a des critères, comme au SACA, où on n'a plus de financement à la mission... on n'accepte plus de nouveaux groupes en défense de droits, par exemple, depuis des années, bien ils n'arrivent jamais... il y a une discrimination systémique qui fait que, parce qu'elles ont pris plus de temps à s'organiser, à obtenir une charte, que ça s'est développé, ces dernières années, beaucoup plus, bien finalement il y a des discriminations qui font que, quand on regarde les chiffres, bien on se rend compte qu'elles sont beaucoup moins financées que d'autres organismes.

Et là, donc, il y a une discrimination systémique qui s'est instaurée dans les différentes façons de financer les groupes communautaires et qui mériterait qu'on s'y penche et qu'on ait une attention particulière. Et je pense que, dans ce cadre-là, une politique de lutte contre la discrimination et le racisme... et qui va avoir un plan d'action et qui, j'espère, avoir des moyens... Vous demandiez: Quel type de mesures spécifiques?, bien je pense que d'avoir des groupes de femmes, dans certaines communautés, qui peuvent faire de l'aide et de l'entraide, c'est la meilleure façon d'intégrer et d'aider ces femmes à devenir des citoyennes québécoises. Et ça, ça mériterait un geste concret dans la prochaine politique.

Le Président (M. Brodeur): Pour une courte question, Mme la députée.

Mme Perreault: Oui. Au fond, Mme Asselin, ce que j'entends de vous deux, c'est que c'est par ricochet finalement que vous êtes un peu victimes de critères qui ne sont pas des critères dirigés, je dirais, contre les femmes, je ne veux pas le dire comme ça, mais...

Mme Asselin (Michèle): Des fois, il y en a eu, des fois, il y en a eu, je vous le dis. Si c'est ça... ce n'est pas ça que je voulais dire. Mais il y a aussi... je veux qu'on soit clair, mais parfois c'est aussi... ça s'est installé dans le système, puis là il faudrait mettre une graine, là, pour que ça arrête de tourner puis que ces groupes-là se retrouvent dans l'ensemble des groupes communautaires reconnus par le gouvernement du Québec.

Mme Perreault: Puis je veux juste revenir là-dessus, parce que je pense que c'est ça que vous me dites: Je suis un peu... On est un peu victime finalement de mesures qui n'ont pas affecté que vous, mais peut-être plus vous que d'autres compte tenu de ce que vous nous dites aujourd'hui. Mais je veux finir là-dessus aussi: Est-ce que vous croyez, vous, honnêtement, je vous pose la question... Moi, je ne connais pas ça beaucoup. Je suis de Québec, évidemment, il n'y a pas beaucoup d'immigration ici, dans la région, ce n'est pas quelque chose qu'on vit peut-être autant que dans d'autres régions du Québec, même s'il y en a de plus en plus, et je ne connais pas ça particulièrement: Est-ce que vous pensez que c'est mieux d'avoir des groupes de femmes spécifiques, aux femmes immigrantes ? vous l'avez dit un peu tout à l'heure ? ou si c'est mieux qu'elles soient avec des femmes québécoises pour finalement favoriser... Je me pose la question parce que, moi, j'ai une immigrante qui travaille pour moi, puis elle s'est très bien intégrée, tout ça, puis je me dis: Elle l'a fait avec des femmes québécoises, et ça, c'est mon vécu personnel, donc ça ne veut rien dire.

M. Chouakri (Yasmina): Moi, je pense que les deux sont nécessaires et sont bons, et ça n'empêche pas... et peut-être, je vous renvoie un petit peu à la recherche qui a été faite sur le sous-financement. Il y a une question qui a été posée aux groupes de femmes ethnoculturels, à savoir qu'est-ce que... à quels besoins elles répondaient par rapport aux autres groupes de femmes qui existent, et on a constaté que, hormis la question spécifique à certaines problématiques qui sont spécifiques à certaines femmes immigrantes, à certaines communautés, ou alors du fait qu'elles se penchent plus sur les questions d'intégration et d'établissement, c'était quasiment la même chose. Donc, je pense que les deux sont nécessaires, et les deux peuvent travailler ensemble et le font d'ailleurs déjà, elles le font très bien.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, merci beaucoup. Très heureuse de vous revoir, Mme Asselin, Mme Chouakri, Mme Gadoua, Mme Piché. Justement, ce matin, je parlais... à notre petit déjeuner de travail, je faisais le lien avec la consultation qu'on a faite sur l'avis du Conseil du statut de la femme sur l'égalité entre les hommes et les femmes, où on avait clairement aussi dit, à ce moment-là, que le document ne tenait pas compte de la réalité des femmes immigrantes, des femmes autochtones, de la réalité des femmes qui vivaient des doubles ou des multiples discriminations. Et c'est un peu la même chose qui se reproduit encore, à nouveau. Et je pense que ça persiste parce qu'on n'a toujours pas mis en place systématiquement pour l'ensemble de nos politiques, pour l'ensemble de nos programmes et dans le ministère, une analyse différenciée selon les sexes. Et, à plusieurs reprises dans vos recommandations, cette analyse, elle est là, parce que, si on en faisait une, dès qu'on sort un document pour une politique, automatiquement on aurait le portrait et on verrait que la réalité est différente pour les femmes et les hommes. Et, moi, je suis contente de votre venue dès aujourd'hui, parce que, depuis ce matin, on a rencontré les gens de l'Observatoire et on était dans le général, mais jamais, jamais on a fait mention de cette discrimination-là qui est supplémentaire pour les femmes. On l'avait fait au moment de l'avis du Conseil du statut de la femme.

Ce que je souhaite, c'est que vos recommandations soient retenues, même si ça ne revient pas dans les autres mémoires, où les recommandations demeurent non sexuées. Je pense que vos propositions sont importantes parce qu'elles représentent effectivement 52 % de la population de nos femmes immigrantes.

Ce que vous apportez également au niveau de l'action communautaire, puisque je porte les deux chapeaux, j'ai effectivement remarqué un sous-financement des organismes communautaires qui sont de communautés ethnoculturelles et à nouveau que, parmi ces groupes-là, les groupes de femmes sont encore moins financés. C'est vrai, c'est réel. Je me souviens très bien de la période où nous avions discuté pour aller chercher des budgets pour cette étude, mais c'est encore vrai, c'est encore réel. Et au niveau de l'application de la politique de reconnaissance de l'action communautaire au niveau des organismes en immigration, c'est clair que la politique de reconnaissance n'est pas encore là, et le sous-financement il est bel et bien réel, et la discrimination croisée, elle est là.

Au niveau des questions, je souhaiterais que vous nous apportiez un éclairage un peu plus précis. Quand on a discuté, tantôt, sur les critères actuels qui excluaient, peut-être, si c'était possible, par la suite, à partir de l'étude, de nous ressortir les critères qui effectivement excluent, ce serait peut-être intéressant de nous les envoyer un peu plus tard.

Et je veux revenir à une question importante. Mme Asselin, vous l'avez abordée un petit peu à la fin en disant: «Le suivi pour la diversité religieuse et les droits des femmes, toute la question des accommodements raisonnables». J'ai toujours une grande difficulté, quand on se parle au niveau de la discrimination, on en parle à la page 15, toute la problématique des discriminations croisées est notamment liée au sexe, à l'origine ethnique, à la religion, la situation économique, à l'âge, au handicap, à l'orientation sexuelle. Mais, quand on sait que... moi, je dirais «toutes les religions», en tout cas toutes celles que je connais, exercent elles-mêmes une discrimination à l'égard des sexes. Cette discrimination-là... donc, on ne doit pas faire de discrimination en tenant compte des religions, mais les religions elles-mêmes exercent des discriminations à l'égard des femmes. Alors, j'aimerais vous entendre sur cette partie-là.

n (16 heures) n

Mme Asselin (Michèle): Alors, pour la Fédération des femmes du Québec ? je vais parler au nom de la fédération, parce que ça n'a pas fait l'objet de notre mémoire, parce qu'on va préparer un prochain mémoire là-dessus ? nous, c'est clair qu'on affirme l'importance et la nécessité de la laïcité de l'État et des institutions publiques. C'est pour nous une première garantie du respect de l'égalité des femmes et de la liberté de religion. Là-dessus, nous, on s'est affirmé d'une façon importante lorsqu'en Ontario il y a eu une réflexion sur les tribunaux d'arbitrage qui pouvaient référer à la charia. Pour nous, on dit: Toute référence religieuse, quelle qu'elle soit, dans les tribunaux ne pourrait avoir sa place au Québec. Il y a un débat qui est en train de s'ouvrir sur permettre ou reconnaître des mariages polygames qui auraient été contractés à l'extérieur du Canada. Là-dessus aussi, nous sommes extrêmement vigilantes. Pour nous, tout en exprimant notre adhésion au principe de liberté de religion, ce principe ne saurait être au-dessus de celui de l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour nous, l'égalité des femmes n'est pas négociable.

Donc, si, par des religions, si, par des références à des tribunaux, on faisait en sorte que des femmes aient des droits différents ou des droits inégaux, nous ne pouvons accepter que le gouvernement du Québec puisse faire dans des lois ou des politiques des références qui, au nom de la liberté de religion, restreindraient les droits des femmes. C'est sûr qu'il faut parler point à point, situation à situation ? il y a la situation de l'éducation, etc. ? mais notre principe de base... et c'est là-dessus que, nous, on va élaborer nos positions par rapport à l'accommodement raisonnable et au débat qui va être présenté cet automne par la Commission des droits de la personne du Québec, un débat qui doit être fait. Et je pense que, pour lutter contre le racisme au Québec, il faut aussi être capable d'affirmer qu'il y a des valeurs fondamentales qui traversent notre société et qui ne sont pas négociables.

Et, pour nous, celle de l'égalité des femmes, elle est clairement affirmée, et je vous dis qu'elle est poussée très fort par les femmes du Comité des femmes des communautés culturelles de la fédération, où on retrouve de très nombreuses femmes, des femmes qui ont souvent aussi quitté des pays dans des situations dramatiques parce qu'elles n'arrivaient pas à affirmer leurs droits en tant que femmes et n'admettraient pas de vivre au Québec et qu'on puisse imposer des mesures qui nous feraient négocier les principes de l'égalité.

Alors, on pourra s'en reparler à une autre consultation, mais ces principes doivent traverser la politique, comme ils doivent traverser la future politique en matière de condition féminine, qui devrait aller sous peu. Il me semble que la politique du gouvernement de lutte contre le racisme et la discrimination doit aller dans le même sens que celle qui va être présentée bientôt en matière d'égalité pour les femmes.

Mme Caron: Oui. Ça m'apparaît effectivement très clair que ces deux politiques-là, il y a des liens très forts à faire; il faut que ce soit cohérent. Autant les données que vous avez présentées au moment de l'avis sur le Conseil du statut de la femme étaient réelles, de discrimination beaucoup plus forte pour les femmes immigrantes, c'est aussi vrai pour cette consultation-ci.

Ce matin, on disait que ce serait important de sensibiliser la population pour qu'elle ait davantage d'ouverture, mais est-ce qu'on ne devrait pas aussi, par rapport à ces valeurs-là que le Québec porte, sensibiliser davantage les personnes immigrantes, quitte à le faire avant même leur arrivée aussi, sur ces valeurs-là qui sont fondamentales pour le Québec?

Mme Asselin (Michèle): Évidemment, c'est par l'accueil, l'éducation. Je ne sais pas si...

Mme Caron: Et est-ce que dans les... Moi, je pense que les regroupements de femmes sont un lieu important, une première ligne, une première entrée. C'est sûr que souvent certains disent qu'ils ont peur de faire des ghettos, là, mais c'est une première ligne qui peut permettre d'expliquer davantage les valeurs qui sont véhiculées ici.

Mme Chouakri (Yasmina): Mais ça se fait assez... dans pas mal de groupes, hein, notamment à travers...

Mme Caron: Oui, c'est pour ça qu'il faut les maintenir. C'est pour ça qu'il ne faut pas dire: On ne veut pas en financer parce que ça risque de faire des ghettos. Mais je pense qu'au contraire ça permet de mieux connaître la société d'accueil.

Mme Asselin (Michèle): Mais il ne faut pas oublier qu'il y a des femmes qui arrivent ici dans des situations d'urgence et qui vivent parfois, en plus d'un choc culturel très grand, un choc au niveau des valeurs, et leur affirmation comme femmes est aussi difficile au niveau des familles: certaines d'entre elles se retrouvent avec des séparations, des divorces; elles sont aussi victimes de violence. Je ne dis pas que c'est toutes les femmes, mais c'est un phénomène important.

On est en train de compléter une recherche sur la violence que vivent les femmes d'origine arabe et musulmane et on se rend compte aussi que, dans les communautés, c'est là qu'elles vont aller chercher d'abord de l'aide. Alors, il faut s'assurer que des femmes vont pouvoir leur venir en aide et que ces femmes, bien elles sont aussi le reflet de notre société, des cultures, puisqu'elles ne travaillent pas de manière isolée. On est en réseau, bon, elles sont très actives au sein de la Fédération des femmes et d'autres réseaux. Alors, oui, c'est important, cet aspect d'aide et d'entraide, d'accueil par d'autres femmes qui peuvent comprendre le choc qui se vit par certaines d'entre elles.

Le Président (M. Brodeur): Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Ça va très vite. Donc, je remercie la Fédération des femmes du Québec et Action Travail des femmes. Merci de votre présentation.

Je vais suspendre quelques instants, le temps que notre prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 6)

 

(Reprise à 16 h 8)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Donc, nous recevons maintenant le Gala Noir et Blanc au-delà du racisme et Fondation canadienne pour les jeunes Noirs. Donc, M. Georges Konan, je vous souhaite la bienvenue en commission parlementaire.

Donc, les règles sont les mêmes que tantôt. Je vois que vous avez déjà assisté quelque peu à nos travaux. Donc, vous avez un temps maximal, temps maximal de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et, à la suite de ces 20 minutes là, il y aura une période d'échange avec les membres de la commission. Vous allez voir, si vous avez tendance à approcher le 20 minutes, que je vais commencer à gesticuler pour vous signifier que le temps achève. Mais, pour l'instant, si vous êtes prêt, la parole est à vous. Est-ce que vous voulez qu'on vous laisse un petit peu de temps?

Gala Noir et Blanc au-delà du racisme
et Fondation canadienne pour les jeunes Noirs

M. Konan (Georges): Oui, juste quelques secondes, le temps de sortir ça de mon...

Le Président (M. Brodeur): On vous laisse quelques secondes. En même temps, les collègues...

M. Konan (Georges): Vous pouvez le déduire dans mon temps.

Le Président (M. Brodeur): ...auront le temps de préparer peut-être des questions.

M. Konan (Georges): Oui.

Le Président (M. Brodeur): Allez-y.

n (16 h 10) n

M. Konan (Georges): Je suis prêt. Bonjour, Mme la ministre, M. le Président, Mmes, MM. membres de la commission. Dans le cadre de cette consultation, nous avons retenu deux axes: l'orientation 1, Coordonner les efforts, l'orientation 3, Renouveler nos pratiques et nos institutions.

Toutefois, permettez-moi de remercier Mme Lise Thériault, ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, de nous donner l'occasion de débattre du racisme à un niveau national et, partant, de vous faire des propositions.

Pour l'orientation 1, je débute mon intervention par la remarque pertinente de M. Claude Ribbe, guadeloupéen agrégé de philosophie et écrivain. M. Claude Ribbe, lors de son intervention du 4 décembre 2004 à l'UNESCO, disait: Si c'est le racisme qui a produit l'esclavage, il y a de quoi s'abandonner au désespoir le plus profond, car le racisme serait alors un mal radical inhérent à la nature humaine. Si, au contraire, le racisme n'est qu'un sous-produit de l'institution esclavagiste, l'espoir demeure, car le racisme, présenté souvent comme une fatalité non seulement par ceux qui le propagent, mais aussi par ceux qui le combattent, peut être éradiqué. Ceci étant, on ne peut pas parler du racisme, objet de notre préoccupation, sans évoquer, a, l'esclavage qu'il a engendré, b, les élites intellectuelles composées de leaders religieux, de philosophes, de scientifiques, de politiciens qui ont conçu et enseigné le concept de l'idéologie raciste.

A, justification de l'esclavage. Au premier concile de Jérusalem, si Paul, citoyen romain, juif converti au christianisme, proclama qu'il n'y a ni Juifs ni Grecs, ni esclaves ni hommes libres, ni hommes ni femmes, «car vous êtes en Jésus-Christ», il n'en demeure pas moins que, plusieurs siècles plus tard, ce pacte de respect et d'équité fut rompu par le pape Nicolas V qui ordonnait, le 8 janvier 1454, de réduire tous les païens en servitude perpétuelle.

Et, pour le traitement spécial réservé aux Noirs, le pape utilisa la malédiction de Cham, qui raconte la découverte involontaire de la nudité de Noé par le plus jeune de ses fils. À son réveil, informé par les autres enfants, Noé, furieux contre son fils coupable, déclara: Maudit soit Canaan. Il sera pour ses frères l'esclave des esclaves. L'Église fit donc des Noirs les descendants de Cham pour justifier leur asservissement.

C'est ainsi qu'en 1519 le prêtre Bartolomé de Las Casas exploita cette bulle papale pour faire venir les esclaves Noirs en lieu et place des esclaves amérindiens décimés par l'esclavage sur l'île de Saint-Domingue. Ce n'est que plusieurs siècles plus tard que la traite des Noirs sera abolie par des lois occidentales.

B: Enracinement de l'idéologie raciste par les philosophes, savants, scientifiques et politiciens. L'abolition de l'esclavage fut relayée par l'idéologie raciste. Voltaire, dans Essai de moeurs, écrivait: «La race des nègres est une espèce d'hommes différents de la nôtre. On ne peut pas dire que, si leur intelligence n'est pas d'une autre espèce que notre entendement, elle lui est fort inférieure. Ils ne sont pas capables d'une grande attention. Ils combinent peu et ne paraissent faits ni pour les avantages, ni pour les abus de notre philosophie. Ils sont originaires de cette partie de l'Afrique comme les éléphants et les singes; ils se croient nés en Guinée pour être vendus aux Blancs et pour les servir.»

Montesquieu, dans L'esprit des lois, déclara: «On ne peut se mettre dans l'idée que Dieu, qui est un être sage, ait mis une âme, surtout une âme bonne, dans un corps tout noir. Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes. On commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.»

Jules de Soury, philosophe, il a publié en 1902. Il disait que la lutte entre l'Aryen et le Sémite est une lutte fatale, une lutte à mort. David Hume, influent économiste anglais, écrivit ceci: «J'incline à penser que les nègres, et en général toutes les autres espèces d'hommes, sont naturellement inférieurs aux Blancs. Il n'y a jamais eu une nation civilisée d'une couleur de peau autre que blanche ni même aucun individu éminent, que ce soit dans le domaine de l'action ou de l'esprit.»

Emmanuel Kant, un philosophe allemand, disait: «La nature n'a doté le nègre d'Afrique d'aucun sentiment qui ne s'élève au-dessus de la niaiserie. Les Noirs sont si bavards qu'il faut les séparer et les disperser à coups de bâton.» Paul Broca, médecin anthropologue et spécialiste des tumeurs cancéreuses, chirurgien des hôpitaux, érudit, homme de laboratoire mais aussi de communication, professeur à la Faculté de médecine de Paris, fondateur d'une école d'anthropologie, un des savants les plus illustres de son temps et les plus honorés, membre de l'Académie de médecine en 1866. La 3e République en fit un sénateur à la fin de sa vie. Il inventa une science étonnante, la craniologie ou cranéométrie, qui prétend mesurer le crâne des Noirs pour connaître leurs capacités intellectuelles. Comme si l'intelligence était une science mesurable! Selon l'école de Broca, «la région du crâne, considérée dans son ensemble, est plus volumineuse dans les races caucasiennes que dans les races inférieures ?  nègres». L'objectif de l'équipe du Dr Broca était bien évidemment d'établir une sorte de palmarès des intelligences sur la base des classifications raciales et de prouver scientifiquement l'infériorité de la race nègre. Paul Broca, pour lui, l'aptitude de la civilisation, ou l'intelligence, dépend de la quantité de matières cérébrales selon l'équation philosophique: tant vaut l'organe, tant vaut la fonction. Pour Broca, les groupes humains s'avéreraient, sous ce rapport, inégalement doués. Il serait donc possible d'établir une échelle d'excellence. Ainsi, les Blancs au sommet, et les nègres, qu'il compare à des grands singes, en bas.

Jules Ferry, grand colonisateur, homme politique, maire de Paris, celui qui introduisit la gratuité et la laïcité dans les écoles françaises, clamait officiellement à une tribune de l'Assemblée nationale, le 29 juillet 1885, à propos des Noirs: «Les races supérieures ont un droit, celui de civiliser les races inférieures, et la Déclaration des droits de l'homme n'a pas été écrite pour les Noirs de l'Afrique équatoriale.» Plus près de nous, le politicien Édouard Balladur, en 1994, au cours d'une mission télévisée quelque temps après le début des massacres au Rwanda, déclara: «Nous avons un devoir moral envers ces peuples, c'est nous qui leur avons apporté la civilisation.»

Ainsi, depuis des siècles, la grande majorité des savants et politiciens, qui représentaient et représentent le pouvoir religieux, moral, intellectuel, scientifique et politique, ont soutenu et soutiennent cette ridicule théorie raciste. Tous ces leaders ont appris à des populations entières la pensée raciste. L'Église a justifié son comportement en se référant à des soi-disant textes sacrés. Les philosophes, considérés comme l'élite intellectuelle, la voix de la sagesse, celle qui s'interroge sur les principes de la pensée humaine et de la connaissance, de la nature et de la morale, ont sans arrêt tenu des discours racistes. Les respectables scientifiques ont apporté leur contribution à l'édifice du racisme en n'ayant de cesse de démontrer et de prouver à travers des tests en laboratoire que la hiérarchie des races était indéniable. Rappelons-nous les propos de Doc Mailloux du 26 septembre 2005, à l'émission Tout le monde en parle, qui affirmait le plus naturellement du monde, en citant des sources, que les Noirs étaient intellectuellement inférieurs aux Blancs.

Donc, de l'égalité des humains évoquée dans le premier concile de Jérusalem, au Ier siècle, on est passé progressivement à l'inégalité des humains depuis 1494 jusqu'à nos jours. Cette déconsidération à l'égard des Noirs présentés comme des sous-hommes depuis des siècles par les tenants de l'idéologie raciste a fini par s'incruster insidieusement dans le subconscient des Blancs de génération en génération, au point d'être perçue comme une fatalité par les uns et les autres.

En regard de ce qui précède, nous considérons que la racisme est un héritage intellectuel et scientifique dont il convient aujourd'hui de se délester totalement. De quelle manière? Peut-on changer les mentalités sans une modification en profondeur de la pensée politique et de l'éducation universelle? Le sujet est sensible mais impérieux pour effacer des générations futures ce fardeau du racisme. Il implique donc que l'élite intellectuelle, chacune dans son domaine, la même qui par le passé a figé à jamais le concept du racisme en Occident et qui reste la référence auprès des Occidentaux pour appréhender l'humanité nègre, dénonce publiquement les thèses de ses prédécesseurs et soit totalement impliquée dans le rétablissement de la vérité historique de la dignité de l'homme noir.

Pour mémoire, je citerais deux célèbres inventeurs noirs des temps modernes, Charles Drew, Richard Charles Drew, premier Noir à obtenir le titre de docteur en médecine, en juin 1940, et le premier à développer le système de conservation du plasma sanguin. Aucun scientifique avant lui n'avait trouvé le procédé de conservation de sang débarrassé de ses impuretés et prêt à être utilisé. Charles Drew, qui a fait ses études à Montréal, travaillait à l'Hôpital général de Montréal et est inscrit dans la toponymie de Montréal, n'est même pas connu des étudiants montréalais. Garrett Morgan, inventeur du masque à gaz et des feux de signalisation automatisée. Vous savez, le masque à gaz est utilisé constamment par les pompiers, par les militaires durant les guerres, par les mineurs du monde entier, etc. Mais combien des gens ont eu l'idée précise de l'inventeur et de ce précieux outil? Pourquoi? Parce que l'inventeur est noir et n'a donc pas fait l'objet de diffusion.

n(16 h 20)n

Imaginons les réactions d'un raciste à l'annonce que les feux rouges auxquels il obéit à chaque intersection de rue sont l'oeuvre d'un Noir. Va-t-il continuer à respecter les feux rouges, ou les ignorer, ou choisir d'éviter tous les carrefours comportant des feux de signalisation? À notre avis, il sera amené logiquement à réfléchir, et la réflexion est le début de la compréhension. Voilà pourquoi il nous paraît impératif de parler du génie inventif des Noirs, afin que les relations entre Blancs et Noirs soient plus respectueuses et plus équitables.

Proposition. Pour mettre fin à toute transmission de génération à génération de l'idéologie raciste, pour éliminer tout argument fallacieux et comportement visant à humilier les Noirs, pour le respect de l'humanité noire, pour la dignité des Noirs, pour instaurer une vraie égalité entre les hommes, Gala Noir et Blanc au-delà du racisme propose la promulgation d'une loi contre le racisme lié à la couleur de la peau, tout comme en d'autres temps fut promulguée une loi pour l'abolition de la traite négrière. L'incorporation dans le programme officiel de l'éducation scolaire de la contribution des Noirs dans le développement de l'humanité, leur rôle historique, politique, scientifique, militaire, leurs inventions, leurs découvertes, etc.; la coopération de l'élite intellectuelle pour relayer la diffusion de ces connaissances auprès du plus large public.

En conclusion, je mentionnerais qu'il n'existe pas de Mois de l'histoire des Noirs... plutôt, il n'existe pas de Mois de l'histoire des Blancs pour les Blancs résidant en Afrique, puisque leur histoire fait partie de l'enseignement universel. À l'inverse, qu'enseigne-t-on de la contribution des Noirs à l'essor de la société moderne? Est-ce que notre histoire à nous se résume à un Mois de l'histoire des Noirs? À quand l'équité universelle? «Si les nations sont des patries, l'humanité est une famille», nous rappelle Victor Hugo. Il nous incombe à nous de la rendre juste et harmonieuse.

Pour l'orientation 3, il est noté dans le document officiel de la consultation que le Québec est une société ouverte et tolérante. La question: l'est-elle envers les Noirs qui se cherchent un emploi? En effet, depuis plusieurs années le taux de chômage élevé au sein des membres de la communauté noire est connu, comme en témoignent ces propos. En fonction publique, il y a un manque de représentativité des minorités visibles. Le changement est pour l'instant difficile à effectuer dans un milieu syndiqué mur à mur. La solution émergera lorsqu'une génération de travailleurs deviendra retraitée. Il faudra à ce moment faire un effort systématique pour encourager la diversité ethnique. Ça, c'est M. Raymond Bachand, ministre du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation, et c'est du journal La Grande Époque du 2 au 8 mai 2006, page A3.

Une autre intervention. «Il est essentiel qu'en plus du gouvernement les entreprises, les syndicats et les associations professionnelles fassent en sorte que leurs effectifs représentent le Québec d'aujourd'hui», extrait du rapport du Groupe de travail sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires, groupe de travail dirigé par Mme Yolande James, députée de Nelligan, mars 2006, page 14.

«La vraie démocratie doit savoir concilier les valeurs de liberté et les valeurs de justice sociale», Claude Ryan, Parti libéral du Québec, extrait de son dernier message, Journal de Montréal, 14 février 2004, page 13.

«Une intégration réussie signifie non seulement un membre de la société plus productif, mais surtout une personne plus épanouie, plus heureuse. De plus, une intégration difficile à l'arrivée peut laisser des traces sur les générations qui suivent. [...]Le gouvernement du Parti libéral du Québec aura comme objectif de faire en sorte que les membres des communautés culturelles, qui sont des Québécois et Québécoises à part entière, puissent atteindre leur plein potentiel, atteindre un niveau d'épanouissement égal et au même titre que n'importe quel autre Québécois», Jean Charest, premier ministre du Québec.

«Être un jeune Noir au Québec, malheureusement il faut le dire, quand on se cherche un emploi, c'est plus difficile que si on est un jeune Blanc», Robert Perreault, alors ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, mars 2000.

Même si à maintes reprises les traitements inégaux liés à la discrimination et au racisme contre les Noirs qui se cherchent un emploi ont été révélés, il n'en demeure pas moins que la résolution du problème peine à se mettre en place, ce qui se traduit par le taux de chômage le plus élevé de ce groupe cible, si on le compare au reste de la population. Selon les données tirées du document du Conseil des relations interculturelles, 28 mai 2002, plus d'un Noir actif sur quatre était sans emploi, 26,5 %, alors que c'était le cas seulement d'un montréalais sur 10.

De façon générale, CRI précise que le taux de chômage pour l'ensemble des montréalais est moins élevé pour la tranche d'âge 25-44 ans. Pour les jeunes Noirs âgés entre 15 et 24 ans, le Conseil des relations interculturelles note aussi que le taux de chômage est de 37,1 contre 17,2 chez les non-Noirs du même groupe d'âge.

En regard de ce qui précède, nous considérons que l'idéologie raciste influence considérablement certains employeurs qui refusent du personnel noir. Il convient dès lors de mettre en place des avenues plus efficaces et plus réalistes afin de défaire les préjugés et convaincre les employeurs.

Proposition. Pour fournir une vitrine d'action destinée à sensibiliser les employeurs du privé sur la qualité, la compétence et la disponibilité des candidats issus des communautés noires, pour fournir une référence pour les entreprises à la recherche de candidats, pour fournir un débouché d'intégration aux Noirs demandeurs d'emploi et victimes du racisme, pour contribuer à la réduction du taux de chômage des Noirs, la Fondation canadienne pour les jeunes Noirs propose un projet pilote d'agence communautaire de placement en emploi pour les Noirs. Ce concept d'agence réservée uniquement aux membres de la communauté noire n'existant pas, nous sommes convaincus que sa mise en oeuvre aurait des retombées positives et mesurables. Il me reste encore 10 minutes, je crois, hein?

Le Président (M. Brodeur): Oui, il vous reste encore cinq minutes.

M. Konan (Georges): Voilà. Donc, cinq minutes, voilà. Donc, je voulais vous... Par exemple, nous avons Charles Drew, ce scientifique qui a fait quand même ses études à Montréal, c'est à peine si on connaît Charles Drew, même à Montréal, et pourtant tout le monde utilise son système de plasma sanguin. Je voulais vous rappeler aussi que Charles Drew a été victime du racisme. Parce qu'il a fait un accident aux États-Unis, et on lui a refusé la transfusion sanguine; il en est mort, et pourtant c'est lui qui l'a inventé.

Dans le cadre donc de cette consultation, nous, nous avons aussi choisi de mettre aussi en valeur les artisans du non-racisme. Souvent, on parle de Rosa Parks, mais on parle peu de Virginia Durr. Or, c'est cette femme et son mari qui ont appuyé Rosa Parks, qui l'ont soutenue dans toutes ses démarches.

Autrement dit, on parle souvent du racisme, mais on ne parle jamais de ceux qui ne sont pas racistes, que, depuis l'esclavage jusqu'à nos jours, ce sont des gens qui vivent les relations interraciales sans connotation de paternalisme ni de tolérance. Parce qu'en matière de relations humaines on ne peut pas parler de tolérance. Et, pour ça, je partage le point de vue donc du philosophe Étienne Borne, qui dit ceci: «Le terme de "tolérance", pris en son sens propre, est inadéquat à la grande idée qu'on prétend lui faire exprimer. En effet, tolérer une différence d'être et de la pensée, c'est la tenir en quelque sorte à distance avec une [...] de condescendance et d'indulgence. Le respect d'autrui et de sa liberté demande plus et autre chose.» Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Konan, bienvenue à la Commission de la culture, merci pour votre apport à nos travaux. Je vais commencer par là où vous avez terminé, concernant la notion du non-racisme, par opposition à la notion de la tolérance. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, parce qu'effectivement, lorsqu'on parle de la reconnaissance du non-racisme ou des acteurs qui y oeuvrent à... tu sais, qui méritent à se faire connaître, j'aimerais ça si vous pouviez nous élaborer un peu sur...

M. Konan (Georges): ...du non-racisme, parce que vous avez remarqué souvent, et ça aussi... bon, c'est... On parle souvent du racisme, on parle de l'antiracisme, mais on ne parle jamais du non-racisme. On a l'impression que nous nous retrouvons en face de deux dimensions: ou on est raciste ou on est antiraciste. Mais il faut reconnaître que l'antiracisme combat le racisme. Donc, ça fait donc deux... on pourrait dire que deux pouvoirs qui se combattent, mais pour arriver à quoi finalement?

Or, le non-racisme, c'est quoi? Comme nous le définissons, les Noirs et les Blancs partageant les mêmes valeurs humaines fondées sur les relations humaines de respect et d'égalité contribuent ainsi par leur parcours de vie à l'avancement d'une société également respectueuse envers tous les individus, sans connotation cependant de paternalisme ou de tolérance.

Bon, depuis même... depuis l'esclavage, à l'époque de Victor Hugo... Victor Hugo, c'est un humaniste. Pourtant, tout le monde le sait, ses parents se sont enrichis aussi avec l'esclavage. À 17 ans, Victor Hugo a sorti son premier roman, appelé Bug-Jargal, et, dedans, il imagine donc un Congolais qui va donc se battre pour délivrer donc des esclaves Noirs. Déjà très jeune, il avait les valeurs du non-racisme. Il ne voyait pas de différence entre Blancs et Noirs, hein, il voyait l'humanité. C'est pour cela que j'ai, à la fin donc de ma présentation, j'ai cité sa phrase. Il voit l'humanité. Donc, dans l'humanité, il voit des êtres humains, il ne fait pas de différence entre Blancs et Noirs, il voit des êtres humains.

Et, quand on remonte même l'historique quand même, on voit un peu, à l'époque pharaonique, c'était... Ça a été démontré, parce que l'autre, comment dirais-je, on a Cheik Anta Diop, il avait donc démontré qu'Aristote et Hérodote, ces Grecs avaient vu eux-mêmes de leurs yeux des Noirs pharaons. Et, eux, ils ont dit dans leurs écrits, repris par Cheik Anta Diop, et, dedans, eux, ils disaient qu'ils ont vu donc des Égyptiens qui étaient donc des Noirs. Les prêtres égyptiens, c'étaient des Noirs.

Donc, quand on remonte, les Noirs, à l'époque, eux aussi, ils avaient contribué au développement de l'humanité. Bon. Arrivés à notre époque, il y a eu l'esclavage, mais, les Noirs, finalement ils ne se sont pas laissés... Malgré l'esclavage, ils ont inventé des choses. Mais, en inventant ces choses, il y avait des Blancs à leurs côtés, parce qu'à l'époque, en 1858, il y avait une loi, une loi aux États-Unis, qui refusait qu'on reconnaisse le brevet des Noirs. Il y a eu des Blancs qui se sont battus pour que ces Noirs-là obtiennent leurs brevets. Çà, je le considère comme du non-racisme, parce qu'ils avaient le choix, hein? Ils n'avaient qu'à prendre même le brevet même de ces gens. Personne ne pouvait donc les priver de ça. Mais, non, ils ont dit: C'est leur invention, il faut qu'on leur reconnaisse ça. Donc, depuis toujours, que ce soit pendant l'esclavage ou après l'esclavage jusqu'à aujourd'hui, il y a toujours des Blancs qui se battent. Se battre, c'est peut-être beaucoup dire. Ce sont des gens qui ont des valeurs. C'est humain. Pour eux, ils naissent comme ça et ils évoluent dedans.

En 1994, pendant la crise au Rwanda, il y avait des femmes québécoises qui pleuraient à l'aéroport pour accueillir des enfants noirs. C'étaient des Blanches qui pleuraient. On ne les a pas forcées, hein, mais c'est l'élan du coeur, c'est un cri de coeur, ce sont des gens qui aiment les autres, et ils ne veulent pas voir la violence. Pendant la crise haïtienne, il y avait des non-racistes en Haïti. Il y avait la crise, et les Blancs étaient là-bas pour prendre les enfants qu'ils avaient adoptés. Voilà donc comment nous définissons les valeurs du non-racisme. Ce sont des gens qui ne voient pas la couleur de la peau, ils voient l'être humain qui est en face de lui.

n(16 h 30)n

Mme Thériault: Même les valeurs qui sont devant nous plutôt que ce que nous voyons, mais plutôt ce que nous percevons chez les gens. Vous avez raison.

J'aimerais peut-être vous entendre, bon, parce que vous avez ici fait quelques propositions. Bon. Là, vous dites: «Pour permettre»... C'est à la page 4 de votre mémoire, juste pour vous amener au bon endroit, de l'axe 1. Vous parliez, bon: «Pour mettre fin à toute transmission de génération en génération de l'idéologie raciste, pour éliminer tous arguments fallacieux et comportements visant à humilier les Noirs, pour le respect de l'humanité noire, pour la dignité des Noirs, pour instaurer une vraie égalité entre hommes, Gala Noir et Blanc au-delà du racisme propose: la promulgation d'une loi contre le racisme lié à la couleur de la peau ? et là vous avez mis entre parenthèses ? tout comme, en d'autres temps, fut promulguée une loi pour l'abolition de la traite négrière.» J'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, parce que, vous savez, bon, d'office, avec la Charte des droits et libertés, le racisme est interdit ici, au Québec. Donc, j'aimerais ça si vous pourriez élaborer un peu sur «la promulgation d'une loi».

M. Konan (Georges): Oui. Vous savez que le racisme... aujourd'hui, le racisme a pris plusieurs formes. On parle de racisme individuel, de racisme collectif, de racisme politique, de racisme économique, confessionnel, scientifique. Bon. Le racisme, tout ça prend appui sur l'idéologie raciste. À partir de ce moment-là, il y a eu donc, je pourrais dire, des éléments qui sont venus se greffer autour donc de l'idéologie raciste. En parlant donc de promulgation d'une loi, à l'époque, quand on parlait de l'esclavage, la traite négrière, ça s'adressait uniquement aux Noirs, et il y a des Blancs qui se sont élevés pour mettre fin à cela. Ils ont fait des lois. Il y a eu même des navires, des bâtiments de guerre de l'armée anglaise qui ont patrouillé les mers au niveau de l'Afrique pour arrêter tout navire négrier.

Aujourd'hui, quand l'idéologie raciste a succédé à l'esclavage, cela donc a enfanté d'autres formes de racisme, parce qu'à l'époque, quand on parlait de l'idéologie raciste, il n'était pas question d'autre forme racisme. Il était question de Noirs et de Blancs. Aujourd'hui, bien sûr, tout s'est développé. Avec le développement de l'économie du monde, et tout, il y a eu d'autres formes de racisme qui se sont greffées autour. Donc, je pars du principe que le noyau même, c'est l'idéologie raciste. Si on arrive donc à mettre un frein au noyau de l'idéologie raciste, les autres formes de racisme vont disparaître d'elles-mêmes, parce qu'on ne peut pas donc...

On sait que, dans le monde occidental, les lois sont respectées. Depuis qu'il y a une loi contre la cigarette, vous pouvez vous trouver n'importe où, vous n'avez pas besoin de policiers, tout le monde respecte la loi. On n'a pas besoin donc d'être surveillé, on respecte la loi. Je me dis: S'il y a une loi contre le racisme, le racisme, comme j'ai dit, le racisme de la couleur de la peau, ça va donc permettre à tout ce qui se greffe autour, toutes les formes de racisme qui se greffent autour, de disparaître automatiquement. Voilà pourquoi nous parlons donc de la promulgation d'une loi.

Bien sûr, ce n'est pas chose facile, mais, vous avez remarqué, même aux États-Unis, des Américains, des Américains noirs sont en train de chercher réparation auprès donc de leur gouvernement. Il y a des changements qui s'opèrent là-bas. Il y a des grandes institutions universitaires qui finalement font des efforts pour permettre donc à ces Noirs aussi de retrouver une dignité. Le problème des Noirs, c'est partout, que ce soit au Québec, partout dans le monde. Même en Afrique, le problème des Noirs est là. Je vais vous dire, jusqu'en 1970, vous rentriez dans une église africaine, le démon est représenté par un Noir. Autrement dit, l'idéologie raciste a contaminé un peu partout, que ce soient les générations blanches ou les générations noires.

Donc, pour nous, quand il y aura une loi... finalement je crois que les gens vont... qu'on va rétablir le Noir dans sa dignité, parce qu'en fait nous sommes dominés, que ce soit en Afrique, où on parle d'indépendance, mais on sait qu'il n'y a pas d'indépendance, le Noir est dominé partout et... Quand il y aura une loi, le Noir va retrouver donc évidemment une certaine dignité; à partir de ce moment-là, on va corriger les erreurs qui ont été faites.

Mme Thériault: Merci, M. Konan. Je reviendrai un peu plus tard. On est rendus au bloc de ma collègue la députée de Laurier-Dorion.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la ministre. Avant de passer la parole à Mme la députée de Laurier-Dorion, je voulais juste souligner la présence d'une délégation française, qui est ici à l'occasion de la 20e session de la Commission interparlementaire franco-québécoise, que j'ai eu l'occasion de rencontrer ce midi. Bienvenue. Bienvenue au Québec. Donc, Mme la députée de Laurier-Dorion, la parole est à vous.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais saluer la présence de nos collègues, cousins et amis français. M. Konan, merci d'être avec nous. Votre mémoire est particulièrement intéressant parce que vous apportez une dynamique, une dimension historique fort intéressante, puisque... évidemment, on comprend qu'il existe encore du racisme aujourd'hui, en 2006, mais de se rappeler d'où cela provient. Quelques mémoires et quelques groupes nous ont exprimé l'importance de rappeler l'histoire, de rappeler les moments marquants de plusieurs communautés ici, au Québec, mais de se rappeler, disons, les raisons intrinsèques qui dans le fond nous mènent à vouloir toujours combattre ces inégalités. Je pense que c'est quelque chose d'extrêmement important puis je pense que, de rappeler des événements comme ceux-ci, tout comme rappeler des événements qui se sont produits récemment, on en fait mention à quelques égards, d'autres groupes en ont fait mention notamment, vous l'avez mentionné, les propos qu'a tenus un certain psychiatre ou... ça nous rappelle toujours que dans le fond l'équilibre est fragile, puis ça nous... disons qu'on est face finalement à la réalité que parfois on tente d'écarter.

Alors, j'avais quelques questions. Donc, vous proposez dans votre mémoire notamment la mise sur pied d'un projet pilote, une agence communautaire de placement en emploi pour les Noirs. J'aimerais vous entendre davantage sur cette organisation, à quoi pourrait-elle ressembler, quel type de ressources cette organisation pourrait avoir besoin afin de fonctionner adéquatement.

M. Konan (Georges): Cela vient d'une expérience, parce que vous savez que souvent... Moi, je prends l'exemple: un homme d'affaires ou une femme d'affaires qui crée son entreprise, la priorité, c'est la rentabilité immédiate. Et qui dit rentabilité dit que la priorité dans le recrutement va tout de suite s'orienter vers l'environnement que connaît mieux cet homme d'affaires ou cette femme d'affaires.

Je prends l'exemple: moi, je suis de la Côte-d'Ivoire; je crée une entreprise. Bon, je suis confronté à la compétition et à la concurrence. Ce que je veux, c'est tout de suite être compétitif. Je vais demander donc... Je lance peut-être une offre d'emploi. Les demandes que je vais recevoir, si je ne connais pas les autres communautés, que je connais que la communauté ivoirienne, je vais a priori prendre le C.V. de l'Ivoirien parce que je ne connais pas les autres communautés. Donc, ma priorité, je vais choisir ça.

Mais, si par contre je connais donc toutes les autres communautés ? la communauté arabe, la communauté grecque, québécoise, et tout ? et que je reçois ces C.V., je vais donc choisir le plus méritant, parce que je les connais tous, donc je vais choisir le plus méritant. Voilà donc. J'essaie de faire la distinction.

Donc, je me dis: il y a des entrepreneurs ici ? des femmes, des hommes ? tous peut-être qu'ils ne connaissent pas peut-être les membres de la communauté noire ou qu'ils n'ont pas eu l'occasion de les côtoyer. Ce n'est pas parce que, bon, le Québec est un pays d'immigrants que tous les Québécois d'origine connaissent nécessairement tous les immigrants. Non. Ça dépend donc de l'orientation de chacun, hein?

Une fois, hein, dans mes expériences, j'ai croisé un monsieur, qui a 60 ans comme moi, qui dit que, depuis qu'il est en affaires, il n'avait jamais croisé un Noir pour discuter avec lui, hein? Voilà. C'est en fonction de ça. Il me disait ça, mais il parlait de tout coeur et il était sincère.

n(16 h 40)n

Donc, je me dis: s'il y a un organisme comme ça, c'est pour aller vers les employeurs. Ce n'est pas pour aller donc leur reprocher, non; aller leur faire découvrir simplement leur potentialité. On montre, on dit: Voilà les compétences que les gens ont, voilà leur caractère, voilà comment on communique avec eux, et tout. Ça permet aux gens de prendre le temps de les connaître. Ils n'ont peut-être pas besoin nécessairement de personnel dans l'immédiat, mais ils apprennent à découvrir comme ça. On sensibilise les gens. Ça revient que, quand vient le moment de recruter, il va se souvenir pour dire: Écoutez, j'ai rencontré des gens, on m'a parlé donc de cette communauté, je vais essayer donc d'aller un peu vers eux. C'est comme ça. C'est dans ce but-là. C'est pour aller seulement sensibiliser les employeurs, leur présenter le potentiel, leur montrer comment ils sont, comment ils sont disponibles, comment ils travaillent. Parce que, chez nous, dans nos traditions, ceux qui connaissent les Noirs ou les Africains peuvent le dire, chez nous, nous ne regardons pas dans les yeux quand nous parlons à quelqu'un. C'est de l'insolence. Or, ici, avec l'Occident, il faut le regarder dans les yeux. Alors, bien sûr, l'Africain, il ne peut pas regarder dans les yeux, mais, quand il ne regarde pas, l'autre, il dit: Non, il n'a pas de respect pour moi parce qu'il ne me regarde pas. Or, pour lui, c'est un signe de respect de ne pas le regarder.

Alors, vous voyez? Il y a bien d'autres choses encore, bon, mais certaines personnes connaissent, d'autres ne connaissent pas. Mais c'est au fur et à mesure. Donc, on a besoin d'expliquer ces petits détails, que jamais, quand il va parler à un professeur noir, il va jamais le regarder dans les yeux, parce que c'est contre son éducation. Il n'a pas le droit donc de regarder. En le regardant fixement, il désobéit, il l'insulte. Voilà.

Donc, c'est ces petites choses-là qu'on va donc utiliser pour approcher les employeurs et sensibiliser les employeurs progressivement. Et je n'ai pas dit que du jour au lendemain l'employeur va changer de mentalité. Non. Mais, avec la sensibilisation, si déjà il accepte de rencontrer les membres de cet organisme, c'est déjà un pas, parce qu'il va les écouter. Il va ouvrir sa porte à ces représentants-là, ça va donc faciliter le reste, les autres démarches.

Mme Lefebvre: Donc, en fait c'est un outil supplémentaire qui pourrait être donné aux employeurs, et même finalement cette banque pourrait être utilisée pour des emplois dans la fonction publique ou dans certains organismes gouvernementaux.

Mais vous faites mention précisément du fait que ce serait une agence communautaire de placement pour les Noirs. Bon. Vous êtes le Gala Noir et Blanc, mais est-ce que cette agence dans le fond pourrait englober un peu toutes les minorités, ou est-ce que vous pensez qu'on doit précisément...

M. Konan (Georges): Non, je crois que nous sommes au Québec, on ne peut pas le faire uniquement pour l'agence. Mais c'est le nom que ça va porter, mais les portes ne sont pas fermées. Donc, ça va permettre donc d'avoir d'autre partenaires, par exemple un Arabe qui peut faire partie donc de l'équipe pour présenter aussi les valeurs de l'Arabe. Bon. C'est comme ça. Un Haïtien peut faire partie de l'équipe. L'essentiel, c'est qu'on arrive à expliquer aux employeurs les mentalités qu'ont les communautés culturelles envers leur employeur. C'est tout. Et ça permet donc évidemment de rendre plus performant le recrutement donc de cet employeur-là, parce qu'au moment où il va recruter il va penser donc à: J'ai un jeune Haïtien, ou j'ai un Arabe, ou bien j'ai un Noir d'Afrique. Bon. Il va voir un peu, hein? Bon.

Nous, les Noirs d'Afrique, nous ne regardons pas dans les yeux, à moins d'avoir fait le tour en France. Un Noir qui vient directement de l'Afrique, il ne regardera pas son employeur dans les yeux, mais un Noir qui a fait la France va regarder parce qu'on lui a appris à regarder dans les yeux. Bon. Les Haïtiens aussi ont leurs valeurs. Ils vont donc... Voilà. Ils vont s'exprimer en fonction de leurs valeurs. Donc, c'est un peu comme ça.

Donc, l'organisme ne va pas donc exclure. Non. L'organisme ne va pas exclure les gens qui vont s'adresser à l'organisme. L'organisme va être ouvert à tous.

Mme Lefebvre: O.K. Puis, bon, on revient à l'emploi, puis on en a discuté beaucoup aujourd'hui, puis je pense que définitivement c'est une question qui est fort importante, quand on parle de lutte contre la discrimination et le racisme: de votre expérience et de ce que vous avez constaté de vos pairs, est-ce que c'est en emploi que les plus grandes discriminations sont vécues, ou si c'est un amalgame, ou on peut joindre l'emploi, le logement?

M. Konan (Georges): Moi, je parlais seulement que de l'emploi. Pour le logement, il y a d'autres organismes qui s'occupent de ça. J'ai essayé donc de m'axer sur un seul volet. Bon. Cerner un volet, c'est déjà... vous savez, c'est déjà immense, c'est déjà immense. Donc, je préférais ne pas m'éparpiller. Je suis resté donc dans le domaine de l'emploi.

Mme Lefebvre: Mais donc l'emploi doit être une priorité d'une politique...

M. Konan (Georges): Voilà.

Mme Lefebvre: ...bien doit être inclus de façon prioritaire dans une politique.

M. Konan (Georges): Voilà, oui, pour l'emploi, parce que, comme je vous ai dit, évidemment, avec le Conseil des relations interculturelles, c'est démontré. Évidemment, les Noirs, quand on parle donc d'un Noir sur 10, pendant que l'autre, c'est un sur quatre, un sur quatre, bon, ça fait quand même beaucoup. Un sur quatre par rapport à un sur 10, pour la communauté montréalaise, c'est quand même énorme. Donc, cette dimension-là, moi, je crois que, là-dessus, CRI nous permet quand même d'apporter donc des chiffres précis sur le chômage des Noirs.

Mme Lefebvre: Puis ? rapidement ? est-ce que... la Commission des droits de la personne, votre évaluation de son action afin de contrer les inégalités?

M. Konan (Georges): Écoutez, la Commission des droits de la personne, bon, moi, je... Écoutez, je vais vous dire, j'ai déjà eu affaire à la Commission des droits de la personne. Je ne suis pas là pour critiquer les organisations ni les organismes. Chaque organisme fait ce qu'il est capable de faire. Moi, j'ai déjà été victime donc du racisme. J'ai investi dans une affaire à Dorval, j'avais un salon de pâtisserie.

Mme Lefebvre: ...vous rassurer. L'idée ce n'est pas de nécessairement critiquer les institutions, mais travailler ensemble à trouver les...

M. Konan (Georges): Non, non, non, oui mais je vous explique, je vous explique puisque vous avez posé une question. Bon, voilà.

Mme Lefebvre: Mais trouver les solutions afin d'améliorer nos institutions...

M. Konan (Georges): Voilà. Parce que des fois, bon... c'est pour répondre à votre question, ça fait partie. J'avais donc mon chef cuisinier qui avait reçu une commande donc d'une personne qui devait marier sa fille. Il était venu donc demander donc un couvert pour 200 personnes, et, pendant qu'il discutait donc du contrat, moi, je suis rentré entre temps et puis je suis reparti. Mais, après, quand j'étais revenu, le chef cuisinier m'a dit: Mais, M. Konan, il y a un monsieur qui vient de faire une commande ici, c'est un Blanc qui vient de faire une commande ici, et, quand il m'a demandé si c'est toi le patron, j'ai dit oui, il a dit: Mais en ce moment, quand on va envoyer la commande, quand on va envoyer le repas, il ne veut pas que tu sois là, parce que ses invités n'aimeraient peut-être pas te voir. Et il me dit: Écoutez, moi, je suis prêt à témoigner, si tu veux porter l'affaire à la commission, ou si, demain, tu veux faire venir un témoin, puisqu'il doit revenir pour qu'on signe le contrat, je vais lui faire répéter sa phrase pour qu'un témoin puisse l'entendre et que tu puisses porter l'affaire. Bon. Je suis allé à la commission; la commission, bon, m'a reçu, j'ai expliqué. Bon, enfin, si vous voulez, ça ne m'a pas plu. Je suis reparti, parce que ma préoccupation, ce n'était pas donc de venir porter plainte, c'est parce que, bon, mon chef cuisinier voulait, il a trouvé que c'était injuste que le type se comporte de cette manière. Je voulais donc rappliquer. Il dépendrait de moi, j'aurais même laissé tomber, parce qu'un raciste de perdu, je vais trouver 10 non-racistes. Mon restaurant, il y avait des gens qui venaient là, ils savaient que j'étais le patron, ça ne les privait pas de venir là. Donc, je m'en foutais donc, d'une commande, mais j'avais l'occasion, il voulait témoigner. Donc, je n'ai pas voulu quand même le frustrer aussi, parce que nous travaillions ensemble. S'il trouve qu'il y a une injustice, qu'il veut donc m'aider à régler ça, je crois qu'il m'appartenait, moi aussi, donc de relever ce défi. Malheureusement, je n'ai pas eu une oreille attentive à la commission, donc j'ai laissé tomber l'histoire. Voilà.

Donc, d'autres reçoivent gain de cause à la commission, d'autres pas, mais je trouve que la commission est là... la commission n'aide pas... est là pour faire donc des recommandations. Donc, pour moi, les recommandations ne règlent pas le problème. S'il y a une loi... en fonction d'une loi, et c'est prouvé, la loi condamne. C'est comme fumer aujourd'hui en public, dans un restaurant, si vous n'êtes pas... puisque vous n'êtes pas autorisé, vous fumez, vous pouvez vous faire arrêter puisque la loi le condamne. Voilà quelque chose comme ça qu'on souhaite. Bien sûr, je suis conscient qu'une prise d'une décision telle que cette loi ça va... écoutez, il y a des ramifications un peu partout à travers le monde, hein.

Le Président (M. Brodeur): Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Konan, je vais vous poser une courte question, parce que mon collègue de Charlesbourg voudrait s'entretenir avec vous aussi. Vous avez mentionné tout à l'heure que, pour un peuple africain, vous ne regarderez pas le patron dans les yeux, sauf si vous avez fait un séjour en France. Il y a des codes culturels qui existent, on le sait aujourd'hui. C'est évident que, moi, comme Québécoise et femme d'affaires, je vous dirais qu'avant de faire de la politique, quand on donne une poignée de main, on donne une bonne poignée de main, énergique, on aime que les gens nous regardent; quand les gens nous regardent dans yeux, on va avoir un contact visuel avec eux. Pour nous, c'est un contact qui se fait et qui vient de confirmer que c'est une personne qui est honnête, entre guillemets, parce que, pour nous, si tu me regardes dans les yeux, c'est correct, quand tu as le regard fuyant, ce n'est pas normal. Ça ne fait que confirmer qu'il y a des codes culturels que nous devons apprendre.

Ça serait quoi, la meilleure façon pour vous, pour les Québécois, d'apprendre les codes culturels qui existent dans les différentes communautés culturelles? Là, je sais, je viens de vous poser une question qui peut vous durer 10 minutes de la réponse, mais j'ai un collègue qui veut poser une question aussi, donc je vous demanderais peut-être de raccourcir votre intervention puis d'aller au minimum.

n(16 h 50)n

M. Konan (Georges): Non, mais en fait, en deux mots, vous savez actuellement nous... bon, ça fait déjà deux ans, nous faisons des conférences sur le non-racisme et le génie inventif des Noirs. Vous savez, notre organisme n'est pas porté sur le racisme. C'est parce qu'il y a une consultation sur le racisme, et, comme nous avons des éléments, nous sommes venus présenter. Nous, nous faisons la promotion donc des valeurs du non-racisme. Donc, quand nous parlons donc du non-racisme, ça fait partie donc des éléments, nous discutons donc de ce comportement-là parce que ça fait partie donc, ça améliore les relations interraciales. Donc, voilà. Au cours donc de nos conférences, nous parlons de ça, nous allons... on a un colloque qui va donc se dérouler; au cours de ce colloque, on va parler donc des cultures, des préjugés, et tout cela. Donc ça, on a prévu ça pour le mois de novembre, parce qu'on avait... on voulait le faire en octobre, c'est trop tôt, donc on a poussé ça pour novembre. Donc, c'est au cours donc des colloques qu'on va donc parler donc évidemment de toutes ces formes comportementales qui peuvent améliorer les relations, jusqu'à, bon, à ce que... Et, comme nous produisons toujours des livrets, nous allons donc évidemment, dans nos livrets, mettre le résultat donc évidemment de ces colloques-là, et ça va permettre à un large public donc d'avoir connaissance de tout cet aspect donc des relations que nous avons envers les uns et les autres.

Une voix: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Charlesbourg.

M. Mercier: Merci, M. le Président. M. Konan, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Vous savez, lorsque j'ai lu votre mémoire et lorsque vous en avez fait lecture, tout à l'heure, évidemment je l'ai apprécié pour toute sa justesse, mais également je l'ai lu avec, je vous dirais, un déclin de tristesse, parce que c'est... comme on dit en anglais, il y avait un «reality check», c'est-à-dire une réalité historique évidemment, qui provient de grands auteurs, et que l'on ne nous a pas nécessairement appris lorsque, nous, nous étions sur les bancs d'école. Et je fais référence à l'école ou à l'éducation parce que vous en faites référence dans votre mémoire.

Et, vous savez, lorsqu'on a fait notre consultation évidemment avec plusieurs de mes collègues, nous avons parcouru tout le Québec, ou à peu près. Nous avons reçu plus d'une centaine de groupes, et quelque chose qui revenait très souvent, c'est ce que vous mentionnez là-dedans, c'est-à-dire le rôle de l'éducation. Et, moi, j'irais plus loin, je vous dirais: le rôle de l'instruction. L'instruction est une chose, l'éducation, c'est le partage de valeurs, je pense, parce que vous savez qu'en France c'est le ministère de l'Instruction et non de l'Éducation. L'éducation, pour moi, combine également l'instruction. Et, moi, je pense que c'est par l'instruction que l'on réussit à avoir une société qui fait partager des valeurs plus justes, certaines normes égalitaires et une façon de gérer notre interaction avec d'autres humains sur cette terre, ici.

Alors, ma question, M. Konan, c'est: De quelle façon, par le biais du ministère de l'Éducation ici, au Québec, de quelle façon intégrer un cours à nos jeunes, à notre relève finalement, à la relève de demain, afin qu'ils aient soit une meilleure instruction, mais également une éducation qui leur permettra de vivre avec d'autres, d'autres collègues, d'autres gens dans leur vie, d'autres adultes de façon égalitaire, juste et sereine?

M. Konan (Georges): À ce propos, bien sûr ce que nous faisons, c'est à un tout petit niveau. Par exemple, quand je fais les conférences... Nous avons donc produit des petits livrets comme ça que nous distribuons aux étudiants. Dans ces petits livrets, donc c'est divisé en trois volets. Donc, nous avons donc la première partie, ce sont donc les mots donc des élus, comment ils voient donc les relations interraciales, le non-racisme, et puis, dans un autre volet, nous parlons donc des artisans du non-racisme d'hier ou d'aujourd'hui, et, dans un troisième volet, nous parlons des scientifiques noirs, de tout ce que les Noirs ont inventé.

Mais, admettons, si ça devait faire l'objet, par exemple, de l'enseignement, puisque c'est ce que nous souhaitons, on va remonter donc dans l'historique, donc aller donc à l'époque égyptienne. Il y a eu des écrits qui sont là, qui sont disponibles; on va parler donc évidemment de la contribution des Noirs. On va donc parler... Vous savez, pendant toutes les guerres qui se sont déroulées en Europe, les Noirs ont participé, 1914-1918, 1939-1945, mais c'est à peine, même si on parle même... Quand vous prenez les documents, vous ne voyez jamais des photos des Noirs dedans, comme s'ils n'ont jamais existé. Il faudrait donc qu'on rétablisse ça. Et pourtant tout le monde le sait: les Noirs ont toujours été présents. Mais donc on va remonter donc depuis l'Égypte phraraonique, à l'époque donc des Noirs, on va passer donc en revue toutes les participations, tout ce que les Noirs ont fait au côté des Blancs jusqu'à aujourd'hui, en passant donc par les inventeurs, ça va rétablir les choses, parce que souvent, quand vous prenez...

Moi, j'avais eu déjà à discuter souvent avec des gens, ils me disent: Je suis raciste, parce que les Noirs ne font rien, ils ne font que... Voilà, ils profitent. Par exemple, toujours, il faut envoyer de l'aide, et tout. Mais, l'Afrique, si on veut voir réellement, l'Afrique n'a pas besoin d'aide; on le sait tous, l'Afrique est immensément riche. Mais on envoie de l'aide, mais on envoie l'aide à qui, puisque le pays même est suffisamment riche pour subvenir à ses propres besoins. Mais c'est ce que j'appelle le racisme économique; c'est dérivé donc du racisme, de l'idéologie raciste. On maintient les Noirs toujours dans le besoin, on ne développe rien. Je prends le cas de la Côte-d'Ivoire. La seule industrie que nous avons en Côte-d'Ivoire, c'est Blohorn, Blohorn qui s'est installée. C'est un ingénieur français qui s'est installé dans les années quarante-cinq par là. Il avait une petite industrie de savonnerie; ça a grossi avec le pays, parce qu'il était... C'est donc un investisseur privé. Aujourd'hui, Blohorn est devenue une institution en Côte-d'Ivoire. Jamais on ne parle d'augmentation de salaire sans passer par Blohorn. Mais voilà. Mais, en dehors de ça, qu'est-ce qu'on fait en Afrique? L'Afrique est riche. L'Afrique, on n'a pas besoin de voir les gens traverser l'eau pour aller se faire tuer ou, bon, enfin se laisser emporter par les vagues.

Il y a donc des solutions. Donc, on va apprendre l'Afrique, on va apprendre aux Africains. Parce que, nous-mêmes, en Afrique, on veut... on rêve de l'Europe parce qu'on croit qu'il n'y a rien en Afrique, hein? On rêve. Notre rêve, c'est l'Europe, c'est le Canada, c'est l'Amérique, l'Amérique du Nord. Mais, si on essaie de rétablir la vérité, montrer aux Noirs qu'ils doivent être fiers d'eux, qu'ils ont des richesses, qu'ils se suffisent à eux-mêmes, qu'ils peuvent voyager pour aller découvrir le monde sans nécessairement vouloir s'installer ailleurs, les choses vont changer.

Prenez l'exemple, Cheik Anta Diop, parce qu'il a démontré que les pharaons étaient des Noirs, on a refusé... À l'époque, le président Senghor... la France a refusé que Cheik Anta Diop donne de l'éducation, de l'enseignement à Dakar, parce qu'il allait... pour eux, il allait saper la mentalité donc des gens. Parce que c'est toujours... Il faut qu'on... On dit toujours aux Noirs: Vous êtes toujours tributaires, vous avez besoin d'aide, on doit vous aider, hein, mais jamais le contraire. Quand on prend le Nigeria, le pétrole du Nigeria, on prend même le Congo, c'est une erreur de la nature, la richesse du Congo, et pourtant tous les Congolais sont partout comme des réfugiés, hein, ils sont partout en train de chercher du travail. Peut-être que j'ai dépassé mon temps.

Donc, en donnant cette éducation-là, ça va permettre de rétablir la vérité. Voilà. Et, comme ça, au moins on va donc renforcer les efforts des artisans du non-racisme, parce qu'en ce moment les artisans du non-racisme sont isolés. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Le temps passe vite. J'aimerais vous entendre rapidement sur la situation actuelle, ce que vivent les différentes générations. Est-ce que vous percevez des différences entre première, deuxième génération de...

M. Konan (Georges): Moi, évidemment, je ne veux pas critiquer la vieille génération, mais... puisque je fais partie de cette vieille génération. Mais je trouve que la nouvelle génération est plus... parce qu'il faut le voir au niveau de l'éducation, de l'enseignement, les jeunes se mélangent entre eux, dans les universités, dans les collèges, dans les écoles primaires. Toutes les races, aujourd'hui, se mélangent. Donc, vous voyez les enfants qui ne font plus la distinction entre Noirs et Blancs. Voilà. Des fois, un enfant peut vous parler de son ami sans savoir que, bon, il fait référence à un Noir ou à un Arabe. Non, pour lui, il voit un être humain devant lui, et c'est ça.

La nouvelle génération, je peux vous dire qu'on a plus de chance, parce que les jeunes, aujourd'hui, voyagent beaucoup, contrairement à ma génération à moi. Les jeunes voyagent beaucoup. Ils vont en Afrique, ils vont en Amérique latine, ils vont partout. Ça fait qu'ils arrivent à faire la différence. Et, comme, dans l'enseignement, ils sont partout ensemble à l'école, soit pour les travaux, on travaille en équipe, et tout, les jeunes, aujourd'hui, si vous voulez, ils sont fantastiques, plus que ma génération.

Mme Lefebvre: Bien, c'est drôle que vous mentionniez ça, parce que, quand j'ai eu le privilège d'être élue ici, à l'Assemblée nationale, dans un comté qui est hautement multiethnique, donc près de 50 %, là, des citoyens sont issus d'ailleurs ou nés ici mais faisant partie de minorités racisées, des gens me demandaient: Est-ce que c'est parce que vous aviez beaucoup d'amis ou de connaissances dans les différentes communautés, puis tout ça, puis mon premier réflexe, ça a toujours été de dire: Bien non, pas du tout, je viens d'un milieu... Non. Puis finalement, en y repensant, je me rappelais de mes camarades de classe ? moi, bon, j'ai grandi à Montréal ? puis dans le fond il y en avait une qui était Coréenne, un autre Péruvien, un autre Russe, puis dans le fond, moi, je n'ai jamais vu la différence. Puis, même à l'âge adulte ? je comprends, quand tu es enfant, tu ne vois pas la différence; mais même à l'âge adulte ? mon réflexe, ça a toujours été de me dire que c'étaient des personnes qui étaient Québécoises, là, à part entière. Puis le fait d'avoir justement grandi ensemble, ça change la dynamique.

Puis on parlait tout à l'heure de la langue, mais la langue aussi, je pense, accentue ce sentiment de proximité puis de ressemblance, et... En tout cas.

Bref, sur ces commentaires, je me demandais enfin, parce que ma collègue aurait des questions, de votre point de vue, est-ce que la situation, elle est meilleure, pire, maintenant? Aujourd'hui, on décide de s'y attarder parce qu'on pense que c'est une priorité puis que, bon, le contexte a peut-être changé. Puis, bien c'est écrit dans le document de consultation que le Québec, malgré tout, est une société généralement ouverte, tolérante, mais, bon, il existe quand même des cas. Et puis, juste s'il y en a un, c'est déjà trop, mais on sait malheureusement qu'il y en a beaucoup plus qu'un. Donc, de votre point de vue, l'état de la situation maintenant, est-ce que c'est...

n(17 heures)n

M. Konan (Georges): Non, mais, de mon point de vue, je pourrais même prendre... Quand je fais les conférences et que je rentre dans les classes, vous trouvez donc toutes les communautés dans la classe. Et très souvent même c'est ce que je déplore... Quand vous faites des conférences sur le non-racisme, bien vous avez déjà affaire à des personnes qui ne sont pas racistes. C'est ce que je déplore. Or, la mission, c'est de toucher ceux qui sont racistes. Ceux qui ne sont pas racistes n'ont même pas besoin d'être sensibilisés. Or, souvent c'est eux qui viennent à ces conférences.

Donc, je me dis: Si on a la chance, par exemple, de donner un enseignement à partir donc des établissements scolaires, oui, ça va changer, parce que, bon, on prend tout le monde de la même façon. Bien sûr, ça va changer cette génération-là. Bon.

Il est difficile aussi d'inviter un raciste à une conférence. Il ne viendra pas, puisque de toute façon il n'a pas envie de voir ta tête. Bon. Comment il faut toucher ces gens-là? Voilà le point d'interrogation. On fait des communiqués pour dire: Bon, on a une conférence à tel endroit, il y a ça. Mais ceux-là ne viendront pas. Il faut donc toucher les gens.

Donc, pour moi, moi, j'envisage, par exemple ? au moins tout le monde regarde la télé ? que de temps en temps à la télé, par exemple, bon, soit une fois par semaine ou une fois par mois, on parle d'un inventeur. Bon. Il va finir, ce racisme... Il va finir un jour par regarder... chaque fois, il va éteindre sa télévision parce qu'il ne veut pas en entendre parler, mais, un jour, il va finir quand même, par curiosité, bon, de regarder.

C'est comme... je suis producteur du Festival des masques au parc Morgan. En 2002, j'avais croisé un enfant là-bas, un enfant de 10 ans. Il dit qu'il n'aime pas les nègres. C'est sa phrase, hein? Je ne veux pas vexer personne. Il dit: Moi, je n'aime pas les nègres, mais, depuis que je vous vois ici, je commence à changer. C'était sa phrase. Mais c'est un enfant de 10 ans. Mais ça vient du coeur, il est sincère. C'est des phrases qu'il entend autour de lui. Donc, il l'a... il l'a utilisée.

Mais qu'est-ce qui s'est passé? Quand je faisais le festival, il y avait plein d'enfants dans le parc, donc ils allaient manger à mes frais. C'est comme ça. Ils allaient manger, ils buvaient, tout ça, là. Ils ont dit: Ah! Le monsieur, là, il est formidable, et tout. C'est comme ça. Cet enfant-là, aujourd'hui, bon, il a peut-être 15 ans, 16 ans maintenant, mais, quand il me voit au... Hochelaga-Maisonneuve, il a du respect pour moi. Voilà. Mais cet enfant-là, grâce à mon festival, au moins j'ai récupéré quand même un enfant qui était peut-être au départ raciste, puisqu'il dit: Je n'aime pas les nègres. Lui, il est catégorique. Bon. Voilà. Mais il a changé.

Moi, je dis que le contact, ça aide. C'est vrai. Il faut aller vers les gens. Des fois, ça peut être à travers un festival, mais il faut pouvoir parler aux gens. Ce n'est pas aller faire de la musique là, et puis c'est fini. Non, non. Il faut avoir accès aux gens, discuter avec les gens, échanger avec eux. Ça change les choses. Sinon, ça ne peut pas. Or, à l'école, c'est mieux. Dans les institutions académiques, c'est mieux, c'est plus performant, parce que, bon, tout le monde en parle et puis ça devient le sujet, donc le débat. Ça devient donc le sujet des thèses, et tout ça, bon, ça va aider.

Il faut bien qu'on aide, parce que les relations interraciales, aujourd'hui, c'est un problème international. Et ça, ça ne finit pas aujourd'hui. Tous les Noirs qui tombent à l'eau, à chaque fois on s'en va les récupérer. Mais c'est misérable. Pendant qu'ils ont de la richesse chez eux, où ils peuvent aller? Si le Burkina Faso est pauvre, le Burkina Faso peut s'enrichir en Côte-d'Ivoire, puisque c'était à l'époque... À l'époque de Houphouët-Boigny, tous les Burkinabés étaient en Côte-d'Ivoire, ils avaient la situation.

Les gens rêvaient d'aller en Côte-d'Ivoire plutôt que d'aller en France, hein? À l'époque, tous les Burkinabés préféraient ça à venir en France; les Togolais, les Dahoméens de l'époque, c'était la Côte-d'Ivoire, hein? Ils cherchaient moins à aller en France. Aujourd'hui, maintenant, tout le monde va parce que l'Afrique est à feu et à sang, c'est tout. Il suffit de stabiliser simplement ces pays-là. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Pour une dernière question, courte question, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Ma question sera certainement très courte, mais je ne veux pas la poser sans vous remercier, monsieur, de votre présence parmi nous, parce que non seulement votre document est intéressant et parlant, mais le fait qu'il s'appuie sur plusieurs années d'expérience dans le domaine et le ton que vous prenez pour en parler, c'est de nature à nous toucher beaucoup. Et je vous imagine volontiers dans le parc à parler avec les gens et à les toucher beaucoup parce que vous êtes entier dans ce que vous faites, et il n'y a pas, malgré tout le poids du racisme qui pèse sur l'humanité, vous n'êtes pas amer, vous êtes en train de construire l'avenir, et c'est formidable. Et mon intervention visait surtout à vous dire merci.

Mais je vais quand même poser une petite question. Votre présence et votre action démontrent que le coeur de la lutte au racisme, c'est la relation qu'on réussit à établir entre deux façons d'être, qui est une façon... qui est la vôtre et qui est la façon plus traditionnelle des Québécois, et tout ça, c'est des façons d'être, c'est des cultures différentes et qui ont intérêt à s'enrichir.

Mais la culture, normalement, la façon, on passe la culture, elle se transmet et elle se communique en partie par la façon d'être mais beaucoup aussi par le langage, par la langue. Alors, ne croyez-vous pas qu'il est important que, quand les gens arrivent ici et qu'ils ne connaissent pas la langue, que c'est la première chose qu'on leur enseigne, et qu'on leur enseigne rapidement? Qu'on leur permette de communiquer? Je ne parle pas de devenir des spécialistes de la langue écrite, mais de leur permettre de communiquer. Comment voulez-vous que quelqu'un fasse ses choses au Québec, soit libre d'aller où il veut et de se faire connaître, donc de se faire apprécier, s'il n'arrive pas à se faire comprendre?

M. Konan (Georges): Bien, moi, je suis d'accord entièrement que la langue est une priorité dans tout. Pourquoi j'ai choisi le Québec? J'ai vécu en France. Après la France, j'ai été en Côte-d'Ivoire, j'ai travaillé comme cadre; avec la crise politique, je suis venu au Québec parce que le Québec est francophone. J'ai choisi le Québec pour la langue.

Moi, j'estime que, quand vous arrivez dans... Nous, on a un proverbe chez nous qui dit que, quand vous arrivez dans un pays, si les gens marchent avec la tête, vous marchez aussi sur la tête. Vous arrivez ici: les gens parlent le français?, vous devez parler le français. C'est une province francophone. Donc, pour moi, la langue est prioritaire. Si vous ne parlez pas le français, vous ne pouvez pas parler d'intégration. Parce qu'en ce moment c'est deux sociétés différentes. Vous, vous vivez dans la communauté française, mais vous ne voulez pas parler la langue. Donc, vous vivez dans quoi? Vous vivez dans votre bulle. Pour moi, la langue française est prioritaire parce qu'on est au Québec. Si vous êtes dans l'Ontario, la langue prioritaire, c'est l'anglais.

Donc, au Québec, c'est le français. J'estime que tout immigrant qui arrive, la priorité de l'immigrant, si l'immigrant veut s'intégrer, veut vivre au Québec, doit commencer par la langue, donc parler le français. Avec le français, les voies vont s'ouvrir à lui. S'il ne parle pas le français, comment il peut communiquer avec les gens, comment il peut communiquer avec les employeurs? Comment, même s'il monte une affaire, comment il peut communiquer avec sa clientèle, puisque la clientèle, elle est francophone? Il y a un problème là. Voilà. Donc, pour moi, la langue, c'est une priorité pour tout immigrant qui arrive au Québec. C'est à cause de la langue que j'ai choisi le Québec, donc, pour moi, cette langue, je la défends. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Merci pour votre intervention, M. Konan, et je vais suspendre quelques instants, le temps que l'Union des municipalités du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 7)

 

(Reprise à 17 h 8)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et nous accueillons maintenant l'Union des municipalités du Québec. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Comme à l'habituel, je vous rappelle les règles relatives aux auditions. Donc, dans la période d'une heure dont nous disposons, vous avez un temps maximal de 20 minutes ? et je répète bien, un temps maximal de 20 minutes ? pour exposer votre mémoire de la façon dont vous jugerez à propos. D'ailleurs, vous allez voir, si vous approchez le 20 minutes, que je vais vous faire signe de conclure. Et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, sans plus tarder, premièrement, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et, ensuite de ça, de procéder à la présentation de votre mémoire.

Union des municipalités du Québec (UMQ)

M. Laberge (Jacques): Jacques Laberge.

M. Perras (Jean): Et Jean Perras.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue. Vous pouvez y aller.

n(17 h 10)n

M. Perras (Jean): Alors, bonjour, Mme la ministre, M. le Président, Mmes et MM. les députés. Permettez-moi d'abord de vous présenter la personne qui m'accompagne aujourd'hui, M. Jacques Laberge, responsable de la planification et de la mise en oeuvre des stratégies à l'Union des municipalités du Québec.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais rappeler, pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec notre organisation, que l'UMQ représente depuis 87 ans les municipalités de toute taille, dans toutes les régions du Québec. À la fois expression de la diversité et de la solidarité municipale et interlocutrice privilégiée auprès de ses partenaires, l'UMQ est un regroupement municipal qui favorise l'entraide dans l'ensemble du milieu d'abord en soutenant la prise en charge de son action au plan régional par ses 17 caucus régionaux, mais aussi en permettant à ses membres de travailler sur la base de leurs affinités et d'avoir une voix sur toutes les instances politiques et dirigeantes.

La structure de l'UMQ, par ses caucus d'affinités, est le reflet de la mosaïque municipale québécoise avec ses communautés métropolitaines, ses grandes villes, ses villes d'agglomération, ses municipalités de centralité, ses municipalités locales et ses municipalités régionales de comté.

En plus de contribuer par ses représentations auprès du gouvernement à l'amélioration continue de la gestion municipale, l'UMQ dispense une gamme variée de services conçus expressément pour ses membres, adaptés à leurs réalités et à leurs besoins. Elle est également un carrefour de réflexion municipale québécoise et favorise à cette fin la formation des élus et la diffusion de l'information.

Bref, la mission de l'UMQ consiste à contribuer au progrès et à la promotion de municipalités démocratiques, dynamiques et performantes dédiées au mieux-être des citoyens et des citoyennes du Québec. Au nom de l'Union des municipalités du Québec, je remercie les membres de la Commission de la culture de lui permettre de présenter son point de vue dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

D'entrée de jeu, l'UMQ tient à saluer le gouvernement pour sa volonté d'édifier une société plurielle et inclusive. L'union partage les grands constats et accueille favorablement les orientations et les choix stratégiques présentés dans le document de consultation. Par ses initiatives, l'union entend susciter la contribution du milieu municipal québécois à la réussite d'une politique de lutte au racisme et à la discrimination.

L'UMQ est d'ailleurs déjà impliquée dans la lutte contre le racisme et la discrimination. À titre d'exemple, en février 2006, l'UMQ et la Commission canadienne pour l'UNESCO ont invité les municipalités québécoises à joindre les rangs d'une future coalition des municipalités contre le racisme en signant une déclaration sur les engagements communs et en élaborant leur propre plan d'action. Cette coalition devrait voir le jour d'ici la fin 2007. Elle vise notamment à créer un réseau de villes leaders intéressées par le partage d'expériences et l'échange d'expertises dans le but d'améliorer leurs politiques de lutte contre le racisme et la discrimination.

Par ailleurs, l'UMQ souhaite aussi faire la promotion du pluralisme dans les institutions locales. Pour ce faire, elle a récemment institué une nouvelle catégorie du mérite Ovation municipale, prix remis chaque année dans le cadre de ses assises annuelles. Le mérite Ovation municipale récompense les municipalités qui, peu importe leur taille, leur population ou leur situation géographique, se sont distinguées de façon originale par leurs réalisations et les efforts mis en place pour innover, créer ou développer des projets dans le but d'améliorer la qualité de leurs citoyens et citoyennes.

Les municipalités québécoises qui pourraient déjà s'inscrire dans l'une ou l'autre des 12 catégories du Mérite pourront, à compter de l'année 2007, soumettre leur candidature comme municipalité s'étant le plus distinguée en matière de gestion de la diversité, d'accès à l'égalité en emploi, de lutte contre le racisme ou de rapprochement interculturel.

M. le Président, ces deux exemples illustrent bien que l'UMQ a à coeur la lutte contre le racisme et la discrimination et désire contribuer positivement à la transformation sociale des municipalités vers l'intégration et la participation de leurs citoyens, peu importe leur origine.

Il faut d'ailleurs dire que le travail relatif à la diversité dans les municipalités du Québec est relativement récent et diffère selon leur taille et la région. S'il est juste d'affirmer que de plus en plus les municipalités prennent conscience du potentiel de l'immigration comme moteur du développement économique régional et comme frein au déclin démographique, certaines municipalités ne saisissent pas toute l'importance du pluralisme et de la gestion de la diversité à l'intérieur d'une politique de régionalisation de l'immigration. Cependant, la prise de conscience se fait progressivement. Plusieurs grandes villes québécoises considèrent depuis nombre d'années la gestion de la diversité comme un enjeu majeur de développement communautaire et de cohésion sociale. La plupart de ces municipalités ont adopté des politiques et des programmes relativement à la diversité interculturelle ou à l'accueil et à l'intégration des immigrants.

Toutefois, la majorité des municipalités québécoises interpellées par cette problématique ne sont pas toujours bien préparées et n'ont pas reçu de soutien financier suffisant. Le milieu urbain, principal foyer de brassage ethnique et culturel, représente un espace privilégié pour mener concrètement des actions contre le racisme et contre la discrimination qui en découle. Toutefois, la croissance de l'immigration et la diversité ethnique et culturelle représentent une nouvelle réalité pour bien des municipalités et de nouveaux défis.

Le choc culturel provoqué par l'arrivée de plus en plus importante de personnes provenant d'autres cultures a un impact certain sur les relations entre les citoyens mais également sur les relations entre l'institution municipale et les citoyens immigrants ou issus de communautés culturelles. La municipalité doit être en mesure d'offrir des conditions favorables à l'épanouissement de tous ses citoyens et citoyennes, au développement de leur identité et de leur sentiment d'appartenance à la collectivité et à leur participation citoyenne.

Pour ce faire, une municipalité doit prôner le pluralisme et l'intégrer dans son propre fonctionnement notamment en adaptant ses pratiques institutionnelles souvent bien établies. Elle doit également encourager les initiatives des acteurs de la société civile visant le rapprochement interculturel, le respect de la différence et la solidarité sociale. Pour y arriver, les municipalités peuvent prendre différentes initiatives relatives à la gestion de la diversité selon les trois angles suivants: la municipalité comme organisation; la municipalité comme communauté et la municipalité comme responsable de l'ordre public.

Comme organisation, une municipalité peut, par exemple, adopter un programme d'accès à l'égalité en emploi, former ses employés à la lutte contre le racisme et la discrimination, adapter ses services aux réalités des personnes immigrantes ou issues des communautés culturelles, favoriser la participation citoyenne des membres et des groupes de communautés.

Deux, la municipalité comme communauté peut apporter différentes formes de soutien à la vie communautaire, que ce soit par de nouveaux partenariats, par le financement d'initiatives communautaires ou associatives, par la promotion d'événements publics ou encore par la remise de prix ou distinctions relatives à la promotion de la diversité ou de la lutte contre le racisme.

La municipalité enfin, comme responsable de l'ordre public, peut attribuer des ressources pour la prévention de comportements racistes ou de crimes haineux, la protection des individus victimes de crimes racistes, la protection des individus face au profilage raciste, l'éducation et la formation de ses policiers visant à les sensibiliser relativement à des comportements discriminatoires.

Plusieurs initiatives peuvent donc être envisagées par la municipalité pour répondre au défi que présente la prise en charge de la diversité dans les municipalités québécoises. Mais, comme la lutte contre le racisme et la discrimination est une responsabilité collective, l'UMQ recommande que la future politique gouvernementale favorise la révision du partage des responsabilités entre les différents paliers de l'administration publique et jette les bases d'un réel partenariat entre le milieu municipal et le gouvernement du Québec à cet égard.

En ce qui a trait au leadership du dossier, l'UMQ applaudit la volonté du gouvernement d'assurer le leadership dans la lutte contre le racisme et la discrimination. Toutefois, l'Union croit qu'il est impératif de développer et d'appuyer le leadership local en matière de gestion de la diversité, car, si l'on souhaite traduire en actions concrètes les engagements internationaux du Québec, les différentes dispositions de la Charte des droits et libertés de la personne et de la future politique gouvernementale québécoise de lutte contre le racisme et la discrimination, il est important d'impliquer les différents acteurs locaux, c'est-à-dire ceux qui sont sur le terrain, y compris les victimes de racisme et de discrimination. À cet égard, le choix de la ville s'impose donc comme espace privilégié pour lier entre elles les actions en amont et en aval, puisque les élus et les gestionnaires municipaux occupent une position clé pour créer de telles synergies. L'UMQ recommande donc que la nouvelle politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination reconnaisse clairement et appuie le rôle de leader des autorités municipales.

n(17 h 20)n

Par ailleurs, comme les autorités municipales ont un rôle clé à jouer dans la lutte au racisme et à la discrimination et que la mise en place d'initiatives et d'actions devient urgente dans plusieurs communautés, la politique gouvernementale devrait faire une place de choix aux projets de coalition des municipalités contre le racisme et impliquer le gouvernement dans le soutien aux villes leaders du Québec qui joindront les rangs de cette coalition. Aussi, les municipalités qui instaurent des politiques visant à contrer le racisme et la discrimination doivent être en mesure non seulement d'évaluer et de mesurer la discrimination dans leurs communautés, mais également d'évaluer la performance de leurs politiques. À cet effet, l'UMQ suggère au gouvernement de contribuer à l'évaluation et à la mesure de la discrimination dans les différentes municipalités du Québec touchées par cette problématique. Il devrait également appuyer les municipalités dans le développement des indicateurs pour évaluer leurs politiques visant à lutter contre le racisme et la discrimination.

Une autre préoccupation de l'UMQ à l'égard de la problématique du racisme et de la discrimination est l'augmentation significative du nombre d'autochtones dans les centres urbains du Québec. Au cours des 30 dernières années, le nombre d'autochtones vivant dans les municipalités québécoises a significativement augmenté, et tout porte à croire que ce mouvement d'urbanisation s'accélérera. Déjà, près du tiers des membres des premières nations du Québec sont devenus citoyens de nos municipalités, certains par choix, d'autres par nécessité. Bien que nos municipalités soient riches en possibilités, la vie en dehors des communautés autochtones présente parfois des défis de taille. Cette présence autochtone de plus en plus visible dans plusieurs de nos municipalités pose notamment le défi de la cohabitation, celui de faire de nos municipalités des lieux accueillants et ouverts, des lieux où l'on combat les inégalités et les préjugés à l'égard des autochtones.

L'union a créé, en novembre 2004, le Caucus des municipalités voisines des Premières nations, dont le but est notamment de favoriser la cohabitation harmonieuse entre les communautés autochtones et non autochtones et d'assurer une paix sociale durable. Plus de 60 municipalités québécoises, réparties dans 13 régions administratives, sont plus directement concernées par les questions autochtones. La grande majorité est membre du Caucus des municipalités voisines des Premières nations.

De plus, comme le phénomène de l'urbanisation des autochtones du Québec ainsi que ses impacts demeurent encore largement méconnus, l'Union des municipalités du Québec s'engage à collaborer à la réalisation d'enquêtes et d'études visant à documenter la situation des autochtones en milieu urbain au Québec. L'UMQ incite également les municipalités à spécificité autochtone à devenir partenaires de projets qui permettent aux autochtones d'acquérir plus facilement les compétences et les expériences qui faciliteront leur réussite en milieu urbain.

Enfin, l'union s'engage aussi à collaborer avec les premières nations à la réflexion sur les enjeux touchant les autochtones vivant en milieu urbain. À ce sujet, l'UMQ recommande que la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination vise non seulement les personnes immigrantes ou issues des communautés culturelles, mais également les autochtones, puisque la lutte au racisme et à la discrimination nécessite selon nous une approche globale et concertée. Cette nouvelle politique doit aussi reconnaître et soutenir le rôle joué par les acteurs municipaux et par le Caucus des municipalités voisines des Premières nations en matière de rapprochement interculturel avec les autochtones.

Finalement, concernant l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes municipaux, il faut souligner que la Loi sur l'accès à l'égalité en emploi dans ces organismes publics permet une meilleure représentation des femmes, des personnes handicapées, des autochtones, des minorités visibles et des minorités ethniques. Cette loi, entrée en vigueur en 2001, concerne notamment les organismes municipaux ayant 100 employés et plus.

Dans son rapport triennal, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse fait état de la situation des organismes publics en matière d'égalité en emploi. L'analyse qu'elle a faite en 2004 de la représentation des personnes ou groupes visés par la loi indique une quasi-absence des minorités visibles, des minorités ethniques dans les plus petites municipalités visées par la loi. Les autochtones sont également faiblement présents dans le secteur municipal.

Globalement, au Québec, l'effort de rattrapage des organismes municipaux en 2004 est de 2,6 % pour les minorités visibles, 2,4 % pour les minorités ethniques et de 1,3 % pour les autochtones. Toutefois, dans la région métropolitaine de Montréal, cet effort de rattrapage est beaucoup plus important pour les minorités visibles, 5,5 %, et pour les minorités ethniques, 5,2 %, en raison du nombre beaucoup plus important de personnes appartenant à ces groupes et vivant dans la région métropolitaine. À l'opposé, l'effort de rattrapage des autochtones dans les organismes municipaux des autres régions du Québec grimpe à 2,2 %, soit la plus importante sous-représentation de tous les réseaux publics visés.

Les élus municipaux ont toujours été sensibles à la représentativité de la population de leur municipalité au sein de la fonction publique. L'accès à l'égalité en emploi est également intégré à la culture organisationnelle des municipalités. Cependant, le faible taux de roulement de la main-d'oeuvre en milieu municipal, conjugué à certains mécanismes prévus dans les conventions collectives, tels l'ancienneté et le droit de rappel, peut expliquer en partie le ralentissement de l'embauche de personnes issues de groupes ciblés par la loi. De plus, la Commission des droits a constaté que la mise en oeuvre de la loi dans les organismes municipaux s'est parfois faite dans un contexte très complexe en raison des fusions et des défusions, qui ont entraîné des réorganisations très importantes dans les structures organisationnelles, dans la gestion des ressources humaines ainsi que dans les structures syndicales.

L'UMQ, par le biais de son Centre de ressources municipales, le CRM, propose aux municipalités un éventail de services professionnels visant à les assister dans la gestion courante et le développement de leurs activités de gestion des ressources humaines et de relations de travail. Le CRM publie notamment des articles sur l'accès à l'équité en emploi dans les municipalités. Il répond aux questions des membres et leur offre un soutien technique dans l'élaboration de leur programme d'équité en emploi.

Au chapitre de l'accès à l'égalité en emploi dans les organismes publics, l'Union croit qu'il y a lieu de maintenir la loi afin que les personnes compétentes soient représentées sans discrimination dans le secteur municipal, compte tenu des efforts de rattrapage du secteur municipal notamment pour atteindre les objectifs de représentation. De plus, le gouvernement pourrait mettre sur pied, en collaboration avec le Centre des ressources municipales de l'UMQ, un programme de sensibilisation auprès des organismes municipaux non visés par la loi afin que ces dernières contribuent sur une base volontaire à l'atteinte des objectifs poursuivis par la loi.

En conclusion, Mme la ministre et M. le Président, l'Union des municipalités partage les grands constats et accueille favorablement les orientations et les choix stratégiques présentés dans le document de consultation. L'UMQ croit qu'une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination favorisera la coordination et la mise en oeuvre de mesures nouvelles relatives à l'intégration et la pleine participation de citoyens de toute origine. L'UMQ tient cependant à rappeler au gouvernement que la municipalité représente un espace privilégié pour mener concrètement des actions contre le racisme et contre la discrimination. Aussi, la politique gouvernementale doit reconnaître les municipalités comme des partenaires privilégiés dans l'édification d'une société pluraliste et inclusive et doit les aider à relever des défis qui y sont associés.

L'Union souhaite que sa participation à cette consultation publique contribue à faire progresser la compréhension des enjeux municipaux et locaux liés au pluralisme et à la pleine participation de tous les citoyens.

Enfin, l'UMQ souhaite que le gouvernement, avant de mettre la touche finale à cette politique, fasse une dernière présentation à la Table Québec-Municipalités. En effet, lors des négociations Québec-municipalités de 2006 sur la nouvelle entente fiscale et financière, tant le premier ministre du Québec, M. Jean Charest, et la ministre des Affaires municipales et des Régions, Mme Nathalie Normandeau, ont indiqué qu'à l'avenir la Table Québec-Municipalités servirait de lieu de coordination pour toute nouvelle politique ou réglementation gouvernementale avant qu'elle soient adoptée, dans le but d'éviter une déconcentration ou décentralisation administrative qui porterait préjudice aux prérogatives et à la juridiction des municipalités ainsi qu'à leur capacité financière d'absorber de nouvelles responsabilités. M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Donc, nous sommes prêts à entamer la période d'échange. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Perras, M. Laberge, merci d'être avec nous ce matin. J'aimerais vous féliciter pour la qualité du mémoire que vous avez déposé. J'aimerais d'entrée de jeu vous mentionner que les municipalités sont des partenaires du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Vous n'êtes pas sans savoir qu'à la vitesse que nous avons entériné des ententes, que ce soient les plans d'action régionaux, que ce soient les ententes de régionalisation notamment avec les CRE, le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles est un ministère qui travaille excessivement bien avec les régions, de par les objectifs de régionalisation que nous avons, et évidemment je considère que les municipalités sont les premières interpellées, puisque vous dispensez des services aussi sur le terrain. Donc, vous devez être des partenaires privilégiés.

Comment croyez-vous que le ministère devrait... je dirais... si on inclut des nouvelles choses, que ce soit une politique d'accès à l'égalité à l'emploi qu'on veut appliquer de façon peut-être un peu plus systématique dans les différentes villes, que ce soient des politiques de lutte contre la discrimination de villes, ou tout autre programme pour lutter, comment pensez-vous que, dans un contexte où nous avons signé beaucoup d'ententes présentement avec les CRE, avec les villes, et avec les plans d'action, qui sont des ententes triennales également, comment pensez-vous que nous pourrions... faire un addendum ou essayer de faire un ajout quelque part sans nécessairement être obligés de rouvrir toutes les ententes qui ont été signées? Parce qu'il y a des ententes qui viennent d'être signées pour une période de trois ans, puis, de l'autre côté, je me dis, on ne peut pas attendre trois ans non plus avant de dire: Bien, avec telle région, on va attendre trois ans avant de régler quelque chose, s'il y a une politique qui peut être élaborée, ou autre. Ça, c'est un heureux problème que je vous pose là, là.

n(17 h 30)n

M. Perras (Jean): Bien, écoutez, je vais vous parler en tant que maire, membre de la MRC des Collines et aussi membre du comité de la CRE de l'Outaouais: tout se discute et tout se négocie. On est au début, dans tous les CRE du Québec, de la réflexion sur les stratégies, le développement régional, etc. On est au début... dans le fond, ça fait jusque quelques années qu'on discute de déconcentration, décentralisation, régionalisation. Moi, je pense qu'il faut mettre ça sur la table; ça se discute, ça se négocie. Je pense qu'on peut arriver à des ententes communes. Est-ce que ça va prendre encore plusieurs années? Moi, je ne le sais pas, je ne pourrais vous dire.

Mais je pense qu'il faut discuter, parce que je vous l'ai déjà dit récemment, lorsque vous étiez en Outaouais, que, depuis à peu près une quinzaine d'années, il y a eu beaucoup de déconcentration et de décentralisation vers les municipalités, les MRC, mais il n'y a pas eu beaucoup, beaucoup de dialogues et de discussions. Et on s'est ramassé avec beaucoup, beaucoup de responsabilités en milieu municipal, qui n'étaient pas nécessairement voulues mais que finalement on a adoptées. Et on s'y fait, mais je peux vous dire que, pour les prochains, on espère qu'à travers la TQM et toutes les autres institutions on va pouvoir développer des ententes.

Mme Thériault: Vous avez raison, c'est sûr que la Table Québec-Municipalités ou la Table Québec-Régions sont des tables qui sont intéressantes pour avoir une bonne vue d'ensemble, on peut avoir des bons échanges. J'ai eu le plaisir d'aller présenter les résultats du ministère de l'Immigration à cette table-là. Et, bon, nous, on est un ministère qui décentralise assez rapidement, parce qu'on est heureux de voir que sur le terrain, dans les région notamment, beaucoup les régions aussi, que les acteurs ont été très conscientisés. Moi, je dirais même que le discours a complètement changé entre voilà cinq ans et aujourd'hui. Le discours est très différent par rapport à l'immigration, au fait que les régions disent nommément: Nous avons besoin d'immigration. Oui, nous voulons accueillir des gens chez nous: Qu'est-ce qu'on doit faire? De quelle façon on doit le faire? Avec quels moyens du bord aussi?

Donc, c'est pour ça que je crois qu'il y a eu tant d'ententes que ça qui ont été signées. Les gens sont conscients dans les régions, de par le fait qu'on ne fasse plus beaucoup d'enfants, de par le fait... le phénomène de l'exode des jeunes, la prise de retraite qui va s'accélérer. Vous vivez déjà des pénuries dans certains secteurs, dans certaines régions, qui ne risquent que de s'accentuer. Donc, il est évident que l'immigration peut être une piste de solution très intéressante pour des régions. Par contre, c'est bien évident aussi, c'est l'oeuf ou la poule. Lorsqu'on regarde une région comme l'Outaouais, où, statistiquement parlant, d'après les dernières données qui ne sont pas encore officielles, on peut dire grosso modo qu'il y a 10 % de la population en Outaouais qui est issue de l'immigration. Dans une autre région, comme le Saguenay?Lac-Saint-Jean, bien, c'est peut-être 1 % de la population qui est issue de l'immigration.

Donc, il est évident que, lorsqu'on va penser à faire une politique, un plan d'action qui va toucher les municipalités, on ne peut pas arriver avec du mur-à-mur, parce que le Saguenay n'est pas rendu, dans sa progression, au même endroit que l'Outaouais, ou que Laval, ou que Québec, ou que Montréal. Tous les endroits sont différents, là, finalement. Puis sans dire qu'on n'a pas la même approche, on ne vit pas nécessairement la même situation. Si on arrive puis qu'on dit, au Saguenay: Bien, 10 %, c'est un minimum, on ne peut pas passer à côté, encore faut-il qu'ils aient le bassin de la population. Donc, c'est sûr qu'en Outaouais vous l'avez ? c'est probablement plus facile en Outaouais. Peu importe la taille de la ville ou du village, arriver avec une politique qui pourrait être applicable. Parce qu'à même la région il y a un consensus, et, quand tu es rendu à 10 %, c'est 10 %. Parce que, dans cinq ans ou dans 10 ans, ce sera peut-être 20 % ou 25 %.

M. Perras (Jean): La beauté de la Table de l'UMQ, de la TQM, de la TQR, des CRE, c'est qu'on se parle, puis on se parle de plus en plus nombreux autour de la table. Notre CRE en Outaouais, il y a des représentants d'un peu tout le monde, du milieu syndical, du milieu environnemental, du milieu de l'éducation, etc. Et puis, ça va vous prendre tous ces acteurs-là pour pouvoir influencer la société de l'Outaouais ou du Saguenay par rapport à votre politique. Alors, ce ne sera pas juste les municipalités, il faut parler avec les universités, les cégeps, les écoles élémentaires, secondaires, les centres de préparation pour les enfants, etc. Il faut que tout le monde en parle, et puis c'est seulement lorsqu'on va mettre le discours, faire la palabre, comme on dit en Afrique, jusqu'à temps qu'on arrive à un consensus, puis c'est vers ça qu'on doit tendre. On n'y arrivera probablement jamais tout à fait, à 100 %, mais disons que c'est un travail qui va en progression. Et puis c'est ça, la beauté des CRE puis des tables telles que l'UMQ ou la TQM, c'est qu'on... vous avez tous les acteurs, alors ça vaut la peine.

Ce qu'il ne faut pas faire, par exemple, c'est de nous surprendre avec quelque chose auquel on ne s'attendait pas. Il n'y a personne qui aime les surprises, surtout s'il y a une grande facture salée qui vient avec. Ce serait plus difficile à digérer.

Mais je pense que vous avez raison, il y a de la bonne volonté puis il y a une réalisation que le Québec d'aujourd'hui n'est pas le Québec des années cinquante. Les choses ont changé dramatiquement, radicalement. La planète s'est rapetissée. Les jeunes sont conscients, ils écoutent la télévision, avec leur iPod, etc. Les choses bougent beaucoup. Les nouvelles nous parviennent instantanément, ce qui n'était pas le cas il y a 50 ans. Alors, probablement que dans 50 ans la société sera transformée aussi radicalement. Puis qu'est-ce qu'on peut faire pour l'améliorer en cours de route, c'est ça, le défi qu'on a tous.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Déjà? Merci, M. Perras, M. Laberge, merci de votre présentation. Je suis d'autant plus heureuse de vous entendre que je considère... Je suis, bon, porte-parole en matière d'immigration et de communautés culturelles, mais je porte également le chapeau de députée de la région de Montréal, dans la région de Montréal, et je trouve extrêmement intéressant qu'un organisme, une association comme la vôtre, l'Union des municipalités du Québec, qui, bon, regroupe des municipalités de l'ensemble du territoire, ait de plus en plus, puis on le constate, un discours articulé sur, bon, aujourd'hui, une politique contre la discrimination et le racisme, mais également lorsqu'il était question d'employabilité puis d'essayer d'attirer également des immigrants en région. Donc, je pense que, si on veut réussir le défi de l'intégration régionale, puis que cette intégration soit également permanente, puis que les gens dans le fond se plaisent dans leur nouvelle ville, je pense que vous avez un rôle extrêmement important à jouer, d'autant plus, comme vous le mentionniez, que vos tables sont de plus en plus nombreuses, et donc vous pouvez dialoguer d'une ville à l'autre au travers du Québec.

Et il y a plusieurs questions qui pourront être touchées d'ailleurs, peut-être pas nécessairement dans le cadre de cette politique-ci, mais, quand on regarde... moi, je regarde, par exemple, le Parc-Extension, qui est un quartier, bon, un des plus multiethniques au Québec sinon au Canada, et les taux de chômage, on en a parlé, discuté abondamment ce matin, cet après-midi, chez certaines communautés, je me dis, puis je regarde les nouvelles comme tout le monde, puis je vois, dans certaines régions, que, bon, que les villes, qu'en fait, bon, les populations diminuent, et je me dis: Il y a chez nous des gens qui ne font que chercher un emploi puis des endroits au Québec où dans le fond les offres, bien, sont présentes, puis on dirait que la jonction entre les deux est difficile à faire. Puis je regarde le gouvernement du Québec qui va à l'étranger faire la promotion du Québec, faire la promotion des emplois potentiels puis des études potentielles à faire ici, puis je me dis: On devrait faire plus et plus cette promotion-là, et le gouvernement du Québec de faire la jonction, mais également les villes ou des plus petites villes qui pourraient elles-mêmes venir dans certains quartiers de Montréal faire elles-mêmes la promotion des opportunités qu'il pourrait y avoir en région. En tout cas, ça me sautait aux yeux comme idée, puis en tout cas j'ai hâte que ça se produise. Sûrement qu'il existe déjà certaines initiatives en ce sens-là, mais, si vous décidiez de venir recruter dans Parc-Extension, bien sachez que je serai là pour vous tendre la main.

Pour en revenir à vos recommandations, je voulais également souligner ce que vous avez mentionné par rapport à la coalition des villes, ce qui est discuté actuellement ou ce qui a été discuté à l'UNESCO, puis le travail qui est fait au Québec pour aller de l'avant dans cette voie-là; je pense que c'est quelque chose également qui est extrêmement... qui sera profitable pour l'avenir, et surtout que ça englobe, bon, les positions de l'ensemble du territoire. Donc, il y a ça. Puis également les nouvelles catégories d'Ovation municipale, je pense également que ça va dans le bon sens, parce que ça va en fait valoriser les villes et les administrations qui agissent correctement puis dans le fond proactivement.

Alors, ceci étant dit, dans vos recommandations générales, notamment la première recommandation globale, vous parlez de l'importance de réviser le partage des responsabilités. Puis, dans votre recommandation n° 1, vous insistez sur le fait que la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination doit reconnaître clairement et appuyer le rôle des leaders, des autorités municipales.

Donc, j'aimerais que vous élaboriez un peu là-dessus, en ce sens: qu'est-ce qui devrait être fait, quels types de partenariats, est-ce que c'est des moyens financiers? La ministre parlait d'ententes qui ont été négociées avec les CRE. Donc, il existe déjà une première forme de partenariat. Mais qu'est-ce qui pourrait être fait davantage pour arriver à des solutions plus efficaces?

n(17 h 40)n

M. Perras (Jean): Bien, écoutez, il faudrait s'assurer qu'il y ait concordance au niveau des politiques, au niveau des programmes, au niveau du dialogue entre le gouvernement et les municipalités. Déjà, juste ça, là, je trouve qu'on ferait un grand pas.

C'est sûr qu'un financement, ce serait bien acceptable, parce que je peux vous dire que, depuis la réforme Ryan, en 1993, il y a eu beaucoup de choses qui ont été envoyées vers le milieu municipal sans nécessairement être accompagnées par des montants d'appui, des montants d'argent d'appui, puis c'est nous finalement qui avons tout absorbé ce nouvel influx.

Alors, je pense qu'il y a aussi de la formation. Tantôt, on a parlé, dans notre mémoire, que l'UMQ fait de la formation avec les municipalités; il ne faudrait pas que le gouvernement fasse d'autres types de formations. Il faudrait peut-être travailler ensemble. Il y aurait des choses à faire en concordance à ce niveau-là. On serait prêts à discuter avec les commissions scolaires d'intégration dans les programmes scolaires, de toute la dimension lutte au racisme et à la discrimination.

Nous, on parle régulièrement avec le monde de l'éducation, tant au niveau municipal, intramunicipal qu'au niveau des MRC et des CRE. Alors, il y a beaucoup de choses encore qui potentiellement peuvent se discuter et arriver à des stratégies communes. Puis je pense que c'est ça, le thème, c'est d'arriver à des stratégies d'ensemble communes.

Mme Lefebvre: Parce que tout à l'heure, dans son introduction, la ministre mentionnait que vous étiez un partenaire privilégié du ministère de l'Immigration, puis en même temps, dans une de vos recommandations, vous mentionnez qu'on doit... que la politique doit favoriser le partage des responsabilités entre les différents paliers de l'administration publique.

Je me demandais quel était le lien actuellement... bien, formel qui existe en fait entre, bon, vous comme union, mais également dans les municipalités. Est-ce que c'est seulement les CRE qui font le lien avec le ministère et le suivi des politiques ou, dans chacune des administrations locales, il y a également des gens qui font les liens?

M. Laberge (Jacques): Oui. Bien, ça dépend des ententes qui ont été signées et des ententes qui ont été signées sur une base régionale avec les CRE, mais des ententes qui ont été signées également avec des villes, comme la ville de Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, et ainsi de suite.

Mme Lefebvre: Donc, c'est aléatoire, là. C'est tout dépendant de...

M. Laberge (Jacques): Je ne sais pas si on peut dire que c'est asymétrique, mais il y a une chose qui est certaine, c'est que c'est important de clarifier à l'intérieur d'une politique le rôle des différents acteurs.

Et, quand on parle de clarifier ces rôles-là, bien il y a une tribune qui existe, qui est la Table Québec-Municipalités, entre autres.

Mme Lefebvre: O.K.

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons du côté de Mme la ministre. Oui.

M. Perras (Jean): M. le Président, si vous me le permettez, j'aimerais faire un commentaire sur le premier point...

Le Président (M. Brodeur): Allez-y.

M. Perras (Jean): ...de Mme la députée, relativement aux régions et à l'immigration possible vers les régions. La problématique est beaucoup plus globale que juste la problématique du racisme. Je pense qu'il faut voir ça dans une problématique globale d'occupation du territoire.

C'est très difficile pour les régions où les jeunes quittent, où les personnes âgées deviennent de plus en plus âgées et où les villages commencent à subir les affres d'un déclin économique, de dire: On va recevoir des gens chez nous, quand il n'y a pas nécessairement le travail pour le faire.

Et, moi, je crois honnêtement que toutes les politiques doivent être coordonnées à ce niveau-là. Ce n'est pas juste une ou l'autre ou l'autre, c'est l'occupation de l'ensemble du territoire du Québec qui est liée à un développement durable, qui est liée à un développement économique, qui est liée à un développement culturel.

Pourquoi les jeunes s'en viennent en ville? Parce qu'il y a plus de culture, ils peuvent sortir, il y a des attractions, il y a des choses qui se passent qui ne se passent pas nécessairement dans leurs villages respectifs. Alors, la même chose pourrait s'appliquer si les gens qui arrivent d'Afrique ou d'Asie ou d'Amérique du Sud déménagent là-bas, il va manquer de choses essentielles. La vie n'est pas juste faite d'un travail, la vie est faite d'un ensemble de choses.

Donc, c'est une problématique d'ensemble, puis, moi, je vous encourage, à l'Assemblée nationale et au gouvernement du Québec, de voir ça comme un tout et non pas juste une réponse à une question avec une politique.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Merci, M. le Président. Pour compléter la réponse par rapport aux ententes, ça me fait plaisir de dire à la députée de Laurier-Dorion qu'on a présentement cinq villes avec lesquelles on a des ententes: on parle de Montréal, Québec, Gatineau, Sherbrooke, Rawdon. Je ne compterai pas Laval, parce que l'entente qu'on a faite... parce que, Laval, on a fait une entente spécifique ville-CRE dans une entente de régionalisation, et il y a deux autres villes qui sont en attente d'ententes avec nous et qui ont signifié leur intérêt. Présentement, il y a neuf plans d'action régionaux qui ont été dévoilés au cours des derniers mois et il y a sept ententes de régionalisation qui ont déjà été signées.

Donc, c'est pour ça que je dis que les villes sont des partenaires privilégiées sur le terrain, parce que la majeure partie des ententes ont été signées soit avec les villes, soit avec les CRE, où tous les maires sont interpellés puisqu'ils sont alentour de la table, évidemment. Donc, je me permettais la précision parce que c'est quand même beaucoup de données que peut-être vous n'avez pas à l'UMQ, mais, nous, on a réellement la mise à jour des dossiers.

Donc, j'aimerais vous entendre...Parce que je sens qu'il ne me reste pas beaucoup de temps avant que le président me coupe. Vous avez parlé de mettre sur pied un programme de sensibilisation... un programme de sensibilisation. J'aimerais avoir peut-être un peu plus de précisions. Est-ce que vous parlez d'un programme de sensibilisation «at large», entre guillemets, de la population? Est-ce que les villes doivent, en même temps que le Québec, peut-être faire une offensive médiatique sur le racisme? Est-ce que chacune des villes, municipalités, régions doit penser à avoir sa propre stratégie selon la réalité d'une région? De quelle façon vous voyez ça et comment on peut faire ça en concertation avec d'autres organismes aussi, parce que vous avez parlé de concertation?

M. Perras (Jean): Bien, d'abord, il y a plusieurs éléments. Pour répondre à votre question, il y a d'abord le plan d'action qu'on est en train de développer avec la commission canadienne de l'UNESCO, où il est prévu une série de programmes de sensibilisation avec les employés municipaux, avec les corps policiers, avec une série de tous les intervenants municipaux qui travaillent pour nous ou avec qui on a des relations.

Alors, il y a cet aspect-là, là, qui est en train de se développer, mais il y a aussi toute la sensibilisation avec les petites municipalités du Québec, qui n'ont pas une centaine d'employés, donc qui ne tombent pas sous la coupe de votre législation. Alors, prenez, par exemple, chez nous, il y a 23 employés, alors on n'a pas nécessairement mis tout sur pied, l'ensemble des mesures qu'une grande ville comme Montréal pourrait avoir.

Alors, il y a, à travers toute la formation qu'on fait à l'Union des municipalités, cette possibilité-là de faire avancer le dossier au niveau d'une formation plus particulière, mais c'est quelque chose qu'on pourrait faire ensemble.

Mme Thériault: On est disposés à regarder d'autres types de partenariats; il n'y a aucun problème. Merci. Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Oui, il vous reste encore deux minutes.

Mme Thériault: Ah! Il me reste encore deux minutes. Bon, bien, on va continuer, d'abord. Vous avez parlé de la gestion de la diversité culturelle. En deux minutes, comment vous voyez la gestion de la diversité culturelle pour les villes, à partir des services que vous offrez déjà, à l'Union des municipalités du Québec?

n(17 h 50)n

M. Perras (Jean): Bien, moi, j'ai toujours eu pour mon dire, depuis que je suis en politique municipale, là, depuis 14 ans, qu'il faut faire deux choses: il faut légiférer puis il faut éduquer; un ne va pas sans l'autre. Alors, on peut légiférer, on peut faire avancer des dossiers, on peut sensibiliser le législateur municipal à toutes ces données-là, mais aussi il faut faire l'éducation de nous ? nous, les élus ? mais aussi de nos employés, les gens avec qui on travaille, nos contremaîtres ou nos... le corps policier qu'on a à la MRC des Collines. Alors, c'est quelque chose d'intégré.

Il faut se lier aussi et faire avancer tout le dossier de l'aspect culturel. Moi, j'ai toujours eu pour mon dire qu'au niveau municipal, au niveau même de l'ensemble du Québec, la culture est peut-être le lien le plus facile, le plus cohérent à faire entre les différentes civilisations. Si vous prenez des choses comme Vues d'Afrique, à Montréal, qui a fait avancer plus la connaissance sur l'Afrique que beaucoup de choses, si vous pensez à toute la coopération internationale à travers l'Association québécoise des organismes de coopération internationale, à travers Jeunesse Canada Monde... Belle et Bum fait plus avancer la culture, la compréhension des autres cultures que bien des choses à Télé-Québec. Les écoles vertes Brundtland, je ne sais pas si vous connaissez? Mais il y a en a à peu près 1 000 au Québec qui font de la solidarité, qui font de l'environnement, qui travaillent sur la paix. Bien, c'est des écoles où on a fait avancer beaucoup la compréhension et la connaissance d'autres cultures, d'autres civilisations, etc. Ce n'est pas juste une chose, mais c'est une... La gestion au niveau municipal, c'est toutes ces choses-là mises ensemble. Vous avez un rôle à jouer, nous, on a un rôle à jouer, puis il faut le jouer de façon coordonnée de plus en plus.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Rapidement parce que mes collègues ont des questions. En tout cas, j'apprécie beaucoup le discours que vous tenez sur le... bien sur cette vision globale en fait des choses, parce que c'est sûr que, quand on parle de discrimination ? on en parlé toute la journée ? elle rime avec emploi, rime avec connaissances culturelles, mais en tout cas avec un bagage qui permet ensuite d'atténuer la différence finalement avec l'autre.

Juste rapidement sur votre recommandation n° 3, vous souhaitez que le gouvernement contribue à l'évaluation, à la mesure de la discrimination. Vous faites mention que vous souhaiteriez que le gouvernement vous offre des outils pour que... et développe une série d'indicateurs pour évaluer les politiques au niveau de municipal. Donc, encore là, j'imagine que les ressources sont manquantes pour pouvoir les développer, au niveau humain, financier?

Une voix: ...

M. Laberge (Jaques): Oui. Il existe un centre, qui est financé par l'UMQ et par le gouvernement du Québec, centre sur les bonnes pratiques municipales, qui est aux HEC, qui a commencé à compiler et a commencé à publier des indicateurs de gestion dans les municipalités du Québec. C'est évident que cet institut-là est appelé à prendre un peu plus d'importance, à prendre peut-être de nouveaux mandats. Peut-être que les indicateurs au niveau du racisme et de la discrimination pourraient être éventuellement un des mandats? Mais, comme on finance déjà, le gouvernement finance déjà pour un certain nombre d'indicateurs, limité, ça va prendre un peu plus de ressources financières à un moment donné pour aller un petit peu plus loin.

Mme Lefebvre: Merci.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. D'abord, je veux vous remercier d'être ici avec nous aujourd'hui. Votre témoignage est d'autant plus important que vous représentez un organisme extrêmement important, névralgique dans la vie de toute la société. Votre travail avec l'ensemble des municipalités du Québec fait en sorte que vous avez une vision de l'ensemble, et on voit bien que votre préoccupation n'est pas seulement pour les municipalités relativement en période de maintien de population ou même de développement, mais vous pensez à celles qui ont des problèmes de dépopulation, et théoriquement on pourrait dire que l'immigration pourrait être une des réponses, mais vous avez bien dit que ce n'est pas nécessairement le cas, parce que, si elles sont déjà en processus de diminution de population, c'est justement parce qu'il n'y a pas d'emploi, il y a toutes sortes d'autres problématiques qui se greffent à cela. Donc, votre témoignage est extrêmement important, et j'aimerais vous poser une question sur un point très particulier.

On a beaucoup mentionné de toutes sortes de façons que le travail, c'est la base de l'intégration. Je pense bien qu'on s'entend là-dessus. Mais, quand un immigrant arrive, quand il arrive, le premier problème qu'il a, c'est de se situer dans la société dans laquelle il est. Bon. Il y a la question de la langue. Je sais que vous êtes conscient que c'est important de leur enseigner la langue le plus rapidement possible, mais vous aller peut-être mentionner, et avec raison, qu'il y a déjà d'autres institutions qui sont chargées de ce phénomène-là. Mais il y a aussi l'accueil, l'accueil sociologique. Donc, il y a sans doute beaucoup de choses qui peuvent être faites par les municipalités, premièrement face à l'emploi, parce que vous savez qu'un employeur, on imagine facilement qu'il est plus porté à employer quelqu'un qu'il connaît bien que quelqu'un qu'il ne connaît pas bien, et, par définition, un immigrant, il ne le connaît pas et il connaît peu ses... Il a plus ou moins de difficultés à communiquer par la langue, mais, en plus, il a les manières et des habilités qui sont souvent très, très... même supérieures à ceux qu'il connaît, mais qu'il a plus de difficultés à identifier. Donc, qu'est-ce que les municipalités peuvent faire? Et, vous autres, comme Union des municipalités, pouvez-vous aider les municipalités à jouer leur rôle de sensibilisation auprès des employeurs? Parce qu'il y a une qualité de main-d'oeuvre exceptionnelle qui arrive ici grâce à l'immigration.

Deuxièmement, l'accueil des immigrants. Louer un appartement, ou acheter une maison, ou quelque chose de beaucoup plus simple mais à la fois plus simple et plus complexe, faire partie des Chevaliers de Colomb, du Club Richelieu, bon, un tas de choses comme ça qui sont importantes pour vivre dans le milieu, hein, et pour trouver sa place, ou l'organisation de galas pour faire en sorte que de temps en temps il y ait un immigrant qui soit en avant et qui soit honoré, pour donner l'idée... enfin il y a toutes sortes de choses possibles. Est-ce que l'Union des municipalités du Québec peut être en mesure de faire des gestes positifs pour aider les municipalités à jouer leur rôle dans le domaine de l'accueil des immigrants?

M. Perras (Jean): Écoutez, c'est un peu le propos que nous tenons dans le cadre de la grande coalition qu'on veut mettre sur pied avec... sous le chapeau de l'UNESCO. C'est de se dire: On a besoin de tout faire ça. Mais aussi, il faut se donner des priorités, il faut se donner les moyens. Et, oui, la première place qu'un immigrant ou un réfugié politique voit, c'est son niveau municipal, c'est là qu'il va se trouver un logement, alors que la difficulté des fois à se trouver un logement est importante, donc on veut prévoir de l'éducation à ce niveau-là. Il faut qu'il se trouve un travail. Alors, c'est sûr qu'on pourrait, nous, au niveau municipal, discuter avec les chambres de commerce, etc. Ce sont toutes des choses qu'on peut faire. Dans les grandes villes, c'est plus facile, mais, dans des villes moyennes ou plus petites, même dans des très petites villes, c'est plus complexe. Vous savez comme moi, dans plusieurs centaines de municipalités au Québec, il y a un maire, il y a un directeur général, et puis c'est à peu près tout, là, on a quelqu'un qui ramasse les déchets puis l'autre qui pousse la neige. Alors, tous ces concepts-là, on peut les discuter au niveau de l'Union, mais, pour les amener au niveau ras le sol, dans les régions où on aimerait avoir plus d'immigration, bien là il va falloir que tout le monde mette l'épaule à la roue, puis c'est ça qui est l'aspect plus complexe de dire: oui, on est prêts à faire notre chemin, mais il faut le faire de façon coordonnée, en commun avec le gouvernement, avec les institutions d'éducation scolaire, etc. Il faut que tout le monde pousse dans le même sens.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Il reste peu de temps. Si vous voulez vous partager le temps, à vous de décider. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Une dernière, une dernière. Chez nous, à Saint-Hyacinthe, on a un contingent assez important d'immigrants depuis cinq ou six ans, donc ça veut dire qu'il y a 10 ans il y avait très, très peu d'immigrants à Saint-Hyacinthe, et maintenant c'est environ 5 % de la population. Donc, c'est important. Mais on les voit relativement peu dans les événements publics, et je me dis: le rôle que vous pouvez jouer pour inciter les municipalités à faire en sorte qu'ils apparaissent publiquement, je pense que c'est un facteur important pour faire tomber la peur qu'on peut avoir de l'immigrant, qui est quand même une réalité qui existe.

M. Perras (Jean): D'accord avec vous. Mais tout ça prend du temps. Vous savez, au Québec, il y a 40 ans on ne faisait pas très attention à l'environnement, n'est-ce pas? Il y a des histoires d'horreurs qu'on faisait il y a 40 puis il y a 50 ans qu'on ne fait plus aujourd'hui grâce à l'intervention gouvernementale, municipale, etc. Moi, je pense que c'est un niveau de conscience qui est en train de se développer au niveau municipal. Le fait qu'on soit ici avec un plan d'action, avec notre caucus des municipalités qui sont en train de discuter avec les autochtones du Québec, je pense... c'est des preuves tangibles, réelles où on est en train de faire notre nid dans tout ça, mais tout ça va prendre du temps, puis la coordination est importante.

M. Dion: ...contribution.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Une question éclair, réponse éclair, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Au niveau justement de votre caucus, pour les municipalités qui sont voisines des premières nations, cette demande-là, elle a été faite par les municipalités. C'est perçu comment par les nations autochtones?

M. Perras (Jean): Je vais laisser mon collègue, qui travaille sur le dossier de façon quotidienne.

M. Laberge (Jacques): C'est mon bébé, que voulez-vous! C'est très bien reçu tant par Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, l'APNQL, que par les premières nations elles-mêmes. On a approché beaucoup de premières nations, on a fait des visites, on a amené le conseil d'administration dans certaines premières nations, et le dialogue commence à s'établir, et c'est sûr qu'il faut y aller pas à pas, mais la réception est excellente partout.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Merci de votre intervention, merci à l'Union des municipalités du Québec. Et, comme on dit à l'habitude, compte tenu de l'heure, j'ajourne les travaux à mardi prochain, 19 septembre 2006, à 9 h 30, alors que nous serons dans la même salle. Merci beaucoup.

(Fin de la séance à 18 heures)


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