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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mercredi 18 octobre 2006 - Vol. 39 N° 31

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Auditions (suite)

Intervenants

M. Bernard Brodeur, président

M. Daniel Turp, vice-président

M. Éric R. Mercier, président suppléant

Mme Lise Thériault

Mme Elsie Lefebvre

M. Léandre Dion

M. Geoffrey Kelley

M. Pierre Moreau

Mme Jocelyne Caron

Mme Yolande James

* Mme Ana Luisa Iturriaga, Québec Multi-Plus

* M. Richard Flibotte, CSSH

* M. André Messier, idem

* Mme Anne Bérat, idem

* Mme Édith Cloutier, RCAAQ

* Mme Josée Goulet, idem

* Mme Lise Bastien, idem

* M. Mazen Houdeib, CJE de Côte-des-Neiges et ROMEL

* M. Claude Leblond, OPTSQ

* M. Stéphane Richard, idem

* Mme Denise Boucher, CSN

* Mme Josée Roy, idem

* M. Abraham Lara, idem

* Mme Fanie Pelletier, Barreau du Québec

* Mme Madeleine Lemieux, idem

* M. Noël Saint-Pierre, idem

* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures quarante-trois minutes)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Et, comme à l'habituel, pour les gens qui ont des cellulaires, je vous demanderais de bien vouloir éteindre vos sonneries, s'il vous plaît! La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Aucun remplacement, M. le Président.

Le Président (M. Brodeur): Merci, M. le secrétaire. Donc, aujourd'hui, nous allons encore entendre plusieurs groupes, et je vous fais la lecture de l'ordre du jour. Nous allons entendre, ce matin, Québec Multi-Plus ? d'ailleurs, je leur demanderais immédiatement de prendre place pendant que je continue la lecture de l'ordre du jour. Nous entendrons à la suite la commission scolaire de Saint-Hyacinthe; le Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec; les carrefours jeunesse-emploi de Côte-des-Neiges, de Bourassa-Sauvé et de Saint-Laurent et le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement. Et, cet après-midi, nous entendrons trois groupes après la période de questions, soit l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec; la Confédération des syndicats nationaux; et finalement le Barreau du Québec.

Auditions (suite)

Donc, nous allons entendre immédiatement Mme Iturriaga. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de présentation. Vous avez un temps maximal ? et je dis bien un temps maximal ? de 15 minutes pour présenter votre mémoire, de la façon dont vous jugerez à propos. Et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, immédiatement, la parole est à vous.

Québec Multi-Plus

Mme Iturriaga (Ana Luisa): Merci. Bonjour, Mme la ministre. Bonjour, les députés. Bonjour, M. le Président. Alors, ça me fait plaisir de vous présenter notre mémoire de Québec Multi-Plus. Québec Multi-Plus travaille dans la formation interculturelle. Donc, on constate souvent dans nos formations des attitudes et des comportements, parfois favorables, parfois défavorables, donc, le mémoire qu'on vous a présenté, on voulait que ce soit dans un esprit de conseil et aider le gouvernement à avancer en termes de discrimination et de lutte contre le racisme.

Donc, notre premier point. Nous, on a beaucoup concentré au niveau de l'emploi parce que c'est le milieu dans lequel on travaille. On travaille beaucoup dans le milieu d'affaires et on travaille avec les nouveaux arrivants qui viennent pour la recherche d'une intégration socioéconomique. Donc, on trouvait qu'une des lacunes au niveau de la lutte contre la discrimination et le racisme, au niveau des attitudes défavorables à l'intégration socioéconomique, était le fait qu'il manque une sensibilisation de la population en général. La population québécoise méconnaît tout ce que l'État québécois fait dans la sélection des immigrants. Donc, on disait: Dans les publicités que l'État a fait au niveau de la conduite, au niveau criminel, la conduite au volant et l'alcool, on pourrait avoir des promotions plus chocs pour pouvoir rejoindre cette population-là.

D'un autre côté, c'est sur qu'une publicité, ce n'est pas tout, il faut une action, un comité d'action, et ça, dans ce sens-là, on verrait plus pas des universitaires seulement, mais des gens de terrain de divers milieux, que ce soient entreprises, que ce soit communautaire, que ce soient des personnes immigrantes qui vivent des situations, qui pourraient prendre en main un peu les recommandations et les conséquences de la discrimination et du racisme, un comité vraiment beaucoup plus pratique.

D'un autre côté, au niveau des employeurs, on constate de plus en plus des barrières qui empêchent l'employabilité. Donc, les programmes d'accès à l'égalité que ça fait 15 ans qu'ils ont été mis en place ici, au Québec, ils ont eu comme des effets pervers sur certains employeurs. Les gens, ils sont un peu... ils voient ce programme-là comme si on discrimine dans le sens des Québécois et qu'on favorise juste parce que quelqu'un est noir, ou qu'il est latino-américain, ou qu'il est d'une autre origine. Donc, on croit important que les programmes d'équité en emploi soient un peu prônés comme la lutte des femmes a été faite au Québec, d'une manière dans laquelle on cherche la justice sociale et donc la lutte contre des préjugés et des stéréotypes qui briment l'accès à l'emploi des minorités visibles et des personnes des communautés culturelles.

D'un autre côté, on dit: Dans l'ère de la technologie, Internet peut s'avérer aussi un outil très pratique pour l'État pour susciter dans le milieu des entreprises des informations pratiques sur les politiques que l'État fait. Malheureusement, l'État québécois, il fait beaucoup d'efforts pour intégrer, et des politiques parfois sont méconnues au niveau des entreprises, des employeurs et du personnel de ces entreprises-là. Donc, il faut trouver des dispositifs qui vont être accessibles et simples pour les travailleurs afin qu'ils ne voient pas les personnes immigrantes encore avec des préjugés et avec des attitudes de fermeture.

Au niveau des intervenants communautaires, également, ils se heurtent également à beaucoup de préjugés. Donc, ils trouvent ça difficile parfois de pouvoir aider ces clientèles-là, et donc ça devient difficile.

Donc, nous, on veut absolument que la recommandation, qui existe déjà, que l'État, il annonce déjà pour lutter contre le racisme et la discrimination devienne beaucoup plus accessible, soit par des petites fiches pratiques, électroniques ou même... par, même, avoir un lieu de forum sur la question, mais que ce soit ouvert à tout le public et que les gens puissent enfin parler de ces indicateurs qui soulèvent la fermeture.

Alors, également, il ne faut pas nier que, dans l'employabilité ou dans l'intégration en général, les personnes immigrantes, elles ne vivent pas uniquement des préjugés; eux aussi, ils véhiculent parfois des préjugés sur les employeurs et les Québécois. Donc, là aussi, il y a un travail qui devrait plus se faire pour aider les personnes immigrantes à comprendre les employeurs, à comprendre la manière de procéder, au Québec, parce que souvent le fait de méconnaître comment ça marche ici, au Québec, fait en sorte que les personnes immigrantes elles-mêmes parfois aussi vont encourager des préjugés et vont avoir des attitudes de fermeture vis-à-vis les Québécois.

Donc, on dit aussi que, quand il y a des politiques, il n'y en a pas des exemples positifs aussi de qu'est-ce qui se passe, pour parler un peu des médias. Souvent, les médias, malheureusement, comme ils cherchent à informer, mais ils informent parfois de manière sensationnaliste, ils peuvent renforcer des préjugés, et je pense que les médias, ils devraient avoir un rôle beaucoup plus d'information, un peu comme quand c'est la Semaine des rencontres interculturelles, on voit et on entend parler toujours les gens du milieu. Donc, on dit: Il faudrait que les médias, ils puissent être beaucoup plus au courant et suivent plus les actions du gouvernement dans la lutte contre le racisme, et pas juste parler des situations négatives, mais des situations de réussite qui vont aider et qui vont rassurer les Québécois que l'immigration et que les communautés culturelles et les minorités visibles ne sont pas juste des victimes qui revendiquent continuellement, mais qui viennent pour contribuer à l'harmonie sociale et au progrès du Québec. Donc, on dit: Plus d'arrimage dans les actions, dans tous les milieux, au Québec, pour lutter contre des situations difficiles de discrimination.

n (9 h 50) n

Parfois, aussi, il faudrait avoir aussi des mécanismes qui vont permettre à l'État de voir quand il y a des fausses victimes de discrimination. Parce qu'il y a des gens parfois qui crient au racisme et à la discrimination, donc qui viennent user un peu, je dirais, les nerfs de certaines personnes. Il faut aussi qu'on soit sévères envers les fausses victimes et qu'on puisse leur dire que ça entache aux véritables victimes de discrimination et racisme.

Donc, tous les obstacles aussi au niveau des ordres, il existe beaucoup de préjugés vis-à-vis les ordres professionnels, les corporations professionnelles. Même si l'État a fait beaucoup, beaucoup d'effort, il reste que les gens qui vont travailler en ligne directe avec les personnes immigrantes, ils vont parfois véhiculer des préjugés, ils vont avoir parfois des attitudes racistes. Et donc les gens se plaignent de l'attitude qu'ils ont, l'accueil qu'ils vont avoir quand ils arrivent pour faire le processus, au niveau des ordres professionnels. Donc, malgré tous les profils intéressants des immigrants actuels, on entend de plus en plus parler dans le terrain que le Québec devient de plus en plus refermé sur lui-même, qu'il manque encore d'ouverture au niveau des professionnels immigrants qui viennent. Donc, on dit, c'est parce qu'il n'y a pas vraiment une formation qui se fait, de l'éducation qui se fait. Et donc l'exclusion, c'est ce qui fait que ça se traduit dans la famille. Une personne professionnelle qui vient au Québec pour essayer de trouver une nouvelle terre d'accueil, c'est sûr que, si elle ne travaille pas, si elle est frustrée professionnellement, bien ses enfants vont aussi être éduqués à détester la terre d'accueil, à avoir des préjugés envers les Québécois et envers les entreprises, et donc ils auront plus difficilement des options pour maximiser leur intervention.

Donc, on vous inviterait également, si jamais il y a des moyens de revenir sur des émissions qui mettraient en valeur la lutte contre la discrimination raciste, parce que les émissions vont rejoindre beaucoup plus de personnes, et on touche Mme et M. Tout-le-monde.

Au niveau juridique, malheureusement, il y a encore beaucoup de... il manque de la représentativité, il manque, il y a encore des injustices qui sévissent dans le système judiciaire. Parce que parfois il y a beaucoup de préjugés vis-à-vis certains groupes. Et donc, nous, on vous invite à avoir plus de représentativité; c'est un milieu qui est très hermétique, des professionnels dans le domaine du droit. Je trouve ça difficile aussi, je trouve que c'est très clos. Et donc il faudrait trouver des pistes qui permettraient l'accès des avocats venus de différentes communautés, exercer, pour qu'on puisse travailler dans un contexte moins fermé.

Au niveau de l'éducation, même si l'État québécois a fait beaucoup d'effort au niveau de la lutte contre la discrimination et le racisme dans les écoles, il reste encore que les parents, et là je peux vous donner un exemple, il y a des professeurs de plus en plus, qu'on recrute des communautés culturelles, qui vont vivre des situations difficiles parce qu'il y a des préjugés, parce qu'il y a des perceptions négatives vis-à-vis certains groupes en particulier. Et donc il peut arriver que la pression des parents et des élèves font en sorte que des professeurs vont sortir, ils vont pouvoir se maintenir en l'emploi, parce que les élèves commencent à rire de son origine ethnique, commencent à blaguer, et on tombe facilement entre la blague à la discrimination. Donc, c'est important d'encore axer plus de travail auprès des parents et pas juste au niveau des élèves ou des professeurs.

Donc, la vie de quartier, c'est important également, parce que, quand on arrive, on méconnaît le milieu, mais, s'il y a des discriminations et des préjugés dans notre vie de quartier, c'est sûr qu'on va s'enfermer sur soi. Et donc on invite à ce qu'il y ait plus des actions dans la vie de quartier qui permettent le dialogue et la lutte contre la discrimination et le racisme, là aussi. Donc, créer plus de liens de citoyens dans les quartiers aiderait beaucoup à défaire les préjugés et les attitudes racistes.

Donc, j'essaie de me retrouver. Au niveau de l'emploi... Et je vous ai mentionné également, de plus en plus on chercher à amener les gens en région, mais il reste qu'il y a encore beaucoup de préjugés dans les régions, on n'est pas encore tous familiers à voir la diversité, et surtout les minorités visibles. Donc, c'est important de trouver des stratégies d'intégration qui vont permettre que ces personnes-là qu'on veut amener en région ne se retrouvent pas à vivre des détresses et qui se sentent esseulées ou isolées, et que, finalement, vous avez encore que, un peu comme le programme d'équité, des effets pervers qui reviennent. Donc, le pendule, au lieu de promouvoir l'insertion, il fait en sorte qu'on tombe facilement dans l'exclusion, parce qu'on dit: Bien, eux, ils ne veulent pas rien savoir, mais l'État, il les aide, et, nous, Québécois, on est délaissés. Donc, ça crée plus d'animosité parfois chez les populations s'il n'y a pas une bonne stratégie structurée pour l'arrivée des personnes dans les régions.

Donc, les actions, aussi, permettant l'insertion socioéconomique, on sait qu'il y a le PRIIME que vous avez beaucoup travaillé pour lancer. Et, malheureusement encore, ce programme-là, à notre avis, il faut trouver un mécanisme, que ce ne soit pas juste des très courte durée ? parce que le PRIIME, c'est six mois seulement. Donc, parfois, ça ne permet pas aux personnes de vraiment se familiariser avec l'emploi. Et aussi, si elles ne sont pas bien établies dans les entreprises, ça crée aussi un effet de... encore. Les gens, ils réagissent négativement.

Donc, il y a beaucoup de travail au niveau aussi de la santé. C'est un milieu aussi qui a du travail. Il y a beaucoup de professionnels qui maintenant sont appelés à venir au Québec, mais c'est des milieux qui sont très, très fermés. Même s'il y a déjà la présence de beaucoup de minorités visibles, les préjugés y persistent, et il faut travailler encore dans ces secteurs-là.

Au niveau beaucoup du soutien psychosocial, les victimes, souvent, on... Vous avez posé la question au niveau... Qu'est-ce qu'on fait pour aider des personnes qui sont en détresse ou qui sont marginalisées? C'est justement. Selon les cultures, des fois, on n'est pas habitué à pouvoir se dévoiler. Et des fois ces gens-là, ils vivent une... et ne savent pas les recours qu'ils ont. Donc, il y a une méconnaissance du système des droits juridiques du Québec au niveau de la Commission des droits de la personne, qui fait un excellent travail, qui a des formations qu'ils offrent.

Mais, les personnes immigrantes, elles n'ont pas toujours cette information-là. Donc, encore là, il faut essayer de simplifier et essayer que les personnes immigrantes puissent avoir des informations plus de la société des droits, pour qu'elles puissent faire valoir, quand elles vivent des situations discriminantes, leurs recours.

Je pense que je vous ai parlé de tout qu'est-ce qu'on avait dans le mémoire. C'est sûr que, nous, qu'est-ce qu'on rencontre beaucoup dernièrement, c'est des gens beaucoup en détresse, parce que, quand ils ne trouvent pas leur rôle social, surtout au niveau de l'emploi, ils vont vivre beaucoup, beaucoup de stress. Et il n'y a pas toujours quelqu'un qui peut les guider. Donc, on se demande s'il n'y a pas une réflexion à faire au niveau d'aider les victimes de discrimination et de racisme de manière beaucoup plus personnalisée, beaucoup plus adéquate à leurs besoins.

Parce que les gens, ils méconnaissent toute... Un Québécois les connaît, ses droits. Mais une personne qui vient d'arriver ou qui n'a jamais été familière et qui n'a jamais travaillé, c'est sûr qu'elle ne connaît pas les Normes du travail, elle ne connaît pas la Commission des droits de la personne, elle ne connaît pas la protection du citoyen. Donc, toutes ces méconnaissances vont accroître parfois des situations dans lesquelles les gens restent enfermés. Et ça n'aide pas au dialogue et à l'intégration.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Iturriaga. Merci d'être avec nous ce matin. Vous avez réellement présenté un mémoire qui est assez étoffé. Vous avez 78 recommandations que vous nous faites. Donc, on ne peut pas dire que vous avez chômé.

Évidemment, je pense que la sensibilisation de l'ensemble de la société à la diversité culturelle, c'est effectivement très, très important. Et évidemment il y a toute la notion de gestion de la diversité en emploi aussi qu'on ne doit pas passer rapidement. Je pense c'est important de pouvoir s'y attarder, parce que je suis d'accord avec vous qu'à partir du moment où on trouve un emploi, qu'on trouve le moyen de se réaliser professionnellement, c'est la clé de l'intégration, et que malheureusement ce n'est pas le cas de tous les citoyens qui, je le rappelle, ont été choisis par le Québec pour leurs compétences, évidemment.

Donc, on se dit qu'il y a beaucoup de travail déjà qui est fait avec les ordres professionnels. Ce n'est pas terminé, il en reste encore à faire. Je pense qu'on voit une belle volonté aussi chez nos ordres professionnels de travailler à se donner les bons mécanismes pour pouvoir reconnaître l'apport des immigrants au développement du Québec.

Vous avez abordé beaucoup, beaucoup de sujets. J'ai bien aimé le parallèle que vous avez fait entre la lutte des femmes et ce qu'on devrait faire dans une politique pour lutter contre le racisme, par rapport aux droits de nouveaux concitoyens. Vous avez parlé, en début d'intervention, sur un comité d'action. Moi, j'aimerais savoir: Quel serait le rôle du comité d'action contre les pratiques de discrimination, que vous proposez?

n (10 heures) n

Mme Iturriaga (Ana Luisa): C'est qu'il y ait plus d'arrimage entre les employeurs, les milieux communautaires et les personnes immigrantes afin que, s'il y a des gens qui vivent des injustices... Souvent, les personnes qui sont victimes de discrimination ou de racisme dans le milieu de travail, elles méconnaissent leurs droits ? j'ai déjà expliqué le mécanisme ? donc elles se taisent. Et, s'il y avait un comité qui pourrait supporter des gens qui restent dans le silence mais qui dénoncent. Donc, que ce n'est pas nécessairement une commission, qui peut faire peur que c'est long, la démarche, mais qui pourrait analyser vraiment s'il y a vraiment pied à pouvoir la mener, la plainte, au niveau de la commission ou pouvoir négocier avec l'employeur.

Juste un exemple que je vous donne, que j'ai vécu la semaine dernière. Il y a quelqu'un qui cherchait quelqu'un des minorités visibles pour un poste. Et c'est quand je vous dis que les programmes d'accès à l'égalité, ils ont eu des effets pervers, cette personne-là, elle a été convoquée, mais on dirait que c'était qu'ils ont voulu remplir l'engagement contractuel. Donc, la personne est franco-camerounaise, elle arrive à l'emploi, et finalement, la même journée, l'équipe, elle l'a complètement exclue, elle n'a pas été intégrée, elle n'a pas été accueillie, et on lui a dit à la fin de la journée: Mais on est désolés, tu n'es pas productive, ce n'est pas qu'est-ce qu'on s'attendait. La promesse d'emploi... Elle avait un emploi, cette dame-là, et assez bien rémunéré, dans l'office municipal, donc elle travaillait bien, mais elle a quitté cet emploi-là parce que c'était une meilleure opportunité. Quand, moi, j'ai parlé avec elle, j'ai dit: Mais qu'est-ce qui est arrivé? Mais elle me parle qu'il n'y a pas eu d'accueil, il n'y a pas eu d'intégration, on ne l'a pas informée, et elle s'est sentie exclue tout le long de la journée. Donc, elle ne pouvait pas être productive, elle n'a pas été intégrée.

Donc, on ne peut pas encore accuser de discrimination. Quand il y aura un comité qui se penche sur des situations telles qu'une personne comme ça arrive et qu'on analyse: Est-ce que l'équipe, elle se sentait en danger? Est-ce que le fait que ce soit une minorité visible qu'on a parachutée parce qu'il faut embaucher absolument une Noire? Ils ont dit: Jeune femme noire. Donc, quand elle arrive, évidemment, est-ce qu'il y avait des animosités avant son arrivée? Donc, vous voyez, quand on parle que l'effet pervers des programmes d'accès, ce peut être un contexte comme ça. Cette dame-là, elle m'a dit: Promets-moi que tu ne feras rien. Parce que, moi, j'ai dit: Il faut dénoncer cette situation-là, il faut amener l'entreprise à réfléchir sur qu'est-ce qu'elle vient de faire. Elle m'a dit: Promets-moi que tu ne feras rien. Donc, j'ai dû lui dire: O.K. Je suis une personne pour faire quelque chose, mais je trouve que, cette ère, je pense que, si les femmes québécoises sont arrivées à des secteurs non traditionnels et à se faire une place dans les sphères décisionnelles, c'est parce qu'elles ont dénoncé des situations de discrimination. Et donc, si on n'éduque pas les gens qui sont victimes, les vraies victimes, parce qu'il y en a des fausses, victimes, mais les vraies victimes, à être écoutées et à pouvoir expliquer leur situation...

Donc, moi, je vois un comité qui pourrait arrimer des milieux différents, des employeurs. Parce qu'il ne faut pas qu'on pense qu'on fait le jugement des employeurs. Il faut vraiment que ce soit un travail conjoint pour lutter contre les pratiques, parce que les politiques, les entreprises peuvent avoir une bonne gestion de la diversité, mais, dans le terrain, quand on arrive dans les ouvriers, quand on arrive avec les employés, bien c'est là que ça se vit, la vie quotidiennement, et c'est là qu'il y a des pratiques discrimantes parfois qui nuisent à la rétention et à l'intégration.

Donc, c'est un peu l'idée du comité d'action. Je sais qu'il y en a au niveau universitaire. Je sais que vous avez eu aussi un groupe de travail sur les Noirs, parce que c'est des groupes qui ont vécu beaucoup de discrimination. Mais il y aurait plus... je dis bien «comité d'action» qui va soutenir dans le terrain les citoyens qui considèrent qu'ils ont besoin de soutien. Et, à ce moment-là, un peu un comité qui peut avoir le son de cloche des employeurs, le son de cloche des personnes immigrantes et des intervenants, parce qu'ils sont là pour aider, comme pont entre les deux milieux.

Mme Thériault: Pensez-vous que, s'il y avait une meilleure sensibilisation qui était faite, pas seulement au niveau des employeurs, mais à des personnes clés, qui prennent des décisions, notamment au niveau de l'embauche, sur comment on gère la diversité culturelle, comment préparer ses équipes de travail, puis qu'on puisse donner des trucs comme ça dans les différentes... soit les entreprises ou les sociétés, là, que ce soit du privé ou du public ou du parapublic, que ce serait beaucoup plus facile de gérer les relations de travail et de contribuer à baisser les préjugés que les gens peuvent avoir?

Mme Iturriaga (Ana Luisa): Je considère que bien comprendre un programme... le programme d'équité pour les femmes, ça a bien été, ça a été difficile, ça a été corsé, mais, à la fin, tout le monde est pour l'intégration des femmes dans le milieu de travail. On dirait que, pour les minorités, on voit encore: Ah! on veut deux Noirs, trois Chinois, deux Latinos. C'est comme une commande à la pizzeria, et on ne voit pas qu'il y a un effet, il y a une démarche d'intégration qui est derrière ça. Donc, c'est sûr que bien faire l'information et l'éducation des programmes d'accès l'égalité comme programmes de redressement des discriminations systémiques, c'est sûr que c'est très important.

Et je reviens, Mme la ministre, si vous me permettez, dans les lieux décisionnels: encore, la société québécoise n'est pas très représentative, et ça prouve justement... et quand on parle de justice, quand on parle de certains domaines qui sont vraiment névralgiques pour les citoyens, bien ça devient grave. Et c'est sûr qu'il faut éduquer, il faut informer. Nous, on a déjà essayé d'emmener des immigrants au palais de justice, mais il faut aller vers les juges, il faut aller vers les politiciens, il faut aller vers les haut dirigeants des entreprises, c'est sûr que c'est eux qui peuvent plus nous aider, mais il faut que la politique ça soit transférable terrain.

Mme Thériault: Merci, on reviendra.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Bonjour, Mme Iturriaga, de Québec Multi-Plus. Je vous remercie pour votre présentation puis, comme l'a mentionné la ministre, évidemment votre mémoire est très complet, vous touchez à pratiquement toutes les facettes où peuvent être vécus des discriminations ou du racisme, puis vous apportez beaucoup de propositions, donc de recommandations intéressantes qui, j'en suis persuadée, seront étudiées lors de l'élaboration de la politique et du plan d'action. Et, pour le bénéfice de nous tous, je me demandais si vous pourriez nous expliquer brièvement dans quel contexte vous oeuvrez, dans quelles régions vous oeuvrez au Québec puis si vous avez des tentacules un peu partout dans l'État québécois, puis quelles sont vos principales forces. Je sais que vous misez beaucoup sur l'emploi, vous en avez parlé, mais j'aimerais vous entendre un peu.

Mme Iturriaga (Ana Luisa): Alors, Québec Multi-Plus est un bébé du gouvernement québécois, parce qu'on est né de l'Année internationale de la jeunesse. Le but, c'était de promouvoir la diversité culturelle du Québec pour l'Année internationale de la jeunesse, en 1985, et donc on voulait défaire l'idée que la jeunesse québécoise est homogène. Donc, on est né d'un projet pour représenter la jeunesse multiculturelle ou pluriculturelle du Québec, en 1985, mais, comme le projet s'avérait intéressant et qu'il y a eu des tables rondes sur la discrimination et le racisme ou l'intégration, sur le rôle des jeunes de diverses origines dans la société québécoise, on est resté en pied; en 1986, on est devenu un organisme pour oeuvrer dans la promotion de la diversité culturelle au Québec.

Au départ, nos services ont été gratuits et financés par l'État pour aller vers le personnel québécois qui avait à gérer le service à la clientèle de plus en plus diversifiée, dans les années quatre-vingt. Donc, on a beaucoup travaillé dans les paliers gouvernementaux, la SAAQ, Sécurité du revenu, le ministère de l'Emploi, donc on a surtout travaillé avec vos bureaucrates, avec les secteurs institutionnels du gouvernement, municipal, provincial et fédéral également. Mais, vers les années 2000, depuis la nouvelle politique, bien la dernière politique en place, en 1991, c'est sûr qu'on a commencé à voir que l'intégration économique, il y avait des défaillances, il y avait des obstacles, et que ça nuisait un peu aux relations interculturelles, parce que, nous, notre but, à Québec Multi-Plus, c'est établir des dialogues entre Québécois et personnes de toutes origines. Et on s'est aperçu que, plus que ça allait... on recrutait des diplômés et qu'ils ne trouvaient pas d'emploi... des frustrations, et, même, je dirais, des fois des situations de colère éclataient. Quand je dis des colères, c'est verbal, c'est juste dire: Bien, ça y est, on n'a pas de place, vous nous avez trahis, on est venus pour rien. Et donc on a commencé à dire: Il faut travailler avec les employeurs.

Donc, en 2000, nos actions se sont concentrées sur l'emploi, et on a travaillé beaucoup à faire des colloques, à faire des activités qui essayaient de créer des ponts entre les milieux d'affaires québécois et les personnes immigrantes ou les minorités visibles, parce qu'on touche aussi les minorités visibles. Donc, on a fait des études, on a fait la formation, on a fait des activités, financées par l'État québécois, qui permettaient la rencontre entre immigrants et employeurs. Et, cette année, on a fait beaucoup de formation, plus financée par le fédéral, au niveau des entreprises. Je viens de faire une formation publique hier. J'ai eu des entreprises qui viennent de Mont-Saint-Hilaire, ce n'est pas très loin, mais c'était beaucoup de gens d'une firme conseil en génie. Donc, Mont-Saint-Hilaire, c'est à 20 minutes de Montréal; nous, on travaille à Montréal, mais on se déplace partout. Je fais Gaspé, Trois-Rivières, Gatineau, toutes les régions. J'en ai vu, des mentalités, dans toutes les régions, des Québécois, des réactions face à l'immigration. Et, moi, je peux vous dire: La volonté est bonne et les gens sont ouverts du moment qu'on les rassure sur les rôles que les personnes immigrantes vont jouer dans la société et qu'il y a volonté d'intégration de la part des personnes immigrantes.

Et ça, on le retrouve chez les personnes immigrantes, mais il reste qu'ils méconnaissent le système, et les préjugés sont faciles à aussi éclater quand on ne trouve pas l'emploi. Donc, quand un immigrant ne trouve pas d'emploi, ça y est, les Québécois sont des racistes: ça y est, «ils m'ont fait venir pour rien», «ils m'ont trahi», «ils m'ont triché». Et donc, quand je dis c'est des situations de colère, ce n'est pas nécessairement qu'ils vont frapper, mais la colère et l'animosité est dans l'air et est transmise à ses enfants, ce qui devient dangereux, en tant que société, parce que des enfants qui écoutent des parents frustrés à longueur de journée, bien finalement ils vont finir par détester ses confrères et consoeurs québécois.

n (10 h 10) n

Mme Lefebvre: C'est particulièrement intéressant, ce que vous dites, et puis votre expérience, elle n'est pas à prouver à cet égard-là. Quels sont à votre avis les meilleures pratiques en intégration d'emploi? Vous avez parlé tout à l'heure... Bien, en fait, à la page 2 de votre mémoire, vous parlez de soutenir plus efficacement les employeurs, donc de soutenir en fait les employeurs par notamment des crédits d'impôt, aide financière, vous avez parlé du programme PRIIME, qui était une bonne initiative afin... en fait de donner une première, dans le fond, expérience de travail à des personnes immigrantes ou des minorités visibles.

Donc, à votre avis, c'est vers quoi on devrait tendre? Ou, est-ce que les admissions... ou les critères d'admissibilité sont les bons? Il y a d'autres groupes qui nous ont parlé, par exemple, de la situation des femmes, qui ont des parcours d'intégration qui sont plus longs dans le temps. Et donc, souvent, la barrière du cinq ans pour être admissibles à certains programmes offerts par le gouvernement, la barrière de cinq ans est trop courte, donc il faudrait allonger. Vous nous avez parlé tout à l'heure de l'importance que les stages soient peut-être plus longs que six mois. Donc, de votre expérience, quelles sont les meilleures pratiques? Qu'est-ce que vous nous suggérez de faire afin d'être plus efficaces?

Mme Iturriaga (Ana Luisa): Moi, je trouve, si vous me permettez de vous dire, que qu'est-ce que le Québec fait en matière d'intégration, c'est avant-gardiste. Les politiques sont avant-gardistes. Pour une jeune nation qui s'assume, qui est en place, il faut dire chapeau! Je les félicite. Il reste quand même qu'il y a du racisme très subtil sur le terrain. Et c'est ça qui m'inquiète en tant que citoyenne mexicoise, c'est de voir, en tant que formatrice dans les relations interculturelles... c'est qu'il y a un éclat dans le moment des sentiments d'exclusion et dans lesquels on commence à se départager. Donc, les gens... Je le dis souvent aux employeurs: La plupart des immigrants s'intègrent bien au Québec. On n'en parle pas, c'est pour ça que je dis, des exemples de réussite d'intégration, ce serait plus payant que juste du sensationnalisme au niveau médiatique.

Donc, moi, je pense que des politiques, il y en a des politiques déjà très bien, très originales, mais ça ne se traduit pas dans le terrain. Et c'est la même chose qu'avec les immigrants, l'État, il a fait beaucoup pour informer, pour intégrer, mais il n'y a pas un soutien pour certains individus beaucoup plus fragiles ou beaucoup plus ? comment je pourrais vous dire? ? qu'il lui manque plus de soutien. Et c'est pareil pour les entreprises. Il y a des entreprises québécoises qui sont un petit peu plus démunies que d'autres en matière d'implantation d'un programme PRIIME, par exemple, ou qui méconnaissent, ils méconnaissent ce que ça veut dire, le programme. Donc, ils ne vont pas être curieux pour aller dire: Bon. Ça va me donner des avantages. Ils vont le faire quand ça va être vraiment extrême, parce que je n'ai plus d'employés.

Mme Lefebvre: ...plus d'agents du ministère, par exemple, qui en font la promotion sur le terrain. Vous avez parlé, bon, de campagne publicitaire, est-ce que les organismes communautaires sont des bons relais pour être capables de faire le lien entre les personnes immigrantes? Est-ce qu'ils devraient être soutenus de meilleure façon?

Mme Iturriaga (Ana Luisa): C'est sûr que la fonction des organismes communautaires, c'est d'être intermédiaire, mais il reste quand même que, pour les milieux d'affaires, on est encore... on tombe encore dans des préjugés, si vous me permettez, Mme la députée. Le milieu communautaire, il boudait le milieu d'affaires. Donc, comme Mme la ministre le sait, ils viennent de faire une semaine de rencontres interculturelles, dans la Fédération des chambres de commerce, il y a un effort. Mais, moi, j'aurais aimé voir plus de PME présentes et plus d'efforts. Donc, les actions sont là, mais l'intérêt, c'est d'intéresser les employeurs, intéresser l'immigrant à comprendre les Québécois. C'est ça, intéresser l'employeur québécois à comprendre le programme que l'État met en place pour lui. C'est pour lui, pour qu'il ait la main-d'oeuvre. On va chercher jusqu'à l'autre côté des personnes pour lui. Et, d'un autre côté, la personne immigrante arrive, et il méconnaît tout sur la culture québécoise, et la seule chose qu'il sait, c'est qu'il veut travailler. Et donc il a besoin... c'est sûr que les organismes communautaires, ils ont une fonction.

Mais, malheureusement, là aussi, il y avait lacune ? et j'en parle un peu ? même nos intervenants communautaires, comme ils vivent une précarité financière, des fois il y a des intervenants qui n'ont pas eu de formation adéquate. Et donc comment je peux être multiplicateur, comment je peux encourager une personne qui vient d'arriver quand, moi-même, je ne suis pas intégrée? Alors, il y a un problème là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci. J'aimerais revenir avec vous... parce que vous avez parlé du racisme dans le système judiciaire. Cet après-midi, on aura le Barreau du Québec qui se joindra à nous, qui fait aussi un certain nombre de recommandations. D'après vous, quelles sont les pratiques racistes et discriminatoires qui persistent dans notre système?

Mme Iturriaga (Ana Luisa): Moi, j'aime beaucoup parler des exemples que je rencontre. Dans le moment, on a beaucoup d'immigration qui vient de la France. Quand on dit France, c'est un peu comme le Québec, maintenant de plus en plus diversifiée, multicolore. Et donc j'ai eu l'honneur de rencontrer une personne au début de son arrivée au Québec, qui était en droit en France, avocat en droit des affaires en France, avec de l'expérience, et tout. On l'a choisi. Il s'en vient. Vous savez très bien le processus qu'il fallait faire. Il ne pouvait pas exercer en arrivant; on est d'accord, il fallait qu'il fasse son tremplin. Il l'a fait. Cette personne-là, il est un fonceur. Ce n'est pas une personne fragile. Il a dit: Je vais tout faire. Il est allé à l'université, il a fait ses deux années d'université, à l'UQAM ? peut-être ce n'était pas la bonne université, je ne sais pas! Donc, il a fait ses études. Il fait son Barreau. Je l'ai aidé, j'ai tout fait pour essayer de l'aider à se faire un réseau. Moi, je connais personnellement M. Martineau, qui a un grand cabinet d'avocats en affaires, à Montréal, j'ai pris contact directement avec lui, j'ai essayé de le mettre en contact. La réponse que j'ai eue, c'est que, dans le milieu du droit, des avocats, ils vont chercher leur stage du Barreau quand ils sont à l'université, et c'était n'importe quelle université. En tout cas, dans ce cabinet-là, ils allaient à l'Université McGill, quand les gens sont déjà dans la deuxième année. Donc, ils ont déjà le choix des personnes qui vont faire leur stage du Barreau dans le cabinet d'avocats.

Donc, c'est un bon réseau de contacts. Il faut absolument être dans la bonne université. Et donc cet ami-là, il a tout fait, il a fini pour faire son Barreau, il a fini pour faire son stage avec l'avocat Archambault, un excellent avocat, mais il y a eu... et, lui-même, il le dit, il a senti souvent que sa couleur de peau nuisait à l'exercice de sa profession. Et ce n'est pas quelqu'un qui est victimisant, ce n'est pas quelqu'un qui crie: Au racisme! Il a senti à bien des moments que le milieu du droit est très hermétique, et couleur et immigration ensemble, ça n'aidait pas.

Dans le moment, il est parti en affaires, il a ouvert son cabinet d'avocats, et je souhaite qu'il va pouvoir exercer et avoir des clients de toutes origines, parce que c'est ça qu'on a besoin, des gens qui foncent et qui se font leur place. Mais il a hypothéqué quatre ans de sa vie, avec une femme et un enfant. Donc, il a fait énormément d'efforts. Donc, même si le Barreau fait des efforts, je vous dis, il y a encore le réseau de contacts. Dans certains milieux, dans certaines professions, si on n'a pas de bon contact et si on n'a pas... c'est triste à dire, si on n'a pas la bonne couleur de la peau, parfois ça peut... ou même l'accent, on peut passer à côté.

Mme Thériault: C'est beau. Je n'ai plus de temps.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup. Le temps coule, file rapidement. Vous avez une proposition intéressante sur la cohabitation. À la page 5, dans l'orientation 2, vous nous dites: «La diversité culturelle se traduit par des défis au niveau des Québécois et des diverses ethnies. Une cohabitation entre les différentes communautés réalisée intelligemment permettrait de diminuer les préjugés, les violences et les actes racistes.» J'aimerais vous entendre un peu sur cette proposition. Est-ce que vous parlez en termes... au niveau de l'emploi, au niveau de l'éducation, au niveau de l'habitation, au niveau...

Vous avez parlé aussi, bon, parce qu'on n'a pas pu tout traiter, mais de l'importance, bon, que les locataires et que les propriétaires puissent avoir des liens, que, dans les différents quartiers, différents citoyens puissent se parler. Donc, je comprends que la concertation puis la mixité sociale sont importantes. Alors, je voulais vous permettre de nous expliquer davantage ce point.

n (10 h 20) n

Mme Iturriaga (Ana Luisa): La vie de quartier, la vie d'un citoyen, ce n'est pas juste: Je suis... Moi, j'ai compris que j'étais citoyenne québécoise au moment que j'ai commencé à m'impliquer directement, mais il a fallu que souvent je me fasse ma place, parce que souvent les gens vont dire: Mais tu n'es pas Québécoise, toi. Pourquoi tu viens nous parler de nous? Bien, de nous, nous, c'est nous. Ça fait 24 ans que je suis au Québec, je fonce, et je connais mieux l'histoire du Québec que bien des Québécois, et j'ai une appartenance québécoise. Et je peux vous dire, parce que j'ai toujours vécu dans des milieux très québécois, que c'est quelque chose que les Québécois, ils m'ont transféré; le goût de vivre au Québec, d'avoir l'amour et la passion pour être fiers de ce qu'on a au Québec, c'est les Québécois qui me l'ont transmis.

Mais, malheureusement, il y a des gens qui, quand ils sont exclus, ils n'ont pas cette occasion de fréquenter des Québécois, ils n'ont pas cette occasion de lutter contre les préjugés, et, si malheureusement, le jour qu'ils arrivent et qu'ils se présentent dans une commission d'établissement, à l'école ou dans un parti politique, et qu'ils rencontrent l'exécutif, et que l'exécutif les boude parce qu'il dit: Bien, tu n'es pas de nous, qu'est-ce que tu vas nous offrir? Tu veux t'impliquer politiquement, mais qu'est-ce que tu vas nous offrir? Ah! Tu vas t'impliquer dans le comité d'établissement, mais qu'est-ce que tu vas faire, tu ne connais rien? Il faut toujours prouver qu'on est capable.

Et donc, vous voyez, il reste encore des petits jeux vicieux, je dis, dans les attitudes dans lesquelles on joue entre nous et eux et... C'est sectaire parfois, et c'est ça qui est vicieux. Je le dis: Dans les lieux de cohabitation, dans les rencontres... Moi, j'ai eu l'occasion de parler avec Mme la ministre au lancement de la semaine. J'ai dit: C'est des genres d'actions comme ça où les gens, ils sont dans la convivialité, qu'on voit qu'on est diversifié. Et ce n'est plus juste un rêve, c'est une réalité.

Et ce n'est pas juste prendre le métro et se regarder et s'éviter. C'est d'être fier qu'on est en train de bâtir un Québec. Et je pense que c'est dans ce genre d'action terrain. Et, même dans vos partis, je vous inviterais... Je trouve que les partis politiques, ils ont beaucoup de travail. Et, quand on va et qu'on se présente et qu'on écoute dans les rassemblements de citoyens, il y a encore beaucoup de barrières et fermetures. Et, moi, ça me brime, parce que je me dis: Il y a d'autres discours. On veut de vous, mais, quand on est trop pressant, on est trop impliqué, on... il faudrait se taire. Il faut travailler encore pour que les citoyens, Mme, M. Tout-le-monde, nous laissent la place. Et je vous dis: Malheureusement, il y a des personnes qui commencent à me dire: Le Québec, c'est un peuple raciste subtil, raciste gentil, déguisé. Et je dis: C'est grave, dire des accusations comme ça.

Peut-être qu'il y a certains citoyens qui ont de la misère avec certaines personnes, mais ça nous parle qu'il faut éviter, il faut vraiment... Je suis contente que vous preniez le temps d'évaluer et de voir où on en est dans cette situation-là, parce qu'il y a un problème terrain. Vous, vous êtes assis dans le Parlement, peut-être vous ne le ressentez pas. Mais, nous, on travaille à tous les jours avec des employeurs, avec des immigrants. Je vous assure que c'est une question de dialogue.

Un jour, je travaille avec des employeurs en génie, de Mont-Saint-Hilaire; le lendemain, je suis avec des femmes d'Algérie voilées. Et j'écoute les deux. Et je vous dis, des fois, c'est juste une question... Et, hier, ils me l'ont dit, les ingénieurs: Pourquoi on ne le sait pas? Pourquoi elles portent le voile, les femmes qui ont encore le voile au Québec? Parce que, nous, on ne veut pas qu'ils nous imposent leur manière. J'ai dit: Ils ne vous l'imposent pas, ils ont le droit, le droit religieux que vous leur avez octroyé en tant qu'État. C'est notre charte québécoise qui leur a permis qu'ils puissent avoir le choix de le porter ou de ne pas le porter.

Donc, vous voyez, c'est beaucoup cette éducation-là et cette coexistence qui vont pouvoir permettre au Québec de passer à travers des situations que, moi, j'appelle assez... En tout cas, je ne sais pas si je deviens un peu fatiguée après 17 ans de terrain, mais je commence à m'inquiéter pour mon enfant et pour la société à venir. Souvent, les gens, ils disent: Les jeunes sont prêts. Moi, je dirais: Non. Il y a encore du travail auprès de notre jeunesse.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'était tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie Québec Multi-Plus de sa présentation. Et je demanderais à la commission scolaire de Saint-Hyacinthe de s'installer. Et je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 10 h 23)

(Reprise à 10 h 24)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît. Nous allons continuer nos travaux en recevant la commission scolaire de Saint-Hyacinthe. Donc, bienvenue en commission parlementaire.

Je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos. Et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, tout d'abord, je vous demanderais de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats, étant donné que vous êtes quatre, et ensuite de ça de présenter votre mémoire. La parole est à vous.

Commission scolaire de
Saint-Hyacinthe (CSSH)

M. Flibotte (Richard): Merci, M. le Président. Mon nom est Richard Flibotte. Je suis président de la commission scolaire de Saint-Hyacinthe et je suis accompagné de Mme Anne Bérat, coordonnatrice à la formation continue, M. André Messier, directeur des services éducatifs, et M. Yvan Gauthier, directeur général de la commission scolaire de Saint-Hyacinthe.

Tout d'abord, M. le Président, nous tenons à saluer l'initiative du gouvernement pour son projet de politique pour contrer le racisme et la discrimination. Donc, M. le Président, Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, la société québécoise doit relever actuellement de nombreux défis de diverses natures: décroissance démographique, vieillissement de la population, pénurie de main-d'oeuvre, formation des travailleurs, et les solutions sont par ailleurs nombreuses, et il est indéniable que l'accueil des personnes immigrantes fait partie de ces solutions.

Nous constatons cependant que l'arrivée de personnes ayant une autre culture, une autre langue interpelle directement le mode de vie et les valeurs des Québécois. Nous en sommes témoins quotidiennement dans nos écoles et dans nos centres. Et, de par son rôle et ses responsabilités, la commission scolaire est directement interpellée. N'est-il pas vrai que nous comptons sur l'école comme facteur de cohésion et de diffusion de la culture, comme lieu d'intégration et de socialisation?

À Saint-Hyacinthe, région considérée jusqu'à tout récemment comme étant la plus francophone au Québec, nous avions plus de 400 jeunes d'origine étrangère inscrits dans nos école l'an dernier. Depuis 2001, l'immigration a fait un bon de plus de 140 %, ce qui n'est pas sans demander des ajustements importants dans les façons de faire et parfois dans les façons d'être.

À la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, nous instruisons, socialisions et qualifions tout près de 12 000 élèves du secteur primaire et secondaire et quelque 3 000 autres en formation professionnelle et en formation générale des adultes. Nous intervenons aussi directement dans la formation de la main-d'oeuvre en emploi auprès d'entreprises de la région. Nous offrons une gamme diversifiée de formations aux travailleurs, souvent en partenariat avec Emploi-Québec. Nous reconnaissons aussi les acquis scolaires et expérientiels pour les personnes désirant faire valoir leurs compétences professionnelles de niveau secondaire. Et enfin le rôle de la commission scolaire dans son milieu, son leadership et son expertise en matière d'éducation et de formation fait en sorte que nous ne pouvions passer outre cet important rendez-vous pour le Québec d'aujourd'hui.

Nous ne reprendrons pas les éléments du mémoire que nous avons déposé à la commission, mais nous voulons seulement mettre en perspective certains éléments de notre texte. D'abord, dans notre travail au quotidien, M. le Président, un élément est très présent et nous interpelle dans les orientations et décisions que nous devons prendre: la recherche d'équilibre, recherche d'équilibre entre les aménagements à faire pour permettre à chacun de prendre sa place et les actions à poser afin de conforter et de préserver l'identité culturelle des Québécois.

Et c'est dans cet esprit que nous avons évoqué le référentiel culturel dans notre écrit. Il est bien évident que nous ne souhaitons pas que le terme «référentiel culturel» soit interprété comme un code obligatoire à suivre sous peine de représailles. Le Québec choisit ses immigrants, les sélectionne en fonction de critères établis. L'immigration est donc un geste conscient, accepté, volontaire et nécessaire de la part de la société québécoise. À ce titre, nous avons donc des devoirs et responsabilités envers les immigrants que nous choisissons pour leur permettre de s'intégrer et de s'adapter adéquatement à notre pays, et c'est à partir de cette responsabilité commune que nous endossons le concept de référentiel culturel. En effet, pour permettre à une personne de bien s'intégrer, ne faut-il pas lui donner des balises précises, un cadre dans lequel elle pourrait s'insérer?

D'aucuns diront que les immigrants ont eux aussi des devoirs et responsabilités envers le Québec et les Québécois et que ce sont à eux à faire les pas vers nous. Nous émettons l'idée que leurs devoirs et responsabilités sont intrinsèquement liés à ce que nous leur donnerons comme bases ou assises envers nous et envers notre société. Ainsi, nous croyons que, pour éviter des comportements inadéquats selon nos critères de la part des nouveaux arrivants, des comportements qui peuvent être perçus comme inacceptables par certains, nous devrions leur faire part et leur expliquer simplement, clairement et sans fioriture nos valeurs, nos gestes communément acceptés.

Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles a produit un document de plus de 100 pages qui s'intitule Apprendre le Québec: Guide pour réussir mon intégration. Seulement trois pages traitent de la société québécoise et de ses valeurs. Ce guide comporte par ailleurs de nombreuses indications importantes et même primordiales pour le nouvel arrivant en termes de documents à posséder au Québec et en termes d'aide à la recherche d'emploi. Il nous semble que les valeurs québécoises auraient tout intérêt à avoir une vitrine moins conformiste et littéraire, peut-être. Une mise en marché de nos valeurs par l'entremise d'une campagne publicitaire humoristique ou de livrets serait peut-être un atout pour informer toute personne nouvellement arrivée qui ne parle pas notre langue, l'informer des réalités québécoises. Cela permettrait aussi de confronter et de conforter les Québécois à leurs propres valeurs et comportements communs. Le but étant, rappelons-nous, d'atteindre et de préserver cet équilibre qui fera en sorte que les immigrants se sentiront acceptés par les Québécois, qui, eux, ne se sentiront pas lésés.

n (10 h 30) n

Une autre de nos préoccupations traite de la nécessité d'une concertation nationale et régionale qui soit plus tangible dans ses retombées. Il faut appréhender la lutte à la discrimination et au racisme dans une perspective globale à l'intérieur d'une approche systémique. La lutte à la discrimination sera-t-elle encore nécessaire si l'intégration à la société québécoise est couronnée de succès? Le choix des mots est ici important, intégration ne signifie pas assimilation, bien au contraire. Intégrer, c'est commencer graduellement à agir comme membre d'un groupe, c'est devenir membre de ce groupe. De même, l'expression «lutter contre le racisme et la discrimination» semble référer à une conception dualiste des relations entre l'arrivant et l'accueillant. Bref, si la visée ultime est l'intégration et le développement de relations harmonieuses entre les immigrants et les Québécois, il faut agir ensemble avant que les manifestations de racisme et les préjugés ne s'installent. Et, dans le cadre d'une politique visant l'établissement de relations harmonieuses entre les communautés, le travail concerté est donc la clé de voûte de tout l'édifice.

Actuellement, plusieurs acteurs interviennent auprès de la personne immigrante, et un leadership rassembleur favorisant la mise en commun des expertises et des ressources nous semble essentiel. Le saupoudrage budgétaire amène difficilement les organisations à travailler de façon concertée et efficace auprès des immigrants. Les structures comme les tables de concertation sont des outils et des leviers qui peuvent aider au partage et à la diffusion de l'information au grand public aussi bien qu'à des publics ciblés pour certaines interventions précises. Il nous semble pertinent d'affirmer que, si la concertation émane des instances décisionnelles des ministères, elle a plus de chances de donner des bases favorables à des tables de concertation locales ou régionales, où les rôles et responsabilités seront bien campés.

Brièvement, sur ce qui concerne la vie à l'école, il nous semble important de mentionner d'entrée de jeu que le programme de formation québécoise, qui conçoit former le jeune du primaire et du secondaire à relever les défis de notre société, entre autres au niveau du multiculturalisme, semble très approprié. Tous les éléments sont en place sur le plan théorique et passent de plus en plus dans la pratique. Par contre, un élément nous semble capital, l'accompagnement des parents, immigrants ou non. Le Québec a largement entendu parler de l'émission Enjeux, La leçon de discrimination, qui a été diffusée récemment sur les ondes de Radio-Canada. C'est une situation qui a été réalisée avec de multiples précautions, et qui a été vécue par des élèves de la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, qui a mis en lumière le rôle capital du parent dans la transmission ou non de préjugés et d'attitudes discriminatoires à l'enfant. Donc, pour cette raison, accompagner les parents québécois et immigrants n'est pas un luxe, c'est un incontournable. Les programmes de développement de compétence parentale existent et sont très bien conçus. Il faut cependant toujours résoudre les problèmes financiers qui sont reliés à la mise sur pied de tels services. Et, à cet égard, compte tenu de l'importance que revêt le projet de politique gouvernementale, nous croyons que les moyens financiers soutenant la mise en oeuvre d'actions devraient être conséquents.

Je vais aller plus rapidement, je sais que le temps file, pour vous amener à un autre dossier d'importance qui fait régulièrement la manchette, il s'agit de celui de la reconnaissance des acquis. Les neuf commissions scolaires francophones de la Montérégie ont fait le choix d'offrir, depuis plusieurs années, un service de reconnaissance des acquis à guichet unique, et ce service régional étant localisé à Saint-Hyacinthe. Précisons que nous parlons de reconnaissance des acquis de niveau secondaire, soit de formation professionnelle ou de formation générale, et par conséquent notre propos ne concerne pas les personnes qui désirent obtenir une reconnaissance des acquis de niveau collégial ou universitaire. Et, au niveau de la reconnaissance des acquis, la situation n'est pas simple, plusieurs problématiques doivent être soulevées. Nous avons choisi d'illustrer nos propos par deux cas types qui illustrent bien les différentes problématiques.

Si on prend, par exemple, le cas d'un mécanicien automobile français, qu'on appellera Marc, qui est arrivé récemment au Québec avec son épouse et ses enfants. Marc possède un diplôme de niveau professionnel en mécanique automobile et demande une évaluation comparative auprès du ministère de l'Immigration, qui lui reconnaît avoir complété l'équivalent de son secondaire et de son diplôme d'études professionnelles en mécanique auto.

Je vous rappelle que l'évaluation comparative consiste à comparer des titres et des contenus de cours en fonction de diplômes ou parties de diplômes ou descriptions de cours qui ont été obtenus dans un autre pays. Ce qui veut dire que la personne immigrante doit avoir soit des diplômes soit des relevés de notes descriptifs, que le ministère de l'Immigration doit avoir les informations dudit pays d'origine et que ladite formation doit exister dans les deux pays pour qu'elle puisse être comparée et comparable. Nous tenons également attirer votre attention sur le fait que l'évaluation comparative du ministère de l'Immigration n'est pas un document officiel qui peut se substituer à un document du ministère de l'Éducation en ce qui a trait à la sanction des études. Néanmoins, bon nombre de commissions scolaires acceptent la décision du ministère de l'Immigration comme préalable pour l'admission à un programme de formation professionnelle.

Dans l'exemple de Marc qui nous préoccupe, nous pouvons dire que Marc est chanceux, puisque la France et le Québec échangent des informations concernant leurs cours et leurs diplômes. Si Marc était Marco, un carreleur mexicain qui, lui aussi, arrivé récemment au Québec avec sa femme et ses enfants mais à titre de personne réfugiée... Marco ne possède aucun diplôme, n'a aucune trace des formations scolaires et professionnelles qu'il a suivies au Mexique. Il ne peut donc demander d'évaluation comparative auprès du ministère de l'Immigration. Il suit des cours de francisation et espère pouvoir connaître rapidement assez de français pour chercher du travail comme carreleur, mais, n'ayant aucun diplôme, il ne peut obtenir cet emploi, il doit se recycler, ou apprendre un nouveau métier, ou aller en reconnaissance des acquis pour faire reconnaître ses compétences. Il faut expliquer à Marco que, pour que le ministère de l'Éducation finance sa demande de reconnaissance des acquis, il devra rencontrer des exigences propres aux immigrants sélectionnés et non aux personnes réfugiées. Et conséquemment un délai important pourrait incomber à Marco pour la reconnaissance de ses acquis.

Marco parvient finalement à entrer en reconnaissance des acquis. On lui explique la procédure à travers laquelle il devra suivre au besoin les cours manquants pour obtenir son diplôme en formation professionnelle. Marco, lui aussi, a de la chance, parce que les outils d'évaluation sont disponibles pour le programme de carrelage, ce qui n'est pas le cas pour plusieurs programmes de formation professionnelle. Or, l'élaboration d'outils valides et fidèles est un travail spécifique qui demande une expertise bien particulière pour laquelle le Québec, et notamment la Commission scolaire de Saint-Hyacinthe, est reconnu. La démarche en reconnaissance des acquis est uniforme pour l'ensemble du Québec, les outils et instruments sont avalisés par le ministère de l'Éducation et sont les mêmes pour toute commission scolaire ou regroupement de commissions scolaires qui offre ce service, ce qui est un avantage non négligeable quant à la validité et à la fidélité de la démarche.

Notons également que la majorité des candidats en reconnaissance des acquis veulent obtenir un diplôme pour améliorer leur situation professionnelle ou pour changer d'emploi. 45 % des candidats doivent suivre des cours pour pallier à la formation manquante et ainsi obtenir leur diplôme. Actuellement, les personnes auxquelles il manque de la formation vont suivre ces cours en fonction des disponibilités restant dans les classes de formation professionnelle. Il est possible toutefois de mettre en place des petits groupes, voire des cours individuels. Il est aussi possible de développer des cours de formation manquante par l'entremise des centres de formation professionnelle ou des services de formation sur mesure. Dans le cas de Marco, il pourra donc terminer son diplôme. La question de financement de cette formation manquante reste cependant entière.

Certains problèmes demeurent en reconnaissance des acquis, mais nous sommes profondément convaincus que, pour les personnes immigrantes souhaitant une reconnaissance des acquis de niveau professionnel, c'est le moyen le plus adapté pour se faire reconnaître des compétences et obtenir un diplôme ou une partie de diplôme, afin de favoriser leur intégration au marché du travail. Nous pensons que la reconnaissance des acquis devrait être mise au service des personnes immigrantes afin de les aider et leur faciliter l'accès rapide à un emploi.

En conclusion, M. le Président, nous rappelons l'importance d'une démarche planifiée et concertée qui vise à la fois la population québécoise et immigrante. Pour les premiers, il est question d'ouverture et d'accueil tout en préservant le sentiment identitaire, mais, pour les seconds, il faut les préparer à s'enraciner sur cette terre d'accueil, leur indiquer les pôles, les valeurs qui viendront jalonner leur cheminement humain, social et professionnel. Nous croyons que l'équilibre sur lequel reposaient les relations sociales est de plus en plus menacé, et les efforts à consentir sont, comme nous l'avons démontré, importants compte tenu de l'enjeu pour l'avenir de notre société. La commission scolaire est déjà à l'oeuvre pour relever ce défi et elle entend le faire dans un rôle de premier plan, en partenariat avec les autres organisations, afin de construire ce Québec nouveau. Nous vous remercions de nous avoir entendus. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Flibotte, de votre présentation. M. Gauthier, M. Messier, Mme Bérat, bienvenue parmi nous. Je suis heureuse de vous revoir à nouveau, puisque dernièrement, à Saint-Hyacinthe, on a annoncé l'entente de régionalisation au niveau de l'immigration. On voit par la qualité du mémoire que vous nous avez transmis que vous êtes familiers avec les différentes problématiques qui peuvent nous intéresser aujourd'hui et on voit aussi que vous travaillez en concertation déjà avec les autres commissions scolaires et les intervenants de Saint-Hyacinthe; vous êtes très bien sensibilisés. Donc, j'apprécie beaucoup votre présence en commission aujourd'hui. C'est évident que ça va pouvoir nous aider à faire avancer nos travaux. Vous avez parlé dans votre présentation de l'utilité de référentiel culturel. Par rapport à d'autres outils comme des guides sur les droits ou sur le fonctionnement des institutions, quelle serait l'utilité de ce référentiel culturel?

n (10 h 40) n

M. Flibotte (Richard): Je pense qu'il faut comprendre en tout cas que la mise en place d'un référentiel culturel serait un très bon exercice, pour une société comme la nôtre, d'établir en tout cas certaines balises qui pourraient guider des personnes immigrantes pour s'intégrer davantage dans la société, ne serait-ce que de connaître nos habitudes, et on disait dans notre mémoire, de ce qui est acceptable et de ce qui l'est moins pour notre société. Et on pense que justement ce référentiel culturel là aiderait davantage les personnes immigrantes à s'intégrer dans notre société, connaissant ce qui est balisé, ce qui est accepté dans notre société.

Mme Thériault: Vous avez parlé aussi d'une campagne humoristique sur les valeurs québécoises, ou la société d'accueil comme telle. J'ai eu le plaisir d'entendre Boucar Diouf dernièrement, dans la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, qui nous dresse un bon portrait du choc des cultures, on va dire ça comme ça. Évidemment, Rimouski, ce n'est peut-être pas évident non plus, au moment où il est arrivé. Il y a un autre jeune humoriste qui a été reconnu dernièrement, Rachid Badouri, qui est venu aussi nous faire une présentation lors du lancement de la Semaine québécoise des rencontres interculturelles, où on parle de racisme et de situations potentielles, et on utilise beaucoup l'humour. Et, moi, je dois vous dire que j'ai été frappée de voir dans la salle les participants autant québécois de souche, entre guillemets, ou d'origines diverses... lorsqu'on a entendu Rachid notamment qui parlait nommément des Irakiens, des Italiens et des Haïtiens, autant les populations touchées que l'ensemble des gens qui étaient là, les gens réagissaient assez fortement et se sentaient très interpellés.

Donc, évidemment, je pense que l'humour, ça peut être une façon de faire passer beaucoup de messages. Je pense également qu'on doit avoir des campagnes de sensibilisation nommément auprès des enfants, des parents aussi. Je suis d'accord avec vous que les parents sont interpellés parce qu'ils peuvent véhiculer, eux aussi, des préjugés envers les enfants. J'aimerais ça vous entendre parler sur les compétences parentales, par rapport avec les parents de souche immigrante ou de souche québécoise.

M. Flibotte (Richard): Oui, d'accord. Si vous me permettez, j'inviterais peut-être M. Messier, qui est bien au fait des compétences parentales, qui est le porteur de dossier à la commission scolaire. Donc, il pourrait vous apporter l'information très pointue à ce niveau-là.

M. Messier (André): Alors, il s'agit pour la commission scolaire de penser en termes systémiques, donc d'une prise en charge de l'enfant et de son milieu le plus possible, son milieu de vie naturel qu'est la famille. Et, pour ce faire, il nous apparaissait important ? puis le ministère l'a déjà mis en place, ce principe-là, de développer les compétences parentales; mais il nous apparaissait important ? d'étendre ces programmes-là aux clientèles immigrantes. Parce que, M. Flibotte l'a mentionné tantôt, à Saint-Hyacinthe, il y a beaucoup de parents, beaucoup d'immigration, c'est une région ciblée, on en est fort heureux, mais en même temps ça change notre paysage. Donc, il faut permettre aux parents d'établir... aux parents d'enfants d'immigrants donc d'établir le dialogue avec la communauté québécoise, la communauté maskoutaine ou valoise.

Alors, dans ces conditions-là, on a établi un partenariat avec un organisme communautaire pour aller inviter les parents d'enfants qui sont scolarisés dans les écoles de la commission scolaire à participer à des échanges qui ont pris la forme d'avant-midis, de samedis de la culture. Et, lors de ces rencontres-là, les parents d'enfants immigrants ont pu à la fois transmettre leurs préoccupations, transmettre les éléments qui les réjouissaient mais aussi qui les interpellaient et à la fois apprendre dans du concret la vie au quotidien au Québec. Alors, cette passerelle-là, elle est importante et ça nous permet aussi de rappeler... ou plus simplement de dire à ces parents-là: Bien, écoutez, quand on est au Québec puis on veut intervenir auprès d'institutions, ou on veut entrer dans l'école, ou on veut faire des démarches de quelque ordre que ce soit auprès d'organismes officiels, il y a des façons de faire qui sont bien accueillies puis il y en a d'autres qui peuvent parfois susciter des problèmes.

Alors, il s'agit d'un dialogue, d'établir un dialogue et de donner l'occasion à ces parents d'entendre la réalité québécoise telle qu'elle est. Ça, ça nous apparaît essentiel. Quand on est en développement de compétences parentales... et vous me permettrez, vous nous avez dit, Mme la ministre, à Saint-Hyacinthe, qu'on devait appeler les choses, oui, par leur vrai nom... Quand on est dans un milieu culturel où, par exemple, la correction physique est reconnue et même utilisée régulièrement pour éduquer les enfants, puis on arrive dans une société québécoise où, on en conviendra tous, ce n'est pas admis, il y a un choc, là, culturel. Et il faut permettre aux parents de comprendre dans quel contexte maintenant ils éduquent ces enfants, pour éviter qu'il y ait une scission et du ressentiment chez ces personnes-là par rapport à la société québécoise. Alors, quand on parle de développement de compétences parentales, on vient teinter, lorsqu'il s'agit de personnes immigrantes, la formation avec des éléments de cet ordre-là.

Maintenant, du côté du Québécois pure laine, du côté du Québécois tout court, il est aussi important, quand on parle de compétences parentales, de travailler les questions d'ouverture. M. Flibotte précédemment mentionnait La leçon de discrimination, qui a été diffusée sur Enjeux, à l'émission Enjeux. Mais, écoutez, on a eu des témoignages de parents très clairs et qui vont dans le sens de: Aïe, mon Dieu! je ne me doutais pas de la responsabilité que j'avais dans la fabrication, dans la conception de la vision du monde de mes enfants. Et, lorsqu'on travaille avec les parents sur le terrain et qu'on aborde ces questions-là, bien on est sûrs et certains qu'on va semer pour le futur.

Mme Thériault: Merci. Je reviendrai s'il reste du temps.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, à M. Flibotte, MM. Gauthier, Messier et Mme Bérat. C'est très instructif, votre mémoire. Vous abordez des thèmes extrêmement intéressants. Je vais aller rondement puisque mon collègue le député de Saint-Hyacinthe a évidemment plusieurs questions pour vous.

Je voudrais toucher un point, un enjeu qui n'a pas été soulevé par la ministre, celui de la reconnaissance des diplômes, où vous avez une expertise particulière. C'est un dossier fort important évidemment, vous le savez, vous y oeuvrez déjà depuis plusieurs années, depuis les années quatre-vingt-dix qu'on y travaille très fort. Et donc vous avez mentionné que, bon, les outils disponibles, dans plusieurs domaines, n'étaient pas tout le temps disponibles pour vous pour faire la reconnaissance. Vous parliez notamment que, bon, pour les carreleurs, bon, la grille était là. Est-ce que, pour notre bénéfice, ce serait possible de nous faire parvenir dans les prochaines semaines la liste des domaines où on pourrait en fait vous donner les outils? Parce que je pense que ça va être utile pour tout le monde.

Et je voudrais toucher la question du financement. Vous avez dit: La question du financement reste entière, donc tout dépendant du type de statut d'immigrant, je crois, c'est ce que j'en ai compris. Donc, je voudrais vous entendre un peu sur ça. Est-ce que ça signifie que, bon, la personne immigrante, je comprends, réfugiée donc doit financer ses études, payer aussi pour les reconnaissances? Bref, vous avez une expertise plus grande.

M. Flibotte (Richard): Oui. Et Mme Bérat, justement, elle, travaille dans ce dossier-là.

Mme Bérat (Anne): En ce qui concerne la liste des programmes pour lesquels on dispose d'outils, on va vous faire parvenir ça avec plaisir. En fait, c'est des outils qui sont développés en collaboration avec des enseignants et avec des personnes qui travaillent en reconnaissance des acquis. Ça se fait à peu près... dans différentes commissions scolaires du Québec, et il faut toujours les faire, je vais dire, accréditer par le ministère de l'Éducation de façon à ce qu'on soit crédibles et qu'on puisse dire que la reconnaissance des acquis est uniforme à la grandeur du Québec. Donc, quel que soit l'endroit où la personne va la demander, il aura à passer les mêmes étapes, les mêmes instruments, et donc son diplôme aura la même valeur partout. Alors ça, c'est un point important, mais c'est ce qui explique aussi que c'est assez long à développer des outils, parce qu'il y a encore peu de personnes en fait qui travaillent vraiment en reconnaissance des acquis au niveau secondaire.

n (10 h 50) n

L'autre question que vous souleviez pour... Évidemment, là, je parle juste de la reconnaissance des acquis, ce sont les règles budgétaires du ministère de l'Éducation. Actuellement, pour une personne qui se présente chez nous pour faire une démarche en reconnaissance des acquis, on octroie à la commission scolaire un budget de 400 $ pour toute la démarche de reconnaissance des acquis. Il faut pour ça que la personne soit résidente du Québec, c'est un prérequis. Alors, c'est la première étape. Si vous voulez, il y a une grille, un tamis, au travers laquelle la personne doit voyager pour voir comment elle peut obtenir ce financement. Alors, au niveau des immigrants, il faut que la personne détienne le CSQ pour avoir droit au financement du Québec, du ministère. Et donc ça, c'est un problème, parce que toute personne réfugiée n'a pas le CSQ, et c'est là qu'il commence à y avoir beaucoup de délais. En fait, il y a tout un processus. Si la personne n'a pas le CSQ, il faut qu'elle démontre qu'elle est résidente du Québec.

Mme Thériault: C'est que le réfugié a le CSQ. Le demandeur d'asile, lui, ne l'a pas, mais tous les réfugiés automatiquement l'ont.

Mme Bérat (Anne): Ah, O.K. Moi, je pensais que réfugié et demandeur d'asile étaient...

Mme Thériault: Ce n'est pas la même chose.

Mme Bérat (Anne): O.K. Alors, c'est mon erreur.

Mme Thériault: Ce n'est que les demandeurs d'asile qui ne l'ont pas.

Mme Bérat (Anne): Parce que même...

Mme Thériault: Parce que c'est une démarche fédérale. Lorsqu'on demande l'asile, on le demande au gouvernement fédéral, mais les réfugiés sont sélectionnés par le Québec, donc ils ont automatiquement un certificat de sélection. Donc, les revendicateurs... demandeurs d'asile n'ont pas, eux, de CSQ.

Mme Bérat (Anne): Alors, ça explique pourquoi, justement, dans la grille du ministère de l'Éducation pour le financement, à un moment donné il est dit que la personne doit résider depuis trois mois au Québec mais ne pas avoir résidé dans une autre province canadienne auparavant pour avoir droit au financement. C'est certainement à cause de cette notion d'asile, droit d'asile et de réfugié. Alors, c'est des choses comme ça qui font en sorte que la demande ou le droit au financement, et donc le droit à la reconnaissance des acquis, peut demander un délai.

Parce que, si la personne doit financer elle-même, c'est au moins 400 $ qu'on va lui demander. Si, après, il faut qu'elle aille en formation manquante, pour suivre des cours spécifiques pour obtenir son diplôme, c'est un autre financement qu'on va lui demander. Et c'est là qu'il y a peut-être des arrimages à faire entre, en fait, le MICC puis le ministère de l'Éducation pour ce genre de chose, si on voulait vraiment aider les immigrants à avoir accès rapidement à la reconnaissance des acquis.

L'autre problématique qui arrive souvent, c'est que les gens qui n'ont aucun diplôme ne peuvent pas aller à l'évaluation comparative du MICC, et donc ils arrivent chez nous, puis là on est obligés de faire tout le processus, pas seulement en démarche de formation professionnelle, mais même au niveau du secondaire, voire même des fois du primaire. Et là c'est très long évidemment avant d'arriver à situer la personne par rapport à notre cursus, ici, en éducation, et d'arriver à dire: Bon, bien, vous auriez telle chose, il vous manque tel et tel morceau de D.E.P. pour obtenir le diplôme complet.

Mme Lefebvre: Mais est-ce que... Bien, je vais vous poser les questions en rafale puisque le temps file. Donc, est-ce que vous jugez que vous avez les outils suffisants pour être capables de procéder, en tout cas, le personnel suffisant pour être capables de procéder à cette facette-là, donc quand c'est plus complexe?

Ensuite, bon, vous n'êtes pas sans savoir qu'il y a une politique, qui a été adoptée au mois de juin, facilitant la reconnaissance des diplômes. Donc, est-ce que, vous, vous avez vu en quelque part un chamboulement ou une révolution au niveau de vos pratiques? Est-ce que vous avez eu beaucoup de nouvelles directives du ministère relativement à vos pratiques ou à la reconnaissance des diplômes? Et est-ce que vous avez eu des nouveaux outils qui vous ont été donnés? Et est-ce que vous avez eu des nouvelles enveloppes budgétaires qui ont été associées à tout ça?

Mme Bérat (Anne): Au niveau du personnel, il faut vous dire qu'actuellement le Centre régional de reconnaissance des acquis de la Montérégie, c'est en tout et pour tout trois personnes qui sont vraiment à temps plein et qui travaillent pour neuf commissions scolaires. On reçoit un budget d'Emploi-Québec... ultérieurement Emploi-Québec, actuellement, c'est le ministère de l'Éducation qui nous octroie une enveloppe budgétaire pour qu'on puisse survivre en fait, parce que...

Mme Lefebvre: ...

Mme Bérat (Anne): Non, non.

Mme Lefebvre: Depuis quand?

Mme Bérat (Anne): Bien, moi, je viens d'arriver, mais, autant que je sache, ça fait quand même quelques années qu'elle n'a pas été modifiée. En fait, on avait avant une enveloppe budgétaire d'Emploi-Québec, qui trouvait que c'était important de participer à la reconnaissance des acquis pour permettre l'employabilité plus rapide des gens. À un moment donné, Emploi-Québec s'est désisté, et là on a fait appel au ministère de l'Éducation. Mais le ministère est aussi en train, actuellement, de développer des projets régionaux en reconnaissance des acquis. Donc, on est dans un entre-deux, entre les futurs projets régionaux et ce qui se fait actuellement.

Mme Lefebvre: Rapidement, juste...

Le Président (M. Brodeur): Est-ce que M. Messier a un complément de réponse?

Mme Lefebvre: Puis, juste au niveau des directives, est-ce que vous en avez plusieurs nouvelles de la part du ministère?

M. Messier (André): Bien, je vous dirais qu'actuellement la commissions scolaires de Saint-Hyacinthe élabore des outils avec le ministère, donc on est vraiment aux premières loges, et nous sommes encore aux premiers balbutiements de la reconnaissance des acquis de niveau professionnel, de niveau secondaire.

Les moyens manquent cruellement, M. le Président. Les ressources sont en autofinancement. Annuellement, nous devons faire une demande d'allocation au ministère de l'Éducation pour que ce centre régional là puisse survivre et donner un service. Je ne voudrais pas allonger la discussion ou l'échange sur la question de la formation manquante, mais, lorsqu'il s'agit, une fois que les premières étapes de reconnaissance ont été accomplies par le candidat, lorsqu'il s'agit d'offrir de la formation, là on est encore aux prises avec des... je vais dire des ratios d'élèves, des ratios de participants, de façon à ce que la formation puisse être financée. Alors, c'est un problème qui est éminemment complexe.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous êtes capable d'identifier le financement manquant, quand vous dites que vous manquez cruellement de fonds?

Mme Bérat (Anne): C'est un peu l'oeuf ou la poule, hein, étant donné qu'actuellement c'est difficile d'offrir beaucoup de... de répondre à la demande autant qu'on voudrait, parce qu'on manque de personnel. On manque de personnel parce qu'on est en autofinancement, et donc on ne peut pas engager du monde en plus, sinon on va être déficitaire. Donc, c'est pour ça que je vous dis que c'est un peu un cercle vicieux. Il faut prendre une décision à un moment donné. Et ce n'est pas juste au Québec, là.

Mme Lefebvre: On va y revenir, je pense que mon temps est écoulé.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Oui. Juste peut-être apporter une petite précision par rapport au délai de carence de trois mois qui existe. Mon sous-ministre m'informe que le délai de carence de trois mois qui existe n'est valide seulement que pour éviter que quelqu'un qui provient de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick ou d'une autre province puisse profiter gratuitement de nos programmes ici, mais qu'à partir du moment où on a un certificat de sélection il n'y a pas de délai de carence qui doit s'appliquer. Donc, c'est un ou l'autre. Donc, c'est pour ça que je pense que c'est important de faire une précision pour les gens qui puissent nous entendre, là.

Et, bon, là je regardais le lien que la députée faisait par rapport... pas à la politique mais à la loi qui a été adoptée au mois de juin concernant la reconnaissance des diplômes étrangers, avec les ordres professionnels. Donc évidemment on a fait un travail colossal à l'intérieur de deux ans avec les ordres professionnels, parce que c'était... je dirais, majoritairement, beaucoup de professionnels ont été sélectionnés sur le degré universitaire évidemment, de par notre grille de sélection. Donc, il est évident que, pour nous, c'était important de mettre une priorité là parce qu'on avait un gâchis de talents incroyable.

Donc évidemment vous savez tous que ce n'est pas une petite affaire facile non plus, 50 professions régies par 45 ordres professionnels, avec trois... Ils ont tous des niveaux d'intervention différents. Donc, c'est un dossier qui est très complexe mais dans lequel ça avance assez rapidement.

Ce que je tiens à préciser ici, c'est qu'évidemment, lorsqu'on parle des métiers régis non réglementés, bon, là c'est encore tout un autre dossier, tout un autre débat qui est à faire. Moi, je veux vous dire qu'avec mon collègue le ministre du Travail, Laurent Lessard, on a convenu que ça faisait partie de nos priorités. Je parle du ministre du Travail parce que les métiers de la construction sont sous son égide, aussi. Et il est évident qu'en ayant changé notre grille de sélection pour ouvrir justement au secondaire professionnel et aux métiers techniques le Québec va devoir se réajuster assez rapidement pour pouvoir reconnaître les métiers professionnels dont nous sommes en pénurie présentement. Parce qu'on a mis l'accent sur les pénuries que le Québec vit et qu'il va vivre au cours des trois prochaines années. Vous savez qu'on anticipe 180 000 emplois à combler d'ici 2009, donc c'est quand même assez important, et majoritairement dans les techniques et dans les secondaires professionnels. Donc, il est évident qu'il va falloir entamer du travail sur ce dossier-là assez rapidement. Il n'y a rien qui a été fait auparavant non plus. Donc, on a priorisé les ordres professionnels, mais il est évident qu'il va falloir travailler et qu'on va essayer de compter sur l'expertise que vous avez développée pour pouvoir faire en sorte que ce dossier-là puisse également connaître des aboutissements assez rapidement.

Il me reste du temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Un petit peu.

Mme Thériault: Un petit peu. Je vous poserais juste une question par rapport aux formations. Les formations pour les professeurs, est-ce que vous pensez... Bon. C'est sûr que, s'il y a une politique qui s'applique demain matin, ça va prendre une formation pour les professeurs et ça va prendre une formation pour les maîtres. De quelle façon vous voyez ça?

n (11 heures) n

M. Flibotte (Richard): Il faudrait aussi que la formation s'adresse également... puis ça, on le mentionnait, oui, effectivement, qu'il y a un besoin de formation du côté des enseignants du primaire et du secondaire, mais également que ça inclurait aussi les enseignants à la formation professionnelle, la formation collégiale, la formation professionnelle, c'est-à-dire des adultes également, aussi. Parce qu'à ce niveau-là, c'est ça, il y a déjà des choses qui se font, mais ça n'inclut pas les enseignants de formation professionnelle, de formation des adultes, là.

Le Président (M. Brodeur): M. Messier.

M. Messier (André): J'ajouterais, si vous le permettez, présentement le ministère de l'Éducation offre des formations pour permettre aux enseignants de travailler plus adéquatement avec les communautés culturelles, mais ce sont des formations qui sont limitées au niveau de leur rayonnement. Et on se rend compte sur le terrain, là, à Saint-Hyacinthe, quand il y a des familles qui arrivent dans les écoles, il faut aussi que le personnel de secrétariat soit formé, il faut aussi que les personnes qui sont à l'accueil puissent avoir des balises pour interagir positivement avec le personnel. J'ajouterais que la problématique actuellement en éducation est doublée par le fait que nous sommes aussi en implantation, en consolidation d'un projet ambitieux, porteur, selon nous, celui du renouveau pédagogique, et il faudra avoir le souci d'inclure aussi, pour les milieux qui sont ciblés, visés par une immigration plus importante, d'inclure cette dimension-là aux formations.

Mme Thériault: Pour votre information, on a un service conseil en relations interculturelles, au ministère, donc, si vous parlez avec votre directeur régional, au niveau de nos services d'immigration, ça nous fera plaisir d'élaborer une formation à mettre sur pied, avec le MICC, pour la commission scolaire.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci, M. le Président. Évidemment, je suis très heureux de pouvoir travailler avec des gens de chez nous une fois de plus et donc je veux vous féliciter pour le rapport extrêmement intéressant que vous nous avez présenté. Ça me semble un rapport extrêmement marqué par deux choses très importantes. La première, par des contacts prolongés avec ce que c'est que la pratique de l'intégration des étudiants dans la vie réelle, au niveau secondaire, au niveau primaire principalement, mais aussi avec la société, puisque vous avez affaire aux parents et que cela vous amène à avoir un prolongement social, sur l'ensemble de la société, de votre action dans l'école. Mais il y a aussi l'autre aspect qui, je trouve, transpire de votre rapport, c'est un profond respect et une empathie pour les immigrants. Donc, la problématique de l'intégration des immigrants est une problématique extrêmement importante pour vous, et vous avez signalé à bon droit qu'il vaut mieux regarder la question du point de vue positif, c'est-à-dire l'intégration, plutôt que du point de vue négatif, la lutte contre ceci et contre cela, bien que parfois il soit indispensable de dénoncer et de rendre conscients les gens de certaines réactions ou préjugés qu'on a et dont on ne se rend pas nécessairement compte.

Je voudrais seulement sur la question... quelques minutes parce que j'ai d'autres questions à vous poser. Alors, je voudrais revenir juste sur la question de reconnaissance des acquis. Et c'est un peu difficile, parce qu'il n'y a peut-être pas de réponse facile à la question que je vais vous poser. C'est que, dans la reconnaissance des acquis, il me semble y avoir deux choses: reconnaissance d'une formation et de la compétence qui en résulte. Mais il arrive qu'on a des immigrants qui arrivent ici qui n'ont pas la formation requise mais qui ont largement la compétence. Quelqu'un qui arrive à 45 ans, 50 ans, qui a toujours travaillé en mécanique peut être extrêmement compétent mais qu'on n'ait pas de repères en termes de formation pour le reconnaître. N'y aurait-il pas lieu d'avoir une distinction entre un certificat de compétence et un diplôme reconnaissant des acquis au sens général?

Mme Bérat (Anne): En fait, ce qui arrive, c'est qu'on ne reconnaît pas les acquis de formation uniquement. Quand on dit reconnaissance des acquis et compétences, ce qu'on appelle souvent la RAC, c'est la reconnaissance des acquis expérienciels ou extrascolaires et les acquis scolaires. C'est-à-dire que, dans l'exemple que vous donniez, une personne qui a travaillé comme mécanicien pendant 30 ans, on va lui reconnaître les acquis d'expérience ou de compétence professionnelle à partir de grilles qui correspondent à des modules ou à des compétences qui sont reconnues dans le D.E.P. en mécanique automobile, par exemple, parce qu'évidemment on ne peut pas... On ne reconnaît pas uniquement l'expérience de la personne, on reconnaît ses compétences par rapport à une grille de compétences pour pouvoir lui émettre un diplôme. Parce qu'en fait la majorité des gens qui viennent en reconnaissance des acquis, c'est pour obtenir un diplôme, et, quand on obtient un diplôme par la reconnaissance des acquis, il est équivalent à un diplôme obtenu par la formation, c'est-à-dire que tous les modules... ou toutes les compétences que la personne détient correspondent à tous les modules ou toutes les compétences qui sont requises dans le diplôme, et c'est ça qu'on va évaluer.

Alors, on peut aller sur place, dans un garage, puis aller voir comment la personne agit, quelles compétences elle possède, à partir de grilles d'analyse, avec des enseignants, etc. C'est un processus assez complexe et assez long mais qui à mon avis est la clé, notamment pour les personnes justement qui arrivent de l'étranger mais qui ont un bagage professionnel qu'ils doivent faire valoir. C'est sûr que, nous, on ne se situe pas au niveau des ordres professionnels. Par contre, comme disait Mme la ministre, en parlant de reconnaissance des acquis et l'immigration, qui sont à l'ordre du jour, ce sont deux mandats aussi qui sont dans la politique de formation continue, la politique gouvernementale de formation continue et d'éducation des adultes. Donc, c'est... La problématique qu'on retrouve ici existe aussi dans le cadre de cette politique gouvernementale.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Saint-Hyacinthe, pour une question-réponse totalisant une minute.

M. Dion: Merci. Alors, ma question va donc être très brève pour vous donner le temps de répondre. C'est: Qu'est-ce qui se passe avec un enfant de huit ans qui arrive ici, qui ne connaît pas un mot de français mais qui se présente à l'école? Qu'est-ce que vous faites avec lui?

M. Messier (André): Alors, l'accueil est pris en charge bien sûr par l'école qui est désignée pour recevoir les enfants. Et on a décidé ensemble qu'il fallait permettre l'intégration de façon la plus rapide possible. Donc, il n'y a pas, à Saint-Hyacinthe, au niveau primaire, de classe d'accueil, de classe de francisation. L'élève est plutôt intégré avec un soutien qui lui permet d'aller chercher du vocabulaire de base, et ce qu'on constate après cinq ans, c'est un fort taux de succès de cette méthode. Alors, la direction de l'école, via des ressources, est en mesure d'entrer en relation avec les parents. Donc, on parle bien sûr de gens qui ne sont pas capables de s'exprimer en français, donc il y a des interprètes qui interviennent.

Au secondaire, on a fait un jumelage avec les enfants qui sont au programme d'éducation internationale qui parlent espagnol pour accompagner les élèves d'origine hispanophone. Donc, ça nous permet une meilleure, une plus rapide intégration.

Alors donc il y a une prise en charge qui est faite. Et une des difficultés à laquelle nous sommes confrontés, c'est lorsque l'enfant qui arrive au Québec et qui ne peut s'exprimer en français a aussi des difficultés d'apprentissage. Alors, ça nous demande un certain temps pour les dépister et les diagnostiquer, ces difficultés, compte tenu de la barrière de la langue. Alors, dès que ça est chose faite, on s'assure que les services adéquats sont donnés à l'enfant.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie la commission scolaire de Saint-Hyacinthe, et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 8)

 

(Reprise à 11 h 12)

Le Président (M. Turp): Nous reprenons nos travaux. Et je remercie les gens du Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec d'être des nôtres. Je crois comprendre, M. le secrétaire, qu'il y a un document complémentaire qui a été déposé et distribué à l'ensemble des membres de la commission. Alors, je vous invite donc à nous présenter votre mémoire et vos observations. Vous disposez de 15 minutes pour votre exposé, et votre exposé sera suivi d'une période de 30 minutes d'échange avec les membres de la commission. Nous vous écoutons.

Regroupement des centres d'amitié
autochtones du Québec inc. (RCAAQ)

Mme Cloutier (Édith): Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous et à toutes, et merci de nous donner cette opportunité de présenter notre mémoire. Je m'appelle Édith Cloutier, et je suis présidente du Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec, et je suis accompagnée de Josée Goulet, directrice générale du Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec, ainsi que Mme Lise Bastien, directrice générale du Conseil en éducation des premières nations du Québec, dont le document complémentaire vous a été remis.

Je vais laisser ma collègue Josée faire l'introduction, et ensuite je vais reprendre la parole pour six minutes, et je vais remettre les dernières sept minutes à ma collègue, Mme Bastien.

Mme Goulet (Josée): Alors, bonjour. Alors, le Regroupement des centres d'amitié autochtones s'est senti interpellé à participer aux consultations concernant la politique parce que la mission des centres d'amitié est directement interpellée quand on parle de rapprocher les peuples, lutter contre les préjugés.

Présentement, au Québec, on compte huit centres d'amitié autochtones à travers le Québec. La mission des centres d'amitié autochtones est d'améliorer les conditions de vie des autochtones qui composent en milieu urbain, de favoriser un rapprochement entre les peuples et de promouvoir la culture autochtone.

Au Québec, la population des premières nations s'élève à 68 738 personnes. De ce nombre, 25 400 habitent en milieu urbain. Alors, on peut facilement dire qu'entre le tiers et le quart des premières nations vivent en milieu urbain ou transitent via les centres urbains.

Le Regroupement des centres d'amitié autochtones a été reconnu par l'APNQL comme l'interlocuteur désigné sur les questions urbaines des autochtones au Québec, et c'est dans ce contexte qu'on s'est permis d'intervenir en commission parlementaire. L'APNQL est l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, c'est le gouvernement premières nations qu'on retrouve au Québec.

Mme Cloutier (Édith): Alors, le Regroupement des centres d'amitié autochtones salue la volonté du gouvernement du Québec de mettre en place une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Et, lorsque j'ai pris connaissance par les médias que le gouvernement avait cette intention, je me suis tout de suite sentie interpellée par une telle politique. Et, comme ma collègue vous le mentionnait, les centres d'amitié, on oeuvre dans les villes, et donc nous sommes confrontés au quotidien à cette réalité, et donc nous luttons avec persévérance contre toute forme de discrimination, racisme et préjugés à l'égard des autochtones.

Donc, quand on a pris connaissance du document en question, dans la synthèse de consultation ? et c'est sur cette base qu'on a quand même choisi de déposer un mémoire ici ? c'est que le constat qui est fait à la page 3 du document de la ministre Thériault, à la page 3, au deuxième paragraphe, on y lisait que les autochtones ne sont pas visés par le présent projet de politique, et je le cite: «En effet, bien qu'ils puissent être touchés, comme les personnes des communautés culturelles et des minorités visibles, par les préjugés et la discrimination et qu'ils puissent profiter de mesures mises en oeuvre dans le cadre de la politique, les solutions aux problématiques auxquelles ils sont confrontés doivent être envisagées dans une perspective plus large, qui déborde la présente consultation publique.»

Nous, sur cette base-là, on a quand même choisi de soumettre le mémoire que vous avez entre les mains, et en fait ce n'est pas pour critiquer cette position, mais c'est plutôt pour amener la commission sur le fait qu'il est vrai que les autochtones ont utilisé toutes les tribunes pour clarifier justement le contexte des premières nations, donc de faire en sorte qu'il y ait une distinction claire qui soit faite entre les réalités des premières nations du Québec et les communautés culturelles du Québec. Et on voit que le message a quand même été très, très bien compris. Toutefois, en termes... si je peux mettre cette réalité-là en contexte, il demeure que les relations entre les premières nations et les autorités gouvernementales, contrairement aux communautés culturelles, qui sont des gens issus de l'immigration, qui ont choisi de venir vivre ici, au niveau des premières nations, ce contexte-là diffère par le fait que nous sommes les premiers habitants de ce territoire. Évidemment, il y a un cadre juridique, législatif qui définit la vie des premières nations, par une loi fédérale, et évidemment tout l'impact que les politiques colonialistes ont eu sur les peuples autochtones vient évidemment teinter les relations qu'on a tant avec les citoyens québécois, québécoises qu'avec le gouvernement.

Ceci étant dit, nous considérons que quand même cette distinction-là, elle est bien comprise par le gouvernement du Québec. Par contre, dans une politique, qu'un gouvernement souhaite se doter, qui traite de la lutte contre le racisme et la discrimination, il nous appert important que cette politique tienne compte de la réalité des premières nations de ce territoire. Parce qu'on voit très bien, on est sur le terrain, moi, je travaille dans un centre d'amitié à tous les jours, et évidemment on est confrontés à cette réalité-là, et il y a des grandes barrières qui se dressent devant nous pour l'accès à l'emploi, l'accès à un logement, et donc ce sont quand même des barrières qu'on comprend que les membres issus des communautés culturelles peuvent vivre.

n(11 h 20)n

En fait, notre mémoire présentait cette réalité, et, comme je le disais tantôt, ce n'est pas pour s'opposer ou critiquer la politique mais plutôt pour aborder la réalité des premières nations. Être victime de racisme, autant pour un membre d'une communauté culturelle que pour les premières nations, il reste qu'il y a une blessure qui est là et qui vient toucher tout individu qui est marginalisé ou qui vit de la ségrégation dans une société. On considère en fait que les autochtones ne sont pas une minorité visible, nous sommes plutôt un peuple qui est invisible, et à cet égard-là ça vient donner une double ségrégation dans l'ensemble de notre vie.

Donc, ceci étant dit, une politique qui a pour objectif de susciter la réflexion ? et c'est tiré de votre document ? qui vise à susciter la réflexion sur les principaux problèmes liés au racisme et à la discrimination ainsi que sur les solutions susceptibles de les prévenir, eh bien, nous souhaitons y contribuer, et nous souhaitons y prendre part, et nous croyons que nous pouvons apporter des solutions concrètes. On sait que le racisme vient d'une méconnaissance de l'autre. Le récent sondage publié par l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, un sondage qui a été effectué et rendu public la semaine dernière, on peut comprendre pourquoi qu'il y a de la méfiance et parfois même du racisme vécu par les autochtones, c'est qu'on dit que trois Québécois sur quatre ne connaissent pas les autochtones.

Évidemment, nous espérons que le forum socioéconomique qui se tiendra à Mashteuiatshet qui réunira les autorités du gouvernement du Québec, du gouvernement fédéral et des premières nations va favoriser justement une meilleure connaissance de nos réalités et que ça pourra teinter l'opinion publique d'un point de vue favorable. Mais c'est évident qu'on n'est pas à l'abri. On regarde les grands titres du téléjournal hier: Quel était un des grands titres qui a attiré l'attention? Les problématiques liées à la gestion des fonds publics de Kanesatake. Comment ce type de nouvelles vient... est interprété par les Québécois et Québécoises qui sont devant le petit écran? Alors, c'est un défi quotidien, et nous sommes prêts... Nous le relevons à tous les jours, mais évidemment nous sommes prêts à collaborer. Et je reviendrai en conclusion, pour vous parler de nous. On a... je sais qu'on ne l'a pas dans le document, mais on a quand même trois propositions à vous faire, très brèves. Je vais laisser d'abord ma collègue Lise Bastien vous faire une présentation.

Mme Bastien (Lise): Merci beaucoup. Alors, mon nom est Lise Bastien. Je suis directrice du Conseil en éducation des premières nations. C'est un conseil qui existe depuis plus de 20 ans et qui a pour mandat de représenter 22 communautés dans les domaines, dossiers relatifs à l'éducation. Donc, mon point de vue est... Mon intervention, ce matin, va être particulièrement orientée vers l'éducation. J'adhère complètement à ce qu'Édith vient de présenter, et Josée. En fait, je ne veux pas répéter ce qu'elles ont dit, parce que nous croyons que tout ce qui a été présenté représente exactement notre point de vue.

Mais j'aimerais ici faire état peut-être de la responsabilité, notre responsabilité, mais la responsabilité aussi d'un gouvernement envers la méconnaissance. Alors, la méconnaissance, souvent les peuples se cachent derrière ce fait ou leur ignorance pour pouvoir perpétuer les préjudices et les préjugés envers les premières nations ou d'autres peuples. Alors, la méconnaissance se travaille, la méconnaissance doit cesser à partir du moment où on décide et on prend conscience que cette méconnaissance peut nuire à d'autres peuples.

Alors, ici, on interpelle bien entendu le gouvernement, et, moi, particulièrement le ministre de l'Éducation, pour faire en sorte que dans les institutions scolaires, où il y a bien entendu des immigrants et des minorités culturelles, mais il y a plusieurs premières nations... de nos jeunes qui fréquentent vos institutions... Et en fait ne pas avoir d'enseignement approprié pour des jeunes des premières nations relève du mépris et bien entendu de la marginalisation de ces groupes. Leur intégration est très, très difficile parce que les programmes sont très peu adaptés. Et on constate, bien qu'il y a eu des efforts, par exemple, quant à l'histoire des premières nations, on constate qu'on fige les premières nations dans le temps. D'abord, on les fige entre 1534 et quelque part à 1800, comme si les premières nations, après qu'elles aient délaissé leur costume de cuir, n'existaient plus. Et, malheureusement, les jeunes Québécois ont encore cette idée que pour être autochtone on doit nécessairement avoir encore les habitudes de vie qui existaient au XVIe et au XVIIe siècle, par exemple.

Alors, il y a vraiment beaucoup de travail à faire, et nos jeunes qui fréquentent les écoles, les institutions publiques ont un message très négatif à leur endroit. Alors, bon, ça, c'est une partie, mais il y a aussi l'éducation populaire. L'éducation populaire, Édith a mentionné, par exemple, hier les journaux... On entend toujours des faits qui sont répréhensibles envers les autochtones, et jamais on parle des réussites. Encore pire, je crois, c'est qu'on se cache derrière, aussi, on se cache derrière l'humour ou la liberté d'expression pour justifier des propos humiliants et méprisants, et l'impact que ça a sur nos jeunes générations, c'est effrayant. On travaille, nous, quotidiennement à essayer de faire en sorte que nos jeunes soient fiers d'être eux-mêmes, qu'ils soient fiers de leur identité et on essaie du mieux qu'on peut de transmettre un héritage culturel, mais à tous les jours ils entendent des propos diffamatoires, diffamatoires envers leur peuple.

Si on parle à des jeunes autochtones, bien peu vous diront qu'ils sont fiers de l'être, parce qu'à tous les jours ils sont confrontés, à la télévision ou dans les journaux ou à la radio, sur les mêmes bêtises répétées, je dirais, sans arrêt, inlassablement concernant le fait que nous sommes un peuple parasitaire, qui ne paie pas de taxes et d'impôt, qui ne paie pas son compte d'Hydro puis qui vendons des armes. Alors, c'est à peu près le seul message actuellement que nos jeunes entendent. Alors, je pense que nous sommes responsables en tant que premières nation, oui, mais aussi les gouvernements sont fortement interpellés à ne pas adhérer à cette coutume diffamatoire. Et, pour ce faire, il faut avoir une politique, une politique qui est forte, une politique qui dénonce ce fait et qui dit: c'est assez. C'est assez envers tout peuple minoritaire ou culturel, mais c'est assez envers les premières nations. Et nous allons travailler de concert pour améliorer la connaissance de nos deux peuples pour faire en sorte que nos enfants puis nos petits enfants ne répètent pas nos erreurs.

Le Président (M. Turp): Mme Bastien, je vous inviterais à conclure.

Mme Bastien (Lise): Alors, j'arrête. Parfait, merci.

Le Président (M. Turp): Merci. Un dernier mot très rapide.

Mme Cloutier (Édith): Tout simplement, en trois secondes, nos recommandations en fait, c'est qu'une politique portant sur la lutte contre le racisme et la discrimination ne peut pas faire abstraction des autochtones; deuxièmement, les trois grandes orientations de la politique nous apparaissent pertinentes, et, même, cette politique va avoir un complément qui tient compte de ce qui distingue spécifiquement, par la présentation qu'on a faite, qui distingue les premières nations, et d'avoir donc un volet à la politique et spécifique aux premières nations, et ce volet doit être réalisé en collaboration avec les premières nations du Québec; et enfin, évidemment, cette politique doit tenir compte absolument de ces réalités-là. Merci.

Le Président (M. Turp): Je vous remercie, toutes les trois, pour votre présentation et je cède la parole à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

n(11 h 30)n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mmes Cloutier, Goulet, Bastien, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée nationale. Je suis très heureuse de vous entendre ce matin.

Je tiens à vous dire d'entrée de jeu qu'évidemment ? parce que je suis la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles ? lorsque nous avons parlé de mettre sur pied cette consultation pour que le gouvernement se dote d'une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme, nous n'avons jamais voulu vous écarter.

La preuve, mon collègue est assis aujourd'hui avec moi, le ministre responsable des Affaires autochtones. Donc, il est évident que, puisque je ne portais pas les deux chapeaux et que nous avions des problématiques, moi, je l'ai apporté comme ministre responsable d'un dossier. Mais je dois vous dire que nombre de groupes sont venus en commission aussi nous parler et nous dire que c'était incroyable que les autochtones ne soient pas inclus. Je tiens à vous rassurer. Nous travaillons en collaboration avec mon collègue le ministre qui est responsable des Affaires autochtones. Et il est évident qu'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination devra toucher les autochtones. C'est un travail qui se fera en collaboration avec le secrétariat.

Bon. Nous sommes tous très conscients qu'il va y avoir aussi le forum à Mashteuiatsh, où il y aura des grandes questions qui seront débattues pour l'avenir des premières nations mais aussi pour le peuple québécois, donc il est évident que ce sont des questions qui seront possiblement abordées aussi lors de vos débats que vous aurez la semaine prochaine. Et j'entends très bien, je lis aussi la série de recommandations que vous nous avez faites, mais il est évident qu'on va devoir travailler avec le Secrétariat aux affaires autochtones.

Et, depuis le début, nous avons dit: C'est une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, et on sait très bien que, oui, il y a des communautés culturelles qui sont interpellées, des immigrants, mais qu'il y a aussi d'autres personnes qui le sont, comme les autochtones. Nous ne pouvions pas au départ vous mettre sur le même pied que des immigrants, évidemment, vous êtes les premières nations; donc, je pense que l'intention, elle était louable, aussi, parce que, bon, on parle de revendications aussi qui sont historiques, donc c'est pour ça que, pour nous, il nous apparaissait important de faire la différence, et c'est pour ça qu'on mentionnait dans le document qu'une véritable politique pour lutter contre la discrimination et le racisme va quand même avoir un effet sur vous, mais j'entends bien que vous voulez avoir des points précis. Vous avez fait une série de recommandations, il y en a huit, aussi.

Donc, sans plus tarder, avec le consentement de l'opposition, je pense que je passerais peut-être la parole à mon collègue, s'il a des questions à soulever pour vous directement. Avec le consentement.

Le Président (M. Turp): Ça va? Alors, M. le ministre responsable des Affaires autochtones, à vous la parole.

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président, et, à mon tour, bienvenue. Vu qu'on travaille beaucoup sur la préparation du forum, la semaine prochaine, à Mashteuiatsh, je vois Mme Cloutier et Mme Goulet et Mme Bastien souvent ces jours-ci. C'est fort agréable de travailler à notre forum. Et je veux juste ajouter ma voix à celle de ma collègue, il n'est pas question d'exclusion, mais beaucoup des sujets qui sont soulevés ici vont être soulevés au forum. Alors, dans la même saison, d'avoir un processus parallèle ? parce que je pense que c'est ça qui s'impose ? de consultation, de faire ça au même moment de la préparation du forum, je pense, serait compliqué, mais je m'engage, et le Secrétariat des affaires autochtones, que nous allons travailler pour s'assurer que le produit final reflète à la fois la réalité pour les communautés culturelles et l'immigration, qui est une réalité en soi, mais tout en reconnaissant que les peuples invisibles, il faut les rendre plus visibles, et c'est pour quoi le gouvernement a accepté l'invitation de l'Assemblée des premières nations et des Inuits d'organiser un forum d'envergure, la semaine prochaine, à Mashteuiatsh, dans lequel tout le monde est convoqué. J'ai parlé au nouveau chef de l'opposition pour s'assurer qu'il y a une place pour l'ensemble des parlementaires à ce forum, parce que c'est tellement important pour l'avenir.

Alors, peut-être, et je vais juste faire une pub pour les centres d'amitié autochtones: Si mes collègues voyagent au Québec, je vous invite d'aller à Val-d'Or et voir le centre d'amitié autochtone et le centre de la petite enfance à côté, parce que c'est formidable de voir: chaque chambre a les noms en français, en algonquin, en cri sur les murs. Alors, c'est vraiment un lieu où les cultures se rencontrent.

Et vous avez entièrement raison, c'est la méconnaissance souvent qui donne naissance à la méfiance. On ne connaît pas le voisin, on n'est pas trop sûr, ses habitudes sont différentes. Alors, trop souvent, dans cette méconnaissance, c'est là où on trouvait la méfiance.

Mais, moi, j'ai le meilleur poste au gouvernement, parce que j'ai l'occasion de voyager dans les communautés, et le peuple invisible devient de plus en plus visible. Et, moi, je pense à Natashquan, cet été, c'était la première édition de Innucadie, qui est la fête des racines innues de Natashquan mais également les liens avec l'Acadie. Alors, c'était un festival avec la musique, les légendes, les contes, et tout le reste. Alors, c'était formidable, le travail des artistes. Même, l'Union des municipalités du Québec qui a fait un travail important de créer un caucus des communautés avoisinantes des communautés autochtones pour trouver les moyens de le faire.

Alors, peut-être ma seule question, c'est: Après le forum, après qu'on va décompresser un petit peu, après, c'est quoi, le processus que le gouvernement peut adapter pour s'assurer que la politique finale reflète bien la réalité des premières nations au Québec?

Le Président (M. Turp): Décidez qui va répondre. Alors, Mme Bastien.

Mme Bastien (Lise Bastien): Il y a dans... Effectivement, le ministre Kelley mentionne qu'il y aura des actions d'entreprises, puis j'espère que ça va s'annoncer au prochain forum. En ce qui concerne l'éducation, les systèmes d'éducation, le MELS, il y aura une entente, et certainement qu'il y a des points qu'on pourra travailler, par exemple sur les programmes et les contenus.

Par contre, en ce qui concerne une politique plus large, encadrée, je sais que ce n'est pas facile, mais, par exemple, les médias ou ce qui sort des propos, là... en fait, jusqu'où on peut accepter des propos à l'endroit d'un autre peuple. On pense peut-être à un comité de travail où, avec les premières nations... Je pense que c'est très important qu'on soit inclus dans le processus. Alors, ce serait peut-être de cette façon-là qu'on pourrait articuler ça, ce que Édith...

M. Kelley: Et ça, on soulève des questions. Les médias, ça, c'est une question qui est très difficile parce qu'on vit dans une société ouverte et démocratique. Alors, parfois les gouvernements aimeraient que les médias portent plus d'attention sur nos bons coups que nos mauvais coups, mais on est dans une société libre et démocratique, il faut vivre avec. Mais je suis très conscient... Moi, je suis un député de la région de Montréal, et, quand je rencontre les chefs mohawks, par exemple, les Mohawks n'ont qu'une image dans la population québécoise, qui est liée à l'activité illégale de certains, mais un petit groupe dans ces communautés, mais la grande majorité des Mohawks sont des personnes qui travaillent, qui ont des familles, qui ont des liens. J'ai lu un livre cet été, M. le Président, sur la construction des gratte-ciel à New York, High Steel. Formidable! La tradition, depuis 100 ans, des Mohawks qui ont construit l'Empire State Building, le World Trade Center, et tout le reste, mais on parle moins de ça, mais ça fait partie de la réalité aussi. Alors, on a du travail à faire avec les médias, mais je suis très conscient et je veux le partager, que ce n'est pas toujours évident.

Le Président (M. Turp): Oui, madame.

Mme Cloutier (Édith): C'est... En fait, avant même que la politique soit adoptée, je crois qu'il faudra qu'on fasse un exercice, puis on offre notre expertise, nos connaissances à cet exercice-là. Alors, ça va nous faire plaisir d'y prendre part.

Le Président (M. Turp): Merci. D'ailleurs, M. le ministre, je vous rappelle qu'encore plus près d'ici il y a des autochtones qui ont contribué la à construction du pont de Québec, hein, et de plusieurs autres infrastructures.

Alors, je donne la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière de communautés culturelles et d'immigration, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous du Regroupement des centres d'amitié autochtones du Québec. Mmes Cloutier, Goulet et Bastien, bonjour. C'est extrêmement intéressant que vous soyez devant nous aujourd'hui, parce qu'en fait vous vous faites un peu le porte-voix de tous les autres groupes ou organismes ou institutions touchant les premières nations et les peuples autochtones, qui malheureusement, finalement, n'ont pas été conviés ou qui ne se sont pas sentis conviés ou invités à cette consultation, puisqu'ils étaient, dans le préambule de la consultation, à quelque part exclus. Donc, merci de nous avoir déposé ce mémoire et d'être ici, devant nous, parce que les propos que vous tenez sont fort intéressants. Et je suis... bien je suis heureuse que le ministre se soit joint à nous ce matin pour nous amener des éclaircissements relativement à la collaboration entre le ministère et puis le secrétariat. Je dois admettre que, quand même, il demeure certaines interrogations à savoir: Comment on va réussir à faire le lien entre les propositions qui pourront émaner, surtout du fait que les autres organismes ou groupes finalement ne seront pas venus ici, en commission, discuter du document?

Évidemment que, bon, les revendications historiques puis tout ce qui sera discuté la semaine prochaine, lors du forum, sont des choses extrêmement importantes, puis je pense que tout le monde sera d'accord pour dire que les revendications qui touchent les nations autochtones sont indépendantes et puis doivent être traitées de façon prioritaire et puis dans un dialogue précis et direct avec le gouvernement, mais ça n'empêche pas que dans d'autres secteurs ? ici, on parle, bon, de la discrimination et du racisme ? les peuples autochtones puissent amener leur voix, apporter leur contribution. Puis là, ici, on parle de la discrimination et du racisme, ce pourrait être la même chose dans une politique d'emploi ou dans une politique culturelle ou dans une politique environnementale, bref dans tous les aspects de la gouverne de l'État québécois.

n(11 h 40)n

Et donc, moi... Nous l'avons déjà mentionné lors de nos propos préliminaires, nous étions très, très, très déçus que d'entrée de jeu, comme vous l'avez si bien mentionné, les autochtones ne soient pas visés par le projet de politique. Et ce qui est d'autant plus étrange, c'est qu'on prend soin de mentionner que dans le fond les personnes autochtones seront touchées par les mêmes dynamiques, même si, bon, il peut y avoir des aspects différents.

Donc, je voulais... je voulais vous dire qu'on sera... Dans le fond, on va travailler en collaboration avec le gouvernement pour voir... Puis, est-ce qu'on convoquera d'une façon particulière, en commission particulière, les groupes pour qu'ils puissent intervenir sur le présent document? Je ne sais pas si on pourrait avoir des réponses là-dessus.

Mme Thériault: Je dirais à prime abord... Il ne faut pas oublier qu'il y a une consultation en ligne qui se déroule jusqu'à la fin de la commission parlementaire. Donc, n'importe quelle personne qui se sent interpellée, peu importe le groupe qu'elle fait partie, y compris les gens qui sont dans les premières nations ou dans les autres groupes autochtones, peuvent répondre aux questions, qui sont essentiellement les mêmes questions que le document, de toute façon.

Et, depuis le début ici, on a entendu aussi des groupes très neutres, comme la Commission des droits de la personne, qui parlaient des autochtones. Donc, il est évident qu'on va tenir compte des commentaires des autres groupes qu'on a entendus. Est-ce qu'on va prolonger? Votre question me surprend un peu, Mme la députée. Vous me demandiez dès le départ une politique tout de suite pour l'automne, avec un plan d'action, alors qu'il faut prendre le temps d'écouter les gens.

Puis, après ça, bien c'est bien évident qu'il faut faire le temps de faire la politique pour lutter, puis après ça il faut faire un plan d'action pour aller avec. Donc, si on rallonge le temps de commission, je pense que... Bon, on a déjà, si je ne me trompe pas, des audiences jusqu'au début du mois de novembre. Mais par contre je pense qu'il y aura certainement des discussions lors du forum aussi qui peuvent être transmises à mon collègue.

Puis, moi, je dois vous assurer, c'est une politique gouvernementale. Donc, il est évident qu'on travaille en étroite collaboration aussi avec mon collègue. Je pense que sa présence ici, aujourd'hui, le démontre. Et je pense que, s'il y a des observations qui peuvent être faites, peu importe que ce soit en commission, ça peut être tout fait par le site, aussi, de l'Assemblée nationale, puisque ce sont les mêmes questionnements qui peuvent se poser. Et nous avons toujours gardé une porte ouverte pour rencontrer les première nations.

Le Président (M. Turp): Merci, Mme la ministre. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Bon, bien, nous prenons acte des intentions. Mais bref nous suivrons les travaux du forum. Donc, peut-être qu'à cet égard-là vous aurez l'occasion d'amener une position... Bon, on a celle-ci, mais avec... en consensus avec les autres groupes.

Je vais laisser la parole à mes collègues qui ont des questions, puis je vais revenir.

Le Président (M. Turp): Je rappelle aux collègues qu'il reste une dizaine de minutes, n'est-ce pas, à peu près 10 minutes pour la suite des interventions de l'opposition officielle. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je pense qu'on peut aussi offrir notre collaboration. Ce n'est pas une journée ou deux de plus qui pourraient être consacrées spécifiquement aux premières nations qui mettraient en péril l'adoption rapide au plan d'action de la ministre. Je pense qu'on peut aussi prendre ce temps-là. Ce serait un minimum de respect pour les premières nations.

J'ai une petite question au niveau de votre présentation, celle que vous avez déposée ce matin concernant le système éducatif québécois. Vous avez bien exprimé toute la question de l'histoire enseignée et vous avez aussi mentionné qu'en fait les programmes étaient très peu adaptés. Qu'est-ce qu'il serait important de faire pour que les programmes soient mieux adaptés à la réalité des jeunes autochtones?

Mme Bastien (Lise): D'abord, je parle des programmes à tous les niveaux scolaires. Donc, certainement qu'on devra être, nous, interpellés pour donner notre point de vue sur l'ensemble des programmes, des contenus, mais aussi de la façon de faire. Et, par exemple, l'encadrement des jeunes, qui arrivent souvent d'un milieu totalement différent. Et aussi on pense au postsecondaire, où souvent c'est la pensée ou la philosophie occidentale, là, qui... c'est le paradigme occidental qui est encore prédominant, qui ne convient pas du tout à la plupart des premiers peuples. Donc, il faut revoir l'ensemble, là, des programmes et des contenus. Mais ça, c'est pour les programmes scolaires à l'endroit des premières nations, mais aussi les programmes scolaires à l'endroit des Québécois ou autres. On parle très peu des autochtones. On connaît beaucoup, en fait... Édith mentionnait, là, le dernier sondage. C'est quand même étonnant de voir des professionnels, avocats, médecins, qui ne sont pas capables de nommer les nations au Québec ou qui même, souvent, ont habité à moins de 100 km d'une communauté et n'y sont jamais allés. Alors, il y a quand même une lacune importante dans les programmes.

Les universités aussi ont des rôles à jouer. Moi, j'ai étudié en enseignement, le bac enseignement préscolaire et primaire, et il y avait un cours, c'était Le système scolaire québécois. Et, moi, ça ne répondait pas du tout à mon quotidien, parce que le système scolaire, chez nous, n'était pas du tout le système scolaire québécois. Alors, ça aurait été intéressant qu'on inclue dans ce cours ne serait-ce que trois heures sur le système des premières nations. Alors, c'est un exemple.

Mme Caron: Oui. M. le Président?

Le Président (M. Turp): Oui, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: J'aimerais que vous reveniez sur un des éléments que vous avez mentionnés tantôt, au niveau du secondaire. J'aimerais que vous élaboriez davantage au niveau des conceptions différentes, s'il vous plaît.

Mme Bastien (Lise): On parle de conceptions ou peut-être de contenus. Il y a des contenus qui ne sont pas signifiants. Si on parle d'une fin de semaine en famille sur le yacht, pour la plupart des premières nations, ce n'est pas vraiment signifiant. Ou, si on parle, par exemple, de... en fait d'un contexte qui ne lui parle pas, c'est très difficile d'accrocher ou d'intéresser l'enfant. Et ça, là, il faut revoir ça dans l'ensemble. Mais c'est sûr qu'une école provinciale, c'est d'abord et avant tout une école québécoise, et elle doit faire en sorte que les jeunes qui fréquentent cette école-là ne soient... qu'on reconnaisse la différence. Et, vous savez, un cours sur la citoyenneté, à un moment donné, on s'est demandé: C'est-u un cours de propagande, là, tu sais, pour devenir un bon Québécois? Et ça, il faut être prudent.

Et, nous, on voudrait tout simplement revoir ça et aussi les services qui sont donnés, par exemple en encadrement, aux jeunes des premières nations pour favoriser, là... Et là l'intégration ? je ne sais pas si je l'ai mentionné tout à l'heure ? ce n'est certainement pas... Vous savez, vous parlez, dans une politique pour les minorités culturelles, d'intégration, et ce n'est certainement pas de ça qu'on va parler, nous, d'intégration.

Mme Caron: Non, sûrement pas. J'aimerais... Il me reste-tu...

Le Président (M. Turp): Trois minutes, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Trois minutes? Ah! Je sais qu'il y avait mon collègue qui avait une question, ça fait que je pense que je vais lui laisser.

Le Président (M. Turp): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Dion: Merci beaucoup, M. le Président. Merci, chère collègue, d'avoir une petite pensée pour votre voisin. Merci beaucoup, mesdames, d'être là. C'est extrêmement intéressant que vous ayez choisi de venir malgré que le contexte n'était pas nécessairement fait de telle sorte que vous vous y sentiez pleinement intégrées ou... Et je ne le dis pas dans une attitude de critique, loin de là, parce que je comprends aussi pourquoi on a positionné différemment la problématique, parce que, vu du point de vue de 5 000 ans d'existence en Amérique, nous, on n'a pas 500 ans, donc les immigrants, je ne sais pas qui ils sont, hein? Vous auriez peut-être votre opinion là-dessus. Alors, c'est pour ça que c'est vraiment une problématique tout à fait différente. Donc, ce n'est pas du tout un jugement et ce n'est pas négatif, ce que je viens de dire.

Et, dans ce contexte-là... Parce qu'il y aura très peu de temps, donc je veux que vous ayez le temps de parler. Dans ce contexte-là, je pense qu'il y a une chose qui fait gravement défaut dans notre système, dans notre pensée, chez les Québécois francophones, je dirais, de souche européenne, c'est le manque de connaissance de la richesse de la culture autochtone, et de ce qu'elle nous a donné, et de l'influence qu'elle a eue sur nous, hein? Nous, nous sommes d'origine française, nous ne sommes pas des Français. Et je pense que la culture autochtone a marqué profondément notre culture, et ça, on en est ignorant, je pense, du point de vue des faits objectifs.

Il y a eu une magnifique anthologie, L'indien généreux, que vous connaissez, qui a été écrite par M. Vaugeois, qui était ministre sous M. René Lévesque, qui nous donne une petite approche du point de vue extérieur, mais on ne connaît pas toute cette culture-là, et je pense que ça manque beaucoup dans notre système d'éducation. Je ne sais pas comment il faut faire ça, mais il faut le faire avant... si on veut se connaître, et pouvoir se respecter, et avoir de l'estime, il faut connaître cette richesse-là.

n(11 h 50)n

Le Président (M. Turp): ...commenter rapidement ce commentaire de notre collègue, une minute.

Mme Cloutier (Édith): Je vous donne entièrement raison là-dessus. Et complémentaire au système d'éducation. Il y a des organisations, comme les centres d'amitié autochtones, qui travaillent dans des municipalités ou des villes où justement se côtoient quotidiennement autochtones et non-autochtones, et nous offrons des opportunités de rencontre et d'échange sur une base quotidienne, et je crois qu'on a intérêt à mettre en valeur ces rendez-vous qu'on a dans nos milieux respectifs. Et j'aimerais justement revenir sur les commentaires de Mme la députée sur la nécessité d'entendre davantage les premières nations là-dessus, et j'ai compris qu'il pourrait y avoir une ouverture à cet effet, et qu'effectivement il y aura nécessité, puis on le voit. Les premières nations sont actuellement mobilisées autour du forum socioéconomique, et je crois qu'effectivement ce ne sera pas quelque chose de très compliqué à mobiliser, les premières nations, autour d'une séance qui permettrait qu'on puisse justement mettre cette réalité-là en perspective, et je vous remercie de le souligner.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci, Mme Cloutier. Alors, pour une dernière série d'échanges, quatre minutes trente, je donne la parole à la ministre.

Mme Thériault: Oui. Dans votre mémoire, à la page 8 et 9, votre mémoire suggère que vous souhaitez participer aux ententes de régionalisation de l'immigration qu'on fait avec les conférences régionales des élus. Est-ce que vous voulez participer à ces ententes-là spécifiquement ou si vous aimeriez avoir des ententes qui portent sur un objet différent mais bâties sur le même modèle des ententes qu'on fait déjà dans les régions?

Mme Goulet (Josée): En fait, je pourrais répondre à la question. C'est qu'on a cité les ententes de régionalisation, dans le mémoire, comme un exemple qui pourrait facilement être adaptable à un autre niveau, comme le réseau des centres d'amitié autochtones au Québec, et on l'avait mis comme pour donner un exemple pour que ce soit plus concret, pour peut-être susciter un questionnement ou un intérêt pour faire un comparable en milieu autochtone.

Mme Thériault: Et, puisque les autochtones sont présents dans beaucoup de régions au Québec évidemment, je pense notamment à la région de l'Abitibi, la région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, vous savez que, là, c'est des ententes de régionalisation qui sont faites, on parle de montants d'argent assez considérables aussi, où il y a plusieurs partenaires qui sont alentour de la table, que ce soit Emploi-Québec, le ministère de l'Immigration, la conférence régionale des élus, différentes villes, différents ministères, différents organismes, groupes communautaires aussi, mais je pense que, lorsqu'on parle de rapprochement interculturel pour contrer la discrimination et le racisme notamment, que ce soit fait avec les autochtones, que ce soit fait avec les différentes communautés culturelles immigrantes ou la société québécoise comme telle, je pense qu'il y a peut-être possibilité de porter une attention particulière dans les ententes de régionalisation qu'on fait dans les secteurs où particulièrement il y a une présence autochtone assez forte. Parce que je dois vous dire que, lorsque j'ai fait la tournée de sensibilisation, notamment en Abitibi et au Saguenay?Lac-Saint-Jean, la question autochtone a été abordée évidemment, puisque c'est la réalité quotidienne là-bas aussi. Donc...

Mme Cloutier (Édith): En fait, on voit qu'il y a effectivement des outils qui existent. On croit qu'il pourrait y avoir des outils qui permettraient justement de mettre en valeur toute la question de concertation, mais aussi c'est que, les centres d'amitié, actuellement on est en train de travailler aussi, à travers le forum socioéconomique, à créer des liens avec la société civile, des liens très concrets. Comme, par exemple, la CSN. On a eu un échange avec la CSN sur la question d'avoir une entente de relations ou d'amitié qui permettrait aux centrales syndicales des régions de s'associer à des initiatives avec les centres d'amitié autochtones du Québec, qui permettrait justement de favoriser le rapprochement et donc évidemment de briser les barrières à l'emploi. Il y a des activités qui se font. Comme, à Val-d'Or, on fait la marche pour l'élimination de la discrimination raciale annuellement, et donc les centrales syndicales se joindraient à nous sur cette base-là. Donc ça, c'est un élément. On a fait une présentation devant l'Union des municipalités du Québec. Vous parliez du Caucus des villes voisines des premières nations; le regroupement, nous avons rencontré ce caucus pour faire connaître ce qu'on fait et de proposer de s'associer ensemble justement à favoriser le rapprochement et créer des occasions de se parler et d'échanger.

Le Président (M. Turp): Il vous reste 30 secondes, Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci d'avoir été avec nous aujourd'hui. Vous pouvez être assurés qu'on va prendre en compte vos remarques que vous nous avez faites. Évidemment, dans une politique qui veut s'attaquer au fléau du racisme et de la discrimination, les autochtones sont évidemment interpellés. Merci.

Le Président (M. Turp): Alors, Mmes Goulet, Bastien et Cloutier, merci beaucoup pour votre exposé, votre mémoire. Je suspends les travaux pour quelques minutes. J'invite les représentants des carrefours jeunesse à bien vouloir venir prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 56)

 

(Reprise à 11 h 59)

Le Président (M. Turp): La commission reprend ses travaux, et nous avons le plaisir de recevoir les carrefours jeunesse-emploi. M. Houdeib, je vous inviterais à vous identifier et je vous rappelle que vous disposez d'une période de 15 minutes pour votre exposé. Nous vous écoutons.

Carrefours jeunesse-emploi de Côte-des-Neiges,
de Bourassa-Sauvé et de Saint-Laurent et
Regroupement des organismes du Montréal
ethnique pour le logement (CJE de Côte-des-Neiges,
de Bourassa-Sauvé et de Saint-Laurent et ROMEL)

M. Houdeib (Mazen): Merci, M. le Président. Bon, mon nom, c'est Mazen Houdeib. Je suis le vice-président du Carrefour jeunesse-emploi de Côte-des-Neiges et en même temps je dirige le ROMEL, qui est cosignataire du mémoire présenté à la commission.

n(12 heures)n

Les carrefours jeunesse-emploi qui signent, qui ont signé le mémoire, c'est celui de Bourassa-Sauvé, de Montréal-Nord, le Carrefour jeunesse-emploi de Côte-des-Neiges et le Carrefour jeunesse-emploi de Saint-Laurent. Alors là, on est devant trois carrefours qui accumulent à peu près au-delà de 35 ans d'expérience dans leurs domaines respectifs. Les carrefours jeunesse-emploi sont des organismes incorporés qui ont pour mission d'offrir des services aux jeunes de 16 à 35 ans dans tout ce qui touche l'orientation scolaire, l'intégration à l'emploi et, pour certains, des projets spécifiques, dans les quartiers auprès des jeunes défavorisés.

Quant au ROMEL, qui est cosignataire du mémoire... Le ROMEL, c'est le Regroupement des organismes du Montréal ethnique pour le logement, qui existe aussi déjà depuis 20 ans et qui vient en aide aux membres, généralement aux membres des communautés culturelles et des communautés ethniques, en tout ce qui touche la question de l'habitation et du logement. Alors, le ROMEL offre des services au niveau de la sensibilisation, au niveau de l'information et au niveau de l'implantation de projets communautaires de type coopérative d'habitation et des OBNL d'habitation.

On peut se demander pourquoi les carrefours et le ROMEL présentent un mémoire conjoint, alors qu'un travaille dans l'emploi et l'autre dans l'habitation. En fait, la lutte contre le racisme et la discrimination est considérée pour nous comme un enjeu social majeur, ce qui nous interpelle à joindre nos forces pour contribuer à l'élaboration d'une politique dans ce sens.

Le deuxième point, c'est que le racisme et la discrimination, au Québec, se font surtout par des comportements et des pratiques implicites et inavouées, d'où l'importance de faire front commun pour pouvoir démystifier toute cette situation et avancer des solutions.

Un troisième point de convergence entre les deux organisations, c'est que les jeunes et les nouveaux arrivants en fait vivent la même vulnérabilité en ce qui concerne leur désir de relever un défi pour un futur meilleur, et, dans ce sens-là, ils font face aux mêmes types de discrimination. Finalement, les ménages de nouveaux arrivants, il ne faut pas oublier... Parce que, lorsqu'on parle de jeunes ou des ménages, les ménages des nouveaux arrivants comportent beaucoup de jeunes qui vivent les difficultés des jeunes du pays. Ça, c'est le pourquoi on est ensemble dans le même mémoire.

Par rapport au mémoire, il y a beaucoup de détails et un exposé. Nous, on est arrivés à vous proposer des recommandations par rapport à la nouvelle politique contre la discrimination et le racisme. Il est nécessaire d'agir contre les pratiques discriminatoires, mais pas seulement d'agir contre ces pratiques, il est nécessaire de trouver le moyen de contrer les effets pervers de cette situation-là et trouver les moyens de les corriger. Dans ce sens, les carrefours jeunesse-emploi signataires de ce mémoire et le ROMEL appuient le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et le gouvernement du Québec dans leur volonté pour une nouvelle politique gouvernementale de la lutte contre le racisme et la discrimination.

Pour arriver aux recommandations, on a pris trois orientations du projet. La première, c'est l'orientation de renouveler... sous le titre de Renouveler nos pratiques et nos institutions. Alors, dans ce sens, nous proposons, à ce chapitre-là, cinq recommandations. Les cinq recommandations portent sur ce qui suit: premièrement, la juste représentativité des minorités visibles dans la fonction publique; le deuxième, c'est l'obligation de mettre en oeuvre des mesures de suivi; le troisième, c'est la révision de la politique d'obligation contractuelle existante; et finalement sur le développement d'un programme innovateur pour faciliter l'accès à l'emploi des minorités visibles.

En ce qui a trait à la deuxième orientation, qui est de Reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, nous proposons deux recommandations, une qui porte sur la nécessité d'augmenter les ressources et les effectifs du gouvernement ou des organisations gouvernementales dans la lutte contre le racisme et la discrimination et la nécessité de faire de la sensibilisation auprès des entreprises.

En ce qui concerne la troisième orientation, qui est Coordonner les efforts, alors nous proposons encore ici deux recommandations, une qui porte sur l'obligation de faire des bilans annuels publics et l'obligation d'évaluer systématiquement ce qui se fait en matière de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le Président, là, moi, j'ai terminé mon exposé, bref exposé, et je suis prêt à répondre aux questions.

Le Président (M. Turp): Bien, formidable, parce qu'on aura plus de temps pour échanger avec la ministre et ses collègues et les représentants de l'opposition officielle. Alors, je donne la parole à la ministre.

Mme Thériault: Merci. Merci, M. Houdeib, d'être avec nous ce matin. Évidement, bon, les carrefours jeunesse-emploi jouent un rôle assez important, surtout dans le secteur Côte-des-Neiges, Saint-Laurent et Bourassa-Sauvé, qui couvre le secteur de Montréal-Nord évidemment, où on sait qu'il y a une concentration des différents groupes de communautés culturelles. Et je suis convaincue que l'expertise qui est développée dans les carrefours jeunesse-emploi... Parce que, même dans mon propre carrefour jeunesse-emploi, à Anjou, on a vu une augmentation de la clientèle qui est issue de l'immigration. Donc, je suis avec beaucoup d'attention les travaux qui sont réalisés dans les carrefours jeunesse-emploi, notamment lorsqu'il y a le rapport général aussi qui est fait, avec les projets novateurs qui ont été déposés par chacun des carrefours jeunesse-emploi, pour voir de quelle façon les carrefours jeunesse-emploi portent une attention particulière aux jeunes qui sont issus des communautés culturelles qui peuvent vivre des situations particulières, définitivement.

Donc, dans votre mémoire, vous faites quelques recommandations. Vous recommandez notamment que le gouvernement mette sur pied un programme de stages en emploi pour les membres des minorités visibles et vous suggérez, entre autres, qu'il soit créé plus de 10 000 stages. Je me demandais quels seraient les objectifs de ce programme, pour commencer, quel ministère ou organisme gouvernemental pourrait en être responsable. Est-ce que vous le voyez seulement qu'à Montréal métropolitain? Est-ce que vous voyez ça partout au Québec? Si oui, sur quelles bases de représentativité, finalement, étant donné qu'à Montréal... dans le Montréal métropolitain, si on prend le 450, 514, c'est peut-être 80 % de l'immigration, 82 % de l'immigration?

M. Houdeib (Mazen): Je vais essayer de dire ça très brièvement. J'essaie de... En fait, si on regarde le contexte du marché de l'emploi, il y a... pour nous, il y a comme des défis à court terme à relever et en même temps il y a des défis à plus long terme.

À plus long terme, une politique du gouvernement contre le racisme doit, entre autres, aider à changer les attitudes et les habitudes, à long terme. Actuellement, il y a beaucoup de préjugés sur le marché de l'emploi vis-à-vis les jeunes, les minorités visibles et les nouveaux arrivants. Alors, d'une part, à long terme, il faut travailler sur le changement de ces attitudes des entreprises ou des employeurs potentiels. Mais, d'autre part, à court terme, il faut un peu, dans un sens, forcer la note, forcer la note dans le sens où, lorsqu'on parle de stage, qu'on offre à des organismes...

C'est en fait utiliser des programmes du gouvernement existants. Vous savez sans doute que depuis longtemps il existe des programmes au sein du ministère de la Sécurité du revenu, comme des programmes PAIE, à un moment donné, des programmes EXTRA, etc., qui n'ont pas nécessairement mis l'accent sur l'obligation d'un stage qui est dans le même, si vous voulez, la même expérience et éducation de la personne concernée. C'est plutôt de l'argent, peu importe qu'est-ce que la personne fait au sein d'un organisme ou d'une entreprise.

n(12 h 10)n

Ce que nous proposons ici, c'est d'utiliser, d'utiliser peut-être les mêmes idées mais tout en orientant les nouveaux arrivants ou les jeunes des minorités visibles vers des stages qui reflètent vraiment leur éducation, leurs intérêts à long terme, et ainsi de suite.

Alors, les ministères... Moi, je dis: Bien sûr, le ministère de l'Immigration a un rôle à jouer là-dedans, parce qu'il y a l'accueil et puis il y a la question d'intégration des gens, et puis il y a le ministère de l'Emploi, le ministère de la Sécurité du revenu qui peut aussi jouer un rôle là-dedans. On n'est pas allés dans des détails, sauf qu'on a présenté des exemples, comme, dans le début des années quatre-vingt, il y a eu comme un projet qu'on a appelé Corvée-Habitation, que le gouvernement a lancé et qui visait à mettre sur pied ou à bâtir des milliers d'habitations pour favoriser la création d'emplois, etc. Nous, aujourd'hui, à l'instar de qu'est-ce qu'on a sur la table aujourd'hui, nous pensons qu'on a besoin de faire une corvée 10 000 stages pour faire deux choses: premièrement, donner l'opportunité aux gens des minorités visibles à s'intégrer sur le marché de l'emploi et, deuxièmement, donner l'opportunité aux entreprises québécoises de découvrir des talents et des compétences qui peuvent pratiquement les servir dans leurs affaires.

Mme Thériault: Pourquoi vous suggérez des stages et non pas un programme d'employabilité? Puis je vous pose la question, là, parce que je vais vous donner quelques petites données sur PRIIME, O.K., qui est un programme de subvention salariale qui toutefois n'est pas pour un stage. C'est un programme de six mois où il y a différents volets aussi pour l'accompagnement en entreprise, pour permettre soit aux nouveaux arrivants ou aux membres des minorités visibles d'acquérir une première expérience de marché du travail en sol québécois, O.K., dans leur domaine de compétence, en plus. O.K.? Sur la première année, les statistiques, il y a à peu près 600 personnes qui ont participé au programme, donc en occupant un emploi permanent, de manière permanente, et, sur ces 600 personnes là, présentement, là, sur 264 dossiers de fermés, O.K., donc après la participation, donc après le six mois à la subvention salariale, relancées 12 semaines après, donc trois mois après, nous avons fait des vérifications pour voir combien de personnes étaient encore en emploi. O.K., sur les 264, j'en ai 190 qui sont en emploi ? on parle de 72 % ? 15 qui sont sans emploi, donc 5,7 %, puis 59 qui sont non rejoints; bon, on parle de 22 %. Ça ne veut pas nécessairement dire qu'ils ne sont pas en emploi. On peut présumer, parce qu'on ne peut pas les rejoindre, qu'ils travaillent, évidemment. Donc, dans les faits, ça fait entre 72 à 94 % de taux de participation qui est toujours en emploi après la subvention salariale.

Mais ce n'est pas un stage, c'est pour des emplois. Puis là je me dis: Compte tenu du fait que présentement on annonce des perspectives économiques, d'ici 2009, 680 000 emplois à combler dans toutes les régions du Québec, Montréal et tout partout, bien il est évident que: pourquoi faire des stages quand on pourrait créer des emplois directs, d'autant plus qu'on a besoin de combler des postes?

M. Houdeib (Mazen): Oui. En fait, l'un n'élimine pas l'autre. Ça veut dire: le programme PRIIME, juste regarder les chiffres et le fonctionnement, oui, il est intéressant dans ce sens-là et il donne des résultats, sauf que, nous, on doit regarder aussi surtout les jeunes des minorités visibles et des gens qui ont besoin d'acquérir une première expérience. Parce que les entreprises actuellement ne peuvent pas, par exemple... Moi, si je prends les chiffres dans les carrefours, qu'on rencontre des gens, des milliers de personnes, des jeunes de 16 à 35 ans qui ont besoin de s'orienter, qui ont besoin d'emplois, etc., les entreprises aujourd'hui ne peuvent pas créer tous ces emplois à court terme, tout de suite. Mais par contre ces personnes-là, si on les prépare pour le marché de l'emploi d'une façon adéquate, je dis ? ça veut dire, nous, on propose des stages ? qu'on trouve que c'est la façon adéquate aussi, sans avoir l'obligation, peut-être dans ce sens-là, sur l'employeur de les embaucher tout de suite s'il n'a pas besoin d'employés.

Parce qu'il y a des entreprises aujourd'hui qui peuvent offrir beaucoup d'expérience aux gens mais qui n'ont pas besoin nécessairement d'employés dans l'immédiat. Alors, qu'est-ce qu'on fait avec, par exemple, ces entreprises? Comment est-ce qu'on les implique dans le processus de lutte contre la discrimination au niveau de l'emploi? D'où notre proposition. L'un n'élimine pas l'autre. Il y a un projet, un programme pour créer de l'emploi, ça, c'est correct, on ne discute pas là-dessus, c'est correct. Mais il faut aussi donner une... Moi, je peux vous donner un exemple. Même les nouveaux arrivants, ils sont confrontés toujours à de la discrimination, disons, plus ou moins camouflée, en disant: Vous n'avez pas de l'expérience canadienne, par exemple, sur le marché de l'emploi.

Alors ça, même si... Moi, j'ai traité avec le ministère dans le programme PRIIME auparavant: Lorsqu'un employeur ne sent pas que... ou bien il a le choix entre quelqu'un qui peut avoir de l'expérience et quelqu'un qui n'a aucune expérience, il va choisir le premier. Alors, ce qui fait qu'on va rester un peu dans une sorte de cercle vicieux par rapport à beaucoup de personnes. En mettant sur pied un programme de stages, ça, ça va ouvrir la porte et pour les entreprises et pour les personnes concernées à se découvrir mutuellement, et ça peut aider à long terme, selon notre compréhension, à la lutte contre le racisme et les préjugés, et ça va créer une ambiance d'échange qui peut être un peu plus différente de qu'est-ce qui se passe actuellement.

Le Président (M. Turp): Environ deux minutes, Mme la ministre.

Mme Thériault: Bien, oui, pour deux minutes, petite question. Puisque c'est carrefours jeunesse-emploi et que vous travaillez beaucoup avec les jeunes, est-ce que les jeunes vous ont rapporté des situations de racisme, par rapport au curriculum vitae qu'ils envoient dans les entreprises? Est-ce que vous avez vécu ça? Puis, est-ce que vous croyez que, dans les curriculum vitae, il y a des données qui font que les gens font de la discrimination sur papier?

M. Houdeib (Mazen): Effectivement, je n'ai pas apporté avec moi, malheureusement, des documents là-dessus, mais il y a eu beaucoup ? je pense que même d'autres personnes l'ont cité comme exemple à plusieurs reprises ? ...que, même, il y a eu des gens qui... il suffisait pour eux de changer le nom sur le C.V. pour être acceptés, alors que, s'ils mettent leur nom d'origine et qui est clairement quelqu'un, par exemple, qui vient d'ailleurs, il n'est même pas appelé pour une entrevue.

Je peux vous dire plus que ça. On parle de l'emploi, mais j'aimerais toujours faire le parallèle aussi avec les nouveaux arrivants dans la question de l'habitation, c'est la même affaire. Nous, on travaille là-dedans, et puis il y a des gens qui sont refusés juste par leur nom, et, lorsqu'on utilise quelqu'un qui travaille avec nous qui n'est pas d'origine peut-être ethnique ou de minorité visible, le propriétaire, il est plus ouvert, malgré le fait qu'on parlait toujours de la même personne.

Moi, j'aimerais juste faire le parallèle. Les jeunes de 16 à 35 ans, ils vivent dans leur vie comme un momentum, ils ont besoin de s'affirmer, ils ont besoin de bâtir un futur, etc., qui est très identique aux nouveaux arrivants. Quelqu'un qui arrive ici, il est plein d'espoir, plein d'enthousiasme, tout ce que vous voulez, et, à un moment donné, lorsqu'il commence à se confronter à toutes sortes de situations, il commence à se décourager, et là ça l'empêche et ça nous empêche de l'intégrer convenablement.

Alors, oui, il y a beaucoup de situations. Moi, personnellement même, j'ai eu des appels téléphoniques de personnes qui me disent: Ne m'envoie pas des Noirs, par exemple. Carrément. C'est des gens peut-être malveillants, mais il y en a d'autres qui sont un peu plus «politically correct», comme on dit, ils ne le disent pas. Mais on a vécu beaucoup de situations. Malheureusement, je n'ai pas de document là-dessus, mais c'est un fait.

n(12 h 20)n

Le Président (M. Turp): Voilà. Bien, je vous remercie et je donne la parole, pour un dernier bloc, là, d'échange avec la porte-parole de l'opposition officielle, pour 12 minutes. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Houdeib, bonjour. Bienvenue ici, à l'Assemblée nationale, chez vous, donc au nom de tous les carrefours que vous représentez aussi, en tout cas, votre expertise, puis le ROMEL, que je connais également. Merci de cette présentation puis des échanges et des propositions que vous nous apportez. Vous avez un mémoire bien détaillé puis aussi vous rappelez, bon, l'expertise puis des succès des différents carrefours. Donc, il y a des expériences qui ont bien fonctionné, bon, par exemple, Visa pour l'emploi, Québec pluriel, Zoom au pluriel, les tables de concertation, bref, puis vous faites également, vous revenez aussi sur ce qui s'est fait par le passé, là, vous partez de 1980. Donc, bref, un document bien documenté. Je me répète.

Donc, bon, l'emploi, bien vous avez une expertise en termes d'habitation, mais dans le mémoire vous traitez davantage de l'emploi. Votre corvée 10 000 stages ou encore, pour ma part, subventions, le programme PRIIME, qui permet des subventions salariales, c'est aussi intéressant dans le fond, ça permet ? les stages, c'est un peu ça aussi, c'est que ça permet ? une première expérience de travail. Les stages, habituellement, c'est le vocable qu'on utilise plus pour les jeunes, tandis que les subventions salariales, bon, s'adressent à tout le monde. Et donc je peux comprendre que, puisque les carrefours jeunesse s'adressent principalement à une clientèle jeune, c'est peut-être aussi pour ça que le stage en tant que tel correspond peut-être plus à des attentes pour vos clientèles.

Ceci étant, je pense que c'est... en tout cas, c'est une piste intéressante à développer, et je pense qu'on devra s'en souvenir. Parce que c'est vrai que faire, bon, annoncer, par exemple, une corvée, bon, il y a eu l'habitation, mais annoncer, par exemple, une corvée de 10 000 stages ou 10 000 emplois, ça donne un signal, que ce soit aux jeunes ou, bon, aux plus vieux, parce que, bon, ça pourrait s'adresser aussi à des gens qui sont ici et qui ont 40, 50 ans et qui viennent d'immigrer puis qui ont de la difficulté à insérer le marché de l'emploi, et ça envoie un signal positif.

Ce que je remarque puis ce qu'on nous a dit beaucoup, c'est que les gens ont de la difficulté à se retrouver à travers les programmes. Les noms changent, également, il y a aussi certains critères qui se modifient d'année en année; c'est normal, parce que, bon, il faut actualiser les programmes. Mais je vous dirais que, même moi, pour ma part, c'est compliqué, saisir la portée et l'ampleur de tous les programmes dans tout. Bon, Emploi-Québec gère les programmes qui s'adressent aux personnes immigrantes ou minorités visibles, mais il y a aussi des programmes qui s'adressent aux jeunes, il y en a d'autres qui s'adressent à des raccrocheurs, il y en a d'autres qui s'adressent, bon... Donc, ça devient complexe. Et envoyer un signal en ce sens-là, ça permettrait aussi de faire une campagne de publicité à la télévision qui ferait la promotion aussi auprès des entreprises, parce que c'est ça aussi. Le programme PRIIME, par exemple, on pourrait, tu sais, il y a des entreprises qui ne sont même pas au fait qu'ils pourraient pouvoir engager des gens.

Donc, à votre avis, de ce que vous... de votre pratique, bien il y a deux aspects. Je me demandais comment vous faites pour recruter les jeunes. Donc, c'est sûr qu'il y a tout le milieu scolaire qui est un bassin propice à aller chercher des jeunes lorsqu'ils finissent leurs études, mais il y a aussi tous les autres qui sont plus isolés, qui ont parfois décroché. Bon, les organismes communautaires travaillent fort, mais comment, vous, l'expertise des carrefours à cet égard-là s'insère dans ça?

M. Houdeib (Mazen): En fait, chaque carrefour, vous savez, il y a la mission principale, qui est déterminée par les subventions qui viennent du gouvernement, et puis il y a des projets spéciaux et des initiatives que chaque carrefour peut prendre. Je ne peux pas peut-être me prononcer sur le carrefour de Montréal-Nord. Je peux plus parler du carrefour Côte-des-Neiges parce que je le connais de plus près.

On a lancé des initiatives avec des groupes du quartier. On fait, si je réponds à la question de recrutement, on fait du recrutement dans la rue, dans les quartiers. On a des intervenants qui vont sur la route pour accrocher des jeunes, parler avec eux, les inviter au carrefour, discuter avec eux qu'est-ce qu'ils font, qu'est-ce qu'ils veulent faire, etc. Ça, c'est au niveau de l'orientation.

Les carrefours, aussi ils font de la publicité. Ça veut dire, on utilise les médias communautaires puis des forums pour annoncer. Il y a, à plusieurs reprises, par exemple, à l'Université de Montréal, ou peu importe, il y a le Salon de l'emploi, ou etc., on est toujours présents avec un kiosque avec des dépliants et on essaie d'intéresser les gens à venir nous voir au carrefour et discuter et essayer de voir comment est-ce qu'on peut leur offrir des services. Alors, on fait le recrutement, disons, de plusieurs façons et on essaie d'être créatifs pour pouvoir offrir nos services au plus grand nombre de jeunes du quartier.

Mme Lefebvre: Puis, les expériences, tout à l'heure la ministre nous faisait état des succès, finalement, de certains succès de gens qui se maintiennent en emploi. De votre expérience à vous, qu'est-ce qui favorise la rétention, en quelque part, que, bon, le parcours, l'insertion en emploi se poursuit suite à la fin d'un programme gouvernemental, d'une subvention ou d'une entente?

M. Houdeib (Mazen): Moi, je pense que la raison principale, c'est une raison personnelle et humaine, parce que la personne... le jeune qui est en difficulté, qui ne sait pas quoi pas faire, qu'est-ce qu'il va faire, etc., même s'il a une certaine éducation, il trouve, par exemple, dans les carrefours des gens qui sont capables de l'orienter proprement et puis de l'aider à se trouver un emploi. Il ne faut pas oublier que ces jeunes-là, du fait qu'ils viennent au carrefour, la majorité, ils ne viennent pas pour juste explorer, parce qu'ils ont vraiment un objectif, mais qu'ils ne sont parfois peut-être pas capables de le situer ou de le déterminer. Et, avec l'aide des intervenants aux carrefours, ils se trouvent dans une situation qui favorise plus, si vous voulez, leur espoir, leur enthousiasme pour garder un emploi, pour continuer et puis bâtir.

Alors, moi... ça veut dire: chaque cas peut être parfois, parfois différent, mais, sans doute, les carrefours renforcent, si vous voulez, le sentiment un peu de valeur pour ces jeunes-là, d'où peut-être le constat.

Mme Lefebvre: Est-ce que vous pensez que les organismes communautaires pourraient eux-mêmes être admissibles à... donc eux-mêmes engagés? Parce que les organismes communautaires... parce que, moi, je me dis des fois: Bon, pour certaines jeunes, c'est plus difficile, bon, la première expérience, ils ont moins de repères. Tu sais, par exemple, du secrétariat, ça ne s'apprend pas... il faut que tu aies eu quelques expériences. Donc, les organismes communautaires, des fois, avec des jeunes qui sont plus éloignés encore de l'intégration, à quelque part, à l'emploi, peut-être que les organismes communautaires pourraient être une voie. Puis je me disais aussi que les députés, nous, on pourrait également pouvoir prendre des stagiaires. Ça pourrait être intéressant, ça ferait 125, finalement, employeurs, entre guillemets, parce qu'en ce moment on n'est pas admissibles. Moi, je sais que je l'avais fait, mais pas dans un bureau de député, mais c'est... En tout cas, je me dis que, si, nous, on pourrait donner l'exemple, ça pourrait être bien aussi.

M. Houdeib (Mazen): Moi, je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs, on a vécu l'expérience. Les organismes communautaires sont des organismes très actifs, et puis ils apportent beaucoup d'expérience dans, je veux dire, leurs champs de compétence respectifs. Moi, je peux citer un exemple, le ROMEL, par exemple. Parce que, moi, j'ai vécu... je connais le ROMEL depuis 1990, bien que je n'étais pas nécessairement employé, j'étais bénévole, j'ai présidé le conseil à un certain moment. Mais je sais par expérience que, je dirais, au-delà de 95 % des personnes qui sont passées au ROMEL, que ce soit dans le programme EXTRA, qui était controversé par rapport à beaucoup d'organismes et des personnes, que ce soit le programme PAIE, ou des stages, parce qu'on accueille des stagiaires, 95 % ont trouvé un emploi basé là-dessus, pour la simple raison, c'est que, même si un organisme ne donne pas une expérience très précise dans un domaine, c'est juste le fait de donner à une personne de cette vulnérabilité l'opportunité de vivre dans une ambiance d'emploi, avec des responsabilités, avec du travail, ça valorise, ça valorise beaucoup, et les gens changent d'attitude.

Pour quelqu'un comme moi qui a travaillé pendant des années comme conseiller à l'emploi à la CEDEC et dans les clubs de recherche d'emploi qui étaient financés par le gouvernement fédéral, je sais par expérience que la question de l'attitude, c'est une question primordiale pour dénicher un emploi et pour le conserver. Alors, dans les organismes communautaires comme dans d'autres compagnies, le fait que les jeunes vivent une ambiance comme ça, une expérience comme ça, c'est beaucoup bénéfique, et je l'ai vécu au ROMEL, je peux donner même des noms et des exemples.

Le Président (M. Turp): Il vous reste deux minutes, Mme la députée.

n(12 h 30)n

Mme Lefebvre: J'aurais peut-être aimé parler un peu de l'aspect de l'habitation, qui est un autre volet que vous connaissez bien. Au niveau du développement, par exemple, bon, la ville de Montréal est venue nous entretenir puis, bon, exposer les statistiques par rapport à l'immigration, qui dans le fond se dirige principalement dans la métropole, est-ce que vous avez une vision face au type de développement d'habitation qu'on doit faire, notamment au niveau du logement social? Bon. On a connu les HLM, plus grands. Est-ce que... Quelle voie serait à suivre, des plus petites habitations? Qu'est-ce qui fonctionne le mieux en termes de mixicité sociale? Puis vos meilleurs succès, finalement?

Le Président (M. Turp): M. Houdeib.

M. Houdeib (Mazen): Oui. Je vais faire juste le parallèle avec la question des coopératives d'habitation, parce qu'il y a deux types d'habitation. Il y a les habitations là où on est obligé de suivre la règle de premier arrivé premier servi, et par le fait même des nouveaux arrivants sont toujours en bas de la liste, si jamais ils sont éligibles; mais il y a les coopératives d'habitation, que le ROMEL, même, a avancé une initiative, qu'on a appelée habitation Première porte, qui vise à permettre aux coopératives d'habitation de recruter des gens, des nouveaux arrivants et des gens des minorités visibles. Dans le sens où les coopératives d'habitation sont des entreprises d'économie sociale, et ils doivent recruter des membres. Et, nous, on a proposé à des coopératives, et on a réussi à deux reprises jusqu'à maintenant, d'intégrer dans leur... ou de réserver une partie de leurs logements pour des nouveaux arrivants, pour leur donner une expérience dans cette sphère d'activité et en même temps découvrir même peut-être des membres de coopératives de très grand talent, que parfois les coopératives vivent de la difficulté à les trouver. Alors, moi, je fais le lien. Oui, ça peut jouer un rôle un peu de modifications peut-être dans les programmes d'habitation. Ça joue nécessairement un rôle dans l'intégration des minorités visibles.

Le Président (M. Turp): Très bien, M. Houdeib. Merci beaucoup pour vos réponses aux questions, votre exposé et le mémoire. Je suspends donc les travaux de la commission jusqu'à vers 15 heures, cet après-midi, après les affaires courantes. Et les membres qui voudraient laisser leurs documents pourront les laisser au salon rouge en toute sécurité. Alors, à cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 32)

 

(Reprise à 15 h 16)

Le Président (M. Brodeur): Et nous sommes maintenant à entendre le groupe l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec, et je vous demanderais de prendre place devant nous. Bienvenue en commission parlementaire. En même temps, je demanderais au préposé de bien vouloir fermer les portes, s'il vous plaît. Merci beaucoup.

Donc, nous accueillons, comme je disais, l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. Bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle brièvement les règles de la commission, qui sont très simples: vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, pour débuter, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

Ordre professionnel des travailleurs
sociaux du Québec (OPTSQ)

M. Leblond (Claude): Certainement. Bonjour. Alors, je suis Claude Leblond; je suis travailleur social et président de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. Je suis accompagné de mon collègue Stéphane Richard, qui est travailleur social également et chargé d'affaires professionnelles à l'Ordre des travailleurs sociaux.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.

M. Leblond (Claude): Alors, M. le Président, ça me fait plaisir de vous saluer, ça fait quelque temps qu'on ne s'est rencontrés, Mme la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Mmes et MM. les députés membres de la commission, c'est avec fierté et au nom des quelque 6 500 travailleuses sociales et travailleurs sociaux, thérapeutes conjugales et familiales et thérapeutes conjugaux et familiaux réunis au sein de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec que je vous présente les points saillants de notre mémoire concernant le document de consultation intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

Ce plaisir est d'autant plus grand qu'il s'agit pour nous d'une première rencontre avec vous. En effet, nos préoccupations font en sorte qu'habituellement ce sont vos collègues de la Commission des affaires sociales qui nous accueillent. Cependant, votre intérêt pour le sujet qui nous réunit aujourd'hui démontre bien à quel point le concept de culture, pris dans son sens le plus large, fait référence à la société, à la civilisation, à la démocratie et à notre capacité d'établir des règles équitables et respectueuses pour notre vivre-ensemble collectif.

Une culture, c'est un peuple, et un peuple, ce sont des gens qui vivent ensemble et qui, malgré leurs différences, participent à un idéal commun, celui de vivre dans la paix et l'harmonie. Ainsi, selon nous, lutter contre le racisme et la discrimination signifie garantir à tout le monde des chances égales de participer pleinement à tous les aspects de la vie en société, sans entrave, sans obstacle, d'égal à égal.

Le racisme et la discrimination ont des racines anciennes et tenaces. Des conduites discriminantes ont posé et posent des défis constants aux États. Nous vous invitons donc à lire, si ce n'est déjà fait, la première partie de notre mémoire qui brosse un tableau intéressant de notre histoire canadienne et québécoise et les manifestations de racisme et de discrimination qui l'accompagnent. Cela nous permet de constater que, lorsque l'on parle de racisme et de discrimination, nous aurions tort de regarder uniquement dans la cour du voisin en négligeant de faire notre propre examen de conscience collectif.

Si les actes de discrimination raciale sont depuis interdits au Canada et au Québec, c'est qu'ils sont perçus comme contraires aux principes moraux et éthiques de l'humanité, comme une négation de la vie et de la dignité humaine. À ce chapitre, il est intéressant de rappeler que le Québec est la seule juridiction canadienne où la condition sociale constitue un motif de discrimination interdit, grâce à notre Charte des droits et libertés.

n (15 h 20) n

Les travailleurs sociaux et les thérapeutes conjugaux et familiaux sont conscients que le racisme et la discrimination ont plusieurs visages, plusieurs sources. Nous avons cependant choisi, dans notre mémoire, d'élaborer sur un aspect du problème, celui de la pauvreté comme vecteur de racisme et de discrimination. Ce choix s'explique en fonction des valeurs et des principes qui nous sont chers en tant que travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux et par lesquels nous nous définissons, à savoir la promotion et la défense de la dignité de tout être humain, les droits de la personne, des groupes et des collectivités, ainsi que la justice sociale.

Comme agents de changement, les membres de l'Ordre des travailleurs sociaux ont un rôle d'information sociale à jouer auprès du public. En ce qui concerne la défense des droits des personnes les plus vulnérables, nous constatons sur le terrain qu'il existe un lien direct entre la paupérisation, la précarisation, la marginalisation et l'exclusion sociale, l'isolement et la perte de pouvoir et de contrôle d'un individu sur sa vie. L'appauvrissement menace la vie de nombreux enfants, de femmes et d'hommes, et remet en question le respect de la vie et de la dignité humaine comme valeur universelle en démocratie. La paupérisation entraîne un repli sur soi, une mise à l'écart, un isolement social, ce qui n'est pas sans influencer chez les nouveaux arrivants toute volonté ou capacité de pouvoir ou de vouloir s'intégrer et participer ainsi pleinement à la vie socioéconomique de leur terre d'accueil.

Enfin, ce qu'il faut comprendre, c'est que la pauvreté est un déterminant de la santé. Cela est démontré depuis de nombreuses années, à preuve la Politique de santé et bien-être du ministère de la Santé et des Services sociaux, 1992 à 2002, dans laquelle on dénombrait parmi les 19 problèmes de santé identifiés... 14 parmi eux avaient comme déterminant la pauvreté. Or, loin de régresser, l'appauvrissement s'étend et touche de plus en plus de personnes. Malheureusement, la lutte à l'appauvrissement est menée de façon bien inégale, sans grande conviction, sans continuité, sans vision d'ensemble. Cette lutte se joue également dans un contexte sociopolitique où le néolibéralisme mondial exerce des pressions de plus en plus fortes sur nos sociétés afin de laisser de plus en plus le champ libre aux forces du marché.

Déjà, en novembre 2004, dans le cadre du débat entourant le projet de loi n° 57, nous mettions le gouvernement en garde contre le danger de remettre en question la justice sociale et la reconnaissance du droit au bien-être en se désolidarisant des personnes les plus vulnérables. Pourtant, nous ne pourrons remporter la lutte contre le racisme et la discrimination que lorsque nous aurons entrepris et gagné la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, lutte que nous avons entreprise au Québec en 2002 en adoptant la Loi contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Et nous ne sommes pas les seuls à établir ce lien entre les deux phénomènes. L'Agence de santé publique du Canada, dans un article intitulé L'inclusion sociale comme facteur déterminant de la santé, cite un certain nombre de chercheurs qui établissent que: la pauvreté est la principale cause et résultante de l'exclusion sociale; les disparités raciales relativement à l'état de santé sous-tendent des disparités au niveau des conditions sociales et économiques; les processus de marginalisation, telles les disparités raciales ou fondées sur le sexe et la xénophobie, sont tributaires de la pauvreté, de l'inégalité des revenus, du chômage, du choix du voisinage et de l'utilisation des services de santé et ont ainsi des incidences variables mais vérifiables sur l'état de santé des groupes touchés.

L'économie canadienne et le marché du travail sont de plus en plus disposés en couches raciales. La plupart des travailleurs des groupes racisés exercent une profession de spécialisation réduite, peu rémunérée, assortie de conditions de travail souvent périlleuses. Et, pour terminer, il est manifeste que les incidences d'une économie en constante évolution n'ont pas été également distribuées et qu'un bon nombre de disparités raciales et entre les sexes sont devenues structurelles. Déjà, en 1963, le rapport du Comité d'études sur l'assistance publique au Québec sonnait l'alarme en tentant de déraciner un vieux mythe qui trouve pourtant encore écho en 2006 et selon lequel les personnes seraient directement responsables de leur pauvreté.

Voici ce que disait le rapport Boucher à ce sujet en 1963: «Auparavant, on considérait que, si une personne était pauvre, c'était de sa faute. Aujourd'hui, on saisit mieux que la pauvreté est souvent due à des facteurs économiques et sociaux sur lesquels l'individu seul ne peut exercer aucun contrôle. L'absence d'intérêt de la société envers les personnes pauvres pourrait, dans certaines circonstances, entraîner des problèmes encore plus graves qui devront forcément être résolus tôt ou tard, à un coût supérieur pour la communauté.»

Récemment, dans le Rapport social de la Ligue des droits et libertés du Québec, publié en mars 2006, et auquel adhère l'Ordre des travailleurs sociaux, il est fait mention en préambule que les gouvernements canadien et québécois «manquent de considération pour les droits économiques et sociaux et culturels tels qu'énoncés dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, manquent de respect pour leurs engagements pris en vertu de ce pacte. [...]Après 25 ans d'existence de la Charte des droits et libertés, et à bien des égards, les droits économiques et sociaux en sont encore les parents pauvres.

Quelques statistiques produites dans ce même Rapport social illustrent bien notre propos et démontrent clairement le lien entre la pauvreté et l'exclusion sociale. Selon ces statistiques, 29 % des femmes appartenant à une minorité visible vivaient dans la pauvreté en 2000. Le taux de pauvreté, pour toutes les femmes nées à l'étranger et dont la majorité appartenait à des minorités visibles, était de 23 % en 2000, alors qu'il atteignait 35 % chez les femmes ayant immigré au Canada entre 1991 et 2000. On le voit bien, il existe un lien réel, une relation de cause à effet entre le phénomène de la paupérisation et la discrimination basée sur la race. La réalité selon laquelle la pauvreté est un vecteur puissant d'exclusion sociale frappe de façon encore plus cruelle lorsqu'il s'agit de membres de communautés ethnoculturelles. C'est pourquoi nous enjoignons le gouvernement du Québec à jumeler en un seul et unique combat la lutte contre la pauvreté et celle contre le racisme et la discrimination. Parmi les recommandations que nous proposons et qui se retrouvent dans notre mémoire, nous en avons retenu quelques-unes sur lesquelles nous voulons attirer votre davantage l'attention des membres de la commission. Notre toute première recommandation, vous l'aurez deviné, va dans le sens d'exiger du gouvernement qu'il fasse en sorte que la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination soit intimement liée aux obligations et aux objectifs visés par la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

Deuxièmement, il nous semble important de fournir au sein de la société québécoise des conditions durables à l'insertion socioéconomique de celles et de ceux qui vivent l'exclusion et la discrimination.

Recommandation n° 3, le gouvernement du Québec doit agir auprès du gouvernement fédéral pour que soit adopté dans les meilleurs délais, comme mesure officielle du seuil de la pauvreté, le seuil du faible revenu tel que défini par le document La volonté d'agir, la force de réussir.

Notre recommandation n° 8: le gouvernement doit tenir compte des propos des experts du comité de l'ONU pour la discrimination raciale, notamment en ce qui a trait à la préoccupation relative au nombre élevé d'actes discriminatoires en matière d'emploi. En l'occurrence, Québec devrait fournir des renseignements plus détaillés à propos des résultats obtenus quant à la lutte contre la discrimination raciale en matière d'emploi, notamment en ce qui a trait à l'accès aux postes-cadres de la fonction publique. Le comité exige également une évaluation des activités des tribunaux en matière d'emploi.

Notre recommandation 9, qui se lisait: Le gouvernement doit s'assurer que les professionnels qualifiés parmi les immigrants puissent faire reconnaître leurs formations et qualifications afin de pouvoir décrocher des emplois dans leurs champs de compétence. À ce chapitre, nous tenons à souligner les efforts déployés par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles qui a démontré une grande sensibilité pour ce dossier et grâce à qui des sommes importantes ont été investies dans ce domaine. Il reste cependant aux ordres qui acceptent déjà ces nouveaux professionnels dans leurs rangs à mettre en place ou à favoriser la mise en place des programmes pour permettre leur intégration sur le marché du travail. Et je crois pouvoir compter sur la ministre pour aider dans ce domaine.

Notre recommandation n° 13. Nous recommandons des gestes concrets pour aplanir les difficultés que rencontrent les personnes pour prouver la discrimination raciale. Pour ce faire, il faut revoir notamment les procédures et les mécanismes d'enquête de plaintes pour discrimination raciale. De plus, étant donné que la preuve peut parfois être difficile à faire en raison de la subtilité des gestes reprochés, nous recommandons qu'une attention particulière soit accordée à la formation et à la sensibilisation des personnes appelées à enquêter sur des allégations de discrimination raciale.

n(15 h 30)n

Recommandation 14. Nous recommandons que soit facilité le travail d'enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, notamment par la participation d'organismes du milieu bien au fait des réalités vécues par les membres de certaines des communautés ethnoculturelles... à la formulation d'une plainte ainsi qu'à l'accompagnement des plaignants.

Recommandation n° 15. Nous recommandons que soit amendée la charte et le traitement des plaintes, fournissant la possibilité à la Commission et au Tribunal des droits de la personne de tenir compte que des personnes victimes de racisme puissent l'être en fonction d'une combinaison de motifs. Nous faisons ainsi référence à l'intersectionnalité des motifs, concept qui fait l'objet de réflexions prometteuses à la Commission des droits de la personne de l'Ontario.

Outre ces recommandations contenues dans notre mémoire, nous avons poursuivi notre travail au cours des dernières semaines et nous souhaitons partager avec vous le fruit de nos cogitations en lançant en cascade quelques pistes de réflexion.

Tout d'abord, je tiens à signaler que la réflexion entreprise par le gouvernement du Québec à propos du racisme et de la discrimination a fait en sorte que nous nous posions également des questions. Que pouvons-nous faire, comme ordre professionnel et individuellement comme travailleurs sociaux et comme thérapeutes conjugaux et familiaux, pour agir sur le problème? Les travailleurs sociaux, de par leur formation, ont cette propension à porter un regard plus large sur un problème donné, et, dans leurs interventions avec les gens, ils ont le réflexe de jeter un regard sur l'environnement de la personne comme étant un élément important du problème et de la solution. Nous serons donc plus vigilants, plus supportants pour nos membres oeuvrant auprès des communautés ethnoculturelles et plus à l'écoute des besoins en ce domaine.

Dans un tout autre ordre d'idées, nous croyons qu'il serait sage de réfléchir sur la qualité de l'information donnée aux futurs immigrants avant même qu'ils ne quittent leur propre pays sur la réalité de la nouvelle société à laquelle ils souhaitent se joindre, pour amoindrir le choc à l'arrivée.

Il nous apparaît également essentiel que soit rehaussé le financement des organismes communautaires qui oeuvrent auprès des membres des communautés ethnoculturelles. Ces organismes font un travail extraordinaire avec des moyens plus que modestes. Il faut le faire avec la préoccupation du maillage entre les institutions et le milieu communautaire.

Nous proposons que le mandat du Commissaire à la santé et au bien-être soit élargi pour lui permettre de juger de l'application des droits sociaux des membres des communautés ethnoculturelles. En amont de cette mesure, il est essentiel que la Charte des droits et libertés soit amendée afin d'y inclure la défense et la promotion des droits socioéconomiques.

En lien avec la démonstration selon laquelle la paupérisation a un impact direct sur le racisme et la discrimination, nous demandons au gouvernement du Québec d'accorder sans délai la gratuité des médicaments aux personnes les plus démunies. Nous l'avons dit, répété maintes fois à vos collègues de la Commission des affaires sociales et au ministre de la Santé et des Services sociaux: il est carrément inacceptable que des gens, en 2006, au Québec, soient placés devant l'épouvantable choix, le dilemme de choisir entre nourrir leurs enfants ou se procurer les médicaments essentiels à leur santé physique, leur bien-être psychologique et leur fonctionnement social.

Dans le même ordre d'idées, le délai de carence de trois mois avant l'accessibilité à l'assurance maladie imposé aux nouveaux arrivants a trop souvent des impacts dévastateurs pour plusieurs familles et pour plusieurs individus et peut compromettre de façon permanente leurs chances de s'intégrer dans leur société d'accueil et d'y vivre dans des conditions décentes, surtout quand on sait que les principaux problèmes d'adaptation se vivent dans les premiers mois. Je vous invite à vous assurer que les services sociaux offerts par les établissements et les organismes communautaires sont effectivement accessibles et financés pendant cette période de carence. Nous savons combien il est important d'intervenir tôt, dans une crise d'adaptation, afin d'éviter l'aggravation des problèmes.

Nous souscrivons à la volonté gouvernementale de faire du développement économique un élément important de ses politiques. Nous croyons aux vertus d'une économie saine et compétitive, mais pas à n'importe quel prix. Nous croyons aussi à la possibilité d'établir et d'appliquer des principes de développement économique qui soient aussi généreux et inclusifs. Pour mériter ce nom, toute société a des devoirs envers les personnes les plus vulnérables et elle doit permettre à tous, sans exception et sans discrimination, de pouvoir vivre dans la dignité.

Notre dernière réflexion nous invite, comme société et comme État, à nous projeter dans l'avenir tout en jetant un regard objectif sur le passé. Au Québec, depuis les années soixante-dix, une foule d'organismes, de lois et de règlements ont été mis sur pied ou adoptés pour s'adresser au problème du racisme et de la discrimination. Pourtant, le bilan de toutes ces interventions semble modeste. Rappelons-le, l'État a un rôle majeur de régulateur et de facilitateur au chapitre de l'intégration des nouveaux arrivants. Les membres des communautés ethnoculturelles n'ont pas que des obligations envers leur terre d'accueil, ils ont aussi des droits, les mêmes droits que les autres: droit au travail, droit à un revenu décent, droit à l'éducation, droit à la santé, droit au respect et droit de pouvoir s'émanciper selon leur plein potentiel.

En fait, si toutes ces mesures et toutes ces lois avaient été rigoureusement appliquées et respectées, la lutte contre le racisme et la discrimination serait déjà gagnée ou en voie de l'être. Alors, comment s'assurer que cette fois-ci sera la bonne? Comment s'assurer que les nouvelles mesures qui naîtront de la présente consultation seront véritablement appliquées et auront un impact réel sur le problème? Certains diront que ce n'est qu'une question de volonté politique de la part des élus. C'est vrai, mais en partie seulement, même si nous croyons que les femmes et les hommes politiques au Québec doivent assumer un important leadership dans ce domaine. Par contre, nous croyons qu'un enjeu de cette importance doit recevoir l'appui de l'ensemble de la population. Ce que l'État pourrait faire de mieux pour faire reculer le racisme et l'exclusion serait d'abord de donner l'exemple en s'attaquant à l'élimination de tous les irritants administratifs, politiques et socioéconomiques qui portent à l'atteinte aux droits des nouveaux arrivants et qui leur lancent un signal pour le moins ambigu quant à notre véritable volonté de les accueillir en les aidant à devenir plus rapidement des citoyens à part entière. Parallèlement, le gouvernement du Québec doit lancer un signal fort, clair et non équivoque à l'ensemble des citoyens à l'effet que le racisme et la discrimination n'ont plus leur place en sol québécois.

Puisqu'il faut conclure, j'ajouterais que certaines phrases célèbres traversent les siècles et demeurent cruellement actuelles. Elles nous rappellent qu'à bien des points de vue nous aurions intérêt à demeurer modestes dans notre appréciation de l'évolution de la société. Voici cette phrase sur laquelle je vous invite à réfléchir: «Le déséquilibre entre les pauvres et les riches demeure la plus ancienne et la plus fatale des maladies de notre société.» Cette phrase a été décrite il y a deux millénaires par l'historien et moraliste grec Plutarque. En mettant tout en oeuvre pour éliminer ce déséquilibre social qu'est la pauvreté et faire disparaître à jamais cette cicatrice au visage de notre société que représente le racisme, le gouvernement du Québec adopterait la devise de notre ordre professionnel et dont nous sommes si fiers: L'humain avant tout. À notre avis, il n'existe pas de plus noble cause. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Leblond, bienvenue parmi nous, merci pour cette présentation. M. Richard, ça me fait plaisir de vous rencontrer; j'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer à quelques reprises, notamment dans le dossier de la reconnaissance des diplômes étrangers. Vous savez que vous avez chez nous une oreille toute particulière. Si je ne m'abuse, d'ailleurs, vous devez avoir une rencontre de prévue prochainement avec M. Lafrance, qui s'occupe des ordres professionnels, parce qu'on est passé la mi-octobre. Et il est évident que ce que vous dites, je pense qu'on l'entend bien ici, les membres de la commission. Vous vous êtes sentis interpellés, vous aussi, dans le débat. Je pense qu'il est important que vous soyez ici, devant nous, aujourd'hui, évidemment, parce que, comme travailleurs sociaux, vous êtes sur le terrain, donc vous voyez les ravages qu'il y a dans notre société et ce que peut entraîner l'exclusion chez les gens autant par la pauvreté que par la discrimination et le racisme, j'en conviens.

Vous dites, à la page 11 de votre mémoire: «En fait, si toutes ces mesures et toutes ces lois avaient été rigoureusement appliquées et respectées, la lutte contre le racisme et la discrimination serait déjà gagnée ou en voie de l'être», et là vous posez la question: «Alors, comment s'assurer que cette fois-ci sera la bonne? Comment s'assurer que les nouvelles mesures qui naîtront de la présente consultation seront véritablement appliquées et auront un impact réel sur le problème?» Puisque vous posez la question, je vais vous la retourner. Évidemment, on est en commission parce qu'on veut s'enrichir des idées des gens. Vous savez que, lorsque la politique sera déposée, ce sera une politique gouvernementale.

Donc de prime abord elle interpelle tous les ministères et les organismes du gouvernement, évidemment ? je pense que c'est une prémisse de base qu'il est important de poser ? et par la suite il y aura évidemment un plan d'action qui accompagnera la politique. Sur combien d'années? On n'est pas encore rendu là dans nos travaux, évidemment, mais je pense que dans le plan d'action aussi il faut se donner les moyens de ce que notre politique nous mènera à faire. Évidemment, ça va prendre un suivi. Et, bon, moi, je suis d'accord qu'il y a une volonté politique d'abord et avant tout, mais ce n'est pas suffisant, puis vous avez totalement raison. Quels genres de moyens de suivi sur le plan d'action ou sur la politique pensez-vous qu'on devrait se donner? Est-ce qu'on devrait charger le ministère? Est-ce qu'on devrait mettre nommément qu'on doit faire un rapport à l'Assemblée nationale? Est-ce que vous pensez qu'on devrait peut-être confier ou élargir un mandat d'un organisme qui existe déjà, que ce soit le Conseil des relations interculturelles ou la Commission des droits de la personne, ou faire appel à un autre organisme ou un ombudsman ou... là, je vous tend des pistes de solution, parce que c'est ce que plusieurs personnes sont venues nous dire ici, en commission, mais j'aimerais avoir votre avis sur comment pourrions-nous s'assurer que la politique sera mise en oeuvre et que le plan d'action sera réalisé.

n(15 h 40)n

M. Leblond (Claude): Alors, vous avez mis sur la table plusieurs éléments, effectivement. Vous savez, d'abord, c'est bon d'entendre que c'est une politique gouvernementale. Ça, au départ, ça me semble primordial que ça dépasse un ministère et qu'on soit dans une politique gouvernementale qui appelle à l'intersectorialité et à une obligation d'atteindre le résultat, là, dans l'ensemble des ministères et la structure gouvernementale, là.

Vous parlez également d'un comité de suivi, c'est effectivement absolument nécessaire. On voit d'ailleurs... si on retourne... et peut-être qu'on aurait à construire sur l'histoire, là, sur des éléments passés, sur ce qu'on aura appris du passé. La politique de santé et de services sociaux, que je connais davantage... pas la politique santé et services sociaux, la politique santé et bien-être 1992-2002 a fait objet d'évaluation. Pourquoi on n'a pas atteint les objectifs en dix ans, alors qu'il y avait un plan, là, qui était intéressant? Et c'est entre autres à cause de manque d'éléments au niveau du suivi, là. Et on aurait peut-être intérêt à voir le rapport qu'a fait le Conseil santé et bien-être sur l'analyse de pourquoi on n'a pas atteint les objectifs, pour ne pas répéter les mêmes erreurs.

À quel niveau du gouvernement on devrait donner le mandat du suivi de la politique et du plan d'action? Je ne sais trop, là, qui serait l'organisme le plus performant à ce niveau-là. Si vous choisissiez de faire effectivement un lien entre les droits socioéconomiques et la politique de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale et la politique de lutte au racisme et la discrimination, la commission des... et là, à ce moment-là, ça impliquerait qu'il y aurait une indication à l'intérieur de la Charte des droits et libertés des droits socioéconomiques, alors qu'on les affirme davantage, et là, à ce moment-là, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse serait certainement un organisme bien placé.

Je vous dis cela, et en même temps, dans l'aspect intersectoriel, il faudra s'assurer, entre autres, en ce concerne l'accessibilité aux services de santé et aux services sociaux, et à l'ensemble des services sociaux, que le Commissaire à la santé et au bien-être ait ce mandat de voir qu'effectivement, en lien avec la politique contre le racisme et la discrimination, si effectivement il y a une performance de nos établissements et de nos organismes.

Je vais laisser la parole à mon collègue qui a peut-être des éléments à ajouter à votre question, Mme la ministre, là.

M. Richard (Stéphane): Oui, bon, ce que je voudrais simplement rajouter, c'est l'importance d'aller au-delà de... tu sais, les gouvernements qui viennent et qui partent. Dans les ratés de la loi que nommait notre président ici, sur la loi 1992 à 2002, il y avait des ratés ? ils sont facilement identifiables et mesurables, c'est dans un document ministériel d'ailleurs qui est très intéressant ? et on peut s'inspirer de cela, et surtout sur le point que c'est important qu'il y ait une continuité, au-delà des gouvernements qui se juxtaposent ici, à Québec, qu'il y ait une continuité, une ligne directrice à ça.

Comment se l'assurer, cette ligne directrice là? Notre président parle de la commission des droits, on parle aussi, on peut aller au Commissaire à la santé et aux services sociaux, qui gère finalement la question des droits, et tout ça, mais avant toute chose c'est important aussi de considérer qu'un commissaire à la qualité des services ou un commissaire à la santé doit aussi pouvoir s'appuyer sur une charte qui est solide, s'appuyer sur des instruments législatifs solides. Donc, avant, aussi... c'est important de penser à des moyens, mais c'est important aussi de penser à solidifier ce qu'on a déjà, comme la charte. En l'occurrence, vous savez, il y a eu un bilan qui a été fait du 25 ans de la charte, qui disait, entre autres, que les droits socioéconomiques, c'est les parents pauvres de la charte, et on donnait finalement les méthodes pour parvenir à ancrer ça davantage. Ça fait que la commission des droits, ça pourrait être une alternative, mais la réflexion qu'on vous porte aussi puis qu'on a nous-mêmes, c'est vraiment comment s'assurer, au-delà de la juxtaposition des gouvernements à Québec, qu'il y a une ligne directrice autant pour la question de la pauvreté.

Vous savez, la loi n° 112 a été créée par vos prédécesseurs, et là vous êtes arrivés, et puis là on pose la question, la même chose, concernant le racisme et la discrimination. La loi n° 112 est là, elle est présente. Est-ce qu'on donne la puissance à cette loi-là qu'on devrait? À travers les gouvernements, à travers l'opposition, à travers le gouvernement au pouvoir, la question est posée, et je vous la pose. La même chose avec d'unir une loi sur l'immigration, une loi forte, ça pose la question de la durabilité à court terme, moyen, ou à long terme. Voilà.

Mme Thériault: Merci. Je vais aller sur votre recommandation n° 13, à la page 8 de votre exposé. Vous dites: «Nous recommandons des gestes concrets pour aplanir les difficultés que rencontrent les personnes pour prouver la discrimination raciale. Pour ce faire, il faut revoir notamment les procédures et les mécanismes d'enquête de plaintes pour discrimination raciale. De plus, étant donné que la preuve peut être parfois difficile à faire en raison de la subtilité des gestes reprochés, nous recommandons qu'une attention particulière soit accordée à la formation et à la sensibilisation des personnes appelées à enquêter sur des allégations de discrimination raciale.» Au début de la consultation, il y a beaucoup de gens qui nous disaient qu'à la Commission des droits de la personne ils étaient déçus du traitement qui est accordé, soit que c'est trop long, soit qu'il y a beaucoup de plaintes qui sont rejetées. Est-ce que vous croyez que la commission est bien outillée?

M. Leblond (Claude): Excusez-moi, Mme la ministre, mais, si on vous fait la recommandation d'accorder une attention particulière à la formation et la sensibilisation des personnes qui sont responsables des enquêtes, c'est qu'on pense qu'il y a probablement une déficience actuellement. Et elle n'est pas que causée par le fait que les personnes en place... il y a une complexification de l'analyse et de ce qui peut... C'est difficile, c'est plus subtil, on sait que c'est incorrect d'avoir des attitudes racistes et de discrimination, au Québec, alors il y a des comportements qui se sont davantage... sont devenus plus subtils et rendent plus subtil, et plus difficile, et plus ardu le travail des enquêteurs. Et dans ce sens-là on ne met pas en question, en soi, la bonne foi des enquêteurs et leur formation, mais on pense que ça doit être parfait parce que c'est devenu plus à risque ou plus difficile ou plus indétectable. Et, à ce moment-là, tout l'apport des gens des communautés ethnoculturelles qui entendent et saisissent bien les difficultés vécues par leur membres pourrait être un apport aidant à la sensibilisation et la formation du personnel.

Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous que le racisme et la discrimination se modifient sans cesse. Évidemment, les propos qu'on entendait dans les années 1970, on ne les entend plus ou presque pas aujourd'hui. Par contre, évidemment, le racisme et la discrimination se sont transformés, et il serait intéressant de voir jusqu'à quel point on pourrait développer des indicateurs pour être capables de mesurer, évidemment. Je pense que c'est important aussi, puisqu'il n'y a rien qui nous permet de mesurer présentement la discrimination et le racisme. Une fois de temps en temps, il va y avoir une étude faite, par des groupes assez différents, pas nécessairement en continuité, mais on doit mieux documenter et mieux être en mesure de mesurer les outils évidemment si on veut qu'il y ait une formation adéquate qui soit dispensée aux personnes qui sont chargées justement de faire les enquêtes. Ça, c'est clair, là.

M. Richard (Stéphane): Juste un commentaire rapide. Dans notre mémoire, à la page 36 ? pas le document que vous avez, des références, mais le mémoire antérieur ? on mentionne plusieurs points dans le détail, pour vous répondre à votre question de tout à l'heure. C'est à la page 36. En tout cas, il y a plusieurs points qui répondraient directement à votre question, à savoir, par exemple: «Il faut faciliter le travail d'enquête de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, notamment par la participation d'organismes du milieu ? O.K., ça, c'en est un, exemple ? bien au fait des réalités vécues par certaines communautés à la formulation d'une plainte», donc l'accompagnement par les organismes communautaires des gens directement qui se présentent en commission des droits, de renforcer également le tribunal des droits, la commission également.

Et on parlait aussi, tu sais, des études, là, comme vous parliez tout à l'heure, des études assez larges, là, de subventionner, donc de permettre à la commission d'avoir cette possibilité-là, d'avoir un élargissement des évaluations à ce niveau-là. Puis, on parle aussi, également de... on parlait des motifs... La combinaison des motifs de discrimination, c'est important, on l'a nommée aussi. Donc, c'est des moyens concrets qu'on avait identifiés dans le mémoire aussi.

n(15 h 50)n

Mme Thériault: Merci. On reviendra.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. Bienvenue à vous de l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec. M. Leblond et Richard, bonjour.

C'est un mémoire très bien documenté et où nous y retrouvons vraiment plusieurs recommandations extrêmement intéressantes. Et je vous remercie d'être ici parmi nous. Comme vous l'avez mentionné, vous avez habituellement... vous vous présentez habituellement à la Commission des affaires sociales, et donc ce qui est intéressant ici, c'est qu'on tente de rejoindre le plus grand nombre d'organismes ou d'acteurs de la société civile parce que finalement c'est une question qui nous interpelle tous. Et donc merci d'être ici.

Vous avez touché plusieurs questions importantes. Je voudrais poursuivre la discussion sur le rôle et mandat de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Vous avez mentionné un aspect également important, de par l'expertise que vous avez, notamment à ce qui a trait, lors des célébrations du 25e anniversaire de la charte, que les droits socioéconomiques étaient finalement le parent pauvre de la charte, en tout cas du respect de la charte. Et c'est un élément important, parce que plusieurs groupes sont venus ici, en commission, nous faire part que finalement, afin de lutter contre le racisme et la discrimination, la lutte contre les inégalités socioéconomiques était finalement une des principales réponses ou un des principaux aspects sur lesquels il fallait s'attaquer. Et d'ailleurs une de vos premières recommandations, c'est de s'assurer que la politique de lutte à la pauvreté et l'exclusion sociale soit respectée de façon à favoriser finalement l'épanouissement de chaque individu. Puis ça, on pourra y revenir tout à l'heure.

Et donc, sur la Commission des droits de la personne, de vos expériences, vous avez mentionné quelques pistes. Je voulais vous donner l'occasion de poursuivre sur ça. Donc, bon, la participation d'organismes du milieu. Et, à la proposition suivante, vous parlez que le gouvernement devrait modifier la charte, sur le traitement des plaintes, en fournissant la possibilité à la commission et au tribunal de tenir compte que les personnes victimes de racisme peuvent l'être en fonction d'une combinaison de motifs de discrimination.

Bref, comment... Est-ce que, à votre avis, la commission actuellement... Est-ce qu'on peut outiller de meilleure façon la commission? On sait qu'il y a eu beaucoup de délais dans les plaintes, également. Il y a différentes analyses, là, de l'état de la situation. J'aimerais un peu vous entendre sur votre perception du travail qui se fait.

M. Richard (Stéphane): D'accord. Bien, un filon, un filon important, pour nous, essentiellement c'est... Je vais partir de la charte, par exemple, l'article 45 de la charte québécoise qui dit qu'on tous le droit à un niveau de vie décent.

Par exemple, O.K., c'est le seul article dans le fond qui touche aux aspects socioéconomiques. Mais, nous... Reportons-nous, par exemple... Cet article-là fait appel aussi, également, à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et ça va un petit peu plus loin. La décence, c'est la capacité qu'on a à bien manger, à bien se vêtir, finalement à répondre aux besoins essentiels de la vie. Donc, si on reporte l'article 45 de la Charte des droits et libertés à l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on en arrive au PIDESC, au pacte international des droits sociaux, économiques, dont le Québec a adhéré en 1976... Et on retrouve là-dedans... On a fait un petit éventail dans le mémoire, ici, des différents aspects qui touchent au logement, et tout ça. Donc, pour nous, quand on parle de renforcer la Charte des droits et libertés au Québec, c'est de renforcer le noyau dur que sont les droits sociaux, économiques et culturels.

Parce que, si, moi, je suis victime de discrimination ou d'exclusion sociale puis que je vois, devant un tribunal, que ce droit-là, il n'a pas d'ancrage juridique, qu'il n'a pas de force juridique puis de puissance, je vais m'en retourner. Ils vont dire: C'est beau. On va prescrire ce qu'on appelle une prescription morale ou une mesure éducative.

En fait, ce qu'on dit, puis on n'est pas les seuls à le dire... Même les recommandations de... Dans notre mémoire sur le projet de loi n° 57, on disait que la charte québécoise est la seule en Amérique du Nord à reconnaître les droits économiques et sociaux comme les droits de la personne, à part entière. Puis en plus je vous rajouterai ici aujourd'hui, messieurs dames, que nous avons une charte qui est la seule qui reconnaît les conditions sociales comme étant une matière de discrimination. Et, nous, ça nous touche beaucoup, les travailleurs sociaux, parce que, quand on parle des conditions socioéconomiques, on parle des besoins essentiels, on parle justement des déterminants sociaux de la santé, de la capacité qu'on a de manger trois fois par jour, de se vêtir puis de répondre à ces besoins essentiels là.

Ça fait qu'essentiellement, pour résumer ma réponse, madame, ce serait de vous dire que, quand on parle de renforcir la charte, c'est le tribunal, c'est tout ça, mais fondamentalement c'est l'ancrage juridique qui est de donner de la puissance aux droits sociaux, économiques et culturels pour qu'il y ait un ancrage, pour que la population dise... Par exemple, regardez la loi n° 112, si on va voir un tribunal pour dire qu'on a été lésé, par exemple, par rapport à la pauvreté ou dans la situation socioéconomique qu'on vit, on va-tu être entendu? C'est ça, la question qu'on pose. Parce que, si on allie la pauvreté avec la question du racisme et de la discrimination, c'est exactement qu'il faut passer par des mécanismes concrets, de renforcer nos chartes, et surtout l'ancrage juridique pour donner de la puissance, de la puissance aux gens qui veulent aller se défendre là-bas.

Donc, à la page 38, vous avez tout à fait raison de relever... de donner de la puissance à la commission, c'est de donner de la puissance aussi au tribunal, et tout ça. Voilà.

Mme Lefebvre: Parce que, dans les discussions qu'on a eues avec plusieurs groupes, ce qui est beaucoup ramené également, c'est que, oui, vous le mentionnez, l'importance de notre charte, 1975... Puis je pense qu'il faut se le dire, au Québec, on est une société assez solidaire, puis je pense que ça va assez bien, si on se compare dans le monde, mais en même temps on est ici pour toujours améliorer les choses. Puis je pense que, de gouvernement en gouvernement, à plusieurs égards je pense qu'on a tous travaillé pour améliorer nos conditions humaines, que ce soit pour les personnes immigrantes, les minorités visibles, tous. Bon. Il y a des bémols évidemment, mais...

Et donc l'important ici, c'est que ce qu'on discute aujourd'hui, on puisse s'assurer qu'au-delà de l'adoption d'une politique qu'on puisse réellement voir les résultats puis qu'on ne célèbre pas, dans 25 ans, une politique qui aura finalement donné peu de résultats. Et puis là je donne l'exemple, par exemple, de la représentativité dans la fonction publique des personnes immigrantes et minorités visibles: Malheureusement, on n'a pas atteint les résultats, et donc d'où l'importance. Puis je pense que... mais tout à l'heure la question de la ministre allait un peu dans ce sens-là, dans le sens où est-ce que, vous, vous voyez une structure de suivi pour s'assurer un peu que finalement il y a une reddition de comptes au bout du compte puis qu'à chaque année on puisse, oui, faire un bilan de la situation donc des cas de racisme ou discrimination mais aussi de l'état d'avancement de nos travaux puis des actions du gouvernement.

Alors, c'est dans ce sens-là que, comme vous avez à travailler beaucoup avec la Commission des droits de la personne, je me demandais s'il y a des mécanismes qui devraient être ajoutés au-delà ? bien que c'est très important, puis ça, vous l'avez bien démontré ? des ancrages juridiques, s'il y a des outils qui doivent être ajoutés.

M. Richard (Stéphane): Écoutez, moi... s'il y a des outils qui devraient être rajoutés, on a... nos recommandations du mémoire, pas du document que le président a lu tout à l'heure, à la page 35, on parlait, pour vous répondre, que le comité des droits, le comité d'experts de l'ONU pour la discrimination raciale recommandait ou exigeait aux gouvernements qu'ils fournissent une évaluation des activités des tribunaux, d'équité en matière d'emploi; c'en est un, exemple. On a un exemple aussi, regardez à l'autre point: «Le gouvernement doit s'assurer que des professionnels qualifiés...»

Écoutez, c'est sûr que la question que vous posez, c'est une question très large, très exhaustive, mais on a quand même dans nos recommandations, là... Regardez: «Le gouvernement doit s'assurer que le Secrétariat du Conseil du trésor puisse fournir au public, dans son rapport annuel, les résultats pour l'ensemble des ministères des mécanismes d'embauche de personnes issues des communautés ethnoculturelles.» Dans notre mémoire, on y va dans le stratégique, mais c'est sûr que, en fonction de notre objet d'étude et d'intervention puis de notre registre professionnel, on peut moins se lancer dans des lancées économiques. Mais, je veux dire, dans l'ancrage...

Mme Lefebvre: Mais juste pour... Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent aussi à la maison, c'est que c'était pour vous faire...

M. Richard (Stéphane): Ah, mon Dieu! on peut en parler. Oui, oui.

Mme Lefebvre: ...que vous puissiez nous parler de vos recommandations, finalement. Est-ce qu'il me reste encore du temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Oui, peut-être dans...

Mme Lefebvre: ...dans un deuxième bloc?

Le Président (M. Brodeur): Dans une deuxième intervention.

Mme Lefebvre: Donc, je vais revenir... Non, c'est que vos propositions sont extrêmement intéressantes, puis je voulais vous donner l'occasion de pouvoir nous en faire part. Je vous remercie. On va revenir.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: Merci, M. le Président. Bienvenue à la commission. Vous avez dit que vous étiez un expert de la Commission des affaires sociales, moi, j'ai cru vous rencontrer à la Commission des institutions dans le cadre de la modification de la justice administrative.

M. Leblond (Claude): Deux fois.

M. Moreau: Je ne fais pas erreur?

M. Leblond (Claude): Vous ne faites pas erreur, on s'est rencontrés là également.

n(16 heures)n

M. Moreau: Voilà. Alors, vous êtes vraiment un expert. Je veux revenir sur l'intervention que vous avez faite à l'égard particulièrement de la Commission des droits de la personne et de la charte. J'ai un peu de difficultés à suivre votre argumentation, d'abord parce que les droits économiques font partie de la charte. Et ce que je crois comprendre, et là vous me direz si je fais erreur, c'est qu'à l'égard des interventions que vous souhaitez qui soient faites à la commission c'est plutôt d'accompagner la commission en termes de formation des gens qui font des enquêtes et de permettre un lien entre ces gens-là de la commission et les organismes socioculturels, là, ce que vous appelez les organismes du milieu au deuxième paragraphe de la page 36 de votre rapport.

Parce que, et je reviens là-dessus, je sais que le député de Saint-Hyacinthe, qui m'écoute attentivement, a indiqué, la semaine dernière ou la semaine précédente, dans nos travaux, que j'avais bien mal compris le président de la Commission des droits de la personne lorsqu'il estimait avoir les ressources suffisantes, alors je suis allé au verbatim de ce qu'avait dit Me Dowd, parce que, moi, je ne voulais pas induire le député de Saint-Hyacinthe en erreur, surtout pas, et j'ai constaté qu'on lui avait posé deux fois la question et qu'il a répondu deux fois la même chose ? c'est un gars qui a de la mémoire ? et qu'il disait que, bien, dans la mesure où son mandat n'était pas modifié, il avait les ressources suffisantes. Alors, je ne voulais pas... Je voulais profiter de votre présence et des recommandations que vous faites dans votre mémoire pour revenir sur ce qui a été dit. Et peut-être que je suggérerais à mon collègue le député de Saint-Hyacinthe d'aller relire le verbatim. Je pourrais le faire, mais je n'ai pas assez de temps, et je veux avoir une réponse à la question que je vous pose.

Donc, l'approche que vous suggérez, c'est une approche qui tend à, un, rapprocher les enquêteurs du milieu et, deux, à la formation de ces enquêteurs-là, mais pas nécessairement en termes d'augmentation du nombre des effectifs de la commission?

M. Leblond (Claude): Vous avez raison, mais nous ne sommes pas... d'autant plus si vous retournez au verbatim, mais nous ne sommes pas...

M. Moreau: Et on travaille fort.

M. Leblond (Claude): ...comme ordre professionnel, ceux qui pouvons déterminer si effectivement la commission a toutes les ressources nécessaires pour faire face aux mandats qui lui sont donnés. Ça, effectivement, que vous vous adressiez à la commission, c'est le bon endroit.

Ce que nous pouvons vous dire...

M. Moreau: Et la commission nous a répondu là-dessus.

M. Leblond (Claude): Ils vous ont probablement répondu, si vous le dites, là, mais je ne rentrerai pas dans ce débat-là, moi. Vous ne m'avez pas, enfin, invité pour ça.

Ce qu'on vous dit par contre, il y a des recommandations très concrètes qui touchent, entre autres, la commission. On vous dit: Le personnel de la commission devrait être davantage sensibilisé et formé pour les nouvelles formes de racisme et de discrimination, qui sont plus subtiles. On vous dit également que la... Mais on vous dit au préalable, également, que la Charte des droits, bien qu'elle contienne effectivement la question des droits socioéconomiques, là, le respect des droits socioéconomiques, parce qu'entre autres il n'y a pas de définition opérationnelle de ce qu'est la décence, on se retrouve avec une application pour le moins mitigée de ces articles-là, et ça, la commission nous l'a dit également, dans son rapport sur les 25 ans de la Charte des droits et libertés au Québec, que les droits socioéconomiques, ça demeure le parent pauvre.

Donc, on vous invite à poursuivre la réflexion par rapport à l'opérationalisation de ces éléments-là. Qu'est-ce que c'est, la décence? Qu'est-ce que c'est, la...

M. Moreau: Je sais que j'ai très, très, très peu de temps, alors je me permets de vous interrompre, et vous pourrez répondre. Est-ce que vous pensez que... Vous ne pensez pas que c'est dangereux de définir clairement ou de définir dans le texte de la charte ce que constituent des droits socioéconomiques, plutôt que de laisser une interprétation jurisprudentielle qui permet d'évoluer avec les circonstances de la société? Est-ce que ce n'est pas un piège, à trop vouloir définir, de se limiter?

M. Leblond (Claude): Je ne suis pas un juriste.

M. Moreau: Je veux votre opinion.

M. Leblond (Claude): Et je ferai bien attention de dire qu'est-ce qui est... Ce dont... Je pense, en tout cas comme citoyen, que la jurisprudence peut éclairer mais en même temps limiter. Alors, la jurisprudence, mais c'est comme un éclairage, là, qui se focusse sur un élément, et cet élément-là devient effectivement... ça fait en sorte que, les causes suivantes, on va regarder ça, puis, si ça, c'est présent, ça devient motif de. Bon. On oublie par contre tout ce qui est à l'ombre, et l'ombre est peut-être autant importante.

Alors, il y a peut-être un avantage à minimalement ajuster, même de façon... un ajout très concret dans la charte, une définition large de ce que sont les droits socioéconomiques. Et là-dessus je vous réfère au PIDESC, qui quand même nomme les éléments, là, qui sont des éléments de droits socioéconomiques, là.

Le Président (M. Brodeur): Oui, en complément de réponse.

M. Richard (Stéphane): Juste répondre également à monsieur. Je voulais juste vous lancer sur... les auteurs du bilan de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse nous indiquent que le renforcement des droits socioéconomiques passe par un raisonnement à quatre temps, qu'il importe de relever à grands traits ici, que je vais relever grosso modo dans les... Les autorités publiques doivent pouvoir faire des choix dans... Ça répond à votre question, les quatre temps qui définissent...

M. Moreau: C'est dans votre mémoire?

M. Richard (Stéphane): Non, ça, c'est dans le mémoire qu'on avait sur le projet de loi n° 57.

M. Moreau: O.K.

M. Richard (Stéphane): Nous, on arrive avec des plateformes qui se ressemblent un petit peu, mais on est prêts à répondre. Donc, je vous convie à lire les quatre temps. C'est: Les autorités publiques doivent pouvoir faire des choix dans l'affectation des ressources limitées. Il y a un équilibrage, une graduation dans la réponse. Et, nous, comme disait notre président, ces gens-là connaissent, ils travaillent à la commission et ils ont défini les étapes pour renforcir ces droits-là et comment les renforcir; c'est très bien balisé, et vous retrouvez ça dans les quatre étapes, qu'on retrouve à la page 17 du document.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Alors, bienvenue M. Leblond, M. Richard. Par respect pour nos invités, je n'embarquerai pas dans le débat du verbatim, parce que notre collègue avait sorti aussi le verbatim puis l'avait cité. Ça fait qu'on va vous épargner ce débat.

J'apprécie beaucoup votre mémoire, parce que vous apportez des éléments différents et vous reconnaissez, comme ordre professionnel, que vous êtes des agents, puis agents de changement, et que la politique, le dépôt du document vous a permis aussi de vous questionner sur vos pratiques, et tout ça. Je trouve ça intéressant, parce que, quand on commence par soi-même, ça nous amène à aller un petit peu plus loin.

J'apprécie aussi beaucoup votre lien entre toute la question de la lutte à la pauvreté, ça m'apparaît très clair. Pour avoir travaillé sur le projet de loi n° 112, pour avoir travaillé pour une politique d'égalité entre les femmes et les hommes, c'est évident que les liens sont majeurs et que tout doit se coordonner si on veut avoir de véritables résultats.

J'étais heureuse aussi de vous entendre sur les mythes, hein, qui persistent, hein, le vieux mythe qu'une personne pauvre, c'était de sa faute, là. Déjà, en 1963, on le disait, mais, encore en 2006, il y a encore des échos, c'est clair. Puis que toute la question du racisme, de la discrimination qui se fait d'une manière plus subtile. C'est vrai aussi dans les discriminations systémiques faites aux femmes. La discrimination est toujours là, mais on le fait d'une manière plus subtile parce que ce n'est pas politiquement correct de le faire.

Ma question sur les organismes communautaires. Vous reconnaissez à juste titre que les organismes communautaires jouent un rôle essentiel, important. Vous souhaitez même qu'ils puissent avoir un rehaussement du financement. Effectivement, il y a une politique de reconnaissance de l'action communautaire qui oblige les différents ministères à assurer un financement de la mission globale. Du côté des organismes communautaires qui relèvent du ministère de l'Immigration, la politique n'est pas encore appliquée. Vous rappelez que, ces organismes-là, il faut le faire avec la préoccupation du maillage entre les institutions et le milieu communautaire. Puis, un petit peu plus loin, vous nous parlez qu'il pourrait peut-être prendre le relais, avoir le soutien dans la période délai de carence de trois mois de l'assurance maladie. Alors, expliquez-nous plus un peu le lien que vous souhaitez.

n(16 h 10)n

M. Leblond (Claude): D'accord. Avant de répondre à votre question, je reviens à des propos que vous avez tenus au départ, là, reconnaissant le fait qu'on se pose des questions. Les questions qu'on se pose aussi, à l'ordre, font en sorte qu'effectivement nous allons, dans le cadre la révision de la formation initiale en travail social, on va avoir à donner des réponses en lien avec ces besoins de lutte à la discrimination et au racisme, là, et également dans notre programme de formation continue. Donc, il y a des choses qui vont se poursuivre dans notre mandat et notre responsabilité par rapport aux futures travailleuses sociales mais également aux travailleurs sociaux actuellement en poste et qui doivent être en mesure de répondre aux besoins des populations et au respect des différentes politiques gouvernementales. Donc ça, c'est un engagement que nous avons pris, là.

Sur l'intervention, là, et le maillage important entre les organismes communautaires et le réseau, bon, d'abord peut-être vous rappeler que travailleurs sociaux et les travailleuses sociales au Québec travaillent avec et pour. Donc, leur façon d'être et d'agir, leur profession se définissent dans le «avec» et «pour» et non seulement dans le «pour». Donc, ça va de soi pour nous que, quand nous avons à travailler avec des personnes qui proviennent des milieux ethnoculturels et que nous avons à les accompagner dans la résolution de difficultés, résolution de problèmes, ça va être avec eux, donc à partir de la définition qu'ils en donneront et la définition des objectifs qu'ils souhaiteront atteindre et non pas pour eux qu'on le fera. Donc, on a cette même préoccupation pour que les organismes du réseau, alors les institutions ou les établissements du réseau, particulièrement en santé et services sociaux, soient bien maillés avec les organismes communautaires du milieu ethnoculturel pour effectivement répondre de façon adéquate, avec les organismes, à quels sont les besoins des personnes issues des milieux.

L'autre élément sur lequel je souhaitais attirer votre attention, et vous l'avez nommé, et ça vient de disparaître de dans ma tête... c'est assez dramatique, hein?

Mme Caron: Comme pour le délai de carence?

M. Leblond (Claude): Bon, la question du délai de carence, justement. Vous savez, c'est connu que, pour les services de la RAMQ, il y a un délai de carence, là, de trois mois. Je vous invite à vérifier et à vous assurer que pour ce qui est des services sociaux on n'ait pas ce délai de carence là. S'il y a des établissements au Québec qui imposent un délai de carence en fonction du fait que la personne n'a pas sa carte d'assurance maladie pour fins d'ouverture de son dossier et qui ainsi, en période de crise psychosociale ou d'adaptation à sa réalité, n'a pas accès aux services sociaux financés ? et je rajoute «financés», parce que des fois ils ont accès aux services, parce que le choix de l'établissement ou le travailleur social en place décide qu'il ne peut pas laisser quelqu'un en besoin de services sans services ? alors je vous demande de vous assurer que les services sociaux offerts autant dans les établissements que par les organismes communautaires soient accessibles et financés pendant le délai de carence d'obtention de la carte d'assurance maladie, ou l'accessibilité aux services couverts par la RAMQ. Réponse pour l'ensemble du Québec, là: est-ce qu'ils sont couverts ou pas, les services sociaux pour ces personnes?

Mme Caron: Tout à fait, merci.

Le Président (M. Brodeur): Question et réponse totalisant une minute.

Mme Caron: Courte question, oui. Vous avez touché aussi à l'importance du suivi. Quand c'est une politique gouvernementale, le suivi est important, mais à deux chapitres. Comment on peut donner les outils à la ministre ou au ministre responsable d'une politique pour intervenir auprès des collègues, mais aussi comment on peut la faire descendre ? et souvent le problème est là aussi ? au niveau des différentes régions du Québec. Parce qu'une politique peut être extraordinaire au niveau national, les ministères peuvent la respecter, mais, quand on arrive à faire descendre ça au niveau des différentes régions, il y a des difficultés financières, des difficultés de ressources humaines aussi des fois. Avez-vous pensé à cet élément-là, là, pour que ça puisse descendre sur l'ensemble des régions?

M. Leblond (Claude): Mon collègue dit oui, mais je vais lui laisser y répondre. Mais, auparavant, peut-être je veux souligner, c'est toujours le défi, hein, pour quelque politique d'importance, effectivement de s'assurer de son application. Une des façons qui pourrait être aidante, c'est qu'à la fois la politique établie par les élus soit, avec le message clair, hein, de lutte à la discrimination et au racisme, descende, mais qu'il monte également à partir de la population. C'est dans ce sens-là où on vous disait: Il faut interpeller, il faut que la population se sente interpellée. Et à ce niveau-là vous avez de multiples acteurs, je pense, qui sont également engagés dans la lutte à la discrimination et au racisme ou engagés dans ces... qui pourraient s'engager dans ces processus-là pour faire en sorte que dans leur base de leur réseau à eux effectivement ça puisse aussi émerger et qu'on puisse avoir une voix, là, au Québec qui dit: Non, ça, ce n'est pas acceptable, là, et qu'à quelque part ça se rejoigne. Mais, sur le suivi, je vais laisser mon collègue vous répondre.

Le Président (M. Brodeur): Conclusion.

M. Richard (Stéphane): Oui, bien, écoutez, en conclusion, rapidement, mon président a très bien répondu, c'est ce que... je m'en allais dans cette ligne-là, en fait. On a parlé, depuis... l'ordre, on s'est présenté souvent à vos collègues aux affaires sociales et on parlait souvent d'établir une communication continue avec la population sur des questions et des enjeux qui touchent aux affaires sociales. Donc, voilà, on avait parlé, dans le projet de loi... à des mécanismes. Aujourd'hui, les mécanismes qu'on aurait, bon, il y a Internet, il y a plein de choses qui sont faites, les journées, aussi, là, de... les journées de... comment... pouvez-vous me rappeler?

Une voix: ...

M. Richard (Stéphane): Oui, exactement. Je vous ai vu, ça, je trouve ça... il y a des alternatives, comme ça, précises. Mais, nous, l'importance qu'on soulève est que le président nommé, c'est de maintenir un lien et une communication constante avec la population. Voilà.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie l'Ordre professionnel des travailleurs sociaux du Québec et je suspends quelques instants, le temps que la Confédération des syndicats nationaux puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 16 h 15)

 

(Reprise à 16 h 17)

Le Président (M. Brodeur): Donc, nous allons débuter et continuer nos travaux en recevant la Confédération des syndicats nationaux. Donc, bienvenue, Mme Boucher, Mme Roy et un autre invité. De toute façon, je vais vous laisser la chance de vous présenter vous-mêmes dans quelques instants.

Tout simplement vous rappeler les règles de la commission. Vous avez un temps maximal de 20 minutes pour présenter votre rapport de la façon dont vous jugez à propos. Donc, si vous voyez le président commencer à gesticuler après 18 minutes, c'est tout à fait normal. Donc, vous avez un montant maximal de 20 minutes. Et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, je vous demanderais tout d'abord, pour le bénéfice du Journal des débats, de bien vouloir vous identifier et à la suite de bien vouloir présenter votre rapport.

Confédération des syndicats nationaux (CSN)

Mme Boucher (Denise): Alors, merci, M. le Président. Alors, avec moi Josée Roy, adjointe au comité exécutif de la CSN, et Abraham Lara, qui se trouve à être au comité confédéral sur les relations interculturelles et raciales qui est à la CSN, et moi-même, Denise Boucher, vice-présidente à la CSN.

Alors, la CSN tient à souligner l'initiative de la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles d'inviter la population du Québec à cette consultation sur une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. La CSN appuie le gouvernement dans sa volonté de s'attaquer à cette problématique en reconnaissant dans un premier temps le fait que ces phénomènes existent dans notre société, qui est tout de même parmi les plus ouvertes dans le monde.

Les récents travaux du groupe de travail qui s'est penché sur la pleine participation à la société québécoise des communautés noires ont mis en lumière des constats très inquiétants. Ils obligent le gouvernement et l'ensemble de la société québécoise non seulement à une prise de conscience collective, mais aussi à la mise en place d'actions rapides et efficaces.

C'est principalement en tant qu'acteur important du développement économique et social du Québec que la CSN participe à cette consultation. Nous croyons fermement que l'emploi constitue la pierre angulaire de l'intégration des immigrantes et des immigrants et des personnes des différentes communautés culturelles, particulièrement des membres des minorités visibles, dans toutes les facettes de la vie sociale, économique et culturelle.

Préoccupée par toutes les questions relatives à l'accueil, l'intégration et le maintien en emploi des membres des communautés culturelles, la CSN est conseillée depuis 1986 par son comité confédéral sur les relations interculturelles et raciales. Depuis ce temps, la CSN développe une expertise sur les questions relatives aux relations interculturelles et raciales et intervient auprès de ses syndicats en cette matière.

n(16 h 20)n

La CSN constate en effet que des changements s'opèrent tant dans les milieux de travail que dans les syndicats. Tout comme la société québécoise, de plus en plus de syndicats affiliés à la CSN sont formés de membres de communautés culturelles et, dans nombre d'entre eux, ils sont majoritaires. La CSN se sent donc fortement interpellée par la sensibilisation et la prise en charge de cette problématique par ses syndicats.

Le document de consultation fournit d'excellentes explications quant aux types de racisme et de discrimination présents aujourd'hui dans la société québécoise et leur évolution dans le temps. Nous ajoutons à ce portrait quelques éléments. En effet, pour des raisons de démographie, l'immigration récente s'est accentuée. Elle est aussi plus visible: les communautés noires, maghrébines et d'autres en provenance de certaines régions d'Asie sont souvent francophiles et correspondent aux critères de sélection des immigrants mis en place par le gouvernement. Cette visibilité, elle est multiple. Elle n'est pas seulement dans la couleur de la peau, mais aussi dans l'affichage de traits culturels et religieux dont quelques-uns peuvent heurter certaines valeurs d'égalité, particulièrement entre les hommes et les femmes; elle confronte aussi parfois le laïcisme que nous avons décidé d'afficher dans l'espace public, phénomène encore passablement récent au Québec, en fait qu'on n'affiche plus.

Alors, tout cela se produit dans le contexte de l'après-11 septembre. Il nous apparaît que les événements du 11 septembre 2001 et la guerre au terrorisme qui se poursuit ont un effet important sur la perception des citoyens en posant sur les différences une lumière accrue. Il devient, entre autres, très difficile pour beaucoup de gens de faire la différence entre islam et islamisme et de ne pas considérer toutes les personnes qui affichent leurs symboles religieux pour des fanatiques. Les constats soulevés dans le présent document et dans celui du Groupe de travail ministériel sur la participation à la société québécoise des communautés noires montrent que le Québec a déjà de réels problèmes à intégrer socialement une partie des membres des communautés culturelles, particulièrement ceux des minorités visibles, même quand ils sont au pays depuis plusieurs générations. Ces problèmes se traduisent, entre autres, par des taux de chômage élevés et des situations fréquentes de sous-emploi, et ce, malgré de hauts niveaux de scolarité chez ces personnes. La CSN estime donc qu'il y a urgence d'agir.

Il y a aussi urgence d'agir car, il faut bien le constater, les manifestations racistes et les préjugés sont toujours présents dans la société québécoise. Ils le sont dans les milieux de travail, compromettant ainsi une des pierres angulaires de l'intégration qu'est l'emploi. Nous considérons que les problématiques soulevées dans le document de consultation, compte tenu du contexte dans lequel le monde évolue présentement, ne peuvent perdurer sans risquer d'aggraver la situation et d'accentuer l'exclusion de plusieurs membres de certaines communautés. Ceci serait intolérable au Québec. La CSN rappelle que le gouvernement du Québec mise sur l'immigration pour contrer certains effets liés au vieillissement de la population et au déclin démographique. Conséquemment, la CSN croit qu'après avoir sollicité la venue d'immigrantes et d'immigrants la société d'accueil a la responsabilité de ne pas les laisser à eux-mêmes et doit faciliter leur intégration. En ce sens, le gouvernement, par ses politiques et ses actions, doit servir de modèle. Or, certaines actions gouvernementales des dernières années ne facilitent aucunement l'intégration harmonieuse. La CSN s'interroge sur la baisse de budget du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, qui a entraîné des coupes notamment dans les cours de français, alors que les cibles d'immigration augmentent. Pour nous, diminution des budgets rime généralement avec diminution des services.

Pour ce qui est des principes directeurs de la politique proposée, alors la CSN partage dans l'ensemble l'analyse de la situation et les enjeux tels que décrits dans le document de consultation, dont il faut reconnaître les phénomènes de racisme, de discrimination pour pouvoir trouver des solutions. Pour illustrer, au moment d'écrire ces lignes ? ça se trouvait donc à l'été ? le Canada tentait de rapatrier ses ressortissants coincés dans la crise israélo-libanaise, et une famille canadienne d'origine libanaise de Montréal venait de perdre huit de ses membres, dont quatre enfants en bas âge. Les questions et les attitudes observées durant cette crise illustrent assez bien à notre avis le problème dans toute sa complexité. Le peu de sensibilité démontrée à l'égard de la famille touchée par l'ensemble de la classe politique a été remarqué. En effet, les comportements auraient-ils été les mêmes si la famille n'avait pas été identifiée à une communauté culturelle, d'autant plus que cette famille est musulmane et que plusieurs de ses membres affichent des symboles religieux?

Par ailleurs, les cinq principes directeurs mis en avant dans le projet de politique nous apparaissent définir un encadrement approprié pour les orientations et mesures qui seront développées. Et, comme nous n'avons pas la prétention d'être des spécialistes des relations interculturelles, c'est pourquoi nous tenterons de répondre aux questions qui nous interpellent plus directement.

Alors, pour l'orientation 1, la CSN croit que, pour assumer un leadership adéquat et donner l'impulsion nécessaire, le gouvernement doit rapidement faire de ce dossier une priorité pour ainsi développer une vision qui devra être partagée par l'ensemble de ses ministères et organismes, cela nous semble primordial. Nous croyons que cette vision devra se traduire concrètement dans les politiques, les planifications et les rapports de ces différentes structures gouvernementales. Les objectifs et les indicateurs devront viser des résultats autant dans les services qu'offrent les ministères et les organismes, mais aussi dans la représentation des minorités qui font l'objet de discrimination en leur sein.

L'orientation 2: Reconnaître et contrer les préjugés à la discrimination. Alors, nous croyons qu'il y a trois lieux de prédilection pour faire ce travail auprès de la population, soit le réseau de l'éducation, à tous les niveaux, l'espace médiatique et les milieux de travail. Alors, pour ce qui est du réseau de l'éducation, alors la CSN croit que le milieu de l'éducation doit, dès les premières années de fréquentation scolaire, sensibiliser les enfants, et ce, peu importe le milieu où ils vivent. À cet égard, il faut soit former les enseignantes et les enseignants ou développer des programmes avec des organisations ou des organismes communautaires qui ont une expertise en relations interculturelles.

Dans l'espace médiatique, nous croyons que le gouvernement devrait inciter les médias et les producteurs à faire plus de place aux différentes communautés dans la programmation et la publicité. On pourrait penser aussi à des reportages de type documentaires qui pourraient mettre en valeur des réalisations de personnes ou de groupes de personnes dans différents secteurs d'activité ou des histoires qui témoignent d'une intégration interculturelle réussie. En milieu de travail, la CSN considère que le milieu de travail est un endroit privilégié pour rejoindre une grande partie de la population. De plus, force est de constater que la discrimination en milieu de travail demeure importante et se manifeste sous différentes formes. Nous croyons que la lutte à la discrimination et aux préjugés est la piste principale par laquelle le problème d'intégration au travail de personnes des minorités visibles ne sera peut-être pas tout à fait résolu mais à tout le moins atténué.

Nous croyons aussi que cette tâche est une responsabilité de tous les acteurs du milieu. C'est pourquoi nous croyons que le gouvernement devrait favoriser la mise en place de programmes de formation à la réalité interculturelle et au racisme dans les milieux de travail. À cet égard, la CSN mène actuellement un projet en ce sens qui reçoit l'appui du ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles. Et on a avec nous aussi la brochure qui nous permet effectivement d'aller dans les milieux de travail, de développer l'expertise. Et on est aussi après faire une tournée auprès de nos 13 conseils centraux, où on fait... on élabore cette problématique-là. Et je vous dirais que les débats sont extrêmement riches, surtout quand on sort de Montréal et qu'on va dans les régions un petit peu plus à l'Est du Québec. Alors, je voulais juste préciser ça parce qu'il me semble que c'est important de faire cette démarche.

Alors, la CSN estime que le gouvernement, en collaboration avec les principaux acteurs de la société civile, doit tout mettre en oeuvre afin de faciliter l'intégration de toutes et de tous. Le Québec sélectionne une partie importante de ses immigrants, immigrantes en fonction de leur contribution potentielle à son économie. Tendre vers une meilleure équité en emploi devient une obligation qui va dans le sens des intérêts, tant sociaux qu'économiques, du Québec. De plus, nous considérons qu'une des premières actions gouvernementales serait de faire le bilan des programmes en tentant d'évaluer le plus clairement possible les raisons pour lesquelles ces projets n'ont pas eu les effets escomptés, et ce, en fonction de leurs caractéristiques.

Pour ce qui est des programmes d'accès à l'égalité, la CSN juge important qu'il y ait un nombre significatif de travailleuses et de travailleurs issus des communautés visibles dans le personnel chargé d'offrir des services publics à la population, et ce, particulièrement dans les régions où ces communautés sont fortement présentes. Nous réaffirmons donc notre conviction quant à la nécessité des programmes d'accès à l'égalité, et ce, même si ces programmes connaissent des problèmes de perception négative partiellement liés à l'embauche préférentielle.

n(16 h 30)n

Quatre autres petits points. Alors, pour la francisation, alors nous croyons qu'il faut insister sur l'importance des programmes de francisation. Pour le soutien aux organismes communautaires, il est primordial qu'ils exercent un rôle important dans l'intégration des communautés, donc il faut les supporter financièrement. Le rôle que devrait assumer les employeurs est de susciter des changements dans leur organisation même du travail en donnant des mandats précis auprès de leurs ressources humaines et en associant bien évidemment les syndicats. Et, pour ce qui est du rôle des syndicats, l'accueil, l'intégration et le maintien en emploi s'avèrent une majeure.

Or, la CSN propose que la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination recommande le développement, de concert avec la Commission des partenaires du marché du travail, d'une stratégie d'intervention à l'égard des travailleuses et travailleurs des communautés culturelles en portant une attention particulière à la situation des communautés visibles et en développant des mesures qui leur sont spécifiques et que, dans l'élaboration de cette stratégie, soient associés des représentantes et des représentants de ces diverses communautés ainsi que le Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre ? Personnes immigrantes. Voilà.

Alors, en conclusion, et je pense que je suis dans mon temps, la CSN appuie l'idée de mettre en place une politique gouvernementale contre le racisme et la discrimination et, nonobstant les commentaires développés un peu plus haut, considère que les orientations et stratégies proposées constituent un encadrement approprié pour le travail à faire par l'ensemble des acteurs de la société québécoise. Déjà, dans nos commentaires sur l'immigration au Québec 2001-2003, en 2000, et ceux sur la planification des niveaux d'immigration en 2005-2007, qui a été fait en 2004, nous soulignons l'importance de mettre en place et d'offrir des services facilitant une intégration harmonieuse à la société québécoise, et ce, tant au niveau linguistique, résidentiel, scolaire, professionnel que social, afin de préserver la capacité d'accueil et d'ouverture de la société québécoise. Les chiffres démontrent que des problèmes d'intégration sont déjà bien présents dans certaines communautés, même pour des personnes qui sont nées ici. Comme ces problèmes d'exclusion sont de par leur nature à l'origine de cercles vicieux, ils ne peuvent que s'aggraver si une mobilisation importante n'est pas entreprise pour les contrer. Il est urgent de mettre en place des stratégies efficaces qui permettront de lutter contre les préjugés, de favoriser le rapprochement entre les personnes d'apparence ou de culture différente. La CSN croit que les milieux de travail sont des lieux importants pour faire ce travail et entend continuer à participer activement à ce chantier. Alors, voilà, M. le Président, Mme la ministre.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Boucher, pour cette présentation. Mme Roy, M. Lara, bienvenue parmi nous. Je suis très heureuse d'avoir l'occasion d'avoir la CSN ici aujourd'hui. J'ai toujours considéré qu'une politique de lutte gouvernementale contre le racisme et la discrimination c'est réellement l'affaire de toute notre société, pas seulement le gouvernement et ses organismes, mais évidemment tous les acteurs. J'entends par là, oui, évidemment, le milieu de l'éducation, qui a un rôle à jouer, c'est fondamental, les employeurs, qui doivent faire une place plus grande, également les syndicats doivent être interpellés. Vous faites partie prenante des relations de travail, évidemment, donc je suis heureuse que vous soyez ici. Et évidemment on a signé une entente aussi pour vous permettre d'aller faire de la formation en relations interculturelles avec vos exécutifs régionaux, parce qu'il me semble qu'il est important aussi que les syndicats soient plus représentatifs de ce qu'est la réalité d'aujourd'hui, évidemment. J'ai bien entendu vos remarques. Évidemment, on va prendre en considération beaucoup de vos recommandations, elles seront analysées avec tout le soin qu'elles méritent.

Et ce que j'aimerais vous poser comme question, puis je vais vous en poser juste une parce que je sais que notre temps est limité puis que ma collègue a des questions qu'elle veut vous poser. S'il reste du temps, je reviendrai. Je vous dirai, à la page 23, vous parlez de la reconnaissance des acquis, vous dites: «Il est primordial que le gouvernement, les ordres professionnels et les responsables des métiers régis poursuivent les travaux pour l'établissement de mécanismes justes [et] efficaces, transparents et opérationnels.» On parle de la reconnaissance des diplômes étrangers, là, O.K. Et ce que j'aimerais savoir, c'est, puisque la CSN est à la Commission de la construction, je voudrais savoir qu'est-ce que la CSN peut faire pour que les personnes qui sont formées à l'étranger, particulièrement dans les métiers de la construction, puisqu'on se souvient très bien tous du dossier des ordres professionnels, 50 professions régies par 45 ordres professionnels, il y a fallu amender la loi de l'Office des professions pour justement donner cette possibilité-là... Vous savez qu'on vient de revoir la grille de sélection du Québec, qui est rentrée en vigueur lundi, où on veut faire une plus grande place aux métiers techniques et secondaire professionnel. Les métiers de la construction seront donc évidemment interpellés. Nous savons qu'il y a des pénuries de main-d'oeuvre. La CSN est un acteur important. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour justement qu'on ne revive pas l'expérience avec les métiers de la construction, comme syndicat, qu'on a eu tant d'années à peiner avec les ordres professionnels? Comment on peut accélérer la reconnaissance de l'expérience?

Mme Roy (Josée): Ce que je pourrais vous dire là-dessus, c'est qu'en ce moment, pour l'intégration des femmes dans les métiers de la construction, il y a des projets pilotes qui se font avec notre Fédération de la construction pour faciliter, là, l'intégration des femmes dans les métiers de la construction. Je pense que, pour ce qui est de l'intégration des personnes des communautés culturelles, on est tout à fait ouverts à mettre en place des projets en ce sens-là. D'ailleurs, je pense même qu'il y a eu certaines discussions, là, il faudrait que je vérifie plus avant, mais il y a déjà eu certaines discussions avec notre Fédération de la construction concernant certains projets, là. J'ai entendu ça dans les branches, il faudrait que je vérifie plus précisément. Mais c'est quelque chose sur lequel on serait ouverts. D'ailleurs, dans les métiers de la construction, il y a déjà des gens des communautés culturelles, là, généralement c'est assez, aussi, en spécialité. Mais il y a encore des efforts à faire, parce qu'il y a des chasses gardées là-dedans aussi, comme il y a déjà eu dans l'hôtellerie, d'ailleurs.

Mme Thériault: O.K. Parce que mon questionnement est beaucoup plus... Bon, vous savez, lorsqu'on vient pour reconnaître l'équivalence des diplômes, on va regarder la formation dispensée au Québec par rapport à la formation dispensée dans un autre pays. Là, peut jouer avec ça l'expérience professionnelle, évidemment. Moi, je pense qu'un maçon qui a monté pendant 15 ans des murs de briques, il me semble que c'est facile de faire reconnaître son expérience par un test, là, pratique, hein, en montant des briques ou avec certaines questions théoriques comme telles. Et là je me demande... Parce que, bon, c'est bien évident que c'est un dossier qui est très important, comme la reconnaissance des diplômes étrangers, les métiers régis non réglementés. J'ai déjà parlé à quelques intervenants, le ministre du Travail est interpellé aussi. C'est sûr qu'on va devoir faire un travail énorme là-dessus.

J'entends votre ouverture, sauf que je veux tout simplement m'assurer qu'on peut avoir toute votre collaboration possible, parce que c'est des dossiers qui sont complexes aussi. Il y a beaucoup de corps de métiers, ce n'est pas évident, puis il y a beaucoup de pays, aussi, de provenance. Donc, qu'est-ce que vaut un diplôme par rapport à l'autre? Ça fait que c'est pour ça qu'il est important qu'on puisse trouver tout de suite des façons de collaborer, pour pouvoir reconnaître surtout l'expérience de travail qui a été acquise à l'étranger.

Mme Boucher (Denise): Si vous me permettez, M. le Président, Mme la ministre, je vous dirais, oui, il y a le secteur de la construction, mais on a d'autres chantiers aussi. Je veux juste qu'on se dise ça entre nous. Parce qu'on peut bien construire, là, mais il y a bien d'autres groupes qui viennent et pour lesquels la scolarité n'est pas reconnue. Alors, je pense que c'est un chantier qui d'ailleurs fait partie des chantiers conjoints ministère de l'Éducation-ministère de l'Emploi-ministère de l'Immigration, travailler avec les corporations. Et on en fait partie, hein, on en fait partie. Je pense qu'il faut qu'on y travaille en harmonie pour ne pas brusquer non plus... Parce que la tournée, c'est très enrichissant, la tournée, parce que... Puis je vais vous ramener à ça...

Mme Thériault: Je n'en doute pas.

n(16 h 40)n

Mme Boucher (Denise): Je vais vous donner un exemple. Alors, la personne qui fait la tournée, j'étais dans la salle au moment... Alors, c'était dans la région du Bas-Saint-Laurent, et il y a quelqu'un qui dit: Moi, j'étais dans Sept-Îles, et puis on avait des problèmes avec les autochtones. Est-ce que ça veut-u dire que ça va être le même type de mauvaises relations qu'on va avoir s'il y a des gens des communautés qui viennent dans la région? Alors, on explique que, non, ce n'est pas du même ordre, ce n'est pas du tout ça, que ça doit faire partie... Mais, vous voyez comment c'est vu? Après ça, ils posent comme question: Mais comment je vais faire intégrer ça dans mon syndicat? Quels pourraient être les arguments? Alors, bon, il y en a qui disent: Bien, voyez, un des bons arguments, c'est que, nous, pour être capables de conserver nos emplois, entre autres dans les cégeps de cette région-là, ils font appel, vous le savez, à l'île de la Réunion pour faire venir des étudiants et des étudiantes. Alors, ils disent: Oui, nous autres, ça consolide nos emplois. Et il y en avait un autre qui était là, d'un syndicat qu'on représente, de la SAQ, qui a sorti la liste des membres de son syndicat, et il n'y avait pas beaucoup de Tremblay dans la liste qu'il nous a citée.

Alors, en même temps, il faut... On est prêts à collaborer. Je pense qu'on ne peut pas miser que sur la question de la construction. Il faut qu'on mise plus globalement, parce que la question de la pénurie de la main-d'oeuvre n'est pas juste dans la construction, elle va être à peu près dans tous les secteurs. Alors, il faut bien travailler, et c'est pour ça que, nous, on fait cette tournée-là, pour faire de la sensibilisation auprès de nos syndicats, pour ne pas que ça brusque et pour ne pas que ça ait un effet boomerang qui va avoir des effets négatifs sur l'intégration. Alors, pour nous, c'est clair.

Alors, s'il y avait des demandes en regard de la question de la construction, moi, je pense qu'il y a du monde qui sont là, on pourrait s'asseoir avec eux, il est possible de regarder, mais il y a du compagnonnage qui peut se faire, hein, il y a du mentorat qui peut se faire, il y a toutes sortes de choses qui peuvent se faire pour faire en sorte que les gens peuvent graduellement avoir ce qu'on appelle, dans le langage de la construction...

Mme Thériault: Compétence.

Mme Boucher (Denise): ...les cartes. Et c'est vrai qu'il y a des groupes qui sont plus... qui sont associés... On pourrait penser au terrassement, on pense souvent aux Portugais.

Mme Thériault: Je suis...

Mme Boucher (Denise): Et ils peuvent nous en montrer.

Mme Thériault: Oui. Mais je suis d'accord avec vous, je pense que c'est important de ne pas focusser seulement sur les métiers de la construction, sauf qu'il va falloir se pencher là-dessus aussi, puis c'est important d'avoir de l'action à plusieurs niveaux, dans différents échelons ou différentes catégories, définitivement. Et je crois sincèrement que les syndicats doivent être associés à cette démarche-là parce qu'on a besoin de la pleine collaboration. On aura beau dire que les employeurs... C'est vrai, les employeurs aussi ont beaucoup de chemin à faire, mais on a besoin aussi de votre collaboration.

Mme Boucher (Denise): ...s'il devait y avoir dans le plan ou dans la politique des espaces auxquels il faudrait être interpellés, on sera là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Ah! Merci, M. le Président.

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Pardon?

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Non, mais je pensais qu'il y avait encore plus de temps. Donc, Mme Boucher, Mme Roy et M. Lara, bonjour. Bienvenue à la CSN, à la Confédération des syndicats nationaux. Nous avons lu votre mémoire et écouté votre présentation avec beaucoup d'intérêt, puis d'autant que je crois et je suis persuadée que les différents syndicats, un syndicat comme le vôtre, par exemple, qui a une envergure nationale au niveau du Québec, peut jouer un rôle extrêmement important.

Je lisais dans la première page, où vous faites état de vos structures, que, bon, vous regroupez 300 000 membres regroupés dans 2 100 syndicats, 13 conseils centraux qui sont vos instances régionales, puis vous faisiez état avec la ministre de cette tournée régionale que vous faites à travers le Québec. Et je pense que vous pouvez vous faire de bons porte-parole puis, de la proximité que vous avez avec vos membres, permettre des dialogues francs et sincères puis aussi permettre d'atténuer certaines craintes et peurs. Parce qu'on l'a dit, évidemment, la discrimination et le racisme... Plusieurs groupes ont mentionné que les inégalités socioéconomiques étaient finalement une des principales... un des aspects sur lesquels il fallait marteler afin de lutter contre la discrimination et le racisme, mais en même temps il y a tout un autre volet qui est aussi la peur de l'autre et donc de l'inconnu.

Et le travail que vous pouvez faire dans les prochains mois et années à cet égard-là va être, j'en suis convaincue, important. Puis, pour cette raison-là, je vous remercie d'être ici avec nous aujourd'hui. Puis je sais que ça fait de nombreuses années que vous vous intéressez à la question de l'immigration, des facilitateurs en termes d'intégration, et donc merci d'être ici. L'emploi est d'autant plus un aspect important dans l'intégration, et donc... C'est des volets extrêmement intéressants.

Et c'est pour cette raison-là que j'aimerais... Bon, dans un premier temps, bien je voulais parler de votre dernière recommandation, mais en même temps, au début de votre mémoire... excusez-moi, à la page 11, votre première recommandation, en fait, c'est de dire «que pour assumer un leadership adéquat et donner l'impulsion nécessaire, le gouvernement doit rapidement faire de ce dossier une priorité». Vous l'avez inscrite, cette recommandation, puis ce n'est pas anodin. Je me demandais pourquoi vous aviez pris la peine ou le soin d'inscrire cette recommandation. Pour ma part, puis je ne veux pas vous mettre des mots dans la bouche, mais, pour ma part, je pense que l'État québécois doit donner une meilleure impulsion en termes d'immigration. Le budget, notamment, du ministère de l'Immigration, quand on sait qu'à la Santé, par exemple, la moitié du budget de l'État va à la santé, ce qui est une chose importante et correcte, mais, en même temps, quand on regarde l'enveloppe dévolue au ministère de l'Immigration, surtout que cette enveloppe a diminué dans les dernières années malgré que le taux d'immigration a augmenté, je ne sais pas si... En tout cas, pour moi, c'est sûr que les efforts financiers de l'État québécois montrent une certaine orientation des priorités. J'aimerais vous entendre sur ça avant de passer à d'autres questions, tout de suite après.

Mme Boucher (Denise): Ça va être Mme Roy qui va vous répondre.

Mme Roy (Josée): Bien, ce que... On a trouvé important de l'écrire parce que, oui, d'une part, on a noté, dans les dernières années, qu'il y a eu des coupures au niveau de ce dossier-là, des coupures budgétaires au niveau de ce dossier-là, que les niveaux d'immigration, qu'on souhaite attirer plus d'immigrants, donc il y a comme un problème d'adéquation là, mais aussi parce qu'on est d'accord avec le fait qu'il y ait une politique, parce que ça a l'avantage de vouloir coordonner les efforts de tout le monde, et ça a surtout l'avantage de vouloir donner une impulsion à l'ensemble des acteurs. Le fait d'en faire une priorité, pour nous, le gouvernement est un modèle, est le régulateur, est l'organisation qui doit donner l'impulsion à l'ensemble de la société, à l'ensemble des acteurs à s'investir dans ce dossier-là. Et on pense que le contexte... on en parle un peu, là, dans tout l'environnement, l'environnement de ce qui se passe dans le monde, l'environnement de l'après-11 septembre, qu'on n'est pas dans un environnement facilitateur à l'intégration des immigrants en ce moment et à la lutte contre les préjugés et le racisme. Alors, le fait d'en faire une priorité à ce moment-ci, on pense que c'est important pour ne pas que les problèmes s'aggravent, parce qu'il y a déjà des problèmes qui ont été constatés par les recherches qui ont été faites, entre autres pour l'intégration des communautés noires.

Mme Lefebvre: Je vous remercie et je partage absolument votre propos.

Mme Boucher (Denise): Il y a Lara qui voudrait... Abraham Lara.

M. Lara (Abraham): Je voulais juste vous rappeler qu'une partie de notre rapport, on parle du problème de vieillissement de la population, on parle du fait qu'on va manquer de gens. Même dernièrement, dans les journaux, on disait qu'il y avait presque 2 000 enfants de moins à la rentrée scolaire, et donc, nous, on dit que l'État québécois va devoir augmenter l'immigration. Donc, toute la problématique qu'on a aujourd'hui, elle va augmenter, donc de là l'importance de faire une politique d'État sur ce sujet-là.

Mme Lefebvre: C'est extrêmement important, puis vous le soulignez de belle façon.

Puisque le temps file rapidement, j'aimerais vous entendre. Votre dernière proposition, vous parlez d'inclure la Commission des partenaires du marché du travail. J'aimerais vous donner l'occasion d'élaborer davantage sur cette proposition. De quelle façon la Commission des partenaires du marché du travail doit être impliquée dans une future politique ou plan d'action? Puis, quelles actions concrètes pourraient être faites rapidement avec la commission, et donc le partenariat avec le gouvernement, les syndicats, la commission?

Mme Boucher (Denise): Peut-être indiquer dans un premier temps que la Commission des partenaires est un très beau lieu où l'ensemble des partenaires y siègent. Alors, il y a le monde patronal, il y a le monde syndical, il y a le monde communautaire et il y a le monde de l'enseignement. Et voilà. Ça, c'est déjà en partant. Ça fait en sorte qu'on est là ensemble.

Mme Lefebvre: ...ne pas recommencer la roue, ne pas recommencer, refaire ce qui existe déjà, finalement.

n(16 h 50)n

Mme Boucher (Denise): Alors, il y a déjà un bel espace.

L'autre espace que permet la commission, c'est qu'elle travaille sur la question de la planification de l'emploi versus la formation. Alors, il y a là un autre espace qui permet de faire en sorte que, si on décide de se dire qu'il faut qu'on réintègre des personnes en communauté, qu'on ait une stratégie d'intervention, bien on va la faire en faisant en sorte que, s'il y a une nouvelle entreprise qui ouvre, peut-être qu'on devrait particulièrement se pencher sur des communautés qui sont plus en difficulté d'intégration, qu'est-ce que ça leur prendrait, qu'est-ce que ça prend comme formation, comment on peut. Et ça soulève l'autre débat aussi, qui était à l'intérieur du mémoire, une responsabilité commune. Alors, une responsabilité de l'enseignement, une responsabilité des employeurs, puis une responsabilité des partenaires syndicaux, puis le mixte avec les communautés.

Alors, nous, quand on l'a mis là, on pense qu'on ne peut pas nier qu'il y a là un bassin de personnes qui vont être appelées à prendre l'emploi et pour lesquelles on va avoir à travailler à les mettre en formation pour pouvoir les réintégrer. Il faut peut-être être plus sensibles sur le fait qu'il y en a qui intègrent moins facilement l'emploi, il faut peut-être que, dans certains domaines, on les cible et puis qu'on se dise: Bien, voici, ils ont peut-être des besoins plus particuliers. Qu'est-ce qu'ils ont besoin plus particulièrement comme type de formation? Et ça, on est capables de le voir avec des analyses stratégiques, des analyses d'emploi. Donc, c'était dans ce volet-là.

Et en même temps, bien, compte tenu qu'il y a déjà un comité d'adaptation de la main-d'oeuvre des personnes immigrantes, bien ils ont déjà un portrait aussi et ils sont capables de voir, de les intégrer dans les milieux où on sait qu'on est en demande de main-d'oeuvre. Donc, c'est pour ça qu'on le met.

Nous, on l'a dit, on n'est pas des spécialistes, on connaît au moins une chose, on connaît l'emploi, puis on veut qu'il y ait du monde gui travaille, et puis on aimerait ça qu'on soit capables de répondre à la pénurie de main-d'oeuvre, et qu'on puisse intégrer tout le monde, et que tout Québécois, peu importe sa provenance, puisse avoir les mêmes conditions sociales, économiques et égalitaires que tout autre. Alors, pour nous, c'est notre objectif principal.

Mme Lefebvre: Mais, juste rapidement puisque mon tour est terminé... Bien, je trouve ça extrêmement pertinent, puis il n'y a pas beaucoup de groupes gui ont mentionné l'importance de cette instance et donc de son utilité. Je pense que tout le monde est presque unanime à dire que l'emploi est une des clés, non pas la seule, il y a d'autres aspects, on pourra parler tout à l'heure de l'éducation, de la francisation, de tout... bon, la place qu'on peut prendre au sein d'une société, mais c'est sûr que l'emploi est un vecteur important. Que l'on soit une personne immigrante ou pas, c'est un moteur important d'un épanouissement professionnel et qui découle d'un épanouissement personnel.

Donc, je pense que la commission des partenaires pourrait vraiment jouer un rôle important puis avoir des mandats particuliers, avec un soutien, là, finalement aussi, qui pourra être associé à ça. On a parlé beaucoup de la Commission des droits de la personne, qui touche un autre volet, mais je pense qu'on pourra se servir de cette instance de façon peut-être plus proactive dans ce dossier-là.

Mme Boucher (Denise): Si vous me permettez, avant de donner la parole à Mme Roy, j'ajouterais une chose. Le ministère de l'Immigration participe maintenant de façon assidue à la Commission des partenaires du marché du travail. Et je pense que c'est un plus parce que ça donne un portrait, une image de ce sur quoi on doit être sensibles. Ça ne veut pas dire que...

Mais, nous, on a cette sensibilité-là parce que notre comité est en action depuis 1986, quand même. Alors donc, le monde nous force, hein? Alors, et comme ils sont là, hein, c'est nos membres, alors ils nous disent: Allez dans cette direction-là, puis on va dans ce sens-là. Alors, on pense que... puis c'est dans le bon sens. Alors, Mme Roy, en complément.

Mme Roy (Josée): Bien, je voulais juste ajouter qu'il existe une stratégie d'intervention à l'égard des travailleurs de 45 ans et plus, il existe une stratégie d'intervention aussi à l'égard de la main-d'oeuvre féminine. Alors, c'est un peu dans ce modèle-là qu'on propose la stratégie d'intervention. Et, bon, celle de la main-d'oeuvre féminine, c'est le comité aviseur Femmes de la commission des partenaires qui la pilote. Alors, c'est un peu dans ce trafic-là, il y a déjà de l'expérience pour développer des stratégies d'intervention à l'égard de mains-d'oeuvre spécifiques...

Une voix: Femmes, jeunes...

Mme Roy (Josée): C'est ça.

Mme Lefebvre: Est-ce qu'il y a une stratégie actuellement?

Mme Roy (Josée): Sur la main-d'oeuvre des communautés culturelles? Non.

Mme Lefebvre: O.K.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup, M. le Président. Bonjour, Mme Boucher, Mme Roy et M. Lara, bienvenue à cette commission. J'ai eu l'occasion de vous croiser lors de la consultation qu'on a fait l'automne dernier sur la pleine participation des communautés noires. D'ailleurs, vous l'avez mentionné dans votre présentation aujourd'hui. Je suis bien heureuse de vous entendre dire que vous êtes d'accord avec l'effort gouvernemental de vouloir adopter une politique contre la discrimination et de lutte contre le racisme.

Je n'ai pas beaucoup de temps, je souhaite vraiment vous entretenir sur la question de la représentativité. Pour plusieurs raisons. Je pense qu'on en a parlé beaucoup, c'est quelque chose qui fait actualité, on en parle au niveau de l'Assemblée nationale, des partis politiques, et ce n'est pas pour rien. Je souhaite peut-être vous faire part et rappeler aux collègues aussi, ça fait maintenant deux semaines, on a eu la chance d'entendre un témoignage assez émouvant de la part des ingénieurs... des ingénieurs, des infirmières, pardon, haïtiennes, qui nous ont parlé. Puis c'étaient des femmes qui ont beaucoup d'expérience et qui ont travaillé dans le réseau pendant bien des années. Elles nous ont sensibilisés par rapport aux difficultés qu'elles ont eues et des difficultés que plusieurs de leurs membres ont eues notamment avec les syndicats.

La raison pour laquelle... puis ce n'est pas pour mettre le blâme sur personne, mais je pense vous serez d'accord avec moi quand je dis qu'on a tous un rôle à jouer par rapport à cette lutte, et que le gouvernement ? je vous ai écouté; et le gouvernement ? a un rôle. C'est vrai que le gouvernement doit montrer l'exemple, puis on nous l'a répété souvent, avec raison. Mais ce que je constate, c'est que, vous aussi, vous avez un rôle, mais un rôle principal à jouer, notamment dans le réseau de la santé, mais ailleurs aussi. Et, où je veux en venir, c'est notamment... quand je vous dis, par rapport à la question de la représentativité.

La première question qui me vient à l'esprit, parce que je veux me faire un peu le porte-parole des gens, notamment de l'ordre des infirmières, là, mais ailleurs aussi: Au sein de votre organisation, je ne sais pas combien d'employés permanents vous avez, peut-être autour de 600 personnes, est-ce que vous nous dire, d'une part, combien d'employés des minorités visibles avez-vous au sein de votre organisation? Parce que c'est important, au niveau des questions de modèle que vous avez soulevées. Puis aussi par rapport au conseil exécutif puis des représentants élus. Je soulève ce volet-là parce que les gens nous ont parlé notamment que, lorsque, bon, ils ont un grief quelconque, qu'il y avait une résistance, puis il n'y avait pas cette ouverture-là. Puis je ne généralise pas, mais c'est un problème qui nous est revenu souvent, mon collègue de Charlesbourg peut en témoigner aussi beaucoup, lorsqu'on a fait la consultation sur les communautés noires.

Alors, je veux vous entendre là-dessus. Puis, qu'est-ce que vous faites pour aller encore plus loin? Parce que je suis sûre que vous allez me dire qu'il y a encore des efforts à faire là-dessus.

Mme Boucher (Denise): Alors, Mme Roy.

Mme Roy (Josée): J'ai beaucoup de choses à dire là-dessus, parce qu'on travaille... Bon. Mme Boucher a parlé de la tournée qu'on fait de nos syndicats; ce n'est pas anodin qu'on la fasse. On s'aperçoit que, dépendant... Bon. Elle a parlé de ce à quoi elle a assisté dans le Bas-Saint-Laurent. Le Bas-Saint-Laurent, évidemment, il n'y a pas beaucoup de gens des communautés culturelles, et les questions allaient même jusqu'à: Bien, pourquoi on doit s'occuper de ça, là? Pourquoi la CSN doit s'occuper de ça? Est-ce que les autres centrales s'en occupent? Alors, ça allait jusque là. C'est un peu les mêmes questions qu'on se fait poser dans le dossier gais et lesbiennes: Pourquoi, moi, comme syndicat, je dois m'occuper de ça? Alors, on a beaucoup de chemin à faire.

À Montréal ou dans les régions où il y a plus de gens des communautés culturelles, les problématiques sont différentes, mais effectivement des fois, souvent, c'est des problèmes à être bien représentés. Et c'est toujours la même question, les exécutifs de syndicat, souvent ? là, Abraham pourra vous dire qu'il y a d'autres choses, d'autres réalités qui existent, maintenant il y a des syndicats où la majorité des dirigeants sont des gens des communautés culturelles, surtout dans son secteur; mais ? dans plusieurs syndicats, c'est encore... la représentation est encore la majorité blanche francophone, et les gens ont de la difficulté à faire leur place.

En 2002, on a fait une recherche, et ça a été un peu le déclencheur de tout le travail qu'on a fait par la suite. La recherche démontrait que ce n'est pas le nombre de personnes de communautés culturelles ou de minorités visibles dans un milieu de travail qui fait qu'il y a une implication plus grande de ces personnes-là au niveau de la structure, mais c'est leur proportion dans un milieu de travail. À partir du moment où ils atteignent une certaine proportion du milieu de travail, ils se sentent plus en confiance, moins des pionniers, puis ils sont plus prêts à s'investir et ils sont capables aussi de plus faire valoir leurs points puis de plus convaincre la majorité de leur faire une place. Et ils sont plus capables de prendre leur place, parce que la majorité a à leur laisser de la place, puis eux ont à prendre leur place aussi, puis c'est beaucoup une question de proportion dans les milieux de travail.

n(17 heures)n

Mais ce qu'on s'est rendu compte suite à cette étude-là, c'est qu'on avait du travail à faire auprès de nos syndicats pour leur dire que ça les concernait puis pour leur dire qu'il fallait qu'ils fassent de la place aux gens. Mais on a aussi... Puis ça, ça fait déjà depuis le milieu des années quatre-vingt-dix qu'on se regarde comme organisation employeur et qu'on dit: On n'est pas... La majorité, c'est un peu comme dans le réseau de la santé, la majorité des gens qui ont été embauchés à la CSN ont été embauchés dans les années soixante-dix. Ils sont en train de prendre leur retraite en ce moment. Là, il y a une ouverture à ce qu'on embauche à nouveau. Il a été longtemps qu'on n'avait vraiment beaucoup d'embauche. Alors, à partir du milieu des années quatre-vingt-dix, on s'est dit: Qu'est-ce qu'on peut faire? Aux ressources humaines, ils sont allés voir les organismes qui aident les personnes des communautés culturelles au niveau de l'intégration à l'emploi. Cette démarche-là n'a pas bien fonctionné. Ça a été une sensibilisation pas assez profonde, je dirais, parce que là les organismes nous envoyaient des C.V., mais c'était souvent pas... Ils n'envoyaient pas nécessairement les bonnes personnes pour le type d'emploi.

Alors, on a fait... Finalement, le gros moteur qu'on a eu, ça a été... On a eu une subvention du Fonds Jeunesse. Je ne sais pas si vous le savez, là, mais on a eu une subvention du Fonds Jeunesse, dans le volet Communautés culturelles. Et ça nous a permis d'avoir, pendant près d'un an, environ 13 stagiaires qui étaient des jeunes des... soit des nouveaux arrivants ou des gens des minorités visibles qui étaient ici, qui sont nés ici, même. Et, de ce projet-là, il y en a quand même neuf qui ont été embauchés. Ils ne sont pas tous encore à l'emploi, parce que, bon, il y a des va-et-vient, là, puis c'étaient les moins anciens, etc., mais ils sont tous encore rejoignables. Je vous dirais que des minorités visibles, depuis... il n'y en avait pas avant, puis là il y en a peut-être sept ou huit, sur nos 600 employés. Mais là, nos 600 employés, il y en a 300 à Montréal. Le reste, c'est à travers les régions. Alors, ça va aussi avec la proportion qu'il y a dans les régions.

Mais ce qu'on souhaite faire... parce qu'on a tiré beaucoup d'enseignement de cette expérience-là, de l'année qu'on a eue, de nos stagiaires, on avait mis en place énormément de mesures. Il y avait des parrains. Chaque stagiaire avait un parrain. Les équipes de travail s'étaient montrées volontaires à recevoir des stagiaires. Il y avait eu de la formation qui avait été faite autant pour les stagiaires que pour les équipes de travail qui recevaient les gens. On trouvait important de former les deux côtés. Il fallait former les nouveaux arrivants: à quoi vous devez vous attendre, il fallait former ceux qui recevaient les nouveaux arrivants aux préjugés, à toutes ces choses-là. Il y a eu des belles complicités qui se sont développées. Les parrains ont développé des grandes amitiés avec les stagiaires qu'on a eus. Il y a eu une embauche à la fin. On a tiré beaucoup de leçons de ça, et notre étape suivante... Bon, à la CSN, vous savez, on fonctionne de façon très paritaire avec nos employés, qui sont dans un syndicat, alors c'est de développer un programme d'accès à l'égalité structuré, comme on en a un pour les femmes, pour aller chercher de plus en plus de gens. Mais là... ça nous a permis en même temps de sensibiliser les organismes qui aident les gens, et maintenant ils savent quel genre de personnes correspondent aux emplois qu'on offre, et ils nous envoient aussi des c.v. ou des personnes qui sont plus aptes à répondre ou à occuper ces emplois-là. On en embauche encore récemment, là.

Alors, c'est le travail qu'on essaie de faire parce qu'on est absolument conscients qu'autant au niveau de nos employés qu'au niveau de nos élus ce n'est pas toujours évident, mais, au niveau des élus, ça commence par le syndicat local.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Malheureusement, c'est tout le temps que nous avons pour...

Mme Boucher (Denise): ...on en aurait eu encore pour cinq minutes.

Le Président (M. Brodeur): Oui, mais peut-être y revenir dans une question ultérieure...

Une voix: C'est fini, c'est fini, là...

Le Président (M. Brodeur): Oui, en quelques secondes.

M. Lara (Abraham): En quelques secondes: juste pour compléter tout ce que Josée a dit: je pense que ce sont des processus, O.K.? C'est la même façon que vous autres, les élus. Je crois que, dans vos partis politiques, vous avez exactement les mêmes problèmes de représentativité. Je crois que c'est un des processus, comme à la CSN il le fait, vous le ferez aussi.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci. Ce n'est pas terminé. Il reste encore un peu de temps. Donc... Bien, c'est une question fort importante, puis je pense que c'est un défi de société, si on regarde les niveaux de représentativité dans plusieurs domaines, notamment dans la fonction publique, on est en bas de 3 % de représentation des personnes immigrantes et des minorités visibles dans la fonction publique, qui devrait être un modèle, bref qui donnerait une impulsion pour la suite. Je pense qu'il faut tous faire des efforts à cet égard-là, puis je pense qu'on est dans la bonne direction, de se parler des vraies choses puis de se dire... de faire les constats finalement, et...

Mais j'aimerais vous aborder sur une autre question: la francisation. C'est un aspect que vous abordez dans votre mémoire. C'est un aspect fort important. Je pense qu'il y a consensus sur la question que la francisation, pour s'intégrer pleinement ou en tout cas de belle façon dans la société québécoise, parce que la français est notre langue commune, la connaissance de la langue est importante, également pour pouvoir entrer, s'intégrer sur le marché de l'emploi.

Vous parlez de la francisation en entreprise, j'aimerais que vous nous donniez quelques exemples des meilleurs succès. Parce que des fois ce qu'on dit, c'est que c'est préférable que ça se fasse à l'extérieur, que les conciliations peuvent être difficiles sur le... bien en fait dans les heures de travail. Moi, j'ai l'impression que, si on se donnait, par exemple, je ne sais pas, un immigrant qui arrive ici, on le prend en charge pendant deux ans, on se dit: 10 heures... je ne sais pas, moi, 10 heures par semaine, il apprend du français deux heures par jour, puis on lui donne un encadrement, puis avec une subvention salariale, en tout cas, tu sais, mettre plusieurs aspects qui feraient en sorte que, pendant x nombre de temps, six mois, un an, deux ans, la personne est un peu prise en charge, mais, après ça, elle peut voler de ses propres ailes, elle a une expérience de travail, elle parle français, puis finalement elle est autonome pour se lancer dans la vie, puis je pense que le travail serait fait.

Ce que je constate, c'est que je trouve qu'à la base on n'y va pas assez profondément ou en profondeur, ce qui fait en sorte que, bon, des fois certaines personnes sont laissées un peu sur le carreau, puis on les laisse partir dans le marché de l'emploi, puis, bon, il y a certaines lacunes qui sont encore là, notamment au niveau du français. Donc, je voulais vous entendre sur vos meilleures pratiques, expériences, puis comment on pourrait aller plus loin.

Le Président (M. Brodeur): Il vous reste une minute.

Mme Boucher (Denise): Oh! Vous avez souligné en partie des modèles qui pourraient être utilisés, de subventions salariales, de faire en sorte aussi que peut-être, pendant le temps de travail, il puisse y avoir un temps qui pourrait permettre la francisation. Il y a aussi de l'équipement, aussi. Alors, tu sais, je pense qu'il y a plein de modèles qui pourraient être mis en place. Mais ce sur quoi on a plus, on voulait plus, disons, interpeller le gouvernement quand on a parlé de ça, c'est qu'il faut mettre de l'argent sur la question de la francisation, et on ne peut pas diminuer les subventions en regard de ça, sinon bien on va se retrouver avec une déficience.

Et au même titre qu'il faut qu'on investisse sur la question de l'alphabétisation, parce qu'on parle de 46 % de la population du Québec qui a des problèmes d'écriture de base, de lecture. On peut considérer qu'il y a sans aucun doute une grande partie de ça qui provient de lecture du français, qui provient sans aucun doute de nos communautés. Alors, tu sais, je pense qu'il y a des efforts à faire là-dessus. Il faut se donner des... moi, j'appelle toujours ça des grands chantiers. J'aimerais ça qu'on partirait sur des grands chantiers de cet ordre-là, ce ne serait qu'un plus. Alors, voilà, mais, en une minute...

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci à la CSN, et je vais suspendre quelques instants, le temps que le Barreau du Québec puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 17 h 8)

 

(Reprise à 17 h 10)

Le Président (M. Brodeur): ...s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux en recevant le Barreau du Québec. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement la façon de procéder, que vous connaissez probablement. Donc, vous avez un temps maximal, je dis bien maximal, de 20 minutes pour faire la présentation de votre mémoire. Ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Et immédiatement la parole est à vous. Je vous demanderais tout d'abord de vous identifier pour le bénéfice du Journal des débats et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Barreau du Québec

Mme Pelletier (Fanie): Oui, bonsoir, M. le Président, Mme la ministre, mesdames et messieurs les membres de la commission. Mon nom est Fanie Pelletier. Je suis avocate. Je suis conseillère à l'équité et secrétaire du Comité sur les communautés culturelles du Barreau du Québec. Je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence du bâtonnier Stéphane Rivard qui ne pouvait être ici aujourd'hui. Le bâtonnier a demandé à la bâtonnière Madeleine Lemieux de le représenter. Alors, Me Lemieux a été la bâtonnière en exercice pour l'année 2005-2006. Elle siège toujours au sein des instances décisionnelles du Barreau du Québec à titre de bâtonnière sortante. Également avec nous Me Noël Saint-Pierre. Me Saint-Pierre est avocat en pratique privée à Montréal. Il oeuvre principalement en droit de l'immigration et droits de la personne. Me Saint-Pierre est membre du Comité sur les communautés culturelles. Il y a également Me Tamara Thermitus, la présidente du Comité sur les communautés culturelles, qui vous prie de l'excuser; elle aurait bien aimé être ici aujourd'hui.

Donc, au cours des prochaines minutes, nous allons revenir sur les faits saillants de notre mémoire, pour ensuite revenir plus en détail sur le cadre légal qui sous-tend l'éventuelle politique, ainsi que des éléments plus précis sur le système judiciaire et sur les mesures que doit contenir la politique. Je passe la parole à la bâtonnière.

Mme Lemieux (Madeleine): Alors, M. le Président, Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, tout comme les groupes qui nous ont précédés, nous saluons l'initiative du gouvernement de travailler aussi sérieusement à l'élaboration d'une politique, parce que nous y croyons beaucoup et nous y tenons. Et nous tenons aussi à être des acteurs actifs devant l'action du gouvernement à ce sujet.

Notre participation à la consultation d'aujourd'hui s'inscrit dans d'autres consultations auxquelles nous avons participé qui ont été menées et par Mme la ministre Thériault et par le Groupe de travail sur la participation à la société québécoise des communautés noires, où nous avions préparé un mémoire. Alors, il y a beaucoup de choses qu'on va dire ici qui ne seront pas des surprises pour ceux qui ont pris connaissance de nos positions antérieures. Mais ce que je tiens à souligner, c'est qu'à chaque fois que vous nous interpellez puis que vous nous faites travailler vous nous forcez à réfléchir, vous nous forcez à nous regarder et vous nous forcez à avancer. Et souvent les processus sont aussi importants que les résultats auxquels on arrive.

Il va de soi que, pour le Barreau du Québec, toute politique gouvernementale qui s'articule autour d'un droit fondamental comme le droit à l'égalité doit comprendre des éléments relatifs à la justice et à l'accès à la justice. Notre système judiciaire au Québec fonctionne avec toutes les garanties d'impartialité et d'intégrité assurées par un État de droit. Il n'est toutefois pas à l'abri des manifestations de racisme ou de discrimination systémique, le plus souvent non intentionnelles et issues de croyances inconscientes. C'est pourquoi, comme tous les secteurs d'activité de la société, le système judiciaire doit être imputable et doit se doter de moyens concrets et mesurables pour lutter contre la discrimination raciale.

Je vais passer la parole à Me Pelletier, qui ensuite sera suivie de Me Saint-Pierre, et je reviendrai avec nos recommandations.

Le Président (M. Mercier): Me Pelletier, la parole est à vous.

Mme Pelletier (Fanie): Merci. Alors, il est important de rappeler que l'éventuelle politique gouvernementale s'inscrit dans le cadre légal du droit à l'égalité, qui est un cadre légal déjà bien défini par non pas une mais deux chartes, une convention internationale et une jurisprudence bien élaborée de la Cour suprême du Canada et des tribunaux québécois. C'est donc en vertu de ces obligations constitutionnelles et quasi constitutionnelles en ce qui concerne la charte québécoise et des obligations internationales que le gouvernement a l'obligation de mettre en oeuvre des mesures pour enrayer la discrimination raciale, toutes les formes de discrimination raciale, incluant et surtout la discrimination systémique compte tenu de sa particularité et de ses effets.

Le droit à l'égalité et son corollaire, l'interdiction de la discrimination, s'entendent l'égalité de droit mais aussi de l'égalité de fait, et donc concrètement l'État à l'obligation de garantir à ses citoyens l'égalité des chances pour tous et partout dans toutes les sphères de la vie en société.

Pour revenir quelques instants sur l'importance des termes utilisés, qui ont un impact aussi sur la portée de l'éventuelle politique, le Barreau du Québec soumet que la politique doit mentionner nommément la discrimination raciale, puisqu'il s'agit véritablement d'une forme de discrimination reconnue et sanctionnée par nos tribunaux. Également, pour s'attaquer au problème du racisme et de la discrimination raciale, il faut éviter de mélanger des politiques d'intégration des immigrants ou de gestion de la diversité culturelle, qui, bien qu'importantes, sont davantage des politiques complémentaires ou en tout cas qui peuvent se complémenter mais qui ne doivent en aucun cas occulter les actions de l'État en matière de lutte contre le racisme et la discrimination raciale.

Il est également important que la politique cible véritablement les personnes et les groupes victimes de racisme et de discrimination raciale dans le Québec contemporain. À ce sujet, nous vous référons à la notion de personnes et de groupes dits racialisés, qui est une notion utilisée, entre autres, par l'Association du barreau canadien et la Commission ontarienne des droits de la personne. Cette notion de groupe racialisé a l'avantage de mieux cerner la réalité vécue par ces personnes, en ce que la race, comme vous le savez, comme c'était mentionné dans le document de consultation, est un construit social, est un marqueur imposé par le regard de l'autre, et donc les personnes racialisées, qu'elles soient nées au Québec ou à l'extérieur du Québec, le sont sur la base de préjugés rattachés à leurs traits physiques, à leur accent, à leurs façons de s'habiller, à leurs coutumes, à leur nom, etc.

Enfin, le leadership de l'État est très important, et c'est pourquoi évidemment nous saluons l'initiative du gouvernement aujourd'hui, et je vous rappelle à cet effet-là une des recommandations principales contenues au rapport de M. Doudou Diène, le rapporteur spécial de l'ONU, sur la xénophobie et la discrimination raciale, une recommandation à l'effet d'une reconnaissance publique et politique au niveau le plus élevé de la persistance de ces fléaux que sont la discrimination raciale et le racisme, malgré les efforts accomplis.

Le Président (M. Mercier): Oui, allez-y, la parole est à vous.

M. Saint-Pierre (Noël): Oui, merci. Alors, tout d'abord, j'aimerais parler de quelques éléments, si vous voulez, de mise au jeu, parce qu'il va de soi qu'en 20 minutes on ne va pas aborder l'ensemble de la complexité du système judiciaire, entre autres, et des défis qui nous attendent. Et, comme juristes, nous avons l'habitude de faire un travail d'accompagnement de personnes qui ont été victimes de discrimination. Comme avocats, nous devons conseiller ces personnes concernant les recours qui pourraient exister pour elles.

Il y a plusieurs facteurs qui font en sorte que ces personnes doivent trop souvent renoncer à faire valoir les recours qui pourraient exister. Cette partie du travail, pour nous, peut être une source de grande frustration. Pour tout recours, il y a nécessairement des délais, il y a des coûts financiers, il y a la situation psychologique de la personne en cause. Il est important de reconnaître une chose, c'est que très souvent, surtout lorsqu'on parle de racisme, et particulièrement dans le milieu de travail, la personne qui arrive après un congédiement est déjà dans une situation de dépression clinique. Donc, cette personne, après, pour commencer un processus de plainte à la Commission des droits de la personne, doit affronter deux questions, deux ans possiblement de délai et bien sûr le fait d'être contre-interrogée, avec un contre-interrogatoire qui peut être agressif et assez serré.

Donc très souvent on doit parler avec ces personnes de façon réaliste pour dire que: finalement, vous devrez peut-être renoncer à porter plainte parce que vous ne serez pas capable de passer à travers. Donc, ça veut dire qu'effectivement, comme juristes, on vit ce qu'on même qualifier parfois de tragédie personnelle.

Donc, je crois, une question qu'il faut souligner, et ceci, après avoir lu les comparutions de certains groupes, et notamment le Comité sur la déontologie policière, il faut reconnaître que le nombre de plaintes à la Commission des droits de la personne et droits de la jeunesse, où le nombre de plaintes en matière de déontologie policière ne reflète pas, mais vraiment pas, l'ampleur des expériences de discrimination des groupes racialisés au Québec.

Le deuxième constat, c'est qu'il faut savoir ? et c'est un défi pour la profession juridique; il faut savoir ? comprendre la situation du point de vue des membres des groupes racialisés et non pas à partir finalement d'expériences qui ne tiennent pas compte de nos propres expériences. Il faut apprendre. Et je reviendrai là-dessus.

Un petit exemple. Il y avait une étude du Pr Noreau, de l'Université de Montréal, qui a été faite sur la situation des comités culturels dans le système juridique au Québec, qui s'appelle Le droit en partage, financée par la Fondation du Barreau du Québec. Et un des constats les plus significatifs de cette étude était que les secteurs des communautés culturelles qui se perçoivent comme victimes de discrimination sont en général les moins propices... ou qui utilisent le moins les services de police et qui ont le moins recours aux tribunaux. Donc, cette distance évidemment fait en sorte que les premières victimes de discrimination ont souvent le moins recours au système qui devrait les protéger.

n(17 h 20)n

Maintenant, j'aimerais aborder certains problèmes qui ont été déjà discutés ici: la question de profilage racial et déontologie policière. Un élément significatif qui est ressorti du groupe de travail mis sur pied par le ministère sur le profilage racial, c'est que, dans les plaintes qui ont été reçues en matière de profilage racial, très souvent on peut voir des réalités qui dérapent. Moi, je parle souvent d'une spirale qui aboutit à des incidents de violence, des accusations qui sont beaucoup plus graves, mais très souvent ça commence avec le fait que quelqu'un est interpellé ou tout simplement qu'effectivement une voiture est arrêtée pour une espèce de contrôle en vertu du Code de la sécurité routière, mais très souvent ça dérape. Donc, il faut tenir compte aussi de la gravité de ce qui arrive effectivement en bas, à la fin du processus et non en amont.

Il y a quelques autres problèmes qui touchent la définition. Il y a trois définitions au Québec qui sont utilisées: il y a celle qui tient compte des intervention policières qui sont basées sur, entre autres, des attributs comme la race; il y a un sous-groupe du Groupe de travail sur le profilage racial qui retient une définition qui est beaucoup plus limitée, à savoir une intervention qui repose essentiellement sur les facteurs de la race. On peut s'imaginer la facilité d'un processus policier pour dire: Il y avait un groupe de jeunes dans un parc qui faisaient quelque chose, disons, un était assis sur un banc... un bloc de béton, et je reviendrai là-dessus. Donc, c'est un autre facteur. Et la police, le Service de police de la ville de Montréal a une définition qui dit que l'intervention doit reposer uniquement sur l'attribut comme la race. Donc effectivement ça ouvre la porte à ce qu'on ne puisse pas même identifier le problème.

Une réalité qui n'a pas été abordée, c'est que très souvent il y a des politiques cachées en matière de profilage racial qui utilisent non pas le Code criminel mais d'autres choses, comme les règlements municipaux. Et c'est en travaillant avec les jeunes particulièrement qui en sont victimes, on découvre des règlements municipaux à Montréal, par exemple, qui interdisent l'utilisation non appropriée d'un mobilier urbain, avec une contravention de 100 $ pour être assis sur un bloc de béton dans un parc, de cracher sur le trottoir, de jeter un mégot de cigarette. Alors, ces règlements ne sont pratiquement jamais utilisés bien sûr à l'égard de la majorité. Et ce qu'on nous dit, même de la part de certains procureurs de la couronne, c'est qu'il y a des politiques directes pour repousser les jeunes des parcs, parce qu'ils sont vus automatiquement, s'il s'agit d'un groupe de jeunes Noirs, comme possiblement un gang de rue. Alors, au lieu d'aborder la question de façon correcte, on utilise d'autres moyens, et je pense qu'une des recommandations qu'il faut faire, c'est aux municipalités, de faire le ménage dans les règlements qui viennent souvent d'une autre époque et qui n'ont plus leur raison d'être aujourd'hui.

En ce qui concerne, maintenant, le système judiciaire, je n'ai vraiment pas le temps de reprendre l'ensemble des recommandations que nous formulons, mais il est important de reconnaître qu'il ne s'agit pas uniquement de la Commission des droits de la personne ou de la justice pénale, mais de l'ensemble du système qu'il faut aborder, et en particulier le système de justice administrative. La Régie du logement, par exemple, le TAQ, la Commission des lésions professionnelles, ce sont souvent des instances où le justiciable a plus souvent, finalement, un contact avec la justice que la Cour supérieure, la Cour du Québec. Et donc il faut nécessairement faire en sorte que les membres de ces tribunaux puissent tout d'abord comprendre la personne qui est devant eux. Si on ne comprend pas le justiciable, si l'avocat ne comprend pas l'expérience de la personne en cause, il est impossible qu'on puisse effectivement obtenir une justice réelle au Québec, surtout une justice égalitaire.

Un autre élément de l'étude du Pr Noreau, c'était que beaucoup de juges se sentent ? et je pèse mes mots ? incompétents face aux réalités, de par le manque de connaissances. Et bien sûr ça renvoie à deux facteurs: la formation de la magistrature et particulièrement, aussi, la composition de la magistrature. Et Me Lemieux reviendra là-dessus, dans les recommandations que nous avons faites.

Un dernier élément que j'aimerais aborder, c'est la question de l'accommodement raisonnable, non pas pour revenir sur la notion, mais plutôt pour parler du processus. Et j'aimerais parler d'un exemple qui illustre ce qu'il faut éviter de faire. C'est le cas de l'École de technologie supérieure, à Montréal. Des étudiants musulmans priaient dans une cage d'escalier, l'école a interdit leur présence dans cette cage d'escalier et, comme une des premières réactions, a envoyé les gardiens de sécurité. C'était avant qu'il y ait un dialogue. Les étudiants ont demandé la présence d'un représentant communautaire du Conseil musulman de Montréal, ça a été refusé parce que c'étaient les éléments extérieurs à l'institution. Et ça a dégénéré, bien sûr.

Alors, la première chose... Parce qu'il y a deux consultations qui vont commencer sur la question de l'accommodement raisonnable, mais je pense qu'il faut déjà, surtout lorsqu'il s'agit d'institutions publiques, qu'on ait un certain nombre de repères déjà, et le premier, ça doit être de ne pas paniquer; deuxième, d'appeler la Commission des droits de la personne. Donc, exemple, si j'ai un problème juridique, j'ai tendance à appeler un avocat. Ici, nous avons une institution qui est spécialisée; je trouve que le premier réflexe devrait être d'appeler la commission. Et le troisième, d'impliquer assez rapidement des organismes communautaires qui sont responsables et sérieux. Ça va éviter une chose, c'est que, peu importe le résultat, dans un cas comme celui de l'ETS, les deux parties, à la fin, se sentent perdantes. Il y a une situation de confrontation qui aurait pu effectivement être éliminée en partant. Mais, malheureusement, trop souvent, de par cette réaction de panique qui s'installe très vite, on impose à l'autre une image qu'il est séparé et ne peut pas être écouté et compris. Merci.

Mme Lemieux (Madeleine): Alors, nos conclusions apparaissent à la page 32 de notre mémoire. Et nos principales recommandations: D'abord et avant tout, viser une plus grande représentativité des groupes racialisés au sein du système judiciaire: magistrature, tribunaux administratifs, fonction publique reliée à l'administration de la justice et des avocats. Nous expliquons dans le mémoire l'importance que ça représente pour nous. Assurer la formation des intervenants judiciaires. Je sais que ça existe, mais il y a encore beaucoup de travail de formation à faire; travailler sur des solutions à apporter aux difficultés observées dans l'exercice des recours, notamment la difficulté de prouver la discrimination systémique et l'accès restreint au Tribunal des droits de la personne; étudier la possibilité d'établir un programme québécois de contestation judiciaire pour le droit à l'égalité; intégrer une analyse d'impact sur les groupes racialisés dans le processus d'adoption des lois. Et évidemment le succès de toute action dépend en grande partie des mesures d'imputabilité qui l'accompagnent, incluant un échéancier, un organisme ou un ministre responsable ainsi que l'allocation des ressources financières et humaines nécessaires. Alors, nous suggérons qu'un rapport de mise en oeuvre soit présenté à l'Assemblée nationale après trois ans, une espèce de façon de faire qui est de plus en plus courante. Ça termine... Je pense qu'on est bien en deçà de notre 20 minutes.

Le Président (M. Brodeur): Bien, vous avez sauvé quatre minutes.

Mme Lemieux (Madeleine): Bon, alors on parle vite, et on répondra à vos questions.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Me Saint-Pierre, Mme la bâtonnière, Mme Pelletier, bonjour, bienvenue à la Commission de la culture. Je suis très heureuse d'avoir le Barreau devant nous. Je sais que vous participez régulièrement à toutes les consultations qui interpellent notre ministère. Et vous avez quand même déposé un mémoire qui est assez étoffé, vous avez été assez loin, et vous dites même, vous affirmez, preuves à l'appui, que le système judiciaire n'est pas exempt de préjugés ou de discrimination. Peut-être, comme première question, ce que je vous demanderais, c'est: Quel bilan tracez-vous de la situation du racisme et de la discrimination dans le système judiciaire?

Mme Lemieux (Madeleine): Me Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Noël): Je vais commencer avec un exemple, parce que j'ai participé récemment à une formation de juge de la Cour du Québec sur les chartes, fédérale, canadienne, québécoise, et on m'avait demandé de faire une présentation sur les réparations. J'ai parlé avec le juge coordonnateur pour dire: écoutez, je pense qu'avant même de parler de réparation... parce que vous êtes le tribunal qui entend la preuve. Donc, la Cour suprême ne traite pas de la preuve parce qu'elle est déjà établie par le juge finalement qui est juge au procès, n'est-ce pas. C'est lui qui trouve quelqu'un crédible ou non crédible. Et là j'ai présenté un certain nombre de cas, de scénarios que j'avais représentés à d'autres collègues, où les juges trouvaient que les gens n'étaient pas crédibles parce qu'ils ne pouvaient pas comprendre la réalité de leur point de vue. Petit exemple de rien du tout. Dans un cas, c'est un Chilien, ex-prisonnier politique, contrôle routier, et, au lieu de souffler dans l'ivressomètre, il a aspiré. Et ça a fini, ça a dégénéré, il a été claqué sur la voiture, son épouse a appelé le 9-1-1, et le juge n'a rien compris et trouvé que ce n'était pas crédible du tout. Si je mettais dans l'équation que c'est un ancien prisonnier politique et qu'il panique face à la police et qu'en plus, lorsqu'on panique, nécessairement on perd ses moyens physiques, et tout, et tout, et tout, même sa coordination, mais c'est des réalités qui, pour les juges, étaient vraiment étrangères. Et là, à la fin, on dit: effectivement, on commence à comprendre.

n(17 h 30)n

Un autre exemple, et là c'est un des tout premiers dossiers en matière de profilage racial, c'est un homme d'origine libanaise qui conduisait la voiture de son conjoint ? un couple homosexuel; la police le voit passer plus ou moins sur un feu rouge, vérifie le numéro de plaque, et ça appartient à un dénommé Hugues Lévesque, la personne est... le conducteur est basané, suivi jusque derrière le domicile du couple, et la première question posée par le policier: Tu es de quelle nationalité? Le gars, qui disait n'avoir jamais été confronté à une telle chose, a dit: Québécois. Le policier se fâche, répète la question plus fort, et là il dit: Ah, zut!, c'est peut-être un fédéraliste, il dit: Canadien. Là-dessus, tout le reste a dégénéré, violence, embarqué. Il fallait par la suite que le police justifie l'intervention, donc une accusation de conduite en état d'ébriété, avec des choses qui ne correspondaient pas aux réalités. Et le juge a fini par comprendre, mais il fallait qu'on ait un expert, témoin expert, une personne de la Commission des droits de la personne, sur cette notion. Et le procureur de la couronne disait: Je ne comprends pas le problème. Si, moi, on me demande ma nationalité, je le dis. Alors, toute cette espèce d'expérience qui dit qu'on l'oppose... on vous met à l'écart, vous n'appartenez plus à la société, notre société. L'impact sur la personne n'était vraiment pas compris, et même le juge a dit: Je ne comprend pas pourquoi j'ai besoin d'un témoin expert, parce qu'il s'agit de savoir si votre client est trop susceptible pour ce genre de truc là. Donc, on mettait, sur la victime de l'exclusion, l'impact.

Troisième exemple de rien du tout, le premier cas en déontologie policière qui a été accepté, c'est une femme de Québec d'origine haïtienne. Bon. Deux plaintes avaient été faites, une, profilage racial, accueillie. La deuxième plainte, c'était que le policier, à la fin, parce que madame, paraît-il, parlait fort, disait: Madame, vous êtes hystérique, vous avez besoin... tu as besoin de consulter un psychiatre. Ça n'a pas été retenu, et on disait que le policier voulait aider la dame, qui avait manifestement besoin de consulter. Donc, ce qui est clair, il y avait trois avocats blancs, dont celui qui représentait le comité, qui ne comprenaient pas l'impact de la discrimination sur la victime.

Un dernier exemple de rien du tout, c'est, face au juge, lorsqu'on a quelqu'un qui a été victime de discrimination. Parce que c'est une expérience qui se fait à répétition. Le premier cas, en Nouvelle-Écosse, de profilage racial, la personne avait arrêtée 25 fois par la police auparavant dans des circonstances semblables. Il est normal, lorsqu'on vit ça, lorsqu'on arrive devant un juge et qu'on peut ventiler pour la première fois, qu'on ait un témoignage un peu explosif. C'est souvent reçu par le tribunal comme étant quelque chose d'agressif, et on trouve la personne finalement moins crédible que le policier qui dit: Bien, il y avait quelqu'un, une voiture, qui peut-être a dépassé la ligne blanche sans signaler. Et donc il paraît tout à fait cohérent.

Donc, il y a énormément de travail à faire en ce qui concerne la sensibilisation aux réalités autres pour qu'on puise même comprendre les gens, et ceci, avant même d'aborder les questions que... bien sûr, il y a sans doute des juges qui ont des attitudes fermées, il y a sûrement des avocats aussi. Mais, avant d'arriver à ça, il y a un travail énorme à faire chez les avocats, chez les juges, et le Barreau a commencé... J'aimerais peut-être que Me Lemieux parle de ça, parce que depuis quelques années nous avons vraiment cherché à faire en sorte que les avocats puissent commencer d'abord à écouter et comprendre les gens avec qui on travaille.

Mme Lemieux (Madeleine): Ça, c'est la dernière formation bien précise qu'on donne à nos jeunes avocats au moment où ils sont à l'École du Barreau, sur le contexte social. Et ce n'est pas la même chose que de recevoir un client, comprenant son contexte social et comprenant le contexte social de l'adversaire. Cette formation-là, d'abord elle est extrêmement appréciée et des avocats de métier qui vont la suivre, parce qu'ils essaient de s'infiltrer dans la classe pour apprendre, et par nos jeunes avocats. Et c'est par des gestes comme ceux-là qu'on est capables d'influencer les attitudes et les façons de travailler.

Mme Thériault: Est-ce que vous pensez que, s'il y avait plus de juges et plus de représentants des différentes communautés dans le système judiciaire, ça pourrait faire changer les choses? Parce qu'évidemment, bon, je comprends les exemples que vous dites, je pense que, oui, il y a de l'incompréhension, je pense qu'il y a une méconnaissance des codes culturels aussi. Il faut savoir que chaque communauté ne réagit pas de la même façon. Lorsqu'on regarde les signalements, dans les centres jeunesse, qui sont retenus, notamment chez les communautés noires, on peut se dire: Bien, y a-t-il de la discrimination dans notre système, hein, discrimination systémique, là, tu sais? Donc, c'est évident à mon avis que, s'il y avait, à toutes les étapes, beaucoup plus de représentativité comme telle, on pourrait certainement contribuer à tasser des tabous, des préjugés, des idées préconçues que les gens ont déjà.

Mme Lemieux (Madeleine): Notre postulat de base est que, pour avoir confiance dans un système, il faut s'y reconnaître, jusqu'à un certain point. Ça, c'est le postulat qu'on pose. Et, quand on a confiance en un système, on va adhérer plus facilement aux règles, aux valeurs, aux façons de faire que quand on ne s'y retrouve pas du tout, d'abord. Par ailleurs, vous touchez également le fait que, quand le système me ressemble, le système va me comprendre mieux. Alors, quand le système parle le même langage que moi ? et on s'entend que langage non pas au sens de langue, mais au sens de valeurs, culture ? il va justement chercher mon adhésion plus facilement.

C'est remarquable de voir comment, et je pense que les intervenants précédents le disaient, quand on atteint une certaine masse critique dans... et c'est la démarche que les femmes ont faite, on cesse d'être l'exception, on cesse d'être questionné pour des raisons de différences, et l'intégration se fait beaucoup plus facilement. Et honnêtement, dans le monde de la justice, il y a fort peu de représentants des groupes racialisés, autant au guichet, quand on arrive au palais de justice, qu'on va faire timbrer sa procédure, les gardiens de sécurité, les gens qui nous aident à nous démêler dans le système, c'est fort peu visible. Donc, on ne va pas... Moi, j'ai toujours, dans ma pratique, quand j'arrive dans un palais de justice où je ne suis jamais allée, je cherche une avocate, elle va sûrement me dire, elle, c'est qui, le juge, ce matin puis... Et j'aurais sûrement le même réflexe si j'étais partie d'une minorité ailleurs. Alors, c'est déterminant selon moi sur le bon fonctionnement de nos systèmes de justice que d'avoir une meilleure représentativité, pas seulement chez les juges, chez les membres des tribunaux administratifs et chez les différents intervenants. Plusieurs tribunaux font de la conciliation, de la médiation, des enquêtes, alors il faut que les modes de recrutement du personnel reflètent la société à laquelle on s'adresse.

Une voix: Oui, Me Saint-Pierre.

M. Saint-Pierre (Noël): Si vous permettez de... Oui, rapidement. L'étude du professeur Noreau, c'est la première étude au Québec, la première enquête sur cette question, et c'est assez significatif puisque ça ne date que de quelques années. Cependant, un des éléments qui est ressorti, parce que c'est fait avec des avocats, avec des juges, avec des procureurs de la couronne, avec des représentants et des membres de communautés culturelles, un des éléments très intéressants, c'était la voix des juges qui disaient d'une part, on se sent très souvent démunis, on a l'impression qu'il se passe quelque chose qu'on ne comprend pas, mais on ne sait pas comment l'aborder pour vraiment savoir ce qui se passe dans ma salle. Et c'est assez épouvantable comme constat personnel pour quelqu'un qui quand même a souvent une longue carrière derrière lui ou derrière elle. Il soulignait cependant aussi l'importance du fait de côtoyer des juges qui viennent d'autres milieux, les juges de provinces qui disaient: Quand je suis à Montréal, et là j'ai un juge qui a travaillé avec la communauté noire, que je peux au moins commencer à comprendre des choses, voyez vous?

Il y a un autre élément aussi qu'il faut vraiment attaquer, c'est une question d'autocensure. C'est le propre d'avocats qui pratiquent dans une pratique très spécialisée, par exemple en droit criminel. Je donne l'exemple encore une fois de profilage racial. Le directeur de l'aide juridique, section criminelle, à Montréal, j'ai posé la question à savoir si selon lui beaucoup des interventions policières en vertu d'un règlement municipal étaient en fait du profilage racial. La réponse: Oui. Question: Pourquoi ça n'a pas été soulevé? Parce qu'on craint la réaction. Et les premiers jugements ? d'ailleurs en Ontario ? là-dessus, à partir de la réaction d'un juge qui disait à l'avocat qui osait soulever la question: Comment osez-vous attaquer l'intégrité du policier?

Donc, il y a effectivement du travail à faire pour qu'on puisse même présenter des recours, oser le dire... des choses, certaines choses sans sentir qu'il y a beaucoup de poids de la justice qui nous tombe sur les épaules par un juge devant qui on sera peut-être demain matin, là.

Mme Thériault: Je vais conserver le temps restant pour mon collègue de Marguerite-D'Youville.

Le Président (M. Brodeur): Merci, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme la bâtonnière sortante, Mme Lemieux, Mme Pelletier, Me Saint-Pierre, bonjour... bien, Me Pelletier, bien, vous êtes tous maîtres finalement. Bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. Donc, je relisais hier soir des mémoires que vous avez produits il y a déjà plusieurs, plusieurs années sur cette même question, donc je sais que c'est une question qui vous préoccupe depuis plusieurs années, donc on vous remercie tous d'être ici, d'apporter votre expertise, parce que c'est un aspect fort important. Plusieurs groupes sont venus nous entretenir sur des questions juridiques, puis le droit, dans le fond, dans une société, c'est quelque chose d'extrême important, puis dans une situation comme celle-là qu'est la lutte au racisme, à la discrimination en fonction, bon, de la charte, d'une part, mais aussi en fonction des nombreuses lois. On a parlé des droits socioéconomiques à plusieurs reprises, et donc ça m'amène à vous parler d'une de vos propositions qui est celle d'intégrer... bien vous proposez d'intégreor une analyse d'impact sur les groupes racialisés dans le processus d'adoption des lois.

Donc, plus loin, vous dites que c'est important pour qu'on arrive à un succès finalement que tous ensemble... parce que, bon, on peut adopter des lois à l'infini, mais il faut se donner, et puis vous le mentionnez, des mesures d'imputabilité et des objectifs mesurables. Bref, j'ai l'impression, moi aussi, que d'intégrer une analyse d'impact... ma collègue pourrait parler de l'analyse différenciée selon les sexes, qui...

Une voix: Qui n'est pas encore là.

n(17 h 40)n

Mme Lefebvre: Qui n'est pas encore là, qu'elle me dit, mais qui aiderait donc à favoriser l'égalité entre les hommes et les femmes, mais à cet égard-là je vous voudrais vous entendre un peu sur cette question-là, puis ensuite je voudrais aborder la question des réfugiés, qu'on n'a pas beaucoup abordée dans cette commission parce que ce n'est pas une compétence, en vertu de l'Accord Canada-Québec sur l'immigration, qui nous revient intrinsèquement, mais il demeure qu'il y a beaucoup de personnes réfugiées qui vivent au Québec puis qui doivent faire face au système judiciaire, mais pas juste ça, aussi dans leurs demandes de citoyenneté. Donc, bien je reviendrai là-dessus, mais je voudrais vous entendre sur l'analyse d'impact.

Mme Pelletier (Fanie): Oui. Alors, au sujet de notre recommandation sur une analyse d'impact, effectivement on avait fait, il y a un an et demi, quand on s'était présentés ici pour l'éventuelle politique sur l'égalité entre les sexes, c'était d'ailleurs une de nos recommandations qu'on intègre, comme au fédéral, une analyse différenciée selon les sexes au niveau du processus d'élaboration des lois.

C'est effectivement aussi... Je voudrais juste revenir, quand on resituait, au début, le droit à l'égalité, qu'est-ce que ça veut dire, le cadre légal du droit à l'égalité, c'est effectivement même une... Ça a été défini par les tribunaux, c'est une obligation pour l'État aussi d'en tenir compte dès l'élaboration des politiques ? c'est à la Cour suprême qu'ils avaient dit ça ? donc à plus forte raison au niveau des lois, et je pense que ça rejoint aussi toute la question de la nécessaire transversalité pour tenir compte de phénomènes, là, d'intersectionnalité ou de discrimination multiple, là, donc des discriminations sur la base de deux ou plusieurs motifs.

Alors, je pense qu'une des façons d'éventuellement essayer de contrer ça, c'est certainement d'en tenir compte dès l'élaboration des lois, qui peuvent en apparence avoir l'air neutre ou avoir l'air de n'avoir aucun impact sur certains groupes particuliers, alors que, si on prenait la peine de faire une analyse d'impact, on pourrait probablement éviter beaucoup d'effets pervers de la loi ou des politiques.

Mme Lefebvre: Je vous remercie. Oui?

M. Saint-Pierre (Noël): ...complément très rapide. Une des choses, parce qu'effectivement dans le mémoire nous avons parlé de projets de loi, règlements, sauf que je pense qu'il faudrait aller plus loin. J'aimerais donner rapidement deux exemples.

Il y avait les politiques de prévention de suicide chez les jeunes, il y a quelques années. On a oublié certains groupes parmi les groupes au sein desquels le taux de suicide était plus élevé que dans la moyenne francophone blanche. Même chose, nous avons une politique pour les aînés, et c'est très frustrant pour les gens qui représentent ou qui travaillent avec des minorités de la population de frapper aux portes et de faire un discours pour dire: Nous vivons telle, ou telle, ou telle réalité... Et, à un moment donné, même, un de mes assistants a dit: Mais, Me Saint-Pierre devrait avoir une cassette à présenter chaque fois qu'on rentre avec un nouveau comité, un nouveau fonctionnaire, pour tel... parce que, par hasard, le voisin ne sait pas que son voisin effectivement avait déjà travaillé là-dessus.

Donc, si on faisait ça en amont, peut-être que ce serait effectivement une façon d'éviter à ce qu'on ait ces dépenses d'énergie.

Mme Lefebvre: Bien, je prends la balle au bond. Sur les mesures de suivi, vous connaissez, bon, parce que vous êtes intervenus dans plusieurs commissions parlementaires puis sur différents projets de loi, donc vous connaissez assez bien l'appareil étatique, est-ce que vous avez des propositions sur une instance qui pourrait justement permettre cette transversalité au travers des ministères? Certains ont parlé d'un secrétariat, d'autres d'un ombudsman. Bon, il y a la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui a d'autres mandats mais qui pourrait avoir des mandats élargis, notamment dans l'élaboration de bilans qui pourraient être faits chaque année sur l'état de la situation. Pour vous, quel genre de structure ou de...

Mme Lemieux (Madeleine): Dans notre mémoire, on se pose la question, on se la pose, la question, sans être capable d'y répondre de façon définitive: Quelle est la meilleure structure pour assurer? Puis on a dit: Bien, visons le haut, alors pourquoi pas un ministre responsable, mais que le ministre en question siège au Comité des priorités, de telle sorte que ça devient une priorité du gouvernement que d'assurer ce genre de réflexion et de mesure, quand on... Il est évident que la Commission des droits de la personne a déjà un énorme mandat avec... et elle le fait, le travail de sensibilisation auprès du gouvernement, avec des mémoires et des études, mais on parle d'un leadership de l'État. Il faut que ce soit l'État qui prenne la direction.

Mme Lefebvre: C'est intéressant, ce que vous mentionnez, parce que c'est... Bien, c'est ça, dans le fond c'est de s'assurer que le ministère de l'Immigration puisse avoir les poignées dans les autres ministères puis de s'assurer que le suivi des programmes se fasse puis se décide en haut lieu. Il y a des groupes qui ont proposé que ce soit directement sous la responsabilité du premier ministre, donc, à cet égard-là, lui a ensuite une vision sur tous les ministères. Oui?

M. Saint-Pierre (Noël): Oui. Je ne crois pas personnellement ? aujourd'hui, nous avons discuté entre nous ? que ça puisse être le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, pour une bonne raison. La ministre a expliqué pourquoi les autochtones sont exclus, effectivement ils n'étaient pas mentionnés dans le document, parce que ça correspond à un autre ministère.

Cependant, si on regarde la notion, le terme «groupe racialisé», les autochtones le sont tout autant que la population noire de Montréal, par exemple. Donc, si on a une politique, il est clair que la politique doit être valable tant pour les peuples autochtones du Québec que pour les minorités visibles des grands centres urbains. Donc, il faut que ça relève d'un ministère. Et si, moi, je faisais partie d'un peuple autochtone, je serais très insulté, honnêtement, si le ministère responsable de la politique qui me touche était le ministère de l'Immigration, voyez-vous, et des Communautés culturelles. Donc effectivement il faut qu'il soit une instance qui n'ait pas cette couleur. C'est ça, un des problèmes que nous avons. Évidemment, ce n'est pas au Barreau de vous dire quelle instance, mais il faut tenir compte de l'ensemble de ce qu'il y a dans l'assiette lorsqu'on parle effectivement de discrimination raciale.

Mme Lefebvre: Il me reste... Est-ce que... En fait, j'aimerais aborder la question des personnes réfugiées, en fait de leur situation. Moi, personnellement, dans le comté que je représente, j'ai beaucoup à travailler avec ces personnes-là qui vivent des situations qui franchement, dans plusieurs cas, c'est des cas humanitaires. Finalement, tu dis: Qu'est-ce que je peux faire réellement? Puis, ce que je constate, c'est que les poignées qu'on a, ici, au niveau du Québec, pour agir, parce que, bon, c'est une compétence fédérale, sont des fois difficiles. Moi, j'interviens auprès de l'appareil fédéral, mais en même temps je sens que c'est difficile, et notamment sur, bien une section d'appel qui n'est pas là, là, qui... Donc, quelles seraient les revendications du gouvernement du Québec face à l'appareil fédéral pour s'assurer que le... Bien, je sais que c'est une question qui est complexe, mais vous y avez peut-être réfléchi, c'est pour ça que je me... Bien, je me dis: Qu'est-ce qu'on pourrait essayer d'améliorer dans le système qui ferait en sorte d'améliorer les conditions humaines puis le droit finalement de ces personnes?

M. Saint-Pierre (Noël): Je vais répondre, en partie parce que je pense qu'effectivement c'est une question est extrêmement vaste, d'une part. Cependant, le Québec, dans la structure actuelle, a des compétences en matière d'immigration, et, même, lorsque, dans le passé, il n'avait pas nécessairement une juridiction claire, il est intervenu effectivement. Si vous voulez prendre une exemple, c'était la crise des Algériens, en 2002, où le règlement est intervenu. Et, moi, j'étais par hasard l'avocat du comité des Algériens pendant cette période-là. Et, par hasard, le règlement est intervenu parce que le ministère québécois avait ouvert une porte à une solution éventuelle, c'est ça, en disant qu'il était prêt à étudier les demandes de certificats de sélection à l'intérieur dans la mesure où le fédéral recevait les demandes d'ordre humanitaire donc.

Et il y a une crise actuelle ? peut-être la crise est plus aiguë ? qui touche les personnes qui font partie du groupe qui ne peut pas être expulsé, les Congolais, par exemple, les Afghans, Rwandais, etc., et très souvent c'est des personnes qui sont ici depuis jusqu'à 10 ans. Là, il y a un certain nombre de pertes. Exemple, il y a une association d'avocats ou de juristes congolais ici. La plupart des membres de l'association étaient effectivement avocats ou juges dans leur pays d'origine, ils sont arrivés comme réfugiés, n'ont pas été acceptés, ils sont en attente d'une solution éventuelle. On a des problèmes, bien sûr, pour ces groupes-là avec l'accès au cégep, pour ne pas être vu comme étant un étudiant étranger, avec des frais de scolarité, et ainsi de suite.

Donc, il y a une série de choses qui pourraient toucher à la fois éventuellement une recherche de solution de concert, bien sûr, avec le fédéral pour des communautés qui sont concentrées au Québec, d'une part, avec des propositions, bien que la solution finale nécessairement correspond en bonne partie aux autorités fédérales, mais également de regarder un certain nombre de services, dont l'accès aux cégeps et aux universités, pour les enfants qui vivent. En parallèle à cela, il faudrait également, à moyen terme, regarder les compétences de ces gens qui sont en attente, puisque nous savons tous et toutes que, le plus qu'on attend, le moins qu'il est probable qu'on exerce effectivement la profession qu'on avait dans son pays d'origine et qu'on aboutira comme ex-professeur ou ingénieur, aujourd'hui chauffeur de taxi à Montréal.

Le Président (M. Brodeur): Merci. M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Moreau: On a combien de temps, M. le Président?

Le Président (M. Brodeur): Environ sept minutes.

n(17 h 50)n

M. Moreau: Sept minutes, bon, merci. Alors, Me Lemieux, c'est un plaisir de vous retrouver, Mme la bâtonnière. Me Saint-Pierre, Me Pelletier, bienvenue à l'Assemblée nationale. D'abord, permettez-moi de vous féliciter pour la qualité du mémoire que vous avez présenté. Véritablement, je suis fier d'appartenir au Barreau lorsque je vois la qualité des mémoires.

Mais, pour le début, je vais me faire un peu l'avocat du diable, et particulièrement à l'égard de deux éléments que vous avez soulevés. D'abord, à tout seigneur tout honneur, Me Lemieux, vous avez dit que ? je ne suis pas en total désaccord avec ça, mais j'aimerais quand même qu'on puisse l'éclaircir. Vous dites: Si le système judiciaire, de façon générale, les tribunaux, le Barreau, les avocats, les décideurs administratifs... on retrouvait donc dans ces organismes plus de groupes racialisés... en fait, plus le système ressemblera à ceux qu'il juge, mieux ce sera. On sait très bien que, dans la magistrature, les femmes ne sont pas représentées au même niveau que les hommes, il y a moins de juges femmes que d'hommes, et pourtant personne au Québec ne prétendrait que le système de justice n'est pas équitable envers les femmes, par exemple, en droit familial, en droit matrimonial ou dans toute autre intervention.

Alors, sur ce, je mets un petit bémol. Ce n'est pas nécessairement parce que le système nous ressemble qu'il est plus équitable envers nous et ce n'est pas qu'un système qui ne nous ressemble pas n'est pas équitable. Ma question est la suivante: pour devenir juge ou décideur administratif, moins vrai dans le cas des décideurs administratifs, mais il faut d'abord être avocat, est-ce que la représentativité des membres du Barreau équivaut en tout point aux représentativités des groupes racialisés dans la société?

Mme Lemieux (Madeleine): Nous avons constaté que nous détenions fort peu de données sur notre ordre à ce sujet-là. Nos estimations sont forcément très superficielles. Et évidemment arrivent à l'École du Barreau les gens qui arrivent des universités, et, dans les universités, évidemment il y a beaucoup de diversité. Mais qu'arrive-t-il de ces gens? On s'est posé des questions sur les obstacles qu'ils rencontrent à l'école. Et qu'arrive-t-il d'eux sur le marché du travail? Un des moyens qu'on a choisis pour répondre à cette question-là, parce qu'honnêtement je suis incapable d'y répondre, c'est de créer un formulaire d'inscription annuelle avec des questions facultatives où on pourrait recueillir des données sur l'ordre. Faites-vous partie d'un groupe? Et le Comité sur les communautés culturelles nous a aidés à élaborer le bon questionnaire pour avoir ces données-là. Et votre question est fort pertinente, et malheureusement nous n'avons pas de données pour y répondre. Alors ça, c'est phase I, recueillir des données et de l'information sur nos membres.

M. Moreau: J'aide le Barreau, j'en suis très heureux. Vous allez pouvoir mettre le questionnaire en circulation. Je voulais vous poser la question. Vous avez dit que, pour la formation professionnelle, effectivement, pour les jeunes, ceux qui vont devenir avocat, il y a une formation sur l'approche aux communautés culturelles, est-ce que vous le faites également pour la formation permanente?

Mme Lemieux (Madeleine): Pas que je sache.

M. Moreau: Ça serait une bonne suggestion de le faire.

Mme Lemieux (Madeleine): Ce serait une excellente suggestion.

M. Moreau: Parce que là on parle vraiment à ceux qui sont en exercice.

M. Saint-Pierre (Noël): Très rapidement, il y a un certain nombre d'initiatives effectivement qui ont déjà commencé. Il y avait, en droit criminel, par exemple, la question de profilage racial qui était présentée. Nous élaborons actuellement avec un autre comité du Barreau qui s'appelle Comité sur les droits de la personne un certain nombre d'éléments de formation et, entre autres, la question de compréhension justement de témoins, de représentation de personnes qui viennent de milieux minoritaires fait partie de ce que nous voulons faire.

M. Moreau: Alors, je continue dans mon rôle d'avocat du diable. Cette fois, je m'adresse à vous, Me Saint-Pierre. Vous avez parlé des règlements municipaux. J'aurais tendance à vous dire, parce que j'ai une petite déformation de ce côté-là, que vous visez, je pense, la mauvaise cible, parce qu'en réalité le mésusage des mobiliers urbains, c'est une bonne chose qu'on puisse le prévoir, parce que, que les gens soient blancs, jaunes, verts, rouges, si effectivement on a du vagabondage et que les gens couchent dans les parcs le soir, c'est un mésusage du mobilier urbain. La cause, le problème, ce n'est pas le règlement municipal, c'est qu'il faut réussir à faire en sorte que des gens ne couchent pas dans les parcs. La même chose, je ne serais pas heureux de vivre dans une ville où on crache sur les trottoirs. Le problème, c'est qu'il faut peut-être éduquer les gens à ne pas le faire, peu importe leur origine. Et je ne crois pas qu'il existe une seule culture dans le monde où le fait de cracher sur les trottoirs soit une fierté ou une appartenance culturelle. Je pense que les gens sont mieux que ça.

M. Saint-Pierre (Noël): Je vous contredirai là-dessus.

M. Moreau: Vous allez me contredire? O.K. Bien alors je vous donne l'occasion de le faire, mais je pense qu'il faut s'attaquer à la cause. Je vais vous permettre de répondre à cette question-là, mais je vais tout de suite poser la dernière question parce que je sais que le temps file. À la page 33 du mémoire, vous suggérez, et là je pense que je m'adresse à Me Pelletier, suggestion 3, de réduire ou en fait de s'attaquer au problème d'accès restreint au Tribunal des droits de la personne. J'aimerais que vous élaboriez là-dessus, à savoir en quoi est-ce que l'accès au tribunal des droits de la personne est restreint et quelles sont les suggestions que vous faites pour éviter les obstacles.

Mme Pelletier (Fanie): Oui. Alors, concernant l'accès au Tribunal des droits de la personne, on faisait référence à la situation depuis l'arrêt Ménard, l'arrêt de la Cour d'appel en 1997, et qui fait en sorte qu'actuellement l'accès au Tribunal des droits de la personne est retreint en ce sens qu'une personne qui a d'abord passé par le filtre de la Commission des droits de la personne peut saisir le tribunal seulement si la commission a jugé la plainte recevable mais n'a pas voulu saisir le tribunal, ce qui est une situation nouvelle donc depuis l'arrêt Ménard, en 1997. Alors, tout simplement, on réfère à la recommandation de la commission elle-même lors de son bilan en 1999, la Commission des droits de la personne elle-même a suggéré de revenir à la situation qui prévalait avant l'arrêt Ménard, c'est-à-dire de permettre au citoyen qui a déjà, bon, saisi la commission, qui a déjà passé à travers le processus de la commission, si la commission n'a pas jugé donc sa plainte recevable, que le citoyen puisse à ce moment-là saisir le tribunal. C'est tout simplement dans... c'est cet esprit-là.

M. Saint-Pierre (Noël): Cependant, la réflexion est au sein du Barreau... pas une position définitive, c'est en discussion depuis environ deux ans déjà. Cependant, j'aimerais aussi parler d'autres tribunaux, par exemple, les arbitres de griefs, qui ont été vus comme ayant une juridiction exclusive, à l'exclusion de la Commission des droits de la personne, la même chose lorsqu'il y a une demande à la CSST. Ce que ça vient faire, c'est que le travailleur qui vit un problème de racisme en milieu de travail sera peut-être indemnisé pour une perte de salaire, pour les dommages, l'incapacité partielle, etc., sauf que la commission ne pourra jamais intervenir, par exemple obliger un employeur à créer un programme qui pourrait éliminer le problème à la base. Donc, la discrimination systémique ne pourra pas être attaquée, parce que la commission ne peut pas intervenir. Alors, il y a effectivement de par la jurisprudence, qui est de plus en plus... est à l'effet que, s'il y a un autre recours qui existe, vous devez prendre ce recours-là et non pas porter plainte à la commission. On a éliminé, malheureusement, la possibilité d'intervention de la commission. Donc, c'est un peu l'ensemble de cette réflexion qui a cours au Barreau.

Pour répondre maintenant à votre question. Il est clair que nous devons avoir avec les autorités municipales et policières une réflexion sur certains éléments d'urbanisme. Les étés, à Montréal, les jeunes sont dans les parcs, dans les quartiers défavorisés, parce qu'il n'y a pas de pelouse devant la maison ou derrière la maison, il n'y a pas d'endroits de socialisation, il n'y a pas de piscine derrière la maison, etc., donc où est-ce qu'on se retrouve? Dans un parc. Dans un quartier où il y a déjà certaines réalités des gangs de rue, les policiers vont automatiquement... et pas juste les policiers, les citoyens aussi, et pas juste les Blancs, voient qu'à partir du moment qu'il y a un attroupement de jeunes on assimile ça à quoi? Prostitution, trafic des stupéfiants, etc., donc les policiers cherchent des moyens pour intervenir.

Ce n'est pas la même chose que de dire qu'un jeune ne devrait pas dormir par terre dans un parc, c'est le fait d'être assis ? les cas qu'on voit, là; assis ? sur un bloc de béton. Et là la question que se pose à peu près n'importe quel citoyen normal: En quoi est-ce que ça dérange? Ce qui dérange, ce n'est pas le fait d'être assis sur un bloc de béton, c'est que le jeune Noir est dans un parc, c'est ça qui dérange. Sauf qu'on n'ose pas le dire. J'avais même, dans une intervention, dit que la municipalité serait beaucoup plus honnête si le règlement disait que trois jeunes Noirs ne peuvent pas être ensemble dans un parc de la ville, dans un rayon de tant de mètres carrés. Non, non, mais c'est ça qui provoque l'intervention policière, c'est les trois jeunes Noirs dans un rayon X. Ce n'est pas le bloc de béton, là, qui provoque ça.

Donc, ce qu'il faut faire? Il faut faire à mon avis à visage découvert, non pas avec... Parce que là vous avez quelque chose qui est extraordinaire au Québec, à Montréal surtout, vous avez des policiers qui reçoivent des directives d'intervenir en se servant de prétextes, lorsqu'en même temps... et là ce n'est pas juste moi qui le dis, là, je parle aussi avec la couronne, c'est un peu... tout le monde le sait, personne ne le dit ouvertement. Et, lorsqu'on aborde la police, qu'est-ce qu'elle dit? Ça n'existe pas. Donc, c'est très clair que nous sommes dans une situation ici avec un langage qui ne dit pas la vérité parce qu'on n'ose pas affronter les choses. Il est clair qu'il y a des craintes légitimes de la population lorsqu'il y a attroupement de jeunes, ça fait du bruit, mais c'est une question d'urbanisme aussi, à savoir: Comment est-ce que nous allons cohabiter ensemble? En acceptant aussi que les jeunes, les adolescents ont parfois tendance à être un petit peu turbulents, puis ça fait partie effectivement de leur évolution personnelle.

Donc, la réponse ici, c'est vraiment: Abordons les choses, essayons de régler les questions, impliquons aussi les organismes communautaires, impliquons en particulier les parents. Une des expériences les plus extraordinaires que j'ai eues, c'était dans Saint-Henri, avec des mères de jeunes Noirs anglophones, lorsqu'on a organisé une rencontre non pas avec tel groupe, mais c'est avec les mères face aux policiers, pour dire: Moi, là, je me bats pour que mon fils ne soit pas criminalisé. Vous l'interpellez cinq fois par jour, qu'est-ce que ça envoie comme image? C'est: Tu ne seras jamais autre chose qu'un criminel. Donc, qu'on implique ces gens-là et qu'on cherche ensemble des solutions, qui seront nécessairement difficiles, parce qu'effectivement il n'y a pas assez d'espace dans certains quartiers, c'est clair, les jeunes vont faire du bruit. Et, oui, il y a un phénomène de gangs de rue et qu'il faut réprimer, mais il ne faut pas aborder tous les jeunes Noirs de Montréal comme si, automatiquement à partir du chiffre trois, c'étaient des criminels.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Pour une question d'équité, il faudrait peut-être dépasser le temps de trois minutes pour avoir une équité avec l'opposition. Est-ce qu'il y a consentement? Donc, Mme la députée de Laurier-Dorion.

n(18 heures)n

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. Merci à vous tous de la commission de nous permettre de pouvoir discuter un peu plus longuement. Mais, sur cette question des gangs de rue, est-ce que vous considérez qu'on devrait investir davantage dans la prévention?

M. Saint-Pierre (Noël): ...conçois pas, parce que les gangs de rue, c'est un phénomène qui est complexe. Là, je viens d'aborder une chose, à savoir une image de criminalisation, et toutes les études en criminologie montrent que le profilage racial augmente la criminalité chez les groupes qui sont visés par ces pratiques-là. Ça, c'est un premier constat qu'on fait, d'accord? Aussi longtemps que la police est vue comme étant l'ennemi, parce que c'est ça, l'effet concret de ces pratiques-là, aussi longtemps que la police est vue comme étant un élément étranger à notre communauté, il est clair qu'on n'aura jamais les moyens pour attaquer correctement les gangs de rue.

Ça implique aussi d'autres choses et à mon avis une bonne dose de créativité. Parmi les premières victimes des gangs de rue, ce sont les jeunes filles de la même communauté, n'est-ce pas? Bon. Est-ce qu'on travaille avec ces jeunes filles à un moment assez jeune pour qu'elles puissent avoir une espèce d'image de soi suffisamment de confiance, y compris concernant leur propre sexualité, pour ne pas être abusées par la suite? Donc, ce n'est pas une solution, il y a toute une série de choses. La question des perspectives, la question justement des espaces, la question des sports, qu'est-ce qu'on offre comme alternatives, qu'est-ce qu'on offre comme modèles.

Et aussi il y a un problème particulier, si vous permettez, parce que je travaille beaucoup avec la communauté haïtienne. Il y a des communautés de récente immigration, entre guillemets, ce qui n'est pas le cas avec toute la communauté haïtienne, mais en partie, qui croient qu'on doit encore prouver à la majorité qu'on mérite d'être ici, même si on est déjà citoyen. Et on a tendance donc à nier des réalités criminelles au lieu d'agir, avec le résultat que, si vous parlez avec certains travailleurs sociaux dans les prisons, souvent ce sont les parents de ces communautés qui osent le moins aller visiter le fils qui est en prison parce qu'on ne veut pas que les voisins sachent que le fils est en prison, voyez-vous? Donc, c'est des choses qui sont dures, et c'est, à un moment donné, de dire aux parents: Vous n'avez plus à avoir honte, et il faut encadrer les jeunes, il faut les aider, et ceci, depuis très jeune.

Mme Lefebvre: Merci. Bien, je suis assez d'accord avec vous que... je pense qu'on devrait miser beaucoup... bien c'est la même chose pour le décrochage scolaire, qui touche l'ensemble, bien pas l'ensemble mais beaucoup de jeunes en général, mais il y a des actions précises qui doivent être faites plus tôt.

Une dernière petite question, parce que le temps presse, vous parlez, bon, depuis l'adoption de la loi n° 14, je me demandais, bon, vous inscrivez que ça vous a donné l'occasion de poursuivre la révision des processus d'admission à la profession pour les personnes immigrantes, je me demandais: est-ce que vous êtes capables, ou il est peut-être un peu tôt, mais de dresser un bilan? Est-ce qu'il y a plusieurs permis qui ont émis, restrictifs, récemment puis...

Mme Lemieux (Madeleine): Il est un peu trop tôt. Un des effets les plus bénéfiques du projet de loi n° 14 pour le Barreau, c'est de pouvoir émettre des permis restrictifs qui font en sorte que quelqu'un qui n'est pas encore admis à la pratique du droit parce qu'il n'a pas encore toutes les compétences que nous exigeons de nos membres peut quand même avoir un permis, avec des restrictions, qui lui permet de gagner sa vie, soit sous supervision, soit dans un encadrement particulier, soit sur des sujets particuliers, jusqu'à ce qu'il atteigne la pleine capacité d'être membre du Barreau. Mais c'est trop tôt, on a eu très peu de demandes.

Mme Lefebvre: Et sur un autre aspect mais qui est lié. Bon, les différents cabinets d'avocats, ça, on le sait, là, c'est quand même difficile, bien, pas difficile, mais il y a une sélection qui se fait, là, à la fin des études... Il y a un groupe, tout à l'heure, qui nous en a parlé, que, bon, certains cabinets privilégient certaines universités puis, bon, ça prend un profil de candidature particulier, est-ce que ? vous avez parlé de la formation que vous faites ? ...est-ce qu'il y a des mesures incitatives qui sont faites auprès des cabinets? Ça ne doit pas être évident, là, puisque chacun des cabinets finalement est privé, donc gère sa business comme il le souhaite, mais comment on peut faciliter?

Mme Lemieux (Madeleine): Une des décisions quand même assez récentes du Barreau, ça a été de créer un poste de conseiller à l'équité, Me Pelletier, et la première fonction de Me Pelletier, c'est une fonction de sensibilisation et de démarchage, si je peux utiliser l'expression, auprès de nos instances au Barreau, auprès des employeurs, et le poste est créé seulement depuis quelques mois. Alors, c'est la direction qu'on veut prendre. C'est une... On ne peut pas d'autorité, l'ordre ne peut pas d'autorité aller dire à un cabinet qui il va engager, par contre il peut sensibiliser et il peut aussi rendre les cabinets conscients des conséquences de ne pas avoir une force de travail diversifiée.

Mme Lefebvre: Bien, en tout cas, c'est une excellente nouvelle, puis je vous souhaite bon succès, puis en espérant que vous vous multipliiez à travers le Québec et puis que les cabinets soient de plus en plus représentatifs.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup, merci de votre présentation. Donc, j'ajourne nos travaux à demain matin, 9 h 30, à la salle Papineau.

(Fin de la séance à 18 h 5)


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