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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le jeudi 19 octobre 2006 - Vol. 39 N° 32

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Journal des débats

(Neuf heures trente-deux minutes)

La Présidente (Mme Caron): À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture ouverte. Je demanderais à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires. La commission est réunie afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

M. le secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

Le Secrétaire: Non, Mme la Présidente.

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Caron): Merci. Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui, et dans l'ordre suivant: La Maisonnée, Force Leadership africain, PROMIS et la Fondation canadienne des relations raciales.

J'inviterais maintenant les représentants de La Maisonnée à prendre place. Je vous rappelle que vous disposez de 15 minutes pour faire votre exposé, qui sera suivi d'une période d'échange de 30 minutes avec les membres de la commission. Alors, j'inviterais le porte-parole, le président du conseil, M. Drudi, à présenter la personne qui vous accompagne.

La Maisonnée

M. Drudi (Guy): Merci beaucoup, madame. Il s'agit de M. Hassan Hassani, qui est le directeur général de l'organisme, donc du service d'aide de liaison La Maisonnée, qui effectivement va présenter une partie aussi des recommandations dans notre présentation, là, de 15 minutes.

La Présidente (Mme Caron): Parfait. Nous vous écoutons.

M. Drudi (Guy): Merci beaucoup. Donc, je remercie Mme la ministre et les membres de la commission de nous recevoir. Il nous fait plaisir de pouvoir partager avec vous nos préoccupations, et dans un document qui est intitulé Le choc discriminatoire: analyse, manifestations et impacts sur la pleine participation à la société des Québécoises et des Québécois issus de l'immigration, particulièrement des jeunes de la seconde génération.

Évidemment, La Maisonnée, fondée en 1979, a toujours eu comme mission de faire de tout résident, ancien, nouveau et de naissance, un citoyen à part entière. Elle a fait une offre de services qui effectivement se repose sur une approche milieu qui vise à créer un tissu social fondé sur des réseaux sociaux permettant l'intégration différenciée des personnes et une solidarité de milieu.

La Maisonnée fait donc la promotion d'une vision centrée sur une typologie inclusive, l'accueil et non la tolérance, l'intégration sociale des nouveaux résidents, l'importance des deuxièmes générations, le partenariat et la participation citoyenne à part entière. Nous accueillons donc favorablement la priorité gouvernementale de la ministre qui vise effectivement à favoriser, faciliter l'intégration et la pleine participation des citoyens de toutes origines, assurant à chacun l'égalité des chances et le respect des différences. Pour nous, ça rejoint l'essentiel de notre mission.

Lorsqu'on parle d'équité, on se réfère à Aristote, qui la définit comme étant de considérer égal ce qui est égal et différent ce qui est différent. Ce qu'il est important de mentionner, c'est que ce n'est pas en tant qu'individu en soi que l'on ressent la discrimination, mais en tant que membre d'un groupe déjà victime de discrimination dans la société, qui fait que l'on exclut un groupe auquel on veut participer parce qu'on appartient à un groupe qui est exclu sans que soient prises en considération nos qualités individuelles. C'est l'essence même, dans notre expérience, du vécu des personnes issues de l'immigration et des familles. Et, lorsque les droits des minorités ne sont pas respectés, il revient donc à la société, par l'entremise de l'État, d'assurer la protection de ces droits afin que les minorités bénéficient non seulement d'une égalité formelle devant la loi, mais d'une égalité matérielle dans la loi, autrement dit une égalité de fait qui leur permet d'être des citoyens à part entière. Et c'est effectivement le sens que nous donnons à la volonté de la ministre et du gouvernement du Québec de créer une politique et un plan d'action pour lutter contre le racisme et la discrimination.

Je vais donc présenter deux parties, la notion de choc discriminatoire, et la seconde partie va être présentée par M. Hassan Hassani, qui va toucher davantage les recommandations. Donc, pour nous, dans le fond, il y a... On définit l'intégration sociale des personnes issues de l'immigration comme étant un processus circulaire qui implique à la fois les dimensions reliées à l'adaptation fonctionnelle, sociale et culturelle, qui fait en sorte que les gens possèdent un pouvoir de négociation et sont en mesure d'avoir vraiment une participation pleine et entière en tenant compte de leurs intérêts et aussi en ayant l'assurance de participer et d'avoir une mobilité sociale. Ça nous apparaît important.

Deux obstacles limitent le processus d'intégration sociale. Le premier concerne le choc culturel et concerne particulièrement les immigrants, et le second les concerne également mais englobe leurs descendants; il s'agit du choc discriminatoire. Le choc culturel, qui a été développé, constitue une réaction de dépaysement, de frustration, de rejet, et de révolte, et d'anxiété, mais qui est davantage relié à l'individu dans son nouvel environnement, tandis que, contrairement au choc culturel, ce n'est pas en tant qu'individu qu'il est ressenti, mais en tant que membre d'un groupe. Le choc discriminatoire est de sentir que, sans égard à l'adaptation fonctionnelle, sociale ou culturelle de l'individu à son nouvel environnement, sans égard à sa maîtrise des référants culturels de la société d'accueil, il est à la fois différencié, c'est-à-dire distancé et mis à l'écart, et infériorisé, jugé moins performant, moins compétent, moins adéquat sur la seule base de son appartenance à un groupe en raison de l'origine ethnique ou nationale, la race, la couleur, la religion, la langue ou le sexe.

Mme Ledoyen avait, en 1992, identifié qu'il y avait sept facteurs qui constituaient que les gens soient considérés comme étrangers. C'est le fait d'être né à l'étranger, être différent physiquement, la langue maternelle, l'accent, le patronyme, la religion et ne pas avoir d'ancêtres québécois.

Sans une stratégie globale à la fois politique, et économique, et juridique manifestée par des législations, déclarations et programmes d'actions ciblés pour enrayer la discrimination et en corriger les effets, on ne peut pas agir efficacement contre le choc discriminatoire et, par conséquent, agir efficacement pour favoriser l'intégration sociale des personnes issues de l'immigration et de leurs familles.

À notre avis, la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination va dans le sens que nous souhaitons pour corriger les effets du choc discriminatoire. Il y a donc deux conditions primordiales pour assurer l'intégration sociale des personnes issues de l'immigration et de leurs familles, c'est l'accès aux services et l'accès aux emplois. Très brièvement, l'accès aux services: il est important de pouvoir développer la notion de compétence culturelle, sur laquelle on aura l'occasion d'échanger. Et, pour ce qui est de l'accès aux emplois, bien effectivement, et c'est identifié dans le document, la situation ne s'améliore pas lorsqu'on passe de la première génération à la deuxième génération. On le voit surtout pour les minorités issues des minorités visibles et particulièrement des minorités noires. Et, dans ce sens-là, nous, on l'interprète comme étant un effet du choc discriminatoire.

n (9 h 40) n

Les conséquences du choc discriminatoire sont nombreuses, mais il y a: l'affaiblissement des structures des familles immigrantes par l'absence de réussite des parents, dont le rôle est décisif dans l'encadrement des jeunes et dans la transmission des modèles à suivre; la stigmatisation des enfants nés de parents immigrés comme étant toujours des étrangers, la marginalisation des réseaux de support des jeunes issus de l'immigration et leur exclusion de la vie sociale active et participative. Pour sortir donc de cette impasse produite par la discrimination fondée sur la différence, il faut concevoir notre environnement social comme étant non plus un tout homogène en périphérie duquel se retrouvent des sous-ensembles minoritaires juxtaposés, mais davantage avoir un aspect inclusif.

Plus particulièrement, maintenant, je vais laisser la parole à M. Hassan Hassani pour les points spécifiques concernant les défis.

La Présidente (Mme Caron): M. Hassani.

M. Hassani (Hassan): Alors, bonjour et merci de nous recevoir, je le dis également, comme notre président. Voilà.

Alors, de mon côté, je vais parler essentiellement des défis qui ont été d'ailleurs relevés par le document, par le projet gouvernemental. Donc, il s'agit des droits et défis essentiels qui sont d'assurer la cohérence et la complémentarité des efforts des intervenants afin de lutter contre les préjugés et la discrimination, ça, c'est le premier défi; le second, celui d'éduquer les citoyens à leurs droits et responsabilités et de les sensibiliser à l'existence de préjugés et de discrimination, ainsi qu'à l'importance de les éviter au sein de la société québécoise; et enfin, le dernier défi, celui d'assurer l'égalité réelle et la pleine participation de tous les citoyens au développement économique, social et culturel du Québec en s'attaquant à la discrimination directe, indirecte et systémique et en assurant une meilleure représentation des personnes des communautés culturelles en emploi dans les diverses institutions.

Alors, en ce qui concerne le premier défi, qui est de coordonner les efforts et qui consiste à impliquer la société civile et accroître le partenariat, d'évaluer et mesurer la discrimination, de stimuler et déployer les efforts gouvernementaux, La Maisonnée considère que ce défi et ces choix sont pertinents. Cependant, il ne faudrait pas que le souhait de coordonner les efforts contre les préjugés et la discrimination ouvre la porte à la création d'une instance gouvernementale qui aurait pour mandat de jouer un rôle de guichet unique de la coordination de la dispensation des services offerts par les ONG sur le terrain. Cette création aurait pour effet de bureaucratiser les services offerts par les ONG et de limiter les contributions ad hoc selon les besoins des milieux. Il faut éviter de remplacer la logique communautaire par une logique de type administratif.

Alors, pour évaluer et mesurer la discrimination, on peut imaginer que le gouvernement puisse, à l'instar du BAPE dans l'environnement, élargir le rôle de la Commission des droits de la personne du Québec afin qu'elle ait davantage un mandat de prévention et de précaution dans le respect des droits des groupes minoritaires et en même temps d'assurer la protection individuelle des droits selon les plaintes qui lui sont formulées. Alors, la contribution des ONG serait d'accompagner la démarche en alertant les autorités responsables afin de prévenir la détérioration de l'environnement social. Alors, le dernier point enfin: le bilan des efforts gouvernementaux et des ministères semble une très bonne stratégie en autant qu'elle examine l'article 53 de la Loi sur la fonction publique qui semble actuellement l'obstacle principal à la réussite des efforts gouvernementaux.

Alors, le second défi, qui est de reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination, c'est-à-dire d'éduquer et sensibiliser la population, de favoriser le rapprochement interculturel. La Maisonnée considère qu'il faut davantage que la sensibilisation et le rapprochement interculturel. Dans le document de consultation, on fait appel à des expériences de connaissance culinaire qui relèvent à notre avis davantage du folklore qu'à un véritable rapprochement interculturel. De plus, il faut cesser de viser seulement le rapprochement interculturel. Il faut cibler l'acquisition de la compétence culturelle, comme le disait, il y a un instant, M. Drudi, et de développer un genre d'ISO culturel pour les établissements et compagnies qui pourraient afficher leurs préoccupations et le résultat, comme cela se fait en environnement.

Alors, en ce qui concerne les médias, il faut limiter la concentration de l'information qui contribue à la stigmatisation des groupes minoritaires dans notre société. Le ministère de la Culture doit être vigilant sur de telles concentrations et favoriser l'émergence de véhicules médiatiques et culturels qui expriment davantage les points de vue divergents des groupes minoritaires.

Alors, le dernier défi, qui est de renouveler les pratiques des institutions, c'est-à-dire assurer l'accès à l'emploi, intégrer le pluralisme dans les prestations de services publics et améliorer le respect et l'exercice des droits. Alors, La Maisonnée, concernant les personnes issues de l'immigration et des jeunes qu'elle accompagne dans la recherche d'emploi, constate que la non-reconnaissance des acquis et des compétences apparaît comme un des principaux obstacles sociaux à l'insertion professionnelle des personnes immigrantes.

En outre, la reconnaissance partielle de la formation implique une autre problématique, celle de la formation manquante. En effet, dans la plupart des cas, la personne immigrante n'obtient pas la reconnaissance totale et, comme cette démarche est normalement individuelle, la formation manquante qui serait nécessaire pour obtenir un diplôme est souvent comblée par l'inscription à des cours réguliers plutôt que par une réponse à un parcours individualisé de formation qui serait davantage approprié.

Alors, ce sont les personnes les plus qualifiées qui ont le plus souvent de difficultés à trouver un emploi malgré leurs qualifications et leurs expériences de travail antérieures. L'augmentation du nombre d'immigrants francophones qui ne parlent pas anglais constitue une des causes de ce phénomène. De plus, il ne faut pas l'ignorer, il existe un certain nombre de préjugés quant à la validité des compétences acquises à l'étranger et concernant leur appartenance à la catégorie des personnes immigrantes.

De plus, certains gardent des séquelles d'un passé migratoire particulièrement traumatisant, mais pour la plupart la discrimination et les échecs répétés dans la recherche d'emploi ont généré un manque de confiance en soi, le découragement et un profond sentiment de rejet.

Alors, des mesures qui pourraient aider à l'intégration à l'emploi, au marché de l'emploi. Alors, pour ce qui est des programmes d'équité en emploi mis en place pour tenter de remédier à cette situation, le bilan des différents programmes ne semblent pas donner des résultats probants. Il faut espérer que la volonté politique soit assez forte pour faire en sorte que ces programmes soient considérés comme des priorités dans les organisations. Il est cependant nécessaire d'élaborer d'autres stratégies pour favoriser l'accès à l'emploi pour cette catégorie de personnes. Plusieurs programmes sont limités par le nombre restreint de participants qui peuvent en bénéficier et par les critères d'admissibilité trop restrictifs. Alors, la mise sur pied de cours d'anglais de niveau fonctionnel sans que l'importance de la connaissance du français comme préalable ne soit modifiée, ça, on l'applique chez nous. Il n'y a absolument aucun problème. Tous ceux qui prennent... La nécessité de l'anglais est devenue quasi indispensable auprès des employeurs, notamment à Montréal. Nous donnons des cours d'anglais mais essentiellement pour les francophones. Ce n'est pas du tout une façon de contourner un peu la loi sur le français.

Alors, enfin, encourager le jumelage professionnel qui a donné, dans un passé récent, des résultats probants. Alors, la concertation entre le ministère de l'Immigration et l'office des corporations doit se poursuivre et donner des résultats tangibles.

Alors, autre point, c'est: organiser de véritables campagnes de publicité à propos de l'apport des immigrants, les besoins du Québec et de la pénurie de la main-d'oeuvre qui nous attend pourrait contribuer à mieux informer la population.

Alors, pour les jeunes, le mentorat constitue une forme d'aide efficace, car il repose sur une relation individuelle axée sur la mutualité des intérêts entre le mentor et le mentoré. Étant donné que l'isolement social est un obstacle majeur, dès le début, auquel la plupart des jeunes immigrants se confrontent, ce genre de programme semble représenter une réponse à la fois appropriée et efficace à ce problème particulier. Il est essentiel que de tels programmes puissent continuer d'être financés. Celui de La Maisonnée est financé par Centraide pour la prévention de la délinquance. Il faut aller au-delà de cette catégorisation et promouvoir l'apprentissage des conduites pacifiques, comme l'ont expérimenté la ville de Montréal et Equitas dans une trousse d'animation des jeunes de cinq à 12 ans pour les parcs et les camps de jour.

Alors, pour terminer, je vais citer un certain...

Une voix: ...

M. Hassani (Hassan): Ah bon! Je vais lire très rapidement. Donc, j'ai encore peut-être quelques minutes. Est-ce que c'est possible?

La Présidente (Mme Caron): ...minutes.

M. Hassani (Hassan): Deux minutes? Alors, je vais lire très rapidement donc les recommandations. Alors, La Maisonnée recommande: de rendre permanents les programmes de mentorat; d'instaurer, dès le niveau primaire, dans les écoles, un programme d'éducation interculturelle à l'intention des personnels scolaires; de sensibiliser les employeurs sur l'importance de développer un bassin de recrutement des jeunes issus de l'immigration; de donner aux différents ministères de la fonction publique du Québec le mandat d'embaucher des travailleurs issus de l'immigration; de donner mandat à ces ministères d'inscrire dans leurs programmes des offres de service pour la clientèle issue de l'immigration et des minorités noires, une exigence de qualité qui ne consiste pas seulement à établir une égalité d'accès aux services, mais surtout à garantir le résultat dans la satisfaction des besoins et des attentes.

n (9 h 50) n

Alors, nous souhaitons également qu'il y ait une suspension de la demande qui a été maintes fois formulée par le ministère de l'Immigration, avec laquelle nous sommes en négociation, à savoir reddition nominative, reddition de comptes nominative. Nous souhaitons aussi que le financement de la mission de l'organisme puisse reprendre. Nous souhaitons aussi que le programme d'immersion professionnelle qui est en voie de disparition soit maintenu, parce que sa disparition est plus liée à des conflits, j'allais dire, à l'intérieur d'Emploi-Québec, à des considérations de gestion qu'à l'efficacité du programme; de financer de nouveau le programme du jumelage interculturel; de transférer le programme PRIIME au moins en partie aux organismes qui font donc de l'employabilité. Voilà.

La Présidente (Mme Caron): Je vous remercie infiniment, messieurs. Alors, nous allons passer à la période d'échange et nous allons commencer par le gouvernement, donc par la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, Mme la Présidente. M. Drudi, M. Hassani, bienvenue parmi nous. Je suis heureuse de vous entendre, aujourd'hui, d'autant plus que La Maisonnée est un des partenaires qui oeuvrent en immigration, depuis de nombreuses années, à l'intégration de nos nouveaux arrivants. Donc, merci d'être ici. Je vous remercie beaucoup pour les recommandations que vous faites dans le mémoire. Puisque les échanges vont relativement rapidement ? 15 minutes, vous allez voir que ça passe très vite ? donc je vais aller directement au but.

À la fin de votre intervention, vous avez parlé de la reddition de comptes. Je tiens à réitérer ici que la reddition de comptes, ce qu'on est en train de regarder avec nos organismes partenaires, c'est de la transmission d'information qui sera dénominalisée, donc il n'y aura aucune donnée permettant de retracer l'origine de cette personne-là. Je pense que c'est important de le répéter. Nous l'avons dit et nous l'avons redit.

Ceci étant dit, je sais qu'on va probablement faire un projet pilote avec quelques partenaires, sur une base volontaire, pour voir de quelle façon on peut s'assurer que les renseignements soient transmis de manière confidentielle, sans que le nom n'apparaisse. Je pense que c'est important de vous le redire.

Tant qu'à ce qui regarde le financement à la mission globale, j'ai eu l'occasion de le dire ici, en commission, et je vais le redire encore une fois, le Secrétariat à l'action communautaire autonome, oui, il y a le financement global, mais les différents ministères peuvent financer des activités pour compenser, et c'est ce que le ministère a choisi de faire. Il y a des organismes qui sont financés dans leur mission globale, dont la TCRI, qui est financée à la hauteur de 250 000 $, et la balance des organismes ont tous été financés par le biais de projets pour faire en sorte qu'il y ait le moindre choc possible. Et, lorsque les programmes du PANA ont été revus, lorsqu'il a été instauré dans sa forme actuelle, la majeure partie des organismes ont obtenu une augmentation du financement de 11 %.

Donc, évidemment, je considère que, puisqu'on ne contrevient pas à la loi comme tel et puisqu'on a d'autres possibilités de faire du financement autre que la mission globale, vous comprendrez qu'avec les programmes que nous avons mis en place je crois que ça vous permet quand même de bien mener à bien votre mission.

Ceci étant dit, il y a une autre chose aussi, vous avez parlé des stages d'immersion. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité sociale a eu l'occasion de dire aussi qu'il n'était pas question de remettre en question l'enveloppe qui est accordée à ce projet-là. Donc, évidemment, les sommes d'argent sont encore là pour la prochaine année, à tout le moins. Il est évident que, lorsqu'il y a des organismes qui fonctionnent très bien, qu'ils auraient la possibilité de faire plus de stages, et qu'il y a d'autres organismes qui peuvent avoir plus de difficultés à remplir le nombre de stages comme tel. Donc, évidemment, je tiens à redire ici que c'est un programme qui est important, j'ai la collaboration de ma collègue, et que ce programme-là ne disparaîtra pas non plus, il va rester en place.

Maintenant, c'est à nous de voir de quelle façon on peut, dans le cadre de cette présente politique, améliorer les programmes qui sont offerts par le gouvernement. Je tiens à préciser que, dans les programmes de mentorat, il y a, entre autres, Québec pluriel qui était en place seulement à Montréal, et, dans la Stratégie action jeunesse, ce programme-là a été prolongé, si vous voulez, dans d'autres régions, nommément l'Outaouais, Sherbrooke, Laval et la région de Québec. C'était une des recommandations du rapport de ma collègue la députée de Nelligan à ce que ce projet-là puisse toucher plus de jeunes également. Donc, dans la Stratégie action jeunesse, le premier ministre a annoncé, au printemps, que ce programme-là serait disponible maintenant dans d'autres régions. Donc, voilà pour ça.

J'aurais une question pour vous, parce que je sais que ma collègue veut vous parler des jeunes de deuxième et de troisième génération. Vous recommandez, dans votre mémoire, de ne pas confier la coordination de la mise en oeuvre de la future politique à un nouvel organisme gouvernemental. Vous êtes d'avis que cela ne ferait que bureaucratiser les services offerts par les organismes sur le terrain et vous proposez plutôt d'élargir le rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. J'aimerais ça si vous pourriez élaborer un petit peu plus là-dessus par rapport à quel serait le rôle du ministère dans une politique gouvernementale, donc qui interpelle tous les ministères et pas seulement que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, le rôle de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse et le rôle des organismes communautaires sur le terrain.

M. Drudi (Guy): Bien, au niveau du rôle des organismes communautaires, ce serait effectivement de favoriser et à la fois un accompagnement, à la fois aussi une intervention milieu qui permettrait effectivement de faire ce qu'on appelle une éducation. Parce que, vous savez, l'intervention, surtout en matière de lutte contre la discrimination, doit se faire à partir des milieux, des milieux de vie, et doit se faire aussi le terrain. Et c'est la raison pour laquelle, dans le document, on mentionne que, si on a comme modèle un guichet unique, qui ferait en sorte que finalement l'ensemble des stratégies serait coordonné et associerait à un financement associé à certaines organisations... là, je pense qu'on fait fausse route actuellement: on vient de créer, si je peux dire, un peu comme une instance supplémentaire qui limiterait les initiatives du milieu dans ce qu'on appelle la mobilisation participative au niveau de l'exercice de la citoyenneté. Ça, ça se trouve à être le premier volet.

Pour ce qui est, mettons, pour utiliser et départager entre le ministère et la Commission des droits de la personne, nous, en fait ce qui a été imaginé, c'est le fait... Et là c'est une suggestion qui m'apparaît reliée au fait qu'il y a déjà un mandat d'une institution qui s'appelle la Commission des droits de la personne mais qui intervient beaucoup sur ce qu'on pourrait appeler les dossiers individuels. Et, à partir des dossiers individuels, il y a peut-être, à un moment donné, une collection de faits qui fait en sorte qu'on puisse avoir, je dirais, une intervention de type plus collective. Nous, dans le fond on pense que, là, on est dans le domaine de la protection, mais, si effectivement il y avait un mandat qui serait plus élargi, au même titre que ? on utilise le modèle de l'environnement; donc au même titre que ? le BAPE, où est-ce qu'il y aurait peut-être un phénomène de précaution et une intervention de prévention pour assurer ce que j'appellerais une vigie, donc que la Commission des droits puisse avoir un mandat proactif dans l'élaboration, je dirais, là, d'une meilleure conscience sociale parce que... Voilà.

Mme Thériault: Donc, finalement, plutôt que la Commission des droits de la personne juge seulement de la recevabilité et des plaintes, qu'elle puisse faire...

M. Drudi (Guy): Un travail de concertation, oui.

Mme Thériault: ...qu'elle ait un mandat d'éducation et de concertation en plus et que ce soit fait en collaboration avec les organismes communautaires...

M. Drudi (Guy): Et le ministère évidemment, qui va être le détenteur...

Mme Thériault: ...et le ministère par rapport... O.K.

M. Drudi (Guy): ...du mandat de la politique. Et ça, je pense que ça nous apparaissait, là, un peu comme plus fonctionnel.

Mme Thériault: Merci. On reviendra plus tard. Ma collègue... poser des questions. Merci.

La Présidente (Mme Caron): Alors, avec le principe d'alternance, je vais maintenant du côté de l'opposition officielle, avec la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Bonjour, M. Drudi et M. Hassani, de La Maisonnée. C'est un plaisir de vous avoir ici, à l'Assemblée nationale, ce matin. Votre mémoire est très intéressant. Je sais que vous avez une expertise très grande auprès des personnes immigrantes et minorités visibles ou noires, comme vous le mentionnez dans votre mémoire.

Et, d'entrée de jeu, je voudrais vous entendre sur ça, c'est que j'ai remarqué que, dans votre mémoire, vous parlez souvent des jeunes issus de l'immigration et des minorités noires. D'autres groupes parlent davantage des personnes immigrantes et des minorités visibles. Puis je me demandais pourquoi vous aviez mis l'emphase particulièrement sur les minorités noires. Puis est-ce que ça signifie que les autres minorités visibles sont incluses? Juste brièvement.

M. Drudi (Guy): Bien, très brièvement, c'est juste que, je dirais, la caractérisation et la stigmatisation, lorsqu'on parle des jeunes des deuxièmes générations... Vous savez, nous, en fait, là, ce qui nous importe, c'est que les jeunes des deuxièmes générations puissent avoir une mobilité sociale. Or, on se rend compte que c'est plus difficile pour les jeunes qui finalement sont stigmatisés, et Mme Ledoyen avait identifié que la couleur de la peau était un facteur de stigmatisation plus persistant, et ça correspond à notre expérience, ça correspond à l'expertise développée dans les études. Et c'est la raison pour laquelle, nous, en fait on inclut, mais effectivement on dit: Portons attention au sujet des minorités visibles, oui, mais il y a aussi une problématique particulière au niveau des minorités noires.

n (10 heures) n

Mme Lefebvre: O.K. Parfait. Vous avez une expertise particulière au niveau de l'insertion à l'emploi puis vous mentionnez dans votre mémoire que l'insertion à l'emploi est un des éléments, un des facteurs clés de l'intégration. D'ailleurs, plusieurs groupes sont venus nous parler de l'intégration socioéconomique comme un des volets importants sur lesquels on doit focusser. Et vous avez un programme d'intervention, à la page 16, vous parlez d'un programme d'intervention auprès des jeunes issus de l'immigration dont l'objectif général est de permettre l'intégration sociale des jeunes et de leur famille en vue d'une participation citoyenne à part entière. Et vous nous dites que plus particulièrement il s'agit de favoriser la réussite scolaire et de favoriser l'acquisition chez les jeunes des habilités sociales et d'insertion professionnelle. J'aimerais vous entendre un peu sur les expériences, en quoi un peu consiste cette initiative-là puis quels sont les résultats.

M. Hassani (Hassan): Bien, nous avons deux projets, deux expériences que nous réalisons depuis déjà quelques années. Il y a le premier qui consiste à aider les jeunes qui viennent d'arriver, qui sont de la classe d'accueil et qui... on l'avait constaté ? il y a une dizaine d'années, notamment dans le quartier Rosemont?La Petite-Patrie ? que beaucoup abandonnaient l'école et rejoignaient un petit peu les gangs de rue, etc. Donc, c'est une initiative qui est née d'un partenariat avec Centraide et le CLSC La Petite-Patrie qui a permis donc de faire une sorte de projet de prévention de lutte à la délinquance qui nous permet d'aller, à raison de deux fois par semaine, à l'école Père-Marquette prendre des jeunes qui sont là-bas et les aider non seulement donc dans l'aide aux devoirs pour la réussite scolaire et la connaissance du français mais également tous les éléments de socialisation, pour éviter donc qu'ils ne s'occupent d'autres choses.

Donc, on les garde, soit à l'école soit à La Maisonnée, jusqu'à 6 heures, 7 heures du soir, deux fois par semaine, pour essayer de les retenir et en même temps pour leur permettre d'améliorer non seulement la connaissance du français qu'ils ne connaissent pas au départ, puisqu'ils sont des classes d'accueil, mais également de se connaître, de voir qu'ils ne sont pas isolés, etc. Donc, à l'été... donc, une soixante de jeunes, on les regroupe toujours, toujours généralement les mêmes jeunes qui sont dans cette école et dans d'autres écoles pour essayer de les garder également pendant sept semaines, quasiment toute la journée, toujours pour les mêmes raisons, leur donner les cours de français, de mathématiques, d'informatique et d'anglais et en même temps leur donner des activités récréatives. Donc, ça, c'est un projet qui fonctionne très bien, et ça nous permet à mon avis de jouer un rôle important auprès de ces jeunes. Alors, il s'agit des jeunes qui sont encore à l'école secondaire.

On a un deuxième projet qui, lui, est expérimental, qui est un peu la continuation de Québec pluriel et qui consiste à aider les jeunes adultes qui sont dans les classes d'adultes également immigrants et qui sont sur la voie de décrocher. Donc, il s'agit de ce qu'on appelle la persévérance scolaire. Et là nous utilisons le mentorat comme moyen donc d'éviter qu'ils ne décrochent et donc on a un mentor par étudiant, donc on a à peu près 50 jeunes, donc 50 mentors, 50 jeunes, 50 mentors que nous trouvons un peu partout, des bénévoles un peu retraités, des étudiants en sciences de l'éducation qui sont là également une fois, deux fois par semaine avec ces gens-là pendant toute la période scolaire pour les encourager non seulement sur le plan scolaire mais également sur le plan psychosocial, sur le plan du soutien, et généralement ça se termine par de réelles relations d'amitié, etc.

Évidemment, on est très soucieux sur l'appariement des deux. Évidemment, on fait très attention à un certain nombre d'éléments, ça, juste pour dire que... Mais manifestement ça donne de bons résultats parce que... C'est un projet qui est expérimental, qui n'a pas encore donné des résultats, mais on sent que c'est quelque chose qui va donner de bons résultats. Nous pensons que le mentorat, le fait que la relation est individualisée, personnalisée donne des résultats probants sur la personne. Voilà.

Mme Lefebvre: Et dans le même sens, au niveau de l'insertion... Bien là, si je vais un peu plus loin, au niveau de l'insertion à l'emploi qui est, tu sais, peut-être dans le fond la suite à cette intervention-là, hier, il y a trois organismes... bien trois carrefours jeunesse-emploi qui sont venus ici puis qui nous ont fait une proposition assez intéressante de mon point de vue de faire comme en habitation ? on a eu, bon, 10 000 logements ? et de faire une corvée, par exemple, 10 000 stages ou 10 000, en tout cas, subventions ? ça pourrait être aussi subventions salariales du style un peu du programme PRIIME qui permet à des personnes de s'insérer à l'emploi. Mais l'idée, c'était de cibler un niveau assez important qui donnerait, là, un élan. Et en même temps la ministre nous donnait des chiffres concernant les résultats du programme PRIIME qui donne des résultats probants, mais donc on parlait de 600 personnes qui avaient pu bénéficier du programme, puis je me demandais, je me disais: Entre le 600 personnes qui ont pu bénéficier d'un programme de subvention salariale puis les objectifs de la proposition de 10 000 de la corvée, bon, il y a quand même un écart important, puis je me demandais, vous, de votre expérience: Est-ce qu'on pourrait offrir plus d'opportunités? Est-ce que vous pensez qu'il y a plus de candidats qui pourraient bénéficier des subventions salariales, par exemple dans le cas du programme PRIIME? Et donc est-ce qu'il y a un bassin de personnes à recruter important à votre avis?

M. Drudi (Guy): Moi, ce que je voudrais mentionner: Il faudrait aussi ajouter un partenaire qui est celui des associations d'entrepreneurs et particulièrement des entrepreneurs qui se trouvent à être des entrepreneurs professionnels mais non... des entrepreneurs techniques, c'est-à-dire comme des entreprises de construction, les associations de construction dans les métiers, et c'est un peu la voie qu'actuellement on développe au niveau de La Maisonnée. Donc, pour moi, une corvée qui associerait également les associations, les syndicats, je veux dire, donc qui mettrait à contribution plusieurs acteurs autour de l'employabilité, je pense... et sectoriser dans des métiers, je dirais, je pense que ça pourrait avoir une garantie d'un succès, là, je dirais, pour avoir un plus grand bassin, et les corporations de métiers sont effectivement intéressées à ce genre... Parce qu'on sait très bien que le bassin pour les emplois techniques et les emplois de métiers, bien, je veux dire, doit être renouvelé. Et, à ce moment-ci, les jeunes issus de l'immigration sont effectivement des jeunes qui peuvent contribuer à ce renouvellement. Ça, c'est dans un premier temps. Peut-être pour la question spécifique, je pense que je laisserais la parole à M. Hassani.

M. Hassani (Hassan): Oui. En tout cas, en ce qui nous concerne, on a deux programmes bien... le fameux Immersion professionnelle. On n'a aucune difficulté à trouver de la clientèle et à la placer. Je trouve que le programme est intéressant, il offre des possibilités aussi bien à l'employeur qu'au stagiaire donc de bénéficier d'un côté... j'allais dire d'un stage sans qu'il craigne d'être imputable de son travail immédiatement, parce que ce n'est pas véritablement un employé, pour l'employeur, c'est aussi une façon pour lui de voir si l'employé, le nouvel employé, le stagiaire est capable donc d'occuper un emploi. Depuis huit années que nous faisons ça, ça donne d'excellents résultats. On a à peu près 80 % de rétention en emploi. Et on peut en faire plus.

Mais on a aussi un autre programme, mais là qui est spécifique à Rosemont?La Petite-Patrie, qui est le placement en emploi des jeunes des minorités visibles. Nous plaçons à peu près une soixantaine par année, j'allais dire, relativement facilement, et ce n'est pas les candidats qui manquent. À mon avis, la demande est quand même assez importante, et qu'il y ait d'autres programmes de même nature à mon avis aiderait à placer encore plus de personnes.

La Présidente (Mme Caron): Je m'excuse.

Une voix: ...

La Présidente (Mme Caron): Oui, on va revenir parce que nous avons déjà neuf minutes de passées. Alors, on retourne du côté du gouvernement. Il reste 7 min 35 s, et je donne la parole à la députée de Nelligan.

Mme James: Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Drudi, M. Hassani, bienvenue. Merci d'être là. Vous me permettez d'entrée de jeu de vous féliciter non seulement pour la qualité de votre mémoire, mais, en lisant votre mémoire et aussi l'historique de votre organisme, je veux vous féliciter pour tout le travail que vous avez fait. Je comprends que c'est depuis 1979 que votre organisme est là, est un partenaire assez important et de longue date du ministère et, en vous écoutant puis en lisant ce que vous nous avez proposé aujourd'hui, je vois que non seulement avez-vous été en mesure de bien accompagner les immigrants, mais vous êtes très conscients de la problématique ou des enjeux que font face les deuxième et troisième générations, un sujet qui me préoccupe énormément puis je pense que c'est un enjeu de société auquel on doit s'attaquer, et vous le faites dans votre mémoire, et je voudrais échanger un peu avec vous là-dessus.

J'ai bien entendu, lorsque vous avez présenté votre mémoire et votre échange avec la députée de Laurier-Dorion, vous avez parlé de ce programme de mentorat qui est un peu calqué sur Québec pluriel qui est un programme du ministère, qui d'ailleurs a été élargi récemment à plusieurs régions du Québec. Je veux vous entendre davantage là-dessus et, compte tenu du fait que vous parlez de ce choc discriminatoire que peuvent vivre les deuxième et troisième générations, donc les personnes issues de l'immigration ici, au Québec, sur comment ce programme mentorat, structurellement, vous l'avez travaillé. Et, de façon plus large, est-ce que c'est quelque chose qui pourrait être incorporé dans une politique gouvernementale éventuelle?

n (10 h 10) n

M. Hassani (Hassan): C'est un peu ce que nous avons proposé dans une de nos recommandations où nous disons que le mentorat est une formule, à mon avis, gagnante, parce que nous l'avons expérimenté à plusieurs reprises et parce que... Et ça semble évident de toute manière parce qu'accompagner, d'une manière individualisée, quelqu'un, c'est toujours mieux que de le mettre dans un contexte plus large où il y a plus de monde, etc.

M. Drudi (Guy): Une des conséquences du choc discriminatoire, c'est la limitation des réseaux, des réseaux sociaux. Et le mentorat et l'insertion aussi en stage ou l'insertion professionnelle nous amènent actuellement à développer ces réseaux, non plus à l'extérieur des organisations, mais dans la centralité des organisations. Vous savez, un des problèmes fondamentaux, c'est de pouvoir intégrer, rentrer dans la centralité des organisations et ne pas demeurer en périphérie. Il y a eu plusieurs activités de financement que le ministère a faites, que le gouvernement a faites au niveau des entreprises ou des compagnies, mais qui faisaient en sorte que les gens pouvaient recevoir la subvention et intervenir avec, je dirais, des gens, mais qui étaient tout le temps en périphérie de l'organisation sans avoir vraiment une capacité ou une entrée, de pouvoir franchir le seuil. Et, moi, je pense qu'au niveau de La Maisonnée, c'est important de voir que nous avons travaillé justement ces barrières, autour de ces barrières, voir quel est... comment comprendre ces barrières-là, surtout pour les jeunes des deuxième et troisième générations, qu'est-ce qui faisait qu'ils vivaient des barrières similaires à leurs parents. Et donc ça a été un peu l'orientation de notre préoccupation.

Et le choc discriminatoire... Puis vous mentionnez une étude dans la documentation, dans le document de consultation, le document de L'Indice. Je veux dire, nous, dans le fond, je pense que... dans cette recherche-là qui a été réalisée par L'Indice, ça a été manifeste que les jeunes se sentaient, non en raison de leurs qualités personnelles, mais de leur appartenance à un groupe, devoir travailler plus fort. Et, dans ce sens-là, le mentorat nous permet de créer ces réseaux qui vont permettre justement de maintenir une meilleure connaissance de l'organisation et d'être connu, de se créer effectivement un réseau qui va favoriser l'intégration.

Mme James: Alors, vous parlez très précisément de cette question de mentorat et de l'importance que joue un réseau, hein, et l'accès à ce réseau-là. Et, pour ce faire, vous serez d'accord avec moi qu'on a besoin d'avoir la complicité puis l'accompagnement de plusieurs partenaires, notamment les organismes communautaires. Hier, on a eu la chance d'entendre la CSN, entre autres. Quel rôle peuvent-ils jouer dans ce programme?

M. Drudi (Guy): Nous, actuellement, nous avons eu deux colloques sur justement, là, les perspectives d'emploi pour les jeunes, associés à Québec pluriel puis aussi associés justement au niveau du programme de mentorat en employabilité. Et ce que je peux vous dire, c'est que pour nous ce sont des partenaires importants, au même titre que les associations d'entrepreneurs. Et, nous, dans le fond on a sollicité la FTQ-Construction et on a sollicité aussi l'Association des contracteurs du Québec pour pouvoir, mettons, se présenter aux jeunes et travailler de concert avec nous, et avec le ministère, et avec les écoles et les commissions scolaires pour permettre d'offrir un éventail. Vous savez, il ne s'agit pas d'avoir une clientèle captive. Au contraire, il faut favoriser la mobilité sociale. C'est ça qui est important.

La Présidente (Mme Caron): Une dernière question ? il reste un peu moins de deux minutes.

Mme James: O.K. À peine deux minutes? Alors, je veux en profiter... Compte tenu de votre expérience, le rôle des médias, brièvement, on en a parlé, dans le cadre de cette commission-là, assez...

Une voix: Régulièrement.

Mme James: On en a parlé à plusieurs reprises. Puis vous avez vu les choses évoluer depuis au moins 1979. Qu'est-ce que... spécifiquement, parce qu'on est capables de faire des constats, mais les solutions que vous proposez au niveau de comment les véhicules médiatiques pourraient nous aider.

M. Drudi (Guy): Oui. Il faut véritablement offrir... éclater la pensée unique qui se développe actuellement, là, dans la tangente, au niveau des... comme résultante, au niveau des médias. Moi, je pense qu'actuellement, là... Je veux dire, on doit être en mesure d'offrir, comme on mentionne dans le mémoire, la parole aux groupes qui vont finalement donner des expériences alternatives. Moi, en fait, entendre parler des personnes, ici, de l'immigration strictement sociale, l'accommodement raisonnable, je trouve ça déplorable. Moi, je trouve effectivement qu'il y a beaucoup d'investissements et de participation citoyenne, des maires, des jeunes dans des CPE, et qui pourraient, mettons, soutenir aussi des réseaux de prise en charge par le milieu dans les cuisines collectives, dans... que ce soit à Parc-Extension, Montréal-Nord, Saint-Michel ou Rosemont.

Donc, ici, on n'en entend pas parler, sauf peut-être dans des réseaux spécialisés. Moi, je pense qu'il y a une volonté... lorsqu'on fait appel à la volonté politique, il faut effectivement qu'il y ait, je dirais, une prise de conscience collective et que peut-être elle soit leadée par la politique pour contrer la discrimination, pour favoriser l'émergence de ces expériences-là.

Mme James: Je vous remercie.

La Présidente (Mme Caron): Bien, merci beaucoup. Nous passons du côté de la porte-parole de l'opposition officielle, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Il me reste très peu de temps.

La Présidente (Mme Caron): ...

Mme Lefebvre: Bon. C'est ce que je disais, très peu de temps. Juste pour conclure sur le thème que nous abordions précédemment, vous nous parlez des succès d'un programme avec les minorités visibles. Vous avez dit que vous avez réussi à placer 60 personnes environ dans la dernière année. Est-ce que, pour vous, vous auriez pu en placer... Est-ce que vous êtes capable de dire: On aurait pu en placer le double, par exemple, ou est-ce que... Parce qu'hier on nous informait que, le programme PRIIME, on a placé 600 personnes environ. J'ai fait un calcul rapide. Je me disais: 19 arrondissements à Montréal, puis le programme PRIIME s'adresse partout au Québec, mais juste à Montréal, si on faisait le calcul puis on se disait que les 600 places ou, entre guillemets, candidatures... donc divisées par 19 arrondissements, ça faisait environ 32 subventions salariales par arrondissement à Montréal. En tout cas, je trouvais que c'était plutôt peu, là. Je regarde, moi, dans Parc-Extension. Je me dis: Il me semble qu'il y a beaucoup de candidatures potentielles. Est-ce que vous êtes capable d'identifier un peu les besoins?

M. Hassani (Hassan): Bien, les évaluer, peut-être pas, mais dire qu'on est tout à fait capables de placer des gens en emploi, parce qu'on le fait et on est en train de demander deux nouveaux projets pour en placer encore d'autres, et le placement n'est pas nécessairement accompagné de subvention salariale. On a fait beaucoup de placements directs simplement par le contact avec l'employeur, grâce parfois aux compétences du candidat, et on en a placé beaucoup. Parfois, ils sont passés par les subventions. Le programme dont je vous ai parlé à Rosemont?La Petite-Patrie n'est pas accompagné de subventions.

Donc, il est possible à mon avis de placer les gens, mais il faut qu'il y ait des ressources financières, au sein des organismes, pour qu'il y ait des intervenants d'expertise et d'expérience qui soient capables de... les réseaux d'employeurs, qui soient capables de parler avec les employeurs, parce que la discussion avec l'employeur est importante en ce sens qu'on peut les sensibiliser sur tous les aspects un peu liés aux nouveaux arrivants, pour éviter un peu les préjugés qui sont connus. C'est ça, l'important pour nous: c'est d'être en relation avec les employeurs, et donc il est possible d'en faire plus pour peu qu'il y ait plus de ressources.

Mme Lefebvre: Mais je pense que ça, c'est assez général comme constat du fait que les organismes communautaires sont sous-financés, et le financement de base, là, donc à la mission globale, ça faisait partie de la politique pour justement permettre aux organismes de pouvoir mettre en oeuvre des initiatives au niveau plus local qui sont adaptées aux différentes réalités puis, ensuite de ça, s'accompagnent d'enveloppes pour des projets particuliers. Donc, ça permettrait une action encore plus grande, et je sais que vous faites des merveilles avec les ressources que vous avez puis je me dis: Si on pouvait en ajouter, ce serait ma foi exceptionnel.

Bon, le temps file. Je me demandais: Les meilleures mesures de suivi pour vous, la reddition de comptes, s'assurer qu'on réussisse à atteindre nos objectifs... On va déposer une politique, il va y avoir un plan d'action. Comment s'assurer le respect des objectifs? On regarde, par exemple, les niveaux de représentativité dans la fonction publique. Bon. On connaît les résultats qui sont lamentables, il faut le dire. Donc, à votre avis, comment s'assurer d'un suivi? Est-ce qu'on doit faire un bilan annuel? Est-ce qu'on doit déposer un rapport à l'Assemblée nationale chaque année? À chaque trois ans? Est-ce que c'est une instance...

Tout à l'heure, on discutait d'une instance de suivi des différents groupes. On dit que ça prendrait une instance de suivi. Vous avez parlé de la commission. Je comprends que vous voulez que les programmes ne soient pas tous gérés dans un même endroit, mais en même temps est-ce qu'une instance peut permettre d'avoir une vision transversale? D'autres ont dit que le premier ministre pourrait être responsable de la politique et s'assurer de sa mise en oeuvre à travers les ministères parce que c'est ça aussi, c'est de s'assurer qu'Emploi-Québec, que le ministère de la Solidarité sociale parlent avec le ministère de l'Immigration, puis que les décisions se fassent de façon concertée. Est-ce que vous avez réfléchi un peu à cette question-là?

La Présidente (Mme Caron): En moins d'une minute, s'il vous plaît.

n (10 h 20) n

M. Drudi (Guy): Oui, très bien, en moins d'une minute. Moi, je pense qu'il y a effectivement... il faut qu'il puisse y avoir, mettons, un regard des organismes communautaires qui puissent... donc, de la table des organismes communautaires qui puissent être participants, qu'il puisse y avoir aussi un regard des corporations, qu'il puisse y avoir aussi une participation évidemment des représentants plus ciblés au niveau des ministères, mais qu'il y ait cependant, peut-être au niveau... si on parle juste au niveau de l'appareil gouvernemental, que ce soit au niveau du Conseil du trésor, qu'il puisse y avoir, mettons, quelqu'un qui puisse être identifié ? enfin, ça, là, je veux dire, je ne rentre pas dans la mécanique. Mais je veux juste, mettons ? et je termine avec ça... si on n'a pas une stratégie d'accompagnement même et de monitoring des résultats et que cette stratégie soit partagée dans le sens que... en termes de connaissances et de monitoring, on risque de ne pas avoir les résultats escomptés.

La Présidente (Mme Caron): Bien. Merci infiniment aux représentants de La Maisonnée. Je suspens quelques minutes pour vous permettre de quitter et permettre au groupe Force Leadership africain de s'approcher.

(Suspension de la séance à 10 h 21)

 

(Reprise à 10 h 22)

La Présidente (Mme Caron): Nous reprenons nos travaux. Alors, j'invite le groupe Force Leadership africain à prendre place.

Alors, bienvenue, messieurs. Vous savez que vous disposez de 15 minutes pour faire votre présentation. Nous aurons ensuite un échange de 30 minutes réparties équitablement entre les deux groupes. J'invite le représentant à se présenter et à présenter la personne qui l'accompagne.

Force Leadership africain

M. Bouka (Yaovi): Merci. Alors, mon nom est Yaovi Bouka. Je suis le vice-président exécutif et trésorier de l'organisation. Yaovi Bouka. Ça va? Et puis je suis accompagné... Je vais le laisser se présenter lui-même pour montrer à quel point on travaille la main dans la main.

M. Gueye (Mor): Moi, je m'appelle Mor Gueye. Je suis le vice-président des affaires sociales et culturelles de Force Leadership africain.

La Présidente (Mme Caron): Nous vous écoutons.

M. Bouka (Yaovi): Très bien. Je tiens tout d'abord à remercier les membres de la commission de nous avoir donné cette opportunité de nous présenter et de participer à cette commission qui est pour nous quelque chose de très, très important. Alors, étant donné que le temps est court, je vais parler, je vais m'exprimer... à me servir d'images pour que les gens puissent savoir ce que nous voulons dire.

Tout d'abord, brièvement, qu'est-ce que la discrimination? Comment est-ce que nous percevons la discrimination? Selon nous, il y a trois éléments fondamentaux qui sont à la base de l'aspect de la discrimination. Il y a tout d'abord l'aspect de la capacité technique: on discrimine quelqu'un parce qu'on pense qu'il n'est pas formé, qu'il n'y a pas les capacités nécessaires. Est-ce que ça vaut la peine? Deuxième élément, en Amérique du Nord, c'est basé beaucoup plus sur la capacité financière: Est-ce que je vais m'associer à lui? Est-ce qu'il a les moyens de financer ce qu'il va faire? Et le troisième élément, c'est la contribution à la définition, à l'édification de la nation: Est-ce qu'il contribue ou il ne fait que profiter de la nation? Et à partir de ces trois éléments, on va comprendre les propositions que nous vous avons faites.

Alors, quand on parle de communication, comme vous le savez, il y a l'aspect du verbal: ce qu'on dit et qui le dit. Pour nous, pendant longtemps, on a parlé pour nous, on a expliqué pour nous, et je pense que le moment est arrivé pour nous de tenter d'expliquer ce qui est important pour nous, et c'est d'où vient la notion de Force Leadership africain. C'est une organisation nouvelle, mais elle est le fruit de plusieurs organisations, de plusieurs expériences. Moi, personnellement, je suis président du Club des entrepreneurs et professionnels africains, c'est une organisation qui existe depuis 19 ans, et on a donc du vécu derrière. Et donc l'aspect de la communication, c'est un élément important.

Le non-verbal va toucher l'image: quelle est l'image qui est véhiculée sur les Noirs? Moi, je vais parler surtout au nom de la communauté africaine. Alors, quand on associe ce que l'on voit à la télévision sur l'Afrique, automatiquement c'est associé sur ce que les Africains sont au Canada. Moi, je suis dans le domaine de la finance. Quand je rencontre un client, un soir, et qu'il vient de voir quelque chose de terrible, il se demande s'il peut me faire confiance. Est-ce qu'il peut me confier sa finance? Et donc, au fond, il faut qu'on travaille sur ces éléments d'image aussi.

Et le troisième élément, c'est l'aspect des actions qu'on pose. Est-ce que les actions faites sont assez dynamiques?

Alors, ça m'amène à dire ceci en termes de proposition préliminaire. Pour d'abord changer l'image, il est très important de permettre aux gens des communautés culturelles, et en particulier de la communauté noire, d'exercer des fonctions à bonne représentation, pas seulement dans le spectacle. On a fait notre démarche dans le spectacle. Gregory Charles, et tout ça, ils ont fait... ils ont conquis le coeur des gens. Mais c'est très important de penser qu'un Africain est capable d'être un président de compagnie, est capable d'être un chef de projet, est capable de diriger des départements dans la finance, est capable d'être un directeur d'école. C'est comme ça que l'image va changer.

Deuxième élément important. Alors, pour changer l'image, il y a les sources qui permettent de changer l'image. Alors, nous sommes ici, à l'Assemblée nationale; les dépositaires du pouvoir, c'est le gouvernement. Alors, ça amène la deuxième série de propositions. Si on veut que les gens respectent les Africains, il faut que le gouvernement donne l'exemple. Il y a des postes, c'est le gouvernement qui nomme les gens. Alors, si le gouvernement lui-même n'a pas le courage, dans les compagnies publiques, de nommer des membres de conseils d'administration, de nommer des directeurs de département dirigés par le gouvernement, que va faire le secteur privé dans lequel nous n'avons pas encore la contribution financière... les actionnaires où on va imposer des gens? Donc, deuxième message important, le gouvernement doit donner l'exemple, pas seulement sous forme de rapports, mais sous forme d'actions, et c'est comme ça qu'il va changer la mentalité des gens.

Troisième élément important. Nous pensons que l'aspect de la... Étant donné qu'une des forces du Québec c'est les PME, les Africains doivent participer à l'entrepreneurship. Donc, notre vice-président Affaires économiques va être responsable d'un département des affaires, et nous avons circulé, lors du début de la commission...lorsque ça a eu lieu à Montréal, on leur a fait parvenir un document sur la description d'un projet que nous appelons le Centre d'affaires Afrique-Canada. C'est une sorte d'incubateur d'entreprises où le réseautage va se faire, les projets structurants vont se faire de telle manière que l'on puisse faire une relation d'arrimage vis-à-vis des entrepreneurs de la société d'accueil mais aussi des réseaux que nous connaissons le plus, c'est-à-dire les entrepreneurs de l'Afrique qui nous sollicitent régulièrement pour savoir quels seront les meilleures sources d'approvisionnement.

Donc, jusqu'à présent, j'ai travaillé sur l'image. J'ai parlé de la question de la disposition des capacités parce que je me réfère... Moi, j'habite à Laval et, à un moment donné, on parlait de pénurie de main-d'oeuvre à Laval et on a été étonné d'apprendre que c'est seulement dans les petits emplois. Les Africains, dans notre communauté, la majorité des gens, ce sont des diplômés universitaires, à cause de la distance avant d'arriver, hein? De quitter l'Afrique pour arriver en Europe et en Amérique du Nord, ça prend du souffle, et la grande majorité, 80 % d'entre eux, sont des diplômés universitaires. Ils ne veulent pas aller travailler dans les manufactures. Ce n'est pas parce que ce n'est pas valorisant, mais c'est une perte financière pour celui qui a été formé et celui qui a payé la formation et aussi pour la société d'accueil.

Voilà, je ne sais pas si les 15 minutes sont épuisées. Donc, je vais les résumer.

La Présidente (Mme Caron): Absolument pas, absolument pas.

M. Bouka (Yaovi): Absolument pas? Parfait.

La Présidente (Mme Caron): Seulement 6 min 48 s.

n (10 h 30) n

M. Bouka (Yaovi): Ah! 6 min 48 s. Alors, à ce moment-là, je vais aller un peu plus dans le détail.

Alors donc, jusqu'à présent, j'ai expliqué le contexte et j'ai expliqué les facteurs les plus visibles. Maintenant, les actions que l'on peut entreprendre ensemble. Moi, je suis fils d'agriculteur et là je vais prendre un exemple que l'on vit dans l'agriculture. Pour greffer une plante, on ne met pas la greffe à part et l'ancienne plante de l'autre côté. Il faut les greffer ensemble, c'est-à-dire quoi? Qu'il faut de plus en plus sortir du ghetto, c'est-à-dire permettre aux gens des communautés qui arrivent de rentrer en contact avec les gens, et c'est comme ça que le greffage va prendre. Alors, le greffage va prendre dans toutes les dimensions de la vie, c'est-à-dire le travail... Je n'ai pas besoin de le répéter, nous savons tous que sans emploi, bien, on ne vit pas. Alors, le réseautage, vous savez tous comment l'emploi se trouve, c'est dans les réseautages. Et, grâce au réseautage, on va pouvoir avoir accès à ce qui est caché dans les organisations. Et donc nous avons fait ? dans le document, on pourra y arriver en détail... Dans les fêtes intercommunautaires, dans la formation intercommunautaire, le réseautage va se développer.

Notre expérience nous fait dire que la crainte de s'approcher, c'est dû tout simplement à la méconnaissance, c'est pour ça que je parle du greffage. Moi, j'ai des collègues que... au début, on a peur de s'approcher, mais, lorsqu'on a eu le temps d'aller ensemble dans un mariage, dans un baptême, ou de jouer ensemble, en ce moment-là, les barrières tombent. Alors, l'autre proposition fondamentale sur laquelle nous insistons, c'est sur la formation des deux côtés, c'est-à-dire la formation de la société d'accueil.

Dans les mesures de formation interculturelle, je ne sais pas si, dans les entreprises privées, on a donné des formations aux gens qui s'occupent des ressources humaines. Je me base sur une expérience que j'ai vécue avec la Société de transport de Montréal qui nous disent qu'ils ont besoin de personnes. Et le directeur des ressources humaines a lui-même avoué que, la première fois que les gens de la communauté noire sont arrivés parmi les chauffeurs, bien, on leur faisait passer des mauvais quarts d'heure pendant les pauses, des commentaires désobligeants tout simplement pour s'amuser. Mais on ne sait pas que ça fait mal, mais c'est en s'approchant, en allant vivre ensemble que l'on peut dépasser ces éléments qui font qu'on a peur d'approcher l'autre.

Donc, je voudrais revenir là-dessus, sur la formation des responsables des ressources humaines dans les entreprises publiques et privées, et là le gouvernement peut jouer un rôle important d'exemple. Je ne sais pas si ça se fait dans les entreprises telles qu'Hydro-Québec ou autres, mais c'est la formation qui fait sauter le verrou.

L'élément supplémentaire, c'est de donner les moyens. Pourquoi, nous, nous avons... et là je reviens à mon papier jaune. Vous allez voir un peu ? je fais un peu de marketing pour cette activité à laquelle nous aurons l'honneur d'avoir la ministre; vous allez voir ? qu'il y a deux dimensions pour traiter de l'intégration. Nous traitons de l'intégration, ce que nous faisons sur place, ici, au Canada, mais, étant donné que les gens se posent la question de savoir: Ces personnes-là qui viennent ici, est-ce qu'ils ne sont pas à 99 % des réfugiés politiques ou des réfugiés économiques?, c'est pour ça que nous voulons qu'on traite un peu du potentiel économique de l'Afrique. Lorsque les gens vont découvrir qu'il est possible de vivre si les conditions politiques étaient normales, que l'Afrique n'est pas pauvre en termes de ressources, qu'elle est en mesure de faire des choses, là les gens vont respecter les Africains qui vivent ici.

C'est pour cela que nous avons fait cette relation entre ce qui se fait sur le terrain et ce que l'on peut faire en faisant des relations d'affaires. Et d'ailleurs, vous savez, une grande entreprise comme SNC-Lavalin, il publie régulièrement ses statistiques. Ils disent que plus de 60 % de leur chiffre d'affaires se fait en Afrique. Pourtant, c'est l'une des plus grandes entreprises de génie-conseil. Alors, l'arrimage va se faire à partir du moment où on n'a plus peur de l'autre, que l'on aime l'autre, pas en termes d'amour mais en termes... d'amour aussi, pourquoi pas? Mais qu'on accepte l'autre, on accepte sa capacité, on le respecte parce qu'il contribue à la nation. Là, le racisme tranquillement vont baisser.

Et je terminerai en comptant toujours la minute, il reste deux. Moi, j'ai quatre enfants. J'ai l'air jeune, mais j'ai déjà quatre enfants. Ma première fille fait actuellement un doctorat aux États-Unis, et le fait qu'elle fasse un doctorat, automatiquement ses collègues la respectent; elle a réussi. Mon fils joue au football, un des meilleurs footballeurs de Laval. Il n'a aucun problème de racisme tout simplement parce que c'est le porteur de ballon. Le fait qu'il porte le ballon, qu'il soit le réalisateur des victoires de l'équipe, automatiquement il a la vedette de l'équipe. Et, quand j'arrive, on me félicite: Vous avez bien enseigné à votre fils. Pourtant, moi, je ne connais rien en football. Voilà un peu des images pour expliquer, et ça va être ma conclusion.

Une voix: Les deux autres?

M. Bouka (Yaovi): Les deux autres. Mes deux garçons jouent... L'autre garçon joue au football pour le collège Montmorency. Il joue également... Il est bon porteur de ballon aussi. Et la quatrième, elle est la présidente des élèves de l'École internationale de Laval. Donc, par le leadership. Et, à la maison, les gens viennent nous voir; il n'y a pas de racisme, tout simplement parce qu'on s'associe aux leaders.

Et la conclusion de mon exposé, c'est ceci. Le racisme, ce n'est pas quelque chose, selon mon expérience, quelque chose de voulu. Elle est beaucoup plus fondée sur des préjugés et, pour changer les préjugés, il faut se connaître. Deuxième élément: quand on a le pouvoir pour influencer les gens, il faut donner l'exemple. Et, troisièmement, il faut renforcer les structures de ceux qui sont arrivés dernièrement. Nous, dans notre communauté, nous sommes les derniers arrivés au Canada. Nous n'avons pas encore de grandes entreprises, nous n'avons pas encore de manufactures, mais nous avons faim de faire ce que j'ai décrit tout à l'heure, cet arrimage avec la société ancienne qui est arrivée plus tôt. Mais nous sommes compétents, nous sommes prêts à ce mariage, à ce greffage. Je vous remercie.

La Présidente (Mme Caron): Merci beaucoup, M. Bouka. Avant de commencer l'échange, j'aimerais que vous présentiez la troisième personne qui est venue vous rejoindre.

M. Bouka (Yaovi): Je vais lui laisser, surtout que c'est une femme, le choix de se présenter elle-même.

Mme Mukakayumba (Édith): Merci. Je m'excuse d'abord pour le retard. C'est que j'ai eu un malheur: j'ai eu un accident qui aurait pu être mortel. Mais j'ai tenu à être ici, aujourd'hui, puisque c'était un sujet qui était très, très important. Je viens du Saguenay?Lac-Saint-Jean, de Chicoutimi, et donc mon nom, c'est Édith Mukakayumba. J'enseigne à l'Université du Québec à Chicoutimi. Je suis d'origine rwandaise et, dans Force Leadership africain, je suis vice-présidente aux affaires féminines.

La Présidente (Mme Caron): Bien. Merci beaucoup.

Mme Mukakayumba (Édith): Alors, si jamais vous aviez besoin d'autres informations, je pourrais les ajouter. Je pourrais ajouter que j'ai vécu à Québec, ici, pendant 16 ans et puis j'ai étudié à l'Université Laval. J'ai un doctorat en géographie. Et voilà. Et j'enseigne la géographie.

La Présidente (Mme Caron): Merci beaucoup. Au moment de l'échange, les parlementaires pourront vous poser des questions aussi. Alors, je cède la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, la députée d'Anjou.

Mme Thériault: Merci, Mme la Présidente. Bonjour à vous. Bienvenue. Bienvenue, Mme Mukakayumba, M. Gueye, M. Bouka. Quelle présentation très rafraîchissante, je dois le dire! Vous avez des propos qui sont très imagés. Je suis convaincue que mon collègue le député de Saint-Hyacinthe a beaucoup apprécié lorsque vous avez dit que vous étiez fils d'agriculteur, puisque, dans le beau comté de Saint-Hyacinthe, on retrouve beaucoup d'agriculteurs. Mais vous avez très bien su traduire vos pensées en les imageant de façon assez originale. On voit réellement chez vous la force du leadership, je pense que vous l'avez bien transmis à vos enfants aussi. Je pense que ça ne peut que nous réjouir, nous, les parlementaires. Donc, merci d'être là.

Vous nous avez donné un mémoire qui contient près d'une trentaine de recommandations. Vous parlez évidemment de la découverte de l'autre, parce que, moi, je suis d'accord avec vous, à partir du moment où on ne connaît pas, ça peut nous faire peur. Je sais très bien que nos enfants, si je prends mon fils qui va avoir 16 ans la semaine prochaine... Mon fiston, quand il a commencé l'école, il avait déjà une trentaine de communautés avec lui dans son école et, lui, c'est des amis, ce n'est pas des amis noirs, des amis chinois ou des amis arabes, c'est des amis. Il ne voit absolument pas la différence. Ça fait que, pour la prochaine génération, je considère que, oui, certainement il y aura du travail à faire parce que ce n'est pas dans toutes les régions qu'on peut voir cette... là, mais évidemment les jeunes me laissent beaucoup, beaucoup, beaucoup d'espoir, parce qu'ils sont rendus plus loin dans leur cheminement que beaucoup de nos concitoyens face à l'autre et face à la différence. Mais je considère que c'est sûr que ça prend des activités pour pouvoir mieux découvrir l'autre.

n (10 h 40) n

Vous parlez aussi de l'importance des réseaux. Bon, moi, je sais très bien, puisque le Québec fait sa sélection... à peu près le deux tiers de l'immigration du Québec est choisi par le Québec, donc nécessairement des gens qui sont diplômés, qui ont beaucoup de compétences, beaucoup de connaissances, et, parmi les réfugiés aussi, c'est faux de penser que ce ne sont que des personnes démunies, alors qu'on sait que la majeure partie des réfugiés, dans leur pays d'origine, étaient de profession libérale. Donc, ce sont des gens qui sont fortement instruits pour la plupart, qui se sont levés et opposés à une certaine dictature dans beaucoup de pays. Donc, évidemment, moi, je considère que l'apport de l'immigration au point de vue des forces économiques peut jouer un rôle crucial.

Vous avez Force Leadership africain, il y a également le Club des entrepreneurs professionnels africains Québec-Canada. Moi, je peux vous dire qu'il y a plein d'organisations qui touchent différentes communautés culturelles dans le domaine des affaires: il y a différentes chambres de commerce, il y a des associations, etc. J'ai eu le plaisir d'en croiser beaucoup depuis que je suis en fonction, et il y a les chambres de commerce traditionnelles où on va retrouver... sur une base régionale. Qu'est-ce que vous pensez si on essaierait de faire une espèce de stratégie pour mettre en lien les différentes associations d'affaires qui existent sur une base ethnique et les chambres de commerce dites traditionnelles par région, qui sont malheureusement encore très, très blanches et homogènes?

M. Bouka (Yaovi): Ça, c'est une très bonne proposition. D'ailleurs, je dois vous avouer que le Club des entrepreneurs et professionnels africains est né ici, à Québec, avant d'être déménagé à Montréal, et, le jour du lancement, c'est la Chambre de commerce du Montréal métropolitain qui nous a servi de rampe de lancement, et donc nous avons cette tradition de travailler... D'ailleurs, l'autre jour, lorsque vous étiez accueillie par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, j'ai eu l'occasion de féliciter la présidente et de lui annoncer qu'en l'entendant parler... de l'ouverture, qu'ils vont être un de nos partenaires pour faire des projets de partenariat. Nous avons déjà cette possibilité avec le Conseil d'affaires Afrique-Canada ? nous étions un des membres fondateurs ? et nous avons une longue expérience de partenariat avec le Forum francophone des affaires. Donc, ce que vous proposez, c'est déjà dans nos stratégies, de telle manière que le greffage dont je parlais tout à l'heure puisse se faire.

Mme Thériault: Absolument, parce que je sais qu'avec les chambres de commerce j'ai donné un mandat à la Fédération des chambres de commerce pour faire des activités avec des chambres de commerce locales, régionales pour sensibiliser les entrepreneurs à la richesse de la diversité culturelle et de ce qu'elle peut apporter pour les entreprises. Donc, il est évident que pour moi, ça, c'est un volet qui est important. Mais je me disais: De l'autre côté, on a des organisations qui ne travaillent pas très souvent ensemble et qui travaillent chacune de leur côté, mais qui ont quand même des mêmes buts, et là je me dis: C'est sûr qu'il y a des réseaux qui pourraient être développés entre les deux groupes, des chambres de commerce traditionnelles et des associations d'affaires qui touchent différentes communautés.

M. Bouka (Yaovi): Nous ne ferons qu'aller dans le même sens. D'ailleurs, cette notion de Force Leadership africain regroupe justement des organisations qui travaillaient de façon éparpillée où on gaspille de l'énergie, hein? Alors, c'est pour ça que, dans le conseil d'administration, vous allez vous rendre compte que c'est des responsables venant de plusieurs pays, hein: moi, je suis originaire du Togo, je suis bien connu dans ma communauté; M. Gueye, c'est un des leaders de la communauté sénégalaise; à ma droite, le Rwanda; notre président est originaire de la République démocratique du Congo; notre secrétaire est un des responsables de la communauté malienne, et je pourrais vous en passer. Donc, c'est ça que nous essayons de faire pour donner une force et gagner du temps au lieu de se répéter des activités qui sont contre-productives.

Mme Thériault: Mme Mukakayumba, j'aimerais vous poser une question par rapport à l'entrepreneurship féminin. Comment on peut favoriser l'entrepreneurship des femmes? Je sais que, notamment en Afrique, les femmes sont porteuses de beaucoup d'espoir. Je sais que Desjardins a travaillé beaucoup au niveau des coopératives. Ici, comment on pourrait favoriser cet entrepreneurship-là chez les femmes des communautés culturelles?

Mme Mukakayumba (Édith): Merci de me poser la question justement parce que j'allais compléter ce qu'a dit M. Bouka, et c'est qu'ici les femmes africaines, il y en a qui sont très dynamiques dans le domaine de l'entrepreneurship, mais le problème, c'est qu'il n'y a pas de rencontre entre les deux communautés. Et, quand on parle d'ailleurs du domaine de l'entrepreneurship, il n'y a pas ce qu'on appelle le communautarisme. C'est que, quand elles font les affaires, des fois elles les font en tant qu'individus, c'est-à-dire en tant que femmes d'affaires. Elle ne va pas penser nécessairement qu'il faut qu'elle aille avec des Africaines, ou qu'elle aille avec les femmes des minorités ethnoculturelles. Et j'ai un nom en particulier qui me vient à l'esprit. C'est la femme qui vend les produits Kariderm, que vous connaissez probablement, qui produit et qui vend ? c'est dans à peu près toutes les boutiques ici ? et elle a une revue qui s'appelle, je pense, Afrique Expansion, qui est dans tous les kiosques à journaux et, elle, elle a réussi. Et, ce que je pensais quand j'écoutais M. Bouka parler et quand je voulais répondre à votre question, c'est l'échange, échange d'expérience, échange d'expertise.

Le Québec s'est fait connaître beaucoup par son expertise à travers le monde. Les exemples qui ont été donnés des entreprises québécoises qui ont réussi parlent... sont assez éloquents. Et, quand on va sur le continent africain par exemple, il y a beaucoup de choses à apprendre sur le plan peut-être de l'organisation... dans le domaine des affaires et il y a le Mouvement Desjardins qui a fait des choses extraordinaires. Alors, ce qui pourrait être fait ici, ça pourrait être de favoriser la rencontre entre ces femmes d'affaires afin qu'elles puissent échanger sur leurs expériences vécues et aussi sur leurs expertises. En fait, c'est ça qui me venait à l'esprit.

Et il y a un mot qui est venu dans le document malheureusement qui est dans ma voiture qui a été remorquée...

Une voix: ...

Mme Mukakayumba (Édith): Ça va, je connais par coeur le document. C'est qu'il y a le mot «mentorat» et il y a énormément d'initiatives et, je dirais, de leadership, beaucoup de succès, mais des fois il peut manquer quelques ? comment je pourrais dire ? techniques. Donc, s'il y a un mentorat qui peut accompagner ces femmes qui commencent à essayer les affaires, ça pourrait être intéressant.

Donc, si je me résume: échange au niveau de l'expérience et de l'expertise, ensuite mentorat et aussi, ce que j'ai observé ? moi, je viens du milieu de l'enseignement et de la recherche universitaire; et, ce que j'ai observé aussi ? c'est que, des fois, il faudrait qu'il y ait obligation de résultat, donc qu'on parle d'imputabilité, de façon à encourager. Donc, il y a l'affaire de la carotte: on peut mettre en place des mesures incitatives pour féliciter les gens qui ont réussi dans ce qui pourrait être mis sur pied, mais, en même temps, si le gouvernement soutenait, par exemple, des initiatives, il faudrait demander des résultats, donc être imputables, avoir des réponses à donner.

Mme Thériault: Merci. Une autre question. Je ne sais pas lequel de vous va répondre. Vous proposez la création de centres conjoints de recrutement. Est-ce que vous pourriez élaborer un peu plus, davantage sur ça?

M. Bouka (Yaovi): Oui. C'est toujours dans le même sens. Je reviens à la définition de la question de la discrimination et de compétence que j'ai donnée au début. Lorsqu'on passe des entrevues et que la personne est formée à l'étranger, son mécanisme de réponse... Peut-être qu'on vous en a déjà parlé, nous, en Afrique, par exemple, dans certaines parties, on leur dit: Quand vous parlez, il ne faut pas regarder les gens dans les yeux. Je donne un exemple, voyez-vous? Il faut être poli, il faut être calme. Qu'est-ce qu'on valorise en Amérique du Nord? Tu dois t'imposer, tu dois être... Alors, le directeur des ressources humaines regarde l'Africain pourtant compétent, il passe l'entrevue, il est là tout calme, il pense qu'il ne vaut rien, il pense qu'il ne peut pas prendre des initiatives. Donc, en faisant des centres de recrutement, lorsqu'on va faire les analyses, l'autre personne pourra lui dire pourquoi il se comporte de cette manière. Ça vous donne un peu une image de pourquoi les centres de recrutement conjoints pourront donner de meilleurs résultats vis-à-vis de l'aspect de la discrimination.

Mme Thériault: C'est sûr qu'il y a beaucoup de codes culturels aussi qui sont très mal décodés.

M. Bouka (Yaovi): Bien sûr.

Mme Thériault: Je suis d'accord avec vous. Nous... en tout cas, moi, quand les gens me donnent la main, j'aime bien qu'ils me regardent dans les yeux, hein? Pour la majeure partie des Québécois, lorsqu'on regarde les personnes dans les yeux, c'est une question de franchise, tu sais? Bon, O.K. Parfait. Et c'est sûr que, quand on ne connaît pas les codes culturels des autres pays, ça peut réellement porter à préjudice définitivement...

M. Bouka (Yaovi): Ah oui!

Mme Thériault: ...parce que ce n'est pas parce que quelqu'un te regarde dans les yeux... qu'il ne te regarde pas dans les yeux qu'il n'est pas honnête, loin de là.

M. Bouka (Yaovi): C'est ça. Voilà.

Mme Thériault: Mais effectivement, pour nous, souvent les poignées de main, c'est une poignée de main qui est énergique. On va dire: Oh! elle a de la drive, cette personne-là. Puis quelqu'un qui a une petite main toute molle, tu vas dire: Hum! Mais évidemment, c'est sûr qu'il y a des codes culturels qui peuvent être attachés à ça, différents tout dépendant de la provenance des pays. Puis, avec la diversité qu'on a, c'est important de préciser qu'il y a des différences au niveau des codes culturels.

Moi, je voudrais tout simplement peut-être rajouter, pour clore notre intervention, qu'au ministère, présentement, il y a un service conseil en relations interculturelles et il y a une ligne info-employeurs pour que justement on puisse guider les entreprises sur les différents codes culturels qui puissent exister dans leurs relations.

n (10 h 50) n

M. Bouka (Yaovi): Nous sommes disponibles pour éventuellement participer à ça, si vous nous le demandez.

Mme Thériault: Bon. Parfait. Merci. Merci beaucoup.

La Présidente (Mme Caron): Merci beaucoup. Je passe maintenant du côté de l'opposition officielle. Alors, la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Bonjour à vous tous, M. Bouka, M. Gueye et Mme Mukakayumba. C'est un plaisir de vous recevoir ici, à l'Assemblée nationale. Sentez-vous ici comme chez vous, c'est la maison du citoyen. Et donc, au nom du Parti québécois, nos plus sincères bienvenues.

La ministre avait raison, votre présentation a été fort dynamique puis surtout enrichissante sur les perspectives d'avenir et positive aussi sur l'avenir, parce que vous êtes vraiment l'exemple notable qu'en s'organisant on peut faire la différence, puis, de plus en plus, la force de votre organisme va permettre de faire émerger de plus en plus de leaders finalement au sein de la société puis dans différents milieux puis, je le souhaite, dans les milieux politiques notamment, dans le milieu économique, dans le milieu culturel. Il y a déjà de très beaux exemple, puis en tout cas j'espère que ça va être plus et plus.

Et, à cet égard-là, les exemples que vous donniez de vos enfants est intéressant, parce qu'on a des exemples, là, de «success story» finalement, je pourrais dire ça comme ça, puis vous tous ici aussi. Et on discutait tout à l'heure, on se demandait: Est-ce que ce type... Est-ce que c'est une corrélation? Est-ce que du fait qu'un succès est connu... Quand on réussit, est-ce que c'est toujours la preuve ou est-ce que ce sera toujours une corrélation d'exemption de racisme? Parce que je me...

Une voix: ...

Mme Lefebvre: C'est ça. Est-ce que c'est un antidote au racisme, le succès?

M. Bouka (Yaovi): Ah! Peut-être que les collègues vont intervenir, mais je pense fondamentalement que tout dépend souvent du parcours de l'individu et des obstacles. Je ne voudrais pas expliquer les obstacles que j'ai rencontrés quand je suis arrivé au Québec, j'en ai rencontré énormément. Mais, nous, notre organisation a choisi de travailler l'aspect de l'action positive. Nous avons rencontré ? mon collègue pourrait vous en parler... mais nous avons voulu, nous, ramasser ? c'est une image; ramasser ? notre responsabilité pour sécréter les sources de succès et en faisant travailler ceux qui ont réussi à émerger pour qu'en ayant un centre de référence on puisse agir dans les deux sens: vis-à-vis de la société d'accueil comme vis-à-vis des membres de notre communauté, pour qu'à chaque fois on ne parle pas seulement des gangs de rue, de telle affaire qui s'est passée ici, mais d'arriver à comprendre que, dans la communauté africaine noire, il y a des gens, des professeurs d'université, dont on ne parle pas assez. On n'en parle pas assez, madame.

Mme Lefebvre: Donc, l'importance de créer des modèles, finalement.

M. Bouka (Yaovi): Exactement. Ramasser ces modèles pour qu'on puisse les percevoir et faire changer, à partir de là, la mentalité des gens, pour dire: Ah! ils ne sont pas tous mauvais. D'ailleurs, un livre a été écrit là-dessus par un Français qui a vécu en Afrique: Est-ce que les Africains sont tous aussi médiocres? Pourtant 90 %, je vous le dis... Les statistiques, au Québec, c'est quoi, au Canada? C'est 1 % de la population qui est un diplômé universitaire. Mais, dans notre communauté, ici, au Canada en tout cas, près de 50 % ont un diplôme universitaire. On a des postdoctorats, dans notre communauté.

Donc, pour répondre à votre question ? peut-être que les autres vont intervenir ? on veut les ramasser pour qu'on puisse les voir et travailler ensemble pour changer l'image. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose?

M. Gueye (Mor): Oui. Je veux bien ajouter quelque chose par rapport à ce qu'il vient de dire, parce que, moi, dans mon entendement, penser prendre le succès comme étant un antidote au racisme, c'est passer à côté du diagnostic même qu'on doit poser pour définir le racisme. Moi, je me suis dit: Je suis quelqu'un qui est très habitué des autres communautés parce que j'ai fait l'Afrique, j'ai fait l'Europe, et maintenant je suis en train de faire l'Amérique du Nord, et j'ai longtemps milité pour SOS Racisme en Europe. Je pense que tout ce que j'ai entendu dire ici, il faudra encore remonter, définir d'abord la cause pour lui apporter des solutions. Parce que, que ce soit du point de vue emploi, que ce soit du point de vue logement, dans tous les autres domaines où ceux qui sont appelés aujourd'hui, entre parenthèses, minorités visibles disent qu'ils sont malaisés, je pense que c'est avoir manqué de bien définir le mot.

Moi, je me dis: La notion discriminatoire commence même avant que l'individu n'arrive au Canada. C'est au moment même où on est sélectionnés, pour dire: Maintenant, nous projetons d'être de futurs Canadiens. On vous dit: Écoute, on va vous choisir en fonction de certaines qualifications, on va vous choisir en fonction de votre formation. Ceux qui nous choisissent, ce sont des Canadiens qui savent très bien qu'ils demandent des universitaires. Ils les font venir au Canada et ils n'ont pas grand-chose à leur donner parce que les emplois qui sont disponibles sont largement en dessous de leurs diplômes. Donc, ces personnes-là, une fois vexées, une fois diminuées, même si elles se battent pour réussir, garderont une petite fibre de revanche par rapport au Canada et par rapport aux Canadiens. Moi, je me suis dit: Ça, c'est le problème fondamental qu'il faut apprendre à solutionner.

Le deuxième problème, en parlant de succès... Je suis très content, aujourd'hui, d'avoir vu autour de cette table au moins des personnes qui ont la même couleur que moi. Ça me dit que c'est un exemple éloquent. Si, dans tous les domaines, on réussit... Si je rentre, je vois un Québécois, je vois un Japonais, je vois un Chinois et je vois un Africain, je me suis dit: Je suis dans ce milieu qu'on dit un milieu multiculturel parce que, quand on définit le Canada, on dit: C'est une réputation de pays humanitaire, c'est une réputation de pays multiculturel.

Mais, si le multiculturalisme s'arrête sur la langue, les autres qui ont déjà... Parce que j'ai l'impression que les Canadiens ne comprennent pas le grand sacrifice qui existe derrière la personne qui a choisi d'immigrer. Il vend sa maison, il vend sa voiture, il se sépare de tout, il perd sa culture. Il dit: Je me retrouve dans un nouveau terrain où on m'appelle déjà... À l'aéroport, on m'appelle: Vous appartenez désormais à la classe des minorités visibles. Rien que l'appellation est discriminatoire.

Je me suis dit: Si les politiques veulent corriger ça, il leur appartient d'abord de bien définir les termes et de revenir sous forme d'une sensibilisation pour que tout le monde comprenne c'est quoi, être une minorité visible. Un chef d'entreprise, vous lui présentez quelqu'un, il appartient à la classe des minorités visibles, c'est comme si vous avez d'emblée diminué le candidat. Il vient passer son entrevue avec ses habitudes culturelles, comme il a dû donner tout à l'heure: sa politesse, les bras croisés, et tout, on le prend pour quelqu'un qui est incapable de prendre une décision.

Pour étayer mon argument, en fait, si vous me le permettez, moi, je suis arrivé ici... Je suis dans le milieu des biologistes. Je suis un pharmacien biologiste. Mes trois premières semaines, j'en ai voulu au Canada de m'avoir choisi pour immigrant. Je me suis dit: S'ils savaient qu'il n'y a que ça, pourquoi ils m'ont fait venir? Parce que là où j'étais, je pouvais travailler avec ma blouse, avec mon label de pharmacien. J'arrive ici, tu te confrontes au problème des corporations. On te dit, à la base... Tu écris. Moi, de la France, j'écrivais chaque fois à l'Ordre des pharmaciens. On me disait: Probablement, avec votre dossier qui est très intéressant, vous aurez quelques crédits à reprendre. Vous dites à l'immigrant: Quelques crédits. Il arrive ici, on lui dit: Retourne à l'université pour trois ans et demi de cours. Toute la pharmacie, au Canada, se fait en quatre ans, ils me demandent de repartir pour trois ans et demi de cours. Ça veut dire que tout ce que j'ai déjà appris depuis que j'ai six ans, ils l'ont compté pour une demi-année. Pour moi, c'est m'insulter. J'ai dit: Je ne le fais pas.

Donc, il faut essayer de trouver un travail avec ce qu'on a. Avec ce que tu as, qu'est-ce que tu peux avoir comme boulot? Mon premier emploi, c'est travailler comme manufacturier dans une industrie pharmaceutique où on ne demandait que le secondaire V. Et, moi, j'ai quatre diplômes postuniversitaires: j'ai un doctorat en pharmacie, j'ai un D.E.A. en pharmacologie, j'ai une maîtrise des sciences biologiques et médicales, j'ai un certificat... une attestation spécialisée en biochimie clinique et métabolique, et tous des diplômes que j'ai obtenus en France, qui ne me permettent pas de m'insérer.

Comment voulez-vous, demain, même si je me bats avec ces formes d'associations comme Leadership africain, jusqu'à me faire ma place, comment voulez-vous que je ne garde pas ce mauvais souvenir du Canada? Et donc, en réalité, la notion de dire que le succès, c'est un antidote, moi, je répondrais franchement: Non, ce n'est pas un antidote. Merci.

Mme Lefebvre: Bien, je vous remercie du témoignage que vous faites. Je vous donne tout de suite la parole. C'est important de... Parce que c'est ce que... Parce que, bien que c'est très important, je pense, qu'il y ait des modèles qui émergent, puis de les valoriser, puis... justement la Semaine interculturelle, puis les prix de la citoyenneté, c'est des éléments positifs, mais il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il y a encore, justement, un important travail à faire.

Et je voulais vous donner l'occasion de prendre la parole, madame, et aussi que, si vous avez l'occasion de nous parler un peu de comment réussir dans le fond... Parce qu'on veut favoriser la régionalisation également de l'immigration. Comment s'assurer que ça puisse bien fonctionner? Puis je pense que vous êtes un bel exemple.

n (11 heures) n

Mme Mukakayumba (Édith): Justement, j'aimerais ? merci beaucoup; j'aimerais ? d'abord rappeler que l'esprit qui a animé la production du mémoire, c'est que nous avons voulu insister sur l'aspect positif, le leadership où l'on ne voit que le positif, donc la prospective doit être belle et positive, et ça, on n'a pas le choix. Parmi nos leaders, c'est ça, l'esprit qui nous anime, et aussi c'est l'héritage africain.

Et, ici, j'aimerais dire que, à la suite de ce que vient de dire le collègue, c'est qu'il y a plusieurs profils d'immigrants. Moi, j'ai étudié ici. Tous mes diplômes, tout mon âge adulte, je l'ai passé ici. J'ai une maîtrise de l'Université Laval, un doctorat, et j'ai même fait un postdoctorat, et je suis une femme d'origine africaine, une femme noire, et aller chercher ces compétences-là, c'était un défi, et pour nous, c'était la voix du succès.

Cependant, au moment où on se parle, il peut arriver qu'il y ait un collègue ou un autre qui dise que je ne suis pas à ma bonne place à l'université. Ça, c'est des réalités auxquelles on est confrontés. Au Saguenay? Lac-Saint-Jean, j'ai observé qu'il y a un consensus, au niveau du gouvernement, des pouvoirs publics, des pouvoirs privés, donc il y a vraiment une volonté d'intégration et puis il y a de l'action très positive. Ça, c'est immanquable, c'est visible. Mais par contre j'ai vu un écart entre cette volonté du gouvernement, de tout le secteur public, du monde des affaires et la population. Donc, il y a un écart. Donc, c'est comme si le message ne passait pas, et ça, ça m'a inquiétée.

Alors, j'ai commencé à voir qu'est-ce qui n'allait pas. Ce que j'ai observé, c'est la sensibilisation justement à la diversité interculturelle, d'une part, et, d'autre part, la sensibilisation à l'importance de l'immigration. L'immigrant n'est pas quelqu'un qui vient voler des jobs. Des fois, c'est quelqu'un qui vient, qui est passionné par la région. La région du Saguenay?Lac-Saint-Jean, c'est l'une des plus belles que j'ai connues. J'adore le Saguenay, j'adore mon université, mais des fois les problèmes peuvent venir d'une poignée de personnes, et j'ai signalé... Des fois, c'est une ou deux, trois personnes maximum, dans l'université, qui peuvent boycotter le plan de mise en oeuvre de ce que le gouvernement voudrait faire, et c'est là que, quand on parle de la sensibilisation et de la formation des deux côtés, ce serait très important de sensibiliser et de former le personnel de l'université.

Par exemple, où je travaille, le personnel du secteur privé, qui n'est pas encore sensibilisé... Mais, moi, j'ai rencontré les grands dirigeants d'entreprise avec lesquels je travaille et j'ai rencontré les responsables au niveau public, qui sont très volontaires et qui travaillent très bien, et, ce que j'ai constaté, c'est que quelques personnes qui ont encore un esprit de compétition et qui peuvent utiliser la discrimination comme outil peuvent prendre en otage toute une société, et on pourrait dire, par exemple, que la société québécoise est raciste, et c'est faux, archifaux. Mais maintenant, moi, je dis: Si on ne situe pas ces quelques individus qui font la réputation dans la société, c'est que toute la société va être éclaboussée.

Donc, je reviens ici à la... Donc, la solution en région comme ailleurs, c'est la sensibilisation, et il y a un documentaire qui a été fait par une enseignante d'ailleurs sur... La leçon de la discrimination ? je ne sais pas si vous êtes au courant ? et donc sensibilisation et, d'autre part, c'est donc mettre en place des programmes de formation à l'interculturel. Et je reviens là-dessus: on aurait beau, par exemple, mettre en place des programmes à l'université, à mon université, l'Université du Québec à Chicoutimi, si les responsables des ressources humaines ne veulent pas l'appliquer, on va se retrouver à la case de départ, et c'est la raison pour laquelle j'ai insisté sur l'imputabilité et l'obligation des résultats.

La Présidente (Mme Caron): Je vous remercie infiniment. Malheureusement, notre temps est écoulé. Alors, je vous remercie infiniment. Je veux remercier les trois représentants de Force Leadership africain. Je suspends quelques minutes pour permettre au groupe suivant de venir nous rejoindre.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

 

(Reprise à 11 h 6)

La Présidente (Mme Caron): Nous allons reprendre nos travaux. Alors, j'inviterais le groupe PROMIS à venir s'installer. Alors, bienvenue. Alors, je vous demanderais de vous présenter pour que ce soit inscrit au niveau de nos travaux. Et je rappelle que vous avez 15 minutes pour présenter votre mémoire. Ce mémoire sera suivi de 30 minutes d'échange entre les deux formations politiques. Alors, vous vous présentez, et nous vous écoutons.

PROMIS

Mme Ménard (Andrée): Oui. Bien, Mme la ministre, Mme la sous-ministre, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Caron): S'il vous plaît, j'aimerais que vous vous présentiez.

Mme Ménard (Andrée): Oui, on va se présenter tout de suite après. Alors, on est le groupe PROMIS.

La Présidente (Mme Caron): Vos noms, pour qu'on puisse vous enregistrer.

Mme Ménard (Andrée): Oui. Alors, à ma droite, vous avez l'assistante à la direction, Mme Soumia Khassime; et, à ma gauche, vous avez Moussa Guene, qui est le responsable du secteur régionalisation. Et moi, je suis la directrice générale.

La Présidente (Mme Caron): Mme Andrée Ménard.

Mme Ménard (Andrée): Oui, mon nom est Andrée Ménard.

La Présidente (Mme Caron): Merci. Nous vous écoutons.

Mme Ménard (Andrée): Bon. Alors, j'ai un petit mot d'introduction, et, après, je vais parler un peu de PROMIS. Alors, parce que je tiens beaucoup à remercier Mme la ministre et Mme la sous-ministre et les distingués membres de la commission, d'abord, d'avoir organisé cette consultation sur la politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination, et aussi nous vous remercions de nous avoir invités à vous le présenter, notre mémoire.

Bon. Qui sommes-nous? Bon, à part d'avoir dit nos noms, alors, on est un organisme interculturel et multiconfessionnel qui poursuit une mission d'intégration auprès des nouveaux arrivants et de la défense de leurs droits. Donc, nous, notre expérience, elle est beaucoup avec les nouveaux arrivants, c'est-à-dire cinq ans et moins d'arrivée. L'organisme accueille une population répartie principalement en deux groupes: les immigrants et les réfugiés, y compris bien sûr les revendicateurs du statut de réfugié. L'organisme offre divers services et propose des activités en réponse aux besoins exprimés, et l'organisme s'inscrit dans un mouvement de transformation sociale. Il travaille en concertation et en partenariat avec des institutions et des organismes du quartier et d'ailleurs. L'organisme vise et s'engage concrètement à bâtir un projet alternatif de société, c'est-à-dire, concrètement, celui de bâtir avec les gens venus de tous les horizons une société où tous les enfants, toutes les femmes et tous les hommes qui la composent seront acceptés, aimés et respectés dans leurs droits. C'est notre objectif ultime.

n (11 h 10) n

Bon. Alors, pour la présentation, c'est succinct, mais vous pourrez nous poser des questions par la suite, si vous le désirez. On sait que le Québec d'aujourd'hui est quand même l'une des sociétés les plus ouvertes et démocratiques sur la scène internationale. L'évolution politique, sociale et culturelle du Québec, à partir surtout de la Révolution tranquille, nous a permis collectivement d'être à l'avant-garde de la communauté des nations en ce qui concerne les droits et libertés des citoyens. Cette évolution positive en tant que peuple dans les différents domaines tels que les droits, les libertés et la participation politique, économique et sociale ne doit surtout pas nous faire oublier pour autant l'importance des enjeux spécifiques liés à la diversification ethnoculturelle de notre société, et particulièrement les problèmes que vivent beaucoup de nouveaux arrivants qui, à différents degrés, subissent une discrimination souvent systémique, directe et indirecte, et ce, depuis leur arrivée en territoire québécois.

Par le présent mémoire, nous souhaitons contribuer au débat qui oriente le plan d'action d'une véritable politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Notre document est divisé en deux parties.

La première partie est une brève analyse de la réalité que nous rencontrons quotidiennement dans nos contacts professionnels avec les nouveaux arrivants, analyse qui nous a menés à élaborer cinq propositions principales que nous soumettons aux membres de la commission, donc que nous vous soumettons aujourd'hui.

La seconde partie est constituée d'une liste de propositions secondaires qui répondent concrètement aux questions de la consultation en ligne, regroupées selon les trois orientations du document de consultation. Ces propositions sont le fruit d'une contribution collective des intervenants de PROMIS auxquelles tous ont participé. Alors, nous espérons que nos réflexions et recommandations pourront retenir l'attention, oui, de la commission, mais aussi de l'Assemblée nationale.

Alors, on parle d'un Québec pour tous ses citoyens. Vous en parlez beaucoup, nous en parlons beaucoup, et c'est absolument nécessaire que ça le devienne réellement. Donc, depuis des années, nous avons de plus en plus conscience de l'existence d'un problème fondamental dans le processus d'intégration des nouveaux arrivants, principalement en ce qui concerne les rôles de l'ensemble des institutions gouvernementales, des institutions parapubliques et de la population en général.

Il faut d'abord préciser que l'étape de l'accueil et de l'établissement organisée par le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles et l'ensemble de ses partenaires communautaires fonctionne très bien. Les nouveaux arrivants reçoivent un service compétent au niveau de l'installation, au niveau des sessions d'information concernant la vie au Québec, les services de francisation, les services de préemployabilité et de régionalisation, pour n'en nommer que quelques-uns. Ça, bien sûr, c'est pour ceux qui y ont recours. Il y en a qui ne connaissent pas ces ressources-là. Et permettez-moi de souligner ici que, oui, je crois que les services sont bien donnés mais sous-financés et que la mission globale n'est pas financées du tout. Donc, une petite question en passant.

Mais c'est après cette première étape, là, où ils ont cette aide-là que commencent les difficultés d'intégration, c'est-à-dire quand l'immigrant est confronté aux institutions publiques, parapubliques, aux entreprises privées et à la population en général. C'est précisément dans cette étape que l'on constate de sérieux problèmes et l'impérieuse nécessité d'une politique globale d'accueil, d'intégration, de lutte contre le racisme et la discrimination dans l'ensemble de l'appareil de l'État, c'est-à-dire tout le monde ensemble, c'est-à-dire une politique transversale, intersectorielle concernant tous les ministères ainsi que toutes les institutions parapubliques dans l'ensemble du Québec, partout, dans les régions et partout.

Du côté de l'entreprise privée, malgré de nombreuses campagnes de sensibilisation pour inciter au recrutement d'immigrants ? ceux qui nous précédaient l'ont bien mentionné ? les résultats ne sont pas au rendez-vous. L'ouverture nécessaire ne se produit pas. Malgré les besoins criants de main-d'oeuvre qualifiée, beaucoup de ces entreprises font encore preuve de discrimination envers des membres de certaines communautés, en particulier des communautés noires et des membres de la communauté arabophone, depuis le fameux 11 septembre. Et ça, nous le voyons beaucoup chez nous, avec les gens qui viennent pour des emplois.

Maintenant, en ce qui concerne la population en général, on constate malheureusement que celle-ci fait preuve d'une méconnaissance préoccupante du rôle de l'immigration au Québec. La population n'est pas consciente souvent du potentiel important des immigrants hautement qualifiés qui pourraient être employés dans des domaines stratégiques de l'économie québécoise. Une grande partie de cette population entretient toujours d'énormes préjugés, des comportements racistes sur les nouveaux arrivants, et cela constitue un problème majeur dans l'intégration de ces derniers dans la vie quotidienne.

Finalement, les corporations et les ordres professionnels ? j'imagine que de ça, tout le monde vous en a parlé, quoiqu'on sait qu'il y a des progrès, mais il reste beaucoup à faire ? ils ont un rôle capital à jouer pour contribuer à la démocratisation réelle du processus d'intégration socioéconomique des nouveaux arrivants. Certains progrès, on le reconnaît, ont été faits mais nous sommes encore bien loin du compte.

Nos cinq recommandations principales maintenant, en lien avec ce qu'on vient de dire:

Premièrement, nous proposons: une véritable politique globale d'immigration et de lutte contre le racisme et la discrimination en ce qui concerne l'accueil, l'intégration des nouveaux arrivants, mais évidemment des immigrants et des réfugiés qui sont ici depuis plus longtemps, dans l'ensemble de l'appareil de l'État; une véritable politique transversale intersectorielle ? et ça, nous insistons parce qu'il y a un grand manque là ? qui concerne tous les ministères ainsi que l'ensemble des institutions publiques et parapubliques; une vision commune de c'est quoi, l'intégration et comment on la fait, tous les ministères ensemble. Parce que, là, on sent que c'est sectorisé, et ça cause des problèmes réels.

Deuxièmement, un plan d'action efficace ? c'est sûr qu'on ne peut rien faire sans plan d'action mais efficace ? en ce qui concerne le programme d'actions positives pour que la société pluriethnique du Québec soit reflétée dans l'ensemble de ces institutions.

Troisièmement, une relation constante avec l'entreprise privée pour démystifier la main-d'oeuvre immigrante et souligner l'apport remarquable qu'elle représente pour l'économie du Québec.

Ensuite, il faut, je pense, faire l'opinion. L'opinion, ça se fait, comme on l'a vu avec l'alcool au volant, tout ça. C'est à long terme, ça prend beaucoup de sensibilisation. Donc, nous proposons un grand forum national sur l'importance de l'immigration au Québec avec les acteurs dynamiques de la société tels que les différents paliers du gouvernement, l'entreprise privée, les centrales syndicales, les organismes communautaires, enfin tout le monde, mais sans oublier bien sûr les médias qui ont un rôle clé à jouer. Il y a beaucoup à faire pour que les choses positives soient vraiment prises en charge et divulguées par les médias, autant écrits que visuels.

Finalement, nous proposons une grande campagne de sensibilisation et d'information pour l'ensemble de la population québécoise pour faire connaître le rôle important de l'immigration au Québec, pour faire tomber les préjugés et rapprocher les Québécois de toutes origines dans la construction d'une société plus juste, plus démocrate et solidaire. Je pense qu'il faut médiatiser, vulgariser, médiatiser et encore médiatiser, si on veut que les choses... Il faut que ça devienne quelque chose... que tout le monde en parle. Alors, nous, on parle de cette société où tous les enfants, tous les hommes, toutes les femmes se sentiront acceptés, aimés et respectés dans leurs droits.

Maintenant, la direction, comme je le mentionnais précédemment, la direction et tous les membres du personnel de PROMIS, après avoir discuté sérieusement du document de consultation et répondu au questionnaire en ligne, ont élaboré une série de propositions concrètes pour chacune des trois grandes orientations du projet de politique. Ce qui a été formidable, c'est que tout le monde s'est impliqué et qu'on l'a fait ensemble. Tout le monde a d'abord répondu, réfléchi seul et ensuite on a réfléchi ensemble et on a produit.

Donc là, je vais demander à Soumia Khassime, notre adjointe à la direction, et à Moussa Guene, le responsable du secteur régionalisation, de nous présenter ces propositions secondaires. Soumia.

n (11 h 20) n

Mme Khassime (Soumia): O.K. Merci, Mme Ménard. Merci de nous recevoir aujourd'hui. Donc, si, nous, on a répondu aux orientations dans le questionnaire en ligne, donc par rapport à l'orientation 1 qui était de coordonner les efforts, nous, on est allés vers un engagement social de la société. Donc, outre la campagne nationale de sensibilisation mentionnée dans les cinq propositions principales, il y aurait lieu d'organiser, à travers le Québec, des tables rondes entre immigrants et Québécois pour inciter au dialogue et contribuer à une meilleure connaissance réciproque, le but de ces échanges étant de sensibiliser la population et de contrer l'hostilité de certains à l'encontre de l'immigration. Donc, une telle initiative devrait permettre de mieux apprécier les apports économiques, sociaux et culturels des diverses communautés, des minorités visibles, des groupes racisés et de prendre davantage conscience de leurs contributions à l'essor et à l'enrichissement de la société québécoise. Donc, en contrepoint, certaines réalités préoccupantes pour l'avenir de la société québécoise ne manqueront pas d'être soulignées: pénurie de la main-d'oeuvre, dénatalité notamment et aussi vieillissement de la société. C'est quelque chose qu'on est tous au courant donc. Pour une deuxième période, pour le bilan périodique sur le racisme et la discrimination, nous, on a beaucoup mis... on aimerait encourager beaucoup une mise au point d'un outil efficace et neutre d'observation de l'évolution de la situation en matière de racisme. Des mécanismes de ce type sont déjà utilisés par certaines communautés ou certains groupes ethniques. La conception d'un outil plus global destiné à évaluer la progression ou le recul du phénomène du racisme dans l'ensemble de la société serait déjà en soi une mesure concrète contre le racisme.

On aimerait aussi une publication et analyse des bilans périodiques, bien que leur tenue à jour puisse être délicate ? ce n'est pas tout le monde qui aimerait avoir ce genre d'information ? mais de tels bilans permettent de jauger des tendances et d'illustrer clairement la réalité et la diversité du racisme et de la discrimination, qui ne sont pas à sens unique. Donc, la diffusion de l'information dans la transparence rassure et instaure la confiance entre la population et le gouvernement.

Deuxième point, détermination et mise en application rapide de mesures correctives visant à contrer ou corriger les tendances observées. L'utilité de tels bilans ne se justifie pleinement que dans la mesure où ils induisent des actions et qu'ils contribuent à l'amélioration du climat social général. Voici les priorités à retenir.

La Présidente (Mme Caron): Je vous invite à préparer la conclusion. Il vous reste une minute.

Mme Khassime (Soumia): O.K. Parmi les priorités à retenir, donc on avait... c'est un peu: accélérer les études des plaintes, respecter le quota prioritaire du 25 %, développement de programmes spécifiques... On sait qu'il y a des programmes qui existent déjà d'employabilité, mais c'est peut-être de mieux les adapter et élargir peut-être l'admissibilité à plusieurs personnes. Aussi, continuons toujours, on le répète, on l'a dit, c'est: de larges concertations avec tous les acteurs socioéconomiques et décourager un peu... parce que si on fait tout ça, ça va nous aider à décourager la formation de ghettos, ce qu'on n'a pas heureusement présentement, mais ça risque d'être quelque chose qu'on pourrait avoir, et aussi faciliter l'embauche des personnes des minorités visibles, des communautés culturelles et aussi instaurer une tolérance zéro face au profilage racial.

La Présidente (Mme Caron): Merci. Merci beaucoup, Mme Khassime. Merci, Mme Ménard. Vous allez pouvoir continuer à présenter vos propositions dans le cadre de l'échange. Alors, je donne la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, la députée d'Anjou.

Mme Thériault: Merci, Mme la Présidente. Mme Khassime, M. Guene, Mme Ménard, merci d'être ici, avec nous. Je sais que PROMIS est un organisme qui travaille en étroite collaboration avec notre ministère. Évidemment, vous êtes un des organismes aussi avec lequel on fait de la régionalisation de l'immigration. Donc, c'est ça, c'est peut-être un aspect que je vais vous demander d'aborder un peu plus parce que vous avez développé une expertise dans ce domaine-là, et il n'y a pas beaucoup d'organismes à Montréal qui travaillent avec les groupes comme Portes ouvertes sur le lac, ou les gens de Granby, ou les gens de Gatineau pour justement faire de la régionalisation de l'immigration. Mais, vous, vous êtes un partenaire privilégié, donc évidemment vous avez certainement développé une expertise qui peut enrichir nos travaux.

Je vous remercie pour la qualité de votre mémoire. Je vois bien que vous avez cinq recommandations principales, avec 20 quelques recommandations secondaires aussi. On va bien analyser votre mémoire pour voir de quelle façon on peut contribuer tous ensemble à faire une politique gouvernementale. Je pense que c'est important de le dire, c'est la même politique gouvernementale qui va interpeller non pas que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais les autres ministères, donc toutes les composantes du gouvernement. Et, moi, je crois sincèrement qu'on est en train de débattre d'un enjeu de société qui est fondamental dans le contexte où le Québec a déjà fait le choix de l'immigration pour continuer à se développer. Nous savons tous que c'est un incontournable, là.

Évidemment, bon, les questions d'intégration peuvent être reliées à des questions de discrimination et de racisme, pas toutes évidemment, sauf qu'il est facile de faire le lien dans plusieurs cas. Et c'est bien évident que, dans le cadre de cette consultation-ci où on veut réellement parler de racisme, de discrimination, de préjugés, qu'est-ce que notre société doit faire, comment doit-on responsabiliser les autres acteurs de la société civile, quel est l'apport, le rôle à jouer de mon ministère, des groupes communautaires, des différentes composantes, évidemment, donc, je pense qu'on pourrait en parler pendant des heures et des heures, mais malheureusement c'est toujours très, très court comme temps, donc je vais essayer d'aller à l'essentiel.

Comme organisme qui travaille avec nous au niveau de la régionalisation, vous avez dû être confrontés à des attitudes ou des préjugés en région ? peut-être pas nécessairement les organismes avec lesquels vous faites affaire, puisqu'ils veulent attirer des immigrants dans leurs régions. On connaît l'importance d'attirer l'immigration, surtout dans des régions où les écoles sont menacées de fermeture, où il y a des emplois qu'il n'y a pas personne qui est capable de combler présentement. La régionalisation, elle est importante. Vous travaillez avec des groupes, donc nécessairement vous oeuvrez à faire en sorte qu'il y ait des immigrants de Montréal qui aillent s'établir dans d'autres régions. Quelles sont les problématiques qui ont pu être portées à votre attention, par rapport aux préjugés, la discrimination ou le racisme dans les régions, que vous ne vivez pas à Montréal? Est-ce qu'il y a une différence entre les régions et Montréal?

Mme Ménard (Andrée): On va demander à Moussa de s'exprimer là-dessus.

M. Guene (Moussa): Merci, Mme la ministre. Bien, certainement, il y a une différence. En partant, de par la composition de la population, déjà la différence part de là. Il y a une différence au niveau des pratiques, au niveau du tissu social qui, dans certains milieux, est tricoté serré, comme on dit au Québec. Et, de par ce fait-là, je pense que la sensibilisation devient une pièce maîtresse dans tout ce qui a trait à la régionalisation de l'immigration. C'est sûr qu'on a dépassé le point de vue «immigrant voleur de job», mais les régions, ce qui se passe, c'est qu'on ne reçoit que des mauvaises nouvelles, si on prend ces derniers temps, cette semaine, avec le problème du bois, etc.

Donc, il y a une forte problématique au niveau de vouloir, un, attirer, c'est-à-dire au niveau de l'attraction, et aussi au niveau de la sensibilisation des employeurs. Et, sur place, les employeurs, je pense que la problématique, sinon la peur qu'ils ont, c'est plus par rapport à la gestion de la diversité. C'est une méconnaissance aussi, je vous dis, de ces populations immigrantes là qui fait qu'il y a une certaine peur qui les pousse à ne pas se frotter directement ou à ne pas embaucher, je veux dire, ces personnes immigrantes là.

Aussi, au niveau des qualifications, parce que quelqu'un qui a étudié à l'université de Bujumbura, pour un employeur du Lac-Saint-Jean, ça équivaut à quoi? Est-ce qu'il est prêt à faire cette démarche-là, à reconnaître ou à même permettre à cette personne-là de faire des tests pour prouver ce dont il est capable de faire?

Alors donc, les problématiques partent surtout au niveau de l'information. Et après, maintenant, le travail doit se faire au niveau aussi des employés. Parce qu'il n'y a pas que les employeurs, il y a les employés aussi. Parce que, s'il y a une résistance au niveau des employés, je pense que l'intégration de cette personne-là sera beaucoup plus difficile. Donc, l'acceptation est globale, d'abord de par le milieu et aussi, au niveau des entreprises, par les employés. Mais les problématiques sont multiples, et il y a des spécificités au niveau de chaque région, de chaque entreprise même, je pourrais dire.

Et là le travail, je pense, c'est de par la sensibilisation qu'on va y arriver et aussi en donnant des exemples, en essayant, en prônant des nouvelles façons de faire, des nouvelles approches pour justement aider ces entreprises-là à être plus conscientes de cette force que compose l'immigration. Parce qu'au niveau des ressources humaines il n'y a pas juste que l'apport d'avoir un employé, mais surtout au niveau des contrats, quand on parle de mondialisation et tout maintenant, quand on a quelqu'un qui vient d'Algérie, du Maroc ou d'Afrique, de France, ou d'un pays... ils n'ont même plus besoin de traduction, il y a une personne qui est là, sur place, qui connaît les réalités de ce pays-là sur lequel ils veulent ouvrir d'autres marchés, etc. Donc, c'est plus de mettre l'accent sur les aspects positifs justement de l'embauche ou de l'intégration de personnes immigrantes.

Mme Thériault: Est-ce que vous pensez que, dans le plan d'action, on devrait avoir des mesures spécifiques pour les régions?

n (11 h 30) n

M. Guene (Moussa): Oui. Bien, Mme Ménard l'a souligné, moi, je pense qu'il ne faut pas mettre ça juste axé sur les régions. C'est plus de faire une approche globale, c'est l'ensemble du Québec qui est concerné. La dénatalité, le vieillissement de la population, comme vous dites, Mme la ministre, le fait de voir des écoles menacées de fermeture, etc., maintenant, c'est l'ensemble du territoire, ce n'est pas spécifique à une région. C'est sûr qu'il y a des régions qui sont plus touchées que d'autres, mais la campagne doit être généralisée à travers le Québec, et une campagne à long terme comme l'exemple de l'alcool au volant, et aussi montrer les aspects positifs de l'immigration. Parce que l'immigrant, ce n'est pas juste... parce que les gens ne comprennent pas les différents types, catégories d'immigrants, parce qu'il ne peuvent pas faire la différence entre un réfugié, un revendicateur de statut, un immigrant reçu, etc. Et ça, ça doit être vraiment une information qui devrait être donnée à la population.

Mme Thériault: Merci. On va avoir l'occasion...

Mme Ménard (Andrée): Moi, je peux rajouter peut-être...

Mme Thériault: Oui.

Mme Ménard (Andrée): ...très court là, un témoignage, là. Il y a deux semaines, nous étions, à Trois-Rivières, dans le cadre de notre campagne de financement, un petit déjeuner avec des hommes d'affaires de Trois-Rivières. Il y en avait 20. Alors, c'était pour qu'ils connaissent PROMIS, dans un premier temps. Donc, je pense qu'on a assez bien vendu, là, ce qu'on avait à vendre, mais un homme d'affaires très important de cet endroit-là nous dit à la fin: Mais c'est complètement fermé, ici, là. Les employeurs, là, il y a tout un travail à faire, là. Ils ne sont pas prêts à recevoir des gens comme ça, même si ce que vous faites et que vous offrez, c'est formidable. Ça, c'est à Trois-Rivières, là, ce n'est pas une petite ville du Lac-Saint-Jean, Trois-Rivières. Alors, c'est la fermeture du milieu qui ne s'ouvre pas. Donc, c'est ça, c'est beaucoup... il faut faire l'opinion, tu sais.

Moi, je pense, la grosse affaire... que tout le monde en parle, tu sais, parce que c'est bon, l'immigration, puis qu'on le dise à la radio, qu'on le dise à la télévision, et ça va changer. Parce que, là où c'est fermé, ça prend du temps. Parce que, moi, j'étais surprise à Trois-Rivières qu'un homme d'affaires de cette trempe-là dise: On est convaincus, nous autres, mais tu sais, Trois-Rivières, il n'y a pas bien du monde qui est convaincu. Et on a des partenaires qui travaillent là, qui font un formidable travail, mais je pense que c'est révélateur de ce qui pourrait se dire dans d'autres régions. C'est la fermeture du milieu. Que va-t-on va faire pour l'ouvrir?

La Présidente (Mme Caron): Nous allons poursuivre l'échange pour peut-être essayer de trouver. Alors, du côté de l'opposition, la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bienvenue à vous, de PROMIS. Mme Ménard, vous êtes un modèle. M. Guene et Mme Khassime, bonjour. Bienvenue ici, à l'Assemblée nationale, chez vous, dans cette maison du peuple, citoyens. Donc, j'ai plusieurs, plusieurs questions. Je veux qu'on y aille rondement parce que le temps file rapidement, vous allez voir.

Vous avez introduit, au début... Vous avez dit que vous travaillez également avec les revendicateurs de statut de réfugié. J'aimerais vous entendre un petit peu sur cette question-là; vous n'en avez pas beaucoup parlé dans votre présentation. Est-ce qu'à votre avis ces personnes vivent des injustices, de la discrimination, du racisme? Et est-ce qu'il y a des mécanismes qui pourraient être modifiés afin de lutter contre ces discriminations-là?

Mme Ménard (Andrée): Bien, c'est sûr que, comme tous les autres et d'une façon... même davantage. C'est sûr que les revendicateurs de statut, ils vivent des choses souvent absolument épouvantables. Le problème, c'est qu'il n'y a pas de financement pour s'occuper de ces gens-là, sauf pour leur trouver... si on s'en remet, là, à ce qui est permis. Et évidemment, quand ils viennent chez nous, nous, c'est l'humain qui est important. Donc, on ne va jamais refuser aucun service à des revendicateurs de statut de réfugié parce que ce sont des revendicateurs de statut de réfugié et qu'on n'est pas financé pour ça. Mais ils ont besoin d'être aidés, parce qu'il y en a que c'est des drames assez épouvantables. Donc, oui, ce qu'il faudrait faire, il faudrait qu'il y ait un... il y a des débats qui se font depuis bien longtemps là-dessus, l'entente Canada-Québec, là, mais il faut absolument trouver de l'argent pour être capables de les aider parce qu'en fait ils vivent tous les problèmes que les autres vivent. Souvent, c'est pire, à cause de la situation tragique pour laquelle ils ont décidé d'immigrer ici.

Alors, on s'en remet à qui? Aux groupes communautaires, aux groupes humanitaires, mais, en réalité, souvent, ils vont rester. Alors, il y a une bonne proportion qui va rester. C'est un peu ouvert pour la francisation à temps partiel, mais en fait c'est s'il reste de la place. Bon, c'est ça. Donc, les services ne sont pas financés, et on le crie sur tous les toits. Il faut absolument faire quelque chose pour ces gens-là qui souvent vont rester et qui auront perdu une grande partie de leur temps à ne pas apprendre le français, à travailler dans des manufactures sous la table pour être capables de survivre et de vivre. Après ça, bien, ils n'apprennent plus le français parce qu'ils voient qu'ils peuvent s'arranger autrement. Aux niveaux psychologique et moral, la détérioration, vous pouvez voir ce que c'est, avec la peur tout le temps de ne pas être accepté, là.

Mme Lefebvre: Je pense que vous voulez...

Mme Khassime (Soumia): Je voulais juste continuer un peu dans le même sens parce que vous avez parlé que ce genre de groupe vit des situations de discrimination. Ces gens-là arrivent et, des fois, ils ne veulent pas tous être sur l'aide sociale. Donc, ces gens-là vont aller... Ils cherchent toujours... Ils ont un numéro d'assurance sociale qui commence par un 9. Croyez-moi, moi, j'ai beaucoup travaillé dans la recherche d'emploi, il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui vont les embaucher, là. Ils ont un permis de travail en règle. On les aide à faire la demande pour avoir un permis de travail, mais il n'y a personne qui va les embaucher dans un travail qui répond vraiment à leurs compétences parce qu'ils ont un 9 dans leur numéro d'assurance sociale. Ce n'est même pas reconnu à ce moment-là. Donc, qu'est-ce qu'on leur propose? C'est soit, comme Mme Ménard l'a mentionné, du travail sous la table ou bien même du travail dans une manufacture. C'est tout ce qu'ils peuvent espérer quand ils arrivent ici.

Mme Ménard (Andrée): Ça, c'est le 9, c'est le numéro qui signale que c'est Revendicateur. Donc, ils se disent: Ils ne vont pas rester, tu sais? Ça ne vaut pas...

Mme Lefebvre: Ça ne vaut pas la peine.

Mme Ménard (Andrée): Tu sais, il y a ça aussi, là.

Mme Lefebvre: En tout cas, c'est un aspect fort important qui... Je pense qu'on va devoir se pencher prochainement sur cette question-là des revendicateurs de statut parce qu'on dirait que ça tombe un peu dans les craques du plancher, cette question-là, puis ça crée des drames humains, il faut le dire, là, ici même au Québec, puis... En tout cas, je pense que ce sera important de s'y attarder.

Sur une autre question, vous avez parlé, bon, de la francisation dans votre présentation et dans vos recommandations, mais vous avez une recommandation qui stipule d'améliorer l'accès à la francisation. Alors, quelle évaluation faites-vous de la situation au niveau de la francisation?

Mme Ménard (Andrée): C'est-à-dire, au niveau de la francisation, il y a de très bonnes choses qui se font. Nous, on a un gros secteur chez nous puis on travaille avec les organismes qui en font aussi. Là où il y a eu un recul, c'est aux temps partiels. Les allocations qui étaient données comme c'est donné encore aux temps complet ne sont plus données, sauf pour le transport. Donc, ça devient très difficile... ça devient difficile pour plusieurs d'être capables de les suivre, ces cours-là. Oui, alors, ça empêche l'accès à plusieurs personnes. On dit que la clientèle diminue dans certains secteurs. C'est probablement une chose qu'il faudrait regarder parce que, souvent, ils ne peuvent pas venir parce qu'ils n'ont pas les moyens financiers de pouvoir les suivre.

Mme Lefebvre: Donc, toutes les personnes qui étudiaient à temps partiel n'ont plus droit à des allocations? C'est ce que je comprends.

Mme Ménard (Andrée): C'est-à-dire, pas les allocations qu'ils avaient avant pour y participer, c'est-à-dire l'incitatif, là. Ils ont droit... Ce qui a été gardé... Non, ce n'est pas pour... C'est pour la garde des enfants, mais c'est à 5 $, ce n'est pas à 7 $, mais le reste a été enlevé, oui.

Mme Lefebvre: Donc, ce que je comprends, c'est qu'il reste seulement l'allocation à 5 $ pour la garde des enfants?

Mme Ménard (Andrée): Oui. Oui.

Mme Lefebvre: O.K. Je vais revenir après, parce que le temps file rapidement. Donc, je vais revenir dans le deuxième bloc.

La Présidente (Mme Caron): Parfait. Alors, nous allons du côté du gouvernement. Il reste quatre minutes.

Mme Thériault: Merci. Je voudrais juste apporter une petite précision... Il est évident qu'au niveau de la francisation le gouvernement a diversifié de beaucoup son offre de francisation. Il y a des cours à temps plein évidemment, des cours à temps partiel, mais il y a aussi de plus en plus de la formation sur mesure. Donc, il ne faut pas penser que les gens n'ont pas accès à une offre de francisation qui est diversifiée. La formation sur mesure fait en sorte qu'il y a moins de gens qui sont en francisation sous la formule de temps partiel, et il y a aussi présentement des banques d'exercices de francisation. Ça fait qu'en diversifiant l'offre c'est sûr qu'il y a des cours qui répondent beaucoup plus... Comme le français sur mesure, je pense qu'on va... on ne sera pas loin de 1 000 personnes cette année. Ça, c'est une nouveauté, là. L'an passé, on était 800 quelques, dans ces eaux-là, et c'est notre deuxième année où il y a de la formation sur mesure, et ça, c'est demandé, et c'est beaucoup demandé par les gens justement pour qu'on puisse adapter le français, puisque vous savez comme moi qu'il y a différents niveaux de français et qu'il peut arriver qu'une personne a besoin d'avoir de la francisation sur mesure pour un métier en particulier. On a des offres aussi qu'on fait avec les ordres professionnels pour adapter les compétences langagières. Il est bien évident qu'on ne montre pas le même niveau de français à une infirmière qui a des interventions à faire avec des termes qui sont très, très précis.

Mais en tout cas, la francisation, on pourrait en parler pendant de longues heures, j'en conviens, mais j'aimerais bien qu'on revienne sur la lutte pour lutter contre la discrimination et le racisme qui à mon avis, même si le Québec s'est doté d'outils, ce n'est pas assez. C'est pour ça qu'on est en consultation aujourd'hui et on doit aller plus loin. Ça fait que, sans évacuer les autres notions, j'aimerais vous entendre sur la portion racisme et discrimination, puis pourquoi vous jugez que c'est important d'élaborer un plan d'action spécifique pour des mesures concernant l'accès à l'égalité à l'emploi. Brièvement, parce que je pense qu'il doit rester à peu près deux minutes.

n (11 h 40) n

La Présidente (Mme Caron): Exact.

Mme Ménard (Andrée): Bon, les mesures d'aide à l'emploi.

Mme Khassime (Soumia): Oui. Mais il existe déjà certaines mesures d'employabilité qui facilitent l'accès à l'emploi, mais il y avait le quota, le respect, le quota de 25 % dans la fonction publique. Je ne sais pas si c'était vraiment une loi ou... qu'on devait vraiment voir si c'était une loi. Donc, je ne sais pas si... Les résultats, je ne les vois pas. Nous, on incite beaucoup les personnes qui viennent, qui font appel à nos services d'appliquer, il y a des possibilités, à les regarder, mais, des fois, ils passent des concours et ils restent sur des listes d'attente qui durent un an. Une année après, il faut recommencer le processus. Alors, c'était juste... Il y avait une commission qui devait passer pour voir est-ce que le quota était respecté.

Donc, il y a des programmes. Nous, on travaille avec les programmes d'immersion professionnelle, c'est des programmes qui sont très bons, il faut juste les adapter, mettre peut-être un peu plus... ça permettrait à plus de personnes d'intégrer le marché de l'emploi. Donc, c'est: un peu mieux adapter, mieux financer ce genre de programme. Il y a de bonnes choses qui se sont passées dernièrement, il faut juste ajouter un peu plus de financement.

Mme Thériault: Ce qu'il faut comprendre, c'est que la Loi de l'accès à l'égalité en emploi oblige certains organismes gouvernementaux et les différents ministères à un objectif d'embauche, une cible de 25 %. Historiquement, dans le passé, on tournait aux alentours de 3, 4 %. C'est très rare que ça a été dépassé. Et je peux vous dire que, dans un contexte où présentement on n'embauche pas, presque pas, hein ? on remplace un poste sur deux ? dans cet effort-là, la présidente du Conseil du trésor surveille l'embauche, puis on est parti de 4 % à 14 % en à peine trois ans au niveau des groupes cibles. Donc, il y a déjà une amélioration, mais il ne faut pas comprendre que c'est 25 % de la fonction publique, mais plutôt 25 % de l'embauche pour qu'éventuellement on arrive à une représentation qui est beaucoup plus réelle de ce que représentent les communautés culturelles dans notre société québécoise. Mais le 25 % est dans les cibles d'embauche.

La Présidente (Mme Caron): Merci beaucoup. Je m'excuse, je dois vraiment arrêter, il faut aller de l'autre côté. Et, comme vous avez pris moins de temps tantôt, donc il reste 7 min 30 s.

Mme Lefebvre: Bien, juste au niveau des embauches, c'est sûr qu'en termes de pourcentage on peut dire qu'il y a une légère augmentation, mais il faut garder un niveau absolu. Puis, au niveau absolu, bon, les choix budgétaires et les coupures, bien, en tout cas, le non-remplacement des postes fait en sorte qu'en termes absolus il y a quand même moins de gens qui sont embauchés chaque année. Donc, je pense qu'on doit collectivement, tous ensemble, faire plus d'efforts et plus d'efforts à cet égard-là.

Bon. On a terminé mon bloc tout à l'heure ? bien, notre bloc, de l'opposition ? avec la francisation, donc les ressources qui doivent être accrues en termes de francisation, notamment au niveau financier. Vous avez dit aussi qu'il fallait mieux financer les programmes d'insertion à l'emploi, donc il y avait des belles initiatives qui se faisaient, mais qu'on pourrait accroître le nombre de places disponibles, par exemple.

Tout à l'heure, je disais à un autre groupe qu'hier on nous a informés qu'il y avait eu 600 personnes qui ont eu accès au programme PRIIME ? je crois que c'est en 2005. Donc, 600 personnes, c'est à la grandeur du Québec. Et donc je faisais un calcul rapide: juste à Montréal, divisé par 19 arrondissements, ça faisait 32 places par arrondissement, donc je trouvais que c'était nettement insuffisant pour la demande qu'il peut y avoir si je considère que, bon, par exemple, juste chez moi, il y a des milliers et milliers d'immigrants qui vivent, donc qui pourraient être admissibles au programme, et surtout s'il y a 50 000 personnes immigrantes qui arrivent par année. Je comprends qu'il y a des enfants dans ce lot-là, mais il demeure qu'il y a quand même un bon 25, 30 000 personnes qui pourraient être admissibles à ça, et donc 600 par année, ça me paraît insuffisant.

Et vous inscrivez, à l'orientation 2, à la page 11, qu'il faut ? une de vos propositions ? y consacrer davantage de ressources financières et humaines. Et ma question est assez simple: Pourquoi vous croyez pertinent d'ajouter des ressources financières et humaines pour réaliser la politique et, j'imagine aussi, pour l'ensemble de l'offre du ministère?

M. Guene (Moussa): Bien, je vais vous dire, le problème, surtout nous, dans le communautaire, est réel. Je veux dire, on fait beaucoup avec peu de ressources. Dans nos revendications, il y aura toujours cette phase-là qui sera mise de l'avant, parce qu'il y a beaucoup qui est fait, mais, si on regarde, je veux dire, par rapport à l'appareil de l'État, pour les mêmes services, les mêmes sommes qui y sont consacrées et les mêmes ressources humaines, je vais vous dire, on est loin du compte par rapport à... Et, nous, on a une clientèle qui vraiment n'a pas de... les flux arrivent n'importe quand, n'importe comment. On ne fait pas du 9 à 5. Des fois, en sortant du bureau, il y a des cas extrêmes, des drames humains qui se produisent, on retourne au bureau, et ce n'est pas des heures supplémentaires qui sont payées. Et en général on est une, deux, trois personnes maximum dans un secteur pour accomplir le travail qui nécessiterait vraiment plus de ressources humaines, cinq, 10 personnes.

Alors donc, les ressources sont importantes. Parce qu'il y a des organismes, des institutions qui vivotent. On passe beaucoup de temps à jongler, à essayer de gérer le budget au lieu d'être sur le terrain. Bon.

Mais juste pour revenir un peu au niveau de l'embauche, l'État doit faire sa part pour nous aussi. Parce que l'État est le plus grand employeur au Québec. Il y a le quota qui a été dit depuis le gouvernement péquiste qui sont restés 10 ans, et on a vu, au niveau des améliorations, ça n'a pas poussé fort.

Et, je veux dire, les immigrants, pour justement une meilleure intégration, doivent avoir des repères. Je veux dire, quand on voit une dame comme Mme Alcindor, ce sont des modèles qu'on doit reproduire au sein même de l'appareil de décision, au sein même des postes de décision. Je pense que c'est ce qui pourrait amener à justement pousser ces gens-là à y croire plus.

Mme Lefebvre: Je suis parfaitement d'accord avec vous. Puis, en ce sens-là, moi, je pense que nous avons une responsabilité collective de part et d'autre, le gouvernement actuel, le gouvernement précédent, dans les bons coups, donc dans ce qu'on a pu faire de bien, mais aussi dans ce qu'on peut améliorer, puis ça, c'est définitif. C'est pour ça aussi que le travail qu'on fait ici est très important puis que l'opposition officielle apporte son soutien au gouvernement dans l'élaboration d'une future politique sur le racisme et la discrimination.

Mais j'aimerais quand même que vous nous indiquiez pourquoi c'est si important. Vous avez souligné tout à l'heure que la mission globale n'était pas assez financée. Puis la politique de reconnaissance de l'action communautaire autonome a été adoptée pour faire en sorte que les organismes communautaires soient reconnus d'une part dans leur action et leur autonomie, mais également que le financement à la mission soit accordée pour permettre le fonctionnement mais aussi des projets ensuite puis des programmes particuliers. Donc, pourquoi c'est important? Parce que le ministère ne respecte pas actuellement le financement de la mission globale. Et pourquoi pour vous ce serait important?

Mme Ménard (Andrée): Bien, pour nous, c'est essentiel parce que la mission globale, c'est le financement de base que ça finance. Donc, même si on a tous les meilleurs programmes au monde, si on n'arrive pas à payer les postes qui ne sont pas financés par des programmes, alors on ne peut vraiment plus fonctionner. Donc alors, ça, c'est vraiment, nous, on est très contents de travailler avec le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles, mais cette partie-là, on en souffre parce qu'on l'a eu et on l'a perdu ? alors dans le cas de PROMIS en tout cas et de beaucoup d'autres ? alors que c'est une politique gouvernementale que tous les ministères doivent respecter.

Mme Lefebvre: Et, quand vous dites que vous l'avez eu et perdu...

Mme Ménard (Andrée): On a déjà eu 15 000 $ par année, oui, du ministère.

Mme Lefebvre: Donc, vous avez connu des coupures?

Mme Ménard (Andrée): Bien, à un moment donné, ça a été coupé, oui.

Mme Lefebvre: O.K. Mais je trouve ça surprenant parce qu'à titre indicatif le gouvernement du Québec reçoit, en vertu de l'Accord Canada-Québec sur l'immigration, 189 millions de dollars, et c'est en nette augmentation depuis trois ans. Et le ministère a connu des coupures importantes. On est financés seulement maintenant à 106 millions de dollars. Là, que vous me disiez que votre organisme a été coupé, je considère que ça cause un problème, ça.

Mme Ménard (Andrée): ...d'autres, on n'est pas les seuls.

M. Guene (Moussa): C'est au niveau des ports d'attache.

Mme Ménard (Andrée): C'est au niveau des ports d'attache parce que notre port d'attache, nous avons... C'est parce que nous avions deux... c'est-à-dire, on était financés par deux endroits. On a choisi le ministère, celui-là, parce que c'était le plus proche de notre mission, et dans le fond ça nous a pénalisés. Mais, écoutez, ce n'est pas... Ça, on l'a fait avec d'autres tribunes. Tu sais, je ne veux pas passer beaucoup de temps là-dessus parce que je l'ai mentionné comme ça en passant, mais ça, cette discussion-là, très approfondie et soutenue, nous la faisons à l'intérieur de d'autres tribunes.

Moi, je voulais juste ajouter, si vous me le permettez, Mme la Présidente, pour revenir à la question précédente pourquoi...

La Présidente (Mme Caron): ...conclusion.

Mme Ménard (Andrée): Pour la conclusion.

La Présidente (Mme Caron): Et ce sera votre conclusion.

n (11 h 50) n

Mme Ménard (Andrée): Bien. Pourquoi ça prend plus de temps et de ressources financières et humaines pour développer l'emploi? L'exemple qu'on peut donner, nous, qu'on vit chez nous, c'est qu'il y a un programme qui fonctionne très bien, c'est l'insertion en emploi. Parce qu'on est en lien avec des entrepreneurs et on réussit à les convaincre que c'est bon d'employer des immigrants. Alors, ça, c'est vraiment à développer. Mais voyez-vous, c'est Emploi-Québec, là, qui le finance, mais dans le fond c'est une participation du MIC aussi au niveau des fonds. Alors, voyez-vous, c'est que, nous, on a deux intervenantes, leur quota pour faire ça, et ça prend ce temps-là pour le faire, c'est 20. Donc, nous, on dépasse le quota. Mais, s'il y a plus d'argent dans ce programme-là, je vous assure, il fonctionne. Alors, s'il y a de l'argent à mettre quelque part...

Mme Lefebvre: Quel programme?

Mme Ménard (Andrée): Hein?

Mme Lefebvre: C'est quel programme?

Mme Ménard (Andrée): Insertion en emploi.

Mme Khassime (Soumia): Immersion professionnelle.

Mme Ménard (Andrée): Immersion professionnelle.

Mme Khassime (Soumia): L'immersion professionnelle.

La Présidente (Mme Caron): Bien, merci infiniment, mesdames, monsieur de PROMIS. Alors, je suspends quelques minutes pour que vous puissiez quitter et qu'on puisse accueillir le groupe de la Fondation canadienne des relations raciales. Merci.

(Suspension de la séance à 11 h 51)

(Reprise à 11 h 52)

La Présidente (Mme Caron): Nous reprenons nos travaux. Alors, j'invite la Fondation canadienne des relations raciales à prendre place, s'il vous plaît. Alors, nous vous accueillons à nouveau, Mme Andrée Ménard, avec un autre chapeau, comme présidente par intérim. Et je vous demande de présenter les deux personnes qui vous accompagnent.

Fondation canadienne des
relations raciales (FCRR)

Mme Ménard (Andrée): Oui, avec plaisir, et sur ce je vais commencer comme il faut. Bon, alors, moi, je suis la présidente par intérim du conseil d'administration de la fondation. À ma gauche, on a le nouveau directeur général qu'on attendait depuis longtemps, M. Ayman Al-Yassini, et, à ma droite, M. Sandy Yep, qui est le directeur des programmes d'éducation et de formation.

La Présidente (Mme Caron): Bienvenue à vous trois, et mêmes règles que tantôt: vous avez un 15 minutes pour présenter votre mémoire, suivi d'une période d'échange avec les deux formations politiques.

Mme Ménard (Andrée): Bon, comme je vais laisser beaucoup de temps pour la présentation des recommandations, moi, je vais être très brève dans la présentation de la fondation. Là, j'ai l'expérience de l'autre, hein?

Alors, on vous remercie beaucoup d'abord de nous avoir invités. Nous sommes très contents d'être ici. Et la fondation, c'est un organisme canadien, c'est pancanadien, qui s'est engagé à instaurer un cadre national de travail consacré à la lutte contre le racisme et toutes les formes de discrimination raciale au sein de la société canadienne. Et la fondation, depuis sa fondation, a entrepris différentes actions et a assumé un rôle de chef de file dans la lutte pour éliminer le racisme autant au Canada qu'au niveau international, que ce soit dans les domaines de l'éducation, du maintien de l'ordre, en favorisant le dialogue entre les collectivités et en contribuant à la compréhension des répercussions du racisme.

Bon. Nous, notre préoccupation à ce forum se fait à titre de partie intéressée au débat et dotée d'un mandat consistant à influencer les politiques publiques. C'est notre mission. Donc, nous désirons, par le biais de cette présentation, mettre l'accent sur certains problèmes et champs d'action critiques dont le gouvernement du Québec doit tenir compte dans son initiative visant à dégager des lignes directrices permettant d'établir une politique de lutte contre le racisme et la discrimination. Ce mémoire passe en revue les champs clés qui révèlent à nos yeux une importance cruciale dans l'approche générale visant à élaborer une politique antiraciste au Québec. Bon, vous avez une présentation détaillée dans le document. Donc, je passe la parole à Ayman.

M. Al-Yassini (Ayman): Merci, Mme la présidente, Mme Ménard. Mme la Présidente, Mme la ministre, membres du comité, c'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous, surtout que j'ai été engagé comme directeur général il y a juste deux semaines. Cela dit, c'est ma première rencontre avec un comité parlementaire.

La Présidente (Mme Caron): Félicitations!

M. Al-Yassini (Ayman): Merci. Si je peux élaborer un peu sur qu'est-ce que notre présidente, Mme Ménard, a déjà mentionné concernant la fondation, notre organisation est active à plusieurs niveaux: le niveau international et le niveau national. Dans le cadre de notre contribution à la Conférence mondiale contre le racisme, en 2001, à Durban, en Afrique du Sud, notre fondation a consulté les ONG canadiens pour produire la déclaration de principe, la présenter au Forum des ONG.

À la suite de la conférence mondiale de Durban, notre fondation a tenu, en septembre 2002, une conférence nationale à Edmonton, Alberta, afin de consulter les ONG au sujet de la portée nationale de la mise en oeuvre de programmes d'action de Durban et le développement d'un plan national contre le racisme.

L'année suivante, 2003, notre fondation a agi à titre d'interlocutrice, lors de la visite, au Canada, de rapporteurs spéciaux des Nations unies, et a assuré la coordination de la participation de la société civile aux différentes tables rondes et consultations tenues à travers le pays en présence de rapporteurs spéciaux. Ça, c'est juste deux exemples pour situer les activités de la fondation.

Qu'est-ce que j'aimerais faire, dans les prochaines quelques minutes, c'est adresser la terminologie qui a été utilisée dans le document de consultation, parce que la terminologie, c'est assez important: la définition de «race», «communauté culturelle», etc. Et après ça j'aimerais parler d'une question du vécu, de l'expérience des communautés visées vis-à-vis le racisme institutionnalisé et la question de racisme en général. Et, tout de suite après, je vais demander à mon collègue, M. Sandy Yep, d'élaborer sur l'impact du racisme sur l'emploi et d'autres domaines dans la société.

Pour la terminologie, si on parle de «race», «racisme» et «discrimination raciale», dans toute l'approche destinée à analyser un problème, la terminologie joue un rôle assez important. Nous sommes d'accord avec le document de consultation pour dire que le terme «race» ne réfère pas à une réalité biologique. Ça, aujourd'hui, c'est fini, cette référence-là à une réalité biologique, à cause de toute l'immigration et migration, transformation globale. Il s'agit d'un concept social et psychologique qui a des répercussions concrètes sur la vie des gens et leurs réalités quotidiennes.

Nous sommes aussi d'accord avec le document de consultation à savoir que ce ne sont pas toutes les formes d'inégalité ou de traitement différentiel vécues par les immigrants ou les communautés culturelles qui peuvent être adéquatement classées en tant que racisme ou discrimination raciale. Mais pourtant le traitement différentiel, l'inégalité d'accès en matière d'emploi, de revenus et de l'éducation, la marginalisation ou l'exclusion vécues par des personnes ou des groupes racisés est en réalité bien fondée. Il faut l'accepter, cette réalité-là, il faut le dire, qu'il y a une réalité de racisme qui existe, et je ne pense pas que ça nous aide de nier ou camoufler la terminologie ou réalité de racisme.

n (12 heures) n

Il y a des groupes qu'on appelle des groupes racisés. De façon conséquente avec la compréhension de la race en tant que concept social, l'expression «groupe racisé» utilisée pour désigner les groupes de personnes visées est préférée au terme «minorité raciale», ou «minorité visible», ou «gens de couleur», parce que, quand on parle des groupes racisés, il y a le processus de racialisation, ce processus selon lequel les groupes sont désignés différents et par conséquent sont sujets à un traitement inégal et différentiel. Dans le contexte actuel, les groupes racisés comprennent ceux qui sont exposés à des traitements différentiels en raison de leur race, leur origine ethnique, leur langue ou d'autres facteurs, mais ces gens-là sont mis dehors du système. C'est ça, le problème, c'est-à-dire que c'est un processus de racialisation qui élimine une partie de la société qui les met hors du système.

Le racisme est la croyance qu'une race est supérieure à une autre. Quand on dit que le racisme a fini ou a terminé avec la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec les nazis et tout, pas du tout. Malheureusement, le racisme existe jusqu'à aujourd'hui, et il y a beaucoup de manifestations... différentes manifestations de ce phénomène. Il faut le combattre.

Notre recommandation, Mme la Présidente, c'est: une politique destinée à remédier au racisme et à la discrimination raciale doit remettre en question la dynamique de pouvoir et de privilège, parce que, quand on parle de racisme, il y a un concept de pouvoir. Un groupe qui est raciste a le pouvoir; ça, ça produit des problèmes. Et c'est ça, notre intérêt ici: c'est comment on peut travailler pour éliminer le racisme comme un concept et également, après ça, éliminer le processus institutionnel qui encourage le racisme.

L'objectif de réaliser la pleine participation des Québécois doit comprendre, dans son approche, la transformation ultime de la société québécoise avant de favoriser la participation pleine et entière de tous ses membres.

Il y a la question de l'identité: Qui est un Québécois? Ça, c'est une question qui me fascine, surtout que j'ai vécu à Québec, ici... Je suis venu en 1968 et j'ai passé par tout le processus de transformation et je m'identifie comme un Québécois. Est-ce que les autres m'identifient comme un Québécois? C'est ça, notre défi, il faut le traiter.

Notre recommandation, c'est que la ministre ou le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles devrait lancer une campagne de sensibilisation publique afin d'élargir la définition de Québécois et débattre de la notion traditionnelle en vue d'intégrer la diversité raciale, ethnique et culturelle représentée dans la société du Québec d'aujourd'hui.

Le document de consultation met l'accent sur le rôle essentiel des préjugés et de la discrimination comme racine de la problématique de racisme. Il est important que le gouvernement traite des préjugés et de la discrimination raciale comme aspect catalyseur de racisme et demeure vigilant en adoptant des mesures pour changer le comportement des personnes faisant preuve de discrimination. Par contre, l'absence de toute attention et priorité portée au racisme institutionnel et systémique est une faiblesse cruciale. Il faut l'adresser, cet aspect de racisme institutionnel.

Finalement, la question de l'utilisation des termes «minorité ethnique», «visible», «culturelle» d'une façon interchangeable, on a beaucoup de difficulté avec cette utilisation, parce que le vécu des immigrants italiens, d'origine italienne, les immigrants allemands, la communauté culturelle autrichienne ou d'autres origines, ce n'est pas la même chose comme l'expérience des Africains. Ce n'est pas le même genre d'expérience comme les Haïtiens, c'est-à-dire vraiment il faut nuancer la terminologie et qu'on ne mette pas tout le monde dans le même bagage et dire: Voilà les communautés culturelles. Non. Il y a des différences, même il faut nuancer l'expérience des Haïtiens de celle des Africains, celle des Arabes. Merci, je vais arrêter à ce point-là et céder la parole à mon collègue, M. Sandy Yep.

La Présidente (Mme Caron): Il reste trois minutes.

M. Yep (Sandy): Trois minutes? O.K. Alors, je vais juste tout de suite dire que la terminologie est tellement importante pour la Fondation canadienne des relations. Un de nos mandats importants, c'est de mettre sur pied un dialogue à travers le Canada sur la question de racisme, mais, quand on parle de racisme, il faut vraiment utiliser la terminologie. On dit: Nommez le racisme comme tel. D'après notre travail, il paraît qu'à travers le Canada, incluant le Québec, il y a un certain déni et diminution de la réalité du racisme. Alors, si on veut vraiment traiter la question, il faut vraiment avoir le courage et l'emphase d'utiliser les mots comme tels.

Alors, dans ce sens-là, il faut aussi évaluer la terminologie dont on utilise pour se définir. C'est pourquoi on met, dans notre rapport, la question de la définition d'un Québécois. Dans un Québécois d'aujourd'hui, il devrait y avoir tous les positifs, mais aussi essayer d'inclure les groupes racisés dans le même sens.

Quand je fais du travail en éducation et en formation, il me trouve que, dans le système scolaire, on utilise les termes comme «diversité», «multiculturalisme», «interculturalisme» interchangeables, mais, quand j'essaie de voir si on traite vraiment l'aspect des préjugés et du racisme, il paraît que ce n'est pas bien fondé. On pense que le multiculturalisme ou l'interculturalisme va traiter la question du racisme. Alors, pour nous autres, si on veut aller plus loin pour vraiment toucher la question, c'est ça, la question, il faut nommer la race.

Et dernière chose pour nous autres: je ne vais pas passer aux recommandations des différents secteurs, mais c'est surtout le racisme institutionnel qui touche tout le système, les pratiques, les programmes, au-delà des préjugés directs. Alors, c'est de ça qu'il est important pour la fondation, c'est-à-dire l'aspect institutionnel. Mais, si vraiment on veut toucher une politique sur le racisme, il faut clairement intégrer les réalités distinctes qui font face les groupes racisés, c'est-à-dire: l'expérience du racisme des personnes d'origine africaine diffère de celle des personnes d'origine asiatique, diffère des personnes... des peuples autochtones au Canada et au Québec.

Cette analyse est démontrée par une recherche qu'on a soutenue sur la discrimination systémique dans l'emploi, et je cite: «Les problèmes de discrimination dans les comportements sociaux informels vécus au travail peuvent différer pour les autochtones, les Noirs et les personnes d'origine asiatique ou du sud de l'Asie, de même que pour les immigrants, en comparaison des Canadiens de souche, ainsi que pour les femmes en comparaison des hommes.»

Alors, pour nous autres, un plan d'action sur le racisme doit mettre à l'avance la problématique et les difficultés des victimes visées et doit être ancré dans l'histoire, c'est-à-dire comment une histoire se manifeste dans le contemporain, et aussi il doit prendre en conscience les variables entrecroisées de la race et d'autres facteurs identitaires comme le gendre, l'âge, l'orientation sexuelle, le statut social, le statut immigrant, la culture, etc., afin de comprendre la complexité du problème du racisme et l'oppression qui est vécue au sein de ces groupes et entre eux.

La Présidente (Mme Caron): Je vous remercie beaucoup, Mme Ménard, M. Yassini, M. Yep. Je passe immédiatement la parole à la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles.

Mme Thériault: Merci, Mme la Présidente. M. Yassini, M. Yep, Mme Ménard, merci d'être avec nous, ce matin. Je suis convaincu que vous avez certainement beaucoup d'expériences à partager. La Fondation canadienne des relations raciales existe depuis quand même un petit peu plus que 15 ans, si je ne m'abuse. Donc, il est évident que vous avez certainement déjà des outils qui pourraient certainement nous aider à continuer de lutter contre la discrimination et le racisme.

n(12 h 10)n

Je reviendrai sur ce que vous avez dit, M. Yep. Il est évident que, si, aujourd'hui, on est assis en commission parlementaire et qu'on parle de se doter d'une politique de lutte contre le racisme et la discrimination, je crois que le gouvernement a réellement fait une prise de conscience lorsqu'on regarde les différentes données que nous avons, notamment au niveau du taux de chômage qui est beaucoup plus élevé chez différents groupes que chez la population native, de souche, on va le dire comme ça, donc il est évident que c'est parce qu'on est conscients qu'il y a déjà une problématique.

D'ailleurs, nous serons la première province canadienne à se doter d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination, une politique gouvernementale donc qui va interpeller tous les acteurs du gouvernement et non pas que notre ministère. Et, moi, je crois sincèrement que, depuis le début, nous avons toujours nommé un chat, un chat. Quand je me promenais... Bon, moi, je pense que, quand on parle de racisme, on parle de racisme. Quand on parle de discrimination, c'est de la discrimination. Des préjugés, c'est des préjugés. C'est évident que les définitions peuvent varier d'une région à l'autre peut-être selon nos perceptions, mais on a pris soin, dans le document de consultation, juste pour que tout le monde parte sur la même base, de s'entendre sur certaines définitions, dont notamment le racisme, la discrimination systémique ou institutionnelle, mais systémique quand c'est dans le système. Donc, je pense qu'on est quand même très, très d'avant-garde par rapport à d'autres provinces de vouloir se doter d'une politique comme ça et je pense qu'on appelle déjà un chat un chat.

Je voulais peut-être préciser... parce que vous avez une de vos recommandations qui dit que l'Assemblée nationale doit adopter des lois pour reconnaître officiellement le mois de février comme étant le Mois de l'histoire des Noirs. Ça me fait plaisir de vous apprendre que le projet de loi a été déposé hier, en Chambre. Donc, j'ose imaginer qu'avec la collaboration de l'opposition on ne devrait pas avoir trop de difficulté à faire reconnaître le mois de février comme étant le Mois de l'histoire des Noirs.

Vous avez, aujourd'hui, un bel exemple de ce que les médias peuvent faire ou pas, puisque c'est un projet de loi qui est public, qui a été déposé hier. Vous savez que nos débats sont diffusés. Vous savez qu'il y a plein de médias qui sont là, tout le monde écoute, et, étrangement, il y avait zéro, zéro, zéro ligne dans les médias, aujourd'hui, qui parlait du Mois de l'histoire des Noirs qui serait reconnu par l'Assemblée nationale.

Donc, j'aimerais peut-être vous entendre sur la part des médias, parce que vous parlez des médias aussi dans le rôle qu'ils ont à jouer. Parce qu'effectivement on a plus tendance à parler des choses qui sont négatives, parce que ça, c'est très vendeur, que de parler des belles initiatives qu'un gouvernement ou que différentes institutions ou groupes peuvent mettre de l'avant. Ça fait que j'aimerais ça vous entendre par rapport aux médias. De quelle façon on pourrait les mettre à contribution? Vous savez qu'ils ne sont pas faciles, hein, non plus. Nous, on le voit comme politiciens, mais je pense qu'on a un bel exemple, ici, où justement il y aurait des médias qui auraient pu reprendre la nouvelle du dépôt du projet de loi hier, surtout qu'il y a un communiqué qui a été envoyé, et qu'étrangement, dans tous les grands médias nationaux, zéro ligne.

M. Yep (Sandy): Bon. Merci. Oui, il faut féliciter le gouvernement de Québec: sous votre direction, il a mis sur pied cette implantation d'un programme et politique sur le racisme. C'est vraiment quelque chose de notre part à soutenir, pas seulement à travers le Canada, mais à travers le monde dans le sens où vous avez un gouvernement qui va vraiment traiter les questions. Le seul petit aspect que je veux juste ajouter à ça, d'après notre analyse du document de consultation, il semble qu'il mette un peu plus l'accent sur les préjugés et la discrimination ou les discriminations raciales au lieu de vraiment traiter, toucher et parler des questions du racisme. Donc, on utilise une analyse un peu plus différente, c'est-à-dire introduire la terminologie qui touche les questions. Juste une parenthèse à ça, mais je vous félicite.

En ce qui concerne les médias et l'éducation, félicitations pour nommer le mois de février pour l'histoire des Noirs. Mais, pour nous autres, il faut avoir une année. Comment est-ce qu'on peut traiter l'histoire du Canada ou Québec dans un mois? Il faut passer devant... il faut reconnaître les contributions mais il faut passer encore plus loin pour voir un curriculum, une histoire qui est inclusive à travers tous les groupes. Mais excellente étape.

Les médias, c'est surtout un autre défi. Pour nous autres, à la fondation, on faisait de l'analyse sur comment les médias traitent les questions des minorités visibles et des personnes racisées, et, d'après nous, il nous semble qu'au-delà des sports et du «entertainment» il semble que, des personnes racisées, ils brossaient un tableau tellement négatif que les choses positives ne passent pas vraiment aux médias. Alors, il semble que les médias ont un discours qui encore renforce le racisme envers différents groupes. Par exemple, on peut prendre l'exemple d'Oka, etc. Quel genre d'image on va projeter de cette crise? Alors, pour nous autres, c'est vraiment un défi pour essayer de suggérer que les médias devraient faire une balance, un portrait qui est plus égal.

M. Al-Yassini (Ayman): Mme la ministre, une de nos recommandations dans notre mémoire, c'est que le gouvernement du Québec déclare ou adopte une campagne publicitaire pour la promotion des communautés culturelles, que le Québec d'aujourd'hui, ce n'est pas un Québec qui est limité à un certain groupe ethnique. Ça, c'est un élément dans cette campagne-là: que le Québec d'aujourd'hui, c'est un Québec inclusif.

Le deuxième élément dans notre recommandation concernant les médias et la sensibilisation du peuple en général, c'est de montrer qu'il y a un rôle comme de modèle, là, que, les jeunes noirs, arabes, asiatiques, autochtones aussi, il y a des membres de leurs communautés qui sont là, à l'Assemblée nationale, dans le domaine d'affaires, dans tous les secteurs. Ça, ça donne de la fierté aux individus et ça donne aussi un point de référence pour dire: Si Mme Houda-Pepin, par exemple, ou d'autres députés, ou... sans doute ? absolument, c'est notre députée aussi ? a réussi, moi aussi, je peux réussir. Et vraiment ça, c'est l'approche de l'inclusivité.

Sans doute, les médias sont indépendants, et le gouvernement n'a aucun contrôle, mais il y a le Conseil de presse qui peut jouer un rôle et continue de jouer un rôle assez actif pour surveiller les médias. Mais c'est la communauté, les groupes culturels, et tout qui devraient... qu'ils soient vigilants aussi.

La Présidente (Mme Caron): Mme la députée de Nelligan.

Mme James: C'est fini, hein?

La Présidente (Mme Caron): Une minute.

Mme James: Une minute? Alors, question-réponse très rapide. Merci beaucoup, j'apprécie vraiment votre présentation, surtout que vous avez la perspective canadienne, ça nous permet un peu de voir ce qui se fait ailleurs. C'est sûr qu'on est fiers de voir que nous allons être la première province du Canada qui aura adopté une politique comme celle-là, mais j'ai noté que vous vous reposez beaucoup sur l'expérience ontarienne à l'égard de ce que leur commission a déposé: un avis sur une politique puis des directives. Pourquoi vous avez mis tant d'emphase là-dessus? Je ne suis pas très familière de ce qui se fait là, en Ontario, spécifiquement. Puis, si vous avez d'autres bonnes pratiques, hein, qui se font ailleurs à nous donner, brièvement. Je sais qu'on n'a pas beaucoup de temps, mais je souhaitais au moins vous donner la possibilité. Et je vous félicite pour votre nomination, directeur général, en passant.

n(12 h 20)n

M. Yep (Sandy): La Commission des droits de la personne d'Ontario a mis sur pied une politique sur le racisme systémique, alors ce qui leur a donné le pouvoir d'investiguer la problématique des institutions par rapport à l'impact de leurs programmes et pratiques. Par exemple, ils ont trouvé que le Safe Schools Act, qui est un «act» qui... la sécurité dans l'école, avait un impact négatif envers les personnes racisées et les personnes handicapées. Et puis ils ont jugé, après cette enquête, que cette application apparemment «neutral» de cet «act»-là a poussé beaucoup de ces minorités dans des situations défavorisées, perte d'écoles. Alors, ce qui est intéressant... Pourquoi on le cite? C'est la première commission qui a touché vraiment la question systémique. Alors, le système évidemment touche tous les individus, incluant les actes individuels, alors c'est la première chose. La deuxième chose qui est intéressante: la commission ? Canadian Human Rights Commission ? a le pouvoir d'investiguer le manque des atteintes des cibles de ce programme d'accès à une égalité. Alors, ce pouvoir-là maintenant donne une certaine urgence auprès des gouvernements et des organismes qui font affaire avec le gouvernement, par exemple les banques, de vraiment avoir un bon programme d'accès à une égalité, sinon elle peut faire une enquête pour demander: Pourquoi est-ce que vous avez manqué vos cibles? Alors, pour moi, ce sont deux bons exemples, et surtout pourquoi on traite...

Une voix: ...

M. Yep (Sandy): Oui. Bon, vous comprenez.

La Présidente (Mme Caron): Merci, M. Yep. Alors, nous allons du côté de l'opposition officielle, la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'immigration et de communautés culturelles, la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mme Ménard, à nouveau bonjour. M. Al-Yassini, félicitations à nouveau pour votre nomination, et M. Yep, bonjour. C'est très intéressant. J'aimerais poursuivre sur les débats qui viennent d'être lancés sur les mécanismes qu'on pourrait se donner, notamment ici. Est-ce que la Commission des droits de la personne pourrait être... Est-ce qu'on pourrait accorder des nouveaux pouvoirs ou des nouvelles responsabilités à la commission en vue d'assurer un suivi de certaines politiques? Notamment, l'enquête sur le racisme systémique, est-ce que ça a été fait pour l'ensemble des programmes? J'aimerais avoir plus de détails. Puis aussi, sur les cibles à atteindre, est-ce que, bon, par exemple, la commission pourrait avoir ce mandat-là de pouvoir aller de l'avant?

Mme Ménard (Andrée): Bien, c'est sûr que c'est une piste intéressante que la Commission des droits de la personne soit impliquée là-dedans, et c'est peut-être un moyen concret pour inciter les médias, justement... à dire: Bien, vous ne parlez, la plupart du temps, que des mauvais coups, vous ne parlez pas des bons coups, et il y en a. Alors, je pense que, oui, là c'est une piste intéressante, concrète qui pourrait faire que.... c'est un moyen qui pourrait faire changer parce qu'elle a quand même... elle est connue, la Commission des droits de la personne, elle est écoutée, enfin c'est sérieux. Alors, oui, je pense que c'est une piste beaucoup à développer.

M. Al-Yassini (Ayman): Et aussi, avant d'être nommé à la fondation, j'ai passé à peu près 12 ans comme commissaire et coordonnateur à la Commission du statut de réfugié. Et, si j'ai pris une leçon de ces 10 ans ou 12 ans comme commissaire et coordonnateur, c'est la question du processus de nomination et la qualité des commissaires. Ça dit, notre recommandation ou mon opinion, que c'est très important d'identifier des gens de compétence pour jouer un rôle de commissaire dans la commission, de donner des programmes de formation sur toutes les questions, pas juste l'aspect juridique, mais aussi concernant la sensibilisation vis-à-vis des communautés culturelles, les races, le vécu de racisme. Ça, c'est un aspect, je pense... il faut le renforcer dans la Commission des droits de la personne.

Mme Lefebvre: Juste pour clarifier, parce qu'on n'a pas beaucoup parlé justement de l'aspect, bien, des institutions fédérales, puis c'est vrai que c'est une perspective intéressante que vous apportez, mais, au niveau de la commission donc... parce que les nominations se font sur les compétences?

M. Al-Yassini (Ayman): Sur les compétences, sans doute, et il y a les tribunaux administratifs du Québec. Oui, je suis d'accord avec ça, mais, ici, je parle de la formation continue des commissaires.

Mme Lefebvre: Pour renouveler les pratiques.

M. Al-Yassini (Ayman): Oui.

Mme Lefebvre: Vous vouliez ajouter, monsieur?

M. Yep (Sandy): Juste un point un peu différent. On essaie, à la fondation, d'étudier la question de toute la collection de statistiques basées sur la race et, d'après nous, c'est quelque chose à considérer dans le sens où, si on essaie de prendre des statistiques basées sur... Par exemple, c'est utilisé aux États-Unis que les policiers disaient qu'on ne fait pas de racisme de profilage. Par contre, ils ont institué une loi qui les oblige à prouver ou à noter quand ils ont arrêté différentes personnes en nommant la couleur de peau. Controversé. Mais l'effet, c'est de dire que, si on ne pratique pas le racisme, est-ce qu'on est prêts à le prouver? Et, si on dit qu'il n'y a pas d'application impartiale de notre pouvoir, on peut maintenant prouver par ce genre de statistiques, alors...

Mme Lefebvre: ...ce serait en quelque part une petite discrimination positive, dans le fond, en inscrivant?

M. Yep (Sandy): Ce n'est pas vraiment de la discrimination positive, c'est de voir... c'est d'essayer de faire des preuves quantitatives par rapport à nier le racisme. Et Kingston, la police de Kingston est la première au Canada à l'utiliser. Je sais que la Commission des droits de Québec a essayé d'étudier la question. Mais maintenant on essaie de voir si on peut utiliser les statistiques basées sur la race dans d'autres secteurs, même dans l'école, même dans la police, par exemple, pour voir si l'application de votre programme a un impact négatif sur des groupes. Alors, par exemple, pour l'Ontario, s'ils ont essayé de juger que le Safe Schools Act avait un impact négatif, c'est basé sur certaines statistiques basées sur la race. Alors, ce qu'on met dans notre position, c'est de considérer ça comme un outil possible pour vraiment traiter la question de racisme.

Mme Lefebvre: Mais je pense que c'est vraiment intéressant. Je l'avais, moi, d'ailleurs souligné, cet outil qui pourrait permettre justement la collecte de statistiques. Parce que plusieurs organismes et groupes sont venus nous parler de l'importance de faire des bilans annuels, vous l'inscrivez également, l'importance de faire les bilans puis d'être capables de mesurer et quantifier pour dans le fond arriver à trouver des solutions puis savoir qu'est-ce qui fonctionne bien et ce qui fonctionne moins bien.

Je sais que le temps s'écoule et s'achève. Vous avez parlé brièvement du profilage racial. Si vous aviez une ou deux recommandations à faire pour s'assurer qu'il n'y en ait pas, rapidement, j'aimerais vous entendre sur cette question-là qui est une question fort complexe, je le sais. Vous en avez fait une par rapport à cet outil?

M. Yep (Sandy): Si on va étudier la question, il faut avoir une approche plus globale pour voir s'il y a de l'impact sur d'autres secteurs dans la sécurité, même dans les douanes, même dans la sécurité privée, par exemple dans les métros. Alors, si on va toucher la question de profilage racial, c'est non seulement les policiers, mais d'autres systèmes qui maintiennent l'ordre et la sécurité. Juste, c'est question d'étude.

Mme Ménard (Andrée): Nous autres aussi, on l'avait. C'est très important. Nous autres, c'est profilage racial zéro. Donc, il faut prendre les moyens pour qu'il n'y en ait pas, c'est-à-dire il faut sévir, hein, si... Quand on le sait, il faut vraiment prendre des moyens concrets pour que ces gens-là soient... enfin, comprenez-moi bien, pour qu'ils ne le fassent plus et qu'on sache que ce n'est pas permis dans notre société, le profilage. Le profilage zéro, nous autres aussi, tant à la fondation qu'à PROMIS là, c'est une priorité vraiment à laquelle il faut s'attaquer.

Mme Lefebvre: Je pense que je peux parler en notre nom collectif que c'est une priorité pour tout le monde puis c'est quelque chose de carrément inadmissible. Bien, je pense que mon temps est écoulé. Je vous remercie beaucoup de vos différentes propositions puis je suis persuadée qu'elles trouveront écho dans la rédaction de la politique et du plan d'action.

La Présidente (Mme Caron): Alors, merci beaucoup, Mme Ménard, M. Al-Yassini, M. Yep. Et ceci met fin à nos travaux.

J'ajourne les travaux de la commission à mardi 24 octobre 2006, à 9 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, alors que la commission poursuivra ses audiences publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

(Fin de la séance à 12 h 30)


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