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Version finale

37e législature, 2e session
(14 mars 2006 au 21 février 2007)

Le mardi 31 octobre 2006 - Vol. 39 N° 35

Consultation générale sur le document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination


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Table des matières

Auditions

Autres intervenants

 
M. Bernard Brodeur, président
M. Daniel Turp, vice-président
Mme Lise Thériault
Mme Elsie Lefebvre
M. Léandre Dion
Mme Yolande James
Mme Jocelyne Caron
* Mme Catherine Légaré, CEB
* Mme Émilie Robert, idem
* Mme Aoua Bocar Ly, FAH2015
* Mme Marie-Claude Manga, idem
* M. Maurice Nguepe, idem
* M. Alix Laurent, Images interculturelles
* M. Alfred Pilon, idem
* M. Christopher McAll, idem
* Mme Marie Leahey, CRE de Montréal
* Mme Alice Herscovitch, idem
* Mme Michèle Glémaud, Carrefour de lutte au décrochage scolaire
* M. Pierre Gosselin, idem
* Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Neuf heures trente-quatre minutes)

Le Président (M. Brodeur): À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc débuter nos travaux. Et, comme à l'habituel, je demande à ceux qui ont des téléphones cellulaires de bien vouloir éteindre leur sonnerie, s'il vous plaît.

Donc, la commission est réunie aujourd'hui afin de poursuivre les auditions publiques dans le cadre de la consultation générale à l'égard du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination.

Tout d'abord, M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Moreau (Marguerite-D'Youville) est remplacé par M. Bernard (Rouyn-Noranda?Témiscamingue).

Auditions

Le Président (M. Brodeur): Merci. Donc, nous allons entendre, aujourd'hui, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, nous allons recevoir, dans un premier temps, M. François Mc Cauley, qui est déjà installé, je crois. Donc, bienvenue en commission parlementaire. Il sera suivi de M. Aroll Exama, de M. Jean-Philippe Trottier, de la Corporation Éducentre de Bois-de-Boulogne, Femmes africaines, Horizon 2015. Je fus dérangé par mon cellulaire qui vibre sur moi, mais au moins la sonnerie est éteinte. Et, en après-midi, nous allons entendre Images interculturelles, la Conférence régionale des élus de Montréal et Forum jeunesse de l'île de Montréal, et le Carrefour de lutte au décrochage scolaire.

Donc, nous sommes prêts à entendre M. Mc Cauley. Je vous rappelle les règles de la commission parlementaire. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous le jugez à propos, et ce sera suivi par une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, la parole est à vous.

M. François Mc Cauley

M. Mc Cauley (François): Merci beaucoup. Merci... Je ne sais pas quelle est la hiérarchie de la politesse, alors je vais dire: Merci, Mme le ministre, merci, M. le Président et membres de la commission.

Membre de souche de la société québécoise, qui est de plus en plus multiethnique, multiculturelle et religieuse, composée de groupes divers qui doivent être accueillis avec leurs richesses mais qui doivent aussi avoir l'obligation d'apprendre à vivre ensemble dans le respect de l'État de droit en cherchant activement l'intégration à des valeurs communes et non le repli identitaire, je voudrais m'attacher à quelques considérations sur certains écueils qui, me semble-t-il, doivent être évités pour ne pas tomber dans les intérêts particuliers, la partisanerie et pour que soit respecté le bien commun au-dessus des particularités, si légitimes soient-elles.

Premièrement, je le reconnais, le racisme, la discrimination, la xénophobie existent au Québec et existent en Occident, mais toutes les cultures, les ethnies, les religions ont à faire leur examen de conscience vis-à-vis de leurs relations discriminatoires vis-à-vis de leurs minorités. Rapidement, les Coréens, paraît-il, ne sont pas très bien traités au Japon, les chrétiens ont de plus en plus de difficultés à vivre dans les pays arabo-musulmans, etc.

Donc, il faudrait éviter d'accepter sans critique l'affirmation faite par certains... J'emploie beaucoup «certains» parce que je ne veux pas être discriminatoire en mettant tout le monde dans le même sac. Alors, il faudrait éviter d'accepter sans critique l'affirmation faite par certains que la société québécoise de souche est raciste. Certes, il y a des racistes, des gens qui font de la discrimination, mais il serait aussi discriminatoire de dire: Les Québécois de souche sont racistes, que de dire: Tous les arabo-musulmans sont des terroristes. Le Québec et les Québécois, malgré leurs défauts, constituent une des sociétés les plus accueillantes du monde, où la liberté de parole, de presse, d'association, de religion sont réelles et peuvent être défendues par les chartes, lois, tribunaux, commissions des droits de la personne.

Certes, il y a des racistes, au Québec, des xénophobes, mais il y a aussi des racistes et des xénophobes dans d'autres communautés. Je vous donne un petit exemple. Je viens de Sherbrooke, qui est quand même une région périphérique, et nous avons accueilli, au cours des années, à peu près 1 800 réfugiés serbes. Ça s'est relativement bien passé. Mais, quand les réfugiés kosovars ont commencé à arriver, on a eu, au plein coeur de Sherbrooke, une manifestation de Serbes qui disaient: Les Kosovars arrivent, vous allez avoir des problèmes, on n'en veut pas. Alors, on peut immigrer au Québec, mais parfois on amène son bagage culturel et ses préjugés avec soi aussi. C'est à corriger.

Quatrièmement, je disais aussi: Il faut se méfier des emballements médiaticopolitiques. Certains journaux ou chaînes de télévision semblent chercher le scoop qui leur donnera une longueur d'avance sur les concurrents, d'où recherche de scandale, jugement hâtif, etc. Je prends un exemple. Quand il y a eu l'incendie de la bibliothèque de cette école juive à Montréal, certains ? je dis bien «certains» ? analystes disaient: C'est à cause de l'antisémitisme qui a un fond au Québec parce qu'on a été dominés par le clergé catholique pendant bien des années. Or, quelques jours après, c'est une personne d'origine arabe qui est arrêtée, et là les mêmes experts vont dire: Surtout, il ne faut pas démoniser l'Islam, il ne faut pas ostraciser l'ensemble de la communauté musulmane. Alors, c'étaient des discours à géométrie assez variable, ce qui me faisait dire, dans mon grand texte, là, de quelque 30 pages, que parfois les experts ressemblent à ce que Claudel disait de la musique d'orgue: C'est une architecture de sons sur une montagne de vent.

n (9 h 40) n

Cet emballement médiatique est parfois repris par certains politiciens. Je dois vous plaindre un peu parce que, si vous ne vous prononcez pas, on vous dit: Ah, bien, ce sont des gens insensibles. Et, si vous vous prononcez trop vite, sans avoir toutes les informations, bien parfois on fait des bourdes. Alors, vraiment, c'est difficile d'être politicien, c'est la quadrature du cercle. Cependant, c'est ce que je voulais vous dire. Donc, il faudrait se rasseoir, respirer par le nez, prendre le temps d'examiner les choses, avant de faire des condamnations ou des constatations, parce que parfois on se retrouve dans l'eau chaude.

Cinquièmement, il faudrait entourer le concept d'accommodements raisonnables de balises claires afin que ceux-ci ne deviennent pas tout simplement des abdications déraisonnables de lois et valeurs de la société québécoise, de sa spécificité, auxquelles il est normal que les nouveaux venus... ? et, moi, je suis petit-fils d'immigrants irlandais et écossais ? auxquelles les nouveaux venus doivent s'adapter parce qu'ils ont choisi librement ce nouveau pays. Et je crois que, tout en étant très ouvert, ce n'est pas à la société d'accueil de devenir l'Arabie, ou l'Irlande, ou les pays du Maghreb, ou la Russie. C'est, comme dit Neil Bissoondath, aux nouveaux venus de s'adapter à la nouvelle société d'accueil.

L'«accommodement», dit le Larousse, est un «arrangement visant à terminer un différend; une conciliation». Et «raisonnable» signifie «conformément au bon sens». La société québécoise se veut ouverte et respectueuse des autres cultures et religions, attentive aux enrichissements qu'elles apportent, mais elle ne doit pas être naïve au point de croire que ces cultures n'ont pas elles-mêmes à faire un certain examen de conscience.

Prenons un exemple. Quand les écoles permettent à des jeunes filles de porter le voile musulman plutôt que de les renvoyer chez elles, où leur scolarité serait compromise, c'est un accommodement raisonnable qui permet une intégration progressive. Mais je questionne l'accommodement raisonnable quand trois élèves musulmanes voilées demandent à une polyvalente de Montréal de 2 000 étudiants de limiter l'usage de la piscine à elles seules parce qu'elles ne veulent pas être vues par les garçons.

Alors, quelles sont les balises sociales ou légales pour les accommodements raisonnables ? et je félicite le gouvernement, là, qui, avec M. Fournier, va étudier ces questions avec M. Bergman Fleury ? qui devraient peut-être être étendus à l'ensemble, par exemple, des institutions québécoises? Pas seulement l'institution de l'éducation, puisque le problème se pose aussi maintenant dans les urgences d'hôpitaux: une dame musulmane ne veut pas être soignée par un médecin homme, etc. Car la flexibilité, dans une société pluraliste, n'est pas le seul devoir du groupe majoritaire, tandis que certains groupes refuseraient systématiquement de faire leur bout de chemin. Stéphane Kelly, sociologue, dans La Presse du 13 mai 2006, écrit que certains accommodements finissent par «miner la cohésion sociale [et retardent même] l'intégration des immigrés», dont certains oublient ? et je continue la citation ? qu'«il y a un prix culturel à payer pour devenir citoyen à part entière d'une démocratie libérale».

Neil Bissoondath, dans son livre Le marché aux illusions ? La méprise du multiculturalisme, dit: «J'ai laissé derrière moi l'Inde...» Il était en Jamaïque mais d'origine indienne. «J'ai laissé derrière moi l'Inde et presque tout ce qui est indien. J'ai laissé derrière moi Trinidad et presque tout ce qui est trinidadien. Mais j'ai acquis bien d'autres choses en cours de route. Tout cela est peut-être le résultat du refus de s'apitoyer sur la perte d'une langue ou d'une culture et de la volonté d'en étreindre totalement une autre. L'anglais fait maintenant partie de ma famille autant que l'hindi le faisait il y a 100 ans.»

D'où, sixièmement: faisons attention aux pièges du multiculturalisme absolutisé.

Alors, il faut aussi demander aux membres des partis politiques de ne pas céder, par calcul électoral ou autre, au chantage plus ou moins habile de certains groupes parce que, comme dit Mme Fatima Houda-Pepin lors de sa participation au documentaire La charia au Canada, «les musulmans canadiens ne sont pas une entité monolithique, ce sont des citoyens qui, dans l'élection, votent individuellement».

Et, huitièmement, je me permettrais de finir par une boutade imitée de la revue un peu satirique Marianne, la revue française. Je ne voudrais pas que la seule catégorie de personnes qui ne soit pas protégée contre la discrimination au Québec, ce soient les hommes blancs, catholiques, hétérosexuels et non handicapés. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. Mc Cauley, merci d'être ici avec nous ce matin, de partager vos préoccupations. J'entends bien votre préoccupation sur le fait que vous ne voudriez pas qu'un homme blanc, hétérosexuel et non handicapé soit discriminé. Je pense que ce n'est pas le but des audiences qu'on a aujourd'hui.

M. Mc Cauley (François): Comme je le disais, c'est une boutade.

Mme Thériault: Oui, vous l'avez compris, je sais. C'est une boutade, il n'y a pas de problème. Mais par contre vous serez d'accord avec moi qu'au niveau de la discrimination et du racisme ici, au Québec, il y en a, vous l'avez dit en début d'exposé, comme d'autres sociétés, évidemment. Moi, je pense que qu'est-ce qui peut faire la richesse d'un peuple évidemment, c'est de se pencher sur des problématiques que nous avons et d'essayer de voir de quelle façon on peut les résoudre. Donc, il est évident, pour moi, cette... À ce moment-ci de notre histoire, je pense qu'il est important qu'on puisse se doter justement d'une telle politique pour pouvoir enrayer, ou combattre, ou à tout le moins donner une certaine égalité des chances, je dirais. Puis je pense qu'il faut le faire aussi avec ça dans l'esprit.

Il ne faut pas oublier non plus que le Québec a choisi l'immigration. Les gens qui sont choisis par le Québec, vous le savez, sont hautement qualifiés, sont des gens qui ont une bonne expérience, qui peuvent apporter beaucoup au Québec, définitivement. C'est à nous, comme société, de relever le défi de faire en sorte qu'ils puissent prendre la place qui leur revient ici.

Je suis d'accord avec vous cependant qu'il faut faire attention et que l'égalité des chances aussi doit primer définitivement, peu importe le groupe auquel on peut associer quelqu'un. Par contre, à peu près toutes les statistiques qui existent depuis belle lurette démontrent clairement que nous avons certains problèmes. Lorsqu'on regarde les statistiques, notamment chez les jeunes des communautés noires, où le taux de chômage est pratiquement trois fois plus élevé que dans la population en général, on doit se poser, comme société, la question: Pourquoi? et essayer de trouver les façons de remédier à cet état de fait. Je pense que le Québec n'a pas les moyens de perdre une seule personne en marge de la société et qu'on doit faire tout ce qui est en notre devoir pour pouvoir faire participer pleinement tous les citoyens qui ont choisi le Québec et... qui ont choisi le Québec.

Selon vous, dans une politique... Bon, vous avez certainement lu le document aussi, j'imagine, vous avez vu les axes d'orientation. Est-ce que les axes d'orientation qui ont été retenus sont les bons? Et qu'est-ce que vous voulez qu'une politique ait comme contenu pour réellement travailler à édifier une société meilleure?

M. Mc Cauley (François): Je crois que le document était très bien fait, très intéressant, très juste. Dans le document, on parle beaucoup de concertation, de cohérence. Parce que parfois on a l'impression que les différents organismes de promotion de la personne ou de défense de la personne sont un petit peu comme... le mot m'échappe en français, là, mais comme des «snipers», là, comme des tireurs chacun dans son coin.

Donc, plus de cohérence. Alors, moi, je tablerais enfin beaucoup sur ça, parce que je verrais mal, je vous avoue ? l'État québécois n'est pas un coffre-fort sans fond où on pourrait puiser sans arrêt ? de nouvelles règles, de nouveaux règlements, de nouveaux comités. Nous en avons déjà beaucoup: la Commission des droits de la personne, nos lois, nos chartes. Donc, une concertation de tout ça pour un meilleur rendement de tous ces organismes, chartes, lois, plutôt qu'une accumulation d'autres lois, d'autres organismes, d'autres réglementations.

Bon, je ne connais peut-être pas la complexité énorme d'un État moderne, là, mais j'imagine, moi, que plus il y a de lois, plus il y a de règles, plus il est facile à des gens qui sont ou très intelligents ou très au fait des choses de passer à travers les mailles. Quelques bonnes règles précises, nettes, claires pour tout le monde, ça clarifie les choses, je crois.

n(9 h 50)n

Mme Thériault: Lorsque vous parlez de l'accommodement raisonnable, vous avez souligné à juste titre le comité qui vient d'être mis sur pied par mon collègue le ministre de l'Éducation avec M. Bergman Fleury, évidemment. Le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles fait partie de ce comité-là également. Vous avez signifié votre volonté, si vous voulez, que la question de l'accommodement raisonnable soit étudiée dans sa plus large mesure, autre que seulement qu'à l'Éducation. Vous savez que présentement aussi la Commission des droits de la personne a lancé un chantier là-dessus, pour l'accommodement raisonnable, donc ce qui va permettre d'aller aussi dans son ensemble beaucoup plus vaste que seulement que le domaine de l'éducation. Mais je pense que mon collègue a mis un comité qui se devait d'être sur pied parce qu'effectivement l'accommodement raisonnable ? vous avez lu la définition de l'accommodement raisonnable ? doit être raisonnable, hein?

Et il est évident que, lorsqu'on évolue dans une société où différentes cultures, différentes religions se côtoient, s'amalgament, se modifient, on doit faire avec les différences, on doit apprendre à travailler sur nos différences, à mieux comprendre les différences aussi, évidemment. Mais je suis d'accord avec vous que les gens doivent aussi être aussi conscients de ce qu'est la société du Québec, de quelle façon on vit ici. Et, moi, je suis un petit peu comme vous, j'ai des mélanges dans mes racines. J'ai de la parenté très proche qui est d'origines irlandaise, acadienne, française. Donc, évidemment, j'ai plusieurs racines, plusieurs cultures, comme la majeure partie des Québécois ici qui partageons plusieurs origines. Comment vous pensez que, dans une politique pour lutter contre la discrimination et le racisme où on veut travailler aussi auprès des jeunes, des enfants, comment pensez-vous qu'on pourrait tirer profit de l'histoire du Québec?

M. Mc Cauley (François): D'abord, en la connaissant, parce que très tôt dans l'histoire du Québec il y a eu du métissage. Je pense qu'on dit que 70 % des Québécois dits de souche ont des ancêtres amérindiens. Alors, il est important de bien connaître, de bien situer son histoire.

Et j'ai ici, très rapidement, un petit texte ? ne pas faire commencer l'histoire du Québec avec la Révolution tranquille, si valable ait-elle été ? René Rémond, de l'Académie française, Le christianisme en accusation. Il parle pour la France, mais enlevez le mot «France» et vous aurez le Québec: «C'est une vérité historique que le catholicisme en particulier a joué un rôle capital, prépondérant dans la formation de la nation française ? et québécoise, pourrait-on plagier ? et de son patrimoine culturel. Il faut être aveugle pour ne pas le reconnaître. Certains feignent pourtant de l'ignorer. La France, pour eux, naît avec la révolution de 1789 ? ou certains ici disent avec la Révolution tranquille de 1960. Ils se disent héritiers de cette seule France-là. C'est une manière unilatérale.»

Alors, que nous ne le voulions ou non, c'est une société marquée par l'histoire occidentale judéo-chrétienne, gréco-romaine. La philosophe Élisabeth Cousin dit: «Notre société occidentale, c'est du gréco-romanisme mixé de judéo-christianisme.»

Et, quand une personne d'origine autre vient, je crois qu'il est honnête de notre part de dire: C'est vrai, nous t'acceptons, c'est vrai, il peut se bâtir des mosquées, c'est vrai, tu peux porter ton voile, c'est vrai, on ne te forcera pas à manger du porc, mais, notre histoire, on est arrivés jusqu'ici à cause de tout ça, et, que veux-tu, il faut s'intégrer à ça.

Et, pour les groupes qui ont plus de difficultés, là, comme vous le disiez avec justesse, c'est sûr qu'il faut être à l'écoute, qu'il faut être plus attentif au niveau de l'éducation, au niveau de l'intégration à l'emploi. Je ne sais pas, faire une discrimination positive, ça me chicote parfois. Mais ? vous allez peut-être rire un peu, là, je lance une idée comme ça ? une personne noire, ou une personne arabe, ou une personne québécoise de souche, blanche, judéo-chrétienne, avec le même cursus, les mêmes expériences, puis on se dit: Bon, laquelle doit-on engager?, puis je ne veux pas faire de la discrimination, mettons les trois noms dans un panier puis pigeons, parce qu'elles sont de compétence égale, laissons le sort décider... Vous allez peut-être dire: Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, là, mais pour... Parce qu'une personne, disons, de souche, là, pas une minorité visible, tu sais, dirait: Comment ça se fait, cette personne-là? C'est juste parce qu'elle est noire qu'elle a été prise, ou c'est juste parce qu'elle est arabe, ou... J'ai les compétences égales à cette personne-là aussi. Alors, je trouve ça un petit peu difficile, la discrimination positive, quoiqu'à certaines étapes c'est la solution à prendre peut-être, là.

Mme Thériault: Merci. Merci beaucoup, M. Mc Cauley. Je trouve que vous avez beaucoup de courage, comme citoyen, de venir ici, en commission parlementaire, mais je trouve que c'est un point de vue qui est intéressant aussi. Merci.

M. Mc Cauley (François): Je dois dire ? très rapidement ? mon texte, là, c'est moi qui l'ai écrit. Je ne suis le prête-nom de personne. C'est moi qui l'ai envoyé à la commission. Mais je l'ai fait lire à quelques membres de mon entourage, dont une personne qui a adopté deux enfants du Sud-Est asiatique, et puis elles n'ont pas dit que, pour elles, là, c'était méchant, ou raciste, ou quoi que ce soit, là.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Bon matin à tout le monde et puis bon retour, cette semaine, à l'Assemblée nationale. C'est agréable de pouvoir entamer la semaine avec vous, M. Mc Cauley. Je voulais vous dire que j'ai apprécié votre mémoire, et, comme on le mentionnait, c'est important que des citoyens comme vous viennent ici, à l'Assemblée nationale, et s'expriment sur des dossiers d'importance comme celui-ci. Puis je vous remercie de l'avoir fait avec évidemment les ressources qui sont les vôtres et le bagage, l'expérience qui sont les vôtres également. Et c'est un exemple, je pense, que des citoyens doivent suivre pour l'avenir. Et donc merci d'être avec nous ce matin.

J'ai plusieurs questions. Vous abordez plusieurs thèmes extrêmement importants, bon, notamment, les relations qui existent entre les différentes communautés, qu'elles soient de souche ou qu'elles aient immigré, à travers le temps, au Québec, proposition 1. Ensuite, vous parlez... Bon, également, à votre proposition 4, vous abordez le thème des médias, qui est un thème extrêmement important, puis on sait d'autant plus aujourd'hui l'importance et l'influence des médias, qu'ils soient électroniques, écrits, télévisés, sur notre quotidien et sur la vie de nombreuses personnes.

Et vous avez parlé ? sixièmement ? et puis vous n'avez pas eu l'occasion de pouvoir développer votre sixième proposition... Vous écrivez d'emblée: «Il faut faire attention aux pièges du multiculturalisme absolutisé et ne pas se sentir raciste de vérifier la représentativité réelle et la compétence des membres des communautés culturelles qui prétendent parler au nom de celles-ci.» Donc, c'est une affirmation qui est quand même lourde de sens. Et je voudrais vous permettre, vous donner l'occasion finalement de pouvoir élaborer davantage sur ces propos, puisque le temps nous a manqué lors de votre présentation.

M. Mc Cauley (François): Voici. Je partais d'un exemple donné par Jean-François Revel, qui est décédé il y a quelque temps, qui disait: Vous signez une pétition dans un centre commercial, vous assistez à une conférence, et on prend vos coordonnées. Vous faites une obole à un organisme et puis évidemment vous voulez un reçu d'impôt pour frais de charité, et il arrive, maintenant que votre nom est dans cet organisme, qu'on va parler en votre nom et qu'on va venir se présenter dans des comités, ou à la municipalité, ou etc., qui disent: Voilà, nous avons tant de milliers de membres et... Alors, quelle est donc la représentativité réelle? Moi aussi, j'en ai signé, des tas de pétitions, mais là j'en signe moins, là, parce que je prends le temps de les lire. Donc, il faut faire attention.

C'est vrai que c'est peut-être un petit peu méchant, là, ce que j'ai écrit, mais, quand je l'ai écrit, j'étais quand même sous le coup... Vous savez qu'il y a eu le président de La Ligue des Noirs qui récemment, j'allais dire, s'est mêlé d'une chose qu'il ne le regardait pas, d'une enquête policière, en disant: Cette jeune fille blanche qui accuse cinq jeunes hommes noirs de l'avoir violée, elle semblait consentante. Ça m'a posé question. M. Philip, je crois, s'est excusé. Mais imaginez que le président de La Ligue des Tremblay, par exemple, ait dit d'une jeune fille noire qui accuse cinq jeunes hommes blancs de l'avoir violée: Ah bien, elle me semblait consentante. Ce président de La Ligue des Tremblay, là, il serait éjecté de son poste et coupé en petits morceaux sur la place publique. Donc, je dis: Il faut que les représentants de toutes les communautés, la mienne comme d'autres, soient mesurés, pondérés, qu'ils fassent attention à ce qu'ils disent.

n(10 heures)n

Mme Lefebvre: Vous touchez un aspect important qui a été d'ailleurs discuté par différents représentants qui sont venus ici et d'autres citoyens qui, comme vous, sont venus parler de ce qu'ils vivaient en fait au sein de leur communauté et d'avoir une attention particulière aux leaders qui finissent par devenir les interlocuteurs du gouvernement. Et donc c'est sûr que c'est toujours une question délicate, mais en même temps il faut à certains égards que certains puissent s'exprimer au nom de. Pour ça, il existe différentes tables, notamment la Table du Maghreb, qui cherchent à être le plus représentatives, actives de leur communauté. En tout cas, c'est un aspect important.

Vous avez parlé, en terminant vos discussions avec la ministre, de l'importance d'accorder une attention particulière à l'éducation, notamment de sensibiliser dès le jeune âge mais tout au long de la vie également. Plusieurs groupes et personnes qui se sont présentés devant nous nous ont dit l'importance de faire une campagne de publicité choc. Vous avez parlé du rôle des médias. Mais, par exemple, on a vu des campagnes, pour la Société de l'assurance automobile du Québec, ou l'alcool au volant, le tabagisme, des campagnes qui ont porté, je pense, et qui ont eu des résultats ? la ceinture de sécurité, par exemple. Est-ce que vous pensez que c'est quelque chose qu'on devrait miser? Est-ce qu'on devrait agir rapidement pour sensibiliser les gens fortement à la problématique qui est vécue et qui est parfois très grave et lourde et de toute façon qui a des conséquences, je pense, pour la société dans son ensemble à long terme? Si on ne prévient pas et si on ne s'occupe pas, je pense, des personnes lorsqu'elles arrivent, de toute façon, quelques années plus tard, on aura encore... on devra supporter et aider ces personnes à pouvoir s'intégrer. Donc, qu'est-ce que vous pensez de cette idée?

M. Mc Cauley (François): Je pense qu'il faut travailler à court terme et à long terme. Les campagnes de publicité ont un certain impact, mais, comme on voit qu'elles se renouvellent souvent, l'impact s'use au fur et à mesure, là. Même si c'est une publicité pour l'intégration, pour des choses très bonnes et non pour une savonnette ou une brosse à dents, il y a un effet de lassitude. Alors, il y a des choses à court terme comme campagnes de publicité, une semaine de l'intégration, etc., et il y a des activités à plus long terme: l'éducation, et à long terme. Je ne sais pas si vous avez des enfants, là. Moi, je n'en ai pas, mais j'ai ceux de mon frère, ceux de ma soeur. On a répété souvent «va te laver les mains» avant que ça se fasse automatique. Alors, c'est une éducation à long terme.

Mme Lefebvre: Puis, au niveau du... Est-ce que vous pensez qu'on devrait avoir une attention particulière auprès des jeunes? Est-ce que, dans le cursus scolaire, on devrait modifier certains aspects afin de faire de l'éducation interculturelle? Certains ont parlé d'éducation antiraciste. Est-ce qu'on doit tout de suite agir sur ça? Puis est-ce qu'on doit aussi, je ne sais pas, moi... Par exemple, est-ce que les différents intervenants dans les hôpitaux, par exemple, ou dans le milieu de l'éducation, est-ce qu'eux doivent aussi suivre une formation qui serait adaptée pour mieux connaître les réalités? Est-ce que vous pensez que c'est des pistes qu'on doit utiliser?

M. Mc Cauley (François): Oui, je trouve ça intéressant que, dans le cursus qui mène à l'obtention du diplôme d'enseignant, par exemple, on puisse avoir des cours, des visites sur différentes communautés et à différentes communautés, qu'à l'école d'ailleurs... ça se fait beaucoup spontanément, peut-être moins concerté, mais spontanément ça se fait beaucoup, intégrer contes et légendes de différents pays, de différentes cultures, souligner la fête nationale de différents pays. En géographie, quand on a des élèves... moi, c'est une région encore assez homogène, là, mais, des régions comme Montréal, inviter un enfant à présenter son pays d'origine. Ce sont toutes des choses qui peuvent se faire.

Mme Lefebvre: Puis, au niveau des mesures... Est-ce qu'il me reste du temps, M. le Président?

Une voix: ...

Mme Lefebvre: Au niveau des mesures d'employabilité, vous avez parlé, bon, de pour et de contre, de la discrimination positive, mais est-ce que vous pensez qu'il y a des mesures d'accompagnement et de soutien à l'emploi temporaire, notamment pour les premières embauches, c'est des programmes qui devraient être de plus en plus mis de l'avant pour permettre à certaines personnes d'acquérir une expérience de travail puis ensuite de pouvoir voler de leurs propres ailes?

M. Mc Cauley (François): Oui, ça se fait déjà dans certains milieux, là. Alors, je ne vois pas ce en quoi ce serait... Ça, ce serait à mon sens non discriminatoire. Il y a des Québécois de souche qui vivent ce processus pour réintégrer le marché du travail. Alors, être plus sensible aux nouveaux arrivants ou aux personnes depuis très longtemps déjà mais qui ont de la difficulté à s'intégrer.

Mme Lefebvre: Je dis ça parce que, sur 45 000 personnes immigrantes qui arrivent au Québec chaque année, les derniers chiffres qui nous ont été fournis par le ministère, c'est qu'il y aurait eu seulement 600 personnes admissibles au programme l'an dernier. Donc, moi, je me dis que, sur 45 000, 43 000, là, entre 40 000 et 45 000 immigrants, il y a juste 600 places, si on se dit que l'immigration va principalement à Montréal, il y a 19 arrondissements, ça fait 20, 30 stages ou soutiens par arrondissement, je considère que c'est très peu. Je ne sais pas votre idée de ça. Puis là on exclut les régions, là, si on fait cette petite démonstration qui n'est pas scientifique, là. Mais donc, ça nous donne une idée. Je me dis que peut-être qu'il faudrait aller plus loin. Je ne sais pas qu'est-ce que vous en pensez.

Le Président (M. Brodeur): Donc, en conclusion, il nous reste très peu de temps.

M. Mc Cauley (François): Oui. Comme je disais tout à l'heure à Mme la ministre, il y a des programmes existants qui ont peut-être besoin d'être restructurés, repensés. Il ne s'agit pas de multiplier ces programmes ad infinitum mais de mieux les... de les rendre plus cohérents, de permettre à ce qu'ils soient plus efficaces en ne se chevauchant pas, par exemple.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 7)

 

(Reprise à 10 h 8)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et nous allons accueillir M. Aroll Exama... Exama?

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): Exama. Donc, je vous réexplique la façon dont on procède, qui est la même que vous avez vue précédemment, puisque vous étiez déjà arrivé. Vous avez un temps maximal de 10 minutes pour présenter votre mémoire, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission.

Donc, sans plus tarder, la parole est à vous. Vous êtes trois personnes. Peut-être, pour le bénéfice du Journal des débats, de bien vouloir vous identifier et ensuite de ça de présenter immédiatement votre mémoire. N'oubliez pas que vous avez 10 minutes.

MM. Aroll Exama et Jean-Claude Marcelin,
et Mme Carole Fiset

M. Exama (Aroll): Je tiens à remercier le cabinet de la ministre qui m'a invité à participer à cet exercice. Je veux tout simplement dire que je suis ici à titre personnel. Je ne représente et je ne parle au nom d'aucune association, ou groupe ethnique, ou autre collectivité.

Je suis accompagné de deux personnes, ici. À gauche, c'est ma femme, parce que, dans la période de questions, il se peut que souvent on ait des points de vue différents sur bien des choses, donc, alors, elle va enrichir, disons, mon point de vue.

Le Président (M. Brodeur): Votre épouse est...

M. Exama (Aroll): Oui, c'est mon épouse.

Le Président (M. Brodeur): Oui, mais son nom?

Mme Fiset (Carole): Carole Fiset.

M. Exama (Aroll): Carole Fiset.

Le Président (M. Brodeur): Bienvenue.

n(10 h 10)n

M. Exama (Aroll): Puis j'ai, à ma droite, un ami, un conseiller. C'est M. Jean-Claude Marcelin, qui est pharmacien. Et, sous bien des aspects aussi, nous avons des points de vue complémentaires. Donc, ça va enrichir la période des questions.

Bon, moi, je suis docteur en sciences, particulièrement en biotechnologie alimentaire, donc je ne suis pas sociologue, je ne travaille pas dans un organisme. J'ai un intérêt particulier dans cet exercice, c'est pour ça que je suis là, parce que j'ai écrit un livre sur le sujet de la différence, Jusqu'où va la différence?. Donc, cette problématique m'interpelle. Et je suis ici tout simplement pour partager mon expérience d'intégration, que je crois réussie, avec ceux qui ont la tâche délicate de créer des conditions favorables à l'intégration des immigrants.

Et, en analysant mon parcours personnel et celui de nombreux amis qui m'entourent, j'ai identifié trois principales barrières à l'intégration. Il y a d'abord l'ignorance des codes culturels de la société d'accueil; l'ignorance de l'existence, de l'importance et du fonctionnement des réseaux; et finalement le racisme pur et dur. Il y a d'autres barrières, mais ce sont les trois, dans mon vécu personnel, que j'ai pu identifier, et c'est sur ça que je vais élaborer ce matin.

Venons-en au premier point, qui est l'ignorance des codes culturels de la société d'accueil. Je vais illustrer par un exemple bien simple. J'étais au Nouveau-Brunswick comme directeur scientifique d'un centre de recherche et j'avais dans mon équipe plusieurs nationalités: Russe, Américain, un Sénégalais, il y avait une Salvadorienne, Acadien, Québécoise.

Tout allait bien, mais sauf que je remarquais que j'avais une difficulté particulière au niveau relations avec un membre de l'équipe, qui malheureusement s'est trouvé être la Québécoise. Alors, un jour, je l'ai appelée dans mon bureau pour dire: Bien, pourquoi ça ne marche pas entre nous? Et puis elle m'a résumé ça en une seule phrase, elle m'a dit: «Aroll, je ne peux pas te faire confiance parce que tu ne me regardes pas dans les yeux quand tu me parles.» Ah bon! C'est sûr que ma femme me l'a dit plusieurs fois, elle est là pour en témoigner. Mais le naturel revenait souvent. Je faisais un effort, parce que, dans ma culture, on fixe quelqu'un des yeux uniquement quand on veut le confronter et à la limite pour l'insulter. Donc, c'était un effort conscient de ma part, en parlant aux gens, de les fixer dans les yeux. Et j'ai pris le temps de lui expliquer que, dans ma situation, ça ne pourrait pas être de l'hypocrisie, parce que je suis ton patron, je n'ai pas besoin de raccourci pour te demander de faire quelque chose. Mais, malgré tout ça, elle est sortie convaincue que j'étais hypocrite. Et, jusqu'à ce qu'elle ait quitté le centre, ça a été la même situation. Et la question que je me pose: Comment ce serait si on avait inversé la position, si elle était à la place du patron et que, moi, j'étais à la place de l'employé? Est-ce que même j'aurais eu la chance d'être employé? Parce que, pour elle, j'étais un hypocrite, disons, incurable.

Donc, cette question de code culturel est un frein à l'intégration parce que beaucoup d'immigrants ne connaissent pas les codes culturels de la société d'accueil, et c'est à la base de beaucoup de malentendus.

Bon, maintenant, qu'est-ce qu'on propose comme initiative? Je ne suis pas dans le domaine des médias, mais je crois qu'il y a moyen d'utiliser les médias de masse. Imaginez une émission télévisée, un jeu où, disons, on apparie un Québécois ou une Québécoise de souche avec un membre d'une communauté, qui peut être Haïtien, Libanais, etc., et puis le Québécois ou la Québécoise a comme mandat de former l'autre dans sa culture, et l'Haïtien ou le Pakistanais a comme mandat d'initier le Québécois, son partenaire, à sa culture. Et puis le jeu télévisé, c'est qu'on va questionner le Québécois sur la culture du Pakistanais et puis on va questionner l'Haïtien ou le Pakistanais sur la culture québécoise, et puis les équipes qui gagnent avancent jusqu'à ce qu'on couronne les deux grands champions. Ça se fait pour la danse déjà à la télévision, c'est une émission extrêmement intéressante, mais imaginez qu'on inclue là-dedans la musique, les habitudes alimentaires, la façon de courtiser, le sens des mots. Et à ce propos il y a un numéro de L'Actualité, de décembre 2005, qui s'appelle 101 mots pour comprendre le Québec. C'est extrêmement intéressant, il y a une mine de références là-dessus.

Donc, je passe à un autre point, parce que j'en ai plusieurs. D'abord, juste avant de terminer, on pourrait mettre aussi les cours de formation personnelle et sociale qu'on enseigne au secondaire pour aider les gens à connaître les codes culturels des différentes communautés, et aussi les communautés à connaître les codes culturels des Québécois.

Le deuxième point que j'ai identifié, c'est la question des réseaux. Bon, je vais encore illustrer par mon exemple ? parce que je ne fais que ça, là. Quand j'ai quitté mon emploi chez Cintech ? il y a des gens ici, autour de la table, qui m'ont déjà connu quand j'ai travaillé chez Cintech ? alors je n'ai pas cherché d'emploi tout de suite parce que je voulais me rendre disponible pour terminer la version anglaise de mon livre que voici et puis j'ai démarré une compagnie aussi sur un antibiotique naturel qui est extrêmement performant. Donc, je voulais avoir du temps, mais en même temps il me fallait un revenu. Alors, je me suis dit: Comment je vais pouvoir concilier tout ça?

Bon, bien sûr, on sait tous que 80 % des postes ne sont pas affichés. Donc, pour y accéder, il faut connaître le réseau, il faut avoir un réseau parce que sinon on ne sait même pas que les postes sont disponibles. Alors, il y a quelqu'un qui faisait partie d'un centre d'études en procédés chimiques qui m'a dit: Écoute, Aroll, notre centre a l'intention de tenter une aventure dans la biotechnologie alimentaire; donc, toi, tu es la bonne personne. Alors, j'ai rencontré le directeur, et puis, dans la même semaine, on a signé une entente. Et j'avais un collègue, à peu près la même formation, qui était passé un mois auparavant, on lui a tout simplement dit qu'on n'avait rien pour lui, tout simplement parce qu'il ne faisait pas partie du réseau.

Et l'aventure a continué. J'ai une spécialité du côté alimentaire, qu'on appelle HACCP, c'est la nouvelle norme de sécurité. Je suis instructeur pour la FDA, aux États-Unis. L'ACDI cherchait un instructeur sur un projet au Sénégal. Malgré que les gens du projet étaient au courant de mon existence, ils ne pouvaient pas m'engager dans le projet parce que je n'avais pas de chapeau institutionnel. Et, une fois que j'ai signé l'entente, donc l'ACDI m'a appelé, donc le tout était joué. Donc, voilà ce qu'un réseau peut apporter. Et, sans réseau, tout cela, tout simplement, c'était un grand rêve.

Bon, maintenant, comment on peut créer des réseaux pour les immigrants? Chaque domaine est spécifique. Il n'y a pas de baguette magique. Mais néanmoins, en tenant compte de mon expérience surtout dans le domaine où j'évolue, je crois que, si on utilise les immigrants, les membres des communautés culturelles qui sont déjà très scolarisés, avec des diplômes de maîtrise ou de doctorat, dans un centre de transfert ou une unité, un programme de transfert des technologies vers leur propre pays, c'est une façon très, très raisonnable et très élégante de les intégrer dans le réseau. Ça peut se faire sous forme de postdoc.

Et, pour vous dire, accéder à un poste de professeur à l'université, c'est très difficile. Dernièrement, j'ai parlé avec un prof de l'Université McGill ? ils ouvraient un poste ? il m'a dit: Il n'y a aucun candidat, aucune candidature qui est venue du Québec, tellement c'était spécialisé; tous les candidats venaient des autres pays. Donc, accéder à un poste de professeur d'université, c'est extrêmement compliqué, mais, par contre, il n'y a aucun chercheur, aucun directeur de groupe de recherche qui laisserait de côté quelqu'un qui est compétent qui est venu faire un postdoc parce que ça lui garantit un ou deux articles scientifiques. Pendant ce temps, l'immigrant développe son réseau.

Et puis le dernier point que je vais toucher, c'est le racisme pur et dur. Donc, vous avez tous entendu parler de la situation de José Guy Fumu, ce jeune Congolais qui s'est présenté à une usine en Beauce. Le contremaître était raciste, il a dit au directeur de l'usine: Le Noir n'entre pas ici; s'il rentre, je sors. Et le patron a plié, il a dit au jeune Congolais: Vous attendez dehors. Et dehors il pleuvait, mais il a dû attendre dehors sous la pluie. Ça, ça a été publié dans le journal Le Soleil, le 5 décembre. Bon, maintenant...

Le Président (M. Brodeur): En conclusion, il vous reste quelques secondes.

M. Exama (Aroll): En conclusion, il faudrait monter quelque chose qui ressemble un peu à ce que vous voyez ici. Vous l'avez. C'est une structure. On aura l'occasion d'en discuter pendant la période de questions, parce que c'est suffisamment important pour ne pas laisser cette question-là sous forme folklorique. Il y a beaucoup de petites associations, elles font leur possible, mais elles n'ont pas les moyens. Donc, on pourra en discuter après. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Exama, bonjour, ça me fait plaisir de vous voir. Mme Fiset, M. Marcelin, bienvenue à la commission parlementaire. Merci d'avoir bien voulu partager avec nous votre expérience.

Puisqu'on n'a pas beaucoup de temps, j'irais directement au réseau, en partant: comment développer son réseau. Vous savez tous que, lorsque des gens choisissent de venir s'établir ici, au Québec, on va laisser en grande partie son réseau derrière soi, dans son pays d'origine, et on doit reconstruire son réseau. D'après vous, quelle est la meilleure façon pour pouvoir aider nos nouveaux concitoyens à se reconstruire un nouveau réseau ici pour qu'ils puissent s'intégrer dans notre société?

n(10 h 20)n

M. Exama (Aroll): Pour construire un nouveau réseau, il faut comprendre d'abord la logique du système ou bien du domaine dans lequel on évolue, parce que, pour avoir vécu au Québec, il y a une formule qui marche à tout coup. Dès qu'on veut intéresser un réseau... un individu ou une collectivité à quelque chose, institution ou autre, le réflexe: Qu'est-ce que ça me donne? C'est l'intérêt. Donc, il faut que le... l'immigrant sache comment il peut se vendre, qu'est-ce qu'il représente, qu'est-ce qu'il amène. Moi, j'ai eu la chance de commencer ma carrière avec un directeur administratif qui était extrêmement ouvert. C'est lui qui m'a montré la logique du système canadien, il m'a montré la logique des décideurs, de sorte que je peux faire des ententes avec des institutions. Actuellement, je ne suis pas sur le «payroll», mais je travaille comme chercheur pour eux. Je suis indépendant, ça me donne du temps pour développer ma propre compagnie, etc. Ça, c'est quelque chose qui s'apprend.

Est-ce qu'on pourrait, je ne sais pas, trouver des tuteurs pour les immigrants? Est-ce que toujours dans... En exploitant le côté intérêt des gens, si on subventionne, par exemple, un postdoctorat dans une université, dans un groupe de recherche, je ne connais pas de directeur de recherche qui va refuser ça parce qu'à coup sûr il aboutit à un ou deux articles scientifiques et ça ne lui coûte rien. Et un postdoc ne coûte pas cher, ce n'est pas difficile à gérer parce qu'il s'agit d'un chercheur qui a la capacité de travailler de façon autonome. Et je ne crois pas qu'il y ait de meilleure façon pour permettre à ce chercheur-là, disons, de développer un réseau. Peut-être que ça ne va pas déboucher sur un emploi immédiat, mais, dans quelque temps, c'est sûr. Une fois dans le réseau, il est capable de naviguer. Donc ça, c'est mon expérience, parce que je suis arrivé ici quand même avec déjà un diplôme universitaire, donc toute mon expérience tourne autour de l'université et de la recherche, qu'elle soit industrielle ou académique.

Mme Thériault: Vous avez parlé des codes culturels aussi au début. Je trouve intéressante la proposition que vous nous faites par rapport à l'émission de télévision. Vous savez que présentement, pour nos nouveaux arrivants qui sont sélectionnés, on est à développer des services de francisation en ligne et on s'inspire des valeurs du Québec, des codes culturels du Québec pour pouvoir développer ces exercices-là, ce qui permet aux gens, avant d'arriver ici, de faire un certain apprentissage de ce qu'est le Québec et de ce que sont les codes culturels du Québec. Sauf qu'à l'inverse il y a près de 165 communautés culturelles différentes ici, au Québec. Comment pensez-vous que les Québécois pourraient apprendre les différents codes culturels? Parce que, je suis d'accord avec vous, il y a des codes culturels qu'on ne connaît pas ou qu'on peut avoir une mauvaise compréhension, et dans toutes les cultures, pas seulement la culture haïtienne, ou la culture africaine, ou peu importe la culture, mais aussi la culture québécoise. Mais comment on peut faire pour que les Québécois, eux, puissent s'ouvrir sur les différents codes culturels?

M. Exama (Aroll): Bon, j'ai donné l'exemple du jeu télévisé. Je pense que cet outil-là n'est limité que par la créativité des gens, parce que je sais qu'il y a des animateurs qui sont très, très créatifs. Je me souviens de... C'est Patrice L'Ecuyer, il s'appelle. Un jour, il faisait une petite émission, un genre de gag, puis il disait à la télévision: Je vais vous montrer que je vais offrir un cadeau à des gens et puis ils vont tous prendre la fuite. Alors, ce qu'il offrait comme cadeau: il arrivait avec une tondeuse et il voulait couper les cheveux des Haïtiens, et, les Haïtiens sont très sensibles, ils prenaient tous la fuite. C'est un cadeau qu'ils ne peuvent pas accepter parce que l'Haïtien veut que ses cheveux soient bien faits. Donc, c'est très comique, mais ça enseigne quelque chose. Et, si on prend un animateur comme ça, avec une émission comme ça qui veut toucher la culture, qui veut toucher les habitudes alimentaires, des démonstrations de danse...

Imaginez qu'on demande à une jeune Québécoise de danser un peu de kompa, parce que normalement son partenaire est sensé lui apprendre. Et un genre d'émission comme ça peut regrouper toutes les cultures, parce qu'on peut avoir plusieurs équipes. Quand je regarde, il y a une émission où ça se fait au niveau du chant et de la danse. J'ai une adolescente de 16 ans à la maison, elle écoute ça religieusement, elle ne veut pas manquer, disons, une seule émission. Et je me suis dit: Une émission comme ça qui peut porter sur tous les thèmes, les gens seront intéressés. Et donc normalement ils vont être exposés aux codes culturels des Pakistanais, des Haïtiens, des Sénégalais, des Libanais, etc. Et c'est une émission qui dure des années déjà, et puis son succès ne fait qu'augmenter. Il y a des moyens de rendre attrayant l'apprentissage des codes culturels entre les différentes communautés.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Exama et à vous trois, bonjour. Ça me fait plaisir de vous entendre ce matin parce que, comme je le mentionnais précédemment, la voix citoyenne, à proprement parler, est toujours la bienvenue ici, à cette Assemblée nationale, puis du fait que vous témoignez de votre expérience, c'est quelque chose d'extrêmement enrichissant pour nous.

Je voudrais revenir à la notion de réseau parce que c'est un aspect important. On a parlé beaucoup, dans cette commission-ci, de l'importance de lutter contre les inégalités socioéconomiques pour lutter contre le racisme et la discrimination, malgré que ça ne règle pas tout. Mais plusieurs personnes nous ont dit quand même que ça éliminait quand même certains aspects ou en tout cas ça aidait du moins sur l'estime de soi, donc ça permettait de faire face à la discrimination et au racisme d'une façon plus... bien, d'être plus fort finalement face à ça, ce qui dans le fond, comme je le dis, ne règle pas tout, au contraire.

Mais, par rapport à la notion de réseau, qui est un aspect fort important, je voudrais vous entendre, à savoir: Est-ce que vous pensez que c'est préférable de réseauter d'abord au sein de sa propre communauté, ce qui permet, bon, de créer un noyau, et ensuite de ça intervenir au sein de la société ? parce que j'ai remarqué que plusieurs citoyens nouvellement arrivés décident d'emprunter cette voie-là ? ou encore c'est préférable de s'intégrer directement, bien, dans n'importe quelle organisation, là, qui peut exister au sein de la société, et donc non pas de se regrouper en communauté? Je voudrais vous entendre sur ça, de votre expérience, là, les pour, les contre, qu'est-ce qui est préférable.

M. Exama (Aroll): Je vais parler, ensuite je vais laisser Carole et Jean-Claude dire un mot sur ce côté-là. Moi, je suis arrivé directement à la ville de Québec, à l'Université Laval. Il n'y avait pas beaucoup d'Haïtiens à ce moment-là, donc l'intégration était, je pourrais dire, automatique parce que, bon, il n'y avait dans mon équipe que des Québécois, des... Bon. Par après, quand j'ai rencontré des Haïtiens qui ont vécu à Montréal, je me suis rendu compte que leur expérience avec les Québécois était totalement différente. Quand ils parlaient d'un Québécois, je me suis dit: Est-ce qu'on parle de la même espèce? Parce que, moi, ce n'est pas du tout l'opinion que j'avais d'un Québécois, parce que c'est quelqu'un qui était... Bon. C'était mon collègue d'études de tous les jours. Mais ceux qui vivent à Montréal n'ont pas du tout cette expérience-là. J'ai l'impression que, quand on vient d'Haïti ou d'ailleurs, qu'on arrive dans un milieu où, disons, il y a une grosse majorité de Québécois, je pense que l'intégration est plus facile parce qu'après je peux faire face à n'importe quoi parce que j'ai déjà une autre expérience. Je ne sais pas si, Carole, Jean-Claude...

Mme Fiset (Carole): Qu'est-ce qui a aidé aussi mon mari à son intégration: le fait qu'il était étudiant surtout, qu'il est arrivé ici comme étudiant, au Canada, donc son réseau a été fait au niveau, je pourrais dire, d'un support mutuel. C'est sûr qu'en tant qu'étudiant on n'est pas nécessairement directement en compétition. Par contre, en arrivant, en cherchant de l'emploi directement, quand on a terminé nos études ailleurs, on arrive dans un milieu, oui, compétitif, donc l'intégration peut être un petit peu plus difficile parce que la transition ne se fait pas automatiquement. Qu'est-ce qui a aidé encore aussi mon mari, c'est que ses alliés étaient justement des gens qui étaient au niveau universitaire, des gens qui étudiaient déjà, qui l'ont épaulé dans son doctorat. Donc, la porte était déjà commencée à être ouverte.

Pour la question de voir le réseau, si c'est préférable que les gens commencent au sein de leur communauté ou s'ils doivent s'intégrer directement, c'est sûr que, nous, en voyant la différence de mon mari, l'intégration avec d'autres Haïtiens qui sont à Montréal, c'est plus efficace, c'est plus rapide si la personne s'assimile... pas s'assimile, mais s'intègre aux activités sociales de la communauté québécoise en premier, au lieu d'entendre toujours le ouï-dire de sa propre communauté qui est restée comme un clan et qui a eu peur un peu de s'insérer dans la communauté québécoise. Il y a un ralentissement d'intégration quand les gens restent trop longtemps ensemble, ils reproduisent tout simplement, je pourrais dire, leur communauté extérieure dans un petit réseau, dans un petit clan, qui n'a pas nécessairement d'ouverture vers l'extérieur ou l'ouverture est beaucoup plus limitée, plus difficile.

Et l'expérience qu'on a vécue aussi, en ayant habité plusieurs années à Québec et allant visiter des gens qu'on connaissait à Montréal, parfois je me rendais compte qu'on allait dans des milieux où les Haïtiens restaient entre eux, et, quand je rentrais, j'étais la première Blanche québécoise qui rentrait sous leur toit. Et ça, ça m'affectait beaucoup de voir, après tant d'années qu'ils étaient au Canada, au Québec, que leur contact social avec les Québécois était uniquement au niveau du travail, et c'étaient plutôt des liens très, très coupés. Donc, c'est vrai que ça aide plus quand l'intégration se fait directement avec la communauté québécoise et non un repliement sur la communauté haïtienne ou autres, là. C'est ça.

n(10 h 30)n

Mme Lefebvre: Je vais vous laisser la parole, monsieur, parce que je considère que votre expérience est importante. Puisque le temps passe rapidement, je voudrais juste laisser mon collègue de Saint-Hyacinthe vous poser une question, puis peut-être que vous pourrez répondre à cette question-ci, que, moi, je vous ai posée, puis ajouter à celle du député de Saint-Hyacinthe, pour être certains qu'on rentre dans le temps.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Saint-Hyacinthe, étant donné que vous avez payé le café, vous avez droit à une question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Dion: Merci. Merci, M. le Président, et merci à ma collègue de me donner un petit moment. Alors, très rapidement. Je vais toucher un point que vous n'avez pas touché vraiment dans votre document, mais j'ai beaucoup aimé votre présentation, et c'est pour ça que je vous pose cette question-là. C'est toute la question des mesures discriminatoires positives, donc la discrimination positive, pour corriger une... Ma définition de la discrimination positive, c'est: établir une discrimination, c'est-à-dire une injustice systémique afin d'en corriger une autre systémique qu'on considère plus grande. Alors, je pense que... C'est ma perception, en tout cas. Alors, je vous donne un cas particulier et j'aimerais avoir votre réaction.

Un monsieur se présente à moi, ulcéré. Son garçon vient d'être refusé à un emploi, un emploi assez courant, là, mais à une époque où il y en avait moins qu'aujourd'hui. Il vient de passer un concours, il arrive le premier, et celui qui est engagé est la deuxième personne, donc celle qui est arrivée la deuxième, qui est une immigrante. Et il me dit comme ça: Moi, mes parents ont toujours vécu ici, moi, ça fait 40 ans que je paie mes taxes ici, et voilà que mon fils va être privé d'un emploi à cause de ça. Alors, j'aimerais avoir votre réponse à ce monsieur-là.

M. Exama (Aroll): Disons, ce n'est pas une question facile parce que, sur le plan des idées, tout simplement, on va dire, on peut faire des discriminations positives, c'est à encourager, mais par contre, pour la personne... Qui est prêt à se sacrifier? C'est ça, la chose. Qui est prêt à se sacrifier? Donc, est-ce qu'il y a moyen que cette personne-là à qui on a demandé de céder la place, si on peut l'exprimer comme ça, à l'immigrant... est-ce qu'on peut la garder sur une liste prioritaire pour le prochain coup? Mais je sais que les mesures de discrimination positive des fois s'imposent parce que... pour réparer des injustices. On l'a vu, dans le cas des femmes; des fois, on a dû faire la place. Et, pour moi, c'est incontournable. Maintenant, comment on amortit le choc pour ceux qui doivent se sacrifier? Bon. Alors, il y a peut-être d'autres mesures à prendre.

M. Dion: Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Une courte, courte question.

Mme Lefebvre: Bien, juste vous permettre, monsieur, de répondre à l'autre, par rapport au réseau. M. Marcelin.

M. Marcelin (Jean-Claude): Je voulais dire un petit mot par rapport à la discrimination positive, juste ajouter quelque chose. Je prends le cas des États-Unis, M. Colin Powell, qui est très connu, qui a été du «force task», qu'on appelle. Lui, il a personnellement dit que, s'il n'y avait pas eu de discrimination positive aux États-Unis, il n'aurait jamais atteint ce poste-là. Par contre, il y a un autre Américain qui est arrivé à la Cour suprême. Lui, il avait grandi dans une famille assez aisée, qui l'avait envoyé dans des écoles privées. Lui, il était contre la discrimination positive. Tu vois, deux gens qui viennent de la même communauté, puis il y en a un qui est pour et l'autre contre.

M. Exama (Aroll): Vous remarquerez que celui qui est contre, c'est parce qu'il avait les moyens d'être contre.

M. Marcelin (Jean-Claude): C'est ça, il avait les moyens d'être contre.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci de votre présentation. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que M. Trottier puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 10 h 34)

 

(Reprise à 10 h 35)

Le Président (M. Brodeur): On continue nos travaux en accueillant M. Jean-Philippe Trottier. Je vous demanderais donc, M. Trottier, de bien vouloir vous installer.

Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous explique brièvement les règles de la commission, où vous avez pu assister depuis quelques instants. Vous avez un temps maximal ? et je dis bien «un temps maximal» ? de 10 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, sans plus tarder, je vous laisse la parole pour la présentation de votre mémoire.

Une voix: ...

Le Président (M. Brodeur): La ministre, s'il faut, on va aller la chercher, là.

M. Jean-Philippe Trottier

M. Trottier (Jean-Philippe): La récréation est terminée? Alors, merci beaucoup de m'avoir accueilli ici. Deux petits mots sur moi-même. J'ai une formation de philosophe, je suis polyglotte, j'ai vécu dans plusieurs pays jeune et je suis à Montréal depuis 23 ans. Vous savez que les philosophes ne répondent à aucune question, ils ne font que répondre à des questions par d'autres questions. Et le travail consiste à trouver la bonne question. Alors, vous serez sans doute déçus de ce que je vais dire ce matin, je n'ai aucune réponse à vous fournir, aucune mesure mais seulement des pistes de réflexion autour de trois axes: avoir accès à son histoire; le contre-pied de deux peuples colonisateurs, Angleterre, France; et sortir de la structure historique, passer du «maîtres chez nous» à «maîtres en nous».

Je commence. Avoir accès à son histoire. Je fraie beaucoup avec des Québécois de souche, des immigrants de longue ou de récente date, et nombreux sont ces immigrants qui sont de bonne volonté. Et on me dit une chose curieuse: On voudrait bien s'intégrer au Québec, mais on ne sait pas à quoi s'intégrer; vous, les Québécois de souche, avez très peu ou pas du tout accès à votre histoire, donc nous ne savons pas, nous, vers quoi converger. Donc, ça m'a fait un petit peu réfléchir. Et j'ai parlé à mes amis de souche, qui en général ne connaissent rien à leur histoire, les grandes figures sont... ils récitent des mantras, mais ils n'ont pas, on dirait, pris possession de leur histoire. Dire à qui est la faute, c'est trop vaste, ce n'est pas l'objet ici, mais il faut réhabiliter ici les grandes figures et les grands événements.

Il faut également savoir que, dans notre histoire, nous avons perdu, nous n'avons pas une histoire de gagnants, face à l'Angleterre forcément, c'est... je me place dans le paradigme anglais-français forcément. Nous nous sommes défendus le mieux que possible, nous avons été les mieux traités dans l'Empire britannique notamment, mais nous avons subi des reculs progressifs. Que fait-on avec ce qui est sauvegardé? Une question que je pose.

Il y a aussi, je me réfère à un livre de George Grant, le grand philosophe du Canada anglais, qui avait écrit Lament for a Nation, traduit en français par La fin du Canada?, sorti en 1965, et il reconnaissait que, si, au Canada, il y avait bien quelque part où il y avait enracinement, c'était au Québec ou du moins au Canada français. Et on laissait la question autochtone de côté, parce que ce n'était pas la question qui nous concerne aujourd'hui. Il y a donc des symboles très riches au Québec que l'on a de la peine à rendre intelligibles aux nouveaux venus.

n(10 h 40)n

Nous oscillons, au Québec, souvent ? excusez-moi si je heurte certaines personnes ici ? entre grandiloquence et misérabilisme. Nous avons peine à trouver le ton juste pour nous signifier à autrui, pour nous signifier aux nouveaux venus. Nous sommes un petit peuple, nous ne sommes pas un grand peuple. Nous sommes un peuple qui a résisté, c'est sûr, qui a beaucoup de vaillance, qui a ses complexes, ses défauts et ses qualités. Il faut trouver la bonne note pour chanter cela pour que d'autres puissent venir et comprendre ce que nous racontons sur nous, et sur eux à terme. Faute de cela, nous risquons, et j'en ai bien peur, d'après ce que je vois à Montréal, nous risquons de sombrer dans le slogan. Vous avez une réalité qui est de plus en plus rétive, surtout à Montréal, face au discours officiel, et votre document que j'ai lu me semblait tout à fait noble, très généreux, mais il me semblait partiel.

Donc, deuxième axe, deux peuples colonisateurs, Angleterre, France, qui ont fait le Canada politique tel que nous le connaissons. Ça a créé un «homo canadiensis» et un «homo quebecensis» tentés par le contre-pied du colonisateur français et britannique. Alors, nous voulons passer pour les vertueux de l'Occident. Je crois que cette tendance a été amorcée par Diefenbaker, ensuite relayée par Lester B. Pearson et surtout renforcée par Trudeau, avec ses voyages notamment dans les pays communistes, Trudeau qui va à Fidel Castro surtout pour emmerder Nixon. Trudeau s'était fait une personnalité d'homme moral à l'image du pays qui allait en fait trouver sa place parmi les nations puissantes et riches mais comme le non-colonisateur, avec l'effet pervers à mon avis d'un concours à la vertu entre Ottawa et Québec: c'est à qui sera plus multiculturel. Et donc on n'ose pas, au Québec... On est terre d'accueil, mais en même temps c'est nous qui devons apprendre ce que l'autre est. Si on ne le fait pas, évidemment on aura une grande partie du «rest of Canada» qui va faire ressurgir les vieux poncifs catholiques, xénophobes, société fermée, ethniques, et tout ça. Donc, nous sommes à mon avis dans un entre-deux, au Québec: société d'accueil mais en même temps société qui a été colonisée jusqu'à un certain point.

Le dernier exemple qui me vient en tête, c'est l'histoire de Kimveer Gill, au collège Dawson, il y a un ou deux mois, je pense, et l'article absolument idiot de Mme Wong qui disait que, oui, c'était un immigrant; s'il a fait ceci à l'image de Valery Fabrikant, à Concordia, quelques années auparavant, c'est parce que la société ne pouvait pas l'accueillir parce que la loi 101... etc. Excusez-moi le terme, c'est de la connerie. Donc, nous sommes pris dans cette structure historique.

Le troisième axe. «Maîtres chez nous», qu'on a entendu depuis Jean Lesage, était nécessaire à l'époque, mais nous avons fait l'impasse sur le «maîtres en nous», c'est-à-dire que la rééducation doit passer par chaque individu. Et je cite dans mon mémoire l'autobiographie de Mohandas Karamchand Gandhi qui, dans un de ses énièmes séjours en prison, écrit ses mémoires, qui sont d'une platitude infinie mais où il lance des pistes d'un intérêt incroyable. Chez Gandhi, le politique commence forcément dans une pratique praxis individuelle. Donc, le gouvernement a un rôle à faire, l'État a un rôle à faire, à accomplir, l'individu également doit prendre possession lui-même du devenir de la société, ce qui à mon avis n'est pas toujours le cas au Québec et pas au Canada non plus. Gandhi ira même jusqu'à dire que la religion et la politique sont liées. Je n'irais pas à dire ça, c'est trop chargé historiquement au Québec, mais il y a évidemment une question de fondement qui doit être posée ici.

On oublie beaucoup, en Occident, et au Québec aussi en l'occurrence, que chaque individu n'est pas une monade isolée, chaque individu est le membre d'un réseau beaucoup plus vaste, et, s'il agit sur son coin de réseau, c'est comme une toile d'araignée, toute la toile va vibrer. C'est un peu comme le principe du battement d'ailes d'un papillon en Amazonie. Donc, chaque citoyen est responsable du dépôt dont il est ambassadeur, auprès d'autrui.

Cela veut dire ? je reviens à Gandhi ? agir sur des symboles. Gandhi a très bien su faire deux choses, notamment l'histoire du rouet. La technique du rouet qui servait à filer le coton avait pratiquement disparu en Inde et ce qui permettait aux colonisateurs britanniques d'importer... de faire passer le coton indien aux filatures de Manchester, à partir desquelles ils faisaient des chemises qu'ils revendaient aux Indiens beaucoup plus cher. Gandhi a dit: On va ressusciter le processus du rouet, nous allons nous-mêmes faire notre coton. L'autre, c'est la marche du sel dans le Gujarat, je pense. Le sel était indien, mais c'était prélevé par les Britanniques qui le revendaient, après forte augmentation, aux Indiens. Donc, Gandhi a su agir sur des symboles clés de l'Inde. Donc, voilà, nous n'avons pas de sel ici, nous n'avons pas de coton. On ne peut pas traduire ça d'une autre façon. Je ne sais pas comment le dire. Mais il faut agir au niveau des symboles et pas seulement au niveau des mesures étatiques. Stop.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, M. Trottier, de partager avec nous vos réflexions. M. Trottier, je reviendrais à votre première page de votre mémoire, au dernier paragraphe, vous dites: «La tâche du gouvernement consiste donc davantage à responsabiliser le citoyen, à encourager les valeurs québécoises, au premier plan desquelles la langue, au lieu d'aborder une logique de culpabilisation, ce qui suppose un réexamen de l'histoire avec ses zones d'ombre et de clarté.» Comment vous pensez qu'on pourrait davantage responsabiliser les citoyens?

M. Trottier (Jean-Philippe): D'abord, cesser de taper sur la grande noirceur, déjà pour commencer. Ça fait partie de notre fond de vitalité avec ses zones d'ombre. Il y a eu des tas d'abus, c'est juste, mais de parler de grande noirceur, ça nous coupe de nos racines, et on s'est inventés à partir de 1960. C'est trop peu. Quand on dit, par exemple, que nos valeurs, c'est la laïcité, à mon avis ça pèse bien peu pour des immigrants qui viennent de cultures qui sont souvent beaucoup plus anciennes que les nôtres et beaucoup plus évoluées. Quand quelqu'un vient du Kerala, on ne fait pas le poids. Le Kerala, c'est le sud-ouest de l'Inde, c'est un État marxiste depuis longtemps, où tout le monde est très éduqué. Il n'y a pas d'analphabétisme au Kerala. Quelqu'un qui vient de là-bas forcément pèse beaucoup plus, un Pakistanais pèse beaucoup plus que nous en fonction de tout ce qu'il véhicule, de tout ce qu'il représente. Donc, ça veut dire réexamen de l'histoire, ça veut dire réexamen des racines. Et, quand je dis «racines», je ne dis pas retourner entre nous autres, qui est toujours la tentation québécoise, mais de dire que nous sommes ambassadeurs de quelque chose qui nous dépasse et nous invitons autrui à venir y participer.

Je reviens, Mme la ministre, à la première page, la citation d'Homère: Tout le monde nous vient de Zeus. Personne ne contrôle cette chose-là. Nous sommes tous représentants d'un absolu. Il faut savoir quel est l'absolu québécois ou canadien-français. Il ne m'appartient pas de dire, de faire la distinction entre les deux ici, mais ça suppose notamment de rechanter ce passé au lieu de le dénigrer tout le temps. Nous passons notre temps à nous dénigrer, le misérabilisme évidemment, et la réaction forcément sera la grandiosité. Nous sommes très tolérants, nous sommes très ouverts, ce qui est plus ou moins vrai. On ne peut pas être si ouverts que ça; on s'est ouverts en 40 ans, c'est trop jeune. Nous sommes trop petits et trop minoritaires au sein du Canada. Pour pouvoir faire ça avec honneur, il faut pouvoir compenser par les symboles. Je parle du français, j'ai parlé des grandes figures, des grands événements. Je dirais aussi le maillage avec notre passé amérindien; nous avons divorcé de ces gens-là, et c'est une honte. Il y a beaucoup de choses à faire de ce côté-là. J'ai répondu vaguement encore une fois, je pense, mais...

Mme Thériault: Non, mais ça m'éclaire quand même sur votre état d'âme. Quel bilan pourriez-vous faire de la situation du racisme et de la discrimination au Québec?

n(10 h 50)n

M. Trottier (Jean-Philippe): Il est à deux sens. Évidemment que les Québécois de souche sont... Le mot «racisme» est un peu trop stigmatisant. Alors, on ne va pas jouer sur les mots, «xénophobe», «peureux», des trucs comme ça. C'est vrai qu'on a tellement peu confiance en notre épine dorsale que nous nous réfugions souvent dans les grands discours.

Alors, nous avons un bilan en demi-teintes. Certaines communautés culturelles, je pense, se sont très bien intégrées ici. Je pense, les Chiliens, qui, fuyant le coup d'État de Pinochet en 1973, ont voulu, si vous voulez, importer la sensibilité sociodémocrate d'Allende ici et en général ils ont fait souche. Je pense que tout ce qui a été brimé à l'extérieur peut trouver un écho favorable ici parce que nous avons une compassion à l'égard de ces gens-là. Regardez le conflit israélo-palestinien. Le Canada anglais est très pro-Israël, et il n'y a qu'au Québec qu'on est pro-Palestiniens parce qu'on s'identifie aux perdants de l'histoire.

Le bilan, à Montréal ? pour répondre à votre question plus précisément ? n'est pas formidable à mon avis, et je vous parle de mon expérience personnelle. Je n'ai lu aucune étude. Je lis les journaux relativement souvent, tous les matins même, j'en écrème une grande partie. Mais je vois dans la rue que l'immigrant vient ici surtout au Canada et secondement au Québec. L'immigrant joue souvent sur deux tableaux: Ottawa et Québec. Et nous sommes pris dans cet étau-là. Et je n'enlève pas du tout la bonne volonté de l'immigrant. Si j'étais immigrant, je ferais la même chose. On va vers ce qui est plus fort, vers ce qui est plus prestigieux.

Donc, le bilan est assez en demi-teintes. Je serais même plus alarmiste, mais un peu plus demi que teinte, avec la dénatalité québécoise, la pression de la culture anglo-saxonne, nous allons devoir faire des revirements assez forts, et j'espère qu'ils se feront au niveau des symboles et non pas au niveau d'un populisme.

Mme Thériault: Et vous parlez de quelles sortes de revirements?

M. Trottier (Jean-Philippe): La tentation populiste. Je reviens... Permettez-moi de citer deux exemples européens qui à mon avis ne passeront pas ici, mais ce sont deux inspirations ou des modèles... pas des modèles, des avertissements: Jean-Marie Le Pen, en France, et Jörg Haider, du Freiheitspartei, en Autriche, qui sont arrivés portés par non pas seulement l'extrême droite pure et dure, mais par l'électorat communiste, les petites classes sociales blanches qui, elles, devaient appliquer les discours des gouvernements. C'est-à-dire qu'on a, en France, en Europe en général, des gouvernements qui disent: Soyez tolérants, vive l'ouverture, etc., sauf que ces gens-là vivent dans leurs palais et ne côtoient pas les immigrants nécessairement. Et c'est le petit homme blanc de la rue qui, lui, doit être tolérant parce qu'on lui a dit d'être tolérant, mais il n'a pas la culture nécessaire pour le faire, et c'est lui qui se retrouve à côté d'immigrants. Il n'a pas beaucoup d'outils pour le faire, mais on lui dit, on lui ânonne ce mantra-là, mais il n'a pas l'outil nécessaire pour le faire. Et on dit aux immigrants: Bien, écoutez, c'est tolérant, vous avez le droit de faire ci, ça, ça, ça, ce qui est plus ou moins vrai aussi. Et on dit ça aussi aux immigrants ici: Vous avez la Charte des droits, vous avez le droit de faire ceci et cela, ce qui donne aux nouveaux venus les espoirs les plus fous. Et je comprends très bien qu'après on leur dit: Ah non, non, non, ce n'est pas comme ci, ce n'est pas comme ça, ce qui fait qu'on passe pour plus racistes qu'on est parce qu'on offre plus qu'on ne peut offrir.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la député de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Trottier, merci, bienvenue ici, à l'Assemblée nationale. J'ai trouvé très intéressant votre mémoire, puisqu'il touche un aspect que nous n'avons pas abordé, qui est la question en fait de l'identité québécoise à proprement parler. Donc, c'est sûr que, si l'identité ici n'est pas tout à fait forgée ou... je ne pense pas que ça se forge de toute façon, c'est toujours évolutif, mais en même temps il y a des assises sur lesquelles il faut pouvoir reposer. Puis en ce moment j'ai l'impression qu'on est dans une mouvance. Ça, c'est mon opinion à moi, là, je ne veux pas vous mettre les mots dans la bouche.

Notamment, par exemple, un exemple très concret qui se passe actuellement, la reconnaissance de la nation québécoise. Pour une personne immigrante qui arrive dans l'ensemble québécois et canadien, ici, au Québec, on lui dit que la nation québécoise est quelque chose de tangible, qui existe, tandis qu'au Canada on ne reconnaît pas encore la nation québécoise. Je vois là de prime abord une contradiction puis une facette qui dans le fond peut causer problème à la personne qui arrive ici. Comment elle se situe dans l'environnement québécois et canadien, c'est très différent.

Un deuxième exemple, la charte québécoise et la Charte canadienne des droits et libertés ont deux visions qui sont différentes. Et puis l'exemple du kirpan, par exemple, en est un bon, où des démarches en Cour supérieure du Québec ont abouti à une réponse et celles au niveau du Canada, basées sur la Charte canadienne des droits et libertés, ont abouti à une autre vision puis à une autre réponse à une même problématique. Donc, moi, je considère que c'est définitif que cette dualité Québec-Canada, on peut ne pas en parler, comme on a fait depuis le début de cette commission, mais je trouve intéressant que vous l'apportiez parce que je pense que la personne immigrante, quand elle arrive ici...

Puis, moi, je le vis au quotidien dans mon comté, qui est très multiethnique, sinon le comté le plus multiethnique au Québec. Et je le vois dans la perception que les gens ont de leur identité à la fois québécoise et canadienne, et là on pourrait ajouter montréalaise, on pourrait ajouter l'identité qui leur provient de leurs origines propres.

Mais donc, c'est un aspect extrêmement important que vous apportez, et d'où l'importance... Et au-delà, bon, on pourrait embarquer facilement sur la question constitutionnelle, ce qui n'est pas l'objet ici. Mais d'où l'importance d'avoir des symboles forts pour au moins donner des repères à ces personnes qui arrivent ici. Et donc je vous remercie infiniment de cette contribution que vous avez faite à cette commission.

Je voudrais aborder le thème du multiculturalisme. Vous en avez parlé pendant votre présentation. Mais vous parlez, puis vous l'abordiez de façon... bien, juste avant avec la ministre, par rapport aux exemples français, notamment, ou britannique, américain. Vous dites: «L'actualité française, britannique et américaine illustre les limites du multiculturalisme. Très juste dans son intention et réussi à bien des égards au Canada, il frappera ses limites le jour où l'on verra que cet idéal noble se transformera en cacophonie identitaire et fragmentaire sous l'auguste égide de notre Charte des droits et libertés.» C'est une affirmation qui est à mon sens porteuse ou qui a des... lourde de sens. J'aimerais vous entendre davantage sur cela.

M. Trottier (Jean-Philippe): Je vais répondre à votre question, et reprendre votre première remarque, Canada anglais, Canada français au Québec. Je vais parler un peu de religion et le kirpan.

Le Canada anglais est de tradition protestante. Le Québec est catholique même si on ne pratique plus, etc. Le protestantisme, du moins sous sa forme culturelle, hein ? je ne parle pas de sa pratique ou de son... de la foi qu'il peut y avoir en dessous ? le protestantisme est davantage une morale qui a ses ramifications dans la société. C'est une pratique. Donc, la religion s'insère davantage dans une culture. Porter un kirpan, au Canada anglais, c'est un facteur culturel.

Le Québec est agressivement laïque, parce qu'il était agressivement religieux auparavant, catholique. Le catholicisme est une religion beaucoup plus englobante que le protestantisme, où la place de la liberté... du moins au Québec, la liberté de conscience a été complètement aplatie. Et, quand on parle du kirpan, nous, on ne le comprend pas ici comme un facteur culturel, on le pense comme facteur religieux. Donc, ça a un poids infiniment plus lourd qu'au Canada anglais. Sauf que très peu de monde dans les deux solitudes ose comprendre ce qui se passe chez le voisin, et donc il y a...

Quand je critique le multiculturalisme dans sa limite, je me réfère toujours à une transcendance: De quoi sommes-nous des ambassadeurs? C'est bien gentil d'être multiculturel, mais toi, toi, toi et moi, on est sans doute égaux, mais nous ne sommes pas des absolus, il y a quelque chose qui nous dépasse tous, dont nous sommes les représentants. Je reviens toujours aux symboles, aux grands événements, aux grands personnages, etc. Il faut savoir quel est le point de fuite ou le point focal d'une identité et savoir que nous n'en sommes pas les propriétaires mais seulement les représentants et nous convions autrui à venir chanter dans cette symphonie qui, elle, est dirigée par un chef d'orchestre sur lequel on n'a aucun contrôle.

Le multiculturalisme, c'est bien noble, c'est bien gentil, mais ça fleure la culpabilisation à outrance. Et on est multiculturel quand c'est surtout le voisin qui va l'être. Mais, comme on dit en anglais, «the proof of the pudding is in the eating». Est-ce que ceux qui promeuvent le multiculturalisme sont prêts à mettre eux-mêmes en pratique ce qu'ils prônent? J'en doute en grande partie. Mais il faut être ambassadeur de quelque chose auprès d'autrui.

n(11 heures)n

Mme Lefebvre: J'ai une question rapide, puis ensuite mon collègue de Mercier a une question aussi pour vous. Est-ce que vous pensez que c'est possible de... Bon, l'exemple de la laïcité au Québec et l'exemple, bon, de l'interprétation différente par les chartes de certains aspects, est-ce que c'est possible de bâtir ou d'assister à une certaine cohérence à cet égard-là?

M. Trottier (Jean-Philippe): Entre les deux?

Mme Lefebvre: Oui.

M. Trottier (Jean-Philippe): Ah bien, si on arrive à reconnaître nos différences, pourquoi pas? «If we agree to disagree», comme on dit en anglais, très bien. Sauf que, le génie canadien issu du génie britannique, on n'appelle pas un chat un chat. Comme on dit en anglais, «we force the issue» tout le temps. Et donc tout le monde est plus ou moins content, et c'est un pays de compromis où tout le monde est plus ou moins heureux-malheureux. Il faut appeler un chat un chat. Et c'est le rôle à mon avis du Québec de le faire, et d'une certaine intelligentsia anglophone, mais très peu de monde le fait. Des gars comme George Grant l'ont fait, des gars comme Michael Ignatieff sont en train de le faire également. Qu'on soit d'accord ou pas, c'est secondaire, mais il y a un effort d'explicitation. Mais très, très peu de monde le fait ici et au ROC.

Le Président (M. Brodeur): M. le député de Mercier, en deux minutes, question-réponse.

M. Turp: C'est une question sur le port du voile. Dans le mémoire, vous parlez de la Turquie et que la Turquie, État musulman, où il y a beaucoup de musulmans, a choisi comme politique celui de l'interdiction du port du voile dans ses universités et, j'imagine, dans d'autres institutions publiques. Qu'est-ce qui fait qu'au Québec, par exemple, notre Commission des droits de la personne a tranché en faveur du port du voile? Est-ce que c'est de la culpabilisation, comme vous le suggérez? Et est-ce que c'est la bonne voie, selon vous? Est-ce qu'il y a d'autres voies? En Allemagne, par exemple, maintenant, et dans plusieurs Länder, il y a une attitude différente, les enseignants peuvent porter le voile... ou les enseignants ne peuvent pas porter le voile, mais les étudiants, oui. Mais en tout cas, là-dessus, j'aimerais bien vous entendre.

M. Trottier (Jean-Philippe): Écoutez, d'abord, il y a voile et voile, hein? Parle-t-on de hidjab, de la burqa? Parle-t-on de niqab? Parle-t-on du tchador? Les propos de Jack Straw qui ont fait monter tout le monde aux barricades, en Angleterre, il y a deux, trois semaines, parce qu'une enseignante, qui était voilée avec la niqab jusqu'ici; on ne pouvait pas savoir ce qu'elle pensait. Il faut savoir que signifient ces symboles. Porter un voile ou pas, à la limite je m'en fous, mais qu'est-ce que ça veut dire pour la femme qui porte son voile?

Alors, si c'est en Tunisie, où c'est également interdit par Ben Ali maintenant, ça veut dire que c'est une revendication identitaire. Si c'est en Iran, les femmes ne veulent pas être voilées. Donc, il y a islam, Islam. Ici, je dirais qu'il y a une grande partie de culpabilisation. Nous voulons nous targuer d'être tolérants. On ne veut pas se faire taper sur les doigts par les lobbys immigrants, par Ottawa, c'est trop facile. Ottawa a besoin d'un bouc émissaire, le bouc émissaire, c'est le Québec en général, c'est trop facile. C'est pour ça qu'il faut parler, je dirais, de peuple à peuple, je ne parle pas de l'indépendance, là, hein, mais je parle d'absolu à absolu, ou de collection de symboles à collection de symboles dans lesquels un immigrant pourra venir et comprendre où est-ce que, lui, ses symboles, il peut les fondre là-dedans, tout en sachant qu'il est récemment venu.

Si je viens chez vous, je me conforme à vos habitudes. Je ne viens pas vous demander: Écoutez, moi, je suis végétarien, moi, je m'habille comme ça, je fume ici, je fais ci, ça, ça, ça. Je suis chez vous d'abord, et peu à peu s'opère une greffe existentielle et culturelle. Mais d'abord il y a toute la chorégraphie de la politesse, et je pense qu'on a oublié cela ici, et, ayant oublié cela, on risque un revirement populiste, je le crains.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, merci, M. Trottier. Et je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

 

(Reprise à 11 h 5)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons donc continuer nos travaux. Et nous recevons la Corporation Éducentre de Bois-de-Boulogne.

Bienvenue en commission parlementaire. Donc, je vous explique brièvement les règles. Vous avez un temps maximal de 15 minutes pour la présentation de votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi d'une période d'échange avec les membres de la commission. Donc, je vous demanderais tout d'abord, pour le bénéfice du Journal des débats, de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire.

Corporation Éducentre de
Bois-de-Boulogne (CEB)

Mme Légaré (Catherine): Alors, Catherine Légaré, coordonnatrice à la Corporation Éducentre Bois-de-Boulogne.

Mme Robert (Émilie): Émilie Robert, chargée de projet à la Corporation Éducentre Bois-de-Boulogne.

Mme Légaré (Catherine): Bien, d'abord, on vous remercie pour l'invitation à venir présenter nos réflexions. Ça nous fait plaisir de contribuer à la consultation qui est en cours et d'avoir l'occasion d'exprimer nos points de vue. Le 15 minutes, on va essentiellement résumer notre mémoire en ressortant les faits saillants, et ensuite, bien, comme il y a une période de questions, vous pourrez demander des précisions sur certains points.

Donc, dans un premier temps, je vais faire une brève présentation de la Corporation Éducentre. Nous sommes un organisme sans but lucratif qui a été fondé en 2001. Les projets qui sont gérés par la corporation sont tous des projets qui ont une mission éducative ou en lien avec l'insertion professionnelle. Notre équipe possède une expertise dans le domaine du mentorat et du cybermentorat, donc le mentorat qui se fait par le biais d'Internet.

Cette expertise-là a été développée de plusieurs façons: d'abord, par un projet qui s'appelle Academos et qui existe depuis 1999, qui vise à aider les jeunes Québécois dans leur choix de carrière. Donc, ça vise les 14-30 ans. On met les jeunes en contact avec des gens qui pratiquent le métier ou la profession qui les intéresse, de façon à pouvoir démystifier le monde du travail, à les aider à mieux saisir les réalités du monde du travail. Ce projet-là jusqu'à maintenant a accueilli 13 000 jeunes. On a 600 mentors bénévoles dans ce projet. Donc ça, c'est le projet majeur qu'on a depuis 1999. À côté de ça, notre expertise en mentorat s'est aussi développée et exprimée, là, par le biais de conférences qu'on donne, de consultations. On a diverses activités dans ce sens-là. On collabore aussi avec l'Université du Québec à Montréal pour faire de la recherche sur le mentorat. Donc, on a une bonne compréhension de ce moyen d'intervention là.

C'est ce qui a amené le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, en 2005, à nous solliciter pour participer au projet Québec pluriel, donc, essentiellement de deux façons. Dans un premier temps, on nous a demandé de structurer un centre de services en mentorat, donc de s'occuper du recrutement, de la formation, de la sélection et du suivi des mentors qui accompagnent les jeunes de communautés culturelles et de minorités visibles qui participent au projet Québec pluriel. Et on a aussi été sollicités pour développer un cybermentorat pour ces mêmes jeunes. Donc, ça fait un an qu'on participe à ce projet-là. Le projet, durant la dernière année, a eu lieu à Montréal, et il y a eu un pôle aussi à Québec. Donc, il vise essentiellement les jeunes nouveaux arrivants de communautés culturelles et les jeunes de minorités visibles.

Donc, ça nous a permis d'adapter le mentorat au contexte interculturel, de développer une intervention spécifique à cette clientèle-là, et, bien, c'est ce qui amène à notre propos d'aujourd'hui, là, qui est de vous sensibiliser à l'utilité du mentorat pour faciliter l'accès en emploi et le rapprochement interculturel, notamment en milieu de travail. Et je cède la parole à Émilie.

n(11 h 10)n

Mme Robert (Émilie): Donc, pour vous mettre en contexte un peu notre propos qu'on a tenu dans notre mémoire, bon, dans le document de consultation qui a été préparé en préalable à cette commission, on traite de différentes sphères de vie où l'intégration des Québécois de toute culture et origine peut être un enjeu. Alors, nous, on s'est davantage prononcés en fonction de l'insertion en emploi. Comme Mme Légaré l'a présenté, c'est un secteur dans lequel on oeuvre.

Alors, on sait tous que, bon, l'intégration en emploi, pour tout individu, ça assure son bien-être, et d'autant plus, si on se met dans le contexte d'une personne nouvellement arrivée au Québec, ça assure non seulement son établissement ici, au Québec, mais c'est un des premiers lieux dans lequel cette personne-là va apprendre sur la culture québécoise et aussi faire partager son univers culturel à des gens qui l'entourent. Dans un second temps aussi, l'accès à l'emploi est souvent ce qui va convaincre les nouveaux arrivants de demeurer au Québec et non pas de retourner dans leur pays d'origine ou de transiter ailleurs après un certain séjour ici, au Québec.

Alors, on constate que l'emploi est un enjeu important pour l'intégration des gens de toute culture et, dans un certain aspect aussi, particulièrement les nouveaux arrivants. Et, de par notre implication dans des projets de mentorat, nous, on a été mis au courant qu'il demeure plusieurs difficultés liées à l'emploi éprouvées par les gens des communautés culturelles. Alors, on a beaucoup de statistiques sur les écarts de taux de chômage entre l'ensemble de la population québécoise et les gens appartenant à des communautés culturelles et peut-être aussi plus particulièrement à des groupes qu'on appellent minorités visibles.

Aussi, ce n'est pas seulement le chômage qui semble être un problème. Et là davantage chez les jeunes, on remarque, chez les 16-35 ans de communautés culturelles et nouveaux arrivants, d'autres difficultés, que ce soit un sentiment d'isolement social et professionnel, que ce soit un sentiment aussi de discrimination en fonction de leur origine ou même une très difficile reconnaissance de leurs acquis et compétences développés dans leur pays d'origine. Alors, il y a tout un ensemble de difficultés qu'on constate.

Autre constat aussi qu'on peut faire, c'est qu'il existe, surtout dans les grands centres, il existe plusieurs mesures d'aide à l'emploi pour les gens des communautés culturelles, des services qui sont offerts gratuitement. Malgré la présence de ces services-là, il demeure plusieurs personnes qui éprouvent des difficultés d'insertion en emploi.

Alors, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale, en 2004, avait fait ces constats-là et en était venu à proposer l'hypothèse qu'un service d'accompagnement personnalisé pouvait venir pallier à cette lacune entre, bon, une présence de services assez soutenue et toutefois des difficultés persistantes. Alors, c'est dans cette perspective-là que certaines formules de mentorat ont été élaborées pour venir en aide à des gens des communautés culturelles dans leur intégration en emploi et dans leur maintien en emploi.

Pour vous parler un peu du mentorat, le mentorat de type professionnel, comme, nous, on expérimente et qu'on discute dans notre mémoire, consiste au jumelage entre un professionnel d'expérience ? en l'occurrence, dans le projet que, nous, on travaille, expérience professionnelle au Québec ? un jumelage entre un travailleur d'expérience et un jeune qui désire s'intégrer socioprofessionnellement. Alors, le mentorat, dans les écrits scientifiques et aussi dans la pratique, s'avère être un outil efficace pour l'intégration en emploi des débutants dans un secteur et dans un domaine, puis particulièrement efficace aussi pour les gens des communautés culturelles et des nouveaux arrivants surtout. Donc, les travailleurs d'expérience qui sont jumelés avec ces nouveaux arrivants là ou ces jeunes-là de communautés culturelles peuvent non seulement participer à l'élargissement du réseau de contacts de cette jeune personne là, peut aider la personne à décoder certains codes socioprofessionnels qui sont propres à la culture locale.

Alors donc, c'est un peu dans ce contexte-là que, par l'entremise du Bureau de développement de services aux jeunes, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale a effectué une recherche-action, en 2004-2005, Québec pluriel. Et cette recherche-action-là a démontré effectivement la pertinence du mentorat pour favoriser l'intégration en emploi et le maintien en emploi de certaines clientèles visées, là, nouvellement arrivées au Québec ou issues de minorités visibles.

Alors, nous, ce qu'on propose, c'est que le mentorat est non seulement efficace pour l'intégration en emploi de toute personne, mais très efficace pour l'intégration et le maintien en emploi des gens de communautés culturelles parce que le mentorat qu'on fait, qu'on a expérimenté permet non seulement une meilleure intégration, mais un rapprochement interculturel aussi. Donc, par expérience, toutes nos dyades, donc nos couples de mentorat, étaient composées de deux personnes de cultures différentes. Et, par l'entremise de notre service d'accompagnement entourant ces participants-là, on offre des formations reliées à la relation interculturelle, on outille les participants dans le fond à mieux comprendre quelle est la relation interculturelle. Donc, ça favorise, dans une certaine mesure, le rapprochement interculturel. Alors, contrer l'isolement social, construction d'un réseau de contacts, développement de compétences interculturelles sont toutes des choses que les mentors et les mentorés avec lesquels on a travaillé ont expérimentées.

Et enfin, aussi, dans une perspective plus large, le mentorat peut permettre un rapprochement de la vision de certains employeurs par rapport à l'embauche de personnes de communautés culturelles. Alors, si un employeur a une personne parmi ses rangs qui est mentor, et qui connaît la relation interculturelle, et qui favorise le développement d'une personne d'une autre culture au sein même d'une équipe, ça permet, par cette expérience-là, un apprivoisement, dans tout le milieu de travail, à la relation interculturelle et à l'intégration à l'emploi des nouveaux arrivants et des gens des communautés culturelles.

Alors, dans le document de consultation, il y a une description aussi de Québec pluriel, le projet duquel on a une expérience, à la page 56, qui peut aussi, là, vous donner plus de détails. Alors, sur ce, je vais céder la parole à Mme Légaré, qui vous précise nos recommandations.

Mme Légaré (Catherine): Alors, bien, je vais y aller rapidement avec les recommandations qu'on avait exposées dans notre mémoire. En fait, le mentorat a été peu utilisé jusqu'à maintenant, là, aux fins d'intégration socioprofessionnelle des personnes de communautés culturelles ou de minorités visibles, mais, comme on l'a exposé, bien, il y a des résultats positifs jusqu'à maintenant qui nous permettent de croire que cette forme d'intervention là pourrait être plus exploitée dans notre société.

Mais pour l'instant on voit que l'intervention a comme une portée limitée pour trois principales raisons, là, qu'on a identifiées. La première, c'est que la majorité des projets qui se déroulent en milieu communautaire ou en éducation s'adressent aux gens de 35 ans et moins souvent, et on remarque qu'il y a des besoins semblables chez des gens plus âgés. Le mentorat mise essentiellement sur le bénévolat et sur le soutien communautaire, donc, ça, on pense que ça peut limiter la portée de cette intervention. Et pour l'instant les programmes ont été implantés seulement à Montréal et à Québec, donc dans les grands centres. Donc, nos recommandations découlaient de ces observations-là.

Notre première recommandation était, bien, de mieux soutenir les entreprises et les organisations qui souhaitent aller vers le mentorat. Donc, par soutien, on entendait, bien: possibilité d'avoir du soutien en termes de consultants pour implanter les programmes, des fois les entreprises n'ont pas cette expertise-là, ou les organisations; d'avoir accès à du financement; de reconnaître aussi le mentorat comme un outil efficace pour que ça devienne un outil prôné, là, dans les pratiques de gestion. Notre deuxième recommandation était de favoriser et de soutenir des programmes de mentorat qui visent les communautés culturelles à l'extérieur des grands centres. La troisième, c'est d'instaurer des programmes pour les gens âgés de plus de 35 ans. Et notre dernière recommandation rejoignait l'objectif de concertation et d'augmentation des partenariats.

Le mentorat, bon, on en a fait un peu l'éloge. En même temps, on est conscients des limites de cette forme d'intervention là. Ça n'intéresse pas tout le monde. Il peut même y avoir certaines cultures où ce type de relation là n'appelle pas les individus. Donc, il y a d'autres formes d'accompagnement aussi qui peuvent être possibles pour atteindre les mêmes objectifs. Cependant, bien, il y aurait certainement quelque chose à faire pour concerter ces différentes formes d'accompagnement là afin qu'elles soient mieux connues, que les gens puissent mieux choisir et que l'accès soit plus large, et de s'assurer aussi qu'il y a une complémentarité, là, dans ce qui est offert. Donc, c'est essentiellement notre propos.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

n(11 h 20)n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Mme Légaré, Mme Robert, merci de votre apport précieux. On sent que vous avez réellement beaucoup, beaucoup d'expertise au niveau du mentorat. Je pense que ça peut être assez intéressant. Je sais que mon collègue veut aussi vous poser des questions. Je tiendrais peut-être, d'entrée de jeu, à préciser qu'avec la Stratégie d'action jeunesse du premier ministre il a été décidé que le programme Québec pluriel serait élargi à d'autres régions, dont Laval, Sherbrooke et l'Outaouais, justement dû aux excellents résultats qui ont été obtenus à Montréal et à Québec.

Vous avez parlé beaucoup, beaucoup de mentorat. Moi, j'ai pratiquement le goût de vous demander de quelle manière on pourrait essayer d'instaurer du mentorat dans la fonction publique.

Mme Légaré (Catherine): Oui. Un commentaire par rapport à votre premier commentaire, c'est un élément que j'ai oublié dans mon exposé, là, d'ailleurs. Quand on parlait d'élargir aux grands centres, Québec pluriel va s'élargir, puis c'est une bonne chose. Je pense que ça va permettre de justement aller tester le modèle hors des grands centres puis de voir comment tout ça peut se structurer. Donc, on a bien hâte de voir le développement de ça.

En ce qui concerne la fonction publique, en fait, il y a déjà eu du mentorat, je ne sais pas s'il y en a encore, mais je sais que le Conseil du trésor avait élaboré un programme de mentorat pour les jeunes qui arrivaient dans la fonction publique. À mon souvenir, c'est en 2002, là, que ça avait été fait, mais je ne sais pas si ça s'est poursuivi. Je ne sais pas non plus s'il y avait un accent qui avait été mis sur une composante culturelle. Non? Mais je sais qu'il y a eu des expériences de faites de ce côté-là. Il y a même eu de la recherche qui a été faite par un professeur à l'ENAP, je crois, sur ce programme-là.

Donc, c'est certain que, pour mettre ce genre d'intervention là en place, il faut d'abord qu'il y ait une volonté d'avoir ce genre d'intervention là, que ce soit... Souvent, en tout cas, en entreprise, on dit: Il faut que ça vienne d'en haut, il faut que la direction, la haute direction prône cette façon d'intervenir et ensuite, bien, il faut accorder les ressources nécessaires pour le faire. C'est souvent ce qui achoppe quand on fait des programmes de mentorat en entreprise ou dans différentes organisations, ça prend des gens compétents pour s'en occuper et qui vont y mettre le temps aussi pour le faire, parce qu'il y a toute la question de la formation à faire, l'accompagnement, les suivis. Donc, il faut vraiment bien structurer l'intervention, la faire connaître. Donc, il y a beaucoup de conditions de réussite en fait qui ont été identifiées, là, pour mettre en place des programmes comme ça.

Mme Thériault: Et, même si vous parlez de la volonté des dirigeants, encore faut-il que les personnes qui sont en position pour embaucher et même les équipes de travail niveau terrain soient également sensibilisées au fait que la diversité culturelle, dans une équipe de travail, ce n'est pas toujours facile non plus mais qu'il faut s'ouvrir. Parce qu'effectivement on a beau avoir toute la meilleure volonté possible et dire: Bien, nous, on va en faire entrer dans nos équipes de travail, mais, si les niveaux ne suivent pas, c'est des échecs. Donc, c'est ça qui est important, d'essayer de voir aussi à tous les niveaux et non pas juste au niveau décisionnel. Est-ce que vous pensez que les entreprises ont besoin d'outils ou d'incitatifs financiers pour pouvoir intégrer plus de diversité culturelle dans leurs équipes?

Mme Légaré (Catherine): Bien, ça doit dépendre des entreprises, en fait. Parce que, par le biais de Québec pluriel, on a eu des contacts avec différentes entreprises, surtout des grandes entreprises, par exemple on a eu des contacts avec le Mouvement Desjardins, la firme de services-conseils Deloitte. Eux, ils sont déjà en train de faire de la diversité en emploi, donc ils avaient surtout besoin de services-conseils, je pense, pour instaurer des programmes, plus que d'incitatifs financiers. Mais peut-être que les plus petites entreprises, les PME, qui ont des fois moins de ressources pour le faire, apprécieraient ou en tout cas seraient plus portées à instaurer ce genre de programme là s'il y avait des incitatifs financiers. Mais, nous, en tout cas, ce qu'on a eu accès jusqu'à maintenant, c'est des entreprises qui voulaient faire quelque chose, mais qui n'avaient pas les ressources humaines qu'il fallait pour mettre les interventions en place pour bien faire les choses. Donc, il était beaucoup là, le questionnement.

Puis, peut-être pour faire un pont avec votre commentaire précédent, un mentorat comme ça, ça ne se fait pas seul, déconnecté du reste, hein? Il faut vraiment que ça aille avec toute une politique de diversité qui est... Je pense que, pour que ça fonctionne, il faut que déjà les gens aient été sensibilisés à la diversité dans le milieu de travail, et là les gens vont se proposer pour être mentors ou même vont accepter d'être mentorés. Mais, si c'est fait tout seul, je suis d'accord, entièrement d'accord avec vous que l'intervention ne prendrait pas ou aurait peu de portée, là, dans le milieu, puis ce serait un échec, peut-être.

Mme Thériault: Je pense qu'on prend un peu pour acquis aussi que les entreprises ne veulent pas ? je vais dire, c'est un mythe ou un préjugé, là ? que les entreprises ne sont pas ouvertes puis qu'elles ne veulent pas. Est-ce que vous avez beaucoup d'entreprises qui vous sollicitent justement parce que, pour eux, ils ont compris que c'est leur solution et qu'ils ont besoin d'avoir des trucs ou des conseils dans leur accompagnement dans cette gestion de la diversité?

Mme Légaré (Catherine): Bien, on a eu des sollicitations. En même temps, comme on n'a pas fait un appel à tous pour dire: Bien, on a tel service, auriez-vous besoin de nous?, donc c'est plus les entreprises qui sont venues vers nous. Mais on sent, du moins dans les grandes entreprises, puis aussi parce que la vague... Il y a une vague de pénurie de main-d'oeuvre qui s'en vient dans certains secteurs. Là, woups! on dirait que ça allume des lumières pour dire: Bien là, qu'est-ce qu'on peut faire? Puis il y en a qui ont eu des expériences difficiles des fois avec la diversité et là ils cherchent des moyens, mais le personnel qui est en place dans l'entreprise ne possède pas nécessairement les connaissances et l'expertise pour mettre en application, pour développer. C'est les commentaires qu'on a eus jusqu'à maintenant.

Mme Thériault: Merci. On reviendra. Ma collègue de Nelligan va certainement avoir un échange avec vous. Merci.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Oui, M. le Président. Bienvenue à vous deux de la Corporation Éducentre de Bois-de-Boulogne. Mme Légaré, Mme Robert, bonjour. C'est vraiment une expérience fort enrichissante pour nous parce que finalement, bien, c'est du concret: comment on fait réellement pour permettre au plus grand nombre de personnes possible d'intégrer le marché de l'emploi.

Puis définitivement que cette solution du mentorat, je pense que c'en est une d'avenir, qu'on doit privilégier de plus en plus parce que... Puis c'est aussi ce que les organismes communautaires nous disent à certains égards, puisque, bon, dans le fond, les organismes communautaires, un de leurs... Bien, l'avantage, si on veut, de passer par ce réseau-là, c'est que le service est plus personnalisé, donc plus adapté à chaque personne qui vit, bon, finalement, des réalités différentes, que ce soit au niveau de l'emploi mais aussi, bon, bien, du cheminement social puis du parcours d'intégration.

Et je serais intéressée à savoir concrètement comment que ça fonctionne chez vous. Donc, vous êtes combien? Il y a combien de consultants? Est-ce que les consultants prennent en charge une personne et font tous les volets ou la personne passe, disons, d'un service à l'autre? Donc, vous êtes combien? Combien de personnes, plus ou moins, vous avez réussi à... Combien de candidatures vous avez eues dans la dernière année? Bref, là, tu sais, de nous faire un petit topo de l'état de la situation. Puis quelles sont les perspectives d'avenir finalement? Est-ce que vous avez une capacité de placer plus de gens? Vous parlez de, bon, l'importance de vous soutenir. Donc, de quelle façon, là? Tu sais, pour nous donner une meilleure idée, là, de ce qu'on doit mettre en place.

n(11 h 30)n

Mme Robert (Émilie): Bien, je pense que je vais répondre à cette question-là. Donc, depuis un an maintenant, nos activités de mentorat à Québec pluriel sont lancées. En un an, on a eu un total de 209 mentorés et cybermentorés, donc qui ont fait soit du mentorat par courriel ou en personne. Ça ne veut pas dire qu'il y a eu 209 participants à Québec pluriel, parce que certains participants considéraient que ce n'était pas une activité qui leur convenait ou se plaçaient en emploi avant même d'avoir eu la disponibilité d'un mentor. Donc, il y a eu certaines circonstances qui ont fait que ce n'est pas tous les participants qui ont choisi le mentorat. On a donc eu 209 participants. Et, côté bénévole, on a maintenant 137 bénévoles parmi notre banque de mentors. Ce sont des gens de tous secteurs d'activité et impliquant des niveaux de scolarité tous différents aussi. Et ça correspond à à peu près une centaine de jumelages, donc, que ce soient des jumelages virtuels, par le cybermentorat, ou des jumelages en personne.

Donc, nos mentors sont tous formés, ils ont tous une formation initiale de base avant d'être jumelés à un mentoré en personne. Pour les cybermentors, certains sont dans des régions assez éloignées de notre centre à Montréal, donc on fait ça par téléphone. Et les mentorés, eux aussi, sont bien sûr préparés dans les organismes d'emploi et habilités par l'entremise des gens en place.

Les jumelages sont d'une durée d'environ un mois à quatre mois. Ça dépend toujours des objectifs du mentoré, de la disponibilité du mentor, du déroulement aussi de leur démarche et de la rapidité à laquelle elles peuvent s'échanger du contenu. Mais je vous dirais que même ceux qui ont complété, là, une démarche de mentorat avec les phases typiques maintiennent contact. Donc, il y a plusieurs mentors qui m'ont dit que ça fait plusieurs mois qu'ils ne voient plus leurs mentorés sur une base systématique. Nous, on recommande une rencontre une fois par semaine, une heure, pendant à peu près trois mois, et certains ont bouclé cette boucle-là. Ils gardent bien sûr contact ? téléphone, courriel ? pour assurer un suivi puis l'aide au maintien en emploi, là. Donc ça, ça fait le tour des activités concrètes.

Mme Lefebvre: Et puis, vous, à votre centre, vous êtes combien à faire le recrutement des... Bien là, vous avez une entente avec Emploi-Québec. Donc, j'imagine qu'ils vous réfèrent des personnes, et donc, vous, vous cherchez des mentors finalement qui sont bénévoles. Mais est-ce que vous êtes nombreux à faire ce recrutement-là au sein de votre...

Mme Robert (Émilie): En fait, à l'heure actuelle, Mme Légaré est la coordonnatrice de l'équipe. Donc, c'est elle qui nous soutient puis qui nous aiguillonne. J'ai un collègue qui est chargé du recrutement de bénévoles, donc non seulement recruter des bénévoles, mais aussi promouvoir la visibilité du projet Québec pluriel, du mentorat à Québec pluriel. Et, moi, je suis la chargée de projet qui m'occupe de la formation des mentors, du suivi des dyades de mentorat, dans le fond de la coordination de la participation. Donc, ça fait une équipe de trois.

Mme Légaré (Catherine): Ce qu'il est important peut-être de préciser, c'est que Québec pluriel est un projet... Nous, on a comme une partie du projet, mais il y a des organismes en employabilité, en tout cas pour Montréal, qui ont la première partie de l'intervention, c'est-à-dire que c'est eux qui reçoivent les participants qui ont besoin des services. Par exemple, les centres locaux d'emploi vont référer aux organismes en employabilité les participants. Les participants, à ce moment-là, font des ateliers de connaissance du marché du travail au Québec, préparation de C.V., préparation au mentorat aussi, et c'est après ces ateliers-là qu'ils participent ensuite au mentorat, là. Donc, nous, on n'a pas le recrutement des jeunes, si on peut dire, à faire.

Mme Lefebvre: Ce que je comprends, c'est que donc vous avez réussi dans le fond une centaine de jumelages à trois. Bien, je veux dire, avec les ressources...

Mme Légaré (Catherine): C'est ça.

Mme Lefebvre: Bien, en fait le recrutement se fait... bien, le recrutement... disons, l'identification des personnes qui ont besoin du programme. Donc, c'est quand même assez exceptionnel. Et est-ce qu'il y a d'autres organismes qui, comme vous, font ce travail à Montréal ou... Est-ce que vous connaissez d'autres centres qui ont la même expertise que vous ou vous êtes dans le fond... Bien, dans le fond, je comprends que vous êtes aussi précurseurs, là, puisque vous avez une entente particulière de défricher un peu ce terrain-là avec Emploi-Québec. Mais est-ce qu'il y a d'autres groupes qui vous ont imités? Comment ça se situe un peu, là, au niveau du Québec ou de Montréal?

Mme Robert (Émilie): Bien, il y en a très peu à notre connaissance, en effet ? puis Mme Légaré complétera mon propos. À notre connaissance, il y a un autre organisme à Montréal, qui s'appelle Au rendez-vous des cultures, avec lequel on a collaboré, et eux font du mentorat pour répondre justement à la demande des gens surtout nouvellement arrivés mais aussi des communautés culturelles, qui sont âgés de plus de 35 ans. Donc, on a observé qu'il y avait certaines personnes qui étaient laissées pour compte: il y avait des besoins de mentorat, mais ils n'entraient pas dans la catégorie d'âge. Donc, cette équipe-là a fait appel à nous parce que c'est assez nouveau pour eux comme mandat, et ils ont fait appel à nous pour avoir des conseils sur la formation des mentors puis aussi comment mettre en place un service de mentorat. Est-ce qu'il y en aurait d'autres que...

Mme Légaré (Catherine): Bien, en fait, il y a d'autres organismes communautaires qui vont avoir certaines composantes de mentorat, dans leurs organismes, qui parfois va être interculturel. Et même il y a du mentorat qui se fait un peu partout au Québec en fait en entrepreneurship, pour l'insertion en emploi, mais ce n'est pas nécessairement... ça ne vise pas nécessairement l'intégration socioprofessionnelle des jeunes de communautés culturelles ou de minorités visibles. C'est que des fois il va y avoir des jumelages qui vont se faire qui vont être interculturels de toute façon, là, mais l'accent n'est pas mis là-dessus.

Je pense que Québec pluriel, dans son ensemble, bien, à ma connaissance, c'est une des seules expériences comme ça qui existe même au monde, là, tu sais, où vraiment on se centre sur cette thématique-là, où il y a une offre intégrée avec des ateliers, du mentorat. Nos mentors reçoivent aussi une formation interculturelle. Donc, c'est vraiment un aspect qui est important dans l'intervention. Et ça, bien, c'était novateur aussi de le faire au niveau gouvernemental. Puis là de l'élargir aussi, c'est assez unique, là.

Mais il y a des petits programmes des fois qui vont exister en milieu communautaire, mais rien de formel, structuré. Des fois, on peut se questionner sur la formation qui est donnée, comment les mentors sont sélectionnés. Il y a beaucoup, beaucoup de questions à se poser à ce niveau-là.

Mme Lefebvre: Mais donc, tu sais, juste pour être capable d'un peu évaluer puis de projeter dans l'avenir, et tout ça, je me demandais: Quand vous dites «il y a eu une centaine de jumelages qui ont réussi», est-ce que c'est des jumelages qui ont finalement abouti à un emploi pour la personne, donc une insertion réussie, ou c'est un jumelage, donc la personne dans le fond a pu acquérir certaines compétences ou connaissances de la part de son mentor et donc vit une relation... bien, une relation avec cette personne-là qui pourra éventuellement aboutir à un emploi?

Puis, deuxièmement ? parce que je pense que mon bloc s'achève ? je me demandais, si ce n'est pas trop indiscret, votre budget de fonctionnement annuel, comment... En fait, avec quelles ressources vous réussissez à faire ce que vous faites, qui est assez exceptionnel?

Mme Robert (Émilie): Je vais répondre à votre première question, et Mme Légaré répondra à la question des budgets. Pour répondre à votre question, je vous dirais que bien sûr il y a de tout sur la centaine de dyades qu'on a suivies. Les échos que j'ai eus ? parce que c'est mes collègues conseillers en emploi qui compilent les statistiques sur le placement en emploi ? m'ont dit qu'environ 50 % des participants, aux suites de Québec pluriel, se plaçaient en emploi. Tous les échos que j'ai eus, que ce soit de par les mentors, cybermentors, mentorés ou cybermentorés, ont été des échos positifs.

Donc, j'en conclus que, quand bien même que, pendant sa participation à Québec pluriel, le mentoré ne s'est pas directement placé en emploi, on a eu des échos que c'était une démarche qui était enrichissante, qui permettait un avancement réel dans l'intégration, un apprentissage concret de la démarche de recherche d'emploi. Donc, lorsque ça n'aboutit pas sur un placement en emploi concret et mesurable dans notre période de participation, ça permet une meilleure intégration puis une meilleure compréhension aussi du marché du travail puis du secteur d'activité dans lequel la jeune personne oeuvre.

Mme Légaré (Catherine): Peut-être pour compléter aussi, il y a des dyades qui se sont poursuivies au-delà de l'obtention d'un emploi, puis ça, je pense que c'est un élément qui est important aussi. Ce qu'on a pu faire, dans Québec pluriel, c'est quand même assez court parce que c'est 12 à 15 semaines. Mais, pour les dyades qui se sont poursuivies, on a remarqué que souvent c'est très aidant aussi de continuer à voir son mentor parce que des fois, bien, la personne arrive en milieu de travail, et là: Ah, il s'est passé quelque chose en réunion, je n'ai pas compris la réaction de mes collègues. De revenir avec le mentor, ça permet des fois de remettre les choses en perspective, de comprendre les codes sociaux qu'on n'a pas su décoder à ce moment-là. Donc, il y a aussi, pour le maintien en emploi, des choses importantes à considérer dans la durée puis dans le rôle aussi des mentors.

En termes de financement, en fait, nous, on a commencé le projet Québec pluriel en août 2005 et donc, depuis août 2005 jusqu'à maintenant, on a reçu 175 000 $, à peu près, pour réaliser le projet. Donc ça, ça nous a permis d'opérer à Montréal, de faire le recrutement, la formation, le suivi, et tout ça, et de donner un soutien aussi à l'organisme de Québec qui a implanté Québec pluriel, qui est le SOIIT, qui a implanté Québec pluriel à Québec. Donc, on est allés former les intervenants de cet organisme-là, on a donné les premières formations à leurs mentors aussi afin que les intervenants puissent se familiariser davantage avec le mentorat et puissent éventuellement devenir autonomes. Là, maintenant, ils offrent leur formation eux-mêmes à Québec.

Le Président (M. Brodeur): Merci. Mme la députée de Nelligan.

n(11 h 40)n

Mme James: Merci, M. le Président. Mme Légaré, Mme Robert, merci beaucoup de votre présentation. Je pense que je veux en profiter pour vous remercier pour le travail que vous faites. Vous savez que, quand la ministre nous a donné, à moi et à mes collègues, le mandat de partir en consultation sur la pleine participation des communautés noires, on a eu la chance d'entendre beaucoup, beaucoup de personnes, entre autres 275 groupes et des individus qui nous ont parlé de beaucoup de choses. Mais, s'il y avait un sujet qui revenait souvent, c'était la question des modèles, puis, associée et liée directement à ça, évidemment était une solution très, très appropriée, le mentorat. Alors, je voulais surtout vous remercier pour le travail que vous faites. Puis je pense que c'est une bonne tribune pour nous d'en parler et de voir de quelle façon qu'on peut adopter ou adapter justement vos façons de faire à d'autres milieux.

Vous avez parlé de l'importance de la formation, puis de l'accompagnement, puis du suivi, et tout le travail que vous faites par rapport à ça, puis de la façon que vous êtes structurés, et l'importance de cette structure-là. Mais, moi, j'ai le goût de vous parler un peu de votre clientèle, par rapport aux jeunes qui seraient vos clients. Quand vous parlez du fait qu'on devrait adapter ces programmes-là à des 35 ans et plus, est-ce que vous trouvez en général que, dans ces cas-là, on parle des immigrants plus que des minorités visibles? Et, dans votre formation, comment adaptez-vous votre discours ou les outils que vous devez donner aux mentors par rapport à ça?

Mme Légaré (Catherine): En fait, les demandes qu'on a eues de gens qui voulaient avoir un mentor et qui avaient plus de 35 ans provenaient surtout de gens nouvellement arrivés au Québec. Donc, ils avaient un grand besoin de mieux comprendre le monde du travail ici. C'est des gens qui avaient souvent eux-mêmes une expérience de travail dans leurs pays, mais c'est vraiment de pouvoir s'intégrer et comprendre la culture du monde du travail ici, d'avoir un modèle ? ça a été dit tantôt ? donc c'était plus ça que des gens qui étaient nés ici, qui avaient étudié ici et qui étaient âgés de plus de 35 ans. C'est vraiment dans un processus de transition professionnelle que ces gens-là sont puis ils ressentent le besoin d'avoir quelqu'un qui peut les appuyer, leur donner une tape dans le dos, un coup de pouce, les écouter, et ça, peu importe l'âge. Quand on se retrouve dans cette situation-là, ça peut être aidant d'avoir quelqu'un qui nous accompagne.

Maintenant, si je comprends bien votre question, c'est: Comment pourrait-on adapter, par exemple, la formation qu'on fait avec nos mentors pour que ces gens-là puissent accompagner...

Mme James: ...la différence des deux réalités.

Mme Légaré (Catherine): Bien, en fait, il y aurait sûrement des adaptations à faire. On n'a pas eu à les faire parce qu'on n'a pas touché une clientèle plus âgée, mais la majorité des participants qu'on a eus dans le mentorat Québec pluriel... Parce qu'Émilie a mentionné tantôt que tous les participants qui ont fait des ateliers à Québec pluriel n'ont pas manifesté le besoin d'avoir un mentor. Ceux qui ont manifesté le besoin d'avoir un mentor, c'était, dans ce cas-là aussi, souvent des jeunes de moins de 35 ans mais qui venaient d'arriver au Québec aussi, parce que notre mentorat était très axé insertion professionnelle, développement professionnel.

On a remarqué que ça a ressorti dans l'évaluation qui a été faite, cette année, de Québec pluriel, que les jeunes de minorités visibles qui, par exemple, avaient des caractéristiques de sous-scolarisation ou de ne pas posséder de formation qualifiante avaient besoin d'un mentorat qui était davantage psychosocial donc pour développer aussi des façons d'interagir, de s'intégrer dans la société, et tout ça. Nous, le mentorat qu'on offrait a peu rejoint cette clientèle de jeunes là.

Donc, pour revenir au début, là, c'est qu'il y aurait peut-être des adaptations à faire parce que, quand on est plus âgé, on n'a pas la même réalité dans notre vie au quotidien. Mais en même temps le besoin de ces gens-là ressemblerait beaucoup à ceux qu'on a servis cette année. Mais c'est certain qu'un jeune qui arrive, qui a 25 ans, qui n'a pas encore de famille, par exemple, qui n'a pas de responsabilités familiales, et tout ça, bien il n'a pas la même réalité que quelqu'un de plus âgé que son plus vieux est au secondaire. Donc, il y aurait certainement des choses à adapter.

Mais la plus grande adaptation, je pense, qu'il faut faire puis sur quoi il ne faut pas... puis, on l'a mentionné dans notre mémoire, ce qu'il ne faut pas négliger, c'est d'adapter le mentorat à une réalité interculturelle. Ça, on s'en est rendu compte assez rapidement, là, qu'il faut en parler très ouvertement. Puis même on est allés jusqu'à former nos mentors. Même si beaucoup de mentors avaient eux-mêmes vécu le processus d'immigration et avaient eux-mêmes eu de la difficulté à se trouver un premier emploi, ça ne faisait pas en sorte nécessairement qu'ils étaient culturellement compétents pour accompagner quelqu'un d'une autre culture. Parce que c'est ça souvent qui arrivait, là, on ne jumelait pas des gens de la même culture.

Dernièrement, on a eu un témoignage d'un de nos mentors ivoiriens qui a été jumelé avec une femme d'origine maghrébine, donc c'est certain qu'il y a eu une adaptation culturelle à faire. Et, même si le mentor avait lui-même passé par là ? c'est beaucoup ça, le mentorat, hein, se faire aider par quelqu'un qui est passé par là ? il y a eu quand même toute cette notion d'interculturel là qui a dû être mise, de façon transparente, là, de l'avant dans la relation.

Mme James: Merci. Malheureusement, il ne me reste plus de temps.

Le Président (M. Brodeur): Pour une très courte question, Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Bon. Le temps passe trop rapidement. Je voulais juste une petite spécification sur ce que vous avez dit tout à l'heure. Le programme Québec pluriel, vous avez dit que vous avez eu 175 000 $. Donc, est-ce que ça, c'est pour vous permettre de faire vos activités ou est-ce que vous êtes financés par personnes que vous aidez? Une chose.

Deuxièmement ? on a deux minutes, puis ma collègue, elle a une question ? comment on fait pour mieux concerter les gens? Est-ce que les tables existent déjà? Est-ce que les structures existent et s'il s'agit juste de se parler? Puis la question, madame...

Mme Caron: Combien il y avait de femmes et d'hommes, autant du côté des mentors que des mentorés?

Mme Robert (Émilie): Je vais répondre tout de suite à votre question, puis ensuite Mme Légaré répondra aux premières questions. Je n'ai pas de chiffre, je n'ai pas compilé cette donnée-là avant de quitter le bureau, hier soir, mais la tendance est qu'on a un nombre plus important d'hommes mentors. Donc, il semblerait que plus d'hommes répondent à notre appel pour faire du mentorat. Je vous dirais que ce n'est quand même pas un écart trop criant, là. Par expérience, je vous dirais un 60 % d'hommes, 40 % de femmes. Et, côté mentorés, il me semblerait aussi y avoir une légère proportion plus importante de femmes mentorées que d'hommes. Mais ça reste proche, là, comme statistiques.

Mme Légaré (Catherine): Pour compléter ce qu'Émilie dit, la plupart des programmes de mentorat qui visent l'insertion professionnelle ou le développement en entreprise, peu importe qu'il soit interculturel ou pas, là, on remarque le même phénomène: plus de mentors masculins, plus de mentorés féminins.

Les questions qui ont été posées, il y avait sur l'enveloppe budgétaire qu'on avait. Oui, en fait, nous, on n'avait pas une entente par le nombre de personnes qu'on desservait, c'est plus les organismes qui, eux, vont recruter les jeunes participants qui ont ce type de fonctionnement là. Nous, on avait une cible de recrutement de mentors et de jumelages, mais on a reçu une enveloppe... On devait faire les activités dans le fond qu'on avait prévu faire et arriver à nos objectifs dans ces termes-là.

Mme Lefebvre: ...c'était quoi, juste pour nous donner une idée?

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie Femmes africaines... Pardon. Je les remercie d'être arrivées, mais je remercie la Corporation Éducentre de Bois-de-Boulogne. Merci de votre présentation. Je vais suspendre quelques instants, le temps que le prochain groupe puisse s'installer.

(Suspension de la séance à 11 h 49)

 

(Reprise 11 h 50)

Le Président (M. Brodeur): S'il vous plaît! Nous allons continuer nos travaux. Et je demanderais au groupe Femmes africaines, Horizon 2015 de bien vouloir s'installer, s'il vous plaît.

Donc, bienvenue en commission parlementaire. Je vous rappelle brièvement les règles qui prévalent lors de cette consultation. Vous avez un temps maximal de 15 minutes, donc je dis bien, un temps maximal de 15 minutes. Lorsque le 15 minutes arrivera à terme, vous allez voir le président gesticuler pour nous permettre de passer à une période d'échange avec les membres de la commission. Tout d'abord, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais de vous identifier et de procéder immédiatement à la présentation de votre mémoire. La parole est à vous.

Femmes africaines, Horizon 2015 (FAH2015)

Mme Ly (Aoua Bocar): Merci beaucoup.

Le Président (M. Brodeur): Prenez le temps de vous installer. On sait que vous venez juste d'arriver, là.

Mme Ly (Aoua Bocar): On a eu beaucoup de problèmes pour nous stationner. Alors, il y a la révérende Marie-Claude Manga. Notre délégation est composée de trois personnes, dont la révérende Marie-Claude Manga, qui est une des fondatrices du réseau des Femmes africaines, et Dr Nguepe, Maurice Nguepe, qui est anthropologue, qui est une de nos personnes ressources ? parce que c'est vrai que c'est un réseau des femmes africaines, mais nous travaillons avec les hommes parce que, nous, nous ne voulons pas créer une planète femmes, nous voulons créer un monde d'humains composé d'hommes et de femmes pour un réel reflet de la société donc ? et moi-même, Aoua Bocar Ly, qui est sociologue, et chercheure, et présidente et fondatrice du réseau des Femmes africaines.

Le réseau des Femmes africaines est un réseau d'Africaines d'origine, d'ascendance et de coeur. Je dis bien «et de coeur» parce que nous avons des Québécoises de souche qui sont membres de notre réseau également. Il est composé d'intervenantes sociales, de spécialistes du développement humain. Sa mission est d'oeuvrer pour l'intégration pleine et entière des Africaines au Québec et au Canada et de contribuer à la compréhension interculturelle, qui est à notre sens le garant de la cohésion sociale. Le moyen d'intervention du réseau, c'est l'information, l'éducation et la communication, ou ISE en matière de communication... en matière de population, dis-je.

Dans une perspective féministe et panafricaine, Femmes africaines a développé principalement trois volets d'action: réhabiliter l'image de la femme africaine d'origine ou d'ascendance, ou combattre les préjugés et contrer le racisme et la discrimination. Notre deuxième volet, c'est: nos ados ensemble pour un futur meilleur. Il s'agit pour nous de développer chez les jeunes d'ascendance africaine un sentiment d'appartenance à la société québécoise et de fierté de leur origine africaine afin qu'ils soient en harmonie avec eux mêmes et avec les autres. Pour ce, nous accompagnons ces jeunes d'ascendance africaine, surtout les filles, dans le processus de leur formation identitaire. Nous tissons aussi des relations harmonieuses entre eux et ceux de la société d'accueil en vue de prévenir la violence, de garantir la cohésion sociale et de contribuer à long terme à bâtir une société de justice sociale et de paix au Québec.

Notre troisième volet, qui est un autre dossier prioritaire d'ailleurs, c'est: éradiquer les mutilations génitales féminines ou lutter contre cette forme extrême de violence faite aux femmes afin de protéger l'intégrité du corps des fillettes néo-québécoises d'origine africaine et la santé physique et psychique des immigrantes africaines.

Certainement que vous avez eu notre mémoire. Donc, étant donné le temps aussi que vous nous réservez, je vais en sortir juste quelques grandes lignes. Si diverses communautés souffrent de préjugés et de discrimination que ceux-ci engendrent, celles des Noirs en sont les principales victimes. C'est à croire que le document de consultation a eu la pudeur à le mentionner de façon claire et précise. Par contre, le document parle de la résurgence des néo-nazis, faisant allusion au racisme contre les Juifs.

Or, à notre sens, le fait d'entendre, en 2005, soit au XXIe siècle, dans une émission télévisée et de grande écoute d'une radio d'État ? je veux nommer la Radio-Canada ? l'affirmation d'un scientifique, à savoir un médecin, que les Noirs ont un coefficient intellectuel moindre par rapport à ceux des Blancs, et propos qui sont repris par des radios et des télévisions, donc, de tenir ces propos-là est à notre avis une des preuves que l'idéologie raciste biologisante est bel et bien vivante au Québec et qu'elle frappe de plein fouet la communauté noire.

Mais, comme dans tous les domaines, que ce soit une crise politique, économique, écologique ou sociale, soit les guerres, les conflits armés, les femmes en souffrent plus que les hommes. Ces discriminations se reflètent dans les attitudes et les comportements à l'égard des Noirs, ce qui fait que, même hautement diplômés, ses membres éprouvent de la difficulté à avoir de l'emploi au Québec.

En effet, les Afro-Québécoises font partie des immigrées qui sont les plus diplômées que la moyenne nationale, en tout cas si on en croit au Conseil du statut de la femme, qui a fait une enquête sur les femmes immigrées. Le conseil dit, je cite: «Les immigrantes des dernières vagues sont très scolarisées et diplômées, davantage que les femmes nées au Québec.» Fin de la citation.

Précisons ? toujours avec le Conseil du statut de la femme ? que, sur l'ensemble des femmes immigrées au Québec recensées en 2001, 169 305 appartiennent à une minorité visible, soit 47 % du total des immigrées, donc presque la moitié, et qu'elles représentent 45 % des femmes immigrées diplômées universitaires, 45 % de celles qui ont un diplôme collégial. Elles sont également jeunes, 51 % d'entre elles ont entre 20 et 40 ans, et possèdent d'importantes connaissances linguistiques, puisque près des trois quarts des femmes immigrées, soit 73 %, connaissent le français, 44 % le français et l'anglais, donc sont bilingues, 29 % le français seulement, 20 % l'anglais uniquement, et 7 %, c'est seulement 7 % qui n'ont pas ces connaissances linguistiques là.

Malgré tous ces atouts, le Conseil du statut de la femme dit que les inégalités à l'emploi sont criantes. Il dit, je cite: «Quel que soit leur niveau d'études, le taux de chômage est beaucoup plus élevé chez les femmes immigrées que chez l'ensemble des Québécoises. [Ainsi,] une femme immigrée avec un doctorat en poche chômera donc autant qu'une Québécoise diplômée du collégial.» J'espère que vous avez bien compris: une femme immigrée, en particulier noire, africaine, avec un doctorat en poche chômera au même niveau qu'une femme québécoise de souche qui n'a que le diplôme du collège. Et cette même femme ou une autre femme qui a une maîtrise sera au même niveau qu'une Québécoise de souche avec une formation postsecondaire partielle.

Mais les Afro-Québécoises sont vraiment au bas de l'échelle, car, nous dit encore le Conseil du statut de la femme ? je cite ? «les écarts entre [les] femmes immigrées et [les] femmes des minorités visibles persistent dans toutes les catégories, y compris pour les femmes qui possèdent un diplôme d'études universitaires: 13 % sont au chômage lorsqu'elles appartiennent à une minorité visible, ce qui n'est le cas que de 10 % chez les femmes immigrées». De même ? je cite toujours le Conseil du statut de la femme, qui est l'une des conseillères du gouvernement du Québec ? «les Européennes chôment nettement moins ? c'est-à-dire 9 % de chômage chez les Européennes ? que les Africaines», qui chôment à 18 %.

Enfin, il faut également souligner que le taux de chômage des femmes immigrées appartenant à des minorités visibles, 16 %, est également plus élevé que leurs confrères, 14 %. Donc, par rapport aux hommes aussi, les femmes des minorités visibles sont désavantagées, ce qui est le cas au niveau de revenu moyen. En 2000, nous dit toujours le Conseil du statut de la femme, il était de 19 766 $, soit 1 520 $ de moins que celui des Québécoises et 11 308 $ de moins que celui des hommes immigrés. Le revenu moyen des femmes appartenant à des minorités visibles est encore au bas de l'échelle, puisqu'il n'est que de 17 321 $, contre 17 066 $, et cela comprendrait si elle arrive à trouver de l'emploi.

n(12 heures)n

Donc, être femme noire africaine au Québec, c'est porter sur ses épaules tout le poids de son continent qu'est l'Afrique. Oui, cette Afrique combattue et conquise, cette Afrique exploitée, cette Afrique dénigrée pour justifier les pillages des immenses ressources minières et matérielles, surtout la déportation de ses ressources humaines par la traite des Noirs. Mais, pour pratiquer cet acte barbare que fut l'esclavage humain, il a fallu à l'esclavagiste, tout comme d'ailleurs le nazi par rapport à l'Holocauste juif, de développer une idéologie justificatrice de son acte, une idéologie de classification raciale. Ainsi naquit le racisme, l'idéologie de races, de la classification. Considérée comme inférieure, donc presque bestialisée, on fit subir à cette race les pires traitements. Près de 100 millions de ces fils et filles de l'Afrique furent déportés, dont un quart trouva la mort au cours de la route vers le Nouveau Monde qu'est l'Amérique qu'ils sont venus développer et mettre en valeur.

Malheureusement, aujourd'hui encore, c'est cette même idéologie esclavagiste qui porte tort aux Africains d'origine et d'ascendance. Tel le cancer qui s'en prend au cerveau, celle-ci a envahi les mentalités et détermine les attitudes et les comportements vis-à-vis des communautés noires. C'est forts de l'idée que ce sont des êtres inférieurs que beaucoup de citoyens de race blanche exercent sur eux, de façon consciente ou inconsciente, des discriminations de l'exclusion, si ce n'est des traitements dégradants et inhumains tels que le profilage racial, qui va des interpellations abusives par la police à la torture et même au meurtre. Ce sont ces préjugés qui font qu'un employeur préférera un Québécois de souche ayant décroché au secondaire à un Africain possédant une maîtrise en poche.

Ainsi donc, plus que partout en Amérique du Nord, la difficulté d'accès à un emploi, comme le démontre l'Association des études africaines... des études canadiennes du moins ? malheureusement, il n'y en a pas... ? qui est parue... Un article qui est paru à La Presse le 29 avril 2003 dit, je cite: «Le Québec est un des pires endroits en Amérique du Nord pour se trouver un emploi quand on est Noir ou Latino-Américain, s'il faut en croire les données de l'année 2001 sur le chômage dans 56 États et provinces. Selon [la] recherche menée par le directeur général de l'Association des études canadiennes, Jack Jedwab ? qui est Blanc et juif, donc qu'on ne peut soupçonner d'aucune partisanerie ? l'écart de 9,3 % entre le taux de chômage des Noirs et celui des Blancs plaçait le Québec au 53e rang sur 56 en 2001. [Le Québec] n'était dépassé que par les États américains de la Virginie de l'Ouest, de l'Oregon et du Wisconsin.»

Donc, il se trouve, Mmes, MM. les parlementaires, que cette communauté noire doit faire l'objet d'une attention particulière dans la lutte gouvernementale contre le racisme et la discrimination. Celle-ci doit prendre en particulier spécifiquement le cas des femmes noires africaines, d'autant plus que les membres de cette communauté noire africaine ont tendance de plus en plus à émigrer vers l'Ontario et même vers les États-Unis. Essentiellement francophones et, comme nous l'ont montré les données de l'étude du Conseil du statut de la femme, jeunes, 40 ans et moins, de niveau universitaire et ayant un taux de fécondité significatif, le départ de ces Noires constitue une importante perte intellectuelle, économique, démographique et linguistique pour le Québec.

Par ailleurs, la première discrimination vis-à-vis des Noirs, c'est la façon de les dénommer officiellement, à savoir par leur couleur, les Noirs, alors que les autres communautés sont identifiées selon leur origine ethnoculturelle: Anglais, Français, Asiatiques, Italiens, Allemands, Libanais, Polonais, etc. Alors, soit on uniformise en parlant des Blancs, des Noirs et des Jaunes ou alors on parle des Haïtiens, des Noirs américains, des Noirs africains du moins, des Noirs africains, des Jamaïcains, etc. Une des conséquences néfastes de cette façon de les dénommer et de procéder, c'est d'ignorer la diversité qui existe au sein de la communauté noire. Or, il y a autant de différences culturelles entre un Africain et un Jamaïcain qu'il y en a entre un Québécois de souche et un Allemand ou entre un Canadien anglais et un Canadien français ou Québécois.

Mesdames messieurs, si, comme le dit le document de la consultation, l'enjeu prioritaire de cette vaste entreprise gouvernementale est l'édification d'une société pluraliste et inclusive, l'une des stratégies est de tenter de faire connaître aux Québécois les Africains et les Africaines autrement qu'à travers des préjugés et des stéréotypes développés depuis le XVe siècle par l'idéologie esclavagiste pour justifier l'esclavage des Noirs et véhiculés jusqu'à nos jours par diverses voies et moyens. La réalisation de cet objectif passerait par des études, des recherches et la formation scientifique sur l'histoire, la culture, l'apport scientifique, technique, intellectuel, spirituel de la communauté noire africaine d'origine et d'ascendance, au fil des temps.

Le Président (M. Brodeur): En conclusion, s'il vous plaît.

Mme Ly (Aoua Bocar): Oui, j'en arrive, monsieur. Donc, la réalisation de cet objectif, dis-je, passerait par des études, des recherches et la formation scientifique sur l'histoire, la culture, l'apport scientifique, technique, intellectuel et spirituel de la communauté d'origine et d'ascendance africaine, au fil des temps et à travers le monde, ici, au Québec. L'acquisition et la vulgarisation de ces connaissances devraient se faire dans les universités québécoises, par exemple à travers des départements d'études africaines, répandus aux États-Unis mais inexistants au Québec et au Canada. C'est dire que tout reste à faire pour l'inclusion effective dans la société québécoise de la communauté noire et la mise à profit de son génie créateur pour un meilleur développement social, économique, culturel et politique du Québec de demain face à la mondialisation. Je vous remercie.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Nguepe, Mme Manga, Mme Bocar Ly, merci d'être avec nous ici, aujourd'hui. Mme Bocar Ly, je pense que je vais profiter de votre passage en commission pour vous féliciter, au nom des parlementaires, pour le Prix de la gouverneure générale que vous avez reçu au début de l'année 2006 concernant la défense des droits des femmes excisées. Je pense que malheureusement on aurait dû certainement faire grand éclat de cette reconnaissance-là qui vous a été remise, d'autant plus qu'on parle beaucoup de jeunes qui ont besoin d'un modèle, et vous êtes un modèle pour beaucoup de jeunes femmes africaines, et je ne peux que souhaiter que vous soyez un modèle pour beaucoup d'autres femmes et jeunes de d'autres communautés mais particulièrement au niveau de la communauté africaine et des différentes communautés noires qui composent le Québec d'aujourd'hui.

Je suis très, très sensible aux arguments que vous avez avancés concernant les membres des communautés noires, qui ont un déficit encore beaucoup plus grand que d'autres communautés. Je suis consciente de cet état de fait. C'est pour cette raison que j'avais mandaté, l'an passé, ma collègue ici, mon adjointe parlementaire, Mme la députée de Nelligan, pour qu'on puisse travailler sur la pleine participation des Québécois issus des communautés noires à la société québécoise. Et je suis très fière de dire que mon adjointe a fait quand même un excellent travail et nous a soumis 35 recommandations, dont la première: qu'on soit en commission parlementaire pour qu'on se dote d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination.

Donc, évidemment, toutes les recommandations... présentement, on peut dire qu'il y en a trois dont nous avions annoncé qu'on allait directement de l'avant, deux autres ont été mises de l'avant par la Stratégie d'action jeunesse, et nous avons déposé dernièrement, le Mois de l'histoire des Noirs, un projet de loi qui était une autre recommandation de ma collègue. Donc, évidemment, je pense qu'il reste encore du travail à faire, mais on n'a pas fini, ça s'en vient. Je pense que c'est important de voir qu'on accorde aussi une attention particulière parce qu'il est vrai que c'est effarant, lorsqu'on regarde les statistiques. Vous nous avez parlé des femmes africaines diplômées, comparativement à une femme québécoise blanche de souche, entre guillemets, où on peut voir le déficit au niveau des employeurs, puis c'est évident que c'est un peu aberrant, surtout que beaucoup de gens ont été choisis pour leur compétence et leur expérience professionnelle ici, au Québec.

Ce que j'aimerais vous poser comme questions, c'est: Quel bilan feriez-vous, je dirais, au niveau de la discrimination et du racisme, avec votre expérience personnelle? Et de quelle façon vous pensez que le gouvernement devrait se doter d'un bilan pour pouvoir suivre l'état d'évolution du racisme et de la discrimination?

Mme Ly (Aoua Bocar): O.K. Je vais laisser la parole à la révérende Marie-Claude.

Mme Manga (Marie-Claude): Je vous remercie, Son Excellence Mme la ministre. Avant de répondre à la question, je voudrais bien souligner un fait, quelque chose pour laquelle vous êtes très fière, le fait que Mme Aoua Ly, avec l'organisme qu'elle représente, soit pour moi un exemple pour les jeunes filles de façon générale et de façon particulière pour ce qui concerne les jeunes filles d'origine africaine, les Québécoises d'origine africaine.

Je voudrais souligner ce fait parce que, lorsqu'elle a reçu le prix de la gouverneure, aucun média québécois ne l'a mentionné. Ça, c'était vraiment une perte, une perte. Comment est-ce que ces filles-là vont voir l'effet du miroir pour se voir, quelque part? Il n'y a vraiment pas d'exemple pour elles. Il n'y a que les gangs qui sont vraiment soulignés, il n'y a que les choses négatives qui sont soulignées. Alors, des choses comme celle-là, vraiment ça vaut la peine de les souligner, mais on ne fait pas attention à cela.

n(12 h 10)n

Mme Ly (Aoua Bocar): J'ajouterai que le seul média québécois qui l'a souligné, c'est la Gazette, le journal la Gazette, le journal anglophone, qui m'a interviewée, qui m'a envoyé un photographe prendre des photos chez moi et qui a publié en première page le jour même. Alors, quel message ça nous envoie? Est-ce un message d'intégration? Est-ce que c'est seulement les images négatives qu'on projette, mais les images positives on les cache? Je veux dire, c'est qu'il y en a beaucoup.

Mme Manga (Marie-Claude): Pour aller droit à la question que vous avez posée, il serait fondamental que le gouvernement fasse part à la société civile du bilan de la lutte contre le racisme et la discrimination au Québec. On a trouvé que chaque citoyen se sentirait impliqué dans cette action gouvernementale. Elle participera de façon active et, mieux, veillera à ce que les choses se fassent comme il faut. Il est donc connu que les politiques qui ont le plus de chances de succès sont celles qui sont comprises et appropriées par la société civile.

Donc, tout comme la campagne de sensibilisation, la présentation de ce bilan devra être coordonnée par un comité interministériel dirigé par des parlementaires qui sont déjà sensibilisés par la cause de l'exclusion. Ce comité de suivi et d'évaluation devra évidemment faire appel aux services d'experts en communications et en diversité culturelle, dont un membre significatif des personnes issues des communautés culturelles. C'est la façon dont nous avons trouvé... Évidemment, ça, c'est des façons globales, mais on peut revenir peut-être en comité pour aller vraiment dans le détail. Mais ça, c'est des façons... ça, c'est, le tableau, la façon dont on voit ça de façon générale.

Mme Thériault: Merci. Je pense que je vais revenir sur les médias parce qu'effectivement je pense que ça vaut la peine de souligner que le prix que vous avez eu est quand même un prix d'envergure, qu'effectivement on a besoin de gens avec des modèles, et c'est tout à fait dommage de voir qu'il n'y a que la Gazette qui a souligné cet apport-là que vous avez fait d'une manière incroyable à notre société. Comment pensez-vous que le gouvernement devrait essayer d'inciter les médias à justement couvrir plus les modèles positifs qu'on a ici, au Québec? Parce qu'il y en a. Il y a de très, très beaux modèles. Moi, du moment que j'ai appris que vous aviez reçu le prix, j'ai pris la peine de vous envoyer une lettre de félicitations parce que je pense que c'est important aussi. Mais, au niveau des médias, comment pouvons-nous essayer de faire en sorte qu'ils s'approprient aussi les différents modèles de réussite pour pouvoir mieux les transmettre à la population?

Mme Ly (Aoua Bocar): Enfin, moi, je dirais que ça revient à une éducation, l'information et la communication. Parce que jusqu'à présent c'est cette idéologie, comme je l'ai dit dans la présentation première, esclavagiste montrant les Noirs comme négatifs qui est encore dans les mentalités, et il s'agit de déconstruire cette idéologie-là. Et, tant qu'elle ne sera pas déconstruite... Comme j'ai dit quelque part, un employeur ou un chef d'entreprise préférera prendre un Québécois de souche qui n'a pas le D.E.C. plutôt qu'un Africain qui a la maîtrise ou qui a le doctorat. De cette même façon, à l'école, on doit enseigner l'histoire des Africains, comme je l'ai dit, leur contribution, etc., et les médias doivent y participer.

Mais cela, il faudrait d'abord une représentation, n'est-ce pas, dans les instances de décision telles que l'Assemblée nationale. On n'a pas encore d'Africain. C'est vrai que, nos soeurs et frères haïtiens, on a quelques représentations dont on est très fiers parce qu'ils sont arrivés avant nous, ils ont défriché le chemin avant nous, et on est fiers qu'ils soient là. Mais on aimerait l'entrée des Africains aussi.

Mme Manga (Marie-Claude): Son Excellence, de façon concrète, je pensais aussi plutôt, comme vous cherchez des solutions concrètes ? ce que je comprends ? pour ce qui concerne le prix, si c'est possible dans l'avenir, s'il y a quelque chose qui se passe dans ce sens-là, s'il y a au moins une entrevue assez médiatisée, organisée par les instances gouvernementales... Parce que ça, c'est quelque chose vraiment au niveau du pays. Ça, c'était au niveau du Canada. Qu'est-ce qui s'est passé maintenant au niveau du Québec? On devait s'approprier de cet événement. C'est un événement. C'est une Québécoise qui a reçu ce prix-là. Alors, au Québec, on a cette fierté-là et on veut l'exprimer. Alors, aller à un certain niveau... Ce n'était pas vraiment aux médias peut-être de le faire. Peut-être que les médias étaient indifférents d'une façon ou d'une autre. Mais, à un certain niveau ? je ne veux pas vous jeter de pierre, mais vous voulez vraiment des solutions concrètes ? à un certain niveau je pense que cette coordination-là, de vraiment faire l'entrevue de façon spéciale, une réception de façon...

Mme Thériault: ...

Mme Manga (Marie-Claude): Oui, oui, c'est ça. S'approprier vraiment de cet événement-là, c'est ça que je voulais dire.

Mme Thériault: Je comprends ce que vous dites. Par contre, c'est un prix qui a été remis par le gouvernement fédéral, également par la gouverneure générale. Mais j'entends bien ce que vous dites. Peut-être que ce serait intéressant de voir de quelle façon on pourrait peut-être instaurer une veille pour justement être au courant à chaque fois qu'il y a des bonnes activités ou qu'il y a des gens qui se démarquent dans différentes communautés, qui reçoivent des distinctions, pour pouvoir se permettre de faire la promotion pour faire découvrir à tous nos concitoyens la richesse qui vient peupler le Québec.

Je pense qu'on va revenir. Il va nous rester un petit peu de temps. À moins que vous ayez un commentaire, là. Non? Il ne reste pas de temps? Oui?

Mme Ly (Aoua Bocar): En fait, je voulais juste compléter. Je crois qu'il y a une indifférence générale des médias québécois par rapport aux réussites des Noirs en général et des Noirs africains en particulier. Quand je pense, par exemple, au Mois de l'histoire des Noirs où on fait montrer les valeurs, les expertises, les ressources positives qu'il y a, ce n'est jamais couvert par les médias. Ils ne sont jamais là à l'ouverture. Ils sont à peine là à l'ouverture. Ils pouvaient interviewer les lauréats du Mois de l'histoire des Noirs, mais ils ne le font pas.

Radio-Canada, qui parle pourtant... Moi, quand j'ai reçu le prix, les gens m'ont dit: Peut-être que tu es victime du combat qu'on fait contre Michaëlle, c'est pourquoi on n'a pas parlé de ton prix. Mais, quand Jacques Languirand donc qui va recevoir le prix du Conseil des arts, je ne sais pas... on en parle. Donc, c'est une fierté. Mais c'est seulement quand c'est les Québécois de souche. Quand c'est nous autres qui arrivons, alors avec toutes les difficultés d'intégration, mais nous arrivons quand même à passer à travers et à être des modèles... Je crois que, comme disait Lucie Pagé dans Notre Afrique, pour le monde en général, mais pour le Québec en particulier, on perd beaucoup de talents à ne pas mettre à profit ces talents africains, ces ressources précieuses que sont les Africains qui sont parmi vous.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Brodeur): Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Manga, M. Nguepe et Mme Bocar Ly, d'abord je voudrais aussi joindre ma voix pour vous féliciter pour ce prix extrêmement important. Puis vous avez totalement raison quand vous dites qu'il y a un traitement injuste des nouvelles à certains égards. Puis ça, on se retrouve un peu impuissant, tout le monde, sur ça, que ce soit... À l'écoute des bulletins de nouvelles, tu sais, ce qui frappe beaucoup, c'est le sensationnalisme et le vedettariat, et donc, d'une part ou l'autre, si on ne cadre pas dans ça... Puis, bon, évidemment, qu'il y a les nouvelles politiques, et tout ça. Mais ça devient difficile de briser l'étau. Et la solution que vous apportez, que le gouvernement du Québec, par le biais de ses institutions puis de... pourrait peut-être accroître et ajouter pour permettre de faire émerger ces talents qui sont malheureusement gardés dans l'inconnu, donc je pense que c'est une proposition qui est très bien reçue ici.

Et je voudrais vous féliciter également pour tout le travail que vous faites auprès de votre communauté, mais également le travail de rapprochement que vous faites auprès de la société québécoise, et le travail que vous faites auprès de ces femmes que vous représentez si bien et qui doivent de façon importante s'intégrer de meilleure façon, puis le travail que vous faites, de sensibilisation, pour s'assurer qu'on puisse enfin trouver les meilleures solutions, et, pour cette raison-là, je vous remercie d'être avec nous, aujourd'hui.

n(12 h 20)n

Dans votre mémoire, il y a plusieurs aspects qui sont importants. Je reviendrais à l'aspect de l'emploi que vous avez touché d'une façon importante. Et vous dites d'ailleurs que le facteur essentiel d'intégration à la société, c'est l'emploi. Mais, avant d'aborder la question de l'emploi, je voudrais aborder avec vous la question du rapprochement culturel. Vous dites, dans votre mémoire, que c'est important de favoriser une connaissance mutuelle de l'un et de l'autre. Vous parlez de l'importance pour la personne immigrante, le nouvel arrivant, de bien connaître, bon, sa nouvelle société. Je vous cite d'ailleurs, un proverbe, vous dites: «Car, s'il est admis que nul n'est censé ignorer la loi, comme dit la sagesse africaine, nul ne peut réciter ce qu'on ne lui a pas appris.» Donc, c'est d'une part pour, disons, l'engagement que doit prendre la personne immigrante mais aussi l'autre facette, celle de la société d'accueil. Puis j'aimerais vous entendre un peu sur les meilleures façons de favoriser en quelque part cette meilleure compréhension et cette mixité des cultures.

Mme Ly (Aoua Bocar): Je vais laisser le Dr Nguepe, qui est anthropologue, répondre à cette question.

M. Nguepe (Maurice): Merci beaucoup. Je voudrais dire que le rapprochement interculturel est une entreprise que nous voudrons bien projeter dans un futur proche ou même lointain parce que, nous qui sommes arrivés au Québec avec déjà des connaissances, des compétences, nous pouvons facilement résister à certaines formes d'exclusion, nous pouvons combattre, mais nos enfants, qui vont grandir avec leurs amis qui viennent des communautés européenne, chinoise, américaine, ne pourront pas résister comme nous. Pourquoi? Parce qu'ils auront grandi ensemble depuis l'école primaire jusqu'au secondaire en présentant les mêmes compétences. Et, si maintenant, à un certain moment, ils se sentent exclus, alors ils vont réagir un peu plus violemment. Or, nous, nous ne pouvons par réagir violemment parce que nous sommes venus avec des compétences, en sachant même déjà que nous allons dans un monde étranger. Mais nos enfants ne pourront pas supporter comme nous...

Donc, ce qui veut dire que le projet de rapprochement interculturel est un projet très important pour le Québec. Et il est question ici, pour nous, de commencer dès le primaire à enseigner aux enfants les civilisations des diverses communautés, c'est-à-dire que le Québécois de souche doit aussi savoir que la civilisation chinoise existe et que son apport à la civilisation universelle s'est fait dans tel et tel domaine, que le Québécois de souche sache aussi que les Africains ont eu une civilisation dont l'apport à la civilisation universelle s'est exprimé soit dans la philosophie soit dans les mathématiques, etc., et bien sûr que ces enfants des communautés culturelles apprennent aussi l'histoire du Québec, sa civilisation, dès le primaire. Et c'est ainsi que progressivement, dans les 50 prochaines années, le Québec sera à l'abri des éventuelles violences qui viendraient de ses propres populations.

Donc, voilà ce que nous pensons du rapprochement interculturel. Il s'agit en fait de remodifier les programmes scolaires ou bien d'y intégrer des valeurs des civilisations étrangères, puisque le Québec est un pays multiculturel.

Mme Lefebvre: C'est extrêmement intéressant, ce que vous dites. Puis je pense que définitivement on doit miser plus et plus sur ça. Puis la magie de l'enfance permet également de briser plusieurs barrières. Mais ça n'empêche pas qu'il faut également travailler sur, tu sais, le présent. Parce qu'il y aura toujours également des personnes qui se joindront à nous, qui n'auront pas malheureusement eu l'occasion de partager d'une part et d'autre, que ce soit avec la société d'accueil et la personne immigrante. Donc, je vous remercie.

J'ai beaucoup d'autres questions pour vous. Ma collègue députée de Terrebonne a des questions pour vous, puis je vais revenir pour être certaine que l'on ait le temps.

Le Président (M. Brodeur): ...

Mme Caron: Merci, M. le Président. Mme Bocar Ly, bienvenue, félicitations. Bienvenue aussi aux personnes qui vous accompagnent. Votre mémoire est... Vraiment, vous avez rempli l'objectif parce que vous disiez que vous souhaitiez, dans ce mémoire-là, contribuer aux solutions pratico-pratiques, et c'est vraiment ça, c'est vraiment des propositions très concrètes qu'on peut mettre en application. Alors, vraiment, là, merci beaucoup.

Vous rappelez à juste titre toute la question des multiples discriminations ? femme africaine, donc une triple discrimination ? et c'est bien évident que, dans la nouvelle politique qui doit être adoptée, il faut qu'on arrive à tenir compte de ces multiples discriminations parce que les conséquences s'ajoutent les unes par-dessus les autres.

Je sais que votre organisme travaille énormément. J'aimerais que vous nous disiez comment vous arrivez... Particulièrement, je regarde, dans vos trois volets d'action, le volet au niveau des ados. Pour arriver à travailler auprès des jeunes, surtout les jeunes filles d'ascendance africaine, sur le processus de leur formation identitaire, je voulais savoir concrètement comment vous le faites. Ça se passe comment? Est-ce que c'est par les écoles? Puis vous êtes combien de personnes pour pouvoir faire ce travail-là? Parce que c'est un gros travail.

Mme Ly (Aoua Bocar): Merci, Mme la députée. Je ne sais pas. Parce que, quand on regarde les résultats auxquels on arrive, le travail, et quand on fait le bilan de nos activités, et qu'on voit le peu de moyens qu'on nous a donnés, franchement on se pose la question nous-mêmes comment on a fait. Je crois que la principale motivation, c'est justement de ne pas laisser se noyer nos enfants, c'est presque une opération de sauvetage. Et, dans ces opérations de sauvetage, nous utilisons des moyens très minimes pour arriver souvent à des résultats très importants. Souvent, nous n'avons même pas de bureau. Pendant très longtemps en tout cas, ça a été le cas. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, Dieu merci, après 10 années de travail. Parce que c'est 10 années. Notre réseau a été fondé en 1994, n'est-ce pas, et il a été reconnu en 1998. Donc, ça fait exactement 11 à 12 années que nous travaillons. Souvent, c'est des salles comme le Centre Africa. Nous les réunissons là. Nous leur parlons de l'histoire de l'Afrique.

Et, nous, l'image de l'opération sauvetage est assez significative. Ils sont jetés dans une mer, et nous sommes obligés de les cueillir de là. Pourquoi? Parce qu'on est dans une société où c'est les médias qui vous envahissent chez vous, etc. Or, dans ces médias, on ne leur montre pas des images positives. Pourtant, Dieu sait, je ne parle même pas des Africains, mais, parmi la communauté noire haïtienne, il y a énormément de potentialités, il y a énormément de ressources positives, des médecins. La dame qui a fait la première plantation de coeur, Mme Alcindor, c'était une Haïtienne. Quand, moi, je regarde le Mois de l'histoire des Noirs... Une fois, on m'a demandé de faire le... j'étais membre du comité de sélection. Quand j'ai regardé ces ressources-là et je regarde la façon dont le Québec ne les utilise pas, je dis: Vraiment, c'est triste.

Donc, nous leur montrons... nous partons justement de ces modèles-là de l'histoire des Noirs, nous leur parlons des médecins, nous leur parlons de l'histoire africaine, nous leur parlons des empires, du Ghana, des grandes civilisations africaines avant la colonisation, qui ont été... justement le malheur de l'Afrique d'avoir d'immenses potentialités. On parle du Congo, ces jours-ci, d'où vient ma soeur Marie-Claude Manga, un pays qui, à lui seul, si le reste de l'Afrique était un désert, pouvait nourrir toute l'Afrique noire. Et qu'est-ce qui se passe? Les grandes compagnies, la colonisation s'accaparent de ces ressources-là, créent des guerres, apportent des armes qui ne sont pas produites par l'Afrique mais produites ailleurs, qui enrichissent d'autres lobbys de la guerre pour détruire ce pays-là et piller ses ressources pendant que les autres se battent.

n(12 h 30)n

Donc, nous leur parlons et nous leur montrons aussi des modèles. Comme par exemple, nous regardons une fille qui a des potentialités sur le plan social, par exemple, nous prenons Marie-Claude Manga, qui est, de formation, travailleuse sociale, nous lui disons: C'est elle, ta marraine. Nous regardons une travailleuse sociale. Malheureusement, nous n'avons pas de Noire africaine, mais nous avions notre soeur Fatima Houda-Pepin. Nous disons... Une fille, par exemple, qui a des potentialités de leader, nous disons: Mme Fatima Pepin est votre marraine, etc., une juge, etc. Donc, nous faisons aussi ce marrainage-là. Nous leur parlons de l'histoire, de la culture. Nous essayons, quand nous pouvons, de les envoyer en vacances en Afrique, leur montrer que l'Afrique a des potentialités, des richesses et qu'il fait bon de vivre là.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Malheureusement, c'est tout le temps dont nous disposons. Donc, je remercie Femmes africaines, Horizon 2015. Et je vais suspendre...

Mme Ly (Aoua Bocar): ...ajouter juste un élément.

Le Président (M. Brodeur): Oui.

Mme Ly (Aoua Bocar): Par exemple, on a dit que notre dossier prioritaire, c'est la lutte contre les mutilations génitales féminines. Presque sans appui, nous avons eu à faire, pendant huit ans, c'est-à-dire de 1994 à 2001, des sessions de formation, d'information pour prévenir les femmes et assister. En 2001, on a fait une importante... on a organisé huit forums de sensibilisation grâce à l'appui de Condition féminine Canada, que nous tenons à remercier ici.

Le ministre de la Santé s'est engagé, sur les questions de Mme Jocelyne Caron ? quel plan avez-vous pour la lutte contre les mutilations génitales et pour la prévention? ? le 6 mai 2004, à l'Assemblée nationale... En tout cas, je ne sais pas si c'était dans cette salle. Certainement, ce n'était pas là. Et voilà. Et le ministre s'est engagé à nous donner des subventions pour la recherche-action, pour sortir des données qui permettent d'élaborer un plan d'action, de développer des stratégies de prévention des mutilations, d'assistance et de formation des professionnels de la santé pour fournir des soins adéquats aux femmes qui sont déjà victimes, etc. Jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons rien reçu du ministre de la Santé.

Est-ce que, de la part du gouvernement, il y a un engagement réel? Est-ce qu'il y a une banalisation de la santé des jeunes femmes africaines, surtout du manque de protection de nos fillettes, qui sont les filles du Québec? Nous sommes indignés par cela et nous voudrons en faire part à cette auguste Assemblée pour que vous fassiez quelque chose. Nous attendons, et à chaque fois on rejette nos projets.

La dernière fois, l'attachée politique du ministre de la Santé, Mme Stéphanie Elger, nous a dit: Associez-vous à une université. Il se trouve que nous l'avions fait parce que nous savions que la phase II allait être une phase de recherche-action. Moi, j'ai été reconnue comme membre partenaire de l'Institut Santé et société de l'UQAM pour faire cette recherche-là, et jusqu'à présent, avec une équipe chevronnée, constituée d'une sexologue qui est la directrice du Département de... d'une psychologue, du moins, qui est directrice du Département de sexologie, d'un professeur qui est en communications, de surcroît directeur du CLSC Côte-des-Neiges, pour faire ce projet-là. Il est déposé depuis le mois de juillet passé. Nous n'avons pas un rond. Il ne nous reste plus qu'à fermer les portes, à arrêter ce travail que nous faisons.

Pendant 12 ans de sacrifices, on a montré nos capacités, on a montré notre engagement vis-à-vis de cette société-là. Est-ce qu'on peut nous donner les moyens pour travailler? Je pense que, si ce n'est pas possible, de la même façon que ma soeur qui a traversé la barrière pour aller en Ontario, peut-être que, nous aussi, il ne nous reste plus qu'à faire cela.

Le Président (M. Brodeur): Merci beaucoup. Je vais donc suspendre les travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures, immédiatement après la période des affaires courantes.

(Suspension de la séance à 12 h 33)

 

(Reprise à 16 h 32)

Le Président (M. Brodeur): Donc, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons enfin débuter nos travaux cet après-midi.

Donc, nous étions toujours aux consultations dans le cadre du document intitulé Vers une politique gouvernementale de lutte contre le racisme et la discrimination. Et nous recevons, cet après-midi, trois groupes. Malheureusement, l'horaire a été bousculé. L'entente entre les parlementaires est la suivante: chaque groupe aura l'occasion de présenter son mémoire comme il a été prévu, pour un temps de 20 minutes. C'est le temps des parlementaires qui sera coupé en conséquence. Donc, ce sera suivi, à la suite de votre présentation d'au maximum 20 minutes, d'un échange avec les parlementaires avec un temps réduit.

Donc, immédiatement, nous accueillons le groupe Images interculturelles. Et je vous explique brièvement les règles de la commission. Vous avez un temps de 20 minutes pour présenter votre mémoire de la façon dont vous jugez à propos, et ce sera suivi par la suite, comme je viens de vous le dire, d'une période d'échange avec les parlementaires. Donc, pour le bénéfice du Journal des débats, je vous demanderais tout d'abord de vous identifier et de présenter immédiatement votre mémoire. La parole est à vous.

Images interculturelles

M. Laurent (Alix): D'accord. Alors, c'est Alix Laurent, d'Images interculturelles.

M. Pilon (Alfred): Alfred Pilon, de l'OFQJ.

M. McAll (Christopher): Moi, je suis Christopher McAll, de l'Université de Montréal et de la Semaine d'actions contre le racisme.

M. Laurent (Alix): Voilà. Alors, merci de nous accueillir ici pour présenter notre mémoire. Dans un premier temps, on veut vous parler de la Semaine d'actions contre le racisme, ce qui est un événement qui s'inscrit en ligne directe avec ce que propose le gouvernement.

Alors, la Semaine d'actions contre le racisme, c'est un événement qui est né en 1999 et c'est une semaine qui vise à démystifier le racisme. Vous savez, le mot «racisme», c'est un mot qui fait peur dans certains cas. C'est un mot qu'on a toujours en fait très peu... C'est un mot qui fait peur de manière générale. Comme la violence conjugale, c'est des thématiques qu'on refuse d'aborder dans nos sociétés. Et, il y a sept ans, ce qu'on a décidé de faire avec plusieurs partenaires, c'est de monter une semaine d'actions contre le racisme qui avait pour objectif dans le fond de présenter cette thématique et d'en faire un débat public.

Alors, la Semaine d'actions contre le racisme poursuit plusieurs objectifs, je vais vous en donner quelques-uns rapidement: inviter la population du Québec à réfléchir et à aborder de front les problèmes sociaux tels que le racisme, la xénophobie, les préjugés, la discrimination ainsi que toutes les manifestations d'intolérance. Il y a aussi d'encourager la prise en charge et mobiliser les leaders d'opinion, les décideurs politiques à réfléchir sur la question du racisme; développer chez les Québécoises et les Québécois la connaissance et la compréhension de la réalité pluraliste de leur société. Aussi, il y a une grande idée qui est d'établir des partenariats avec les villes et les organismes dans toutes les régions du Québec et ailleurs dans le monde afin de mener des activités éducatives et de sensibilisation; et un autre qui est de diffuser et d'implanter une semaine d'actions contre le racisme à l'échelle nationale et internationale.

Donc, depuis l'année 2000, la semaine est un réel événement, une activité rassembleuse, si vous voulez, et ça se déroule autour de quatre axes privilégiés. Donc, il y a un axe de débats, un axe qui s'appelle le pouvoir de l'art, un axe qui s'appelle l'éducAction et un axe sur la communication. Donc, autour de ces quatre axes-là, l'ensemble des activités de la semaine ont été construites.

Alors, au niveau des activités de débats, on retrouve tout ce qui est... C'est à l'intérieur de cet axe-là qu'on traite de toutes les problématiques qui touchent particulièrement le racisme. Le pouvoir de l'art, c'est l'idée d'utiliser des activités artistiques pour rejoindre la population. L'éducAction, c'est des activités qui touchent la jeunesse, donc prioritairement ceux qui sont au niveau primaire, secondaire et universitaire aussi. Et l'axe de communication, qui vise à rejoindre le grand public, le grand public, on le fait à travers une stratégie de... une campagne assez intéressante, assez osée, avec un affichage dans les autobus et les métros de Montréal. Alors, il y a plusieurs activités. Et je laisserais M. Alfred Pilon vous parler de l'impact international de la Semaine d'actions contre le racisme.

M. Pilon (Alfred): Merci. Merci, Alix Laurent. Alfred Pilon de l'OFQJ, l'OQAJ et l'AQWBJ. C'est trois organismes de mobilité internationale jeunesse au Québec, très importants et qui ont le privilège d'être associés à la Semaine d'actions contre le racisme depuis sa création, pour ce qui est de l'OFQJ et de l'Agence Québec?Wallonie-Bruxelles.

Donc, dans ce contexte-là, simplement, je vais vous présenter la Semaine d'actions contre le racisme à la base comme une activité, une semaine qui s'impose au niveau des besoins de sensibilisation et qui s'est imposée également sur la manière de gérer cette semaine-là, et le niveau de notoriété et de sensibilisation qui a été atteint grâce à cette semaine-là.

La Semaine d'actions contre le racisme finalement peut se mesurer à l'aune un peu de sa capacité de fédérer plusieurs partenaires. Comme on a eu un peu de temps pour le début de la commission, on a compté le nombre de personnes qui sont venues en commission présenter un mémoire et on était très heureux de réaliser qu'il y avait près de 60 % des groupes ou des personnes qui ont présenté des mémoires qui sont déjà impliqués dans la Semaine d'actions contre le racisme. Donc, au niveau de ces partenaires-là, je vais rapidement vous présenter les partenaires qui font partie de ce processus-là depuis le début, les partenaires principaux, et, dans le mémoire dont vous avez copie, vous verrez également une liste assez impressionnante de nombre de partenaires.

Donc, au départ Images interculturelles, qui est le maître d'oeuvre de la Semaine d'actions contre le racisme et qui, comme vient de le dire Alix Laurent, propose des thématiques annuelles, conçoit, planifie, met en oeuvre les activités majeures de la Semaine d'actions et elle agit également comme superviseure. Images a reçu des prix de reconnaissance: mention d'excellence en communication par le ministère des Communautés culturelles et de l'Immigration, un prix de la Fondation canadienne des relations raciales et le prix Ann-Greenup pour la lutte contre le racisme, remis par le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

Deux comités de programmation, à Montréal et à Québec, et, sur ces comités-là de programmation, siègent différents organismes, dont les organismes voués à la mobilité internationale jeunesse mais dont, par exemple, pour ce qui est de Montréal, l'OFQJ, le Conseil des relations interculturelles, l'AQWBJ, la Fondation de la tolérance et du Centre de recherche de Montréal sur les inégalités sociales et les discriminations. À Québec, on parle de l'OQAJ, on parle de l'Institut canadien de Québec, le Musée de la civilisation, Rhizome, le Centre RIRE 2000 et d'autres organisations. Il y a également des liens qui se sont établis avec les partenaires du Québec et internationaux et supportent les stratégies de communication.

Au niveau de l'organisation, la Semaine d'actions contre le racisme est vraiment un regroupement de groupes et d'individus qui sont intéressés à faire cause commune pour faire de cette semaine-là une semaine avec le plus grand rayonnement possible.

n(16 h 40)n

Au niveau de d'autres partenaires majeurs, bien l'Office franco-québécois pour la jeunesse, oui, était là au début, a été cofondateur avec Images interculturelles et a développé un aspect dont Christopher McAll va nous parler dans quelques instants: le Rendez-vous des jeunes, qui réunit des Français, des Québécois et des jeunes d'autres pays pour réfléchir sur le thème de la semaine et qui est devenu un événement très fort durant la Semaine d'actions contre le racisme.

Donc, sur le plan des éléments très importants à retenir, c'est que la Semaine d'actions contre le racisme a vécu et a évolué au Québec, à Montréal et maintenant à Québec depuis quelques années, et est également une formule qui a été reprise à l'étranger, à l'international, en France, en Belgique, en Suisse, et intéresse de plus en plus de groupes et de jeunes, au niveau du Rendez-vous des jeunes, d'un peu partout dans les Amériques et en Europe, jeunes qui participent de plusieurs, plusieurs... On a une provenance de plusieurs pays pour la participation au Rendez-vous des jeunes.

Au niveau d'autres partenaires, l'Agence Québec?Wallonie-Bruxelles, ils ont permis notamment de développer des activités où, encore là, on parle de Québécois, de Belges et de Français qui se sont réunis au niveau Rendez-vous des jeunes et qui ont également exporté la formule Rendez-vous des jeunes de Bruxelles. Au niveau de Québec comme tel, l'Office Québec-Amériques pour la jeunesse est également impliqué et finalement est également... L'office devient un peu le siège de la logistique de la Semaine d'actions contre le racisme à Québec.

Le Conseil des relations interculturelles est également un partenaire important, s'est associé à Images interculturelles, à l'OFQJ à l'époque comme cofondateur. Le conseil sollicite annuellement l'appui d'une cinquantaine de partenaires et de collaborateurs pour l'organisation d'activités dans leurs milieux. C'est le conseil qui est un lien important pour aller chercher une participation active de l'État et de réaliser des recherches de pointe sur les questions liées à la lutte contre le racisme.

Au niveau de certaines réalisations spécifiques, le conseil a été responsable de la création du premier site Internet de la semaine contre le racisme et a participé activement au développement d'initiatives comme le concours multimédia PlaNET. Au niveau des six premières éditions, le conseil a été présent et actif sur le terrain en organisant plusieurs activités majeures. Et puis, encore là, sur tout ce qui un peu part du modèle qui a été développé au Québec et qui s'exporte, le conseil a réalisé plusieurs rencontres d'information, notamment sur la Conférence mondiale sur le racisme, en août 2001, à Durban, en Afrique du Sud. Le conseil a fait le lancement, la même année, d'une importante étude portant sur les perspectives historiques du racisme au Québec. Et puis on a eu une célébration oecuménique qui a regroupé plusieurs, finalement, religions à l'époque, à Montréal. Donc, pour l'édition de 2006, le conseil a participé au Rallye Exclusion zéro, une activité qui a eu lieu dans le métro de Montréal et puis qui était destinée à une clientèle des écoles secondaires, au niveau d'un premier festival de films sur les droits de la personne.

D'autres organismes également... La Semaine d'actions contre le racisme requiert la participation active de plusieurs organismes et associations des milieux communautaires, publics, privés et tous ceux qui sont concernés par la problématique du racisme ? c'est ce que l'on dit un petit peu, on a réalisé que plusieurs personnes qui sont venues présenter un mémoire sont impliquées dans la Semaine d'actions contre le racisme ? collectif d'activités réalisées par différentes organisations et associations francophones, anglophones à Montréal et en région. Chaque année, ces organismes sont invités à s'impliquer en mettant en place des activités, en les inscrivant dans le programme officiel de la Semaine d'actions contre le racisme. On leur fournit finalement les outils de communication, une stratégie de promotion, bref tout ce qui permet une plus grande diffusion au niveau du message et du thème, qui est renouvelé annuellement mais qui couvre toujours le même débat de fonds.

Au fil des sept éditions, donc on peut parler de plus de 200 organismes qui se sont associés aux activités de la semaine, on parle des gouvernements, on parle des médias, on parle des organismes en général, pour notamment la réalisation d'activités qui traitent de la problématique du racisme. Pour nous, c'est très important qu'on puisse fédérer finalement tous ces acteurs-là tant sur le plan du soutien financier que la diffusion, qui est un des éléments cardinaux de la Semaine d'actions contre le racisme. Et vous avez une liste assez exhaustive de partenaires à la page 12 et 13 du mémoire, et j'ai bien peur que, si je commence à en nommer un, je devrai les nommer tous, donc je vais vous laisser prendre connaissance de cette liste-là, pour finalement aller un petit peu plus précisément sur les retombées internationales et le rayonnement international.

Depuis les sept dernières années, la Semaine d'actions contre le racisme a contribué de manière significative au rayonnement du Québec sur le plan international en matière de lutte au racisme. On parle notamment des trois organismes de mobilité internationale, l'OFQJ, l'AQWBJ et l'OQAJ, et plusieurs autres partenaires. On a accueilli des délégations étrangères avec des personnalités de très haut calibre dans différents domaines: Plantu, le caricaturiste, André Klopmann, des écrivains du niveau de Klopmann, de Didier Daeninckx et de Maud Tabachnik; les réalisateurs français Chantal Ackerman, et, bon, j'en passe.

On a toute une liste de personnalités de différents domaines qui se sont impliquées, qui sont venues participer aux activités de la Semaine d'actions contre le racisme, des délégations qui comportent toujours des représentants des milieux culturels, socioéconomiques, associatifs, universitaires, gouvernementaux. On parle de délégations qui viennent de France, de la communauté française de Belgique, du Mexique, des États-Unis, de l'Allemagne, du Maroc, du Liban, du Sénégal et de plusieurs provinces canadiennes donc, et ça, c'est en expansion, actuellement. Ces délégations ont permis à la Semaine d'actions contre le racisme de se bâtir une notoriété internationale et d'atteindre l'objectif de mettre en commun les meilleures pratiques en matière de lutte contre le racisme. Et puis, pour la première fois, en 2006, les semaines d'actions contre le racisme se sont déroulées simultanément en Suisse et en Belgique. Les organisations partenaires dans les deux pays ont accepté d'utiliser la même affiche, le même slogan que ceux du Québec, avec naturellement des programmes adaptés à chacun des endroits.

Donc, en conclusion, la Semaine d'actions contre le racisme pour nous, clairement, permet le rayonnement du Québec ailleurs dans le monde en partageant son expertise et en offrant un espace de débats pour la présentation des meilleures stratégies de lutte contre le racisme.

M. Laurent (Alix): Christopher McAll va nous parler de quelques activités.

M. McAll (Christopher): Quand on s'est posé la question, il y a sept ans: Qu'est-ce qu'on fait pour lutter contre le racisme?, je pense que la réponse qui nous est venue, c'est d'abord: Il faut le faire reconnaître publiquement. C'est un enjeu en soi de pouvoir débattre sur la place publique de l'existence du racisme, qui ne va pas de soi. Mais je pense que d'abord la commission, ici, c'est un bon témoignage de cette possibilité de débattre sur la place publique de l'existence du racisme. Et le document, je trouve que c'est un apport assez riche sur ce plan-là. Alors, nous, la création de la semaine, ça a été aussi pour ça, c'est pour pouvoir amener sur la place publique et se faire approprier par les citoyens la question du racisme.

Et on est allés aussi avec une stratégie un peu de surprendre les gens avec nos affiches et nos slogans. Nous, notre objectif, dans le métro de Montréal, sur les autobus, c'est que les gens ne pouvaient pas passer devant nos affiches sans les voir, sans être arrêtés, sans se questionner. Donc, on a toujours posé des questions. Par exemple, la première année: On ne naît pas raciste, pourquoi le devient-on?, c'est une question qui a suscité tout un débat dans Le Devoir d'ailleurs pendant la semaine; Le racisme, ça se passe entre les deux oreilles; Qu'est-ce qu'elle a ma gueule?, il y a deux ans, avec un visage qui regardait... de l'affiche. Et, cette année, on a exploré tout le thème des zones libres de racisme avec la lune. On a trouvé une zone libre de racisme, c'est la lune. Maintenant, c'est à vous d'en découvrir d'autres. Et il y a eu donc une progression, mais notre stratégie est toujours de repenser à chaque année, et de relancer des débats, et de retrouver des questionnements. Et pour nous c'est déjà une stratégie de lutte contre le racisme, si on veut, de faire ces débats-là.

Depuis les quatre dernières années, le Rendez-vous international des jeunes a pris une place de plus en plus centrale dans la semaine, autour des thèmes de chaque année, les thématiques, cette année, par exemple, Zone libre de racisme, et tout ça. Donc, c'était aux jeunes de la Belgique, de la France, du Québec et, il y a deux ans, du Sénégal, du Maroc, du Liban d'assumer ce thème-là pendant la semaine. Et, quand les journalistes nous arrivent, qu'ils arrivent de plus en plus: Mais c'est quoi, cette question-là? C'est quoi, le racisme? Comment lutter contre le racisme?, c'est de plus en plus les jeunes qui ont à répondre pour la semaine. Et ça, c'est des jeunes ? c'est tout relatif, hein ? qui, au XIXe siècle, auraient été des personnes quasiment âgées, là, c'est 18 à 35 ans, avec nos partenaires. C'est des journalistes... On a des journalistes du Monde, de Radio France et d'ailleurs, des avocats, des présidents d'association, des intervenants, des chercheurs, des militants, des élus ? cette année on a eu des élus aussi. Donc, ce n'est pas... c'est des gens engagés sur le racisme dans différents pays, qui viennent débattre de tout ça. Et, moi, je pense qu'effectivement c'est un acquis, c'est un aboutissement de ce qu'on a réussi à créer.

n(16 h 50)n

Bon, on a fait aussi, à Paris, par exemple, juste après les événements en France, dans les banlieues, l'année dernière, trois semaines après, on a fait un Rendez-vous des jeunes à Paris, dans une de ces banlieues-là, avec des anciens participants du Rendez-vous de la France qui sont venus très nombreusement, si tu veux, pour participer à cet événement-là, et c'est des gens de Montréal, on a amené l'événement avec l'aide de l'office.

Alors, moi, je trouve que c'est une activité porteuse, c'est parmi les quatre ou cinq activités-phares de la semaine, avec nos expositions de caricatures, tout ça, le cinéma, le Cinéjeunesse, on a un programme de cinéjeunesse dans les écoles, et je trouve qu'il faut consolider ça à l'avenir. Nous, notre projet à l'avenir, c'est de consolider nos activités-phares dans cette semaine-là pour pouvoir ne pas fonctionner d'une année à l'autre mais avoir des projets sur deux ou trois ans, notamment autour de ce réseau incroyable de jeunes qui grandit d'une année à l'autre et qui veulent participer avec nous pour renforcer cette idée-là.

Et, peut-être juste en terminant ? je sais que nos 20 minutes s'achèvent ? cette année, autour des zones libres de racisme, c'est assez porteur: Comment créer une zone libre de racisme dans l'éducation, dans le travail, dans l'espace public, dans la sphère de la justice, et tout ça? On a sorti une boîte à outils pour cela, avec les jeunes, qui est en développement, et je pense que, dans l'avenir, ça rejoint beaucoup des propositions qui sont dans le document qui est ici, mais ça émerge aussi de l'expérience de ces jeunes-là. Dans l'avenir, on veut vraiment faire avancer la réflexion internationale, avec des jeunes, sur la boîte à outils, sur le partage des pratiques innovatrices dans les différentes régions dans lesquelles les jeunes sont impliqués pour possiblement profiter un peu de ces différentes choses là et que la société civile puisse assumer la responsabilité aussi de faire avancer la lutte contre le racisme. Merci.

M. Laurent (Alix): Alors, on a quelques...

Le Président (M. Turp): Il vous reste une minute.

M. Laurent (Alix): Une minute, alors ça va aller vite, quelques recommandations. Premièrement, on voudrait dire que, qu'une politique ne tienne pas compte des premières nations, ce serait quand même une erreur grave parce que ce serait quasiment une discrimination à l'intérieur d'une discrimination. Et on voudrait demander aussi que le gouvernement continue à supporter la semaine et nous aider à consolider les activités dans les régions. Donc, ce serait très important.

Et l'autre chose, c'est: on pense qu'il serait important de créer un secrétariat d'action contre le racisme, une instance qui serait comme une agence, un peu comme l'OFQJ qui est une agence gouvernementale, quasi-agence, si je peux dire, dont l'efficacité vient surtout de la créativité des gens qui y travaillent. Donc, ce n'est pas tout à fait une organisation gouvernementale, mais vraiment l'idée, c'est d'avoir une structure qui serait plus créatrice d'activités et qui pourrait porter l'ensemble des activités de la semaine ultimement, aussi. Donc, voilà.

Le Président (M. Turp): Très bien. Bien, merci, messieurs. Alors, je passe la parole à la ministre, quatre minutes seulement, et ensuite à l'opposition officielle. Mme la ministre.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Alix, M. Pilon, M. McAll, merci d'être avec nous, merci de faire partager votre expérience. Évidemment, la Semaine d'actions contre le racisme est une semaine qui, je le sais pour avoir fait plusieurs activités, est très prisée, je dirais. Je pense que c'est intéressant parce qu'on a l'occasion de faire beaucoup d'activités de démystification aussi par rapport au racisme.

Vous avez dit, dans votre introduction, que, ne serait-ce que de nommer le racisme, déjà on obtient des réactions des gens. Moi, je peux vous confirmer que c'est vrai, oui, parce que, quand on a décidé qu'on partait en tournée de sensibilisation pour annoncer qu'il y aurait une consultation parlementaire pour que le Québec se dote d'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination, beaucoup de gens se sont sentis interpellés, quelques-uns choqués. Certains disaient: Bien, voyons donc, il n'y a pas de racisme au Québec! Il y avait des journalistes qui me disaient: Bien, Mme la ministre, est-ce que les Québécois sont racistes? Et évidemment, bon, je considère que dans l'ensemble le Québec est une société qui est tolérante, ouverte et accueillante, par contre on n'est pas exempts de gestes de racisme, ou de discrimination, ou de préjugés.

Et, moi, je crois sincèrement que le Québec a fait le choix de s'ouvrir à l'immigration. C'est un choix qui a été partagé par plusieurs gouvernements. Donc, il est de notre ressort, en tant que gouvernement, de prendre nos responsabilités pour s'assurer que le racisme et la discrimination, qui, nous le savons tous, souvent vont découler sur de l'exclusion sociale ou du décrochage social, doivent être enrayés, ou, à tout le moins, le gouvernement doit faire les efforts qui s'imposent.

Malheureusement, quatre minutes, ça passe vite, il doit en rester deux. J'aimerais que vous répondiez aussi. Je vais vous poser peut-être deux questions: Pourquoi estimez-vous que la mise sur pied d'une ligne de 1 800 est prioritaire? Et vous avez terminé avec la mise en place d'un secrétariat de lutte contre le racisme et la discrimination, avec des mandats variés, tel un service d'information et de documentation pour les administrations publiques. Pourquoi un secrétariat?

Le Président (M. Turp): Deux minutes.

M. Laurent (Alix): Deux minutes, voilà.

Le Président (M. Turp): Deux minutes.

M. Laurent (Alix): Alors, pendant la semaine, ce qu'on constate, c'est que... en fait, même après la semaine, on reçoit des tonnes d'appels de gens qui veulent se plaindre contre le racisme, qui veulent porter plainte et on a l'habitude de les référer toujours à la Commission des droits de la personne. Mais ce qu'on constate, c'est que, depuis sept ans, le nombre d'organismes augmente, et on pense qu'il serait stratégique d'avoir un numéro 1 800 où est-ce que les gens pourraient directement aller... pour répondre à leurs besoins, quoi.

Et l'idée d'un secrétariat, mais en fait l'idée a germé dès les premiers moments de la semaine parce qu'on se disait qu'il faut une structure qui pourrait... comme l'ADRI, l'exemple que je prends très souvent, en France, où est-ce qu'il y aurait une vision plus large de cette notion de racisme. Cette organisation-là aurait peut-être le mandat aussi de faire une semaine d'actions contre le racisme, peut-être ? parfois on en discute aussi ? et qui pourrait éventuellement être le centre de référence sur toute question qui touche le racisme ici, au Québec. Et je pense qu'on aurait besoin d'une structure comme ça, mais ça prend nécessairement un certain leadership qui vient... parce que, toute forme d'organisation comme ça, ça prend un leadership qui puisse amener le terrain et autant le gouvernement à suivre et à agir dans le sens qu'il faut pour répondre à la problématique de racisme.

Mme Thériault: Et est-ce que vous croyez que, par rapport à la Commission des droits de la personne, il ne pourrait pas y avoir un chevauchement de rôles?

M. Laurent (Alix): Je ne sais pas si la commission joue ce rôle-là. La commission prend des plaintes, mais je ne pense pas qu'une structure qui serait un centre de référence sur le racisme ici, au Québec, supplanterait la commission, je ne crois pas.

Mme Thériault: Merci.

Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, merci, Mme la ministre. Alors, la parole est à la députée de Laurier-Dorion pour quatre minutes.

Mme Lefebvre: Bonjour, messieurs, MM. Laurent, Pilon et McAll. Nous irons rondement, puisque le temps nous presse. J'ai beaucoup apprécié votre mémoire. En fait, c'est une belle perspective et puis c'est du concret. Bref, on a beaucoup parlé de l'importance de faire la promotion, de sensibiliser et de faire de l'éducation, puis vous, dans le fond, avec la semaine qui est le point d'ancrage... Parce que j'ai compris que vous aviez également des activités qui s'échelonnaient, là, tout au long de l'année, puis également au niveau national ici, au Québec, mais vous allez jusqu'à l'international. Donc, c'est vraiment... Je pense que la semaine, au fil des années, a pris une envergure et un tonus exceptionnels, et je vous incite et vous encourage à poursuivre votre excellent travail.

Par rapport aux outils qui pourraient vous aider à poursuivre dans la même voie, je vais continuer sur l'idée du secrétariat, donc une instance de suivi, c'est ce que j'en comprends, donc s'assurer que le travail qui se fait puisse se poursuivre dans le temps, et aussi, bon, un secrétariat pourrait permettre une certaine reddition de comptes, en même temps.

Vous parlez du fonds de projets de la Semaine d'actions contre le racisme. Je n'ai pas eu le temps de vous entendre pendant la présentation. Est-ce que ce fonds existe déjà? Et donc est-ce qu'il faudrait le créer? Et donc je voudrais un peu vous entendre sur ça.

M. Laurent (Alix): Écoutez, c'est une idée qui est sortie lors d'une de nos rencontres. L'idée, c'était de créer un fonds qui permettrait aux organisations privées d'embarquer dans la semaine, parce qu'on a beaucoup de difficultés à rejoindre le privé. Et d'ailleurs j'ai eu une réunion ici avec la Chambre de commerce de Québec et, je peux vous dire, il y a une fermeture vraiment à double clé. Donc, d'avoir un fonds qui serait constitué dans ce sens-là, qui pourrait aider le privé à mieux comprendre pourquoi il faut embarquer. Alors, s'il y a une présence stratégique intéressante, je pense qu'il serait plus intéressé à embarquer dans une approche comme ça.

Mme Lefebvre: Donc, est-ce que le fonds, c'est pour promouvoir la semaine et les activités de la semaine...

M. Laurent (Alix): Ah oui! bien sûr. Oui, oui.

Mme Lefebvre: ...auprès des entreprises, ou les entreprises également plus tard seraient amenées à financer finalement les...

M. Laurent (Alix): C'est-à-dire, c'est une manière d'aller chercher les entreprises pour qu'elles financent les activités de la semaine et en fait que les activités de la semaine rejaillissent sur eux aussi. Parce qu'on fait les activités pour rejoindre les entreprises, mais très souvent, pour les faire embarquer là-dedans, ce n'est pas évident non plus. Donc l'idée, c'est d'avoir un fonds qui nous permettrait de développer des activités certes, mais d'aller chercher les entreprises privées vers une stratégie plus stratégique.

Mme Lefebvre: Bien, en tout cas, c'est très intéressant. Et, puisque le temps file rapidement, je me demandais également... Bon. Ça fait sept ans que vous organisez la semaine, vous êtes, bon, partenaires ensemble avec les autres organismes. Je me demandais ? en sept ans, j'imagine que vous avez évolué puis, bon, que des nouvelles idées ont émergé ? de vos dernières expériences, qu'est-ce qui vous rend le plus fiers. Vers quoi vous tendez pour le futur? Qu'est-ce qui pourrait... Dans le fond, quel genre d'initiatives on pourrait mettre en oeuvre? Ou en tout cas est-ce qu'il y a des idées que vous avez qui vous manquent, qu'on pourrait soutenir davantage? Parce que je lisais le mémoire, puis il y a toutes sortes d'initiatives: on passe de l'éducation à l'art, l'international, aux échanges. Donc, vers quoi vous vous dirigez, puis comment on pourrait vous accompagner?

Le Président (M. Turp): En une minute.

n(17 heures)n

M. McAll (Christopher): Bien, moi, je pense que, depuis le début, on a voulu toujours recréer la semaine à chaque année pour garder cette espèce de volonté, cette nouveauté, cette créativité, mais là on est rendu à une étape de vouloir quand même consolider davantage. On a des acquis. Et je pense que surtout ce qu'on voudrait, c'est de pouvoir mieux utiliser ce qu'on produit comme outils. Donc, il y a des expositions, Cinéjeunesse, le festival du film des droits de la personne qu'on vient de lancer l'année dernière, le Rendez-vous des jeunes. Il y a toutes sortes de projets de formation qui peuvent aller avec ça et il faut pouvoir utiliser ce qu'on produit, et ça, ça va exiger effectivement des ressources mais tout en gardant cette créativité et cette invention. On veut réinventer un peu à chaque année. Donc, c'est surtout une combinaison de continuité et de créativité qu'on souhaite pouvoir développer.

Le Président (M. Turp): Alors, merci beaucoup, Je vous remercie, messieurs, pour votre mémoire, votre exposé et réponses à nos questions.

Je suspends les travaux pour quelques minutes. J'invite le prochain groupe, la Conférence régionale des élus de Montréal et le Forum jeunesse de l'île de Montréal à prendre place autour de la table. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 1)

 

(Reprise à 17 h 3)

Le Président (M. Turp): Nous reprenons nos travaux. Et, mesdames, je vous rappelle que vous disposez d'une période de 20 minutes pour votre exposé, qui sera suivie par une courte période, malheureusement, à cause des circonstances, des débats dans le salon bleu, là. La ministre et l'opposition officielle auront cinq minutes ou quatre minutes chacune pour vous poser des questions. On s'en excuse. Mais à vous la parole, et merci d'être devant les membres de cette commission.

Conférence régionale des élus de
Montréal (CRE de Montréal) et
Forum jeunesse de l'île de Montréal

Mme Leahey (Marie): Merci, M. le Président. Mmes et MM. les députés et membres de la commission, mesdames et messieurs, Mme la ministre. Au nom de la Conférence régionale des élus de Montréal, je veux tout d'abord vous remercier de nous permettre de présenter formellement le mémoire que nous avons produit de concert avec le Forum jeunesse de l'île de Montréal. Je voudrais excuser l'absence de M. Dauphin, le président de la CRE, il ne pouvait se déplacer aujourd'hui. Nous sommes d'autant plus heureuses de présenter ce...

Le Président (M. Turp): Mesdames, mesdames, juste un...

Mme Leahey (Marie): Oui.

Le Président (M. Turp): Une petite demande: Pourriez-vous vous présenter, s'il vous plaît?

Mme Leahey (Marie): Ah! désolée. Oui. Alors, Alice Herscovitch, qui est la directrice en développement social à la CRE de Montréal, et je suis Marie Leahey, la directrice générale par intérim de la CRE.

Le Président (M. Turp): Très bien. Merci beaucoup. Vous pouvez poursuivre.

Mme Leahey (Marie): Alors, nous sommes d'autant plus heureuses de venir présenter notre document, puisque cette question revêt une importance toute particulière pour notre région. La CRE félicite le gouvernement du Québec pour son initiative. Nous reconnaissons l'importance et même l'urgence d'élaborer une telle politique et éventuellement un plan d'action. Nous partageons cette conviction qu'il faut agir en aval et en amont sur les enjeux du racisme et de la discrimination.

Nous considérons que le document de consultation fait une très bonne analyse des questions dans ce domaine. Nous désirons signifier notre accord complet avec les principes directeurs et orientations émis dans le document. Nous désirons néanmoins souligner quelques principes additionnels qui nous semblent incontournables pour assurer une mise en oeuvre efficace d'une future politique. Nous voulons également vous soumettre des propositions d'action qui résultent de notre travail de consultation.

Avant d'aborder l'exposé de notre position, je voudrais cependant vous rappeler quelques faits concernant notre région. La CRE de Montréal est reconnue en tant qu'interlocutrice privilégiée du gouvernement en matière de développement économique, social et culturel de l'île de Montréal. Elle a également pour mandat de favoriser le développement de l'île par le biais de la concertation des partenaires. À cet effet, elle anime plus d'une douzaine de lieux de concertation.

Nous considérons qu'il est primordial que nous prenions position sur la question de la lutte contre le racisme et la discrimination, car la situation de notre région comme terre d'accueil des communautés culturelles et des personnes immigrantes est unique au Québec. De plus, la CRE de Montréal porte une attention particulière aux questions de l'immigration, de l'intégration et des relations interculturelles depuis longtemps. Déjà, en 1996, la CRE, qui était à ce moment-là le CRDIM, a pris position sur la question de la régionalisation de l'immigration. Nous avons, à l'automne 2004, à la suite de la demande du MICC, fait une journée d'étude sur l'isolement des femmes immigrantes.

L'île de Montréal est reconnue comme le lieu de résidence de la vaste majorité des membres des communautés culturelles et des personnes issues de l'immigration au Québec. Selon le dernier recensement, 70 personnes nées à l'étranger... 70 personnes... des personnes nées à l'étranger et présentes au Québec habitaient dans la région de Montréal. Ces personnes représentaient 28 % de la population totale de la région en 2001, soit 500 000 personnes sur un total de 1,8 million. La spécificité montréalaise par rapport à ces enjeux tient aussi à l'importance du nombre de personnes qui appartiennent à des minorités visibles. Nous parlons ici de 375 270 personnes. La proportion des personnes nées à l'étranger et qui se déclarent membres d'une minorité visible est de 51 %. Ce sont les personnes des communautés noires qui constituent la minorité visible la plus importante. Ajoutons à cela que 25 % de la population immigrée de Montréal, soit 124 915 personnes, déclare être de religion autre que catholique ou protestante.

Plus de 120 communautés culturelles vivent à Montréal. Les principaux lieux de naissance de la population immigrée sont, dans l'ordre: l'Europe pour 37 %, l'Asie, l'Amérique, et l'Afrique pour 12,4 %. Cependant, les récentes vagues d'immigration viennent changer le portrait. Les immigrantes et les immigrants admis entre 2000 et 2004 mais établis à Montréal en janvier 2006 proviennent principalement: de l'Asie, 31 %; de l'Afrique, 28 %; de l'Europe, 22 %; et de l'Amérique, 17,4 %. Le rapprochement interculturel évoqué dans le document de travail du ministère comme choix stratégique pour reconnaître et contrer les préjugés et la discrimination fait partie de la réalité quotidienne de la population montréalaise. Il est important de bien s'imprégner de l'ampleur de cette spécificité unique à notre région pour prendre la mesure de l'importance de l'immigration pour la croissance démographique, l'essor économique et culturel, l'ouverture au monde et l'enrichissement collectif de la métropole.

La diversité culturelle que procurent, à Montréal, les immigrantes et les immigrants et les membres des communautés culturelles influence la vie dans les quartiers, la vie scolaire des jeunes et de leurs parents, les relations familiales, les activités culturelles et de loisirs, les services publics et privés ainsi que l'activité économique et le monde du travail. C'est une richesse inestimable pour le Québec et l'île de Montréal. Cependant, cet atout exceptionnel n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur, et la diversité entraîne des tensions et des difficultés en termes de cohabitation et de gestion de la diversité. Je m'excuse, j'essaie d'aller très vite, alors, ouf! c'est un petit peu...

En août 2005, la CRE et le MICC ont signé une entente afin de favoriser la consultation et la concertation des partenaires régionaux autour de l'élaboration du Plan d'action de la région de Montréal en matière d'immigration, d'intégration et de relations interculturelles.

La CRE a mis sur pied un comité d'orientation composé de 18 leaders montréalais provenant de la ville de Montréal: des organismes communautaires au service des nouveaux arrivants et arrivantes et des organismes des communautés culturelles, des personnes représentant le milieu des affaires, des syndicats, de l'enseignement et de la recherche, ainsi que des personnes possédant une grande expertise en matière d'immigration et de relations interculturelles. Les pistes d'action retenues dans le plan produit par ce comité et qui a été soumis à Mme la ministre ont pour objectif de favoriser la pleine intégration sociale, culturelle, citoyenne et politique des personnes immigrantes, des membres des communautés culturelles et des minorités visibles. Le mémoire que nous déposons à votre commission est largement le fruit des préoccupations et solutions qui se sont dégagées lors de la mise au point de ce plan d'action régional.

n(17 h 10)n

Le Forum jeunesse de l'île de Montréal pour sa part a été sollicité pour présenter un mémoire. Il a jugé bon d'intégrer ses réflexions à l'intérieur du mémoire de la CRE. Le forum est une table de concertation créée en 2000 afin que les besoins des jeunes âgés de 12 à 30 ans soient pris en compte dans le développement social, économique et culturel de la région. Il coordonne des projets et défend les intérêts de ses membres qui proviennent des milieux étudiant, socioéconomique et communautaire, des arts et de la culture ainsi que des sports et loisirs. À chaque année, ses 26 membres sont élus démocratiquement par plus de 150 personnes déléguées à l'Événement régional jeunesse.

La promotion de la place et de la participation des jeunes issus de l'immigration dans l'emploi et des lieux de décision fait partie des priorités d'action du Forum jeunesse. Celui-ci considère que la politique gouvernementale de lutte doit interpeller tous les jeunes du Québec, et ce, en tenant compte des spécificités régionales. Plus du quart des jeunes du Québec se retrouvent dans la région de Montréal, et la vaste majorité des jeunes issus de l'immigration s'installent, vivent, étudient et travaillent sur l'île. De plus, les familles immigrées, mixtes ou formées de résidentes et de résidents non permanents forment 48 % des familles ayant des enfants. Par conséquent, la réalité de la diversité ethnoculturelle et les défis qui l'accompagnent démontrent amplement l'importance d'implanter des mesures adaptées aux spécificités des jeunes.

L'accroissement de la diversité représente un défi d'adaptation pour toutes et tous, y compris les personnes immigrantes et les différents acteurs présents sur l'île. Nous appuyons la ville de Montréal qui, dans le cadre de sa vision 2025, souhaite favoriser l'émergence d'une ville exempte de racisme et de discrimination. Il est souhaitable que les différents acteurs travaillent en ce sens. D'ailleurs, le Comité d'orientation en matière d'immigration de la CRE de Montréal, dans sa vision pour l'île de Montréal, a souligné la nécessité que des efforts particuliers soient destinés à l'élimination du racisme.

La CRE de Montréal a élaboré la position qu'elle vous présente en collaboration avec la ville de Montréal. Dans son mémoire, la ville souligne d'ailleurs les mêmes préoccupations quant à la priorité à donner à l'intégration par l'emploi et à l'importance de la vie de quartier et communautaire afin de favoriser des relations culturelles harmonieuses. Elle insiste aussi sur la nécessité, dans le cadre de la lutte contre le racisme et la discrimination, de reconnaître l'apport des personnes immigrantes, des communautés culturelles et des personnes des minorités visibles à la qualité de vie de toute la population montréalaise.

Au début, je vous ai indiqué que la CRE de Montréal endossait les principes et orientations contenus dans le document, dans votre document de consultation, et je laisserai le soin à Mme Alice Herscovitch de vous présenter les principes additionnels ainsi que les principales recommandations inscrites dans notre mémoire.

Le Président (M. Turp): Vous avez très bien divisé ça, toutes les deux. Il vous reste 10 minutes.

Mme Herscovitch (Alice): Merci. Alors, bonjour. Je vous remercie de nous avoir reçues et de votre écoute. Tel que mentionné par Mme Leahey, nous considérons que trois principes additionnels constituent des incontournables pour s'assurer d'une mise en oeuvre efficace de la future politique québécoise. Tout d'abord, la politique doit s'inscrire dans une perspective de long terme et ainsi prévoir un soutien plus continu des activités de lutte contre la discrimination et le racisme.

Comme la CRE a pu le constater lors de sa démarche de consultation et de concertation, il est impératif de soutenir à long terme et de consolider les actions et projets déjà menés sur le terrain mais qui ne font l'objet que d'un appui ponctuel. La production de guides ne pourra suffire pour consolider les pratiques gagnantes. On ne peut prétendre lutter contre le racisme et la discrimination sans mettre de vrais moyens et des ressources adéquates en jeu. L'éducation, l'accompagnement et la mobilisation de l'ensemble de la société sont des actions de longue haleine qui exigent des ressources. Ensuite, la politique doit s'appuyer sur l'expertise acquise par les intervenants qui côtoient quotidiennement les personnes discriminées. Et finalement, mais loin d'être le moins important, il faut que les leaders de la société québécoise et montréalaise utilisent leur influence dans le milieu quant à cet enjeu et prennent position publiquement contre le racisme et la discrimination.

La CRE de Montréal recommande également de mettre l'accent sur trois éléments qui sont essentiels pour assurer le succès de la future politique. La communauté culturelle majoritaire doit démontrer une réelle ouverture comme société d'accueil. Elle doit être proactive en faisant valoir que la diversité culturelle représente une contribution positive à la dynamique de notre société. L'intégration des personnes immigrantes, la diversité des communautés ne doivent pas être perçues comme des problèmes ou des sources de dépenses seulement. Nos investissements dans ces domaines sont des investissements qui finalement sont porteurs de notre avenir. Les personnes immigrantes ne sont pas non plus que des solutions au défi démographique ou au besoin de la main-d'oeuvre du Québec.

Nous nous devons néanmoins de reconnaître la nécessité de mettre en oeuvre des moyens pertinents pour relever les défis qu'engendre par ailleurs cette diversité. Il y a, par exemple, des pistes d'action que je pourrai vous mentionner, comme une qui touche la culture, où on dit qu'il faudrait valoriser l'apport économique, culturel et démographique de l'immigration et des communautés culturelles notamment en ajustant les pratiques et la programmation des grandes institutions culturelles montréalaises aux réalités du cosmopolitisme de la région de Montréal. Il faut en tenir compte.

Deuxième élément, il faut assurer une intégration réussie des personnes immigrantes tant au niveau de l'emploi et de l'intégration économique que de la langue, de l'accès aux services, du logement et des relations entre les résidents dans les quartiers et les villes de la région de Montréal. La non-réussite de l'intégration de certaines communautés contribue aux préjugés et à la discrimination. On vit souvent des cercles vicieux: pauvreté ? le taux de pauvreté est beaucoup plus élevé évidemment chez les personnes immigrantes ? minorités visibles, non-intégration à l'emploi, décrochage scolaire, gangs de rue. Et je suis certaine que le Carrefour de lutte au décrochage scolaire, qui me suit, va vous entretenir là-dessus.

Troisième élément, il faut également mettre en branle les actions transversales qui engagent tous les partenaires et qui viseront l'acceptation de la diversité et la promotion de l'interculturalisme. Les acteurs régionaux, les ministères et leurs institutions, les organismes communautaires, les réseaux des affaires, tous doivent se concerter mais aussi assumer un leadership dans leurs propres domaines par des actions concrètes. Dans la région de Montréal, des efforts particuliers doivent être menés parce que c'est là où les diverses communautés se côtoient et parce que c'est souvent là où les tensions se vivent.

Des actions telles que des campagnes de sensibilisation, des réseaux intersectoriels et multiréseaux pour mettre en commun des pratiques gagnantes, des efforts par rapport à la vie de quartier, de soutien aux organismes pour qu'ils puissent offrir un meilleur accompagnement, l'accès à l'emploi, la gestion de la diversité à l'emploi et à l'école, la défense des droits des personnes et des mécanismes plus efficaces pour assurer le respect, la participation citoyenne et la mobilisation des personnes discriminées sont autant de moyens qu'il faudrait favoriser. La prévention des conflits entre jeunes de différentes communautés et la sensibilisation des jeunes de la communauté majoritaire par la promotion d'activités et de rôles sociaux positifs sont essentielles.

Nos recommandations sont le fruit d'un processus de concertation qui a mobilisé les acteurs montréalais et elles ont fait l'objet d'un large consensus dans notre région. Je veux toutefois insister sur le fait que la plus louable des politiques ne pourra donner de résultats si elle n'est pas assortie de moyens adéquats. Pour mobiliser les partenaires, réaliser un plan d'action en concertation avec les acteurs du milieu et générer des pratiques novatrices au point d'influer sur les mentalités, il faut disposer de ressources adéquates. Dans toute entreprise humaine, les résultats sont toujours largement en fonction des investissements.

Plusieurs pistes de notre plan d'action constituent des mesures bien concrètes que nous pourrions mener à terme et qui contribueraient à l'atteinte des objectifs poursuivis par le projet de politique. La CRE de Montréal est prête à s'engager dans cette voie. Toutefois, elle s'attend à ce que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles assume le leadership qui lui revient de droit dans ce dossier en signant une entente et en y investissant un montant qui tient compte de l'ampleur du défi que la région de Montréal doit relever dans l'intérêt de ses citoyens et citoyennes mais également dans l'intérêt de toute la population du Québec.

Je veux vous souligner quelques recommandations et quelques pistes d'action. Alors, les recommandations. La première, c'est que le gouvernement du Québec traite les questions liées à l'immigration, à l'intégration et aux relations interculturelles comme un enjeu essentiel pour la société québécoise et la région de Montréal. La démarche actuelle nous semble d'ailleurs porteuse dans ce sens.

n(17 h 20)n

Deuxièmement, de favoriser l'intégration des personnes immigrantes et la pleine participation des membres des communautés culturelles et des réfugiés en encourageant le maillage entre l'emploi, le logement, les services sociaux et les services de santé, l'éducation, les services gouvernementaux et communautaires. Il faut viser une approche globale des besoins de la personne.

Revoir les processus de traitement des plaintes liées au racisme et à la discrimination afin qu'ils soient plus efficaces, mais aussi qu'on doit mieux accompagner les personnes qui portent plainte. Un exemple que je pourrai vous donner d'expérience terrain. En 1989, je travaillais dans un organisme qui menait une campagne annuelle de lutte contre la discrimination dans le logement. On a fait du travail de «testing», on a travaillé en collaboration, après un bout de temps, avec la Commission des droits de la personne et de la jeunesse. Mais ça prenait deux ans pour que les gens puissent gagner une cause à la Commission des droits. La personne discriminée n'était évidemment pas gagnante à la fin de l'histoire. Ça décourageait plutôt que d'encourager les personnes à porter plainte. Il y a aussi une pénurie de logements à Montréal, donc on sait que le problème s'est d'ailleurs aggravé depuis. Il y a une piste d'action dans notre plan d'action qui porte sur le besoin de consacrer plus de ressources à la Commission des droits et aux organismes oeuvrant sur des questions des droits des personnes afin de permettre non seulement d'accélérer le processus de la commission, mais aussi de l'améliorer, entre autres en offrant l'accompagnement des personnes dans leurs démarches.

La quatrième recommandation: prioriser l'intégration à l'emploi et aux emplois de qualité, assurer l'application des programmes d'accès à l'égalité des employeurs publics en fixant des cibles obligatoires. On propose également un chantier sur l'emploi en étroite collaboration avec le Conseil régional des partenaires du marché du travail de Montréal. Et on donne des exemples d'action qui pourraient soutenir l'intégration à l'emploi, soit des actions pour encourager les grandes entreprises et les syndicats à appliquer les programmes d'accès à l'égalité en emploi et à produire un bilan annuel à cet effet, soit en organisant une campagne de sensibilisation pour la population en général et les personnes visées.

La cinquième recommandation: améliorer l'accompagnement des personnes immigrantes et des communautés culturelles ainsi que des divers milieux qui les accueillent et reconnaître qu'un tel accompagnement ne peut être réalisé qu'avec la disponibilité des ressources nécessaires.

En conclusion, notons que la CRE de Montréal salue l'initiative du gouvernement qui, par cette consultation, démontre son inquiétude face aux attitudes discriminatoires qui persistent dans notre société. Comme la grande majorité des personnes issues des communautés culturelles et de l'immigration ainsi que les membres des minorités visibles vivent sur l'île de Montréal, cette question nous tient particulièrement à coeur. Notre engagement dans l'élaboration du plan d'action de la région de Montréal, nos démarches pour élaborer une deuxième entente spécifique visant sa réalisation, la place de cette question dans le plan quinquennal de la CRE de Montréal, notre leadership et notre rôle dans la concertation des acteurs montréalais dans ces domaines font de nous un partenaire privilégié du gouvernement sur cette question. Nous désirons dans ce sens vous offrir notre entière collaboration. Nous avons hâte à l'adoption de la politique et à l'adoption d'un éventuel plan d'action. Merci.

Le Président (M. Turp): Merci. 20 minutes juste, c'est incroyable. 20 minutes juste, à la seconde près. Mme la ministre, quatre minutes.

Mme Thériault: Merci, M. le Président. Merci, Mme Leahey et Mme Herscovitch, d'être avec nous aujourd'hui. Évidemment, la CRE de Montréal et le Forum jeunesse de l'île de Montréal sont des partenaires essentiels, je pense qu'on l'a dit depuis le début des travaux de la commission. Les conférences régionales des élus, que ce soient celles qui sont partenaires, signataires des plans d'action ou des ententes de régionalisation, sont importantes. Vous êtes sur le terrain et vous travaillez aussi avec les gens. Je vous remercie de votre contribution. Il est évident qu'on va analyser avec beaucoup de soin les recommandations que vous avez faites.

Et je m'empresse de vous dire qu'il est bien évident que la région de Montréal est une région unique à elle-même, hein? Je suis députée de l'île, je peux vous le dire. Je vois très bien aussi l'évolution d'année en année dans les comtés, comment nos comtés peuvent s'enrichir de la diversité. Moi, j'ai un comté de l'est de Montréal, Anjou, qui a eu une... Historiquement, il y avait des petites communautés qui étaient installées, mais, aujourd'hui, on voit que les communautés prennent énormément d'ampleur, pratiquement 25 % du comté maintenant est composé de gens qui sont issus de l'immigration ou des différentes communautés culturelles qui composent Montréal. Évidemment, Montréal a sa réalité propre. Je conviens que Montréal a aussi une force d'attraction. Il est évident qu'elle sait attirer et retenir bon nombre d'immigrants de par la qualité de vie. Il y a des choses qu'on retrouve à Montréal qu'on ne trouvera jamais dans d'autres régions.

Il est évident qu'une politique pour lutter contre le racisme et la discrimination sera certainement très utile à différents niveaux. Moi, je conviens qu'il y a des grandes actions qui peuvent être transcendantes évidemment, mais il faut tenir compte aussi des réalités qui sont différentes d'une région à l'autre. Ce qui se vit à Montréal, ce n'est jamais ce qui se vivra au Lac-Saint-Jean, et vice versa, ou dans d'autres régions du Québec.

Je conçois très bien que vous avez aussi un rôle important qui est à jouer. Et je pense que c'est important de rajouter aussi que c'est à Montréal qu'on retrouve le plus de services qui sont dispensés au niveau de l'immigration, que ce soit par la quantité d'organismes communautaires partenaires du ministère ou les services que le ministère offre. Parce qu'on a tendance à oublier que le ministère dessert une certaine clientèle et offre également des services. Mais je suis bien heureuse de voir qu'on travaille bien ensemble et que ce qu'on a en tête, autant la ville que le Forum jeunesse et que le ministère, c'est réellement l'intégration des gens qui ont choisi le Québec et qui ont été choisis par le Québec.

Parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, j'aimerais peut-être vous entendre... Parce que vous parlez de proposer des incitatifs financiers offerts aux employeurs pour encourager à embaucher des personnes issues de l'immigration. À quel type de mesures pensez-vous?

Le Président (M. Turp): En une minute. Il vous reste une minute à peine.

Mme Thériault: Ça va trop vite, M. le Président.

Le Président (M. Turp): Beaucoup trop vite.

Mme Herscovitch (Alice): Il me semble que... On a parlé d'incitatifs sans mentionner les incitatifs financiers.

Mme Thériault: C'est inscrit dans vos mémoires.

Mme Herscovitch (Alice): Oui?

Mme Thériault: Oui.

Mme Herscovitch (Alice): Bon, ça se peut bien. Alors, si c'est ça, c'est parce que la concertation a conclu que c'était ça. L'idée, c'était que malheureusement bon nombre d'entreprises ont de la difficulté à s'ouvrir, ont de la difficulté aussi parce que la gestion de la diversité, c'est aussi au départ un coût. C'est-à-dire permettre aux personnes qui travaillent dans une entreprise de bien comprendre c'est quoi, connaître une autre expérience de vie, une autre culture, comprendre que les cultures de travail ne sont pas pareilles à travers le monde et donc de permettre une intégration qui prend parfois du temps, ça coûte quelque chose à une entreprise. Et, dans ce sens-là, il serait important de trouver des moyens pour que les entreprises reconnaissent ce coût au départ, qui est peut-être financier, comme étant un coût qui diminue mais de plus, à long terme, un apport de la richesse de différentes cultures, mais aussi de façons de travailler ailleurs. Innovation, on parle beaucoup d'innovation sur l'île de Montréal...

Le Président (M. Turp): Madame, je dois vous arrêter.

Mme Herscovitch (Alice): Mais l'innovation vient aussi parfois du choc de cultures puis des idées différentes. Il faut se permettre cette opportunité.

Le Président (M. Turp): Merci. Alors, Mme la députée de Laurier-Dorion, pour quatre minutes.

Mme Lefebvre: Merci beaucoup, M. le Président. Mme Leahey et Mme Herscovitch, bonjour, bienvenue. Et j'ai lu avec attention votre mémoire, d'autant que, comme vous le mentionnez, vous êtes un partenaire principal dans ce combat que nous menons contre le racisme et la discrimination, mais aussi face à l'intégration des personnes immigrantes qui joignent leur destinée à la nôtre et qui ont décidé de s'établir à Montréal principalement.

J'ai assisté d'ailleurs à la rencontre que vous avez faite au mois d'avril concernant le plan d'action, et tout ça, et donc je sais que des pistes d'action sont mises de l'avant depuis très longtemps à Montréal et puis que vous avez plusieurs idées. Et, pour cette raison-là, puisqu'on n'a pas beaucoup le temps de s'attarder aux propositions en tant que telles et puis que vous en avez fait mention dans votre présentation, je voudrais revenir sur un des aspects que vous avez mentionnés.

Les résultats que vous aurez ou que nous aurons collectivement ? on peut le dire comme ça ? seront fonction des ressources qui seront investies, c'est vrai, ça, pour n'importe quels travaux qu'on peut entreprendre. Et donc vous dites que vous vous attendez à ce que le ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles assume le leadership et investisse des montants qui vous permettront d'aller au bout de vos actions. Alors, je me demandais: D'une part, le plan d'action régional que vous avez adopté, est-ce que vous avez reçu un financement quelconque pour pouvoir le mettre en oeuvre ou est-ce que vous avez déjà des fonds, vous, à la CRE, pour ça?

Et puis, deuxièmement, est-ce que vous êtes capables de chiffrer vos besoins? Je sais que la ville de Montréal, quand elle est venue, nous a fait mention de plusieurs besoins importants, notamment au niveau des infrastructures, au niveau de différents programmes d'accueil, d'intégration. Mais, vous, en tant que CRE, est-ce que vous êtes capables de nous identifier les besoins pour la mise en oeuvre du plan d'action régional et vos attentes face au ministère?

n(17 h 30)n

Mme Leahey (Marie): Le plan d'action concerté sera mis en oeuvre quand l'entente spécifique ou l'entente qui nous liera avec le MICC sera signée, et nous sommes en négociation actuellement là-dessus. Donc, je ne peux pas vous dire actuellement quelle sera l'ampleur de l'argent qui sera mis dans cette entente-là. Il est évident que, si vous me demandez ce que j'en pense, je vais vous dire: C'est presque sans fond, ce qu'on a besoin, parce que c'est vraiment important.

Ceci dit, on se rend compte que c'est un plan d'action ambitieux, il y en a beaucoup et qu'on ne pourra pas tout faire. Alors, il va falloir être capables de prioriser avec les partenaires, avec les bâilleurs de fonds pour voir ce qui est possible. Alors, c'est très difficile de vous répondre actuellement parce que, comme on est en négociation et avec le ministère de l'Immigration et d'autres bâilleurs de fonds qui pourraient être intéressés aussi par le plan d'action concerté, il m'est très difficile de vous dire de quel argent on disposera pour faire le plan d'action.

Mme Lefebvre: Je comprends que ces négociations-là sont confidentielles, mais en même temps est-ce que vous êtes capables de nous identifier un peu à quelle hauteur ça peut se situer? Est-ce qu'on parle de 2 millions de dollars ou on parle de quelque chose comme, tu sais... Est-ce que vous êtes capables de nous identifier un peu... Puis je sais que vous devrez faire des choix par rapport à vos priorités, mais on parle de l'ordre d'environ combien?

Mme Leahey (Marie): J'ai deux façons de vous répondre. Les ententes spécifiques dans les autres régions étaient à la hauteur entre 100 000 $ et 125 000 $. Pour nous, c'est clair qu'à Montréal on trouve ça tout à fait insuffisant. Comme exécutif, chez nous, nous, on est prêts à mettre, la CRE, 175 000 $ par année pendant trois ans et on s'attend à ce que le ministère mette beaucoup plus, sinon, nous, on va travailler différemment. C'est à peu près les seules, objectivement, données financières que je peux vous donner actuellement.

Mme Lefebvre: Mais est-ce que ça, ça inclut...

Le Président (M. Turp): Ah, ah, ah!

Mme Lefebvre: Déjà fini?

Le Président (M. Turp): Le temps est écoulé, Mme la porte-parole, je regrette beaucoup. Alors, je vous remercie, mesdames, pour votre contribution aux travaux de la commission. Je regrette qu'on n'ait pas eu davantage de temps pour échanger avec vous.

Je suspends les travaux pour quelques minutes. J'invite les gens du Carrefour de lutte au décrochage scolaire à bien vouloir prendre place à la table des invités.

(Suspension de la séance à 17 h 32)

 

(Reprise à 17 h 33)

Le Président (M. Turp): Alors, alors, alors, la ministre va reprendre son siège, je crois, pour que nous puissions profiter pleinement de la présence de M. Gosselin, de Mme Glémaud.

Alors, bienvenue devant la commission. Je vous rappelle que vous allez disposer de 20 minutes pour votre exposé et que, comme vos prédécesseurs, il y aura un court échange de 10 minutes réparties également entre le parti ministériel et l'opposition officielle. Alors, je vous invite donc à vous identifier puis à présenter votre exposé.

Carrefour de lutte au décrochage scolaire

Mme Glémaud (Michèle): Michèle Glémaud, directrice générale du Carrefour de lutte au décrochage scolaire.

M. Gosselin (Pierre): Pierre Gosselin, président du même organisme, donc le Carrefour de lutte au décrochage scolaire.

Le Président (M. Turp): À vous la parole.

M. Gosselin (Pierre): Merci beaucoup. Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes, MM. les députés, on voudrait vous présenter, cet après-midi, un visage qui nous semble très particulier de la discrimination et de l'exclusion sociale, en particulier, là, des jeunes sur l'île de Montréal. Évidemment, le Carrefour de lutte au décrochage s'adresse à la population montréalaise, population des jeunes Montréalaises et Montréalais.

J'aimerais simplement citer une toute petite partie de notre mémoire, là, un paragraphe, à l'introduction: «Nous sommes tous convaincus d'être des opposants à la discrimination et au racisme, mais suffit-il de ne pas adopter d'attitudes négatives face à nos nouveaux concitoyens? L'organisme que nous représentons, le Carrefour de lutte au décrochage scolaire, croit fermement que des actions distinctes, bien ciblées, ayant pour but une attention particulière aux jeunes issus des communautés culturelles, à leurs familles et aux intervenants ? particulièrement scolaires ? oeuvrant auprès d'eux sont essentielles à la lutte au racisme, à la discrimination et à l'exclusion.» Notre credo, qui est aussi celui qu'on véhicule souvent dans les programmes de milieux défavorisés: «L'inégalité des ressources pour en arriver à l'égalité des chances.»

Dans une première partie, je vous présenterais très succinctement l'état du décrochage scolaire sur l'île de Montréal et en particulier la juxtaposition qu'on peut retrouver entre justement le décrochage scolaire, la défavorisation et la pauvreté et finalement des formes d'exclusion et de discrimination envers les jeunes des communautés culturelles.

D'abord, la proportion de personnes à faibles revenus est nettement plus élevée sur l'île de Montréal qu'elle ne l'est dans l'ensemble du Québec. Sans vous citer l'ensemble des statistiques, que vous connaissez sûrement puis que vous allez retrouver dans notre mémoire, des quartiers complets de l'île de Montréal vivent à très grande majorité... on parle de 50 % à 60 % des familles qui vivent sous le seuil de la pauvreté. Une grande partie des élèves également qui fréquentent les commissions scolaires francophones sont nés à l'extérieur du Québec. Sans décortiquer l'ensemble des données, il y a un peu plus de la moitié des jeunes qui eux-mêmes sont nés hors Québec ou qui sont nés de parents, soit le père ou soit la mère, hors Québec. Et, étant donné que cette population d'origine étrangère ou d'origine ethnique n'est pas également répartie sur le territoire de Montréal, on retrouve des zones de concentration où l'ensemble de ces données là sont beaucoup plus marquées.

Ce qu'il est intéressant, dans cette juxtaposition, d'observer, c'est que, où on retrouve les plus fortes concentrations de gens provenant de d'autres cultures, ce sont les mêmes quartiers, ce sont les mêmes arrondissements, les mêmes zones de la ville de Montréal où on retrouve également les taux de décrochage les plus élevés, et ces taux de décrochage deviennent carrément alarmants lorsqu'on les regarde sous cet angle-là. Je pourrais parler, citer des quartiers précis, Saint-Michel, Montréal-Nord, où j'ai oeuvré pendant toute ma carrière en tant qu'enseignant, directeur d'école et cadre scolaire, où on atteint des taux de décrochage, de non-diplomation, même après sept années au secondaire, des taux de non-diplomation qui atteignent près de 70 %. Sept jeunes sur 10 n'obtiendront pas un diplôme d'études secondaires pendant la durée, même durée étendue, d'un cursus scolaire. Ces jeunes qui n'obtiennent pas de diplôme sont en très grande majorité issus des communautés culturelles, puisqu'ils composent la très grande partie de la population de ces arrondissements, de ces territoires-là.

La pire forme d'exclusion qu'on peut avoir, c'est de ne pas avoir de chances égales de réussir le parcours scolaire. On a déterminé, par l'ensemble des études qui ont été faites, que la pauvreté et la défavorisation se perpétuent d'une génération à l'autre. Les indices de défavorisation qui ont été, par exemple, mis au jour par le Comité de gestion de la taxe scolaire de Montréal font un lien immédiat, étroit et constant entre la pauvreté et le taux de diplomation des jeunes. Vous allez le retrouver dans certains tableaux graphiques qu'on vous a présentés. Plus le niveau familial est élevé, plus la diplomation est grande. Et on observe ce phénomène de façon encore plus marquée au niveau des écoles privées, par exemple, où les revenus parentaux dépassent souvent les 80 000 $ par année et le taux de diplomation atteint tout près de 100 %, à toutes fins pratiques.

C'est clair qu'avec des parents plus pauvres, des parents moins scolarisés, qui sont en plus grands problèmes sociaux on va générer du décrochage scolaire. Dans 15 ans, dans 20 ans, les mêmes jeunes qui sont dans nos écoles secondaires vont reproduire exactement le même patron que ce qu'on observe à l'heure actuelle. Pour nous, la grande majorité des jeunes, je vous le disais d'entrée de jeu, de ces quartiers les plus difficiles, les plus défavorisés proviennent des communautés culturelles. C'est une forme de discrimination majeure. C'est une forme de discrimination qui, nous croyons, au Carrefour de lutte au décrochage, devrait être envisagée de façon importante.

Pour le reste de la présentation, je vais laisser Mme Glémaud vous présenter brièvement la structure du Carrefour de lutte au décrochage et la façon dont on entend envisager cette problématique.

n(17 h 40)n

Mme Glémaud (Michèle): Alors, le Carrefour de lutte au décrochage scolaire est né d'un partenariat avec les cinq commissions scolaires de l'île de Montréal, c'est-à-dire les trois commissions scolaires francophones et les deux commissions scolaires anglophones. Également, on a autour de nous plusieurs partenaires. Le milieu des affaires est présent, la régie régionale, la ville de Montréal. Le Forum jeunesse est également un partenaire, Emploi-Québec. Grosso modo, on a rassemblé l'ensemble des partenaires autour du Carrefour de lutte au décrochage scolaire.

Le but de cette alliance, c'était de dire que le décrochage scolaire n'est pas l'enjeu uniquement du milieu scolaire. Comme M. Gosselin le disait tantôt, le décrochage s'articule de toutes sortes de façons, s'articule à l'extérieur de l'école, et il faut le prendre en considération. Et c'est un peu dans cette optique qu'on vous a présenté notre mémoire, qui était de dire: Pour nous, pour travailler de façon efficace à la lutte au décrochage scolaire et particulièrement des jeunes provenant des communautés culturelles, il faut le prendre sous l'angle d'intersectorialité. Il faut le regarder, entre autres ? je vous donne rapidement un exemple ? il faut le regarder, entre autres, sous l'angle du développement économique.

À partir du moment où les familles sont beaucoup plus démunies, on fait un parallèle, là... On faisait un parallèle, hier, lors d'une activité qu'on avait avec les gens d'affaires et où Mme De Courcy était présente, qui nous disait qu'entres autres, dans le fameux palmarès, qu'on n'aime pas beaucoup dans le milieu scolaire, la dernière école qui s'y retrouve, le revenu moyen est de 14 000 $. Alors, on peut comprendre qu'on ne peut pas lutter contre le décrochage scolaire si on ne prend pas en considération l'élément économique des familles. Alors, d'où l'importance, pour nous, de travailler sous l'angle de l'intersectorialité.

Dans cet élément d'intersectorialité, il y a bien sûr l'élément familial, il y a le milieu des affaires, il y a le milieu de l'éducation qui a certainement son rôle à jouer, mais il y a également d'autres partenaires qu'il faut interpeller et amener à travailler avec nous. Et, dans le cadre de la politique que le ministère veut travailler, pour nous il est primordial, dans la stratégie de lutte à la discrimination et au racisme, que l'éducation de nos jeunes doit être un élément prioritaire. Si on n'arrive pas à scolariser nos jeunes provenant des communautés culturelles, nous allons perpétuer la pauvreté à l'intérieur de ces communautés, et nous savons ce qui peut en résulter automatiquement. Alors, pour nous, dans cette collaboration intersectorielle, le MICC a un rôle à jouer, la stratégie jeunesse a un rôle à jouer également, l'éducation, le développement économique a un rôle de concertation pour pouvoir en arriver à quelque chose de beaucoup plus significatif.

Et ça nous amène également à nous positionner et à réfléchir en lien... sur comment qu'on veut positionner le décrochage scolaire dans nos milieux, dans nos communautés, comment qu'on veut favoriser l'apprentissage de nos jeunes, comment qu'on veut amener nos jeunes à avoir le goût d'apprendre plutôt que se retrouver dans d'autres situations qui les amènent vers d'autre chose qui souvent est à l'extérieur de l'école. Et c'est un peu dans ce contexte qu'on vous a fait la proposition d'un projet, d'une approche régionale qui nous amènerait à pouvoir créer un lieu de concertation qui porterait davantage sur la réalité scolaire des jeunes des communautés culturelles.

Il y a plusieurs démarches qui sont en cours présentement, entre autres par rapport à la réussite scolaire des jeunes Noirs, mais il faudrait l'élargir davantage pour pouvoir évaluer ce qui se passe dans d'autres communautés qui sont en émergence dans des... il y a des émergences de problématiques de décrochage scolaire. Qu'on pense, entre autres, aux jeunes Sud-Asiatiques, aux jeunes Latinos, et je pourrais en énumérer bien d'autres.

Alors, dans ce contexte, pour nous, en créant une table régionale sur la lutte au décrochage scolaire des jeunes des communautés culturelles, on serait en mesure d'identifier c'est quoi, les facteurs clés qui amènent particulièrement les jeunes des communautés culturelles à quitter l'école. Et dans cet élément je pense qu'il y a une piste intéressante qui serait non seulement de regarder les jeunes qui viennent d'arriver, c'est-à-dire les jeunes nouvellement arrivés au Québec, mais également les jeunes qui sont de la deuxième génération parce que, dans l'étude de Mme McAndrew, elle démontre parfaitement qu'également les jeunes de deuxième génération vivent les mêmes discriminations et vivent des difficultés qui vont les amener à quitter l'école, et éventuellement même des éléments de discrimination en emploi, comme nous en entendons parler régulièrement.

Un autre élément qui serait très important, c'est toute une approche d'éducation à la diversité à l'intérieur de nos structures. Bien que nos structures travaillent dans une logique d'équité et d'égalité pour tous, on a besoin de mieux comprendre les différents jeunes qui se retrouvent dans nos écoles. Quand on se promène dans une école de Côte-des-Neiges et que 98 % des jeunes proviennent de différentes cultures, on a besoin de supporter les intervenants qui s'y retrouvent pour qu'ils puissent mieux approcher la diversité avec un regard beaucoup plus inclusif et avec un regard beaucoup plus différent que celui qu'on a présentement.

Ce qui m'amène à dire que quelque part il faut qu'on soit en mesure de regarder notre diversité beaucoup plus sous l'angle des talents, de voir le potentiel de talents qui existe au sein de ces jeunes plutôt que de le regarder sous l'angle d'une problématique qui parfois est un peu négative. On veut voir ces jeunes en se disant: Bien, il y a un problème de racisme, mais en même temps c'est ces jeunes qui vont se retrouver, dans 10 ans, dans 15 ans, sur le marché du travail et c'est ces jeunes qui vont composer le talent du Québec de demain.

Également, au niveau local, je pense qu'il y a plusieurs activités qu'on devrait amener beaucoup plus près au niveau des familles, c'est-à-dire une compréhension du système scolaire québécois, une compréhension des perspectives d'avenir et des opportunités au niveau de la formation et au niveau des carrières. Si je reprends mon exemple de l'école Lavoie à Côte-des-Neiges, quand on se retrouve avec une population de 98 % de jeunes qui viennent de parents qui proviennent, la plupart du temps, de l'extérieur de Montréal, on a peu de perspectives de comment qu'on peut diriger nos jeunes, comment qu'on peut guider nos jeunes, comment qu'on peut les amener à faire des choix judicieux pour leur avenir et automatiquement qu'est-ce qui les amènerait à pouvoir rester accrochés à l'école. Parce qu'on reste accroché à l'école dans une perspective d'avenir, en se disant: Bien, j'ai ma place, j'ai un rôle à jouer à l'intérieur de cette société. Et ça, je pense qu'on a un devoir auprès des parents.

L'autre élément qui est très essentiel et qui s'articule particulièrement pour les jeunes des communautés culturelles mais qu'on vit également auprès des jeunes Québécois de souche, comme on dirait, c'est toute la question de la valorisation scolaire. On aime bien dire souvent: On est dans l'ère du zapping. Et on aimerait bien zapper l'école, également. Mais malheureusement ça ne se fait pas en une fraction de seconde, l'apprentissage. Alors, il y a toute une démarche à faire également dans la dynamique de valorisation et d'engagement de nos jeunes dans leur apprentissage. Et, par rapport à ça, je pense qu'une des pistes qui seraient à explorer, c'est toute la notion de modèle. Nous avons des modèles qui ont réussi dans notre société. Nous devrions davantage exploiter ces modèles pour les ramener aux jeunes et les faire découvrir aux jeunes, pour qu'eux aussi soient en mesure de se projeter dans l'avenir.

Un autre élément important. Comme M. Gosselin le disait tantôt, les jeunes des communautés culturelles se retrouvent particulièrement dans les milieux défavorisés, et souvent ces jeunes-là ont besoin d'avoir un contact avec le marché du travail pour mille et une raisons, que ce soit par rapport à des besoins essentiels ou tout simplement par rapport à un désir d'être actifs dans la société. Et on le sait très bien que les jeunes des communautés culturelles ont beaucoup de difficultés à pouvoir trouver leur place sur le marché du travail. On se dit que peut-être ça pourrait être une opportunité que de travailler avec le milieu des affaires pour les encourager à l'embauche de jeunes provenant des communautés culturelles. Et, à ce moment-là, ces jeunes-là seraient déjà en mouvement, ce serait déjà dans une dynamique de valorisation externe tout en étant dans une dynamique de valorisation interne, c'est-à-dire à l'intérieur de l'école.

Ça aussi, je pense que c'est un élément important qu'on aura à travailler et c'est un élément crucial parce qu'on le sait qu'à partir du moment où nos jeunes terminent leur scolarisation ils ont beaucoup de difficultés à pouvoir se placer sur le marché du travail, ce qui leur permettrait de commencer à créer leur réseau. Nous le savons, c'est bien souvent à travers nos réseaux que nous arrivons à nous placer dans des milieux... Je veux dire, à partir du moment où on grandit dans notre carrière, notre réseau nous nourrit dans notre positionnement au niveau de notre carrière. Et bien souvent ces jeunes sont cloîtrés à l'intérieur de leur communauté, à l'intérieur de leur milieu. Ça leur permettrait justement de commencer déjà à créer des liens beaucoup plus significatifs avec le marché du travail mais également des liens significatifs avec les Québécois globaux que nous sommes, que nous pouvons retrouver à travers Montréal.

Grosso modo, je vous dirais que c'est à peu près le message qu'on voudrait vous livrer. Je ne sais pas où est-ce que je suis rendue dans mon temps, M. le Président.

Le Président (M. Turp): Il reste quatre minutes, un petit peu plus que quatre, madame. Est-ce que vous avez...

M. Gosselin (Pierre): On a complété notre présentation. Donc, on...

Le Président (M. Turp): Alors, on aura plus de temps pour échanger avec la ministre et la porte-parole de l'opposition officielle, alors, hein?

Mme Thériault: ...cinq minutes.

Le Président (M. Turp): Cinq minutes. Mme la ministre.

n(17 h 50)n

Mme Thériault: Merci, M. le Président. M. Gosselin, Mme Glémaud, merci pour votre présentation. Évidemment, lorsqu'on parle de racisme, de discrimination, de préjugés, on parle souvent d'exclusion, définitivement. Et j'avoue que la situation, elle est très préoccupante chez les jeunes issus des communautés culturelles. Il est évident que, lorsqu'on regarde le taux de décrochage scolaire et quand on commence à comparer de manière plus fine, oui, c'est inquiétant.

J'aimerais peut-être vous poser comme question ? parce qu'on n'a pas beaucoup de temps, cinq minutes, ça passe très, très rapidement: À votre avis, est-ce qu'il y a une différence entre les jeunes qui sont nés à l'étranger, qui arrivent ici en bas âge et les jeunes de deuxième et de troisième génération, par rapport au décrochage scolaire?

M. Gosselin (Pierre): Je crois qu'il y a effectivement une différence mais qui est moins marquée que ce qu'on pourrait croire. La problématique des jeunes des communautés culturelles qui ont de la difficulté dans leur parcours scolaire est moins liée à leur capacité ou à leur rapidité, si vous voulez, d'apprendre la langue française, de la maîtriser pour poursuivre dans leurs études, c'est moins lié à ça qu'à l'ensemble du contexte socioéconomique de la famille. C'est un peu ce que je voulais démontrer d'entrée de jeu. Les familles récemment ou même de deuxième génération issues de l'immigration sont de façon globale beaucoup plus pauvres, plus défavorisées souvent ? puis là je ne veux pas généraliser ? dans plusieurs communautés culturelles, avec des niveaux de scolarisation des parents beaucoup moins élevés, de l'analphabétisme chez ces parents, et c'est exactement le patron qui génère le décrochage scolaire. Donc, même les jeunes de deuxième génération, les familles n'auront pas réussi, en une génération, à briser ce cercle de pauvreté, de sous-scolarisation de la famille, de difficulté à l'accès à l'emploi, de telle sorte que les jeunes, n'ayant pas de modèles familiaux, ayant des besoins de consommation qui sont plus grands que ceux des jeunes Québécois, étant donné leur pauvreté, seront fortement appelés à quitter l'école et beaucoup plus rapidement.

Absence de modèles, besoins financiers également, je vous dirais, peut-être un peu de désillusion sur la possibilité de réaliser leur parcours scolaire. On soulignait ? et ce n'est pas dans notre mémoire ? la difficulté assez générale des jeunes Montréalais, de façon plus spécifique, à choisir la voie de la formation professionnelle. Ça atteint encore de façon plus spécifique, plus pointue les jeunes des milieux défavorisés, quelque origine ethnique, là, qu'ils puissent représenter.

Un jeune qui a une difficulté dans son parcours scolaire, qui en arrache en deuxième ou troisième secondaire, de se projeter au niveau collégial et même universitaire, simplement la projection mentale de se voir là, ça devient presque pour lui mission impossible. Donc, quitte à ne pas pouvoir réaliser ses rêves ou les rêves que sa famille avait pour lui, il préfère abandonner, aller, dans le meilleur des cas, sur le marché du travail.

Parce que, dans les quartiers les plus difficiles, à l'heure actuelle, on retrouve une très forte concentration ? et c'est très malheureux ? des jeunes des communautés culturelles dans les phénomènes de gangs de rue, dans les phénomènes de criminalité juvénile, et c'est tout à fait normal comme comportement. Quand un jeune a à faire un choix personnel entre la médiocrité et la délinquance, mettez-vous à la place d'un adolescent de 15 ou de 16 ans, quel va être son choix? Je suis un médiocre ou je suis un délinquant? Puis en plus, en étant médiocre, je n'ai pas les avantages... au moins les avantages pécuniaires et rapides qu'il peut voir à la délinquance, de telle sorte que l'ensemble de cette structure de fonctionnement là conduit presque inévitablement les jeunes à adhérer aux gangs de rue, à commettre des actes de petite, puis de moyenne, et, maintenant on le voit de plus en plus, de grande criminalité.

Je ne sais pas si ça répond exactement à votre intention. Mais je vous dirais que le facteur prédominant, ce n'est pas tellement le temps d'intégration au Québec comme le milieu social dans lequel le jeune va être plongé.

Mme Thériault: Une minute, question-réponse. Vous avez parlé de la valorisation des modèles. Effectivement, je pense que c'est important de fournir aux jeunes des modèles qui ont réussi, pour leur montrer la lumière au bout du tunnel. De quelle manière vous pensez qu'on devrait valoriser ces modèles-là et en faire la promotion?

M. Gosselin (Pierre): Bien, je vais essayer d'être très rapide. Le Carrefour de lutte au décrochage, hier, a tenu un événement, son événement annuel, où on réunissait six personnalités d'affaires et de l'éducation assez notables. Il y avait M. Larry Smith, Mme Hudon de la Chambre de commerce, M. Claude Béland et d'autres ? je ne vous les nommerai pas tous ? et on leur a lancé un défi en fin de journée. Parce que tout le monde voulait le bien des jeunes, tout le monde, surtout dans les gens d'affaires, voulait être des participants. On leur a lancé un défi, et c'est le défi qu'on veut leur lancer: Comment l'ensemble du monde extérieur au monde de l'éducation peuvent fournir eux-mêmes des modèles en faisant un support financier, en se projetant eux-mêmes comme modèles? Il y a plein de gens qui ont réussi. Qu'on pense simplement au monde du sport, où on a plein de gens qui proviennent... je ne dirais pas des minorités culturelles, là, mais d'autres origines ethniques. Donc, le Carrefour de lutte au décrochage entend mener une action très précise de ce côté-là pour fournir...

Idéalement, un peu mon rêve ? je ne sais pas si on l'atteindra dans un avenir relativement court: que chaque école de Montréal ait son modèle, ait son parrain, ait son mentor qui vienne rencontrer les jeunes en début d'année et qui les accompagne dans des moments de difficulté. Et le pairage pourrait être d'autant plus évident qu'on a ? oui, j'y arrive ? des gens très célèbres en provenance des communautés culturelles qui pourraient, eux, être pairés avec des écoles de forte concentration. Je m'excuse, M. le Président.

Le Président (M. Turp): Très bien. Alors, merci. Mme la députée de Laurier-Dorion.

Mme Lefebvre: Merci, M. le Président. M. Gosselin et Mme Glémaud, bonjour. Vous avez une énergie qui est dynamisante. Puis je vous remercie d'être ici, avec nous, parce qu'évidemment la question de l'éducation, je pense que ça a été dit d'une façon unanime, c'est quelque chose d'extrêmement préoccupant. On a parlé de sensibilisation, d'éducation interculturelle, mais ici on parle réellement d'une éducation générale. On veut s'assurer de pouvoir poursuivre un parcours que l'on peut dire minimal, là, qui est, bon, l'atteinte du diplôme de secondaire V.

Bien, en fait, je voulais vous féliciter également de cette initiative donc de la table qui regroupe en son sein les différents partenaires. On a parlé beaucoup de l'importance de la concertation puis d'être capable d'asseoir les gens à une même table pour arriver à des solutions communes donc, bon, au niveau de l'emploi, au niveau de la santé, sociocommunautaire, socioéconomique, éducation. Donc, vous êtes assez représentatifs.

Comme on a peu de temps, vous avez parlé de plusieurs... vous avez fait des constats qui sont assez terribles. Je suis moi-même députée d'un comté hautement multiethnique, notamment avec le quartier Parc-Extension. Mais, comme on le mentionnait plus tôt aujourd'hui, un peu partout à Montréal, de plus en plus, chacun des quartiers se diversifie, puis c'est pour le mieux, mais il faut s'assurer de donner les outils à chacun pour arriver à des succès plus tard. Et donc, si on vous disait, aujourd'hui ? parce que, bon, on est à la rédaction d'une politique et surtout, de mon point de vue, un plan d'action ? si on vous disait: Trois choses qui pour vous feraient la différence, demain matin, dans votre action sur le terrain, ce serait quoi? Comment on pourrait vous accompagner le mieux possible?

M. Gosselin (Pierre): D'abord, je crois que la politique doit inclure, et de façon importante, Mme Glémaud le soulignait tout à l'heure, un aspect d'éducation. On sait qu'il y a un ministère de l'Éducation, on sait que c'est sa vocation première, mais je pense que l'éducation des jeunes dans l'ensemble du Québec et, particulièrement dans cette problématique-là, sur l'île de Montréal, la scolarisation des jeunes, c'est un défi qui est national, c'est un défi qui est déjà social, c'est un défi qui va devenir économique dans les prochaines années, les prochaines décennies. Ça, je pense que c'est un élément important. Que l'éducation devienne la priorité du gouvernement du Québec, devienne la priorité de plusieurs ministères parce qu'il projette ce qu'on deviendra dans l'avenir et il recréera soit nos difficultés ou soit nos succès, il les recréera dans 10, ou 15, ou 20 ans. Donc, ce serait, si vous voulez, ma première préoccupation.

Deuxième élément, ce serait de peut-être donner les moyens à des organismes comme le nôtre de mener cette action-là de façon beaucoup plus ciblée, de façon beaucoup plus pointue. Je répète: L'inégalité des ressources pour arriver à l'égalité des chances. Ce n'est pas en répandant des mesures généralisées qui aident tout le monde, en fait ceux qui en ont le plus besoin comme ceux qui en ont le moins besoin, qu'on va réussir à faire, je crois, évoluer cette cause-là.

Puis, étant donné que je suis rendu à deux puis que je n'ai pas d'autres très bonnes idées, je vais laisser Mme Glémaud un petit peu dans l'eau chaude pour vous trouver la troisième idée.

Mme Glémaud (Michèle): Bien, en fait, la troisième idée qui me viendrait, ce serait de voir comment qu'on peut s'outiller pour que le Québec puisse jouer son rôle de cosmopolitain. Hier, justement, à la conférence qu'on avait, M. Brunelle, qui travaille à la Tohu, qui est le... ? le Cirque du Soleil est particulièrement installé à Saint-Michel ? précisait l'importance qu'on arrive à gérer notre diversité pour qu'elle devienne un potentiel de gestion de talents mais un potentiel économique également. Alors, je pense que, là, on a un défi à relever pour qu'on puisse jouer un rôle beaucoup plus cosmopolitain, qu'on puisse se positionner par rapport à cet élément-là.

Mme Lefebvre: Puis, comme il me reste peu de temps... Donc, vous avez énoncé vos trois... bien, en tout cas, les trois priorités. Je voudrais revenir juste brièvement sur votre deuxième, qui est donc de donner des moyens financiers adéquats aux organismes. Est-ce que, vous, vous avez des moyens qui sont suffisants, à la hauteur de vos ambitions?

n(18 heures)n

M. Gosselin (Pierre): On n'aura jamais les moyens financiers suffisants. Écoutez, je n'ai aucune idée de combien le ministère de l'Éducation injecte à Montréal pour l'éducation. Ça se chiffre en milliards, et le budget du Carrefour de lutte au décrochage est tellement plus petit à côté de ces éléments-là. Cependant, bon, pour être capables de répondre à l'ensemble des besoins montréalais, les ressources financières seraient tellement importantes qu'on n'ose même pas y rêver ou y penser.

Dans une action beaucoup plus immédiate, je ne sais pas si vous voulez qu'on chiffre nos besoins, mais on aurait besoin de ressources d'intervention dans les quartiers les plus difficiles, au niveau de la scolarisation, qui sont fortement représentés. Mme Glémaud de toute façon l'a inclus à l'intérieur du mémoire. On parle d'intervenants de milieu, on parle de gens qui seraient sur le terrain pour entrer en communication avec les gens des minorités culturelles.

On réussit à parler aux jeunes, on les a dans nos écoles. Ce qu'on ne réussit pas à rejoindre, on ne réussit pas à rejoindre les parents. On ne réussit pas à rejoindre le milieu social, le tissu social qui entoure ces jeunes-là. Et on aurait besoin d'aller les voir dans leurs églises baptistes, évangéliques, et autres, on aurait besoin de les voir dans leurs lieux de rencontre, de réunion pour être capables justement, là, de faire débloquer la scolarisation de leurs jeunes.

Mme Lefebvre: C'est un élément ? je le sais que c'est terminé ? extrêmement important, d'ailleurs. Je vous remercie beaucoup. Puis évidemment que je pense que ce sera très écouté, vos recommandations.

Le Président (M. Turp): Alors, M. Clément, Mme Glémaud, merci beaucoup pour votre contribution aux travaux de la commission.

Alors, bonne soirée d'Halloween à tout le monde.

J'ajourne les travaux jusqu'à 10 heures, demain matin, où nous allons nous retrouver ici même, dans la salle du Conseil législatif, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 1)


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