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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 20 octobre 1983 - Vol. 27 N° 154

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur la Charte de la langue française


Journal des débats

 

(Dix heures trente-neuf minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

Je voudrais aviser nos invités qui devaient être à la commission ce matin -d'ailleurs, vous êtes tous ici - qu'une décision vient d'être prise à l'Assemblée nationale, disant que cette commission sera télévisée. Elle sera retardée jusqu'à 14 heures ou à une date ultérieure, mais elle se tiendra au salon rouge et elle sera télévisée. On attend les directives de l'Assemblée nationale pour savoir si nos travaux débuteront à 14 heures ou à une date ultérieure. Merci.

Une voix: Que les gens soient disponibles.

Le Président (M. Gagnon): On vous demande de rester disponibles, oui.

(Fin de la séance à 10 h 40)

(Onze heures vingt-deux minutes)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration se réunit aux fins d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Les membres de cette commission sont: Mme Bacon (Chomedey), M. Dean (Prévost), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu (Groulx), M. Godin (Mercier), M. Gratton (Gatineau), Mme Lachapelle (Dorion), M. Laplante (Bourassa), M. Leduc (Fabre), M. Ciaccia (Mont-Royal) et Mme Lavoie-Roux (L'Acadie).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Fortier (Outremont), M. Brouillet (Chomedey), M. Dupré (Saint-Hyacinthe), M. Gauthier (Roberval), M. Lincoln (Nelligan), M. Payne (Vachon), M. Marx (D'Arcy McGee) et M. Sirros (Laurier).

M. Brouillet: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le député.

M. Brouillet: ...il y a eu une erreur. Vous avez dit: Brouillet (Chomedey). Je crois que c'est plutôt Brouillet (Chauveau) et Mme Bacon (Chomedey).

Le Président (M. Gagnon): Je vous remercie de corriger cette erreur.

Mme Bacon: Je voudrais remercier le député de Chauveau. Il y a un député libéral à Laval, M. le Président, il ne faut pas l'oublier.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse en même temps de cette erreur.

L'ordre du jour est d'entendre le Syndicat international des travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole d'Amérique, l'Association des conseils en francisation du Québec, le Groupe interentreprises pour la gestion informatique de la terminologie, le Conseil catholique de l'expression anglaise, la Chambre de commerce du district de Montréal et la Chambre de commerce de la province de Québec.

Au tout début, je voudrais m'excuser auprès des invités que nous avions déjà hier et qui sont ici depuis hier. La commission parlementaire devait commencer hier, à 10 heures. Il y a eu des changements et je sais que cela a certainement causé certains inconvénients à nos invités. Je vous remercie aussi d'être présents aujourd'hui.

Je laisse immédiatement la parole à M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Exposés généraux M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, chers collègues députés des deux côtés de la Chambre, mesdames et messieurs, dès mars dernier, le gouvernement décidait de convoquer cette commission parlementaire en vue d'inviter à une même table les citoyens et citoyennes du Québec désireux de dialoguer et d'échanger avec le législateur sur certains aspects de la Charte de la langue française, six ans après son adoption. Nous voilà, donc, aujourd'hui réunis pour écouter pendant les trois prochaines semaines près de 70 mémoires soumis à la commission par un éventail de groupes et de personnes intéressés à faire connaître leur point de vue sur la question linguistique au Québec.

En effet, plusieurs associations de salariés, centrales syndicales, représentants des communautés culturelles, des entreprises, des groupes et des porte-parole des institutions de la communauté anglophone et qui reflètent sa diversité, sans oublier des organismes voués à la défense du français, tout autant que des citoyens venus à titre individuel, ont manifesté leur intention de se faire entendre par les représentants de l'institution démocratique centrale de leur société: l'Assemblée nationale du Québec. Je les en remercie et je leur souhaite à tous la bienvenue au nom du gouvernement auquel j'appartiens. Après le président, je les prie aussi d'accepter mes excuses pour les délais que certains d'entre eux ont du subir depuis hier, délais dont les causes échappent hélas, à notre contrôle.

La récolte d'idées, de suggestions, de recommandations que nous allons faire ici, si l'on en fait la somme, devrait être extrêmement riche et je m'en réjouis à un double titre: en tant que membre de l'Assemblée nationale avec mes collègues, de quelque côté de la Chambre qu'ils se situent, et en tant que ministre responsable de

l'application de la Charte de la langue française.

L'objectif de cette commission est simple: poursuivre une réflexion commune et ouverte - je répète, une réflexion commune et ouverte - sur l'avenir linguistique du Québec.

Dans quelque partie du monde que ce soit, dans quelque société que ce soit, la question linguistique est un fait fondamental qui est au coeur de la culture et des racines mêmes des peuples, de leur histoire, de leur évolution, de leurs tourments aussi, dans certains cas, et, fait plus important encore, de leur avenir.

C'est ainsi qu'on voit les pays les plus puissants de la terre se préoccuper de cette question. Par exemple, les États-Unis - pour ne pas les nommer - en sont au stade d'étudier en deuxième lecture un projet de loi qui consacrerait l'anglais comme seule langue officielle des États-Unis. Voilà donc un pays de plus de 225 000 000 d'habitants dont l'idiome est aujourd'hui devenu une langue sur laquelle le soleil ne se couche jamais, voilà donc un pays riche, immense et dont l'influence touche toutes les parties du monde qui se pose, lui aussi, la question de son unité linguistique.

Si les représentants élus de 225 000 000 d'Américains se préoccupent de la question de leur langue officielle, à plus forte raison les représentants élus de 6 000 000 de Québécois sont-ils justifiés de s'en préoccuper aussi. En fait, quatre gouvernements successifs ont étudié cette question ici même au Québec. Et l'on peut dire d'entrée de jeu qu'au terme actuel de ce processus qui dure depuis 20 ans la situation a passablement changé au Québec.

En effet, déjà l'histoire s'est accélérée au point de nous faire oublier les sit-ins du passé dans les restaurants de Montréal pour obtenir que les serveurs et les serveuses, ainsi que le libellé des menus respectent le français; et de nous faire oublier aussi, fait plus important encore, les efforts des travailleurs du Québec pour voir leur langue utilisée et respectée par leur employeur.

À la grande surprise des plus vieux, ces souvenirs paraissent si lointains aux jeunes Québécois et Québécoises de 1983, eux qui n'ont pas été les témoins vivants de cette époque, qu'il leur semble futile de tant tenir à se doter de lois linguistiques. Et pourtant, ce qui fut fait alors le fut d'abord et avant tout pour eux, pour leur éviter précisément à eux d'avoir à répéter inlassablement et surtout vainement les mêmes requêtes et les mêmes efforts.

Nous sommes entrés depuis 10 ans dans une nouvelle ère linguistique. Nous sommes passés, en effet, de l'époque de la frustration collective des francophones à l'affirmation de leur identité propre. Aujourd'hui, le français occupe ou occupera bientôt la place qui lui revient, sans menace pour l'anglais très largement majoritaire ailleurs au Canada et, évidemment, sur l'ensemble du continent nord-américain.

Ce n'est pas un processus simple, ni innocent. Ce n'est pas, non plus, un processus qui se déroule dans l'unanimité et l'harmonie complètes. Le croire eut été naïf. Mais, au moins, avons-nous tenté de le faire dans un esprit de justice et de dialogue. Tous les membres de cette commission se souviennent de la vigueur des débats qui ont entouré l'adoption de loi 101 à l'été de 1977. Si l'on compare les propos tenus par certains très récemment avec ceux qu'ils tenaient il y a six ans, on se rend compte que, dans ce domaine comme dans d'autres, il est possible que patience et longueur de temps fassent mieux que force ni que rage.

Si l'on compare le sort qui fut réservé par les Anglo-Québécois aux idées émises par M. William Tetley, ex-ministre du cabinet Bourassa, à l'occasion d'une réunion tenue à Montréal à l'époque de la loi 22, si on compare, dis-je, ce qui se disait alors avec le contenu des mémoires que présenteront ici "Townshippers" ou Alliance Québec, force nous est de constater que non seulement les mentalités ont évolué en profondeur partout au Québec, mais encore que le principe même de la francisation du Québec fait l'objet d'un très large consensus, même s'il apparaît plus marqué chez les francophones et chez les allophones que chez les anglophones. (11 h 30)

Au fond, ce que tout cela révèle, c'est que la sagesse populaire est encore le meilleur indice de la marge de manoeuvre réelle des gouvernements démocratiques, quels qu'ils soient, en pareille matière. Au Québec, en effet, c'est la population qui a conduit ses partis politiques et ses gouvernements successifs à améliorer la place du français dans le monde du travail, aussi bien que dans l'école publique. Deux gouvernements successifs ont été balayés pour n'avoir pas répondu correctement aux attentes de la population. L'un d'entre eux, entre autres, le gouvernement de l'Union Nationale, passa de 45% du vote à moins de 10% en quelques années faute d'avoir procédé à une lecture juste de la question linguistique à l'époque. Nous ne jetons la pierre à personne. Chacun d'entre eux, en effet, a travaillé, au fond, à raffiner l'analyse de tout ce problème et des solutions à y apporter.

Nous voilà donc réunis ici pour réfléchir ensemble encore sur cette question. Si j'en juge par l'assistance ici présente, aussi bien que par le nombre de mémoires qui nous ont été soumis et qui nous seront présentés, la langue ne laisse aucun citoyen du Québec indifférent.

Il est peut-être utile, à ce stade-ci de nos travaux, de rappeler quelques données

élémentaires pour que nous ayons tous présent à l'esprit le contexte global dans lequel se situe la question linguistique au Québec. D'après les chiffres officiels du recensement fédéral de 1981, les francophones de l'ensemble du Canada auraient perdu 411 000 de leurs compatriotes qui vivent maintenant essentiellement en anglais à la maison. De ce nombre, il y en aurait 106 370 au Québec. Le taux brut d'anglicisation des francophones était plus élevé en 1981 qu'en 1971 au Canada, évidemment, mais au Québec aussi. Bien sûr, il y a eu au Québec une certaine francisation d'anglophones et d'allophones qui a plus au moins compensé selon les chiffres officiels, mais la perte nette dans l'ensemble du Canada est de un quart de million, à peu près la population de la ville de Québec.

On mesure ainsi les effets et l'influence de la culture la plus puissante de l'histoire de l'humanité et de la langue qui la véhicule, l'anglais. En effet, quand on voit l'anglais, présent partout dès qu'on sort du Québec pour quelque autre pays que ce soit, quand on a besoin de l'anglais au Québec même pour faire démarrer sa voiture, pour déclencher son téléviseur, son ordinateur, son lecteur de vidéocassettes, sa caméra, sa photocopieuse, etc., n'est-il pas inévitable que le Québécois francophone doute de la capacité de sa propre langue à appréhender la réalité du XXe siècle et très bientôt celle du XXIe siècle? Entendons-nous bien, les Anglo-Québécois sont pour bien peu dans cette assimilation et ce n'est pas à eux qu'on doit en imputer la responsabilité, ni à leurs institutions. Nous avons affaire à un phénomène d'attraction qui n'est pas exclusivement québécois, mais bien de niveau continental.

C'est ainsi que nous avons adopté, comme gouvernement, certaines mesures dont le seul but est de protéger le Québec de l'omniprésence et de l'omnipuissance de la culture et de la langue majoritaire de ce continent, lesquelles constituent la seule véritable menace pour l'avenir d'un Québec français. C'est, d'ailleurs, exactement ce que fait le gouvernement canadien et c'est pour résister aux mêmes pressions que le Canada a adopté lui-même au fil des années des politiques protectionnistes dans les domaines vitaux de la radio, de la télévision, de la presse écrite, des périodiques et même du corps professoral universitaire. À ce protectionnisme culturel canadien s'ajoute, dans le cas du Québec, un protectionnisme linguistique.

Ils sont nombreux, les Anglo-Québécois historiquement implantés au Québec et harmonieusement intégrés à sa société, qui ont choisi délibérément le "Québec way of life" plutôt que l'"American way of life". Toute mesure qui concourt à l'édification d'un Québec français ne peut ni les laisser indifférents, ni les menacer. Bien au contraire, ces mesures les concernent tout autant que leurs concitoyens de la majorité francophone puisqu'elles sont de nature à préserver en Amérique du Nord le creuset d'une culture québécoise à laquelle ils participent aussi pleinement et solidairement qu'il leur est loisible de le faire.

Le corollaire obligé d'une telle constatation, c'est que, si le Québec reconnaît que l'existence d'institutions anglophones d'ici ne menace nullement le français, il espère compter sur les Anglo-Québécois quand il adopte des politiques ou des mesures qui tendent à protéger les bases même de la langue et de la culture française ici.

Deuxième constatation: on entend souvent dire que les politiques linguistiques actuelles pénalisent les francophones plus que les anglophones et qu'au moment même où les cours de français pour les Anglo-Canadiens se multiplieraient à une vitesse vertigineuse dans les provinces anglaises, le Québec serait engagé, quant à lui, dans un processus irréversible d'unilinguisme français.

Ce sont là des jugements qui paraissent bien superficiels. En effet, sur les 3 682 000 bilingues recensés au Canada, le Québec en compte 2 065 000, soit 56% du total. C'est dire qu'avec le quart seulement de la population du Canada le Québec a plus de la moitié de ces bilingues. De plus, parmi les bilingues québécois, 1 500 000 sont des francophones et 371 000 sont des anglophones. J'ajoute que, depuis dix ans, le taux de bilinguisme des francophones du Québec est passé de 25,7% à 28,7%. En fait, on peut dire que les Québécois francophones sont probablement le peuple le plus bilingue de la planète.

Donc, que tout le monde se rassure, l'avance du Québec dans son ensemble et des francophones en particulier en cette matière est telle qu'elle présuppose des efforts de rattrapage fort considérables par quelque province que ce soit pour atteindre un niveau équivalent à celui du Québec. D'autant plus que le système scolaire québécois est celui qui, de tous les systèmes scolaires de toutes les provinces canadiennes, consacre le plus grand nombre d'heures chaque semaine à l'enseignement de la langue seconde.

Tout ce qu'il faut souhaiter par ailleurs, c'est que cet effort rapporte au Québec les retombées économiques en vue desquelles elles ont été consenties par la société québécoise.

Ceci étant dit, les travaux de cette commission consistent, en ce qui nous concerne du côté ministériel, à pratiquer le "stop, look and listen" si cher aux compagnies de chemin de fer.

Donc, nous écouterons, nous poserons des questions, nous évaluerons la situation à la fin des travaux et nous avons l'intention

de soumettre à l'Assemblée nationale à la mi-novembre les résultats de nos travaux, que nous traduirons dans des propositions concrètes. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Avant de donner la parole à M. le député de Gatineau, j'aimerais qu'on nomme un rapporteur pour cette commission. Madame?

Mme Lachapelle: M. le Président, j'aimerais proposer comme rapporteur le député de Bourassa.

Le Président (M. Gagnon): Le député de Bourassa? Acceptez-vous?

M. Laplante: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Michel Gratton

M. Gratton: Merci, M. le Président. Comme le ministre l'a fait, nous aimerions, nous aussi, nous excuser auprès de ceux que les difficultés techniques que nous avons connues hier ont pu retarder, vu la décision que nous pensions avoir obtenue du gouvernement en juin dernier, à savoir de téléviser les travaux de cette commission. Si nous avons insisté hier, du côté de l'Opposition, pour qu'il en soit ainsi, c'est qu'il nous apparaît, comme pour le ministre, qu'il est utile, nécessaire et souhaitable que le plus grand nombre possible de Québécois soient associés à cette recherche que nous ferons en commun - comme le souhaite le ministre pour tenter d'établir, d'identifier les changements qui devraient être apportés à la Charte de la langue française.

M. le Président, l'Assemblée nationale du Québec, par le truchement de cette commission parlementaire, entreprend aujourd'hui son troisième grand débat linguistique des dix dernières années, débats auxquels j'ai eu personnellement l'occasion d'assister. On me permettra sans doute de souhaiter, dès le départ, que ce débat puisse se tenir dans un meilleur climat que celui des deux précédents. Ayant personnellement présidé la commission parlementaire chargée d'étudier la loi 22 en 1974, j'admets avoir gardé un bien mauvais souvenir des échanges passionnés et des événements parfois disgracieux auxquels elle avait donné lieu et qui n'avaient pas toujours été à l'honneur de notre Parlement.

Plusieurs ici se souviennent également de l'interminable discussion qui avait entouré l'adoption de la Charte de la langue française en 1977, alors que le gouvernement avait dû recourir à une manoeuvre qui, au dire du premier ministre lui-même, n'était pas la trouvaille du siècle, pour parvenir à faire adopter son projet de loi 1, devenu la loi 101.

C'est peut-être là le plus grand mérite des lois 22 et 101, celui d'avoir réussi à faire évoluer la situation suffisamment pour qu'aujourd'hui, à cette commission parlementaire, il nous soit permis d'espérer pouvoir entreprendre la révision de la législation linguistique dans un climat beaucoup plus serein.

Je tiens cependant à dire tout de suite que nous ne sommes pas très optimistes de ce côté-ci quant aux chances de voir cette commission en arriver à un consensus sur les amendements à apporter à la loi 101.

Manifestement, le gouvernement lui-même n'a pas réussi à faire le consensus parmi ses propres membres puisque, plus d'un an après que le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a été chargé d'évaluer les effets de la loi 101 et de recommander des changements à y apporter, nous nous retrouvons aujourd'hui en commission parlementaire sans que le gouvernement n'ait encore formulé de propositions concrètes.

Je tenterai de démontrer, à la fin de ces remarques préliminaires, que cela résulte du fait que le gouvernement est littéralement coincé entre deux propositions complètement contradictoires et incompatibles.

Néanmoins, je vous assure dès maintenant, M. le Président, que nous, dans l'Opposition, c'est avec la plus grande ouverture d'esprit et dans le plus grand respect du point de vue de chacun que nous contribuerons à cette recherche des changements à apporter à la Charte de la langue française qui seraient susceptibles de satisfaire l'objectif que nous avons toujours poursuivi, celui de promouvoir le fait français dans le respect des droits et dans l'intérêt de tous les Québécois. Et, de façon à bien situer comment nous entendons nous acquitter de cette tâche, je pense qu'il est utile que nous rappelions un certain nombre de points à l'intention des invités qui viendront nous rencontrer et de ceux et celles qui suivront les travaux à la télévision.

Le premier de ces points est fondamental. Le Parti libéral du Québec a toujours cru, croit encore et croira toujours que le gouvernement du Québec, quel qu'il soit, se doit, par tous les moyens à sa disposition, non seulement de protéger, mais aussi de promouvoir le fait français au Québec et même ailleurs au Canada. À cet égard, il n'est sûrement pas inutile de rappeler que c'est un gouvernement libéral qui, le premier, avec la loi 22, en 1974, a eu le courage de poser un geste concret pour rétablir l'ordre normal des choses, c'est-à-

dire la primauté du français, en le proclamant la langue officielle du Québec. Et je dis bien le courage, M. le Président, parce que, tous le reconnaissent maintenant, le ministre l'a fait plus tôt, la loi 22 devait constituer la principale cause de la défaite de ce gouvernement libéral à l'élection de 1976.

Donc, nous les libéraux, n'avons de leçon de courage à recevoir de personne quant à notre volonté, clairement affichée dans le passé, de promouvoir le fait français au Québec.

La deuxième chose qu'il m'apparaît important de préciser, c'est que le Parti libéral du Québec n'a jamais préconisé et ne préconise pas plus aujourd'hui l'annulation, l'abrogation ou l'abolition de la loi 101. En d'autres termes, M. le Président, le Parti libéral continue de croire qu'une législation est encore nécessaire pour que le fait français soit protégé, respecté, puisse s'épanouir et ce, pour le plus grand bien des Québécois et de tous les Canadiens.

Or, là où nous nous démarquons du Parti québécois, c'est essentiellement sur la façon de faire. Comme en 1974, lorsque nous avons proposé la loi 22, et comme en 1977, lorsque nous avons refusé d'appuyer la loi 101, nous continuons de croire qu'une législation qui assure le respect des droits de la majorité francophone doit également respecter les droits des minorités non francophones de même que les dispositions de la constitution canadienne.

Déjà, en 1977, nous avions justifié notre refus d'appuyer l'adoption de la loi 101, notamment, quant à notre conviction que les articles de la loi touchant la langue des tribunaux et de la Législature ne respectaient pas l'article 133 de la constitution canadienne. Les tribunaux nous ont depuis donné raison là-dessus.

Il en est de même en ce qui a trait aux dispositions de la loi sur l'accès à l'école anglaise. Le gouvernement, en refusant d'accepter la clause Canada de l'entente constitutionnelle canadienne de 1981, que nous lui avions proposée en 1977, risque maintenant de se la faire imposer prochainement si la Cour suprême confirme le jugement Deschênes sur l'inconstitutionna-lité de la clause Québec inscrite dans la loi 101. (11 h 45)

En regard du respect des droits de la minorité anglophone, un des aspects de la charte qui est à la base d'un très grand nombre de difficultés éprouvées pendant ses six premières années d'application et qui mérite donc d'être examiné en profondeur, c'est l'ambiguïté de certaines de ses dispositions.

Prenons, à titre d'exemple, le cas de l'article 5 de la charte, évoqué par Jean Blouin dans la revue Actualité. Rappelons que l'article 5 se lit comme suit: "Les consommateurs de biens ou de services ont le droit d'être informés et servis en français." Mais, comme l'écrit M. Blouin: "À qui revient l'obligation de les servir et de les informer en français? À la totalité du personnel d'un commerce ou d'un organisme? Ou suffit-il de s'assurer qu'il y a toujours quelqu'un pour répondre en français? Sous l'ancien président de la commission, M. Maurice Forget, cette interprétation prévalait. Maintenant, c'est moins clair."

Comme on le voit, M. le Président, la Commission de surveillance de la langue française peut, à toutes fins utiles, interpréter l'article 5 comme bon lui semble, selon l'humeur du moment. Par exemple, dans le cas des soins intensifs de l'hôpital St. Mary's à Montréal, elle a décidé, après enquête, que le fait que 10 des 25 infirmières ne pouvaient pas s'exprimer en français constituait une violation de la loi.

Il nous apparaît évident que cette décision équivaut à exiger des anglophones le bilinguisme individuel plutôt qu'institutionnel. Si cette décision ne viole pas la lettre de la loi 101, elle nie, néanmoins, un principe que tous les Québécois de bonne volonté reconnaissent maintenant, soit la garantie à la communauté anglophone de son droit de diriger et de gérer, dans sa propre langue, ses institutions de santé, de services sociaux et d'enseignement, pour autant que ces services soient disponibles également en français. Même si, dans le cas des membres du Parti québécois, la reconnaissance de ce principe a dû leur être imposée par leur chef dans un référendum interne, il n'en demeure pas moins acquis.

Il nous semble donc qu'au minimum le gouvernement doit accorder la loi avec ses déclarations d'intention. Si, pour lui, le droit des citoyens d'obtenir des services en français équivaut à l'obligation pour une institution ou un organisme anglophone d'appliquer la règle du bilinguisme individuel, qu'il l'inscrive clairement dans la loi et qu'il cesse de prétendre qu'il respecte le droit des anglophones à leurs institutions propres en se cachant derrière les décisions de la Commission de surveillance de la langue française. Autrement, il lui sera impossible de contester l'affirmation de l'ex-président, Maurice Forget, laquelle est endossée par bon nombre d'observateurs, à savoir que la commission de surveillance est clairement devenue un bras politique du gouvernement.

L'article 5 de la charte n'est pas le seul à avoir donné lieu à des abus inexcusables de la part des divers organismes chargés de son application. Que dire de la série d'une cinquantaine de règlements que trois études distinctes ont dénoncés comme étant illégaux et que Jean-Claude Leclerc, du Devoir, a qualifiés de honteux? Comme celui-ci l'écrivait dans un éditorial le 7 juin

1983: "...les lacunes graves et nombreuses relevées dans les règlements édictés sous l'empire de la loi 101 sont de nature à jeter l'inquiétude dans une partie de la population et à discréditer la Charte de la langue française. La question qui se pose n'est pas de savoir si des lacunes existent dans les règlements en cause, mais pourquoi elles se sont produites et surtout comment il se fait que le gouvernement n'y ait pas encore remédié malgré qu'il soit parfaitement informé de cette situation depuis plusieurs mois."

C'était en juin dernier. Quatre autres mois se sont écoulés depuis, sans que le gouvernement ne fasse quoi que ce soit. Au moment où notre commission est appelée à réviser l'ensemble du dossier, le ministre responsable n'y a fait aucune allusion dans ses remarques de tout à l'heure.

Et Jean-Claude Leclerc d'enchaîner: "Le Québec n'a aucun intérêt à faire passer encore une fois sa législation pour la plus mal foutue, voire la plus dangereuse du pays, et ses juristes, pour des avocats de troisième qualité."

Faut-il ensuite se surprendre qu'à l'étranger des personnes, incluant possiblement des investisseurs éventuels, aient une perception du Québec à ce point mauvaise que le ministère des Affaires intergouvernementales, récemment, a cru nécessaire d'adopter des programmes spéciaux d'information pour contrer cette mauvaise image du Québec, notamment à New York? Il est par conséquent encore moins surprenant qu'ici même au Québec, les membres de la minorité non francophone ne croient pas toujours à la sincérité des déclarations de bonnes intentions du gouvernement à leur égard.

Un troisième point qu'il nous semble utile de clarifier à ce moment-ci, c'est la position du Parti libéral du Québec pour ce qui a trait aux effets de la loi 101 sur notre économie. Contrairement à ce que voudraient faire croire plusieurs, nous n'avons jamais attribué exclusivement à l'ensemble de la loi 101 la fuite de nombreux citoyens et entreprises du Québec et la dégradation évidente du climat économique. Nous sommes malheureusement fort conscients qu'il existe d'autres facteurs qui y contribuent, notamment la fiscalité et l'instabilité qui découlent de l'option indépendantiste du parti au pouvoir.

Nous sommes cependant assez réalistes pour au moins nous interroger sur les effets réels de certaines dispositions de la charte sur l'économie.

Au moment où le Québec traverse une crise économique nettement plus sévère que n'importe où ailleurs au Canada; au moment où le chômage prive des centaines de milliers de nos concitoyens de la possibilité de gagner honorablement leur vie; au moment où pas moins de 679 000 Québécois vivent de prestations d'aide sociale, soit près de 400 000 ménages; au moment où les récents incidents à Grande-Vallée, en Gaspésie, nous fournissent une illustration malheureusement trop éloquente du degré de frustration qu'éprouvent ceux qui en sont rendus à désespérer de ne jamais pouvoir s'en sortir; au moment où l'avenir de toute une génération de jeunes Québécois est mis en cause, avons-nous le droit de jouer à l'autruche en refusant d'examiner objectivement les conséquences pratiques de certaines dispositions de la loi 101 et de ses règlements sur le climat nécessaire aux investissements créateurs d'emplois? C'est pourtant ce que le gouvernement a malheureusement fait jusqu'à maintenant. Quant à nous, il s'agit là d'une attitude complètement irresponsable de la part d'un parti politique, de la part d'un gouvernement.

Par exemple, quand nous constatons qu'entre 1976 et 1981, 203 035 Québécois ont quitté le Québec pour aller s'installer ailleurs au Canada et que seulement 61 305 Canadiens sont venus s'installer au Québec, ce qui représente une perte nette de 141 730 personnes; quand nous constatons que pas moins de 75% de cette migration nette, soit 106 310 personnes, impliquait des anglophones, pouvons-nous sérieusement nous empêcher de penser que les dispositions de la charte sur l'accès à l'école anglaise en sont peut-être au moins partiellement la cause?

Il suffit de citer la compagnie Bell Canada qui se dit prête à augmenter son budget de recherche au Québec de 37 000 000 $ à 50 000 000 $ d'ici 1988, à condition que le gouvernement modifie ce qu'elle appelle certains "irritants" de la loi 101 et de la fiscalité. Comme Bell Canada l'indique, le Québec ne produit annuellement qu'un docteur en recherche, en communication, en science physique et de logiciel, alors qu'à elle seule, Bell en aura besoin de dix. Il faudra donc les recruter ailleurs, principalement au Canada anglais et aux États-Unis. Mais ces chercheurs sont une denrée rare qui se voient offrir de hauts salaires, des avantages alléchants de toutes parts. Pour eux, l'obligation de devoir demander la permission temporaire de faire éduquer leurs enfants en anglais constitue un "irritant" qui peut s'avérer suffisamment grave pour les amener à refuser de venir chez nous.

Devant cette réalité, nous ne croyons pas, quant à nous, que nous devions, comme le gouvernement, nous contenter de crier spontanément au chantage. Nous pensons au contraire que nous avons l'obligation d'examiner les possibilités d'assouplir certaines parties de la loi sans pour autant en abandonner l'essentiel.

D'ailleurs, comment le gouvernement pourrait-il nier que les dispositions de la loi

101 sur l'accès à l'école anglaise ne nuisent pas aux investissements quand il vient lui-même de consentir des exemptions à la firme américaine Bell Helicopters pour qu'elle vienne s'installer à Mirabel? Il est par ailleurs assez étrange que nous ne connaissions pas encore les détails exacts de cette concession du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme. Le silence du ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration dans ses remarques de tout à l'heure nous laisse tout aussi perplexes. Si le gouvernement s'est senti justifié de soustraire les employés de cette firme aux exigences de la loi quant à l'accès de leurs enfants à l'école anglaise, pour les convaincre de venir s'installer à Mirabel, ne sommes-nous pas justifiés de penser, de supposer que d'autres investisseurs potentiels aient pu ne pas venir parce qu'ils ne bénéficiaient pas d'une exemption semblable? Nous y reviendrons sûrement au cours de nos travaux.

Nous déplorons dès maintenant l'absence à cette commission d'un membre du cabinet titulaire d'un ministère à vocation économique. Nous ne sommes guère rassurés de savoir que le ministre de l'Éducation et le ministre des Affaires intergouvernementales pourront participer à certains de nos travaux, alors qu'il nous semble que ce sont les ministres des Finances, de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ainsi que celui du Commerce extérieur qui pourraient, selon nous, le mieux contribuer à cet aspect de nos débats.

En guise de conclusion, je désire rappeler à nouveau que, comme pour le Parti québécois, il n'est pas question pour nous non plus d'abandonner l'essentiel de la loi 101. Si j'ai exprimé dès le début mes doutes sur la possibilité que nous puissions nous entendre sur les amendements qu'il serait souhaitable et possible d'apporter à la charte, c'est justement parce qu'il m'apparaît évident que ce que nous, du Parti libéral, considérons comme essentiel à la réalisation de notre double objectif de promouvoir le fait français et de protéger les intérêts économiques du Québec, nous place en contradiction directe avec ce que le Parti québécois considère comme essentiel à la promotion du fait français, qu'il lie inéluctablement à la promotion de son option indépendantiste.

Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration ne l'a-t-il pas dit clairement à l'Assemblée nationale en déclarant, comme en fait foi le titre du journal La Presse du 14 mai dernier: "Pour que l'État devienne vraiment français, il faut que le Québec devienne indépendant"? Enfin, il ne faisait là que confirmer plus explicitement ce que tout le monde avait compris depuis longtemps. Comme l'écrivait Benoît Aubin dans un article primé publié dans l'Actualité d'août 1982: "Politiquement, la loi 101 nous laisse dans la même ambiguïté que voici cinq ans. C'est une loi nationaliste clairement voulue, en 1977, comme le prélude à une déclaration d'indépendance. 80% des francophones ont beau appuyer la loi, les Québécois refusèrent, au référendum de 1980, d'aller plus loin dans cette voie. Nous faisons toujours partie du Canada dont la constitution, tout juste rapatriée, et la charte des droits qui l'accompagne contredisent clairement le principe de base de la loi 101, l'unilinguisme français." (12 heures)

Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration pourra toujours nous servir ses discours empreints d'émotion sur l'avenir menacé de la francophonie en cette terre d'Amérique, sa récente déclaration sur le sort des Franco-Manitobains nous en dit beaucoup plus long sur le genre de patriote qu'il est vraiment. En traitant de manoeuvre stupide et de cause perdue les tentatives amorcées pour faire du français une langue officielle au Manitoba, il nous a fourni une autre preuve que, pour lui, tout ce qui importe, c'est de faire l'indépendance et à n'importe quel prix, incluant celui de devenir l'allié circonstanciel du leader conservateur manitobain, Sterling Lyon. Et c'est ce même ministre qui se permet de douter de la sincérité des intentions du mouvement Alliance Québec qui a pourtant cru plus utile, lui, d'aller appuyer officiellement les revendications des Franco-Manitobains devant le comité de la Législature de cette province.

M. le Président, le dilemme auquel fait face le Parti québécois est de taille, au moment où il lui est devenu impossible de retarder plus longtemps la révision de sa politique linguistique. Et cela n'a jamais été plus évident qu'à l'aube de cette commission parlementaire où, en pleine crise économique, il doit tenter de concilier deux propositions clairement incompatibles, comme je le disais plus tôt. D'une part, le chef du gouvernement se dit "obsédé" par la nécessité de créer des emplois, donc de rendre le climat plus propice aux investissements, ce qui, de l'avis de plusieurs - et nous le verrons à nouveau tout au long de nos travaux - nécessitera, entre autres mesures, des assouplissements à la loi 101. D'autre part, le chef du Parti québécois, pour protéger ses intérêts partisans, doit tenter de satisfaire aux demandes qui lui ont été formulées par plusieurs de ses militants à leur dernier conseil national de raffermir plutôt que d'assouplir la charte à l'égard de la minorité anglophone. Comment le gouvernement s'en sortira-t-il? On le verra peut-être à cette commission.

Quant à nous, de l'Opposition, nous continuerons de miser sur la volonté manifeste d'une majorité de nos concitoyens

québécois de voir la minorité anglophone jouir d'un traitement plus équitable et plus réaliste dans ses rapports avec le gouvernement et sur son désir évident de voir la Charte de la langue française être mieux adaptée à la réalité économique canadienne et nord-américaine. Et si, M. le Président, comme je le crains, cette commission ne permet pas de dégager un consensus sur l'essentiel, nous serons tout à fait disposés à nous en remettre à la décision de la population elle-même à l'occasion de la prochaine élection.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Alors, je proposerais qu'on entende dès maintenant le mémoire du Syndicat international des travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole d'Amérique (TUA), représenté par M. Michel Mongeau, membre du comité de francisation de Pratt et Whitney, et M. Walter Belyea, qui est membre du syndicat.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée de Chomedey.

Préliminaires

Mme Bacon: Je ne veux pas retarder indûment l'audition des mémoires, mais j'aurais quand même une question pour le ministre, si vous me le permettez, M. le Président, au début de cette commission parlementaire. Le ministre nous a dit qu'il vient ici pour faire une récolte d'idées, de suggestions, de recommandations, dans une réflexion commune, une réflexion ouverte. "Stop, look and listen", comme il nous le disait tantôt. Il veut bien écouter les mémoires. J'aimerais quand même demander au ministre... Et on retournerait peut-être, au début, à la loi 22, où nous avons, comme gouvernement de l'époque, présenté des propositions concrètes, ce qu'a fait aussi le gouvernement péquiste, en 1977, lors de l'adoption de la loi 101. Le ministre a reçu le mandat d'évaluer, de faire des recommandations au cabinet, de proposer des amendements, de faire connaître, évidemment, les intentions du gouvernement à ce sujet. En décembre 1982, comme nous n'avions reçu aucune réponse concrète de la part du gouvernement, nous avions questionné le ministre en Chambre quant à la date du dépôt de ces recommandations qu'il avait faites ou qu'il ferait au cabinet. Au printemps 1983, en mars, on nous a dit que la décision serait prise à ce moment-là et qu'il ferait des recommandations au cabinet.

Je veux bien croire à la bonne foi du ministre. Il disait, dans une récente entrevue, qu'il avait des recommandations à faire, des amendements à proposer. Il me corrigera, et c'est pour cela que je veux lui donner l'occasion de le faire, si ce n'est pas le cas. À la télévision française, à Radio-Canada, à Pierre de Maisonneuve, il disait qu'il avait décidé des amendements qu'il présenterait au Conseil des ministres. Je crois que Mme Lise Bissonnette a raison de dire dans son éditorial que les gens des organismes qui viennent ici nous rencontrer et qui viennent nous présenter leur mémoire ont besoin d'une bonne dose de foi pour se présenter aux audiences de la commission parlementaire. Est-ce que le ministre ne va vraiment qu'écouter, qu'entendre? Est-ce qu'il a décidé, de son propre aveu... Il nous dit qu'il a déjà décidé des amendements qui seraient présentés au Conseil des ministres. Je veux bien qu'on fasse le "stop, look and listen", mais si le ministre a déjà tout préparé, il ne faudrait pas tout de même se moquer des gens qui viennent ici déposer leur mémoire devant la commission parlementaire.

Ce matin, avant le tout début de ces audiences, j'aimerais que le ministre nous dise s'il a vraiment préparé ces amendements dans un mémoire présenté au Conseil des ministres, ou si ce mémoire est prêt à être présenté au Conseil des ministres, et qu'il nous dise où il en est. Cela ne semble pas très clair au moment où il nous présente sa déclaration d'ouverture. Est-ce qu'il a des amendements de prêts? Ou s'il va quand même réagir, entendre, non seulement écouter, les mémoires qui lui seront présentés afin de modifier peut-être les amendements qu'il a déjà préparés ou remettre sur sa table de travail la préparation de nouveaux amendements à la suite des audiences de la commission parlementaire?

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée.

M. le ministre.

M. Godin: M. le Président, en réponse à la question de la députée de Chomedey, très brièvement, il n'y a pas de mémoire qui a été soumis au Conseil des ministres qui contiendrait des amendements éventuels à la loi 101, au moment où l'on se parle. J'ai terminé de lire les mémoires il y a 48 heures et, dès que j'ai terminé, j'avais déjà à l'idée un certain nombre d'amendements que je proposerai d'ailleurs au Conseil des ministres dans les semaines qui viennent, mais il n'y a rien de déposé encore. Tout ce que cela indiquait, c'est qu'on peut dire que l'ensemble des mémoires se résume à une dizaine de points et que c'est sur dix points que la réflexion du Conseil des ministres et du parti et du conseil des députés va se faire dans les semaines qui viennent. Mais il n'y a aucune décision de prise. Sauf qu'à certains égards, sur certains points, je dois

dire qu'après avoir lu les mémoires de part et d'autre, j'ai les idées un peu plus claires que je ne les avais il y a deux semaines.

Le Président (M. Gagnon): Mme la députée.

Mme Bacon: Cela ne me semble pas très clair comme position. Le ministre nous avoue quand même qu'il a préparé des amendements pour le Conseil des ministres.

M. Godin: Vous avez mal compris. Mme Bacon: Ce n'est pas clair.

M. Godin: J'ai dit qu'il n'y a aucun document qui a été soumis au Conseil des ministres qui porte sur les amendements à la loi 101 ou qui porte sur cette loi.

Mme Bacon: Vous avez déjà à l'esprit des amendements qui pourraient être faits.

M. Godin: Déjà j'ai à l'esprit des territoires de la loi 101, des aspects sur lesquels nous soumettrons des recommandations au Conseil des ministres.

Mme Bacon: Est-ce que...

M. Godin: Je n'ai pas soumis mes réflexions encore au Conseil des ministres pour une raison très simple, c'est que nous voulons écouter les gens avant de les soumettre. C'est le rôle de nous tous et de vous tous ici.

Mme Bacon: Je suis bien heureuse de vous l'entendre dire, M. le Président, parce que, de la façon dont s'exprimait le ministre à la télévision, ce n'était pas en ce sens qu'il voulait entendre mais plutôt écouter ce qui se passait. Parce que déjà, dans son esprit, des amendements étaient prêts. Je veux rassurer les gens qui viendront présenter des mémoires.

M. Godin: C'est la distinction très bysantine, à savoir la différence qu'il y a entre écouter et entendre, qui est faite par Mme Bissonnette. Votre question est très précise et je crois y avoir répondu. Est-ce que le Conseil des ministres est déjà saisi présentement de changements à la loi 101? Je vous dis: Non. Donc, cette commission a toute sa justification et toute sa raison d'être. Tous ceux qui viennent ici, nous les interrogerons pour préciser leur pensée et la nôtre sur certaines idées que je peux avoir.

Mme Bacon: Une dernière question, M. le Président.

M. Godin: Depuis que M. Lévesque m'a confié ce dossier, j'ai l'idée de faire certains changements; autrement il ne me l'aurait pas confié. Il l'a dit en conférence de presse il y a un an et demi. Donc, je ne peux pas dire que j'arrive ici comme un enfant qui vient de naître. J'ai écouté depuis un an et demi moi aussi et même depuis six et sept ans ce qui se passe dans le Québec au sujet de la loi 101 et, avant cela, au sujet de la loi 22. Donc, je ne peux pas dire que j'arrive ici tabula rasa ou tête vide; j'ai déjà un certain nombre d'idées à l'esprit comme vous en avez vous aussi, j'imagine, à nous suggérer d'ici la fin de la commission.

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous donner la parole... Est-ce que vous aviez demandé la parole à nouveau, Mme la députée? Je voudrais vous demander de faire attention. Je n'ai pas voulu intervenir dans le débat, mais tout de même, pour ceux qui suivent les travaux de notre commission, il ne faudrait pas parler ensemble.

Une voix: C'est une bonne idée.

Le Président (M. Gagnon): Alors, il faudrait faire attention pour laisser terminer l'intervenant qui est en train de parler avant de prendre la parole. Mme la députée de Chomedey.

Mme Bacon: Est-ce que votre ministère a préparé ses amendements ou s'ils ne sont que dans votre tête ou dans votre esprit?

M. Godin: J'ai demandé à chacun des organismes de la charte: la commission de surveillance, l'Office de la langue française, le Conseil de la langue française et la commission de toponymie de me préparer un document qui ferait état des modifications qu'ils souhaitent voir éventuellement apporter à la partie de la loi qui les concerne. Mais, pour l'instant, c'est pour ma consommation personnelle purement et simplement. Cela alimente la réflexion. Si nous voulons arriver à l'échéance du 15 novembre, pensez-vous qu'on peut demander aux organismes en question de produire de tels documents à quelques jours d'avis? Donc, cela fait partie de l'ensemble des travaux qui m'ont été confiés par le gouvernement à l'époque.

M. Ciaccia: M. le Président, brièvement...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je ne veux pas retarder non plus les travaux de la commission, mais je crois qu'il y a un point assez important pour nous auquel mon collègue, le député de Gatineau, a déjà fait allusion; c'est la présence de ministres à mission économique à cette commission. Est-

ce que c'est l'intention du gouvernement de s'assurer qu'au moins un ministre de la mission économique soit présent ici? Si vous remarquez spécialement aujourd'hui, il y a beaucoup de mémoires qui viennent d'intervenants dans le domaine économique. Je pourrais attirer l'attention du gouvernement sur deux cas au sujet desquels nous avons déjà fait une représentation, dont, par exemple, Schefferville. À l'époque, la commission était dirigée par le ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional et nous avons demandé qu'au moins un ministre à mission économique soit présent parce que c'était vraiment, le cas de Schefferville, un problème économique. Ce n'était pas seulement un problème d'aménagement du territoire. Nous voyons les résultats. Aucun ministre à mission économique n'était présent et rien n'est arrivé non plus à la ville de Schefferville.

De la même façon, mon collègue de Nelligan avait demandé durant les discussions sur la création du ministère du Commerce extérieur que le ministre des Affaires intergouvernementales et le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme soient présents à la commission, parce qu'il y avait des chevauchements dans la loi en ce qui concernait le rôle respectif des trois ministères. Le gouvernement a refusé et on a vu par la suite ce qui s'est produit, c'est-à-dire le chevauchement et d'autres difficultés. Alors, par respect pour les intervenants du domaine économique, si le gouvernement considère vraiment que cet aspect économique est important dans son ensemble, est-ce l'intention du gouvernement et du ministre d'inviter au moins un ministre - je ne dis pas les trois ministres, parce que je comprends qu'ils ont d'autres devoirs - de la mission économique à venir écouter les interventions? Il pourrait peut-être répondre aux questions sur les aspects, les ambiguïtés et les difficultés qui sont soulevés par ces intervenants dans le domaine économique.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le ministre. (12 h 15)

M. Godin: Tous les députés et les ministres du côté du gouvernement comme, j'imagine, de votre côté aussi sont préoccupés par la question économique présentement. Par conséquent, il ne m'apparaît pas nécessaire qu'ils soient présents ici puisque, premièrement, ils auront une copie de ces mémoires; deuxièmement, ils seront partie aux discussions qui suivront cette commission et que leur point de vue sera certainement pris en considération par le Conseil des ministres quand le moment viendra de prendre une décision sur les incidences économiques de certains aspects de la loi 101.

La loi 101 est sous la responsabilité conjointe de votre humble serviteur et de mon collègue, M. Camille Laurin. Dans d'autres commissions, il a également été question de la loi 101 chez certains groupes. J'en ai été informé par mes collègues et je m'estimais suffisamment informé, après avoir lu le journal des Débats et les mémoires qui touchaient ces questions. Cela a fait partie de la réflexion du gouvernement à venir jusqu'à maintenant. Donc, la réponse à votre question, c'est non, il n'y en aura pas. Ils en seront informés autrement.

M. Ciaccia: M. le Président, brièvement...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: C'est malheureux parce que, de notre côté aussi, tous les députés sont intéressés à la situation économique, mais cela ne nous a pas empêchés d'avoir comme représentants à cette table des porte-parole du domaine économique. Nous sommes conscients que c'est le ministre des Communautés culturelles et le ministre de l'Éducation qui sont responsables de l'application de la loi. Nous avons à cette table, outre l'Opposition, les porte-parole de l'éducation et des communautés culturelles parce que, si on invite le monde des affaires à venir faire des représentations ici, je ne crois pas que ce soit suffisant que le ministre dise: Nous allons faire des représentations auprès du ministre. Il y a la question de la compréhension de la réalité économique et les représentations spécifiques qui sont faites à ces intervenants. Nous trouvons qu'il y a une lacune et je ne dirais pas un manque de respect, mais la compréhension de la réalité économique risque de ne pas vraiment être portée à l'attention et comprise par le gouvernement parce que les ministres qui sont chargés spécifiquement de la responsabilité économique ne sont même pas ici pour écouter ces intervenants.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, nous avons reçu tout dernièrement plusieurs documents produits par ou pour le Conseil de la langue française. Certains étaient datés du mois de juin, du mois de septembre et du mois d'octobre. Nous ne les avons reçus que tout dernièrement et je le déplore parce que, comme vient de le dire mon collègue, plusieurs d'entre nous s'intéressent à l'impact de la loi 101 sur différents domaines. Nous avons voulu en faire une étude approfondie, mais, malheureusement, certains de ces

documents ne nous ont été donnés que tout dernièrement.

La question que j'aimerais poser au ministre est celle-ci: Y a-t-il d'autres documents qui seront déposés ici et quand le seront-ils? C'est bien important pour nous de savoir quelles sont les études qui ont été faites - probablement à la demande du ministre - sur différents sujets par le Conseil de la langue française. Si ces études peuvent donner, à nous et au public, un éclairage plus approfondi de la réalité linguistique du Québec, nous aimerions en prendre connaissance le plus tôt possible.

Alors, j'aimerais avoir la confirmation du ministre qu'il y aura peut-être d'autres mémoires et qu'ils seront déposés probablement d'ici à demain. Est-ce que le ministre peut nous donner cette information?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Vous avez certains documents depuis plusieurs mois, on a répondu effectivement ou à des commandes du ministre ou à des travaux en cours déjà au Conseil de la langue française. Je peux vous dire dès maintenant que la deuxième partie du sondage de la maison Sondagex, dont M. Jean-Pierre Proulx a fait état grâce à une fuite dernièrement dans le Devoir, sera rendue publique au cours de la semaine. C'est dans ce sondage qu'on voit, par exemple - c'était le titre du Devoir - que l'adhésion de la majorité francophone du Québec à l'affichage unilingue français est tombée en bas de la barre des 50%. Cela doit être publié d'ici quelques jours.

Deuxièmement, il y a les travaux de votre ancien collègue, André Raynauld, commandés par le conseil qui seront rendus publics, me dit-on, d'ici une semaine. Dès que le conseil en aura pris connaissance, le document rédigé par M. Raynauld sera rendu public également. Donc, avant la fin des travaux de la commission. Ce document fait état de l'importance des francophones dans l'économie du Québec et de l'évolution de cette importance depuis les 2D ou 30 dernières années.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je remercie le ministre de sa réponse, nous aurons l'information. J'espère que ce dernier comprend que, pour nous qui voulons poser les meilleures questions à tous ceux qui nous font des représentations, ces documents seront d'une grande utilité. Comme le ministre avait déjà annoncé que la commission parlementaire se tiendrait à l'automne, j'ose espérer que l'effort sera fait pour que nous ayons les documents le plus tôt possible. Je déplore le fait qu'ils n'aient pas été disponibles avant ce jour. Mais, enfin, j'accepte la réponse du ministre. J'aimerais, si possible, avoir les détails. Peut-être que les membres du Conseil de la langue française pourraient par ailleurs nous donner quelques indices sur la portée de ces études pour que nous puissions être éclairés aussitôt qu'elles seront produites. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: À la reprise des travaux, cet après-midi, je vous donnerai la liste des études qui seront publiées dans les jours ou les semaines qui viennent. Je vous dis dès maintenant que j'ai insisté pour que tous ces documents soient accessibles avant le début des travaux de la commission. Mais, pour toutes sortes de raisons qui tiennent soit aux auteurs ou aux difficultés d'impression, cela ne sera pas complètement terminé aujourd'hui, date qu'on avait prévue. Dès que ce sera prêt - je vous donnerai le détail cet après-midi - nous vous les remettrons, bien entendu.

Le Président (M. Gagnon): Avant de vous laisser la parole, M. le député de D'Arcy McGee, j'aimerais vous inviter à aller le plus rapidement possible pour qu'on puisse entendre nos invités qui sont ici depuis hier - la liste est assez longue pour aujourd'hui -quitte à ce que ces échanges puissent se faire ultérieurement. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: J'aimerais remercier le ministre qui a dit qu'il va déposer, dans les prochaines heures ou les prochains jours tous les documents qui seront publiés bientôt.

Lors de l'étude des crédits, on apprend, par exemple, que le Conseil de la langue française fait beaucoup d'études. Il y a d'autres organismes comme l'office qui a un service de recherche où on fait passablement de recherches soit à l'intérieur de l'Office de la langue française soit par contrats qu'on donne aux gens à l'extérieur. En 1982, à l'Assemblée nationale, nous avons adopté la loi sur l'accès à l'information. Le principe veut que tous les Québécois aient accès à l'information du gouvernement sauf, si c'est un secret d'État. Je sais que vous n'avez pas beaucoup de secret d'État en ce qui concerne les droits linguistiques. Le principe est là. Je trouve que c'est très difficile d'avoir de l'information des organismes qui s'occupent de droits linguistiques.

Par exemple, j'ai demandé à l'Office de la langue française de me fournir une liste des compagnies qui ont un certificat de francisation. J'ai eu des lettres où il y avait ce qu'on appelle du "stallage", des tergiversations. Je n'ai jamais eu la liste sauf après

l'intervention du ministre lors d'une commission parlementaire. Jusqu'à maintenant très peu d'études ont été rendues publiques soit du conseil, soit de l'Office de la langue française. Les études les plus intéressantes ont été rendues publiques par des fuites, par des journalistes. Dans l'Opposition, on compte beaucoup sur les journalistes qui rendent souvent publics des documents auxquels on ne peut pas avoir accès par des voies normales. Par exemple, toutes les études sur les tests...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee...

M. Marx: Oui, je conclus.

Le Président (M. Gagnon): Oui, parce qu'on est ici pour s'informer et il y a des gens qui sont prêts à nous informer.

M. Marx: C'est cela, mais je vais formuler ma recommandation. Je crois que ce sera aussi utile pour les députés ministériels d'avoir ces études car cela va les aider dans leurs questions plus tard. Par exemple, les études sur les tests, les règlements illégaux. Cela n'a jamais été rendu public par votre ministère, l'office ou le conseil. C'était toujours par des fuites.

Maintenant, j'aimerais demander au ministre, si c'était possible, de nous fournir une liste de toutes les études, les sondages qui ont été effectués soit par le Conseil de la langue française ou soit pour le Conseil de la langue française, c'est-à-dire de tout ce qu'ils ont dans leurs classeurs et de tout ce qui est dans les classeurs de l'Office de la langue française. On aimerait avoir une liste de toutes ces études pour que ce soit possible pour nous de demander telle ou telle étude, tel ou tel sondage, même si ces sondages ou ces études remontent à quelques mois ou à quelques années.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Je n'ai aucune objection, M. le député, à vous remettre dans les prochaines heures ou journées, la liste des études en cours présentement, aussi bien à l'office qu'au Conseil de la langue française, avec une date éventuelle de publication.

M. Marx: Les études antérieures, celles qui ont déjà été effectuées?

M. Godin: Oui, oui, la liste de tous les travaux faits par l'office et par le conseil. C'est, en principe, publié rapidement. S'il y avait des études qui n'auraient pas été publiées, à ma grande surprise... Celles qui existent déjà et qui sont publiées vous seront remises d'ici à quelques jours.

M. Marx: II y a beaucoup d'études qui ne seront pas publiées, soit par l'office, soit par le conseil. On aimerait en avoir une photocopie. Si j'ai bien compris, vous avez dit que vous n'avez pas d'objection à fournir une liste de toutes les études et de tous les sondages que le conseil ou l'office ont dans leurs classeurs. C'est cela que je veux savoir.

M. Godin: Vous aurez accès à cette liste-là...

M. Marx: Oui, d'ici...

M. Godin: ...d'ici à la fin de la commission, d'ici à une semaine environ.

M. Marx: Après cela, il nous sera possible de demander des copies de ces sondages, de ces études?

Le Président (M. Gagnon): Votre réponse, M. le ministre?

M. Godin: Certainement.

Auditions

Le Président (M. Gagnon): Merci. Là-dessus, j'invite le premier groupe à prendre place à la table. C'est le Syndicat international des travailleurs de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole d'Amérique.

Syndicat international des travailleurs unis de l'automobile, de l'aérospatiale et de l'outillage agricole d'Amérique

M. Belyea (Walter): Mon nom est

Walter Belyea et, à ma gauche, mon confrère, M. Michel Mongeau. Pour vous situer...

Le Président (M. Gagnon): Un moment. Je vous redonnerai la parole immédiatement après. Je crois qu'il y a une entente pour qu'on prenne environ une heure par mémoire; sans être figés par cette entente, on essaiera d'entendre un mémoire dans une heure en donnant environ 20 minutes pour la présentation du mémoire et 20 minutes à chaque parti pour les questions. Allez-y.

M. Belyea: Pour vous situer dans le temps, le programme de francisation de Pratt et Whitney a commencé en 1979. J'ai bien dit le programme. Aujourd'hui, je me concentrerai sur trois thèmes: le premier, l'utilisation du français comme langue de travail et des communications internes; deuxièmement, l'utilisation du français dans les documents de travail, notamment les manuels et les catalogues, et, troisièmement, l'utilisation d'une terminologie française.

Je veux d'abord décrire la situation générale. Depuis le troisième rapport d'étape, 17 des sous-divisions sont demeurées au point mort, tandis que 22 autres ont régressé, c'est-à-dire qu'elles accusent des retards injustifiables pour nous. Cela veut donc dire que, depuis le 8 juillet 1982, l'employeur n'a absolument rien fait pour favoriser l'application de la loi 101 et ce, dans un peu plus de 52% des points qu'il a lui-même soumis au gouvernement.

Toujours dans le même ordre d'idées, certains documents, tels les descriptions de tâches et les formulaires internes, devaient en priorité être traduits en français. À ce jour, 24 descriptions de tâche ont été traduites sur un total de 550, dont deux seulement ont été approuvées par le bureau du personnel, et 69 des 620 formulaires ont été traduits. Nous avons donc des coefficients de succès de 4,36% et 11,12% respectivement. À ce rythme, nous sommes en mesure d'espérer que les descriptions de tâche seront traduites ici en totalité dans les 75 prochaines années et que la traduction de ces formulaires sera finalisée d'ici 27 ans.

Doit-on en rire ou en pleurer? Tout ce que nous sommes en mesure de constater, M. le ministre, c'est que Pratt et Whitney ne démontre, encore une fois, aucune intention de se conformer à la loi 101 et continue de refuser à ses travailleurs et travailleuses le droit de travailler dans leur langue. (12 h 30)

La langue des communications internes. L'employeur devait, au plus tard en août 1981, avoir terminé la francisation des plaques et des affiches ayant rapport à la sécurité. Pratt et Whitney soutient que 75 des 300 affiches sont traduites, mais l'employeur ne cite en aucun temps le moment où les plaquettes seront imprimées et apposées sur la machinerie et l'équipement. Il y a au maximum 20% de ces affiches qui sont en français après deux ans et demi de retard. Voyez-vous, la Pratt se fiche non seulement de la loi 101, mais de la loi 17. On parle ici de la santé et de la sécurité des travailleurs. Quand le gouvernement prendra-t-il ses responsabilités?

Si vous voulez avoir d'autres exemples de l'attitude de l'employeur, regardez les fiches techniques. L'employeur dit qu'à partir d'août 1983 seules des fiches techniques françaises seront apposées sur l'équipement. C'est vrai. Il n'appose plus de fiches. Il n'y en a pas, c'est bien simple. Pour les fiches identifiant les pièces en cours de production, aucune n'a été traduite. Il en va de même pour le journal "Liaison" de Pratt et Whitney. Au lieu de s'en servir pour les cours de français ou les lexiques, on arrête le journal. Il n'est plus publié. Encore plus écoeurant, on défend aux employés d'un service de la compagnie de communiquer en français avec des employés de la compagnie dans un autre service. L'explication: Nous sommes obligés de préciser où cela va fonctionner en français. Donc, on le fait en anglais également. Mais là, ils nous ont dit qu'ils étaient ouverts et coopératifs.

L'utilisation du français dans les documents. En février et juin 1981, Pratt a embauché deux nouveaux traducteurs. Nous sommes en 1983. Qu'est-il advenu de ces traducteurs? La compagnie nous disait qu'il fallait confier la majeure partie des travaux à des firmes de traducteurs indépendants, et cela coûte cher. Maintenant, ils nous disent que l'économie va mal et qu'il faut couper. Mais, voyez-vous, le programme a commencé en 1979 et Pratt a roulé "full pin" jusqu'à la fin de 1981. Les mises à pied, pour ceux qui ont oublié, mais nous, nous ne l'oublions pas, sont survenues en 1982.

Ces deux traducteurs étaient occupés à la traduction du journal Force motrice. Pour ceux qui ne connaissent pas cela, c'est la publication de la maison mère, United Technologies, aux États-Unis. La propagande patronale, c'est bien plus important que la sécurité des travailleurs. Même récemment, Elvie Smith, président de la compagnie, a tenu une conférence de presse pour se vanter du fait que la compagnie faisait encore des profits malgré la récession.

Comme nous l'avons déjà dit, seulement 24 des 550 descriptions de tâche ont été traduites. Mais savez-vous l'importance de ces descriptions de tâche pour un travailleur? C'est le seul moyen pour le travailleur de savoir ce qu'on attend de lui ou de prouver qu'il est apte à avoir des promotions parce qu'il a déjà fait un autre travail. En plus de refuser une nouvelle fois de procéder à l'application de la loi 101, la compagnie préfère garder ses employés dans l'ignorance totale. C'est peut-être pour aider les travailleurs à apprendre l'anglais qu'ils gardent des formulaires en anglais. Conséquemment, ils seront capables de lire plus tard leur description de tâche, non?

Les manuels de procédure. Ici, on parle des "manufacturing operation sheets", "assembly fabrication sheets", "quality insurance inspection sheets", enfin tout ce qui régit les huit heures du travailleur dans l'usine reste en anglais.

Il y certaines choses que vous pouvez faire en français chez Pratt et Whitney, dont placoter et recevoir des avis disciplinaires.

Ici, nous voulons parler de l'entente particulière de Pratt et Whitney avec l'Office de la langue française. Elle se résume ainsi: Tout ce qui a trait aux procédés de production de moteurs d'avion ne sera pas affecté par la francisation. On va donc franciser quoi? Nous fabriquons des moteurs d'avion et non pas des barils. Cela veut dire que les machinistes, les inspecteurs, les magasiniers, les assembleurs - et j'en passe - ne peuvent jamais, au grand

jamais, espérer travailler en français. Et la raison qu'on donne à tout cela est la "terminologie française". Pratt et Whitney déclare: "Notre service de traduction se trouve dans l'impossibilité de procéder à une revue systématique de cette terminologie." Autrement dit, il n'existe pas de terminologie française et, de toute façon, nous n'avons pas le temps de nous en occuper.

Nous savons tous qu'il y a déjà eu un comité de terminologie établi à Air Canada et que le ministre de la Défense nationale possède des manuels en français. Mais peut-être que, si la France lance quelques missiles Exocet sur son siège social, Pratt et Whitney va admettre qu'il y a du français dans l'air.

En ce qui concerne nos résolutions, à la fin de notre mémoire, nous en présentons cinq. J'aimerais les commenter un peu. La première résolution est que le gouvernement raffermisse immédiatement ses positions sur l'application de la loi 101 chez notre employeur ou tout autre employeur qui serait dans une situation similaire. Pratt et Whitney démontre toujours une attitude entièrement méprisante envers la loi 101. Combien de fois avons-nous vu Pratt et Whitney faire des interventions politiques par la voie des journaux ou par des conférences de presse dénonçant la loi 101, la situation politique, etc. Lorsque le programme a débuté en 1979, c'était la grande menace d'envoyer ses ingénieurs en Ontario. Que pouvons-nous faire si le gouvernement ne fait rien? Nous sommes simplement des travailleurs chez Pratt et Whitney. Les affiches des petits commerçants sur le coin de la rue semblent beaucoup intéresser les journalistes. Mais quand verrons-nous les journalistes et le gouvernement s'intéresser à une institution comme Pratt et Whitney qui régit tous les jours la vie de 6000 à 8000 personnes ? Quand? Certains ont suggéré ici aujourd'hui de respecter la minorité. Je suis bien d'accord, mais commencez par respecter la majorité.

La deuxième résolution est d'accorder un pouvoir de négociation aux représentants syndicaux et de leur enlever ce statut d'observateurs qu'ils ont dû respecter depuis le début de l'implantation du programme. Il y a un corollaire: d'empêcher tout employeur d'afficher un certificat provisoire de francisation lorsque ledit certificat n'est pas mérité. Selon nous, ce sont les travailleurs qui ont crié pour avoir la loi 101. Avant qu'elle soit sanctionnée, plusieurs syndicats de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) ont mené des luttes allant jusqu'à des grèves pour faire inclure certaines clauses dans leur convention collective leur accordant le droit de travailler en français. Nous avons aussi été en grève chez Pratt et Whitney durant 22 mois et nous pouvons affirmer que, si aujourd'hui il se passe certaines choses en français chez Pratt et Whitney, c'est surtout grâce à cette grève. Avant cette grève - et vous pouvez en discuter avec les plus anciens dans l'usine -cela se passait à 85% en anglais. Les contremaîtres étaient presque tous anglophones, ce qui est même devenu problématique pour la compagnie; elle avait de la difficulté à exercer la discipline parce que les gars ne comprenaient pas. À la fin de la grève, tout cela a changé un peu. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons le droit de placoter en français, nous avons le droit d'avoir des avis disciplinaires en français, mais cela arrête là.

Pour nous, c'était une risée. Des travailleurs le voient tous les jours. Ils regardent sur les murs de l'usine et disent: Qu'est-ce que cette affaire-là? C'est un certificat de francisation provisoire. Ils se tournent vers leurs amis et disent: Est-ce que cela se passe en français ici? Non, non! "Assembly fabrication sheet". C'était en anglais. Non, non. Là, ils sont bien "wise" aujourd'hui, ils ne mettent que des chiffres, pas d'explications. C'est simple, cela règle le problème.

La troisième résolution qui est très importante pour nous: dans le cas qui nous concerne, d'exiger de Pratt et Whitney Canada Inc. que tout ce qui est relatif à la production des moteurs d'avion, qui ne fait pas présentement partie du programme, y soit intégré. Nous croyons fermement que c'est un droit pour tous les travailleurs québécois d'avoir la possibilité de travailler en français. Nous nous opposons carrément à l'entente particulière qui a été signée avec Pratt et Whitney qui dit, à toutes fins utiles, qu'il n'y aura pas de francisation de tout ce qui a trait à l'assemblage, à l'inspection et à l'usinage des moteurs. Mais voyons donc! L'usinage des pièces, cela n'existe pas en France? Il n'y a pas d'industrie aérospatiale en France? Les Français ne connaissent pas cela, l'inspection? La qualité, ce n'est pas leur préoccupation comme cela l'est pour nous?

Quand le gouvernement interviendra-t-il pour obliger la compagnie à agir là-dessus? Nous avons des exemples où le gouvernement a fait des démarches avec certaines compagnies. On peut citer la compagnie Ultramar qui a su se conformer à la loi 101 avec sa raffinerie, ici à Québec. C'est également une industrie de haute technologie. Lors de la construction de cette raffinerie, la compagnie a essayé dès le départ de se conformer à la loi et de franciser les choses. Nous exigeons qu'autant soit fait pour l'industrie aérospatiale au Québec. On dit souvent que la majorité de l'industrie aérospatiale est au Québec. Je pense que nous ne pouvons pas laisser des travailleurs de côté dans ce domaine-là.

Quatrièmement: de forcer notre

employeur à respecter les échéanciers dans toutes les sphères du programme. Nous avons démontré que Pratt et Whitney accuse des retards allant jusqu'à deux ans et demi. Si vous avez bien lu notre mémoire, on sort même des petits tableaux, des graphiques qui expliquent tout cela.

Je veux seulement ajouter un petit point ici. Il faut toujours répéter que ce ne sont pas des travailleurs de Pratt et Whitney, mais la compagnie elle-même qui a soumis ce programme-là, avec ces échéanciers. Maintenant, deux ans et demi plus tard, qu'arrive-t-il? Ils ne sont pas respectés. J'ai juste une question à poser. Il me semble qu'il existe des amendes dans la loi. Si nous traversons sur un feu rouge, il y aura sûrement un policier pour nous dire: Ne faites pas cela, mes petits gars. Pourquoi faire exception avec Pratt et Whitney? À quoi cela sert de négocier des échéanciers avec une compagnie s'ils ne sont jamais respectés? Qu'est-ce que cela nous donne d'aller nous asseoir à la table avec eux, de passer des heures et de se faire dire: C'était supposé être fait pour juillet 1981, mais à cause de l'informatique on est dans l'impossibilité de le faire? (12 h 45)

Maintenant, la dernière résolution: que la compagnie soit dans l'obligation de fournir des cours de français durant les heures de travail, sans frais, pour tout employé qui ne peut s'exprimer en français. Nous disons -c'est notre position - que ce sont les compagnies, en général, qui ont instauré l'anglicisation du travail au Québec et non pas les travailleurs, non pas les immigrants, non pas les anglophones. Ce sont des compagnies, surtout des multinationales, qui amènent leurs procédés de fabrication ici et tout cela se fait en anglais. Donc, selon nous, c'est à elles de fournir les moyens de se franciser aux travailleurs allophones et anglophones qui en ont besoin.

Nous pouvons donner des exemples. À la fonderie Canadian Copper Refiners, ils ont déjà eu des cours de francisation pour les allophones et les anglophones, sur les lieux de travail, pendant les heures de travail. Pourquoi fait-on exception dans notre cas? Nous pensons que les travailleurs, dans une situation où tous les moyens sont donnés par la compagnie, que ce soient des immigrants, que ce soient des anglophones, que ce soient des francophones, seraient capables, même très réceptifs à se franciser. Il s'agit d'une responsabilité qui incombe à ceux qui ont des pouvoirs économiques, à ceux qui ont des pouvoirs de direction et d'administration d'entreprises, notamment de compagnies. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci beaucoup. M. le ministre.

M. Godin: D'abord, je voudrais féliciter le syndicat d'avoir travaillé à ce mémoire et, j'imagine, de l'avoir soumis en assemblée pour qu'il soit endossé par la majorité de ses membres.

Ce que le mémoire révèle et que bien des gens ignoraient, c'est qu'il ne faut pas s'endormir sur la question de la francisation du monde du travail au Québec. Si, bien sûr, il y a certains secteurs, entre autres, celui des pâtes et papiers, qui ont fait des progrès considérables, il y en a d'autres où on peut dire qu'il y a une sorte de somnambulisme qui a frappé des entreprises. Donc, il y a encore des secteurs d'activité industrielle au Québec où les travailleurs laissent leur langue au vestiaire quand ils rentrent dans l'usine, et c'est probablement le cas chez Pratt et Whitney.

Je souligne également votre citation, M. Belyea, où vous dites qu'on fait plus souvent état des faits spectaculaires relativement a l'affichage de certains commerces et qu'on parle très peu souvent, dans les médias du Québec, des droits des travailleurs qui sont encore brimés pour ce qui touche l'usage de leur langue dans l'usine. Il est très rare qu'on voie les organismes, dont c'est pourtant la tâche de s'occuper de ces droits, se pencher sur cet aspect des droits des citoyens et des citoyennes du Québec. Ce que votre mémoire illustre également, c'est que la francisation ne peut être réussie que si les citoyens -dans votre cas, les travailleurs et les travailleuses de Pratt et Whitney - la veulent et y travaillent, avec les organismes que le gouvernement a mis en place pour arriver à sa réalisation.

Enfin, avant de passer à quelques questions que j'ai à vous poser, ce qui se passe chez vous explique peut-être le taux d'assimilation qui frappe les francophones au Québec. Quand, effectivement, un travailleur ou une travailleuse francophone rentre dans son usine, malgré la loi 101, malgré un programme de francisation qui, semble-t-il, est fort peu respecté, et qu'il se rend compte que sa langue ne lui sert à rien, il se dit: Pourquoi parler français et quelle est la rentabilité du français au Québec? C'est précisément parce qu'il y avait des doutes sur la rentabilité du français au Québec qu'aussi bien le Parti libéral, d'ailleurs, comme M. le député de Gatineau l'a mentionné tout à l'heure, que nous avons pris les mesures - je ne dis pas que ces mesures sont les plus parfaites; je ne dis pas, non plus, qu'elles sont les plus efficaces, et votre mémoire l'illustre fort bien - pour que le français soit, au Québec, ce que les Italiens appellent la "lingua del pane", la langue du pain, la langue du travail. Si nous ne réussissons pas cela dans les années qui viennent, peut-être perdrons-nous l'essentiel, c'est-à-dire un nombre suffisamment

important au Québec de personnes qui parlent français, ce qui justifie l'existence même de cette communauté différente en Amérique du Nord.

Mes questions seront de deux ordres. Premièrement, j'aimerais demander à M. Belyea s'il a fait des recherches pour connaître la part des subventions touchées par Pratt et Whitney provenant des deux paliers de gouvernement pour s'établir au Québec. Ne croyez-vous pas que l'accord des subventions devrait s'accompagner, dans le cas d'une entreprise qui s'installe au Québec, d'un engagement ferme et précis d'utiliser le français dans ses rapports et communications avec ses employés?

Le Président (M. Gagnon): M. Belyea.

M. Belyea: Nous avons souvent mentionné les sommes considérables que Pratt et Whitney a reçues en subventions. Je peux simplement vous donner un exemple que nous trouvons fort intéressant. Pratt et Whitney a reçu 40 000 000 $ pour construire son édifice pour des ingénieurs. C'est un édifice avec un toit spécial afin que les ingénieurs puissent voir, en dehors de la cafétéria, la beauté de la rive sud, etc. En même temps, la compagnie nous dit: Nous n'avons pas d'argent, il faut couper les dépenses pour la traduction de textes, les manuels de procédure, des descriptions de tâche, tout ce qui est relatif à la vie quotidienne des travailleurs. Cette cafétéria avec son toit spécial, cela doit valoir au moins une couple de millions de dollars. Nous ne pouvons pas embaucher quelques traducteurs, mais on construit des édifices comme cela, avec de grosses subventions.

Nous pouvons dire que Pratt et Whitney a reçu depuis une dizaine d'années environ 350 000 000 $ de subventions du fédéral. Celles du provincial ne me viennent pas à l'esprit, ne me viennent pas à la mémoire, mais il faut quand même admettre que toutes ces subventions proviennent des impôts. De qui? En partie des Québécois qui paient des impôts. Or, les compagnies qui reçoivent les bénéfices de ces subventions continuent toujours à ignorer les conditions de travail fondamentales de n'importe quelle personne: le droit de pouvoir parler et s'exprimer dans sa langue. Nous pouvons simplement nous poser la question.

M. Godin: Ma deuxième question s'adresserait à M. Mongeau. M. Mongeau, en tant que membre du comité de francisation de l'entreprise, premièrement, y a-t-il des réunions régulières avec des dates fixées à l'avance de manière que tout le monde puisse être présent et se préparer en conséquence? Est-ce que la présence syndicale et patronale est paritaire? De quelle manière, à l'aide d'un comité de francisation, pourrions-nous arriver à avoir des résultats plus reluisants que ceux que nous constatons chez Pratt et Whitney? Quel changement devrait-on faire à ces comités de francisation pour qu'ils soient vraiment productifs et efficaces par rapport à l'objectif que nous avons?

Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.

M. Mongeau (Michel): Les réunions sont sporadiques. C'est pour signer des rapports d'étape 80% du temps ou, si les travailleurs ont soumis des plaintes aux deux représentants syndicaux, on les amène à la table. Les réunions convoquées par l'entreprise sont très rares, à part celles pour signer les rapports d'étape. Il faut que ce soient les travailleurs qui les convoquent, les deux représentants des travailleurs. Je serais favorable à un comité paritaire afin que les deux représentants des travailleurs et la compagnie négocient ce programme. Les travailleurs n'ont pas été contactés pour des négociations sur les ententes particulières. La compagnie a brimé nos droits, dans le fond.

M. Godin: Au fond, dois-je comprendre que vous souhaiteriez que le gouvernement et l'Office de la langue française fassent en sorte que les travailleurs des entreprises soient associés de plus près à l'opération francisation et que les comités de francisation voient leur mandat précisé et qu'ils soient associés intimement et directement aux ententes entre l'office et l'entreprise?

M. Mongeau: Oui, parce que c'est le droit des travailleurs. Tout syndicat représente les travailleurs et leurs revendications et, au sein de la francisation, on n'a pas notre mot à dire, dans le fond. On est là comme observateurs. Souvent, on nous dit: Vous êtes là pour observer des plaintes et c'est tout; vous n'avez pas un mot à dire d'autre.

M. Godin: Maintenant, est-ce qu'il y a dans l'entreprise ce qu'on pourrait appeler une forme de chantage par rapport au français? Est-ce qu'il est déjà arrivé qu'on ait dit à des employés: Si vous exigez du français, on va s'en aller ailleurs?

M. Mongeau: Disons que cela n'a jamais été dit directement aux employés, mais, via les journaux, on fait souvent allusion à la politique de la loi 101, en disant: Si vous êtes trop sévères, on va s'en aller ailleurs. Même avec la loi 17, ils l'ont dit récemment; cela donne trop de droits aux syndicats. C'est là que ce n'est pas correct.

M. Godin: Si je comprends bien, malgré les 350 000 000 $ de subventions qui

viennent des taxes de l'ensemble des Canadiens, comme l'a dit M. Belyea, cette entreprise a fort peu de respect, au fond, pour les gouvernements qui l'ont incitée à s'établir ici et qui l'ont subventionnée pour s'établir ici.

M. Mongeau: Oui.

M. Godin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Merci, M. le Président. J'aurais quelques questions à poser à nos interlocuteurs. Je les remercie de venir ici à cette commission nous éclairer. Je dois dire que, dans mon cas, ayant travaillé comme ingénieur à Pratt et Whitney quand j'étais jeune, j'imagine que c'est la raison pour laquelle on m'a demandé d'étudier votre dossier un peu plus en profondeur. Je dois admettre que cela fait très longtemps et que j'ai perdu contact un peu avec la réalité que vous vivez. Ma première question, j'aimerais la poser à M. Mongeau. Je vois, ici sur la feuille, que vous êtes membre du comité de francisation.

M. Mongeau: Oui.

M. Fortier: M. Belyea, pourriez-vous nous dire quelle est votre responsabilité au sein du syndicat ou au comité de francisation? Est-ce que vous êtes membre du comité de francisation comme tel ou si vous avez une activité au sein du syndicat plus particulièrement?

M. Belyea: Je ne suis pas membre du comité de francisation, mais, comme souvent le syndicat me l'a demandé, j'ai travaillé avec certains des comités pour les aider durant des périodes de questions un peu comme cela, agissant à titre de porte-parole du syndicat. C'est une chose que j'ai souvent faite par le passé.

M. Fortier: Est-ce qu'à l'intérieur du syndicat vous avez une fonction particulière?

M. Belyea: Pas à ce moment-ci.

M. Fortier: Pas à ce moment-ci. J'aurais une autre question. Votre troisième résolution m'a surpris, je dois l'admettre, quand j'ai lu vos recommandations. Vous dites que la production de moteurs d'avion présentement ne fait pas partie du programme. Pour le peu de temps que j'ai passé chez Pratt et Whitney, je sais qu'ils produisent des moteurs d'avion. Corrigez-moi si je me trompe. À part produire des moteurs d'avion, à part faire de la recherche et du développement, de l'ingénierie et l'assemblage, l'inspection et l'usinage des moteurs d'avion, je ne connais pas beaucoup d'autres activités qui peuvent se faire chez Pratt et Whitney. Ce serait ma première question. Corrigez-moi si je fais erreur.

Dans un deuxième temps, vous nous dites - je pose ma question à M. Belyea et je voudrais que vous nous le confirmiez -que l'office a donné l'autorisation à la compagnie de ne pas inclure tout cet aspect dans le programme de francisation. Est-ce que je comprends bien ce que vous nous dites? Le ministre a dit: II y a beaucoup d'industries où il y a eu des progrès. Si je comprends ce que vous nous dites et je voudrais le comprendre d'une façon certaine, le ministre a dit: II y a des progrès qui ont été faits ailleurs. Mais là où il y a eu des progrès, M. le ministre, c'est parce que l'office a exigé qu'il y ait un programme de francisation. Mais, semble-t-il, vous avez agréé, par l'entremise de l'office, que Pratt et Whitney ne soit pas sujette à ce programme de francisation en ce qui touche la production des moteurs d'avion, et c'est tout ce qu'elle fait. Est-ce que vous pourriez confirmer cela et me dire si je me trompe dans la perception que je fais de votre mémoire?

Le Président (M. Gagnon): M. Belyea. (13 heures)

M. Belyea: Effectivement, on pourrait dire que Pratt et Whitney ne fait que cela, produire des moteurs d'avion. Nous pouvons dire de plus, oui, qu'effectivement le programme de francisation ne touche à peu près rien de ce qui est fait chez Pratt et Whitney, chose qui pourrait sembler drôle pour certaines personnes, mais qui n'est certainement pas drôle pour les travailleurs. Comme je l'ai dit tout à l'heure, je peux quasiment donner la liste de l'ensemble des catégories d'employés de Pratt et Whitney pour dire que tous ces gens-là ne sont pas affectés, ne sont pas touchés par la francisation. C'est un peu le cas qu'on a eu. Michel pourrait donner des exemples de lettres qui ont été envoyées, dans lesquelles il était carrément écrit: "On regrette, mais cette partie de notre exploitation ne fait pas partie du programme de francisation". Michel peut probablement les retrouver.

L'autre point à ce sujet c'est que, pour nous, tout cet aspect de la question et la décision qui a été prise par l'office, cela ne nous concerne pas, dans le sens que nous ne pouvons rien dire. À l'époque, c'était bien clair pour les gens qui faisaient partie du comité: c'était la compagnie, en accord avec l'office, qui décidait de quoi serait constitué le programme. C'est l'office qui avait accepté l'idée que, une terminologie française n'existant pas ou étant peu disponible à ce moment-là, tous ces procédés seraient exclus du programme. Mais ce n'est

pas le syndicat qui a accepté cela; ce n'est pas le syndicat qui pense que c'est comme cela qu'il faut que cela fonctionne. La décision a été prise avec le comité de francisation au début. Mais c'est justement cela qu'on conteste aujourd'hui. On dit que cela ne se peut pas qu'on dise aux travailleurs de Pratt et Whitney: II y a 80% des travailleurs qui ne peuvent jamais, au grand jamais, travailler en français. Cela ne se peut pas.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: D'après ce que vous en savez, est-ce que c'est une entente spéciale qu'il y avait entre le gouvernement et Pratt et Whitney, à savoir que toute la production des moteurs d'avion ne serait pas incluse dans le programme de francisation?

Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.

M. Mongeau: Je vais répondre. J'ai souvent envoyé des lettres concernant la production et la fabrication. En particulier, une lettre du 17 octobre 1983 - c'est la réponse de l'entreprise: "Le programme de francisation ne touche pas aux documents reliés à la conception, à la fabrication et à l'inspection des moteurs d'avion et leurs composantes." Ainsi les formulaires MRD ou NCMRD doivent être remplis en anglais. Comme la compagnie stipule les droits où l'usage du français est requis, il va de soi qu'elle indique aussi où l'anglais doit être utilisé. Par contre, les trois pages du document cité font partie de l'article 4,2 du programme de terminologie... Là, ils n'ont pas le temps de la faire, la terminologie.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Ce que j'aimerais savoir, c'est si c'est une entente entre la compagnie et le gouvernement lui-même, à votre connaissance.

M. Mongeau: Oui, c'est une entente entre la compagnie et le gouvernement, ou, plus spécifiquement, avec l'Office de la langue française.

M. Fortier: Vous avez fait, dans votre mémoire, de nombreux reproches et, dans la mesure où cela a été une décision du gouvernement ou de l'office que tel et tel secteur très importants à l'intérieur de l'usine n'étaient pas inclus, je pense bien que c'est difficile d'en faire un reproche à la compagnie; il y a eu une entente. Mais vous faites des reproches... Même là où il y a eu des ententes, vous dites qu'il y a eu des retards dilatoires. Je pense que, quant à nous, notre collègue de Gatineau, s'est exprimé au nom de notre formation politique... Dans la mesure où il y avait entente avec l'office et que cette entente n'a pas été respectée, ce serait à la compagnie de donner des explications. Ce n'est certainement pas nous qui allons les excuser. Et je crois que vous avez tout à fait raison de dire que c'est inacceptable. Mais dans la mesure où il n'y avait pas entente, ou qu'il y a eu entente entre le gouvernement et l'office, vous en faites le reproche... À ce moment-là, il faudrait que vous adressiez vos reproches au ministre lui-même. C'est justement une décision qui a été prise par l'office, ou par le gouvernement et pour ma part, j'en suis fort surpris.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député. Comme il est 13 heures, à moins d'un consentement de la commission, nous devons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Mais si vous êtes d'accord, on peut continuer l'audition de ce mémoire.

M. Fortier: Je crois que oui.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Une question que j'aimerais vous poser en ce qui concerne... Cela ne touche pas nécessairement la francisation, mais cela pourrait nous faire comprendre la conjoncture et tout ce qui a trait à Pratt et Whitney, les relations que vous avez à l'intérieur de la compagnie. Je pense que nous savons tous qu'en 1974, il y a eu une grève - je crois que c'est la grève à laquelle vous avez fait allusion - qui a duré 22 mois. Par la suite, d'après les journaux et d'après ce que nous en savons, les relations du travail se sont améliorées. À part les critiques que vous faites en ce qui concerne l'utilisation de la langue française, quel est le climat de travail présentement? Pourriez-vous préciser si l'entente qui a prévalu lors des dernières négociations vient à échéance bientôt? Et est-ce que vous serez en négociation très bientôt avec la direction de Pratt et Whitney?

M. Belyea: Sur le premier point, je veux qu'on soit très clair. On vient ici et on fait des reproches à tout le monde, c'est ce qu'on vient de dire. Il y a une entente particulière avec Pratt et Whitney. Mais nous avons très bien démontré aussi que même le programme, si minime soit-il, que Pratt et Whitney a accepté n'était pas respecté. On a démontré qu'au-delà de 52% des échéances que cette compagnie a soumises à l'Office de la langue française, Pratt et Whitney ne les a jamais respectées et je pourrais en parler plus longuement. Tout est là dans le mémoire. On fait un reproche non seulement

à Pratt et Whitney, non seulement au gouvernement et non seulement à l'Office de la langue française. C'est précisément une commission parlementaire qui va étudier la loi 101. On dit qu'en réalité l'application de la loi laisse à désirer non pas parce que supposément cela opprime une minorité au Québec, mais parce que cela ne vient pas donner justice à la majorité et nous sommes un cas vivant. C'est cela qu'on dit dans notre mémoire et c'est cela qu'on dit ici aujourd'hui.

Maintenant la situation actuelle. Certains journalistes peuvent conclure que les relations sont très amicales chez Pratt et Whitney. Je crois qu'elles ne sont pas plus amicales qu'elles ne l'étaient par le passé, mais disons qu'il n'y a pas de guerre ouverte. Nous nous dirigeons très prochainement vers les négociations. Sur ce point, si nous pensons que nous sommes accrédités pour représenter des travailleurs et veiller à leurs conditions de travail et les aider dans tous les domaines qui les entourent au travail, conséquemment nous pensons que la langue de travail, c'est aussi une condition de travail et c'est justement notre devoir en tant que syndicat de voir au respect de la majorité de nos membres dans leur langue de travail. Nous considérons que la loi 101, c'est quelque chose qui fait partie des conventions collectives et qui fait partie des conditions de travail d'un travailleur parce que celui-ci doit passer huit heures par jour dans cette usine.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: J'aimerais que vous précisiez quand vous allez entrer en négociation. Est-ce très bientôt? Est-ce que votre contrat qui lie le syndicat et la compagnie vient à échéance très bientôt? Quand allez-vous venir en négociation?

M. Belyea: En février.

M. Fortier: En février. Normalement, les négociations devraient commencer trois ou quatre mois avant cela, j'imagine, selon la norme.

M. Mongeau: C'est prévu pour décembre. Cela peut aller au début de janvier.

M. Fortier: Vous avez dit que vous infligiez des blâmes au ministre, à l'office et à la compagnie, mais en lisant votre mémoire on trouve les termes très durs vis-à-vis de la compagnie. Si vous voulez distribuer les blâmes également, il faudrait aussi les adresser au ministre.

Une question que j'aimerais poser pour m'aider à comprendre vos problèmes en ce sens. Je dois admettre que c'est très difficile pour quiconque ne travaille pas dans l'usine comme vous de saisir la réalité que vous vivez. On aurait peut-être voulu faire venir et la direction et le syndicat pour avoir une meilleure idée et ainsi mieux comprendre le problème, mais c'est l'affaire de la compagnie de s'exprimer là-dessus. Vous parlez de certains problèmes. Ce qui m'a frappé, c'est à la page 14, quand vous parlez de l'unilinguisme français. Cela rejoint le cri que vous lancez en ce sens que, semble-t-il, avec les faibles progrès qui sont faits, ce serait difficile d'atteindre un certain niveau de francisation. Vous dites ceci: "Si tel est le cas, comment cela se fait-il que certains membres du personnel cadre déclarent encore aujourd'hui qu'un employé unilingue français n'a pas à espérer gravir les échelons chez Pratt et Whitney? Est-ce que le fait que Pratt et Whitney est une filiale de United Technologies, que la recherche et le développement qui se font à Montréal se font en anglais - si je comprends bien, ils ont un permis spécial en ce sens - a présentement une entente avec l'Office de la langue française lui permettant de faire en sorte que la production se fasse en anglais? Je comprends bien que c'est le cas, mais dans quelle mesure quelqu'un qui n'est pas bilingue peut-il réussir? Quel est votre point de vue là-dessus? Est-ce qu'il est possible d'aller vers un unilinguisme français ou quel est votre sentiment là-dessus?

M. Mongeau: D'aller vers un unilinguisme français serait inespéré chez Pratt et Whitney. Comme vous dites, le siège social est aux États-Unis et tout cela. Mais au moins, comme d'autres entreprises l'ont, les services de traducteurs pourraient traduire en français ce dont on a besoin, comme les documents de travail. C'est l'un des points importants.

Le Président (M. Gagnon): M. Belyea.

M. Belyea: On peut citer là-dessus des choses qui sont bien concrètes. Le conseil d'administration comporte un francophone, un anglophone qui parle français, M. Brian Duffy. C'est la réalité. Dans certains cas, les cadres vont nous dire: Ce n'est pas bien facile de monter si on ne parle pas anglais, mais ne dites pas cela en public et ne mentionnez pas notre nom. On répond: C'est correct. Alors, on laisse tomber. On ne veut pas faire de mal à personne.

Le Président (M. Gagnon): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Une dernière question, M. le Président. J'ai lu le mémoire, qui est très critique. J'aimerais avoir l'opinion de M. Mongeau sur la lettre qui est incluse ici - et

ce sera ma dernière question - qui semble un peu contredire votre mémoire. J'imagine que, quand vous l'avez écrite, vous aviez quelque chose en tête, mais quand même vous dites: "Bien que la perfection ne soit pas de ce monde, je dois me déclarer assez satisfait des résultats obtenus car les individus impliqués se sont montrés en général assez réceptifs à mes propos." Comment concilier cette lettre qui vient de vous en tant que membre du comité de francisation de Pratt et Whitney avec les critiques très nombreuses qui sont incluses dans votre mémoire?

Le Président (M. Gagnon): M. Mongeau.

M. Mongeau: Pour vous répondre, les problèmes que j'ai mentionnés sont maintenant réglés à la base. Je veux dire que les problèmes faciles sont réglés en fait d'affichage, documentaires, communications écrites au personnel. Cela se règle, mais lorsque cela coûte une couple de dollars à l'entreprise, comme pour la santé et la sécurité au travail, la description de tâches, et demande de 15 000 à 20 000 heures de travail pour résoudre ce problème et qu'on est dans l'impossibilité de le faire, on retarde toujours les échéances pour cela. C'est alors qu'on dit que la compagnie énonce seulement des propos.

Si vous remarquez bien, la lettre que j'ai envoyée à l'entreprise était adressée à un contremaître en chef. Celui-ci a osé me répondre en anglais alors que je me plains qu'il communique avec ses employés en anglais, vous pouvez vous apercevoir que l'entreprise n'est pas trop intéressée à aider les employés.

M. Fortier: Je ne faisais pas allusion à cette lettre, je l'ai vue également, je fais allusion à la lettre que vous, en tant que membre du comité de francisation, avez envoyée à M. Jean Demers, coordonnateur de la francisation. C'est pour cela que j'avais de la difficulté à la comprendre parce que vous vous adressez justement au coordonnateur de la compagnie et vous exprimez une opinion qui est la vôtre, j'imagine. Ce n'est pas seulement un paragraphe, toute la lettre est incluse dans le mémoire. C'est pour cela que j'essayais de comprendre pour quelle raison vous pouviez dire cela. Est-ce que c'était par rapport au programme de francisation existant qui a été négocié avec l'office quand vous dites: Je suis d'accord que des progrès se font, ou si vous faites allusion au fait que la production des moteurs d'avion n'a pas été incluse? C'est peut-être cet aspect qui vous fait dire maintenant que ce n'était pas suffisant?

M. Mongeau: Dans le contexte de la lettre, ce paragraphe stipule des choses; ensuite, je reviens avec un autre paragraphe qui dit: "Quel fut mon étonnement et ma grande déception lorsque j'ai reçu la réponse de M. Gagnon, contremaître en chef du département 2272, après lui avoir soumis que toute correspondance interne échangée entre le personnel et les employés rémunérés à l'heure devait, pour le moins, être bilingue. Son attitude rébarbative et négative me laisse pour le moins perplexe." Je pense que je suis assez clair; dans certains cas et avec la base, comme les contremaîtres, on est réceptif, c'est vrai, aux propos, mais, quand on monte plus haut, on n'est plus réceptif.

M. Fortier: Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Fabre. (13 h 15)

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Vos droits sont brimés dans le secteur de la sécurité au travail. Vous l'avez clairement exprimé, sauf que je voudrais que vous précisiez un peu plus. J'ai aussi envie de demander au ministre pourquoi il n'a pas invité à notre table le ministre du Travail, compte tenu que la sécurité au travail est concernée et que l'Opposition a réclamé la présence de ministres à vocation économique. Il n'a pas cru bon d'exiger la présence du ministre Travail, compte tenu précisément que la sécurité au travail...

M. Fortier: Invitez-le. Mme Lavoie-Roux: Allez-y.

M. Leduc (Fabre): ...est en cause. Je voudrais savoir s'il y a eu de la part des...

Le Président (M. Gagnon): II y a une question de règlement.

M. Ciaccia: M. le Président, question de règlement en vertu de l'article 99. La raison pour laquelle nous n'avons pas exigé la présence du ministre du Travail, c'est que l'on nous a informés que son adjoint devait être membre de cette commission. Alors, on a cru qu'il était compétent dans ce domaine. C'est pour cela que l'on a exigé seulement la présence des ministres a vocation économique. Cela souligne maintenant l'importance de leur présence, parce que j'aurais aimé voir exactement leur réaction au mémoire des syndicats, voir exactement...

Le Président (M. Gagnon): Merci. C'était plus ou moins une question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. le député de Fabre, je vous redonne la parole.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais entendre parler nos

invités de la question de la sécurité au travail, reliée au fait qu'il y a, si j'ai bien compris, un certain nombre de fiches techniques sur l'équipement qui ne sont pas traduites en français et qui devraient l'être. Je voudrais aussi savoir si vous avez des cas d'accidents du travail reliés au fait que les inscriptions ne sont pas traduites en français.

M. Mongeau: Je ne suis pas spécialisé en santé et en sécurité pour dire qu'à cause d'une fiche technique il y a eu des accidents du travail, mais je peux seulement relater des faits. S'il y a une procédure de santé et de sécurité à respecter chez Pratt et Whitney, mais la méthode employée pour préparer cette procédure, c'est qu'elle part de l'anglais, est traduite et puis arrive dans les usines. Donc, cela prend un délai de deux à trois mois avant que la procédure de santé et sécurité apparaisse sur le plancher pour les travailleurs. On a formulé une plainte il y a cinq ou six mois pour les dégraisseurs. Il y avait une procédure à respecter, le gars devait porter un masque. Cela a pris cinq ou six mois avant d'avoir une réponse et une procédure pour les dégraisseurs parce qu'on part de l'anglais et on traduit en français. Même des membres du syndicat au sein du comité avaient préparé la procédure en français. Elle était prête, il ne restait qu'à la traduire en anglais. On a préféré la préparer en anglais et ensuite la traduire en français avant de l'afficher pour les dégraisseurs. Je vous cite un fait concret.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Là il s'agit de directives concernant la sécurité. Dans votre mémoire, vous parlez de fiches techniques, je crois, qui doivent apparaître sur la machinerie. Est-ce juste?

M. Mongeau: Oui.

M. Leduc (Fabre): Ces fiches techniques, ces descriptions concernant le fonctionnement de la machine, j'imagine, ne sont pas traduites en français. Est-ce juste?

M. Mongeau: C'est juste. Un fiche technique disant à l'opérateur: Avant de mettre ta pièce dans la machine, il faut que tu l'indiques ou que tu refermes les mâchoires en conséquence, n'est qu'en anglais... Si tu travailles sur tel appareil, fais attention à cela, cela et cela... Pour vérifier la pression dans les conduits, il y a un système d'inspection, des avertissements disant qu'il ne faut pas dépasser 50 livres de pression, ainsi de suite. Tous ces avertissements ne sont qu'en anglais.

M. Leduc (Fabre): Avez-vous porté plainte à ce sujet?

M. Mongeau: On a déjà porté plainte. La réponse de l'entreprise a été qu'on y travaillait et que lorsque ce serait prêt, on nous le donnerait ou on le mettrait sur les appareils.

M. Leduc (Fabre): Sur une autre question, vous êtes membre du comité de francisation, vous a-t-on fourni des données sur le nombre de personnes qui ont une bonne connaissance de la langue française, soit au conseil d'administration ou aux différents échelons de l'entreprise? Je pense en particulier aux cadres et aux contremaîtres de l'entreprise. Je remarque que dans votre dossier il y a une note d'information d'un contremaître à un employé, note rédigée uniquement en anglais. Est-ce que c'est pratique courante également?

M. Mongeau: Quant aux statistiques sur les contremaîtres français, la compagnie n'a pas établi cette analyse à cause de son problème d'informatique. Elle dit que pour le moment, ce n'est pas tout à fait une priorité; pour elle, elle a d'autre chose... En même temps qu'elle va tenir compte des données linguistiques de la personne, sa connaissance du français et de l'anglais, elle va préparer son dossier qui va entrer dans l'informatique. C'est pour cela qu'elle avoue qu'elle a un certain retard dû à de l'informatique. Des données concernant la francisation des contremaîtres, on n'en a pas. On attend ce rapport avant l'analyse de l'entreprise.

M. Leduc (Fabre): Donc en tant que membre du comité de francisation, vous n'avez aucune donnée sur le nombre de personnes qui ont une bonne connaissance du français aux différents échelons de l'entreprise?

M. Mongeau: Aucune.

M. Leduc (Fabre): Quelle est le pourcentage de francophones chez les employés de Pratt et Whitney?

M. Mongeau: Environ 80%, 85% des travailleurs sont francophones.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que vous êtes au courant s'il y a eu des efforts faits pour engager des administrateurs qui parlent français?

M. Mongeau: Je ne peux répondre sur ce point. Je ne le sais pas.

M. Leduc (Fabre): Vous ne le savez pas non plus.

M. Mongeau: Non.

M. Leduc (Fabre): Vous êtes membre du comité de francisation et vous n'avez pas accès à ces données qui me semblent fondamentales pour un membre d'un comité aussi important.

Je voudrais vous demander ceci. Vous avez une résolution par laquelle vous proposez que le gouvernement empêche tout employeur d'afficher un certificat provisoire de francisation lorsque cedit certificat n'est pas mérité. C'est une de vos résolutions?

M. Mongeau: Oui.

M. Leduc (Fabre): L'article 154 de la charte prévoit ceci: "L'office peut suspendre ou annuler le certificat de toute entreprise qui ne se conforme pas au programme de francisation qu'elle s'est engagée à réaliser..."

Est-ce que vous auriez souhaité que l'office applique tout simplement l'article 154, suspende ou annule le certificat de francisation qui a été accordé à Pratt et Whitney?

M. Mongeau: Je vais répondre au sujet du certificat provisoire. Sachant très bien qu'un certificat provisoire de francisation est accordé à toute entreprise qui a fait accepter son programme par l'Office de la langue française et que cedit certificat a été accordé sans égard aux résultats obtenus, le Syndicat des travailleurs unis de l'automobile, local 510, demande donc qu'un amendement soit apporté à la loi 101 afin qu'aucun certificat provisoire ne soit émis puisqu'il s'agit simplement d'une belle façade fournie par le gouvernement derrière laquelle l'employeur peut se replier. C'est dans le sens que ce certificat provisoire est seulement comme une étoile que tu as eue à l'école parce que tu as fait un bon devoir, et elle est affichée à long terme. Même si tu n'as pas de bons devoirs par la suite, la petite étoile est toujours là. Donc je suggérerais qu'on élimine complètement le certificat provisoire, qu'on ait seulement un certificat de francisation quand l'entreprise aura respecté les lois.

M. Leduc (Fabre): Une fois que l'entreprise a respecté son programme dans une certaine mesure, un certain pourcentage qui serait à évaluer.

M. Mongeau: C'est cela.

M. Leduc (Fabre): Je voudrais porter à votre attention l'article 41, au chapitre de la langue du travail, où il est dit que "L'employeur rédige dans la langue officielle les communications qu'il adresse à son personnel. Il rédige et publie en français les offres d'emploi ou de promotion."

Jusqu'à quel point l'employeur respecte-t-il l'article 41, qui me semble être un des articles fondamentaux?

M. Mongeau: Pour ce qui est des communications avec le personnel, si c'est pour t'avertir que tu n'as pas le droit d'aller à la cafétéria ou des abus disciplinaires, c'est rédigé en français parce qu'il veut réellement que tu le comprennes. Mais quand vient le temps de procédures internes de l'entreprise ou des communications disant: A partir d'aujourd'hui, vous allez faire telle chose dans la fabrication du moteur d'avion, le patron nous amène la fameuse excuse qu'on ne touche pas à tout ce qui est relatif à la fabrication du moteur d'avion. Donc, arrangez-vous pour le comprendre en anglais.

M. Belyea: De toute façon, des offres de promotion, il n'en fait pas. Ce n'est pas affiché. Ce n'est pas un problème.

M. Leduc (Fabre): Les offres d'emploi.

M. Belyea: Ce n'est pas affiché dans la "shop". On ne sait jamais s'il y a un poste ouvert. Cela fait des années qu'il refuse cela.

M. Leduc (Fabre): Je ne me souviens pas si vous avez répondu à ma question tout à l'heure qui a trait à l'attitude des contremaîtres. Il y a une note de service d'un contremaître à un employé rédigée entièrement en anglais. Il y a une note de vous portant plainte. Le contremaître vous répond également en anglais. Est-ce que c'est pratique courante pour des contremaîtres d'agir ainsi?

M. Mongeau: Les contremaîtres sont plus réceptifs que le contremaître en chef. Il y a plusieurs contremaîtres francophones, depuis la grève, car il y avait une mauvaise communication entre l'employeur et le travailleur. Donc, à la suite de la grève, on a pu communiquer en français verbalement avec notre contremaître immédiat. Concernant le contremaître en chef, il y a encore des améliorations à apporter. Sur ce point, ils sont un peu bornés, dans le sens qu'ils ne croient pas nécessaire... Quand je fais allusion à ma lettre, ils disent qu'il ne faut pas être plus catholiques que le pape. Donc, cela répond très bien.

M. Belyea: On n'a qu'à citer la lettre qui paraît dans les annexes. "Michel, the reference memo is only preliminary information which is part of our QAI and to my knowledge this quality insurance instruction is written English." On a un cas assez frappant de francophones qui communiquaient en anglais seulement pour le baver. C'est cela, Pratt, être baveux.

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Leduc (Fabre): Une autre question, M. le Président. La compagnie réagit à une lettre qui a été envoyée par un membre de l'office qui a participé aux négociations. L'employeur répond donc à l'office en invoquant un argument pour excuser son retard. On retrouve cela dans une des lettres en annexe. La compagnie évoque les difficultés d'ordre économique que l'entreprise a connues. Par contre, on mentionne également que le budget pour la francisation n'a pas été trop coupé, heureusement.

Je voudrais vous poser deux questions. Comment réagissez-vous devant cet argument de l'entreprise qui dit avoir des difficultés d'ordre économique, donc qui expliquent les difficultés de traduction, le peu de traducteurs qu'elle a également dans l'entreprise et par contre, qui dit qu'elle n'a pas réduit son budget? En passant, connaissez-vous le budget de francisation de Pratt et Whitney?

M. Mongeau: Je ne le sais pas, car on n'est quasiment pas informé en tant que représentants syndicaux de ce qui se passe au sein du comité de francisation. On nous appelle pour les rapports d'étape parce que cela prend nos signatures, sinon ils sont refusés par l'office. On se plaint régulièrement. C'est à peu près tout.

Ce qui est relatif, c'est qu'ils ont sacrifié deux traducteurs complètement pour leur journal, pour leur propagande personnelle ce qui, normalement, aurait dû être pour traduire tout ce qui était relatif à la santé et à la sécurité, les procédures internes. Ils ont préféré prendre ces deux traducteurs pour traduire un journal qui est leur outil de propagande préféré.

M. Belyea: Je pense que l'argumentation de réduction d'effectif ne se tient pas. Voyons donc, le programme a été négocié en 1979. Des mises à pied ont commencé en novembre 1981. À ma connaissance, cela fait quasiment un an et demi de différence. Les mises à pied ont continué pendant une période d'un an. Il y a une semaine, Elvy Smith, président de la compagnie, annonce à haute voix, dans une conférence de presse: Nous sommes la seule compagnie de l'aéronautique à réaliser des profits malgré la récession. C'est très bien, tous ces profits. Je suis bien content pour Pratt et Whitney. Peut-être qu'ils peuvent investir un peu de ces profits à la francisation du travail dans leur usine. On n'accepte pas l'argument que la crise économique égale un retard dans la francisation, parce que cela existait déjà il y a deux ans. Les dates des échéanciers qui ont été données dans l'annexe, ce sont des dates de 1981, surtout une série de dates d'août 1981. Les mises à pied sont survenues en novembre 1981. Donc, il ne faut pas prétendre qu'ils ont respecté les échéanciers. Ils n'ont jamais respecté ces échéanciers, car ils ne croient pas à cela. Ils attendaient plutôt une élection.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Très rapidement, M. le député de Nelligan. On a déjà dépassé notre heure. Après, je donne la parole au ministre. M. le député. (13 h 30)

M. Lincoln: Sur la question de sécurité des employés - je suis d'accord avec le député de Fabre que c'est très important -du point de vue des étiquettes, des affiches, de l'équipement, je vois dans la lettre de Pratt et Whitney du 8 mars qu'on dit - vous dites qu'il n'y a que 75 de ces 300 affiches qui ont été traduites jusqu'à maintenant - à la page 3: "Nous avons constaté, depuis, que certains messages apposés à des machines ou autres pièces d'équipement avaient échappé à la francisation. Cette anomalie est en voie d'être corrigée." Est-ce que vous pouvez me dire si, depuis le 8 mars, il y a eu des corrections? Quelles ont été ces corrections? Est-ce que cela a été fait ou non?

M. Mongeau: Pour ce qui est des 75 affiches sur 300, si vous regardez au rapport d'étape, je vais retrouver l'endroit exact... ce n'est pas moi qui dit qu'il y en a 75 qui ont été traduites; c'est l'entreprise.

M. Lincoln: Je suis d'accord avec vous, je n'ai pas contesté cela. Ce que je dis c'est que le 8 mars elle dit: "Nous avons constaté que, depuis, certains messages apposés à des machines ou autres pièces d'équipement avaient échappé à la francisation." Elle reconnaissait sans doute que cela n'était pas complet. "Cette anomalie est en voie d'être corrigée." Du 8 mars au 20 octobre, il y a presque sept mois; que s'est-il passé entretemps? Est-ce qu'il y a eu d'autres traductions? Est-ce qu'il y a eu d'autres étiquettes qui ont été traduites?

M. Mongeau: Pour répondre, le 30 juin 1983, la compagnie remettait à l'Office de la langue française un rapport d'étape où il était stipulé que 75% des affiches avaient été traduites. Aujourd'hui, on en retrouve quelques-unes mais il y a pas eu une grosse amélioration. C'est pour cela que je stipule 20%; ces 20% représentent l'amélioration qu'il y a eue, parce qu'auparavant il n'y en avait pas.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Lincoln: Au point de vue de la sécurité en général, vous dites à la page 9 de votre rapport - je pense que c'est au quatrième paragraphe - "Depuis décembre 1980, Pratt & Whitney doit voir à la francisation des communications destinées à l'ensemble des employés, traitant de la sécurité, du bien-être et de la politique d'ordre général." Vous dites: "Beaucoup de chemin doit être encore parcouru mais à ce stade, l'employeur est, au sens le plus large de l'expression, conforme au cheminement de cette étape."

Donc, sur la question de sécurité - ce n'est pas comme si l'usine était insécure - il ne faudrait pas...

M. Mongeau: Les communications et l'affichage sont deux choses. Les communications se font par mémos et l'affichage est ce qui apparaît sur les appareils. Les communications écrites se sont améliorées dans les domaines de la santé et de la sécurité, mais l'affichage n'a pas changé.

M. Lincoln: Après la lettre du 8 mars de Pratt et Whitney à l'Office de la langue française, est-ce que vous savez s'il y a eu des négociations entre l'Office de la langue française et Pratt et Whitney?

M. Mongeau: II y a eu une rencontre entre l'Office de la langue française, l'entreprise et les représentants syndicaux pour nous demander ce qu'on voulait exactement. On avait fait une plainte auprès de l'Office de la langue française disant que cela n'avançait pas. Dans les ententes particulières qu'il y avait pour la frabrication du moteur d'avion, Pratt et Whitney a été catégorique: Si vous voulez qu'on ouvre la négociation, cela ralentira le processus, parce qu'on ne peut pas arriver; et on ne touchera jamais à ce qui est la fabrication du moteur d'avion. Cela a été la réponse de l'entreprise à l'Office de la langue française.

M. Lincoln: Ce dont je veux parler c'est de la lettre du 1er mars de M. Sovran, qui a écrit à Pratt et Whitney pour lui dire qu'elle était en retard dans son programme. Elle a répondu le 8 mars. Après le 8 mars, est-ce que vous savez s'il y a eu des suites à ces délais?

M. Mongeau: On a eu une rencontre avec l'Office de la langue française et l'entreprise, autour du mois de juillet 1983, pour connaître ce que les travailleurs voulaient. La compagnie a été catégorique: On ne touchera jamais à la production du moteur d'avion et si on discute de quelque chose avec l'Office de la langue française et le syndicat, ce sera pour ralentir le processus et non pour l'accélérer.

M. Lincoln: Je voudrais poser une courte question au ministre. Je pense que le ministre a même parlé de chantage de la compagnie: ce sont de gros mots. Je voudrais savoir ce que l'Office de la langue française a fait par rapport à ces lettres de Pratt et Whitney et de l'office lui-même. Est-ce qu'on pourrait écouter M. Sovran et lui poser quelques questions pour savoir pourquoi - si la situation est tellement mauvaise - l'office tolère la situation, laisse le certificat provisoire à la compagnie et n'applique pas l'article 154? On voudrait savoir si M. Sovran pourrait répondre à une ou deux questions afin qu'on sache ce qui se passe du côté de l'office.

Le Président (M. Gagnon): C'est bien, M. le député de Nelligan, ce sera votre dernière question, je présume. La parole sera au ministre pour la fin.

M. Godin: Très brièvement, j'allais intervenir - vous lisez dans mon esprit M. le député de Nelligan - en réponse aux questions qui viennent à l'esprit spontanément à la suite de telles affirmations qui sont fondées.

L'entente a été signée entre l'office et Pratt et Whitney à l'automne 1979. À ce jour, aucune des étapes a l'entente n'a été respectée. Pratt et Whitney fait partie des 7% ou 8% d'irréductibles ou de quasi irréductibles. Il y a des rencontres, il y a des échanges de lettres, etc., mais les progrès sont d'une lenteur extrême. J'ai ici sous les yeux le dernier rapport d'étape qui date du 30 juin 1983. D'abord, je voudrais corriger une affirmation qui a été faite. Le programme intervenu inclut la francisation de toute la terminologie des moteurs, mais aucune des étapes, y compris celle de septembre 1982, n'a été réalisée, enfin aucun des travaux promis n'a été accompli aux dates prévues; c'est non à peu près partout dans les rapports.

Peut-on dire que, malgré tout ce qu'on a écrit, dit et lu sur la loi 101, la loi 101 est "a tiger without teeth"? C'est la question que le syndicat de Pratt et Whitney pose ce matin.

Il est certain que l'objectif de la loi 101 et les moyens, surtout, consistaient à avoir recours à une incitation très forte qui était la mise sur pied d'un office, la mise sur pied d'un service de personnes qui vont aller négocier des programmes à l'intérieur de toutes les entreprises du Québec de 50 employés et plus. Il y avait aussi un pari sur la bonne foi de l'entreprise et sur sa volonté de participer et de s'intégrer pleinement, d'autant plus dans le cas d'une entreprise qui est subventionnée très largement par les deux niveaux de gouvernement: 340 000 000 $ du fédéral et j'aurai les chiffres à la reprise, à 15 heures, de la

participation du Québec au budget de développement et d'établissement de Pratt et Whitney au Québec.

Ce que nous avons comme recours -c'est l'article 154 cité par mon collègue de Fabre - c'est que l'office peut suspendre ou annuler le certificat. C'est un peu comme si j'allais chez vous et que je vous enlevais votre diplôme de médecin, de notaire ou d'avocat parce que vous auriez violé la loi. C'est là la limite des recours que la charte donne à l'office et au gouvernement. Nous avions, en toute bonne foi, remarquez bien, et en tout optimisme, je dois le dire, compté sur la participation des entreprises établies au Québec. Il y en a environ 93% qui fonctionnent, il y en a 7% qui fonctionnent moins, Pratt et Whitney beaucoup moins, et, dans certains cas, des entreprises ont refusé même de se soumettre à la procédure de délivrance d'un certificat provisoire qui accompagne l'acceptation par elles d'un programme de francisation négocié avec l'office.

Comme membres d'une commission, préoccupés par les plaintes, critiques et requêtes formulées par le syndicat de Pratt et Whitney, cela nous amène, je présume, à tous nous poser des questions sur certains aspects de la loi qui ne sont peut-être pas assez rigoureux.

Je souhaite en tout cas que ce qui se dit ici soit entendu par Pratt et Whitney et je souhaite que les 7% à 8% de résistants soient incités par ce qui se dit ici - aussi bien de votre côté que du nôtre, parce que c'est une opération qu'on veut faire conjointement - et deviennent de bons citoyens corporatifs du Québec. C'est un message que je leur envoie - ce qu'on appelle en anglais ou en indien "a smoke signal" - ils devraient se conformer à la volonté expresse des deux gouvernements qui se sont succédé au pouvoir au Québec, le précédent et l'actuel. Il y aurait avantage à...

M. Lincoln: Nous sommes d'accord sur les objectifs. Moi...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Nous sommes d'accord sur les objectifs. C'est que dans l'industrie aéronautique il n'y a pas que Pratt et Whitney, il y a Rolls Royce, il y a Aviation Electric, il y a CAE, il y a Spar Aerospace, c'est tout un tissu de problèmes techniques. Nous, les membres de la députation, nous entendons un côté de la médaille. Ce que nous avons demandé, c'est si, d'ici à la fin de la commission, nous pourrions entendre des gens comme M. Sovran, qui oeuvrent dans ce secteur spécifique de la grande entreprise, pour savoir quelles sont les objections que ces corporations apportent à cette question, parce que Pratt et Whitney n'est pas la seule. C'est toute l'industrie de l'aéronautique et comment elle se place par rapport aux autres. Savez-vous quel est le degré de progrès de Rolls Royce, Aviation Electric et...

M. Godin: J'aurai, M. le député de Nelligan...

M. Lincoln: Oui?

M. Godin: ... - si vous me le permettez, M. le Président - nous aurons les renseignements en réponse à ces questions cet après-midi, j'espère, lorsque nous entendrons M. Camille Marchand, un employé de Pratt et Whitney, qui a également un son de cloche à donner sur l'attitude de l'entreprise. Donc, vous aimeriez avoir le portrait de l'ensemble de ce secteur de haute technologie par rapport à d'autres secteurs semblables ou par rapport à d'autres entreprises du même secteur? Vous l'aurez cet après-midi.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Très brièvement, à la suite d'une affirmation que le ministre vient de faire au sujet de l'article 154, vous dites que le seul moyen que pourrait prendre le gouvernement - je ne sais pas si j'ai bien compris, vous pourrez me corriger - serait de suspendre ou d'annuler le certificat. Ce serait l'équivalent d'enlever le certificat d'un médecin ou d'un avocat. Mais alors, que faites-vous du titre V de la loi Infractions et peines? On y voit des amendes de 50 $ à 1000 $ dans le cas d'une personne morale. Il y a une série de pénalités que l'office ou le gouvernement peut imposer. Je pense que c'est plus que d'enlever seulement le certificat de francisation. Si, d'après vous, Pratt et Whitney traîne la patte ou bien ne veut pas obéir à la loi, je pense que des mesures coercitives sont incluses dans la loi, si vous voulez les appliquer.

M. Godin: J'espère ne pas avoir à y recourir. C'est ce que j'entends...

M. Ciaccia: Moi aussi, je l'espère, mais je voulais vous dire que...

M. Godin: ...par "smoke signal".

M. Ciaccia: Oui, oui. Très bien.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Gatineau.

M. Gratton: En terminant, pourrais-je m'associer au "smoke signal" du ministre en remerciant M. Mongeau et M. Belyea d'être venus nous informer de la situation chez Pratt et Whitney? La seule réaction qui me

vient spontanément à l'esprit, c'est la suivante. Tant mieux s'il y a seulement 8% de ce genre de compagnies au Québec. Souhaitons que Pratt et Whitney et les autres, entendront le cri que leur lance le ministre, auquel nous nous associons, et qu'on pourra procéder à leur francisation. Surtout, quand on signe des contrats dans ce sens, qu'on respecte au moins sa signature.

Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs. Je remercie aussi le syndicat que vous représentez.

Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 15 heures. Nous entendrons alors l'Association des conseils en francisation du Québec.

Les travaux sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 43)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Gagnon): La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration reprend ses travaux aux fins d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Lors de la suspension de nos travaux, nous avions invité l'Association des conseils en francisation du Québec (ACFQ) à prendre place et je demande à Mme Hélène Audette de se présenter et de nous présenter les gens qui l'accompagnent.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je m'excuse auprès de nos invités mais le ministre m'indiquait plus tôt qu'il aurait peut-être une annonce à nous faire au sujet de la séance de demain.

Le Président (M. Gagnon): Alors M. le ministre.

M. Godin: Brièvement, M. le Président, malheureusement la séance qui était prévue pour demain matin ne pourra pas avoir lieu parce que nos députés qui devaient être présents avaient des engagements pris antérieurement et n'ont pu, contrairement à ce qu'ils croyaient ce matin, s'en défaire. Nous n'aurons donc pas le nombre requis de députés avec le résultat que la séance de demain est reportée à une date ultérieure. Merci M. le Président.

M. Gratton: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui M. le député de Gatineau.

M. Gratton: À ce sujet-là, je n'irais pas jusqu'à suggérer au ministre qu'on pourrait recruter suffisamment de députés libéraux pour remplacer les péquistes qui ne seront pas ici, je suis certain que cela ne le satisferait pas. On devait entendre, demain, Bell Canada et l'Association des manufacturiers canadiens. On devait également les entendre hier. Est-ce qu'on pourrait au moins leur donner une indication du moment où ils seront appelés à venir à la commission?

M. Godin: D'ici quelques instants, nous serons en mesure de leur proposer une nouvelle date mais comme vous le savez cela entraîne plusieurs déplacements ultérieurs. Donc, d'ici à la fin de la journée, ce problème sera résolu avec eux.

M. Gratton: Avant 18 heures? M. Godin: Probablement.

Le Président (M. Gagnon): Donc, avant 18 heures, nous donnerons la date à laquelle se présenteront les deux groupes qui devaient être entendus demain. C'est bien cela?

M. Gratton: M. le Président, une seule remarque. Je comprends bien qu'il y a eu des avatars imprévisibles et j'accepte volontiers - de toute façon on n'a pas tellement le choix du côté de l'Opposition -mais j'espère qu'en cours de route, nous essaierons de maintenir le plus possible les échéanciers prévus de façon que de chaque côté on puisse se préparer et surtout qu'on ne fasse pas déplacer des gens inutilement comme ce fut le cas depuis deux jours.

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Godin: Tout à fait d'accord M. le député de Gatineau.

Le Président (M. Gagnon): Alors nous commencerons immédiatement à nous mettre à jour dans notre échéancier pour cet après-midi et Mme Audette, je vous recède la parole.

ACFQ

Mme Audette (Hélène): Merci! M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, il me fait plaisir, à titre de présidente, de vous présenter les membres du conseil d'administration de l'Association des conseils en francisation du Québec (ACFQ): Mme Danielle Champagne, à ma gauche, conseillère; Mme Viviane Julien, vice-présidente; M. Maurice Guérin, trésorier; M. Roger Brockbank, secrétaire, Mme

Thérèse Dufour, vice-présidente et M. Mony Schinasi, conseiller. J'aimerais souligner aux membres de la commission que les intervenants délégués par le conseil d'administration auprès de cette commission seront Mme Viviane Julien, M. Roger Brockbank, M. Maurice Guérin et moi-même. Je demanderais à M. Guérin de bien vouloir lire le mémoire qu'on a présenté à la commission.

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin (Maurice): M. le Président, c'est une brève présentation de l'Association des conseils en francisation du Québec.

Le Président (M. Gagnon): Voulez-vous approcher un peu votre micro, s'il vous plaît? Merci.

M. Guérin: L'association a été fondée en 1977 et regroupe, à titre personnel, les responsables du dossier de la francisation dans divers organismes et entreprises. Il s'agit donc en quelque sorte de praticiens de la francisation. L'association est née du besoin des responsables de la francisation de se réunir pour profiter des échanges sur leurs expériences, leurs succès, leurs échecs, leurs problèmes aussi, leurs solutions, afin d'en arriver à établir des méthodes de travail plus efficaces et plus systématiques dans la gestion du dossier de la francisation.

L'ACFQ s'est également donné comme mandat de rechercher des critères d'éthique afin de jouer un rôle d'intermédiaire objectif entre les entreprises assujetties à la Charte de la langue française, d'une part, et les instances et organismes gouvernementaux responsables de l'application de la charte, d'autre part. L'ACFQ regroupe environ 130 membres répartis dans quelque 110 entreprises, de grandes entreprises pour la plupart.

L'ACFQ a permis à ses membres de se subdiviser par secteurs et d'étudier en profondeur les aspects de la francisation propres à chaque secteur: commerce de détail, établissements financiers, fabrication, etc.

L'ACFQ a organisé depuis sa fondation plus de 30 colloques, journées d'étude, séminaires et conférences pour le bénéfice de ses membres.

L'association a fait des représentations, préparé des mémoires, délégué des conférenciers et des représentants et a participé à plusieurs congrès traitant de la francisation ou de questions connexes. Lors de ces congrès, l'ACFQ a échangé et communiqué avec des organismes tels que: les chambres de commerce, les associations patronales, l'Office de la langue française, le Conseil de la langue française, la commission de surveillance, la Banque de terminologie du

Québec, les associations de professeurs de français, l'Association canadienne de linguistique appliquée, la Société des traducteurs du Québec, le Centre de linguistique de l'entreprise et, plus récemment, le Groupe inter-entreprises pour la gestion informatique de la terminologie. (15 h 15)

Nous tous, de l'ACFQ, avons beaucoup hésité à présenter un mémoire devant cette commission. La francisation de la langue du travail, du commerce et des affaires au Québec est une tâche immense et complexe dont les ramifications et les conséquences s'étendent presque à l'infini dans les moindres détails quotidiens de toute l'activité économique. L'ACFQ estime que, dans une proportion de 70%, les objectifs de la francisation de la grande entreprise sont atteints ou en bonne voie de l'être. C'est dire que ce qui pouvait être francisé dans un délai prévisible et relativement court a effectivement été francisé. En fait, pour reprendre une expression de la loi, on constate une généralisation de l'utilisation du français. Il reste 30%, bien sûr; mais avant de traiter de ces 30%, nous croyons qu'il y a lieu de s'arrêter à ce qui va bien, les 70%.

Il faut être réaliste et constater le changement remarquable qui s'est effectué, dans un temps record dans certains cas, et depuis les quelque 15 ou 20 dernières années dans le cas des entreprises qui ont commencé depuis longtemps à s'adapter à la réalité québécoise. Nous croyons que le moment est venu de féliciter toutes ces entreprises qui ont fait l'effort de se franciser en y mettant la ferme volonté d'atteindre l'objectif et en y consacrant les ressources humaines et financières voulues pour ce faire, surtout dans le contexte économique des dernières années.

Il faut également souligner la contribution des organismes gouvernementaux qui ont apporté leur collaboration à tous ces efforts et particulièrement ceux qui, tout en agissant selon l'éthique professionnelle, selon leur conscience et la fidélité à leur mandat, ont su faire preuve d'envergure, d'intelligence et de sens des relations humaines face à l'élément humain qu'implique nécessairement la francisation. La Charte de la langue française n'est pas une loi comme les autres. Elle requiert un doigté et une perception que ne requiert pas l'application de la plupart des autres lois. Quoi qu'il en soit, les résultats sont là et il a fallu, de part et d'autre, beaucoup de bonne volonté pour parcourir tout ce chemin. Tenant compte de ces 70% qui vont pour le mieux, l'ACFQ s'est demandé si, en toute honnêteté, le fait de venir alerter la présente commission sur les 30% qui restent ne constituait pas un risque trop grand d'ébranler ou de faire rétrograder ce qui est

déjà acquis, tant pour les fins de l'entreprise que pour les fins du respect et de l'application de la charte.

Mesdames et messieurs, membres de cette commission, c'est donc avec beaucoup de circonspection et avec une certaine appréhension que nous nous penchons sur les 30% qui clochent. Mais nous n'avons guère le choix, en notre qualité de responsables de l'implantation de la francisation. Nous n'avons pas le droit, en effet, de laisser croire à qui que ce soit, et certainement pas à cette commission, que les 30% qu'il reste à accomplir en matière de francisation s'accompliront, avec la même régularité, le même rythme de croisière que tout ce qui s'est fait jusqu'à maintenant. Pour parler plus clairement et plus directement, nous croyons qu'avec cette tranche considérable que représentent ces 30%, l'entreprise est allée pratiquement au bout des ressources et des possibilités de francisation dont elle a le contrôle. Les entreprises sont pour ainsi dire à bout de souffle. Des 30% qui restent, nous estimons qu'à peine 5% sont sous son contrôle, mais ce sont des éléments complexes qui ne se changeront que très lentement et sur plusieurs années. Pour le reste, ce sont soit des éléments de francisation qui dépendent d'instances et de facteurs extérieurs à l'entreprise, soit des lois inhérentes au monde du commerce et des affaires auxquelles les entreprises elles-mêmes n'ont guère le choix de se soumettre si elles veulent remplir leur mission fondamentale au sein de l'économie, c'est-à-dire l'efficacité et la rentabilité. Nous n'en donnons que deux exemples que nous expliciterons d'ailleurs plus loin: l'enseignement linguistique à l'école et le problème des bons de commande. Nous sommes convaincus que vous tiendrez compte de notre mise en garde et que c'est avec une grande sagesse politique que vous examinerez nos remarques et nos observations, de même que les éléments de solution et les quelques recommandations qui les accompagnent.

De quoi donc se composent ces 30% qui achoppent? En réalité, on y retrouve tout ce qui ne pouvait être prévu par la loi, tout ce qui est exigé par la loi et les règlements sans tenir compte suffisamment de la structure d'une entreprise, des particularités d'un secteur ou d'une industrie, des mécanismes de fonctionnement de l'économie, de la pénurie de main-d'oeuvre spécialisée ou de certains types de professionnels, de l'étroite dépendance de certaines industries et de certains services, systèmes, équipements et installations à l'égard de l'hégémonie linguistique, culturelle, industrielle et économique de nos voisins du Sud, des failles énormes dans la formation linguistique en français comme en anglais, tant pour ce qui est de l'expression verbale que de l'expression écrite, etc. Qui dira le temps qu'il faudra y mettre: cinq ans, dix ans, quinze ans?

Comme on le voit, s'attaquer aux 30% qui restent constitue une tâche redoutable. Toutefois, afin d'éviter d'accorder une importance égale à toutes nos observations, nous avons décidé d'attirer votre attention sur trois éléments qui nous semblent fondamentaux, pour ensuite relever d'autres aspects moins urgents ou moins importants.

Notre association n'en est pas une de juristes, mais elle en comprend plusieurs. À diverses reprises, surtout à l'époque de la promulgation des règlements découlant de la charte, nous étions consternés devant les projets de règlement que nous avions à étudier. Cet article contredit la loi. Celui-là la modifie. Cet autre dépasse les pouvoirs de réglementation de l'office. Nos commentaires ont été parfois incorporés dans des mémoires à l'Office de la langue française, parfois présentés verbalement à l'occasion de colloques ou d'ateliers de travail. Avec fort peu de succès, devons-nous ajouter. Ces articles de règlement demeurent évidemment valides puisqu'ils n'ont pas été attaqués devant les tribunaux. Ils n'en demeurent pas moins susceptibles de l'être et leur sécurité juridique reste en conséquence bien précaire.

Nous n'avons pas l'intention de reprendre ici les discussions passées pour la simple et bonne raison que d'autres l'ont fait et de façon bien détaillée. Le gouvernement, en effet, a en main plusieurs études dont les conclusions sont que certains éléments de la réglementation sont nettement fautifs. Ce qui, par respect du droit et de la légalité aurait pu et dû être évité, ce qui, pour les mêmes raisons, aurait dû au moins être corrigé dès que porté à l'attention du gouvernement par ses propres services reste encore aujourd'hui source de confusion et de conflit. Nous voulons donc profiter de cette commission pour inciter fortement le gouvernement à commander sans délai une rigoureuse correction de ces dispositions qui ne tirent leur légalité que de l'absence de contestation.

Sans entrer dans une discussion détaillée des textes, nous voudrions illustrer ce qui précède d'un exemple. Cet exemple fait ressortir la nécessité d'apporter une modification à la loi elle-même. Le règlement permet maintenant l'utilisation d'une raison sociale en anglais dans la version anglaise d'un texte préparé à la fois en français et en anglais.

Ce sont sans doute les rapports annuels d'entreprises qui ont finalement le mieux illustré les coûts additionnels qu'aurait comporté une réglementation restrictive: il aurait fallu une version française du rapport pour le Québec, une version anglaise avec raison sociale anglaise pour l'extérieur du Québec et même du Canada et en plus une

version anglaise avec raison sociale française pour les actionnaires anglophones du Québec à qui la charte permet l'envoi d'un rapport annuel en anglais s'ils en ont fait la demande. L'office a entendu l'argument économique et nous avons, à ce sujet, une disposition réglementaire réaliste.

Mais la loi, d'une façon indiscutable, ne le permet pas. Le réalisme de la règle n'en corrige pas et n'en justifie pas l'illégalité flagrante. Nous soumettons toutefois qu'en l'espèce ce n'est pas le règlement qu'il faut modifier. L'office s'est rendu à des arguments économiques qui restent valables, faut-il le répéter, dans le contexte d'aujourd'hui. Ce qu'il faut revoir, c'est l'article 69 de la charte, trop restrictif dans son libellé actuel.

Nous aurions pu laisser facilement l'aspect de l'enseignement de la langue à d'autres organismes qui sont plus près que nous du monde de l'éducation et de l'enseignement. Toutefois, nous croyons fermement qu'à la lumière de notre expérience pratique de l'implantation des programmes de francisation dans les entreprises, nous sommes en mesure d'aborder cette question sous l'angle particulier de la francisation de la langue du travail, du commerce et des affaires. Nous sommes de plus en plus convaincus que cette irréversibilité de la francisation, tant souhaitée par les instances gouvernementales, passe par une amélioration accrue et accélérée de l'enseignement du français oral et écrit à l'école, au collège et à l'université. Jamais, par ses propres moyens, l'entreprise ne réussira à combler les lacunes graves accumulées pendant toutes ces années d'études dépourvues de toute préoccupation des notions fondamentales de l'expression orale et écrite dans une langue, quelle qu'elle soit. Les entreprises ne sont pas des écoles de langue, ni des écoles de rattrapage orthographique et syntaxique. À la rigueur, l'entreprise peut accepter une mission de perfectionnement professionnel axé sur l'acte professionnel lui-même dans des situations réelles et pratiques, ce que ne peuvent dispenser ni l'école, ni l'université. L'entreprise peut également aider l'employé à parfaire les notions et la terminologie propres au domaine d'activité de l'entreprise, mais l'entreprise n'a pas comme rôle d'enseigner comment on écrit les mots d'usage courant, comment on construit une phrase ou un paragraphe, bref comment on exprime une idée, verbalement ou par écrit, ni en français, ni en anglais. Si certaines entreprises le font actuellement, il faut que ce soit une situation d'exception et que l'on prenne sans délai les mesures qui s'imposent pour que l'entreprise cesse bientôt de remplir un rôle qui appartient au ministère de l'Éducation: l'enseignement de la langue.

Nous tenons à signaler à ce chapitre que l'on note une aptitude sans cesse accrue des anglophones à maîtriser le français. Un simple appel téléphonique à la commission des écoles catholiques de Montréal nous a permis d'apprendre que, dans le cas de la section francophone, on dispense 120 minutes d'anglais par semaine aux élèves de cinquième et de sixième année, l'enseignement de l'anglais étant facultatif en quatrième année et dispensé dans quelques écoles seulement. Au secondaire, on y enseigne 200 minutes d'anglais par semaine à tous les élèves pendant cinq ans.

Par ailleurs, le secteur anglophone offre, dès la première année du primaire, 200 minutes de français par semaine. Dans trois écoles, on enseigne 400 minutes de français par semaine, de la première à la sixième année, et 8 écoles sur 34 offrent, outre les 200 minutes de français de la première à la troisième année, 400 minutes de langue seconde par semaine depuis la quatrième année. Au secondaire, on offre à tous 250 minutes d'enseignement de la langue par semaine. Certaines écoles offrent de plus trois matières enseignées en français. Nous joignons en annexe un tableau pour illustrer ces faits.

Mesdames et messieurs les membres de la commission, ce qui nous préoccupe c'est que le francophone dans ce contexte se trouve rapidement dépassé et déclassé systématiquement, non seulement parce qu'on lui enseigne mal sa propre langue, mais, en plus, l'anglophone est carrément favorisé dans l'apprentissage du français, tant à l'école, comme on le voit, que par les multiples occasions et facilités qu'on lui offre gracieusement et gratuitement, dès qu'il devient un professionnel ou qu'il atteint le marché du travail, pour parfaire encore sa connaissance du français écrit et parlé.

Il faut être inconscient et masochiste pour ne pas se rendre compte de ce qui commence d'ailleurs déjà à affecter sérieusement les francophones, de plus en plus unilingues et démunis face aux chances d'embauche, de promotion et d'avancement.

Nous croyons que le temps est révolu où il fallait protéger l'ouvrier contre les abus d'exigences linguistiques, c'est-à-dire de connaissance de l'anglais pour accomplir son travail. Ce n'est plus le cas dans la plupart des entreprises au Québec. Et tant mieux! Mais ce que l'on semble oublier, c'est que la moyenne générale de scolarité des Québécois s'est considérablement accrue depuis 1960. Il est devenu rare de rencontrer un ouvrier qui n'a pas neuf ou dix ans de scolarité, sinon plus. En conséquence, et compte tenu de l'évolution des communications et de la tendance accrue et très saine, à notre avis, des Québécois à rechercher un rayonnement qui déborde le Québec, que ce soit à titre d'ouvrier spécialisé, de professionnel, de cadre de grande entreprise ou de PME, que

ce soit à titre d'entrepreneur à son propre compte ou que ce soit à titre d'intérêt culturel, social ou de simples loisirs, il s'ensuit qu'on n'a pas de raison de priver le francophone d'un avantage dont l'on gave l'anglophone, c'est-à-dire la maîtrise d'une langue seconde en plus de sa propre langue. (15 h 30)

Peu importent la bonne volonté et les bonnes intentions invoquées pour expliquer ou justifier l'attitude actuelle, c'est à notre avis un manque de vision et de réalisme criant. Et nous manquerions à notre mission de francisateurs intégrés dans la vie économique de Québec si nous n'attirions pas vigoureusement l'attention sur ce point vital pour permettre aux francophones de mériter et de conserver la juste place qui leur revient dans le monde complexe de l'économie québécoise nord-américaine.

Le problème des bons de commande. D'après la loi, les bons de commande doivent être rédigés en français. C'est sans contredit une pierre d'achoppement dans la plupart des services des achats des entreprises. Les acheteurs constituent la clé de voûte de l'équilibre financier d'une entreprise, pour ne pas dire une condition de réussite et de rentabilité. Or, les acheteurs qui ont du métier sont souvent des anglophones, étant donné les achats à faire à l'échelle nationale ou internationale. Ces acheteurs sont de plus en plus appuyés par des adjoints ayant une connaissance du français et de l'anglais. Cependant, pour longtemps encore, c'est-à-dire toute la durée de la formation professionnelle des nouveaux éléments, les choses se passeront en anglais et elles se passeront toujours rapidement. Le temps est un facteur prépondérant dans ce domaine. En conséquence, sauf de rares exceptions où les bons de commandes ne sont pas nombreux ou dans les cas où il a été possible de les coder entièrement, y compris la description de la marchandise, le rempli de ces bons de commandes se fait encore souvent en anglais. Il ne faut pas oublier également que dans l'ensemble d'un système national ou international des achats, la relation doit s'établir avec la gestion des stocks, l'informatique, les documents de suivi, la vérification, le marquage etc. Les délais dans le mécanisme des commandes entraînent une paralysie, une incohérence et une inefficacité catastrophique des activités. Nous demandons donc que soit exclue des articles exécutoires de la loi l'obligation de remplir les bons de commandes en français, ceci, afin d'éviter que la loi ne soit pas respectée, avec les conséquences qui s'y rattachent.

Dans sa sagesse, le législateur a prévu que certains aspects de la loi soient négociables quant aux délais ou à l'application. Il n'est nullement question ici de proposer une modification de ce système. Il est établi toutefois que dans certains cas, les entreprises ayant à leur solde les représentants les plus astucieux ou les juristes les plus habiles réussissent à faire accepter globalement comme parfaits et irréprochables les 30% dont nous parlions antérieurement. À notre avis, on fait le jeu de l'autruche et on masque des problèmes réels de francisation.

D'autre part, certaines entreprises mal conseillées ou faisant face à un négociateur de la partie gouvernementale qui se montre particulièrement rigide et exigeant, que ce soit sur la loi, les règlements, les ordonnances ou les simples désirs ou préférences de la partie gouvernementale, il s'ensuit que les 30% tout entiers sont reprochés brutalement et en bloc à l'entreprise et même souvent, une bonne partie des 70% de l'acquis favorable de l'entreprise est remise en question. Que faire? La question n'est pas tant de cerner les entreprises qui semblent irréprochables et ne le sont pas, que d'éviter que ne tourne au drame la situation des entreprises à qui l'on reproche tout sans qu'elles ne soient ni pires ni meilleures que bien d'autres dans l'implantation de leur programme de francisation. Le résultat concret, bien que plus rare qu'on le croit, c'est que cette mésentente entre l'entreprise et les responsables de l'application de la loi peut parfois constituer un élément décisif pour déplacer ou muter un poste, un service, voire une administration ou un siège social. Dans la plupart des cas, c'est inutile, coûteux pour l'entreprise et le Québec, et surtout, évitable. Il ne faut ménager aucun effort pour rétablir le dialogue.

L'informatique. Tout s'informatise mais presque tout dans ce domaine se conçoit, s'élabore et se distribue en anglais. Dans de telles circonstances, il faudra beaucoup de compréhension de la part du gouvernement, surtout quand on constate à quelle vitesse ce domaine évolue. Il semble bien qu'il faudra s'attaquer pour le moment uniquement à la francisation de ce qui atteint un grand nombre d'utilisateurs et surtout à ce qui est en voie de réalisation plutôt qu'à l'appareillage déjà existant, étant donné la vitesse fulgurante de l'évolution de l'informatique.

La terminologie. Les lexiques et ouvrages publiés par l'Office de la langue française ont certes rendu de bons services en matière terminologique, à l'exception de certaines publications trop spécialisées ou destinées à un nombre trop restreint d'intéressés. Il faut donc continuer à publier des lexiques, les faire connaître et en assurer une distribution plus efficace. Toutefois, le service de consultation de l'OLF est insuffisant pour les besoins: lignes téléphoniques toujours engagées et lenteur du service. Plus accessible et mieux connu, ce service atteindrait ses objectifs de dépannage

tout en introduisant du même coup une terminologie valable chez les demandeurs qui ont souvent peu de moyens et de ressources terminologiques.

Le stockage, le traitement et l'échange de terminologies ponctuelles a l'aide de l'informatique préoccupent de plus en plus nos membres. Ces derniers souhaiteraient que l'on donne à la Banque de terminologie du Québec les moyens de devenir le serveur naturel des entreprises qui le désirent. Pour ce faire, la BTQ devrait pouvoir offrir, en plus des services actuels, des possibilités de stockage personnalisé, de traitement spécialisé et d'accès à d'autres banques de terminologie situées à l'extérieur du Québec. Des décisions positives dans un avenir immédiat et des mécanismes concrets dans ce sens permettraient de favoriser le regroupement des différents secteurs de l'entreprise en ce qui a trait à la terminologie. En plus, un tel outil assurerait à la BTQ des apports terminologiques importants et concrétiserait définitivement le concept de partage des tâches terminologiques énoncé par l'office, il y a maintenant plus de cinq ans.

Il y a consensus dans la plupart des entreprises à savoir que l'entreprise ne devrait pas supporter seule le fardeau de faire respecter la loi face aux fournisseurs. L'OLF et la commission de surveillance devraient faire une campagne de sensibilisation et assurer un suivi auprès des compagnies fautives. C'est d'autant plus important que les fournisseurs des entreprises varient constamment. En effet, le taux de roulement des fournisseurs est tellement fort - jusqu'à 50% en six ans dans le cas des grands magasins - qu'il est presque impossible pour l'entreprise d'assurer le suivi au jour le jour en matière de francisation auprès de ceux-ci. Cela n'est d'ailleurs pas le rôle de l'entreprise.

Nous aimerions conclure en disant que, malgré la pluie de commentaires, d'observations et de recommandations que nous venons de formuler, nous tenons à rappeler encore que 70% des objectifs de francisation des entreprises sont atteints. Les 30% qui restent sont coriaces et il faudra beaucoup de patience et de réalisme pour accepter un rythme de francisation considérablement plus lent à compter de maintenant, puisque le plus difficile a été gardé pour la fin, ce qui est tout à fait normal. Toutefois, si on sait y mettre l'effort voulu, on constatera tout de même que francisation efficace et vigueur économique ne sont pas nécessairement incompatibles, bien au contraire.

Nous tenons à remercier tous les membres de cette commission d'avoir bien voulu nous entendre.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Guérin.

M. le ministre.

M. Godin: Mme la Présidente, Mme Audette, M. Guérin, et les autres membres de l'association, d'abord ce que nous apprécions dans votre mémoire, c'est que vous êtes vraiment des gens du terrain, qui vivez le problème et le processus de francisation au jour le jour à l'intérieur même de la réalité complexe d'entreprises aussi bien commerciales que de fabrication même financières. Je retiens également une de vos suggestions à l'égard de la Banque de terminologie du Québec. Vous demandez que la banque ait les moyens de devenir le serveur naturel de toute entreprise qui le désirerait.

Nous avons déjà fait savoir aux entreprises que cette demande sera prise en considération quand la banque de terminologie fera un changement de génération. Notre système actuel ne nous permettrait pas de le faire mais dès que nous acquerrons un nouvel ordinateur, un nouvel équipement plus moderne, plus adapté à vos nouveaux besoins, nous serons en mesure de répondre à cette question de façon favorable.

Deuxièmement vous demandez d'offrir des possibilités d'accès à d'autres banques situées à l'extérieur du Québec. Ce sera également possible. On m'informe que le réseau iNet, de Bell Canada - cela se prononce "yNet" ou "iNet", je ne sais trop -permet d'avoir accès à plusieurs banques au moyen d'une procédure d'accès extrêmement simplifiée. Nous envisageons donc à la Banque de terminologie du Québec de faire partie de ce réseau.

Je retiens aussi un certain nombre de suggestions que vous faites mais j'aurais quelques questions à vous poser sur les 30%, comme vous vous imaginez bien. D'abord à la dernière page de votre mémoire vous dites: "Le plus difficile a été gardé pour la fin, ce qui est tout à fait normal." Premièrement j'aimerais savoir ce que vous entendez par "le plus difficile". Deuxièmement j'aimerais savoir si ces 30% se situent à la même place dans toutes les entreprises ou si c'est relié à une entreprise qui serait de plus haute technologie, si c'est plus facile ou plus compliqué dans le domaine du commerce de détail. À quel moment est-ce que les 30% font problème et quels moyens concrets nous suggéreriez-vous d'utiliser pour résoudre ces problèmes? Est-ce que ce serait via l'Office de la langue française, qui changerait ses ententes avec les entreprises? Est-ce que ce serait par des campagnes d'information? De quelle manière pourrions-nous accélérer, enfin, maintenir le rythme de croisière actuel, qui ne vous semble pas si mauvais de toute façon? J'aimerais avoir vos réponses là-dessus.

Également avant de vous passer la

parole je m'attarderai à votre chapitre qui touche la bilinguisation du Québec. Les chiffres que nous avons obtenus de Statistique Canada montrent que 1 500 000 Québécois francophones sont bilingues alors que 334 000 Québécois anglophones, seulement, le seraient. Je pense que - je l'ai dit dans mon discours de ce matin - les francophones du Québec sont le peuple le plus bilingue au monde.

Avez-vous des exemples concrets qui montreraient qu'il y a une demande de bilingues au Québec qui ne peut être comblée présentement ou s'il s'agit seulement de la jeune génération qui maîtriserait moins la langue maternelle, anglaise ou française? J'aimerais avoir des réponses à cette question parce qu'elle contredit un peu les données que nous avons par ailleurs et qui nous semblent scientifiquement valables.

En terminant j'aimerais vous demander si les 30% qui restent - au-delà de la question que j'ai posée au début - tiennent aux mentalités ou à des problèmes très concrets, très pratiques, très pragmatiques qui pourraient être résolus par des moyens autres que la persuasion comme on l'a vécu ce matin dans le mémoire de Pratt et Whitney où on se rend compte qu'il reste des cas où la loi 101 est encore extrêmement nécessaire, sinon essentielle, pour que les Québécois puissent travailler en français chez eux. Ce sont mes questions, mesdames et messieurs, pour le moment.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. Guérin.

M. Guérin: Je pourrais peut-être répondre à une ou deux questions de M. le ministre. Quant aux 30% qui restent, un des problèmes que nous rencontrons dans la plupart de nos entreprises naît du manque d'intérêt de la part des employés, du manque de fierté auxquels on devrait pouvoir s'attendre. (15 h 45)

Au début de l'application de la loi 101, on a parlé d'une résistance passive. Je crois que nous tous vivons actuellement cette résistance passive, non pas de la part de nos employés anglophones, mais de celle de nos employés francophones qui ont travaillé 10, 15 ou 20 ans en anglais. Du jour au lendemain, si on leur demande de travailler en français, ils doivent avouer - dans le cas de cadres de niveau supérieur, cela peut être assez humiliant - ne pas être capables de communiquer de façon compréhensible.

Un deuxième point que j'aimerais souligner pour répondre à M. le ministre: la connaissance du français. Vous me demandez s'il s'agit de la jeune génération. Je crois qu'il est très courant d'embaucher aujourd'hui des diplômés d'université francophone - que ce soit de faculté de génie, d'administration, enfin, dans les facultés les plus visitées par l'entreprise - qui ont de la peine et de la difficulté à régider un compte rendu convenablement. Ils vont préparer une étude dans un français qui ferait pleurer nos bonnes soeurs qui enseignaient il y a 25 ans. Je crois que je devrais laisser la parole à d'autres de mes collègues pour ce qui a trait aux autres points sur lesquels vous posez des questions.

Le Président (M. Gagnon): Mme Julien.

Mme Julien (Viviane): En ce qui a trait aux 30% dont on parlait plus tôt et qui semblent créer une petite interrogation chez certains d'entre vous, je suis d'accord avec ce que Maurice Guérin vient...

Le Président (M. Gagnon): Est-ce que vous voulez approcher un peu votre micro s'il vous plaît?

Mme Julien: Je suis d'accord avec ce que Maurice Guérin vient de mentionner au sujet de l'attitude des francophones. C'est un fait qu'il y a une certaine résistance. Il y a également les aspects qui varient d'une entreprise à l'autre, à mon avis. Les 30% difficiles à faire ne sont pas les mêmes d'un endroit à un autre. Ils tiennent aux difficultés techniques professionnelles et propres à chaque entreprise. Ce n'est pas seulement une question d'attitude, à mon avis.

M. Guérin: Je crois que dans certaines entreprises ou dans plusieurs entreprises on a dès le départ mis l'informatique de côté pour la garder pour la fin, car c'était un des aspects les plus coriaces. L'identification de la machinerie en place ou qui était en place au moment de l'adoption de la loi a, dans bien des cas, été reportée elle aussi à la toute fin, tout simplement parce qu'on ne disposait pas d'une terminologie qu'on commence à peine à pouvoir utiliser. Même là, on rencontre de grands problèmes à faire utiliser ou à faire comprendre cette terminologie par l'ouvrier qui est dans l'usine. Nous avons mentionné le service des achats, les problèmes des acheteurs. C'est le problème que l'on rencontre le plus fréquemment dans la plupart de nos entreprises. La terminologie ne venant pas des fournisseurs, dans bien des cas, n'est pas disponible. C'est un domaine qui va prendre encore quelques années.

M. Godin: Vous estimez, M. Guérin, que le consommateur québécois devrait être servi en français dans tout le territoire du Québec. Si oui, est-ce qu'il ne faut pas que la francisation commence quelque part? Si ce n'est pas chez le fournisseur qui serait étranger, admettons un fournisseur japonais,

à qui devrions-nous confier la tâche ou le mandat de voir à ce qu'un consommateur qui débourse - je pense aux appareils de télévision en couleur - entre 600 $ et 900 $ puisse acheter un téléviseur dont les inscriptions seraient en français? Qui, selon votre expérience du commerce au détail, devrait être chargé de voir à ce que cet aspect de la francisation du Québec se réalise? Est-ce que ce devrait être laissé à n'importe qui ou s'il y aurait un niveau, un maillon de la chaîne sur lequel on devrait précisément insister davantage pour que nous parvenions à l'objectif?

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: Je préférerais laisser la réponse à Mme Julien qui est beaucoup plus familière que moi avec le commerce de détail.

Mme Julien: Comme on l'a mentionné dans le mémoire, dans le commerce au détail en particulier, depuis les six dernières années il y a au moins 50% des fournisseurs qui ont changé. Vous pouvez vous imaginer la tâche pour un commerçant - je ne parle pas des grands commerces, on peut parler des plus petits qui ont des changements de fournisseurs également - qui doit lui-même intervenir auprès de tous ses fournisseurs avec un poids bien limité. Ce n'est pas une tâche facile et c'est parfois, dans une certaine mesure, tout à fait impossible. Je pense que le gouvernement devrait intervenir plus directement auprès de ces fournisseurs, d'une part pour aider les entreprises à obtenir ce qu'on cherche et d'autre part, pour avoir un poids beaucoup plus important comme demandeur auprès des fournisseurs japonais que vous mentionniez tout à l'heure, par exemple. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Godin: C'est dans ce sens-là que nous avons mentionné ce matin que le ministre des Affaires intergouvernementales aurait peut-être un rôle à jouer éventuellement dans la poursuite des objectifs de la loi 101, à la grande surprise de mes collègues d'en face. Je pense que cela devient beaucoup plus clair maintenant qu'il s'agit d'une action qui a une envergure internationale. Je vous remercie de m'avoir donné ce renseignement qui sera utile à tout le monde.

En ce qui me concerne, M. le Président, c'est tout pour maintenant.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier nos invités pour le mémoire qu'ils ont soumis à cette commis- sion parlementaire. Je vais retenir les propos tenus ce matin par le ministre parce que nous avons une approche commune et ouverte sur l'avenir linguistique du Québec. Je dois dire que je trouve votre mémoire assez réaliste, très raisonnable. Je remarque que dans votre mémoire vous soulignez le fait qu'il n'y a pas de questions de la part des entreprises et certainement pas de ce côté-ci de la table, relativement à la francisation, la généralisation et l'utilisation du français. Je crois que cela est acquis, même par le milieu économique.

Vous soulignez que depuis les vingt dernières années, les entreprises ont commencé à s'adapter à la réalité québécoise. Je pense que cela confirme une étude faite en 1981 pour le Conseil de la langue française, une étude de Vaillancourt et Lacroix selon laquelle des raisons économiques avaient incité la plupart des entreprises à se conformer, à se franciser. Cela avait même été confirmé par une autre étude commanditée par le Conseil de la langue française, Éconosult, selon laquelle très peu de compagnies ont attendu la loi avant de commencer le processus de francisation. Même SECOR avait trouvé que parmi les compagnies qu'ils avaient examinées, une sur dix ne s'était pas conformée à la loi et que les autres s'étaient conformées elles-mêmes pour des raisons économiques. Je pense que c'était un processus inévitable. Ce que nous cherchons aujourd'hui, je présume, c'est de voir dans quelle mesure vous pouvez faire des recommandations pour améliorer le climat et assainir le processus où il semble y avoir des critiques dans certains milieux.

Je voudrais revenir à votre question des 30%. Est-ce que c'est identifié à certains milieux plus qu'à d'autres? Est-ce que ce sont 30% à l'échelle de toutes les entreprises? Autrement dit, ce sont des entreprises qui, pour une raison ou une autre - la nature de leur travail; je pense par exemple au domaine de la recherche et du développement, aux entreprises de haute technologie - qui ont de la difficulté à se conformer aux exigences de la loi ou du règlement ou est-ce une généralisation à l'échelle de toutes les entreprises?

M. Brockbank (Roger): Je peux peut-être tenter de répondre là-dessus. Les 30%, nous les constatons pour l'ensemble des entreprises, surtout quand on parle de grandes entreprises au Québec. Là ou les 30% sont peut-être un peu plus serrés, c'est dans les entreprises qui ont une technologie très avancée ou une technologie de pointe, parce qu'elles sont souvent plus spécialisées et on n'a pas toujours d'équivalents ailleurs qui nous permettent facilement de franciser les secteurs névralgiques dans ces entreprises. Mais cela

n'influe pas suffisamment sur les 30% pour que cela dégonfle ou que cela déséquilibre complètement la proportion qu'on a établie à 70-30.

M. Ciaccia: Ce matin, nous parlions de 7% d'irréductibles. Je pense que c'est le chiffre que le ministre avait lancé. Est-ce que ces 7% sont homogènes, est-ce dans des entreprises spécifiques ou est-ce que cela se trouve dans tous les milieux? Autrement dit, ont-elles toutes les mêmes raisons pour ne pas aller au bout de la francisation, comme vous dites?

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: C'est évident qu'il y avait des entreprises, dès le départ, qui avaient pris la décision de ne pas se conformer, pour une raison ou pour une autre. Nous avons vu ces entreprises dans des rapports annuels de l'Office de la langue française. Au départ, certaines entreprises étaient même toutes francisées, mais refusaient de se conformer.

M. Ciaccia: Ces entreprises font partie de vos 7%, comme la Presse, par exemple, qui ne voulait pas se conformer.

M. Guérin: Ce ne sont pas nos 7%, ce sont les 7% de M. le ministre.

Maintenant, ces entreprises n'ayant jamais eu de membres dans notre association, c'est assez difficile pour nous de les identifier.

M. Ciaccia: Nous cherchons toujours à améliorer, à trouver les réponses à certains problèmes qui sont soulevés pour des raisons économiques. Nous parlons souvent de la nécessité de la haute technologie. Est-ce que cette industrie a des exigences différentes des autres? Au sujet de la loi 101, telle qu'elle est présentement rédigée et telle qu'elle est présentement appliquée par les règlements de l'Office de la langue française et la commission de surveillance, pouvez-vous dire qu'il n'y a aucun problème, soit pour la recherche et le développement, soit pour les entreprises de haute technologie, pour se conformer à la loi au Québec?

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: En ce qui a trait aux industries de recherche et de développement, dès le départ il ne faudrait pas oublier que, selon moi ou d'après ce que j'ai vu, la plupart bénéficient d'une entente particulière. Certaines ou le grand nombre d'ententes particulières qui ont été négociées pour la grande entreprise l'ont été au tout début et, personnellement, je trouve que ces ententes sont loin d'être astreignantes, comme on pourrait le laisser entendre. Elles sont suffisamment flexibles et elles sont même très flexibles dans certains cas, comme on a pu le voir.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Dans les dernières années, on a vu certaines entreprises qui ont déménagé quelques-unes de leurs activités hors du Québec. Je sais que c'est un sujet très sensible, mais je crois qu'il faut en discuter. Je voudrais avoir des informations de vous et peut-être une opinion. Quand on voit que CAE Electronics a déménagé certaines de ses activités à Ottawa - elle oeuvre encore au Québec, mais elle a déménagé certaines activités a Ottawa et à Toronto - que AES Data, pour la recherche et le développement, compte sur ses filiales hors du Québec, et il y a une foule d'autres - j'essaie maintenant d'éviter de mettre tout le blâme sur certains aspects de la loi - est-ce que - on parlait de Pratt et Whitney, ce matin, certaines de ses activités ont même été déménagées en dehors du Québec - les exigences de la loi 101, sa réglementation et son application peuvent avoir eu une influence sur ces compagnies ou ces sociétés pour qu'elles déménagent certaines de leurs activités? Je me limite spécialement à la recherche, au développement et à l'aspect de la haute technologie. (16 heures)

M. Guérin: C'est une question à laquelle il est assez difficile de trouver une réponse. On n'est pas placés pour être capables d'évaluer si tel laboratoire de recherche a déménagé en raison d'une application trop intransigeante de la loi 101. Est-ce que c'était pour des aspects économiques? Je ne le sais pas...

M. Ciaccia: Quand vous parlez des 30%, c'est un avertissement que vous donnez au gouvernement et à l'ensemble de la population. Vous dites: "De quoi donc se composent-ils ces 30% qui achoppent? En réalité, on y trouve ce qui ne pouvait être prévu par la loi, tout ce qui est exigé par la loi." Vous parlez des particularités d'un secteur ou d'une industrie. Auriez-vous des exemples que vous pourriez nous donner? Vous parlez de l'étroite dépendance de certaines industries à l'égard de l'hégémonie linguistique et économique de nos voisins du sud. Pourriez-vous nous donner des exemples de certaines industries qui sont particulièrement affectées?

M. Brockbank: On pourrait donner l'exemple d'une entreprise à caractère international que M. Fortier connaît assez bien, je pense. Je pourrais donner l'exemple de la firme SNC, qui fait du travail à l'échelle internationale, la firme d'ingénieurs-

conseils, qui traite des domaines de haute technologie et qui est appelée à fonctionner sur le plan international avec des fournisseurs et des clients venant de différents pays. Je dirais que, pour une bonne part, la technologie qui est développée, souvent à la demande même des clients et selon la volonté de la firme, ne vient pas du Québec. Les demandes viennent de l'extérieur. Cette technologie demeure en partie ici et est en partie exportée. Les gens qui composent les équipes qui travaillent au développement des différentes technologies viennent d'un peu partout dans le monde. Souvent, le vocabulaire utilisé, la langue première des personnes impliquées, les fournisseurs avec lesquels ils font affaires -parce qu'ils achètent au nom de - viennent de n'importe quel pays. Il n'y a pas de connotation de dire que cela vient du Canada ou du Québec ou d'un autre endroit. Je pense que dans ce sens, quand on agit sur un grand rayonnement, c'est un peu normal que l'on fasse affaires avec différents endroits et qu'on parle la langue du client. C'est toujours ce qui se fait, ce qui va se faire encore demain et après-demain. Je pense que c'est respecter en premier lieu le client avec lequel on fait affaires et qui nous fait vivre. Je dirais que si on parle dans ce sens des secteurs de pointe ou de la haute technologie, c'est souvent ce qui se produit. Je pourrais donner des exemples de d'autres entreprises dans les secteurs de pointe aussi qui font face au même phénomène. Quand on traite avec des fournisseurs qui viennent de beaucoup de pays, cela peut arriver qu'on puisse leur demander graduellement de traiter avec le Québec en français, mais c'est une question de temps. Si on veut être concurrentiel, si on veut attirer et développer des compétences ici, il ne faut pas apeurer les gens. Il faut fonctionner avec diplomatie et cela prend du temps.

M. Ciaccia: D'après vous, les postes clés dans le domaine des affaires aujourd'hui nécessitent-ils encore de la part d'une personne qu'elle connaisse les deux langues?

M. Guérin: Oui, absolument. Je ne dirais pas seulement les postes clés, je dirais tous les postes qui ont à traiter d'une façon ou de l'autre avec l'extérieur du Québec.

M. Ciaccia: Quand vous parlez de la langue d'enseignement dans votre mémoire, vous dites qu'il semble y avoir des avantages pour les anglophones. Dois-je interpréter vos commentaires dans le sens que la loi 101 est plus avantageuse pour ceux qui fréquentent les écoles anglaises au Québec si, d'après vous, ceux qui fréquentent les écoles anglaises en sortiront bilingues - vont graduer bilingues - connaissent mieux les deux langues? Vous venez de me dire que pour les postes clés vous avez besoin des deux langues; est-ce que je me tromperais, et non seulement moi parce qu'il y a beaucoup de gens qui semblent dire que cet aspect de la loi avantage ceux qui fréquentent les écoles anglaises? Je ne dis pas que cela avantage le secteur anglophone, non, non, mais ceux qui fréquentent l'école anglaise?

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: Je crois qu'un point qu'on tient à souligner - et on le mentionne très brièvement - c'est la faiblesse du système éducatif actuellement au Québec.

Vous demandez si l'on favorise les écoles anglaises, c'est-à-dire si la loi favorise les écoles anglaises. Non, c'est que le système tel qu'il est actuellement dans l'école française est déficient tant dans l'enseignement de la langue maternelle que dans l'enseignement d'une langue seconde. De laisser croire à la génération qui est actuellement à l'école comme celle qui en sort présentement qu'elles n'auront jamais à utiliser l'anglais dans leur cheminement de carrière, c'est leur faire perdre énormément de chances d'avancement et tout simplement de les leurrer. Je crois que la loi 101 ne favorise pas l'école anglophone mais ce qu'elle fait ressortir, c'est la faiblesse du système français.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Vos commentaires sont très importants sur ce sujet. Seulement pour vous donner un exemple, il y a des étudiants de différentes écoles qui viennent visiter le parlement et on demande aux députés de les accueillir. Au mois de juin dernier, des étudiants d'une école de Toronto, sur Avenue Road, sont venus à Québec. On m'a demandé d'aller les accueillir et de leur parler. J'ai tenu pour acquis que puisqu'ils venaient de Toronto, d'une école anglaise, je devais leur parler en anglais. À mon étonnement c'étaient des enfants de cinquième et de sixième année - ils parlaient tous le français. Cela faisait partie de leurs cours à cette école. Je pense que c'est peut-être une illustration du point que vous soulevez dans votre mémoire, qu'on peut avoir la francisation au Québec sans éliminer la nécessité d'une autre langue, tenant compte de la situation géographique ainsi que de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons.

Sur la question des règlements, vous avez dit qu'il y avait certains règlements qui n'étaient pas...

Le Président (M. Gagnon): Si vous me le permettez, c'est que j'ai des demandes. Il

y a d'autres membres de votre formation qui veulent intervenir et vous avez pris pas mal de temps. Je vous laisse libre de continuer, mais il y a deux demandes de votre côté pour intervenir.

M. Ciaccia: Alors, je poserai seulement une autre question. Est-ce que sur la légalité des règlements, vous avez eu connaissance de certains avis juridiques qui avaient été fournis, soit à l'Office de la langue française, soit au gouvernement sur l'illégalité de certaines réglementations de l'Office de la langue française?

M. Guérin: Je crois que nous avons pu, comme tout le monde, lire dans les journaux les communiqués qu'il y a eu à cet effet. Plus que ça, non.

M. Ciaccia: J'aurais d'autres questions, M. le Président, mais je pense que je vais céder à votre requête et donner la chance à d'autres de mes collègues de poser des questions.

Le Président (M. Gagnon): C'est ça. Alors, merci.

M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Mme Audette, Mme Julien, M. Guérin et tous les représentants de l'association, je suis sûr que nous serions très heureux de causer longtemps avec vous parce que vous êtes sûrement très experts en francisation. D'ailleurs la loi 101 aura eu au moins le bon effet de créer un certain nombre d'emplois. Cela a suscité l'émergence d'experts en francisation. C'est une profession nouvelle, c'est une belle profession.

Votre mémoire est bien rédigé - je tiens à vous le dire parce que ce n'est pas toujours le cas - dans une langue très simple et très claire. La qualité de votre mémoire fait que je m'interroge un peu à savoir si la description que vous faites des lacunes, des failles énormes dans la formation linguistique en français comme en anglais n'est pas un peu excessive. Comment se fait-il qu'on puisse encore rédiger des mémoires de si belle qualité s'il y a des failles aussi énormes?

Je reconnais avec vous qu'il y a des failles énormes - je cite la page 5 et vous y revenez aux pages 8 et suivantes - et on peut croire, comme vous l'affirmez, "que cette situation dessert les francophones plus que les anglophones et qu'il faudrait trouver un moyen de remédier à cela si nous voulons que les francophones puissent occuper leur juste place" - je vous cite. On sait que c'est un phénomène de civilisation, ce n'est pas seulement une question de loi et de comportement de telle ou telle entreprise, ce n'est même pas principalement une question de régime scolaire, c'est un phénomène de civilisation. On peut constater que la qualité d'expression n'est malheureusement pas une valeur universellement reconnue, ce n'est pas très important pour la plupart des gens. Même les gens qui soignent leur expression sont souvent ridiculisés par des Jos connaissants qui se pensent très forts parce qu'ils sont devenus très compétents dans une matière donnée et eux, le culturel, ils se fichent de cela.

Ce n'est pas seulement en Amérique du Nord - on est porté à blâmer les Américains, on les blâme de toutes sortes de choses - en France même, ô sacrilège! les lycéens ne savent plus, paraît-il, écrire un français correct. Il y a donc là des phénomènes extrêmement répandus.

En nous parlant de ces problèmes vous nous donnez des indications sur le nombre d'heures d'enseignement et il y a un tableau en annexe à votre mémoire où l'on traite de cela, ce qui pourrait donner à entendre que vous pensez que la solution se trouve dans le nombre de minutes d'enseignement. Quant à moi j'ai de forts doutes. Il me semble que, si les failles sont telles que vous les décrivez, il y a autre chose en cause à part la durée de cet enseignement, à part le temps consacré par les maîtres et les élèves à l'étude d'une langue première ou seconde; il y a quelque chose d'autre, sûrement des questions de méthode, mais cela dépasse l'école. Je me répète, c'est un phénomène de civilisation.

Est-ce qu'on ne pourrait justement pas s'attendre des entreprises - vous êtes tous engagés dans des entreprises - qu'elles n'attendent pas les niveaux très supérieurs pour encourager les gens qu'elles recrutent à s'intéresser aux aspects linguistiques et culturels de la vie et à être autre chose que de simples techniciens? On sait très bien que généralement les présidents d'entreprises sont des gens qui s'intéressent aux choses culturelles. Il faudrait de plus en plus qu'une chose comme la qualité d'expression compte si on engage un commis, une secrétaire ou un technicien à quelque niveau ou dans quelque domaine que ce soit.

À part la durée de l'enseignement - et je vous dis qu'à mon avis ce n'est pas suffisant - comment pouvons-nous corriger ces failles énormes que vous avez relevées?

Le Président (M. Gagnon): Vous posez la question à Mme Audette?

Mme Audette: M. le député, vous venez simplement de donner un très bon exemple des 30% qu'on essayait de vous illustrer tout à l'heure. C'est une des façons avec lesquelles on pourra compléter la francisation au Québec, entre autres en essayant d'intéresser les gens du Québec au fait

français, à leur langue, mais ce n'est pas demain matin la veille. Il ne faudra pas que l'office nous donne, par exemple, six mois pour franciser le Québec. Ce que vous venez d'illustrer fait partie des 30%. Cela prendra cinq ans, dix ans, quinze ans, ce sera la génération qui est toute jeune ou celle qu'on réussira peut-être à sensibiliser pas seulement au fait français, mais aussi à l'importance d'apprendre une deuxième, une troisième, une quatrième langue, peut-être. (16 h 15)

Pour répondre à la question du député, cela fait bel et bien partie des 30% qu'il reste à faire et ce n'est pas demain matin qu'on pourra l'accorder. C'est entendu, si on était tous missionnaires dans l'âme et s'il ne fallait pas absolument travailler et manger trois fois par jour, peut-être qu'on réussirait à le faire en cinq ans. Mais il faut quand même ne pas oublier la réalité économique. Pour la plupart d'entre nous, moi-même et tous ceux qui nous accompagnent aujourd'hui - cela fait cinq ans, six ans - nous étions présents à la première commission parlementaire et, depuis ce temps-là, nous avons travaillé à la francisation, toujours comme bénévoles ou missionnaires, appelez cela comme vous voulez. C'est peut-être avec des campagnes de sensibilisation - mais attention, pas de n'importe quelle sorte -qu'on réussira à franciser de plus en plus. Peut-être que, dans deux ou trois ans, on reviendra ici et on dira: Bon, ça y est! On est francisé à 80%. Et on vous expliquera les 20% qu'il restera. Mais le monde étant ce qu'il est, en fait - évidemment, vous aussi avez raison - c'est une question de civilisation, c'est une question de culture. Rome ne s'est pas bâtie en un jour. Voilà.

M. de Bellefeuille: Vous ne prétendez pas, dans votre mémoire, être experte en matière d'éducation. Vous ne vous dites pas pédagogue.

Mme Audette: Pas du tout. Par contre, personnellement, j'ai une entreprise. Je m'occupe de formation linguistique. Je ne me fais pas de publicité; loin de là. Je me rends compte que le système ou la loi 101, en fait, ne pénalisent pas seulement les francophones comme tels. Faites une enquête auprès des anglophones qui sortent des écoles. Ils ne savent pas plus écrire leur anglais puisqu'on doit leur montrer à écrire leur anglais. On trouve des gens dans les milieux de traduction, qui ont étudié quatre ans, trois ans en traduction dans les universités du Québec, qui ne savent pas écrire leur français. Comment voulez-vous demander à un ingénieur ou à quelqu'un qui a étudié dans des bouquins anglais de très bien s'exprimer verbalement? Encore là, on a des chances qu'il puisse bien s'exprimer en français, mais par écrit, c'est terrible. C'est autant le système français que le système anglais.

M. de Bellefeuille: Donc, la critique que vous faites du régime scolaire s'applique autant du côté anglais que du côté français.

Mme Audette: Mais pour les besoins de la cause et les besoins du mémoire, on cherche quand même aussi à protéger ou à ouvrir des postes accessibles aux francophones dans l'entreprise, puisque c'est ce qui nous concerne, finalement. On aimerait bien avoir notre place un jour. On y arrive, mais peut-être pas aussi rapidement qu'on le voudrait là aussi et cela fait également partie des 30% qu'il reste à faire.

M. de Bellefeuille: Tout en ne vous prétendant pas experts en pédagogie, vous êtes, en quelque sorte, des amateurs éclairés puisque vous avez à faire face, professionnellement, continuellement aux effets du régime scolaire. Qu'est-ce qu'il faut faire? On a bien établi que ce n'est pas seulement au régime scolaire de remédier à cela, mais le régime scolaire a quand même des responsabilités. À part les minutes d'enseignement, qu'est-ce que vous avez pu observer, par exemple, par rapport aux méthodes d'enseignement?

Mme Audette: Quant aux méthodes d'enseignement, il faudrait vraiment que je retourne aux sources. Je ne suis pas assez dans le milieu de l'enseignement comme tel. Mais si on prend l'exemple des enfants, j'imagine qu'une méthode vaut bien l'autre, mais c'est peut-être le fait aussi de la télévision. Les enfants sont moins portés à lire ou on accorde moins d'importance à cela dans le système. On a même recommencé, même au niveau de la maîtrise dans les universités, à recompter le nombre de fautes d'orthographe. Le mémoire, la maîtrise comme telle ou...

Une voix: La thèse.

Mme Audette: ...la thèse n'est pas acceptée si elle est trop criblée de fautes. On demande à des spécialistes de la revoir. Il s'agit d'étudiants au niveau de la maîtrise. Ils sont dans le système d'éducation depuis 20 ans, depuis 1960, comme on le mentionne dans notre mémoire.

M. de Bellefeuille: Ma dernière question...

Le Président (M. Gagnon): Une dernière question très brève, parce que vous avez épuisé tout votre temps.

M. de Bellefeuille: Je regrette. Je vais quand même poser ma dernière question qui

est fondée sur une remarque que Mme Julien a faite à propos des fournisseurs. Vous avez proposé que le gouvernement intervienne auprès des fournisseurs. C'était à partir du problème du téléviseur pour lequel on dépense une grosse somme d'argent alors qu'on n'a même pas d'instructions en français.

Mme Julien: C'est-à-dire qu'il nous aide, à tout le moins.

M. de Bellefeuille: Oui, c'est cela.

Mme Julien: ...à intervenir davantage auprès des fournisseurs; qu'il ne laisse pas toute la responsabilité à l'entreprise comme telle d'aller chercher cette francisation -qu'il s'agisse des modes d'emploi, de l'étiquetage ou de l'emballage - auprès d'un fournisseur japonais ou autre, comme je l'ai mentionné tantôt.

M. de Bellefeuille: Ma question vise à savoir si on peut, lorsqu'on fait un examen détaillé de la loi 101, à la lumière de six années d'expérience, arriver à proposer à certains égards ce qu'on appelle des adoucissements, mais, à d'autres égards, ce qu'on pourrait appeler des durcissements de la loi.

Mme Julien: Je ne sais pas si j'appellerais cela un durcissement.

J'appellerais cela plutôt une autre façon de fonctionner. Si vous voulez appeler cela un durcissement, c'est une interprétation valable.

M. de Bellefeuille: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, je serai aussi bref que possible. J'avoue franchement que je regrette qu'on ne puisse pas disposer de plus de temps pour dialoguer avec nos invités. Il me semble que c'est là un des mémoires les mieux étoffés, les plus réalistes et, surtout, les plus spécialisés dans le domaine de la francisation de l'entreprise.

Je note avec plaisir des recommandations très spécifiques que vous faites. Par exemple, j'ai notamment fait référence ce matin aux règlements illégaux. Je n'ai pas du tout d'objection, quand vous faites allusion au règlement concernant les raisons sociales, à ce que vous concluiez que ce n'est pas le règlement illégal qu'on doit amender, mais l'article 69 de la loi. Voilà un exemple concret d'une bonne volonté qui donne un résultat que je ne qualifierais pas, mais là on en est rendu à avoir trois rapports financiers parce qu'on a besoin de trois raisons sociales, et c'est la loi qui l'exige. Je suis sûr que le ministre l'aura retenu et qu'à la mi-novembre il formulera l'amendement en conséquence. En tout cas, on sera là pour surveiller qu'il ne l'ait pas oublié.

Il en va de même quant aux recommandations concernant les bons de commande. Vous m'avez convaincu qu'on devra soustraire les bons de commande. On m'a expliqué comment on peut fonctionner dans les firmes qui oeuvrent dans tout le pays, sinon dans tout le continent et même mondialement. Je conviens fort bien qu'on doive fournir les services et les produits et qu'on ne puisse pas attendre. Le temps est un facteur important.

Cela étant dit, je veux vous dire aussi que, dans votre conclusion, quand on parle des 30% qui restent à faire, je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il va falloir être patient et réaliste. Vous parlez vous-même d'un rythme de francisation considérablement plus lent à compter de maintenant, non pas parce qu'on ne veut pas franciser jusqu'à 100% si possible, mais parce que, justement, il s'agit de ce qui est extrêmement difficile à faire et on ne veut pas que les effets de nos efforts sur le plan économique viennent brimer nos intérêts.

Cela étant dit, quant à l'enseignement de la langue seconde chez les francophones, mon cas est peut-être l'exemple que je devrais donner. Chez nous, dans ma génération, sans vous dire mon âge, peut-être à cause de la région où j'habitais, les parents insistaient beaucoup pour que nous apprenions l'anglais immédiatement.

Effectivement, j'ai dû l'apprendre de force, parce que cela ne me tentait pas plus qu'aux autres francophones de l'apprendre à ce moment. Par contre, j'ai réalisé très vite jusqu'à quel point cela pouvait être un avantage de posséder une deuxième langue puisque, dès mon engagement par une compagnie nationale à Hull, Québec, j'ai pu assez rapidement être promu à un poste au siège social de la compagnie à Toronto parce que je parlais l'anglais.

Quand je constate dans les données de Statistique Canada qu'en 1981, au Québec, plus de la moitié de toutes les personnes ayant déclaré l'anglais comme langue maternelle, en fait 53,4%, pouvaient converser en français et en anglais, ce qui représente une hausse de 36,7% par rapport à 1971 - donc, il y a beaucoup plus d'anglophones, de gens qui ont l'anglais comme langue maternelle qui parlent maintenant le français - et que je constate, par contre, que chez les francophones, chez les gens qui ont le français comme langue maternelle, c'est de 60,9% à 60,1% seulement qu'on a diminué la proportion de ceux qui ne parlent pas l'anglais, entre 1971 et 1981, je me dis: Chez vos clients ou chez les compagnies que vous représentez qui ont leur siège social à Toronto ou en Colombie

britannique - vous en faites état, d'ailleurs, dans votre mémoire - il y a sûrement bon nombre de francophones qui n'ont pas une chance égale à la promotion. La question que je vous pose: Outre la nécessité sur laquelle vous insistez de mieux enseigner le français, est-ce qu'il y a d'autres solutions que l'incitation pour les francophones à apprendre l'anglais comme langue seconde? Je présume que c'est une de vos recommandations.

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: Peut-être que, si on avait toutes ces réponses, on serait au ministère de l'Éducation. On ne serait pas dans nos entreprises. On peut peut-être essayer.

M. Gratton: Pourrais-je reformuler ma question?

M. Guérin: Oui, s'il vous plaît!

M. Gratton: Est-ce que vous constatez, chez les compagnies que vous représentez, qu'il y a plus d'anglophones qui ont réussi à apprendre le français, qu'ils ont plus de chances de promotion et qu'effectivement ils sont promus plus facilement que les francophones?

Mme Audette: Je pense que, là encore, il faut être réaliste. Il faut voir un peu l'histoire de l'entreprise au Québec. Là, je m'embarque sur un terrain glissant, j'en suis consciente. Enfin, je vais essayer de vous dire ce que j'en pense, mais c'est uniquement moi qui pense de cette façon, non pas les entreprises que nous représentons. D'ailleurs, il est important de se rappeler que nous sommes ici à titre individuel. C'est une association d'individus et nous ne représentons pas nos entreprises. C'est très important. À force d'essayer de convaincre les anglophones d'apprendre le français, il va de soi que... De toute façon, ils les ont, les postes; ils ont en grosse partie encore je ne dirai pas 30% mais au moins 70% du capital. Je pense ne pas trop me tromper. C'est inévitable, ils auront encore les postes, bien que dernièrement j'aie vu une étude où on mentionnait que le nombre de francophones avait augmenté un peu à la tête des entreprises au Québec. Un peu. De là à vous dire quelles sont les recommandations qu'on pourrait faire pour cela à ce moment, tout entre en ligne de compte, la vie économique, la réalisation, la politique, enfin, vous le savez plus que moi.

C'est pour cela que je dis que oui, le système d'éducation est très important. Il faut aussi essayer de changer chez nos jeunes francophones du Québec la mentalité, essayer de ne plus autant leur répéter, comme on l'a fait au tout début de la loi 101 - il faut être conscient, on l'a dit - qu'on est au Québec et que, de toute façon, on n'a pas besoin de l'anglais pour travailler. Cela, on l'a dit. On était peut-être tout feu, tout flamme. Je m'en souviens bien, à ce moment, j'étais dans une entreprise. Je l'ai répété: L'anglais, on n'en aura plus besoin. Aux jeunes dans les cégeps, tout cela a été répété aussi, mais ce n'est pas la réalité économique, ce n'est pas la réalité de la vie de l'entreprise. On est au Québec, au Canada, dans un continent nord-américain. Ne serait-ce que pour voyager plus tard, car tout le monde voyage aujourd'hui. On pourrait discuter là-dessus très longtemps, mais de là à dire que les francophones occupent maintenant les postes, cinq ans ou six ans après la mise en place de la loi 101, moi, personnellement, je trouve que c'est peut-être un peu décevant. Peut-être qu'on a voulu aller trop vite aussi, et cela fait toujours partie des 30%.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Une dernière question très rapide, M. le Président. Sauf erreur, il y a certains programmes de francisation dans l'entreprise qui font qu'elles donnent des cours de français aux anglophones. Sûrement qu'à ce moment les compagnies, comme vous le dites, les firmes ne sont pas des écoles de langues, mais le fait demeure qu'elles paient ces écoles de langues, et, dans la mesure où on veut franciser et où tout le monde est d'accord, on risque également de jouer contre l'intérêt des francophones qui, eux, n'ont pas accès à des cours d'anglais dans la même entreprise.

Mme Audette: J'aimerais quand même ajouter, M. le Président, si vous le permettez, que cette année, enfin depuis septembre - la tendance est même très forte depuis l'an dernier - on donne de moins en moins de cours de français dans l'entreprise, mais des cours d'anglais et on a autant d'étudiants en anglais, sinon plus, cette année. En anglais langue seconde, en anglais écrit aussi. Les jeunes se rendent compte lorsqu'ils sortent de l'université que, s'ils veulent monter dans l'entreprise, ils n'ont pas le choix, ils doivent être capables de balbutier dans la langue seconde. (16 h 30)

M. Gratton: Excellent. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Mme Julien, vous vouliez ajouter quelque chose, je crois?

Mme Julien: C'est ce que Mme Audette vient de dire précisément. Justement, actuellement, on nous demande de plus en plus de donner des cours d'anglais à nos jeunes. Ce qu'on disait dans le mémoire,

c'est que l'entreprise ne doit pas indéfiniment être une école de langues. On a enseigné le français; on continue de l'enseigner. Maintenant, voilà qu'on enseigne l'anglais.

En ce qui concerne les cadres actuellement et les postes occupés par les francophones, mon expérience m'a démontré depuis quelques années qu'effectivement il y a eu une croisssance de cadres francophones aux niveaux intermédiaire et même supérieur. Il y en a davantage dans les milieux que j'ai côtoyés depuis un certain nombre d'années. Or, je crains qu'il ne se passe exactement l'inverse dans les années qui viendront, justement parce que les tout jeunes, les jeunes de 15, 16 ou 17 ans qui sortent actuellement des cégeps, qui seront nos cadres de demain, n'ont pas encore compris qu'il faut apprendre l'anglais. Leurs aînés le savaient, eux. Voilà.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Je m'excuse, mais juste une remarque avant de donner la parole à quelqu'un d'autre. Tantôt, on a mentionné que c'était dommage de ne pas avoir plus de temps. Je suis d'accord avec cela, mais je suis ici pour essayer de rendre justice à tous les intervenants, à tous ceux qui vont présenter un mémoire. On m'a demandé d'essayer de faire entendre un mémoire, avec les questions et les réponses, à l'intérieur d'une heure. Là, on a dépassé notre temps. Cela voudrait dire qu'éventuellement ce sont ceux qui vont venir par la suite qui vont en souffrir... Alors, on a dépassé d'au-delà de 20 minutes, mais la commission est maîtresse de ses travaux. Alors, on va devoir couper les autres un peu plus. Mme la députée de L'Acadie?

M. Gratton: M. le Président, je voudrais simplement dire que nous convenons de tenter, dans la mesure du possible, d'encadrer nos questions à l'intérieur d'une heure. Il me semble que, lorsqu'il s'agit d'un organisme comme celui qui est devant nous et de la pertinence des réponses qui nous sont fournies, on ne devrait pas s'encarcaner plus qu'il ne faut. On fait des efforts. Moi, j'en aurais pour une journée à jaser avec nos invités. Je ne voudrais pas, non plus, que cela s'allonge de façon à retarder indûment tous les autres. Mais soyons flexibles; peut-être nous rattraperons-nous un peu plus tard dans la journée.

Le Président (M. Gagnon): Avant de laisser la parole à Mme la députée de L'Acadie, je dois dire que j'ai eu des demandes aussi venant de ma droite et vous êtes en déficit actuellement sur le temps.

M. Gratton: M. le Président, me permettrez-vous de vous dire que, quand j'ai présidé les travaux sur la loi 22, on en était venu à jeter notre montre et à utiliser un calendrier pour compter?

Le Président (M. Gagnon): Alors, si on me donne cette directive-là... Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, je vais être très rapide. Je vais poser toutes mes questions à la suite. Alors, cela permettra, je pense, d'aller plus rapidement.

À la page 10 de votre mémoire, au deuxième paragraphe, est-ce que vous avez voulu dire que, finalement, l'apprentissage du français pour les anglophones serait meilleur que l'apprentissage du français, langue maternelle, pour les francophones? La façon dont c'est rédigé peut, je pense, créer cette impression-là.

Deuxième question: vous attribuez à la qualité de l'apprentissage du français des difficultés que vous rencontrez dans la francisation des entreprises. Est-ce vraiment dû à la qualité de l'apprentissage du français ou est-ce que ce ne serait pas dû au fait que ces entreprises que vous francisez ou que vous aidez à se franciser ont fonctionné longtemps dans la langue seconde? Vous semblez attribuer largement à la qualité de l'apprentissage du français les difficultés que vous rencontrez.

Troisième question: est-ce que vous faites la promotion d'un programme d'enseignement de l'anglais, langue seconde, qui soit identique à l'enseignement du français, langue seconde, dans les écoles anglaises? Vous faites des comparaisons de minutes, etc. Est-ce que vous voyez un peu la même approche pour combler cette carence dont vous avez parlé tout à l'heure, particulièrement Mme Julien?

Dernière question: est-ce que vous avez noté une diminution - il semble y avoir contradiction entre vous et nous, entre nous et le côté ministériel - du bilinguisme des employés ou des travailleurs francophones dans l'entreprise?

Le Président (M. Gagnon): M. Guérin.

M. Guérin: Je vais commencer par les deux dernières questions. La réponse est très simple, c'est oui dans les deux cas. En ce qui concerne les francophones dans l'entreprise, si l'on parle de la jeune génération, il y a une très forte baisse du bilinguisme.

Pour l'avant-dernière question...

Mme Lavoie-Roux: L'apprentissage de l'anglais, langue seconde.

M. Guérin: ... je crois que l'étudiant francophone dans le système scolaire français devrait au moins avoir autant de temps

accordé à l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde que les anglophones en ont pour l'apprentissage du français comme langue seconde.

Mme Lavoie-Roux: À partir du même niveau scolaire?

M. Guérin: À partir du début, madame.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que iriez jusqu'à parler de l'enseignement de matières en anglais?

M. Guérin: Éventuellement. Je suis un peu comme M. le "ministre". Moi aussi, j'ai eu la chance de faire mes études en partie en anglais et en partie en français parce que mes parents ont insisté.

M. Gratton: Je regrette, j'ai eu une promotion, mais pas celle de ministre encore.

M. Guérin: M. le député, je m'excuse.

Mme Lavoie-Roux: C'est une projection. Alors, un programme identique?

M. Guérin: Identique.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme Audette: Mme la députée, est-ce qu'on pourrait vous demander de répéter votre première question qui faisait référence au mémoire à la page 10?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Mme Audette: Je n'ai pas saisi.

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est que vous déplorez beaucoup la qualité de l'apprentissage du français comme langue maternelle.

Mme Audette: Comme langue maternelle.

Mme Lavoie-Roux: Vous dites même que non seulement ceci le pénalise, mais compte tenu que l'anglophone est carrément favorisé dans l'apprentissage du français tant à l'école, on a l'impression qu'à vos yeux, même l'apprentissage du français, langue seconde chez les anglophones, serait peut-être de qualité supérieure à l'apprentissage du français langue maternelle chez les francophones.

Mme Audette: Nous ne nous sommes pas attardés à aller vérifier quel genre d'enseignement les anglophones recevaient ou la qualité de l'enseignement chez les anglophones. Nous avons plutôt voulu illustrer, pour faire saisir aux gens de la commission, que nous accordions beaucoup plus de temps en salle de cours, à l'école, chez des tout jeunes à l'apprentissage du français, langue seconde, qu'on ne l'a fait chez nous pour l'anglais.

Mme Lavoie-Roux: En relation avec l'enseignement des langues secondes.

Mme Audette: Voilà, des langues secondes.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Mme Audette: Nous n'avons pas voulu nous embarquer dans le débat des langues maternelles parce qu'il y a pas mal de choses à faire dans ce domaine aussi, en ce qui a trait à la qualité.

Mme Lavoie-Roux: Ma deuxième question est: Vous attribuez beaucoup à l'apprentissage de la langue maternelle les difficultés de francisation des entreprises. Est-ce que cela ne serait pas dû à un autre facteur peut-être aussi important, au fait que ces entreprises que vous francisez ont fonctionné dans la langue anglaise pendant de nombreuses années?

M. Brockbank: M. Guérin a déjà donné une partie de réponse tantôt sur ce sujet. Les gens ont été tellement habitués à fonctionner en anglais depuis nombre et nombre d'années que cela leur est très difficile de faire le passage et de revenir à un français qui serait leur langue première dans les documents qu'ils utilisent. C'est peut-être cela un peu, l'apathie que les francophones ont dans les entreprises. Quand cela fait 20 ans et 25 ans qu'ils fonctionnent avec une terminologie anglaise, c'est très long et très difficile à faire le transfert vers le français. C'est très long.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que cela ne pourrait pas être au moins aussi important que la qualité de l'apprentissage du français?

M. Brockbank: Cela entre sûrement dans les 30%. Ce sera très long. C'est une mentalité de fond.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Mme Audette.

Mme Audette: J'aurais aimé compléter ce que M. Brockbank vient de dire, c'est-à-dire que cela fait partie des 30%. D'accord, il y a le côté technique de la francisation, il y a une tonne de documents à traduire, il y a une tonne de documents à revoir; cela permet aux entreprises de faire un peu de ménage dans leurs documents et tout cela.

Mais il ne faut surtout pas oublier qu'on joue aussi et même beaucoup avec l'humain et cela, on ne le changera pas du jour au lendemain. C'est important parce qu'on se bute constamment à cette réalité. Ce sont des humains. On décide de faire un traduire un manuel de 300 pages, on le fait traduire et on a une facture et tant mieux si le directeur veut bien la payer. Mais l'humain, on ne peut pas du jour au lendemain exiger qu'il change ses habitudes de vie, comme vient de le mentionner Roger. Le côté humain, pour nous, dans la francisation a été un point très important qu'on a peut-être oublié un peu. On a voulu tout faire très vite et on s'est rendu compte qu'il faut, quand même, des humains pour remplir ces bons de commande et qu'il faut des humains pour jouer avec les différents formulaires en français. Alors, le côté humain est aussi très important.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je reviens sur la question de l'enseignement de la langue maternelle. Vous portez un jugement assez sévère sur l'enseignement. Vous dites: On lui enseigne mal sa propre langue, c'est-à-dire sa langue maternelle, la langue française. Mais ne croyez-vous pas que cela ne dépend pas uniquement du système d'enseignement? Le système d'enseignement a sûrement une responsabilité, mais l'environnement nord-américain, qui est anglophone, joue aussi un rôle important dans le fait que le jeune francophone est défavorisé dans l'apprentissage de sa propre langue maternelle. D'où l'importance pour l'acquisition de sa langue maternelle de créer un environnement français au Québec, d'où l'importance également de mettre l'accent un peu plus sur l'enseignement de sa langue maternelle à l'école et particulièrement au niveau primaire. Ne le croyez-vous pas?

Je vous pose la question parce que vous portez un jugement assez sévère sur le système d'enseignement. Je ne sais pas sur quoi vous vous basez parce que, semble-t-il, il n'y a pas d'enquête qui vient étayer votre jugement; donc, je me pose des questions par rapport à ce que vous affirmez. Il me semble que vous ne tenez pas suffisamment compte de l'environnement nord-américain dans lequel évolue le jeune francophone non seulement au Québec mais aussi à l'extérieur du Québec.

M. Brockbank: Je pourrais répondre en partie à cela.

Le Président (M. Gagnon): M. Brockbank.

M. Brockbank: Quand on se retrouve en entreprise et qu'on a embauché des gens qui sortent des différentes institutions d'enseignement, c'est là qu'on voit la très grande faiblesse de la connaissance et de la possession de la langue, surtout si on leur demande de rédiger un petit texte pour voir leur mode de raisonnement et comment ils fonctionnent en français; c'est désastreux.

Dans la génération précédant la génération actuelle qui sort des écoles, je dirais que c'était moins faible, en tout cas c'était de meilleure qualité. C'était aussi dans un système d'éducation différent du système actuel. Je ne dis pas cela pour accuser le système d'éducation actuel, mais je pense qu'il y a des réformes de fond à apporter. Un de vos collègues soulignait tantôt la qualité du texte qu'on a produit comme mémoire, mais vous pouvez remarquer qu'il a été fait par des gens qui ont eu non pas l'éducation actuelle, mais l'éducation de la génération antérieure qui est nettement supérieure à celle de la génération actuelle. Il y aurait peut-être lieu de se pencher là-dessus. Si on veut renforcer la connaissance d'une langue, il faut avoir des structures d'éducation très fortes; c'est comme cela qu'on va la faire respecter, il n'y a pas d'autres moyens.

M. Leduc (Fabre): Vous ne répondez tout de même pas à ma question. Je vous ai demandé si vous ne croyez pas que l'environnement est tout au moins aussi important que l'enseignement, c'est-à-dire qu'on évolue dans un environnement français pour arriver à une maîtrise suffisante de sa langue maternelle. Le jeune Français de France évolue dans un environnement français; quand il se promène autour de chez lui, il voit les termes précis qu'on doit utiliser dans tel ou tel contexte. Ici, on évolue, évidemment, dans un contexte nord-américain.

M. Brockbank: L'environnement dans lequel les gens vivent au Québec actuellement n'est pas de plus mauvaise qualité qu'il ne l'était il y a 20 ou 30 ans. Les gens subissaient beaucoup plus de pression et étaient beaucoup plus envahis par la langue anglaise avant et ils avaient un français de meilleure qualité que maintenant. En France, c'est peut-être le phénomène inverse. Les Français parlent de moins en moins un bon français, ils sont envahis par... Nommez-les les sortes de langues. Dans leur vocabulaire de tous les jours, ils utilisent de plus en plus d'anglicismes également, même plus qu'on ne le fait ici.

M. Leduc (Fabre): J'ai un dernier commentaire.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député, mais Mme Julien voulait

ajouter quelque chose.

Mme Julien: C'est le même phénomène aux États-Unis pour la langue anglaise. Actuellement, il y a un appauvrissement notable de la langue anglaise chez les jeunes qui sortent des écoles américaines. Si l'argument tient, je ne vois pas très bien pourquoi ici, au Québec, on serait davantage défavorisés sur ce plan que les Américains ne le sont chez eux. (16 h 45)

M. Leduc (Fabre): Je suis heureux de vous entendre dire cela. Il y a donc des difficultés également pour l'apprentissage de l'anglais en Amérique. J'ai un autre commentaire: lorsque vous parlez du système d'enseignement d'il y a 20 ou 30 ans, on ne parle plus du même système d'enseignement. Actuellement, on parle d'un système d'enseignement qui reçoit à peu près 100% des jeunes. Auparavant, on parlait d'un système qui recevait peut-être 15% ou 20% des jeunes qui avaient l'avantage de fréquenter l'école jusqu'à la douzième année ou d'aller au collège classique. On ne parle pas tout à fait du même système. Vous en convenez?

M. Guérin: Est-ce que la quantité doit diminuer la qualité?

M. Leduc (Fabre): Absolument pas.

Le Président (M. Gagnon): Alors, M. le député de D'Arcy McGee, je vous permets de poser une très courte question.

M. Marx: J'espère qu'elle sera aussi longue que celle de l'adjoint parlementaire.

Le Président (M. Gagnon): Je vous ferai remarquer qu'il y avait du temps à récupérer de ce côté-ci.

M. Marx: Je n'ai pas de ministre à défendre, je vais seulement poser une question.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de D'Arcy McGee. Lorsque vous comparez la longueur des questions, je vous ferai remarquer qu'il y avait du temps a récupérer de ce côté-ci, alors que, de votre côté, on avait dépassé le temps. Je vais essayer d'être juste pour les deux côtés. Je vous laisse la parole.

M. Marx: C'est une question très courte et très simple. À la page 6, vous avez parlé des règlements invalides et illégaux. Il faut bien s'entendre que ce n'est pas la loi 101 qui est illégale ou invalide, ce sont les règlements. Les règlements sont adoptés par l'office, on peut dire par le ministre. Vraiment, c'est le ministre qui a fait adopter ces règlements dits illégaux que le ministère de la Justice et le doyen de la faculté de droit à l'Université de Montréal qualifient d'invalides. Mais vous êtes dans l'entreprise et normalement dans l'entreprise on conteste des règlements invalides. Il y a un contentieux dans les entreprises. On conteste toutes sortes de lois: la loi 17 maintenant. Les enseignants contestent la loi 111. Il y a des avocats qui gagnent leur vie en contestant des règlements dits invalides, devant la cour. Ici, nous avons des règlements invalides à leur face même. Le ministre de la Justice serait d'accord s'il était ici aujourd'hui.

Comment expliquez-vous l'absence de contestation de ces règlements invalides? Vous comprenez que, si personne ne conteste ces règlements invalides, le ministre continuera d'adopter des règlements invalides et il ne respectera pas la loi 101, parce qu'il se dira: Personne ne me contestera, il n'est pas nécessaire que je respecte le cadre de la loi 101. Les individus n'ont pas de ressources pour contester ces règlements. Si ce ne sont pas les entreprises qui les contestent, le ministre va continuer comme toujours. Il dira: Le cadre de la loi 101, ce n'est pas important parce que personne ne va me contester. Comment expliquez-vous cette absence de contestation?

Le Président (M. Gagnon): Mme Audette.

Mme Audette: D'abord, je ne voudrais pas vous reprendre, M. le député, mais il y a eu beaucoup de contestations de la part de l'entreprise. Je vais encore vous effrayer et vous faire sauter en disant que, dans 70% des cas, l'office a tendu une oreille et nous a écoutés. Aujourd'hui, on ne relève que quelques exemples ou quelques points de loi. Enfin, cela prendrait peut-être des juristes plus compétents que moi pour répondre à cela, mais il ne faut pas oublier que c'était peut-être la première expérience de francisation pour le monde de l'entreprise. C'était également la première expérience pour les gens de l'office. Chaque fois que l'on s'est rendu compte que ce n'était pas vivable, on en a discuté et des règlements ont été amendés, certains du moins.

M. Marx: C'est à la page 6. Ces règlements, on ne peut pas les contester à l'office, il faut les contester devant les tribunaux. S'il y avait une ou deux contestations devant les tribunaux...

Mme Audette: Vous parliez des règlements.

M. Marx: Oui, des règlements. Mais comment expliquez-vous que les entreprises, qui contestent tout ce que l'on adopte ici à

l'Assemblée nationale, ne contestent pas ces règlements invalides à leur face même devant les tribunaux?

M. Brockbank: Pour une bonne partie, certains règlements font l'affaire des compagnies en un sens parce que cela leur donne plus de souplesse pour appliquer la loi. Elles ne tiennent pas à les contester absolument, pas tous en tout cas.

M. Marx: Donc, pour les règlements qui font l'affaire d'une compagnie, vous êtes d'accord que le ministre ne respecte pas la loi?

M. Brockbank: Non.

M. Marx: Mais c'est ce que vous dites.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de D'Arcy McGee...

M. Brockbank: Ce n'est pas au sens de ne pas respecter la loi.

Le Président (M. Gagnon): ...vous aviez une très courte question.

M. Brockbank: Ce n'est pas au sens de ne pas respecter la loi. Ce n'est pas tout à fait cela.

M. Marx: Un règlement invalide, alors.

M. Brockbank: C'est d'avoir plus de souplesse dans l'interprétation et dans l'application. Mais cela n'invalide pas la loi elle-même.

M. Marx: Non. Mais un règlement. Vous avez écrit à la page 6...

Le Président (M. Gagnon): Merci.

M. Marx: ... "À diverses reprises, surtout à l'époque de la promulgation des règlements découlant de la charte, nous étions consternés devant les projets de règlements que nous avons à étudier. Cet article contredit la loi, celui-là la modifie, cet autre dépasse les pouvoirs de réglementation de l'office," et ainsi de suite. Vous dites que ces règlements sont très précaires; après, à la page 7, vous parlez de l'absence de contestation devant les cours.

M. Brockbank: Officielle.

M. Marx: Officielle, c'est sûr. C'est officiel devant la cour. Mais comment expliquez-vous cette absence de contestation devant les cours par les entreprises où vous travaillez?

M. Brockbank: Je crois avoir répondu à cela en partie.

Le Président (M. Gagnon): Je trouve que la question a été posée à plusieurs reprises. Qui peut répondre?

Mme Audette: Je peux ajouter tout simplement que l'entreprise, en plus de se franciser, n'a peut-être pas toujours le temps de contester. C'est peut-être la seule réponse que je puisse vous faire. Écoutez, on a des lois, on essaie de les respecter, on ne les - je cherche mon terme - contourne pas, mais quand on ne peut vivre...

M. Marx: Est-ce que vous avez peur de contester...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député.

M. Marx: ...les règlements de l'Office de la langue française sans avoir peur de contester les règlements de la Commission de la santé et de la sécurité du travail?

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: C'est là la question.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de D'Arcy McGee. M. le ministre.

M. Godin: En conclusion, je constate que nous serions parfois en présence d'un bon règlement illégal. M. le député de D'Arcy McGee, cela fait partie des réflexions du gouvernement et de cette commission et on la tient précisément pour que nous voyions tous un peu plus clair là-dedans.

Maintenant, je rappellerai à tout le monde que c'est quand même le Conseil de la langue française, ainsi que moi-même qui avons commandé des études pour voir plus clair, aussi bien au ministre de la Justice qu'à votre doyen à l'époque, M. Ouellet, pour en venir à des améliorations de nos lois et règlements. J'imagine que ce sera une des choses qui seront étudiées de très près par le Conseil des ministres et par le caucus dans les semaines qui viennent.

Je voudrais remercier les auteurs du mémoire fort apprécié par tout le monde, à tel point que nous vous avons donné plus de temps qu'à d'autres. Ce ne sera pas un précédent, messieurs et madame de l'Opposition. Donc, je vous remercie et soyez sûrs que nous tiendrons compte de votre mémoire quand viendra le moment de procéder à nos modifications. Merci beaucoup, mesdames, messieurs.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Avant de terminer, je voudrais m'excuser auprès du député de Deux-Montagnes à qui j'ai coupé

la parole tantôt. Je ne pensais pas que je serais obligé de jeter ma montre; à ce moment, on respectait le temps. Merci de votre excellent mémoire, mesdames, messieurs. J'invite maintenant...

M. Godin: M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. le ministre.

M. Godin: Avant le mémoire suivant, j'aurais une question, c'est-à-dire une réponse à donner à la question du député de Nelligan sur l'ensemble du secteur aérospatial au Québec. Je vous donne la liste des principales entreprises et leur degré de conformité au programme de francisation: Héroux Ltée, filiale de Bombardier; le programme de francisation a été approuvé le 19 mars 1982 et ces gens se conforment à l'échéancier. Innotech Ltée, approuvé le 19 novembre 1982; légèrement en retard. Le programme porte sur la francisation de documents et formulaires. Aviation Electric Ltd., Aviation Électrique Ltée, approuvé le 27 août 1980; légèrement en retard. Formulaires et cours de français. Canadian Aviation Electronics Ltd., approuvé le 17 juillet 1981. Légèrement en retard. Spar Aérospatiale, approuvé le 7 août 1981. Légèrement en retard seulement. C'est pour les relativement bons citoyens corporatifs du Québec.

Les moins bons sont: Canadair. Très en retard. Approuvé le 6 février 1981. Rolls Royce. Très en retard. Approuvé le 15 décembre 1980. Pratt et Whitney. Également très en retard.

Est-ce que cela répond à votre question, M. le député de...

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. Maintenant, j'invite le Groupe interentreprises pour la gestion informatique de la terminologie. M. Frenette, je crois, si vous voulez bien nous présenter les gens qui vous accompagnent. Je vous demanderais, si possible - je n'ai pas vu le mémoire - de le résumer à l'intérieur de 20 minutes. Cela va?

Groupe interentreprises pour la

gestion informatique de la

terminologie

M. Frenette (Raymond): M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, membres de cette commission, je suis donc mandaté par le GITE pour vous présenter ce mémoire, accompagné de deux collègues qui sont également membres du GITE. Je vous les présente immédiatement: Mme Agnès Guitard, à ma gauche, et M. Pierre Gagnon. Je me propose donc de vous présenter brièvement le GITE pour ensuite traiter de l'informatisation de la terminologie et conclure enfin avec quatre recommandations précises.

On vous a parlé de façon très générale de la francisation et de tous les problèmes qu'elle comporte. Maintenant, si vous le voulez, on va faire - comme ces gens de la télévision - un gros plan sur un aspect, un des outils, et sans doute un des plus importants de la francisation, c'est-à-dire la recherche et la diffusion de la terminologie.

Je voudrais vous dire un petit peu qui sont les membres du GITE. Le groupe GITE a été créé en janvier 1982. Le nom au complet on vous l'a dit tout à l'heure, c'est Groupe interentreprises pour la gestion informatique de la terminologie. Il compte 22 membres provenant de 14 grandes entreprises. Cependant, aux fins du présent mémoire, ces personnes ne représentent pas les entreprises pour lesquelles elles travaillent. De plus, le GITE est en contact avec des personnes oeuvrant dans quelque 60 autres entreprises qu'il consulte ou qu'il informe de ses travaux.

Le GITE est constitué de gestionnaires, de services de terminologie et de traduction ainsi que de terminologues.

Quels sont donc les objectifs du GITE? Groupe essentiellement de réflexion et de travail, le GITE a pour objectifs: 1° l'évaluation des besoins d'ensemble en matière d'automatisation de la terminologie; 2 la définition de systèmes de gestion de banques de terminologie conformes aux besoins, d'abord spécifiques puis communs, des entreprises; 3 l'accès aux divers fonds terminologiques sur une base de réciprocité.

Voici rapidement quelques réalisations du GITE. Il a été amené à rédiger un cahier des charges. Ce document présente les caractéristiques d'un système de base qui permettrait aux entreprises d'automatiser les fichiers de leurs services linguistiques. Ces fichiers serviraient non seulement au personnel linguistique des entreprises, mais aussi à l'ensemble de leurs employés.

En outre, le système de base ainsi développé permettrait l'interconnexion de ces banques privées de terminologie, assurant ainsi une consultation informatisée et réciproque.

Ce cahier des charges a été remis à 20 entreprises, personnes ou organismes spécialisés en informatique ou en terminologie. De ce groupe, 9 ont répondu par des propositions concrètes.

De plus, le GITE a effectué des recherches qui lui ont permis de recueillir des données précises, qui présentent une image des réserves terminologiques de 43 entreprises installées au Québec.

Le GITE est donc né du besoin de

trouver des solutions efficaces à des problèmes de gestion terminologique en entreprise et de la nécessité de canaliser des énergies dispersées.

Terminologie et informatisation. Dès les premiers efforts de francisation de la langue du travail, du commerce et des affaires, la terminologie - c'est-à-dire les mots et expressions spécialisés, techniques et scientifiques, nécessaires à toute communication efficace - est apparue comme étant un élément essentiel d'un aussi vaste projet. C'est pourquoi les traducteurs et les terminologues des secteurs public et privé se sont résolument mis à la tâche pour établir, rassembler et diffuser les terminologies nécessaires à la francisation. Par ailleurs, il fallut aussi trouver un moyen rapide de collecte et de diffusion, d'où la création de la Banque de terminologie du Québec.

Nous sommes maintenant au seuil d'une nouvelle étape, décisive et vitale pour la francisation de la langue du travail. En effet, l'un des principaux obstacles à cette francisation réside dans la complexité de la recherche terminologique et surtout dans la difficulté d'accéder aux résultats de cette recherche, à des fins de communication, évidemment, traduction, rédaction, adaptation, etc. Les responsables des nombreux chantiers terminologiques répartis dans les entreprises au Québec constatent l'importance d'informatiser les résultats de leurs recherches, qu'elles soient définitives ou non. Cette informatisation faciliterait et accélérerait les recherches, les mises au point et surtout les échanges avec les autres producteurs et utilisateurs de terminologie. En réalité, c'est dans ces chantiers que des terminologies sont repérées ou créées puis implantées, échangées, adaptées et diffusées. Bref, c'est d'abord à ce niveau que tout se passe, au coeur même de l'activité commerciale et économique. (17 heures)

Toutefois, d'une part, ce travail s'accomplit presque toujours avec la lenteur exaspérante des méthodes traditionnelles; d'autre part, il appert que, selon la mission et le mandat de la BTQ, ce n'est qu'au moment où la terminologie est au point, sûre et impeccable qu'elle peut enfin être versée dans le fonds terminologique central. Cet emmagasinement se fait d'ailleurs aux conditions de la BTQ et sans nécessairement combler tous les besoins réels des utilisateurs et des producteurs de terminologie.

Les effectifs actuels ne suffisent pas pour accomplir, dans un délai raisonnable, ce gigantesque travail de collecte et de diffusion de la terminologie, mais, dans le présent contexte, on ne saurait grever davantage les budgets pour embaucher du personnel supplémentaire. Il ne reste qu'une seule solution: fournir aux producteurs de terminologie un outil qui les rendra plus efficaces, plus rapides et plus rentables dans l'intérêt des communicateurs, des rédacteurs, des traducteurs et de tous les utilisateurs de la langue en général.

S'il faut informatiser les chantiers terminologiques du Québec, n'y aurait-il pas lieu de réaliser cette informatisation par le biais d'un puissant ordinateur comme celui de la Banque de terminologie du Québec? On pourrait ainsi coordonner et harmoniser parfaitement tous les efforts déployés au Québec en matière de recherche et de diffusion terminologiques, mais, surtout, on constaterait une accélération nette du processus de francisation.

Dans le vaste virage technologique amorcé au Québec, il ne faudrait pas rater l'occasion unique qui nous est donnée de réaliser par l'informatique l'objectif de la francisation.

La Banque de terminologie du Québec contribue de façon concrète à l'effort de francisation en diffusant, sous diverses formes, une grande partie de la terminologie nécessaire à cette tâche et en faisant connaître, par sa base de données documentaires, les répertoires terminologiques et lexicographiques existants. Cet organisme répond à un besoin réel de la société québécoise, besoin qui avait été analysé par les experts de l'Office de la langue française avant la mise en place de la BTQ. L'outil était nécessaire. Maintenant qu'il existe, il est vraiment utile. Mais, à l'usage, force est de constater qu'il est perfectible.

Voici donc nos recommandations: 1 Un accès universel. La terminologie rassemblée par la Banque de terminologie du Québec n'est pas la seule à être accessible par des moyens électroniques; d'autres grandes banques existent au Canada et ailleurs dans le monde. L'accès à ces bases de données paraît nécessaire, particulièrement à la Banque de terminologie du Secrétariat d'État. Malheureusement, peu d'entreprises au Québec peuvent se permettre d'engager des ressources dans la consultation des autres dictionnaires électroniques. En conséquence, il est impérieux de mettre en place les mécanismes qui donneront aux entreprises accès aux autres fonds terminologiques existants, afin d'élargir encore l'assiette terminologique sur laquelle doit s'appuyer la francisation du Québec. 2 Accès interentreprises. Plusieurs entreprises disposant de services linguistiques souhaitent réaliser trois choses avec la BTQ, et ce à des prix qui leur sont acceptables, bien sûr: 1 permettre l'accès aux données qu'elles sont prêtes à diffuser aux entreprises, aux personnes et aux organismes intéressés; 2 accéder aux fonds terminologiques d'autres entreprises avec lesquelles elle ont des points communs, ne serait-ce que linguistiques, et 3 exploiter seules les données qu'elles veulent réserver à

leur usage exclusif. 3° Un accès aux logiciels de traitement. Quelques entreprises auront quand même recours à leur propre matériel pour la gestion de leurs données terminologiques. Il arrivera que ce matériel ne sera pas suffisamment puissant pour effectuer certains tris et produire des lexiques, des vocabulaires ou des listes de termes aussi facilement qu'une grande banque. Un serveur commun qui offrirait à ces entreprises d'utiliser ses logiciels de traitement permettrait sans doute de produire ces instruments de communication au meilleur coût possible. 4° Compte tenu du contexte informatique existant et de la nécessité de diffuser plus largement la terminologie, un échange de vues pratique en ce domaine s'impose. Des mécanismes de consultation existent déjà, tant au gouvernement que dans le monde des affaires. Donnons pour seuls exemples: pour le gouvernement, le Conseil de la langue française et les divers services de l'Office de la langue française; pour le monde des affaires, l'Association des conseils en francisation du Québec, le Centre de linguistique de l'entreprise et, dans une certaine mesure, la Société des traducteurs du Québec.

Ces mécanismes de consultation doivent être revus pour que les modalités d'échange de points de vue entre la Banque de terminologie du Québec et ses utilisateurs tiennent compte de tous les intervenants immédiats dans le dossier, c'est-à-dire, d'une part, des producteurs et des utilisateurs de terminologie que sont les divers services et cabinets de traduction et de terminologie; d'autre part, du diffuseur même qu'est la Banque de terminologie du Québec.

Les nouveaux mécanismes à mettre en place devront être permanents et souples. Ils devront permettre d'analyser périodiquement les besoins terminologiques des Québécois de manière que la BTQ puisse réagir rapidement aux changements de situation et puisse obtenir au plus tôt de ses utilisateurs la rétroaction sans laquelle son action ne saurait être efficace.

La Banque de terminologie du Québec, donc, apparaît comme étant un acteur naturel dans la réalisation de ces objectifs d'informatisation des chantiers terminologiques, mais il est important qu'elle s'intègre sans tarder à l'évolution en cours.

Bref, le fonds de la Banque de terminologie du Québec demeure un puissant outil de francisation, mais, aujourd'hui, le contexte linguistique ayant évolué, la solution fortement centralisée que semblait préconiser la BTQ ne répond plus tout à fait à tous les besoins. Il est devenu nécessaire de tenir compte de la spécificité de chaque entreprise, de son milieu et des terminologies qui lui sont propres.

Pour ce faire, le GITE a tenté de proposer des solutions essentiellement pratiques tels, répétons-le, l'accès universel, l'accès interentreprises, l'accès aux logiciels de traitement ainsi que des mécanismes de consultation renouvelés. Ces solutions, espérons-le, permettront de créer des liens étroits entre le principal diffuseur de la terminologie au Québec et ses premiers utilisateurs.

Nous tenons à vous remercier, M. le Président, ainsi que tous les membres de la commission, d'avoir bien voulu nous entendre. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions, s'il y a lieu.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Frenette. Avant de céder la parole au ministre, je voudrais dire - parce qu'on a mentionné qu'on aviserait cet après-midi les groupes qu'on devait entendre demain de la date de l'audition - qu'il y a entente avec l'Association des manufacturiers canadiens et qu'elle devrait être ici mercredi après-midi. Quant à Bell Canada, des communications sont échangées actuellement pour trouver une date qui va convenir à Bell Canada. M. le ministre.

M. Godin: Merci, Mme Guitard, M. Frenette et M. Gagnon. Je pense effectivement et pour l'avoir vu en visitant le secteur des pâtes et papiers à La Tuque que c'est là que j'ai constaté à quel point il était important d'avoir la terminologie la plus précise possible et surtout qui fasse école jusqu'à un certain point et qui soit utilisée à la dimension de la francophonie. Dans le domaine des pâtes et papiers, l'absence d'une terminologie complète quoique le problème soit maintenant résolu -empêchait les entreprises de se franciser, parce qu'elles attendaient le terme précis en vue de l'afficher sur l'équipement et la machinerie ainsi que dans ce qu'on appelle en bon français les "stock rooms", c'est-à-dire les salles de pièces et d'équipements. Donc, la terminologie est extrêmement importante pour l'opération qui est en cours présentement au Québec.

La première question que j'aimerais vous poser est la suivante: Quelle serait votre évaluation de l'importance et de la qualité de la terminologie sur ordinateur qui existe présentement au Québec par rapport à celle d'autres pays francophones ou même anglophones?

Le Président (M. Gagnon): M. Frenette.

M. Frenette: Je pense que je vais demander à mes collègues de compléter, s'il y a lieu, mais je vais amorcer, en tout cas, la réponse. Quand on parle de terminologie, je me demande s'il y a des endroits dans le monde où on est placé dans une situation aussi pressante que celle dans laquelle nous

sommes placés au Québec et ce, non pas seulement depuis l'avènement de la loi 101, mais peut-être depuis plusieurs années, sinon depuis plusieurs décennies. C'est-à-dire que nous devons fonctionner constamment dans un feu roulant d'actions - je parle surtout du monde de l'économie que je connais le mieux économiques de toutes sortes. Jusqu'à maintenant, jusqu'à tout récemment encore, les choses étaient forcément, étant donné le contexte nord-américain et la lenteur avec laquelle les francophones se sont mis résolument à la tâche dans le monde de l'économie pour toutes sortes de raisons... Il semble bien, donc, qu'on fasse face continuellement à une action poussée, mais dans une langue qui est la langue anglaise et que nous devons constamment traduire, adapter et rendre efficace pour que le fonctionnement de l'économie, justement, se fasse sans heurt dans la langue qui est une langue seconde de l'économie: le français. C'est en train de changer. Il y a des progrès. Je crois qu'on en a noté et les gens qui nous ont précédés vous en ont parlé abondamment.

Il reste quand même qu'on est souvent coincé dans des délais qui ne sont pas raisonnables pour faire une recherche terminologique. Il y a un outil qui pointe et c'est celui de l'informatique. À mon avis, il aurait été presque impensable de songer à faire, dans l'économie, une langue des affaires avec le français sans l'avènement de l'informatique. Là, il semble y avoir certains espoirs. C'est que le traducteur, par exemple, et même le rédacteur ou le communicateur n'ont pas le temps de faire des recherches approfondies, mais ils ont souvent une documentation en anglais. Donc, il reste la possibilité d'appuyer sur un bouton et de demander l'équivalent du terme anglais qu'on a en référence, mais on cherche un terme français.

Cependant, vous avez parlé de qualité. Je considère que ce qui se trouve actuellement informatisé est très valable. Je crois qu'il faut penser qu'il s'agit, encore une fois, d'une langue de l'économie - en ce qui me concerne du moins - et que c'est une évolution constante. Donc, dans certains cas, on n'aura pas intérêt à faire des recherches continuelles, sauf, peut-être, dans des domaines où l'on a une technologie de pointe tellement avancée que les mots sont à créer. Alors là, forcément, on va prendre le temps un peu. Mais, dans beaucoup de cas, il y aura une certaine synonymie. Une banque de terminologie qui donne une réponse rapide me semble justement une solution extraordinaire.

Ce que je pense aussi, c'est qu'on a tellement dépensé d'énergie et d'argent au Québec pour la traduction et la recherche terminologique qu'il y en a quand même résulté un bénéfice. C'est qu'on a acquis, à mon avis, une certaine avance - je ne dirais pas qu'elle est décisive et extraordinaire -tout au moins en Amérique du Nord et même par rapport à certaines entités ailleurs dans la francophonie mondiale, dont il faudrait possiblement profiter, c'est-à-dire monnayer un peu. Je trouve que tout ce qu'on met en branle pour franciser et pour faire fonctionner l'économie en français au Québec a permis d'acquérir des compétences - et là, je parle des gens - ainsi qu'un stock terminologique important. Je m'avance peut-être un peu, mais je me souviens de certaines conversations avec des gens de la francophonie à l'extérieur du Québec qui nous disaient: Vous avez en français une terminologie en affaires et même en techniques qui nous semble parfaitement appropriée à nos besoins parce qu'elle n'est pas trop littéraire. Elle est très pratique. Elle est utilisable immédiatement.

Souvent - et là, je ne voudrais certainement pas lancer de débat - dans le cas de certaines terminologies que l'on suggère dans quelques pays d'Europe et notamment la France, la Belgique et autres, il arrive qu'elles sont un peu à côté de notre réalité économique nord-américaine et moins utilisables, moins assimilables et moins faciles d'accès. Encore une fois, je crois que nous avons une occasion de réaliser quelque chose d'intéressant, à savoir une espèce de table tournante de la communication où le Québec pourrait jouer un rôle, d'abord en Amérique du Nord, mais surtout avec la francophonie et peut-être avec certains pays d'Europe.

Ce qui m'amène à dire cela, c'est que la terminologie attire depuis un certain temps l'attention des Américains de façon incroyable. L'ATA - "The American Translators Association" - regroupait, il y a quelque quinze ans, quelques membres plus ou moins intéressés. La traduction, ce n'était pas les affaires, ce n'était pas l'économie. Cela n'intéressait personne. Pas plus non plus la recherche terminologique. Aujourd'hui, cette association a pris une vigueur incroyable et on voit une présence de plus en plus ferme et nombreuse, en qualité également, des Américains dans les congrès traitant de terminologie, de traduction.

Il nous semble bien que cela fait probablement partie de l'ensemble "information, communication" et que c'est pour cela que cela intéresse. Je me demande pourquoi l'on n'essaierait pas de pousser encore un peu ce qu'on a fait jusqu'à maintenant, mais en l'orientant de façon à rendre des services et peut-être à les vendre à d'autres qui pourraient avoir des besoins auxquels nous avons trouvé des solutions ici. Est-ce trop long comme réponse? (17 h 15)

M. Godin: Je suis mauvais juge là-dedans. J'aurais une question...

M. Gagnon (Pierre): M. le ministre... M. Godin: Oui, M. Gagnon.

M. Gagnon (Pierre): ...j'aimerais compléter la réponse à votre question sur l'évaluation de l'importance. Au début de la présentation de notre mémoire, on donnait que GITE avait effectué des recherches qui lui ont permis d'en évaluer l'importance au Québec. Douze entreprises du CITE ont en réserve 200 000 termes. C'est quand même un bon dictionnaire. Ces 200 000 termes croissent à un rythme d'à peu près 18 000 fiches par année. Cela vous donne une idée de la portée de douze entreprises. Ce ne sont pas que de grandes entreprises. C'est important de le dire.

Le deuxième volet de votre question concernait le monde. Dernièrement, à Ottawa, la BTQ a participé à un colloque, je crois, qui réunissait les cinq plus grandes banques de terminologie française. Je crois que ces gens pourront vous donner avec précision la somme totale disponible à travers les autres banques.

M. Godin: J'imagine qu'il y a des coûts énormes à la mise en place du système que vous proposez, c'est-à-dire la BTQ, la Banque de terminologie du Québec, à laquelle se grefferaient les banques de terminologie des clients éventuellement, quitte à ce que, dans une période X, la Banque de terminologie du Québec épure les diverses banques qui y seraient annexées et devienne de plus en plus le dictionnaire français accessible à tous instantanément.

Premièrement, avez-vous des données sur ce que serait le coût de cette opération? Deuxièmement, est-ce que l'existence d'une telle banque ne pourrait pas apporter des retombées économiques qui compenseraient pour les coûts?

M. Gagnon (Pierre): Premièrement, évaluer actuellement les coûts, c'est embêtant parce que l'informatique évolue à un rythme effarant, comme on le disait plus tôt aujourd'hui, et les prix diminuent sans cesse. Ce qu'il faut constater et réaliser, c'est que la BTQ a déjà des outils qui peuvent servir de base à cette construction ou à ce nouveau système. Le marché québécois vous est acquis d'une façon naturelle. Il faudrait tout simplement, en bon marchand, vendre le produit, mais la BTQ ou le gouvernement pourrait offrir à l'ensemble de l'entreprise un avantage économique qui se calculerait en économie de temps et d'argent parce qu'à ce moment-là, on aurait un bassin central où les entreprises pourraient entreposer leur marchandise, mais aussi la faire partager aux autres.

J'ai souvent été partisan du partage parce que cela permet d'éviter de dédoubler l'effort. Si, dans une entreprise, on dépense des heures pour développer un terme et qu'on peut le partager avec une autre entreprise, ce sont déjà des coûts économisés. Je pense qu'à ce chapitre, vous pourriez offrir à l'entreprise un potentiel très intéressant d'économie de temps et d'argent dans le développement. Je crois que cela s'inscrit bien dans cette politique du Québec de recherche et de développement. Cela s'applique à la langue aussi.

M. Godin: Une dernière question. À votre connaissance, est-ce que les entreprises seraient disposées à assumer une partie des coûts de ce service dont elles se doteraient par la BTQ?

M. Gagnon (Pierre): Les membres du

GITE ont toujours dit qu'ils étaient des partenaires raisonnables les uns envers les autres. Je ne vois pas pourquoi ils ne tenteraient pas de l'être aussi avec le gouvernement. Donc, à votre question je présume un oui, mais sans m'engager.

M. Godin: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Merci, M. le Président.

M. de Bellefeuille: M. le Président, Mme Guitard a une réponse.

Le Président (M. Gagnon): Oui, Mme Guitard.

Mme Guitard (Agnès): Pour ajouter à ce qu'on pourrait dire, il y a certainement, de la part des entreprises, une volonté d'assumer une partie des coûts de l'opération parce qu'on considérerait la Banque de terminologie du Québec comme un serveur informatique. Donc, on paierait certainement pour une partie des services qu'on demande. Autrement dit, s'il s'agit d'espace mémoire, même dans un ordinateur, on en acquitte la note. S'il y a du matériel informatique qu'il faut se procurer, c'est nous qui le fournissons, etc.

M. Godin: Donc, cela contribuerait à accélérer le processus de francisation de l'entreprise, tôt ou tard.

Mme Guitard: Certainement, parce que, si on a une certaine terminologie, donc un grand bassin de terminologie disponible, à un point particulier de l'entreprise, par exemple, un service de traduction, et qu'on a l'intention de le diffuser partout à l'intérieur de la compagnie, cela pourrait se faire par des terminaux, c'est-à-dire que, dans

n'importe quel service, le Service des achats ou tout autre, où on a besoin, à un moment précis, en situation de travail, d'une terminologie française, on pourrait l'obtenir par terminal et moyen informatique par le...

M. Godin: Est-ce que cela pourrait régler la question des bons de commande, soulevée précédemment par les gens de la francisation?

Une voix: Dans les compagnies où c'est informatisé.

M. Marx: On n'a pas compris.

Mme Guitard: Si on admet le principe qu'on doit écrire des choses en français dans les bons de commande, cela la résoudrait. Mais si des personnes insistent pour que les bons de commande soient en anglais, cela ne résout pas la question.

M. Godin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Je veux remercier les représentants du GITE d'être venus ici. Je suis heureux de vous avoir entendus aujourd'hui, parce qu'il pourrait arriver qu'on demande aux gens de revenir un autre jour, étant donné qu'il manque des députés ministériels.

J'ai eu l'occasion de travailler avec une banque de terminologie; c'était Datum, à la faculté de droit de l'Université de Montréal. C'était une des premières, je pense, et elle a été très utile, parce que, quand j'ai fait la traduction de l'anglais au français de la jurisprudence constitutionnelle au Canada, j'ai utilisé cette banque de terminologie.

Je comprends qu'il serait utile de donner suite à vos recommandations. J'ai deux questions. Premièrement, en ce qui concerne les coûts, quels seront-ils si on donne suite à vos recommandations? Vous avez déjà expliqué que ce serait l'entreprise qui paierait au moins une partie de ces coûts. Deuxièmement, est-ce que c'est seulement une question d'augmenter la capacité de l'ordinateur? Est-ce que cela prendra plus de personnel, etc.?

Une voix: Personnel du gouvernement. M. Marx: Personnel du gouvernement.

M. Frenette: J'aimerais faire allusion à une réponse partielle qui a été donnée aujourd'hui à ce sujet. On parlait de rendre un service pourvu qu'on ait une autre génération d'ordinateurs. Je pense que les ordinateurs, cela devient périmé après un certain temps et, quelquefois, malheureusement, un peu trop rapidement. Peut-être qu'effectivement il faudrait profiter d'une occasion possible et faire une étude de marketing ou de commercialisation un peu de démarchage - étude que ferait certainement, sans doute, la BTQ - avant de se lancer dans une dépense de cet ordre; profiter du fait que cet ordinateur commence déjà à donner des signes de faiblesse même pour les besoins actuels de la banque, sans songer à n'importe quel autre besoin qu'on pourrait ajouter, même le fonctionnement actuel de la banque. Je ne veux pas me faire le porte-parole de la BTQ, mais je pense que déjà elle éprouve certaines difficultés à donner le service dans certains délais, ou que certains services ne peuvent être donnés parce que l'ordinateur n'est pas adéquat.

Donc, il faudrait peut-être, à ce moment-là, avant d'acheter une autre génération d'ordinateurs, déterminer quels sont les besoins et essayer de voir si on ne peut pas justement faire payer une partie de la note en comblant les besoins qui semblent se dessiner dans les entreprises. Même si on a dit - on l'a précisé tout à l'heure - qu'il n'y a qu'une vingtaine de membres, il y a au moins une soixantaine de grandes entreprises qui s'intéressent à nos études et elles ne doivent certainement pas s'imaginer que tout va leur tomber tout cuit dans le bec, que ça ne leur coûtera rien. Des coûts raisonnables. Mais je pense que ce ne sera pas à nous à prendre l'initiative de voir quels seront les coûts en question. Je pense que cela vaudrait la peine de le faire.

M. Marx: J'espère que vous aurez la collaboration du ministre pour donner suite à ces recommandations.

Le Président (M. Gagnon): M. Gagnon.

M. Gagnon (Pierre): Si je peux me permettre, sur ce même sujet, M. le Président, ce n'est pas vraiment notre rôle de vous éclairer sur les coûts. Par contre, c'est peut-être notre rôle de vous donner une idée d'où peuvent provenir les coûts. Vous avez mentionné que les entreprises seraient prêtes à payer une partie de l'investissement. Ce n'est pas tout à fait exact. Les entreprises sont prêtes à participer ou à payer les services qui seront offerts; l'investissement serait d'abord la responsabilité de celui à qui appartient le système informatique de base.

Quant à l'organisation de tout cela, je crois que les spécialistes en informatique à l'emploi du gouvernement comme à l'emploi de la BTQ sont en très bonne position pour donner une idée des besoins informatiques qui seront requis. Je suis certain qu'ils ont lu le cahier des charges que nous leur avons fait parvenir qui donne une très bonne idée des

attentes de l'ensemble des entreprises.

Il y a aussi une autre solution, qu'on aime moins en milieu gouvernemental, mais que les entreprises croient valable; il s'agit d'une coparticipation avec la Banque du Secrétariat d'État qui a déjà beaucoup de chemin de fait dans cette nouvelle forme de services aux entreprises. Je crois que c'est aussi un choix très intéressant pour le Québec de prendre en considération cette option. J'espère que cela vous donne...

M. Marx: J'aimerais vous poser une dernière question. Y a-t-il danger que, si on ne fait pas cela au Québec, ce soit fait au fédéral? Je pense que, dans le domaine juridique, cela ne s'est pas fait au Québec. On a commencé, mais, après quelques années, lorsqu'il y a eu un manque d'argent au Québec, un manque de subvention du gouvernement du Québec, c'est le gouvernement fédéral qui a pris tout le système en charge. Y a-t-il danger ici que, si on ne s'occupe pas de ce dossier nous-mêmes, il soit pris en charge par le fédéral?

M. Gagnon (Pierre): Notre mémoire souligne très bien ce danger, si danger il y a, mais on peut déjà dire que le gouvernement fédéral a une longueur d'avance sur les infrastructures que l'on retrouve au Québec.

Le Président (M. Gagnon): Mme

Guitard.

Mme Guitard: Pour répondre à M. le député, concernant le danger que ce soit fait par Ottawa, si la Banque de terminologie du Québec ne prenait pas en charge ce qu'on demande, je dirai que ce n'est pas ce danger qui semble se poser, mais plutôt que ce ne soit ni Ottawa, ni Québec qui le fasse mais que ce soient les entreprises qui en assument les frais. Comme on commence à zéro, c'est ce qui nous embarrasse. J'ai l'impression que la question ne se pose pas à savoir si cela se fera à Ottawa ou à Québec.

M. Marx: Quand on dit au ministre qu'Ottawa va prendre cela en charge, cela va l'encourager à faire quelque chose plus vite.

Le Président (M. Gagnon): M. Gagnon, vous vouliez ajouter quelque chose.

M. Gagnon (Pierre): Si je peux enchaîner sur le même sujet, j'aimerais rappeler aux membres de la commission que, depuis 1975 ou vers ces années, l'entreprise rappelle aux deux gouvernements, autant provincial que fédéral, qu'il faudrait de plus en plus de collaboration à ce chapitre. Le GITE est né jusqu'à un certain point du fait que les deux banques ou les deux gouvernements ne se parlaient pas. L'entreprise est très près de prendre en main sa destinée à sa façon, et ce ne sera pas nécessairement celle préconisée par les gouvernements.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Groulx.

M. Fallu: Ma question porte sur votre troisième recommandation. Vous suggérez que la Banque de terminologie du Québec puisse offrir aux entreprises l'utilisation de ses logiciels de traitement. Confirmez-vous par là que les logiciels de traitement de la banque sont compatibles avec le travail que vous avez à faire quotidiennement? Ne remettez-vous pas en cause les méthodes de travail, le logiciel de la Banque de terminologie? (17 h 30)

M. Gagnon (Pierre): Tout d'abord, il faut se placer dans le contexte. Ce que le GITE propose, c'est une solution globale où l'on puisse retrouver des entreprises qui souhaitent entreposer leur terminologie dans la banque centrale, mais on pourra aussi rencontrer des entreprises qui souhaiteront garder leur terminologie chez elles, parce qu'elles ont des possibilités d'entreposage. Celles qui vont avoir chez elles le bagage terminologique auront probablement la possibilité d'accéder à cette banque, de la consulter pour obtenir de l'information, mais elles ne pourront pas traiter ces termes, par exemple, pour en faire un vocabulaire ou un lexique. À ce moment, on souhaiterait pouvoir transmettre, par exemple, par téléphone à la banque centrale cette somme d'information, la faire traiter en temps différé, la nuit, par l'ordinateur central, par les logiciels déjà en place pour d'autres besoins du gouvernement ou de la banque centrale et recevoir des rapports donnant les résultats demandés. Le concept, on le retrouve dans d'autres domaines scientifiques, par exemple, les universités vont offrir à des entreprises l'accès à un logiciel qui fait, par exemple, le calcul de l'éclairage d'un terrain de baseball. L'entreprise envoie les données. Le logiciel traite les données et retourne une réponse avec un graphique. C'est un peu ce concept qu'on propose.

M. Fallu: Donc, ce que vous souhaitez au départ, c'est la réciprocité, mais à partir d'un logiciel qui vous serait commun, d'un langage informatique qui vous serait commun, celui de la BTQ.

M. Gagnon (Pierre): Une méthode, dois-je dire, parce qu'on pourrait avoir un logiciel qui est propre à un système et avoir dans les entreprises d'autres systèmes, et, par la magie des télécommunications, faire des échanges.

M. Fallu: ...qu'il y ait compatibilité à un moment ou l'autre.

M. Gagnon (Pierre): C'est plus compatibilité que similarité de logiciels.

M. Fallu: Le but de tout cela, c'est faire en sorte qu'il y ait complémentarité d'une banque à l'autre, d'une industrie à l'autre, et qu'il y ait le transfert par la BTQ.

M. Gagnon (Pierre): La BTQ pourrait être le chef d'orchestre dans le présent cas.

M. Fallu: Quand vous signalez que certaines entreprises pourraient avoir des banques qui leur seraient réservées, est-ce que c'est en vue de préserver leur propre technologie ou quoi?

M. Gagnon (Pierre): Cet argument est valable, mais, habituellement, c'est pour éviter des coûts de fonctionnement. Je vous donne un exemple. Si, dans une entreprise, on entrepose de 25 000 à 30 000 fiches et qu'on a un achalandage de ce fichier assez élevé, à ce moment, s'il faut consulter à chaque fois la banque centrale, les coûts de communication vont augmenter. Donc, il serait avantageux pour une entreprise comme celle-ci d'avoir chez elle l'ensemble de ce qui lui est propre, quitte, après entente avec la BTQ, à avoir une copie à la BTQ, mais d'abord se consulter soi-même. Puis, lorsqu'elle s'est consultée, si elle ne trouve pas, qu'elle aille à la BTQ. Si, par exemple, une entreprise qui est en technologie de l'électronique a besoin d'un renseignement en finances, elle pourrait, par exemple, aller consulter la banque centrale au niveau des finances et collaborer, en ce qui la concerne, au niveau de la technologie.

M. Fallu: Ce n'est pas en vue de protéger ces stocks terminologiques que ce serait fait.

M. Gagnon (Pierre): Un gros non, mais un petit oui, si je peux m'exprimer ainsi.

M. Fallu: D'accord.

M. Gagnon (Pierre): Dans certains cas, on voudra protéger quelques termes parce que cela touche à un procédé bien spécial dans l'entreprise. Mais ce n'est pas l'argument fondamental. C'est un argument faible. Il est quand même présent. Ce sont principalement des raisons économiques qui feraient qu'on voudrait avoir une banque chez soi. Naturellement, si les coûts d'accès au système central sont vraiment infimes en termes de dollars, peut-être qu'à ce moment on sera intéressé à tout laisser au système central.

M. Fallu: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. Frenette, est-ce que vous vouliez ajouter quelque chose?

M. Frenette: Cela va.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Merci, messieurs, merci, madame. Nous allons tenter de tirer le meilleur parti possible de vos suggestions quant à l'avenir de la BTQ et surtout de la terminologie française au Québec, dans la mesure où elle est la base de l'opération que nous voulons mener, d'une part, et, d'autre part, qu'il y a un marché éventuel pour une telle banque. Merci beaucoup, encore une fois.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame; merci, messieurs et merci au groupe que vous représentez.

Maintenant, j'inviterais le Conseil catholique de l'expression anglaise à prendre place. Durant ce temps, je voudrais compléter l'information qu'on a donnée tantôt. Le groupe Bell Canada sera entendu jeudi le 27, à la fin de l'après-midi. Donc, l'Association des manufacturiers canadiens viendra mercredi et Bell Canada le jeudi 27 octobre.

M. Godin: M. le Président, si vous me le permettez?

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Godin: En réponse à la question du député de D'Arcy McGee. M. le député de D'Arcy McGee?

Le Président (M. Gagnon): M. le député.

M. Godin: Je vous avais promis qu'avant la fin de la présente réunion, je vous ferais parvenir la liste de tous les travaux du Conseil de la langue française déjà publiés, en voie de publication ou en cours présentement, et je vous la remets dans les secondes qui suivent, ainsi qu'à tous les membres de la commission.

M. Marx: Et vos autres promesses?

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

M. Marx: M. le ministre, vos autres promesses?

M. Godin: Quant à l'Office de la langue française, nous les aurons la semaine prochaine, ces mêmes trois listes. La

Commission de surveillance, de son côté, n'a fait aucune recherche.

M. Marx: Mais pour les publications qui n'étaient pas publiées...

M. Godin: Tout est là.

M. Marx: ...ou les sondages qui n'étaient pas publiés, qui n'étaient pas rendus publics?

M. Godin: Vous aurez une liste complète, M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: Est-ce que ce sera possible pour nous de commander des photocopies de ces études?

M. Godin: Tout à fait; même les originaux, si vous voulez.

M. Marx: J'aimerais qu'ils soient gardés par l'office, pour une autre commission qui pourrait un jour succéder à la nôtre.

Le Président (M. Gagnon): Alors, vous avez eu votre réponse, M. le député?

M. McLaughlin, si vous voulez nous présenter les gens qui vous accompagnent ainsi que nous faire la lecture de votre mémoire.

Conseil catholique de l'expression anglaise

M. McLaughlin (Frank): Thank you, Mr. President. I would like to greet you and Mr. Godin, and Ladies and Gentlemen of The Québec National Assembly. My colleagues are Mr. Harold Thuringer, on my left, executive director of the Council; and, on my right, Mr. Richard McConomy, who is a member of our Board of Directors; and myself, Frank McLaughlin. I am the Vice-President and a member of the Board of Directors of the Council.

We would like, first of all, to thank the members of this parliamentary commission for receiving our brief and for inviting us to the hearing. We would like to remind ourselves and, perhaps, we should try to remind one another of the tradition of cordial generosity that has characterized the relationship between French and English speaking catholics of this province. The English speaking catholics have much for which to be thankful, because our brother French citizens have encouraged us for well over a century to build up a school system within their own French system that would satisfy our cultural, religious, and language needs. The same can be said of the health and social services institutions that we have been encouraged and aided in establishing.

We present our brief in the light of six years of experience under the Charter of the French language whose noble purpose is to promote the French language, that is to promote the language of the majority of Quebeckers. Our appeal is to have you, our legislators, recognize that a minority of Quebeckers and, particularly, our community of English speaking catholics, are finding serious obstacles in the way of our survival as a distinctive, vital member of the new Québec.

We appeal to you for a continuation of the good will and the generosity that has marked our relationships for many generations. Surely, your fair-mindedness and your sense of justice will see that appropriate steps are taken to remove the obstacles that we see as substantial impediments to our survival as fully and enfranchised English Quebeckers.

Alors, qui sommes-nous? Le Conseil catholique de l'expression anglaise a été fondé en 1980 par un groupe de citoyens engagés qui essayaient de cerner les besoins et les ressources de leur collectivité en matière de services sociaux, de santé, de soutien aux jeunes, aux personnes âgées et à la famille.

Le Conseil catholique de l'expression anglaise tente d'assurer la coordination entre les divers organismes, établissements et paroisses et de les représenter dans l'ensemble de la collectivité. Il constitue le point de convergence pour quelque 170 000 catholiques d'expression anglaise qui essaient de travailler de concert au maintien et à l'édification d'une collectivité culturelle et religieuse solide ainsi qu'à la formation d'une position et de moyens d'action communs face aux politiques qui touchent la survie de notre collectivité. Étant donné ce rôle, le conseil est en liaison avec de nombreux établissements collectifs et organismes gouvernementaux.

Comme la loi 101 bouleverse profondément la collectivité anglophone et plus particulièrement les catholiques d'expression anglaise, nous avons élaboré une position qui s'inspire des réactions recueillies au sein de nos citoyens par l'entremise de nos organismes. Nous en citons quelques exemples, une liste partielle: l'hôpital St. Mary's, le Father Dowd Home, le Mount St. Patrick, les Services communautaires catholiques. Nous avons six commissions scolaires catholiques avec environ 45 000 élèves catholiques anglophones, 80 écoles primaires et secondaires et 5 écoles privées, 39 paroisses sur l'île de Montréal, environ 500 prêtres et religieuses.

Notre collectivité jouit depuis toujours de la participation active de nombreux volontaires à ses établissements, organismes et groupes culturels religieux et confraternels.

Bien que le conseil joue surtout un rôle

de coordination chez nous, il s'occupe aussi de lancer des ponts vers la collectivité francophone et de s'engager à fond dans la vie québécoise.

Pour s'acquitter de son rôle et de ses responsabilités, le conseil a mis sur pied des comités volontaires responsables dans bien des domaines. Vous pouvez faire la lecture de la liste.

J'en arrive à nos deux préoccupations. Nos plus grandes préoccupations touchent les domaines de nos institutions et de la représentation.

Si on fait un peu d'histoire, il apparaît évident que la collectivité catholique d'expression anglaise a contribué à la croissance et au bien-être du Québec. Les relations entre le groupe catholique anglophone et le groupe francophone ont toujours été productives et cordiales. Malheureusement, nous sommes persuadés que certains éléments de la loi 101 vont gêner notre capacité de fonctionner efficacement en tant que collectivité.

Parlons pendant quelques minutes de nos institutions. Nos institutions ont été fondées par les catholiques d'expression anglaise au cours des 150 dernières années en vue de répondre aux besoins de notre groupe. Aujourd'hui, leur caractère propre et leurs valeurs catholiques se trouvent menacés du fait qu'elles ne sont plus spontanément perçues comme d'expression anglaise et catholiques et qu'il leur est de plus en plus difficile de recruter et de conserver leur personnel catholique anglophone.

Nous devons pouvoir attirer et conserver des professionnels de haut calibre pour que notre collectivité survive. Nous devons pouvoir fonctionner en anglais pour servir convenablement nos membres, surtout les plus fragiles d'entre eux comme, par exemple, les handicapés physiques ou mentaux, les personnes âgées et nos jeunes. Nous sommes néanmoins tout disposés à servir aussi la population francophone et nous sommes parfaitement en mesure de le faire.

Nous croyons que l'incident linguistique survenu à l'hôpital St. Mary's a eu un effet particulièrement négatif sur la collectivité. Depuis ce temps, certains membres du personnel de l'hôpital semblent plus préoccupés par la langue que par les soins. Nous suggérons donc fortement que la loi 101 soit modifiée comme suit: Que les établissements catholiques de langue anglaise soient exemptés d'appliquer certains articles de la loi 101 comme, par exemple, c'est le cas dans les sièges sociaux qui ont obtenu des statuts particuliers. Que les employés d'un établissement anglophone aient le droit de parler anglais, de rédiger leurs rapports en anglais et d'assurer, par le fait même, les communications internes dans leur langue ainsi que les communications entre les divers établissements anglophones. Que le tests de français soient abolis et remplacés par un enseignement du français de très haute qualité dans nos écoles. Que l'affichage bilingue en français et dans une autre langue soit permis. Que le gouvernement fournisse sans exception à tous les citoyens de langue anglaise les services, les renseignements, les formules, les documents dont ils ont besoin dans leur langue, mais, en particulier - on vous en prie - aux membres les plus vulnérables de notre société. (17 h 45)

Ainsi, au Foyer Father Dov/d et dans les divers CLSC, il est impossible d'obtenir des formules ou des renseignements en anglais. Pour être encore plus précis, il est impossible d'avoir en anglais le texte des changements apportés récemment par le conseil régional à la politique de pension et de soins à long terme qui modifie en profondeur tous les processus d'admission, d'évaluation et de référence. Il va sans dire que cela nuit non seulement à nos clients possibles, mais aussi à notre réseau de référence des paroisses et des groupes de bénévoles.

Il est irréaliste d'insister pour que tous les employés d'un établissement soient bilingues - comme le fera la loi 101 en décembre quand l'article 113f sera en vigueur - au lieu d'exiger simplement la capacité d'offrir des services bilingues. Il s'agit là d'une injustice fondamentale qui entraînera non seulement la disparition de nos institutions, mais aussi la destruction du réseau culturel et linguistique des organismes et des professionnels qui s'emploient à secourir les autres.

Nous voulons passer à l'élément de la représentation. Notre collectivité d'expression anglaise désire poursuivre son engagement non pas seulement dans son milieu, mais aussi dans les établissements de l'ensemble de la société et au gouvernement. À l'heure actuelle, les anglophones ne sont pas justement représentés dans la fonction publique, dans les diverses commissions et dans les structures publiques et parapubliques.

Même la loi 27, qui vise pourtant à assurer une juste représentation au sein des commissions de santé et des services sociaux, du fait de sa complexité, de l'absence quasi complète de directives en langue anglaise, du parachutage des membres de l'extérieur ou de la nomination de membres sans qu'il ait été tenu compte de leur engagement historique, linguistique ou religieux dans notre collectivité, n'a fait que susciter la méfiance et réduire à néant les établissements sains où règne la collaboration que nous recherchons tous. De telles initiatives découragent l'engagement et les efforts de nos bénévoles parmi nos minorités.

Que ce soit dans les commissions gouvernementales, au conseil régional ou au

conseil supérieur, nous sommes insuffisamment représentés. Nous ne demandons pas mieux que de servir et de prendre nos responsabilités, mais, pour ce faire, nous avons besoin d'encouragement et d'ouverture de la part du gouvernement. Bien peu a été fait pour augmenter notre taux de représentation, et cela, malgré la création d'un bureau spécial à cette fin.

Dans le domaine de l'éducation, nous avons jusqu'à maintenant demandé à plusieurs reprises qu'un de nos membres représente nos valeurs linguistiques et religieuses au conseil supérieur. Or, à ce jour, aucune nomination n'a été faite. Moins de 3% de la grande communauté anglophone du Québec fait partie de la fonction publique. Bon nombre d'organismes qui s'identifient à la collectivité anglophone ont aussi beaucoup de difficulté à faire élire des représentants au sein des commissions et organismes gouvernementaux.

Touchons quelques instants le domaine de l'éducation. Nous constatons que le gouvernement envisage de conserver les commissions scolaires linguistiques dans sa structure, mais, dans ce cas-là, à moins que la loi 101 ne s'assouplisse assez pour permettre aux commissions de s'identifier dans les deux langues, leur viabilité et leur force de communication se trouveront détruites dans l'oeuf.

Ce sujet nous préoccupe tout particulièrement, comme le fait que les commissions scolaires anglaises soient autorisées à utiliser l'anglais et à fonctionner dans cette langue et que nous puissions avoir droit de regard sur les programmes scolaires et religieux de sorte qu'ils reflètent avec justesse nos valeurs linguistiques, culturelles et religieuses. Nous estimons en outre que les étudiants connus sous l'appellation d"'illégaux" soient amnistiés et intégrés dans le système scolaire anglophone courant et que, pour toutes les inscriptions futures, on applique la clause Canada.

Nous préconisons l'application d'une approche plus humaine et d'une méthode plus efficace a la commission d'appel pour ce qui est de l'accès à l'école anglaise. Les décisions retardées, la démission de certains groupes de commissaires, pour ne nommer que ces cas-là, laissent supposer que des changements immédiats et significatifs s'imposent.

Brièvement, un mot sur le réseau des services sociaux. Comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, il est important, du point de vue linguistique et culturel, de maintenir notre réseau de services. Le gouvernement est-il disposé à assurer la conservation des services sociaux identifiés à notre langue et à notre culture? En termes clairs, cela veut dire que la décentralisation vers les CLSC en même temps que le maintien d'établissements de soins et de tables de consultation doivent tenir compte du besoin d'avoir des représen- tants et du personnel de notre groupe linguistique.

Nous croyons que, surtout dans le cas des établissements pour personnes âgées, pour handicapés physiques ou mentaux, la collectivité catholique d'expression anglaise devrait contrôler les admissions afin d'assurer que l'espace restreint qui nous est accessible soit effectivement mis à notre disposition et que nous puissions y offrir des services dans notre langue et en accord avec nos valeurs religieuses.

Nous avons fait un sommaire de nos recommandations; il y a quatorze points que nous avons regroupés un peu. Je vais simplement les citer et je vais demander à mes collègues de faire des commentaires ou de les développer.

Notre recommandation no 1: Qu'on reconnaisse un statut officiel à la langue anglaise au Québec. M. McConomy aura des commentaires à faire.

M. McConomy (Richard): It is to be remarked that in the law, there is no mention of the English language. Our intention is to bring to your attention and our desire is that you understand that this has given rise to at least some of the negative impact. The recent court decisions indicate that there is a status for English, be it the status in the courts or the status that I am exercising now by talking to you, as members of the National Assembly, in the English language. This status does, exist. That is confirmed in the law.

What we are asking is that you consider seriously placing in the law some recognition of a special historical contribution from the English community, confirming thereby a status of the language. We are not speaking of an equal status, but we are speaking of a status. It is there, in the law, now. Unfortunately, the law as it is presently drafted has been bypassed by at least one decision of the courts. It is our feeling that some attempt should be made to at least recognize the existence of the English community and their contribution to the history of this province. It may not be the thrust and the priority certainly of a French language charter, but I would think that at least a mention could be made there.

M. McLaughlin: Nous allons maintenant passer aux recommandations 2, 6 et 13 que nous avons jugé bon de regrouper. 2. "Que les employés d'un établissement anglophone soient autorisés à parler anglais et à écrire leurs rapports en anglais de façon à assurer les communications internes en anglais, de même que la communication en anglais entre les divers établissements anglophones, c'est-à-dire le bilinguisme institutionnel plutôt que le bilinguisme individuel et ce dans les services sociaux et de santé ainsi que de

l'éducation."

La recommandation 6 se lit comme suit: "Que les établissements catholiques de langue anglaise soient exemptés d'appliquer certains articles de la loi 101, comme c'est le cas de certains sièges sociaux."

La recommandation 13 se lit: "Que l'exemption prévue à l'article 113f et que le délai prévu à l'article 25 soient prolongés indéfiniment."

M. McConomy aura des commentaires à faire.

M. McConomy: Our intention in recommending these three separate things is to bring to the notice of this commission the existence of certain institutions inside the English community. An example that I might give is that of a school board which consists of English teachers, English administrators and English pupils. It seems that there is at least a feeling, in the community, that with the coming of the month of December there will be a necessity to communicate at least bilingually and, possibly, only in French inside that type of institution. The law itself does not seem to be clear. The confusions that we have heard other people come here and explain to you concerning the questionableness of some other sections of the law, etc., is not an issue that we wish to take up. But, certainly, we would like you to consider being sensitive to the potential problems that would be created, should the law follow through on 113f and let it no longer apply. We would then be putting a burden exclusively on English institutions serving an English population to begin communicating in both languages, if we take the example to the extreme.

The protection that we are offered in many cases, now, is an interpretation that says: Of course, that is not the thrust of the law, that is not the intention of the law, but in effect, on close reading of the law, there is a very serious problem in understanding precisely what the intentions are and in conforming to them. So, we would be fearful as a community - and we are - that those particular rules and regulations concerning institutions be in the community.

Of course, those institutions dealing with the public should be expected to deal with the public in French, to provide their services in French and to interact in French absolutely. We do not think that this is a part of the debate, but those institutions that have grown up inside the English community should certainly be exempt, be it with something similar to the head offices or simply 113f continuing through. This, we leave to you, but that is a priority we wish to bring to you.

M. McLaughlin: Les recommandations 3 et 8 seront groupées: 3. "Que les tests de français soient abolis et remplacés par un enseignement du français de grande qualité dans nos écoles; 8: "Qu'un enseignement de qualité de la langue seconde soit assuré dans les écoles.

M. Thuringer fera quelques commentaires.

M. Thuringer (Harold): Mr. Chairman, despite the improvements in the tests that have gone on since they have been introduced - and some very positive changes have been made - I think that, again, regarding the second language, there should be a high quality of instruction in the schools, while avoiding the testing completely. In fact, give that recognition to us as a community. (18 heures)

Again, we are in no way questioning the primacy of the French language, but are asking that there be some recognition, possibly on the basis of making the second language instruction interesting, viable and encouraging, rather than what can be interpreted as a negative or impeding by-testing.

M. McLaughlin: Nous avons choisi de présenter les recommandations 5, 12 et 14. La recommandation 5 se lit comme suit: "Que le gouvernement fournisse sans exception à tous les citoyens de langue anglaise les services, les renseignements, les formules et les documents dont ils ont besoin dans leur langue, mais en particulier aux membres les plus vulnérables de notre société."

Se joint à cela la recommandation 12: "Que le gouvernement reconnaisse et favorise que les services dans le domaine des services sociaux, de la santé et de l'éducation soient fournis sur une base linguistique et culturelle."

La recommandation 14: "Que la collectivité catholique d'expression anglaise contrôle ses établissements de soins pour les handicapés physiques ou mentaux et pour les personnes âgées, de façon à assurer la protection de ses valeurs linguistiques, culturelles et religieuses."

M. Thuringer dira quelques mots là-dessus.

M. Thuringer: In an effort to be brief, Mr. Chairman, I would however like to just raise some elaboration on those three points. First of all, it has been our experience in some of the institutions that we have mentioned in the text where forms were not available in the English language, particularly when we are talking about old folks homes and forms that give access to the service network. If they are not available, that is a cutoff. It is a kind of block to taking charge or taking the resource that is available.

As was mentioned by Mr. McLaughlin in the presentation, in the Father Dowd Home, we have a situation where the new changes that have been brought about for the admissions are all in French. From the regional council, I quote: "They are not available in English". That means, first of all, that the procedure has changed; secondly, the parishes and our network of people that have been making referrals are at sea and I think that is an important aspect. If that information could be provided right off in English, so that we can get into the system, into the francophone system but provide it in English as well, it would be very helpful. We are not trying to - and I know this is in another domain in health and social services - "bouleverser tout le système". What we are saying is: Have some regard for the historical linguistic traits of referral that have gone on between the institutions in the English community and let them play out their role given "le grand plan" of the regional council or of the new DSC.

Again, when we talk about admissions to our institutions, we are not saying: Look, we want to just become a ghetto again. It is in the sense of: If there is a place where you can pull together the elderly and there is only one institution, let us have some role in being the catalysist that brings that together.

M. McLaughlin: Notre recommandation no 7: "Que des efforts soient faits pour nommer des représentants de la collectivité anglophone au conseil de nos établissements, mais aussi dans les commissions gouvernementales, au Conseil supérieur de l'éducation, etc.." M. McConomy a peut-être un mot à dire.

M. McConomy: Very briefly, on the thrust of this particular recommendation...

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, il est 18 heures et nous devons suspendre.

M. Gratton: M. le Président. Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Gratton: Je suggérerais qu'on laisse les invités terminer leur représentation, quitte à suspendre et à les questionner à compter de 20 heures.

M. Godin: À compter de 20 heures, on reviendrait tous ici, M. McLaughlin, ça va?

M. McLaughlin: Très bien.

Le Président (M. Gagnon): Vous pouvez terminer votre présentation et, après, on suspendra.

M. McConomy: Très bien. The thrust of this recommendation is to the effect that a sensitivity be - and I guess I address both sides of the House - with whoever is in government to realize that, in effect, there are institutions that have gone public and that have historically and culturally been supported by this community. They were founded, their personnel was brought in from the community and the clientele comes from there. So, in effect, we ask that we be sensitive to the fact that when people are being named even to government posts, some attempt should be made to pull those people from the community so that they still have that historical context.

That was, I think, clearly stated by Mr. McLaughlin.

M. McLaughlin: Notre recommandation no 9, M. le Président, est la suivante: "Que les élèves illégaux soient amnistiés et réintégrés dans le système scolaire anglophone courant."

Rick, est-ce que tu as quelques mots à ajouter?

M. McConomy: I think that we are all quite aware of the problem of the illegal students in the school system. We, as an English speaking catholic council, are probably one of the few people that are placed in a position, as parents and as concerned individuals, to speak of that particular problem. Our school commission feels that they have to pretend that they do not exist and our teacher groups have to sort of think that they are a mythical problem that they cannot identify and show any statistics on.

This is a totally unacceptable situation. These are children of families that have been in this province for fifteen or twenty years and they were caught in the retroactive effect of this law coming into effect. I think that a certain humanity would say that a speedy solution to that problem, one that is really fairly wide - sweeping, should be an amnisty and it should be unconditional. We feel it necessary for us to mention that, although it may not be directly something that would be within the preview of this particular commission.

M. McLaughlin: Nous avons deux autres points au no 10: "Que la clause Canada s'applique sur-le-champ à toutes les nouvelles admissions et qu'à l'avenir tous les gens de langue anglaise qui viendront s'établir au Québec soient autorisés à inscrire leurs enfants à l'école anglaise."

Quelques mots Rick?

M. McConomy: Cast our vote, to let you know where we stand on that; I do not think that we want to get into that debate.

We have seen our school system, which had an open admission policy, very much reduced and the potential growth really cut back, and the diminishing numbers are becoming a very serious concern. I think that would suffice. I really do not want to create that debate at this point.

M. McLaughlin: La recommandation 11: "Que la commission d'appel soit rendue plus humaine et plus efficace en ce qui a trait à l'accès à l'école anglaise et même qu'elle soit éventuellement abolie un jour."

Pour conclure, nous croyons que, même si la prédominance de la langue française est maintenue comme elle devrait l'être, il faut néanmoins accorder une certaine reconnaissance à l'anglais. Les changements que nous proposons ne modifieront en rien la philosophie de base de la Charte de la langue française. Nous sommes, de plus, persuadés qu'en instituant la loi 101, le gouvernement ne souhaitait pas que cette loi contribue au démantèlement éventuel de nos propres institutions.

La collectivité d'expression anglaise souhaite poursuivre son engagement dans d'autres établissements collectifs et au sein du gouvernement. En ce moment, nous estimons que nous ne sommes pas suffisamment représentés dans la fonction publique, dans les commissions et dans les organismes publics ou parapublics. Nous sommes disposés à jouer un rôle actif dans ce domaine mais nous avons besoin de la collaboration et de l'encouragement du gouvernement.

Le conseil est convaincu qu'il est essentiel de conserver, d'encourager et de favoriser les liens historiques entre nos deux cultures. De notre côté, nous sommes inquiets au sujet de notre capacité à communiquer, dans l'avenir, avec nos collègues francophones et notre gouvernement d'une manière active et significative. Comment cette communication pourra-t-elle s'établir si nous ne sommes pas libres de communiquer sans contrainte dans notre propre groupe linguistique?

Nous croyons qu'il est de la plus haute importance que les divers groupes culturels du Québec se respectent mutuellement et travaillent de concert dans une atmosphère positive. Nous croyons aussi que la collectivité anglophone, en particulier la collectivité catholique d'expression anglaise, doit pouvoir contrôler et alimenter le développement de ses traits linguistiques, culturels et religieux.

Les modifications que nous proposons sont non seulement essentielles pour la survie de nos institutions collectives, mais aussi pour l'existence d'un Québec sain et prospère. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Sur ce, nous allons vous inviter à revenir à 20 heures pour répondre aux questions des membres de la commission. Je suspends nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 10)

(Reprise de la séance à 20 h 05)

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît!

La commission élue permanente des communautés culturelles et de l'immigration poursuit donc ses travaux afin d'entendre tous les intervenants intéressés par la Charte de la langue française.

Lors de la suspension de nos travaux pour l'heure du souper, nous avions terminé l'audition du mémoire du Conseil catholique de l'expression anglaise. La parole est à M. le ministre.

M. Godin: Merci, M. le Président. Je connais déjà MM. McLaughlin et Thuringer, les ayant rencontrés à plusieurs reprises. Il me fait plaisir de vous revoir et surtout de reparler entre nous de ce qui vous préoccupe. Bonsoir aussi à M. McConomy.

Puisque nous sommes à la veille d'accoucher ou d'aboutir par rapport à certaines des revendications, suggestions et critiques qui nous sont parvenues aussi bien de votre part, d'ailleurs, que d'autres groupes que j'ai pu rencontrer depuis un an, je vous remercie d'être venus ici nous répéter en commission parlementaire, de façon plus officielle et plus publique encore, vos craintes relativement à l'avenir de vos institutions anglophones.

J'aimerais vous poser un certain nombre de questions de manière que la portée de la loi 101, en ce qui concerne vos organismes, soit bien comprise des gens qui nous écoutent. En vertu de l'article 26 de la loi, toutes les institutions énumérées dans votre mémoire peuvent utiliser à la fois le français et l'anglais dans leur dénomination et leurs communications internes, n'est-ce pas? Is that not a fact...

M. Thuringer: Oui.

M. Godin: ...that all institutions who are under your umbrella can use both French and English in their denomination and in their internal communications?

M. McConomy: Est-ce que vous voulez dire qu'à l'article 26, c'est l'usage des deux langues simultanément ou si c'est l'usage de l'une ou l'autre?

M. Godin: Les deux simultanément.

M. McConomy: Cela veut dire qu'à

l'intérieur de toutes nos institutions il s'agit d'une communication bilingue.

M. Godin: Voilà. Donc, l'usage de l'anglais et du français. Mais l'usage de l'anglais - puisque c'est ce qui vous préoccupe - est autorisé par l'article 26, n'est-ce pas?

Deuxièmement, j'ai été assez étonné de constater que, dans votre mémoire, puisque la première institution que vous mentionnez est St. Mary's Hospital, vous ne fassiez nulle part état de l'existence de l'institut conjoint des hôpitaux de Montréal, The Joint...

M. McLaughlin: Hospital.

M. Godin: ...Hospital Institute, qui s'est vu confier par l'office la responsabilité d'administrer les tests. Donc, l'Office de la langue française a délégué aux hôpitaux anglophones, dont St. Mary's, qui est dans votre liste, la responsabilité d'appliquer leurs propres critères de test linguistique. Ce modèle de fonctionnement n'est-il pas ce qui convient et ce qui était demandé, d'ailleurs, par les hôpitaux anglophones, dont St. Mary's? N'est-ce pas un modèle que vous endossez pour l'avenir de l'application des articles 15 à 23? Ce Joint Institute, trouvez-vous qu'il fonctionne bien ou si vous avez quelque commentaire à faire sur son fonctionnement?

M. McLaughlin: Je ne pense pas que nous ayons des commentaires à faire en ce qui a trait au fonctionnement du comité conjoint auquel vous faites référence. Je pense qu'au point de départ, M. le ministre, on abhorre l'idée d'un test, tout simplement. On reconnaît le besoin d'avoir des personnes compétentes pour répondre aux besoins de nos anglophones et nos francophones à l'intérieur d'une institution, mais on abhorre l'idée du test. Il me semble que c'est là le point.

M. Godin: C'est là qu'est le principe. D'accord. La question que je me pose est la suivante. Vous reconnaissez ceci dans votre mémoire: a certain number of the patients in your institutions are French speaking. So, how can you be sure that they will be taken care of in French, if you do not have any means to know the fluency in this language of your employees?

M. McLaughlin: Long before the existence of any bill on language, there always existed - I go back to my opening statement about the "esprit de bonne entente", the generosity of your community towards ours over the years... The fact is that where we have had French speaking Quebeckers in our institutions, first of all, they have been welcome and we have always managed to serve them in their language. I think that this is traditional.

Today, if there were some statistical measure of it, we are getting better at it. I do not think that we or you need tests, anymore than the English language community needs tests to insure that if I go to "l'hôpital Sainte-Jeanne-d'Arc", they are going to look after me in English if it is all I can speak. I go there with confidence or I go there because of their medical reputation and I get served properly. We do not have a testing device to insure us of that. I think we go there on the basis of their good will and their tradition of generous service.

M. Godin: Vous dites, dans votre mémoire, que la loi 101 vous empêche de recruter le personnel anglophone catholique. Pourriez-vous m'expliquer de quelle manière la loi 101 vous empêche de faire ce genre de recrutement?

M. McConomy: Je crois que nous revenons à la question des tests. Le test tel que conçu présentement, si je comprends bien, est individuel, c'est-à-dire que chaque individu doit avoir un niveau quelconque, ce niveau est fixé et nous passons un test pour le vérifier. Nous disons ceci: Si nous voulons assurer des services en langue française dans des institutions traditionnellement anglaises, ce n'est pas en éliminant une à une les personnes qu'on met de côté, c'est-à-dire nos anglo-catholiques, parce qu'elles ne peuvent pas réussir un test quelconque que cela va se faire. Il s'agit plutôt de savoir si, dans l'ensemble des choses, les services sont accessibles en langue française.

Le test élimine de façon individuelle, tandis que le bilinguisme institutionnel est basé sur la capacité de l'institution de répondre en français à une demande qui lui est formulée en français; c'est l'individu versus l'institution. L'idée du test vise l'individu. Nous croyons qu'un individu avec une formation adéquate pour un poste doit avoir accès à ce poste. Cela devient une question de droit individuel, tandis que le droit de la collectivité anglophone et francophone de recevoir des services est un droit collectif différent de celui de l'individu qui est visé dans les tests.

M. Godin: Présentement, est-ce que vous avez des chiffres qui pourraient illustrer le nombre de personnes que vous auriez voulu engager et qui ont du être mises de côté à cause de l'application de la loi 101?

M. McLaughlin: Non. C'est une constatation que nous faisons après une consultation de trois ans dans la communauté. C'est notoire dans la communauté, je peux vous l'assurer. Mais

vous soumettre des statistiques, non, nous ne nous sommes pas préparés dans ce sens-là pour notre présentation.

M. Godin: D'accord:

M. McLaughlin: M. le ministre...

M. Godin: Oui, M. McLaughlin. Excusez-moi.

M. McLaughlin: ...sur le même point, nous n'avons pas de statistique indiquant que nous n'avons pas pu embaucher John Smith de Toronto afin qu'il vienne à Montréal pour être un bon médecin ou un bon cardiologue. Mais nous avons un chapitre sur la question des départs. Certaines de ces personnes -pour employer votre terme - sont devenues tout à coup très mobiles et on les a perdues, par la peur peut-être ou par le fait qu'elles n'étaient pas prêtes à apprendre le français au point de se sentir prêtes à subir le test. Ce sont surtout nos pertes. Il y a une réticence extraordinaire de la part des professionnels hors Québec à venir travailler sur notre terrain parce qu'un fardeau additionnel leur est imposé, celui d'apprendre une autre langue. (21 h 15)

M. Godin: Dans vos recommandations, à la dernière page, au point 5, vous dites: "que le gouvernement fournisse sans exception à tous les citoyens de langue anglaise les services, les renseignements, etc., mais en particulier aux membres les plus vulnérables de la société". Nous avons contacté cet après-midi, après avoir lu votre mémoire, le ministère des Affaires sociales pour nous enquérir de la traduction du document sur...

M. McLaughlin: Les soins à long terme?

M. Godin: ...les pensions, la nouvelle politique. Est-ce le titre français exact du document?

M. Thuringer: Non. Je m'excuse, M. le Président, le titre exact c'est: Les structures sous-régionales touchant l'évaluation et la coordination des admissions dans les réseaux d'hébergement et de soins prolongés.

M. Godin: D'accord; Vous me donnerez une copie de ce titre exact tout à l'heure, car j'ai téléphoné au ministère des Affaires sociales et cela ne leur disait rien.

M. Thuringer: Oui, je vous le donnerai.

M. Godin: D'accord; Je peux m'engager dès ce soir que la traduction, si elle n'existe pas déjà, sera faite dans les plus brefs délais, car vous avez parfaitement raison d'exiger que ce soit fait de cette manière.

Le Président (M. Gagnon): Oui, M. McLaughlin.

M. McLaughlin: M. le ministre, sur le même point, y aurait-il possibilité d'élargir ce que vous venez de nous dire et de nous donner une certaine assurance que, dorénavant, on n'aura pas à faire la demande, mais qu'automatiquement on aura accès à ces documents dans notre langue pour permettre leur utilisation par notre population?

M. Godin: Dans la mesure, où le gouvernement reconnaît, par l'article 113f, par des budgets des Affaires sociales et de l'Éducation, l'existence d'institutions anglophones, je pense que cela coule de source, logiquement, qu'en même temps nous leur reconnaissions le droit d'être informées dans leur langue des politiques de l'administration.

M. Lévesque, a déjà pris publiquement cet engagement, d'ailleurs dans sa lettre à Alliance Québec. Il y a des problèmes que vivent tous les gouvernements où il y a du bilinguisme. Je m'engage, ce soir, à saisir mon collègue des Affaires sociales de ce problème. Je suis convaincu qu'il y donnera suite.

D'autre part, il y a la question de la représentation des anglophones au sein de la fonction publique, parapublique et péripubli-que. Si on se limite à la fonction publique seule, dans la mesure où 90% de cette fonction publique se trouvent dans la ville de Québec, il est très difficile de recruter des gens de Montréal pour venir à Québec. Les députés sont presque les seuls qui acceptent de s'expatrier.

M. McLaughlin: Et eux, de force. Non?

M. Godin: Cela dépend. Nous avons des chiffres de Statistique Canada qui portent sur le pourcentage des personnes de la communauté anglophone qui sont intégrées à la fonction publique, parapublique et péripublique du Québec. Le total de tous ceux qui sont issus de ce qu'on appelle les communautés culturelles est de 17% dans l'ensemble des réseaux. La communauté anglophone, forme, d'après Statistique Canada, 11,2% de la main-d'oeuvre active du Québec, détient 9,8% de tous les emplois de la fonction publique et des réseaux au Québec.

Êtes-vous d'accord avec ce que ces chiffres signifient? Estimez-vous qu'on devrait prendre des mesures plus concrètes pour faire en sorte que même ici à Québec, dans la fonction publique, il y ait un nombre d'anglophones plus important ou préférez-vous les voir dans les réseaux où c'est vraiment là qu'ils sont en contact avec votre population? En d'autres termes, est-ce qu'un

anglophone n'est pas plus à l'aise à l'hôpital St. Mary's qu'il ne le serait comme fonctionnaire au ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme à Québec? Devrait-on mettre l'accent sur les réseaux ou sur la fonction publique ou ne pas tenir compte de ces divisions et y aller à fond de train?

M. McLaughlin: Je pense que cela dépend un peu de la couleur de la bête dont on parle. Il y a des gens qui sont parfaitement à l'aise dans le milieu francophone, que ce soit au niveau gouvernemental ou d'affaires. Il y en a d'autres qui ne sont pas à l'aise parce qu'ils ne peuvent pas communiquer en français. L'affaire en est une d'attitude plutôt que de statistiques, M. le ministre. Si on lit ce qui a été fait par notre bibliothèque nationale, en juillet 1982 nous n'étions que 3% à peine au service du gouvernement. D'autres vont sortir d'autres chiffres et on n'en finira plus. Mais il s'agit de rendre le service, à notre gouvernement, attrayant pour les non-francophones et de faire le nécessaire pour qu'ils soient attirés vers le service du grand public.

M. Godin: En conclusion, il y a un grand nombre de vos recommandations qui font partie de la réflexion du gouvernement depuis un an déjà et je souhaite que, quand nos modifications seront apportées, vous en serez satisfaits, sinon totalement, du moins partiellement. Merci, M. McLaughlin.

M. McLaughlin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: Je pense que mon collègue de Laurier voulait poser une question brève au ministre avant que je commence à vous questionner.

M. Sirros: Une très courte question, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Laurier.

M. Sirros: J'aimerais demander au ministre si j'ai bien entendu. L'engagement qu'il vient de prendre de produire une traduction du document auquel le comité a fait référence provenant du conseil régional de la santé et des services sociaux, veut-il dire que c'est une politique globale maintenant ou est-ce qu'il faut attendre qu'il y ait une commission parlementaire et que les gens soulèvent une question pour avoir une traduction de ce genre de document? Cela a été glissé en douce et je pense que les implications sont assez importantes.

M. Godin: M. le député de Laurier, vous êtes silencieux depuis ce matin, que ne le demeurez-vous?

M. Sirros: Est-ce que cela vous embête que je parle, M. le ministre?

Mme Lavoie-Roux: Cela vous embête un peu, M. le ministre!

M. Godin: Ce n'est pas cela; c'est que je trouve que cela détonne un peu par rapport au reste des interventions de ce matin.

Mme Lavoie-Roux: C'est très important.

M. Godin: M. le Président, ce que j'ai dit, je l'ai dit très clairement et mes interlocuteurs m'ont entendu, m'ont compris et je pense que M. le député de Laurier est assez intelligent aussi pour comprendre ce que je dis quand je le dis. Ce qui est dit est dit:

M. Sirros: Ce que j'ai compris, c'est que vous vous êtes engagé à vous assurer qu'il y aura une traduction d'un document produit par le conseil régional concernant les placements et les soins à long terme. Je vous demande si vous êtes en train de prendre un engagement quant à la traduction de ces documents ou s'il faut attendre qu'il y ait une commission parlementaire pour avoir ce genre de traduction. C'est assez clair, je pense.

M. Godin: J'ai répondu très clairement.

M. Sirros: Je m'excuse si cela vous embête que je parle.

M. Godin: J'ai répondu très clairement. Maintenant, je répondrai à l'interlocuteur dans sa langue: Nai, qui veut dire oui.

M. Sirros: "Nai" quoi? Oui, quoi?

M. Marx: II faut avoir une autre commission pour avoir une autre traduction.

M. Sirros: Oui quoi?

Mme Lavoie-Roux: Oui quoi?

M. Godin: II m'a posé une question. J'ai répondu oui.

Une voix: Voulez-vous l'épeler, s'il vous plaît, M. le ministre?

M. Godin: N-a-i.

M. Sirros: Oui, nai. (Le député s'exprime dans la langue grecque). Mais je trouve que...

Le Président (M. Gagnon): Là, il va falloir faire attention parce que cela va être difficile d'enregistrer nos travaux. M. le député de Laurier, vous avez la parole.

M. Sirros: M. le Président, je m'excuse, mais c'était une question bien sérieuse. J'insiste sur le fait que ce genre de déclaration a des implications assez importantes quant à la planification et à la distribution des soins par le réseau anglophone. J'aimerais bien avoir une réponse claire quant à l'implication. Est-ce un engagement que le ministre prend quant à la production de documents bilingues, finalement, du conseil régional ou est-ce un "nai" qui signifie qu'il faut attendre d'avoir une commission parlementaire pour avoir la traduction d'un document spécifique? Le "nai" s'applique à quoi?

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre.

M. Godin: Cela s'applique à la production en anglais du document cité par M. McLaughlin et M. Thuringer.

M. Sirros: D'un seul document?

M. Godin: J'imagine qu'il y en a un grand nombre qui sont déjà traduits. Je ne suis pas le détenteur de la liste de tous les documents qui existent venant des ministères du gouvernement, mais je m'engage à ce que celui qui a été mentionné soit traduit. Je dis que la politique du gouvernement est claire là-dessus. Les documents publics au Québec sont accessibles en anglais à ceux qui en font la demande.

M. Sirros: Puis-je interpréter par cela que, pour tout document dont la demande sera faite concernant en particulier les services sociaux et de santé qui sont produits par le conseil régional, l'engagement égal de la traduction sera pris?

M. Godin: Voulez-vous répéter votre question?

M. Sirros: Est-ce que, pour tout autre document dont la demande sera faite, vous vous engagez à produire une traduction?

M. Godin: En principe. M. Marx: En fait, en fait! M. Sirros: Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Nelligan.

M. Lincoln: J'aurais voulu passer à quelques questions qui ont été soulevées par le ministre. Moi aussi, M. le ministre, j'ai travaillé assez près de votre collègue du Conseil catholique de l'expression anglaise dans différents comités et dans différentes organisations. D'abord, le ministre semblait faire comme une distinction entre la participation dans les établissements anglophones et les appareils gouvernementaux. Je ne voyais pas pourquoi il devrait y avoir une distinction. Si j'essaie de bien comprendre ce que vous voulez exprimer - il me semble que cela a déjà été discuté - vous parlez d'une participation à des conseils, à des commissions gouvernementales comme le Conseil supérieur de l'éducation. Vous croyez ne pas y avoir de représentation. Si je comprends bien, c'est que l'un n'exclut pas l'autre. Ce que vous voulez dire, c'est que vous désirez participer à vos établissements, cela va de soi, mais, en plus de cela, vous voulez aussi participer aux politiques gouvernementales à travers les conseils d'administration et les commissions gouvernementales. Est-ce cela que je dois comprendre?

M. McLaughlin: Mais le point de départ est que nous nous comptons parmi les Québécois. Nous nous disons: Alors, pourquoi ne pas participer pleinement à la vie de notre communauté? Oui, dans les institutions où nous avons un intérêt particulier, nous voulons certainement avoir une forme de contrôle, mais nous voulons aussi pleinement participer à la grande vie du Québec. Rick aurait peut-être des commentaires.

M. McConomy: Je crois qu'au point de vue historique nous sommes un peu dans la situation où se trouvait et se trouve peut-être encore - ce n'est certainement pas à moi de le décider, ni de le déclarer - la population francophone par rapport au domaine des affaires. Elle se sentait à un certain moment - si j'ai bien compris -exclue, pas suffisamment nombreuse, etc.

Ce que nous essayons d'obtenir, c'est une attitude d'accueil et de participation pour nos jeunes qui sortent des écoles avec une formation linguistique et une capacité d'offrir quelque chose à la population en général. Nous aimerions que soit pris en considération, lorsqu'on forme des commissions et des comités, qu'il y a, quand même, une communauté anglophone, qu'une forme de représentation doit se faire et qu'on doit y exercer une certaine présence. C'est un moyen d'encourager la participation. On sait pertinemment que dans la fonction publique, depuis déjà fort longtemps, la participation active de la communauté anglophone a été minime; un peu comme l'aspect francophone dans le domaine des affaires. C'est en train de changer, mais on traverse dans les deux directions. Nous vous soulignons que c'est le désir de notre population, selon notre compréhension, d'avoir

une part un peu plus active dans cela. En voyant les statistiques, nous éprouvons une certaine frustration. Il ne s'agit pas de poser une action de garantie de limites, de nombres ou un jeu de chiffres ou autre chose du genre, mais il s'agit vraiment de tenter de créer des attitudes de participation, de part et d'autre, et de partage.

M. Thuringer: Comme M. McLaughlin l'a mentionné, on désire une participation plus globale. Prenons, par exemple, le bill 65 dans le domaine de l'aide sociale. Là, l'optique est de bien engager les gens. Par contre, pour ce qui est du bill 27, qui a différents niveaux de représentation au conseil, premièrement, les données ne sont pas disponibles en anglais. Le temps nécessaire pour impliquer les gens est trop court. Donc, on ne se sent pas bienvenu. On veut participer et je pense que c'est très important que l'attitude dont on parle soit là aussi. (20 h 30)

M. Lincoln: Très brièvement, sur la question des documents, le ministre a parlé de l'article 26 de la loi et ce dernier traite de documents dans "la langue officielle et une autre langue." Ce que vous voulez dire, si je comprends bien votre pensée, c'est que deux fonctionnaires anglophones au sein d'une institution de votre groupe devraient pouvoir communiquer, dans les mémos, seulement en anglais, sans traduction. Est-ce ce que vous voulez dire?

Une voix: Oui.

M. Lincoln: C'est bien ce que je comprends.

M. McConomy: J'ai donné un exemple quand on parlait des recommandations. Dans une institution d'enseignement anglophone, entre professeurs, entre administrateurs, entre élèves, etc., il n'y a aucune raison de penser qu'il y a un aspect pratique à la communication bilingue, c'est-à-dire de fournir un texte dans la langue anglaise pour les fins pratiques et un texte...

M. Lincoln: Français.

M. McConomy: ...français pour les fins de la loi 101. Nous constatons que l'impression laissée par la loi, telle que présentement rédigée, c'est une exigence. Je suis diplômé en droit et je le pratique activement. Je lis l'article 26 et il semble que ce soit les deux simultanément. Cela veut dire que, d'un côté, tu le fais dans l'une et, de l'autre côté, tu le fais dans l'autre.

M. Godin: Le bilinguisme.

M. McConomy: Mais je me demande si, à l'intérieur d'une institution exclusivement anglophone, c'est une exigence qui a une logique. Maintenant, de là, je vais à l'autre extrême: certainement, quand on parle d'un contexte comme celui de la Commission scolaire de Montréal, section anglaise, il n'y a aucune raison de penser qu'on fera les deux, parce qu'il n'y a aucune logique dans cela.

M. Lincoln: Ce que vous voulez dire, c'est que vous cherchez le bon sens.

M. McConomy: II y a des milieux qui sont exclusivement anglophones et je ne crois pas qu'on ait vu, compris et réalisé. De là, cette exclusivité va en diminuant et, en effet, je crois qu'il y a une certaine sensibilité à cette tendance à diminuer le contenu exclusivement anglophone.

M. Lincoln: I would like to ask you two final questions. We just received today, by coincidence, this document from the Conseil de la langue française. It is a study by Thomas Sloane on the anglophone community in Québec and he reaches, I think, six broad conclusions. I am just going to give you the headings of these conclusions, because the six conclusions are seen in your own conclusions. Surely in your 14 or 15 conclusions, there are some that are more important than others. I have seen the conclusions of Thomas Sloane in the thinking of Alliance Québec, in the thinking of many English organizations. I am going to tell you what they are and maybe you could tell me whether they reflect the broad consensus of the English community at large, which is what we are trying to establish as part of the staff here.

These are the conclusions of Thomas Sloane. The first one: Some kind of recognition of the English language not as an official language, but some kind of a recognition just like you say, that is, established as a language more important than languages other than French, naturally. The second one: Some kind of a softening of the application of the law through the comité de surveillance. In other words, the comité de surveillance approaches the law with much more sympathy, with much more common sense and care.

Then: Institutional bilingualism instead of just the personal, individual bilingual nature of services, the Canada clause; the science in French, of course, but also optionally in English and, finally, services in the social service sector - He mentioned only the social service sector - in English for English institutions.

I was wondering, when you take the six broad recommendations that he makes, whether you would see those as really the

main thrust of what you are trying to do yourselves, as well as the English community at large. I know it is a broad question.

M. McLaughlin: Let me take a first crack at it and I am sure my colleagues will want to say something else. There is nobody in this room who has not done a fair amount of negotiating in his life and we have put forward fourteen points. Those are the fourteen points that we think are important for our community. Yes, broadly speaking, the six that you mention hit on some of the key issues, but whether or not we would want to stop there and say that is all we are looking for, I am not sure, but we recognize in the ones that you have read off to us certainly some of the things that we are asking for.

Rick, do you want to comment?

M. McConomy: I would not say that they stole our brief, let me be polite just for a moment. I think the six of them are certainly reflected, I think they are concerns of the community. I think that what we should come to you with and say to you as a committee is that those six and the fourteen that we have put in reflect a feeling in the community that, somehow, this law needs some massaging and some improving. It needs some attitudes between the communities that should improve. This is the type of thing that we think is a priority above all else, in other words that we get an attitude of cooperation going between us.

Je crois que c'est cela, notre message. C'est une attitude qui change jusqu'à un certain point; ce n'est pas une attitude de "show" comme avant, soit une de ne pas se comprendre. Il faut en prendre avantage à ce moment-ci et tenter de créer un autre esprit de coopération. C'est pour cela qu'on a parlé également de plusieurs autres choses, y compris la représentation. La participation dans la vie québécoise est très importante parce que la question de la langue n'est qu'une partie de notre vie ensemble.

Le Président (M. Gagnon): Dernière petite question?

M. Lincoln: Un dernier commentaire. Je voudrais poser une question au ministre sur la conclusion 8 du rapport: "Qu'un enseignement de qualité de la langue seconde soit assuré dans les écoles." Je pense que cela a été dit par le Conseil catholique d'expression anglaise, cela a été dit par les intervenants. Je pense que deux intervenants précédents ont souligné la chose. Je voulais relever un peu les chiffres que vous aviez donnés, parce que je n'avais pas la parole à ce moment. Vous avez parlé de 334 000 anglophones bilingues, je pense, et de 1 500 000 francophones bilingues. Alors, vous avez dit: Cela montre la chose. Mais quand vous établissez le pourcentage, vous voyez que les anglophones bilingues sont en plus grand nombre que les francophones bilingues de la population.

Si vous regardez le rapport de Lacroix et Vaillancourt, vous allez voir que, dans la catégorie des 15 à 24 ans, les anglophones bilingues commencent à augmenter en nombre par rapport aux francophones bilingues. Les francophones bilingues se retrouvent chez les gens de 35 ans et plus cela augmente plus la population vieillit, ce qui démontre qu'on n'enseigne pas assez la langue seconde aux francophones.

Vous parlez du Québec comme étant la population au monde qui est la plus bilingue. Je lisais le rapport Gendron qui parlait de certains pays où il y avait 72% de gens bilingues; pas 22%, comme vous l'avez dit, 72%. Ce n'est pas notre cas du tout, on n'est pas le pays le plus bilingue. Je pense que vous avez dit...

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre! M. le député de Nelligan a toujours la parole. Après, vous aurez la parole, M. le ministre.

M. Lincoln: Excusez-moi si je vous ai mal compris; j'avais pensé que vous aviez dit "le". Lisez le rapport Gendron, vous verrez.

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre, s'il vous plaît! M. le député de Nelligan a toujours la parole.

M. Lincoln: Tout ce que je peux vous dire, c'est qu'on cite cinq, six, sept pays; il y a peut-être des pays qu'il faudrait voir. Il faudrait voir, par exemple, des pays bilingues comme la Hollande qui enseigne plusieurs langues, comme la Suède, comme la Norvège, comme la Suisse, comme l'Afrique du Sud à laquelle il fait référence pour les 72%.

Ce que je veux vous dire, c'est qu'il y a des pays où le bilinguisme est établi à une capacité beaucoup plus haute. Le fait qui ressort de tout cela, c'est que, maintenant, le bilinguisme chez les francophones est en train de diminuer pendant que le bilinguisme chez les anglophones est en train d'augmenter chez les jeunes. Je pense que cela est un fait très important qu'il faut souligner. Il ne faut pas faire l'autruche et dire que cela n'existe pas. C'était le point que je voulais soulever. Dans ces rapports, on voit clairement qu'on aura le problème inverse avec la jeune génération grandissante. Les jeunes anglophones deviennent de plus en plus bilingues par la force des choses parce qu'ils vont à l'école française tandis que les jeunes francophones deviennent de plus en plus unilingues. Je pense que le point 8 de la conclusion se rapporte, d'après ce que je comprends, à toute la population. Si on

pouvait se rencontrer sur un terrain où chacun comprendrait la langue de l'autre, je pense que la commission de ce soir n'aurait pas lieu.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Godin: Oui, très brièvement. Au fond, mon intervention visait ce matin à dire que, premièrement, de la part du gouvernement du Québec, il n'y a aucune restriction par rapport à l'importance du bilinguisme. Le Québec est la province où il se donne le plus grand nombre d'heures d'enseignement de la langue seconde au Canada. C'est la province où c'est le plus développé. Troisièmement - ce sera mon dernier commentaire avant de passer la parole à mon collègue de Deux-Montagnes -dans l'état actuel des choses, le Québec a cinq fois plus de bilingues francophones que de bilingues anglophones. Donc, vous avez peut-être raison. S'il y a un gel des francophones bilingues en 1983, il est possible que, dans 40 ou 50 ans, en proportion, il y ait autant d'anglophones bilingues, mais...

M. Lincoln: Vous parlez en chiffres absolus...

M. Godin: ...au fond, si on parle d'un bassin de population, mon cher collègue, on se rend bien compte qu'il y aura probablement toujours cinq fois plus de francophones bilingues au Québec que d'anglophones. Donc, la menace dont vous parlez pour les jeunes francophones du Québec n'est pas très importante en ce qui me concerne.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Pour ne pas me heurter au même genre de difficultés que précédemment, je voudrais vous informer, M. le Président, que je ferai d'abord un commentaire et, ensuite, je poserai deux séries de questions.

Le commentaire à l'adresse de nos invités, c'est pour vous dire, messieurs, que vous confirmez un de mes plus anciens préjugés qui est une confiance irréductible en la nature humaine. Je ne dirai pas que tous les problèmes sont solubles, je ne dirai pas que les problèmes n'existent pas, mais la façon que vous avez eue de vous présenter devant nous avec un mémoire bien structuré et votre façon d'utiliser les deux langues est elle-même un mémoire. Vous avez commencé en anglais pour affirmer que c'est votre langue. Vous avez donné toutes les explications en français pour montrer que vous acceptez que ce soit une langue de communication indispensable au Québec et vous avez ajouté en anglais des éléments d'explication pour rappeler une fois de plus que votre propre langue, c'est l'anglais. Cela est un mémoire en soi. Avec des gens qui traitent comme cela, je suis prêt à tout discuter. Je suis prêt à aller très loin dans la recherche d'un compromis. Voilà le commentaire.

La première série de questions est à propos du paragraphe no 10 à la page 10 de votre mémoire. Parmi vos recommandations que je vais vous lire: "Que la clause Canada s'applique sur-le-champ à toutes les nouvelles admissions et qu'à l'avenir tous les gens de langue anglaise qui viendront s'établir au Québec soient autorisés à inscrire leurs enfants à l'école anglaise." Je voudrais vous faire observer que, sauf erreur, ce que vous demandez, ce n'est pas seulement la clause Canada, c'est ce qu'on pourrait appeler la clause Monde, puisque vous dites: "Tous les gens de langue anglaise qui viendront s'établir au Québec soient autorisés à inscrire leurs enfants à l'école anglaise." Si je lis bien ce que vous demandez, vous en demandez beaucoup plus que ce que nous étions habitués à entendre. Vous en demandez plus que ce que le Parti libéral du Québec préconise. Vous demandez quelque chose...

M. McLaughlin: ...d'être très généreux, je ne vous demande pas de donner vos culottes.

M. de Bellefeuille: ...je vais terminer si vous permettez. Vous demandez quelque chose qui a, entre autres inconvénients, un inconvénient particulièrement gênant, celui de créer deux catégories d'immigrants: les immigrants de langue anglaise et les autres immigrants. Vraiment, cela nous entraînerait sur un terrain très difficile. (20 h 45)

M. McLaughlin: Est-ce que je pourrais essayer de répondre?

M. de Bellefeuille: Oui, je vous en prie.

M. McLaughlin: C'est un manque de précision dans la langue qui nous a amenés à le dire de cette façon. Mon collègue va expliquer le sens de notre recommandation.

M. McConomy: J'ai déjà fait une remarque là-dessus. Il s'est peut-être glissé dans le texte un peu de la frustration du passé perdu, c'est-à-dire la clause mondiale qui existait auparavant. Il existe quand même dans notre communauté des gens qui insistent toujours pour que nous retournions à cet état de fait. Cette idée existe parmi notre population et il y en a qui y tiennent très fort. Nous avons dit la clause Canada et même, par inadvertance, nous avons créé une

confusion. Nous appuyons la clause Canada et nous croyons que c'est la définition juste de ce qui doit se passer.

M. de BellefeuiIle: Alors vous n'en demandez pas plus que la clause Canada?

M. McConomy: Et nous vous reflétons en même temps le fait qu'il y a peut-être un groupe de la population qui cherche plus large...

M. de Bellefeuille: Voilà, un peu de nostalgie, mais essentiellement...

M. McConomy: Exactement! Oui. M. de Bellefeuille: À propos de...

M. McConomy: La confusion est exacte, vous l'avez absolument reconnue et nous sommes d'accord qu'elle existe dans le texte.

M. de Bellefeuille: Alors à propos de la clause Canada, parmi les positions que l'actuel gouvernement du Québec a prises dans ce domaine, il y en a une qui n'est pas souverainiste ni indépendantiste et qui est même en un sens fédéraliste, c'est lorsque, à la conférence de St. Andrew's, en 1977, le premier ministre du Québec, M. René Lévesque, a proposé à ses homologues des autres provinces de passer des accords de réciprocité. C'était un peu après l'adoption de la loi 101. Il resterait à définir le contenu de ces accords, mais avant même que ces discussions aient eu lieu sur le contenu exact d'un tel accord de réciprocité, les autres provinces ont dit: Non, il n'est pas question d'accord de réciprocité. Or, c'était, je le répète, une position qui n'était pas du tout indépendantiste de négocier avec les autres provinces dans le cadre fédéral ce genre d'accord. C'est une position en un sens fédéraliste. Je considère qu'aujourd'hui, en 1983, cette position demeure complètement valable. On est toujours dans le régime fédéral, pourquoi ne pourrait-on pas s'entendre avec les autres provinces pour passer des accords de réciprocité? Je vous dis, quant à moi - je n'engage personne d'autre que moi - que si le gouvernement de l'Ontario acceptait, comme le Nouveau-Brunswick l'a fait, le bilinguisme officiel - le Parlement, Queen's Park, les tribunaux, les publications gouvernementales - l'équivalent de ce dont on vient de parler pour le Québec, je dirais que l'on est peut-être prêt pour la clause Canada, mais tant que cela n'est pas arrivé, comment peut-on lâcher prise et dire: Après tout ce que nous avons subi historiquement, nous allons de nouveau lâcher prise sans que quelque concession significative ait été faite par les autres provinces?

M. McConomy: Je comprends très bien. Je souhaite que toutes les négociations au sujet d'une réciprocité quelconque réussissent, sauf que je suis un citoyen du Québec. Je suis né ici et j'ai été élevé ici. J'ai déjà vu le système d'admission aux écoles où j'allais se réduire et là j'ai un peu peur qu'ayant vu qu'il s'est réduit, maintenant c'est à Queen's Park de décider ce que j'aurai comme droits à l'intérieur de négociations pour la réciprocité.

Je suis absolument d'accord qu'à l'extérieur de la province de Québec, les avantages que nous avons et que nous avons eus ici même auparavant soient accordés dans la plus grande mesure dans un esprit de réciprocité. Je suis d'accord à 100%, mais c'est un peu frustrant, comme je l'ai dit, de voir que mes droits dépendent d'une négociation avec un autre gouvernement dans laquelle je n'ai aucune participation ni un mot à dire...

M. de Bellefeuille: Bon, c'est légitime et de bonne guerre. Maintenez la pression et à un moment donné cela va lâcher à quelque part. Bon. Je n'ai pas l'impression que c'est moi qui vais proposer que nous lâchions quant à nous. Mais enfin cela va lâcher quelque part.

M. Fortier: Vous n'allez pas à Queen's Park.

M. de Bellefeuille: M. le Président, c'est là la fin de ma première série de questions.

M. McLaughlin: J'allais vous demander si vous étiez prêt à prendre un engagement à lâcher. Non, n'est-ce-pas?

M. de Bellefeuille: Non. M. McLaughlin: Pas encore.

M. de Bellefeuille: Pour la deuxième série de questions ou deuxième question c'est beaucoup plus précis. Plus tôt dans notre conversation, il a été question de personnes qui vont à l'hôpital. Je reste insatisfait parce que je ne sais toujours pas ce qu'il advient, dans votre esprit, du droit individuel du patient à recevoir des soins dans sa langue. Est-ce que vous considérez que ce droit, du côté francophone et du côté anglophone, doit toujours être respecté ou si vous fermez le yeux si dans X% des cas cela n'est pas satisfait?

M. McConomy: Notre position est très claire. Nous croyons que chaque citoyen qui se présente à une institution hospitalière et cherche des services dans sa langue doit les avoir dans sa langue. Nous n'acceptons pas que ce soit l'individu qui se présente qui

fasse partie de ce chiffre, mais que ce soit l'institution qui ait l'engagement de fournir les services. Cela ne veut pas dire que 100% du personnel doit être apte et capable de fournir ce service dans les deux langues entièrement et totalement, parce que c'est un peu exagéré dans les circonstances. L'institution doit être capable de garantir qu'elle est en mesure de fournir ces services.

Quand quelqu'un frappe à la porte de l'hôpital St. Mary's, il frappe à la porte d'une institution traditionnellement anglophone. Cela fait partie d'une tradition. L'hôpital St. Mary's est parti de la rue Dorchester, est déménagé à Côte-des-Neiges, et tout cela. C'est la communauté anglophone catholique qui a fait des quêtes, qui est allée chercher des montants d'argent, qui est allée y mettre du personnel avec de grandes traditions familiales de service et tout. Nous considérons que nous avons bâti cette chose. L'histoire a changé et maintenant les fonds sont fournis par le gouvernement avec nos taxes et les vôtres mais ils sont fournis autrement. C'est devenu une chose publique. Mais les traditions restent et demeurent. Le portrait de la clientèle reste et demeure. L'engagement de l'institution est de s'assurer qu'une personne qui se présente aura les services dans sa langue. Mais nous trouvons que changer entièrement et complètement l'hôpital pour ce petit nombre de personnes qui vont venir est un peu exagéré. Effectivement nous considérons - et c'est la même remarque pour les tests et tout cela -que tout ce système de franciser à 100% une institution qui va servir plutôt notre population qu'une autre, ce n'est pas réaliste et pratique et cela ajoute un fardeau sur notre dos que nous trouvons excessif.

Je ne cherche pas des mots chargés mais c'est excessif de convertir complètement ces institutions pour un principe tandis qu'au point de vue pratique le service peut être garanti. Nous sommes confiants qu'il peut être garanti par l'institution et non pas nécessairement par chacun des membres du personnel.

Le Président (M. Gagnon): Oui?

M. Thuringer: Est-ce que je peux préciser un peu sur cela?

Le Président (M. Gagnon): II faudrait aller assez rapidement, si vous permettez, parce qu'on a réellement dépassé...

M. Thuringer: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Je ne veux pas vous enlever votre droit de parole, mais peut-être que vous pourriez aller un peu plus rapidement.

M. Thuringer: Cela va.

Le Président (M. Gagnon): Vous avez la parole.

M. Thuringer: D'accord. Rapidement je pense que c'est une chose dans un hôpital mais on aimerait souligner le cas des institutions pour les personnes âgées ou des institutions pour les enfants mésadaptés, par exemple, où la clientèle vient de toute la province. C'est peut-être une option de voir à ce que cette institution soit primordialement anglaise. Comprenez-vous? C'est différent comme hôpital. C'est seulement cette petite précision que...

M. de Bellefeuille: Oui, oui, je comprends. Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. J'aurais une question précise à vous poser sur votre troisième recommandation voulant que les tests de français soient abolis et remplacés par un enseignement de français de grande qualité dans les écoles. Est-ce que, dans votre esprit, si l'enseignement du français était suffisamment bon, les élèves sortiraient des écoles avec une connaissance fonctionnelle de l'anglais et il y aurait comme exigence qu'ils sortent de nos écoles avec une connaissance du français? Est-ce que c'est cela?

M. McLaughlin: C'est là le sens, oui.

Mme Lavoie-Roux: Cela abolirait alors la nécessité de tests pour les professionnels.

M. McLaughlin: Je pense qu'à l'heure actuelle, la loi dit qu'une personne de langue anglaise ne peut pas recevoir un certificat sans être capable, à l'heure actuelle, de passer un test écrit et oral. Si la qualité ou le niveau n'est pas suffisant, augmentons le niveau.

Mme Lavoie-Roux: Le problème que cela soulève - juste pour votre réflexion -c'est que si vraiment on voulait que ceci soit en quelque sorte un substitut pour les tests à un niveau supérieur, il faudrait peut-être que les exigences de ce test soient plus grandes qu'elles ne le sont actuellement. Je ne suis pas prête à dire que tous les élèves qui sortent du secondaire ont cette maîtrise suffisante de la langue française et en élevant les exigences pour ces examens, on pénaliserait peut-être, jusqu'à un certain point, au niveau de l'obtention du certificat secondaire, des élèves qui ont un peu plus de difficulté. C'est l'embûche que j'y vois, parce que dans le fond on veut que l'un

remplace l'autre, alors qu'il n'est exigible que pour les professionnels qui ont une formation collégiale, universitaire, etc. Là, on aurait à peu près les mêmes exigences, si l'un doit remplacer l'autre, pour des étudiants de secondaire. En tout cas, je pense qu'il faut y réfléchir avant, parce qu'il y a peut-être ce danger.

M. McConomy: C'est plutôt de faire confiance au système d'enseignement au lieu de penser à rehausser le niveau d'exigences pour sortir du système de l'éducation. Quand même, un étudiant ou une étudiante qui sort de notre système a été soumis pendant plusieurs années à l'enseignement de la langue. Alors, encore une fois, c'est un aspect des tests qui devient embêtant. Où est le niveau? On a dit qu'on a référé cela à l'institution elle-même. Est-ce que cela veut dire que c'est disparu? Est-ce que cela veut dire que les exigences ont été tellement basses? J'entends les histoires des avocats qui sont allés passer les tests, qui se sont regardés en plein visage et la seule question qu'ils se sont posée a été: Désirez-vous vous jeter de la fenêtre? En disant: Non, nous avons passé les tests, bonjour. Ceci est peut-être une blague, mais quand même il y a tellement de tests dans ce système individuel.

Mme Lavoie-Roux: II paraît que mes voisins ont mal compris. Ce dont je parlais, c'est des examens de fin d'année de secondaire qui pourraient être rendus plus difficiles pour permettre l'abolition des tests au niveau universitaire qui sont prévus présentement pour les professionnels. Mais je pense que vous aviez compris ma question.

Je vais vous poser une seule question, compte tenu de l'heure, même si j'en aurais plusieurs à vous poser. Je sais que vous êtes très préoccupés du maintien de vos institutions, particulièrement dans le domaine de l'éducation et je vais m'adresser davantage à celles du domaine de la santé et des affaires sociales. Pourriez-vous me dire si, jusqu'à maintenant - mettons de côté des tracasseries assez irritantes que vous avez eues à St. Mary's - la loi 101 telle qu'elle est permet, à votre point de vue, de maintenir le caractère de vos institutions? Et, deuxièmement, si par hasard votre réponse est oui, est-ce que l'application des articles 17 à 23, qui est prévue pour la fin de décembre, viendrait compromettre le maintien de vos institutions de santé et de services sociaux?

M. McLaughlin: À l'heure actuelle, nous voulons souligner que le caractère de nos institutions est déjà changé et nous avons de la misère à les reconnaître comme étant anglaises et catholiques. C'est une réalité qu'on constate aujourd'hui et nous avons peur qu'au 31 décembre 1983, il y ait une autre phase qui mène éventuellement vers, non pas une abolition de nos institutions, mais de leur caractère. Elles ne seront plus vues comme étant anglophones et catholiques. (21 heures)

Mme Lavoie-Roux: L'obligation de l'article 46, qui interdit à un employeur d'exiger pour l'accès à un poste la connaissance d'une langue autre que la langue officielle, vous apparaît-elle comme une difficulté ou, dans les faits, vous a-t-elle déjà créé des difficultés quant au maintien du caractère culturel de vos institutions?

M. McLaughlin: Nous avons toujours ce problème. Sans avoir un statut quelconque pour la langue anglaise, quand on l'exige ou qu'on le demande, on devient hors-la-loi.

Mme Lavoie-Roux: Mais vous n'avez pas eu de contestation?

M. McLaughlin: Non, à ma connaissance mais c'est un peu la question qui a été posée par M. Marx plus tôt aujourd'hui. Il n'y a pas eu de contestation. Dans un certain sens, on cherche tous à comprendre les règlements. On cherche tous à comprendre la loi elle-même, et l'application se fait plus ou moins, dans le sens que personne n'est vraiment conscient de sa vraie portée. Effectivement, non, nous n'avons pas eu ce problème, mais quand nous regardons la charte des langues... A-t-on besoin... Je l'ai déjà prouvé. Comme président des catholic Community Services on engage des gens. A-t-on le droit de refuser une personne unilingue française? Est-ce que, selon la loi, on a le droit de refuser de l'engager pour un poste où on traiterait exclusivement avec des personnes de langue anglaise? Est-ce que cela représente une discrimination illégale? Ma première réaction, personnellement, c'est oui.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. Je vous remercie. On aura d'autres occasions d'en discuter.

M. McLaughlin: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, madame. M. le ministre.

M. Godin: En terminant, je citerai au complet la phrase de l'article 46: "...à moins que l'accomplissement de la tâche ne nécessite la connaissance de cette autre langue." C'est grâce à cette clause, M. McConomy, que vous n'avez pas eu à subir les contrecoups de cet article, je présume. D'autre part, une dernière question, en ce qui me concerne. Le troisième point dont a fait mention Mme la députée de L'Acadie fait-il partie, pour vous, des priorités de vos

recommandations?

Une voix: Le troisième point?

M. Godin: "Que les tests de français soient abolis et remplacés par un enseignement." Vous m'avez dit tout à l'heure, M. McConomy ou M. McLaughlin, que tout le monde ici avait une expérience comme négociateurs. Le troisième point vous semble-t-il un point central ou un point secondaire? ...Merci, messieurs.

M. McLaughlin: Bonsoir, M. le ministre.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau. Oui, M. le ministre. Excusez-moi.

M. Godin: Merci beaucoup. Très sérieusement, je veux vous remercier de votre mémoire. Nous allons l'étudier avec beaucoup de sérieux et d'attention.

Une voix: Merci infiniment.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Je veux simplement vous remercier, messieurs, de l'éclairage que vous nous avez fourni. Je pense qu'on constate tous ensemble que la définition de ce qu'est une institution anglophone reste à être précisée dans la loi, dans les règlements et dans l'interprétation. Comme je le disais ce matin, quand on dit que les citoyens ont droit à des services et à l'information dans leur langue et qu'on reconnaît en même temps le droit à la communauté anglophone de gérer et de diriger ses propres institutions, il faut se poser la question suivante: Qu'est-ce que c'est, une institution anglophone? Une institution où chacun des employés est bilingue, donc, le principe du bilinguisme individuel, ou une institution où les services sont disponibles en français, c'est-à-dire qu'il y a suffisamment de personnes pour fournir les services en français lorsqu'ils sont requis?

Quant à moi, vous devinez quelle est ma réponse. Il me semble qu'une institution anglophone n'est pas une institution où chaque individu doit être bilingue parce que, à ce moment-là, cela devient une institution bilingue. C'est dans ce sens que je pense que le ministre devra très sérieusement considérer les recommandations que vous lui faites et les constatations que vous avez portées à notre attention. Comme je le soulignais ce matin, il va falloir préciser. Si le gouvernement décide que la garantie à vos institutions, à la communauté anglophone, veut dire que tout le monde doit parler les deux langues, on devra l'écrire comme tel dans le texte de la loi. Au moins, on saura à quoi s'en tenir. En attendant le fruit de la réflexion du ministre, je vous réitère que nous, de l'Opposition, sommes là pour surveiller, pour également contribuer à trouver les accommodements qui s'imposent. Et je pense que votre contribution nous aidera grandement dans cette démarche. Je vous remercie.

Le Président (M. Gagnon): Merci, messieurs.

J'inviterais maintenant la Chambre de commerce du district de Montréal à prendre place.

Alors, M. Goyette, si vous voulez bien nous faire la lecture de votre mémoire et essayer d'entrer dans le... Là, on est presque certain de dépasser 22 heures, mais il faudrait quand même se limiter.

Chambre de commerce du district de Montréal

M. Goyette (Pierre): M. le Président, mesdames et messieurs les députés, mon nom est Pierre Goyette, président de la Chambre de commerce du district de Montréal. Je suis accompagné de M. Pierre Brunet, président du conseil de la Chambre de commerce du district de Montréal.

Nous avons soumis le mémoire qui vous a sans doute été transmis. Je n'ai pas l'intention de le lire, mais d'en tirer les points importants, les points essentiels pour permettre une période de questions par la suite.

Tout d'abord, je voudrais expliquer qu'à notre avis la langue française se porte bien au Québec. La langue française se porte mieux en tout cas au Québec. C'est une constatation que nous mettons de l'avant au tout début de notre présentation.

Il y a beaucoup de personnes qui croient que la Charte de la langue française restreint d'une manière sévère l'usage de l'anglais et impose des complications administratives inutiles. De même, la situation faite aux libertés linguistiques des anglophones soulève de nombreuses inquiétudes.

Alors, le débat actuel porte essentiellement sur les compromis dont l'objet serait d'atténuer ces problèmes tout en continuant d'assurer au français le cadre de son épanouissement. L'affermissement du rôle dominant des francophones dans l'économie québécoise ne peut être passé sous silence. Et je voudrais tout de suite indiquer que, étant la Chambre de commerce du district de Montréal, nos préoccupations sont d'abord et avant tout à caractère économique. Alors qu'il y a vingt ans, l'économie québécoise et l'économie montréalaise en particulier étaient dirigées par une élite anglophone, l'inverse est acquis aujourd'hui. Ce sont des francophones qui, en

très grande majorité, dirigent aujourd'hui l'économie du Québec, sauf peut-être dans un certain nombre de multinationales.

La Chambre de commerce du district de Montréal est consciente de représenter la nouvelle élite économique qui a la tâche, à Montréal, de gérer le secteur privé de l'économie. Et les membres de notre chambre dirigent, à divers titres, des entreprises qui oeuvrent d'abord et avant tout en français, mais qui utilisent aussi l'anglais dans les relations économiques et technologiques dans un contexte nord-américain. Les progrès de la francisation et de la présence francophone résultent en bonne partie des actions des membres de la Chambre de commerce du district de Montréal. Peut-être en serez-vous même un peu étonnés. De même la Chambre de commerce du district de Montréal est-elle fière d'être étroitement associée aux nouveaux leaders montréalais des affaires et de refléter par ses prises de position les vues et les conceptions de cette nouvelle élite du monde des affaires, soit dit sans trop de forfanterie ou de fausse modestie.

Les problèmes linguistiques au Québec sont maintenant surtout des problèmes montréalais. Et c'est à Montréal que se retrouve l'essentiel de la communauté anglophone du Québec. C'est aussi par Montréal que passe la majorité des communications entre l'économie québécoise et l'économie internationale. Toutefois, certains aspects de la législation linguistique en vigueur soulèvent des inquiétudes graves aux membres de la Chambre de commerce du district de Montréal. Les éléments qui font problème nous apparaissent peu nombreux mais leurs effets sont critiques.

En ce qui concerne les personnes, les dispositifs législatifs et réglementaires qui posent des difficultés ont trait à la langue d'enseignement, à l'affichage et aux institutions anglophones de services communautaires. En ce qui a trait à la langue de travail et des affaires, bien que le processus de francisation soit bien engagé, les actions des organismes de réglementation tels que l'Office de la langue française et la commission de surveillance soulèvent aussi des inquiétudes.

Quelques mots sur la situation du français au Québec. Une forte majorité de citoyens francophones et anglophones perçoivent les progrès réalisés et sont d'avis que le français marque des points, que ce soit comme langue de travail, de communication ou d'administration. Les progrès ont été remarquables au niveau de la langue des affaires, c'est-à-dire des transactions avec les clients, et de la langue de travail, notamment au sein des établissements de fabrication, de distribution et de services au Québec. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner un certain nombre d'études dont plusieurs sur lesquelles nous nous sommes basés proviennent des organismes créés en vertu de la Charte de la langue française.

La présence francophone à des postes de direction s'est élevée au cours des années pour atteindre plus de 70% dans les établissements de fabrication et de vente et plus de 40% dans les sièges sociaux.

La communauté francophone des affaires du Québec forme un groupe culturel vigoureux et confiant dans l'avenir. Montréal est devenue un centre cosmopolite biculturel où des chefs d'entreprises des deux communautés linguistiques canadiennes se rencontrent sur un terrain d'égalité.

Malgré les bouleversements rapides des 20 dernières années, Montréal compte une importante minorité linguistique de langue anglaise. Elle offre des ressources en hommes et en entrepreneurs qui constituent un atout majeur pour le développement économique du Québec. C'est un point important sur lequel on s'appuie et qu'on veut encourager.

Montréal demeure toujours la ville où s'effectuent les transferts linguistiques, pas dans le sens qui a été utilisé dans une étude publiée la semaine dernière, mais les transferts au point de vue de l'utilisation de la langue, c'est-à-dire que, quand des gens de langue française veulent transiger avec d'autres personnes de langue anglaise d'ailleurs, les échanges de bilinguisme se font à Montréal. C'est là que se trouve la passerelle linguistique du Québec. Il ne faut donc pas se surprendre que la connaissance de l'anglais demeure un atout de mobilité sociale chez les cadres.

La coexistence de deux cultures et de deux groupes linguistiques au travail et dans la vie sociale se traduit, il va sans dire, par d'inévitables points de friction et de tension. Je pense qu'il faut bien le reconnaître. L'ajustement des relations entre ces deux groupes donne naissance à des situations qui déclenchent des animosités et des débats. En somme, les choix réalisés suscitent des réactions inévitables. Je pense que c'est là pour y rester si nous continuons à avoir deux cultures et deux groupes linguistiques présents dans l'agglomération de Montréal. En fait, en raison même de sa composition sociolinguistique, Montréal doit être une ville de compréhension et de tolérance, où les usages plutôt que les prescriptions viennent définir et nuancer les rapports linguistiques.

La vaste majorité des dispositions de la loi 101 reçoivent l'assentiment heureux ou calculé des citoyens du Québec. Cependant, certaines dispositions appellent des modifications au nom du réalisme ou de la volonté de bonne entente. Les ajustements qui s'imposent ont trait, d'une part, à certaines dispositions de la charte et, d'autre part, au fonctionnement des organismes

chargés d'appliquer les règlements afférents à cette loi. (21 h 15)

Une première partie, l'accès à l'école anglaise. D'abord, je voudrais souligner que, depuis l'entrée en vigueur des deux lois, c'est-à-dire la loi 22 et la Charte de la langue française, la fréquentation de l'école anglaise diminue au Québec. Ce pourcentage diminuera encore au fil des années à mesure que s'opéreront les mutations déjà amorcées. L'anglais est toujours la langue d'enseignement privilégiée des allophones, mais, à la maternelle, en 1981-1982, plus de 68% avaient déjà opté pour le français. C'est tiré d'une étude de Michel Plourde, du Conseil de la langue française.

Les enfants des citoyens canadiens qui viennent s'établir au Québec ne peuvent, à moins d'exemptions temporaires et incertaines peut-être, avoir accès à l'école anglaise.

Comme recommandation, la Chambre de commerce de Montréal est d'avis que l'accès à l'école anglaise devrait être accordé aux enfants des anglophones des autres provinces qui désirent s'établir au Québec. L'école anglaise devrait néanmoins amener ces enfants à un niveau élevé de bilinguisme grâce à un enseignement efficace de la langue anglaise.

Une modification au chapitre de la langue d'enseignement faciliterait largement le recrutement de personnel hautement qualifié dans les centres de recherche et rendrait intéressantes les mutations des cadres vers les sièges sociaux situés à Montréal. Les conséquences démographiques d'accorder l'accès à l'école anglaise aux enfants des Canadiens provenant des autres provinces ne sont pas, à notre avis, de nature à rompre le nouvel équilibre qui a été établi dans la population scolaire au Québec. Le gouvernement du Québec peut prendre l'initiative et décider lui-même d'élargir l'accès à l'école anglaise. Il s'agirait d'un geste important qui refléterait notre confiance - à nous, Québécois - dans l'avenir. Par contre, le gouvernement du Québec peut aussi se laisser imposer une solution juridique de l'extérieur et s'engager dans diverses querelles juridiques, mais nous croyons que le gouvernement peut - nous le souhaitons - par un geste de politique magnanime, reconnaître les droits à l'école anglaise que la population francophone du Québec a déjà elle-même reconnus, ce que nous avons aussi trouvé lors d'un sondage que nous avons effectué plus tôt cette année même.

L'affichage en anglais constitue un second élément d'ajustement des interventions publiques en matière linguistique. La Charte de la langue française exclut l'affichage commercial anglais. L'objectif, au départ, était de créer un visage français et de changer ainsi les attitudes des francophones et des anglophones à l'égard de la légitimité du français. Nous croyons que les objectifs sont atteints. La légitimité du français, comme langue commune et d'usage au Québec, ne fait nul doute maintenant. Les attitudes ont changé.

Les anglophones du Québec, malheureusement, dans certains cas, choisissent trop souvent de partir, ce qui affaiblit la collectivité québécoise et la prive de la présence d'une minorité dynamique et bien intégrée.

La chambre - c'est notre recommandation - est d'avis que l'affichage bilingue devrait être reconnu là où la présence anglophone le justifie. Les changements d'attitude vis-à-vis du français par l'exclusion de l'anglais dans l'affichage commercial ont été largement réalisés déjà. Il faut donc reconnaître la réalité linguistique de Montréal. Un large appui se dessine au sein de la population francophone du Québec pour certaines formes d'utilisation de l'anglais dans l'affichage, notamment, dans les endroits où la proportion d'anglophones est élevée. Le gouvernement peut donc, par modification des règlements actuels, procéder à des accommodements réalistes sans pour autant réduire la prépondérance du français au Québec.

Quant aux institutions anglophones, la communauté anglophone, comme on vient de l'entendre par le groupe qui nous a précédés, a créé et anime des institutions de santé, d'éducation et de services communautaires. Ces institutions de propriété privée ou publique se sont toujours donné comme mission de servir d'abord une clientèle anglophone et d'agir comme reflet des diverses facettes de ce milieu culturel. Il importe de rappeler que ces institutions ont pour objet premier le service aux communautés anglophones et que les francophones qui les fréquentent devraient en être pleinement conscients. Ils le sont, d'ailleurs.

Par conséquent, la chambre de commerce est d'avis que les règlements afférents à la Charte de la langue française devraient être modifiés de façon à permettre aux institutions anglophones de fonctionner selon le modèle du bilinguisme institutionnel qui a été expliqué tout à l'heure.

Je pense qu'il faut abandonner l'idée de transformer les institutions anglophones en institutions francophones. La chambre de commerce suggère donc que le gouvernement reconnaisse la présence d'institutions francophones et d'institutions anglophones capables de rendre certains services dans l'autre langue.

Quant à l'usage du français comme langue de travail et les relations avec les organismes de réglementation, la francisation des entreprises et des organismes a été

conçue comme un processus de changement planifié. Les objectifs de relèvement de francisation des communications et de la présence francophone devaient être atteints non par l'établissement de normes coercitives, mais par des programmes spécifiques de changement organisationnel adaptés à la situation de chaque entreprise à la suite d'une analyse linguistique. C'était l'objectif visé en 1977. Qu'en est-il des résultats?

Nous sommes d'avis, dans l'ensemble, que l'Office de la langue française a engagé ses travaux dans le sens du changement organisationnel. Mais l'examen et la confection de programmes de francisation n'exigeaient certes pas la constitution d'un organisme aussi lourd que l'Office de la langue française. Le cas de la Belgique est frappant. La transformation linguistique des entreprises belges vers le flamand s'est faite à l'aide d'une commission composée de quelques membres seulement. L'Office de la langue française a opté pour un autre modèle. Au lieu de se fier aux entreprises et aux mécanismes de changement mis en place, une bureaucratie a été constituée pour contrôler.

Le même esprit a présidé à l'élaboration des règlements de la loi 101. La confection des règlements a été réalisée principalement par l'Office de la langue française. L'examen des règlements relatifs à l'application de la loi par le ministère de la Justice du Québec a révélé plus de 50 points où des décisions prises dans la rédaction des règlements faisaient problème. Le ministère de la Justice nota des illégalités, des abus de pouvoir et des dispositions susceptibles d'être jugées ultra vires. L'analyse de cet avis du ministère de la Justice du Québec, compte tenu du nombre d'irrégularités observées, ne fait aucun doute quant à la façon abusive dont la Charte de la langue française a été interprétée par la voie réglementaire. L'action de l'Office de la langue française a été dirigée surtout vers les entreprises dites anglophones. Dans ces entreprises, les négociateurs de l'office se sentent, semble-t-il, plus libres d'intervenir. Il est malheureux de constater que de nombreuses entreprises anglophones se sont fait embarquer dans des programmes irréalistes. Deux poids, deux mesures.

Quant à la commission de surveillance, qui est chargée des questions se rapportant au défaut de respect de la charte, elle a abordé plusieurs problèmes dans une étroite perspective. La structure de la loi a pour effet de donner des pouvoirs d'interprétation et d'action aux cadres de la commission de surveillance. Le pouvoir discrétionnaire fait des fonctionnaires de la commission de surveillance des agents contestés.

Un mode d'application plus judicieux, plus responsable et moins lourd s'impose aux organismes de réglementation. Il incombe au ministre responsable de procéder avec prudence au choix des personnes appelées à les diriger. Il lui incombe également de s'assurer de l'établissement de politiques et de pratiques administratives propices à des styles de gestion plus ouverts et plus orientés vers des changements sociaux. De plus, les organismes de réglementation doivent établir leur action dans un schéma qui tient pour acquis la présence d'une minorité anglophone vivante. Dès lors, les prises de position deviendront plus généreuses et plus préoccupées des nombreuses réserves que suggère la justice.

En conclusion, de nombreux sondages d'opinion auprès de la population québécoise indiquent clairement le désir de changements à la Charte de la langue française. La Chambre de commerce de Montréal a commandé un sondage effectué plus tât cette année, au mois de mai, auprès de la population francophone du Québec. Six sur dix de ces personnes déclaraient que la loi devrait être adoucie alors qu'un tiers seulement soutenait qu'elle devrait être maintenue sans modification. Au sein de la population, le groupe qui s'oppose à des modifications à la loi serait passé, selon un autre sondage de SORECOM, société qui a fait le sondage pour nous en mai, d'une majorité de la population francophone en 1981 à moins du tiers maintenant.

Plusieurs raisons expliquent ce changement d'opinion. Le motif essentiel et fondamental est en ce sens que les francophones croient que la Charte de la langue française a atteint ses objectifs et qu'il est temps maintenant d'en changer les aspects dysfonctionnels. La loi a été préparée dans l'objectif de faire du français la langue du travail, des affaires, de l'éducation et de l'administration. Il est maintenant largement atteint. Les conséquences économiques sur les pertes d'emplois et les effets sociaux sur la communauté anglophone étaient vus à l'époque comme des prix acceptables à payer pour les objectifs visés; ils ne le sont plus maintenant.

La Chambre de commerce du district de Montréal est d'avis que le tissu social de Montréal est en mesure d'assumer les éléments inévitables de friction résultant de la rencontre de deux cultures. Le Québec est rendu à une nouvelle étape. Il s'impose maintenant de corriger les effets non voulus des interventions de 1977. Le gouvernement du Québec est invité à poser des gestes concrets pour rétablir les déséquilibres créés par les interventions linguistiques.

D'une manière plus spécifique, cela signifie que le gouvernement du Québec doit assurer l'accès à l'école anglaise aux enfants de tous les anglophones du Canada venant s'installer au Québec; permettre l'affichage

là où la présence d'anglophones le justifie; garantir aux anglophones la survie et l'épanouissement de leurs institutions communautaires par l'application à ces institutions de la règle du bilinguisme institutionnel et enfin, assurer, au sein des organismes de réglementation, une gestion éclairée et généreuse qui mise sur le changement social et respecte les droits des minorités.

En juin dernier, la chambre établissait des orientations à long terme pour guider ses actions dans les années qui viennent. Un de ces grands principes est le maintien et l'affirmation du caractère biculturel de Montréal. Montréal est et doit demeurer une grande métropole biculturelle. Voilà une des richesses que nous devons apprendre à exploiter. La place des francophones et du français étant bien ancrée dans l'économie de Montréal, là où elle doit l'être, nous pouvons tirer profit de l'inestimable richesse qu'offre la collectivité anglophone de Montréal. Pour ce faire, nous devons nous assurer qu'elle puisse s'épanouir à Montréal. C'est une question, à notre avis, de droit, de justice, de sagesse et de pragmatisme.

M. le Président, voilà un sommaire de notre mémoire que nous vous avons soumis plus longuement il y a quelque temps.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Goyette.

M. le ministre.

M. Godin: M. Goyette et M. Brunet, merci d'abord d'être venus nous faire part de vos suggestions, de vos recommandations et de l'évaluation de la situation. En tant que député de la région de Montréal, je suis d'autant plus sensible à ce que vous dites que je peux observer de visu certains des effets des politiques linguistiques. Je dois dire par ailleurs que j'ai une vue de Montréal moins pessimiste que la vôtre, d'une part, à certains égards. A d'autres égards, je suis plus pessimiste que vous. Nous rendrons publique dans quelques jours la deuxième tranche de l'étude d'André Raynauld et de M. Vaillancourt sur l'appartenance des entreprises au Québec. Donc, de 1961 à 1978, les chiffres de M. Raynauld démontrent que l'établissement sous contrôle francophone au Québec n'a augmenté que de 47,1% qu'il était en 1961 à 54,8% en 1978. Deuxièmement, si on se concentre sur un des secteurs, la fabrication, pour le total, nous sommes passés, de 1961 à 1978, de 21,7% à 27,8%. C'est la définition qu'il y a dans le document de M. Raynauld, sa première version aussi bien que celle-ci, pour la majorité des actionnaires québécois francophones. Entendons-nous bien. Actionnaires, oui. Propriété. (21 h 30)

Je dois donc dire que, malgré qu'il y ait eu effectivement une montée frappante, pour ne pas dire fulgurante, dans certains secteurs, des membres de la chambre de commerce et de ce que M. Parizeau appelle la classe montante des administrateurs québécois, même si on tient compte du fait que le Québec compte une plus grande proportion per capita d'étudiants présentement en sciences de l'administration que n'importe quelle province canadienne anglaise, il reste que l'opération n'est pas terminée. J'aimerais vous poser la question, à vous qui êtes du milieu des affaires: Est-ce que vous croyez que la loi 101 a joué un rôle positif dans la montée de cette classe d'administrateurs francophones au Québec?

Le Président (M. Gagnon): M. Goyette.

M. Goyette: M. le Président, je ne crois pas être en mesure de répondre à votre question. J'attacherais fort probablement plus d'importance à l'éducation accrue qui a été acquise par les francophones dans les affaires. Pour ne prendre que quelques exemples, il me semble que le développement des écoles ou des facultés des sciences de l'administration de Montréal et de Québec, les HEC et la faculté d'administration de Québec, depuis 25 ans, a plus d'importance et de poids dans la montée de cette nouvelle classe dirigeante. Il me semble qu'il a plus de poids que les modifications linguistiques qui ont été amenées. Les francophones qui autrefois boudaient les écoles d'administration ou de génie ne les ont plus boudées, en particulier depuis le début des réformes de l'éducation au début des années soixante. Je pense que ce sont ces personnes qui maintenant ont atteint ou sont sur le point d'atteindre des niveaux tels qu'elles peuvent accéder à des postes de direction.

Pour prendre un cas plus personnel pour illustrer mon point, lorsque j'étais à l'École des Hautes Études commerciales, en 1952, il n'y avait que 40 étudiants qui ont été diplômés de l'École des Hautes Études commerciales. C'est à partir du milieu des années soixante seulement que ces écoles des sciences de l'administration ont commencé à produire des étudiants en plus grand nombre. Je pense que c'est la montée de ces personnes qui ont étudié les sciences appliquées, que ce soit en génie ou en administration ou dans d'autres disciplines, qui fait que plus de personnes maintenant accèdent à des postes de direction.

M. Godin: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire que la loi 101 a nui à la montée des francophones dans l'administration au Québec?

M. Goyette: Non, je ne dirai sûrement pas cela.

M. Godin: Non plus? M. Goyette: Non.

M. Godin: Ne pensez-vous pas - peut-être quitte à le faire ensemble, le gouvernement et vous - qu'on devrait tenter de voir les effets économiques positifs, pour cette classe montante, des politiques linguistiques, aussi bien la loi 22 que la loi 101? Je n'arrive pas à croire que la francisation d'une entreprise au Québec n'a aucun effet sur l'emploi des francophones. Cela m'apparaît peu crédible que même au niveau supérieur de l'entreprise les lois sur la francisation n'aient aucun effet. Cela me semblerait, enfin, assez étonnant.

M. Goyette: II y a sans doute un effet.

M. Brunet (Pierre): Depuis dix ans, toutes ces lois ont quand même amené un changement de climat; cela a changé le visage. J'ai vécu des expériences personnelles de la même façon. Alors que j'étais gouverneur de la Bourse de Montréal, tout ce faisait en anglais dans les années 1968 et 1969; tout se fait en français maintenant. Il est vrai que tout cela a amené une évolution au point de vue de l'expression et le visage s'est francisé. C'est évident.

M. Godin: Deuxièmement, vous dites à la page 16 - mais c'est un détail - que la quasi-totalité des plaintes acheminées à la commission de surveillance se sont révélées non fondées, alors qu'en fait c'est 20% seulement. Pour un prochain mémoire que vous présenterez quelque part... Juste une correction mineure.

Aux pages 17 et 18, vous attribuez à la loi 101 un effet plutôt négatif, sinon très négatif, à l'égard des départs d'entreprises et de sièges sociaux, à l'égard d'une certaine désaffection du Québec, et vous les reliez à la loi 101 à la page 17. Or, dans le cadre des recherches qui ont été faites pour la préparation de cette commission, j'ai ici la première page de la Presse du 13 février 1973 qui se lit ainsi: "L'exode des sièges sociaux vers l'Ontario se poursuit." C'était en 1973, donc longtemps avant que la loi 101 soit même dans le cerveau de quelques politiciens. Et même année ou à peu de choses près, 1972, l'année précédente, un titre dans le Soleil: "Bourassa - Robert - se dit préoccupé par l'exode de services des firmes multinationales, lors d'une rencontre avec le Conseil du patronat." Également, à la même époque, la création d'un comité présidé par M. Fernand Lalonde, qui était sous-ministre aux Institutions financières et Coopératives, sur cette question. Le rapport n'a jamais été rendu public; peut-être n'existe-t-il pas, je ne sais pas.

Ce que je veux dire, c'est qu'il y a également une autre étude du C.D. Howe Institute qui dit que le phénomène existe au Québec depuis 1945, parce que le centre de l'économie canadienne n'est pas Montréal, c'est Toronto et ce sont des décisions qui ne tiennent pas à des décisions prises par des dirigeants québécois, comme vous le savez très bien. Si on avait eu le choix, on aurait décidé que ce serait Montréal.

J'aimerais avoir vos commentaires sur cela et vous dire en terminant que, en ce qui me concerne, un certain nombre de vos recommandations seront prises en considération par le gouvernement. D'autre part, même au sein des règlements des organismes que vous trouvez tatillons, il y a quand même un certain nombre de comportements - si j'en juge par le mémoire soumis ce matin par les employés de Pratt et Whitney - un certain nombre d'ententes négociées avec les entreprises et l'Office de la langue française qui sont plutôt souples et qui donnent aux entreprises énormément de temps avant de s'adapter à la réalité linguistique de la majorité des travailleurs du Québec. À Pratt et Whitney, 85% des travailleurs sont francophones; nous devons nous en préoccuper aussi en tant que gouvernement.

Mais je vous donne les chiffres que je voulais vous donner et qui sont inconnus; je les ai eus tout à l'heure. Ils concernent l'exemption de l'école française obligatoire accordée par règlement au ministère de l'Éducation. Nombre de demandes depuis que la loi existe: 7461 demandes formulées pour des exemptions. Le cas de Bell Helicopter n'est pas encore compté et je précise, pour mon collègue de Gatineau qui l'a affirmé ce matin, que le cas de Bell n'est pas exceptionnel, c'est la pratique courante. Demandes acceptées - c'est un chiffre qui va vous intéresser - 7159 demandes acceptées. Donc, pourcentage de refus, moins de 5%. Vous avez donc là l'illustration de la volonté du gouvernement de franciser le Québec, bien sûr; de faire en sorte que les citoyens qui viennent au Québec s'y établir en permanence envoient leurs enfants à l'école française, bien sûr; mais également la reconnaissance de problèmes particuliers vécus dans certaines entreprises et la nécessité pour le Québec de recruter des compétences à l'étranger, ailleurs au Canada ou aux États-Unis, quitte à leur donner un statut particulier au Québec. Ces chiffres expliquent peut-être que les chiffres mentionnés dans notre dernière rencontre d'une demande... Combien de pieds carrés de nouveaux espaces à bureaux par année? 500 000 pieds carrés de nouveaux espaces à bureaux dans la ville de Montréal par année... Depuis combien d'années? Depuis quelle année, M. Brunet?

M. Brunet: Depuis 20 ans, je pense.

M. Godin: Depuis 20 ans. Peut-être que cela explique que le Québec n'est pas aussi mal en point que certaines personnes voudraient nous le faire croire. Donc, en gros, ce sont mes remarques, mais je vous répète que nous nous pencherons très sérieusement sur les quatre recommandations que vous nous faites. Merci beaucoup.

M. Goyette: Pourrais-je faire des commentaires sur cette question?

Le Président (M. Gagnon): Oui.

M. Goyette: M. Brunet aussi voudrait faire des commentaires.

Au sujet de la première partie de votre intervention, je voudrais souligner, à la suite de votre référence à la page 17 de notre mémoire, que les conséquences économiques, les pertes d'emplois et les effets sociaux sur la communauté anglophone étaient vus de cette façon à l'époque. Je replace cela à l'année 1967 comme vous l'avez fait et non pas en tentant de décrire une situation actuelle.

M. Godin: ...complète au fond. Ce n'est pas seulement à partir de la loi 101 que vous avez observé ce phénomène vous-même. Merci.

M. Goyette: Je voudrais seulement souligner aussi, sur la question des exemptions quant à l'obligation de fréquenter une école française qui sont accordées ou qui ont été accordées dans une proportion de 95%, que ce sont des mesures d'exception. On les exempte de la règle. C'est ce qui apparaît et ce sont des exemptions temporaires. Je pense que ces deux aspects sont assez ennuyeux et restreignent sûrement des personnes de l'extérieur à s'engager à venir s'établir ici, parce qu'elles seront traitées par exception et d'une façon temporaire.

M. Brunet: Le commentaire que je voulais faire est le suivant. M. le ministre, on s'est rencontré assez souvent pour en discuter. C'est évident qu'on... Le hasard veut qu'on discute autour de la loi 101 aujourd'hui, mais la loi 101 n'est pas responsable de tout ce qui s'est passé au Québec depuis 20 ans. Cette évolution a réellement eu lieu. Nous disons qu'au point où on en est rendu, si on croit que la reprise est quand même un peu lente, il faut mettre tous les atouts économiques de notre côté et créer une atmosphère différente à l'intérieur de l'environnement économique montréalais qui représente quand même les deux tiers de l'économie du Québec. Ce sont des effets de perception qui sont extrêmement négatifs et - on le sent souvent - exagérés si on prend des exemples dans certains journaux anglais. Même la presse dans tout le Canada va exagérer la situation, mais cette exagération amène une perception qui devient négative. Nous disons à ce moment-là que la responsabilité du gouvernement du Québec est de chercher à donner des signaux positifs de façon à changer cette perception extérieure qui devient mauvaise et qui empêche certains investissements.

Quant à ce que vous disiez tantôt au sujet des actionnaires, en fait, il faut comprendre aussi que les activités... Il va y avoir des actionnaires d'un peu partout. Le gouvernement du Québec l'a fait dans le cas de Pechiney. C'est entendu qu'à un moment donné, pour de gros projets, il y a des avantages à avoir des actionnaires de l'extérieur.

M. Godin: Nous sommes tout à fait d'accord, M. Brunet, sauf que les choses changent lentement. Il est certain que tous les efforts de tous les gouvernements avant nous, y compris le nôtre, vont dans le sens d'assurer que l'entreprise est autant que possible indigène car, dans ce cas-là, nous sommes sûrs que ses profits restent ici et qu'elle n'est pas montée sur des patins à roulettes pour déménager à l'occasion d'un coin à l'autre du pays. Il y a plus de garanties que le Mouvement Desjardins va rester au Québec que le Royal Trust, par exemple. (21 h 45)

M. Brunet: Oui, je comprends, mais il faut quand même distinguer entre les activités peut-être locales et les activités multinationales. C'est évident que, si on prend en exemple une compagnie comme Seagram, avec son siège social à Montréal où moins de 10% de ses ventes sont au Québec, oeuvre dans le monde entier. C'est évident qu'elle a besoin de transférer des gens d'un peu partout. C'est la même chose pour l'Alcan. C'est la même chose pour... À l'inverse, une organisation qui a commencé à Sherbrooke, comme Provigo, qui faisait à peine $20 millions de vente il y a 15 ans, qui fait des affaires aujourd'hui à travers l'Amérique du Nord, a besoin d'aller chercher des gens en Californie, à New York et de les intégrer. Il y a une réticence à venir. Alors, cela joue des deux côtés. Il y a une modification qui se fait à l'intérieur du siège social lorsque la compagnie roule internationalement. Et il faut accepter que ce certain bilinguisme s'opère à l'intérieur des entreprises.

M. Godin: En conclusion, MM. Brunet et Goyette, je suis d'accord avec vous que le Québec a besoin de compétences et d'investissements de l'extérieur. Depuis huit ans, il y a eu 500 000 000 $ investis par des immigrants au Québec. Nous avons nous-

mêmes recruté, pour le Musée de Montréal, un Américain de Savannah, Georgia. Le gouvernement fédéral voulait nous en empêcher, vous le savez très bien. Échange de bons procédés. Il l'a accepté en fin de compte. Ce que je veux dire par là, c'est qu'il n'est pas question de fermer le Québec aux apports extérieurs. Il n'est pas question non plus de faire du Québec un pays unilingue français de A à Z, à cent pour cent; mais il est question que, proportionnellement à ce que nous sommes ici, nous aimerions bien que notre économie reflète un peu cette réalité, tout simplement. Je suis certain que nous avons les mêmes objectifs. Vous avez une classe montante, vos membres, et vous aimeriez bien qu'ils contrôlent une plus grande part de l'économie du Québec un jour ou l'autre. C'est ce à quoi nous travaillons présentement ensemble.

Une voix: Nous sommes prêts à partager.

M. Godin: D'accord.

La Présidente (Mme Lachapelle): Merci, M. le ministre. Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Merci, Mme la Présidente. Je voudrais également remercier la Chambre de commerce du district de Montréal pour son mémoire. Il me semble extrêmement important, parce que c'est l'une des motivations importantes qui ont amené le gouvernement et la pression populaire à demander une révision de la loi 101, de voir que ce sont justement les retombées économiques négatives ou positives de la loi 101. Et dans ce sens-là, vous reflétez probablement l'attitude d'un grand nombre d'entreprises avec lesquelles vous travaillez et dialoguez.

Je vous remercie d'être demeurés même ce soir, parce que ce n'est pas la première fois qu'on vous déplace.

De toute façon, je voudrais revenir sur les statistiques, à la page 9. Le ministre a dit que, dans 95% des cas, on a obtenu des exemptions à ceux qui en ont fait la demande.

À votre connaissance, mises à part les statistiques du ministre, que je ne mets pas en doute d'ailleurs, est-ce que des gens ont refusé de revenir ici justement parce qu'ils devaient se soumettre à cet exercice dont vous avez parlé qui est quand même une restriction à leur liberté quant au choix de la langue d'enseignement anglaise?

M. Brunet: En fait, c'est plus que cela. Il y a trois problèmes, je l'ai dit plus tôt, en fonction de la perception. Quand on demande à quelqu'un - on le vit par expérience - de venir travailler au Québec, sa première réaction est une question de perception de ce qu'il entend dire sur le Québec. Alors, c'est autant une question de langue, c'est l'impression qu'il ne peut pas s'exprimer dans sa langue, même si l'on est d'accord pour dire que c'est faux. C'est la perception qui existe. Il y a la perception de la fiscalité et il y a la perception d'un ensemble de choses. Alors, il y a une vente qui est double ou triple à faire à la personne en comparaison avec quelqu'un qu'on transférerait à Toronto. C'est très évident. Reconnaissons ces faits-là et recommandons des mesures qui vont faire que ça deviendra une opération de marketing. Qu'on présente le Québec sur une base positive plutôt que de toujours sortir des mauvaises nouvelles qui font que la perception est négative. Le cas échéant, les autres problèmes s'estomperont.

Mme Lavoie-Roux: Vous n'avez pas d'autres statistiques que celles-là.

M. Brunet: Non.

Mme Lavoie-Roux: Non, d'accord.

M. Brunet: Pour répondre peut-être plus précisément, lorsque je parlais de perception, le simple fait d'être obligé de demander l'exemption, cela crée...

Mme Lavoie-Roux: Cela éloigne les gens.

M. Brunet: ...une réaction négative.

Mme Lavoie-Roux: À votre connaissance, est-ce qu'il est difficile pour les personnes qui sont ici, avec cette disposition de la loi 101 qui leur permet une exemption de trois ans... Autrement dit, est-ce que le renouvellement de cette exemption est difficile ou si c'est un problème que vous n'avez jamais abordé?

M. Brunet: Non. En fait, on a entendu quelques exceptions. C'est vrai que les statistiques que le ministre donne - je ne connais pas les chiffres - prouvent que ce n'est peut-être pas tellement le problème. Nous, c'est quand on pressent quelqu'un. Je le répète, le problème, c'est la perception. Le fait de demander à tous les trois ans, c'est difficile.

Mme Lavoie-Roux: Concernant l'affichage, vous recommandez que l'affichage bilingue soit reconnu là où la présence anglophone le justifie. Concrètement, quelle justification verriez-vous pour appliquer le bilinguisme dans l'affichage dans certaines parties du Québec?

M. Goyette: On n'a pas de normes précises à indiquer pour déterminer le pourcentage de population anglophone dans

une ville, un comté ou une région, afin d'y permettre l'affichage. Je pense qu'on pourrait développer des normes raisonnables. C'est à peu près le seul barème que je pourrais vous indiquer, mais il me semble que ce serait facile de déterminer, dans certains comtés ou dans des villes, qu'au-dessus d'un certain pourcentage de population parlant la langue anglaise, on pourrait permettre aux commerces qui oeuvrent dans ces régions l'affichage dans les deux langues.

Mme Lavoie-Roux: Qu'est-ce qui vous a retenus, par exemple, de recommander, sans retourner à un bilinguisme général, qu'on soit plus permissif à l'endroit des gens, d'abord, pour que le français soit la première langue avec une autre langue, sans cette restriction reliée à des pourcentages qui peuvent varier et parfois changer sur une période de deux ou trois ans? Comme on l'a vu tout récemment, certaines villes ou municipalités du Québec étaient majoritaires et, à un moment donné, elles sont devenues minoritaires, etc. Cela créerait peut-être plus de conflits. Quelle est la crainte que vous avez eue pour dire: On ne demande pas un bilinguisme intégral dans l'affichage, mais de permettre que, là où les gens le veulent... J'imagine que les gens de Saint-Hubert, dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, ne se mettront pas à "bilinguiser" leur affichage. Je voudrais savoir quelle est votre motivation en recourant à cette mesure qui me semble pouvoir être difficile d'application, d'autant plus que des représentations que nous avons entendues -pas ici, mais dans nos contacts avec la population, comme vous autres d'ailleurs -indiquent que ce n'est pas nécessairement une raison de pourcentage de population qui exige que ce soit bilingue ou qu'il y ait une autre langue, mais c'est le fait, par exemple, qu'on soit situé dans une région frontalière où il y a beaucoup de va-et-vient entre, disons, les États-Unis et le Québec ou une autre province et le Québec, des considérations de cet ordre.

M. Brunet: En fait, on était parfaitement conscients du problème, mais, dans notre mémoire, on voulait être polis tout simplement. On ne voulait pas mentionner Montréal pour ne pas blesser d'autres régions du Québec. Mais nous considérions, à la Chambre de commerce de Montréal, que c'était un problème prioritaire en ce qui concerne Montréal, mais c'est évident qu'on ne voulait pas commencer à dire qu'il y a peut-être cette région-là et établir des normes de pourcentage. C'est quelque chose qui, en fonction de Montréal, est une nécessité. Si cela peut se faire de cette façon, comment définir Montréal, c'est peut-être un autre problème. Je reconnais qu'on a tout simplement posé le problème de cette façon et on n'a pas la solution facile de l'établir par région ou par comté. Ce serait peut-être un peu ridicule.

M. Goyette: Je dois dire qu'on ne voit pas beaucoup de problème qu'à Trinité-des-Monts, dans le comté de Rimouski, l'affichage ne soit qu'en français. Cela ne nous horripile pas trop. Par ailleurs, dans l'agglomération de Montréal, c'est un problème pour plusieurs de nos concitoyens.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que c'est facile d'application quand on se réfère à des pourcentages qui peuvent varier sur une période d'un an, deux ans, trois ans ou même davantage? À ce moment-là, vous recréez des difficultés quand vous vous retrouvez en bas du pourcentage. À ce moment-là, c'est tout le climat qui... Je me demande si c'est une suggestion strictement pratique que de se référer à une règle de pourcentage pour décider de l'affichage dans une autre langue que le français. En tout cas, la question est posée.

Vous faisiez allusion à la Belgique et vous disiez que là, on a procédé avec une commission de surveillance qui n'était composée que de quelques membres comparativement à notre Office de la langue française avec ses différentes composantes. Est-ce qu'il y a une explication pour cela?

M. Goyette: Je pense que l'attitude ou le modèle belge qui a été adopté en Belgique était, au point de départ, un modèle moins bureaucratique. C'est une question d'attitude vis-à-vis des changements qu'on veut faire. On peut adopter un modèle plus bureaucratique comme nous l'avons fait ici ou moins bureaucratique, comme les Belges l'ont fait. C'est une question d'attitude.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que le fait qu'en Belgique, il y ait des territoires totalement français et d'autres totalement flamands permet de faire cette opération plus facilement qu'au Québec où, finalement, c'est dans l'ensemble du territoire ou à peu près qu'il y a ce...

M. Goyette: Je pense qu'il faut reconnaître que Bruxelles est essentiellement la ville bilingue de la Belgique et peut-être que le problème ne se retrouve qu'à Bruxelles, comme le problème se retrouve en grande partie ou les problèmes se retrouvent en grande partie à Montréal. Je pense qu'il y a une certaine similitude dans cet aspect.

Mme Lavoie-Roux: C'est ma dernière question parce que je sais que mes collègues veulent poser quelques questions. À la page 15, vous faites allusion au rôle de l'office. Vous dites, d'une part, que les entreprises francophones acceptaient mal le fait qu'on

vienne les franciser alors qu'elles fonctionnaient en français et que, d'autre part, les entreprises anglophones, on les a embarquées dans des programmes irréalistes; on a eu deux poids, deux mesures. Est-ce que vous avez des exemples de ceci?

M. Goyette: M. Brunet en a de bons.

M. Brunet: En fait, si on commençait à donner des exemples, on pourrait être ici très longtemps. C'est la façon, l'approche quand le comité de surveillance est venu visiter les firmes francophones. Les firmes francophones, prenons les...

Mme Lavoie-Roux: On a eu la Presse...

M. Brunet: On a eu l'histoire de la Presse, on a eu la Banque Nationale qui se sentaient fort à l'aise de dire: Écoutez, ne nous achalez pas parce que nous, dans le fond, on fonctionne en français, tandis que certaines compagnies qu'on pourrait qualifier d'anglophones se sentaient extrêmement nerveuses et, à ce moment, étaient forcées de prendre de petites mesures plutôt que de prendre l'attitude, par exemple, que d'autres entreprises ont prise. Ceci dit, on reconnaît qu'il faut que cela se fasse, mais c'est de la façon que cela s'est fait. Plutôt que d'être une opération de promotion, une opération de marketing, pour le prendre différemment, cela a créé une agressivité. Du côté francophone, il y a plusieurs compagnies qui se sont permis de dire: Ne nous achalez pas trop, on fonctionne quand même en français et cela ne changeait pas beaucoup de choses à l'intérieur de l'entreprise. Chez d'autres, cela a créé un climat de nervosité.

Mme Lavoie-Roux: Vous êtes quand même très précis quand vous dites: On les a embarquées dans des programmes irréalistes. Là, je comprends que le climat a été différent parce que les gens pouvaient les envoyer promener, ils se sentaient tout à fait à l'aise, pour les raisons que vous avez invoquées. Mais là, vous parlez de programmes irréalistes. De quelle sorte de programmes irréalistes?

M. Brunet: Quand on va aussi loin que les genres de machineries, par exemple, ou de cerveaux électroniques qui ne sont faits qu'à Chicago ou qu'en Allemagne, peu importe, et qu'il faut absolument mettre une étiquette dessus pour enlever le "on" ou le "off" de façon que ce ne soit pas là... Je vous dis qu'il y a un paquet de choses qui ont été abusives. Il y a une foule d'exemples comme cela. Je ne pense pas que je vais entrer dans tous ces détails, ce serait tomber dans un paquet d'exemples un peu ridicules. Je reviens toujours à mon point. C'est de dire: S'il y avait moyen de réduire la mentalité policière et de la changer par une mentalité de promotion, on créerait déjà un meilleur climat.

Mme Lavoie-Roux: Merci.

Le Président (M. Gagnon): Merci, Mme la députée de L'Acadie. M. le député de Saint-Hyacinthe, en vous rappelant qu'il reste trois minutes à votre formation, si on veut entrer dans le cadre d'une heure. (22 heures)

M. Dupré: Franchement, M. le Président, depuis le matin, on n'a pas eu beaucoup de surprises. On a vu le ministre calme et tout ouïe. Dans une première partie, on a vu le député de Gatineau féliciter le groupe de Pratt et Whitney pour lui dire de continuer ou, au moins, d'embarquer. Il continuait la contradiction libérale, parce que ce sont ces mêmes gens qui étaient à Ottawa sous la pluie pour applaudir le rapatriement de la constitution alors que ce rapatriement faisait fi du français. Il est bien important d'éclaircir cela.

Les autres, non plus, ne nous ont pas tellement fait de surprises. On a vu M. Marchand qui a déposé son mémoire; on en avait pris connaissance. Et il y a eu le conseil catholique, etc. Lorsqu'on lit votre mémoire et qu'on s'aperçoit que vous dites que l'anglais a été éliminé par la Charte de la langue française et que c'est l'anglais qu'il faut maintenant protéger au Québec, ces affirmations venant d'un groupe d'hommes et de femmes d'affaires aussi majoritairement francophones que le vôtre, le moins qu'on puisse dire, c'est que c'est étonnant. C'est aussi étonnant, venant d'un organisme aussi sérieux, de lire l'histoire du T-shirt. Je ne pense pas que l'Office de la langue française ait jamais proposé de traduction pour ce mot et encore moins le terme gaminette. Venant de votre part, il y avait tout de même cette partie.

Il y a une question bien précise que je voulais vous poser, messieurs les présidents. Vous parlez de la perception, quand vous allez à l'extérieur pour essayer d'aller chercher des cadres, comme vous l'avez bien dit. Ne trouvez-vous que la plupart parmi votre groupe, y compris les journaux, font une publicité toujours négative et toujours épeurante aux alentours de cela? J'aimerais vous entendre un peu là-dessus. Ceux qui sont à l'extérieur ne connaissent presque rien de la loi 101, sauf par les écrits et les lectures qu'ils font ici et là. J'avais plusieurs questions, mais je n'ai pas beaucoup de temps.

Le Président (M. Gagnon): M. Goyette.

M. Goyette: Sur le dernier point, j'aimerais souligner, M. le Président, que le

COPEM, le Comité de promotion économique de Montréal, qui est formé conjointement de la Chambre de commerce de Montréal, que nous représentons, et du Montreal Board of Trade, le Bureau de commerce de Montréal, a, au cours des trois dernières années, à ses frais et aux frais de ses membres, fait des tournées de promotion de la ville et de la région de Montréal dans plusieurs villes canadiennes et américaines pour inciter les gens à faire affaires chez nous, pour inciter les gens de l'extérieur à s'installer chez nous. Ce n'est, évidemment, pas le message que nous vous transmettons aujourd'hui que nous avons transmis dans ces endroits. On n'est pas allé à Boston, à New York, à Toronto, à Calgary, à Los Angeles et ailleurs où nous sommes allés - c'est loin Los Angeles, il fallait payer nos frais - pour leur dire: Ne venez pas vous installer chez nous parce que la loi 101 amène de sérieux embêtements. On est allé leur dire: Venez vous installer chez nous; c'est beau, c'est gentil, c'est fin et les gens sont bien "le fun". Je ne souscris pas beaucoup à vos remarques sur nos efforts de promotion de la région économique de Montréal.

M. Dupré: Vous n'êtes pas, monsieur, sans entendre à tour de rôle le Conseil du patronat... Vous lisez certainement les journaux comme tout le monde. C'est épeurant de venir travailler au Québec.

Je veux revenir à la page 17 de votre mémoire où vous dites que la loi 101 a été adoptée dans le but de faire du français la langue de travail, des affaires, de l'éducation et de l'administration. Vous continuez en disant: "L'objectif est maintenant largement atteint." J'ai ici une coupure de la Presse d'hier, le 18 octobre, où il y a une série d'offres d'emplois. Ce ne sont pas de grandes carrières puisque cela commence à 10 000 $. On demande à peu près partout des gens bilingues. Lorsque vous dites dans votre mémoire que l'objectif est maintenant atteint, si le mot "atteint" veut dire une ville de Montréal, comme vous le souhaitez, entièrement bilingue, soit! Mais je ne pense pas que c'est ce que vous avez laissé entendre tantôt. Vous dites que c'est atteint et on voit ici - sur l'autre page, aussi dans la Presse - que la technologie moderne de bureau, plus le bilinguisme égale des emplois. Si vous avez entendu les gens ce matin, ceux de Pratt et Whitney, entre autres, comment pouvez-vous dire dans votre mémoire que c'est atteint?

M. Goyette: Lorsqu'on dit dans notre mémoire que la langue française se porte bien et se porte mieux au Québec, on ne l'a pas inventé. On l'a pigé dans une étude très récente de Michel Plourde, du Conseil de la langue française, de novembre 1982, qui dit à la page 25: "La langue française se porte mieux au Québec" et fait pendant une page des constatations pour appuyer ce qu'il dit. Aussi, on a pigé dans un document de l'Office de la langue française préparé par son directeur de la recherche, qui dit à la page 41: "Nous avons montré qu'il y a eu amélioration du statut du français par rapport à celui de l'anglais". Son étude aussi était relativement récente. Elle date du mois d'août 1982. "Le français est maintenant plus répandu dans plusieurs domaines de la vie sociale et sa place dans la société s'est raffermie. Tous les indices - et je termine -opinion du public, emplois réels et adoption du français, corroborent cette affirmation.

M. Dupré: Est-ce que vous admettez qu'il y a une nette différence entre "amélioration" et "maintenant largement atteint"?

M. Goyette: Pardon?

M. Dupré: Entre un objectif atteint et une amélioration, tout de même il y a de la place.

M. Goyette: On ajoute "presque" devant; "presque largement atteint." On peut régler pour cela.

M. Dupré: En terminant, il me paraît des plus important que vous nous expliquiez pourquoi la chambre de commerce veut que Montréal soit plus que la deuxième plus grande ville française du monde, mais soit plutôt la seule ville biculturelle au monde. Tantôt, vous avez parlé du cas de Bruxelles, entre autres: c'est exactement séparé en deux; il y a à peu près 70 000 Allemands en plus. Ils ne se côtoient pas. Ils vivent séparément.

M. Goyette: Nous faisons un effort considérable à la chambre de commerce pour que Montréal continue d'être une ville à caractère international et d'importance internationale en compétition non pas avec d'autres villes plus petites du Québec et du Canada, mais avec d'autres villes internationales comme Boston, New York, Chicago, Toronto et Los Angeles, etc. Tous nos efforts sont pour le développement de la ville de Montréal dans ce sens-là. Un atout majeur - on l'a souligné dans notre mémoire - est le fait que Montréal est et doit demeurer une ville à caractère biculturel et bilingue. Nous croyons et nous affirmons que c'est un atout et non pas un handicap. Pour ne prendre qu'un exemple, nous bénéficions de quatre universités à Montréal, deux plus anglophones et deux francophones. Je pense que cet exemple est une illustration que Montréal est et doit demeurer une ville à caractère biculturel.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. le député de Gatineau. , M. Gratton: Oui, M. le Président. Je tâcherai d'être bref. Je voudrais faire un commentaire qui vous inspirera peut-être d'autres commentaires, messieurs. Vous avez parlé de la perception que l'on a du Québec à l'extérieur. J'ai compris de vos remarques que souvent la perception est faussée. Ce n'est pas la réalité que l'on perçoit de l'extérieur; ce sont souvent des reportages exagérés; on donne beaucoup d'attention à des choses anodines. Effectivement, il y a des gens de l'extérieur qui pensent que pour venir au Québec on doit absolument parler français et que l'on ne peut pas parler anglais. Il y a même un membre du personnel de la maison du Québec à New York, M. Gosselin, qui a reçu un appel. Il disait: "I have got a call from someone who wanted to know whether it was true that you get arrested in Montreal for speaking English". Forcément, c'est complètement ridicule, mais le fait demeure que la perception est là. On doit se demander pourquoi. Est-ce parce que des gens le font exprès pour faire une mauvaise image au Québec ou si, à l'occasion, ce n'est pas en partie dû à des aspects tatillons de l'administration et de l'application de la loi? Par exemple, je pense au fait que, dans les gymnases de certaines écoles anglophones du Québec, même francophones, les organismes chargés de l'application de la loi ont fait dépenser des fonds publics à des commissions scolaires pour remplacer toutes les affiches qui disaient "exit" par "sortie", parce que "exit", c'est une autre langue. Il faut bien préciser que ce n'est pas en anglais,"exit"; c'est du latin. Mais le fait demeure qu'on a exigé de dépenser des fonds publics pour cela. C'est rapporté dans la presse et on en a quelle perception?

Par exemple, je ne sais trop si c'est l'Office de la langue française qui a décidé qu'on va normaliser. On parle de hambourgeois, on parle de racinette, on parle de gaminette, mais on parle aussi de changer le dollar canadien pour le dollar français. Dorénavant, le dollar au Québec, on ne l'écrit plus avec le S et deux traits verticaux placé devant le chiffre; c'est maintenant la norme internationale, française, bien sûr, qui exige que c'est un S avec un trait vertical seulement après le chiffre. C'est parfait quand on correspond avec les Français et les Belges, mais du côté de New York, j'imagine qu'on doit se demander: Est-ce exactement la même piastre que la nôtre? On sait que non. C'est environ 0,20 $ de moins au taux de change actuel, mais le fait demeure qu'encore là on crée une ambiance où les gens se demandent: D'où sortent-ils, ceux-là?

Le ministre parlait de la souplesse des organismes vis-à-vis de Pratt et Whitney tantôt. Je ne pouvais m'empêcher de me dire ce matin: Si ces organismes dépensaient plus de ressources à essayer de trouver des solutions qui ne sont pas faciles, on en convient - dans ce domaine, la nature de l'entreprise est telle que ce n'est pas aussi facile de franciser Pratt et Whitney que d'autres entreprises commerciales comme Eaton, par exemple; donc, cela requiert plus d'efforts - plutôt que d'essayer de changer toute la normalisation sur la piastre qui n'est plus la même piastre.

Je m'excuse, mais je fais une parenthèse pour dire que c'est tellement vrai et le gouvernement le sait tellement que le ministère des Affaires intergouvernementales dépense des fonds publics pour contrer cette mauvaise perception qu'on a, cette mauvaise image. À New York, par exemple, il y a du personnel attaché uniquement à cela et on dépense des fonds pour des campagnes de publicité pour essayer d'amener les gens à nous percevoir comme nous sommes et non pas comme certains voudraient le faire croire. J'abonde dans le sens que vous disiez tantôt: Si on essaie d'attirer l'entreprise chez nous et qu'au départ on doit défaire toute cette mauvaise perception et qu'en plus on a la fiscalité et tous les autres désavantages, c'est bien sûr qu'en fin de compte cela doit se traduire par moins de gens intéressés à venir ici et à plutôt aller ailleurs où c'est plus facile.

Dans cette ligne de pensée - on a parlé de Bell Helicopter ce matin, le ministre y a fait référence tantôt - le fait demeure qu'on ne sait pas encore quelle exemption on a donnée à Bell Helicopter. Je ne veux pas qu'on fasse le débat ici ce soir, M. le ministre, parce que j'ai l'impression qu'on remonte à six ans. Je voudrais bien qu'on me dise en vertu de quel règlement, en vertu de quelle disposition on peut dire à Bell Helicopter: Vous êtes une grosse compagnie, on sait que vous voulez venir, le gouvernement fédéral a déjà signé une entente avec vous, bon, on vous consent cela, allez-y. Mais combien d'autres ne savent même pas que cette possibilité d'exemption existe? En plus, quand il s'agit de petites entreprises, on n'a même pas l'occasion de le leur dire.

Je reviens donc à ce que je disais au début: Que les organismes chargés de l'application de la loi dépensent moins de temps, par exemple, à envoyer des contraventions à un jeune homme de 23 ans, à Aylmer, M. le ministre, qui a ouvert un commerce de réparation de téléviseurs et qui a eu le malheur d'appeler cela Aylmer TV Service. Il en est rendu à la troisième contravention, c'est la menace d'amende et tout le reste, alors qu'apparemment Pratt et Whitney est trois ans en retard sur son plan

de francisation.

Concentrons donc nos efforts là où cela peut donner des résultats et essayons donc d'administrer la loi de façon plus convenable. Sur le plan international, cela aurait peut-être l'avantage de nous permettre d'épargner des fonds publics qu'on n'aura pas besoin de dépenser pour essayer de contrer cette mauvaise image.

Je termine en demandant au ministre pour demain, pour plus tard, de nous préciser quels sont les accommodements qu'on a consentis a Bell Helicopter, en vertu de quel règlement, pour qu'on puisse en discuter ensemble et voir si effectivement sur tout le monde qui demande une exemption il y a seulement 5% des gens qu'on refuse. C'est peut-être le temps de se demander: D'abord, combien n'ont pas eu l'occasion de demander l'exemption et si, de toute façon ils l'obtiennent presque automatiquement peut-être bien qu'on devrait changer le règlement. (22 h 15)

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Après l'énoncé si brillant de mon collègue, je pense que je vais être extrêmement bref. Je voudrais revenir sur les permis temporaires, parce que je pense que c'est important. Comme vient de le dire mon collègue de Gatineau, si on le donne quasi automatiquement, pourquoi le garder? Mais je crois que la réalité est un peu plus difficile que les statistiques veulent bien le démontrer. Mon expérience personnelle l'a prouvé quand j'étais dans votre secteur. On sait que de plus en plus, on va aller chercher le vice-président ou le cadre supérieur, en Ontario ou ailleurs, et, très souvent, ce dernier a une épouse qui travaille et n'obtiendra pas de permis temporaire. Comme c'est quasiment la norme maintenant, un couple qui travaille, l'homme et la femme ont une carrière respective, on peut comprendre que le cadre lui-même pourra avoir un permis temporaire, mais que l'épouse ne l'obtiendra pas. Dans bien des cas - cela a été mon expérience personnelle quand j'étais chez Canatom - cela a été suffisant pour faire avorter des négociations.

J'étais pour demander à Pierre Brunet et à Pierre Goyette si ces exemples ou ce genre de préoccupations, qui peuvent venir de cadres ou de gens avec qui on entre en contact pour entamer des négociations, ne sont pas suffisants pour que, justement, ils n'acceptent pas de continuer les négociations.

M. Brunet: En fait, cela résume bien ce que je voulais expliquer tantôt par le phénomène de perception et de marketing. C'est évident que vous avez touché un point que je n'ai pas mentionné, mais, comme on l'a vu tous les jours, c'est la réaction de l'épouse. C'est un phénomène très difficile en ce qui concerne les transferts à cause de la perception. C'est arrivé dans bien des discussions et, dans la majorité des cas, c'est un problème. Cela fait partie de l'ensemble du problème de la perception.

M. Fortier: Je vais conclure là-dessus, M. le Président, pour dire que j'avais l'occasion, au mois de juin, d'aller à la réunion annuelle de la chambre de commerce. J'étais délégué par mon caucus. J'oserais penser que l'an prochain moi-même ou quelqu'un d'autre irait, mais si mon collègue de Saint-Hyacinthe voulait venir avec nous l'an prochain pour s'informer sur le travail de la chambre de commerce, je suis certain que cette dernière va se faire un plaisir de lui adresser une invitation.

M. Goyette: Certainement.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député d'Outremont. M. le député de Fabre, en vous mentionnant qu'il faudrait que ce soit très court.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. C'est vrai que la langue française se porte mieux au Québec, je pense qu'on vous donne raison. Mais vous devez admettre que la situation reste fragile. Nous avons entendu un certain nombre de mémoires aujourd'hui et il y a lieu de souligner un certain nombre de choses. Par exemple, le fait que les dirigeants francophones sont toujours sous-représentés dans les grandes entreprises anglophones, c'est une réalité. Une autre réalité, je voudrais vous signaler -parce que dans votre mémoire vous êtes très optimistes par rapport aux objectifs qu'on aurait atteints - que dans une enquête du Conseil de surveillance de la langue française on signale que les allophones nouvellement inscrits dans les cégeps préfèrent toujours l'anglais au français dans une proportion de plus de 80%, aujourd'hui. C'est un optimisme fragile, il faut bien l'admettre.

Des travailleurs sont venus nous dire, ce matin, qu'ils ne pouvaient pas travailler en toute sécurité dans leur entreprise parce que l'usine ne respecte pas le programme de francisation et que l'Office de la langue française, que vous critiquez, est trop tolérant. Donc, il y a des contradictions; d'un côté, des travailleurs nous disent que l'office est trop tolérant et, de l'autre, vous dites que l'office est trop sévère, tatillon. Alors, il faudrait peut-être finir par trouver la vérité dans tout ce qui est dit.

Je voudrais terminer par une question à nos invités concernant les institutions anglophones. Vous dites, à la page 12, que les organismes anglophones devraient même pouvoir utiliser l'anglais comme langue de travail, pourvu qu'ils puissent servir les clients en français d'une manière adéquate.

On s'entend là-dessus. Par contre, à la page 13, vous dites: Les francophones qui font appel aux institutions anglophones ne devraient pas s'attendre à recevoir tous les services en français. Est-ce qu'il n'y a pas contradiction? Il me semble que cela n'existe pas, des demi-services en français. On doit servir la clientèle en français, même en milieu francophone et en milieu anglophone. On ne peut la servir adéquatement à demi. Comment expliquez-vous cette façon? J'aimerais avoir des éclaircissements sur votre position.

M. Goyette: M. le Président, je voudrais souligner au départ que tous les députés de tous les partis ont été invités à notre congrès du mois de juin. Deuxièmement, vous dites que les allophones sont inscrits dans une proportion de 80% au cégep. Je voudrais vous rappeler que dans notre mémoire je soulignais tout à l'heure que 78% des allophones en 1981-1982 sont inscrits à la maternelle française et que, si les allophones, rendus au cégep, sont inscrits dans une aussi forte proportion dans les cégeps de langue anglaise, c'est sans doute dû au fait des exemptions prévues à la loi 101 qui permettaient à quelqu'un qui était déjà inscrit dans une institution anglaise de continuer ses études dans la langue anglaise, ainsi que ses frères et soeurs. C'est peut-être la raison. Je ne suis pas certain, mais je me doute fort que ce soit la raison.

Prenons maintenant l'apparente contradiction entre la page 12 et la page 13 sur les services à la clientèle francophone dans les institutions communautaires anglophones. Par exemple, il y a certains services qu'un hospitalisé reçoit dans un hôpital; une personne exerce une fonction qui résulte en un service à l'hospitalisé comme des draps nets le matin, ce n'est pas nécessaire, il me semble, que le buandier ou la buandière qui fait le lavage soit francophone ou bilingue. Par ailleurs, je reconnais qu'il serait très utile et même nécessaire que l'infirmière qui lui accorde des soins quotidiennement le soit. Il y a certains services qui ne sont pas donnés directement aux clients et qui, il me semble, n'ont pas à être rendus dans la langue du client.

M. Leduc (Fabre): D'accord. Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre, pour le mot de la fin.

M. Godin: Oui, en conclusion, MM. Brunet et Goyette, nous allons travailler à changer les perceptions. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, MM. Brunet et Goyette de la Chambre de commerce du district de Montréal.

J'invite maintenant la Chambre de commerce de la province de Québec à prendre place. M. Létourneau.

Chambre de commerce de la province de Québec

M. Létourneau (Jean-Paul): Bonsoir, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Bonsoir. Si vous voulez bien vous adresser à la commission.

M. Godin: Êtes-vous en solo, M. Létourneau?

M. Létourneau: Oui, M. le Président. Excusez-moi, j'allais dire bonne nuit. Mon nom est Jean-Paul Létourneau. Je suis le vice-président exécutif de la Chambre de commerce de la province de Québec. Je suis spécialement mandaté ce soir par le bureau exécutif de notre chambre pour m'adresser à vous.

Mes premiers propos seront d'ordre technique et relatifs à la présentation de notre mémoire. Je dois vous dire, M. le Président, notre déception et nos protestations pour la façon dont les responsables ministériels - je dois dire "encore une fois" et je m'expliquerai tantôt -ont, encore une fois, traité nos requêtes réclamant de comparaître à des jours et heures où nos dirigeants élus étaient disponibles à l'intérieur du calendrier de la commission. Je pense que c'est important que je dise ces choses, parce que cela peut informer cette commission de ce qui se passe en arrière parfois, dont probablement les membres de cette commission ne sont pas toujours au courant, et qui peut être très frustrant pour les témoins qui viennent ici.

Nous dénonçons avec force le fait qu'après avoir demandé une dizaine de fois, tant auprès du Secrétariat des commissions qu'auprès du bureau du ministre, d'être entendus le 10 octobre ou un autre jour - le 20 octobre étant particulièrement une date inconvenante à nos dirigeants élus et à ceux de nos membres qui ont contribué à préparer notre mémoire - vendredi dernier, en fin de journée, nous apprenions que nous serions, justement, reçus aujourd'hui le 20 octobre. Nous avons alors fait d'autres démarches pour réclamer à nouveau un accommodement. Après tout, cette commission a un calendrier de plusieurs jours. Rien n'y fit. De plus, hier, la veille de la date de la comparution qui nous a été imposée, notre bureau a été avisé à trois reprises d'heures de comparution différentes, à savoir à 10 heures; plus tard, on nous a informés que ce serait à 14 heures et, encore plus tard, on nous a dit que c'était à 20 heures, soit à 8 heures ce soir. Comment voulez-vous, M. le

President, dans de telles circonstances, organiser une délégation?

Notre chambre est une fédération qui regroupe plus de deux cents chambres de commerce au Québec, lesquelles comptent près de 39 000 membres, gens d'affaires répartis partout sur le territoire du Québec. De plus, nous avons plus de 3100 membres corporatifs, soit des entreprises de toute taille dans tous les domaines de l'activité économique partout au Québec. Ces données démontrent que nous constituons le regroupement volontaire de gens d'affaires le plus important au Québec. Au nom de ceux que nous représentons, M. le Président, nous vous disons que nous ne pouvons accepter ce genre de traitement. C'est abuser de la disponibilité des gens, particulièrement de gens qui, au surplus, acceptent volontairement et sans rémunération de se mettre au service de leurs concitoyens pour tenter d'enrichir le débat démocratique et d'assurer un équilibre de la représentativité dans les grands débats publics.

C'est pourquoi, M. le Président, je suis seul devant vous ce soir, ce 20 octobre 1983, à environ 22 h 30. De plus, je tiens à vous dire que ces situations de bousculade et de frustration pour notre comparution devant une commission parlementaire se répètent. Cela peut vous surprendre que j'arrive, que je parle de cela et que je prenne du temps pour vous en parler ce soir, mais vous devez comprendre que c'est parce que c'est une accumulation de situations semblables. Je ne prendrai pas beaucoup de temps; je vais simplement vous en énumérer quelques-unes.

Le mardi 7 juin dernier, nous étions convoqués devant une autre commission à 20 heures, devant la commission parlementaire du travail, pour la mentionner. Nous avions rassemblé une délégation de sept personnes qui venaient de la métropole. Nous n'avons pas été entendus ce jour-là. On ne pouvait nous dire, lorsque nous avons dû quitter, quand nous devrions revenir. C'est seulement vers la fin de la journée du lendemain qu'on nous a dit qu'il fallait revenir la journée suivante à 14 heures et, finalement, nous avons été entendus vers 16 heures ce jour-là.

Alors, des situations comme celles-là, je pourrais encore vous en parler, M. le Président. La commission parlementaire de SIDBEC, par exemple où nous avons été invités à 10 heures le matin et où nous avons commencé à témoigner le lendemain à minuit jusqu'à 2 heures de la nuit. Il y a d'autres situations que je pourrais vous signaler, mais je vais terminer là. Nous ne sommes pas les seuls. Les récriminations que je vous formule maintenant, je les ai entendues à maintes reprises de la part d'autres groupes, et formulées en des termes beaucoup plus sévères que ceux que j'emploie présentement. Je vous dis toutes ces choses, M. le Président, à cause de votre mandat de voir au bon fonctionnement des commissions parlementaires, mécanisme auquel nous croyons. Nous pensons que la commission doit être informée de ces situations.

Il y a, M. le Président, des abus intolérables dans la façon dont sont traités, sous cet aspect, les témoins devant les commissions parlementaires dont la présente, comme je viens de le démontrer. Premièrement, ceci entraîne des pertes de temps et d'argent incroyables. Deuxièmement, cela décourage beaucoup de témoins sérieux de venir s'adresser à vous. Troisièmement, cela déprécie le processus des commissions parlementaires.

Nous avons déjà pressenti le président de l'Assemblée nationale de ces situations. Nous lui avons déjà offert notre collaboration pour trouver des solutions ordonnées à ce problème. M. Richard Guay, dans une lettre qu'il nous adressait le 11 août 1983, nous laissait entendre que la réforme parlementaire allait apporter "une solution à ces difficultés d'organisation afin d'éviter que l'on n'abuse de la disponibilité des citoyens". Il est bien évident ce soir que nous sommes encore loin de la réforme. (22 h 30)

Enfin, M. le Président, concernant la présentation de notre mémoire aujourd'hui, le ministre responsable, M. Godin, a déclaré, le 18 octobre, à la télévision de Radio-Canada, qu'il avait déjà lu 80% des mémoires et que son opinion était déjà faite. J'ai le mandat de dire ici, M. le Président, que notre bureau exécutif a été très déçu de cette déclaration. Cela nous amène à douter de l'utilité du présent débat. Je me contenterai donc de rappeler à cette commission, parce qu'il est déjà très tard, les conclusions de notre mémoire. Je serai sans doute forcé de limiter mes réponses à vos questions parce que ceux qui devaient être avec moi pour y répondre n'y sont pas, pour cause valable prévue et annoncée aux intéressés.

Nos conclusions sont donc les suivantes. Notre analyse rapide de l'état actuel de la question linguistique au Québec suggère deux grandes conclusions. Premièrement, les objectifs de la loi 101 demeurent non seulement valables, mais sont en bonne partie réalisés. Le Québec est plus français qu'il n'a jamais été et nul ne peut sérieusement, aujourd'hui, prétendre que l'anglais y constitue une menace pour l'épanouissement du français. Deuxièmement, certains excès de la législation linguistique sont apparus dans toute leur réalité au cours des six dernières années et il importe aujourd'hui de les corriger. C'est dans cette perspective que la Chambre de commerce du Québec soumet respectueusement au gouvernement les recommandations qui suivent: premièrement, de manière générale, modifier la législation linguistique en tenant compte du principe que, si le français doit

naturellement prédominer au Québec, cela n'exclut pas nécessairement l'utilisation d'autres langues; deuxièmement, permettre l'utilisation d'une autre langue, à certaines conditions, dans l'affichage ou les communications. L'affichage public bilingue ne devrait pas être interdit, quitte à imposer la prédominance du texte français. On devrait aussi permettre l'utilisation exclusive d'une autre langue dans un message destiné à un groupe particulier. Les communications entre des organismes anglophones comme les hôpitaux, les commissions scolaires et les municipalités devraient pouvoir se faire en anglais; troisièmement, assouplir les contraintes que les programmes de francisation imposent aux entreprises; de plus, ramener sur les épaules du plaignant le fardeau de la preuve dans l'embauche de personnes bilingues; quatrièmement, de manière générale, ne pas étendre aux plus petites entreprises les exigences législatives et réglementaires actuelles; cinquièmement, redéfinir de manière beaucoup plus restreinte les objectifs de francisation des sièges sociaux; sixièmement, abolir l'obligation pour une entreprise de plus de 100 employés de maintenir un comité de francisation une fois qu'elle a obtenu un certificat permanent de francisation; septièmement, concernant la langue d'enseignement à l'école publique, remplacer la clause Québec par la clause Canada; huitièmement, permettre le renouvellement de la dérogation accordée à des personnes établies temporairement au Québec pour envoyer leurs enfants à l'école publique anglaise; neuvièmement, comme solution complémentaire, faciliter, au moyen de crédits d'impôt, le recours à l'école privée non subventionnée pour tous ceux qui le désirent; dixièmement, clarifier les dispositions de la loi 101 en utilisant un langage précis qui laisse le moins de place possible à la discrétion administrative ou à l'interférence politique; onzièmement, réduire substantiellement le budget de 20 000 000 $ consacré à l'application de la législation linguistique.

M. le Président, messieurs et mesdames les membres de cette commission, je vous remercie de m'avoir écouté jusqu'ici et je vous prie de transmettre l'objet de nos préoccupations et protestations sur les problèmes de fonctionnement de la commission et d'accommodement aux témoins. Nous sommes prêts, d'ailleurs, à contribuer, parce que nous y avons longuement réfléchi, à trouver des solutions ordonnées à ce problème. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Létourneau. Avant de donner la parole à M. le ministre, je veux vous dire qu'en ce qui concerne la présidence de la commission parlementaire - d'ailleurs, vous avez reçu une lettre du président de l'Assemblée nationale - c'est bien évident - pour ma part, j'ai présidé un certain nombre de commissions parlementaires - qu'à quelques reprises des groupes ont été entendus à minuit et à une heure. Pour ce qui nous concerne, on a essayé de respecter environ une heure par mémoire aujourd'hui. Je ne sais pas si vous avez été ici une bonne partie de la journée.

Il faut aussi penser que la démocratie veut que les gens aient le droit de poser des questions, et aussi nos invités. Parfois, c'est difficile de se limiter à une heure parce que, les débats étant entamés, il y a des questions qui se posent de chaque côté de la table. Normalement, si on avait pu respecter l'horaire, vous auriez terminé à 22 heures plutôt que de commencer à 22 h 20, comme vous l'avez mentionné. On s'en excuse et je comprends votre état de frustration; vous pouvez être certain que la présidence de l'Assemblée nationale va être saisie des arguments que vous nous avez donnés tantôt.

M. Létourneau: M. le Président, je vous remercie de cette considération et je vous signale que nous avons noté plus récemment cette situation - disons depuis quelques mois peut-être, peut-être un peu plus - où vraiment cela devient extrêmement difficile et compliqué. Nous sommes de vieux routiers comme institution devant les commissions parlementaires. D'ailleurs, une analyse faite par l'Assemblée nationale a démontré que notre organisme est celui qui de loin s'est présenté le plus fréquemment devant les commissions parlementaires. Donc, merci, M. le Président, de cette considération. Nous espérons que nous pourrons dans l'avenir recevoir une meilleure réponse à nos sollicitations d'accommodement.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: M. Létourneau, d'abord, je tiens à vous faire part des excuses de la partie ministérielle pour les désagréments que peut vous causer votre convocation pour ce soir seulement. Je suis informé qu'il y avait une entente pour que vous comparaissiez le 20 octobre. Le premier à comparaître le 20 octobre aurait été la Chambre de commerce de la province de Québec. C'était déjà prévu. Vous aviez accepté, si mes renseignements sont exacts. À la suite d'une décision de la Chambre hier, qui suivait une recommandation de l'Opposition à laquelle nous nous sommes ralliés, nous avons...

Mme Bacon: Un instant.

M. Godin: Ce sont des faits, Mme la députée de Chomedey ...décidé de modifier le calendrier. Je dois vous dire que tous les groupes voulaient passer le 26 octobre. Il y a 65 mémoires. Dans certains cas, jusqu'à 20 échanges téléphoniques ont dû être faits pour accommoder certains groupes très importants. Dans le cas du vôtre, je ne connais pas le nombre d'appels qui ont été échangés; mais je peux vous dire que des groupes avaient demandé de passer à la fin de la commission. Nous les avons accommodés. Quand ils ont vu le calendrier, ils ont dit: Non, nous voulons passer au milieu de la commission. Nous les avons accommodés. Il y a eu des changements perpétuels pour toutes sortes de raisons avec lesquelles vous êtes familiers. Et nous avons tenté de faire pour le mieux, puisqu'on s'était entendu pour le 20, c'est-à-dire de vous passer le 20, sauf qu'au lieu d'être le premier vous êtes le dernier parce qu'hier il n'y a pas eu de séance. Je vous remercie, quand même, d'avoir eu la patience d'accepter ces changements.

Il y a eu des négociations avec 70 groupes, y compris le vôtre et nous avons tenté de faire pour le mieux. Il est probable même qu'aucun de ces groupes ne sera content de la décision ultime qui a été prise de telle date, tel jour, telle heure et surtout du fait qu'ils doivent attendre ici. C'est comme dans un bureau de médecin ou un bureau de député ou un bureau de ministre: on promet de recevoir les gens à telle heure, mais parfois on donne plus de temps qu'on ne le prévoyait parce que - le président l'a dit - ce sont les exigences de la volonté de s'informer qui priment ici.

Je regrette les désagréments que cela a pu vous causer, ainsi qu'à votre organisme. De toute façon, soyez convaincu d'une chose, M. Létourneau: contrairement à ce qu'ont pu donner à croire mes propos, que vous avez entendus le 18 octobre, il y a bien, effectivement, une marge de manoeuvre qui reste. Votre vis-à-vis, Mme la députée de Chomedey, m'a fait la même remarque ce matin et je lui ai bien dit que j'étais ici pour entendre et pour écouter tous les points de vue. Mais vous n'êtes pas sans ignorer que, les mémoires étant remis aux membres de la commission avant qu'ils rencontrent les groupes, j'avais quand même lu tous les mémoires, il y a 48 heures.

Donc, à ce moment, il m'est apparu, après avoir fait le bilan de tout ce que ces mémoires contiennent, conforme à la vérité de dire qu'effectivement je commençais à voir un peu plus clair que ce n'était le cas il y a un mois et que ma vision des changements à faire à cette loi était assez précisée. C'est un fait. Je ne jouerai pas le jeu de celui qui n'a pas lu les mémoires et qui arrive ici comme un enfant qui vient de naître. Mais les débats que nous avons, les débats que l'Opposition a aussi avec nos invités et avec les gens qui veulent témoigner ici, laissent quand même une marge de manoeuvre pour des changements.

Pour en venir à votre mémoire maintenant, je voudrais vous poser une question...

M. Gratton: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Gatineau.

M. Gratton: ...avant que le ministre pose ses questions, je n'ai pas de question, mais j'aimerais tout de suite faire une mise au point concernant les plaintes. Sur une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): C'est une question de règlement.

M. Gratton: Tout d'abord, nous déplorons, quant à nous, le traitement un peu cavalier dont la Chambre de commerce du Québec a été victime. Cela n'atténuera peut-être pas votre frustration, mais je vous dirai que nous-mêmes, les députés de l'Assemblée nationale, sommes également victimes de l'imprévoyance du gouvernement de ce côté dans la planification des travaux.

Vous n'êtes pas sans savoir que la session, qui était prévue depuis le 22 ou le 23 juin dernier pour le 18 octobre, a été ajournée jusqu'au 15 novembre à la suite d'une décision unilatérale du gouvernement. Non seulement l'Assemblée n'a pas siégé, mais la commission devait se réunir à compter d'hier. Les travaux - c'était décidé depuis au moins le 10 juin 1983 - devaient être télévisés. Je pourrais vous citer le leader du gouvernement - c'était le 10 juin -à l'Assemblée nationale. Je pourrais vous citer le premier ministre à l'Assemblée nationale le 7 juin. Le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. Godin, le 7 juin, parlait lui-même de son souhait de voir la commission parlementaire télévisée. Mais, au gouvernement, on a oublié au cours des quatre derniers mois d'en prévenir les services de télédiffusion des débats. C'est ainsi qu'hier, parce que nous avons réitéré la demande qui avait été acceptée depuis quatre mois, on s'est retrouvé devant l'impossibilité de siéger parce qu'on n'était pas prêt. C'est seulement aujourd'hui qu'on se retrouve pour le début de la commission.

L'ordre de comparution des témoins -je veux bien que ce soit clair pour tout le monde - c'est le gouvernement qui en décide avec le Secrétariat des commissions. Je dis, à l'intention du président, qu'il n'y est pour rien, d'aucune façon. Je ne sais trop si c'est le leader du gouvernement ou le ministre

responsable, mais toujours est-il que c'est le gouvernement. Pour vous témoigner de l'embarras dans lequel on se retrouve, nous, les membres de la commission, on en est rendu à la troisième ou quatrième liste qu'on nous a remise aujourd'hui. On en a eu trois ou quatre hier, mais aujourd'hui on en a eu au moins trois faisant état d'un échéancier et d'une liste différents.

On siège présentement - il est 22 h 40 seulement parce qu'on y consent unanimement. Le règlement nous aurait permis de dire, à 22 heures: C'est fini, on s'en va chez nous. On vous avait déjà assez dérangé, on a pensé accepter, de consentement unanime, de vous entendre. Mais on le fait à des coûts additionnels pour l'Assemblée nationale. Des deniers publics sont dépensés à cause des ententes syndicales avec le personnel de la télédiffusion et, parce qu'on dépasse 22 heures, ce sont des coûts additionnels. Tout cela est le résultat de l'imprévoyance du gouvernement.

Ajoutez à cela, M. le Président, les propos du ministre auxquels M. Létourneau a fait allusion. Il les a expliqués. On veut bien croire à ses bonnes intentions, mais je suis sûr que la chambre de commerce n'a pas été la seule à se demander si sa comparution devant la commission rimait à quelque chose, compte tenu de la déclaration de M. le ministre à la radio d'État le 18 octobre dernier.

M. le Président, la dernière liste que j'ai reçue aujourd'hui pour le jeudi 27 octobre par exemple, fait état de sept organismes que nous entendrons. Je vous les donne en vrac. On sait qu'à dix heures l'organisme qui est le premier n'a pas de problème, il passe le premier. Le jeudi 27 octobre, le premier sera le Parti québécois de Montréal-centre. Le dernier, comme vous, qui peut commencer à 20 heures qui, comme vous le disiez tantôt, a déjà commencé à minuit pour terminer à deux heures du matin, ce sera simplement Bell Canada. Ce dernier organisme devait comparaître hier; à un moment donné, il devait comparaître aujourd'hui et finalement il va comparaître quelque part dans la nuit de jeudi à vendredi prochain.

(22 h 45)

Je l'ai indiqué tantôt au ministre en aparté, il va falloir planifier un peu mieux que cela. D'abord, je trouve inacceptable que la Chambre de commerce du district de Montréal et la Chambre de commerce de la province de Québec soient les deux derniers invités à cette première journée, surtout, comme l'indiquait M. Létourneau, que l'on avait spécifiquement demandé de ne pas comparaître le 20 octobre, soit aujourd'hui. Je ne prête pas d'intention au gouvernement, mais je vous avoue que je suis tenté de le faire. J'invite le ministre à demander au personnel qui s'occupe de ces choses de faire en sorte que l'on planifie les travaux un peu plus en fonction de nos invités, de leur désir de contribuer et de collaborer à nos travaux, plutôt qu'en fonction des intérêts d'un parti ou de l'autre à cette commission, parce qu'il me semble que le travail que nous abordons de façon sérieuse mérite d'être fait sérieusement. Si on a l'intention de nous faire entendre la Chambre de commerce de la province de Québec à des heures indues et Bell Canada, qui a quand même des choses à dire quand on connaît les budgets qu'elle consacre dans la province de Québec...

On pourrait noter le cas de la ville de Montréal qui devra comparaître au sixième rang mardi prochain. Elle risque de se voir bousculer, mais pas par la mauvaise volonté du président; il est obligé de faire en sorte que l'on entende mardi prochain: un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix organismes dont la ville de Montréal. Comme quelqu'un le faisait remarquer tantôt, Montréal représente à peu près les deux tiers de l'économie du Québec. Si on n'est pas capable de planifier un peu mieux que cela, j'ai l'impression que la commission va rimer à rien.

J'offre toute notre collaboration au ministre pour en arriver à nous dresser des heures de séance normales avec un ordre de comparution qui rime à quelque chose. Quant à nous, on va tâcher d'écourter nos questions et de collaborer dans toute la mesure du possible... On sait qu'il y a 70 mémoires et qu'il n'y a que dix jours de séance. Ce sera difficile et pénible; on est prêt à faire des heures supplémentaires. Il n'y a pas de problème. Mais il ne faut quand même pas abuser - non pas des députés, c'est moins important - de nos invités qui, à grands frais, après une longue préparation, se trouvent dans la situation de M. Létourneau ce soir de nous lire brièvement leurs recommandations et de se faire dire: On s'excuse M. Létourneau, cela coûte trop cher de siéger à cette heure-ci. On vous demande d'être patient. On lira votre mémoire. Il me semble que, si on a accordé la latitude qu'on a accordée à Pratt et Whitney ce matin, on devrait avoir au moins la même déférence à l'égard de la Chambre de commerce de la province de Québec.

M. Godin: M. le Président, un instant, un instant. J'aimerais bien savoir qui a dit la citation que vient de faire M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Laquelle?

M. Godin: Celle que vous venez de faire.

Le Président (M. Gagnon): Excusez. Comme président, je ne crois pas avoir demandé à M. Létourneau de résumer son

mémoire.

M. Gratton: Bien, il a eu le bon sens de le faire de lui-même, de sa propre initiative.

M. Godin: II n'y a personne qui le lui a demandé, M. le député de Gatineau.

M. Gratton: Bien non. M. Létourneau est assez intelligent pour savoir qu'on n'est pas pour lire un document de 45 pages à compter de 22 h 30. Voyons donc!

Le Président (M. Gagnon): À l'ordre! À l'ordre! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Godin: Je ne voudrais pas...

Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau a eu la gentillesse d'attendre jusqu'à cette heure-ci pour répondre à des questions. Il ne faudrait pas le retarder encore plus sur des questions de règlement.

M. Létourneau: Si vous me le permettez, M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): M. Létourneau, oui.

M. Létourneau: ...seulement un mot pour vous dire qu'étant des habitués des commissions parlementaires, lorsqu'on va décider de la réforme, nous sommes prêts à collaborer parce qu'à titre de gens qui viennent souvent, qui sont habitués à être assis à ce bout-ci de la table on pense qu'on aurait des suggestions fort pratiques à faire qui pourraient améliorer la situation.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le ministre.

M. Godin: Par respect pour vous, M. Létourneau, et pour bien indiquer que je ne veux pas vous faire perdre votre temps davantage, je ne répliquerai pas aux propos de mon collègue de Gatineau. Je ne corrigerai pas les affirmations absolument farfelues qu'il a faites.

J'oserais poser une seule question, pour commencer en tout cas. Au point 5, vous proposez de "redéfinir de manière beaucoup plus restreinte les objectifs de francisation dans les sièges sociaux". N'êtes-vous pas au courant qu'il existe une entente spécifique pour les sièges sociaux, entente qui a fait l'objet, à ma connaissance, de fort peu de critiques de la part des sièges sociaux, qui bénéficient, comme vous le savez, d'un statut particulier au même titre, d'ailleurs, que les centres de recherche qui sont au Québec rattachés à nos grandes entreprises? Alors avez-vous entendu dire que les sièges sociaux étaient mécontents du statut particulier dont ils bénéficient au Québec?

M. Létourneau: M. le Président, ce dont nous entendons parler, c'est de la situation de cadres et d'administrateurs anglophones d'entreprises nationales ou multinationales qui ont un siège social ici, qui se sentent malheureux. On pourrait dire qu'ils n'ont pas raison, on pourrait se demander pourquoi ils se sentent malheureux avec toutes les concessions qu'on a faites par rapport à l'objectif premier de la loi, par rapport à ce que vous dites, M. le ministre, et aux accommodements. Néanmoins, c'est une situation palpable dans certains sièges sociaux d'entreprises à Montréal, sièges sociaux très importants. Ces gens ne veulent pas s'exprimer; ils nous disent cela quasiment en cachette. Ils préfèrent chercher le premier moment opportun pour s'en aller parce qu'ils sont mal à l'aise à cause de ce qu'ils ressentent comme une pression sur eux pour se franciser plus qu'ils ne pensent que c'est nécessaire pour eux pour l'exécution de leurs fonctions, par exemple.

Alors, nous avons principalement à coeur que cesse cet exode de sièges sociaux qu'on a connu. On ne dit pas que la seule raison serait la loi 101, mais c'en est toujours une parmi d'autres, on ne sait jamais si c'est là la goutte d'eau qui fait déborder le verre ou si c'est celle qui est au fond, mais c'est souvent une considération. C'est pour cela que nous disons: Regardons-y donc encore une fois de plus près et essayons donc de voir s'il est possible, tout en respectant l'objectif de la loi que nous favorisons d'ailleurs, de trouver des accommodements qui feront que nous pourrons éviter d'autres déménagements de sièges sociaux dans l'avenir.

M. Godin: D'après ce que vous avez entendu dire par ces personnes, est-ce qu'il s'agirait plutôt, comme le disaient vos prédécesseurs de tout à l'heure, MM. Brunet et Goyette, de questions de perception ou de problèmes réellement vécus ou subis par ces personnes?

M. Létourneau: La nuance à faire, M. le Président, entre la perception et un problème vécu, c'est la même chose. Si on perçoit qu'on est malheureux, on est malheureux; que voulez-vous! Même si cette personne, d'après nous, n'aurait pas raison de l'être, si elle l'est, que voulez-vous qu'on y fasse? C'est une situation que nous avons détectée dans plusieurs sièges sociaux à Montréal.

M. Godin: D'accord. Au point 6, vous suggérez "d'abolir l'obligation pour une entreprise de 100 employés et plus de maintenir un comité de francisation une fois que le certificat de francisation permanent

est obtenu". Dans la mesure où nous sommes informés par des centrales syndicales et même également par des entreprises que la révolution technologique, qui est déjà commencée, la bureautique, la télématique, l'informatique, etc., dans certains cas, sera implantée seulement dans les années qui viennent, est-ce que vous ne trouvez pas que les employés d'une entreprise ont un intérêt à continuer à voir à ce que les futurs développements se fassent également dans le respect des objectifs que vous partagez de la loi 101 qui sont la francisation et, par conséquent, qu'une entreprise puisse obtenir son certificat en 1983 et s'informatiser en 1984 ou en 1985 et que cela puisse alors se faire dans n'importe quelle langue? Cela nous ramènerait éventuellement au statu quo ante, "back to square one", comme on dit. Les acquis que vous appuyez ne risqueraient-ils pas d'être perdus éventuellement?

M. Létourneau: Pour le moment, M. le Président, nous considérons que nous devrions, pour des raisons d'ordre pratique, économique et d'un ordre aussi qui respecte les objectifs linguistiques, prendre la chance de laisser les gens sur la lancée de la loi 101 une fois qu'ils ont acquis leur certificat de permanence, ce qui signifie qu'ils ont certainement démontré à l'office qu'ils étaient nettement engagés, qu'ils avaient accompli des progrès sensibles et qu'ils avaient sans doute atteint certains objectifs en matière de francisation, objectifs acceptables par l'office. À ce moment-là, nous disons: Économisons donc des efforts et essayons donc d'améliorer un peu notre productivité. Prenons la chance, s'il le faut. Nous verrons. Si cela se détériore, on pourra toujours aviser.

M. Godin: D'accord. Point 8, renouvellement de la dérogation. Le délai de six ans qui est présentement dans les règlements vous semble-t-il à vous, expérience faite, correspondre à la réalité des transferts d'un siège social à l'autre ou de la mobilité interne dans une entreprise?

M. Létourneau: Nous croyons qu'à partir du moment où c'est temporaire, c'est-à-dire où c'est renouvelable - premièrement, c'est un premier délai de trois ans - l'automatisme du renouvellement n'est pas perçu à l'extérieur du Québec comme étant facile. Je ne dis pas qu'il est difficile. Je dis qu'il n'est pas perçu de façon définitive. On entend cet avis régulièrement, particulièrement en Ontario ou à d'autres endroits, que ce n'est pas sûr que ce soit renouvelé la deuxième fois. Il y a, par ailleurs, d'autres situations où des gens peuvent encore le considérer comme temporaire, même après six ans, ici. C'est pourquoi nous parlons d'un certain automatisme du renouvellement, tant qu'on peut considérer la présence de la personne ici comme étant de nature temporaire.

M. Godin: Vous n'êtes pas sans savoir, M. Létourneau, que ces démarches sont accomplies dans 90% des cas par l'entreprise elle-même. Donc, il n'y a pas un fardeau particulier sur la personne qui est visée par le permis. C'est l'entreprise qui engage qui s'engage vis-à-vis de son employé. J'ai des cas récents. Pour l'un des frères Stastny chez les Nordiques, ce sont les Nordiques qui ont assumé cette démarche-là et c'est beaucoup plus facile pour eux, étant établis ici, comme, d'ailleurs, une entreprise qui recrute à l'étranger. Donc, est-ce que ce que vous en savez va dans le même sens que ce que j'en sais ou si vous avez des cas plus dramatiques ou plus inacceptables?

M. Létourneau: Ce qui nous semble le plus important, c'est qu'à l'origine, c'est-à-dire pas au moment du renouvellement, lorsque la décision doit être prise par certaines personnes de venir ici, on soit plus sécurisé quant à la possibilité de ce renouvellement.

M. Godin: Mais vos renseignements sont que le fardeau de la démarche est assumé par l'entreprise; c'est ce que vous en savez, vous aussi.

M. Létourneau: En tout cas, je n'ai pas une perception que c'était toujours le cas et, malheureusement, M. le Président, sur ce point, je dois vous dire que je ne peux pas répondre adéquatement à votre question selon les connaissances que nous avons chez nous parce que, encore une fois, il y a des gens qui devraient être ici qui pourraient répondre à votre question et qui n'y sont pas.

M. Godin: D'accord. Le point 10, c'est prévu de clarifier certaines dispositions de la loi 101 "en utilisant un langage précis qui laisse le moins de place possible à la discrétion administrative ou à l'interférence politique". En gros, M. Létourneau, c'étaient les questions que j'avais à vous poser. Vous y avez répondu à ma satisfaction et je souhaite que cet échange vous soit aussi profitable qu'il l'a été à moi-même. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre.

Mme la députée de Chomedey. (23 heures)

Mme Bacon: Merci, M. le Président. Croyez bien, M. Létourneau, qu'étant préparée à la lecture de votre mémoire et ayant tenté de préparer des questions pour y trouver des réponses suivant votre expérience et les travaux que vous avez faits, j'ai aussi

une certaine frustration, je dois vous l'avouer à cette heure-ci, d'avoir attendu aussi longtemps et d'avoir aussi changé les horaires aujourd'hui. Je pense que c'est un peu une improvisation de préparation des travaux de la commission que nous devons déplorer, comme aussi l'improvisation qu'on nous sert bien souvent à l'Assemblée nationale dans la préparation des travaux.

Je vais revenir quand même - je ne me limiterai pas aux recommandations si vous voulez bien - à la page 2 où vous mentionnez "que la francisation du Québec a fait des progrès et qu'il est certes irréaliste de prétendre que le français est aujourd'hui menacé par l'anglais au Québec." Est-ce que vous avez des données bien spécifiques sur lesquelles vous basez cette interprétation de la situation actuelle? On sait que, très récemment, les travaux de Charles Castonguay qui ont été connus contredisent un peu cette affirmation que vous faites à la page 2.

M. Létourneau: M. le Président, la perspective dans laquelle nous faisons cette affirmation est la suivante: Le Québec possède toute une série d'institutions: des universités, des stations de télévision, des médias de communication, des réseaux de communication, toute une série d'organisations de structuration francophone qui permettent à une société de progresser, qui font qu'à notre avis on n'a plus à avoir peur de la continuation du fait français chez nous avec l'organisation institutionnelle que nous avons construite et que nous possédons et le dynamisme de ces institutions francophones dans notre milieu.

Continuer d'avoir peur dans ces conditions nous semble être un peu de la paranoïa. Si on avait tenté, il y a 100 ans -retournons 100 ans en arrière - d'examiner la possibilité de l'expansion ou de la survie du français au Québec - remontons en 1760 au moment de la conquête - on aurait pu faire les pronostics les plus sombres. On aurait pu les faire encore il y a même 50 ans seulement à considérer la situation par rapport à ce qu'elle est aujourd'hui. Le fait français a toujours pris de plus en plus d'importance au Québec malgré qu'on aurait pu faire les pronostics les plus sombres à ces époques-là.

Avec ce que nous avons maintenant, nous ne croyons pas que nous devions continuer de craindre. Nous faisons des progrès - nous en avons parlé avec le témoin précédent - dans notre présence dans les milieux économiques alors que nous sommes partis de tellement loin. Nous faisons peut-être des progrès qui ne sont pas assez rapides, de l'avis de plusieurs, mais nous avions toute une culture à acquérir sur le plan économique. Nous sommes en train de l'acquérir assez rapidement et cela progresse.

C'est ce qui nous fait dire cela, madame.

Mme Bacon: D'accord. À la page 3, au sujet de l'affichage des communications, ce qui constitue votre deuxième recommandation. On a parlé tantôt du membership que vous représentez qui a quand même une très grande importance au Québec. Les 39 000 membres et les 3100 membres corporatifs, je pense que ce n'est pas négligeable quand on pense aux gens que vous représentez. Est-ce que ces problèmes, au niveau de l'affichage, au niveau des communications, sont un vécu de votre membership qui fait que vous voulez en discuter aujourd'hui dans votre mémoire? Est-ce que des représentations vous sont faites continuellement, est-ce sporadique par exemple ou est-ce vraiment le vécu de presque chaque jour quand on considère le nombre important de votre membership?

M. Létourneau: Madame, ce sont des complaintes, si on peut dire. On les appelle ainsi maintenant parce que cela revient fréquemment. Il y en a qui se demandent s'il y a quelque chose à faire; mais ils se sentent toujours encarcanés dans cette situation où ils trouvent que ça manque parfois de rationalité. Il y a des commerçants francophones qui aimeraient attirer l'attention de clients de passage, qui ne sont pas francophones, avec une affiche qui pourrait traduire le nom d'un produit qu'ils ont à offrir. Ils ne peuvent pas le faire. Il y a de telles situations dans ce domaine. Il m'est arrivé de débattre longuement de cette question avec des gens qui ont beaucoup d'expérience dans le domaine touristique et qui considèrent que l'impossibilité d'afficher en anglais au Québec, en province, sur des circuits où, autrefois, on voyait beaucoup de touristes américains, leur a valu une diminution de cette clientèle qui se sentait moins sécurisée parce qu'elle ne pouvait pas trouver certains services aussi facilement que s'il y avait eu quelques affiches utiles le long de leur parcours, dans leur langue.

C'est ainsi que nous le percevons. Évidemment, les gens de Montréal ont une perception plus aiguë à cause de la situation particulière, de l'intensité de la concentration de la population de langue anglaise et aussi de l'intensité des visiteurs de langue anglaise à Montréal. Mais c'est une situation, madame, qui se répète dans la province et c'est la perception qu'en ont des gens du domaine touristique en particulier.

Mme Bacon: Pour rester dans le domaine touristique, on a l'exemple qui nous a été donné, celui d'un hôtel dans la métropole qui ne peut engager des orchestres québécois parce qu'il ne peut pas faire de la publicité en anglais pour attirer le touriste

américain au cours de la saison estivale. Est-ce que vous avez entendu des Québécois qui se plaignent de manquer de travail ou qui se sentent lésés par rapport à cette application de la loi?

M. Létourneau: Les gens ne se rendent pas toujours compte que c'est la raison qui fait que, parfois, le tourisme diminuant, il y a moins d'emplois dans ce domaine. Ce n'est pas toujours perçu de cette façon par ceux qui en sont les victimes, parce qu'ils n'ont peut-être pas la capacité de percevoir les grandes causes de la situation qu'ils vivent. Là, on tombe dans un domaine où, malheureusement, c'est difficile de mesurer et, encore une fois, je déplore d'être seul à vous répondre. J'aurais aimé être accompagné d'autres gens qui s'y connaissent mieux que moi et qui ont examiné plus attentivement la question pour nous aider à rédiger ce texte, mais ils ne sont pas là malheureusement. Encore une fois, je ne peux pas aller plus loin.

Mme Bacon: Je m'excuse de vous poser des questions, M. Létourneau, même à cette heure tardive, mais je pense que c'est important. Il y a certaines questions importantes et on veut bien avoir des réponses aussi.

M. Létourneau: Je m'excuse, mais je réponds dans la mesure de ce que je sais...

Mme Bacon: D'accord.

M. Létourneau: ...et de ce que j'ai entendu par ceux qui ont préparé ce document.

Mme Bacon: À la page 9 de votre mémoire, toujours en le feuilletant, vous recommandez la clause Canada plutôt que la clause Québec. Est-ce que vous avez, au cours de l'expérience de l'application de la loi et à l'aide de vos membres, encore une fois, découvert des cas où on s'est empêché d'avoir de la main-d'oeuvre spécialisée ou des cadres qui refusent de venir au Québec à cause de cette clause Québec? Est-ce que vous avez énormément de plaintes de la part de vos membres corporatifs, par exemple?

M. Létourneau: Nous entendons cela très fréquemment, à Montréal en particulier. Nous l'entendons très fréquemment. On n'a pas fait d'enquête; on n'est pas allé voir la personne à l'extérieur qui a donné sa réponse négative; là il faudrait faire des enquêtes à n'en plus finir. J'imagine que les gens qui nous le disent, qui sont des responsables que nous connaissons bien et que nous jugeons de bonne foi n'inventent pas ces choses et ne s'arracheraient pas les cheveux à certains moments en pensant à combien ils sont contraints par cette disposition particulière de la loi.

Mme Bacon: D'accord. À la page 10, que j'ai trouvée très intéressante, vous parlez d'écoles privées non subventionnées dont l'ouverture aurait été refusée par le ministre de l'Éducation. Je ne sais pas si le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration aurait des pressions à faire sur son collègue du ministère de l'Éducation. Vous nous dites: En 1980, en 1981, la société japonaise de Montréal s'est vue refuser par le ministère de l'Éducation un permis pour ouvrir une école privée non subventionnée. Est-ce que cela voudrait dire qu'on empêche... C'est quand même des investissements quand on veut ouvrir une école privée non subventionnée. Est-ce que cela voudrait dire que le ministère de l'Éducation refuse certains investissements pour l'ouverture d'écoles privées? Pouvez-vous expliciter davantage?

M. Létourneau: Malheureusement, je n'ai pas participé, je n'ai pas eu accès à l'information de base ici, je pense que ce qui a été écrit là a été écrit sur la connaissance de faits. Ce que j'ai vu, moi, par ailleurs, c'est plus d'un rapport de groupes d'industriels japonais ayant visité le Canada et ayant fait des appréciations sur la possibilité d'implantation dans les endroits les plus favorables au Canada pour venir faire des affaires chez nous, venir faire des investissements. Souvent j'ai noté dans des écrits provenant du Japon, de ces gens, qu'ils avertissaient leurs concitoyens qu'il y avait une situation particulièrement difficile pour eux sur le plan linguistique s'ils voulaient s'établir au Québec, sans compter d'autres situations qu'ils ont dénotées sur le plan fiscal.

Mme Bacon: Est-ce que le ministre est au courant de ces situations? Est-ce qu'il en a déjà discuté avec son collègue de l'Éducation?

M. Godin: II en a été question effectivement et une des solutions que nous avons commencé à appliquer, M. Létourneau et Mme la députée de Chomedey, c'est celle d'une école internationale à Montréal qui serait accessible aux membres de ces missions ou de ces entreprises et qui décernerait un baccalauréat international sur le modèle de certaines villes comme Genève, New York et autres, Paris, par exemple. C'est en train de s'implanter dans...

Mme Bacon: Est-ce que ce serait subventionné par l'État?

M. Godin: Oui, par l'État.

Mme Bacon: Comment se fait-il que l'État accepte de subventionner ces écoles privées, mais refuse l'implantation d'écoles privées non subventionnées? Cela ne lui coûterait rien à ce moment. Ce sont des investissements.

M. Godin: II faudrait poser la question au ministre de l'Éducation.

Mme Bacon: Vous ne parlez pas suffisamment pour cela, non? À la page 12, M. Létourneau, vous mentionnez - le ministre a répondu tantôt, mais j'aimerais quand même revenir: La Chambre de commerce du Québec recommande donc que les interdictions édictées par la loi 101 soient rédigées dans un langage clair et précis qui laisse le moins de place possible à la discrétion administrative ou à l'intervention politique. Est-ce que ceci réglerait vraiment le problème qui existe?

M. Létourneau: Sans doute, non, madame. C'est une manière d'améliorer les choses, mais je doute qu'on puisse jamais rédiger un texte de manière suffisamment hermétique ou en prévoyant suffisamment l'avenir pour éviter tous les problèmes. Nous demandons simplement qu'il y ait amélioration dans ce sens le plus possible.

Mme Bacon: À la fin de votre mémoire, vous recommandez aussi des compressions majeures dans le budget consacré à l'application de la Charte de la langue française. Vous mentionnez environ 20 000 000 $. Quelles seraient pour vous les priorités pour faire de telles compressions? À quel endroit?

M. Létourneau: Je ne sais pas si je comprends bien la question. Les priorités, où couper, ou les priorités...

Mme Bacon: Pour faire des compressions. (23 h 15)

M. Létourneau: ...oui, des choses dont il faut surtout s'occuper. Dans une structure comme celle de l'Office de la langue française, comme dans tout autre structure bureaucratique, il se bâtit avec le temps des croûtes - excusez l'expression. Il arrive que des gens s'incrustent, se justifient une fonction et cela se passe tout naturellement. Cela se passe partout; cela se passe particulièrement dans le système public; cela se passe parfois aussi dans les grandes bureaucraties privées. Alors, vient un temps où il faut donner un coup et couper. Il y a plusieurs façons de le faire. Il y a fondamentalement, je pense, deux approches qui sont retenues. L'une, c'est de dire: On coupe de tant pour cent partout. Cela va faire mal ailleurs. À certains endroits, on va couper dans des choses qu'on pourrait trouver essentielles, mais ailleurs... Et, finalement, on s'aperçoit qu'on finit par tout faire, même après ces coupures, parce qu'on s'est laissé aller à un peu trop d'engraissement de la structure.

L'autre façon de faire, c'est d'être sélectif. Mais quand on décide d'être sélectif, c'est extrêmement difficile et on s'aperçoit que les responsables n'arrivent pas à prendre les décisions nécessaires la plupart du temps. Certains qui ont beaucoup de courage le font. D'autres ont beaucoup de difficultés, cela traîne et finalement, on n'y arrive pas. Alors, disons que pour plus d'efficacité, pour y arriver de manière plus rapide, nous préconiserions une coupure égale partout, dans tous les départements. Il est sûr qu'il y a des endroits où on va couper et où ce serait plus utile de couper ailleurs. Mais plutôt que de faire l'étude, pour être pratique, pour être concret, pour arriver à des résultats qui nous aident vraiment à obtenir l'efficacité et la productivité, je pense que de couper également partout est peut-être la meilleure chose à faire, quoique, idéalement, il faudrait le faire sur une base sélective.

Mme Bacon: Merci.

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Groulx.

M. Fallu: M. Létourneau, je ne vous ferai certainement pas le reproche de n'avoir pas lu votre mémoire ici ce soir. Je pense que vous nous avez précisément donné déjà un des modèles de présentation qu'il devrait y avoir devant une commission parlementaire. Puisque les mémoires sont déjà déposés à l'avance, vous en faites un bref résumé, vous présentez les conclusions; vous avez pris exactement cinq minutes et vous nous donnez l'occasion depuis maintenant une demi-heure, d'échanger. C'est précisément le but d'une commission parlementaire. De cela, je vous remercie.

Votre mémoire, M. Létourneau, me semble un peu optimiste. Il y a quelques affirmations qui ne sont pas appuyées sur des études. À certains endroits, j'ai l'impression que la charte est mal comprise par votre organisme. Et, à mon avis, les reproches sur la rédaction de la charte elle-même, la rédaction formelle de la loi, ne sont pas fondés. Enfin, on peut dire que c'est une question de perception.

Vous réitérez, comme en 1977, l'appui à la Charte de la langue française. Néanmoins, vous mettez en question les moyens. Mais je suis un peu étonné car, la façon dont vous les mettez en question, les moyens, vous arrivez à remettre des choses de fond substantiellement en question. Sur l'affichage, notamment, sur l'école privée

qui, d'une façon ou d'une autre finit par être une sorte de libre choix détourné; sur la francisation de l'entreprise qu'on devrait arrêter et qui aurait peut-être comme conséquence que beaucoup de travailleurs n'auraient pas accès à la francisation. Je reviens sur ces trois éléments, si vous me le permettez, car j'aimerais connaître un peu mieux votre pensée, notamment sur l'affichage; c'est votre recommandation no 2. Vous dites que l'affichage public bilingue ne devrait pas être interdit, quitte à imposer la prédominance du texte français. Vous savez fort bien que cet énoncé nous rappelle des souvenirs anciens, celui de la prédominance du texte français. Est-ce que c'est une prééminence en position sur l'affiche, est-ce que c'est une prééminence en volume de lettrage, etc.? Vous savez quel panier de crabes cela avait soulevé à l'époque. J'imagine que ce n'est certainement pas dans ce sens que vous voulez nous proposer des amendements à la loi sur l'affichage. Ce serait ma première question.

M. Létourneau: M. le Président, nous croyons que la mentalité qui prévalait il y a quelques années, à l'époque de l'adoption de la loi, et qui a dans une certaine mesure amené l'adoption de la loi, a beaucoup changé, énormément changé. Sur la lancée, avec le momentum qu'a acquis la francisation dans l'affichage, nous doutons fort que nous reviendrions, même en libéralisant complètement l'affichage, aux situations que nous avons connues dans le passé. Nous en doutons beaucoup. Les mentalités ont complètement changé sur ce point, nous en sommes témoins tous les jours, tant chez les anglophones que chez les francophones, parce qu'on sait qu'à l'époque il y avait des francophones qui, pour toutes sortes de raison, n'y voyaient rien, etc. Encore une fois nous sommes prêts a faire le pari qu'en libéralisant sur ce plan nous ne revivrons pas les situations un peu grotesques que nous avons eu à déplorer dans le passé et que nous reviendrons dans un juste équilibre qui sera de nature, surtout à ce moment-ci, sur le plan pratique, à améliorer un peu la perception que certaines gens ont de nous de l'extérieur. Je parle des touristes en particulier ou de gens qui pensent, qui ont l'impression qu'ont veut être dans un ghetto francophone. Si on libéralise on retombera dans un équilibre raisonnable. C'est notre perception de la situation présente.

M. Fallu: Du point de vue de la perception, dans ma deuxième question à propos de l'école, vous suggérez qu'il y a eu des difficultés très réelles. Je voudrais d'ailleurs dire à ceux que cela intéresse, notamment à la suite de la question de Mme la députée de Laval...

Le Président (M. Gagnon): De Chomedey.

M. Fallu: De tout Laval, non? Laval-sur-le-Lac seulement?

Mme Bacon: Non, non.

M. Fallu: Même pas? C'est au sud, oui?

Mme Bacon: Chomedey n'est pas dans Laval-sur-le-Lac.

M. Fallu: Selon un récent jugement de la Cour d'appel dans l'affaire Mont-Bénilde, le ministre ne peut plus refuser à sa discrétion d'accorder un permis d'école privée. Il y a des normes qui existent, mais ce n'est pas totalement discrétionnaire. En proposant ces écoles privées - je veux bien qu'on règle des problèmes concrets - avec surtout un crédit d'impôt... Vous avez bien dit crédit d'impôt, ce qui est énorme...

M. Létourneau: Cela dépend de sa taille et de son importance.

M. Fallu: Vous savez combien il en coûte pour fréquenter ces écoles privées. Il y en a une chez moi qui vient justement d'obtenir son permis. Cela coûte de 3000 $ à 6000 $ par année. Vous arrivez à toutes fins utiles à une nouvelle forme de libre choix. Est-ce le but visé?

M. Létourneau: Oui, M. le Président. Encore une fois, nous ne craignons pas pour la société francophone québécoise. Pour nous, on a dépassé le seuil de ce besoin de protectionnisme qui a été, dans une certaine mesure, peut-être justifié dans le passé, mais vraiment nous ne percevons plus ce besoin.

M. Fallu: Vous avez bien dit "nous ne percevons plus", donc il s'agit d'une question de perception.

M. Létourneau: Finalement vous savez, quand on fait des enquêtes...

M. Fallu: Enfin, quant à la francisation...

M. Létourneau: ...sur quoi les fait-on? C'est sur des perceptions, et Dieu sait quelles sortes de conclusions on peut tirer de toutes sortes d'enquêtes.

M. Fallu: ...de l'entreprise, à la page 6, vous mettez en cause essentiellement un facteur, celui du coût de la francisation. À ce compte, êtes-vous prêts à laisser tomber la francisation qui est nécessaire à plusieurs endroits dans de petites entreprises? À mon avis, il en va du droit fondamental des travailleurs de pouvoir travailler en français.

Votre seule référence est à un critère de coût, non pas à un critère de francisation ou d'objectifs globaux.

M. Létourneau: Encore une fois - vous allez me taxer d'avoir des impressions, mais enfin - nous causons avec beaucoup de gens, beaucoup de nos membres et ces questions reviennent toujours, reviennent fréquemment. Il est sûr qu'il restera toujours dans notre société des endroits où on pourra constater que les choses ne vont pas comme elles devraient aller. Pour atteindre l'objectif de la loi à 80% ou 85%, cela va aller. On peut dire qu'on peut atteindre cela à des coûts raisonnables. Mais dès qu'on essaie d'aller plus loin, de s'approcher des 100%, d'éviter la poche de résistance dans cette petite entreprise ici ou dans telle autre entreprise, finalement, si on les mettait toutes ensemble, cela constitue une bien petite minorité. Dès qu'on essaie d'atteindre tout cela, d'étendre partout et d'être parfait dans l'application, on rencontre des coûts énormes, des coûts qui ne se justifient plus même avec un excellent objectif, même en voulant protéger des droits. On a alors la Charte des droits et libertés qui pourrait être utilisée; on a autre chose. C'est cela que nous voulons éviter: vouloir être tellement parfait dans l'application de la loi, éviter la moindre petite situation déplorable ou condamnable peut-être. Essayer d'atteindre 100%, cela devient trop coûteux. On ne peut pas se le permettre. C'est pour cela qu'on dit: Si vous voulez vous lancer dans les PME et les obliger à faire des exercices qu'on a demandés aux entreprises mieux organisées, mieux structurées, à un personnel qui pouvait se permettre les débats, les délibérations du comité de francisation etc. et tout ce qui entoure cela, là vraiment, j'ai l'impression que, encore une fois, on n'a pas confiance au momentum que des attitudes et des changements qui se produisent dans notre société vont faire. Finalement, parmi toutes ces choses, il va rester des cas déplorables. On ne réussira jamais avec n'importe quelle loi, de toute façon, à les éliminer complètement. Essayons de les traiter un à un, quand ce sera nécessaire, via d'autres lois comme la Charte des droits et libertés. Mais n'essayons pas d'imposer à 100%, à la perfection, chaque disposition de la loi 101.

M. Fallu: M. Létourneau, il me reste à vous remercier de nous avoir transmis vos perceptions.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le député de Groulx. M. le député de Nelligan, en vous demandant d'être le plus...

M. Lincoln: Oui, je sais, vous me l'avez demandé. M. Létourneau, le président me dit qu'il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais j'aurais voulu poser deux ou trois petites questions. Tout d'abord, la question de l'école privée. Je crois qu'il est important de revenir là-dessus. Je pense qu'il y a un malentendu avec le ministre sur cette question. Je connais la référence qui est faite dans votre dossier. Je ne sais pas qui l'a écrit, mais j'ai vu le rapport qui parle de cela. C'est un rapport de la délégation japonaise qui est venue ici en 1981, dans laquelle il y avait 38 représentants japonais qui sont venus pour vérifier les investissements dans tout le Canada. On parle de cela sur trois points différents. En Alberta, on a une petite école où les enfants japonais étudient la langue japonaise pour continuer à préserver la langue. C'est la même chose à Toronto. Le Nilaing Kai, qui est la société japonaise industrielle à Montréal, le groupement japonais, a voulu instituer sa petite école de week-end pour continuer l'enseignement du japonais. Comme les Japonais sont des gens très légalistes qui veulent travailler dans le cadre de la loi, ils ont demandé cette permission au ministère de l'Éducation du Québec qui leur a refusé cette petite école. (23 h 30)

En fait, l'école internationale ne réglera pas du tout le cas. Ce n'étaient pas du tout des gens qui voulaient des diplômes internationaux ou des baccalauréats. Tout ce qu'ils voulaient, c'est que les enfants japonais puissent aller à une école privée japonaise payée par les industriels japonais pour continuer à préserver leur langue japonaise pendant qu'ils sont au Canada. Dans le rapport du MITI, que je pourrais vous passer, on dit que Montréal est une des raisons, en plus du Québec. On parle de toutes sortes de choses dont on a discuté bien souvent: instabilité politique, etc. Mais on parle en fait de cet empêchement de pouvoir envoyer leurs enfants à une école privée japonaise qu'on leur a refusée.

M. Godin: J'ai un très court commentaire à faire qui sera peut-être utile aussi à M. Létourneau. Il y a présentement au Québec déjà 40 écoles semblables en 40 langues différentes que fréquentent 17 000 enfants. Mme l'ex-ministre de l'Immigration se souvient fort bien que, aussi bien dans son temps que maintenant, le gouvernement du Québec non seulement encourage mais subventionne ces écoles du samedi ou du dimanche, suivant le cas. Il y a 40 de ces écoles installées dans des écoles publiques ou dans des locaux privés, mais nous subventionnons déjà cela. Donc, si cette demande avait été acheminée au gouvernement de façon précise, nous y aurions certainement donné suite.

M. Lincoln: M. le ministre, je vais vous passer...

M. Godin: M. Létourneau, si vous avez des contacts avec les auteurs de cette demande, dites-leur qu'il y a déjà 40 groupes au Québec qui bénéficient de telles écoles du samedi et du dimanche et que nous leur versons un total de 250 000 $ par année pour que cela ait lieu, ce qui paie une partie des dépenses.

M. Lincoln: Ce sera bon si la commission dénoue ces petites choses, mais je peux vous dire que je vais passer le rapport officiel...

M. Godin: Si c'est ce qu'ils veulent, ils l'auront.

M. Lincoln: Oui, mais le fait est qu'en 1981 ils disent qu'ils ne l'ont pas eu. C'est une des raisons pour lesquelles nous apportons cela. C'est écrit dans le rappport officiel.

M. Godin: D'accord!

M. Lincoln: M. Létourneau, la question des tests professionnels, c'est une suggestion orginale que vous apportez. Vous pensez que les corporations professionnelles devraient s'occuper des tests et les contrôler. Auriez-vous pu nous dire un peu votre ordre de pensées? Vous pensez parler de cela à la page 9.

M. Létourneau: Malheureusement, M. le Président, c'est une autre question à laquelle je ne saurais répondre parce que la personne qui, sous cet aspect particulier, a fait les consultations et nous a rapporté les informations, n'est toujours pas là. Je suis désolé.

M. Lincoln: J'ai une dernière petite question avant de terminer. Il y a un de mes collègues à l'Assemblée nationale qui me dit que dans les PME de son comté dans la Beauce, il y a les petites corporations, de peut-être plus de 50 employés, qui sont submergés par toutes sortes de paperasses de l'Office de la langue française, malgré qu'elles soient des compagnies francophones. Vous parlez des PME, auriez-vous pu nous parler brièvement de votre expérience dans ce cas-là? Est-ce que cela se situe dans beaucoup de cas?

M. Létourneau: Oui, cela se situe dans beaucoup de cas et cela crée même une situation très dommageable pour l'évolution de l'entreprise au Québec parce que nous entendons fréquemment de nos membres qui sont dans des petites entreprises en croissance qui sont sur le point de dépasser le seuil de 50 employés et qui se refusent à dépasser ce seuil à cause du fardeau qu'impose la parerasserie gouvernementale dès que l'on dépasse ce seuil. C'est un raisonnement que l'on entend assez fréquemment. Ils vont même plutôt fractionner leurs établissements plutôt que d'avoir des établissements de plus grande taille ou tout simplement ils vont plafonner, parce qu'il semble qu'il n'y a pas que la loi sur la langue qui menace de les atteindre s'ils avaient déjà plus de 50 employés, il y a d'autres types d'intervention gouvernementale qui semblent les atteindre beaucoup plus et beaucoup plus fréquemment dès qu'ils dépassent ce seuil. Donc, c'est encore là un handicap. Que voulez-vous? Je m'excuse, M. le député, c'est leur perception et c'est celle qu'ils nous transmettent.

Le Président (M. Gagnon): Merci. M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: M. le Président...

Le Président (M. Gagnon): Petite question.

M. Ciaccia: Pardon?

Le Président (M. Gagnon): Petite question vous m'avez dit?

M. Ciaccia: Très brièvement.

Le Président (M. Gagnon): Très brièvement.

M. Ciaccia: Je n'ai pas abusé aujourd'hui de mon droit de parole, M. le Président.

M. Létourneau, je déplore le fait que vous soyez le dernier intervenant si tard, à 23 h 30, mais je dois avouer que ce n'est pas la première fois que cela vous arrive.

M. Létourneau: Non, monsieur.

M. Ciaccia: J'ai été moi-même témoin d'autres invitations à la Chambre de commerce de la province de Québec et je me dis que c'est toujours à la dernière minute que l'on entend la chambre de commerce, tard le soir. L'impression que j'ai, c'est qu'on ne veut pas vraiment vous entendre complètement à des heures où les gens peuvent vous entendre parce que les points de vue que vous avez parfois ne concordent pas tout à fait avec ceux du gouvernement. C'est la seule conclusion que je tire.

M. Godin: Question de règlement, M. le Président. Question de règlement.

Une voix: On vous reconnaît. M. Godin: Question de règlement.

Le Président (M. Gagnon): Je m'excuse, M. le député de Mont-Royal. Question de règlement. Question de règlement, M. le député de Mont-Royal.

M. Godin: La chambre de commerce est arrivée pour huit heures ce matin, c'est-à-dire pour 10 heures ce matin.

Une voix: On vous reconnaît.

M. Godin: Elle était prévue pour dix heures ce matin, la meilleure heure de la journée. Malheureusement à cause des changements cela n'a pas été possible. Les représentants étaient prévus pour dix heures ce matin, les premiers.

M. Ciaccia: C'est toujours prévu comme cela mais cela arrive...

Le Président (M. Gagnon): M. le député de Mont-Royal, si vous me permettez...

M. Godin: Enfin, ne dites pas n'importe quoi.

Le Président (M. Gagnon): J'ai l'impression qu'on a largement parlé de cela. D'ailleurs vos collègues l'ont souligné. Il faudrait peut-être poser des questions à M. Létourneau et ne pas revenir uniquement sur ce sujet.

M. Ciaccia: Non, M. le Président. Je pense que le point que je fais, je le fais à ma façon et je ne pense pas que les conclusions que je tire de cela aient été tirées par aucun de mes collègues.

Une voix: ...

M. Ciaccia: Oui, c'est ma perception que j'ai des invitations qu'on fait.

M. Dupré: Une petite question.

M. Ciaccia: On fait des invitations pour dix heures le matin, mais on s'arrange toujours pour qu'ils soient entendus à 23 h 30 le soir. Cela ne peut pas toujours être de l'imprévu ou un accident que la Chambre de commerce de la province de Québec soit toujours entendue à la dernière heure. Je suis en désaccord avec mon collègue, le député de Groulx, quand il dit que la chambre de commerce est le moyen idéal d'avoir fait un résumé. La raison pour laquelle on a télédiffusé cette commission c'est afin d'informer autant de gens possible des délibérations de la commission.

J'aurais aimé que M. Létourneau puisse lire tout le mémoire où il nous dit que les problèmes non résolus de la loi linguistique ont, depuis, contribué à diviser la société québécoise et à compromettre notre croissance économique. J'aurais voulu qu'il nous dise: "La Chambre de commerce de la province de Québec se dit heureuse de cette évolution mais en même temps elle craint que certaines dispositions de la loi ou de la réglementation n'aient pour effet de marginaliser le Québec." Il y a une série d'autres affirmations qui sont contenues dans ce mémoire de la chambre de commerce que je crois qu'il serait très important que la population sache parce que, M. le Président, si on est ici pour vraiment - et je pense que cela devrait animer le reste de nos travaux parce qu'on va être ici durant dix jours encore - apporter des modifications pour améliorer la loi, si on veut vraiment chercher les problèmes dans la loi 101, je pense qu'il va falloir qu'on en discute et qu'on ne donne pas l'impression qu'on veut seulement jouer de la politique pour les fins du gouvernement et donner seulement un point de vue et non l'autre.

Il y a de vrais problèmes qui sont soulevés ici et si on invite ceux qui voient les vrais problèmes dans la loi concernant le domaine économique, si on les invite comme vous faites avec Bell Canada et comme vous avez fait avec la Chambre de commerce de Montréal et celle de Québec, seulement un soir, vous n'aidez pas à sensibiliser la population. Pourquoi a-t-on télédiffusé les débats? C'est pour sensibiliser les contribuables pour qu'ils sachent vraiment, parce que si vous voulez faire des changements à la loi il faut que ces changements soient acceptés par la population. Et si la population n'entend pas ce que les responsables du secteur économique, les agents économiques ont à dire, cela va être encore une fois de l'information biaisée, et ils n'accepteront pas les changements nécessaires que le gouvernement devrait apporter, devrait être prêt à apporter à la loi.

Cela souligne aussi le point que nous avons soulevé ce matin. Nous avons devant nous la Chambre de commerce de la province de Québec qui nous apporte des problèmes au niveau économique. On aurait voulu avoir la réaction du ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme ou un des ministres chargés d'une mission économique. Ils ne sont pas ici. Alors c'est vraiment difficile de faire le point sur tous les aspects économiques. Pourtant, c'est important, c'est très important. On fait toutes sortes d'affirmations et je crois que pour informer la population et pour avoir la réaction du gouvernement sur ces secteurs très importants, cela aurait été plus que nécessaire d'avoir un des ministres chargés de la mission économique.

M. le Président, j'aurais seulement une petite question après ces remarques et j'espère que celles-ci seront prises en

considération par le ministre lors de la convocation d'autres intervenants. Est-ce que... Vous avez mentionné et je pense que vous l'aviez déjà mentionné aussi dans votre mémoire mais cela ne fait pas partie de vos conclusions. Est-ce que vous croyez que la loi 101 devrait s'appliquer aux entreprises de moins de 50 employés? Présentement elle ne s'applique pas. Quel est votre point de vue sur l'application et pour quelle raison? Selon oui ou non, est-ce que vous pourriez nous donner une petite explication de votre point de vue?

M. Létourneau: M. le Président, plusieurs dispositions de la loi s'appliquent déjà aux entreprises de 50 employés et moins; plusieurs dispositions y touchent. Ce à quoi on pense, c'est aux fameux comités de francisation qui pénètrent dans l'entreprise. Notre recommandation est très claire. Nous ne croyons pas qu'il soit utile et opportun qu'on aille implanter cela dans les entreprises de 50 employés et moins.

Le Président (M. Gagnon): Merci. Une autre?

M. Ciaccia: Une dernière question. Quand on parle des sièges sociaux, l'article 143 prévoit que les programmes de francisation doivent tenir compte des relations de l'entreprise avec l'étranger et du cas particulier des sièges sociaux établis au Québec par des entreprises dont l'activité s'étend hors du Québec. Cela permet au gouvernement, à l'Office de la langue française, à la commission de surveillance de faire toutes sortes de changements. Est-ce que vous trouvez que c'est suffisant de prévoir tous les sièges sociaux dans un article tel que 143? Est-ce que cela peut ouvrir la porte à des ambiguïtés, à des incertitudes, à des négociations différentes entre différentes compagnies? Est-ce qu'il serait possible par un changement éventuel de la loi d'inclure les conditions pour les sièges sociaux afin qu'il n'y ait pas d'ambiguïté, pour que les nouveaux investisseurs aussi sachent à quoi s'en tenir?

M. Létourneau: M. le Président, nous notons qu'il y a des négociations sur ces choses. Toutes les entreprises ne négocient pas de la même façon. Leurs négociateurs ne sont pas tous également habiles à percevoir les besoins internes de leur entreprise. Il arrive, après que les négociations sont terminées, qu'ils soient peut-être trop timides pour exprimer leurs besoins ou qu'ils ne sachent pas suffisamment les évaluer. Peu importe, il arrive qu'en fin de compte, il y ait dans ces entreprises des employés anglophones qui y travaillent - comme je l'ai dit plus tôt dans mon témoignage - qui se sentent malheureux, car on ne leur a pas fait assez d'espace ou on ne leur donne pas assez de chance de respirer en anglais à leur goût. C'est ce qui nous amène à soulever la question. Remarquez que pour aller jusqu'à vous dire comment le projet de loi devrait être rédigé pour trouver la solution, je dois vous admettre que cela dépasse ma compétence.

Nous soulevons la question. Nous disons: Attention! Le gouvernement a des experts pour regarder de plus près la situation, pour revoir la loi, la rédiger de façon à éviter les problèmes. Nous apportons notre contribution en vous disant que selon notre expérience, qui résulte d'un contact fréquent avec le milieu des affaires, voici ce que nous percevons. Ayant utilisé ce terme, M. le Président, je mets en garde le fait que certains propos tenus ici pendant ma déposition tendaient à déprécier cette notion de perception. Je pense qu'une perception recueillie et transmise de bonne foi, c'est un fait très concret. Je pense que je ne devrais pas insister auprès de gens qui sont dans le domaine de la politique. En matière de politique, la perception fait ou défait un gouvernement. C'est une grande réalité. (23 h 45)

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. Létourneau et M. le député de Mont-Royal. Avant de laisser la parole au ministre pour le mot de la fin, compte tenu qu'on a encore soulevé le fait que vous n'avez pas lu votre mémoire, compte tenu de l'obligation que j'ai d'essayer de mener les travaux pour que tous aient le droit de s'exprimer, je voudrais souligner qu'on ne vous a pas demandé de ne pas lire votre mémoire; c'est votre choix de l'avoir résumé. Je pense que cela a fait plaisir aux gens de la commission. Je voudrais aussi souligner aux membres de cette commission que, même si vous avez été le dernier groupe à être entendu, on n'a pas limité le temps puisque, actuellement, on a le plaisir de discuter avec vous depuis une heure et vingt-trois minutes exactement. Au cours de la journée, les deux chambres de commerce - celle qui vous a précédé et vous-même - sont les organismes à qui on a accordé le plus de temps. Ceci pour m'assurer que tout le monde a la même perception que moi et que j'ai essayé, comme président, de diriger les travaux de façon que les gens aient un droit égal de parole.

M. le député de Mont-Royal.

M. Ciaccia: Je pense qu'il y a moyen d'inclure, à la demande des intervenants - je ne sais pas si un député a ce droit - le mémoire dans le journal des Débats intégralement comme s'il avait été lu devant la commission.

Le Président (M. Gagnon): Sûrement.

M. Ciaccia: Je me demande si on pourrait faire cela dans le cas du mémoire de la Chambre de commerce de la province de Québec.

M. Godin: Unanime.

Le Président (M. Gagnon): M. le ministre. Oui, M. Létourneau?

M. Létourneau: Un dernier mot simplement pour vous remercier de votre accueil, de la façon dont vous m'avez reçu et encore une fois regretter que les élus, les administrateurs élus qui auraient dû être avec moi ce soir n'aient pas été ici pour bénéficier de cet accueil comme cela aurait dû être le cas. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président (M. Gagnon): J'aurais eu un problème; j'aurais été obligé de couper le droit de parole aux autres si vous aviez été trois ou quatre à répondre aux questions. M. le ministre.

M. Godin: Nous nous estimons très bien informés par vos propos même si vous déplorez le fait d'avoir été seul. D'autre part, je tiens à rappeler à ceux qui ne le sauraient pas que chaque année la Chambre de commerce de la province de Québec - et vous êtes là d'ailleurs à chaque fois depuis de nombreuses années - rencontre le premier ministre, les ministres économiques et bien d'autres membres du gouvernement lors de réunions privées qui durent fort longtemps et qui commencent à l'heure; ils ne vous font par poireauter dans les corridors.

Merci beaucoup, M. Létourneau, de votre contribution éclairante. Nous tenterons d'en retenir les aspects les plus utiles au gouvernement et au Québec. Merci beaucoup.

Le Président (M. Gagnon): Merci, M. le ministre. M. le député de Gatineau.

M. Gratton: M. le Président, au nom de l'Opposition, merci à M. Létourneau et nos excuses pour la situation dans laquelle on l'a placé. Cela étant dit, j'aimerais demander au ministre de nous indiquer les organismes que nous entendrons mardi.

M. Létourneau: Dois-je comprendre que je suis libéré?

Le Président (M. Gagnon): Oui, en vous remerciant beaucoup de votre participation.

M. le ministre, l'ordre du jour de mardi.

M. Godin: Mardi, à moins de changements qui nous seraient imposés par les négociations que nous devons faire avec chacun des groupes, nous entendrons mardi matin le Congrès national des Italo-Canadiens, suivi par le Conseil des activités italo-québécoises, ensuite M. Alexandre Sylva, le Grand Conseil des Cris et de M. Claude Dulac. En après-midi - si nous avons le temps - la ville de Montréal, le Comité national des anglophones du PQ...

M. Gratton: Attendez, je suis obligé de le prendre en note parce que c'est un changement. Le Comité...

M. Godin: ...national des anglophones du PQ.

M. Gratton: Oui.

M. Godin: Après la ville de Montréal, suivi de MM. Gérard Brosseau, Michel Lussier, Pierre Landry, André Dupont.

Mercredi, 26 octobre, Alliance Québec, les amis du Parti québécois qui, comme vous le savez, passent au début...

Une voix: Cela peut changer...

M. Godin: L'Association des anglophones de l'Estrie, les Townshippers, la cité de Côte-Saint-Luc, la ville de Hull et l'Association des manufacturiers canadiens.

M. Gratton: Je pense que cela me convient...

M. Godin: Vous en avez assez.

M. Ciaccia: Je pense qu'il y a moyen d'inclure, à la demande des...

M. Gratton: Je pense que cela nous convient, M. le Président. Simplement une remarque. Aujourd'hui, si on exclut l'heure des discours préliminaires, etc., nous avons siégé pendant huit heures pour entendre six mémoires. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'abus de part et d'autre; nous avons tenté de collaborer et, malgré tout, en atteignant ces huit heures de session, nous avons dépassé de près de deux heures l'heure normale de séance.

Avec la liste que vous venez de nous remettre, vous nous invitez, dans le même nombre d'heures - en supposant que nous terminions à 22 heures, comme il serait souhaitable je pense - à entendre onze organismes, dont la ville de Montréal qui, à mon avis, devrait avoir certaines choses à nous dire. Je crains fortement, M. le ministre, qu'on doive se préparer soit à siéger encore jusqu'à des heures indues mardi prochain, ou alors peut-être devrait-on penser à la possibilité d'ajuster notre tir. Si je voulais prendre un autre exemple, je passerais au vendredi 28 octobre où vous avez prévu huit organismes. Je présume qu'on devrait vouloir terminer vendredi à 18

heures, mais pour entendre ces huit organismes - nous avons pris huit heures pour en entendre six aujourd'hui et nous terminons à 23 h 45 - nous devons prévoir que nous serons ici vers minuit vendredi soir.

Je veux bien que nous soyons efficaces et que nous collaborions, mais je vous avertis d'avance qu'à un moment donné, nous serons obligés de refuser des consentements, parce qu'il y a quand même une limite. Ce n'est pas à nous qu'il faut faire plaisir et nous qu'il faut tenter d'accommoder, c'est nos invités. J'invite le ministre, soit avec le secrétariat des commissions ou autrement, à y réfléchir, à voir s'il n'y a pas moyen de mettre un peu d'ordre là-dedans. Je le dis et je le répète, nous sommes là pour collaborer, dans la mesure où la collaboration peut mener à quelque chose de sensé.

M. Godin: M. le député de Gatineau, je suis d'accord avec vous. Nous allons tenter "to get our act together", comme on dit, et, nous inspirant de l'expérience d'aujourd'hui, nous allons étaler les mémoires de telle manière que les journées ne soient pas trop longues pour vous, mais surtout, comme vous l'avez dit, pour nos invités.

Le Président (M. Gagnon): Merci à tous et...

M. Godin: Ceci étant dit, nous tenons pour acquis que cette liste que je vous ai donnée risque d'être modifiée à la baisse, puisque nous procéderons à des changements, conformément à vos demandes.

M. Gratton: Quant au nombre et pas nécessairement quant à l'ordre, je présume.

M. Godin: Non, quant au nombre. M. Gratton: D'accord.

Le Président (M. Gagnon): Merci à tous. La commission des communautés culturelles et de l'immigration ajourne ses travaux au mardi 25 octobre, 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 53)

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