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Commission permanente des
consommateurs, coopératives et
institutions financières
Etude du projet de loi no 7 Loi sur la protection du
consommateur
Séance du mercredi 22 septembre 1976 (Dix heures dix-sept
minutes)
M. Kennedy (président de la commission permanente des
consommateurs, coopératives et institutions financières): A
l'ordre, messieurs!
La commission des consommateurs, coopératives et institutions
financières est à nouveau réunie pour l'étude du
projet de loi no 7.
Pour le bénéfice de l'enregistrement, je voudrais
souligner les changements suivants chez les membres de la commission: M.
Cornellier (Saint-Hyacinthe) remplace M. Boutin (Abitibi-Ouest); M. Lachance
remplace M. Chagnon (Lévis); M. Faucher remplace M. Marchand
(Laurier).
M. Léger: Voulez-vous ajouter que M. Charron
remplace...
Le Président (M. Kennedy): M. Burns. M. Léger:
... M. Burns?
Le Président (M. Kennedy): D'accord. Le premier organisme
que nous entendrons, ce matin, est le Montreal Board of Trade qui est
représenté par M. Lorne Tracey.
Je voudrais informer les représentants de l'association que nous
devrons suspendre nos travaux au plus tard à 11 h 30, puisque le
ministre, Mme Bacon, a des engagements de pris. Elle doit absolument nous
quitter au plus tard à 11 h 30. Nous reprendrons les travaux à 14
h 30 cet après-midi.
Montreal Board of Trade
M. Finestone (Bernard): Mme le ministre, M. le Président
et MM. les membres de la commission parlementaire...
Le Président (M. Kennedy): Voulez-vous identifier vos
collaborateurs?
M. Finestone: Je me présente. Je m'appelle Bernard
Finestone, je suis le président du Montreal Board of Trade. Pour nous
représenter ce matin, j'ai, à mes côtés, le
président de notre comité d'étude sur le projet de loi, M.
Paul Na-deau, et aussi le directeur général du Board, M. Lorne
Tracey.
Avant de donner la parole à M. Nadeau, afin de présenter
notre point de vue sur les divers aspects du projet de loi, permettez-moi tout
d'abord de faire quelques commentaires. Le Board est une association patronale
qui comprend environ 2900 entreprises montréalaises. Nos entreprises
mem- bres font partie de presque tous les domaines d'activité
commerciale de la région.
Vous avez aussi sans doute remarqué que, dans nos commentaires
sur le projet de loi, le Board est d'accord sur le principe qu'une telle loi
protégerait le consommateur contre les pratiques abusives.
Malheureusement, le contenu de plusieurs sections de ce projet de loi va
à l'encontre et imposera des contraintes énormes aux entreprises
qui sont capables d'oeuvrer dans l'esprit du projet de loi.
Nous sommes d'avis que plusieurs dispositions du projet de loi auront
comme résultat des coûts énormes qui se refléteront,
éventuellement, sur le prix à payer par les consommateurs. C'est
pour cette raison que nous croyons que le projet devrait être
révisé en partie, en tenant compte des diverses consultations et
commentaires, y compris les nôtres.
Avec votre permission, j'aimerais demander au président du
comité, M. Paul Nadeau, de vous présenter un sommaire de nos
commentaires. Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. Finestone. M.
Nadeau.
M. Nadeau (Paul): Notre rôle, ici, n'est pas de discuter en
détail toutes les sections du projet de loi no 7. Nous nous en tenons
donc à des commentaires d'ordre général sur les
dispositions de cette loi, laissant à des organismes
spécialisés le soin de vous communiquer leurs observations sur
certains articles spécifiques, ce qui, je crois, a été
fait, ou est en voie de se faire.
Nous calculons et nous croyons bien qu'il y a beaucoup
d'imprécision dans le projet de loi. Un aspect qui nous préoccupe
particulièrement, c'est le grand pouvoir qui est accordé à
ceux qui vont interpréter cette loi et en réglementer
l'application. En principe, nous ne recommandons pas ce genre de loi-cadre.
Nous considérons qu'il y a incompatibilité entre le fait que le
législateur doit, d'une part, préciser clairement son objectif,
mais, d'autre part, laisser l'administration à des technocrates sans
leur demander au préalable d'établir les règles strictes
du jeu. Dans de telles conditions, il serait essentiel, à notre avis, de
bien définir les différents termes employés. Par exemple,
que veulent dire les mots "commerçant", "manufacturier", "publicitaire"
ou une "personne"? Il ne faudrait pas s'en tenir uniquement à la
définition des dictionnaires ou laisser des possibilités
d'interprétation suggestives.
Les contrats. Après l'étude des articles ayant trait aux
contrats, notre organisme pense que le projet de loi risque de diminuer les
possibilités de conclure librement des contrats au Québec. Est-il
juste, par exemple, que, dans les cas de doute ou d'ambiguïté,
l'interprétation du contrat soit nécessairement en faveur du
consommateur, comme le propose le projet de loi?
Ne serait-il pas préférable que, dans les cas
d'ambiguïté, l'interprétation du contrat puisse
dé-
favoriser surtout ceux qui sont responsables de leur
ambiguïté?
Responsabilité relative aux garanties. Les dispositions de
l'article 27 demandent d'être clarifiées de manière que
toutes les garanties dans les textes publicitaires qui font partie d'un contrat
se limitent à des déclarations claires et précises. De
plus, on ne devrait considérer comme garantie que les
déclarations précises qui incitent un consommateur à
conclure un contrat.
Un point important à signaler en ce qui concerne les garanties
est que si un commerçant ne peut pas imposer de frais pour
l'exécution d'un travail de garantie, il devra nécessairement
majorer ses prix à tous les consommateurs pour compenser. De plus, si le
prix d'un produit inclut tout ce qui a trait à la garantie et à
l'installation d'un produit, des réclamations
inconsidérées peuvent s'ensuivre et ajouter des frais
inutiles.
L'article 147 a) sur la publicité. Cette section contient un
autre exemple d'imprécision du projet de loi. Ainsi, la
définition d'une "caractéristique importante" permet des
interprétations très variées dont certaines pourraient
pénaliser gravement un publicitaire. Nous suggérons que le mot
"essentielle" serait mieux choisi à notre avis que le mot
"importante".
L'article 152 c) sur la disponibilité d'un produit.
L'imprécision du texte ici pourrait, nous pensons, mener à des
abus, ce qui est opposé à des opérations commerciales de
bonne foi. Aussi, notre organisme recommande de changer le texte pour ce qui
suit, et je cite: "Prétendre qu'un bien est disponible en une certaine
quantité ou en quantité suffisante pour répondre à
la demande du public alors qu'il ne l'est pas".
L'article 152 e), coût du produit. Ici, il suffirait
peut-être d'interdire aux commerçants, aux manufacturiers et
publicitaires d'annoncer la vente partielle d'un article ou service comme s'il
était un tout fonctionnel seulement disponible à un prix plus
élevé.
L'article 153, sur l'expédition de biens non commandés. Il
semble ici que le résultat serait d'éliminer une technique de
marketing reconnue qui consiste à distribuer des échantillons
gratuits, ce qui permet à un consommateur d'essayer un produit sans
débourser un seul sou. Au lieu de payer pour le produit qui ne lui
plaît peut-être pas, notre organisme propose que le projet de loi
permette la distribution d'articles à tritre gratuit.
Les articles 154 et 155, mention de l'adresse sur les annonces. Ces
articles obligent le publicitaire, comme vous le savez, à faire mention
de sa place d'affaires. Or, souvent, ce prérequis ajouterait des
coûts inutiles pour les entreprises à succursales multiples, par
exemple, les annonces publiées à la fois dans le Québec et
ailleurs, les demandes où la réponse doit être
adressée à un casier postal, la publicité à la
radio. A notre avis, les articles 154 et 155 sont superflus, car le
consommateur est protégé par les articles
précédents du livre II.
L'article 156, dissimulation des motifs de communication. Cet article
pourrait probablement être éliminé, car nous croyons que
l'intention du législateur n'est pas d'interdire la recherche impartiale
de renseignements au niveau du consommateur.
L'article 158, sur les primes. Le texte ici, demande des
précisions. Si le but est d'éliminer toutes les primes, le
consommateur sera souvent lésé. Ainsi, la formule de deux
articles pour le prix d'un permet au consommateur de réaliser, s'il le
veut, des économies importantes sur l'achat de certains produits.
La publicité sur le crédit, article 161. La
publicité sur le crédit aggrave-t-elle vraiment et de
façon marquée les problèmes éprouvés par
certains consommateurs? Nous croyons qu'il s'agit ici d'une réaction
excessive. Au contraire, l'accès au crédit les prêts
hypothécaires entre autres et le fait de l'annoncer servent
souvent l'intérêt du consommateur et font partie de notre mode de
vie. Tout au plus, pensons-nous, le texte devrait se limiter à interdire
de présenter le crédit comme un motif d'achat.
Les articles 163 et 164 sur la publicité destinée aux
enfants. Ce sont des articles qui ont apporté, probablement, bien des
discussions, mais nous croyons, à notre avis, que le fait d'interdire la
publicité à l'adresse des moins de 13 ans n'est pas
nécessaire et ne permettra pas de réaliser l'objectif
visé. Le concept que les parents se sentent protégés en
achetant un article parce que les enfants l'ont vu annoncé nous semble
douteux. Nous croyons que les parents peuvent très bien limiter leurs
enfants aux programmes de Radio-Canada, entre autres, qui ne sont pas de
caractère commercial. Nous croyons aussi que nous devons noter que les
postes américains ne seraient pas soumis aux règlements du
Québec. D'ailleurs une législation provinciale existe
déjà dans le domaine de la radiodiffusion et à toutes fins
pratiques la protection recherchée ici est déjà
assurée par d'autres mécanismes.
Enfin, pris à la lettre, cet article interdirait l'étalage
d'articles destinés aux enfants ou interdirait, par exemple, d'annoncer
la valeur d'une bonne nutrition, et nous savons tous que ces techniques de
commercialisation font partie de notre vie. Finalement, dans l'article 168 sur
la reconnaissance de la compétence, notre organisme recommande de faire
précéder le mot "invoquer" dans cet article par le mot
"faussement" et de préciser ainsi que la loi vise à
prévenir la fausse représentation.
Je vous remercie, Mme le ministre, M. le Président.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. Na-deau, au nom du
Board of Trade. Maintenant, Mme le ministre.
Mme Bacon: M. le Président, nous vous remercions des
remarques et des observations que vous avez faites dans votre mémoire au
nom du Montreal Board of Trade. Dans les remarques introduites de votre
mémoire, de même que dans votre conclusion, vous soulevez quelques
points que j'aimerais peut-être commenter très brièvement
ce matin. Vous nous reprochez d'abord notre manque
de consultation. Pourtant, le projet de loi a été
déposé en première lecture le 30 mars dernier et, depuis
ce temps, environ 80 mémoires ont été
déposés devant cette commission parlementaire. L'audition de ces
mémoires a débuté le 11 août dernier, nous terminons
demain et cela s'est poursuivi d'une façon assez intensive. A notre
point de vue, je pense qu'il est difficile de trouver une meilleure
consultation que celle que nous avons faite.
M. Nadeau: Nous apprécions cela, Mme le ministre, mais
comme toujours les hommes d'affaires ne peuvent savoir même d'avance les
secrets du gouvernement. Comme nous ne le savons pas, on calcule que vous avez
fait le mieux possible, mais c'est certainement...
Mme Bacon: C'est assez difficile. Une consultation
prélégislation a également été faite au
cours de l'automne par le directeur de l'office. Evidemment, l'Office de la
protection du consommateur comptera dans ses rangs, très bientôt,
une personne qui sera chargée uniquement de relations entre l'office, le
milieu industriel, commercial et les divers organismes gouvernementaux.
Je pense que ça rejoint peut-être certaines de vos
préoccupations, qu'il y ait une personne en permanence à l'office
qui soit chargée uniquement des relations avec les différents
groupements, parce que, évidemment, même si on fait une loi, ce
sont des étapes à franchir et il y en aura sûrement
d'autres à cause de l'évolution rapide dans ce domaine de la
consommation.
Je veux soulever aussi le spectre des coûts que
représentera la protection du consommateur; j'aimerais que vous nous
démontriez de quelle façon seront générés
ces coûts et en quoi ils surpasseront, en inconvénients, les
avantages que, par ailleurs, retirera le consommateur d'une telle
législation.
M. Nadeau: Je dois revenir sur le fait que selon le mode de vie
nord-américain, nous vivons dans cette vie aujourd'hui, le consommateur
retire beaucoup plus de bénéfices par la publicité de
certains produits pour le mettre au courant du produit. Aussi, pour profiter
très souvent des aubaines offertes par les manufacturiers au cours du
lancement d'un nouveau produit en particulier. L'essai d'un produit par le
consommateur, avec une prime qui lui est donnée pour l'acheter pour
l'essayer est un coût que le manufacturier réalise. Il le fait en
publicité pour lancer son produit, il revient meilleur marché
très souvent à cause de toute la publicité à la
radio, à la télévision ou dans les journaux, surtout quand
le produit est gratuit ou offert à un prix spécial, etc. C'est
une mise en marché qui, certainement, aidera beaucoup le lancement d'un
nouveau produit.
S'il est impossible de le faire au Québec, en concurrence
d'autres provinces ou du côté américain, les compagnies qui
ont le lancement d'un produit à faire, qui ne peuvent pas employer
toutes les techniques de marketing, ont peut-être un désavantage.
Le produit ne se vendra peut-être pas autant qu'elles
l'espéraient, le coût va être plus élevé ici
qu'il pourrait l'être dans un autre coin du pays.
Mme Bacon: En page 2 de votre mémoire, vous nous
suggérez de définir certains termes ou des expressions comme
"caractéristique importante", "manufacturier" ou "publicitaire". Je
pense qu'au Québec, comme dans toutes les autres provinces canadiennes,
c'est une règle universelle reconnue et appliquée qu'il ne faut
pas définir chaque terme lorsqu'on rédige un texte de loi.
Je me réfère ici à M. Louis-Philippe Pigeon que
tout le monde connaît, qui est un expert en rédaction des lois,
qui est aujourd'hui juge à la Cour suprême du Canada, qui dit que,
lorsqu'un terme est déjà clairement défini dans un
dictionnaire, par exemple, il est presque inutile de reprendre cette
définition, quoiqu'il y ait certaines définitions que nous devons
insérer dans la loi. Je pense que nous ne devons pas exagérer non
plus dans les définitions de termes ou d'expressions dans une loi, parce
que...
De toute façon, nous procédons à réexaminer
certaines définitions, parce que vous n'êtes pas le premier
groupement ni la première association qui nous fait certaines
recommandations à ce sujet-là vous êtes plusieurs. Par
exemple, définir le terme "consommateur". Je ramène toujours
l'exemple. Est-ce que le bûcheron qui travaille dans les bois et qui
achète une scie mécanique est considéré comme un
commerçant ou comme un consommateur? A ce moment-là, il faut
peut-être définir plus clairement. Mais de là à
avoir une longue liste de définitions, je pense qu'à ce
moment-là, c'est assez rigide.
A la page 2 de votre mémoire également, vous mentionnez
l'article 27. Nous prenons, dans l'article 27, en substance, les articles
actuels 60 et 62 du bill 45. Ce n'est pas nouveau, en fait. Nous les retrouvons
dans la loi actuelle, la loi 45.
Au sujet de la garantie, si l'article 32 stipule qu'aucuns frais ne
peuvent être exigés par le commerçant pour
l'exécution de la garantie, croyez-vous que le commerçant tentera
quand même de récupérer, de façon indirecte, ce qui
lui en coûtera pour faire exécuter cette garantie? Est-ce que
c'est une des préoccupations que vous avez?
M. Nadeau: Certainement. Nous croyons que c'est une charge
additionnelle. Il va certainement trouver un moyen de le
récupérer, probablement en établissant un prix qui
comprendra cette distribution. Ce problème de coût augmente
continuellement, comme on l'a vu.
Mme Bacon: Vous affirmez aussi que de telles garanties donneront
lieu à des réclamations inconsidérées de la part
des consommateurs. Est-ce que vous vous basez sur la pratique quotidienne ou
des expériences que vous avez?
M. Nadeau: La pratique quotidienne, je crois, qui est
plutôt reconnue dans ce domaine présen-
tement. Si tout le monde était sur le même tapis, dans tous
les commerces, dans tout le pays, etc., c'est une chose pour laquelle nous
n'aurions aucune préoccupation. Mais s'il y a une différence
entre nous, au Québec, et d'autres, c'est peut-être une grosse
préoccupation.
Mme Bacon: A l'article 147 a), en quoi le terme "essentiel" que
vous nous suggérez porte-t-il moins à interprétation que
le terme "important"? Vous faites une différence entre "important" et
"essentiel", pour l'article 147 a).
M. Nadeau: Je crois bien que le mot "essentiel", à mon
point de vue, est beaucoup plus fort peut-être que "important"
lui-même. Dans notre interprétation, "essentiel" est plus que
"important". C'est un adjectif peut-être plus élevé,
peut-être plus décisif.
Mme Bacon: Vos commentaires sur l'article 152 c) seront
étudiés. Nous prenons note de votre suggestion, de même
qu'à la rédaction de l'article 153. Nous allons revoir la
rédaction. Nous avons tenté d'être clairs et précis,
mais, souvent, il faut revoir certains articles.
M. Finestone: Si je peux préciser, le mot "important" est
un mot subjectif; le mot "essentiel" est un mot qu'on peut analyser. C'est pour
cela que la chambre nous l'a recommandé.
Mme Bacon: C'est plus ferme. M. Finestone: Oui.
Mme Bacon: D'accord. Aux articles 154 et 155 que vous nous
mentionnez, vos commentaires, nous les avons retrouvés dans plusieurs
mémoires qui ont soulevé la même objection que vous
soulevez ce matin. Nous allons aussi réexaminer la rédaction de
ces articles 154, 155, à la lumière des représentations
qui nous ont été faites.
Les articles 156, 157, je pense que je n'ai pas tellement de
commentaires à ajouter, suite à ce que nous avons
déjà discuté avec différents groupes qui
étaient directement concernés par ces articles.
Quant à l'article 161, la publicité sur le crédit,
cet article aussi a été étudié avec plusieurs
groupes. Evidemment, nous allons réexaminer la rédaction. Je
pense qu'elle n'est pas tellement claire et porte à différentes
interprétations, compte tenu des groupes que nous avons
rencontrés. Ce n'est pas tellement sur le crédit que nous en
avons, mais de la publicité que l'on fait des biens qu'on peut se
procurer avec un crédit. C'est surtout là-dessus que nous
voulions légiférer.
Les articles 163 et 164, je n'ai pas à reprendre ce matin ma
position. Elle a été suffisamment développée et
diffusée, je pense, pour que je m'abstienne d'intervenir ce matin.
Quant à l'article 168, les suggestions que vous nous faites sont
fort valables et nous prendrons bonne note dans la révision de ce projet
de loi.
Merci beaucoup!
M. Nadeau: Merci beaucoup!
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Lafontaine.
M. Léger: M. le Président, je voudrais simplement
parler de certains points mineurs, pour la clarification. Je ne sais pas si
vous avez répondu à cela tantôt, j'ai eu une minute de
distraction. Vous dites: Les dispositions de l'article 27 devraient être
clarifiées de manière que toute garantie contenue dans la
publicité faisant partie du contrat se borne à des
déclarations de nature véridique. En outre, seules les
déclarations véridiques incitant le consommateur à
conclure un contrat et conçues à cette fin devraient être
considérées comme une garantie. Que voulez-vous dire par le mot
"véridique"? Que ce doit être une déclaration vraie? Je ne
comprends pas le sens de votre intervention.
M. Nadeau: Vraie, c'est dans la terminologie, je crois bien, que
nous ne voyons pas extrêmement clair.
M. Léger: Mais vous voudriez qu'on ajoute le mot
"véridique" dans l'article 27? "Tout service doit être conforme
aux déclarations ainsi qu'à la publicité du
commerçant..." Vous voulez qu'on ajoute le mot "véridique" pour
être certain que ce qui a été dit, c'est vrai, mais je ne
vois pas la relation avec la garantie. C'est à la page 2 de votre
mémoire.
M. Nadeau: Non, je ne peux pas ajouter plus que cela. Je crois
bien que, dans un souci de clarification, on pourrait peut-être le rendre
beaucoup plus précis qu'il ne l'est présentement. C'est un point
que je pourrais peut-être laisser à M. Finestone.
M. Finestone: Si quelqu'un dit dans un journal: Mon automobile
est la plus belle dans la province, cela n'est pas important. Une personne peut
décider pour elle-même si elle est la plus belle ou non, mais, si
elle dit: Mon automobile va durer deux ans, c'est une chose importante. Nous
croyons que seulement des représentations sur les faits sont
importantes, pas sur autre chose. Pour cela, nous pensons que la loi est trop
rigide.
M. Léger: Vous voulez peut-être dire des
déclarations de nature factuelle.
M. Finestone: Exactement.
M. Nadeau: Je trouve que c'est un très bon mot.
M. Léger: D'accord. Maintenant, à l'article 158,
vous parlez de l'élimination des primes. Est-ce que vous êtes
d'accord qu'on enlève les primes? C'est uniquement dans l'exemple d'une
sorte de promotion où on offre deux articles pour un que vous calculez
que cela devrait être accepté. Mais est-ce que vous vouliez dire
par là qu'on devrait accepter les primes dans les boîtes de savon
ou de céréales?
M. Nadeau: Non. Ce n'est pas notre but. Je vois plutôt les
primes au point de vue du lancement d'un produit, les primes qui aideraient le
consommateur et lui donneraient une chance de faire son propre essai du produit
sans que cela lui coûte rien.
M. Léger: C'est un échantillon, ce n'est pas une
prime.
M. Nadeau: C'est un échantillon, si on veut l'employer, le
mot. Quant à l'achat de deux pour un, si vous n'êtes pas
satisfait, vous retournez l'autre paquet identique sans l'ouvrir et on va vous
remettre votre argent.
M. Léger: Ce que vous voulez dire, c'est qu'il faut que la
prime soit un produit qui est donné gratuitement...
M. Nadeau: Exactement.
M. Léger: ...et non pas une prime qui est mise dans une
boîte et qui, souvent...
M. Nadeau: ...n'a aucune relation avec le produit lui-même.
Une serviette dans une boîte de savon, cela n'a aucune relation avec le
savon. Si vous avez un paquet de vingt comprimés contre le rhume et que
vous en avez un autre attaché avec vingt comprimés, cela fait
deux paquets pour un. Vous faites l'essai du premier; si vous n'êtes pas
satisfait, vous revenez et le pharmacien redonne le prix payé du moment
qu'on retourne un paquet. Cela doit être en relation avec le produit
lui-même.
M. Finestone: Des primes qui forcent un consommateur à
acheter deux choses quand il veut seulement une chose. S'il veut du savon, il
ne veut pas autre chose, une serviette, par exemple, Mais des primes qui lui
donnent un prix plus bas, une occasion pareille, je pense que ce n'est pas
désavantageux pour le consommateur.
M. Léger: D'accord. Un autre point, autrement dit, vous ne
voulez pas que le consommateur ait une pression d'acheter un produit qu'il ne
veut pas tout simplement pour avoir celui qu'il voulait.
M. Nadeau: Exactement.
M. Léger: Maintenant, au niveau de l'article 161
concernant le crédit, votre objectif, c'est que vous êtes d'accord
pour qu'on ne fasse pas de la publicité sur le crédit possible
pour faciliter l'achat d'un produit. Là-dessus, vous êtes d'accord
avec la loi, mais ce que vous semblez craindre, c'est que les gens ne sachent
pas qu'ils peuvent avoir du crédit.
M. Nadeau: Exactement. Nous ne voulons pas, je crois bien, que
l'annonce soit ainsi faite: "Venez à notre banque si vous avez besoin
d'argent pour acheter votre automobile". Mais on peut offrir le crédit
et faire la publicité du crédit que la banque doit faire parce
qu'elle est en affaires pour offrir le crédit. Dans tous vos besoins de
crédit, votre banque va vous servir, mais pas en relation avec un
produit spécifique.
M. Léger: J'ai l'impression que c'est ce que la loi
présente. Ce qu'on ne veut pas, c'est que les gens soient obligés
ou qu'il y ait une pression sur eux pour acheter un produit non pas à
cause de la valeur ou de l'importance du produit ou du besoin de ce produit,
mais parce qu'ils ont une facilité de crédit. C'est
là-dessus que vous en êtes et je pense que la loi a cet objectif
aussi.
M. Nadeau: Oui.
M. Léger: D'accord! Je vous remercie. M. Nadeau: Merci
beaucoup!
Le Président (M. Kennedy): Y a-t-il d'autres membres qui
ont des questions? Le député de Taschereau.
M. Bonnier: Seulement une question, M. le Président.
Est-ce que je dois comprendre que vos objections quant aux articles relatifs
à la garantie s'inscrivent beaucoup plus dans le fait que ça va
coûter plus cher au consommateur, ou bien si, dans l'objet même qui
est poursuivi, le Board serait contre? Je prends comme exemple l'article 29,
qui est avantageux pour le consommateur, lorsqu'il achète un bien. Si ce
bien, par exemple, est produit aux Etats-Unis, le manufacturier est
passablement loin du consommateur. Ce qu'il y a de neuf là-dedans et
d'extrêmement intéressant pour le consommateur, c'est qu'il peut
retourner chez son commerçant, et le commerçant, lui-même,
verra à ce que la garantie soit bien remplie par le manufacturier.
Est-ce que vous vous opposez à l'objet de l'article ou simplement
que vos objections sont du fait que le commerçant va être
obligé d'augmenter le prix de sa marchandise à cause de ses
coûts d'administration?
M. Nadeau: A cause de l'augmentation certaine du coût pour
se protéger en donnant une garantie qui n'est peut-être pas
donnée normalement dans des cas tels que...
M. Bonnier: Votre objection n'est pas par rapport à
l'objectif poursuivi comme tel?
M. Nadeau: Non, exactement.
M. Finestone: Nous n'avons pas d'objection à la protection
des consommateurs, mais nous pensons qu'il doit y avoir de la protection non
seulement contre les manufacturiers, mais aussi contre les autres
consommateurs. Si vous faites une loi selon laquelle une personne peut demander
ce qu'elle veut, parce que la loi dit qu'on doit lui donner...
M. Nadeau: Tout est garanti...
M. Finestone: Toute garantie pour n'importe quelle raison. La
personne peut abuser du produit.
Pour n'importe quelle raison elle peut demander une garantie; les
manufacturiers peuvent faire ça, mais ils doivent exiger des frais. Nous
pensons que la loi doit protéger les consommateurs intelligents contre
les autres consommateurs aussi.
M. Nadeau: On peut prendre tellement d'avantages à cette
garantie qu'on peut ruiner un manufacturier. Non, c'est peut-être un peu
exagéré, mais il y a garantie et garantie, parce que tout ne peut
pas être garanti.
M. Bonnier: Certainement pas! Merci!
Le Président (M. Kennedy): Y a-t-il d'autres questions qui
s'adressent aux membres du Montreal Board of Trade? Sinon, je vous remercie,
messieurs, de l'intérêt que vous avez manifesté à
l'égard du projet de loi no 7 et j'espère que vos suggestions
seront prises en considération de façon à
améliorer, si possible, le projet de loi...
M. Nadeau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Kennedy): ... dans le meilleur
intérêt des consommateurs.
Vu les contraintes que nous devons nous imposer, comme je l'ai
mentionné tantôt, nous allons quelque peu modifier l'ordre
prévu pour l'audition des mémoires. Nous entendrons maintenant la
Fédération du détail et des services du Québec,
l'Association des marchands détaillants du Canada, Québec Inc.,
l'Association des garagistes et détaillants d'essence du Québec,
représentées par MM. Gilles Rivet, Denis Lemieux et J. Henri
Roy.
Association des garagistes et détaillants
d'essence du Québec
M. Roy (J. Henri): Mme Bacon, ministre, M. le Président,
MM. les membres de la commission, en sa qualité de doyenne des relations
artisanales...
Le Président (M. Kennedy): Si vous voulez vous identifier,
s'il vous plaît.
M. Roy (J. Henri): Henri Roy, président de l'Association
des garagistes et détaillants d'essence. Voici M. Gilles Rivet,
directeur gérant.
Je reprends. En sa qualité de doyenne des relations artisanales
et patronales de l'industrie de l'automobile et de la gazoline vendue au
détail, l'Association des garagistes et détaillants d'essence du
Québec regrette qu'une consultation compétente n'ait pas eu lieu
avant que le projet de loi no 7 ne soit rédigé et publié
dans la Gazette officielle du mois d'avril dernier.
Il y a pourtant plus de 25 ans que notre association suggère aux
autorités en place des moyens efficaces de protection du consommateur
par le truchement des détaillants d'essence qui perçoivent
bénévolement des millions de dollars en taxes de toutes sortes
sans qu'on ne leur fournisse d'armes pour résister aux attaques
déloyales et injustes des sociétés
pétrolières.
Dès 1960, une commission royale d'enquête que notre
association avait contribué à instituer décrétait
par la bouche du ministre fédéral de la Justice "que le public
consommateur canadien était victime des abus de cartels et monopoles
dans la distribution et la vente des carburants, produits pétroliers,
pièces et accessoires de l'automobile".
La situation néfaste de 1960 prévaut plus que jamais en
1976 au moment même où le projet de loi no 7 ignore, à
toutes fins pratiques, le marasme de la commercialisation de la gazoline dans
lequel les détaillants s'enlisent au grand dam des consommateurs
laissés à la merci vorace des raf-fineurs insatiables.
Si les rédacteurs du projet de loi no 7 nous avaient
approchés, nous leur aurions fourni des moyens sérieux de
protéger consommateurs et détaillants sans les mettre sur un pied
de guerre, les uns contre les autres, à la grande satisfaction des
profiteurs qui tirent profit de la confusion engendrée sciemment ou
non.
Le consommateur continuera à être victime des cartels et
monopoles aussi longtemps que les détaillants seront absents de certains
centres de décision.
Le projet de loi no 7 devrait donc contribuer à revaloriser le
détaillant plutôt qu'à le déprécier à
l'aide de l'Assemblée nationale et de l'opinion publique. Tel n'est
malheureusement pas le cas dans le texte qui fait l'objet de cette
distinguée commission parlementaire où l'odieux s'identifie
davantage au détail et services qu'à la distribution massive. A
ce chapitre, l'exclusion des sociétés pétrolières
de tous les secteurs du commerce de détail et service nous paraît
de la plus grande urgence. D'autre part, l'étatisation projetée
de la distribution et de la vente des carburants et produits pétroliers
au Québec nous fait craindre le pire car il en coûterait
sûrement davantage pour un rendement moindre dans ce secteur comme c'est
le cas partout où les gouvernements se mêlent du commerce pour
quelque raison que ce soit.
L'Association des garagistes et détaillants d'essence
suggère donc fort respectueusement que l'industrie de l'automobile et de
la gazoline vendue au détail procède à une étude
approfondie de sa propre conjoncture avant que le projet no 7 ne soit
adopté par l'Assemblée nationale tel que rédigé. A
cette fin, l'association est prête à coopérer à la
formation d'un conseil supérieur de l'automobile et de la gazoline qui
pourrait être créé sous les auspices de la
Fédération du détail et des services du Québec afin
que toutes les associations artisanales et patronales formulent les solutions
qui s'imposent sans brimer les intérêts d'un groupe particulier de
contribuables à part entière.
En ce qui a trait à l'étude des articles qui concernent
les métiers de l'automobile et les relations avec les consommateurs,
notre association est en tout point solidaire des positions prises par nos
confrères de l'Association des garagistes spécialisés du
Québec et de l'Association des marchands détaillants du Canada
(Québec), principalement en regard du délai suggéré
au mois de mai
1977 pour adoption suivie de la mise en oeuvre de cette importante loi.
Merci beaucoup.
Le Président (M. Kennedy): Merci, monsieur. Il n'y a pas
d'autres commentaires sur les autres associations?
M. Roy (Henri): ...va faire les commentaires.
M. Rivet (Gilles): Vous voulez dire les autres
mémoires?
Le Président (M. Kennedy): Oui. M. Rivet: C'est moi
qui allais les lire.
Le Président (M. Kennedy): D'accord, alors si vous voulez
faire votre présentation, les questions viendront après.
Association des marchands détaillants du
Canada, Québec Inc.
M. Rivet: Très bien. D'abord, j'excuse M. Lemieux qui a
dû s'absenter officiellement, il est à Lévis.
Il est parti hier, il est en dehors de la ville et c'est pourquoi il
n'est pas venu lire lui-même ce texte ce matin.
Madame, M. le Président, ayant uni notre voix à celle de
l'Association des marchands détaillants du Canada pour protester contre
certains aspects de la loi no 45 qui tend à surprotéger le
consommateur sans tenir compte des exigences du commerce de détail, nous
tenons aujourd'hui à adopter une attitude positive à
l'égard du projet de loi no 7 sur la protection du consommateur. Un tel
projet de loi mérite qu'on s'y attarde en une étude
sérieuse. C'est justement ce que nous avons commencé à
faire sans frais coûteux pour l'administration gouvernementale, mais il
faudra nous accorder du temps, sinon nous serons en position de dénoncer
une intrusion gouvernementale hâtive dans les affaires des
détaillants de produits et de services.
Avant de récapituler certains des articles qui retiennent, pour
le moment, notre attention, nous insistons pour que le terme "marchand
détaillant" retrouve sa place dans tous les textes juridiques qui
concernent ce palier du commerce. L'incorporation de notre raison sociale,
l'Association des marchands détaillants, remonte à 1910 et nous
ne voyons pas de raison valable pour la changer en celle de
"commerçants" dont la signification est plus vague, moins
précise.
Nous venons aussi endosser presque entièrement la teneur du
mémoire que vous a soumis le Conseil du patronat du Québec dont
l'AMD fait partie du conseil d'administration depuis trois ans. (Je m'excuse
des fautes de frappe qu'il y a là-dedans, cela a été fait
à la dernière minute.) Tout ce qui touche les commerçants
itinérants, aux articles 37 à 48, a de graves conséquences
pour la sécurité des marchands détaillants reconnus qui
ont feu et lieu.
A l'article 40 et à l'article 41, il serait plus équitable
de réduire de 10 à 7 jours la période d'approbation dont
jouit le consommateur, surtout que ce dernier bénéficie de
l'usage desdits biens gratuitement, allant même jusqu'à pouvoir
les avarier impunément. Quant à l'article 45, c'est l'abolition,
à toutes fins pratiques, de la tradition des contrats entre personnes
responsables puisque le consommateur peut les rompre selon sa fantaisie au
détriment du fournisseur de biens et services.
Nous endossons également le mémoire de l'Association des
garagistes spécialisés du Québec concernant les articles
71 à 78 de la section IV, texte qui vous a été soumis le
14 avril dernier et dont nous attachons une copie à notre
mémoire. En fait, elle était attachée au mémoire de
l'Association des garagistes et détaillants d'essence, puisqu'elle s'y
référait.
De plus, sans les citer immédiatement, nous épousons
plusieurs des points de vue qui ont été exprimés devant
vous par des confrères de divers secteurs du détail et des
services, lesquels auront sans doute retenu votre attention.
Permettez-nous toutefois de souligner rapidement certains articles dont
la teneur ne nous paraît point acceptable. L'article no 53 de la section
no II permet à un acheteur plus ou moins scrupuleux de se ballader dans
une automobile de $1000 deux mois durant pour ensuite essayer de la faire
remettre en état à peu de frais par le commerçant ou tout
simplement contester son intégrité professionnelle. L'article no
65 de la section no III donne au consommateur un pouvoir discrétionnaire
en plusieurs circonstances.
L'article 172 du Livre II intervient de façon ou-trancière
entre les relations personnelles d'affaires du bailleur de fonds, du
commerçant et du consommateur. J'emploie le mot commerçant
là-dedans, parce que c'est ce qu'on trouve dans le texte. Les articles
175 à 180 du Livre III s'immiscent dans l'intimité et la vie
privée d'une foule de gens bien intentionnés et contre lesquels
aucun doute d'honnêteté ne doit être semé à
l'avance sous le prétexte de protéger de naïfs consommateurs
contre la cupidité toujours possible de voleurs qui excellent à
contourner les lois les mieux articulées.
Les articles 223 à 235 du chapitre 1 confèrent à
l'officier et à son directeur des devoirs et des pouvoirs tout à
fait révolutionnaires dans notre économie jusqu'à
maintenant d'inspiration démocratique. L'intrusion de l'office dans la
vie commerciale des détaillants de produits et services risque
d'empoisonner leur existence au point de les décourager à rester
en affaires à leur propre compte, dans la province de Québec, du
moins.
Les tracasseries administratives que multiplieront à souhait
l'office, son directeur et ses adjoints seront plus faciles à supporter
par la grande entreprise qui en maquillera les coûts exorbitants par de
nouveaux trucs de mise en marché et de commercialisation au
détriment du consommateur, pendant que la petite et moyenne entreprise,
sous la direction de détaillants en commerce familial''ou individuel,
sera mise hors de combat
conséquemment à une opération ambitieuse qui risque
autant de tuer que de guérir.
Trêve d'images de style! Le projet de loi no 7 sur la protection
du consommateur a le grand mérite de voir le jour au moment où le
terme "consumérisme" est sur le point d'être adopté et
reconnu par la francophonie mondiale. Ce serait commettre une grave erreur que
de prêcher le rappel définitif d'une initiative aussi louable dont
le but ultime devrait consister à rapprocher détaillants et
consommateurs dans un climat de saine compréhension plutôt que de
les dresser inutilement les uns contre les autres.
L'Association des marchands détaillants du Canada, Québec
Inc., a été l'instigatrice des nombreuses mesures dont
bénéficie aujourd'hui la population par le biais des
établissements commerciaux qui méritent beaucoup plus de
sympathie de la part des fonctionnaires et des autorités en place. En
dépit des nombreux combats qu'elle doit livrer sur plusieurs fronts
à la fois, l'AMD entend tout mettre en oeuvre pour aider le
ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières dans sa campagne qui vise à mettre plus d'ordre et
d'harmonie dans l'industrie du détail et des services, sans toutefois la
déshumaniser.
Fédération de détail et des
services du Québec
Le mémoire de la Fédération du détail et des
services du Québec, que je vais lire, est une conclusion des trois
autres.
Le projet de loi no 7 sur la protection du consommateur a
déjà donné lieu à un précédent
remarquable puisqu'il a forcé la présence à une même
tribune d'associations artisanales et patronales qui ont la mauvaise habitude
d'oeuvrer indépendamment les unes des autres.
A l'heure où l'individualisme règne plus que jamais dans
le passé, l'étude du projet de loi no 7 pourrait faciliter le
rapprochement des diverses associations du commerce de détail et des
services et serait de nature à établir sans contrainte une
protection rationnelle du consommateur.
En dépit de nos efforts, il ne nous est pas possible aujourd'hui
de refléter fidèlement l'état d'esprit des associations
membres de la Fédération du détail et des services du
Québec. Plusieurs rencontres ont été organisées
pour réussir à vous soumettre les suggestions des dirigeants de
nos associations membres, mais la tâche est d'une telle ampleur pour des
artisans et patrons qui travaillent et quatre-vingt à cent heures par
semaine que nous n'avons pas eu l'audace de leur en demander davantage au sujet
des quelques 273 articles du projet de loi.
Localement et régionalement, des comités d'étude
ont été formés avec l'aide de conseillers juridiques
expérimentés dans les relations du détail et des services.
L'idée d'une loi de protection du consommateur est à faire son
chemin chez des contribuables qui ont tout d'abord eu l'impression d'un
envahissement brutal dans leurs affaires personnelles et commerciales.
Afin de nous permettre de créer un climat encore plus favorable
à l'échange et à l'éclosion d'idées
constructives à l'abri des tensions de la galerie, la
Fédération du détail et des services du Québec
recommande respectueusement que l'adoption du projet de loi no 7 soit
reportée au mois de mai 1977, alors que ce projet de loi pourra vraiment
améliorer la situation sans pénaliser détaillants et
consommateurs, autant dans leur vie privée que commerciale.
Pour être réelles et efficaces, les mesures de protection
du consommateur doivent d'abord tenir compte des obligations croissantes que
les détaillants de tous les secteurs sont forcés d'absorber au
plan social et économique.
L'émotivité joue un rôle d'importance capitale dans
l'évolution du consumérisme. Les moyens de communication, la
radio, la télévision, les journaux, font souvent vibrer le
degré de tolérance des consommateurs sans approfondir des
conditions de commerce très complexes.
Le projet de loi no 7 arrive à son heure, quoi qu'en pensent
certaines associations professionnelles, industrielles et commerciales. En mai
1977, nous serons en mesure de vous soumettre un projet qui revalorisera le
détail et les services et offrira une protection accrue au public
acheteur.
Toutes ces copies vous ont été distribuées avec une
documentation de ce que nous allions présenter avant, et où sont
indiqués les références.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. Rivet. Madame le
ministre.
Mme Bacon: M. le Président, j'aurai quelques questions
concernant l'évaluation des coûts de réparations. M. Roy
pourrait peut-être répondre au nom des garagistes? M. Rivet aussi,
évidemment, ayant à travailler aussi avec l'Association des
garagistes et détaillants d'essence du Québec.
Si l'on tient pour acquis qu'actuellement les garagistes
préparent minutieusement l'évaluation de réparations, par
exemple, si cela se fait dans les pratiques quotidiennes, en quoi l'article 74
du projet de loi serait-il onéreux pour ces garagistes? On dit que
l'évaluation doit être écrite, le nom, l'adresse du
consommateur.
M. Roy (Henri): Les garagistes spécialisés n'ont
pas...
Mme Bacon: Est-ce que cela se fait la réparation
habituellement et, est-ce que, en ce moment, vos membres font des
évaluations d'une façon très minutieuse?
M. Roy (Henri): Oui, ils font des évaluations. Seulement,
dans celui qu'on présentait l'autre fois, les garagistes
spécialisés n'ont pas le volume d'affaires et le personnel voulu
pour faire des évaluations, comme M. Rivet le disait, le lundi matin
quand tous les gens arrivent en même temps. Il faut que ce soit plus de
longue main, parce qu'ils n'ont pas le personnel voulu pour répondre
adéquatement à ceux qui arrivent tous en même
temps. Dans le commerce, c'est cela qui arrive. Les gens arrivent tous
en même temps, ou on n'a rien du tout.
C'est pour cela qu'en tant que services spécialisés, ils
n'ont pas le personnel voulu pour satisfaire...
Mme Bacon: ... la clientèle ou répondre à ce
qu'on exigeait par l'article 74.
M. Roy (Henri): C'est cela, oui.
Mme Bacon: Mais, en ce moment, est-ce qu'ils en ont suffisamment,
dans la pratique quotidienne?
M. Roy (Henri): Dans différentes lignes comme dans le
débosselage, la peinture, ils font des évaluations, mais cela ne
se pratique pas beaucoup dans les réparations courantes.
M. Rivet: Si vous permettez, madame, quand on parle de
débosselage et de peinture, il y a généralement une
estimation, une expertise qui est faite par la compagnie d'assurance.
Mme Bacon: Oui.
M. Rivet: II y a une tierce personne, il y avait, jusqu'à
dernièrement, une tierce personne. La méthode change un peu,
mais, de toute façon, en général, nos garagistes
spécialisés ont un personnel de cinq à dix personnes. Ils
n'ont personne avec une tunique blanche en avant pour accueillir les gens
à la porte, leur donner une tasse de café, un cigare et dire:
Viens on va parler de ton estimation. Le gars laisse son véhicule
là; il s'en va et cela se règle par téléphone dans
le jour. Il rappelle: Qu'est-ce que tu as? Il dit: On va ouvrir le moteur; on
va regarder cela. Vous comprenez l'idée? Généralement,
c'est comme cela que cela se fait.
Sans cela, cela prendrait des bancs pour faire asseoir les gens et les
faire attendre. Evidemment, ce serait compliqué pour un garagiste
moyen.
Mme Bacon: Oui.
Je ne parle pas de celui qui a une très grosse entreprise. Les
vendeurs d'automobiles sont obligés par leur contrat d'avoir une image
du genre. Evidemment, ils le mettent dans la facture. Nos garagistes
spécialisés font toute la différence aussi dans
l'équilibre des coûts de réparation des automobiles.
Là, je ne parle pas contre les vendeurs d'automobiles du tout, parce que
les vendeurs d'automobiles réparent de la voiture neuve. Dès que
la garantie est expirée et qu'il y a de la rouille en dessous et qu'il y
a de la boue en dessous, l'automobile s'en va chez nos membres.
Mme Bacon: Est-ce que vous trouvez quand même normal qu'un
garagiste informe son client du prix des réparations? Vous trouvez cela
normal?
M. Rivet: Ce sont les possibilités de recours, parce
qu'aujourd'hui, vous savez, il y a des tribunes à la radio et à
la télévision qui excitent continuellement le consommateur,
à tort ou à raison. On n'a pas appris à vivre avec ces
moyens de communication encore. Le pauvre détaillant, lui, est entre les
deux; il n'y a rien de pire qui arrive à un garagiste
spécialisé que quelqu'un qui est recommandé par
l'Association pour la protection des automobilistes. Il n'y a pas de pire
client. Ils sont commandités par les gouvernements.
Mme Bacon: Pourquoi dites-vous que ce sont les pires clients?
Est-ce qu'il y a des raisons...
M. Rivet: D'abord, vous savez qu'il y a des gens qui sont
impossibles à satisfaire. Il y en a. On le voit en politique. Ce n'est
pas tout le monde qui a voté pour le Parti libéral...
Une Voix: Je ne sais pas ce que cela vient faire
là-dedans!
M. Rivet: En ce qui regarde le commerce, il y a des gens qui
cherchent toujours la petite bête noire. Ceux-là font du bruit.
Ceux-là, vous savez, appellent dans les postes de radio. C'est toujours
les mêmes qui appellent. C'est une petite famille. Cela a une influence
négative, cela a une influence néfaste. J'ai des gens qui ont
commencé dans le métier en travaillant manuellement et qui ont
établi des beaux commerces, qui veulent laisser
prématurément, parce qu'ils n'ont pas été
entraînés à recevoir des inspecteurs, des comités
paritaires du gouvernement. Cela vient de partout. Il y en a de la visite chez
nos membres, vous savez! Cela coûte cher, ces gars. Ils ne sont pas
pressés. Ils entrent, ils mettent la valise là, le gars dit: Je
suis bien occupé. Ce n'est pas grave!
Mme Bacon: Parce qu'ils auraient besoin de...
M. Rivet: C'est d'accord, cela. Il faut vivre avec son temps,
mais nos membres ne sont pas rendus là, eux. Quand ils vont être
rendus là, ils vont le mettre dans ta facture. Ne l'oubliez pas. Vous
savez, tout à l'heure, j'entendais des gens s'opposer aux primes, les
grandes entreprises être en faveur des primes. Ce sont les
détaillants qui les supportent, les primes. C'est le détaillant
qui a tous les problèmes et l'ouvrage généralement. C'est
lui qui les paie et ce n'est pas dit.
Mme Bacon: II doit les faire payer un peu aussi.
M. Rivet: Non, madame. Il ne peut pas, parce que la discussion se
fait au moment de payer. Au moment de payer, le détaillant veut garder
son client. Alors, il fait des concessions. C'est malheureusement le cas. Nos
trois mémoires, quand on parle des primes, par exemple, cela fait 25 ans
qu'on demande au gouvernement fédéral d'abolir les primes dans le
Canada, timbres-primes, coupons, même si c'est dans la province de
Québec que c'est le plus populaire au Canada. C'est la mode, le monde
aime cela aller chercher des
timbres-primes. Les gens s'imaginent qu'ils ne les paient pas. Ils les
paient et ils les paient multipliés par deux. Si vraiment on veut faire
une loi, qu'on aide des gens compétents qui sont nos détaillants,
qui avons demandé régulièrement de ces mesures. On les a
demandées. On a demandé, nous, toutes sortes de choses faciles.
On dirait qu'on n'en tient pas compte. Ce n'est pas là. Ce serait si
facile.
Mme Bacon: Monsieur, est-ce qu'il est vrai que certains
garagistes offrent, non pas une prime, mais une commission à leurs
mécaniciens sur le remplacement de certaines pièces, par exemple,
des pièces de voiture?
M. Rivet: C'est interdit par le décret.
Mme Bacon: Oui, je comprends que c'est interdit, mais est-ce que
vous pouvez vérifier... Est-ce que vous avez une façon de
contrôler...
M. Rivet: Le patron qui s'embarque dans une telle affaire avec un
mécanicien en paie le prix dans six mois, dans un an, dans deux ans,
parce que le gars s'en va au comité paritaire et dit: Moi, j'ai une
revendication.
Mme Bacon: Ce n'est pas toujours le patron. Il y a des hommes de
service aussi qui sont là, qui peuvent le faire. Est-ce que ça
existe?
M. Roy (J.-Henri): Cela peut exister, mais je crois que le
meilleur moyen serait peut-être une loi obligeant le consommateur
à reprendre ses morceaux qu'il peut reprendre et les faire analyser
après; parce que s'il y a eu abus sur certains morceaux qui ont
été échangés et qui sont encore bons, il peut les
faire analyser par un autre établissement pour voir si...
Mme Bacon: Cela peut être le gérant aussi. Il y a
des gérants de service. Ce n'est pas toujours le patron.
M. Rivet: C'est dans les grosses entreprises. Dans nos petites et
moyennes entreprises, le patron voit tout ce qui se passe.
Mme Bacon: Prenons un exemple, la courroie du ventilateur...
M. Rivet: Oui.
Mme Bacon: ... souvent, elle peut être
réparée. Mais on peut voir qu'il peut y avoir...
M. Rivet: $2...
Mme Bacon: ... des exigences de dire: II faut peut-être
promouvoir la vente d'une nouvelle pièce.
M. Roy (J.-Henri): Une courroie, ça ne se répare
pas. Si elle est fendillée...
Mme Bacon: C'est peut-être un mauvais exemple. Je pourrais
en trouver d'autres.
M. Roy (J.-Henri): ... c'est dangereux sur la route.
Mme Bacon: Oui. Mais d'après vous, ça ne se fait
pas. Cela n'existe pas dans les garages?
M. Roy (J.-Henri): On ne peut pas dire que... Il y a des moutons
noirs dans tous les métiers. Il peut arriver que ça se fasse,
mais ce n'est pas la généralité.
M. Rivet: Si vous permettez, Mme Bacon, il faut penser que dans
dix régions de la province de Québec, il y a des décrets
régionaux de l'automobile qui régissent les conditions de
travail, et ça, ça équilibre beaucoup la concurrence en
quelque sorte. Cela élimine un tas de "rackets", parce que c'est dur,
pour le garagiste, à tout moment, d'avoir des inspecteurs du
comité paritaire qui arrivent. Ils ont le droit de regarder toute la
comptabilité. Ile ont le droit de regarder les feuilles de paie. Le gars
est obligé d'être payé dans une enveloppe, et tout
ça. C'est suivi. Cela élimine les abus. S'il se fait des
ententes... Cela se fait. J'en ai eu connaissance.
J'ai eu connaissance de trois, je pense, en trois ans, alors que le
patron était malade. Il a fait un "deal" avec trois de ses
employés pour qu'ils le remplacent. Mais il a été
condamné. Il a fallu qu'il paie. Savez-vous pourquoi il a
été condamné? C'est parce que les trois employés
ont refusé de signer une lettre attestant que c'était un fait.
Ils ont été payés deux fois. Il ne le fera plus.
Mme Bacon: II y a des leçons à tirer. M. Rivet:
Les autres le savent. Mme Bacon: Oui.
M. Rivet: C'est une police, ce comité paritaire, qui peut
être très frustrante parfois, mais d'un autre côté,
c'est une nécessité dans ce métier.
Mme Bacon: C'est nécessaire. Est-ce qu'il arrive aussi que
certains de vos membres retiennent une voiture après réparation,
parce que le client n'a pas réussi à payer immédiatement
le coût de ces réparations? Est-ce qu'il y a des retenues comme
ça?
M. Rivet: C'est malheureux, mais nous recommandons à nos
clients de ne pas laisser partir les automobiles, d'être payés
avant qu'elles partent.
Mme Bacon: Tant que le client n'a pas couvert le coût.
M. Rivet: Oui, madame, parce que, regardez, si c'est moins de
$500...
Mme Bacon: Oui.
M. Rivet: ... et si c'est un individu qui a fait le travail, un
artisan, qui est une raison sociale enregistrée et non incorporée
ou limitée, à ce
moment-là, il peut aller à la cour des petites
créances, mais il n'a pas le droit d'être représenté
par un avocat.
En n'ayant pas le droit d'être représenté par un
avocat, il perd sa journée, cette journée-là. Alors, en
bas de $400 ou $500, on dit au gars: Ne laisse pas partir l'automobile c'est
tout. C'est dur. C'est très dur. Les gens nous appellent au bureau. On
leur dit: C'est l'ordre de l'association. C'est le conseil, mais on dit:
Madame, monsieur, c'est regrettable. On nous dit: Bien oui, mais c'est
vendredi, ma fin de semaine... Quand on veut acheter autre chose, on y pense
avant. C'est malheureux, mais il faut en venir à cela parce que
l'individu en affaires à son propre compte ne peut pas aller devant la
Cour des petites créances. Il peut y aller, mais à quel prix? Et
généralement, sa victoire n'est pas sensationnelle.
Encore là, voyez-vous, l'allure de la Cour des petites
créances, il va falloir que nous demandions que les entreprises puissent
être représentées par un avocat.
Mme Bacon: Juste une dernière remarque quant aux marchands
détaillants. Vous semblez craindre les articles 223 à 235.
J'aimerais peut-être dire que ce n'est pas tellement
révolutionnaire puisque cela existe dans les autres provinces. A toutes
fins pratiques, on peut les retrouver dans d'autres lois d'autres provinces.
Alors, disons qu'on n'a pas fait de révolution en inscrivant ces
articles dans notre projet de loi.
M. Rivet: C'est que cela amène, dans le bureau et dans
l'administration familiale ou individuelle, la présence de
fonctionnaires autorisés, c'est vrai, et cela force l'administration
familiale ou personnelle à ouvrir son activité d'une façon
pas toujours nécessaire. Ce n'est pas toujours nécessaire de le
faire, à notre point de vue.
Vous savez, il faut tout de même prêter plus d'intelligence
que cela au consommateur. Vous ne pouvez pas vous imaginer qu'il y a des gens
qui achètent $8000 ou $9000 d'ameublement d'un passant, à la
porte! C'est presque incroyable. Il passe un gars avec un catalogue: Bonjour
madame. Et il vend $5000 de meubles et part avec $2000 comptant!
Des Voix: Ha! Ha!
Mme Bacon: II faudrait peut-être le dire pour les fins du
journal des Débats. On ne pourra pas le lire!
M. Rivet: Madame, vous habitez où? Elle dit: J'habite au
coin de telle rue et telle rue. Alors, pourquoi n'êtes-vous pas
allée à tel magasin? Elle dit: Je voulais épargner de
l'argent. Là, les meubles qu'on reçoit, ce n'est pas ce qu'il y
avait dans le livre. Que voulez-vous dire?
Il m'en arrive une autre qui s'était acheté une robe de
$900 pour un mariage. Le lendemain, elle était allée faire faire
des modifications. On lui a dit: La robe est faite à Paris. Ce n'est
plus possible. La commande est partie. Et c'est payé! Que voulez-vous
dire? L'Université du Québec, elle peut se préparer
à décerner des diplômes!
Mme Bacon: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Lafontaine.
M. Léger: Juste une question, M. Rivet. D'après
vous, est-ce que la garantie pour un produit vendu par un détaillant
devrait être honorée par le détaillant ou par le
manufacturier? Par le manufacturier?
M. Rivet: Ah oui. Avant, ce n'était pas de même,
mais on s'en va vers cela maintenant. Nos détaillants, dans leurs
contrats avec les fournisseurs, font toujours porter la garantie par le
manufacturier ou le fournisseur parce qu'ils sont aux prises avec des
grèves, eux. Là, dans le moment, on le sait, nous. Tout à
coup, quand il y a une grève dans un secteur, la qualité du
produit change.
Quand vous entendez dire qu'il y a une grève dans telle ou une
telle compagnie, attention, pendant quelques mois, à cette compagnie.
Parce que cette grève, on en a parlé six mois d'avance. Il y a du
sabotage qui se fait. Je regrette de le dire, mais c'est cela. Il y a de la
négligence, des distractions et le produit perd de la qualité. On
ne peut pas imputer ces responsabilités au détaillant. Il va
falloir trouver une formule pour rendre la vie du détaillant plus facile
et non pas la lui compliquer.
M. Léger: Est-ce qu'il ne pourrait pas y avoir une sorte
d'entente avec le manufacturier de façon à satisfaire le client
qui achète chez un détaillant qu'il connaît avec qui il
veut faire affaires? Si la garantie était faite par le
détaillant, d'après l'entente avec le manufacturier, il verrait
à satisfaire le client quant au produit pour lequel il a une
garantie.
M. Rivet: M. Léger, vous restez dans un secteur où
il y a des commerçants bien établis. Ces maisons sont bien
établies avec les consommateurs et avec les fournisseurs. Quand
quelqu'un arrive avec un problème, qui est vraiment un problème,
cela se voit; on voit tout de suite un vrai problème, et cela se
règle vite. Il n'y a pas de problème. C'est compliqué
quand il y a des doutes sur l'usage qui a été fait et ce n'est
pas prouvable, c'est impossible.
Il y a des choses là-dedans, une automobile de $500, $800.
L'automobile, pour nous, c'est assez secondaire. Imaginez-vous un gars qui part
en juillet et août avec une auto et qui se promène à la
planche. Après cela, il discute. Seulement dans la discussion, le gars
s'écoeure à mort. Ces gars-là n'ont pas le temps de
travailler et ils ont le temps de discuter. Ce sont ceux-là. Ne vous
trompez pas. Consommateurs avertis nous a appelés cette semaine pour une
série d'émissions a Montréal et à Toronto. J'ai
dit: Je ne sais pas si vous nous rendez service, parce qu'ils "pognent"
tellement le public à l'année longue qu'on est battus
d'avance
en arrivant là. C'est presque gênant de partir en affaires
aujourd'hui et c'est grave, ça, parce qu'en ce moment le
commerçant, le détaillant il ne faut pas que j'adopte vos
termes le marchand détaillant fait toute la différence
dans le coût au niveau du consommateur. J'ai voyagé
énormément au Canada et je peux vous dire que c'est seulement
dans la province de Québec je m'excuse pour les autres provinces
qu'on a le plaisir de venir en contact avec des marchands
détaillants que nous avons ici. C'est quelque chose de merveilleux.
Dans les autres provinces, tout est dépersonnalisé. Vous
faites affaires avec des ordinateurs électroniques. N'allez pas voir le
patron, il n'y a pas de patron. Ce sont tous des employés, ces
gars-là. Ils sont employés dans un système. Dans la
province de Québec, nous avons encore 62% du commerce de détail
entre les mains de l'individu.
Il ne faut pas le mettre dehors. Il fait la différence dans les
prix à la consommation et c'est vrai, ça coûte moins cher
ici. Vous allez dire: Le détaillant est un peu victime de ça.
C'est un peu vrai aussi. Peut-être qu'à ce moment-là, si
c'était plus systématique ici, il y aurait plus d'argent, plus de
profit. Mais eux, ils ont le plaisir de le faire; à preuve, ils oeuvrent
là-dedans. On l'a démontré dans toutes les grandes
activités comme Expo 67; on a battu les records avec quoi? La
courtoisie, l'hospitalité des gens qui recevaient. Qui c'était
ça? C'étaient des détaillants. Ce n'étaient pas des
messieurs qu'on ne connaît pas, ce n'étaient pas des raisons
sociales internationales. Celui-là qui travaille pour une raison sociale
internationale, il n'a pas de motivation ou il en a peut-être un peu pour
les produits qu'il vend, s'il a une commission dessus. Mais, à part
ça, il n'y met pas son coeur comme celui qui a un commerce familial
qu'il va laisser à son fils, à sa famille et qui va se
continuer.
Vous savez, on a baissé au niveau du commerce de détail et
on remonte là. C'est fantastique; en dépit de tout, on remonte.
Mais il faut faire attention, il faut protéger le détaillant sur
les heures de commerce; ce n'est plus vivable. Est-ce qu'on y pense un peu? Un
gars travaille un minimum de 72 heures par semaine, et 100 heures par semaine
c'est courant. Est-ce que le public a vraiment besoin de ces heures? J'ai
posé la question à l'Association des consommateurs à
Ottawa, à Québec et ils ont dit: Non. Qui réclame
l'ouverture des magasins? Les associations de consommateurs ne jugent pas
ça nécessaire. Il y a quelqu'un qui fait une pression et qui
n'arrête pas. On tient juste notre petit bout du bâton et on ne
sait pas comment ça va partir.
La journée où on perd les heures de commerce, vous perdez
le marchand détaillant individuel, il n'y en a plus; deux ans et il n'y
en aura plus. Il n'est pas capable de tenir le coup.
M. Léger: Avec votre voyage dans le Canada et la
façon dont le commerce se fait, vous vous êtes aperçu qu'on
n'avait pas une province comme les autres.
M. Rivet: Merveilleuse. M. Léger: Parfait.
M. Rivet: La plus belle du pays, incontestablement.
M. Léger: Merci.
Le Président (M. Kennedy): Est-ce qu'il y a d'autres
questions de la part des membres de la commission?
Sinon, je remercie M. Rivet et M. Roy de leur présentation de ce
matin, particulièrement M. Rivet, qui a su apporter son humour habituel
aux délibérations sérieuses de la commission.
Tel qu'entendu au début, la commission ajourne ses travaux
à 2 h 30 cet après-midi. Nous entendrons le Groupe de recherche
en consommation de la faculté de droit de l'Université de
Montréal, représenté par Me Johanne Drapeau.
(Suspension de la séance à 11 h 28)
Reprise de la séance à 14 h 50
M. Kennedy (président de la commission permanente des
consommateurs, coopératives et institutions financières): A
l'ordre, messieurs!
La commission permanente des consommateurs, coopératives et
institutions financières continue ses travaux. Nous entendrons
maintenant le Groupe de recherche en consommation de la faculté de droit
de l'Université de Montréal, représenté par Me
Johanne Drapeau.
Groupe de recherche en consommation Université
de Montréal
Mme Drapeau (Johanne): M. le Président, Mme le ministre,
MM. les membres de la commission. Je m'appelle Johanne Drapeau. Je suis avocate
et attachée de recherche au Groupe de recherche en consommation à
la faculté de droit de l'Université de Montréal. Je vous
présente, à ma droite, Me Françoise Lebeau, ainsi
qu'à ma gauche, Me Anne-Marie Morel-Brisson qui sont également
avocates et attachées de recherche au groupe.
Notre groupe de recherche en consommation de la faculté de droit
de l'Université de Montréal a, au cours de ses deux années
d'existence, effectué différentes recherches en matière de
protection du consommateur. Ces recherches étaient tantôt d'ordre
juridique, telles les recherches sur la publicité trompeuse, sur le
crédit et l'endettement, sur la tarification des biens et services, sur
l'habitation et le logement et enfin, sur les services professionnels.
Tantôt, d'autres recherches étaient d'ordre sociologique. Je
réfère ici à des enquêtes que notre groupe a
effectuées tant auprès des organismes de consommation
qu'auprès des consommateurs plaignants.
La brève description de nos activités qui portent
essentiellement sur la protection du consommateur suffit en elle-même
à vous faire part de l'intérêt primordial que nous avons
porté au projet de loi présentement à l'étude. A ce
titre, si vous me le permettez, je lirai le mémoire que nous vous avons
fait parvenir.
Il nous apparaît désormais tout naturel de
prétendre, en 1976, que le but d'une loi de protection du consommateur
est essentiellement de rétablir à l'aide de règles ou de
techniques nouvelles un équilibre juridique réel entre deux
contractants de statut économique inégal. Le but de notre
mémoire à la commission parlementaire est
précisément de vous exposer, dans une analyse critique du projet
de loi no 7, les motifs pour lesquels nous croyons qu'il ne rencontre pas de
façon satisfaisante les exigences de cet objectif.
Le concept de protection du consommateur nous apparaît un peu
comme le résultat fatidique des rapports socio-économiques de
notre société de la libre entreprise. En effet, la
publicité qui nous conditionne à être acquéreur sans
nous en rendre compte, la sollicitation qui nous harcèle de toute part,
l'inondation du marché par des quantités énormes de
produits et l'embarras du choix qui en découle, l'existence de plus en
plus des contrats d'adhésion, la diminution de la qualité des
biens et services sont autant de facteurs qui ont contribué à
changer, dans le temps, l'équilibre des forces entre les parties
à un contrat de consommation. Ce déséquilibre est de plus
en plus marqué sur le plan économique, financier, technique,
linguistique, de sorte que le pouvoir de négociation du consommateur
devient tous les jours de plus en plus théorique. Notre vieil
idéal d'égalité des parties contractantes n'est plus qu'un
mythe.
Il n'est pas besoin de faire un long réquisitoire pour
démontrer que les vieux principes de concensualisme,
d'égalité des parties contractantes, d'immutabilité du
régime contractuel, véhiculés par notre droit civil
traditionnel, ne correspondent plus à notre réalité
économique et commerciale.
C'est pourquoi, en marge de notre droit traditionnel, les
légistes ont dû élaborer des règles et des principes
nouveaux visant à redéfinir et à rechercher un nouvel
équilibre entre les parties à un contrat en les
considérant au départ sur ce pied d'inégalité. Il
s'agit de protéger le consommateur, d'une part, contre les abus dont il
est victime et, d'autre part, contre les faiblesses auxquelles il est de plus
en plus soumis.
Les interventions législatives se sont présentées
sous forme d'initiatives sur les plans pénal, civil et administratif.
Ainsi, en 1971, avec l'actuelle Loi de la protection du consommateur, les
légistes ont apporté des règles et des principes nouveaux
tant sur le plan du cadre général du régime commun des
obligations que dans le cadre plus restreint de la réglementation de
certains contrats de consommation, tels les contrats de crédit et les
contrats par vente itinérante.
Dans le cadre du régime commun des obligations, la loi a
été marquée par un retour au formalisme pour ce qui est de
la forme du contrat. Quant à son contenu, la lésion entre majeurs
a été introduite comme vice du consentement des contrats de
consommation. Egalement, des règles de divulgation ont été
prévues pour ce qui est de l'obligation du commerçant de
renseigner le consommateur quant aux mentions obligatoires de certains
contrats.
Enfin, la loi traite de clauses limitatives de responsabilité, de
validité de clauses pénales, de règles de preuve, etc. De
plus, contrairement aux règles juridiques traditionnelles, la loi
insiste sur le caractère préventif du droit, d'une part, par
l'imposition de sanctions civiles et pénales très
sévères et, d'autre part, par la création d'organismes
gouvernementaux.
Cependant, nous pouvons affirmer unanimement que cette loi ne
constituait qu'une amorce à l'établissement d'un véritable
régime de protection du consommateur en ce que, découlant d'une
vision trop parcellaire des problèmes juridiques de consommation, elle
était trop limitative, car son champ d'application s'appliquant au
contrat de crédit et à la vente par vendeurs itinérants
laissait pour compte tout le champ de la vente au
comptant, tout le domaine des garanties, des ventes d'autos
usagées, des réparations d'autos, de la qualité des biens
et des services, etc.
C'est ainsi que cette intervention législative accentuait la
dichotomie et le problème de la coexistence de cette loi avec le Code
civil et aboutissait ainsi à des situations aussi aberrantes que celle
où un individu achetant à crédit, en raison des
règles nouvelles prévues à la loi, était plus
protégé que son homonyme qui, régi par le Code civil,
achetait au comptant.
Face à ces faiblesses énormes de la loi actuelle,
sous-tendue par une vision parcellaire des problèmes de consommation,
nous serions à même, dans le cadre d'une démarche visant
à satisfaire l'objectif d'une loi de protection du consommateur, de nous
attendre que les efforts législatifs qui s'inscrivent dans cette
perspective s'insèrent dans un plan d'ensemble de mise en place d'un
droit cohérent de la protection du consommateur, déterminant tant
les secteurs où le consommateur a besoin d'être
protégé que l'efficacité des différentes techniques
juridiques nécessaires pour ce faire.
A cet égard, qu'en est-il du projet de loi no 7? Tout en
s'inscrivant dans la même approche parcellaire du contrat de
consommation, le projet comporte des avantages à deux niveaux. En
premier lieu, il élève le champ d'application de la loi à
tout contrat de vente au comptant, au domaine des garanties, de la vente
d'autos usagées, de la réparation d'autos; en deuxième
lieu, sur le plan du régime contractuel commun des obligations, il met
encore plus en évidence qu'avec la loi actuelle l'existence de deux
lignes de force de droit nouveau qui se dessinent actuellement en
matière de protection du consommateur, à savoir: 1. l'exigence
d'un consentement fondé et réfléchi, et 2.
l'élaboration de règles protégeant dans un but
d'intérêt privé un seul des co-contractants, à
savoir: le consommateur. 1. Alors que le droit civil traditionnel exigeait de
la part du consommateur un consentement libre et éclairé, une
nouvelle tendance semble exiger de sa part un consentement que l'on peut
qualifier de "fondé et réfléchi". De nombreuses sections
du projet de loi traitent de cette exigence et, à ce titre, de nouvelles
techniques législatives ont été utilisées en vue
d'aider le consommateur à donner un tel consentement. Parmi ces
techniques, l'on peut souligner le délai de réflexion
donné au consommateur en matière de vente itinérante,
l'insertion dans certains contrats de clauses types destinées à
protéger le consommateur, la règle édictant que toute
représentation publicitaire fait partie du contrat et, enfin,
l'obligation imposée au commerçant quant à la divulgation
de certains renseignements. C'est ainsi que les articles 51 et 211 k)
prévoient la divulgation obligatoire du contenu du contrat de vente
d'autos usagées, l'article 71 prévoit la divulgation obligatoire
du contenu de l'évaluation de la réparation d'autos, et l'article
147 a) au chapitre des pratiques interdites, oblige la divulgation d'un fait ou
d'une caractéristique importante relative à un bien ou à
un service. Bref, ces techniques constituent un apport positif au projet de
loi. 2. L'ordre public économique ne se satisfait plus de la
liberté contractuelle et on se doit de protéger directement le
consommateur. A ce titre, l'élaboration de règles favorisant
nettement le consommateur constitue une deuxième ligne de force de droit
nouveau en matière de protection du consommateur. Cette technique,
utilisée de plus en plus souvent et protégeant dans un but
d'intérêt privé le consommateur, vise essentiellement
à interdire ou réglementer soit l'usage de certaines clauses dans
un contrat, soit des pratiques commerciales dans leur ensemble. Ainsi, le
projet de loi marque un net progrès par rapport aux règles
actuelles, en ce qu'il pousse plus avant cette technique, alors qu'auparavant,
on se contentait d'interdire uniquement certaines clauses du contrat et non le
contrat en entier. Désormais, on étend l'application de la loi
à tout un ensemble de pratiques dites interdites, que celles-ci donnent
lieu à la passation d'un contrat ou qu'il s'agisse uniquement de
pratiques non contractuelles telles la publicité aux enfants, la
publicité sur le crédit, etc.
Cependant, même si le champ d'application de la loi est
élargi, même si les lignes de force de droit nouveau favorisent le
consommateur, même si la sévérité des sanctions est
accrue, et que toutes ces mesures constituent un atout indéniable, il
n'en demeure pas moins que le projet de loi comporte de grandes faiblesses qui
n'en font que diminuer la force de frappe.
Ces faiblesses et lacunes du projet de loi seront étudiées
dans le présent mémoire sous un double aspect technique et
juridique.
Ainsi, suite à cette partie introductive, nous ferons une analyse
critique visant, d'une part, à remettre en cause différents
aspects techniques du projet de loi, et, d'autre part, à formuler des
recommandations. Les aspects étudiés seront successivement: 1-
L'exclusion des services professionnels du cadre de la loi; 2- La vente par
vendeur itinérant; 3- L'automobile, à savoir la vente
d'automobiles usagées et la réparation d'automobiles; 4- Les
contrats de crédit; 5- Les pratiques interdites, ainsi que certains
problèmes relatifs aux procédures et aux pouvoirs de l'office,
notamment les poursuites pénales et les pouvoirs de saisie.
Enfin, en conclusion, nous tenterons de mettre en lumière, dans
un premier temps, l'inconvénient d'une approche partielle des
phénomènes de la consommation dont l'effet principal est de
donner aux gens l'illusion d'être protégés par l'existence
d'une Loi de protection du consommateur, et, dans un deuxième temps,
nous tenterons de mettre en lumière l'avantage d'assurer, dans une
perspective plus globale des phénomènes de la consommation,
l'accessibilité de tous à la justice en matière de droit
des consommateurs par une simpliciation et une uniformisation des textes
législatifs, des structures juridiques et administrati-
ves, dont la complexité est malheureusement
perpétuée en partie par le présent projet de loi.
L'exclusion des services professionnels à l'article 3e) du bill
7.
Les services professionnels sont devenus un sujet d'intérêt
public, et ceci résulte en partie de la croyance accordant à tous
le droit à l'éducation, à la vie, aux soins
médicaux, et, entre autres, à certains services professionnels,
tels les soins dentaires et les services juridiques. Nous croyons qu'il est
aujourd'hui possible d'affirmer que le service professionnel a un
caractère nettement social et public. En regard d'une certaine
perspective historique, on peut affirmer que, de plus en plus, les professions
se socialisent et les services sociaux se professionnalisent en ce que,
graduellement, les professions atténuent leurs orientations
individualistes pour s'orienter en fonction de nouveaux standards de service
social. Or, plus personne ne doute, en 1976, que les professions vont
être appelées à jouer dans le futur un rôle plus
important que par le passé. En effet, l'évolution de notre
société se traduit par un recours sans cesse accru aux services
professionnels. De plus, dans la mesure où cette spécialisation
de notre société moderne continuera à s'accentuer, les
consommateurs de services professionnels auront de moins en moins
d'idées sur la nature du problème qu'ils devront soumettre aux
professionnels, de sorte qu'ils devront, par le fait même, augmenter leur
confiance dans le professionnel et, partant, le rapport de forces jouera ainsi
en faveur du producteur des services au détriment du consommateur. Face
à cette inégalité des parties contractantes et à
cette dépendance de plus en plus grande des consommateurs à
l'égard des professionnels, sur quelles garanties le consommateur
peut-il compter?
C'est par ce biais que nous avons cru bon d'aborder dans le
présent mémoire le problème de l'exclusion des services
professionnels du champ d'application de la loi.
Si les services professionnels sont exclus de cette loi, on peut
à bon droit se demander comment et en vertu de quelle autre règle
juridique le consommateur est protégé dans sa relation
contractuelle avec son professionnel.
A notre avis, seule une raison d'ordre logique devrait justifier une
telle exclusion et nous croyons fermement qu'elle peut s'expliquer uniquement
par le fait que le législateur a tenu pour acquis que les autres lois
s'appliquant aux services professionnels, notamment le Code des professions,
assuraient déjà de façon efficace une protection
adéquate aux consommateurs de services professionnels. En cela, nous
estimons que le législateur se méprend sur les objects
mêmes du Code des professions et de la Loi sur la protection du
consommateur.
En effet, le Code des professions, de même que l'ensemble de la
législation professionnelle n'interviennent aucunement au niveau de la
relation contractuelle qui s'établit entre le professionnel et son
client. L'effet désiré de la législation professionnelle
est d'assurer la qualité des services professionnels et non pas
d'exercer un contrôle sur le contrat lui-même de tels services. En
raison des caractéristiques mêmes des services professionnels
telles: -l'ignorance du consommateur, - la relation de confiance, - la
situation de dépendance du consommateur face au professionnel
étant donné qu'il s'agit bien souvent de services "essentiels",
on peut aisément conclure que le consommateur est presque toujours dans
un état d'infériorité face au professionnel tant dans la
détermination de la qualité des services, dans la fixation des
prix que dans la négociation du contrat.
A l'heure actuelle, le Code des professions décrète,
à l'article 23, que la raison d'être de la corporation
professionnelle est exclusivement d'assurer la protection du public par un
meilleur contrôle de la qualité des actes professionnels. A cet
égard, le code prévoit des mécanismes visant à
assurer le public de la compétence par l'intermédiaire du
comité d'inspection professionnelle, ainsi que du cours de
perfectionnement continu ainsi que de l'intégrité
par le comité de discipline des praticiens, notamment en ce qui a
trait à la qualité et à la tarification des services.
Que le Code des professions n'atteigne pas les objectifs visés
par la loi, à savoir la protection du public par un contrôle de la
qualité des services ou que les mécanismes de contrôle
choisis et mis en place pour atteindre ce but soient remis en question, il n'en
demeure pas moins qu'actuellement le consommateur n'a aucune garantie de
protection en ce qui a trait à sa relation contractuelle avec un
professionnel.
Or, la Loi sur la protection du consommateur s'avère justement
être destinée à régir cette relation contractuelle
entre un consommateur et un commerçant. D'ailleurs, il s'avère
qu'en jurisprudence cette notion du commerçant a été
interprétée quelquefois de manière à inclure les
"professionnels." Il nous semble qu'il aurait donc été opportun
d'assujettir ces contrats de services professionnels à la loi au
même titre que les autres contrats visés par la loi et intervenus
entre un consommateur et un commerçant.
En effet, en plus d'avoir les effets directs dont nous avons fait
état, cette exclusion aura également des effets indirects sur le
présent projet de loi en rendant quasi inopérante la section III
contenant les dispositions relatives à "certains contrats de louage de
services" où les organisations visées, telles notamment "les
studios de santé", auront tendance à contracter avec le public
par l'intermédiaire d'un professionnel comme par exemple un
physiothérapeute afin de ne pas être assujetti à
l'application des articles 62 à 67 de la présente loi.
La vente par vendeur itinérant. Si les dispositions sur la vente
par vendeur itinérant ont été celles dont on a le plus
parlé dans la présente loi de protection du consommateur, cette
section de la loi est sans doute celle qui a induit le plus grand nombre de
consommateurs en erreur quant à sa portée. Combien de personnes,
en effet étaient et sont encore sur l'impression de pouvoir annuler tout
contrat dans les cinq jours. De plus, les
commerçants ont ajouté à la confusion en
insérant à leur contrat la possibilité de
résiliation "si la vente en était une par vendeur
itinérant" lors même que cette disposition n'était
aucunement applicable. L'article 157 du projet de loi no 7 corrige cette
situation en partie, l'information fera le reste.
Le projet de loi comprend à l'article 38 c) des exemptions
à la section sur les vendeurs itinérants qui se retrouvaient dans
les règlements sous la présente loi. Cependant, les
règlements actuels n'excluent que les produits alimentaires non
congelés, article 2.20 d). On peut se demander les raisons pouvant
motiver l'élargissement de cette exclusion à tous les produits
alimentaires. Si l'on ne peut assujettir à cette section la vente de
produits alimentaires pour le laitier, par exemple, et cela pour des motifs
évidents, il n'est pas évident par ailleurs que la vente des
produits congelés doive être exclue et ce, à la
lumière des nombreux abus constatés dans ce domaine.
Pour ce qui est du délai de réflexion, on ne peut certes
pas critiquer son allongement. Cependant, le problème principal
n'était pas là. On sait que la vente par vendeur
itinérant, dans plusieurs cas, sert à écouler des produits
de qualité inférieure à des prix souvent gonflés.
Or, le "cooling off period" ne saurait servir la fin pour laquelle il fut
introduit si le consommateur n'est pas en possession du bien, donc incapable de
comparer. Et la pratique actuelle est effectivement de ne pas livrer le bien
tant que ce "délai de réflexion" n'est pas
écoulé.
Il y a donc lieu, si l'on veut donner toute sa portée à
l'article 41 du projet, de faire courir le délai à partir de la
livraison du bien seulement dans le cas des biens meubles, soit le moment
où le consommateur prend une décision éclairée. La
pratique actuelle de rallonger le délai aura certainement pour effet
d'allonger le délai de livraison et n'accordera pas pour autant au
consommateur la possibilité de comparer la qualité du bien
acheté ni avec d'autres biens semblables, ni même avec celui qui a
servi à la démonstration du vendeur. La situation actuelle ou
celle proposée par l'actuel projet de loi pourrait être
conservée pour la vente de biens qui deviennent des immeubles par
destination.
La troisième section porte sur la vente d'automobiles
usagées et la réparation d'automobiles. De façon
générale, les dispositions du projet de loi qui traitent de
l'automobile, c'est-à-dire les articles 49 à 61 ainsi que 68
à 78 nous semblent manquer nettement de cohérence avec les
principes généraux édictés par le projet de loi
lui-même, par exemple, le principe à l'effet que l'on ne peut
déroger à la Loi sur la protection du consommateur par des
dispositions particulières et l'autre principe à l'effet
qu'aucuns frais ne peuvent être exigés par le commerçant
pour l'exercice et l'exécution de la garantie.
Nous reviendrons plus tard sur le bien-fondé des exceptions qui
sont faites à ces principes à l'intérieur des sections qui
traitent de l'automobile, mais nous voulons signaler dès maintenant au
niveau des remarques générales que nous ne voyons pas ce qui
justifie, en matière d'automobile, l'adoption d'exceptions aux principes
généraux énoncés auparavant. L'adoption
d'exceptions dans le domaine risque, d'une part, de confiner la loi à
une impression d'arbitraire et, d'autre part, de la compliquer inutilement.
Pour ce qui est de l'étendue des mesures de protection
accordées par le projet de loi en matière d'automobile, nous
croyons, de façon générale, que ces mesures de protection
restent trop fragmentaires et trop insuffisantes dans certains cas pour
protéger adéquatement les consommateurs québécois.
Nous entendons même démontrer que certaines mesures de protection
du projet de loi vont en deça de ce qu'accorde, dans ces domaines, le
Code civil aux consommateurs québécois.
La définition d'automobile. Cette définition que l'on
retrouve à l'article 1a du projet trouve son application dans toute la
loi, plus particulièrement dans les sections portant sur la vente
d'automobiles usagées et la réparation d'automobiles. Il nous
paraît que définir l'automobile comme un véhicule
motorisé laisse une bonne marge d'incertitude quant à la
portée réelle de la loi. Le ministère entend-il viser les
canots moteurs, les avions particuliers, certains types de véhicules
terrestres non adaptés à la circulation routière? Rien
dans le projet de loi ne nous permet d'exclure à l'avance ces
catégories de véhicules motorisés. Seul le pouvoir de
réglementation qui permet au ministre d'exempter en tout ou en partie
certaines catégories de biens de l'application de la loi viendra,
sernble-t-il, clarifier la situation à cet égard.
Cette imprécision véhiculée par le projet de loi
quant à la notion d'automobile nous semble regrettable pour notre part
et prêter à confusion. Nous croyons qu'une définition plus
précise s'impose pour que les consommateurs puissent s'y retrouver dans
la loi déjà fort complexe et ce, à la seule lecture du
texte de la loi.
La vente d'automobiles usagées. En ce qui regarde la vente
d'automobiles usagées, le projet de loi marque, à notre sens, un
net progrès par rapport à la situation actuelle en matière
de divulgation obligatoire du contenu contractuel, que ce soit dans le cadre du
contrat écrit ou pour ce qui est des dispositions éventuelles
à inclure dans une étiquette à apposer sur le
véhicule.
Le fait que le commerçant doive fournir à l'acheteur un
certificat attestant que l'automobile satisfait aux normes d'inspection
mécanique déterminées par les règlements
d'application du Code de la route nous apparaît également comme
une mesure de sécurité contractuelle qui peut avantager
grandement le consommateur, quoiqu'il soit encore difficile de cerner les
modalités d'application de cette disposition.
En dernier lieu, le fait que l'intermédiaire à titre
onéreux; le courtier en matière d'automobiles usagées,
soit assujetti aux obligations qui incombent aux commerçants en vertu
des articles 52 et 53 du projet permettra de bloquer l'accès à
certaines pratiques d'évitement de la loi qui auraient poussé les
marchands d'automobiles usagées à prendre le statut de
courtier.
Dans ce dernier cas, toutefois, nous ne voyons pas pourquoi on
limiterait les obligations de l'intermédiaire à titre
onéreux aux obligations imposées par les articles 52 et 53 et non
pas à l'obligation de divulguer prévue a l'article 51. Un des
moyens de freiner les comportements d'évi-tement signalés
précédemment est de rendre la distinction entre le statut de
vendeur et le statut de courtier inutile lorsqu'il s'agit d'appliquer la
loi.
En excluant le courtier de l'application de l'article 51, le projet de
loi risque de favoriser les comportements d'évitement de la loi par le
biais de l'adoption du statut de courtier, ou d'intermédiaire à
titre onéreux.
Les principales interrogations que nous voulons soulever à propos
de la protection de l'acheteur d'une automobile usagée ont trait
à la disposition de l'article 53 qui accorde au consommateur une
garantie 50-50 pour toute défectuosité au moteur ou au rouage
d'entraînement survenu dans les deux mois de la livraison du
véhicule usagé.
Le recours en diminution du prix de vente d'une automobile usagée
pour vices cachés basé sur le Code civil est désormais
remplacé par l'article 53 du projet de loi no 7 quant au moteur et au
rouage d'entraînement. Pour les autres parties du véhicule, le
Code civil continuera à s'appliquer.
Quels sont donc les effets, à savoir les avantages et
inconvénients de l'article 53, par rapport au Code civil?
D'une part, ses avantages sur le Code civil. L'article 53 fait
disparaître la distinction que fait le Code civil entre les vices
cachés et les vices apparents, de sorte que toute
défectuosité du moteur et du rouage d'entraînement est
couverte par la garantie de l'article 53. L'acheteur est donc
déchargé de son obligation d'inspecter le véhicule avec
soin et l'incertitude jurisprudentielle quant à la
nécessité de faire examiner le véhicule usagé par
un expert disparaît donc. En effet, une partie de la jurisprudence et des
auteurs ne considèrent comme caché que le vice qui est
caché aux yeux d'un acheteur prudent et la majorité des
décisions récentes ne tiennent pas compte de ce facteur pour
décider si un vice est caché ou non.
L'autre avantage que présente cette disposition par rapport au
Code civil consiste dans le fait que le moment de la naissance de la
défectuosité importe peu. C'est du moins le sens donné par
une affaire à une clause conventionnelle de garantie au même effet
que l'article 53.
En effet, l'article 53 couvre toutes les défectuosités qui
se manifestent dans les deux mois de la vente, alors qu'au Code civil, pour que
l'acheteur puisse bénéficier de la garantie de 1522, il est
nécessaire que le vice ait existé lors de la vente.
Quels sont donc les inconvénients, par ailleurs, de l'article 53
de l'actuel projet de loi, par rapport au Code civil? Il y a essentiellement
trois inconvénients. Le premier inconvénient majeur que cet
article présente est le fait qu'il limite la garantie du vendeur quant
aux défectuosités du moteur et du rouage d'entraînement
à celles découvertes dans les deux mois de la vente. Le code, sur
ce point est beaucoup plus souple. En effet, en théorie, le vice peut
surgir n'importe quand après la vente, s'il existait lors de cette
dernière, le vendeur en est garant pourvu que l'acheteur ait
intenté son recours dans un délai raisonnable de la
découverte du vice. Pratiquement, se dresse un obstacle de taille
à l'application de ce principe, celui de la preuve: plus la
manifestation du vice est tardive, plus il sera difficile de prouver que le
vice existait lors de la vente étant donné qu'il s'agit d'une
voiture usagée dont la simple utilisation est susceptible d'engendrer de
nouveaux vices. La tendance jurisprudentielle est à l'effet suivant:
plus la voiture a été payée cher, plus le laps de temps
durant lequel peut se manifester le vice est long.
La garantie de deux mois, qui ne couvre que les voitures dont le prix
est d'au moins $1000, ne favorise donc personne quant aux vices existant lors
de la vente, car ce délai n'est pas plus étendu que ceux que les
tribunaux ont admis dans de tels cas et il peut même arriver que des
individus qui ont acheté un véhicule usagé à,
disons $5000, se retrouvent sans recours contre leur vendeur, alors que, sous
le Code civil, ils en auraient un.
Cette limite dans le temps a aussi un effet réel catastrophique,
à savoir que nombre de garagistes seront tentés de rafistoler les
véhicules dont leurs clients se plaignent durant les deux mois de la
garantie pour que les voitures "fassent" leur temps. Le 61e ou 62e jour, le
garagiste invoque l'expiration de la garantie et refuse de remédier
adéquatement au défaut. Même si, en droit, le garagiste
n'est pas déchargé, après l'expiration du délai,
pour des troubles survenus durant la période de la garantie, nombreux
seront les consommateurs qui renonceront à leurs recours.
Un deuxième inconvénient est le fait que cette garantie ne
couvre que les voitures d'une valeur d'au moins $1000. Qu'arrive-t-il des
voitures de moins de $1000? N'ont-elles aucune garantie quant au moteur et au
rouage d'entraînement? Demeurent-elles régies par le Code
civil?
Les règles d'interprétation veulent que si une disposition
législative nouvelle est contraire à un texte antérieur
dans le temps, seules les dispositions absolument inconciliables sont
explicitement abrogées par la nouvelle loi. Il en résulte donc
que les voitures usagées de moins de $1000 demeurent régies par
le Code civil de sorte que, si elles sont affectées d'un vice
caché, le vendeur sera tenu à l'intégralité des
dommages alors que, s'il s'agit d'une automobile de plus de $1000, il ne sera
tenu qu'à la moitié du coût des réparations. On voit
qu'il y a lieu de se poser de sérieuses questions sur la protection
offerte par l'article 53.
Le principal vice de cet article 53 c'est le troisième
inconvénient dont nous voulions parler est le partage du
coût des réparations entre l'acheteur et son vendeur. A l'heure
actuelle, s'il s'agit d'un vice caché, sous le Code civil, le vendeur
est tenu à la totalité du coût des réparations par
le biais de l'action en diminution de prix. Les cas couverts par l'article 53
et non couverts par le Code civil sont les vices apparents existant lors de la
vente quant au moteur et au rouage d'entraînement et les défauts
sur les mêmes pièces mises après la vente.
Les tribunaux, dans les cas où une garantie analogue à
celle de l'article 53 était accordée à l'acheteur, s'il
s'agissait d'un vice caché, ont interprété ces garanties
comme étant des stipulations sans effet puisque le vendeur,
commerçant en semblables matières, était
présumé connaître les vices et ne pouvait donc se
décharger d'une partie de la responsabilité. C'est l'effet de
l'article 1527, troisième paragraphe, du Code civil.
Même si l'on ne tenait pas compte de ces critiques, quelle
protection assure l'article 53? Celle de regarder le garagiste doubler
l'addition sans que le consommateur puisse le prouver ou même s'en
douter?
Sur quelle base se fera "évaluation des 50% que devra payer le
consommateur? De plus, il s'agit là d'une exception au principe
général de la loi, édictée à l'article 32,
à l'effet qu'aucuns frais ne peuvent être exigés par le
commerçant pour l'exercice et l'exécution de la garantie. Nous ne
voyons pas la raison d'être en matière d'automobile de cette
exception à un principe général qui vaut pour l'ensemble
du marché commercial.
Nous croyons également qu'il y a fortement lieu de mettre en
cause non seulement l'étendue de la garantie accordée par
l'article 53, mais également le type de réparations
visées. La garantie légale assurée par l'article 53 ne
couvre, comme nous l'avons vu, que les défectuosités au moteur et
au rouage d'entraînement. Ainsi donc, ne seraient pas couvertes par
l'article 53 des réparations aussi importantes que les
réparations aux freins, à la direction, au système
électrique de la voiture, au carburateur, à la suspension, au
radiateur, au démarreur, etc. Lorsque l'on pense que les dispositions de
la loi peuvent s'appliquer à des ventes d'automobiles usagées
conclues pour plusieurs milliers de dollars, il n'est pas rare d'ailleurs que
des véhicules usagés soient vendus aujourd'hui à plus de
$4000, on constate que la protection offerte par l'article 53, si l'on peut
encore parler de protection, est bien mince et couvre bien peu de choses.
Vue d'ensemble de l'article 53. En 1961, Me Louis Payette, dans la revue
juridique Thémis, relatait, après une brève enquête
auprès des marchands de véhicules usagés, la pratique
commerciale en matière de garantie. Deux types principaux de garantie
ont été repérés. La première consistait en
une garantie inconditionnelle de trente jours; la seconde en une garantie
50%/50% pour un délai donné. Cette pratique existe toujours,
comme nous le montre un examen des décisions récentes de la Cour
provinciale et, comme nous vous l'avons déjà expliqué, les
tribunaux ont refusé d'appliquer cette garantie 50%/50%. De là
à conclure que l'article 53 n'est que l'universalisation d'une pratique
commerciale généralisée, il n'y a qu'un pas.
Modifications proposées: 1. Les réparations devraient
être entièrement assumées par le vendeur et couvrir le bon
fonctionnement de l'automobile et de ses accessoires; il s'agit là d'une
modification, à notre avis, absolument essentielle; 2.Le délai de
garantie dans les cas de voitures payées $3000 ou plus devrait
être étendu; 3.L'article devrait spécifier que les voitures
de moins de $1000 demeurent régies par le Code civil; 4) L'article
devrait de plus préciser que le délai de garantie implique non
une réparation dans les délais de garantie, mais la survenance
d'une défectuosité dans ce même délai.
De plus, le seul remboursement, à l'article 57, par le
commerçant du prix de vente ne devrait pas empêcher le
consommateur de se prévaloir de tout recours en
dommages-intérêts en raison des défectuosités
mécaniques, ce qui peut être le cas, notamment, lorsque le mauvais
état du véhicule a empêché le consommateur de vaquer
à ses occupations habituelles ou a compromis ses vacances. Il y aurait
lieu, à notre sens, de préciser le contenu de l'article 57
à cet effet.
Nous regrettons, enfin, que rien ne soit dit dans le projet de loi des
situations fréquentes où la défectuosité du
véhicule usagé se produit à de fortes distances de la
place d'affaires du commerçant d'automobiles usagées. Qui dans ce
cas doit assumer les frais de remorquage du véhicule? Est-ce que les
frais de remorquage sont compris dans les coûts de réparation?
Rien dans le projet de loi ne nous permet de répondre avec certitude
à ces questions pourtant fort importantes. Nous croyons que le
consommateur qui se trouve éloigné de la place d'affaires du
commerçant devrait avoir la possibilité de faire effectuer sur
place les réparations nécessaires à son véhicule,
et ce après en avoir avisé le commerçant.
Pour terminer cette partie de notre mémoire, nous voulons
signaler avec insistance à la commission parlementaire qu'au strict plan
juridique la suppression pure et simple de la section II portant sur la vente
d'automobiles usagées vaudrait mieux que sa conservation dans
l'état actuel de l'article 53. Cet article vient compliquer inutilement
la situation qui est faite au consommateur sans lui accorder plus de
protection. Pire, cette section peut provoquer chez le consommateur une
illusion de protection qu'il n'a pas effectivement.
Maintenant, la section sur la réparation d'automobiles.
Comme tous les organismes qui oeuvrent en matière de
consommation, notre groupe de recherche a constaté, au cours de ses
enquêtes menées depuis plus d'un an, que le problème de la
réparation des véhicules automobiles occupe une place très
importante dans les préoccupations des consommateurs. Le fait que,
à l'heure actuelle, les consommateurs signent de véritables
chèques en blanc aux garagistes pour les réparations à
effectuer sur leur véhicule, que bien peu de consommateurs peuvent
déceler eux-mêmes la cause des problèmes mécaniques,
que le garagiste demeure, bien souvent, le seul juge de l'étendue et de
la pertinence des réparations à effectuer et qu'il garde toujours
un droit de rétention sur le véhicule en cas de contestation,
même pour des sommes mi-
nimes, tout cela fait de l'automobiliste une proie facile dont on abuse
très souvent.
En ce domaine, le projet de loi déposé par le
ministère apporte des solutions qui ne manquent pas
d'intérêt. Le projet de loi propose, en effet, que toute
évaluation acceptée par le consommateur lie le garagiste, sauf
pour une augmentation justifiée ne dépassant pas de plus de 10%
l'évaluation initiale. Le projet de loi rend également
obligatoire la remise d'une évaluation au consommateur dans les cas
où le prix de la réparation est de $150 ou plus.
L'évaluation doit répondre à certaines règles
visant son contenu et le garagiste garantit le bon fonctionnement des
réparations durant un mois ou 1000 milles. Notons, enfin, la
possibilité pour le consommateur d'exiger au moment de la livraison du
véhicule réparé la reprise des pièces
remplacées. Ces dispositions, si elles sont connues et utilisées
par les consommateurs, nous semblent marquer un très net progrès
par rapport à la situation actuelle.
Deux dispositions particulières, toutefois, devraient, à
notre sens, être modifiées pour faire de la section portant sur la
réparation automobile un outil de protection efficace, soit la
disposition concernant la dispense de fournir une évaluation
prévue par l'article 73 et la durée de la garantie
stipulée à l'article 75.
Comme on le constate à la lecture des dispositions finales du
projet de loi, il est de règle que l'on ne peut déroger à
la loi par des conventions particulières et, à moins qu'il n'en
soit prévu autrement, le consommateur ne peut renoncer aux droits que
lui confère la loi. Ces dispositions sont impérieuses puisque,
à cause du déséquilibre des forces entre le
commerçant et le consommateur, le consommateur n'a pas, dans la
très grande majorité des cas, la possibilité de
négocier les contrats qui lui sont présentés. Placé
dans une situation où il est le plus faible tant au plan des
connaissances techniques qu'au plan du pouvoir économique, le
consommateur serait obligé, si ces principes n'étaient pas
impératifs, de renoncer aux droits que lui confère la Loi de la
protection du consommateur si des dérogations conventionnelles pouvaient
être utilisées par le commerçant sur le marché
commercial. On comprend pourquoi nous considérons les mesures
prévues par les articles 262 et 263 du projet comme fondamentales.
Partant, la question qui se pose ici est celle de savoir pourquoi on
ferait une exception à ces principes fondamentaux en matière de
réparation automobile. On constate, en effet, que le projet de loi, en
son article 73, permet que le garagiste soit dispensé de l'obligation de
fournir une évaluation par la renonciation écrite de la main du
consommateur. Non seulement, nous ne voyons pas pourquoi l'on ferait exception
en matière de réparation automobile aux principes fondamentaux
énoncés précédemment qui constituent les seules
garanties véritables de protection, mais nous croyons que la
possibilité offerte aux garagistes d'être dispensés de
l'évaluation obligatoire pour les réparations de $150 ou plus
risque de devenir une pratique commerciale courante.
Connaissant la plupart des pressions quotidiennes qui sont faites sur
les consommateurs, comment ne serait-il pas inévitable que
l'exonération de l'article 73 n'en vienne pas à faire l'objet de
pressions permanentes sur le consommateur?
Par exemple, un consommateur qui a besoin de faire effectuer une
réparation sur la transmission de son véhicule ne risque-t-il pas
d'être très vulnérable aux arguments du garagiste voulant
"qu'une évaluation, ça prend du temps", que "si vous voulez une
évaluation, il faudra revenir la semaine prochaine", ou encore, "que
nous ne faisons pas de réparation sur évaluation"? On nous
répondra peut-être que le consommateur peut toujours aller
ailleurs et que la concurrence entre commerçants s'exercera là
comme partout ailleurs.
Non seulement cet argument ne tient pas compte des situations où
le consommateur se trouve dans un marché captif où la concurrence
est très restreinte sinon inexistante, par exemple, dans bon nombre de
petites villes et de villages du Québec, mais cet argument n'est pas
réaliste à la lumière de l'expérience
vécue.
On a prétendu, par exemple, pendant longtemps, que les clauses
d'exonération de responsabilité dans les stationnements
privés des centres-villes feraient l'objet d'une concurrence entre les
exploitants de terrains et que le consommateur aurait toujours le choix de
stationner son véhicule sur un terrain où l'exploitant
n'exonère pas sa responsabilité à raison d'une faute dans
la garde du véhicule. Dans les faits, cet argument n'a pas tenu: tous
les exploitants de terrains de stationnement tentent d'exonérer leur
responsabilité.
Nous croyons que cette disposition de l'article 73 met en danger tout le
dispositif de protection que veut accorder la section sur la réparation
automobile et qu'elle devrait disparaître.
Au niveau de la garantie accordée par l'article 75 sur le bon
fonctionnement des pièces réparées ou remplacées,
nous croyons que la garantie d'un mois ou de mille milles est nettement
insuffisante, et qu'à ce titre, elle devrait être de trois mois ou
de 3000 milles selon l'échéance la plus rapprochée.
Les contrats de louage de services: Le paragraphe d) de l'article 64 du
projet de loi devrait être précisé de façon à
y inclure une méthode de calcul du taux horaire ou quotidien des
services à exécution successive. Cette précision est
nécessaire afin d'éviter certaines pratiques qui auraient pour
effet d'enlever toute la portée des articles 65 et 66 du projet
concernant la résiliation unilatérale du contrat par le
consommateur. Il serait en effet trop facile d'attribuer une valeur plus grande
aux services au début de la durée du contrat et une autre valeur
aux services rendus à la fin. Il serait même possible, sur un
contrat, par exemple, d'un an, d'attribuer aux services rendus au cours des
deux premiers mois une valeur égale à l'obligation totale du
consommateur et d'offrir les services gratuitement au cours des dix mois
suivants. Il est évident que, dans un tel cas, la faculté de
résiliation unilatérale du consommateur est totalement
inefficace. La précision peut être apportée par la
formulation suivante, à savoir le taux horaire ou quotidien
calculé comme suit: le rapport entre, d'une part, l'obligation totale du
consommateur et, d'autre part, le nombre d'heures ou de jours sur lesquels sont
répartis les services.
Les contrats de crédit. Le chapitre II du titre III sur les
contrats de crédit, s'il apporte quelques éléments
nouveaux par rapport à l'actuelle loi 45, se fonde toujours sur les
mêmes principes et insiste encore sur le formalisme dans les
écrits contractuels. Outre quelques contraintes, dont plusieurs
correspondent à la pratique commerciale habituelle, la loi permet une
plus grande liberté, pourvu que les conditions les plus importantes
soient clairement divulguées sur le contrat écrit.
Cette obligation de divulgation est excellente, en autant qu'elle
représente un minimum fondamental dans le respect des droits du
consommateur, à tel point que la nécessité de l'exiger
légalement indique une situation antérieure
déplorable.
Mais en réalité, outre qu'elles soient incomplètes,
comme nous le soulignerons plus loin, ces divulgations risquent fort
d'être à peu de chose près inutiles en termes d'information
du consommateur, compte tenu du moment où elles interviennent. La pleine
connaissance des conditions du crédit ou du prix doit permettre au
consommateur de chercher parmi les commerçants celui qui coûtera
le moins cher, quand elle ne l'aura pas découragé d'acheter,
compte tenu de l'importance de ses obligations. Au moment de la signature du
contrat, il est déjà trop tard: le consommateur s'est
déjà trop engagé, si seulement il lit ce contrat, pour
reculer. D'ailleurs, il est généralement beaucoup plus
intéressé par le versement mensuel qu'il devra effectuer que par
les frais ou le taux de crédit. Il faut plutôt que l'information
parvienne au consommateur durant le temps où il prend sa
décision, c'est-à-dire qu'il faut que l'information sur le
crédit accompagne la publicité.
L'obligation, par exemple, de divulguer le taux de crédit dans
toute publicité portant sur le prêt ou le crédit
permettrait au consommateur de prendre une décision beaucoup plus
rationnelle, ou à tout le moins, mieux comprise. Cette divulgation par
la publicité aurait aussi l'énorme avantage de favoriser et
d'assainir la concurrence entre commerçants dans le sens d'une
diminution des frais de crédit.
Enfin, d'autres remarques particulières s'imposent.
Premièrement, une des améliorations de la loi provient des
définitions qu'elle impose pour le capital net, les frais de
crédit et le taux de crédit aux articles 83, 84 et 86.
Mais les définitions des articles 83 et 84 ne s'appliquent pas
aux contrats de crédit variable, que l'expression "contrat assorti d'un
crédit" ne couvre pas, comme l'indique l'article 79 qui les distingue.
Les dispositions du second paragraphe de l'article 117, qui indique que
certains éléments doivent participer des frais de crédit,
sont insuffisantes puisque, d'une part, les frais de crédit des contrats
de crédit variable n'y sont pas définis de façon
complète et que, d'autre part, les éléments qui doivent
faire partie des frais de crédit ne sont pas eux-mêmes plus
définis, ce qui laisse la porte ouverte à toutes les
interprétations possibles.
Cette différence pour ce type de contrat n'a pas, à notre
avis, sa raison d'être. S'il en a une, nous aimerions bien que vous nous
l'expliquiez. Les définitions devraient être, selon nous, les
mêmes que celles adoptées pour les contrats assortis d'un
crédit.
Deuxièmement, l'exemption prévue à l'article 89
vise évidemment l'article 87 et non l'article 86. Il faut qu'il en soit
ainsi puisque, s'il n'y a pas de raison de donner une définition
particulière du taux de crédit pour les contrats régis par
la Loi des petits prêts, il y a lieu, par ailleurs, de permettre à
ceux-ci d'indiquer plus d'un taux de crédit puisque tel est l'effet de
cette loi.
Troisièmement, l'article 97 prévoit que le consommateur
peut rembourser, avant échéance, sans frais, ni
pénalité. Pourtant, l'article 98 parle d'une réduction des
frais de crédit. Pour que ces articles ne se contredisent pas, il faudra
que la réduction de l'article 98 soit, en réalité, une
annulation complète des frais de crédit pour la période
faisant l'objet du remboursement anticipé.
Quatrièmement, si le consommateur veut ainsi payer avant
échéance le commerçant, dit l'article 99, il doit lui
fournir sur demande un état de compte. Cette demande
supplémentaire n'a pas sa raison d'être, sans quoi on verra
apparaître des "états de compte" incomplets sous prétexte
d'une demande incomplète. On doit éliminer ces deux mots et
prévoir que, dès que le consommateur lui fait part de son
intention de payer avant échéance, le commerçant doit lui
remettre un état de compte complet.
Cinquièmement, l'article 104 est très incomplet, en ce
sens qu'il paraît libérer le commerçant de ses obligations
à partir du moment où il cède la créance, tandis
que le cessionnaire n'est responsable que jusqu'à concurrence d'une
partie de la créance. Il y aurait donc lieu d'ajouter à cet
article un second paragraphe qui dirait: "Nonobstant le premier paragraphe, le
commerçant qui cède la créance demeure responsable de
toutes ses obligations originelles".
Sixièmement, s'il est vrai que le formalisme n'est pas la bonne
solution aux problèmes du crédit et du prêt, il n'en
demeure pas moins, actuellement, un des outils légaux les plus
utilisés. Il y a donc tout avantage à le rendre plus utile et le
plus simple possible, compte tenu de ce que presque tous les contrats de
crédit et de prêt à la consommation sont déjà
des contrats d'adhésion. Ainsi, quand les articles 116, 122, 130 et 145,
faisant référence aux annexes, imposent des mentions obligatoires
aux contrats écrits, ils entreprennent une démarche qu'ils ne
complètent pas, à notre avis. En effet, plutôt que d'agir
ainsi, la loi devrait simplement imposer des contrats types obligatoires et
exclusifs. Les avantages de ce procédé seraient multiples,
à savoir l'assurance que les contrats sont correctement
rédigés, la possibilité accrue d'en vérifier le
contenu, la facilité plus grande de comparer divers contrats pour
choisir celui qui
convient le mieux et de comprendre le contenu total du contrat, en
facilitant l'étude par le consommateur qui, autrement, s'y perd.
Les textes de ces contrats types pourraient être ceux des annexes
2, 3, 4 et 6 auxquels il faudrait ajouter les recours du commerçant en
cas de défaut de la part du consommateur, dans les manières que
la loi prescrit.
Il est certain que les modifications que nous proposons ici s'imposent
d'elles-mêmes. Mais la véritable lacune du chapitre sur les
contrats de crédit demeure la difficulté évidente qu'il a
à aborder carrément les problèmes relatifs au
crédit et au prêt à la consommation. Il attaque les
difficultés par la bande, imposant un formalisme tardif et incomplet,
retardant l'exercice de certains recours du commerçant en cas de
défaut du consommateur, sans les interdire ou même les limiter. En
réalité, le projet manque d'une perspective globale et d'une
volonté arrêtée de régir entièrement un champ
de la consommation qui est pourtant si fondamental.
Où est-il question, dans le projet de loi, du problème
crucial du surendettement? Où est-il question des agences de
recouvrement, des dossiers de crédit, des permis des entreprises de
prêts, etc.? Certes, le Code de procédure civile contient la Loi
des dépôts volontaires, le Code civil prescrit 1040c et d'autres
mesures, et, parmi les lois québécoises, une concerne les agents
de recouvrement et une autre les sociétés de prêts et de
placement. Mais il y a des trous. Qu'en est-il, par exemple, des dossiers de
crédit?
Toutes les questions relatives au crédit et au prêt de
consommation sont, à notre avis, suffisamment importantes pour qu'il
vaille la peine de regrouper en une seule loi tout ce qui en traite, de
façon que toutes ces questions soient pensées dans une
perspective globale, selon un plan d'ensemble où toutes les
activités seraient régies selon un système et à
partir d'une approche systématique. On ne pourra protéger
efficacement le consommateur qu'au prix de cet effort.
Sixièmement, les pratiques interdites. Le livre II sur les
pratiques interdites constitue l'une des pierres d'assise du projet de loi. Une
première partie du projet porte sur les pratiques qui peuvent donner
lieu à la passation d'un contrat entre commerçant et consommateur
sur la base de fausses représentations faites par les manufacturiers,
publicitaires ou commerçants eux-mêmes. Ces fausses
représentations donnent ouverture à l'annulation du contrat ou
à la réduction des obligations qui en découlent et ou
à des poursuites pénales. De façon générale,
nous croyons que cette première partie du projet s'avère d'un
grand intérêt pour les consommateurs, notamment l'article 147 a)
qui oblige la divulgation d'un fait ou d'une caractéristique importante
et que certains voudraient être essentielle relativement à un bien
ou à un service. Il restera aux tribunaux à orienter
l'application qui devra être faite de ces dispositions. Il en est de
même pour les articles 150 et 151 du projet qui améliorent
considérablement la situation qui est faite aux consommateurs dans le
cadre du Code civil, notamment l'article 993.
Nous craignons toutefois qu'en ce qui a trait aux pratiques qui donnent
lieu à la passation de contrats, l'interprétation restrictive qui
sera donnée aux articles 146 et suivants risque de desservir les
objectifs du projet en cette matière. L'énumé-ration qui
est faite des pratiques interdites pouvant donner lieu à une passation
de contrat, par exemple celle que l'on retrouve à l'article 146, porte
à une interprétation restrictive, et ce, à cause du
libellé même de cette énumération des restrictions
qui y sont faites. En matière de sanctions civiles, deux types de
problèmes se poseront: d'une part, les tribunaux risquent de refuser
d'appliquer les articles 146 et suivants lorsque la pratique qui fait l'objet
du litige est une pratique trompeuse qui induit le consommateur en erreur mais
qui n'est pas expressément stipulée dans la loi; d'autre part,
même lorsque la pratique attaquée est
énumérée, on risque d'assister à une
interprétation très restrictive de la part du tribunal. On
constate, par exemple, qu'il est interdit, par l'article 146 e), pour un
commerçant, un manufacturier ou un publicitaire, de prétendre
faussement qu'un bien répond à des normes
déterminées. Le consommateur qui est aux prises avec de fausses
représentations dans le même sens mais à propos de certains
services risque de ne pouvoir faire appliquer la Loi sur la protection du
consommateur en sa faveur et ce, à cause d'un problème
d'interprétation restrictive.
C'est pourquoi nous croyons qu'il y a lieu de suppléer ou
d'ajouter à l'article 146 par un texte à portée
générale en matière civile, par exemple, un article qui
rendrait illégale toute pratique de la part d'un manufacturier, d'un
commerçant ou d'un publicitaire qui a pour effet d'induire un
consommateur en erreur pour l'inciter à la passation d'un contrat. Ce
serait là introduire un concept général de fraude en
matière de protection du consommateur, disposition qui pourrait
bénéficier des articles 150 et 151.
Une deuxième partie du livre II porte sur les pratiques non
contractuelles qui seraient dorénavant interdites. Notre groupe de
recherche est convaincu que cette section de la loi répond à des
besoins sociaux considérables. Nos précédentes
enquêtes nous ont permis, par exemple, de constater que l'abolition de la
publicité destinée aux enfants sous toutes ses formes
répond aux voeux d'une partie très importante de la population.
Il était également temps de faire cesser l'usage abusif des
clauses contractuelles obligatoires en matière de vente par
commerçant itinérant mais qui, employées dans tout type de
contrat, avaient pour effet de tromper bon nombre de consommateurs. Il
était opportun également de restreindre la publicité sur
le crédit dans le sens fixé par l'article 161, quoique, à
cet égard, nous croyons dans ce cas que le projet de loi aurait dû
aller plus loin et obliger ceux qui font de la publicité sur le
crédit à divulguer les taux d'intérêts qui sont
exigés des consommateurs. Comme nous l'avons déjà
signalé, la seule divulgation obligatoire des taux
d'intérêts dans le contrat de prêts exigés dans le
chapitre sur les contrats de crédit ne fait qu'informer le consommateur,
s'il lit le
contrat, des taux d'intérêts qu'il devra payer, et ce, au
moment où le besoin qui justifie l'emprunt est déjà
créé et alors qu'il a déjà fait des
démarches personnelles pour contracter un prêt. Nous croyons
qu'une véritable politique de prévention en matière
d'endettement devrait inclure la divulgation obligatoire des taux
d'intérêts exigés dans la publicité sur le
crédit.
L'abolition des ristournes, bonis et commissions,
décrétée par l'article 172 en matière de cession de
créances résultant d'un contrat assorti d'un crédit
passé entre un commerçant et un consommateur, répond
encore une fois à des besoins très importants de la part des
consommateurs. Nous croyons que cette règle devrait être
étendue à toute ristourne, boni ou commission en
considération de l'obtention du financement d'un contrat passé
entre commerçant et consommateur et que l'on ne doit pas limiter
l'article 172 aux seuls cas de cession de créance. Dans ces deux
situations, c'est le consommateur qui paie sans le savoir, d'une façon
détournée, le coût d'une commission cachée dans ses
frais de financement. Il est absolument impérieux que cette pratique
disparaisse pour que le commerçant ne soit plus placé en conflit
perpétuel entre son intérêt, qui est de trouver la
meilleure commission possible, et l'intérêt du consommateur, qui
est de trouver un financement au meilleur coût sans avoir à payer
des commissions occultes.
Une grande faiblesse du livre II portant sur les pratiques interdites
est constituée par ce qui nous paraît être une mauvaise
rédaction de l'article 158 du projet portant sur les primes. Cet article
est très difficile à comprendre et à interpréter
dans son sens littéral, le commerçant qui ne donnerait pas de
valeur à sa prime dans sa publicité ne serait pas obligé
de donner un choix entre la prime et la valeur de la prime. Il y aurait lieu de
revoir la rédaction de cet article ou en obligeant le marchand à
donner une valeur à la prime dans sa publicité ou tout simplement
en supprimant la possibilité d'accorder des primes en dehors des cas
où il s'agit d'un service ou d'un rabais sur achat futur, ce qui serait,
à notre avis, préférable.
Certains problèmes relatifs aux procédures et aux pouvoirs
de l'office. Nous suggérons en premier lieu qu'un recours pénal
soit ouvert aux organismes de protection de consommateurs et aux associations
représentatives de consommateurs.
Le fait d'ouvrir le recours pénal à ces organismes et
associations de protection du consommateur répondrait partiellement aux
vues des trois quarts des répondants à une enquête
menée auprès des organismes de consommation gouvernementaux ou
non, il y a près d'un an, par notre groupe de recherche.
Les organismes pourraient ainsi contribuer à assurer une
vigilance plus grande dans la mise en application des lois, vigilance qui ne
peut être toujours assumée par des effectifs administratifs
réduits.
De par leur rôle de chien de garde, ils sont constamment
témoins d'infractions. Dans le contexte actuel, ils doivent
référer les plaintes aux ministères concernés et
s'en remettre à leur initiative et à leur interprétation.
Pour ces organismes, il sera souvent plus intéressant et plus efficace
de porter eux-mêmes la plainte devant les tribunaux, ce, afin de
vérifier si une pratique commerciale est ou non conforme à la loi
et à l'interprétation qui doit en être donnée.
Ce recours pourrait être indiqué à l'article 205 du
projet de loi 7 qui se lirait ainsi: "Les poursuites en vertu de la
présente loi sont intentées par le Procureur
général ou une personne qu'il autorise généralement
ou spécialement à cette fin ou par une association
représentant des consommateurs ou un organisme ayant pour objet la
protection du consommateur. Les associations et organismes devront être
reconnus par le directeur de l'OPC."
Cette reconnaissance par l'OPC devrait être accordée aux
organismes et associations répondant à des critères
objectifs fixés par la loi ou le règlement. D'une part, en ce qui
a trait aux associations de protection du consommateur et, d'autre part, en ce
qui a trait aux organismes de service de consommation, on pourrait
également tenter de définir les critères de reconnaissance
de ces organismes. Le rapport de 1974/75 du Conseil de la protection du
consommateur prévoit des critères de
représentativité qui, à notre avis, pourraient être
retenus pour ces associations.
Ce sont successivement les personnalités juridiques, le
secrétariat ou place d'affaires à une adresse connue,
l'enregistrement au fichier central, le budget basé sur les cotisations,
la représentativité contrôlable des membres, un programme
d'action ayant comme objectif l'éducation et l'information, etc.
Exiger ainsi des critères de représentativité pour
ces associations et organismes de consommation aura pour effet, entre autres,
d'éviter que le recours pénal ne soit utilisé par des
concurrents, des commerçants lors de poursuites vexatoires et
injustement préjudiciables à ceux-ci.
Les pouvoirs de saisie et la confiscation. A cause des objets nouveaux
de la Loi sur la protection du consommateur, notamment en ce qui concerne
l'usage de pratiques interdites dans la présentation d'un produit et le
pouvoir de réglementer quant à l'étiquetage, l'emballage
ou la qualité des produits, la loi devrait prévoir le pouvoir
pour le directeur de saisir et confisquer, s'il y a lieu, les biens objets de
l'infraction. Il s'agit d'un pouvoir différent de celui prévu
à l'article 228 où, à l'occasion d'une enquête, le
directeur peut saisir et emporter tout bien afin d'élaborer et de
conserver la preuve. Le pouvoir de saisie envisagé ici devrait comporter
des spécifications quant à la rétention et à la
disposition des articles saisis.
Le pouvoir de saisie devrait être inscrit dans la loi en ces
termes: "Le directeur peut saisir et retenir tout bien présenté
dans une forme telle qu'une pratique interdite visée par le livre II de
la loi a été utilisée et tout bien qui ne respecte pas les
normes d'emballage, d'étiquetage, de présentation, de
qualité, de sécurité et de garantie prévues par
le
règlement, de même que tout article ayant servi à la
commission de l'infraction." il faudrait préciser les pouvoirs de
rétention des biens saisis et les pouvoirs de confiscation.
Enfin, la conclusion. Nous avons présenté l'analyse
critique du projet de loi dans son aspect technique. Nous voudrions ici aborder
une réflexion qui met en cause fondamentalement la démarche
suivie par une telle approche législative.
Le travail entrepris il y a un an et demi par notre groupe de recherche
nous amène à poser certaines questions, à soulever
certaines inquiétudes, sans pour autant prétendre apporter des
solutions. En effet, si nous commençons à percevoir ce qu'est
l'ensemble du droit de la consommation, tout en demeurant à la remorque
de ses développements principaux, nous sommes loin d'avoir une
perception d'ensemble du phénomène, des forces en présence
et des effets des nouvelles législations auprès des consommateurs
et auprès des commerçants. Nous constatons, cependant, qu'il
n'existe pas de politique globale de la consommation, que les interventions
législatives demeurent éparses, aussi bien que les structures
administratives appelées à intervenir.
L'ensemble de notre réflexion repose sur cette idée que le
droit en général doit être connu des citoyens, le droit de
la consommation, plus encore que tout autre, doit être accessible pour
devenir opérant et doit éviter cet écueil qui consiste
à créer l'illusion d'une protection.
Au Québec, l'approche législative du monde de la
consommation a été essentiellement identifiée à
l'actuelle Loi sur la protection du consommateur, de par l'objet de la loi et
l'image projetée par l'organisme chargé de l'appliquer. Cette loi
ne s'intéresse, cependant, qu'à deux types de contrats, le
contrat de crédit et fe contrat de vente itinérante, et ce dans
une approche essentiellement formaliste. Le grand nombre de plaintes
reçues par l'OPC et ne concernant aucunement sa juridiction a bien
illustré les limites de cette intervention et le désarroi de tous
quand il s'agit de chercher la solution à un problème de
consommation.
On comprend ce désarroi quand, depuis près de deux ans, on
tente de circonscrire ce droit, cette nouvelle perspective et que l'on constate
l'existence en parallèle du droit commun et des nombreuses lois
spéciales. Nous avons tenté, dans une approche globale,
d'examiner les différents aspects de la relation
consommateur-commerçant: les relations contractuelles en
général et certains secteurs précis, tels le crédit
et l'endettement, la publicité et l'étiquetage, la qualité
des biens et services, la tarification des biens et des services, les services
professionnels, le louage et l'habitation. Nous avons constaté l'ampleur
des dispositions législatives qui émanent de deux paliers
gouvernementaux, fédéral et provincial, l'aspect technique de ces
lois et règlements et leur mouvance très grande.
A titre d'exemple, au seul chapitre de l'étiquetage des produits
de consommation, plus de 35 lois fédérales et
québécoises visent essentiellement ou incidemment à
encadrer l'information.
Ces lois touchent à des aspects parfois différents,
parfois complémentaires, parfois identiques de l'information à
donner. Plus de douze ministères ou organismes gouvernementaux sont
appelés à intervenir.
En ce qui concerne l'habitation, interviennent la Société
d'habitation du Québec, qui dépend du ministère des
Affaires municipales, la Régie des loyers, qui dépend du
ministère de la Justice, le Service de courtage immobilier, qui
dépend du ministère des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières.
En ce qui concerne l'endettement d'autre part, l'Office de la protection
du consommateur, le ministère de la Justice qui administre la loi
Lacombe, ainsi que des bureaux fédéraux rattachés au
ministère de la Consommation ouvrent leurs portes au petit
débiteur qui veut faire faillite. Et cette dispersion se
répète dans chaque secteur qu'on approche, selon le jour sous
lequel se soulève un problème.
Le projet de loi no 7 perpétue cette complexité du droit
de la consommation, à notre avis.
D'abord, le projet de loi no 7 constitue une loi dérogatoire au
Code civil; deuxièmement, il maintient de nombreuses exemptions;
troisièmement, il a tendance à légiférer de
façon formaliste; quatrièmement, la législation est
à la remorque des nouvelles pratiques commerciales et
déloyales.
Le projet de loi no 7, loi dérogatoire au Code civil. D'abord, le
projet de loi no 7 est une loi statutaire qui coexiste avec le droit commun des
contrats. L'importance que prend la Loi sur la protection du consommateur rend
le dédoublement des instruments juridiques de plus en plus complexe au
niveau de l'interprétation et peut amener des situations non voulues,
par exemple, comme nous l'avons signalé en matière d'automobiles
usagées. Il faudrait revoir le Code civil et inscrire dans une
législation de base les principes qui ont présidé à
l'élaboration de la Loi sur la protection du consommateur,
particulièrement le constat de l'inégalité des parties et
le fait que les contrats sont basés non sur le consensualisme, mais sur
l'adhésion du consommateur.
Loi qui maintient de nombreuses exemptions.
La Loi sur la protection du consommateur prévoit encore des
exemptions importantes, telles les exemptions pour les contrats d'assurances ou
de rentes, les contrats conclus avec des professionnels, les contrats auxquels
s'appliquent les lois publiques concernant certains contrats de louage de
services en matière de vente itinérante, ainsi que les produits
alimentaires.
Nous croyons qu'un effort devrait être entrepris pour limiter au
minimum les exemptions et pour ramener tout le régime contractuel dans
un même texte législatif.
Les normes de qualité et le contenu des services et des biens
continueront d'être régis par des organismes ou ministères
compétents pour ce faire, par exemple, en matière de services
professionnels, l'Office des professions et des corps professionnels pourront
voir à la qualité des services, cependant, la relation
contractuelle devrait être régie par un texte d'application
générale. La Loi
sur l'enseignement privé prévoit des dispositions quant
aux contrats rendus entre une institution et une personne qui se propose de
suivre un cours, dispositions semblables à celles prévues par le
projet de loi pour certains contrats de louage de services. Qui connaît
ces dispositions spécifiques? Pourquoi ne pas les intégrer
à un texte d'application générale?
Notons enfin que la loi maintient des dérogations à
certains principes généraux et rend illusoire en certains cas
cruciaux la protection accordée. Ainsi, on lit à l'article 263
que le consommateur ne peut renoncer aux droits que lui confère la
présente loi. Pourtant, on retrouve à l'article 195, une
disposition à l'effet qu'un avis émanant d'un commerçant
et ne respectant pas les exigences prescrites par la loi ou les
règlements est sans effet, sauf acceptation expresse du consommateur.
Comment peut-on demander au consommateur de renoncer à des droits qu'il
ne connaît même pas? Si le formalisme doit protéger le
consommateur comme c'est le cas dans l'avis de déchéance de terme
et l'avis de reprise de possession, pourquoi permettre au consommateur de
renoncer au formalisme et ouvrir aux commerçants une voie
d'évitement?
Il en est de même de la renonciation possible du consommateur
à l'évaluation par le garagiste du coût des
réparations. Autre principe général: Aucuns frais ne
peuvent être exigés par le commerçant pour l'exercice et
l'exécution de la garantie. Autre dérogation de taille: L'article
53 de la loi qui prévoit une garantie légale pour le moteur ou le
rouage d'entraînement d'une automobile usagée, vendue a un prix de
$1000 et plus, le consommateur doit, en ce cas, assumer la moitié du
coût des réparations.
L'actuel projet de loi perpétue de façon cependant moins
exclusive la tendance à légiférer en matière de
protection du consommateur en imposant des règles de forme. Nous croyons
que ce formalisme est souvent fort utile. Cependant, on devrait simplifier le
plus possible ces dispositions en imposant des contrats types et des formules
types. Ces documents pourraient être facilement identifiés par les
consommateurs et éviteraient que les mentions obligatoires se perdent
dans une série de dispositions incompréhensibles. Ceci
permettrait aussi aux commerçants de s'employer davantage à
respecter le fond du droit que la forme.
Il nous apparaît, à la lecture du projet de loi, qu'on
tente de freiner les pratiques commerciales plus ou moins loyales. Qu'il
suffise de citer toutes les dispositions concernant la vente et les
réparations d'automobiles, les dispositions sur certains contrats de
louage de services qui visent tout particulièrement les techniques
commerciales utilisées par les studios de santé, les dispositions
concernant la vente itinérante, les primes, les maisons témoins,
etc. Ce rattrapage de pratiques déloyales spécifiques nous
entraîne sur la voie d'un droit technique d'applications
spécifiques qui peut laisser difficile l'uniformisation du droit.
Nous avons vu jusqu'à maintenant la complexité et le
morcellement du droit de la consomma- tion. Les structures gouvernementales
mises sur pied pour appliquer ce droit et protéger le public sont aussi
éparses. Nous avons donné comme exemple le partage des
juridictions en matière d'habitation et de logement, de crédit et
d'étiquetage. Bien sûr, il existe un partage des
compétences en matière de consommation entre le gouvernement
central et le gouvernement des provinces, mais pour réduire la confusion
de tous et donner une conscience des problèmes et une motivation
d'intervention plus grande à la structure administrative, ne faudrait-il
pas songer à mettre sur pied au niveau provincial un véritable
ministère de la consommation? Ce ministère aurait la charge
d'appliquer les lois concernant directement la consommation ou tout au moins la
charge de renseigner le public et de l'aider à résoudre des
problèmes, ce qui aurait notamment comme incidence
d'éviter la mise sur pied d'un réseau parallèle par
différents ministères.
Notons enfin pour conclure, qu'en ce qui concerne l'accessibilité
aux tribunaux pour les litiges concernant la consommation, nous ne pouvons que
déplorer le fait que la "class action" ou action collective ne soit pas
encore une procédure ouverte aux consommateurs.
Nous quitterons cette réflexion en souhaitant que notre critique
du projet de loi amène les amendements qui, dans le contexte actuel,
feront du projet de loi un instrument juridique plus efficace que ce qu'on a
connu jusqu'à maintenant et qu'il ne soit qu'une étape vers une
approche plus globale et unifiée de l'ensemble du droit de la
consommation.
Merci.
Le Président (M. Kennedy): Merci, Me Drapeau. Mme le
ministre. Vous méritez certainement un moment de répit.
Mme Drapeau: Pardon?
Le Président (M. Kennedy): Vous méritez un moment
de répit.
Mme Bacon: J'aimerais tout d'abord, M. le Président,
remercier le Groupe de recherche en consommation de la faculté de droit
de l'Université de Montréal pour l'excellent mémoire qu'on
vient de nous présenter.
Ce mémoire est volumineux et couvre beaucoup de sujets et de
problèmes, mais je pense qu'on y pose énormément de
questions. Il serait difficile, évidemment, aujourd'hui, d'arriver
à répondre à toutes les questions qui sont posées.
Il faut faire un choix. Je pense que cela ne veut pas dire que nous
négligeons les questions que l'on soulève dans le mémoire
et qui n'auront peut-être pas toutes les réponses aujourd'hui.
Aux pages 5 et 6 de votre mémoire, concernant l'exclusion des
services professionnels, vous nous recommandez d'assujettir les contrats de
services professionnels à la loi au même titre que les autres
contrats visés par la loi et intervenus entre consommateurs et
commerçants. Vous invoquez aussi que le consommateur n'a aucune
garan-
tie de protection en ce qui a trait à sa relation contractuelle
avec un professionnel. Pour l'information de cette commission, est-ce que vous
avez des exemples précis des difficultés, par exemple, qu'ont
éprouvées ou que peuvent avoir des consommateurs en ce qui a
trait à leurs relations contractuelles avec un professionnel régi
par le Code des professions? Peut-être que je pourrais ajouter aussi en
même temps une autre question. Est-ce qu'il y a véritablement un
problème social ou si c'est simplement une question qui est purement
académique?
Mme Drapeau: Je vais d'abord répondre à la
première partie de votre question. En ce qui concerne les exemples
précis, nous, au groupe de consommation, nous sommes un organisme de
service, de sorte que nous n'avons pas de plainte directement des
consommateurs. Maintenant, je peux vous assurer que, parmi les cas de
jurisprudence que j'ai lus, il s'agissait de cas où le professionnel
était commerçant dans la mesure où il vendait un bien,
notamment, les cas qui ont été soulevés également
par l'aide juridique en ce qui avait trait aux audioprothésistes, je
crois, qui vendaient des appareils auditifs. Cela pouvait être un cas qui
mériterait possiblement d'être assujetti à la loi.
Maintenant, ce cas dont je vous parle, dans ce cas, il s'agit d'un
professionnel qui est considéré comme commerçant et qui
vend un bien et non pas à l'égard de son service; vous comprenez.
Pour répondre à la deuxième partie de votre question,
à savoir si c'est une question purement académique, je ne crois
pas. Nous désirions que les services professionnels, dans le cadre d'une
perspective globale du droit de la consommation, soient inclus dans la loi, en
raison du fait, tout simplement, que nous croyons qu'en matière de
protection du consommateur, une législation de base qui pourrait
être, par exemple, un code ou une charte de la consommation, devrait
viser toutes les relations contractuelles entre le consommateur et le
commerçant. Antérieurement, notamment dans le bill 45, les sujets
privilégiés par la loi étaient le domaine de la vente.
Vous aviez les ventes à crédit, la sollicitation, les
possibilités de crédit, les ventes par vendeur itinérant,
etc.
De plus en plus, je crois même qu'au Québec, le champ
d'application de la loi tend à s'élargir de plus en plus; c'est
ce qui arrive actuellement avec le projet no 7, en ce qui a trait à la
garantie des vices cachés, les réparations d'automobiles, etc.
C'est une très bonne chose, mais, à notre avis, comme vous avez
pu le voir au cours de notre mémoire, nous croyons que le projet de loi
ne va pas assez loin en ce sens. Dans la mesure où, en matière de
services professionnels, le contrat que le consommateur a avec un professionnel
est, dans une grande mesure, un contrat d'adhésion, compte tenu du fait
que le consommateur qui s'adresse à un professionnel s'adresse à
un spécialiste, que ce soit une relation de confiance très
grande... Sur le plan du lien contractuel, il n'y a, à l'heure actuelle,
aucune garantie qui est offerte aux consommateurs. Alors, nous ne voyons pas
pourquoi certains articles de la loi, articles géné- raux en
matière de la garantie des biens, etc., qui ont trait à la vente,
au louage de biens de service, ne devraient pas s'appliquer aux
professionnels.
Maintenant, d'après l'étude qu'on en a faite
jusqu'à maintenant, nous ne pouvons pas vous dire exactement quels
articles du projet de loi devraient s'appliquer en ces cas. Dans le cadre d'une
perspective globale, nous sommes convaincus qu'il serait bien que les services
professionnels soient inclus. A cet égard, nous ne croyons pas que ce
soit une question purement académique, dans la mesure où on
regarde cela dans une perspective globale.
Mme Bacon: C'est un problème social, alors?
Mme Lebeau (Françoise): De toute façon, on peut
déjà soulever certaines inquiétudes du fait d'une
exclusion comme cela, par exemple, dans le cas des studios de santé. On
pourrait très facilement recourir aux services d'un
physiothérapeute pour contourner la loi et éviter d'être
astreint aux dispositions concernant les contrats spéciaux. C'est un
exemple et cela se multiplie souvent. Toutes les exemptions dans ce domaine
sont particulièrement dangereuses, parce qu'elles rendent beaucoup plus
complexe la compréhension que peut en avoir la majorité des
gens.
Mme Bacon: Mais, en fait, c'est un éventail de situations
qui ont fait l'objet, peut-être, de recherches.
Mme Drapeau: Un éventail de situations, dans quel
sens?
Mme Bacon: D'ordre très pratique. Evidemment, vous ne
recevez pas de plaintes...
Mme Drapeau: ...
Mme Bacon: Mais vous avez quand même été en
mesure de prendre connaissance de plaintes qui sont...
Mme Drapeau: A cet égard, non. Mme Bacon: Non plus.
Mme Drapeau: Tout ce que je peux vous dire, c'est que moi,
personnellement, j'ai vu de la jurisprudence, étant donné que je
travaille actuellement sous les services professionnels. Mais je ne pourrai pas
vous donner les cas. Je devais les avoir hier, mais je ne les ai pas eus pour
aujourd'hui.
Mme Lebeau: Ce qu'on veut dire, c'est qu'on considère que
le Code des professions va assurer le contrôle de la qualité du
service, de l'éthique professionnelle, mais on pense que tout le
régime contractuel devrait être régi par une loi qui a un
caractère uniforme. On ne croit pas que cette protection est
assurée par le Code des professions.
Mme Drapeau: Dans ce sens, on comprend assez bien
qu'actuellement, cela peut être une des
raisons, du moins, pour lesquelles les services professionnels sont
exclus de la loi. Nous, nous l'insérons vraiment dans le cadre d'une
perspective globale du phénomène de la consommation. Cela rejoint
un peu la réflexion critique qu'on faisait sur l'approche
législative actuelle dans la conclusion que je viens de vous lire.
Mme Bacon: D'accord!
Le Président (M. Kennedy): Me Drapeau...
Mme Drapeau: Cela justifie, à mon avis, beaucoup des
modifications qu'on propose.
Le Président (M. Kennedy): ... pourrais-je demander
à vos collaboratrices de s'identifier au moment où elles prennent
la parole? C'est pour les fins d'enregistrement.
Mme Drapeau: Me Françoise Lebeau.
Mme Bacon: Concernant la vente par commerçants
itinérants, vous signalez, à juste titre, l'importance de
l'article 157, qui vise à empêcher certains commerçants
d'insérer dans leurs contrats la possibilité de résilier
si la vente en est une par un vendeur itinérant, alors même que
cette disposition n'est aucunement applicable. Evidemment, nous comptons bien
informer les consommateurs à ce sujet, de façon à
déjouer certains commerçants. Mais quand vous suggérez que
le délai de réflexion de dix jours puisse courir à compter
de la livraison du bien, est-ce qu'il n'y a pas une confusion entre le
délai de réflexion, ce qu'on appelle le "cooling-off period", et
la vente à l'essai? Parce que souvent...
Mme Drapeau: J'ai l'impression que c'est une vente à
l'essai, à moins que je ne me trompe...
Mme Bacon: Ce que vous suggérez, ça deviendrait une
vente à l'essai.
Mme Drapeau: Oui, parce que le délai de réflexion
qui est donné au consommateur, on tient pour acquis que dans le cas des
ventes itinérantes, ce sont des ventes sous pression qui sont faites, et
la loi a donné cette technique juridique au consommateur pour qu'il
puisse y réfléchir et comparer avec d'autres biens. Le
problème qui se pose, dans ce cas, c'est que les commerçants
itinérants sont tenus des risques en cas de perte ou de
détérioration des biens.
Mme Bacon:... c'est différent de ce qui existe partout,
les cinq jours qui existent déjà dans la loi 45 sont une
période de réflexion.
Mme Drapeau: Oui.
Mme Bacon: Nous l'augmentons à dix. Dans d'autres
provinces, c'est la même chose.
Mme Drapeau: Même si vous l'augmentiez à dix, le
délai de réflexion, à l'heure actuelle, n'est pas
appliqué. Même si le consommateur réfléchissait,
s'il n'a pas le bien dans les mains pour pouvoir le comparer avec un autre,
ça ne donne rien. L'important, ce n'est peut-être pas tellement la
longueur du délai et en ce sens-là, nous sommes contents
qu'il soit allongé c'est que le consommateur ait le bien dans les
mains pour pouvoir comparer. La pratique actuelle, c'est que le
commerçant itinérant qui vend un bien le 25, et le type a
jusqu'au 30, il va le livrer le 31 ou le 1er. A ce moment, d'une part, il est
trop tard, et vous ne pouvez pas comparer le bien.
Mme Bacon: C'est bien ce que vous voyez dans votre
mémoire, une vente à l'essai.
Mme Drapeau: Oui, c'est ça. Parce que l'avantage pour le
commerçant itinérant de livrer plus tard, d'une part, c'est
d'éviter que la loi s'applique, et, d'autre part aussi, c'est qu'il
n'est pas tenu des risques et des pertes qui peuvent survenir dans ce
délai.
Mme Bacon: Ah bon!
Mme Drapeau: Dans ce sens-là, il contourne vraiment les
deux dispositions principales de la vente par commerçants
itinérants qui sont d'une part, la possibilité de
résiliation, et le fait qu'ils soient tenus au risque.
Mme Bacon: Concernant la définition du mot "automobile"
dans votre mémoire, à la page 8, je pense qu'on a
déjà discuté...
Mme Drapeau: Les automobiles conventionnelles...
Mme Bacon: ... beaucoup de ce problème avec d'autres
intervenants, on avait dit que cette expression serait, de toute façon,
redéfinie, compte tenu des buts recherchés par la Loi sur la
protection du consommateur, soit de protéger le consommateur qui
achète ou fait réparer une automobile conventionnelle, ce qu'on
connaît habituellement. ... peut-être d'autres véhicules
à identifier, en tenant compte des représentations qui ont
été faites et qui seront faites devant cette commission qui, en
fait, finit demain.
Mme Drapeau: ... même dans le cas de tracteurs ou de
"bulldozers"......qui sont achetés soit par des cultivateurs, ou des
choses comme ça. A cet égard, on n'a pas précisé.
On est d'accord avec les autres mémoires qui ont été
présentés en ce qui a trait à la définition de
"consommateur" également. On n'a pas fait de recherche là-dessus,
mais...
Mme Bacon: Nous allons tenir compte des représentations
que vous nous faites en ce qui a trait à l'expression "automobile".
Mme Drapeau: Merci!
Mme Bacon: Concernant la vente d'automobi-
les usagées, nous prenons note aussi d'assujettir le courtier ou
l'intermédiaire...
Mme Drapeau: A l'article 51.
Mme Bacon: ... Oui, à l'article 51......à
l'occasion de la vente d'automobiles usagées, il y a l'obligation de
fournir au consommateur aussi les informations exigées par l'article 51.
C'est important.
A la page 13 de votre mémoire, concernant l'article 53, vous
recommandez un régime de garantie aux frais du vendeur de l'automobile
usagée. Est-ce que votre proposition ne serait pas de nature à
faire augmenter le prix de vente des automobiles usagées? Cela nous a
été mentionné au cours de la période où nous
avons entendu différents mémoires. Ne craignez-vous pas que votre
proposition, à la page 13, fasse augmenter le prix?
Mme Morel-Brisson (Anne-Marie): Anne-Marie Morel-Brisson. La
première proposition, a), non, parce que, dans le moment, c'est ce qui
est assumé en vertu du Code civil par le vendeur d'un véhicule
usagé. Alors, je ne pense pas que cela puisse... Il suffit que les
tribunaux l'imposent comme obligation. On va toujours contourner l'application
de la garantie 50/50.
Mme Bacon: En fait, ce sont des opinions qui ont
été émises ici, devant cette commission parlementaire.
Vous recommandez aussi, à la même page de votre
mémoire, de spécifier dans la loi que les automobiles
usagées de moins de $1000 demeurent régies par le Code civil.
Pourquoi recommandez-vous cela?
Mme Morel-Brisson: C'est toujours dans le souci d'avoir une loi
accessible au consommateur pour qu'il puisse, en lisant le texte de loi, savoir
quels sont ses droits. Autrement, il va lire ce texte de loi et il va dire:
C'est bien de valeur, mon automobile, je l'ai payée moins de $1000;
alors, je n'ai plus aucune protection. Mais, au fond, évidemment, le
but, c'est un droit unifié. Cela ne serait pas, au fond, si terrible que
ce soit imposé à tout le monde, que les commerçants aient
un à-côté à eux, pour eux. A ce niveau, il y a des
dispositions législatives qui ont été introduites
précédemment, qui sont d'ordre public, comme l'article 1040a sur
le délai de 60 jours ou le prêt, la révision des
prêts, article 1040c. Cela fait quinze ans que cela marche et cela
va.
Nos autres recommandations sont dans ce sens, à l'article 4.
Mme Drapeau: Si je peux me permettre, à cet égard,
il y a une chose que je considère essentielle de dire. C'est que, dans
le cadre actuel du projet de loi no 7, en ce qui a trait au garagiste, les
obligations qui lui sont imposées sont inférieures à ce
que le Code civil lui impose actuellement, sauf, évidemment, les cas
où le garagiste stipule une exclusion de garantie.
J'ai lu quelques-uns des mémoires qui ont été
présentés à la commission parlementaire. Il y avait un
problème qui était très souvent soulevé, que 45%
des ventes étaient faites entre consommateurs. Je pense qu'il y a deux
ou trois précisions à apporter.
A l'heure actuelle, quand une vente d'automobile usagée est faite
entre consommateur, c'est le Code civil qui les régit et ceux-ci sont
tenus à 100% des dommages. C'est encore pire dans le cas où le
garagiste, comme cela a été très souvent mentionné,
procédait par publication dans les journaux, se faisait passer pour un
consommateur. Dans ce cas, il était tenu à 100%, ce qui est plus
que ce que la loi lui impose actuellement, et, dans le cas où
c'était un garagiste qui se faisait passer pour un consommateur,
très souvent, il y avait des conseillers juridiques qui pouvaient lui
suggérer l'exclusion de garantie.
Actuellement, les garagistes, pour ce qui est du rouage
d'entraînement et du moteur, sont tenus à moins, en vertu du
projet, que ce à quoi le Code civil les oblige.
Quand on a parlé, au cours des mémoires, de
discrimination, que les garagistes venaient dire qu'il y avait de la
discrimination, à notre avis, cela ne s'applique pas du tout. Au
contraire, ils sont favorisés actuellement.
Mme Bacon: Concernant les frais de remorquage d'une automobile
usagée défectueuse ou encore garantie, est-ce que, à votre
connaissance, il existe une loi semblable en Amérique du Nord? Est-ce
qu'il y a une jurisprudence en ce sens?
Mme Morel-Brisson: Je ne connais pas de loi à cet effet
mais, en vertu du Code civil, ce sont des dommages directs, qui
découlent directement, du fait qu'une voiture se brise. Si c'est un bris
que le vendeur doit assumer, il doit aussi assumer les dommages qui en
découlent directement. Le remorquage, c'est un dommage qui en
découle directement. A l'heure actuelle, la jurisprudence accorde ce
type de dommage au consommateur.
Mme Drapeau: D'ailleurs, à cet égard, si on a
mentionné qu'il serait bon que ce soit précisé dans la
loi, c'était dans le même but que les deux dernières
modifications qu'on propose. C'est de préciser la loi en vue d'une
meilleure accessibilité pour le consommateur, uniquement pour cette
raison, parce qu'on pense que c'est déjà couvert par le Code
civil.
C'est un problème qui se pose très souvent, dans la Loi de
la protection du consommateur. Si vous avez une autre loi qui est
dérogatoire au Code civil, le Code civil existe encore, il y a des
règles d'interprétation qui disent qu'à moins que ce soit
absolument incompatible, cela s'applique. C'est un problème qu'on
rencontre très souvent.
En ce sens, quand on dit que ce ne serait pas mauvais de reprendre
certaines dispositions du Code civil et de faire une charte de la consommation,
un code de la consommation, cela éviterait des cas comme cela. En fait,
c'est ce qu'on veut mettre en lumière.
Mme Bacon: Plusieurs associations, dont les garagistes, qui ont
présenté des mémoires devant cette commission, ont
insisté sur des difficultés qui découlent de
l'évaluation obligatoire concernant la réparation d'automobiles.
Ils nous ont décrit aussi la situation qui se produirait dans les
ateliers de réparation. On l'a encore entendu ce matin. Au début
de chaque journée de travail, cet engorgement dans les ateliers le
matin, comment réagissez-vous devant le problème pratique
parce que je pense que c'est bien pratique l'engorgement des ateliers le
matin, par le fait même de l'impossibilité pour le garagiste de
donner rapidement toutes les évaluations requises?
Mme Lebeau: Cette évaluation pourrait être
donnée avant que les travaux soient entrepris, sans
nécessairement être donnée au moment où la personne
laisse son automobile. C'est une question d'autorisation.
Mme Bacon: Mais comment est-ce qu'il fait pour communiquer,
à ce moment-là, avec son client, avec le consommateur?
Mme Lebeau: J'imagine que ce sont des modalités
très pratiques. On peut repasser au garage.
Mme Bacon: C'est un problème.
Mme Drapeau: Je le comprends très bien, notamment dans le
cas de l'évaluation de réparations mécaniques. Cela, je
vous dis: Oui, on n'y a pas encore pensé, bien honnêtement.
Excusez-moi. C'est un peu le problème qu'on a. Etant donné
qu'on est un groupe de recherche, on consacre assez de temps à la
recherche qu'on a très peu de disponibilité souvent pour aller
voir vraiment les plaintes pratiques qui sont faites et, encore plus, lorsqu'il
s'agit de garagistes.
Mme Bacon: C'est parce que, pour ma part, je deviens de plus en
plus pratique, à la suite de ce que j'ai entendu au cours de cette
commission.
Mme Drapeau: Evidemment, je serais tentée de vous
répondre sur une question de principe. Vous avez vu, d'ailleurs,
l'orientation de notre mémoire. Dans la mesure où on permet au
consommateur de faire une renonciation écrite pour que l'obligation de
l'évaluation ne s'applique pas, tout ce qui a trait à la
réparation d'automobiles, l'effet qui est visé par la loi risque
d'être complètement subjugué, diminué. C'est fort
possible que cela devienne une pratique commerciale. C'est vraiment une
question de principe, dans le sens qu'on a une Loi de la protection du
consommateur qui décide de protéger le consommateur parce qu'en
matière de réparation il y a des abus; c'est une
légère conséquence. Vous comprenez ce que je veux
dire?
Mme Bacon: Oui.
Mme Drapeau: C'est une question de principe finalement.
Mme Bacon: Le Club automobile, par exemple, a déjà
souligné que la garantie qui est prévue à l'article 75
était trop faible. J'aimerais savoir sur quelles données
pratiques vous vous basez pour réclamer une garantie de trois mois ou de
3000 milles.
Mme Morel-Brisson (Anne-Marie): Je n'ai pas la jurisprudence avec
moi, mais je l'ai déjà regardée et c'est habituellement
sur les pièces la garantie qui est donnée. Quant au service
lui-même qui est rendu, en vertu du Code civil toujours, la question du
louage de services, le garagiste qui effectue mal une réparation est
tenu d'assumer les dommages que cela cause. C'est pour cela que la disposition
de un mois ou 1000 milles nous paraît insuffisante, puisque
déjà les garagistes nous semblent offrir plus. On n'a pas fait
une enquête, évidemment, auprès des garagistes.
Mme Bacon: Concernant les contrats de louage, il y a des
organismes qui sont venus ici, qui nous ont signalé l'existence
d'abonnements permanents des studios de santé. J'aimerais savoir ce que
vous pensez de cette pratique qui existe actuellement, les abonnements
permanents des studios de santé. Est-ce que vous vous êtes
arrêtées à ce problème-là?
Mme Drapeau: Sincèrement non. Tout ce qu'on a vu, nous,
évidemment, d'une façon bien légaliste dans la loi, c'est
qu'il y avait une possibilité de contourner la loi sur le plan de la
technique.
Mme Bacon: Oui.
Mme Drapeau: Comme on l'a expliqué, dans la mesure
où le taux horaire ou quotidien n'est pas défini, il y a
possibilité de mettre l'obligation totale du consommateur sur les deux
premiers mois ou sur les premiers jours et que ce soit diminué à
la fin ou simplement gratuit. En ce qui a trait aux abonnements permanents,
intuitivement j'ai une idée, mais pratiquement, je ne pourrais pas vous
aider.
Mme Bacon: D'accord. Nous avons quand même
noté...
Mme Lebeau: Françoise Lebeau. Je pourrais ajouter que j'ai
eu connaissance de nombreuses plaintes de personnes qui viennent avec un
contrat permanent de studio de santé et qui veulent annuler. Le
problème se pose de la même façon pour ce contrat, si on
veut l'annuler dans les jours qui suivent. Je pense bien que le droit devrait
être ouvert de la même façon que pour tout autre
contrat.
Mme Drapeau: En ce sens-là on peut dire qu'on
entérine complètement ce que le projet de loi prévoit.
Mme Bacon: Concernant l'endettement au Québec, il est
évident que nous sommes
conscients du problème de l'endettement qui est une
réalité importante dans notre société de
consommation, mais il faut à l'avenir, tel que je l'ai
déjà dit à l'Association des compagnies
financières, étudier de plus près les différents
facteurs qui favorisent l'endettement désordonné des
consommateurs.
Quant aux dossiers de crédit, je dois dire qu'ils feront
sûrement l'objet d'une loi distincte qui sera introduite à la
reprise de la session. Si on en arrive au contrat de crédit, par
exemple, aux pages 17 et 19, nous prenons note des remarques que vous nous
faites concernant l'information qui accompagne la publicité du
crédit et, à la page 18, vous suggérez de modifier les
annexes 2 à 6 du contrat type.
Selon vous, est-ce que ces contrats types devraient permettre des
stipulations additionnelles ou tout simplement les garder tels quels?
Mme Lebeau: Pour ma part, en tout cas, je crois que toute
stipulation additionnelle devrait être le plus limité possible.
Parce que c'est extrêmement difficile de comprendre les contrats de
finance. Dans l'état actuel de la rédaction, au niveau du
français, la plupart du temps, c'est pratiquement
incompréhensible, les mentions obligatoires se perdent dans une
multitude de mentions contradictoires, soit que ce soit sur l'avis de paiement
que le consommateur va recevoir ou sur le contrat même. On se contente de
mettre les mentions obligatoires et à côté de ça, on
peut déblatérer pendant des pages et des pages. Je me suis
penché sur un certain nombre de contrats de compagnies de finance et
même en ayant une certaine expérience dans la lecture de ce genre
de contrats, je vous avoue qu'il y a des paragraphes entiers qui sont
incompréhensibles. Je pense qu'on devrait limiter vraiment au minimum
toute mention additionnelle.
Tout ce que cela devrait impliquer, c'est que la compagnie puisse donner
ses droits de recours contre le consommateur au cas de défaut et
ça devrait être homogène, tout droit de recours devrait
être assez homogène.
Je pense que ça permettrait que ce genre de formulaire puisse
être étudié, qu'on apprenne ça à
l'école, qu'on soit familier avec ce genre de contrat, qu'on soit
familier avec le sens du contrat aussi. Comme on a le bail type maintenant, je
pense que ça devrait...
Mme Morel-Brisson: Anne-Marie Morel-Brisson. J'aimerais juste
ajouter un petit mot là-dessus. Cela éviterait qu'un
commerçant qui est de bonne foi se fasse avoir sur une technicité
parce qu'il a oublié d'inclure quelque chose. Parce que s'il y a un
formulaire type, il n'aura qu'à le remplir et il ne pourra plus dire:
C'est bête de me faire attraper comme ça; au fond, il était
de bonne foi, ce gars-là, et je le comprends d'être agressif.
Mme Lebeau: C'est important qu'on aille davantage au fond du
problème. La forme est un problème qui pourrait être
résolu de façon assez simple. Ce serait pour le mieux, je
pense.
Mme Bacon: Concernant les pratiques interdites, vous avez fait
des remarques concernant l'inclusion des services à l'article 146, au
paragraphe e). Vous nous suggérez d'inclure un article qui rendrait
illégale toute pratique de la part d'un manufacturier, d'un
commerçant ou d'un publicitaire qui a pour effet d'induire un
consommateur en erreur, l'inciter à la passation d'un contrat. Nous
avons déjà déclaré devant cette commission que
l'insertion d'un tel concept général, la pratique interdite, nous
laisse un peu songeurs notamment en ce qu'elle contrevient au principe qu'en
matière pénale, il ne saurait y avoir infraction sans texte et en
ce qu'elle créerait de l'incertitude au niveau de
l'insécurité d'un contrat, surtout si on prend en
considération les conséquences de l'article 150.
J'aimerais que vous nous disiez, selon vous, quels ont été
les résultats obtenus par l'insertion d'un tel concept
général, la pratique interdite, dans des Etats où cette
approche a été retenue. Parce qu'il y a des Etats où on a
retenu une telle approche.
Mme Drapeau: Je regrette, je ne peux pas répondre à
votre question, parce que je n'ai pas étudié d'autre loi. Ce que
je peux vous dire, c'est un peu la réponse qui vous a été
donnée par Me Filion, je crois, du Barreau, c'est, je pense, dans la loi
relative aux enquêtes et coalition, je l'ai déjà lue mais
je n'ai pas regardé. Le concept général existe et, comme
le dit Me Lebeau, il vient d'être récemment intégré
et il y a également comme on a à l'article 146, des
énumérations.
Mme Lebeau: C'est le même genre de concept qui existe dans
la Loi sur les enquêtes et coalitions depuis janvier 1967, je ne sais pas
dans quelle mesure cela a été utilisé. En
général, on va se servir du principe, on va préciser
l'infraction. Mais c'est toujours utile, par exemple, pour...
Mme Drapeau: Interprétation restrictive dont on parlait
tout à l'heure. En ce sens, dans la Loi sur les enquêtes et
coalition, il existe le concept général et ce que nous avons
actuellement dans le projet de loi no 7. C'est pour cette raison que dans notre
mémoire, on disait que c'était mieux de suppléer l'article
146, mais on a par la suite corrigé en disant que c'était mieux
d'ajouter l'article 146.
Mme Lebeau: On a l'impression qu'il est assez bien défini
quand on parle de renseignements faux ou trompeurs; que ce soit concernant la
qualité, la quantité, l'infraction reste quand même.
Mme Bacon: A la page 21 du mémoire, vous nous recommandez
d'interdire le versement de toute ristourne, bonis ou commissions, en
considération de l'obtention du financement d'un contrat passé
entre un commerçant et un consommateur et pas uniquement aux seuls cas
de cession de créances. Est-ce que vous pouvez développer votre
pensée concernant ces autres cas que le projet de loi n'a pas
inclus?
Mme Drapeau: A l'égard de l'article 172, nous voulons
qu'il s'applique non pas aux cas de ces-
sion de créances, mais aux cas qui visent à l'obtention
d'un financement. C'est plus payant pour un vendeur d'automobiles
usagées de s'organiser pour que son acheteur achète à
crédit, parce qu'il a une commission quand il recommande le type
à la compagnie de finance. Ce sont les cas que cela vise.
Cette commission-là, on dit que c'est le consommateur qui en fait
les frais. Cela vise uniquement ces cas-là. Il y a des vendeurs
d'automobiles qui peuvent céder la créance à la compagnie
de finance. Là encore, ils ont entre $50 et $300 de commission,
dépendant de la valeur de l'auto.
Mais il y a aussi les cas qui sont peut-être encore plus
fréquents, mais je n'ai pas de cas pratiques là-dessus, où
c'est effectivement plus payant pour le vendeur d'automobiles d'envoyer le type
à la compagnie de finance pour qu'il se fasse financer pour une partie
de son contrat, parce que lui, il va recevoir $50 ou $100 de plus.
Mme Bacon: Suivant le volume des ventes.
Mme Drapeau: C'est cela. Et il paraît que c'est une
pratique assez habituelle.
M. Léger: Toujours dépendant de la note.
Mme Drapeau: Oui, probablement. Mais je n'ai pas eu de...
Mme Bacon: C'est le même principe.
L'article 158 concernant les primes, est-ce que vous pensez que cela
devrait être formulé de façon à régir plus
rigoureusement la publicité des primes, plutôt que d'interdire
globalement de telles primes, sauf certaines exceptions? Est-ce que, selon
vous, on devrait...
Mme Drapeau: Voulez-vous répéter votre question,
s'il vous plaît?
Mme Bacon: Vous parlez de l'article 158, à la page 21 de
votre mémoire. Est-ce que cet article devrait être formulé
de façon à régir d'une façon plus rigoureuse la
publicité des primes, plutôt que d'interdire globalement les
primes? Il y a la prime qu'on offre, mais il y a aussi une publicité que
l'on fait autour de cette prime.
Mme Lebeau: Dans le moment, l'article est difficile à
comprendre. Ce qu'on croit comprendre, c'est que cela limite la
possibilité pour le commerçant d'offrir seulement la prime. Il
doit offrir la valeur en argent. On a beaucoup de difficulté à
imaginer les modalités d'une telle pratique. Je pense que, de toute
façon, le fait d'offrir des primes est un mode de publicité et
c'est peut-être un mode de publicité qu'il faudrait penser
à enrayer.
Mme Bacon: C'était une question hypothétique qu'on
posait aux gens qui fournissent les primes, qui étaient ici hier. C'est
pour cela que je vous la pose à nouveau. Hypothétiquement, si on
bannissait complètement la publicité des primes et non pas la
prime, est-ce que vous seriez d'accord avec cela ou si, même là,
vous trouvez qu'on devrait complètement bannir la publicité sur
les primes?
Mme Lebeau: Pourquoi bannir la publicité sur les primes,
bannir la publicité télévisée, mais ne pas bannir
la publicité sur l'emballage?
Mme Bacon: II y a la publicité sur l'emballage, mais il y
a aussi la publicité que l'on fait. Souvent, on ne fait pas de
publicité autour de l'article même. On fait la publicité
sur la prime que l'on offre, avec une boîte de savon, par exemple.
Mme Lebeau: Vous parlez de publicité autre que celle qui
accompagne le produit, parce que...
Mme Bacon: La publicité autour de la prime. Est-ce que,
selon vous, on devrait bannir cette chose, sans bannir cette prime, en donnant
la possibilité aux manufacturiers de laisser la prime?
Mme Lebeau: Je vous avoue que c'est faire une démarcation
dans le domaine publicitaire. C'est dire que, par exemple, tout ce qui
accompagne l'emballage n'est pas sur le même pied que ce qui accompagne
la réclame publicitaire télévisée, par exemple, ou
l'affichage.
Mme Bacon: Ce que je dis, c'est qu'on interdirait toute
publicité.
Mme Lebeau: Comment le signalerait-on?
Mme Bacon: Ils ne la signaleraient pas du tout. Ils
continueraient à l'offrir dans la boîte. On continuerait à
offrir une serviette, par exemple. On nous a dit que, dans le Breeze bleu et le
Breeze blanc, lorsqu'on avait cessé d'insérer cette prime, on ne
pouvait plus vendre le Breeze blanc; il fallait le Breeze bleu avec la
serviette. On fait souvent une publicité autour de cette prime beaucoup
plus que sur le contenu de ces boîtes.
Mme Lebeau: Mais j'ai l'impression que ce serait diminuer pas mal
l'intérêt de mettre une prime...
Mme Drapeau: J'ai l'impression qu'il faudrait définir ce
qui fait acheter les gens. Est-ce que c'est la prime qu'il y a à
l'intérieur du produit ou le fait qu'on fasse de la publicité sur
le fait qu'il y a une prime dans le produit? Je pense que c'est un peu
là qu'est le problème.
Mme Bacon: Les gens achètent souvent parce qu'on a fait de
la publicité autour de la prime.
Mme Drapeau: C'est ce que je crois. En ce sens, je n'y ai pas
pensé plus profondément, mais je serais d'accord pour qu'on
l'abolisse.
Mme Lebeau: La question que je me pose, en tout cas, c'est de
savoir comment serait signalé le fait qu'il y a une prime.
Mme Bacon: II ne serait pas signalé.
Mme Drapeau: On l'aurait quand même; les gens l'auraient
dans la boîte.
Mme Lebeau: ... là où il y a une longue
habitude.
Le Président (M. Kennedy): Une boîte à
surprise.
Mme Drapeau: Cela voudrait dire finalement qu'il n'y aurait plus
de prime. C'est peut-être la publicité sur les primes qui fait que
les primes tiennent. On voulait souligner...
Mme Bacon: C'est important à ce point là, oui?
Mme Drapeau: ... à l'article 158, la façon dont
l'article est rédigé. L'article 158 n'aurait pas sa raison
d'être dans la mesure où le commerçant ne détermine
pas la valeur qu'il accorde à sa prime. A ce moment, tel que l'article
est rédigé, il n'a même plus besoin de donner le choix au
consommateur. On pourrait contourner l'article de la loi tout simplement en ne
donnant pas de valeur à sa prime. C'est ce qu'on voulait faire
ressortir.
Mme Bacon: Vous suggérez aussi, à la page 22 de
votre mémoire, concernant le recours pénal ouvert aux organismes
reconnus, d'autoriser certains organismes reconnus à faire des
poursuites pénales pour aider l'office à faire respecter la loi.
A qui devrait-on payer ou verser les amendes qui seraient recueillies à
l'occasion de telles poursuites? Avez-vous pensé à cela? A quel
organisme seraient versées les amendes?
Mme Lebeau: On s'est posé un peu la question, sans aller
au fond de la question. On sait que dans le cas de la Loi sur les produits
agricoles et les aliments, des poursuites ont été ouvertes aux
citoyens en général et que ces poursuites ont donné lieu
à la remise de l'amende aux citoyens qui poursuivaient. Il y a beaucoup
de discussions qui se sont faites autour de cela, à savoir que le droit
pénal ne vise pas à indemniser qui que ce soit. En fait, on n'a
pas approfondi davantage la question. On croit que cela devrait servir à
couvrir au moins les frais encourus par l'organisme qui intente la
poursuite.
Pour les bénéfices, cela pourrait aller à un fonds
d'indemnisation des consommateurs, éventuellement, ou à ce genre
de chose.
Mme Bacon: J'aurais peut-être un dernier commentaire. Le
droit de la protection du consommateur, si on veut l'appeler ainsi, est encore
très parcellaire, dispersé en plusieurs lois, dépendant,
comme vous le soulignez dans votre mémoire, de plusieurs
ministères, tant provinciaux que fédéraux. Le projet de
loi no 7 regroupe dans une même loi et autourd'un même organisme
certains éléments dans le sens qu'il s'agit d'une première
étape d'un regroupement des lois de la protection du consommateur.
De plus, on pourrait ajouter que l'Office de la protection du
consommateur dispose actuellement d'un poste qui sera comblé sous peu.
L'une des principales fonctions du titulaire serait d'assurer la liaison avec
les autres services gouvernementaux qui s'occupent de la protection du
consommateur. Je pense que c'est déjà une étape
très importante. C'est un point de départ d'une démarche
qui vise à simplifier pour le consommateur l'accès aux
mécanismes de protection que le gouvernement a mis à sa
disposition.
Quant à la création d'un ministère de la
consommation, sans pour autant rejeter personnellement, catégoriquement
et définitivement cette suggestion, j'ai pensé qu'avant de
repenser ou refaire les structures, l'administration de la protection du
consommateur, il était plus urgent de reprendre la législation
sur le sujet, quitte à réétudier plus tard les structures
administratives.
Finalement, pour ce qui est de l'action collective que vous mentionnez
dans votre mémoire, dans votre conclusion, je dois vous dire que je suis
convaincue de l'utilité d'une telle mesure je l'ai
déjà mentionné à plusieurs reprises non
seulement de l'utilité, mais aussi de sa nécessité pour
assurer aux consommateurs un exercice plus complet de leurs droits. La question
est actuellement à l'étude au ministère de la Justice et
au ministère que je dirige. J'ai déjà dit que si ce
recours était inclus au Code de procédure civile, son application
serait étendue à tous les justiciables, alors que s'il
était inséré seulement à la Loi de la protection du
consommateur, ce recours ne serait utilisable que dans les relations entre
commerçants et consommateurs. C'est un peu pour cela qu'il n'est pas
inclus présentement dans le projet de loi no 7. Mais nous continuons
à examiner cette question du problème, sans pour cela le tenir
trop éloigné.
Mme Drapeau: Tout ce que nous souhaitons, c'est que dans
l'éventualité où il n'y aurait pas, au provincial, au
ministère de la Justice, amendement ou simplement rajout au Code civil,
c'est qu'à tout le moins ce soit dans la Loi sur la protection du
consommateur. C'est mieux que rien.
Mme Bacon: Parfait.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Lafontaine.
M. Léger: Je voudrais d'abord vous féliciter pour
votre mémoire qui est très objectif et très sain, et
surtout pour la manière de présenter votre mémoire
où, au départ, vous prenez la défense d'une façon
favorable du consommateur dans cette inégalité des chances dans
le domaine de l'achat d'un produit entre le consommateur et le
commerçant. La première question que je vous poserais, ce serait:
Le Groupe de recherche en consommation à la faculté de droit
à l'Université de Montréal, est-ce un groupe permanent ou
temporaire? A l'Université de Montréal, quand ceux qui,
participent à ce groupe quittent l'université,
est-ce que d'autres personnes continuent ou si c'est uniquement un
groupe temporaire?
Mme Drapeau: Johanne Drapeau. Actuellement, le Groupe de
recherche en consommation existe depuis deux ans. C'est un groupe de recherche
permanent qui centre la totalité de ses activités sur la
protection du consommateur. Le groupe est composé de sept à huit
personnes qui sont autant des juristes que des sociologues. Nous engageons
également, au cours de l'été, des étudiants qui
travaillent à différents sujets en matière de protection
du consommateur, mais nous sommes un groupe permanent.
M. Léger: D'accord.
Mme Lebeau: Le seul problème existant dans ce groupe,
c'est évidemment relié aux subventions.
Mme Drapeau: Evidemment, nous dépendons des subventions
gouvernementales.
M. Léger: D'accord.
Mme Drapeau: Jusqu'à maintenant, nous sommes un groupe
permanent qui offre certains services à certaines organisations et qui,
lui-même, fait tout simplement des recherches en matière de
protection du consommateur. A ce titre, nous avons des publications qui ont eu
lieu, qui auront lieu éventuellement sur tous les sujets dont je vous ai
énuméré les noms dans le mémoire, notamment la
publicité, le crédit, l'endettement, les tarifications de
services professionnels, les tarifications des biens et services, etc. Ce sont
des sujets qui seront étudiés par le groupe.
M. Léger: D'accord. D'ailleurs, je dois vous dire, Me
Drapeau, Me Brisson et Me Lebeau, que, quand le président vous a
demandé de mentionner votre nom, une fois était suffisante. Je
voyais que vous répétiez votre nom à chaque fois. Je
voyais que vous étiez respectueuse de la loi, mais une fois que vous
l'avez mentionné, le journal des Débats va de lui-même
répéter votre nom.
Mme Drapeau: Je vous remercie. C'est peut-être un peu tard,
mais enfin...
M. Léger: Cela m'a permis de me rappeler votre nom.
Mme Drapeau: C'est bien.
M. Léger: J'aurais quelques questions. A la page 7 de
votre mémoire, vous parlez des produits alimentaires qui ne sont pas
touchés. Dans votre esprit, je pense bien, vous touchiez, entre autres,
aux vendeurs de congélateurs qui n'étaient pas couverts par cette
loi et qui se servaient de la vente de produits alimentaires pour vendre un
congélateur. C'est de ce groupe que vous vouliez parler?
Mme Drapeau: C'est cela. A ce titre, on aimerait savoir pourquoi
ils sont exclus actuellement de la loi, si c'était possible.
M. Léger: D'accord. Dans cette même page, vous
parlez aussi du délai de dix jours et de cinq jours pour que la personne
ait une période appelée "cooling off period". Maintenant, il a
été confirmé par les vendeurs à domicile qui sont
venus ici, l'Association des vendeurs a domicile, que, pour eux, ils vont
maintenant ou ils le faisaient depuis un certain temps, ils avaient acquis
l'habitude de ne livrer la marchandise qu'après la période de
réflexion. Le groupe des ACEF en 1971 avait demandé qu'il y ait
un paiement initial pour toute vente permettant, d'un côté, de
limiter et d'être un frein à la surconsommation et, en même
temps, permettant à des marchands de laisser des biens qui ont une
certaine valeur entre les mains du client, sachant que le montant d'acompte qui
a été donné permet quand même au consommateur de
faire attention, sachant qu'il a déjà mis un dépôt.
Est-ce que vous seriez d'accord sur le fait qu'il y ait un paiement initial
permettant la période de dix jours en possession de l'objet?
Mme Drapeau: Oui. Là-dessus, on serait d'accord.
M. Léger: D'accord. Un peu plus loin, vous parlez de la
vente des automobiles usagées. Est-ce que, d'après vous, la vente
entre consommateurs devrait être couverte? On a vu qu'il y avait un
pourcentage qui pouvait aller, je pense, jusqu'à 40% de la vente
d'automobiles qui était fait par des gens qui en faisaient, en
réalité, d'une façon cachée, un commerce, mais qui
passaient pour des personnes qui avaient elles-mêmes une auto seulement
et faisaient des annonces dans les journaux pour vendre elles-mêmes une
automobile.
Est-ce que vous pensez que, eux, devraient être couverts par cette
loi?
Mme Morel-Brisson: Nous pensons que ça devrait être
couvert par cette loi, notamment en ce qui concerne les divulgations, et nous
ne pensons pas que ce soit une obligation si lourde sur les épaules d'un
consommateur que de respecter la loi.
M. Léger: D'accord! Maintenant, il y a parfois des
consommateurs qui peuvent acheter une automobile qui peut avoir des vices
cachés ou visibles, mais qui, le sachant, préfèrent
l'avoir comme ça pour la réparer eux-mêmes et avoir un
meilleur prix. Pensez-vous que, dans votre interprétation, un
consommateur dérogerait à la loi actuelle s'il achetait une
automobile avec la mention "acceptée telle que vue"?
Mme Lebeau: Un consommateur...
M. Léger: C'est-à-dire que si le marchand disait:
L'automobile, vous acceptez de l'acheter telle
que vue, le consommateur, lui, ça lui permettrait de dire: Je
sais qu'il y a des problèmes dedans, mais je vais la réparer et
je vais pouvoir faire un certain profit avec ça.
Mme Lebeau: Je pense que le commerçant dérogerait
à la loi, parce qu'il ne peut pas exclure la garantie si celle-ci est
obligatoire. De toute façon, en jurisprudence, on a tendance à
limiter beaucoup l'effet d'une telle clause. On va très souvent ne pas
en tenir compte du tout. C'est une garantie légale qui existe et dont on
ne peut pas se...
M. Léger: Oui, mais dans l'automobile usagée, il
faut que le vendeur dise ce que la garantie comporte, qu'il y a tel ou tel
problème avec l'auto, sinon...
Mme Lebeau: Si on divulgue très bien le nombre de
défauts, le problème ne se pose pas.
M. Léger: Mais s'il n'y avait pas la divulgation de tous
les défauts, mais que le client l'achète telle que vue, est-ce
que ça dérogerait à la loi, selon vous?
Mme Morel-Brisson: Avec la loi actuelle, comme Françoise
le disait, les tribunaux refusent d'exclure toute garantie en disant que le
vendeur, à moins... Il faut que ce soit d'une façon vraiment
très particulière que les défauts aient été
divulgués, et que ce soit inscrit plus que "telle que vue", parce que
les tribunaux disent: Le vendeur, lui, c'est un expert. Il doit connaître
sa marchandise la vendeur commerçant, s'entend. Quelle
était la connaissance du consommateur qui a acheté une auto telle
que vue? Que ce soit une affaire de maison au d'auto, les tribunaux ont
toujours refusé d'appliquer ce type de garantie, et ont toujours
donné des recours aux consommateurs dans ces cas.
Mme Lebeau: C'est très rare, de toute façon, des
consommateurs qui sont en position de renoncer à des droits comme
ça pour dire: Je prends le risque, et je paie tant en sachant
très bien à quoi m'attendre.
M. Léger: Je pensais surtout au consommateur qui vend une
automobile à un autre consommateur. S'il était couvert par la
loi, à ce moment-là, lui, l'achète telle que vue. Il sait
qu'il va la réparer, et pour lui, c'est un avantage de l'avoir à
meilleur marché.
Mme Morel-Brisson: II faudrait alors que le projet de loi soit
modifié dans l'éventualité où on applique ça
aux consommateurs et qu'on permette aux consommateurs de déroger,
lorsque c'est une vente entre consommateurs, à la garantie
conventionnelle...
Mme Lebeau: II faudrait vraiment...
Mme Morel-Brisson:... pour arriver à vos fins, je ne suis
pas sûre d'être d'accord sur ça.
Mme Lebeau: Excusez. Il faudrait vraiment que l'auto soit
à très bon compte, c'est d'ailleurs la façon dont les
tribunaux vont réagir, parce que si on achète une auto à
$100, on peut s'attendre vraiment à ce qu'il y ait très peu de
garantie. C'est le genre de cas où la clause a été
appliquée.
M. Léger: Dans les garanties pour autos usagées,
une garantie de deux mois, et s'il y a une réparation au bout d'un mois
et demi, très souvent, au bout de deux mois, c'est terminé.
Pensez-vous que la période de deux mois devrait partir du moment
de la réparation? Donc, cela pourrait dépasser les deux mois
habituels.
Mme Morel-Brisson: Je crois que c'est déjà inclus
au niveau du chapitre de la garantie de la réparation. Même au
niveau de la vente elle-même, si la réparation que le bonhomme
fait ne répond pas au mal, la garantie, même si c'est rendu au 70e
jour, fait que, vu que le trouble est venu avant, on a toujours le droit de
faire réparer son véhicule de façon qu'il soit en
état de fonctionner. Pour cette nouvelle réparation, je pense que
cela va être couvert par le chapitre des réparations.
M. Léger: Vous dites plus loin, dans la même ligne,
à cause de l'article 53, que le garagiste peut doubler l'addition de
façon que, s'il est responsable de la moitié, il est encore
couvert. Est-ce que, d'après vous, cela devrait être une garantie
de 100% plutôt que de 50/50?
Mme Morel-Brisson: Oui, cela devrait être une garantie de
100% parce que c'est la pratique actuelle. C'est l'obligation que le Code civil
impose actuellement. Alors, c'est trop facile, cette histoire de 50/50. Comme
on le dit, déjà, en 1961, cette pratique était
dénoncée par les- tribunaux et par des personnes qui
s'étaient penchées sur le problème.
M. Léger: Concernant les dommages que peut avoir, en plus
du coût des réparations, une personne qui achète une
automobile, vous parliez tantôt de personnes dont leurs autos ont une
défaillance à un endroit éloigné du garage.
Supposons que quelqu'un vient à Québec et a une garantie à
Montréal, le coût du remorquage devrait être inclus, selon
vous, dans les dépenses occasionnées par celui qui devrait
être protégé par la garantie. La même chose au niveau
des voitures assez spécialisées, les voitures européennes
ou voitures pour lesquelles les garages sont tellement limités qu'on ne
peut nécessairement pas les faire réparer qu'au garage
spécialisé. Est-ce que vous pensez réellement que les
garages devraient payer la note pour une réparation dans une autre ville
ou à un garage autre que la place où on l'a achetée,
surtout quand c'est une voiture usagée?
Mme Morel-Brisson: Enfin, c'est tout sur la notion de dommage
direct ou non qui découle du fait que la réparation a
été mal faite. Alors, je pense que, dans un cas comme dans
l'autre, évidemment, tout dépendra de la voiture. Si le gara-
giste est toujours tenu à la réparation, je pense qu'il
doit assumer les dommages qui entourent, qui résultent d'une mauvaise
réparation, même si c'est une voiture spéciale, une voiture
européenne ou quelle qu'elle soit.
Je comprends que cela peut paraître... Le garagiste vend des
voitures européennes. Il sera pénalisé. Et un bonhomme qui
vend des voitures américaines... Mais pourquoi ce serait au consommateur
à supporter cela?
M. Léger: Je comprends ce que vous dites là mais je
vous donne un exemple d'un garage qui vend une automobile usagée. Son
client a un problème avec sa voiture. Il est à Québec. A
ce moment-là, il la fait réparer à un garage de
Québec parce qu'il ne peut pas ramener l'auto mais le garage, à
Québec, va facturer, disons, $400.
Cela aurait peut-être coûté $400 au garagiste de
Montréal, mais dans les $400 du garagiste de Montréal, il y a la
partie de profit qu'il avait faite. Est-ce que vous voulez dire par là
qu'on devrait rembourser plus que cela aurait coûté au garage?
Mme Brisson: Je n'envisage pas le problème de cette
façon. La façon dont je l'envisage, je trouve que dans le code
civil, qui est relativement bien fait, cela permet justement d'apprécier
ces facteurs. Mais si les dommages sont réellement dus, si c'est ce que
le gars aurait payé à Montréal, ce sera au
commerçant garagiste à l'assumer. Si, par contre, on fait la
preuve évidemment si les parties ne peuvent pas s'entendre, on
ira devant les tribunaux que ce n'était qu'un dommage de $200, je
pense que probablement le consommateur aura à assumer une partie du
phénomène. C'est une question d'appréciation de dommages,
d'après moi, et qui ne doit pas être réglé cas par
cas par la loi. On doit laisser cette appréciation aux tribunaux, parce
qu'on ne pourra jamais régler tous les cas. En passant...
M. Léger: Sur le principe, je trouve que votre suggestion
est très bonne. Mais sur l'aspect pratique, le garagiste qui a
donné une garantie, la réparation aurait coûté
à son garage $400, et dans ces $400 quand même, à
Montréal, il y avait le profit qu'il faisait lui-même, son
employé qui n'aurait peut-être rien fait pendant ce temps, et qui
va travailler sur cela. Cela lui coûte beaucoup moins cher que les $400.
Cela lui coûterait peut-être $300 ou $225, mais il le facturerait
$400, parce que c'est le prix normal qu'il aurait facturé à
Montréal. Donc, cela lui aurait coûté à lui $250
pour des réparations de $400. Mais si c'est fait à Québec,
le garagiste va facturer lui aussi $400, mais celui qui est responsable va
payer beaucoup plus cher parce que c'est réparé ailleurs. C'est
cet aspect que je voulais dire.
Mme Brisson: Je comprends, mais je trouve toujours que c'est au
tribunal à apprécier cela et dans le moment je ne me sens pas en
mesure de juger si ce serait plus juste que ce soit le consommateur qui
supporte cela ou le commerçant. Je pense que c'est au tribunal à
apprécier ce dommage et apprécier qui doit supporter cela. Mais
après cela je pense que c'est le commerçant. Le consommateur cela
lui a coûté $400, c'est le dommage. En fait c'est parce que ce que
lui aurait payé, c'est ce que cela a fait comme effet direct au
consommateur.
M. Léger: Je vous suis sur le principe. A la page 21, vous
parlez des ristournes qui peuvent aller à un vendeur d'automobile ou de
meubles, une ristourne qu'il reçoit pour le financement. C'est un peu un
conflit d'intérêts parce que le vendeur a intérêt
à faire payer plus cher au client parce qu'il a une ristourne au point
de vue intérêt qu'il va recevoir de la compagnie de finance.
Est-ce que vous pensez que si la loi défendait complètement cela,
comme c'est le cas qui s'en vient, cela peut réellement amener une
diminution du coût des biens de consommation?
Mme Drapeau: Je crois que oui, dans la mesure où on tient
pour acquis que la commission est effectivement payée par le
consommateur. Mais encore, il faudrait vérifier les paniques qui sont
faites par les vendeurs d'autos, vendeurs de meubles. Mais sans cela, je ne
peux pas vous répondre exactement.
Mme Brisson: Si je peux me permettre, cela a certainement
l'effet, en tout cas, de permettre au consommateur, peut-être, un
"cooling off period", en ce sens qu'il va être obligé de trouver
son financement lui-même.
Présentement, on arrive dans un garage pour acheter une voiture
et on dit: Monsieur, j'ai un bon financement à 1% par mois, ce qui fait
un peu plus de 20% par année, mais c'est la pratique. Cela va
facilement, tous les papiers sont là. Alors, s'il faut aller à
l'extérieur pour trouver du financement, au moins, cela aura
déjà cet effet, si ça n'a pas pour effet de réduire
le coût du bien.
M. Léger: D'accord. Je voudrais faire simplement remarquer
au ministre que, sur la question de la prime, le "Board of Trade", je pense,
nous a dit qu'il était d'accord pour que les primes disparaissent;
alors, ça peut aider à faire disparaître réellement
les primes. Concernant la poursuite par un consommateur pour un contrat ou une
vente ou un bien qui n'est pas selon les règles et selon la loi, vous
êtes d'accord que les citoyens puissent eux-mêmes poursuivre et
recevoir une partie de l'amende qui... Oui.
Mme Lebeau: On a suggéré que ce soient des
organismes de consommation parce qu'on nous a opposé que ça
pourrait entraîner des poursuites vexatoires, que ça pourrait
être exorbitant; enfin, je n'aurais pas d'objection à ce que le
citoyen poursuive. En fait, j'ai l'impression que ça va être
beaucoup plus intéressant de poursuivre au plan civil pour avoir une
indemnisation en fonction de la perte encourue que pour toucher une partie de
l'amende. Disons que le recours pénal, on serait davantage
porté... A moins que l'amende revienne au citoyen, il y aurait
très peu d'intérêt pour un
citoyen à se présenter seul devant une cour et à
amener la preuve. C'est assez lourd. C'est peut-être illusoire d'ouvrir
ce droit.
Mme Drapeau: C'est dans ce sens qu'on proposait le recours
pénal ouvert aux associations et aux organismes de consommation.
M. Léger: D'accord.
Mme Lebeau: Maintenant, en ce qui a trait à la
distribution des bénéfices, on n'a pas pensé tellement,
à l'heure actuelle, à une formule, mais on pense qu'il serait
préférable de les donner à des organismes de consommation
plutôt que, par exemple, les donner au fonds consolidé du revenu,
des choses comme ça.
M. Léger: D'accord. Parce que le sens social n'est pas
tellement développé chez tous les gens, mais les organismes qui
défendent ces objectifs ont un intérêt bien social.
Mme Lebeau: C'est ça et ce recours est très
important parce que, souvent, ils sont engagés dans une action et ils
sont obligés de référer la plainte à un
ministère qui va donner l'autorisation, oui ou non, de poursuivre, mais
ça devient très frustrant. Il y a des questions qu'eux vont
vouloir soulever devant le tribunal et que le ministère ne sera pas
nécessairement intéressé à soulever. Je veux dire
qu'il y a des problèmes d'interprétation qui peuvent tenir
à coeur à un organisme qui voudrait bien en voir le fin mot
devant un tribunal.
M. Léger: Au niveau de la divulgation des renseignements
provenant de poursuites par le directeur, est-ce que vous pensez qu'il peut y
avoir des dangers publics sur la réputation d'un commerçant ou
d'un manufacturier que la divulgation, telle que préconisée par
la loi, de renseignements concernant les pratiques frauduleuses avant que ce
soit réellement condamné...
Mme Drapeau: Est-ce que vous parlez de la possibilité pour
le directeur de faire de la contre-publicité, est-ce que c'est
ça?
M. Léger: C'est à l'article 231. Mme Drapeau:
200...
M. Léger: 231.
Mme Lebeau: Je pense que le risque est assez mince
finalement.
Mme Drapeau: Le pouvoir de mise en garde.
M. Léger: Faire des mises en garde au public qu'il juge
opportunes...
Mme Drapeau: Nous sommes entièrement d'accord avec
ça.
Mme Lebeau: On est plutôt d'accord avec ce pouvoir. De
toute façon, si on fonctionnait de la même façon du
côté publicitaire, dire que, s'il y a danger et que ce ne soit pas
tout à fait vrai, la publicité, on devrait l'interdire. Je pense
qu'il ne faut pas être trop prudent d'un côté quand on l'est
si peu de l'autre.
M. Léger: Une dernière question. Vous avez,
dernièrement, je pense, fait une sorte de sondage concernant la
publicité aux enfants et certains groupes ici, dans le domaine de la
publicité, ont dit que l'échantillonnage n'était pas
suffisamment sérieux. Pourriez-vous nous donner votre point de vue
là-dessus pour replacer les choses dans leur juste contexte?
Mme Lebeau: D'accord. Mais je ne suis pas la personne la mieux
placée pour répondre à cela, parce que celui qui a fait le
sondage n'est pas ici. Je ne suis pas sociologue, je ne peux pas évaluer
les méthodes scientifiques qu'il a utilisées. Chose certaine,
c'est qu'il a travaillé avec des maisons de sondage reconnues. Ce n'est
pas lui qui a choisi l'échantillonnage; c'est une maison de sondage. Ce
n'est pas un sondage-maison.
De toute façon, si je peux ajouter quelque chose à ces
arguments qu'ont donnés les publicitaires, on a demandé l'opinion
de la population, cela nous a donné un indice. Mais c'est un choix que,
de toute façon, on fait pour plusieurs autres raisons. On demande
l'interdiction de la publicité aux enfants pour des raisons valables,
indépendamment de l'opinion de la population. C'est un choix qu'on fait.
On a bien conscience de défendre des intérêts qui sont tout
à fait divergents de ceux des publicitaires. On comprend très
bien les intérêts qu'ils défendent. Nous, nous
défendons des intérêts qu'on considère autres.
Par exemple, on a passé à travers les différentes
études américaines qui ont été faites sur le sujet
concernant la publicité aux enfants. C'est l'opinion de psychologues ou
de spécialistes qui travaillent dans ce domaine. Situons le débat
à son véritable niveau, c'est une question
d'intérêts à défendre. Je comprends fort bien qu'ils
défendent les leurs et qu'on défend les nôtres. C'est
tout.
M. Léger: D'accord. Je pense que ces sondages
étaient très importants. Cela permet même au
ministère d'avoir un son de cloche très important dans la
rédaction de ce projet de loi. Je voudrais vous remercier de votre
mémoire, du sérieux, de la pertinence des arguments et de la
qualité des intervenants qui sont venus défendre le projet
aujourd'hui.
Mme Drapeau: Je vous remercie au nom de tout le groupe de
recherche.
Le Président (M. Kennedy): Le député de
Taschereau.
M. Bonnier: M. le Président je suis toujours confus
d'avoir à poser quelques questions à la fin, surtout que
plusieurs personnes sont intéressées à partir. Je pense
qu'il y a quand même plusieurs points, au départ. En ce qui
regarde le crédit, point que vous avez soulevé, dans la question
des
ristournes, vous donnez des exemples dans le domaine de l'automobile;
cela ne pose peut-être pas de discrimination pour les différents
marchands.
Mais, dans le domaine des meubles, on s'est aperçu qu'un certain
nombre de magasins avaient leur propre système de crédit et qu'il
pouvait y avoir une discrimination entre les vendeurs à
l'intérieur de ces magasins et les marchands de meubles, les petits
marchands de meubles en particulier, qui disent: Si on ne fait pas affaires
avec une banque ou une compagnie de finance, on va perdre notre client.
Certains autres marchands de meubles ont leur propre système. Je
ne les nommerai pas, mais certains systèmes sont assez vicieux
d'ailleurs. A ce moment-là, est-ce qu'il n'y a pas une discrimination?
Est-ce qu'il ne faudrait pas imposer cet article avec un bon jugement? Est-ce
que vous comprenez le sens de ma question?
Mme Morel-Brisson: Oui.
M. Bonnier: Je vous demande si vous avez étudié ce
problème ou si vous n'avez pas regardé cet aspect.
Mme Morel-Brisson: Non, on n'a pas pensé à cet
aspect; on n'a pas pensé aux faits qu'il pouvait y avoir.
M. Bonnier: Deuxièmement, en ce qui regarde le
crédit variable, vous dites qu'il faudrait, même dans ces cas,
essayer de rendre publics les coûts du crédit variable.
Mme Drapeau: Je m'excuse.
M. Bonnier: Vous ai-je bien saisie?
Mme Drapeau: Oui. Ce qu'on demande, ce sont les raisons pour
lesquelles, dans la loi, les définitions qui ont trait aux contrats de
crédits et aux contrats de prêt d'argent ne s'appliquent-elles pas
aux contrats de crédit variable? S'il y a des raisons, quelles
sont-elles?
M. Bonnier: C'est parce que c'est par le mécanisme
même du crédit variable. Selon son essence même, vous avez
accès, au point de départ, à une certaine forme de
crédit, mais vous ne savez pas si vous allez l'utiliser et vous ne savez
pas quand vous allez l'utiliser. Selon votre taux d'utilisation de ce
crédit, les coûts mêmes du crédit vont varier. En
outre, si c'est sur une longue période, il y a également une
chance que le taux d'intérêt lui-même varie. Il est
difficile, au début d'un contrat de crédit variable...
Mme Drapeau: De le déterminer d'avance. M. Bonnier:
... de le déterminer. Mme Drapeau: Je vous remercie.
M. Bonnier: II y aurait un autre point d'interrogation aussi.
Vous avez fait une suggestion qui, en soi, est très bonne. Par exemple,
vous dites: Si on disait au consommateur, dans la publicité du
crédit, combien va lui coûter le crédit, il est fort
possible, dans plusieurs cas, qu'il n'aurait pas accès à ce
crédit. Vous dites: Si on attend que l'individu, ayant, à toutes
fins pratiques, acheté la marchandise, tout ce qu'il lui reste à
faire, c'est de signer sur la ligne; c'est vrai que, rendu à ce stade,
il se fout passablement des taux de crédit. C'est malheureusement
vrai.
Par ailleurs, encore une fois, dans l'ordre pratique des choses, il est
difficile pour une maison quelle qu'elle soit d'annoncer quels vont être
les taux de crédit à l'avance. Comme vous le savez, les taux de
crédit peuvent soit augmenter, soit diminuer d'une façon assez
rapide.
Mme Drapeau: II y a un minimum, j'imagine.
M. Bonnier: Non, il n'y en a pas. C'est très dangereux
d'annoncer, par exemple, que le crédit va être à 10% si, la
semaine prochaine, il est rendu à 10,5%, 10,25% ou à 11% dans
trois mois. Votre suggestion a du bon sens mais, dans la pratique, je ne peux
pas voir...
Mme Drapeau: C'est dans le cadre d'une politique de
prévention de l'endettement. Les modalités, il faudrait
peut-être les voir. On dit qu'on est convaincu...
Mme Lebeau: Le problème...
Mme Drapeau:... que la loi, telle qu'elle existe actuellement, ne
prévient pas l'endettement du tout.
M. Bonnier: En théorie, cette suggestion a du bon sens,
mais en pratique, elle est difficilement réalisable.
Mme Drapeau: Oui, je comprends, mais on peut quand même
vérifier les modalités.
Mme Morel-Brisson: On fait beaucoup de publicité sur le
rendement des obligations ou des dépôts, et cela aussi change
relativement à...
M. Bonnier: La publicité, dans ce cas, est vraie
simplement lorsque vous achetez vos obligations. Elle est vraie, parce
qu'à ce moment vous avez un gouvernement, quel qu'il soit, qui prend un
engagement pour X temps.
Mme Morel-Brisson: Excusez-moi, j'ai dit "obligations", mais je
ne parlais pas nécessairement des obligations, mais des prêts, des
placements que les maisons offrent, comme les compagnies de fiducie ou les
banques. En tout cas, je pense que je vois...
M. Bonnier: C'est vrai seulement pour la journée où
vous voyez que c'est annoncé.
Mme Morel-Brisson: Oui, mais ce serait la même chose en
fonction du crédit pour cette journée ou pour cette semaine. Cela
fluctue.
Quand on est dans des périodes assez hautes, cela ne serait pas
nécessairement au désavantage de la compagnie de finance
d'annoncer son taux de crédit.
M. Bonnier: Pour telle vente, par exemple le commerçant
dirait: Si vous achetez le crédit va vous coûter tant et il
mettrait à côté de leur article peut-être combien
coûterait le crédit pour cette journée.
Mme Morel-Brisson: Je pense que c'est plus dans le sens de la
compagnie de finance qui annonce à la télévision et qui
dit: Venez acheter et regarder les vacances, les réparations de maison,
etc. Qu'on dise en même temps que c'est 12,5% ou 14% ou 16% pour pouvoir
se procurer cela. C'est au niveau de la compagnie, de ceux qui font de la
publicité sur le financement, plus que sur l'achat d'un bien et sur le
crédit accessoire.
M. Bonnier: Oui, il faudrait avoir la même méthode
de calcul à ce moment. Très bien. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Kennedy): Merci, M. le
député de Taschereau. Alors, Me Drapeau, ainsi que vos
collaboratrices, nous vous remercions de votre souci d'améliorer le
projet de loi no 7. Surtout, je tiens à vous féliciter de votre
travail dans cette recherche que vous avez faite pour une meilleure loi et
aussi de l'objectif que vous semblez vouloir atteindre de la
société idéale. Merci.
Mme Drapeau: Merci beaucoup.
Le Président (M. Kennedy): La commission ajourne ses
travaux à demain matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 16 h 59)