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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 21 avril 1977 - Vol. 19 N° 32

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère des

Consommateurs, Coopératives

et Institutions financières

(Dix heures dix-huit minutes)

Le Président (M. Laplante): A l'ordre, mesdames et messieurs!

Reprise des travaux de la commission parlementaire des consommateurs, coopératives et institutions financières pour l'étude des crédits 1977/78. Font partie de cette commission: Beauséjour (Iberville), Bisaillon (Sainte-Marie), Gagnon (Champlain), Gosselin (Sherbrooke), Goulet (Bellechasse), Laberge (Jeanne-Mance), Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), Landry (Fabre), Larivière (Pontiac), Lefebvre (Viau), Marois (Laporte), Marquis (Matapédia), Payette (Dorion), Raynauld (Outremont), remplacé par Grasson (Montmagny-l'Islet), Roy (Beauce-Sud), Russell (Brome-Missisquoi), remplacé par Fontaine (Nicolet-Yamaska), Saint-Germain (Jacques-Cartier), Vaillancourt (Jonquière), remplacé par Proulx (Saint-Jean).

Programme 3. Mme le ministre.

Contrôle et surveillance des institutions financières

Mme Payette: M. le Président, dans le programme 3 du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières on trouve le contrôle et la surveillance des institutions financières. A l'élément 1, le service des caisses d'épargne et de crédit, nous savons que les objectifs du service des caisses d'épargne et de crédit visent à protéger le public épargnant, à surveiller et promouvoir le développement ordonné du secteur, à intervenir pour redresser, fusionner ou éliminer les caisses non rentables et à veiller sur les normes employées dans les pratiques financières.

Je suis heureuse de vous apprendre qu'un projet de loi amendant la Loi des caisses d'épargne et de crédit pour créer les fonds de sécurité, amendement qui est réclamé depuis plusieurs années par les caisses d'épargne et de crédit, est déjà prêt, a été approuvé par le Conseil des ministres et sera présenté à l'Assemblée nationale dans les jours ou les semaines qui viennent. C'était une priorité du ministère et je suis heureuse de vous dire que nous y avons donné suite immédiatement.

A l'élément 2, nous trouvons le service des compagnies de fiducie et de finance. Ce service des compagnies de fiducie et de finance a pour but de protéger les épargnants, les investisseurs et les autres personnes qui confient des fonds et des biens aux compagnies de fiducie, de financement et de prêt. Pour y parvenir, le service doit s'assurer de la solvabilité de ces institutions financières et de la saine administration des fonds et des biens qui leur sont confiés.

A l'élément 3, nous trouvons le service des assurances.

Le service des assurances a pour mission de surveiller les opérations financières des compagnies ou sociétés d'assurances faisant des affaires au Québec, tout comme l'activité professionnelle des intermédiaires, nommément les agents et les courtiers d'assurances ainsi que les agents de réclamation. Le service doit périodiquement faire procéder à des inspections et à des évaluations actuarielles aux fins de vérifier si les placements des compagnies et sociétés sont faits conformément aux dispositions de la Loi des assurances et si l'administration des entreprises se fait sur une base saine et propre à garantir à l'assuré les prestations d'assurance qu'il en attend.

Régime d'assurance-automobile

M. le Président, vous êtes au courant, les membres de cette commission également, que nous avons l'intention de présenter à la Chambre, un projet de loi, pour réformer l'assurance-automobile, projet de loi que nous espérons présenter en juin 1977, pour permettre la réalisation de cette réforme pour le tout début de 1978. A cet effet, M. le Président, j'aimerais vous faire part des grandes lignes de ce projet, et après de multiples études qui avaient commencé bien avant l'arrivée du ministre qui vous parle dans ce ministère des Coopératives, Consommateurs et Institutions financières, nous avons fait un choix qui me paraît fondamental et qui est une première en Amérique du Nord, c'est-à-dire, séparer, pour la première fois, les indemnisations pour dommages corporels et les indemnisations pour dommages matériels.

Notre choix s'est précisé au fur et à mesure que nous avons avancé dans nos études, à partir du moment où nous nous sommes mieux rendu compte, que la protection dans le domaine corporel devait être assumée par l'Etat, comme le sont les accidents de travail ou, par exemple, la réforme de l'assurance-maladie qui est intervenue il y a quelques années. Il y a présentement, au Québec, 28% des victimes qui ne sont jamais indemnisées. C'est un chiffre qui porte à réfléchir et nous avons cherché, avec les spécialistes mis à notre disposition, quelle était la meilleure façon de corriger cette situation et de faire en sorte que des victimes puissent être indemnisées immédiatement pour toutes les pertes encourues à cause d'un accident automobile.

Nous avons constaté, M. le Président, plusieurs injustices qui ont été portées à notre intention au sujet des indemnisations en matière corporelle.

Il serait facile, je crois, de vous citer des exemples de certaines personnes, souvent complètement handicapées, qui se sont vues réduites, par des circonstances hors de leur volonté, à vivre des deniers publics de la façon la plus difficile et la plus déplorable qu'on puisse imaginer.

Nous avons donc cru qu'il était de notre devoir, comme gouvernement, de nous assurer que toute victime puisse vivre décemment, puisse être indemnisée rapidement et complètement à la suite d'un accident d'automobile.

Nous avons choisi, M. le Président, d'adopter le régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité, c'est-à-dire le "no fault". Nous avons choisi d'adopter ce régime pour les indemnisations en matière de dommages corporels parce que le présent régime, celui qui existe présentement, est justement responsable des injustices dont je vous ai fait part, responsable du fait que 28%, comme je vous l'ai cité, des victimes n'ont jamais été indemnisées.

Nous ne pensons pas que ce choix du "no fault" dans le domaine du corporel soit, de quelle façon qu'on puisse imaginer, un encouragement à une mauvaise conduite au volant d'un véhicule.

Nous avons, cependant, compris que, si des lois doivent régir ce secteur, ces lois doivent être celles du Code civil et du Code criminel et qu'on doit cesser de chercher le coupable à partir des lois de l'assurance.

Pour le domaine du matériel, nous avons choisi de laisser à l'entreprise privée la liberté d'agir dans ce domaine de la protection matérielle des véhicules, mais en proposant aux assureurs de nouvelles règles du jeu, qui nous permettent de penser que nous pourrons, à l'intérieur d'une corporation à être créée, à laquelle tous les assureurs devront adhérer, exercer au nom du gouvernement une surveillance meilleure des primes d'abord, des coûts des réparations grâce à un réseau de centres d'évaluation que les assureurs devront construire à travers le Québec.

Nous favorisons l'indemnisation directe en matière de dommages matériels qui nous permet également de penser que nous éliminerons de cette façon un certain nombre d'intermédiaires qui font augmenter le coût de l'administration des assureurs. Nous avons inclus dans notre étude ce qui pourrait être un début de réforme du Code de la route et qui nous permettra collectivement d'atteindre de meilleurs standards quant à nos qualités de conducteurs sur les routes. Et les assureurs du Québec ont toujours expliqué qu'à cause de nos mauvaises fiches de conduite — il est vrai qu'il y a au Québec plus d'accidents d'automobiles que n'importe où au Canada — ils voyaient là la raison du coût des primes que nous connaissons.

En arrivant à donner des mesures de sécurité précises qui seront appliquées en obligeant les conducteurs du Québec à avoir plus de conscience sociale et de responsabilité, nous pensons que nous arriverons à un meilleur contrôle de l'augmentation des primes d'assurance-automobile.

Nous avons choisi également de donner à la régie d'Etat la possibilité d'intervenir en concurrence avec l'entreprise privée. Si nous devions constater, dans un an ou deux ans, que les mesures mises de l'avant par le gouvernement n'ont pas atteint tous les buts que nous nous sommes fixés, nous nous gardons la possibilité d'entrer en concurrence loyale, par la régie d'Etat, soit par l'achat d'une ou de deux compagnies d'assurance qui nous permettraient de savoir enfin de façon précise où se situent les problèmes dans l'indemnisation du secteur matériel de l'assurance-automobile.

Nous avons également recommandé la création d'une société de réassurance à laquelle le gouvernement participera, en collaboration avec les compagnies québécoises d'assurance-automobile, et nous favorisons la création d'un centre de distribution des risques qui ne trouvent pas preneurs. Je crois que nous intervenons là dans un domaine qui est extrêmement important.

Nous savons que plusieurs Québécois ne sont pas assurés du tout. Vingt pour cent de la population ne possèdent actuellement aucune assurance-automobile. Dans certains cas, nous sommes convaincus que certaines personnes continuent de penser qu'il n'est pas nécessaire d'être assurées. Mais, d'autre part, nous savons également que dans ces 20%, une grande partie a cherché de l'assurance sans arriver à en trouver.

Nous pensons, par le moyen de ce centre de distribution des risques, pouvoir assurer une couverture complète de tous les citoyens québécois et obliger les assureurs à partager ce qu'il est convenu d'appeler, sans que nous en soyons convaincus, les mauvais risques.

Nous avons également choisi, M. le Président, de confier à la régie l'administration du fonds d'indemnisation et d'accorder au surintendant des assurances des pouvoirs dont il ne dispose pas présentement, c'est-à-dire d'imposer un plan statistique aux assureurs et de les obliger à déposer leurs manuels de taux. Nous voulons également obliger le surintendant des assurances à présenter un rapport sur le niveau des primes en relation notamment avec le service ou l'avantage qu'en retire le consommateur, lequel rapport sera rendu public.

Je puis vous annoncer qu'avant que ce projet de loi ne soit déposé à l'Assemblée nationale, j'ai l'intention de visiter les huit capitales régionales du Québec, dans un premier temps, pour me permettre de connaître l'opinion de la population sur ce document de travail qui est déjà connu du public. Nous avons proposé, pour le financement de la partie d'indemnisation corporelle de ce régime, le financement de la Régie d'Etat, soit le prélèvement d'une cotisation lors de la délivrance du certificat d'immatriculation ou du permis de conduire, une taxe sur l'essence ou alors un impôt sur le revenu.

Nous envisageons également la possibilité d'une combinaison des trois, et nous sommes disposés, au cours de cette consultation populaire, à écouter d'autres suggestions qui pourraient venir de la population. Je pense qu'il est important de dire que nous étions conscients qu'il était difficile de faire une réforme de l'assurance-automobile sans s'attacher tout particulièrement à la sécurité routière au Québec. Nous étions également conscients que de l'information fausse involontairement véhiculée par certains Québécois avait très

souvent induit en erreur les Québécois par rapport à des systèmes exitants au Canada. Il y a eu très souvent confusion, par exemple, entre étatisation et "no fault".

On a pensé que l'étatisation signifiait automatiquement que le système d'indemnisation sans égard à la responsabilité devait faire partie d'un système étatisé. Ce qui n'est pas, M. le Président, nécessairement le cas. Il n'existe pas présentement de "no fault" intégral au Canada. Le Québec est donc la première province canadienne à adopter un tel régime pour la protection au niveau corporel.

D'autre part, très souvent, des Québécois bien intentionnés ont voulu comparer la situation du Québec à celle de la Saskatchewan qui paraît absolument idéale vue de l'extérieur. Sauf qu'il nous apparaît que la comparaison n'est pas valable dans la mesure où on sait que la Saskatchewan, par exemple, ne possède que 400 000 véhicules automobiles, et ne totalise un coût de primes que de $77 millions, ce qui n'est en rien comparable aux $800 millions que les Québécois auront payés en 1976, au Québec.

Nous savons, M. le Président, que si le régime que nous proposons était en pratique cette année, il en coûterait 8% de moins aux Québécois que ce qu'il en coûte présentement. Nous avons fait nos calculs pour prévoir des dispositions afin de mettre en place ce régime au tout début de 1978 et nos calculs sont fondés sur ce que sera le coût de l'assurance en 1978.

Pour résumer, M. le Président, je pense que, comme ministre responsable, je refuserais pour l'instant de faire une déclaration partisane qui me permettrait de dire que les primes vont baisser. J'estime que ce serait une déclaration facile. Je suis cependant en mesure de vous dire, M. le Président, que dans ce document de travail pour une réforme de l'assurance-automobile, nous avons mis en place tout ce qui est connu comme mesure pour nous permettre un contrôle des prix et pour nous assurer que le service rendu sera équivalent à la prime payée. Nous estimons qu'il est important d'arriver à un contrôle des réparations des véhicules automobiles, et nous sommes fiers en ce qui concerne le domaine du corporel, d'être les premiers à bien comprendre qu'il s'agit là d'une mesure de justice sociale.

M. le Président, si je me refuse à dire que les primes vont baisser, je n'hésite pas cependant à dire que je suis convaincue que collectivement, nos primes vont baisser.

Il se trouvera toujours parmi les citoyens — je crois que c'est inévitable — des individus qui verront leurs primes légèrement augmenter. Les 20% de non-assurés au Québec, nécessairement, devront participer à un régime auquel ils ne participaient pas dans le régime que nous connaissons présentement. Cependant, je crois fondamentalement que, collectivement, nos primes baisseront non seulement au tout début de ce nouveau régime, mais j'ai bon espoir, M. le Président, qu'appuyés sur un nouveau Code de la route, appuyés sur une campagne de publicité, sur des mesures de mise en place d'application des lois de sécurité routière, nous pourrons non seulement voir les primes baisser dans un premier temps, mais nous devrions, comme Québécois, voir nos primes baisser au fur et à mesure des années, à cause tout simplement, M. le Président, du fait que nous aurons pris conscience que le véhicule automobile, s'il n'est pas un bien essentiel pour un individu, est un objet qu'il ne faut pas mettre entre les mains de gens qui ne sont pas responsables. Dans ce sens, la prise de conscience collective de notre responsabilité sur les routes me permet d'espérer que nous aurons le grand plaisir, M. le Président, de voir les primes baisser non seulement dans un premier temps, mais pendant un certain nombre d'années, compte tenu, cependant, du niveau d'inflation que nous ne pouvons pas connaître pour l'instant.

Toujours au même programme 3, élément 4, nous abordons la Commission des valeurs mobilières du Québec. Cette commission est un organisme de contrôle et de surveillance du commerce des valeurs mobilières; de contrôle, parce qu'elle impose des normes visant à assurer l'efficience du marché des valeurs mobilières; de surveillance, parce qu'il est nécessaire que tous les investisseurs reçoivent un traitement équitable.

De façon générale, sous ces deux aspects, l'activité de la commission vise à assurer l'existence d'un marché financier sain et prospère et le maintien d'un climat de confiance. Cet organisme veut, plus précisément, permettre aux investisseurs d'obtenir les informations financières dont ils ont besoin, rendre possible une plus grande participation des citoyens à la propriété des entreprises et à leur financement, faire prévaloir une saine concurrence entre les entreprises de courtage et maintenir des conditions qui favorisent leur naissance, leur développement et leur progrès.

Je voudrais vous annoncer qu'un comité travaille présentement à une loi amendant la Loi des valeurs mobilières, qui est une priorité du ministère, et nous espérons que ce comité aura terminé son travail pour l'automne 1977. Il reste, dans ce programme, le dernier élément qui est la Régie de l'assurance-dépôts du Québec. Elle a pour mission de garantir à toute personne le paiement à échéance de dépôts d'argent confiés à une banque ou à une institution financière. La régie effectuera le paiement d'un tel dépôt à échéance en capital et intérêts jusqu'à concurrence de $20 000 en cas de défaut par la banque ou l'institution d'en effectuer le remboursement.

La régie bénéficie des services techniques et opérationnels du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières pour la surveillance et l'inspection des institutions inscrites qui sont déjà sous la juridiction de ce ministère. Vous vous souviendrez, M. le Président, qu'au tout début des travaux de cette commission je vous ai informé que le comité de sous-ministres, qui avait cessé d'exister, a été recréé, qu'une étude est en cours pour transformer la régie qui verra son rôle modifié nécessairement avec la

création des fonds de sécurité que je vous ai annoncée tout à l'heure. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Merci, madame. Avant de donner la parole au député de Jacques-Cartier, je voudrais mettre un peu d'ordre dans la fiche des présences que j'ai ici. Y a-t-il des remplacements?

M. Proulx: Je suis remplacé par le député de Berthier.

Le Président (M. Laplante): Le député de Saint-Jean est remplacé par M. Mercier (Berthier). Y a-t-il d'autres changements à apporter à la fiche?

M. Saint-Germain: Le député de Gatineau remplacera M. Raynauld.

Le Président (M. Laplante): M. Raynauld? M. Raynauld est remplacé par M. Giasson, actuellement. M. Lalonde?

M. Saint-Germain: M. Lalonde, s'il vous plaît, oui.

Le Président (M. Laplante): Le député de Papineau...

M. Gratton: De Gatineau.

Le Président (M. Laplante): Votre nom, déjà, monsieur?

M. Saint-Germain: M. Gratton. M. Gratton: Jean Alfred.

Le Président (M. Laplante): M. Gratton. Maintenant, il y a aussi l'ordre de grandeur sur lequel j'aimerais avoir le consentement de tous les membres pour éviter toute discussion inutile. On se souvient que, dès la première journée de l'ouverture des séances, on avait reporté les questions d'assurance à étudier au programme 3, on s'était abstenu d'en parler.

Je constate que l'élément 3 est justement l'assurance. Si vous voulez aborder le problème de l'assurance, oubliez les éléments 1 et 2 pour tout de suite et allez directement à l'élément 3. J'aimerais avoir le consentement unanime des membres.

M. Saint-Germain: Entendu.

Le Président (M. Laplante): Entendu. Tout le monde est d'accord. On va à l'élément 3. Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je voudrais donner, ce matin, le point de vue de l'Opposition officielle relativement à l'assurance. Premièrement, l'Opposition officielle admet facilement — comme toute la population, d'ailleurs — qu'on doit nécessairement légiférer au point de vue de l'assurance-automobile et que le statu quo est inadmissible premièrement, en raison de ses coûts élevés et deuxièmement, à cause du manque de protection pour une bonne tranche de la population.

Il est inadmissible qu'un automobiliste sans assurance d'aucune sorte devienne un danger public et, en devenant un danger public, il risque de causer des préjudices graves à la population. Et ceux qui subissent ces préjudices n'ont en fait, comme protection, que les $35 000 accordés par le front commun des assureurs.

Pour remédier à ces lacunes dans le système d'assurance qui existe de nos jours, il y a bien des façons de procéder. Par le livre vert on nous en propose une. Il y a le principe de cette prime nécessaire. Par la loi, on instituera une prime d'assurance que tout le public consommateur devra acheter, en bien ou en mal, obligatoirement. On devra premièrement voir à diminuer les coûts, puisqu'on les trouve énormes aujourd'hui et que c'est une des raisons pour lesquelles on semble obligé de légiférer, et deuxièmement accorder une protection plus généralisée au consommateur, au grand public.

Pour ce qui regarde ce plan, ce contrat d'assurance qu'on nous soumet, il semble évident qu'on est loin d'être assuré de baisser le coût. Je ne blâme pas madame le ministre, qui ne veut pas s'aventurer à faire des promesses fermes, parce que je crois bien qu'aucun spécialiste, avec les chiffres qu'on nous transmet, ne pourrait se permettre une telle affirmation s'il veut conserver sa crédibilité et son sérieux. Ce contrat d'assurance donne certainement des avantages à bien des personnes, bien qu'il puisse causer et qu'il causera, s'il n'est pas modifié, des préjudices graves à certaines personnes, surtout celles qui ont des revenus de $18 000 et plus.

On nous impose actuellement, ou on semble nous imposer un régime public. Avec un nouveau contrat d'assurance ou du moins une nouvelle loi plus large — parce que c'est un contrat sur lequel on va légiférer — on peut certainement étudier un régime qui incluerait le "no fault" et qui obligerait tous les automobilistes à être assurés et ceci, sans avoir de régime public. Je crois que Mme le ministre en est consciente puisqu'elle nous a bien dit que ce régime public était tout à fait nouveau, et pourtant bien des Etats américains ou des provinces canadiennes ont le "no fault" et ont des automobilistes sur les routes qui sont tous assurés et qui n'ont pas nécessairement le régime public.

Alors, il n'y a aucune relation directe entre le régime public et l'assurance généralisée et le "no fault". Ceci peut se faire sans régime public. Il faudrait que la population sache bien ceci. Quant à l'information au public, qui pourra affirmer que le public ne doit pas être informé. Comme pour toutes les lois, il est fondamental que le public sache où le gouvernement s'en va.

Mais dans le contexte actuel, hormis qu'on puisse nous donner des assurances que les chiffres qui sont contenus dans le livre vert sont fondés, je ne vois pas comment on pourrait livrer au

public des informations détaillées, surtout en ce qui regarde la prime, si on ne fait pas la preuve de ces chiffres; le livre vert, ce n'est pas l'évangile.

Ce n'est pas parce qu'il y a un chiffre dans le livre vert que tout devient clair, que tout devient définitif et qu'on doit accepter nécessairement ces chiffres comme étant valables.

Il faudrait nécessairement que les législateurs comme la population sachent quelle étude sous-tend ces chiffres, quelles sont les statistiques qui ont servi à les établir, quelles sont les expériences antérieures qui les soutiennent, autrement ces chiffres sont simplement des hypothèses qu'un citoyen avisé, et d'autant plus un législateur avisé, se refuse à accepter comme étant la vérité pure et comme des chiffres qui vont réellement coller à la réalité des choses.

On se propose bien ce matin, M. le Président, d'essayer, avec Mme le ministre, d'établir la véracité de ces chiffres, de quelle façon on en est arrivé à ces additions. Nous sommes assurés que nous aurons la coopération du gouvernement et votre coopération, M. le Président, pour ce faire.

Pour ceux qui ont des revenus qui dépassent $18 000, il semble tout à fait évident qu'à sa face même, ces gens verront leur prime d'assurance augmenter.

On parle d'une loi sociale, mais est-ce qu'une loi sociale doit nécessairement, pour être valable et pour être réellement sociale, diminuer la protection de ceux qui ont des revenus plus élevés que $18 000 bruts pour mieux protéger ceux qui ont des revenus moindres?

Je crois que le gouvernement est le porte-parole de tous les citoyens, quels que soient les revenus. Je ne vois pas pourquoi on diminuerait les avantages de ceux qui gagnent $18 000 et plus, relativement au système actuel, au profit des autres.

Je crois que c'est une mauvaise façon de voir les choses, c'est pousser une philosophie trop loin, parce qu'on pourrait facilement protéger les plus déshérités de notre société sans causer de préjudice aucunement, à ceux qui ont des revenus bruts de $18 000 et plus.

Pour l'établissement des coûts, il y a des éléments qui ne semblent pas, au niveau du gouvernement, avoir été contrôlés, même étudiés en profondeur et des éléments tout à fait valables. Entre autres, on sait pertinemment, nous n'avons pas besoin d'experts pour en arriver à une telle conclusion, que les Québécois voyagent énormément.

Je pourrais bien vous faire une liste, puisque le ministre ne semble pas sensibilisé plus qu'il ne le faut à ce problème. Pour donner des exemples bien précis, combien de fois les gens de la Gaspésie vont au Nouveau-Brunswick! Tous ceux qui longent la frontière américaine, soit du Maine en descendant jusqu'à l'Etat de New York, il y a des milliers et des milliers d'automobilistes québécois qui, tous les jours, traversent la frontière. Lorsque nous la traversons nous-mêmes, il s'agit de constater le nombre de voitures qui se suivent à la queue leu leu pour s'en rendre compte. Ceux qui voyagent en Ontario; ceux qui passent des vacances le long du lac Champlain, le long de l'Atlantique, à Old Orchard; ceux qui, en hiver, se permettent d'aller vers le sud. Il s'agit d'aller à Miami pour constater de visu le nombre de Québécois qu'on retrouve là dans les mois d'hiver

Alors, c'est un élément extrêmement important pour pouvoir contrôler le coût des primes, parce que tous ces automobilistes qui traverseront les frontières, s'ils veulent bien se protéger et protéger leur famille, se verront, pour autant qu'on puisse le constater à ce stade-ci, dans l'obligation de faire appel à l'entreprise privée pour pouvoir se couvrir adéquatement.

Alors, là il y a un élément inconnu très important. Un autre élément absolument inconnu, c'est que les assurés, au point de vue des dommages corporels, seront dédommagés par rente. Je ne crois pas que, dans le contexte actuel, une entreprise privée pourrait se permettre une telle façon de dédommager ceux qui ont subi des préjudices, parce qu'il est extrêmement difficile d'en contrôler les coûts, surtout si une telle rente est indexée.

Alors, s'il est difficile pour l'entreprise privée de pouvoir établir les coûts d'une telle rente, comment voulez-vous qu'au niveau gouvernemental on puisse le faire avec certitude? Il y a tellement d'éléments impondérables, tellement d'inconnues que, à moins de voir la façon dont on est arrivé à estimer ces coûts, de voir les études mathématiques, les études actuarielles, la logique mathématique ou statistique qui nous ont amenés à ces chiffres, on ne peut vraiment pas les accepter tels quels, d'autant plus qu'il entre dans l'estimation de ces coûts tout un système de taxation pour celui qui reçoit une rente et qui travaillera et qui aura d'autres revenus de son travail. Ceux qui seront au travail et qui seront rentiers de l'office seront taxés jusqu'à 50% de leur revenu; on peut aller même, pour une somme qui dépasse $5000, jusqu'à les taxer à 75% de leur revenu.

Alors, il y a là un élément extrêmement impondérable. On connaît ce qui arrive au niveau de l'assurance-chômage.

On sait ce qui arrive au sujet de nos allocations familiales, on sait pertinemment que, même au niveau de l'impôt, celui qui est lourdement taxé perd vite sa motivation au travail ou sa motivation des risques ou à prendre des initiatives nouvelles.

Voilà deux inconnues au point de vue des primes parce que ces versements augmenteront les primes nécessairement. Voilà deux inconnues de base qui font qu'on ne peut réellement pas dire quelle sera la prime attachée à ce contrat d'assurance.

Relativement à la sécurité routière, il semble qu'il y ait entre la prime et la sécurité routière — et ceci est évident — une relation de cause à effet directe. Que notre sécurité routière soit améliorée, tant mieux, il n'y a pas un Québécois qui ne soit pas sensibilisé à ce problème. Il me semble évident que ce gouvernement, comme ceux du passé d'ailleurs, s'initie à essayer de diminuer considérablement, par législation, par décision administrative ou autrement, nos accidents routiers. A ce

point de vue, Mme le ministre peut être assurée de notre collaboration.

Seulement, je ne vois pas pourquoi une meilleure sécurité routière ne diminuerait pas les primes de n'importe quel système d'assurance, quel qu'il soit. Cela me semble absolument évident. Alors, lorsqu'on se sert des méfaits de notre manque de sécurité routière pour justifier une police d'assurance donnée, je crois qu'on induit la population en erreur. En fait, une meilleure sécurité routière réduirait les coûts des primes, quel que soit le système d'assurance que nous avons; il les réduirait même avec le système que nous avons présentement. Alors, je ne veux pas prendre plus de temps, il y a peut-être des collègues qui ont quelque chose à ajouter sur le sujet, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que Mme le ministre préférerait répondre tout de suite au député de Jacques-Cartier, ou préférez-vous attendre?

Mme Payette: Si vous me l'autorisez, M. le Président, j'aimerais répondre au député de Jacques-Cartier...

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre.

Mme Payette: ...que les chiffres sur lesquels il semble porter un jugement défavorable sont des chiffres que nous avons tirés du rapport Gauvin en les indexant, par rapport aux années qui se sont écoulées entre le rapport Gauvin et le moment où nous pensons que cette régie sera en opération. Je voudrais également souligner au député de Jacques-Cartier que je peux lui annoncer avec certitude — si je ne peux pas parler de la baisse des primes — que le Parti libéral sera dans l'Opposition longtemps s'il croit qu'une mesure sociale est faite pour...

M. Saint-Germain: M. le Président, nous n'en sommes pas là. Nous sommes ici pour discuter d'assurance et très sérieusement. Mme le ministre avait très bien commencé, elle semblait vouloir parler d'une façon positive et logique. En parlant de chiffres, au moins elle nous a dit quelque chose: cela a été pris dans le rapport Gauvin. Si elle veut bien continuer dans le même sens, elle aura notre entière collaboration. Si elle veut faire de la petite politique, on est quand même là, M. le Président, seulement cela va baisser énormément le niveau de nos discussions.

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre.

M. Saint-Germain: Libre à elle de choisir une voie.

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre.

M. Saint-Germain: Quant à ce qui va arriver du côté de la politique, Mme le ministre, on laissera au peuple le soin de décider quand le temps sera venu, croyez-moi.

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre.

M. Saint-Germain: S'il y a encore avantage, après un tel gouvernement, de choisir.

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre. M. le député de Jacques-Cartier, il ne faudrait pas l'animer plus que cela, Mme le ministre. Je vous prierais de rester sur le sujet de l'assurance-automobile, s'il vous plaît!

Mme Payette: M. le Président, c'est que je voulais simplement expliquer au député de Jacques-Cartier qu'une mesure sociale est rarement mise de l'avant pour venir en aide aux gens qui gagnent $18 000 et plus dans une société, mais surtout pour venir en aide à ceux qui gagnent moins.

Je voudrais également le remercier d'avoir souligné que ce document tient compte du fait que nous souhaitons que les victimes d'un accident d'automobile puissent vivre une vie aussi normale que possible, après cet accident. Là où il insiste sur le fait que dans certains cas nous allons jusqu'à reprendre 50%, par exemple, de ce que nous avions consenti dans un premier cas, il a compris, bien sûr, j'en suis convaincue, que c'est un moyen que nous pensons valable pour encourager une victime non pas à la paresse, mais à une réinsertion dans la société du travail.

Si vous me le permettez, M. le Président, pour ne pas semer de confusion, je ferai appel à M. Jacques Roy, le surintendant adjoint des assurances, pour corriger deux erreurs du député de Jacques-Cartier en ce qui concerne l'étatisation et le "no fault". Et, je vous ai expliqué, tout à l'heure, M. le Président, que beaucoup de Québécois, involontairement, très certainement, ont véhiculé des erreurs en expliquant ce qu'était l'étatisation, ce qu'était le "no fault" et quels étaient les régimes en vigueur dans des provinces canadiennes ou des Etats américains.

Si vous permettez, je vais céder la parole à M. Roy.

Le Président (M. Laplante): M. Roy.

Mme Payette: M. le Président, je pense qu'il y a trois aspects fondamentaux qui doivent être examinés lorsqu'on regarde les régimes d'assurance-automobile à l'étranger ou au Québec. Il y a les aspects purement d'indemnisation qui ont été divisés ici pour les besoins de la discussion, selon qu'il s'agit de compensation de dommages corporels ou de compensation de dommages matériels. Il y a finalement un troisième aspect, qui est celui de l'administration de ces régimes.

Concernant la compensation des dommages corporels, on peut dire qu'aux Etats-Unis 24 Etats américains ont fait une certaine forme d'indemnisation sans égard à la responsabilité. Il s'agit de régimes où la victime non responsable reçoit une certaine indemnisation sans avoir à faire la démonstration de la responsabilité d'une tierce personne.

Aux Etats-Unis, les Etats qui ont adopté une telle formule ont prévu une indemnisation qu'on pourrait qualifier de très peu généreuse. Ce qui explique qu'ils ont laissé aux victimes la possibilité de poursuivre le responsable de l'accident pour compléter l'indemnisation insuffisante du régime de base sans égard à la responsabilité.

Au Canada, c'est une situation passablement semblable, aucune province n'a vraiment prévu des régimes qui soient suffisamment généreux pour compenser les pertes, les dommages complètement, y compris les provinces de l'Ouest qui ont étatisé l'assurance-automobile.

En ce qui concerne la compensation des dommages matériels, c'est-à-dire les dommages aux automobiles, les dommages à la propriété d'autrui, les maisons, les poteaux, etc., nulle part, sauf au Michigan et au Massachusetts, il n'y a eu des régimes qui soient sans égard à la responsabilité. C'est-à-dire nulle part n'existe-t-il de régime où celui qui subit des dommages ne peut poursuivre le responsable. Le Massachusetts avait abandonné le droit de poursuite et le système de responsabilité en 1971 et, en raison de difficultés qui ne sont pas strictement attribuables au fondement juridique de l'indemnisation, il a préféré, cet Etat américain, faire marche arrière l'an dernier, l'été dernier, et revenir à un système de compensation qui tienne compte de la responsabilité, pour les dommages matériels.

L'autre Etat qui a fait du "no fault", c'est le Michigan, dans ce domaine des dommages matériels. Il faut considérer, je crois, dans ce domaine, que le Michigan est un Etat où peut-être le dossier de conduite est différent, les habitudes des gens peuvent être différentes, et peut-être aussi que bien des propriétaires d'automobile, une grande majorité, avaient déjà la couverture pour leurs propres dommages, de sorte que la perte du droit de recours n'a peut-être pas eu des effets aussi considérables que cela aurait pu avoir ailleurs.

Dans les provinces de l'Ouest et ailleurs au Canada, le système de responsabilité demeure intégralement, dans le domaine des dommages matériels, et seules les provinces qui ont étatisé, au Canada, ont fait l'assurance obligatoire des dommages matériels, ont prévu que le propriétaire d'automobile devait assurer son automobile pour ses propres dommages. C'est une chose quand même assez considérable, si on voit qu'au Québec, 50% des propriétaires d'automobile ne jugent pas utile d'assurer leurs propres dommages, de sorte que, je ne pense pas qu'il soit même pensable d'importer une solution qui demeurerait dans le domaine de la responsabilité, mais où on forcerait les gens à assurer leur propre véhicule.

Finalement, en ce qui concerne l'administration de ces régimes, aux Etats-Unis, c'est le régime de l'entreprise privée; et au Canada, je pense que la situation est assez bien connue. Trois provinces ont étatisé complètement l'assurance-automobile.

M. le Président, je voudrais, pour compléter, si vous permettez, bien faire remarquer au député de Jacques-Cartier, que nous laissons dans le régime que nous mettons de l'avant, toute liberté à un citoyen qui estime que ses besoins ne sont pas entièrement couverts par le régime de base, d'avoir recours à une assurance sans égard à la responsabilité, auprès de l'entreprise privée. Nous estimons à 15% la population qui aura besoin de se couvrir de façon supplémentaire auprès de l'entreprise privée, par rapport au régime de base que nous proposons.

M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse, s'il vous plaît.

M. Goulet: Si c'est pertinent, si c'est suite à la réponse du ministre.

Le Président (M. Laplante): Seulement pour donner le droit de réplique égal aux partis d'Opposition.

M. Saint-Germain: Alors...

M. Goulet: Suite à ces commentaires. J'ai mon droit de parole, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): Non, je voudrais donner...

M. Saint-Germain: Non, vous aurez amplement le temps, M. le député, de discuter de la chose comme bon vous semblera.

J'ai affirmé une chose, et ma question en est la suite. Je demande s'il n'y a pas moyen d'avoir un régime "no fault", d'un régime d'assurance obligatoire et de ne pas avoir un office ou un régime étatisé. Ma question est simple.

Mme Payette: M. le Président, théoriquement, tout peut se faire, tout peut se concevoir. Il n'en demeure pas moins que, comme il a été dit il y a quelques minutes, prévoir un régime... certaines formules de compensation des dommages sont certainement plus difficiles à administrer par l'entreprise privée que par une entreprise publique, notamment celle où on prévoit la compensation des dommages, sous forme de rentes viagères et indexées.

M. Saint-Germain: Oui, bien là écoutez, on entre dans un régime bien particulier. Je veux dire qu'il y a certainement possibilité qu'on ait un régime non public où tous les automobilistes seront assurés, puis, qu'il y aura du "no fault". C'est cela que je veux dire.

Mme Payette: M. le Président, c'est la réponse que j'ai déjà donnée. Les assureurs ne nous ont pas démontré, au cours des dernières années, qu'ils étaient en mesure, qu'ils avaient le dynamisme nécessaire ou la volonté d'indemniser les victimes d'accident d'automobile en ce qui concerne les dommages corporels de la façon dont nous entendons le faire.

Nous pensons effectivement—le député l'a souligné lui-même tout à l'heure; il faudrait qu'il reste en concordance avec ses déclarations — qu'il n'est pas possible, pour un régime d'entreprise privée, de verser des rentes indexées, ce qui est possible pour un régime d'Etat. Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles l'Etat se devait d'intervenir dans ce domaine.

M. Saint-Germain: Je ne défendrai certainement pas les compagnies d'assurance privées actuellement; là, n'est pas mon but. Je ne suis pas assuré non plus, même si le statu quo est indéfendable, que le gouvernement pourra faire mieux. C'est la situation, de la manière que je la vois.

Mme Payette: M. le député...

M. Saint-Germain: II n'y a aucune garantie là-dedans, croyez-moi. En effet, s'il y a eu des abus au point de vue de la protection du consommateur dans les compagnies privées, on n'a qu'à prendre, par exemple, le projet de la compensation des accidents du travail pour savoir qu'il y a là des injustices flagrantes qui ont pris place là aussi et c'est pourtant un régime public.

Mme Payette: M. le député, si vous le permettez, pour les besoins de l'information...

M. Saint-Germain: Oui.

Mme Payette: ...quand vous dites qu'à la Commission des accidents du travail il y a des injustices qui se commettent, je crois qu'il faut bien comprendre qu'à la Commission des accidents du travail vous avez des adversaires qui s'affrontent, ce qui n'est pas le cas dans le régime que nous mettons de l'avant. Nous ne cherchons pas à démontrer la culpabilité, puisque le régime est sans égard à la responsabilité. Donc, une victime d'accident d'automobile est automatiquement indemnisée sans qu'il y ait un adversaire qui s'y oppose.

M. Saint-Germain: Pourquoi dites-vous qu'il y a un adversaire au niveau de...

Mme Payette: L'employeur est un adversaire à la Commission des accidents du travail.

M. Saint-Germain: L'employeur n'a absolument rien à dire dans la compensation que l'accidenté doit obtenir, d'aucune façon.

Mme Payette: II a à voir dans la démonstration que l'accidenté doit faire qu'il s'agit d'un accident de travail.

M. Saint-Germain: Mon Dieu! Les témoins sont habituellement toujours là. Là, n'est pas la question.

M. Giasson: A ce moment-là, un commentaire qui lui est favorable...

M. Saint-Germain: Si le type...

M. Giasson: ...vis-à-vis de la Commission des accidents du travail, c'est l'expertise médicale.

M. Saint-Germain: ...reçoit une chaîne en pleine figure, il n'a pas de misère à prouver que c'est un accident du travail. D'ailleurs, là n'est pas le problème. Vous ne pouvez pas dire qu'il y a confrontation au niveau de la compensation des accidents du travail; le régime a été établi justement pour enlever ces problèmes.

Mme Payette: Si vous me le permettez, pour corriger une erreur qui pourrait se glisser, dans le document qui a été remis il est question d'une Commission des accidents du travail après une réforme qui est déjà commencée, comme on le sait, à cette Commission des accidents du travail. Je ne voudrais pas faire le procès de la Commission des accidents du travail — cela ne m'appartient absolument pas — mais nous sommes conscients comme gouvernement, qu'il y a là des améliorations à apporter.

Un régime d'assurance-automobile, tel que nous le préconisons, ne pourrait se raccrocher à la Commission des accidents du travail qu'une fois cette réforme faite à la Commission des accidents du travail. Nous avons également prévu — cela est nouveau en ce qui concerne la Commission des accidents du travail — dans notre régime une possibilité d'appel d'un jugement rendu par la Commission des accidents du travail, ce qui n'est pas le cas actuellement à la commission même.

M. Saint-Germain: Je comprends bien, mais il faut bien s'entendre là-dessus. Vous n'êtes pas la première, vous n'êtes pas le premier gouvernement à constater qu'il y a des améliorations à faire au niveau de la Commission des accidents du travail. Malgré les améliorations qui ont été apportées, on a encore des inconvénients sérieux. Les accidentés subissent encore des préjudices sérieux. On n'a pas de garantie...

Mme Payette: Nous essaierons de l'améliorer.

M. Saint-Germain: ...malgré la bonne volonté du gouvernement, que la Commission des accidents du travail va devenir plus efficace...

Mme Payette: Je peux vous exprimer notre volonté que ce soit le cas.

M. Saint-Germain: ...pour la bonne raison qu'on est pris là-dedans avec toutes sortes de problèmes, d'abord, problème d'union, problème de la Loi de la fonction publique, problème du fonctionnarisme, problème d'organisation énorme où les assurés sont des numéros exclusivement, où l'élément humain est totalement disparu. Promettre que tout cela va changer, c'est une promesse qui va être bien difficile à tenir.

Le Président (M. Laplante): Est-ce que le député consentirait à ce que le député de Bellechasse pose quelques questions? Il m'a fait signe.

M. Saint-Germain: Oui, à condition que je puisse revenir en deuxième.

Le Président (M. Laplante): Vous allez avoir la chance de revenir après.

M. Goulet: M. le Président, si j'avais cédé mon droit de parole, c'est parce que, ce matin, j'ai été agréablement surpris de constater que les journées se suivent mais ne se ressemblaient pas, quant à la pertinence des débats et le sérieux des questions posées. Nous avons convenu de parler de l'assurance-automobile, de vider le problème. Même si le dossier est très important et que je suis seul pour y travailler, je parle dans mon parti, je n'ai aucune objection, cela me fait plaisir de le faire. Toutefois au début des débats, je dois signaler, au nom de l'Union Nationale, que nous sommes d'accord avec les mesures proposées pour améliorer la sécurité routière, quant à l'instauration d'une assurance obligatoire pour dommages matériels à autrui et aussi un meilleur contrôle des coûts de réparation.

Par contre, nous nous interrogeons sérieusement sur les conséquences du régime universel pour dommages, tel que proposé par le gouvernement. Personnellement et même le caucus de l'Union Nationale n'est pas convaincu que ce nouveau régime sera en mesure de garantir une indemnisation juste, équitable et complète aux victimes innocentes. Je ne suis pas convaincu non plus qu'en définitive il coûtera moins cher aux contribuables qui devront défrayer le coût, soit par une taxe spéciale sur l'essence de l'ordre de $0.20 le gallon, le certificat d'immatriculation et le permis de conduire ou encore l'impôt sur le revenu à raison de 1%, 1,1%.

Egalement je me pose des questions quant au coût total de l'assurance, je me demande ce que coûtera le service au niveau de la province, pour y adhérer comme contribuable. Egalement les primes dans l'entreprise privée, tel que l'a mentionné le ministre auparavant, les primes pour les dommages matériels que nous devrons payer à l'entreprise privée, également les primes dans les autres provinces. Hier, en Chambre, nous en avons parlé, lorsque nous voyagerons, et je pense qu'on conviendra tous ensemble que les Québécois voyagent, l'été, l'hiver, nous devrons également nous prémunir d'une prime pour les autres provinces lorsque nous irons à l'extérieur du Québec.

Egalement ce que coûtera le plan, et là, j'espère que c'est pertinent au débat, quant à la perte de touristes en provenance d'autres provinces qui, eux, ont déjà leur assurance-automobile. Est-ce que les touristes vont payer également? On sait que c'est la deuxième ou troisième industrie en importance au Québec. Les touristes, est-ce qu'ils vont payer l'essence également? Ils ont déjà leur prime d'assurance. Est-ce qu'ils paieront les $0.20 supplémentaires? Lorsqu'ils vont franchir la frontière du Québec, est-ce qu'ils vont avoir un supplément à payer pour leur permis de conduire ou encore des impôts? Cela va être assez difficile. Comment cela va-t-il marcher? Si c'est sur l'essence, j'imagine que cela va diminuer énormément le tourisme.

Actuellement, avec l'entreprise privée, nous avons un fichier central, une compagnie, le pro- priétaire s'adresse à seulement une compagnie. Là, il va s'adresser à trois endroits différents: à la province, à l'entreprise privée pour le matériel, et lorsqu'il va vouloir aller à l'extérieur du Québec, s'il veut être protégé également, il va falloir qu'il s'adresse à quelqu'un.

Cela va faire trois endroits différents, avant cela c'était centralisé. Lorsque nous avions une police d'assurance, nous avions droit à tout cela. Je me pose des questions sur le coût des fichiers, au lieu d'être centralisés à un endroit, à une compagnie d'assurance, cela va être à trois endroits. Dans le domaine de travail de bureau également, qu'est-ce que cela va coûter, administrer trois fichiers au lieu d'en administrer un?

Le ministre a dit tantôt qu'elle va s'assurer que le service rendu sera équivalent à la prime payée. Cela je suis d'accord, mais on s'est fait dire cela — et ce n'était pas par des membres du Parti québécois — on s'est fait dire cela dans l'éducation, que le service serait équivalent à des primes payées. Je me pose de sérieuses questions dans le domaine de l'éducation, également dans le domaine des affaires sociales. Est-ce que le service rendu à la population est équivalent à la prime payée?

Or, des deux exemples que nous avons eus, depuis une dizaine d'années, au Québec, je demande si, avec un troisième... Je conviendrai que ce n'était pas administré par le Parti québécois, mais c'était administré tout de même par des fonctionnaires et ces fonctionnaires demeurent toujours les mêmes. Je ne mets pas en doute du tout la qualification des fonctionnaires, mais le ministre a dit tantôt, et cela semble un point très important dans ses arguments, que le service rendu, et je l'ai noté ici, sera équivalent à la prime payée.

Dans le domaine des affaires sociales, je ne suis pas le seul à me poser des questions, également dans le domaine de l'éducation. Là on arrive avec un troisième domaine, l'assurance-automobile; est-ce que ce serait un précédent que cela coûte moins cher pour un service égal?

Je me pose des questions. Je ne dis pas que ce ne sera pas cela, mais ce serait réellement un précédent de créé dans ce domaine. Ce sont les commentaires, au début, M. le Président, que je voulais émettre. Je vous remercie.

Le Président (M. Laplante): Mme le ministre.

Mme Payette: M. le député de Bellechasse, je vais essayer de répondre, parce qu'il y a tellement de questions, j'ai noté au fur et à mesure ce qui me paraissait essentiel.

Au tout début vous avez parlé d'une victime innocente. Dans un régime de base universel sans égard à la responsabilité, toute victime est innocente.

Cela c'est un concept véhiculé par le régime actuel qui nous oblige à chercher un coupable quand il y a un accident. Dans un régime universel de base, toute victime d'accident d'automobile est une victime innocente puisque nous renonçons à chercher un tiers responsable.

Egalement, vous dites: Ce régime de base

va-t-il bien couvrir les besoins de la population? Nous sommes assurés, puisque notre régime découle directement du régime qui avait été proposé par le rapport Gauvin, de couvrir 85% de la population quant à ses besoins en assurance au niveau du corporel.

Je vous ai parlé des 15% supplémentaires qui estiment que leurs besoins ne sont pas entièrement couverts. Comme exemple, je pourrais vous citer le cas, le plus facile, un chirurgien qui se fait couper deux doigts en allant à la pêche. Ce chirurgien peut estimer avoir besoin d'une assurance qui couvre davantage de besoins que les $18 000 ou ce que nous proposons à l'intérieur du régime.

Nous laissons donc à 15% de la population, selon nos estimations, la possibilité de s'assurer auprès de l'entreprise privée pour un régime supplémentaire qui, également, sera sans égard à la responsabilité.

Donc tout le corporel devient couvert entièrement sans égard à la responsabilité, que ce soit par la régie d'Etat ou l'entreprise privée, pour les 15% supplémentaires.

Nous sommes assurés que le régime d'Etat que nous mettons de l'avant peut être administré pour 6% du coût du régime, ce qui nous permet, comme je l'ai déjà dit, de remettre $0.94 dans chaque dollar en indemnisation. Actuellement, à l'intérieur de l'entreprise privée, on remet approximativement $0.60 par dollar en indemnisation.

Cela nous paraît un sérieux avantage.

Vous avez parlé toute à l'heure du prix qu'il en coûte pour l'administration des affaires sociales, par exemple, de certains secteurs du gouvernement qui sont administrés par l'Etat. Nous avons à ce niveau des chiffres qui parlent d'eux-mêmes.

Tout ce qui est régime d'Etat coûte entre 6% à 9%, si mes souvenirs sont exacts, en frais d'administration. Si vous permettez, je vais essayer de terminer, parce que il y avait beaucoup de questions, ce n'était pas juste un préambule.

Vous avez dit aussi toute à l'heure: Qu'est-ce que les Québécois vont faire quand ils vont voyager à l'extérieur?

Cette situation sera couverte à l'intérieur d'une police d'assurance, il faut l'appeler par son nom afin que tout le monde se comprenne bien, un contrat avec l'assureur de l'entreprise privée. Ce sera une clause tout simplement. Les gens qui s'y connaissent en assurance savent parfaitement — je pense à M. Giasson en particulier, il doit le savoir — que cela n'implique pas un coût élevé qu'une clause dans un contrat vienne spécifier si la personne se trouve à l'extérieur du Québec, etc.

Le Québécois qui voyage à l'étranger est entièrement couvert par le régime de base pour les dommages corporels qui pourraient lui arriver. Au-delà de cela, il devra se munir d'un contrat d'assurance avec l'entreprise privée dans lequel il y aura une clause qui dira qu'à l'extérieur il est couvert de telle et telle façon.

Maintenant, il ne faut pas oublier une chose. On ne peut pas en faire un grand problème de ce que vous dites; c'est vrai que les Québécois voyagent, mais quand ils vont à Miami ils ne reviennent pas tous avec des accidents.

D'une part, le pourcentage d'accidents est marginal et, en plus, on sait que, dans 80% des accidents, il y a seulement des dommages matériels. Cela est important aussi de savoir que, dans tous les cas, ce n'est pas tout le monde qui a les deux jambes coupées chaque fois qu'il a un accident.

Vous vous demandez comment les touristes seront couverts par le régime de base à l'intérieur du Québec. Je ne peux pas vous donner de réponse définitive. J'ai bien dit, tout le monde a dit que c'était un livre vert, un document de travail. Nous n'avons pas toutes les réponses, nous avons l'honnêteté de le dire.

C'est bien, cela. Au sujet des étrangers au Québec, la couverture que nous pourrons leur donner dépendra de ce que nous conserverons comme méthode de financement du régime de base. Vous dites que si on perçoit par exemple une taxe sur l'essence, cela va chasser les touristes. Quand on a entendu le président des Etats-Unis annoncer la hausse qu'il prévoyait à ce niveau-là aux Etats-Unis, peut-être bien que finalement cela ne leur fera pas peur d'être complètement recouverts par un régime de base au niveau du corporel, pendant qu'ils sont en sol québécois, pour la somme minime que cela peut représenter sur un certain nombre de gallons d'essence. A ce niveau, je ne vois pas qu'il y ait d'objection majeure au régime qui est mis de l'avant.

Je ne sais pas si j'ai couvert tout votre terrain. Je pense que oui, à moins que vous ayez d'autres questions. C'est ce que j'avais noté comme réponse.

M. Goulet: Je vous remercie des réponses. Si vous me le permettez, vous parlez du poucentage des gens qui vont à l'extérieur du Québec et qui ont un accident. J'imagine que c'est à peu près le même pourcentage que lorsqu'ils sont au Québec. Je ne vois pas pourquoi...

Mme Payette: Non, justement et vous avez moins de Québécois qui ont des accidents en Ontario qu'ici au Québec, parce que les lois de sécurité...

M. Goulet: Parce qu'il y a moins de Québécois en Ontario qu'il y en a au Québec.

Mme Payette: Mais non, proportionnellement, parce que les lois de sécurité...

M. Goulet: Vous avez des chiffres là-dessus?

Mme Payette: ... en Ontario... Ecoutez, je n'ai pas besoin de chiffres là-dessus. Vous avez déjà passé la frontière de l'Ontario?

M. Goulet: Oui.

Mme Payette: Vous avez nécessairement ralenti en passant la frontière.

M. Goulet: C'est sûrement possible.

Mme Payette: Automatiquement, un Québécois qui passe la frontière de l'Ontario ralentit au maximum qui est indiqué sur la première pancarte qu'il voit, parce qu'il sait qu'en Ontario la loi est appliquée et que ça coûte cher. Et je pense que les Québécois ont besoin d'être surveillés. Il va falloir qu'on apprenne que les lois sont là pour être respectées surtout quand il s'agit de la sécurité collective d'un peuple.

M. Goulet: II devrait y avoir un microphone dans le salon rouge, ce matin, pour dire cela aux intéressés.

Mme Payette: M. le député de Bellechasse, vous êtes au courant qu'il y a eu pour travailler sur ce document un comité interministériel auquel ont participé les ministres des Transports et de la Justice. Et c'est évidemment parce que nous sommes assurés de la collaboration totale de ces deux ministères que nous pouvons mettre de l'avant ce que comporte ce document.

M. Goulet: Si vous me le permettez, est-ce que le ministre ou les fonctionnaires ont calculé également... On s'est probablement basé sur le coût actuel et les services actuels. Mais tout le monde le sait, je pense, lorsque le gouvernement touche à quelque chose, à un service, la population est beaucoup plus exigeante.

Mme Payette: C'est évident, et avec raison.

M. Goulet: Je vous donne l'exemple de l'hôpital. A l'hôpital, on n'y allait pas auparavant lorsqu'on n'avait qu'une petite égratignure. Maintenant, pour une petite égratignure on y va. On exige beaucoup plus. A-t-on estimé, d'après ce que cela coûtait, ce que cela coûtera? Dans le domaine de l'éducation, il y a des abus également. Quand c'est nous qui payons, ce n'est pas la même chose. Aujourd'hui vous avez des types qui, en secondaire IV, changent, recommencent leur secondaire IV, leur secondaire V, ils le font trois, quatre fois. Et dans le domaine de l'éducation, j'y ai passé onze ans de ma vie et je sais ce qui s'y passe. On ne voyait pas cela lorsque les contribuables payaient. Il y a eu des abus.

Dans le domaine de l'assurance-automobile, avez-vous prévu les abus, à savoir ce que le particulier n'aurait pas osé demander à une compagnie privée et qu'il va exiger du gouvernement? Comme il a fait dans les deux autres domaines, des Affaires sociales et de l'Education.

Mme Payette: M. le député de Bellechasse, je voudrais vous dire que je considère que c'est une forme de démocratie qu'un citoyen qui a affaire à l'Etat puisse être plus exigeant encore qu'avec l'entreprise privée. Vous avez parlé tout à l'heure des abus qu'il y avait chez les citoyens qui se présentent dans les hôpitaux pour une égratignure. Je considère important qu'on soulage un individu qui estime que son égratignure le fait souffrir et qui a besoin d'être soigné. Je voudrais cependant attirer votre attention sur le fait que nous n'avons pas versé dans l'excès qui aurait fait que nous aurions soigné de la même façon les égratignures sur les carrosseries des voitures comme nous sommes prêts à soigner les égratignures sur un doigt d'un Québécois. C'est là, je pense, qu'on va se rejoindre. C'est que, autant nous avons pensé qu'il était important de protéger au maximum l'individu, la personne humaine, autant nous considérons que ce qui est la tôle — et moi, je le dis très ouvertement, on n'arrivera pas à me convaincre que la perte d'un bras c'est la même chose que la perte d'un pare-chocs — n'a pas la même importance pour l'Etat, et il serait mal venu que l'Etat intervienne dans les réparations des égratignures et des bosses sur les véhicules automobiles.

Le Président (M. Laplante): Le député de Sherbrooke.

M. Gosselin: M. le Président, très sommairement, je crois que le livre bleu qui nous est présenté par Mme le ministre marque un pas déterminant dans la clarification des protections qui devront être apportées aux citoyens victimes d'accidents d'automobile.

Pour la première fois en Amérique du Nord, la question de l'assurance-automobile est posée d'une manière à vouloir assurer des protections plus véritables en regard de la personne et non pas de la "scrap".

Je crois que c'est un effort important pour sortir tout ce domaine de l'arbitraire qui prévalait dans les libres jeux du commerce établi qui aboutissaient à ne pas garantir une protection véritable aux citoyens accidentés. A certains égards, par contre — là-dessus, j'aimerais me faire éclairer — je vois diverses difficultés d'application et je m'interroge sur la générosité des indemnisations. Je me demande parfois si on ne donne pas aux Québécois plus que ce qu'ils n'ont jamais réclamé, à travers un programme comme celui-là.

On dit que quelqu'un pourrait être indemnisé jusqu'à concurrence de $18 000. Le député de Jacques-Cartier trouve que ce n'est pas assez généreux. Personnellement, je serais porté à penser que c'est très généreux. Cela pose une difficulté. Supposons que vous avez deux accidentés et que vous en avez un qui gagne $9000 par année, qui subit une perte de privilège de travail à cause d'une incapacité physique pendant un an. Cet accidenté serait indemnisé pour son salaire de $9000 pendant un an et un autre accidenté qui gagne $18 000 serait indemnisé pour son salaire de $18 000 pendant un an. C'est bien cela?

Mme Payette: C'est pendant tout le temps de son incapacité.

M. Gosselin: D'accord! Oui. Encore plus que cela.

Mme Payette: Cela dépend. Cela peut être moins aussi.

M. Gosselin: Mais qui va payer? Supposons qu'il y ait une prime sur les plaques d'immatriculation ou sur l'essence pour payer cela. Est-ce que vous ne voyez pas une espèce de difficulté à établir le principe d'équité dans la manière dont les déboursés que l'Etat va avoir à faire vont être équi-tablement répartis chez tous les citoyens? Est-ce qu'on ne risque pas d'aboutir au fait que ce soit la même catégorie de citoyens qui paient finalement pour des indemnisations très lourdes d'une autre catégorie de citoyens qui ont le moyen d'avoir un revenu supérieur? Je verrais mieux un principe d'indemnisation, raccroché au salaire moyen ou raccroché au salaire minimum, qui ne fasse pas cette distinction entre celui qui gagne $18 000 et celui qui gagne $9000.

M. Goulet: Pas si c'est sur l'impôt.

Mme Payette: M. le député, est-ce que je peux vous poser une question, parce qu'il y a juste une petite chose qui n'est pas claire? Est-ce que vous parlez de l'indemnisation ou du financement de la régie?

M. Gosselin: C'est-à-dire que je parle... Mme Payette: Je n'ai pas...

M. Giasson: II parle du coût pour chaque usager de l'automobile en fonction des indemnités qui vont être payées plus élevées aux uns qu'aux autres. Il n'y aura pas d'uniformisation dans l'indemnisation et la prime peut être au même coût pour celui qui est moins avantagé par les indemnités.

Mme Payette: C'est à cela que j'arrivais comme réponse. Ce n'est pas pour rien qu'on n'a pas la solution parfaite au financement. J'espère que vous avez bien compris cela. Si on avait trouvé la solution parfaite, je crois qu'on aurait dit: Voilà, on a trouvé la solution parfaite, on vous la propose. On la cherche, cette solution parfaite, et je serais très heureuse si le député de Sherbrooke avait une idée à ce niveau. On va continuer à chercher.

C'est peut-être par une combinaison de cela, parce que l'impôt sur l'essence, également, fait que les usagers du véhicule automobile sont un peu plus taxés que ceux qui ont une automobile dont ils se servent le dimanche, alors, on cherche à avoir une façon de financer qui soit juste et équitable, par rapport au revenu de chacun. Là-dessus, on est réceptif aux suggestions, et cela fait même partie de la consultation populaire, tellement on a vu là une difficulté, si on veut un régime qui soit un régime de justice sociale, de ne pas faire en sorte qu'il soit injuste dans son financement. On est très réceptif à toutes les suggestions.

Le Président (M. Laplante): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Merci, M. le Président. M. le Président, il est évident qu'en prenant connaissance de ce cahier, ou de cet essai, ou de cette approche d'un nouveau régime automobile, peu importe le terme qu'on...

Mme Payette: Vous, vous êtes content qu'on y soit arrivé; j'aimerais cela vous l'entendre dire, M. Giasson.

M. Giasson: Qu'on débouche sur quelque chose, oui. J'ai pu admettre cela, parce que cela représente véritablement ma pensée que, dans le secteur de l'automobile au Québec, on débouche sur quelque chose de différent de ce qu'on a toujours connu, et qui soit mieux équilibré dans les formes d'indemnisation des victimes. On ne doit plus utiliser le terme "victime", peut-être, il reste qu'on l'a tellement utilisé comme image, comme portrait, qu'on peut s'en servir toujours. Je souhaiterais également, au-delà des transformations qu'on pouvait espérer, déboucher sur des coûts qui ne seraient pas trop élevés ou même prohibitifs pour l'ensemble des citoyens de la province de Québec.

Il est clair que, dans la proposition qui est faite comme nouveau régime, une nouvelle philosophie en matière d'indemnisation est introduite. On aurait pu, à l'image d'autres députés qui se sont posé la question, tenter de voir si l'entreprise privée ou une compagnie d'assurances n'aurait pas pu donner les avantages qu'on retrouve dans cette élaboration nouvelle. Je ne suis pas prêt à admettre qu'il s'agissait d'une chose impossible de la part de l'industrie privée.

Mais même si ce n'était pas impossible, je crois que cela aurait été terriblement difficile. Difficile pour différentes raisons. Je crois que dans un tel système, il faut tenter d'avoir une uniformisation dans les modes de règlements des victimes de la route, surtout celles qui sortent de cette expérience avec une incapacité, qu'elle soit totale, qu'elle soit partielle, qu'elle soit temporaire, qu'elle soit permanente. Je crois que, pour tenter d'atteindre cet équilibre et cette justice qu'on voudrait dans l'indemnisation, un seul organisme pouvait maintenir ce principe d'égalité envers tous. Si on avait confié ce régime, supposons, à l'entreprise privée, et que nous avions au Québec, à titre d'exemple, dix ou douze assureurs qui auraient donné un service tel que conçu ici, comment imaginer que chacun des assureurs puisse maintenir une équipe d'experts médicaux? Au fond, pour déterminer les indemnités à payer, il faut déterminer l'incapacité des gens et l'état de santé, l'état de perte de capacité. Comment croire que dix ou douze assureurs différents auraient pu garder une équipe médicale pour apprécier l'état des victimes qui gardent des incapacités totales ou partielles? Comment ces gens auraient-ils pu, ensemble, travaillant chacun pour des groupes différents, maintenir l'équilibre?

Je suis porté à croire qu'il faut déboucher sur un seul organisme pour atteindre les fins qui sont recherchées dans cette approche nouvelle, dans ce désir d'indemniser tous ceux qui sont touchés par des accidents de la route. Cependant, on doit se poser des questions sérieusement sur la struc-

ture qu'on va donner à l'organisme, que ce soit la Commission des accidents du travail, parce qu'on cite cela comme responsabilité, cela peut être autre chose. Il faut se poser des questions sur l'organisme qui aura à administrer le régime et à payer des indemnités.

On est un peu négatif quand on pense à la Commission des accidents du travail, du moins pour ceux qui ont eu à intervenir dans le passé à la demande de citoyens qui étaient mécontents ou insatisfaits des décisions rendues par la Commission des accidents du travail. Tout à l'heure, on m'a indiqué que le problème majeur de la Commission des accidents du travail était la présence de deux parties adverses, soit l'employé et l'employeur. L'expérience que j'ai acquise de ce côté m'indique que cela peut être une des causes, mais ce n'est pas la principale. Souvent les accrochages qu'on a subis à la Commission des accidents du travail, c'est dans la détermination de l'incapacité et du paiement de la compensation qu'on donnait aux gens.

C'est tellement vrai que, dans beaucoup de dossiers, les experts médicaux de la commission étaient formels sur le pourcentage de perte de capacité dans des cas donnés. Lorsque est intervenue une partie médicale indépendante qui a révisé ces cas, ils ont, en dépit de la certitude qu'avaient les médecins de la commission, convaincu ces derniers qu'ils avaient erré, qu'ils s'étaient trompés, qu'on devait revoir le dossier et modifier les pourcentages d'incapacité, donc modifier en conséquence l'indemnité que la commission payait.

Pour ma part, j'avais pensé que peut-être la Régie des rentes du Québec aurait été plus apte, plus en mesure, mieux habilitée peut-être à entreprendre cela. Cependant, là encore, la Régie des rentes du Québec n'a pas ce principe d'universalité présentement, dans ses modes de fonctionnement, qu'on veut retrouver dans ce régime. En effet, la Régie des rentes du Québec couvre ou va accorder des indemnités seulement aux personnes ou aux soutiens de famille qui ont payé des cotisations; celles qui ne paient pas de cotisations ne peuvent pas, comme participantes, toucher des indemnités. Elles pourront en toucher en fonction de cotisations payées par d'autres, soit par le chef de famille ou celui qui gagne la vie. Donc, le principe d'universalité qui est absolu dans le régime proposé, on ne l'a pas encore à la Régie des rentes du Québec.

Là, également... oui?

Mme Payette: Si vous me permettez, ce n'est pas pour vous interrompre, mais, comme cela risque d'être long et qu'il va y avoir différentes questions, il y en a une à laquelle je pourrais répondre tout de suite, si vous permettez.

M. Giasson: Ce serait peut-être plus facile.

Mme Payette: Vous parlez là du régime de la Commission des accidents du travail, où on fait une expertise médicale qui déclare qu'un individu est incapable, par exemple, à 30%. Notre régime à nous est complètement différent de cette évaluation. Ce qu'on demande comme évaluation, c'est: Est-ce que l'individu est capable, oui ou non, de faire son travail? S'il est déclaré non capable, quel que soit le pourcentage, il est indemnisé pour sa perte de revenu. Juste pour vous situer, par rapport à la différence avec ce qui est le régime de la CAT.

M. Giasson: Je suis d'accord avec vous, Mme le ministre, mais cela suppose que le mode de fonctionnement de la Commission des accidents du travail, vis-à-vis de ce que vous venez de déclarer, va être bien différent de ce qu'on a connu traditionnellement.

Mme Payette: C'est cela, c'est exact.

M. Giasson: Si c'était la Commission des accidents du travail qui avait la responsabilité d'administrer, d'évaluer les pertes corporelles et de payer les indemnités, il faudrait qu'elle ait un mode de fonctionnement totalement différent.

Mme Payette: Qu'on applique ce régime pour l'assurance-automobile.

M. Giasson: Qui serait un mode d'administration particulier au paiement des indemnités pour blessures corporelles et garder l'ancien régime...

Mme Payette: Mais oui.

M. Giasson: II y aurait deux sections différentes.

Mme Payette: C'est cela. A moins que la CAT réformée en arrive à cette solution également. On ne le sait pas.

M. Giasson: Je crois qu'il existe un pays tout au moins où c'est le même organisme qui indemnise tous ceux qui subissent des accidents, quelle que soit la forme de l'accident.

Mme Payette: La Nouvelle-Zélande est le seul pays au monde où cela existe.

M. Giasson: Là encore où on peut se poser des questions c'est dans l'évaluation du coût du régime public qu'on veut instaurer. Vous avez indiqué, tout à l'heure, qu'on s'était inspiré des recherches ou des études qui avaient été menées par le comité d'étude Gauvin. Evidemment, c'est assez difficile de déterminer quel sera le coût d'un tel régime, dans le temps. On peut assez bien, je crois, suite à des recherches et des études, déterminer quelles sont les prévisions de coût dans l'immédiat, dans les première, deuxième et troisième années. Mais je crois que, dans le temps, on devra nécessairement réviser les coûts en fonction de la charge constante que va subir le régime, parce qu'à chaque année il devra recevoir des réclamations et procéder au paiement de personnes

qui souffrent d'incapacité. Les unes vont quitter le régime pour le paiement de la rente annuelle, parce que l'état d'incapacité va disparaître. D'autres personnes vont demeurer intégrées au régime, surtout dans le cas de décès d'un soutien de famille; il faudra que la veuve et les enfants continuent de toucher la rente, les enfants vont sortir à un moment ou à un autre.

Mme Payette: Le régime tient compte de cela, M. Giasson, dans l'évaluation.

M. Giasson: Oui, il tient compte de cela, je pense, pour les premières années. Mais on va vivre, selon moi, à moins que vous me certifiiez que la recherche, l'étude a été poussée sur une projection d'années aussi éloignées que l'an 2000 et l'an 2010...

Vous savez ce qui s'est produit à la Régie des rentes du Québec. On a établi un système de cotisations qui devrait couvrir adéquatement les prévisions de rentes à payer, quelle que soit la forme des rentes. On savait que nos projections n'étaient pas bonnes pour une trop longue période, mais on a découvert, beaucoup plus rapidement qu'escompté par les actuaires de l'époque, qu'on devra réviser la structure des cotisations à la Régie des rentes du Québec. Il y a eu dépassement dans les sommes versées par la Régie, face aux différentes rentes qu'on paie, rentes qui vont continuer de s'accroître, là comme ailleurs.

C'est pour cela qu'on peut prévoir les coûts dans les années immédiates, mais on va être dérangé, en cours de route, après un certain nombre d'années et il faudra revoir les entrées de fonds ou le coût de financement du régime.

Mme Payette: Permettez-vous qu'on donne une explication?

M. Giasson: Oui, allez-y.

Mme Payette: Dans l'évaluation des coûts du régime qui a été faite et dont les résultats apparaissent au livre bleu, à la page 66, on a déterminé que, pour chaque personne qui devient invalide dans une année — prenons une personne qui deviendrait invalide — on a prévu que les primes nécessaires à la capitalisation entière de sa rente devaient entrer. En d'autres termes, il ne s'agit pas d'un système qu'on pourrait appeler, dans le langage du métier, de "pay as you go". On met en réserve. Il est prévu que les primes qui sont là seront suffisantes pour mettre en réserve les fonds nécessaires pour servir la rente jusqu'à la fin de la vie ou jusqu'à la fin de l'incapacité d'une personne qui devient incapable.

M. Giasson: Cela suppose, si vous me permettez, que dans certains cas vous avez prévu un coût étalé sur 25 ans, 30 ans, 35 ans.

Mme Payette: C'est cela.

M. Giasson: C'est le cas du jeune chef de famille qui décède à l'âge...

Mme Payette: C'est cela.

M. Giasson: ... de 27 ans ou de 30 ans et dont l'épouse pourrait vivre jusqu'à 75 ans et toucher sa rente annuelle.

Mme Payette: De sorte que, dans une hypothèse absurde, si après un an de fonctionnement la régie cessait ses activités, en d'autres termes, si elle n'assurait personne de nouveau, elle aurait en réserve suffisamment d'argent pour servir toutes les rentes jusqu'à la fin de ceux qui sont devenus incapables dans sa seule année de fonctionnement.

M. Giasson: Par le capital en réserve comme par les rentrées d'intérêts des placements découlant de cela.

Mme Payette: Exactement. Si vous permettez, M. Giasson, je vous ai peut-être mal informé tout à l'heure. Juste une petite correction. Les frais d'administration de la Commission des accidents du travail sont évalués à environ 8%. Le Régime des rentes du Québec à 3,3%. La RAMQ à 6,2%. C'est pour cela qu'on pense que notre administration à 6% est réaliste dans les circonstances.

M. Giasson: De ce côté, je me posais des questions. Les régimes que vous venez d'identifier n'ont pas tous les même nombre de clients auxquels ils doivent répondre. La Régie de l'assurance-maladie ne fait pas affaires avec le public; elle a un type bien déterminé de gens à qui elle paie des honoraires ou des compensations, si ce sont les professionnels de la santé, on en a combien? 25 000 au Québec. A peine 25 000 au Québec. Donc, ce sont toujours les mêmes personnes qui réclament de la Régie de l'assurance-maladie.

Du côté de la Régie des rentes, là, le montant va s'accroître constamment. Du côté des accidents du travail, je n'ai pas vu de chiffres...

Mme Payette: Si vous permettez, je vais vous en donner.

M. Giasson: ... mais il est plausible qu'entre 6% et 8% les prévisions soient assez justes.

Mme Payette: Je vais vous donner des chiffres de la CAT. La commission a actuellement 280 000 demandes de prestations chaque année avec une administration à 8%. Nous allons, nous, ajouter probablement environ 50 000 cas.

M. Giasson: 50 000 cas par année. Là, vous incluez toute l'administration de ce régime. S'il y a paiement de frais médicaux, ce sera la CAT...

Mme Payette: C'est exact.

M. Giasson: Ce sera pour tout paiement à faire quant à une mutilation, frais médicaux, cas d'incapacité, cas de décès, etc.

Mme Payette: C'est exact.

M. Giasson: Frais de réinsertion, frais de réhabilitation...

Mme Payette: C'est exact.

M. Giasson: II est évident que, pour celui qui examine cela et qui veut faire des comparaisons, le présent régime va traiter les gens de façon différente sur certains sujets spécifiques. Si l'on tente de comparer ce que le nouveau régime va donner pour la perte de la vie d'un enfant, de deux ans, cinq ans ou dix ans, avec ce que le régime actuel, avec notion de faute, responsabilité peut apporter, on va trouver que ce régime est plus mesquin pour le traitement.

Mme Payette: Plus juste.

M. Giasson: Plus juste? Peut-être que les montants... Non seulement peut-être, mais assurément, les montants vont être moins élevés dans le cas de jeunes enfants qui décèdent immédiatement lors d'un accident que ce que les tribunaux pouvaient accorder dans le passé. Il peut arriver également que pour...

Mme Payette: Ce n'est pas sûr, cela, parce que, encore fallait-il pouvoir trouver un coupable, encore fallait-il pouvoir démontrer la culpabilité et encore fallait-il que le coupable soit solvable ou assuré.

M. Giasson: Oui, je parle de jugements rendus par des tribunaux.

Généralement un jugement rendu par un tribunal sur un accident d'automobile en vertu du régime actuel: je vous parle toujours en fonction du régime actuel.

Mme Payette: II y en a un cas contre 2000 qui ne reçoivent rien du tout.

M. Giasson: Un cas contre 2000?

Mme Payette: 2000. Je dis n'importe quel chiffre. Pour un cas qu'on peut citer d'un enfant qui, à un moment donné, obtient en indemnisation $500 000 — cela a été le cas je pense en Ontario ou ailleurs — vous avez, à côté de cela, des gens qui ne reçoivent rien.

M. Giasson: Si vous me le permettez, prenez tous les cas d'enfants dont la perte de la vie a été indemnisée soit par l'assureur en fonction du principe de la responsabilité dans le régime actuel, soit en fonction du paiement exécuté par le fonds d'indemnisation des victimes de la route. Si vous examinez les sommes qui ont été versées, accordées par des tribunaux, en fonction de ce qu'il y a ici, c'est moins élevé ici. Quel est le maximum qu'on pourra verser pour le décès d'un enfant de cinq ans, tué sur le coup, instantanément dans un accident?

D'abord, $1500 pour les frais médicaux. Ensuite, pour la perte de la vie, qu'est-ce qu'on va accorder?

Le Président (M. Laplante): Est-ce qu'il me serait permis de mettre mon petit grain de sel là, juste pour votre information?

M. Giasson: Personnellement, je n'ai pas d'objection, si les membres de la commission sont d'accord.

Le Président (M. Laplante): J'ai vécu un cas personnel qui a donné $5000 pour la perte d'un enfant dans un accident d'automobile.

M. Giasson: Vous devez payer $1500 de frais médicaux, plus un montant forfaitaire pour le décès.

Mme Payette: II y a $1500 pour les frais de funérailles et $2000 comme forfaitaire pour le décès d'un jeune enfant.

M. Giasson: C'est cela. Egalement, il y a des gens qui vont faire des comparaisons à l'effet que, pour la mutilation, dans le système qui existe présentement, des victimes auront touché des montants plus élevés que ceux que le nouveau régime propose. Mais, dans la pratique, est-ce que ce sera aussi vrai? On pourra payer une indemnisation pour une personne qui a subi une mutilation — je parle toujours des jeunes — et, en vieillissant, si elle n'est pas capable de s'intégrer à une activité de travail complète, son dossier pourra être revu. En plus de l'indemnité de mutilation qu'on lui aura payée dans sa prime jeunesse, elle pourra peut-être bénéficier d'une rente annuelle en fonction de l'incapacité qu'elle aurait de ne pas s'intégrer au monde du travail.

Mme Payette: Je vais peut-être vous renvoyer au document en page 61, en ce qui concerne les mineurs. Le cas des mineurs a été étudié particulièrement et un mineur qui, à la suite d'un accident, sera rendu incapable d'étudier ou de vaquer aux occupations normales de son âge, recevra le montant de la rente minimum, c'est-à-dire $80 par semaine jusqu'à sa majorité ou pendant le temps que durera son incapacité. A 18 ans, s'il est incapable de travailler, il recevra la rente moyenne d'un célibataire majeur versée par la régie à une victime qui avait un emploi au moment de l'accident, et c'est indexé.

M. Giasson: Oui, mais je parlais toujours du cas précis d'une jeune personne — mettons une personne, à titre d'exemple, qui aurait neuf ans — qui perd dans un accident d'automobile, quelles que soient les causes, l'usage d'une main ou l'usage d'une jambe. On sait les montants que les tribunaux ont accordés au cours des récentes années.

Mme Payette: II faudrait me donner des exemples, parce qu'on peut aussi vous citer des cas où cela ne s'est pas rendu devant les tribunaux. Vous ne parlez que d'exceptions...

M. Giasson: Oui, je comprends qu'avec le système actuel...

Mme Payette: ...alors que nous parlons de généralités.

M. Giasson: Je ne parle pas d'exceptions; je parle des cas qu'on retrouve à l'intérieur des 72% de victimes qui ont été indemnisées par le présent régime.

Mme Payette: Après combien de temps d'attente et dans quelle mesure par rapport aux souffrances et à l'anxiété que crée l'attente pendant parfois, et vous le savez, les trois ans, quatre ans, cinq ans et parfois davantage que durent ces causes devant les tribunaux?

M. Giasson: Oui, de ce côté, je concède que, pour faire des réclamations, dans un premier temps pour déterminer la responsabilité et, dans un autre temps, pour déterminer le quantum, le montant de l'indemnité à percevoir, en se servant des tribunaux, c'est assez long. On peut aller chercher dans le régime actuel une première remise, par le biais du chapitre B, de la police, des frais médicaux qui sont des paiements volontaires et non pas faits en vertu de la notion de responsabilité.

Mme Payette: Si le responsable est assuré seulement.

M. Giasson: Oui, oui, je vous parle toujours à l'intérieur des 72% qui sont admissibles au paiement d'indemnités.

Mme Payette: Là, on a changé de côté. On parle des assurés qui possèdent dans leur contrat d'assurance une clause qui...

M. Giasson: Chapitre B. Mme Payette: Le chapitre B.

M. Giasson: Oui, mais c'est devenu monnaie courante. Il y a beaucoup d'assureurs qui n'acceptent plus d'émettre de polices d'assurance-automobile sans que soit souscrite la couverture du chapitre B.

Mme Payette: Mais il y a actuellement 20% de la population qui n'est pas assurée du tout, M. Giasson.

M. Giasson: C'est l'autre dimension à laquelle vous tenez beaucoup, je vous le concède, mais je vous parle toujours à l'intérieur du bloc de ceux qui détiennent de l'assurance.

Mme Payette: Ce qui se passe habituellement, je pense que vous allez être d'accord avec cela, c'est que, au lieu d'attendre le jugement du tribunal, il arrive qu'on règle parfois avant que le jugement ne soit rendu, souvent en désespoir de cause parce que l'attente est trop longue, et qu'on règle pour un montant forfaitaire qui n'a rien à voir avec les possibilités que le régime que nous présentons peut offrir à une victime.

M. Giasson: C'est exact. Traditionnellement, on a payé des indemnités en laissant courir le temps et on a gagné des gens, on les a convaincu d'accepter, à l'usure.

Mme Payette: C'est exact.

M. Giasson: En laissant écouler le temps, obligeant ces personnes à retenir les services de procureurs, puis on connaît parfois la lenteur des procédures sur ces choses.

Mme Payette: Et vous serez d'accord avec cette déclaration du rapport Gauvin qui dit que les grandes pertes sont sous-estimées, de toute façon, et les petites pertes sont surestimées par les tribunaux. C'est ce que semble démontrer l'expertise qui a été faite dans ce domaine.

M. Giasson: J'ai toujours déploré, à l'intérieur du système d'assurance-automobile qui fut le nôtre, ici au Québec, la lenteur du paiement de certaines réclamations. C'est pourquoi, lorsqu'on nous a présenté le rapport Gauvin, il y avait des éléments auxquels je croyais et que j'approuvais là-dedans. Je vous concède, je vous admets que le régime que vous proposez, côté régie publique, en matière de rapidité de paiement, c'est un gain très net par rapport à l'ensemble du système traditionnel du Québec. Cela est indiscutable pour celui qui a vu fonctionner le système traditionnel. Celui qui était dans le monde de l'assurance, à quelque niveau...

Mme Payette: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire...

M. Giasson: ... découvre que cette formule va être beaucoup plus rapide en matière de paiement puisque les annuités ou les rentes pourront commencer à être versées dès le départ, pour ce qui est de frais médicaux aux mutilations. Il n'y aura pas de retard à payer ces rentes. Il s'agira que l'équipe qui administre le régime détermine la perte du membre.

Mme Payette: Est-ce que vous iriez jusqu'à dire, parce que je sais que vous avez une longue expérience dans ce domaine, que c'est un régime généreux aussi pour un régime de base universel?

M. Giasson: Si c'est un régime généreux?

Mme Payette: Je veux dire ce que le député de Sherbrooke soulignait toute à l'heure, que c'est un régime généreux dans son indemnisation?

M. Giasson: C'est un régime...

Mme Payette: Par rapport à des régimes connus du même ordre?

M. Giasson: C'est un régime beaucoup plus généreux, dans mon appréciation de ce que j'ai vu là, que le système qu'on a connu. Dire que c'est un régime très très généreux, il y a encore une au-

tre marge. C'est un régime beaucoup plus généreux dans l'ensemble, dans mon appréciation, beaucoup plus généreux que celui qu'on a connu depuis toujours.

Le Président (M. Laplante): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Nous avons eu, tout de même, M. le Président, une réponse à ces chiffres que nous avons demandés en Chambre, hier, et que nous n'avions pas pu obtenir ou qu'on va peut-être obtenir cet après-midi.

Seulement le nouveau régime de base, dans les $385 millions, cela inclut les dépenses et les obligations futures du régime.

Nous sommes bien aise de savoir ceci. C'est un élément extrêmement important. J'aimerais revenir, tout de même, M. le Président, aux gens qui ont des revenus supérieurs à $18 000 et plus. Comme je le disais, pour cette classe de gens, c'est certainement un régime qui fera que nos primes, pour s'assurer convenablement, seront très probablement supérieures à celles qu'on paie aujourd'hui parce que nous serons obligés de nous assurer privément. Cela compliquera le système d'assurance pour tout ce secteur de la population.

De toute façon, dans la forme d'indemnisation qu'on a établie, il faut bien dire que, si cela n'a pas été antérieurement la règle dans l'industrie privée ou la règle que les tribunaux ont traditionnellement établie, il est très difficile de prévoir, pour une personne qui va recevoir ces rentes, de projeter dans l'avenir quels en seront les coûts.

Prenons un exemple bien pratique. Prenons quelqu'un qui est accidenté aujourd'hui, qui devient impotent, du moins d'une façon passagère, et qui ne peut plus occuper son emploi. Voici ce qui arrive si cette personne gagne $18 000 ou plus; prenons comme exemple $18 000, si vous voulez, car il y a bien des gens aujourd'hui qui gagnent $18 000, même des ouvriers dans la construction, etc. Je n'ai pas besoin de faire l'énumération. Le type ne peut plus travailler. Alors on lui remet 90% de son revenu net, et ceci tant qu'il ne pourra pas travailler sur la construction, si je ne m'abuse. Disons que c'est un ouvrier qui travaille dans les hauteurs.

Mme Payette: A la page 52, M. le député de Jacques-Cartier, vous trouverez la réponse complète. La victime incapable d'exercer son emploi...

M. Saint-Germain: Non. J'ai bien compris cela mais...

Mme Payette: ... habituel est compensée au moyen d'une rente qui lui rembourse 90% du revenu net perdu. Et la rente est versée durant tout le temps que dure l'incapacité d'exercer l'emploi habituel ou pendant cinq ans selon l'échéance la plus rapprochée.

M. Saint-Germain: On a tous lu cela, Mme le ministre. Alors ce type qui travaille dans les hauteurs subit une blessure à une jambe. Il ne peut pas travailler passagèrement. On lui remet une rente au complet. Ai-je raison? Cela fait trois mois que le type est invalide. Quelle va être sa motivation si au bout de trois mois il ne puisse plus jamais travailler? C'est bien possible, si c'est une blessure à une jambe ou s'il est handicapé assez pour botter, que cela devienne une incapacité permanente d'accomplir l'emploi qu'il avait auparavant.

Lorsque arrive le temps pour ce type de reprendre son travail, qui ne sera pas nécessairement son ancien, il doit très probablement subir une perte de revenu. Et voilà que, si avec son emploi nouveau le type fait $9000 par année par exemple, on va lui déduire 50% de son revenu sur les premiers $5000. Pour l'excédent, qui est de $4000, on lui enlève 75% et il va lui rester $1000. Ai-je raison?

Mme Payette: II va lui rester en fait, si on compte tout, le revenu nouveau qu'il va chercher, plus la rente de la régie...

M. Saint-Germain: Qui ne baisse pas.

Mme Payette: ... qui baisse mais pas autant que le nouveau revenu. Il va lui rester plus qu'il faisait avant l'accident.

M. Saint-Germain: C'est juste.

Mme Payette: Pendant une certaine période.

M. Saint-Germain: Supposons que son revenu est de $12 000 par année payable par la rente. Il a un emploi de $9000. Pour les cinq premières années, il va recevoir comme revenu additionnel à sa rente, qui va rester la même, $2500 pour sa première tranche de $5000 et $1000 pour sa deuxième portion qui dépasse $5000. Ai-je raison? Et la rente en plus.

Mme Payette: II faut bien comprendre, je ne suis pas certain si tout est compris. Son revenu avant l'accident était de $12 000.

M. Saint-Germain: II était de $18 000, si vous voulez, qu'on a réduit à $12 000 net, à 90% de son revenu net. J'ai fait une hypothèse présumant que c'est $12 000. Si vous avez les chiffres précis, allons-y.

Mme Payette: Acceptons pour les besoins de la discussion qu'une personne avait un revenu net après impôt de $12 000.

M. Saint-Germain: C'est juste.

Mme Payette: Tant et aussi longtemps que durera son incapacité, elle recevra 90% de cela, $10 800.

M. Saint-Germain: Bon, vous avez enlevé 90% mais c'est sans conséquence.

Mme Payette: Très bien. Si elle trouve un emploi qui lui rapporte $5000, elle va recevoir...

M. Saint-Germain: Excusez-moi. J'ai fait une hypothèse sur $9000, si vous le voulez bien.

M. Goulet: M. le Président, je m'excuse. Nous n'avons pas quorum. Est-ce qu'on doit attendre? Je ne sais pas.

Le Président (M. Laplante): Ordinairement, lorsqu'on signale qu'il n'y a pas quorum, on suspend; mais, si c'est la volonté de la commission de continuer, je sais que Mme le ministre sera absente durant une ou deux minutes.

M. Saint-Germain: Personnellement — la discussion est interressante, on parle avec quelqu'un qui s'y connaît — je n'ai pas d'objection à continuer.

Le Président (M. Laplante): D'accord, la commission!

M. Saint-Germain: Alors, vous voulez faire $5000?

Mme Payette: Oui, on le fera. Alors, elle recevra, à partir du moment où elle fait $5000, $5000 net plus une rente de $2500, ce qui fait une rente de $8300. $8300 plus $5000, cela donne $13 300 alors qu'elle avait un revenu, après impôt déduit, avant l'accident, de $10 800. Donc, elle a intérêt à retourner sur le marché du travail.

M. Saint-Germain: Son intérêt se chiffre par le montant de...

Mme Payette: ...de $2500.

M. Saint-Germain: Ici, c'est $9000 maintenant.

Mme Payette: Ajoutons $4000. $4000 de revenu...

M. Saint-Germain: Oui...

Mme Payette: ...cela veut dire qu'on lui donne $4000 et sa rente qui aurait été de $10 800 est réduite de $2500 pour le premier $5000, et de 75% de $4000, c'est-à-dire $3000 pour l'autre tranche de $4000 ce qui veut dire que la rente est réduite à $5300.

Je ne suis pas certain, mais cela vaut la peine de vérifier. C'est cela. Alors, cette personne se retrouve avec $9000 de revenu plus $5300 de rentes, ce qui fait $14 300, alors que son revenu, après impôt, avant l'accident, était de $10 800. Elle se trouve à faire plus qu'elle faisait avant l'accident, d'où l'incitation à retourner sur le marché du travail.

M. Saint-Germain: Son incitation se chiffre à combien?

Mme Payette: A $14 300 moins $10 800, c'est-à-dire $3500.

M. Saint-Germain: Maintenant, est-ce que ces $3500 sont taxables?

Mme Payette: Ce qui est taxable... tous les chiffres sur lesquels on a travaillé sont des revenus, après impôt.

M. Saint-Germain: Alors, si c'est un revenu après impôt, pour en arriver à une différence de $3500 de revenu de motivation au travail, comme vous l'expliquez, il faut qu'elle aille chercher plus que $9000.

Mme Payette: Oui.

M. Saint-Germain: II faut qu'elle aille chercher quel revenu, à peu près?

Mme Payette: Cela dépend de ses obligations familiales.

M. Saint-Germain: Supposons que ce type est marié et a deux enfants.

Mme Payette: C'est cela. On n'a pas le chiffre exact ici, mais c'est certainement plus que $9000.

M. Saint-Germain: C'est certainement plus que $9000. Maintenant, ce type va être obligé pour travailler, surtout s'il est handicapé, de voyager. Avec cette motivation au travail de $3500, il a tout de suite des frais de transport qu'il n'a pas s'il reste à la maison. Est-ce que vous admettez cela?

Mme Payette: Ces frais de transport, cela dépend de son état.

M. Saint-Germain: Bon. Vous admettez que s'il est en dehors du foyer il aura des frais pour son lunch à moins qu'il ne s'apporte des sandwiches. Dans un régime social, comme on le dit si bien, on n'obligera pas le rentier à manger des sandwiches, mais enfin! Il aura des frais de transport...

Mme Payette: II a des frais inhérents à travailler.

M. Saint-Germain: II aura des frais de nourriture, il aura des frais d'habit qui seront inhérents au fait...

Mme Payette: ...de travailler.

M. Saint-Germain: ...de travailler.

Si vous tenez compte, siVous voulez, de la nature humaine, quelle va être la motivation au travail de cet accidenté? Il va se donner la peine de sortir de la maison, quelle qu'en soit la température; il va être obligé d'aller chercher un revenu qui est au-delà de $9000 pour avoir un niveau de vie plus élevé, mais un niveau de vie qui va être encore, comme différence, plus bas que $3500. Aujourd'hui, chez les travailleurs, on entend dire cela très souvent: Je ne ferais pas de temps supplémentaire, la taxe est trop élevée. On entend des

hommes d'affaires dire: Je pourrais bien augmenter mes investissements, mais j'ai déjà un certain âge, mes obligations de famille sont au minimum; la taxe est tellement élevée, pour quelle raison prendrais-je des risques? Je crois qu'avec les expériences actuelles des réactions d'un être humain, c'est tout à fait théorique, c'est simplement sur papier que vous avez pour un accidenté une motivation au travail. Je ne peux pas voir, si vous offrez un emploi à quelqu'un qui va être rémunéré à un salaire qui va dépasser $9000 ou à un salaire qui est de $9000 net, alors qu'il va encaisser, sur ce revenu net qui va lui rester dans sa poche une somme inférieure à $3500, que vous avez là une motivation au travail. Moi, cela me dépasse.

Mme Payette: M. le Président, je pense qu'il faut ajouter que la motivation à retourner au travail ne se trouve pas strictement en termes monétaires, tel que décrit là. L'exemple qu'on vient de prendre illustre une chose, c'est qu'une personne qui est capable de retourner sur le marché du travail et d'aller chercher un salaire qui excède $9000, qui est très près, sinon supérieur, au revenu qu'elle avait auparavant, ne répondra peut-être plus aux critères pour recevoir une rente, tout simplement.

M. Saint-Germain: Oui.

Mme Payette: L'incitation à retourner au travail devient très forte, parce qu'elle risque de perdre sa rente au complet.

M. Saint-Germain: Oui, mais, quand vous voulez lui faire perdre cette rente, vous entrez dans toute une technicité qui n'est pas facile à déterminer. Continuons par un exemple bien pratique: le type a subi une blessure, on a dit à la jambe, mettons qu'elle soit dans le dos, à la colonne vertébrale. Même aujourd'hui, quel est le médecin qui peut réellement dire qu'un type a une douleur dans le dos ou qu'il n'en a pas? Quel est le contrôle, dans l'état actuel de la médecine, qui peut dire réellement: Un type peut travailler ce matin ou il ne le peut pas? Cela n'est pas facile à déterminer. On l'a vu avec l'assurance-chômage, on le sait avec la Commission des accidents du travail. Alors, de cette façon, si le gars a du coeur au ventre, autrement dit, et qu'il veut aller travailler, vous le taxez plus lourdement. Si le type a — on va dire — en plus de son emploi régulier, certaines capacités, certaines connaissances à côté, si vous voulez, il peut aller facilement se chercher à la maison ou autrement un revenu en bas de $3500 et la motivation au travail est tout à fait inexistante.

On pourrait continuer dans ce sens. Je crois que, si on donnait une rente à un type, après avoir établi son incapacité, on pourrait être généreux, si vous voulez, dans la rente qu'on lui donnerait. On pourrait être très généreux dans l'établissement de sa capacité. Mais là, vous lui payez une rente fixe, quitte à relever le dossier si, à la suite de son accident, il y a des complications médicales etc., mais, en principe, vous lui payez une rente qui est fixe. Là, s'il va chercher un revenu de $9000 net, il l'a, la motivation.

Mais du moment que vous le taxez à 50% et à 75%, je crois que c'est méconnaître énormément la nature humaine. D'ailleurs, un type va toujours essayer, dans la vie, et c'est normal, on l'a vu ailleurs avec nos lois sociales, il y a trop de gens qui disent, par exemple, si on revient à l'assurance-chômage ou à l'assistance sociale: Les gens sont paresseux, ils ne veulent plus travailler. Ce n'est pas vrai. Ce sont des gens intelligents, ils calculent puis ils disent: Combien je vais recevoir de l'assurance-chômage, et combien je vais recevoir si je vais travailler, et quelle va être, au bout de la ligne, la différence dans mon niveau de vie? Du moment que le type s'aperçoit qu'il y a un avantage pécuniaire à être sur l'assurance-chômage, il reste sur l'assurance-chômage.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jacques-Cartier, il y en a plusieurs encore qui veulent poser des questions, je ne sais pas s'il y aurait possibilité de s'entendre pour qu'on pose des questions, pour essayer de vider ce débat.

M. Saint-Germain: Je pose la question. C'est une question.

Le Président (M. Laplante): Je sais que vous avez le droit de parler, tant que vous voulez, autour du sujet. Je regarde le député de Montmagny-L'Islet, le député de Bellechasse qui veulent aussi poser quelques questions. Pour essayer de servir tout le monde, y aurait-il possibilité de s'entendre pour qu'on pose des questions au stade où on en est rendu?

M. Saint-Germain: Si vous me permettez, M. le Président, je crois qu'il y a là une question fondamentale. C'est la façon dont on va rémunérer les accidentés. Je n'ai aucune objection, croyez-moi.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais que vous ne voyiez pas cela dans un sens de bâillonnement, mais de façon constructive, pour que tout le monde puisse participer à ce débat que je crois, moi aussi, des plus intéressants.

M. Saint-Germain: Croyez-moi, M. le Président, je ne veux enlever la parole à personne, mais seulement, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle, j'ai bien des choses à dire sur ce sujet et j'aimerais bien avoir l'occasion d'aller au fond du problème. On est sur l'étude des crédits. Il y a des sommes énormes qui sont en jeu ici et je pense bien que c'est ma responsabilité, à titre de porte-parole officiel de l'Opposition de...

Mme Payette: M. le Président, dans l'exposé du député de Jacques-Cartier, cela pose juste un problème pour amener une réponse. C'est le problème que vous avez soulevé, à un moment donné, en disant: Est-ce qu'un médecin peut dire

que quelqu'un a vraiment mal au dos ou des choses comme cela? Je pense que là, on est en train de faire des hypothèses auxquelles on ne peut pas répondre, d'une part, parce que moi je ne suis pas médecin et puis que je ne connais pas non plus, suffisamment, les techniques médicales pour vous dire comment un médecin fait pour savoir si quelqu'un a vraiment mal au dos ou n'a pas vraiment mal au dos. Je pense que là, il y a une expertise qui appartient au corps médical. A partir du moment où vos hypothèses reposent sur l'évaluation médicale qu'on ferait d'un cas, cela devient extrêmement difficile pour nous de continuer à l'analyser.

M. Saint-Germain: Je ne vous blâme pas, Mme le ministre, de ne pas être capable de me donner de réponse en blanc et en noir sur un tel sujet. C'est simplement le message que je veux vous dire. C'est qu'il n'y en a pas, actuellement, réellement, de moyens pour dire qu'un homme, ce matin, peut aller travailler ou ne peut pas aller travailler.

Mme Payette: Je ne peux pas accepter ce préambule, M. le député. Est-ce que vous êtes médecin, vous?

M. Saint-Germain: Non, je ne suis pas médecin.

Mme Payette: N'étant médecins ni l'un ni l'autre, je ne pense pas qu'on puisse donner cette assurance à la population qu'il n'existe pas de moyens de déterminer si quelqu'un a mal au dos ou pas.

M. Saint-Germain: Non, mais je veux dire, madame, que si quelqu'un veut induire un médecin en erreur et si on veut être humain, nécessairement, dans un tel système, le doute devra toujours être donné à l'accidenté. Le bénéfice du doute devrait toujours être donné à l'accidenté. C'est ce qui arrive au niveau des accidents de travail, le bénéfice du doute va à l'accidenté.

Mme Payette: M. le député, vous avez peut-être perdu de vue, cependant, qu'on a bien dit qu'il y avait un tribunal d'appel prévu à l'intérieur du système que nous proposons. Ce qui fait que si quelqu'un estimait que l'évaluation qu'on fait de son cas n'est pas une bonne évaluation, il aura une possibilité de recours auprès du tribunal d'appel.

M. Saint-Germain: Je veux bien, mais même un tribunal d'appel, devant une situation semblable, va avoir bien de la difficulté à donner un jugement qui sera juste, parce que le type dit: Moi, j'ai mal au dos, je fais de l'arthrite, je ne sais pas quoi, ou du rhumatisme, je ne le sais pas. Même un tribunal d'appel ne pourra certainement pas dire...

Mme Payette: Mais il faudrait que ce soit suite à un accident d'automobile, cependant, c'est de cela qu'on parle.

M. Saint-Germain: Non. Je dis tout cela parce que la victime d'un accident d'automobile va être motivée à l'extrême pour dire à son médecin qu'elle est impuissante à reprendre son travail. Il va y avoir une motivation terrible. Il faudrait une rente stable — je fais une hypothèse. Lorsque la rente est stable, vous dites au type qu'elle est établie avec les moyens humains qu'on a à sa disposition pour le faire, parce que ce sont toujours des moyens, comme je vous le dis, qui sont discutables. Même les médecins vont admettre que parfois c'est bien difficile pour eux de prendre une décision. Si vous mettez une rente fixe, votre patient va avoir la motivation d'aller au travail. S'il est malade, il va rester chez lui mais, s'il n'est pas malade, il va aller travailler. Tandis que là vous l'obligez à soutenir qu'il est impuissant à aller au travail. Je crois que cela va vous jouer des tours. Avez-vous des estimations des sommes qui seront remises à l'office par la taxation que vous faites sur le revenu de ces travailleurs?

Mme Payette: M. le député de Jacques-Cartier, pendant qu'on va trouver la réponse a votre question, est-ce que je peux vous en poser une? Je ne peux pas le faire sans votre autorisation.

M. Saint-Germain: Vous pouvez bien.

Mme Payette: Vous avez vécu, à moins que je ne me trompe, une expérience qui pourrait nous être utile.

M. Saint-Germain: Oui, oui.

Mme Payette: Vous avez été accidenté.

M. Saint-Germain: Oui.

Mme Payette: Je sais que vous êtes venu à l'Assemblée nationale pendant presque un an en chaise roulante. Est-ce exact?

M. Saint-Germain: C'est vrai.

Mme Payette: Pour le bénéfice de la population — vous êtes un cas qui n'est pas hypothétique, c'est un cas vécu — accepteriez-vous de me dire comment vous avez été indemnisé? Comment cela s'est-il passé dans votre cas?

M. Saint-Germain: Je vous ai dit que je ne défendais pas le statu quo parce que je n'ai pas reçu un cent encore.

Mme Payette: Cela fait combien de temps que vous avez été accidenté?

M. Saint-Germain: Cela fait trois ans et demi.

Mme Payette: Ecoutez, je trouve cela important.

M. Saint-Germain: Cela fait trois ans et demi.

Mme Payette: Moi, je n'ai jamais eu d'accident d'automobile de ma vie.

M. Saint-Germain: Trois ans et demi.

Mme Payette: Après trois ans et demi, vous n'avez pas été indemnisé?

M. Saint-Germain: Je n'ai pas reçu un cent. Non. On m'a fait des offres. J'aurais pu être indemnisé.

Mme Payette: Vous auriez pu régler en dehors du tribunal.

M. Saint-Germain: On m'a fait des offres que je n'ai pas acceptées, pour une raison bien particulière, n'ayez pas d'inquiétude. Puisque vous parlez de mon cas, il faut bien en parler. Avec votre régime, je n'aurais rien eu, pratiquement.

Mme Payette: Peut-être qu'on pourrait, si vous nous donniez les détails de votre accident, analyser votre situation.

M. Saint-Germain: Si vous étiez victime d'un accident d'automobile, vous sauriez ce que cela veut dire au point de vue des traumatismes, de la vie familiale, de la santé...

Mme Payette: C'est justement pour cela, M. le député de Jacques-Cartier...

M. Saint-Germain: ... de l'insécurité que cela peut amener.

Mme Payette: ... que nous estimons qu'il faut agir vite parce qu'il y a des gens qui souffrent pendant ce temps-là.

M. Saint-Germain: C'est d'ailleurs la raison pour laquelle je n'ai pas résolu mon problème, parce que je croyais que je n'étais pas dédommagé relativement aux préjudices que j'avais subis. Malheureusement, avec le régime que vous avez là, moi, je n'aurais rien eu ou pratiquement rien.

Mme Payette: Si vous voulez nous soumettre le cas, M. le député...

M. Saint-Germain: Aujourd'hui...

Mme Payette: ... on va l'analyser et vous dire ce que vous auriez touché.

M. Saint-Germain: Je vais vous le dire, j'ai été payé par l'Assemblée nationale, cela m'éliminerait complètement de votre rente. Aujourd'hui, je travaille. Si j'étais un travailleur de la construction, je serais un homme invalide.

Mme Payette: Et après trois ans et demi...

M. Saint-Germain: Comme travailleur de la construction, vous me paieriez un bon montant, mais dans ma situation particulière, avec votre régime, je n'aurais pratiquement rien reçu.

Mme Payette: J'espère, M. le député de Jacques-Cartier, que vous estimez que vous valez suffisamment pour vous assurer, auprès de l'entreprise privée, pour la marge supplémentaire de luxe.

M. Saint-Germain: Oui, mais là, vous m'embêtez parce que je paie des taxes. Vous parlez de régime social. Pour un type qui aurait mon revenu, on en paie, des taxes. On n'a pas honte de le dire, c'est d'accord. Mais vous me taxez davantage. Je n'ai plus aucun recours. Je puis être dans ma voiture, aujourd'hui, avec ma femme et mes deux enfants; on massacre ma famille et tout et je ne reçois pratiquement rien.

Mme Payette: Ce n'est pas le cas, M. le député.

M. Saint-Germain: Pratiquement rien.

Mme Payette: Non. On peut répondre à votre hypothèse.

M. Saint-Germain: Ma femme vaut une servante, $150. Si ma femme est blessée, vous me donnez $150 pour remplacer ma femme. Je n'ai rien contre les femmes. Je crois que les femmes sont les égales des hommes et vous me donnez $150; qu'est-ce que je vais faire avec cela? Je ne suis même pas capable d'avoir quelqu'un pour prendre soin de ma femme sept jours par semaine et 24 heures par jour. Moi, j'avais besoin d'une présence humaine, après mon accident, de 24 heures par jour. Je n'avais pas besoin de soins 24 heures par jour, mais je ne pouvais pas être seul. Ma femme était avec moi et j'aurais eu $150 pour remplacer ma femme.

Mme Payette: Vous parlez d'un cas personnel.

M. Saint-Germain: On va continuer sur le même ton.

Mme Payette: Permettez-nous de corriger, pendant que vous affirmez que vous auriez eu $150. Est-ce qu'on peut apporter une correction à cela en vous disant ce que cela aurait été exactement?

Le régime vise à remplacer en substance, de façon générale, un grand principe, la perte économique réelle, plus certaines pertes qui sont non économiques.

M. Saint-Germain: Cela c'est $20 000, ce n'est pas $20 000 que vous avez dans la tête.

Mme Payette: Notamment. Prenons une personne, si son conjoint au foyer ne peut faire les devoirs habituels d'un conjoint au foyer, il va falloir que quelqu'un d'autre les fasse et à un coût.

M. Saint-Germain: C'est cela.

Mme Payette: Alors ce régime rembourse le coût...

M. Saint-Germain: C'est $150 maximum.

Mme Payette: ...de cela, mais l'autre possibilité, le conjoint au foyer aurait pu être au foyer temporairement ou aurait pu exercer une profession, un métier, peut-être qu'il aurait pu travailler et le conjoint au foyer a le choix de demander d'être considéré comme s'il avait été sur le marché du travail, auquel cas on lui remplacerait le salaire qu'il aurait fait sur le marché du travail...

M. Saint-Germain: D'un chômeur.

Mme Payette: Absolument pas. Je ne sais pas si votre femme exerçait un métier avant de se marier, mais si tel est le cas, nous aurions à évaluer ce que son métier vaudrait au moment de l'accident et l'indemnisation serait basée sur la valeur du salaire qu'elle pourrait éventuellement rapporter au moment de l'accident.

M. Saint-Germain: C'est $150.

Mme Payette: Pas du tout, c'est pour remplacer.

M. Saint-Germain: Ce n'est pas cela, ma femme ne travaille pas. Je suis un conservateur, moi je la fais vivre comme à l'ancienne, comprenez-vous; alors, on me donne quoi, $150? Vrai ou faux? Si elle meurt, qu'est-ce qu'on me donne?

Mme Payette: On remplace la perte économique.

M. Saint-Germain: La perte économique, écoutez une minute, je ne vis pas avec ma femme parce qu'elle est économique, je vis avec ma femme parce qu'elle est ma femme. Vous me donnez quoi? Qu'est-ce que vous me donnez? $2000, $5000?

Le Président (M. Laplante): Vous rentrez à l'âge d'or.

M. Saint-Germain: Alors votre régime, pour mon cas, c'est catastrophique. Puis mes enfants qui vont avoir perdu leur mère par un décès, ou mes enfants qui vont avoir une mère infirme, qu'est-ce qu'ils vont recevoir? Et en plus, ma femme, si moi je ne suis plus capable de travailler, ou si je divorce, — il faut bien parler de cela aujourd'hui tout le monde divorce — qu'est-ce qu'elle va avoir ma femme comme protection? Du niveau de vie où je la fais vivre, vous allez la baisser à votre régime de rentes minimum.

Mme Payette: Vous n'avez pas fait d'erreur sur ce mot, M. le député.

M. Saint-Germain: Quel mot?

Mme Payette: C'est sans importance.

M. Saint-Germain: Mais fondamentalement, c'est cela, quels que soient les mots que j'emploie. Ce régime est à mon détriment, puis je ne suis pas le seul dans la province. Il y en a toute une...

Mme Payette: Ce régime remplace la perte économique.

M. Saint-Germain: Ah oui! c'est ce que je vais vous dire. Vous évaluez ma femme à $150, qu'est-ce que vous voulez?

Mme Payette: Ecoutez, combien coûterait une gardienne pour remplacer un conjoint au foyer...

M. Saint-Germain: Avec le régime actuel, si le type qui m'a rentré dans le portrait, puis qui a détruit ma famille, brisé ma voiture, s'il est assuré... moi, j'ai les types qui sont responsables de mon accident, ils ont $400 000 d'assurance, c'est cela que je pourrais aller chercher si je trouve que je ne suis pas coupable. Je ne suis pas coupable, je suis assis dans un taxi, je ne chauffe pas, je ne conduis pas, je ne fais rien, je suis assis. Alors là les types qui me rentrent dedans, moi je n'ai pas de recours pour les blessures que je reçois, pour les blessures que ma famille reçoit, je n'ai pas de recours pour la perte, sinon la piètre somme que vous me donnez là. Alors, je suis traité comme quoi? Comme un gueux. Parce que, dans ma vie, vous savez, j'ai réussi à m'installer un peu convenablement et là, vous me rabaissez. Je n'ai pas d'objection, pour la personne aujourd'hui qui n'a pas d'assurance, de payer, pour elle mais au moins ne m'enlevez pas ce que j'ai par exemple.

Mme Payette: Ce que vous avez dans le moment, c'est le droit de recours, avec un chapitre B à $12.50 par semaine pour un conjoint au foyer et puis vous allez attendre trois ou quatre ans, vous allez peut-être ne rien avoir au bout.

M. Saint-Germain: Je suis bien prêt à attendre pour des sommes semblables, je n'ai pas d'objection. Puis je ne veux pas vous...

Mme Payette: Même dans la jurisprudence, si on compare $150 par semaine qui est une perte réelle, qu'est-ce que cela donne comparé à la jurisprudence actuelle?

M. Saint-Germain: Je l'admets très facilement, parce que j'en ai souffert personnellement, mais je n'en ai pas souffert comme ce pauvre gars qui gagnerait $35 000 par année, qui a moins de 40 ans par exemple, qui a une famille à élever, des responsabilités, qui a une hypothèque sur sa maison et qui a besoin absolument de son salaire pour vivre.

Si cela m'était arrivé, autrement dit, personnellement, il y a quinze ans, cela aurait pu être catastrophique pour moi.

Mais, dans le contexte, j'aime bien mieux attendre que d'avoir la sécurité que vous me donnez dans votre régime. Là, vous me les enlevez, mes droits.

Mme Payette: M. le député, excusez-moi; vous allez allumer votre cigarette du mauvais bout et je sais que c'est affreux.

M. Saint-Germain: Merci, madame. Si j'avais votre assurance que je conserverai mes droits, je serais prêt à allumer mes cigarettes du même bout l'année durant. On peut rire, mais enfin, c'est cela, parce que, dans votre régime, soi-disant social, vous pensez que toutes les pertes d'une société ou d'un individu pour être plus juste sont simplement basées sur une question de revenu. Ce n'est pas vrai. Je ne vous dis pas que vous pourriez faire autrement, mais ce n'est pas vrai.

Aujourd'hui, on peut tout de même aller chercher des sommes beaucoup plus considérables. Dans mon cas, j'ai plus de protection aujourd'hui que je vais en avoir avec cela. Avec cela, vous m'obligez à l'acheter, la police, et vous m'enlevez des droits de recours que je possède actuellement.

Mme Payette: Vous citez votre cas...

M. Saint-Germain: Bien, vous l'avez apporté.

Mme Payette: ...mais justement c'est un cas privilégié qui nous permet...

M. Saint-Germain: Excusez-moi, madame, je n'ai pas eu le privilège de faire cela et je n'en veux pas, non plus!

Mme Payette: Vous avez dit, M. le député, que, si vous aviez été accidenté il y a quinze ans, cela aurait été catastrophique pour vous, que si vous aviez été ouvrier de la construction quand votre accident est arrivé, cela aurait été catastrophique pour vous. Vous avez été, en fait, protégé par le privilège dont vous disposez parce que vous êtes député et qu'on vous a payé un plein salaire au moment où vous étiez accidenté.

Vous savez parfaitement, M. le député de Jacques-Cartier, que c'est l'exception qui confirme la règle.

M. Saint-Germain: Ecoutez une minute, si c'est un privilège de vieillir!

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jacques-Cartier...

M. Saint-Germain: Non, non, ce que je veux vous dire pour terminer, M. le Président...

Le Président (M. Laplante): ...écoutez un peu, je voudrais que vous terminiez; ça fait au-delà de trente minutes que...

M. Saint-Germain: Ce que je veux vous dire, c'est que des gars comme moi, on est bien prêt à payer pour protéger le petit peuple comme vous voulez le faire, n'importe quand. Seulement ne nous enlevez pas nos droits. Vous allez frapper de plein front au-delà de 15% de la population à qui vous allez enlever leurs droits.

Mme Payette: On ne leur enlève pas leurs droits, M. le député de Jacques-Cartier; on les autorise, on leur laisse la liberté de s'assurer pour la valeur qu'ils estiment avoir.

M. Saint-Germain: Vous avez même pensé qu'il y aurait un moyen d'enlever cela, de mettre dans une loi que vous empêcherez le gars de s'assurer d'une compagnie privée.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, j'abonde dans le même sens que le député de Jacques-Cartier du côté motivation au travail suite à un accident. Les chiffres qui nous ont été fournis, comme différence, c'est $3500 ou $2500. Alors, on va arriver avec exactement le même problème que nous avons actuellement avec les types qui sont sur le chômage.

Nous avons des cas précis et beaucoup de cas. Les types ne sont pas motivés à aller au travail parce que quelqu'un qui est sur le chômage, qui ne travaille pas et qui bénéficie de toute sa semaine de liberté, a à peu près comme revenu $10 à $15 de moins qu'un gars qui travaille; je parle d'un travailleur de la base.

Là, pour une année de travail, sans compter les dépenses inhérentes à ce travail tel qu'on l'a mentionné tantôt, l'habillement, la nourriture, l'essence de l'automobile pour se rendre au travail ou le billet de métro, on arrive avec une différence de $2500. Vous ne pensez pas que les gens qui seront aptes à travailler vont déployer tous leurs efforts, quand ils vont aller chez le médecin, pour dire: J'ai mal ici, j'ai mal là suite à mon accident, si vous me le permettez, M. le Président. Pour $2500 de différence, il va trouver tous les bobos du monde qui vont lui permettre de demeurer chez lui.

En tout cas, dans l'assurance-chômage, quelqu'un ne pourrait me prouver que ce n'est pas cela qui se passe actuellement; c'est exactement ce qui se passe pour un bon pourcentage de la population qui a affaire au chômage. Je ne suis pas contre les chômeurs, mais c'est parce qu'on ne motive pas les gens à revenir au travail parce qu'on les paie aussi bien que ceux qui sont chez eux à ne rien faire.

Les $2500 de différence, savez-vous où les gens vont aller les chercher? Exactement comme les gars qui sont sur le chômage actuellement vont les chercher. Ils vont aller travailler, se faire payer sous la table, peut-être une journée ou deux par semaine, et ils vont gagner $50, $60, peut-être $100 de plus à ne rien faire ou à travailler une journée ou deux que le gars qui travaille. C'est cela qui n'est pas juste. Dans ce domaine, je

m'excuse de le dire, mais vous n'y êtes pas pour motiver les gens à revenir, parce qu'à un moment donné on va se réveiller avec tout le monde sur les bras.

Le gars va avoir un accident d'automobile et du moment qu'il va se sentir un petit malaise dans le dos, il va aller voir son médecin et s'il est convaincant le moindrement, va avoir son billet du médecin parce que vous avez bien dit tout à l'heure qu'il ne serait pas question du pourcentage d'invalidité. Cela va être oui ou non.

Imaginez-vous pour $2500. Si on m'offrait, à moi, de venir travailler ou de ne pas travailler pour $2500 de différence, je vais rester chez moi et je vais me faire bronzer, et je vous garantis que je vais aller me chercher, en dessous de la table, plus que $2500. Cela, c'est un point très important que, personnellement et au nom de l'Union Nationale, j'aimerais que vous révisiez. Ce n'est pas de la motivation à inciter les gens au travail.

Un deuxième point, si vous me permettez, au sujet des 6%. Le député de Montmagny-L'Islet a de l'expérience dans les assurances, il me corrigera si je fais erreur. Le gouvernement ou la Régie de l'assurance-hospitalisation ou de l'assurance-maladie, peu importe le nom qu'on lui donne, réclame les frais médicaux aux compagnies d'assurance. Où est-ce incorporé dans votre rapport ou à quel endroit le calcule-t-on? Cela se fera-t-il directement, étant donné que ce sera une entreprise du gouvernement? Où est-ce que cela va être calculé? Est-ce dans les 6% d'administration ou si cela va passer dans les frais médicaux et chargé aux Affaires sociales?

Mme Payette: Si vous me permettez, avant de répondre à la deuxième partie de la question, je n'ai pas entendu la deuxième partie parce que je suis restée accrochée sur la première partie de la question.

M. Goulet: Je reviendrai avec la deuxième.

Mme Payette: Les cas dont vous avez parlé de gens qui pourraient éventuellement toucher de l'argent sous la table, etc., cela s'appelle de la fraude. Vous savez parfaitement qu'il y a des moyens de contrer les fraudeurs, premièrement.

Deuxièmement, vous vous êtes contredit dans votre exposé de la première partie. Vous dites que vous n'êtes pas contre les chômeurs et vous portez un jugement global auquel je m'oppose complètement. Il y a un pourcentage de chômage au Québec qui ne nous permet pas de penser que ce pourcentage représente des gens qui, volontairement, sont en chômage et le préfèrent plutôt que d'être au travail. Vous avez dit que vous n'êtes pas contre les chômeurs mais, d'autre part, vous portez un jugement global et terriblement sévère à l'égard des gens qui sont sans travail. Je me refuse à endosser votre déclaration. Je préfère tenir pour acquis que les Québécois aimeraient mieux avoir du travail que de toucher des prestations d'assurance-chômage.

Pour la deuxième partie de votre question, qui m'a échappé à cause de l'énormité de la première partie, si vous permettez, on va vous répondre.

M. Goulet: Si vous me permettez, j'aimerais que l'on demeure sur la première question. J'ai bien dit que je respecte les chômeurs et que j'aimerais bien être capable de faire en sorte que le taux de chômage dans le Québec soit un taux idéal de 6% ou 8%. Nous avons un taux de 10% actuellement et de 11% dans certains comtés; dans le comté que je représente il est de 20%.

Je vais vous donner un cas précis, Mme le ministre, si vous me le permettez. Nous avons, dans des comtés ruraux, à l'instant où on se parle, des gens qui ne travaillent pas, des chômeurs. Nous cherchons de la main-d'oeuvre, actuellement, pour ce qui est des cabanes à sucre, pour une matière première. Essayez d'en trouver, pour le "fun". Allez voir les chômeurs et demandez-leur s'ils veulent travailler. Il faudrait les obliger. Quel est le pourcentage? Je ne porte pas de jugement, mais celui que je porte contre ceux dont je veux parler est très sévère et cela existe. On leur offre du travail, on leur demande de venir à certains endroits pour avoir du travail et on nous répond quoi? On nous répond: Tant que nos timbres ne seront pas écoulés — et cela c'est pratique courante, appelez cela fraude ou ce que vous voudrez, c'est ce qui se présente actuellement — on n'est pas intéressé. Trouve-nous quelque chose où on pourra travailler encore six mois pour accumuler des timbres pour l'hiver prochain. Et si une enquête était faite, on saurait quel est le pourcentage des gens qui, intentionnellement, aux environs de Noël, laissent leur travail pour avoir de l'assurance-chômage. Je pourrais vous sortir des chiffres, par exemple, de types qui gagnent $140 par semaine à travailler et qui en ont $117 à ne pas travailler. Quand ils vont travailler, ils sont obligés de faire 40 milles matin et soir, payer leur nourriture le midi plus les vêtements de travail et toutes les dépenses que cela implique.

Je serais heureux qu'il n'y ait pas de ces cas dans le comté de Dorion que vous avez l'honneur de représenter.

Mme Payette: Dorion.

M. Goulet: Dans les comtés ruraux et même à Montréal, dans plusieurs comtés, ce sont des choses qui existent et il va falloir, à un moment donné, les dénoncer.

Si nous avons cette expérience, on devrait s'en servir pour l'assurance-automobile. Je vous garantis que vous ne motiverez pas les gens à travailler pour une différence de $2500, comme le député de Jacques-Cartier le disait tantôt.

Mme Payette: M. le député de Bellechasse, je veux croire en votre bonne volonté de nous aider à accomplir ce travail. Est-ce que vous avez une solution pour inciter un accidenté d'automobile au retour au travail?

M. Goulet: Je ne vous dis pas que j'ai la solu-

tion, mais pas avec $2500 de différence. Alors, avant que le régime ne soit appliqué, pensez-y deux minutes. Vous n'inciterez pas les gens à travailler pour une différence de $2500, vous allez motiver les gens à se trouver des arguments. Lorsqu'ils vont être en présence d'un médecin, ils vont dire: J'ai un petit bobo ici et un petit bobo là. Ce que le député de Jacques-Cartier disait tantôt, je l'approuve à 100% parce que c'est ce qui arrive actuellement pour l'assurance-chômage. Je pense que je n'apprends rien à personne. Qu'on ne veuille pas le reconnaître, c'est peut-être une chose, mais qu'on ne l'accepte pas comme une vérité, c'est une autre chose.

Vous ne motiverez pas les gens à revenir sur le marché du travail avec $10 000 de salaire par année pour sauter à $12 500 — $2500 de différence — quand on sait ce que cela va coûter pour aller travailler. Que ce soit un travailleur de Montréal ou d'un comté rural, c'est la même chose. Il a des dépenses inhérentes — on l'a dit tantôt — qu'il est difficile d'évaluer: l'essence, les billets de métro, les billets d'autobus, les habits, la nourriture, etc. Pour $2500, vous allez motiver une personne à revenir sur le marché du travail? Pas plus que vous la motivez à être chômeur. Vous allez motiver un certain nombre de personnes. Le gars qui gagne $20 000 ou $25 000 par année et qui tomberait à $10 000 ou à $12 000, celui-là va être motivé, mais je parle de la masse des travailleurs de la moyenne des travailleurs. Le salaire moyen est de combien au Québec? J'aimerais que quelqu'un puisse me le dire. Vous arrivez avec une différence de $2500 et c'est très dangereux. Ce que le député de Jacques-Cartier voulait vous montrer tantôt, prenez-le en considération avant de faire des erreurs. Il n'y aura pas de motivation. A un moment donné, on va se réveiller, en plus des chômeurs, en plus des assistés sociaux — et encore là je n'en veux pas à ces gens, on ne peut pas passer à côté du chômage et à côté du bien-être social — avec une troisième mesure qui est très dangereuse et qui va coûter énormément cher. Je me fie aux gens. Dans le fond, les gens sont bons. Il y a toujours le côté humanitaire, le côté humain. Comme le disait le député de Jacques-Cartier, c'est très dangereux et on en a la preuve actuellement. En tout cas, il faut avoir les yeux bouchés pour ne pas admettre que dans le chômage il y a actuellement des abus. Les gens s'en vont intentionnellement sur le chômage. C'est la même chose pour les assistés sociaux. Quelqu'un qui touche le bien-être social actuellement, essayez de lui enlever. Trouvez-lui un emploi et tout. Vous allez voir, il va dire: Ecoute! J'en conviens avec lui. Il est bien fou d'aller travailler, le gars. Il est payé à ne rien faire chez lui, à se faire bronzer. On lui paie même des journées de dépenses comme une journée d'auto-neige par mois, une journée de loisir, chose que le travailleur n'a pas.

Vous arrivez avec un troisième régime. A un moment donné, on va avoir tout le monde sur les bras. Alors, il y a un gros danger. Ce que le député de Jacques-Cartier voulait vous montrer tantôt, pensez-y deux minutes. Je vous garantis que vous allez motiver les gens beaucoup plus à se trouver des arguments quand ils vont être en présence d'un médecin plutôt que de se trouver un argument quand ils vont aller voir l'employeur. Je ne dis pas si vous arriviez avec un bureau de médecins qui évalueraient l'incapacité partielle, tel que la Commission des accidents du travail le fait actuellement, d'accord! Cela prend du temps, mais au moins on a un droit de recours. Mais le type qui a mal aux genoux, ou qui a mal dans le dos, même si c'était une incapacité de 5%, il tombe dans les gens qui vont être rémunérés. Cela est très dangereux parce que je vous garantis qu'on va en avoir un paquet sur les bras.

J'ai confiance à la population, mais je prends l'exemple passé, il y a eu des précédents de créés et c'est très dangereux, on doit se servir de ces exemples. Je ne suis pas contre le régime, mais je demande à Mme le ministre, je demande aux fonctionnaires qu'ils pensent à ce régime. Ce que le député de Jacques-Cartier a essayé de vous démontrer, c'est extrêmement dangereux, pour ma part, et j'abonde dans le même sens, parce qu'on ne motivera pas les gens à revenir au travail. Je parle toujours de la classe moyenne. Des gens qui gagnent $10 000 à $12 000 par année. Je peux englober même là-dedans un fort nombre de professeurs. On ne motive pas les gens, les gens vont aller chercher, excusez le mot, "une petite job" en dessous de la table à $2500, $3000 par année, à travailler deux ou trois soirs par semaine comme gardien ou n'importe quoi. Le gars va avoir exactement le même salaire à ne rien faire. Cela est très dangereux.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Berthier.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que je peux répondre?

M. Goulet: J'aurais deux questions, M. le Président; l'autre, je vais demander de revenir. D'accord.

Le Président (M. Laplante): Pas d'objection.

Mme Payette: Dans un premier temps, je dois vous dire que je refuse d'endosser l'analyse que vient de faire le député de Bellechasse de la situation du chômage. Je refuse d'admettre qu'on puisse, comme il vient de le faire, catégoriquement, dire que les chômeurs québécois sont des fraudeurs. Je ne suis pas d'accord avec cette déclaration.

M. Goulet: Une question de privilège, M. le Président. J'ai été mal interprété, j'ai dit: "Une partie des chômeurs". Je ne voudrais pas lire dans les journaux, demain matin, que le député de Bellechasse est contre les chômeurs.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Bellechasse, si vous soulevez une question de privilège, je ne peux l'entendre, vous le ferez à l'As-

semblée nationale avec un avis, une heure avant l'ouverture. Si vous voulez soulever une question de règlement, je suis d'accord pour accepter votre argumentation.

M. Goulet: M. le Président, appelez-la la question que vous voudrez, je m'excuse, je n'ai pas mon règlement ici. Est-ce que vous me permettez une question de règlement, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Je vous permets une question de règlement.

M. Goulet: J'ai été mal interprété par le ministre, ce n'est pas du tout ce que j'ai voulu dire. Je n'ai pas dit "les chômeurs", j'ai dit "une partie des chômeurs" et je ne sais pas le pourcentage de cette partie. C'est ce que j'ai dit; maintenant, cela existe une partie et j'ignore le pourcentage. Cela existe, ce sont des faits concrets et je pourrais apporter même des faits précis. Je voudrais que le ministre corrige "une partie des chômeurs" dont j'ignore le pourcentage et non pas tous les chômeurs.

Mme Payette: Je suis prête à faire la correction, M. le Président. Pour continuer la réponse, en disant que le régime que nous présentons, à ma connsaissance, est le seul régime qui comporte une incitation pécuniaire au retour au travail. Qu'on puisse trouver que ce n'est pas suffisant, peut-être bien, mais c'est le seul régime qui comporte une incitation pécuniaire au retour au travail.

Je voudrais aussi faire comprendre au député de Bellechasse que nous sommes tous des accidentés en puissance. Ce serait, à mon avis, assez dangereux de se mettre à porter des jugements sur une attitude globale des citoyens, en tant qu'accidentés, cela pourrait être vous, cela pourrait être moi et vous dites on va essayer, vous avez dit: Les accidentés vont essayer de raconter n'importe quoi au médecin, en disant: J'ai un petit bobo ici, un petit bobo là.

Je ne pense pas que, quand on est accidenté, on cherche à abuser de la situation. S'il y a effectivement des dommages qui doivent être réparés, je pense qu'on est d'accord pour dire qu'il faut le faire. Je ne vais pas jusqu'à penser qu'il y aurait des abus au point où ils ont été dénoncés par le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. le Président, une autre correction. Je n'ai pas dit les" accidentés, j'ai dit "des" accidentés, il y a une grosse différence. C'est cela qu'il faut prévoir. Ecoutez, surtout les mots, le ministre sait que les mots sont très importants.

Je m'en tiens à la lettre, exactement encore à ce qu'elle vient de dire: "des" accidentés et non pas "les" accidentés. Dans cela, il y a une grosse différence.

Mme Payette: Je suis prête à faire la correction, il n'y a pas de problème.

Le Président (M. Laplante): Le député de Berthier.

M. Mercier: Je pense qu'un des éléments importants du succès de ce programme, ce sont les programmes de sécurité routière et la façon dont cela va être appliqué. Mais je remarque, dans ce projet, il n'y a aucune espèce d'incitation des conducteurs à la prudence. Il n'y a pas de prime, d'aucune façon, à la bonne conduite, selon un régime universel qui existait dans les anciennes primes d'assurance antérieurement. Je me demande s'il n'y aurait pas moyen d'introduire un élément de motivation à la bonne conduite. Bien sûr, quand on couvre les dommages matériels, c'est certain que les gens ne font pas exprès pour s'impliquer dans des accidents qui impliquent des dommages corporels importants; c'est surtout pour la partie matérielle où cela peut avoir une certaine influence.

Maintenant, avec ces deux plans, administrés séparément, un public, l'autre privé, je me dis ceci: En prenant la partie des dommages corporels, les responsabilités et la prime qui y est attenante, est-ce qu'on ne risque pas que les compagnies d'assurance essaient progressivement d'occuper cette espèce de vacuum? Un des objectifs qu'on voulait atteindre par le programme, c'était de réduire sensiblement le niveau général des primes. Alors, en en prenant une partie, y a-t-il des garanties prises pour que les compagnies d'assurance ne tendent pas progressivement à ajuster les primes à la hausse et à occuper ce vide qu'on va créer?

Mme Payette: M. le Président, en réponse au député de Berthier, je pense qu'effectivement des mesures sont prises en ce qui concerne les dommages matériels, parce qu'on a parlé seulement des dommages corporels jusqu'à maintenant. Ces mesures obligent les assureurs à faire partie d'une corporation, dans le conseil d'administration de laquelle il va y avoir des représentants du gouvernement. Quand on les oblige à négocier entre eux des contrats d'indemnisation, des ententes d'indemnisation, quand on fait de l'indemnisation directe qui vous permet de vous adresser à votre assureur et non pas à l'assureur de l'autre personne, je pense qu'on met de l'avant des mesures qui nous permettent de penser qu'on peut faire en sorte que les primes n'augmentent pas et, sur une période donnée de temps, qu'elles diminuent, en plus des mesures de sécurité routière et tout cela. Comme, en plus, nous rendons obligatoire l'assurance pour indemnisation à autrui dans le domaine du matériel, ce qui n'est pas le cas présentement, je pense qu'on s'assure là une meilleure répartition du coût des assurances à travers le Québec, chez tous les assurés, les consommateurs d'assurance-automobile. Là aussi, c'est une mesure qui, éventuellement, peut amener une diminution des primes. Avec la surveillance que nous avons l'intention d'exercer auprès des assureurs, à l'intérieur de la corporation, par les pouvoirs accrus qui sont donnés en plus au Surintendant des assurances d'intervenir dans certains cas, je pense qu'on met en place tout ce qu'il faut pour ne pas se voir raconter des histoires par les assureurs et être en mesure de connaître,

de façon précise, quelle est la situation des assureurs dans ce domaine.

Le Président (M. Lafrance): Le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: La réponse que Mme le ministre vient de donner au député de Berthier aborde, par le biais peut-être, la deuxième dimension du régime, soit la partie qu'on laisse entre les mains de l'entreprise privée. Est-ce que la nouvelle corporation mixte va modifier les modes d'opérations actuels, à savoir, bâtir une tarification qui tienne compte de ceux qui n'ont pas d'accident, une tarification différente pour les accidentés et les autres? C'est un aspect qu'il faudrait voir dans un deuxième temps.

La question que je voulais poser à Mme le ministre, peut-être que son assistant pourrait me donner cette réponse: Avez-vous eu le temps ou a-t-il été possible de déterminer le volume de primes globales qui sera nécessaire pour couvrir la responsabilité pour blessures corporelles découlant d'accidents ou de victimes habitant d'autres régions que le Québec, soit d'autres provinces ou d'autres Etats américains?

Mme Payette: A la première question, si vous permettez, au sujet de la tarification, puisque c'est de cela dont il était question, je pense effectivement que le fait que nous obligions le surintendant des assurances à faire un rapport public quant à la tarification, cela nous permettra d'établir une tarification à partir de bons dossiers, par exemple. Ce sont des choses que nous allons étudier à partir de maintenant jusqu'à ce que ce soit complété.

M. Giasson: Je dois comprendre que vous n'avez aucun ordre de grandeur présentement. Je ne sais pas si Mme le ministre ne s'abuse pas de ce côté-là. Au Québec, beaucoup de Québécois, des milliers et des milliers, chaque jour, quittent le territoire du Québec pour pénétrer soit dans des Etats américains voisins ou dans d'autres provinces. Dans mon comté, qui est loin des grands centres, je n'ai jamais moins que 500 travailleurs québécois qui s'en vont dans l'Etat du Maine pour accomplir leurs fonctions. Ce sont des travailleurs du Québec qui travaillent constamment dans l'Etat du Maine, soit aux opérations forestières, à la coupe du bois, au transport, etc. C'est le même phénomène dans Bellechasse, dans Beauce-Sud et ailleurs.

Mme Payette: Votre question, c'était quoi?

M. Giasson: J'aurais voulu savoir que représente, globalement, la prime qu'on doit prévoir pour honorer les réclamations venant de personnes venant de l'extérieur du Québec en fonction d'un régime avec responsabilité. Présentement, il y a une masse de primes, dans ce que les Québécois paient aux compagnies privées, qui est affectée à payer des réclamations ou des indemnités à des accidents survenant en dehors du Québec.

Mme Payette: M. le Président, les statistiques dont nous disposons sont globales quant aux dommages que les Québécois causent à d'autres, où qu'ils soient.

M. Giasson: Vous avez ces chiffres?

Mme Payette: Nous avons des chiffres globaux; il n'y a pas de ventilation par région.

M. Giasson: Somme toute ce sera un montant de primes pour blessures corporelles qui vont s'ajouter à celles prévues dans le régime d'Etat, le régime étatisé.

Mme Payette: Alors une question précise par rapport aux chiffres, on peut vous donner l'information; on le déposera à la commission si vous permettez.

M. Saint-Germain: Vous ne les avez pas ici ce matin?

Mme Payette: Non.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse.

M. Saint-Germain: II y a des documents que vous deviez déposer, puisqu'on parle de dépôt de documents, que vous n'avez pas déposés.

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse.

M. Goulet: Merci, M. le Président, je voudrais rassurer le ministre. Je ne suis pas agressif, je vais être objectif. Ma question de tantôt, les frais médicaux qui sont chargés actuellement par le gouvernement à l'entreprise privée, les assurances, suite à un accident, est-ce que c'est inclus dans vos 6% d'administration? Etant donné que cela va être une régie, que cela va appartenir au gouvernement, est-ce que cela va être englobé et que c'est le ministère des Affaires sociales qui va défrayer cela? Les frais médicaux qui sont chargés actuellement à l'entreprise privée, vous les avez calculés où, premièrement, pour le paiement et, deuxièmement, pour l'administration? Est-ce calculé dans les 6% ou dans les Affaires sociales?

Mme Payette: Les sommes que débourse actuellement la Régie de l'assurance-maladie et le service d'assurance-hospitalisation pour des victimes d'accidents d'automobile, il y a une partie de ces sommes qui est récupérée des responsables d'accidents et de leurs assureurs. Dans le nouveau régime, puisqu'il s'agit d'un régime public universel, il n'y a pas lieu que la Régie de l'assurance-maladie et le service d'assurance-hospitalisation aillent rechercher dans les poches d'une autre régie ces sommes et donc il n'y en aura plus de compensation d'une régie à l'autre.

M. Goulet: M. le Président, est-ce que je pourrais savoir du ministre ou de son adjoint s'ils ont

des chiffres nous disant quel était le montant qui était récupéré des compagnies d'assurance? Là il va falloir charger ce montant aux Affaires sociales. Le plan d'assurance qui est de, oublions les millions, il va falloir l'ajouter. Si on débourse $2 millions de plus aux Affaires sociales, il va falloir le calculer. Le plan d'assurance va coûter X millions de plus par le biais des Affaires sociales, parce que là c'était récupéré de l'entreprise privée. Est-ce que vous avez des chiffres là-dessus? Ce serait important, c'est peut-être $100 000, peut-être $100 millions, je ne le sais pas.

Mme Payette: De mémoire je pense qu'il s'agit de quelques millions...

M. Goulet: De quelques millions et du fait qu'il n'y a plus récupération...

M. Giasson: Si ma mémoire est fidèle, je crois que c'est $9 millions en 1975.

Mme Payette: C'est de cet ordre de grandeur. Du fait qu'il n'y a pas récupération, tous les frais de récupération sont éliminés.

M. Goulet: Cela veut dire qu'on pourrait, si on veut être bien objectif... le député de Montmagny-L'Islet dit qu'il a des chiffres de $9 millions, enlevons $1 million ou $2 millions pour l'administration, cela veut dire que, dans ce domaine, le régime coûterait peut-être $5 millions, $6 millions ou $7 millions de plus que prévu. Il faudrait le faire voir aussi aux gens dans les avantages.

Mme Payette: Ce n'est pas la récupération elle-même. Les sommes en jeu, si les régies se compensaient entre elles, ce ne serait pas dans l'administration que cela apparaîtrait, cela serait dans le coût des indemnités, en fait. Les frais administratifs pour effectuer la récupération feraient partie du coût de l'administration.

Le Président (M. Laplante): Avant d'ajourner cette séance, j'aimerais informer les membres de cette commission que nous siégeons depuis 11 heures et 13 minutes, depuis le temps consacré. Nous avons adopté les programmes 1 et 2 en entier. Il nous reste encore les programmes 3 et 4. Sur ce, nous ajournons sine die.

(Fin de la séance à 13 heures)

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