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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 12 octobre 1977 - Vol. 19 N° 200

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est réunie ce matin pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre), M. Larivière...

M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, pourrais-je vous demander de remplacer M. Lalonde par M. Giasson?

Le Président (M. Boucher): M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Larivière (Pontiac), M. Lefebvre (Viau); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Marois (Laporte); M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynault (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Vaillancourt (Jonquière); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

L'organisme convoqué aujourd'hui...

Coût du régime proposé

Mme Payette: M. le Président, avant d'aborder notre rencontre avec les représentants du Bureau d'Assurance du Canada et à la suite d'un désir exprimé par les membres de cette commission, hier, je voudrais qu'on me permette de distribuer un document de travail qui nous a permis de commencer nos calculs quant à la somme totale du coût du régime proposé.

En avril 1977, M. le Président, nous rendions public le document intitulé "Pour une réforme de l'assurance automobile". Le document était un énoncé de la politique du gouvernement et faisait connaître les grandes lignes de la réforme en assurance automobile, tout en précisant les indemnités aux victimes de dommages corporels.

Le rapport ci-annexé fait une description sommaire de l'évaluation du coût en 1978 des indemnités prévues par le régime de base en dommages corporels et décrit au livre bleu d'avril 1977. Le coût a alors été établi à $385 millions.

Depuis que le projet de loi 67, déposé au mois d'août à l'Assemblée nationale, modifiait en partie les indemnités faisant l'objet de l'évaluation men- tionnée ci-haut et étant donné la publication récente de nouvelles statistiques sur les accidents d'automobiles et sur l'assurance automobile au Québec, nous avons commandé une évaluation des indemnités de dommages corporels prévus au projet de loi 67.

Les résultats préliminaires de cette évaluation nous indiquent que le coût total du régime d'indemnisation des dommages corporels administré par la régie, pour la période du 1er mars 1978 au 26 février 1979, sera inférieur à $385 millions. Ceci est principalement dû au fait que nos évaluations actuarielles étaient basées sur les données statistiques de 1974 et 1975, et que le taux d'accidents a diminué en 1976 et au début de 1977.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. Je viens d'écouter avec intérêt la déclaration que le ministre vient de faire. Elle nous dit que le coût du régime sera inférieur à $385 millions, mais j'aimerais savoir dans quelle proportion il pourrait y avoir une diminution des $385 millions, d'une part. Deuxièmement, prévoit-on revoir le coût du régime tel qu'énoncé dans le document qui nous a été remis, document daté du 22 septembre 1977, qui avait pour titre "Régime de l'assurance automobile, système de tarification", dans lequel on établit que la contribution pour voitures de promenade pourrait être de $105 à $110? Dans le même document, on indique également le coût du permis de conduire. Deuxième question, ces taux du document du 22 septembre seront-ils modifiés?

Mme Payette: A la première question, M. le Président, la réponse est la suivante: Nous n'avons pas en main, actuellement, le nouveau coût de la réforme. Nos actuaires travaillent sur les projections à partir de nouvelles statistiques. Nous savons, cependant — et c'est la première indication — que ce sera inférieur à $385 millions. De combien? C'est difficile à dire. Je vous expliquais hier que les choses changent au fur et à mesure. Je pense qu'il est clair que les chiffres du livre bleu, qui étaient basés sur des statistiques des années antérieures, nous permettent ce rajustement maintenant que nous avons de nouvelles statistiques.

Au sujet de la tarification — et c'est la réponse à la deuxième question — il est évident qu'elle sera discutée au moment où la réforme sera adoptée. La réforme comprend, en effet, des indemnités qui sont discutables jusqu'à l'adoption du projet de loi et ces indemnités ont déjà été changées par rapport au contenu du livre bleu.

Il se pourrait que nous décidions, à la suite des séances de cette commission parlementaire et au cours des travaux de la Chambre, d'amender un certain nombre d'articles du projet de loi pour changer des indemnités. Si tel était le cas, chaque

fois qu'il y a un changement au niveau des indemnités, nous devons de nouveau recalculer la somme totale du coût de la réforme. Ce n'est qu'une fois le projet de loi adopté que nous serons fixés complètement et définitivement quant aux indemnités à être payées.

C'est à ce moment que la tarification pourra être rendue définitive par la régie. Je peux même aller jusqu'à dire que je suis informée qu'il serait possible pour la régie d'envisager une commission parlementaire sur sa tarification. Je ne peux pas vous confirmer que ce sera fait, mais c'est envisageable qu'au moment où la tarification sera définitive, nous puissions faire siéger une commission parlementaire sur le sujet.

M. Roy: Je pense, M. le Président, Mme le ministre, que pour la bonne gouverne des membres de l'Assemblée nationale, il nous serait absolument indispensable d'avoir des données de base et d'avoir une estimation budgétaire avant d'entreprendre la discussion et avant d'entreprendre l'adoption et l'étude de la loi, article par article, pour ce qui a trait à la fixation des indemnités qui seront prévues dans le projet de loi. Je me base un peu sur l'expérience et les méthodes que nous avons l'habitude d'utiliser lorsque nous étudions, par exemple, les crédits des différents ministères, lorsque nous étudions le budget de la province à chaque année, de façon qu'il y ait quelqu'un ici, à la commission parlementaire, qui sera chargé d'examiner le projet de loi article par article qui pourra nous indiquer au fur et à mesure quelles sont les implications pécuniaires de tel changement, de telle modification qui pourrait être proposé par les membres de la commission.

Cela m'apparaîtrait comme un document, une méthode de travail très logique. Une méthode de travail qui tiendrait compte de certains principes qui prévalent dans le monde des affaires et qui pourrait permettre à ceux qui auront à prendre des décisions, d'adopter chacun des articles, de pouvoir prendre des décisions éclairées et connaître la portée des décisions qu'ils seront appelés à prendre à ce moment.

Quand on me dit que les $385 millions vont baisser, ce matin, le montant peut être inférieur aux $385 millions, il est évident que les $385 millions avaient été calculés à partir des $105 et $110.

Mais à partir du moment où on nous dit que les $385 millions vont être réduits, est-ce que ce sera une réduction de 5%, est-ce que ce sera une réduction de 10%? Il faudrait que le montant du coût du régime soit établi en fonction de ce qu'on prévoit payer au point de vue de l'indemnisation et cela permettrait de pouvoir travailler à l'Assemblée nationale et ici en commission parlementaire de façon plus logique.

C'est pourquoi j'exprime le voeu ce matin, non seulement le voeu, mais je demande à l'honorable ministre qu'on prenne les dispositions qui s'imposent de façon qu'on ait les chiffres, mais qu'on parte de quelque chose; quelque chose qui sera basé sur toute une gamme d'indemnités. Si on les change, on nous dira à ce moment-là jusqu'à quel point cela peut changer le montant global ou encore la prime qui sera payée par les automobilistes.

Mme Payette: M. le Président, en réponse au député de Beauce-Sud, c'est exactement ce que nous faisons, au fur et à mesure que nous avons l'information. Si vous avez bien compris ce que j'ai dit, c'est que nous avons reçu le livre vert des assureurs qui nous donne de nouveaux chiffres quant à la situation des assurances. Nous avons également reçu le rapport du BVA quant au taux d'accidents d'années plus récentes que celles qui étaient calculées dans le livre bleu pour une réforme de l'assurance automobile. A partir de cela nos calculs sont constants et nous allons être toujours en train de réévaluer le régime proposé au fur et à mesure que certains amendements pourraient être apportés aux indemnisations à être payées. Mais, vous avez dit, M. le député, que les $385 millions étaient le résultat des $100, $110 ou $115 de la tarification. C'est l'inverse, c'est-à-dire que la tarification est évaluée à des chiffres comme ceux-là à partir du coût du régime, mais le coût du régime est basé sur les indemnités à être payées. Si bien que, tant que les indemnités ne seront pas définitivement fixées par le projet de loi, le coût du régime peut varier selon la volonté de la Chambre de changer le taux d'indemnité. Ce n'est qu'une fois que les indemnités seront définitives que le coût du régime sera définitif et que la tarification en découlant sera, elle aussi, définitivement connue. Autrement on met la charrue devant les boeufs.

M. Roy: On met peut-être la charrue devant les boeufs, mais je dois dire que parfois il faut chercher et la charrue et les boeufs. Quand on a établi les formes d'indemnités qui sont prévues dans le projet de loi 67, le ministère des Consommateurs, des Coopératives et des Institutions financières a certainement dû faire cette évaluation à partir de ce que coûterait telle indemnité pour telle catégorie de victimes et telle indemnité prévue pour telle autre catégorie de victimes.

A la lumière de ce qu'il y a dans le projet de loi 67, en tenant compte des indemnités qui sont prévues dans le projet de loi 67, j'aimerais savoir les chiffres complets, à partir de là, et sur quels critères on s'est basé pour en venir à déterminer les indemnités.

Ce sont les chiffres qu'il nous manque actuellement à la commission. Si ces chiffres devaient être amendés, comme le dit le ministre, et je comprends le ministre, il faudra revoir continuellement le système, mais qu'on nous dise que tel amendement va comporter une masse de tant et que cela aura telle implication dans d'autres articles de la loi ou encore dans le financement du régime.

Mme Payette: Le document que je viens de faire distribuer est justement la réponse à cette préoccupation du député de Beauce-Sud, en pages 14 et 15. Vous allez y trouver tous les calculs

qui ont été faits à partir de ce qui nous était connu dans le domaine de l'assurance automobile, c'est-à-dire les statistiques d'accidents par rapport à la gravité des blessures et les projections qui pouvaient à ce moment-là être faites par rapport à la date de mise en place de la réforme.

Maintenant, les choses ont évolué et, ne serait-ce qu'au niveau des accidents, le taux des accidents a effectivement baissé. Nous sommes en train de refaire les calculs; dès qu'ils seront disponibles, je vous les ferai connaître et nous referons les calculs chaque fois que ce sera nécessaire jusqu'à la fin des travaux sur ie projet de loi no 67.

M. Shaw: M. le Président, j'aurais une question dans la même veine.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, M. le député de Jacques-Cartier avait demandé la parole.

M. Saint-Germain (Noël): Nous avons aujourd'hui le mémoire des spécialistes de l'assurance; c'est un mémoire extrêmement bien fait, concis et qui englobe tout le problème des assurances et non pas une facette particulière. Ce mémoire est fait par des gens qui s'y connaissent et qui ont une très longue expérience de l'assurance. Ce sont des gens qu'on peut situer à la base du problème, si je peux dire; cela n'enlève rien aux intermédiaires qui se greffent aux assureurs, qui font la relation entre les assureurs et le grand public, mais il reste que ce mémoire que nous recevons est essentiel, il est d'une importance primordiale, c'est certainement le plus complet que nous ayons reçu.

Voilà que, au moment où les gens concernés sont ici ce matin pour déposer ce mémoire, on nous remet un document qui contient plusieurs pages, probablement très techniques, et nous privons ainsi nos invités du temps voulu pour étudier à fond ce mémoire et pour nous donner le résultat de leurs études et de leurs observations. Il est, à mon avis, absolument inconcevable qu'en même temps que le dépôt du livre bleu nous n'ayons pas reçu les chiffres, les études actuarielles, les études comptables qui ont permis au ministère et à madame le ministre d'établir en principe ses politiques concernant l'assurance automobile.

Tout le monde sait, avec l'évolution des choses, avec les études, les modifications apportées à ce projet de loi, que les chiffres pourraient changer, mais cela nous aurait permis, en étudiant ce projet de loi et en exigeant certaines réformes au point de vue administratif ou au point de vue des indemnisations, de savoir exactement le coût des modifications que nous aurions pu étudier, tandis que là, on est dans la brume, rien n'est clair, parce qu'on n'a pas les chiffres voulus pour soutenir les arguments que nous pouvons apporter.

Il me semble évident que ces chiffres, on les a au niveau du service du ministère; autrement, ce serait inconcevable, ce serait ridicule d'établir des principes au point de vue de l'assurance sans chif- fres, sans étude actuarielle, sans étude comptable. Que ces chiffres changent, tout le monde l'admet. Le résultat de ces chiffres va certainement changer tant que nous apporterons des modifications au projet de loi et des modifications qui seront de l'ordre, peut-être, de $1 million, $2 millions, $5 millions ou quelques millions, bien que, souvent, ce soient des modifications mineures; tout le monde sait cela.

D'ailleurs, l'évolution de ces études se fera bien après que le projet de loi aura été adopté. Tout le monde sait que, lorsque le bill 67 sera en vigueur, il y aura l'expérience. Sûrement, si le service est aux mains de gens responsables, qu'avec le résultat des expériences, on modifiera la loi et qu'il y aura des modifications dans les chiffres au point de vue des primes, au point de vue des allocations, du dédommagement des victimes; on sait pertinemment que ces chiffres vont constamment changer.

Alors, cela aurait été la façon simple, la façon logique qui nous aurait permis, dans l'Opposition, de parler avec plus de connaissance de cause; cela aurait permis à la province de savoir et de mieux suivre l'évolution du dossier et cela aurait permis aux gens compétents dans la matière de mieux comprendre le dossier et sûrement de mieux informer cette commission du résultat de leur étude; par ricochet, cela aurait permis de mieux informer la province sur la valeur, la faiblesse, les côtés positifs du système que nous étudions.

Je suis entièrement d'accord, M. le Président, avec le député de Beauce-Sud et je dirais même que le dépôt de ce document à ce stade est une insulte à nos invités.

Si ce document avait simplement été déposé trois ou quatre jours à l'avance, cela nous aurait permis de faire une étude beaucoup plus objective du projet de loi aujourd'hui.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je veux simplement rappeler que c'est à la demande des députés, hier, que j'ai déposé ce document ce matin.

M. Saint-Germain (Noël): C'est depuis le début des études, madame, qu'on vous demande des explications sur les chiffres et sur les études qui ont soutenu les principes contenus dans votre projet de loi. Il faut se battre à chaque fois pour les avoir et nous les avons en retard. Toujours en retard.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Pour continuer dans la même veine, M. le Président, nous avons d'un côté les vrais experts, ceux qui sont dans l'assurance automobile, nous avons des experts en sinistres, des courtiers d'assurances. De votre côté, vous avez un groupe d'experts. Pouvons-nous accepter facilement les chiffres qui sont prévus par vos experts, contre les

chiffres de ceux qui sont vraiment dans le domaine de l'assurance automobile? Je ne le crois pas. Parce que nous avons vu l'expérience des autres provinces qui ont commencé le même système d'assurance étatisé, comme la Colombie-Britannique, comme la Saskatchewan, avec des résultats qui sont bien pires que le système privé qui est en place actuellement. C'est pour cela que nous, de l'Opposition, sommes craintifs. Si nous n'avons pas les chiffres pour les attaquer systématiquement, avec des informations des experts du secteur privé, il est impossible de donner un point de vue juste sur les chiffres que vous présentez. Dire qu'à un moment donné vous allez économiser, pour la population du Québec, une centaine de millions de dollars de primes d'assurance cette année, dans une année, c'est quelque chose de valable. Mais prouver que cela va vraiment arriver, c'est autre chose.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Mme le ministre vient de répondre au député de Jacques-Cartier que c'était à la demande des députés, hier... Je ne voudrais pas lui être personnellement désagréable, mais j'aimerais quand même rappeler que j'ai posé des questions à l'Assemblée nationale durant la session pour demander si les documents étaient prêts, si les documents allaient être déposés, quand les documents allaient être déposés, et voir si c'était possible pour le ministère de les déposer le plus rapidement possible.

C'est vrai que j'ai renouvelé la mémoire à... hier, mais je voudrais faire remarquer quand même aux membres de la commission et à ceux qui sont ici que le document qu'on nous remet ce matin est un document qui est daté du 26 avril 1977.

Je m'interroge sérieusement sur les raisons qui ont motivé le ministère de ne pas remettre ce document, afin que nous ayons pu l'étudier. On nous remet un document de quatorze, quinze pages, ce matin, dès le début de la séance de la commission parlementaire. Il est évident qu'on n'a pas le temps de l'étudier avant que nos invités — que nous retardons d'ailleurs à ce moment-ci — aient eu le temps de se faire entendre. On n'a pas eu le temps de l'étudier. Il faudra l'étudier après le départ des gens qui sont ici, soit les assureurs. C'est ce qui fait que je ne suis pas d'accord. Je regrette cette stratégie. Je tiens à aviser le ministre et les membres de la commission que si on veut jouer à la stratégie, si on veut jouer à cache-cache avec nous, nous allons certainement avoir les yeux ouverts.

Je n'ai pas l'intention de jouer à cache-cache. On n'a pas le temps de jouer à cache-cache. Le projet de loi sur l'assurance automobile est un projet de loi qui concerne tous les citoyens du Québec. C'est le projet de loi qui intéresse le plus les citoyens du Québec depuis la création du Régime de l'assurance-maladie au Québec. C'est la première fois qu'on a un projet de loi qui touche autant de monde. D'un côté de la table comme de l'autre, on doit y aller avec franchise et sincérité. Si on veut jouer à cache-cache, qu'on le dise, la population saura à quoi s'en tenir. Je n'accepte pas qu'on nous remette des documents vieux de quatre à cinq mois, des documents qui sont connus du ministère, des documents qui existent, des documents sur lesquels les officiers du ministère ont travaillé.

Le Président (M. Boucher): Cela étant dit, nous allons passer au mémoire du Bureau d'assurance du Canada, dont le porte-parole est M. Charles Moreau. M. Moreau.

M. Moreau (Charles): M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Avez-vous l'intention de lire tout le mémoire ou d'en faire un résumé?

M. Moreau: Non. Au contraire, M. le Président, nous n'avons pas l'intention de lire le mémoire, parce que comme vous l'avez constaté, il est assez volumineux; mais j'aimerais quand même, comme je le dis dans mes remarques, en dégager les principaux éléments de façon à pouvoir guider les membres de la commission.

M. le Président...

M. Roy: Je vous prie de m'excuser. Pourrais-je faire une suggestion? Sans en faire une motion, si tous les membres de la commission étaient d'accord, le mémoire qui est devant nous, comme d'autres mémoires d'ailleurs, pourrait être reproduit intégralement au journal des Débats. Je pense que c'est une chose qui va de soi et qui est normale.

Le Président (M. Boucher): II y a accord de la part de tous les membres. Le mémoire sera reproduit au journal des Débats. (Voir annexe).

M. Roy: Alors comme tout le monde est d'accord, qu'on en prenne bonne note au secrétariat des commissions. Je m'excuse, mais je voulais que votre mémoire, comme ceux qui ont été présentés et ceux qui seront présentés, puissent constituer un document gouvernemental officiel.

Le Président (M. Boucher): M. Moreau.

Bureau d'assurance du Canada

M. Moreau: M. le Président, Mme le ministre, MM. les commissaires, je m'appelle Charles Moreau et je suis directeur, pour le Québec, du Bureau d'assurance du Canada que vous connaissez sans doute mieux sous le sigle BAC.

Permettez-moi d'abord de vous présenter quelques dirigeants de compagnies d'assurances, membres de notre association, qui ont un chiffre d'affaires considérable au Québec, et qui forment aujourd'hui notre délégation.

J'ai, à ma gauche, M. Marcellin Tremblay, qui est président du groupe Les Prévoyants du Canada et également, M. Sébastien Allard, qui est

vice-président principal de l'assurance Royale. A ma droite, M. Guy Saint-Germain, président directeur général du groupe Commerce; M. Yves Brouillette, actuaire du groupe Commerce et M. Raymond Barrette, assistant au vice-président et actuaire du groupe Fireman's Fund du Canada, et M. Bernard Dorval, actuaire de la Prévoyance et de ses filiales.

M. le Président, le BAC représente, à quelques exceptions près, l'ensemble des assureurs faisant affaires au Québec. Nous pouvons donc affirmer que notre mémoire contient d'une façon générale les vues de l'industrie des assurances IARD sur la réforme du régime d'assurance automobile prévu dans le projet de loi 67. J'aimerais, avec votre permission, dégager dès maintenant les éléments de notre mémoire qui touchent particulièrement le public, le gouvernement et les assureurs, pour ensuite, avec mes collègues, répondre aux questions que vous jugerez à propos de nous poser.

L'industrie des assurances IARD est une des plus importantes au Québec, et elle emploie des milliers de Québécois. Vu l'importance de son volume de primes, la branche d'assurance automobile est un des principaux facteurs qui ont permis à nos membres québécois en particulier d'accéder à une taille leur permettant d'utiliser toutes les ressources modernes du management et d'en arriver ainsi à des normes élevées d'efficacité.

Nous avons suivi, ici comme partout ailleurs dans le monde, l'évolution du dossier de l'assurance automobile. C'est donc en connaissance de cause et conscients de nos responsabilités que nous avons, au cours des années, suggéré les changements désirables. Dès 1970, nous avons suggéré une forme de "no fault" obligatoire en blessures corporelles. Nous avons ensuite, parallèlement aux travaux du comité Gauvin, procédé à une étude qui nous a conduits à mener une campagne publicitaire ayant pour but d'expliquer au public les avantages d'un régime "no fault" partiel en blessures corporelles. Cette recherche et cette campagne d'information sont demeurées jusqu'ici sans égales tant en Amérique du Nord qu'en Europe.

Compte tenu du cadre juridique existant et de l'évolution des conditions sociales et économiques, nous sommes fiers du travail que nous avons accompli. Vu notre disponibilité totale, nos connaissances pratiques et théoriques du dossier et notre ouverture aux changements, nous nous attendions à un minimum de consultations ou, du moins, de dialogues avec les auteurs du présent projet de loi. Or, si invraisemblable que cela puisse paraître, cette consultation n'a pas eu lieu. C'est donc en tant que citoyens du Québec que nous nous adressons à votre commission, et c'est en cette qualité que nous avons confiance d'être entendus et compris, tout en reconnaissant que c'est au gouvernement qu'il appartient, en définitive, de décider du régime d'assurance dont le Québec a besoin.

L'étatisation de l'assurance automobile est une mesure injustifiée. Aucune étude sérieuse effectuée au Canada, aux Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest n'a conclu à son bien-fondé, et, dans les provinces de l'Ouest, elle n'a toujours été que le résultat de promesses électorales. Ici même, au Québec, le rapport Gauvin, une des plus sérieuses recherches jamais conduites en Amérique du Nord, a démontré que l'étatisation n'était pas nécessaire. L'assurance automobile comporte un aspect social, c'est certain, mais conclure à son étatisation pour autant révèle une confusion inacceptable. A notre avis, une conclusion en faveur de l'étatisation doit comporter des arguments honnêtes, clairs et sûrs démontrant que l'efficacité des ressources humaines et financières engagées dans un secteur s'en trouvera accrue; autrement, la collectivité y perd.

Trois arguments ont été avancés en faveur de la création d'un monopole d'Etat dans le secteur des blessures corporelles: le manque de dynamisme des assureurs, la rente indexée et la réduction des frais d'administration, en plus, évidemment, de vouloir procurer une meilleure indemnisation.

Lorsqu'on prétend, comme le fait le livre bleu, que les assureurs n'ont pas fait preuve du dynamisme voulu pour conserver l'administration du régime, il serait sans doute plus juste de se demander si nos gouvernements, eux, se sont acquittés de leurs responsabilités en ignorant, comme ils l'ont fait, les multiples recommandations formulées par l'industrie des assurances depuis des années, au lieu d'établir clairement le cadre dans lequel les assureurs auraient pu plus efficacement opérer dans l'intérêt des Québécois.

Lorsque le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières évoque l'impossibilité où seraient les assureurs privés de servir des rentes indexées, il est bon de rappeler qu'en France, par exemple, les tribunaux ont, il y a quelque temps et de leur propre volonté, commencé de définir les indemnités en blessures corporelles sous forme de rentes indexées. L'Etat français n'a pas pour autant conclu à l'étatisation complète du secteur. Soucieux de maintenir la concurrence, il s'est plutôt appliqué et avec succès à trouver de concert avec les assureurs une formule susceptible de permettre justement le versement d'une rente indexée.

L'argument évoquant une meilleure indemnisation des victimes accompagnée d'une diminution des frais d'administration n'est pas plus concluant que les autres. D'une part, la sous-indemnisation ou la non-indemnisation de certaines victimes sous le régime actuel n'a aucun rapport avec le fait que celui-ci soit administré par l'entreprise privée. Cette lacune résulte de la désuétude du régime juridique régissant le paiement des indemnités et, dans les mêmes conditions, un monopole gouvernemental n'aurait pas fait mieux. A ce sujet, rappelons que le "no fault" total en blessures corporelles n'a pas encore été introduit par les monopoles d'Etat du Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, alors qu'au contraire, une bonne mesure de "no fault" a été introduite dans plusieurs Etats américains par l'entreprise privée avec l'intervention des gouvernements.

D'autre part, le livre bleu évoque des écono-

mies de $103 millions en 1978 par suite de l'adoption des réformes proposées. Nous entendons démystifier cette prétention qui résulte d'hypothèses fausses ou contestables. Le livre bleu prétend que les frais d'administration de la régie pour les dommages corporels seront de 6% des primes. Ceci nous apparaît complètement irréaliste. L'expérience de la Régie des rentes et de la Régie de l'assurance-maladie ne nous semble aucunement pertinente ici.

Quant à celle de la Commission des accidents du travail, elle peut être utilisée à condition de retenir deux distinctions importantes. Les frais d'administration déclarés par la Commission des accidents du travail pour 1976 représentent 8,8% du montant des cotisations. Mais ce pourcentage n'inclut aucune provision pour les frais de règlement en suspens. Cette sous-évaluation et les deux distinctions soulignées précédemment nous permettent d'affirmer que le pourcentage des frais sera de deux à trois fois plus élevé que les 6% prévus, à moins, bien entendu, que la fréquence des accidents causant des blessures corporelles diminue de façon radicale.

En définitive, la réduction des frais d'administration ne pourrait provenir que de la réforme du mode d'indemnisation et de l'élimination du rôle du courtier plutôt que de la création du monopole d'Etat.

Au terme de son analyse, le comité Gauvin estimait à 3% l'écart du coût attribuable au monopole lui-même et jugeait cet écart insuffisant pour compenser la perte des avantages de la concurrence. L'estimation du rapport Gauvin a été obtenue à partir de l'hypothèse d'une monopole complet qui engloberait aussi les dommages matériels. La formule de l'étatisation partielle proposée par le gouvernement peut-elle entraîner certaines économies? Pour répondre à cette question, il faut considérer séparément chacun des postes des plus importants.

D'abord, les frais de règlement des sinistres qui sont actuellement de 13,1% de la prime. Il est vrai que le "no fault" total entraînerait une réduction substantielle des frais d'avocats et des autres frais de règlement. Cette réduction pourrait cependant être obtenue, qu'il y ait étatisation ou non. A ce sujet, le rapport Gauvin n'attribuait d'ailleurs aucune réduction des frais à la création d'un monopole. Dans ce domaine, l'étatisation des dommages corporels entraînera par contre des dédoublements coûteux et frustrants pour les victimes. En effet, les dommages corporels résultent habituellement d'un accident ayant aussi causé des dommages matériels.

L'indemnisation exigera donc l'intervention de deux organisations différentes, ce qui entraînera évidemment des frais supplémentaires inutiles.

Deuxièmement, le sujet de la rémunération des intermédiaires, qui représentent, aujourd'hui, 11,3% de la prime.

Le gouvernement propose d'éliminer le rôle du courtier en matière de blessures corporelles tout en le maintenant dans le champ des dommages matériels et des autres garanties. Prétendre que cela constitue une économie serait ridicule puisque la tâche du courtier ne serait pas sensiblement réduite et, en fait, qu'un réseau parallèle serait créé. Il en résulterait sans doute une augmentation du coût réel. Encore ici, l'existence de deux organisations entraînera un dédoublement des démarches, des actions et des déclarations des assurés. En fait, les seules économies apparentes ici proviennent de l'enrégimentation des assurés, des frais de déplacement, de communication et d'attente qu'ils seront forcés d'absorber eux-mêmes.

Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit administré par l'Etat ou non, la question de la rémunération des intermédiaires se pose toujours à peu près dans les mêmes termes. L'assuré devrait être libre d'utiliser ou de ne pas utiliser le courtier qui, lui, personnalise les services. D'ailleurs, certains de nos membres offrent l'assurance au comptoir tandis que d'autres l'offrent par les courtiers et, en définitive, ce sont les droits de la concurrence qui décident des succès relatifs de chaque groupe.

Parlons des frais des assureurs qui représentent, aujourd'hui, 7,6% de la prime. Encore ici, les épargnes envisagées sont dues, en réalité, à un transfert de coûts d'un secteur à un autre. En fait, le gouvernement laisse l'entreprise privée avec pratiquement les mêmes frais de souscription, d'émission et d'administration des polices, mais avec une prime réduite d'environ 35%.

La taxe sur les primes, qui est de 2%; l'élimination de cette taxe sur la couverture des blessures corporelles n'est certainement pas une économie pour les Québécois. Comment, par ailleurs, ne pas suggérer que le gouvernement abolisse aussi cette taxe pour la couverture excédentaire en blessures corporelles ainsi que pour les dommages matériels?

M. le Président, ces quelques remarques sur les frais d'administration font réaliser combien la différence de coût entre un régime administré par l'Etat et un régime administré par l'entreprise privée devient mince lorsqu'on place chacun des éléments dans une perspective plus globale, à savoir le coût total pour la société. Nous croyons donc que le gouvernement n'a donné aucune raison valable pour passer à l'étatisation d'un secteur de l'assurance automobile. Les seules économies véritables proviennent des changements apportés au système d'indemnisation plutôt qu'à la création d'un monopole d'Etat. Bien plus, en créant une organisation parallèle, le gouvernement néglige d'utiliser à leur point d'efficacité maximum les ressources humaines et les équipements matériels que notre collectivité s'est donnés dans ce secteur. La réforme nécessaire en assurance automobile pourrait se faire plus efficacement par l'entreprise privée, en collaboration avec le gouvernement, tout en conservant les avantages d'un système concurrentiel.

En matière de dommages corporels, les principaux objectifs de la réforme sont résumés de la façon suivante: assurer une indemnisation meilleure et rapide de toutes les victimes, au moyen

d'un "no fault" intégral. Pour fins d'analyse, on peut donc distinguer trois objectifs: d'abord, réduire les délais de règlement; deuxièmement, indemniser toutes les victimes et non pas seulement celles qui ne sont pas responsables et, troisièmement, accroître la qualité de l'indemnisation.

La réforme proposée permettrait sans doute d'accélérer le règlement des sinistres en évitant de placer assureurs et victimes en situation d'adversaires. Nous l'admettons d'autant plus facilement que le BAC l'a déjà suggérée depuis longtemps.

La réforme prétend indemniser toutes les victimes et non seulement les non-responsables pour le même prix global qu'actuellement; là, on exagère carrément. Dans les faits, la réforme ne s'approche de cet objectif qu'à condition de diminuer les indemnités consenties aux non-responsables, dans le système actuel, c'est-à-dire d'enlever aux non-responsables le droit au versement d'un capital en échange de l'octroi obligatoire d'une rente, d'introduire la notion discriminatoire de nanti et de non-nanti, de forcer le réclamant à se présenter seul, sans l'aide d'un avocat, devant un fonctionnaire, et de lui enlever le droit d'appel devant un tribunal qui relève du pouvoir judiciaire.

Quant à l'égalité de l'indemnisation visée par le projet de loi, un examen détaillé du régime proposé indique qu'il modifie sensiblement le partage des indemnités en ce sens qu'un certain nombre de victimes recevraient plus mais qu'une importante proportion d'entre elles recevraient beaucoup moins.

Résumons les conséquences de ce réaménagement en fonction des différentes catégories de pertes. D'abord, les frais médicaux et de réadaptation. La protection proposée ici est identique à celle qu'offre le régime actuel aux non-responsables et ne donne pas grand-chose de plus aux victimes responsables qui avaient déjà accès à l'assurance-hospitalisation et à l'assurance-maladie. En enlevant le droit de recours des deux régies contre les responsables, ce que nous avons demandé, d'ailleurs, depuis plusieurs années, certains coûts, assumés actuellement par les automobilistes, sont transférés à l'ensemble des contribuables. C'est une chose que le livre bleu se garde bien de mentionner dans son analyse des coûts.

L'incapacité temporaire. Alors que dans les conditions actuelles la victime innocente a droit au remboursement intégral du salaire perdu, le régime proposé prévoit la compensation de 90% du revenu net après une période d'attente de sept jours. L'incapacité moyenne, selon Gauvin, étant d'environ 40 jours, cela signifie que le régime propose de n'indemniser la victime que dans une proportion de 75% de sa perte véritable.

Au chapitre des indemnités pour incapacité permanente, le manque de renseignements sur l'évaluation des coûts du régime proposé nous empêche d'en souligner les conséquences d'une façon exacte; toutefois, en nous basant sur l'étude de Woodward and Fondiller, qui a été faite pour le BAC, ainsi que sur les données publiées par le comité Gauvin, nous devons en conclure que le régime proposé paiera à l'ensemble des victimes d'invalidité permanente à peine un peu plus que sous le régime actuel. Vu, cependant, que cette somme globale sera répartie entre toutes les victimes, c'est-à-dire les victimes innocentes et les victimes responsables et leurs dépendants, nous devons conclure que par l'adoption du régime proposé les victimes non responsables recevront moins que sous le régime actuel.

En fait, non seulement le montant total sera-t-il réduit, mais sa répartition entre les victimes serait très différente de celle que nous connaissons présentement. Dans la très grande majorité des cas où il y a incapacité permanente, la victime devra se contenter des montants forfaitaires prévus en cas de mutilation. Nous estimons que ces montants équivaudraient à moins de 20% de la moyenne des indemnités payables sous le régime actuel. Comment expliquer qu'un régime qui vise à améliorer la qualité de l'indemnisation comporte une telle réduction des bénéfices pour une importante proportion de l'ensemble des victimes?

Au niveau des indemnités de décès, on doit distinguer trois situations différentes. Dans le cas du conjoint qui n'est pas soutien de famille les bénéfices prévus, qui sont de $5000 à $15 000, sont nettement inférieurs aux montants qu'il peut obtenir sous le régime actuel et ils sont insuffisants pour compenser la perte économique qui est réellement subie. Pour les soutiens de famille, les indemnités prévues sont largement supérieures à celles versées actuellement puisque l'adoption du régime proposé entraînerait dans leur cas une augmentation de l'ordre de 50% au niveau de l'indemnité moyenne. Ceci n'a rien d'étonnant si on considère que le régime proposé ignore plusieurs facteurs dont les tribunaux tiennent compte aujourd'hui et à juste titre pour atténuer le montant de la perte. Sur cette question des indemnités de décès, le régime proposé s'écarte donc largement de la motion de perte économique.

Si l'on juge de la qualité de l'indemnisation pour décès sur le plan de la répartition des indemnités entre les victimes, le régime proposé nous semble inférieur au régime actuel puisqu'il fait abstraction des circonstances propres à chacun des cas. Il est conçu en fonction d'un foyer standard au sein duquel l'un des membres, généralement l'épouse, est dans un état de dépendance permanent à l'égard de son conjoint, ce qui, évidemment, ne correspond plus à la situation de nombreux foyers, particulièrement ceux de la nouvelle génération.

Un régime qui est basé sur un modèle aussi simplifié entraînerait une surcompensation dans un très grand nombre de cas.

Notre mémoire, M. le Président, comme, d'ailleurs, toutes les interventions que nous avons faites à ce sujet, depuis des années, confirme que nous acceptons le principe du "no fault" en matière d'assurance automobile. En fait, le régime AUTOBAC que nous préconisons propose une forme d'indemnisation qui repose en très grande partie sur ce principe. Nous croyons, cependant, que le "no fault" intégral ne peut être appliqué qu'en le remplaçant par des indemnités très généreuses et, par conséquent, très coûteuses pour

l'automobiliste. C'est donc pour des considérations d'ordre pratique que nous avons recommandé un régime "no fault" partiel, c'est-à-dire une indemnisation équitable pour toutes les victimes, mais à un coût qui tienne compte des moyens financiers de l'automobiliste. Le régime proposé par le gouvernement offre donc certains avantages, mais le chambardement qu'il comporte et les coûts excessifs qu'il peut engendrer ne justifient pas son adoption. Il devrait donc être révisé, si notre société veut éviter de se trouver éventuellement confrontée avec un problème de coûts excessifs et incontrôlables.

Dans le domaine des dommages matériels, notre mémoire montre que nous sommes pleinement d'accord avec l'assurance obligatoire et également avec l'indemnisation directe dans le cas des dommages aux voitures. Nous différons, cependant, d'opinion avec les auteurs du projet de loi sur deux aspects bien spécifiques de la réforme proposée: premièrement, le maintien du droit de recours pour les non-assurés, alors qu'à toutes fins pratiques les assurés, eux, s'en voient privés dans la plupart des cas et, deuxièmement, le maintien de la subrogation entre les assureurs.

Nous recommandons l'abolition du droit de recours à la fois pour les assurés et les non-assurés. Il s'agit d'une mesure qui favorise la justice pour l'ensemble des automobilistes, tout en assurant le mieux possible le respect de l'assurance obligatoire. Quant au maintien de la subrogation entre assureurs, nous recommandons de l'abolir, puisque cela nous semble présenter un avantage très net au niveau du règlement des sinistres. L'abandon de la subrogation est le moyen véritable d'inciter les assureurs à mieux contrôler les coûts de la réparation des automobiles et à abaisser le niveau des frais d'exploitation, tout cela pour le plus grand avantage du public assuré. Nous espérons que le gouvernement prendra en sérieuse considération les arguments contenus dans votre mémoire à ce sujet.

Quelques mots maintenant au sujet de la tarification. Nous avons démontré, M. le Président, dans notre chapitre sur la création d'un monopole d'Etat, que cette mesure ne saurait nullement réduire le coût de l'assurance automobile. Sur la base de nos calculs, qui sont d'ailleurs facilement vérifiables, le régime proposé entraînerait une augmentation de primes dans le cas d'environ 65% des automobilistes assurés.

Cette proportion pourra même atteindre 90% dans certaines régions limitrophes, comme celle de Hull, par exemple. Si nos prévisions quant à l'insuffisance des 6% de frais d'administration prévus s'avéraient exactes, les augmentations pourraient être encore plus importantes pour un plus grand nombre d'assurés. En somme, plus des deux tiers des assurés subiraient des augmentations, alors que la prime demeurerait pratiquement inchangée.

Il doit, dans ces circonstances, y avoir subvention de certaines classes d'automobilistes, comme les jeunes hommes célibataires de moins de 25 ans et les conducteurs qui ont un mauvais dossier, aux dépens de la majorité des autres groupes, en particulier des gens qui n'utilisent pas leur voiture pour se rendre au travail et les cultivateurs.

Voici, à titre d'exemple, le coût approximatif de la protection pour dommages corporels sous le régime actuel et ce qu'il en coûterait sous le régime proposé dans le cas des véhicules de promenade. Par exemple, un conducteur marié, qui a plus de 25 ans, qui demeure à Québec et qui utilise sa voiture pour se rendre à son travail, pas plus d'un accident en cinq ans, paye actuellement $91 ; il en payerait sous le régime proposé de $120 à $125.

Une femme célibataire de 25 ans qui habite Montréal et qui n'utilise pas son véhicule pour se rendre à son travail, pas plus d'un accident durant cinq ans, paie actuellement $83; elle en paierait de $130 à $135 sous le régime. Un agriculteur de la région de Trois-Rivières, qui a plus de 30 ans et qui n'a jamais eu d'accident au cours des trois dernières années, paie actuellement $64; il en paiera entre $120 et $125. Un commerçant de Sherbrooke, qui est âgé de 25 ans et qui utilise sa voiture pour affaires, qui a eu deux accidents en cinq ans, paie $195 et sa prime diminue à $120 ou $125. Un homme marié de plus de 25 ans, qui demeure à Hull, utilise son véhicule pour se rendre au travail, et a eu un accident pendant les cinq dernières années, paie actuellement $63; il va en payer entre $120 et $125. Un jeune homme célibataire de 21 ans qui habite Montréal, qui a eu un accident il y a plus d'un an, en paie $345; sa prime diminue à $130 ou $135.

M. le Président, nous avons deux raisons de présenter ces comparaisons. Nous croyons qu'il est de notre devoir d'informer la population et ses représentants des véritables conséquences des réformes proposées sur le niveau des primes. Vu les déclarations du ministre et de certains assureurs, ainsi que l'interprétation qu'en ont fait les media, nous craignons que le public en général ait l'impression que le nouveau régime permettrait une réduction des primes. Il importait donc de corriger cette impression le plus tôt possible.

Cette présentation nous permet aussi de poser clairement la question du rôle de la tarification dans l'assurance automobile. Il nous semble que si ce rôle était bien compris, la question de l'étatisation se poserait en des termes bien différents. La fonction d'un régime d'assurance est en effet double: indemniser les victimes et répartir les coûts entre les assurés. Aux yeux de l'observateur moyen, il est possible que le deuxième volet semble beaucoup moins important. Il faut cependant souligner qu'une juste répartition des coûts entre les individus et les groupes d'individus est un objectif primordial aussi bien sur le plan social que sur le plan économique. A cet égard, les hypothèses de tarification publiées par le ministère et qui dénotent un nivellement inacceptable entre les classes d'assurés sont conformes à la tradition des régies d'Etat des provinces de l'Ouest dont nous connaissons la piètre performance en cette matière. On parlait tout à l'heure, parmi les commissaires, d'une danse des millions, on voit que la danse commence et on peut difficilement faire autrement que se rappeler ce qui s'est passé

en Colombie-Britannique où on a vu valser $200 millions comme erreurs de tarification. C'est peut-être ce qui nous attend ici.

En théorie, rien n'empêche le monopole de procéder à une plus juste répartition. Mais dans la pratique, la poursuite de cet objectif est contrecarré par trois facteurs principaux. D'abord l'élimination de la concurrence fait disparaître l'incitation à l'équité. Equité qui existe sous le régime privé. Il est inévitable que des pressions politiques soient exercées sur la régie et, à cet égard, il n'est pas nécessaire de rappeler l'exemple, comme je viens de le dire, de la Colombie-Britannique. D'ailleurs, le verbiage qui entoure déjà la tarification des jeunes conducteurs est un signe que la politique a déjà fait son entrée dans la tarification. Troisièmement, de sérieuses contraintes administratives limitent la poursuite de cet objectif. En effet, la réalisations des économies promises au niveau des frais de souscription suposent l'intégration de certaines opérations de l'assurance automobile à d'autres organismes gouvernementaux, par exemple, le Bureau des véhicules automobiles. Or, le développement et le maintien d'une tarification équitable exigerait ta cueillette et le traitement d'une quantité d'informations qui ne sont pas nécessaires à ces organismes.

En définitive, le régime proposé ne satisfera en rien l'opinion souvent exprimée par le public qui désire avant tout une réduction des primes plutôt qu'une augmentation s'étendant à au-delà de 65% des automobilistes. Le régime proposé se révèle particulièrement inapte à assurer une répartition équitable des coûts d'assurance. Il ne peut conduire qu'à une structure de prix faisant fi de l'importance économique d'une saine allocation des ressources, ce qui, en soi, est une cause d'inefficacité.

M. le Président, la dernière partie de notre mémoire présente un certain nombre de recommandations précises touchant des éléments d'ordre technique et juridique et qui sont régis par des articles particuliers du projet de loi.

A ce sujet, le temps ne nous a pas permis jusqu'ici de toucher toutes les dispositions du projet de loi. Nos techniciens continuent donc leur travail de recherche et d'étude et nous serons heureux d'en faire profiter le gouvernement dès que la chose nous sera possible.

En conclusion, M. le Président, nous réaffirmons notre conviction que l'industrie québécoise des assurances est parfaitement capable d'offrir au public un régime d'assurance automobile tout aussi satisfaisant que celui proposé par le projet de loi no 67. Et cela non seulement avec toute l'efficacité que garantit son expérience, mais encore avec les économies que seul peut apporter le système de la libre entreprise. Si on nous l'avait demandé en novembre 1976, nous l'aurions déjà depuis le premier juillet dernier. M. le Président, nous vous remercions de nous avoir écoutés. Mes collègues et moi sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Moreau. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier M. Moreau et les autres représentants des assureurs qui l'accompagnent. Je retiens, évidemment, d'abord et avant tout, votre proposition de collaboration. Elle me paraît essentielle. Vous avez assuré que vos techniciens travaillent encore présentement à certains aspects du projet de loi 67. Je peux vous assurer que nous en faisons autant de notre côté. Nous aurions tout intérêt, pour servir la population, à échanger nos informations, ce que nous sommes parfaitement disposés à faire, si bien qu'il devrait y avoir, au cours des semaines à venir, très certainement, de nombreuses rencontres entre vos actuaires et nos actuaires pour que, chacun de son côté, nous puissions atteindre ce qui semble être votre but, c'est-à-dire un meilleur service à la population québécoise et aux consommateurs québécois.

Je vais avoir un certain nombre de questions et je vais devoir me référer à votre mémoire, si vous me le permettez, parce qu'il y a certaines informations qui sont importantes et qui demanderaient des éclaircissements.

M. Moreau: M. le Président, vous me permettrez, pour répondre aux questions, de faire appel à mes collègues, dont chacun a ses spécialités.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Moreau: Merci, madame.

Mme Payette: Sans aucun problème. Même dans votre résumé, et on le trouve dans votre mémoire au préambule, vous avez parlé de la campagne de publicité qui a été faite autour de ce qui s'appelait le projet BAC qui proposait un "no fault" partiel. Seriez-vous en mesure de me dire, soit vous M. Moreau ou l'une des personnes qui vous accompagnent, quels ont été les résultats de cette campagne jusqu'à présent? Pourriez-vous me faire un bilan du résultat?

M. Moreau: II faudrait que je vous présente un rapport assez long, madame, parce que non seulement nous avons évalué les résultats de la campagne, mais nous avons fait des sondages d'opinion publique justement pour savoir à quel point la campagne avait porté. Je pourrais vous faire parvenir un rapport très complet là-dessus mais, pour le moment, il suffit de dire que le public semble avoir compris notre programme, pas complètement parce qu'on s'est rendu compte que c'est un élément très difficile à observer. Quand on parle de "no fault" ou quand on parle d'assurance automobile dans le public, c'est très difficile. Je pense que vous avez eu la même expérience, madame.

Nos sondages nous ont révélé que le public, en général, semble favorable à un "no fault" partiel, c'est-à-dire perdre une partie de ses droits, mais tout en les conservant dans les cas où la science actuarielle n'est pas en mesure, elle, de procurer des indemnités à tout le monde de façon juste. En somme, c'est à peu près cela. C'est l'impression que nous avons retirée du public. Il y a

beaucoup de sympathie. Les media d'information, chez les journalistes, c'est à peu près la même chose. En fait, on l'a qualifié dans les media d'information et dans beaucoup de coins de la province comme étant le juste milieu parmi toutes les solutions qui ont été proposées depuis trois ou quatre ans en matière d'assurance automobile.

Mme Payette: Vous n'êtes pas sans savoir, M. Moreau, les discussions qui entourent actuellement le régime de "no fault" partiel pratiqué aux Etats-Unis et l'insatisfaction, semble-t-il, selon nos renseignements, de la population américaine par rapport à ce "no fault" partiel.

Se basant sur cette expérience, ne peut-on pas douter de la réaction que pourrait avoir un public québécois face à une situation semblable?

M. Moreau: Comme vous pouvez le présumer, M. le Président, nous sommes bien au courant de ce qui se passe aux Etats-Unis, cela nous intéresse d'une façon particulière. Nous savons, évidemment, que les lois "no fault" qui ont été mises en vigueur dans une quinzaines d'Etats maintenant aux Etats-Unis ont apporté de petits problèmes.

Mme Payette: Quelle sorte de problème?

M. Moreau: En fait, je pense qu'on peut dire que le "no fault" aux Etats-Unis n'a peut-être pas apporté tous les bienfaits qu'on en attendait, mais, si on fait la révision de l'opinion générale de façon objective et en prenant en considération toutes les opinions, je pense qu'il n'est question, dans aucun Etat, qu'on revienne au système de la responsabilité civile. Le régime "no fault" aux Etats-Unis pose des problèmes, il est vrai, et on ne peut pas s'attendre qu'il y ait des systèmes parfaits, mais il y a des faiblesses dans les systèmes américains qui sont évidentes, des faiblesses que le BAC, d'ailleurs, avait prévues, et on vous en a parlé déjà. Une des faiblesses, c'est que le "no fault" a pour but d'éviter les poursuites judiciaires.

Or, aux Etats-Unis, sous le système "no fault", on a fait l'erreur de dire: La victime gardera son droit d'action devant les tribunaux lorsque ses frais médicaux ou d'hospitalisation excéderont, par exemple, $500 ou $750. Alors, nos confrères américains, c'est-à-dire nos amis avocats américains n'ont pas pris de temps à apprendre que dépasser un seuil de $500, c'était assez facile, avec le résultat qu'en peu de temps, en moins d'un an, le nombre de poursuites devant les tribunaux s'est révélé à peu près le même qu'auparavant et, là, on a perdu, évidemment, beaucoup d'avantages du "no fault".

Mme Payette: Avec une augmentation des coûts...

M. Moreau: Or, le BAC — excusez-moi, madame — avait prévu cela, c'est pour cela que nous avons mis un seuil non pas financier, mais basé sur des circonstances spécifiques. Alors, on ne peut pas jouer avec cela, une victime est morte ou elle ne l'est pas, mais dépasser $500 ou ne pas dépasser $500, on peut jouer avec cela comme on veut. C'est une des grandes faiblesses des Américains que le BAC a tenté d'éviter.

M. Saint-Germain (Guy): Si vous me permettez d'ajouter un mot à cela, la formule recommandée par le Bureau d'assurance du Canada était semblable à la formule retenue au Michigan. M. Moreau a bien indiqué qu'il s'agit d'un seuil verbal, et nous avons envoyé une délégation tout récemment au Michigan. Si Mme le ministre veut bien entendre l'un ou l'autre de nos actuaires, nous sommes prêts à lui répondre sur les avantages du "no fault" partiel au Michigan.

Mme Payette: Je pense que ce sont des échanges qu'on pourra avoir. Evidemment, nous sommes également renseignés sur les différentes situations.

M. Saint-Germain (Guy): Cela fonctionne très bien, en résumé, au Michigan. Le commissaire, l'équivalent du surintendant des assurances au Michigan est très heureux, et on peut souligner les efforts du gouvernement fédéral américain pour implanter une loi qui forcerait le "no fault" partiel dans la totalité des Etats américains avec un régime qui ressemble à AUTOBAC.

Mme Payette: M. le Président, à la page 5 du mémoire, on dit que l'étatisation de l'assurance automobile est une mesure complètement injustifiée, et on propose que les avantages avancés en faveur de la création d'un monopole d'Etat dans le secteur des blessures corporelles, c'est-à-dire le dynanisme des assureurs, les rentes indexées, la réduction des frais d'administration, ne sont pas suffisants comme justification. Vous avez affirmé, M. Moreau, qu'un régime tel que celui proposé par le gouvernement pourrait être administré par l'entreprise privée. Comment peut-on penser que 150 assureurs puissent tomber entièrement d'accord sur un régime comme celui qui est prévu dans la réforme présentée au projet de loi 67? Ne risque-t-on pas de voir là une incohérence à cause du fait que les 150 assureurs ne seront pas nécessairement d'accord?

M. Moreau: C'est peut-être une façon de voir les choses, M. le Président, mais il n'y a rien qui empêche un gouvernement de légiférer de façon que l'industrie soit contrôlée ou se contrôle elle-même, de façon qu'il y ait uniformité autant que possible dans le traitement des victimes.

Je ne vois pas pourquoi les assureurs privés ne pourraient pas, si le régime est fait en collaboration avec le gouvernement, l'administrer de façon aussi bonne et aussi juste pour les victimes, madame.

Mme Payette: II s'agit d'une réforme qui est publique, c'est-à-dire qui touche tous les individus. Comment peut-on penser, justement, qu'un nombre aussi important d'assureurs pourrait être d'accord sur un régime?

M. Saint-Germain (Guy): Puisque vous posez la question, on peut répondre que, certainement, la majorité des assureurs ne voit aucune objection à servir un système d'assurances qui soit défini sur une base autre que celle qui existe présentement. Vous avez peut-être raison quand vous dites que les assureurs hésiteraient peut-être. Si on regarde, si on considère les indemnités telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi, il est évident, sans qu'on parte une polémique, qu'il y a certains aspects arbitraires de ces indemnités qui cadreraient très mal dans une administration relevant de l'entreprise privée.

Par exemple, quand on dit qu'un étudiant aura droit à une indemnité basée sur le salaire qu'il devrait toucher s'il arrivait à terminer ses études, il est évident que l'arbitraire est là à pleine porte et qu'il serait difficile pour nous de convaincre le public qu'on a la bonne solution à chaque fois qu'on a une indemnité à payer. Il y a deux autres exemples qu'on peut donner. L'indemnité de remplacement de revenu à l'article 19, par exemple, où on dit que la régie peut agir à sa discrétion. Ce sont les mots utilisés dans la loi. Je pense bien que si on disait qu'un assureur privé peut agir à sa discrétion, il y a quelque chose qui "revolerait".

Ayant dit ceci, nous ne sommes pas d'accord non plus avec le fait que l'Etat se lance dans un système d'assurance avec des notions aussi arbitraires. Nous sommes obligés de vous répondre que nous ne serions pas aptes à faire fonctionner le système tel qu'il est prévu là, mais nous ajoutons que l'Etat non plus n'a aucun intérêt, à notre sens, et est incapable de satisfaire le public et de faire régner la justice avec ce genre de bénéfices. Si on devait s'asseoir et trouver des bénéfices plus taillés sur mesure pour le public, on doit vous dire que la majorité des assureurs serait prête à faire fonctionner le système.

Mme Payette: M. Moreau, M. le Président a bien dit, tout à l'heure, que si cette réforme avait été laissée à l'entreprise privée, elle serait déjà appliquée depuis le 1er juillet. Il n'a pas fait le détail de cette réforme. Il a bien parlé de la réforme telle qu'elle était proposée par le gouvernement. On voit déjà la difficulté de ce que je soulignais, de mettre d'accord 150 assureurs autour du régime qui est proposé ici.

M. Saint-Germain (Guy): Ce n'est pas un gros problème parce que le fait que les assureurs soient ici représentés par un corps unique ne fait que refléter une préoccupation qui est constante de la part des gouvernements au Québec. C'est que les corps comme le nôtre aient une voix difficile. C'est le résultat de cet effort qu'on a fait pour arriver à une voix difficile. On vous dit que cela ne causerait pas de problème. Pas plus que dans tous les Etats américains où il y a assurément des problèmes avec le système actuel de responsabilité civile. Les gouvernements, de concert avec les assureurs, s'asseoient ensemble et élaborent des solutions aux problèmes qui sont posés.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que je peux demander à nos invités comment il se fait que, se définissant comme une voix unique devant nous ce matin, nous avons entendu les courtiers dire qu'il était impossible de s'adresser au BAC comme la voix unique représentant les assureurs dans des négociations possibles avec les courtiers?

M. Moreau: Je pense qu'on peut dire que le Bureau d'assurance du Canada représente à peu près toute l'industrie des assurances, à quelques exceptions près, lorsqu'on parle évidemment des éléments de l'assurance automobile ou de l'assurance incendie, enfin du côté technique et administratif des assurances. Mais si vous faites allusion à une question de rémunération ou de négociation, c'est une autre chose. Le BAC n'a pas cette autorité. D'ailleurs, il ne faudrait pas qu'il l'ait parce qu'à ce moment, on tombe encore une fois dans l'arbitraire et on tombe dans la coalition, si vous voulez.

Mme Payette: II ne s'agit donc pas...

M. Moreau: C'est cela qu'on a voulu dire, j'imagine.

Mme Payette: II ne s'agit donc pas d'une voix unique puisque chaque assureur peut à son tour dire qu'il n'est pas d'accord avec l'opinion du BAC.

M. Moreau: Oui, si vous voulez. Oui, d'une façon. Les assureurs membres du BAC ne sont pas tenus, évidemment, de suivre les indications du BAC. Mais en général, le prestige dont jouit le BAC auprès de ses compagnies a pour résultat que celles-ci, en général, suivent les indications dans une grande mesure.

Mme Payette: Par exemple, il serait impossible, actuellement, pour le Bureau d'assurance du Canada de négocier un tarif en pourcentage pour les courtiers.

M. Moreau: Dans le moment, il est impossible de faire cela.

Mme Payette: Cela doit être fait par chacun des assureurs avec les courtiers avec lesquels ii traite.

M. Moreau: Comme cela se fait depuis plusieurs années, madame, à la grande satisfaction des courtiers et des compagnies.

Mme Payette: M. Moreau, ce n'est pas ce que les courtiers sont venus nous dire ici.

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, si vous le permettez, c'est comparable, si vous voulez, au Conseil du patronat. On ne pourrait pas demander au Conseil du patronat de négocier les

conventions collectives de ses membres. Chaque compagnie a ses responsabilités financières et doit — c'est son problème à elle — négocier avec les courtiers, s'arranger avec les courtiers qui la représentent. On ne peut pas demander à un organisme de négocier au nom de tout le monde. Je ne suis pas prêt, moi, comme président des Prévoyants du Canada, à déléguer à d'autres mes coûts de fonctionnement. Alors, je vais négocier avec mes courtiers, je vais discuter avec mes courtiers la manière dont je vais les rémunérer et chaque compagnie doit faire cela. C'est cela l'entreprise libre.

Mme Payette: M. le Président, toutes ces questions étaient reliées au fait que je désirais savoir si on pouvait penser au BAC comme étant la voix unique des assureurs. Je ne pense pas que ce soit vrai, actuellement, à moins que cet organisme ne soit transformé de par la volonté des assureurs éventuellement.

M. le Président, j'aurais une autre question au sujet d'une question qui a été abordée dans le mémoire et qui parle de l'indexation au coût de la vie de certaines indemnités payées en France, semble-t-il. Est-ce que M. Moreau ou quelqu'un d'autre pourrait commenter ce sujet qui a été traité assez rapidement dans votre mémoire?

M. Moreau: M. Saint-Germain, avez-vous un mot là-dessus?

M. Saint-Germain (Guy): On peut tout simplement rappeler qu'en France les tribunaux, à un certain moment, ont décidé de commencer à définir les indemnités en termes de rente plutôt qu'en termes d'un versement de capital, sans qu'il y ait intervention de la part des pouvoirs publics d'aucune façon.

Immédiatement, selon les renseignements que nous avons — vous savez qu'en France 50% de l'industrie est étatisée, 50% ne l'est pas — cette rente indexée qui était consentie par les tribunaux a été perçue par des assureurs français comme les mettant dans l'impossibilité de continuer à faire affaires, étant donné le montant de capital important qu'il faut mettre en réserve pour servir une rente indexée. Ils se sont précipités chez le ministre des Finances — et en France comme en Angleterre d'ailleurs, vous savez que les services des Finances sont en étroite collaboration avec les assureurs — et ils ont trouvé très rapidement une solution qui a permis à ces assureurs français de continuer à faire affaires. Essentiellement, la solution qu'ils ont élaborée a consisté en la formation d'un pool à partir duquel les rentes sont payées, à partir d'une certaine période, disons au bout de quatre ou cinq ans. L'Etat s'engage, à ce moment-là, à alimenter le pool, selon la nature de l'indexation qui est consentie, reconnaissant que, s'il faut servir une rente indexée, le problème est toujours de savoir quelle génération va la payer. C'est la solution qu'ils ont élaborée.

Mme Payette: Est-ce qu'il s'agit là d'une position qui existe dans l'assurance automobile ou dans l'assurance-vie?

M. Saint-Germain (Guy): Elle a été pensée en fonction de l'assurance automobile; je ne peux pas vous dire si elle existe... Votre question est?

Mme Payette: Est-ce que c'est en assurance automobile ou en assurance-vie?

M. Saint-Germain (Guy): Je ne suis pas au courant pour l'assurance-vie.

Remarquez que — vous avez des actuaires ici — la rente indexée existe actuellement; les régimes privés de retraite sont indexés. Cela ne pose pas de problème; le seul problème c'est de calculer, dans la période initiale, le coût exact de la rente indexée. Vous pouvez formuler comme hypothèse une évolution du coût de la vie qui va de 2% à 6% ou 7%, selon vos prévisions les plus pessimistes ou les plus optimistes. Vous avez simplement à faire le calcul. D'ailleurs, pour arriver à vos $385 millions, il est évident, je pense, que vos actuaires ont dû tenir compte d'un certain pourcentage d'indexation. Cela ne pose pas de problèmes.

Mme Payette: Est-ce que tous les assureurs sont prêts à déclarer cela?

M. Saint-Germain (Guy): II y en a plusieurs qui sont représentés ici; ils peuvent certainement le dire.

M. Allard (Sébastien): D'accord, je n'ai pas d'objection.

Mme Payette: En page 6 de votre mémoire, vous affirmez qu'il sera beaucoup plus onéreux de cotiser trois millions d'automobilistes que ça ne l'est pour la CAT qui ne cotise que les employeurs; donc, vous ne croyez pas que les 6% de frais d'administration pour la nouvelle régie soient réalistes. Pouvez-vous m'expliquer en quoi vous pensez que la perception de primes reliée à l'émission de plaques d'immatriculation et de permis de conduire pourrait être tellement plus dispendieuse que les 6% prévus?

M. Moreau: Evidemment, on n'a pas de précision à donner sur les 6% exactement, mais d'après notre expérience, cela devrait s'élever beaucoup plus, on dit même de deux à trois fois. Il est évident que la perception des primes dans une multitude de bureaux...

Mme Payette: Comment pouvez-vous affirmer ces deux ou trois fois plus, si vous n'êtes pas en mesure de définir pourquoi ce sera plus de 6%?

M. Moreau: Nous comparons avec la perception des primes de la Commission des accidents du travail; or, la Commission des accidents du travail a des frais de 8,8% dans le moment. Pourtant, la Commission des accidents du travail, elle, perçoit des primes d'un beaucoup plus petit nombre des employeurs et c'est beaucoup plus simple que d'aller les percevoir de 2,5 millions d'automobilistes. Nécessairement, il va falloir que cela coûte plus cher. Percevoir des primes pour la Commis-

sion des accidents du travail, c'est assez simple, ce sont les employeurs qui le font pour elle et qui lui transmettent, mais dans le cas des véhicules automobiles, imaginez le nombre de percepteurs que vous allez avoir dans la province. C'est notre raisonnement.

Mme Payette: Dans ma question, il ne s'agit pas de percepteurs; je vous parle des frais d'administration liés au niveau de la perception sur la plaque d'immatriculation et sur le permis de conduire.

M. Moreau: Oui, mais cela demande quand même un déplacement supplémentaire, un formulaire supplémentaire, un travail supplémentaire pour la personne qui va vendre la plaque. Il y a ensuite la remise de cette prime du bureau qui en a fait la perception vers la régie. Tout cela comporte des frais. Il ne faut pas s'imaginer que la prime va être perçue par les bureaux d'émission des permis et que cela ne comportera aucun frais supplémentaire.

Mme Payette: Ce que nous envisageons présentement, c'est que la prime soit perçue au moment de la perception de la plaque d'immatriculation et cela peut se faire par l'entremise des caisses populaires selon le scénario que nous avons établi jusqu'à maintenant. Le coût de la plaque d'immatriculation reste à $1 et cela ne nous concerne pas; le coût de perception de l'assurance automobile est de $0.50.

M. Saint-Germain (Guy): Comme pour les $385 millions, on découvre ce matin que vous pouvez être au-dessus de 50 ou en dessous de 50. On a déjà vu cela, comme M. Moreau vous l'a dit, en Colombie-Britannique. C'est la même chose pour les $0.50. Si vous calculez cela en moyenne, avec un salaire de base au parapublic de $165 plus les avantages sociaux, cela fait $0.08 la minute. Cela supposerait que pour $0.50 le client qui va entrer dans une caisse populaire va avoir un traitement de quatre minutes. On vous défie de faire fonctionner une assurance d'Etat, avec les explications qui vont devoir être données, en quatre minutes!

Mme Payette: Vous avez aussi fait des allusions, en page 7, au coût des régimes étatiques des provinces de l'Ouest en citant 18% dans les frais d'administration. Je me demande si vous avez tenu compte que dans ce pourcentage, puisque toute l'assurance est étatisée, il s'agit bien de frais qui couvrent aussi bien les blessures corporelles que les dommages matériels. A notre connaissance, la Saskatchewan, par exemple, actuellement affiche 20% de frais d'administration pour l'ensemble des deux domaines et non pas pour les blessures corporelles seulement.

M. Moreau: Ce peut être l'ensemble, madame, mais les frais qui s'appliquent aux dommages matériels ne sont pas tellement différents.

Mme Payette: Vous faites état très souven t— et c'est revenu à plusieurs reprises — du dédoublement du régime qui fait que deux démarches sont nécessaires. Pourriez-vous me dire dans quel pourcentage des accidents de la route il y a des blessures corporelles?

M. Moreau: Le pourcentage exact, je l'ignore, nos actuaires l'ont peut-être, il est très élevé.

M. Brouillette (Yves): Environ 10%.

Mme Payette: Alors, dans 10% des cas il y aura dédoublement.

M. Brouillette (Yves): Non, je m'excuse. Quand on parle de 10%, on parle des réclamations à l'heure actuelle. Si on se place dans le cadre d'un nouveau régime qui vise à indemniser toutes les victimes sans égard à la faute, vous avez mentionné certains pourcentages, dans le livre bleu, qui ne sont pas couverts présentement, alors, si on augmente cela, on peut peut-être penser à un pourcentage de 15% à 20%.

Mme Payette: Est-ce que vous régleriez pour 16%?

M. Brouillette: D'accord.

Mme Payette: Dans 16% des cas, il y aura réclamation pour blessures corporelles. Donc je pense qu'il faudrait peut-être cesser d'insister beaucoup sur le dédoublement des démarches à faire, puisque seulement dans 16% des cas y aurait-il réclamations pour blessures corporelles.

M. Brouillette: Simplement dire que c'est 16% de l'ensemble des accidents, c'est quand même 100% ou presque des accidents de dommages corporels. Dans ce sens il va y avoir dédoublement, pas dans tous les cas, mais un pourcentage très élevé des cas.

Mme Payette: Oui, mais 16% du nombre d'accidents.

M. Brouillette: Du nombre d'accidents, mais, pour les cas de dommages corporels qui seront couverts par la régie, c'est un pourcentage très élevé, 84%.

Mme Payette: Dans 84% des cas, il n'y aura qu'une seule démarche auprès des assureurs.

M. Brouillette: Pour les dommages matériels, d'accord, mais si on parle de dommages corporels c'est 100%, quand même.

Mme Payette: C'est bien de cela que je parle, dans 84% des cas, il n'y aura qu'une seule démarche vers les assureurs; dans 16% des cas il y aura double démarche.

M. Brouillette: Oui, cela c'est pour ce qui est

de l'indemnisation. On parle aussi de dédoublement, je pense, en ce qui a trait à la perception des primes; alors là on peut dire que c'est dans 100% dans ce cas.

Mme Payette: Toujours en page 7, vous dites que la réduction des frais d'administration du régime proposé est attribuée à la réforme du mode d'indemnisation et à l'élimination du rôle du courtier. Est-ce que vous auriez été en mesure d'envisager les mêmes transformations si le régime vous était confié?

M. Moreau: C'est une possibilité, madame, que nous n'avons pas eu l'occasion d'étudier. Nous l'aurions fait avec plaisir, si on nous avait consultés avant de publier un projet de loi ou un projet de réforme de l'assurance automobile, mais vous touchez là à toute la structure de l'assurance automobile et cela demande des études qui doivent se faire conjointement avec le gouvernement. Nous étions disposés à le faire, madame.

Mme Payette: M. Moreau, j'étais disposée aussi à vous entendre au moment de la consultation populaire; je pense qu'on vous l'avait fait savoir; vous avez refusé à ce moment-là de venir. Nous aurions déjà pu échanger, au moment où nous n'en étions qu'à l'élaboration du travail, un certain nombre d'informations. Vous vous êtes appuyés sur le rapport Gauvin à quelques reprises...

M. Moreau: M. le Président, est-ce que je pourrais relever cette remarque de Mme le ministre que nous avons refusé d'etre entendus aux audiences publiques? Je regrette, mais le BAC n'a jamais refusé d'être entendu et de se présenter aux audiences publiques. Nous avons signifié tout simplement à Mme le ministre, dans une lettre, que dans les circonstances nous ne jugions pas à propos de le faire. Si nous avons pris cette décision...

Mme Payette: Cela revient au même.

M. Moreau:... c'est parce que Mme le ministre elle-même a fait connaître en public, plusieurs fois, le fait que ces audiences avaient pour but de connaître l'opinion de la population du Québec. Même le premier ministre lui-même a déclaré en public que ces audiences avaient pour but d'entendre un son de cloche autre que ceux des groupes organisés qui forment automatiquement des lobbies sur chacune des questions. Alors on s'est dit: Qu'est-ce qu'on va aller faire là, nous le BAC? On va empêcher les gens de s'exprimer. C'est la raison pour laquelle on n'a pas demandé d'être entendus, mais on n'a pas refusé d'aller. Si vous nous aviez invités, nous nous serions présentés avec plaisir.

Mme Payette: M. Moreau...

M. Allard: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à cela, M. le Président? Si vous vous souvenez, Mme le ministre, le 7 mars, le Conseil du patronat vous a rencontrée, vous avait invitée et vous êtes venue. Je faisais partie de la délégation du Conseil du patronat qui vous a rencontrée. A ce moment-là vous avez dit catégoriquement que vous n'aviez pas l'intention de discuter avec le Conseil du patronat d'assurance automobile et vous avez ajouté — en me visant, je pense, parce que j'étais le représentant du Bureau d'assurance du Canada à ce moment-là — que vous espériez que le BAC ne se présenterait pas partout où vous iriez dans la province pour répéter des choses que vous saviez et que tout le monde savait depuis longtemps. Alors, je pense qu'à ce moment-là...

Mme Payette: M. le Président, il y a une accusation précise qui est portée, on me permettra de rétablir les faits. J'ai bien dit que j'espérais ne pas retrouver le BAC dans toutes les villes que nous aurions à visiter et que nous avions invité les organismes représentatifs de l'ensemble de certains groupes à se faire entendre ou à Montréal ou à Québec, ce que plusieurs organismes ont parfaitement compris.

M. Allard: Je répète que ce qu'on a dit c'est que Mme le ministre ne voulait pas entendre les choses que le BAC répétait depuis très longtemps et que tout le monde connaissait.

Moi, j'ai conclu que nous n'avions pas à nous présenter aux audiences de la commission itinérante qui discutait de l'assurance automobile à ce moment-là parce que, aussi, comme M. Moreau l'a fait remarquer, on a souligné à maintes reprises que le but visé était de donner à la population la chance de se faire entendre et non pas aux autres groupes dont les opinions étaient déjà connues depuis longtemps.

Mme Payette: M. le Président...

M. Moreau: D'ailleurs, les paroles de Mme le ministre sont rapportées dans le journal des Débats du 15 avril, en toutes lettres, où madame dit: "J'espère rencontrer la population des Québécois et des Québécoises qui sont les consommateurs d'assurance automobile".

Mme Payette: Cela a été fait, M. le Président. Mais nous avions spécifié que nous réservions un plus grand nombre de jours à Montréal et à Québec, et cela a été le cas, pour entendre les groupes à ce moment-là. Nous avons prié les organismes de ne pas se présenter dans toutes les villes. Comment se fait-il justement que nous ayons entendu le Barreau représenté par le bâtonnier de certaines régions, dans différentes régions, et que nous ayons entendu le Barreau du Québec à Montréal? Quand je dis que je demandais au BAC de ne pas répéter ce que nous connaissions déjà, c'est qu'effectivement vous savez parfaitement que vous aviez été entendus par le gouvernement à plusieurs reprises au moment de la commission Gauvin et dans d'autres circonstances. Nous disposions de cette information et ce que je souhaitais entendre du BAC, ce n'était pas ce qui avait déjà été dit, mais c'était la réaction à ce qui était

proposé. C'était du matériel nouveau que je demandais et non pas la répétition de ce qui était déjà connu. Je pense que cela a été compris par tous les autres organismes.

M. Allard: Nous avons aussi mentionné à plusieurs reprises qu'il y avait une foule de questions qui avaient besoin d'être discutées dans le projet et qui apparaissaient dans le livre bleu, des questions d'ordre technique et qui n'avaient sûrement pas avantage à être discutées avec la population, qui n'y aurait rien compris de toute façon. Nous avons demandé, à maintes reprises, jusqu'à tout dernièrement, à être entendus par le ministre ou ses représentants pour discuter de la réforme des assurances et, jusqu'à dernièrement, nous n'en avons pas eu l'occasion, parce qu'on ne voulait pas nous recevoir. Je pense qu'il est important de faire cette mise au point.

M. Moreau: A ce sujet, je pense que Mme le ministre se souviendra de mes lettres, qui étaient en fait presque des supplications, de bien vouloir nous recevoir et d'accepter notre collaboration pour discuter du projet. Cela ne ressemble pas à des gens qui se défilent et qui ne veulent pas se présenter devant vous. Vous nous avez répondu, chaque fois, madame, que vous n'étiez pas intéressée à nous entendre, que vous aviez un dossier complet et que vous saviez tout ce que vous aviez à savoir sur le dossier. C'était votre privilège. Mais il ne faudrait quand même pas qu'on nous reproche de ne pas nous être présentés aux audiences publiques. Tout de même!

Mme Payelte: A ma connaissance, M. le Président, les lettres auxquelles on fait allusion datent d'avant la consultation populaire et, effectivement, j'avais bien expliqué que je ne voulais pas subir le "lobbying" non seulement du BAC mais d'autres organismes, à partir du moment où nous avions déjà plusieurs mémoires disponibles et que nous connaissions la position de chacun des organismes. Par la suite, il y a eu, à ma connaissance, au moins une rencontre importante entre nos techniciens et vos techniciens qui, d'ailleurs, m'a-t-on rapporté, avait été extrêmement fructueuse.

M. Moreau: Excusez-moi, madame, M. le Président, mais je diffère d'opinion là-dessus. Si on se réfère à la première rencontre qui a effectivement eu lieu le 15 juin 1977, je ne peux malheureusement pas dire qu'elle a été fructueuse. Au contraire, nous avons assisté à cette rencontre-là dans le but de connaître certains détails ou connaître la base de calcul ou d'élaboration du plan. Malheureusement, on nous a clairement dit qu'on n'avait pas l'intention de nous donner les données de base et que le seul but de notre rencontre et de toute autre rencontre subséquente, c'était strictement de voir à prendre, le plus tôt possible, les moyens de mettre le régime proposé en marche, mais il n'était pas question de discuter de la justesse des éléments ou des concepts qui sont dans le projet.

Mme Payette: M. le Président, je reviendrai au mémoire. J'avais fait allusion au rapport Gauvin tout à l'heure et je n'ai pas terminé ma question. Le rapport Gauvin, on s'en souviendra, faisait un certain nombre de recommandations. C'est un chiffre très élevé. Je me demande s'il n'y a pas 30 ou 35 recommandations. C'étaient des recommandations sur des choses qu'il était absolument essentiel de faire avant d'arriver à l'étatisation complète de l'assurance automobile. Puis-je vous demander si vous seriez prêts à mettre en application ces 30 ou 35 recommandations pour éviter, éventuellement, une étatisation complète?

M. Moreau: Nous avons donné notre opinion là-dessus à la commission parlementaire sur le rapport Gauvin. Nous avons dit, d'une façon générale, que les assureurs pourraient mettre sur pied un système semblable a celui de M. Gauvin. Evidemment, cela pose des études et certaines modifications, mais nous avons dit que nous pourrions le faire. Ceci est dans les dossiers de la commission parlementaire.

Mme Payette: Vous souvenez-vous bien des recommandations du rapport Gauvin où on recommande, par exemple, l'élimination complète de tous les courtiers pour arriver à une réduction du taux d'administration?

M. Moreau: Sur la question des courtiers, on a exprimé plusieurs fois une opinion là-dessus. Nous croyons que le rôle du courtier est nécessaire. Nous croyons qu'il est utile. Il fait un excellent travail au Québec. D'ailleurs, le public s'en rend compte puisqu'il le favorise. Encore une fois, et comme je l'ai dit dans mes remarques, c'est le gouvernement qui, en définitive, a la décision. Si le gouvernement, dans sa sagesse, décide que le courtier doit être éliminé, il ne nous reste pas grand-chose à faire, madame, autre que de se conformer et d'essayer, nous, par nos propres moyens, de remplir le vide, mais nous ne favorisons pas cela. Nous ne croyons pas que ce soit la solution. Nous sommes convaincus que les courtiers sont nécessaires, qu'ils rendent un service au public. Dans le régime proposé, pour les blessures corporelles, le public va manquer des services du courtier à un moment quelconque. Seul l'avenir va nous le dire, évidemment.

Mme Payette: M. le Président, certains courtiers ont porté à mon attention—M. Moreau y a fait allusion tout à l'heure dans son résumé—le fait que les assureurs qui font de l'assurance au comptoir affirment très souvent qu'il n'y a pas, dans leur cas, le même montant de frais d'administration que dans le cas où un courtier intervient. Les courtiers affirment, pour leur part, que la vente au comptoir revient finalement au même prix au consommateur que celle qui se fait par l'intermédiaire du courtier puisqu'il faut, de toute façon, payer les salaires des personnes qui sont au comptoir. Est-ce que les courtiers ont raison dans cette affirmation?

M. Moreau: ils ont partiellement raison, en ce sens que le pourcentage des frais d'administration des assureurs qu'on appelle "directs" et des compagnies-agences est à peu près le même, la plupart du temps. Cependant, il faut dire qu'il s'agit (à d'un pourcentage; donc, c'est relatif. Or, le niveau des taux des assureurs directs n'est pas nécessairement le même que le niveau des autres compagnies. Peut-être qu'en dollars et cents cela peut différer, mais, d'une façon générale, on peut dire qu'ils sont sensiblement les mêmes.

M. Saint-Germain (Guy): Si vous me permettez d'ajouter... Si je me souviens bien du rapport Gauvin, ce dernier n'a jamais demandé l'élimination du courtier. Il a mis en question le niveau de rémunération du courtier.

Dans les notes sténographiées qu'il nous a été donné de lire lors de l'audition des membres de l'Association des courtiers et de la Fédération des courtiers, si ma mémoire est bonne, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières n'a jamais fait état de son désir d'éliminer le courtier. Dans un monopole d'Etat, on voit mal d'abord pourquoi le courtier est éliminé — il semble y avoir une contradiction là — et si on nous demandait d'administrer un plan comme celui du rapport Gauvin, ce dernier n'a jamais suggéré que le courtier soit éliminé, il a recommandé que sa rémunération soit changée, et avec cette partie du rapport Gauvin, nous n'étions pas d'accord.

Mme Payette: M. le Président, à la page 8 du mémoire, on dit que la double source d'indemnisation fera la frustration des victimes. J'aimerais savoir de nos invités si on ne pense pas qu'au contraire les deux sources d'indemnisation ne peuvent être que salutaires pour toutes les victimes, et j'avancerai deux raisons à cet effet: d'abord, actuellement, dans le système que nous connaissons, lorsque la responsabilité ne peut être rapidement établie, n'est-il pas vrai qu'une victime de dommages matériels attend avant d'être réglée que toutes les victimes de blessures corporelles aient vu leurs réclamations adjugées? Deuxièmement, dans le système actuel, quand il y a plusieurs victimes de blessures corporelles et que la responsabilité ne peut être établie rapidement, n'est-il pas coutume que toutes les victimes doivent attendre l'issue du procès pour l'ensemble, et qu'aucune de ces victimes ne peut être réglée en priorité?

M. Moreau: Vous posez là une question intéressante, madame, mais, comme elle est extrêmement technique, pourrais-je, M. le Président, faire appel à un spécialiste qui nous accompagne, M. Gérard McCann, qui est directeur du service des sinistres du groupe Les Prévoyants du Canada? M. McCann est-il ici?

M. McCann (Gérard): A cette question, je pourrais répondre que, nonobstant le fait qu'il y ait des blessures corporelles dans un sinistre, si la responsabilité est établie, les dommages matériels sont payés immédiatement même si les blessures corporelles ne sont pas réglées. Dans l'ensemble, je dirais, et sans crainte de me tromper, qu'au-delà de 95% des cas sont réglés de cette façon.

Mme Payette: M. le Président, quand on ne peut pas établir la responsabilité rapidement, tout le monde n'est-il pas obligé d'attendre, y compris les victimes de blessures corporelles?

M. McCann: Quand vous ne pouvez pas établir immédiatement la responsabilité, à cela je dois répondre que c'est l'infime pourcentage des cas où vous ne pouvez pas établir la responsabilité. Vous ne pouvez pas vous baser sur ce critère pour dire que les dommages matériels, dans l'ensemble, ne sont pas indemnisés.

Mme Payette: Cela représente quoi, comme pourcentage?

M. McCann: Je n'ai jamais fait de statistiques, mais je suis certain que c'est une infime partie.

Mme Payette: Monsieur vous donnait-il une réponse quant au pourcentage?

M. Moreau: Tout retard dans le paiement des dommages matériels n'a pas nécessairement de relations avec la détermination de la responsabilité. On touche là à tout le domaine du paiement des dommages matériels, au régime "no fault" en dommages matériels, ou au régime en indemnisation directe, comme le projet de loi le propose, mais cela n'a pas nécessairement de relations avec le paiement des blessures corporelles.

Mme Payette: Mais, dans le système actuel, ma question est celle-ci: Si on ne peut pas établir la responsabilité rapidement, est-ce que toutes les victimes, aussi bien de dommages matériels que de blessures corporelles, ne doivent pas attendre que la responsabilité soit établie clairement?

M. Saint-Germain (Guy): Je vais répondre. Dans le cas des dommages matériels, la réponse est non en pratique. Dans le cas des blessures corporelles, vous avez parfaitement raison. Il y a souvent des victimes qui sont obligées d'attendre. C'est la raison pour laquelle on a suggéré, depuis de nombreuses années, un changement au statu quo. C'est la raison, j'imagine, pour laquelle, Mme le ministre, vous suggérez également un changement. C'est une question de système d'indemnisation et non pas de retard de la part des assureurs.

M. McCann: Maintenant, si vous le permettez, j'ajouterai qu'avec une assurance individuelle la victime est dédommagée immédiatement, même si vous n'avez pas établi la responsabilité, car c'est une indemnité qui est payée sans égard à la faute. Donc, les victimes sont indemnisées selon un certain pourcentage également en blessures corporelles. Nous avons également des lignes de conduite entre assureurs qui nous disent que, lorsque la responsabilité est établie, vous allez faire

des avarices sur règlement, chose qui se pratique par la majorité des assureurs.

Mme Payette: En page 11 de votre mémoire, vous citez les résultats de l'étude Woodward Fon-diller, à savoir que les victimes d'incapacité permanente retirent 44% des indemnités payées en vertu du chapitre A pour dommages corporels. Vous dites constater que, pour l'ensemble des victimes non responsables, il pourrait y avoir une réduction des indemnités pour invalidité permanente et que globalement l'ensemble des victimes d'invalidité permanente responsables ou non responsables ne retireraient pas beaucoup plus que le régime actuel, en tous les cas, ne leur propose.

Le pourcentage que nous avons établi dans le régime que nous proposons est de 55,5%; les indemnités versées sont nettes d'impôt et ne sont pas réduites par des frais de cour ou d'avocat. Au contraire, comme vous le savez, le régime prévoit qu'elles soient indexées au coût de la vie. Il ne peut donc y avoir de pertes pour la majorité des victimes, puisque nous compenserons 100% des pertes économiques de 85% de la population. Vous avez insisté sur les 90%, mais c'est tout simplement que vous n'avez pas, je pense, retenu l'explication qui avait été donnée. Nous avons estimé à 10% les frais qu'il faut investir pour gagner son salaire et 90% indemnisent complètement la perte économique d'une victime.

Nous indemnisons donc 100% des pertes économiques de 85% de la population, en plus de verser une indemnité pour souffrances et mutilations, s'il y a lieu. Je comprends mal que vous puissiez affirmer que les victimes d'incapacité permanente voient diminuer leur revenu dans la réforme qui est proposée. Est-ce que quelqu'un pourrait se pencher particulièrement là-dessus?

M. Moreau: Est-ce que M. Brouillette, s'il vous plaît, veut répondre?

M. Brouillette: M. le Président, je voudrais d'abord dire que, si on utilise le chiffre de 55% qui a été mentionné, premièrement, c'est une donnée qui ne nous était malheureusement pas disponible, malgré nos demandes; deuxièmement, si on constate que cela s'applique à l'ensemble des victimes et qu'on utilise le pourcentage qui est mentionné dans le livre bleu au sujet des victimes qui ne sont pas indemnisées, soit 28%; si on constate que 28% de ces 55% vont aux personnes qui ne sont pas indemnisées présentement, qui ne sont pas indemnisées complètement, alors, on peut conclure que l'affirmation qu'on fait au sujet du pourcentage qui va aux victimes qui sont non responsables va diminuer. Un calcul rapide; si on multiplie 55% par 72%, on obtient environ 39% qui se compare à 44%. Je pense que cela justifie l'affirmation que l'on fait, c'est-à-dire que, pour les victimes non responsables, la masse des indemnités va être moins importante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

Le deuxième point que vous avez mentionné: l'aspect des frais de cour. Dans les 44%, on avait exclu complètement l'ensemble des frais de rè- glement; comme on le mentionne dans la note au bas de la page 11, c'est entièrement basé sur les indemnités; or, c'est en pourcentage des indemnités excluant tous les frais.

Dernier élément, au sujet des 90%; il est probablement vrai de dire qu'il y a une partie du revenu qui est consacrée à des frais — une partie du revenu du travail qui est consacrée à des frais — mais, encore là, ce qu'on fait ici, c'est qu'on parle par rapport au régime actuel. Alors, c'est une composante dont le régime actuel ne tient pas compte. La conclusion qu'on tire au deuxième paragraphe, lorsqu'on dit que le montant total des indemnités serait réduit, je pense que cela peut être établi noir sur blanc, mais, d'autre part, ce n'est pas là le point principal, ce n'est pas là notre argument principal parce que, comme on le voit, 44% à 38%, on peut dire que cela ne change pas tellement. L'argument principal, au niveau de l'incapacité permanente, c'est que les indemnités vont être réparties d'une façon très différente de la répartition que l'on connaît présentement, en ce sens que certaines victimes vont recevoir beaucoup plus qu'aujourd'hui et d'autres vont recevoir beaucoup moins. C'est dans ce sens qu'on avait fait...

Mme Payette: Vous faites aussi allusion, dans votre mémoire, à la page 13, à la prestation qui est payable à la suite du décès d'un conjoint non soutien de famille; est-ce que vous avez tenu compte, dans votre remarque, que cette rente est versée pendant trois ans si le conjoint exerçait un emploi?

M. Brouillette: On n'en a pas tenu compte, je pense, à ce niveau. L'exemple qu'on avait à l'esprit était probablement le conjoint qui n'exerçait pas un emploi. De toute façon, je pense qu'on en aurait tenu compte. On pensait justement à l'exemple d'un conjoint qui n'exerçait pas d'emploi et on connaît les indemnités qui sont versées aujourd'hui. Peut-être que si M. McCann avait été encore ici il aurait pu vous donner des exemples d'indemnités qui sont versées aujourd'hui dans le cas de conjoints qu'on peut qualifier de femmes au foyer qui n'exercent pas d'emploi. Dans ce cas, on dit que de $5000 à $15 000, cela nous paraît nettement inférieur à ce qui peut être payé aujourd'hui.

Si on veut considérer l'autre cas de la femme qui exerce véritablement un emploi, on va s'apercevoir qu'encore là il y a des cas où le régime proposé va payer moins que sous le régime actuel. Je pense que c'est un autre cas.

Mme Payette: Vous continuez aussi, en page 14, en faisant remarquer que pour les cas de décès de soutiens de famille "les indemnités prévues sont largement supérieures à celles versées actuellement." Je voudrais vous demander si vous n'êtes pas d'accord avec ce principe qui sous-tend cette indemnisation et qui nous permet de penser que les dépendants d'un soutien de famille seraient plus en sécurité dans ce que nous proposons que dans ce qui a lieu actuellement.

M. Brouillette: On admet que l'indemnisation est plus généreuse, si on peut employer cette expression, dans ces cas-là, mais il faut se poser la question: Est-ce justifié de fournir des indemnisations et est-ce qu'on peut même parler d'indemnisations à ce niveau-là? Il me semble que dans bien des cas cela va être complètement hors de relation avec le montant de la perte économique ou du préjudice matériel. Un exemple me vient à l'esprit. Si vous prenez un couple dont les deux personnes, les deux conjoints exercent un emploi, ils peuvent avoir des professions tout aussi rémunératrices l'un que l'autre. Dans le projet de loi, il y a une clause particulière à l'égard des personnes mariées de moins de 35 ans; si vous prenez une personne de 38 ans, cela signifie que vous allez la considérer exactement comme un dépendant complet de son époux parce que vous allez supposer, pour verser son indemnisation, que cette personne est à la charge de son conjoint alors que ce n'est pas du tout le cas. Il semble y avoir une exagération à ce niveau.

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, étant donné qu'il est midi, la commission doit suspendre ses travaux jusqu'à 15 heures cet après midi.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

Reprise de la séance à 15 h 10

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

A la suspension de ce midi, nous en étions toujours au mémoire du Bureau d'assurance du Canada, et Mme le ministre avait la parole.

Mme Payette: M. le Président, je veux juste poser une autre question, laisser intervenir les autres membres de la commission et éventuellement revenir pour deux ou trois détails. En page 23 du mémoire qui nous a été présenté par le Bureau d'assurance du Canada, il y a une allusion au fait, simplement, que le public est d'avis qu'il y aurait une réduction de prime. Je pense qu'on doit avouer une chose, c'est que c'est le contraire que les gens croient et on devra leur démontrer qu'il y aura une réduction de prime. Je ne pense pas qu'ils fassent un acte de foi gratuit sur cette question.

En page 25, on dit que "la tarification proposée ne tient pas compte de l'utilisation pour les voitures de promenade." Dans la tarification actuelle, ce facteur est loin d'être important. Il est limité dans son application à certaines catégories d'assurés, les célibataires, par exemple, de moins de 30 ans. Est-ce que ce n'est pas beaucoup plus des facteurs d'âge, de sexe et d'état civil qui sont retenus dans le système que nous connaissons présentement, plus d'ailleurs que le mode d'utilisation du véhicule?

M. Moreau: Si vous le permettez, M. le Président, je vais demander à M. Brouillette de dire un mot à ce sujet.

M. Brouillette: Je pense que quand vous dites que c'est limité aux plus de 30 ans, vous faites allusion à l'utilisation pour aller au travail. C'est une façon de reconnaître la plus ou moins grande utilisation du véhicule. Il y en a d'autres. Enfin, lorsqu'on a le dossier de conduite qui implique des primes plus élevées pour certains assurés par rapport à d'autres, cela peut refléter deux choses. Premièrement, le fait que l'individu est un meilleur ou un moins bon conducteur qu'un autre; cela reflète aussi, c'est évident, la quantité d'expositions que peut présenter un individu par rapport à un autre.

Autrement dit, si un individu fait trois fois plus de millage qu'un autre durant l'année, c'est certain qu'il a une probabilité plus grande de subir un accident.

Par conséquent, cela va se refléter par son dossier de conduite dans sa prime. Alors, c'est dans ce sens qu'on peut dire que l'utilisation est reconnue de façon générale aujourd'hui. Les différences de prime entre les individus reflètent les différents niveaux d'utilisation.

Mme Payette: Dans les documents qui sont en annexe de votre mémoire, il y a une chose que je ne retrouve pas, mais qui m'avait un peu préoccupée. Je ne me souviens pas si vous avez dit que vous n'étiez pas d'accord ou s'il y avait un refus

pour que les assureurs fassent parvenir au Bureau des véhicules automobiles les annulations d'assurance qui pouvaient éventuellement survenir. Vous ne sembliez pas d'accord, à la lecture de votre document, avec cette demande que nous faisons. Est-ce que je pourrais connaître les raisons?

M. Moreau: La situation est celle-ci. Le projet de loi tel qu'il est préparé prévoit qu'au moment de l'immatriculation une simple déclaration d'assurance est exigée de l'automobiliste. A ce moment, on n'exige pas une attestation ou une preuve d'assurance. Vous avez tout de suite un moyen pour certains automobilistes de ne pas respecter l'assurance obligatoire. En retour, même avec cette faiblesse, qui est peut-être nécessaire, on exige, dans le cas où il y a changement de véhicule ou une annulation de police, qu'à ce moment l'assureur avise le Bureau des véhicules automobiles.

Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que ce serait imposer un travail très compliqué, et pour l'assureur et pour le Bureau des véhicules automobiles, et qui en définitive n'aurait pour résultat que d'améliorer le contrôle d'une façon infime. En somme, avec ce que cela représente comme travail, cela n'en vaut pas la peine. Cela n'améliorera pas pour la peine le respect de l'assurance obligatoire. De deux choses l'une, les Etats où il y a l'assurance obligatoire exigent, d'une part, une preuve d'assurance au début, non pas une déclaration, comme dans le projet de loi 67, mais une preuve. Par la suite, pour compléter, lorsqu'il y a annulation d'un contrat, on exige de nouveau un avis de l'assureur.

En théorie, vous avez un contrôle complet. Mais on sait que tous les Etats qui ont adopté ce système, se sont arraché les cheveux parce que c'est une montagne de complications qui n'a pas donné de bons résultats. Dans un Etat comme New York, par exemple, après 30 ans d'assurance obligatoire, on va vous avouer au niveau du commissaire qu'on a eu moins 6%, 7%, 8% des automobilistes qui ne sont pas assurés, qui circulent sans assurance.

Tout cela pour dire qu'il n'y a pas de moyen parfait de contrôler l'assurance obligatoire. Pourquoi imposer un système aussi sévère dans le cas d'annulation lorsqu'on prend tout simplement la déclaration de l'assuré au moment où il immatricule son véhicule? Voilà ce qu'on voulait dire. Les deux ne vont pas...

Mme Payette: Vous admettrez que les 6%, 7% ou 8% de l'Etat de New York est meilleur que nos 20% actuellement.

M. Moreau: Sûrement, madame. C'est pour cette raison qu'on est en faveur de l'assurance obligatoire. Quant au moyen de contrôle, il faut prendre le meilleur, le plus pratique. Il n'y en a pas d'excellent. C'est aussi malheureux que cela. Il n'y en a pas d'excellent. Il y en a de bons. C'est ce que la loi prévoit; mais nous disons: N'exigeons pas des attestations ou des déclarations dans chaque annulation.

Mme Payette: Je voudrais revenir, si vous me le permettez, M. le Président, à la page 25 de votre document, où il est question de la tarification proposée qui profiterait aux jeunes. Je ne sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais on peut dire que la tarification proposée profite aux jeunes dans la mesure où la même proportion, c'est-à-dire à peu près 50% de leur prime, s'applique aux blessures corporelles, ce qui n'est pas du tout évident. Seriez-vous en mesure de me dire dans quelle mesure les jeunes coûtent plus cher seulement en blessures corporelles? Ne sont-ce pas surtout des jeunes qui sont responsables de dommages matériels?

M. Moreau: Nos actuaires pourraient peut-être donner des précisions à ce sujet.

M. Brouillette: Pour répondre à cette question, si on l'exprime en dollars, c'est certain que le montant pour les dommages corporels est beaucoup plus important pour les jeunes. Cela va plus loin que cela, même si on l'exprime en pourcentage. Les études qu'on a réalisées jusqu'à maintenan t— elles ne sont pas complétées — démontrent que le pourcentage de la prime qui va aux dommages corporels est plus élevé pour les jeunes. Dans les comparaisons qu'on a exposées, parmi les six exemples, entre autres, l'un traite d'un jeune homme de 21 ans. Vous voyez que dans ce cas il va y avoir une réduction importante de la prime qu'il doit payer. Cela reflète réellement, d'une part, la prime qu'il paie aujourd'hui pour les dommages corporels et les dommages matériels et, d'autre part, la proportion de cette prime qui va aux dommages corporels. C'est basé sur des données réelles.

Mme Payette: Je ne suis pas sûre que vous répondez à ma question. Peut-être que je l'ai tout simplement mal formulée. Je me demandais si vous pouviez me donner des chiffres précis quant aux blessures corporelles dont les jeunes sont victimes dans des accidents d'automobiles.

M. Brouillette: Vous voulez dire victimes plutôt que responsables, c'est dans ce sens qu'est votre question. Je pense qu'on n'a pas de données précises, pour la raison bien évidente qu'on n'a pas eu à fonctionner jusqu'à maintenant dans un régime tel que celui qui est proposé. En partant des principes, je pense qu'il est assez facile d'établir que les jeunes représentent quand même un risque plus important que les autres catégories en ce qui a trait aux dommages corporels.

Mme Payette: Vous n'êtes pas maintenant en mesure de me dire, cependant, s'ils représentent un plus grand risque pour les dommages matériels que pour les blessures corporelles.

M. Brouillette: Je vous dis qu'ils représentent un plus grand risque autant pour les dommages corporels que pour les dommages matériels; cela peut être démontré, on a tous les chiffres.

Mme Payette: Pourrait-on éventuellement, si c'est possible, échanger des chiffres à ce niveau?

M. Brouillette: On pourrait vous les donner dans cinq minutes. Oui, ce sont des données qui sont disponibles. Je peux vous donner, en fait, des pourcentages à savoir la répartition entre les dommages corporels et les dommages matériels pour différentes catégories d'assurés, que ce soient des jeunes ou d'autres catégories. C'est quelque chose qui est facile à démontrer que le coût des dommages corporels est plus élevé pour les jeunes, de la même façon que le coût des dommages matériels est plus élevé pour les jeunes aussi, pour la bonne raison qu'ils causent, premièrement, plus d'accidents. Est-ce dû au fait qu'ils sont des conducteurs moins expérimentés ou moins prudents, ou au fait qu'ils conduisent plus souvent, qu'ils font une utilisation plus grande du véhicule? Ce sont probablement les deux. Dans quelle mesure exactement? Cela resterait à établir. La chose connue, c'est qu'ils causent plus de dommages corporels et qu'ils causent aussi plus de dommages matériels, alors qu'avec la tarification proposée on exigerait d'eux, à toutes fins pratiques, la même prime qu'aux autres catégories, sauf pour les $10 de différence pour le permis de conduire. Il est certain qu'il en résulte une subvention. Il va falloir aller chercher ces fonds quelque part. On a donné l'exemple de l'individu qui paie aujourd'hui $345 pour la protection en dommages corporels et qui va en payer $135, si je me souviens bien. Alors, il y a environ $200 de subvention dans ce cas, qui devront provenir d'autres assurés.

Les autres assurés, on en a donné des exemples, en fait, c'est la personne qui n'a pas eu plus d'un accident pendant les cinq dernières années, c'est la personne qui demeure dans une région frontalière, entre autres, c'est la personne qui, de par sa profession fait une utilisation moins grande de son véhicule. On pense, entre autres, aux agriculteurs qui vont subir des augmentations très importantes. C'est dans ce sens qu'on conclut qu'il y a 65% — et cela nous semble une estimation que je qualifierais de très conservatrice à ce moment-ci — qui vont avoir à payer des primes plus élevées que celles qu'ils doivent payer présentement.

On mentionne bien clairement, dans notre mémoire, que la raison de cette augmentation, ce n'est pas pour obtenir une meilleure indemnisation. Il ne s'agit pas ici de reprendre la discussion sur la qualité de l'indemnisation. Il faut quand même souligner que la raison pour laquelle 65% vont payer plus cher, ce n'est pas pour recevoir une meilleure indemnisation parce que, selon vos propres données, la prime moyenne serait à peu près la même. On a utilisé vos propres données et, à partir de ces chiffres, on en arrive à la conclusion que, même si la prime moyenne demeurait la même, ce que nous mettons en doute, nous avons exprimé des réserves sérieuses, même en partant de ces hypothèses, même si la prime moyenne était la même, il n'en demeurerait pas moins que 65%, en raison de toutes les subventions, devraient payer plus cher que sous le régime actuel.

Mme Payette: M. le Président, je vais poser une dernière question et j'y reviendrai probablement parce qu'il y a un autre sujet que je voudrais aborder après, c'est l'objection que vous semblez faire à la subrogation qui peut intervenir entre les compagnies d'assurances. Je voudrais revenir à la page 42 où vous constatez, semble-t-il, que la création de la corporation des assureurs comme nouvel organisme, en plus de l'organisme déjà existant qui est le BAC, serait de nature, selon vous, à causer une augmentation sensible des frais de fonctionnement aux assureurs et il pourrait en résulter des critiques tant à l'endroit du gouvernement que des assureurs.

Si j'ai bien compris, le BAC est une association qui réunit des assureurs qui, volontairement, adhèrent au Bureau des assureurs du Canada. La corporation des assureurs n'est pas un organisme auquel on aura le choix d'appartenir ou non, c'est un organisme auquel tous les assureurs oeuvrant au Québec devront appartenir. Je me demande, justement, si la situation du BAC qui n'a pas pu faire la démonstration ce matin qu'il était la voix unique des assureurs et je ne pense pas qu'il puisse le faire, si on ne se trouve pas devant une situation où, voulant avoir une voix unique, on soit dans l'obligation de créer cet organisme.

Ayant un interlocuteur qui soit unique parce que représentant tous les assureurs, est-ce que vous ne pensez pas qu'au contraire cela pourrait faciliter grandement les rapports des assureurs avec le gouvernement, des assureurs avec les assurés, consommateurs d'assurances également?

M. Moreau: Je voudrais, M. le Président, apporter une précision ici. Madame a dit que le BAC, et avec raison, ne représente pas tous les assureurs.

Vous avez raison, madame; il y a quelques exceptions. Mais dans le domaine de l'assurance automobile, ce n'est pas exact. En assurance automobile ou, du moins, en matière de statistiques automobiles, tous les assureurs au Canada, sans exception, doivent communiquer leurs résultats au BAC qui, à ce moment, agit comme agence officielle de l'Association des surintendants des provinces du Canada. A ce moment, en matière de statistiques automobiles, le BAC représente vraiment toute l'industrie, sans aucune exception.

Mme Payette: Ce qui a, cependant, été établi clairement ce matin, M. le Président, c'est que le BAC n'est pas habilité à négocier au nom de tous les assureurs; enfin, cela m'a semblé clair ce matin.

M. Moreau: Non, vous avez raison; on ne peut pas négocier, mais cela dépend dans quel domaine. Si vous parlez de rémunération des courtiers, si vous parlez de tout autre sujet, comme la tarification, nous n'avons pas d'autorité pour décider de la tarification des assureurs, mais, quand vous parlez de statistiques automobiles, à ce moment le BAC représente toute l'industrie sans aucune exception, cela en vertu des lois provinciales de toutes les provinces.

Mme Payette: Ne pourrait-on pas, M. le Président, cependant penser qu'un organisme qui obligerait tous les assureurs en assurance automobile à s'asseoir à une même table pourrait devenir l'interlocuteur privilégié capable de négocier et avec le gouvernement et éventuellement avec les courtiers, aussi bien, d'ailleurs, qu'au niveau des services à rendre à une population?

M. Saint-Germain (Guy): Ce n'est pas si facile que cela. Si vous prenez une corporation, dans le sens que la loi le prescrit, cette corporation va représenter les assureurs directs, entre autres choses, je présume, puisque vous dites que tous les assureurs en font partie. Est-ce votre intention de demander, à ce moment, à la corporation qui représente des assureurs qui n'ont pas recours aux courtiers de négocier des niveaux de rémunération avec les courtiers d'assurances? Est-ce cela que vous voulez?

Mme Payette: Cela peut être cela, si on va jusque-là.

M. Saint-Germain (Guy): Cela n'a aucun rapport; cela n'a pas de bon sens. Vous voulez demander à une organisation qui contient des membres qui n'ont pas de courtiers d'assurances, qui n'utilisent pas leurs services, d'intervenir dans la négociation avec des courtiers d'assurances? Je pense que la présence du courtier d'assurances crée un problème. Ils vous ont dit eux-mêmes, en commission parlementaire, si je ne m'abuse, que la question des courtiers d'assurances était un autre problème auquel on devra s'attarder un jour ou l'autre, mais que cela n'avait pas grand rapport avec le projet de loi 67. M. Chapados, sur cela, avec un petit coup de coude, etc., a eu des paroles amusantes, mais ce n'est pas dans nos intentions de discuter des relations avec les courtiers d'assurances.

Ce n'est pas la corporation qui va être habilitée à le faire non plus, à moins que vous puissiez répondre à cette question: Voulez-vous qu'une corporation qui représente des assureurs directs négocie des conditions pour des compagnies qui sont représentées par des courtiers? Cela me semble assez contradictoire.

Mme Payette: II me semble qu'une corporation qui comprend tous les assureurs peut négocier avec les courtiers les besoins des assureurs qui estiment devoir demander ces services. Les autres assureurs seront représentés dans cette corporation et pourront faire valoir leurs objections s'ils en ont. Cela ne me paraît pas du tout incompatible.

M. Tremblay (Marcellin): Je comprends mal qu'on ramène cette question de la négociation de la rémunération du courtier. Qu'est-ce que la commission du courtier? C'est son salaire, c'est la rémunération de son travail. De quel droit la corporation pourrait-elle se mêler de cela? Pas plus qu'elle ne peut se mêler de décider quel salaire on va payer à nos employés dans l'entreprise. Pour- quoi la corporation ne déciderait-elle pas, par exemple, des salaires qu'on va payer à nos employés? J'ai, par exemple, chez moi, aux Prévoyants du Canada, un syndicat qui est affilié à la CSN. Je négocie avec le syndicat. Il me foute des grèves, parfois, qui durent jusqu'à trois mois. Je règle mes problèmes avec mon personnel, ce n'est pas à la corporation de régler les problèmes des salaires des employés. Pourquoi serait-ce le rôle de la corporation de négocier des conditions de travail pour les courtiers? C'est exactement pareil. Ce n'est que parce que l'un est à commission et l'autre à salaire que c'est différent.

Mme Payette: II me paraît cependant que c'est le rôle du ministre responsable des consommateurs de voir à ce que le service rendu par les courtiers soit bien rendu par cet organisme, ses intermédiaires et que ses intermédiaires aient également accès à une forme de négociation avec leurs employeurs qui sont les assureurs. Cela me paraît être une responsabilité que je peux assumer.

M. Barrette (Raymond): Mme le ministre, croyez-vous, si les assureurs directs ont leur mot à dire dans la négociation avec les agents, les courtiers d'assurance, que l'inverse peut être possible et que les compagnies qui utilisent des agents puissent négocier les salaires des employés au comptoir des compagnies directes qui sont les représentants de la compagnie à ce niveau-là? Les coûts entraînés par ces personnes sont assumés par les compagnies qui utilisent (a vente directe. S'ils ont leur mot à dire dans la rémunération des agents, à ce moment-là, cela peut entraîner des coûts à leurs concurrents sans en subir eux-mêmes les coûts.

Mme Payette: M. le Président, j'ai terminé pour l'instant, je reviendrai après.

M. Allard: Cela me paraît un peu anormal qu'on parle de négociation, de rémunération des courtiers entre les assureurs et les courtiers quand le projet de loi no 67 a simplement éliminé les courtiers en ce qui regarde les dommages corporels. Il n'a pas été question de négociation, à ce moment-là, on les a éliminés.

M. Saint-Germain (Guy): II faut avouer que c'est fort!

M. Allard: D'un autre côté, on dit: Vous autres, pourquoi ne négociez-vous pas? Moi, j'ai de la difficulté à comprendre cela.

M. Saint-Germain (Guy): C'est ce que M. Chapados appelait le patinage de fantaisie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, j'aimerais remercier sincèrement nos invités pour leur mémoire très bien structuré, très bien pré-

sente, et qui nous a permis, à nous les membres de la commission, de faire une étude très positive de l'ensemble des problèmes que soulève la législation que nous avons à étudier.

Ce qui est dit au début du mémoire, et ce qu'on nous a répété verbalement, c'est que le projet de loi 67 est né sans dialogue, avec les assureurs, que ce soit au niveau du Bureau d'assurance du Canada, ou que ce soit à d'autres niveaux. Il est impensable qu'une loi aussi complexe, une loi aussi importante, puisse avoir été rédigée sans demander l'avis des spécialistes qui, depuis longtemps, oeuvrent dans ce domaine, des spécialistes qui ont une longue expérience et, en plus, des spécialistes qui, dans l'avenir, malgré la loi 67, auront aussi une importance primordiale dans le domaine de l'assurance, malgré l'étatisation, en ce qui regarde les blessures corporelles.

En plus, il n'y a eu de dialogue ni avec les courtiers, ni avec les experts, ni avec les évalua-teurs. Autrement dit, on s'est privé de l'expertise et des connaissances de tous ceux qui ont une connaissance pratique de ce problème. Dans un système démocratique comme le nôtre, c'est pratiquement inconcevable, et il y a là une raison de base pour laquelle la population est inquiète. C'est clair que la population se pose des questions et qu'elle n'a jamais eu jusqu'ici de réponse, du moins en ce qui concerne l'étude globale de cette loi, autre que celle qu'on a eue ce matin et qui englobait pas mal tout le sujet.

Ceci dit, M. le Président, je ne suis pas surpris non plus que le Bureau d'assurance du Canada n'ait pas voulu se présenter lors de la tournée qu'a faite le ministre au niveau de la province. Tout le monde sait, et cela a été répété par les media d'information, que cette tournée était beaucoup plus une entreprise de mise en marché qu'une entreprise qui permettait aux intéressés d'aller réellement au fond du problème et que l'atmosphère qui existait dans ces assemblées ne nous permettait certainement pas, et ne permettait pas au Bureau d'assurance du Canada non plus, d'aller au fond du problème, comme on l'a fait en toute sécurité depuis le matin.

Nous avons eu ce matin une séance très positive, où le ministre, à mon avis, a posé des questions bien préparées et pertinentes.

Elle a eu aussi des réponses très pertinentes, directes, très claires, et qui nous ont tous informés à cette commission, qui ont bien informé tous les membres de cette commission. Malheureusement, j'aurais aimé, personnellement, que les actuaires ou les spécialistes qui l'entourent aient pu donner la réplique à nos invités. Nous aurions pu, de cette façon, réellement observer si on maîtrisait son sujet avec autant de clarté et d'efficacité au niveau du service qu'on pouvait maîtriser ce même sujet au niveau des porte-parole du Bureau d'assurance du Canada.

Des questions très pertinentes ont été posées. On a répondu à des questions de façon très claire et précise. Malheureusement, la réplique en est restée là. Il appartiendra donc à chacun de se faire une opinion sur cette situation. On pourra facile- ment s'informer, par le biais du journal des Débats, de toutes ces questions et réponses.

A la page 8 de votre mémoire, vous dites qu'au niveau de la Commission des accidents du travail, en haut de la page... Je m'excuse, mais c'est à la page 7. Vous parlez des coûts d'administration à la Commission des accidents du travail et vous les fixez à 8,8%. Vous dites: "Puisque ce pourcentage n'inclut aucune provision pour les frais de règlement en suspens, il sous-évalue nécessairement l'incidence réelle de ces frais." J'aimerais que vous me donniez quelques explications sur ces frais de règlement en suspens.

M. Brouillette: Le pourcentage de 8,8% est calculé en divisant le montant des frais payés durant, je crois que c'était l'année 1975-1976, le montant des frais payés par le montant des cotisations, ce qu'on appelle, en termes d'assurances, le montant des primes souscrites. Il est bien clair que les primes ou les cotisations qu'on a perçues, supposons, durant l'année 1975, cela couvrait des sinistres qui seront réglés plusieurs années plus tard. Donc, il peut y avoir un accident qui est survenu en 1975 et il y aura encore des rentes payables par la Commission des accidents du travail en 1980. Il y aura donc des coûts d'encourus pour l'avenir et qui ne sont pas, évidemment, payés dès maintenant. C'est pour cela qu'on dit que cela sous-évalue le pourcentage réel des frais d'administration. Du point de vue d'une entreprise privée, on établit des provisions pour les frais de règlement en suspens, c'est-à-dire que, si on sait qu'un cas se réglera en trois ans, pour un accident qui arrive aujourd'hui, on met un certain montant en réserve, non pas parce qu'on aime à le faire, mais parce qu'on y est forcé par la loi. On met un certain montant en réserve pour les frais qu'on devra débourser en rapport avec les accidents déjà survenus.

Quand on parle de 8,8%, cela n'inclut pas ces frais, du point de vue de la Commission des accidents du travail. C'est dans ce sens que l'on dit que cela minimise l'impact réel des frais d'administration.

M. Saint-Germain (Noël): Vous dites que c'est bien pour l'année 1976.

M. Brouillette: Oui.

M. Saint-Germain (Noël): II y a des frais d'administration qui ont été occasionnés en 1976 pour des accidents qui ont eu lieu en 1975.

M. Brouillette: II y a nécessairement une croissance des coûts. Les coûts en 1980 seront probablement le double. Ils auront sûrement augmenté. Ils seront le double des coûts de 1975. C'est dans ce sens. D'accord, il y a des coûts pour les années antérieures, mais ils sont nécessairement inférieurs aux coûts des années futures. On pourrait faire le même calcul pour nous. Il est certain que, si on publiait nos pourcentages de frais sur cette base, cela donnerait une image pouvant

paraître beaucoup plus reluisante. Ce n'est pas ce qu'on fait. Quand on veut comparer... Cette remarque était simplement pour dire qu'il faut établir l'ensemble des coûts. Il faut capitaliser dans l'année en question tous les coûts qui résultent des accidents qui surviennent cette année-là.

M. Saint-Germain (Noël): Dans cette façon différente de procéder pour calculer les coûts d'administration entre l'industrie privée et la Commission des accidents du travail, qu'est-ce que vous croyez qui pourrait faire la différence entre 8,8% et votre façon de calculer les coûts d'administration?

M. Brouillette: Non. Cette remarque ne visait pas à expliquer la différence de frais qui peut exister dans l'assurance automobile entre l'entreprise privée et la Commission des accidents du travail. C'était simplement pour souligner que les 8,8% ne sont pas comparables à nos pourcentages de frais parce qu'ils ne sont pas calculés sur la même base. Donc, il faut faire une correction en partant. Est-ce que cette correction devrait être 2%, 3% ou 4%? Je n'en sais rien, parce que ces données ne sont pas disponibles. Mais on a l'impression que c'est ce qui a été utilisé pour en arriver à l'estimation de 6%. Si on s'est basé sur 8,8%, nous on dit: Vous sous-évaluez le coût en partant, parce qu'il faut partir avec 8,8%. Ajoutez deux, trois ou quatre points, cela nous fait déjà douze. Après cela, il faut considérer les différences qui existent entre les fonctions de la Commission des accidents du travail et les fonctions de l'éventuelle Régie de l'assurance automobile. A partir de là, c'est de cette façon qu'on arrive à la conclusion que les frais seront d'au moins deux ou trois fois les 6% qui ont été mentionnés.

M. Saint-Germain (Noël): Si je vous posais cette question, ce n'était pas pour faire une comparaison directe entre le genre d'administration d'une régie gouvernementale et l'entreprise privée. Comme ces 8% sont importants, puisque la Commission des accidents du travail aura un rôle à jouer dans le futur programme, j'avais cru poser cette question pour essayer de déterminer, s'il y avait eu lieu, si on avait été capable, le coût réel des frais d'administration de la Commission des accidents du travail. Au moins, on aurait eu une certaine base pour essayer d'estimer les coûts d'administration du futur régime.

D'un autre côté, aurions-nous ce chiffre juste, la clientèle future de la Commission des accidents du travail sera tellement dissemblable de la clientèle de la Commission des accidents du travail que là ce sera certainement un autre genre d'administration qui sera nécessairement plus dispendieuse parce que le tout deviendra excessivement plus complexe. Croyez-vous que j'ai raison en disant cela?

M. Brouillette: On est d'accord avec cet énoncé. Pour établir réellement le pourcentage précis des frais d'administration, il faudrait certainement faire des études plus élaborées que celles qu'on a pu faire. Tout ce qu'on fait à ce moment, c'est plutôt critiquer l'étude qui a été faite par le ministère pour en arriver au pourcentage de 6%. On ne prétend pas être en mesure de déterminer, à ce moment-ci, le véritable pourcentage des frais d'administration. Tout ce qu'on dit, c'est que ce sera au moins deux ou trois plus élevé que les 6% qui ont été mentionnés.

M. Saint-Germain (Noël): Pour revenir maintenant au courtier. C'est entendu, si le bill n'est pas modifié, que le courtier aura très peu à faire relativement au nouveau système. Il reste que le courtier, comme on l'a souvent dit, avait tout de même certaines responsabilités. Il avait certainement une utilité dans le domaine de l'assurance automobile telle qu'on la connaît. Autrement, par la nature même des choses et par la compétition qui existe, il aurait disparu. Un groupe d'hommes ne peut pas vendre des services dont on peut se dispenser longtemps dans une entreprise privée et dans un champ d'activité compétitif.

Si mon raisonnement est valable, d'autres devront jouer le rôle du courtier ou prendre partiellement ou totalement les services rendus par le courtier. Vu votre longue expérience, je me demandais si vous pouviez voir de quelle façon on pourrait faire fonctionner le système nouveau si on commence par se mettre dans la chaussure des victimes. C'est un citoyen moyen.

Il semble évident qu'il aura bien des formules à remplir. Il est évident qu'il aura bien des preuves à soumettre afin d'être justifié de recevoir une indemnisation. Je le vois difficilement s'adresser à la régie et, d'un autre côté, à son assureur par l'entremise de son courtier ou autrement, faire cela lui-même, comprendre réellement les droits que la nouvelle loi lui accorde et d'essayer, en toute justice, d'aller chercher toute la protection et tous les avantages que la loi lui donne.

Qui, croyez-vous, va remplir ce rôle dans le nouveau système?

M. Moreau: Je pense que je vais demander à M. Tremblay, avec sa grande expérience de répondre à cette question.

M. Tremblay (Marcellin): Vous avez parfaitement raison. Prenons tout de suite le premier problème, par exemple, celui d'expliquer le système nouveau. Pensez-vous que c'est le gérant de la caisse populaire qui va l'expliquer même si les plaques sont émises là? C'est le courtier d'assurances à qui on demande gratuitement d'exposer le nouveau projet. Et on dit que le courtier ne mérite pas de rémunérations pour cela et on l'élimine; mais comme vous dites très bien, au moment de la réclamation, encore là, le type accidenté devra s'adresser à la Commission de l'assurance automobile pour produire sa réclamation.

On sait qu'en pratique c'est pas mal plus compliqué que la Commission des accidents du travail, parce qu'à la Commission des accidents du travail, c'est un employé qui a un employeur, et on sait qu'on a, dans nos compagnies, un service qui s'occupe des réclamations de leurs employés, et

l'employé peut s'adresser à sa compagnie pour produire sa réclamation. Cela n'existera pas dans le cas de l'assurance automobile. Alors, à qui l'assuré va-t-il faire appel? Les chances sont évidentes qu'encore là, étant donné que l'autre partie de l'assurance va être dans les mains du courtier, infailliblement, on demandera encore au courtier de remplir les formules qu'il faut produire pour réclamer l'indemnité voulue.

Il est évident — vous le dites, et je l'endosse à 100% — qu'on a exagéré cela de façon absolument incompréhensible. Est-ce par mesquinerie ou autrement? Je ne le sais pas, mais je ne comprends pas qu'on affirme aussi facilement que le courtier joue, à toutes fins pratiques, un rôle inutile, comme si le courtier avait été simplement un percepteur de primes. Le courtier joue un rôle, et dans le nouveau système, ce n'est sûrement pas le gérant de la caisse, ce n'est sûrement personne d'autre que le courtier qui sera obligé de faire le job du gouvernement; c'est mon opinion.

M. Saint-Germain (Noël): Au niveau de la caisse, le temps vaut de l'argent pour elle, comme pour tout le monde, comme pour toutes les corporations. Il me semble évident, en plus, qu'il n'y a personne aux caisses populaires actuellement, telles qu'on les connaît, qui puisse informer une victime de ses droits. Il faut connaître le dossier, il faut connaître la loi, il faudra en connaître les modalités d'application; c'est complexe. Enfin!

M. Tremblay (Marcellin): Puisque M. le président a parlé de négociations à plusieurs reprises, il serait peut-être dans l'ordre de suggérer aux courtiers de négocier avec le gouvernement la rémunération qu'ils devront recevoir pour faire le travail qu'on va leur demander.

M. Saint-Germain (Noël): Le gouvernement va avoir assez de difficultés avec ses futurs négociations de travail qu'on est aussi bien, cet après-midi, de laisser tomber les négociations de travail, c'est très complexe, et pas simplement au niveau des assurances, croyez-moi! Je ne vois pas pour quelle raison on devrait revenir là-dessus, on a longuement parlé du fait que la victime devra faire appel à deux institutions différentes: et la régie et les assureurs, et il n'y a aucun doute, à ce point de vue, que c'est une complication nouvelle, mais c'est certainement une complication qui occasionnera sinon des frais au moins des injustices.

M. Saint-Germain (Guy): Si vous le permettez, M. Saint-Germain, si vous posez la question à savoir quel peut être le sort de la victime dans ce système, dans plusieurs points du mémoire on parle du dédoublement des fonctions. Si le sens de votre question est de nous demander ce qui va se passer quand un accident se produira, on peut vous en tracer un portrait assez sommaire. Chaque fois qu'il y aura une blessure corporelle incertaine — les blessures corporelles, il y en a des réelles, et il y en a qui sont trouvées par après, ou il y en a qui sont incertaines — il faudra que le réclamant, vraisemblablement, contacte la régie pour l'aviser de la possibilité d'une réclamation éventuelle en blessures corporelles. Il faudra que la régie fasse une enquête afin de savoir s'il y a eu un accident ou s'il n'y en a pas eu.

Notre réclamant recevra vraisemblablement des questions de la régie ou de la Commission des accidents du travail. Il raccrochera et il recevra un appel ou il recevra la visite d'un agent de réclamations de son assureur en dommages matériels qui lui posera également les mêmes questions, qui lui demandera s'il a eu un accident. La même chose. C'est cela qu'on appelle le dédoublement et on a de la difficulté à comprendre comment cela va coûter moins cher. C'est là qu'on parle de frustration des réclamants.

M. Saint-Germain (Noël): En plus, si je comprends bien, vous avez dit que comme assureur vos frais d'administration, pour ce qui regarde votre responsabilité comme assureur exclusivement, ne seront pas nécessairement diminués. Il y aura autant d'études ou de frais d'administration pour émettre une police d'assurance qui garantira simplement les dommages matériels qu'il y a de frais pour émettre une police d'assurance, j'entends toujours pour le même client, qui inclut aussi les blessures corporelles. Ai-je raison de penser cela?

M. Saint-Germain (Guy): C'est exact, c'est qu'il y a un coût de production, d'un contrat d'assurance. Si on enlève une partie de la prime, soit de 35% ou de 30%, il est évident qu'on n'enlève absolument rien des frais de production de ce contrat. Les économistes pourraient parler en termes de coût marginal. On va voir que le coût marginal de production par les assureurs actuels d'une couverture en blessures corporelles n'est pas bien fort. C'est dans ce sens qu'on dit qu'avec nos frais fixes, par contrat, si on a à les répartir sur une prime moindre, il va de soi que le pourcentage va augmenter.

M. Saint-Germain (Noël): Ce qui fait qu'à l'heure actuelle, comme vous ne connaissez pas la teneur de la loi, vous ne connaissez pas quelle sera la teneur de vos polices parce que vous ne savez même pas exactement ce que vous avez à assurer actuellement. Vous aurez tout de même à assurer aussi des dommages corporels pour les étrangers ou pour certaines exemptions qu'il y a dans la loi. Vous ne pouvez pas prévoir à ce stade quel serait le pourcentage d'augmentation dû à ces nouvelles restrictions sur le total de votre prime et comment cela va se refléter au point de vue de vos coûts.

M. Saint-Germain (Guy): Au plan des coûts?

M. Saint-Germain (Noël): Oui.

M. Saint-Germain (Guy): Des coûts de..

M. Saint-Germain (Noël): D'assurance matérielle, des dommages matériels.

M. Saint-Germain (Guy): Cela dépend de ce qu'on veut dire. Je ne comprends pas trop le sens de la question.

M. Saint-Germain (Noël): Je crois que je n'ai pas été bien clair. Disons qu'actuellement vous émettez une police d'assurance pour dommages matériels et dommages corporels. On enlève maintenant les dommages corporels. Vous émettez une police d'assurance qui coûte approximativement le même prix au point de vue administratif que la police que vous émettez actuellement.

M. Saint-Germain (Guy): C'est cela.

M. Saint-Germain (Noël): II y a un pourcentage d'augmentation, par le fait même, dans l'émission de votre nouvelle police protection matérielle relativement à la prime.

M. Saint-Germain (Guy): Actuellement, cela coûte 7,6% en frais d'administration pour un contrat d'assurance automobile. Si vous enlevez 30% de la prime, je suppose qu'on peut dire que cela peut représenter quoi? 1,8%?

M. Brouillette: Je voudrais ajouter quelque chose un peu dans le même sens que M. Saint-Germain. Il est certain, il est probable, en tout cas qu'il va en résulter une augmentation au niveau des frais des assureurs. Mais, compte tenu du fait que les frais propres des assureurs représentent une proportion réduite finalement de la prime — il mentionnait 7,6%; les chiffres pius récents de 1976 sont 7,1%, les frais propres de l'assureur — dans ce sens, même si vous augmentez ce pourcentage par 25% ou 30%, l'effet sur la prime finale n'est peut-être pas aussi important qu'on pourrait le penser au départ. Je pense que les gens, en général, ont l'impression que les frais des assureurs représentent une part importante de la prime. Si on exclut cette question des frais de règlement qu'il faut bien admettre et qui sont reliés au cadre juridique, la rémunération des courtiers, il me semble, pose une question différente. Si on se concentre sur la question des frais des assureurs proprement dits, il faut réaliser, c'est bien important, que cela représente un pourcentage réduit qui continue, d'ailleurs, à diminuer.

Rapidement si on s'en tient aux frais propres des assureurs, il est facile de démontrer que depuis les chiffres qui ont été publiés par le rapport Gauvin, il y a une amélioration d'au-delà de 20% en termes des frais de l'assureur; le pourcentage, autrement dit, des frais propres aux assureurs a diminué de plus de 20% depuis 1971 ou 1972, soit depuis les chiffres utilisés par le comité Gauvin.

M. Saint-Germain (Noël): Oui, je suis d'accord, mais sur les sommes totales des primes qui se paient dans Québec, c'est peut-être $800 millions; si vous prenez 1% ou 1,5%, ici, si vous ajoutez à cela, par exemple, les frais d'assurance-santé et d'hospitalisation qui seront payés par un autre ministère, si vous ajoutez les frais qui seront occasionnés par ceux qui remplaceront les courtiers, etc., un peu ici, 1% là, 1,5% ici, vous arrivez à des sommes assez considérables. Si vous ne faites pas cela, vous n'êtes pas capables de faire de relation directe entre le coût de l'assurance actuelle et ce que seront les nouveaux coûts parce qu'on pourra masquer bien des coûts en diffusant ici et là les responsabilités diverses qui sont actuellement concentrées dans le système actuel avec les assureurs qui font face à toutes les responsabilités de dommages, soit corporels, soit matériels.

A la page 12 de votre mémoire, vous parlez, au dernier paragraphe, de qualifications pour les rentes permanentes. Vous dites: "En effet, selon les chiffres du comité Gauvin, environ 14% de l'ensemble des victimes blessées se voient attribuer un pourcentage d'incapacité permanente alors que moins de 3% des victimes pourraient se qualifier pour les rentes d'invalidité permanente". Si je comprends bien, c'est que dans le système actuel vous avez 14% des victimes qui se qualifient pour une rente partielle permanente et dans le nouveau système vous prévoyez qu'il n'y en aura que 3%.

M. Brouillette: Si je peux répondre à cette question, M. le Président, je voudrais apporter une simple correction. Ce ne sont pas des rentes dans le régime actuel; c'est que l'incapacité permanente partielle est compensée sous forme d'un montant forfaitaire, compensée par les assureurs sous forme d'un montant forfaitaire. Pour le reste, je pense que votre énoncé était exact dans le sens qu'il y a environ 14% des victimes qui se qualifient pour un pourcentage d'incapacité permanente, soit partielle ou totale, d'après les données qu'on a. Encore une fois, on admet que c'est limité parce que malheureusement on n'a pas eu accès aux données plus précises dont le ministère peut disposer, mais d'après les données dont on dispose, il semble qu'au maximum, il ne pourrait y en avoir plus de 3% qui pourraient se qualifier pour les rentes d'invalidité permanente. Dans ce sens il nous semble que cela représente — encore une fois on parle de pourcentage si on traduisait cela en nombre — quelques milliers de victimes, de blessures, de mutilations, qui vont recevoir assurément moins sous le nouveau régime que sous le régime actuel.

M. Saint-Germain (Noël): Si je comprends bien le régime actuel et la philosophie qui sous-tend le projet qu'on étudie en ce moment, comme le projet qu'on étudie a comme philosophie de dédommager presque exclusivement les dommages ou les pertes financières des victimes, si on fait exception de cette grille de $20 000, il peut arriver qu'un individu subisse une incapacité partielle de 7%, 8%, 10% ou 15%, mais que cette incapacité partielle lui permette de continuer à oeuvrer comme il le faisait précédemment, ce qui fait que cela le disqualifie au point de vue de la rente.

M. Saint-Germain (Guy): On a relevé certains cas particuliers, on ne vous enterrera pas de cas particuliers, mais on a un cas ici de 1976, en Cour supérieure.

Il s'agit d'un homme de 32 ans, un camion-

neur, qui a un revenu en 1972 de $13 000, en 1973 de $9200 et en 1974 de $5700. Une incapacité partielle permanente de 5% lui est accordée par les tribunaux parce qu'il a eu une splénectomie, c'est-à-dire une ablation de la rate. Il est atteint aussi de "costo-pulmonaire gauche". Comme indemnité, le tribunal lui consent en incapacité partielle permanente $9000. En ITT, incapacité totale temporaire, quatre mois, $4500, pour un total de $15 900. Au lieu de $9000, dans le nouveau projet, il touchera 20% de $10 000, si nos calculs sont exacts, c'est-à-dire qu'il aura $1000.

Evidemment, il faut s'empresser de dire qu'un camionneur sans rate, cela ne l'empêche pas de conduire son véhicule. Il n'y a pas de perte économique; donc, le système proposé ne lui donne rien ou à peu près. On peut vous en citer des exemples. On dit que si la qualité de l'indemnisation est améliorée, il faut faire attention; on ne parle plus de la même indemnisation.

M. Saint-Germain (Noël): Dans le système actuel, on paie beaucoup plus pour les pertes non économiques que le nouveau système le ferait.

M. Brouillette: J'aimerais ajouter quelque chose là-dessus. On a pris un exemple intéressant et on dit: II est clair qu'il n'y a pas de perte économique. On pourrait prendre d'autres exemples qui démontreraient qu'à court terme il n'y a pas de perte économique. Si, par exemple, quelqu'un a une fracture à une jambe qui fait qu'il boite et qu'il a une infirmité à une jambe pour le reste de sa vie; s'il s'agit, par exemple, d'un commis de bureau, il est probable qu'au bout de deux mois cet individu pourra reprendre ses fonctions. A court terme, ce que la régie lui paierait, ce serait simplement son incapacité temporaire, plus le montant forfaitaire qui n'a pas été encore prévu.

C'est là qu'il est très important de comprendre qu'il faut que les tribunaux considèrent que le pourcentage d'incapacité implique une perte économique. C'est là, je pense, qu'il y a eu un malentendu en ce qui a trait au livre bleu, parce qu'on met ces pertes de côté. L'argument utilisé dans le livre bleu est de dire: Ce sont des pertes non économiques; donc, il n'est pas nécessaire de s'en occuper parce qu'on veut indemniser les pertes économiques. Si on fait cela, cela signifie qu'on remet en question l'appréciation que font les tribunaux de la perte économique. Nous ne voulons pas nous poser en juges entre le ministère et les tribunaux. Il peut y avoir des différences d'opinions; on peut avoir chacun son opinion et ce n'est pas à nous de trancher cette question. Mais on a l'impression, au point de départ, a priori, que les tribunaux qui étudient chacun des cas particuliers sont plus en mesure d'apprécier la perte économique. Si, par leur expérience et par la tradition, ils ont reconnu une perte économique dans ces cas, on a l'impression que c'est parce que cette perte économique existe vraiment.

C'est dans ce sens qu'il faut faire attention quand on dit que ce sont des cas de pertes non économiques, parce que, dans bien des cas de pertes économiques telles que définies par les tri- bunaux, il y aura une indemnisation moindre sous le nouveau régime que sous le régime, actuel.

M. Saint-Germain (Noël): J'ai posé ces questions et je pourrais peut-être apporter un exemple. Si on a des blessures, une jambe brisée, un bras brisé, la colonne vertébrale endommagée, pour une personne de 40 ans ou de 45 ans, il est de notoriété publique, tout le monde le sait que, deux, trois ou cinq ans après, c'est l'arthrite, c'est le rhumatisme qui se développent. Je me demande si on prévoit ces situations dans le nouveau projet. A mon avis, c'est très important. Une personne qui, à 50 ans, est prise de l'arthrite et du rhumatisme à la suite d'un accident d'automobile donnerait bien les quelques mille dollars qu'elle pourrait avoir reçus lors de cet accident, elle les sacrifierait certainement pour ravoir sa santé.

On peut dire, d'un autre côté, que ses souffrances ne se paient pas. Il n'y a pas d'argent pour cela.

Malheureusement, dans notre système, si on veut dédommager quelqu'un pour dommages subis, il n'y a que l'argent qui peut le faire ou qui peut au moins le soulager. Alors, je crois qu'il y a là un élément extrêmement important, à mon avis.

De cette façon aussi, on ne prévoit, dans la loi actuelle, aucun cas de suicide. Je sais pertinemment que, dans l'industrie privée, que ce soit assurance-vie ou ainsi de suite, il y a toujours des clauses concernant les cas de suicide. Je dis cela, c'est parce que ce n'est pas toujours agréable d'admettre que, dans notre société, les suicides sont nombreux. Il me semble que quelqu'un qui veut mettre fin à ses jours pourrait trouver, avec un tel régime, avantage à se servir du régime. Au lieu de se lancer devant un camion ou sur le métro, à Montréal, il serait peut-être plus avantageux pour sa famille, ou du moins pour ceux qu'il aime, de le faire autrement, de façon que son entourage puisse recevoir une rente, est-ce que vous avez étudié particulièrement ce problème?

M. Saint-Germain (Guy): C'est bien évident que vous mettez le doigt sur une des possibilités d'abus du système, les assureurs-vie mettent une clause de deux ans en cas de suicide. J'imagine que c'est pour d'assez bonnes raisons. Certainement que le service des assurances, ou un ministère ou l'autre, pourrait nous renseigner sur les taux de suicide au Québec. Mais c'est une porte ouverte, c'est un des abus qui peut découler du fait qu'on met à la disposition du public un système d'assurance qui est très généreux, il n'y a pas d'erreur.

Il y en a d'autres aussi: quelqu'un qui tombera d'une échelle, des gens qui auront des fractures au doigt ou à la main, vous les verrez ressortir dans le système d'assurance automobile; il n'y a pas de doute sur cela. Jusqu'à quel point cela viendra, par exemple, augmenter les coûts, c'est notre prétention quand on dit que le système est trop généreux et qu'on vous adjure d'y repenser en tant qu'Assemblée nationale, une deuxième fois, de revoir cela. On peut se retrouver en face d'un coût considérable et en constante hausse. Il

ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'opportunité de concéder ces bénéfices ou non.

M. Saint-Germain (Noël): Ce matin, je ne veux pas revenir nécessairement sur le débat, vous avez semblé toucher, à mon avis toujours, un sujet très important, lorsque vous avez dit que le régime était très généreux envers les conjoints qui travaillent tous les deux, autrement dit, très généreux pour la famille moderne, mais très modeste pour la famille traditionnelle où le père gagne le pain de la famille et la mère est celle qui prend soin de la maisonnée. Je crois que vous signalez ici un point extrêmement important. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de le dire dans le passé, qu'il semblait y avoir là une discrimination extrêmement importante de l'importance de la mère de famille, dans notre société, même si on a une société à ce point de vue, en pleine évolution. Il reste qu'il y a encore des femmes qui veulent se marier, qui veulent avoir des enfants, qui veulent élever une famille. Je crois qu'avec les principes qui sous-tendent la loi actuelle, il y a envers elles une discrimination marquée, excessivement injuste, non seulement pour le soutien de famille, mais très injuste pour ces enfants qui vont souffrir de l'absence de leur mère.

Et d'un autre côté, il y a les familles qui n'ont pas d'enfants et qui ne veulent pas en avoir, c'est bien leur droit, mais il en reste que dans ces familles, qui ont une philosophie plus nouvelle, la femme, comme l'homme, se considère plus à égalité au point de vue financier et que ces femmes, bien souvent, seraient même humiliées de dire ou d'entendre dire qu'elles vivent des revenus de leurs maris.

Une des raisons qui les motivent à travailler est bien souvent cette indépendance qu'elles veulent conserver, même mariées. C'est encore leur droit. Lorsqu'il s'agit de dédommager la perte occasionnée par un des conjoints qui voit son compagnon ou sa compagne disparaître ou décéder lors d'un accident, voilà qu'on applique les mêmes barèmes que ceux qui soutiennent la loi. Je ne sais pas si vous avez mentionné ceci ce matin. Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.

M. Moreau: M. le Président, ce que je pourrais ajouter c'est ceci: Toute cette discussion sur les indemnités dont on vient de parler démontre, encore une fois, à quel point il est difficile d'être juste pour une victime. Dans un système "no fault" total, vous avez cette faiblesse où le système n'a aucune souplesse; ou il est trop généreux, ou il ne l'est pas assez. Il n'est pas possible, dans l'état de la science actuarielle, de déterminer de façon juste les indemnités qui s'appliqueront à chacun des cas. C'est cela qui nous a poussés, au BAC, à recommander un régime "no fault" partiel, c'est-à-dire un régime qui va payer dans une proportion de 85% la perte économique complète de tous les blessés, toutes les victimes. Dans cela il y a 12% qui, en plus de recevoir les bénéfices de la perte économique conserveraient, en cas de mort ou dans le cas d'un préjudice esthétique grave ou dans le cas de perte de revenus de plus de six mois, un recours aux tribunaux. Cela nous paraît la seule façon de pouvoir accorder une indemnité juste à ces personnes. C'est encore le tribunal qui peut, par une décision et un examen de chaque cas, en venir à déterminer ce qui convient, ce que vraiment une personne a perdu. C'est la différence entre un "no fault" total et un "no fault" partiel.

Le "no fault" total part d'une très bonne intention de justice sociale, mais c'est trop avancé pour en arriver à quelque chose de vraiment juste. Pour en arriver à quelque chose de juste on crée des injustices, d'une part, pour les blessés mais, d'autre part, pour ceux qui paient pour, les automobilistes.

M. Saint-Germain (Noël): Dans un cas aussi précis que celui que je viens de soumettre, est-ce que le tout ne pourrait pas s'ajuster même dans un système "no fault" total ou "no fault" partiel? En arrière d'un "no fault" total ou d'un "no fault" partiel, il y a bien des philosophies qui peuvent soutenir le genre d'indemnisation.

M. Moreau: Je n'ai pas tout à fait saisi votre question.

M. Saint-Germain (Noël): Je vais essayer d'être plus précis.

M. Saint-Germain (Guy): Je pense qu'on a saisi. On va...

M. Saint-Germain (Noël): Si monsieur n'a pas...

M. Saint-Germain (Guy): Monsieur est distrait sur la demande à part cela.

M. Saint-Germain (Noël): Je peux facilement répéter, pour que tout le monde comprenne.

M. Saint-Germain (Guy): C'est l'après-midi. Tu l'as compris. Je reviendrai au besoin.

M. Brouillette: Dans vos remarques, au début vous dites que le régime tel que proposé pénalise ou favorise un certain type de foyer par rapport à un autre. Je pense que notre critique n'est pas directement dans ce sens. On prétend simplement que ce sont des indemnités qui sont standardisées. Comme M. Moreau le faisait remarquer, c'est là toute la différence. Lorsque les pertes sont d'une telle importance, qu'on parle de décès, qu'on parle d'invalidité permanente, il me semble que dans ces cas — c'est trop important — il faut tenir compte de tous les secteurs qui entrent en ligne de compte. C'est dans ce sens qu'on dit que le régime... Il nous semble qu'il n'y a pas vraiment de solution à ce problème. Il y aurait probablement des améliorations à faire. Là-dessus j'aimerais ajouter quelque chose.

On a mentionné chez nous et certains membres de la commission ont mentionné à plusieurs égards que le régime est généreux. C'est une expression qui revient souvent. Il faut réfléchir un

peu au sens quand on dit qu'un régime est généreux. Par exemple, dans un couple dont les deux personnes travaillent, en principe, on n'aurait pas d'objection à ce que l'on donne en quelque sorte un cadeau d'une valeur de $150 000 ou $250 000 à la personne qui vient de perdre son conjoint, du point de vue économique. On n'a pas d'objection à cela, sauf qu'il faut considérer que c'est un régime obligatoire. Si on laissait les gens libres de s'assurer pour ce genre de perte, les gens sont libres de prendre de l'assurance-vie pour les montants qu'ils veulent, la personne qui veut s'assurer pour $200 000 est libre de le faire. Parler en termes de générosité du régime, c'est vraiment confus parce que, dans la réalité, on oblige les gens à payer pour ces bénéfices. On le mentionne aussi dans le mémoire, on s'aperçoit qu'il y a un déplacement des indemnités entre les indemnités pour invalidité et les indemnités pour décès. On diminue les indemnités pour incapacité, on l'a clairement démontré ce matin. D'autre part, on augmente les indemnités pour décès, particulièrement dans le cas du décès d'un soutien de famille.

On se demande si c'est à l'avantage de la société, présentement, compte tenu des protections d'assurance qui sont disponibles. Sans avoir fait d'études, il nous semble que la protection d'assurance-vie qui est disponible au citoyen moyen est quand même plus adéquate que la protection d'assurance-invalidité. Il me semble que cela ne répond pas réellement aux besoins de la société. Pour répondre plus précisément à votre question, il y aurait des améliorations qui pourraient être faites à l'intérieur d'un régime de "no fault" intégral. Il y aurait certaines améliorations qui pourraient être faites; par contre, pour les cas graves, les cas de décès, d'invalidité permanente, on ne peut certainement pas atteindre la perfection. Cela me semble difficile de concevoir un résultat tout à fait satisfaisant. Je pense en particulier au cas de décès parce qu'il y a tellement de circonstances qui entrent en ligne de compte. Ainsi, on a prévu dans le projet de loi que si le conjoint a moins de 35 ans lorsque l'autre conjoint décède, la période de paiement est réduite. Je ne me souviens pas exactement des modalités, mais il y a une réduction. Cela me semble tout à fait arbitraire de décider de 35 ans. En réalité, il faudrait, pour avoir un régime répondant vraiment à tous les besoins, tenir compte des conditions particulières. Il peut y avoir une personne de 30 ans qui a vraiment besoin d'indemnisation et une autre de 38 ans qui n'en a pas besoin. C'est dans ce sens qu'on pense que cela ne peut pas répondre vraiment aux besoins de la population.

M. Saint-Germain (Noël): Autrement dit, je crois qu'on se comprend très bien. Vous dites que c'est impossible d'avoir un régime de dédommagement standardisé, parfait, qui va faire justice à la majorité, du moins à tous les gens. C'est la raison pour laquelle vous prônez, je suppose, le "no fault" partiel. Vous laissez aux tribunaux le soin de résoudre le cas de ces gens en minorité qui n'ont pas justice dans un système standardisé. C'est bien la philosophie que soutient...

M. Brouillette: C'est cela. Il faut dire aussi que cela représente un nombre restreint; si on l'exprime, encore une fois, en termes du pourcentage du nombre total, cela représente quand même un nombre relativement restreint, que ce soient des victimes de décès ou d'invalidité. Par contre, si on regarde les sommes impliquées, c'est un pourcentage très élevé qu'on a mentionné du coût total de $385 millions. Il y a un pourcentage très important de ces $385 millions qui va aller dans ces cas. Il nous semble que, dans bien des cas, ce n'est pas adéquat, soit que ce soit trop élevé, cela ne correspond pas tout simplement à la perte économique qui est subie.

M. Saint-Germain (Noël): Je pensais aussi que si, d'autorité, on a un régime standardisé, il vaut aussi bien l'avoir le mieux possible. Dans les standards, on devrait au moins tenir compte de cette injustice créée à la mère de famille. On voit peut-être les choses sur un autre plan, mais, enfin, on veut dire à peu près la même chose.

Encore à la page 15, vous dites: "Si l'on juge de la qualité de l'indemnisation pour décès sur le plan de la répartition des indemnités entre les victimes, le livre bleu présente une amélioration notable lorsqu'il propose de remplacer le paiement d'un capital par le versement d'une rente hebdomadaire".

Qu'entendez-vous exactement par amélioration entre le paiement d'une rente et le paiement d'un capital?

M. Saint-Germain (Guy): II me semble que le paiement d'une rente représente certains avantages et représente également certains inconvénients. On souligne cela ici parce qu'on ne voit pas pourquoi le législateur enlèverait à la victime le droit de jouir d'un paiement en capital, si tel est son choix, ou de jouir du paiement d'une rente, si tel devait être son choix. Je pense que cette commission en faveur de la rente procède d'une prémisse selon laquelle on nie au citoyen la capacité d'administrer son budget.

En praticien de la réclamation, n'importe qui de ceux qui sont ici cet après-midi, derrrière nous, va vous dire qu'il a assisté à de nouveaux départs, à des vies nouvelles à la suite d'un accident d'automobile, grâce au paiement d'un capital, et qu'une rente ne servira pas cette fin. Si on a une suggestion à faire, c'est que vous vous penchiez sérieusement sur l'aspect obligatoire de la rente et que vous donniez au citoyen, à la victime d'un accident d'automobile, la même liberté qu'il a quand il achète un billet de Loto-Québec où on lui verse un montant en capital. On lui verserait un montant en capital à Loto-Québec et je ne vois pas pourquoi on refuserait de lui en verser un dans le cas d'un accident d'automobile.

M. Saint-Germain (Noël): Sur cette obligation de recevoir une rente au lieu d'un capital, je suis

absolument de votre dire; je crois que ce serait injuste pour certains citoyens. Mais, personnellement, je crois que c'est là la philosophie de la Commission des accidents du travail et peut-être qu'on ne peut pas la blâmer tellement, non plus. Je ne dis pas que c'est une philosophie que je soutiens à ce niveau. Il faut tout de même admettre que la clientèle de la Commission des accidents du travail, actuellement, ce sont des gens qui, dans un contexte de liberté de choix, ont choisi — quand je dis "choisi", c'est dans le sens large du mot — d'être des travailleurs d'usine ou, du moins, des salariés. Ils se font blesser à leur ouvrage, ils reçoivent une rente. Je crois bien que le législateur a cru que c'était une sécurité pour l'Etat, en ce sens que ces gens ne pouvaient pas redevenir à la charge de l'Etat avec une rente, comme cela pourrait arriver si on leur donnait un capital. Si on leur remet un capital et si par des investissements inconsidérés ou des abus ce capital disparaît, ces citoyens, comme de raison, font appel à nos services d'assistance sociale et ils continuent à vivre de la société.

Ici, il y a tout de même une différence fondamentale, à mon avis, c'est que ce régime s'adresse à tous les Québécois. Je crois que, là, on pousse un peu loin cette philosophie. On laisse, à mon avis, entendre que les Québécois, dans leur ensemble, ne peuvent pas administrer leurs biens. Il y a certainement des gens qui aimeraient beaucoup mieux recevoir un montant forfaitaire, se servir de cet argent et le placer dans des champs d'activités qu'ils connaissent. Ils pourraient alors en bénéficier et recevoir des ristournes ou des intérêts beaucoup plus élevés qu'une rente pourrait leur en offrir. Mais on s'aperçoit que, dans cette loi, on est obligé, jusqu'ici du moins, d'accepter une rente au lieu d'accepter un montant forfaitaire.

M. Saint-Germain (Guy): II y a de très sérieux problèmes de ce côté que vous devrez certainement examiner. On peut vous en citer simplement quelques-uns. Quand on pense à une rente pour une personne âgée de 30 ans, avec une expectative de vie jusqu'à 70 ans, on parle de 40 ans. Dans 40 ans, je peux avoir la régie ou la Commission des accidents du travail en train de courir après quelqu'un qui bénéficierait d'une rente à San Francisco, à Paris, et partout, pour savoir s'il a besoin de sa rente ou s'il n'en a pas besoin. Ce sont des choses comme cela qui vont se présenter. Vous allez voir que les frais d'administration vont faire une boule de neige effroyable. Ils ne sont certainement pas inclus dans la comptabilité qu'on nous présente là.

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, au sujet de la rente, il y aurait peut-être lieu de faire remarquer aussi ce qui me paraît une anomalie. Nous contribuons, comme citoyens, à la Régie des rentes du Québec.

On paie des primes pour cela. Ce n'est pas un cadeau du gouvernement, c'est une contribution qu'on fait. Dans le cas présent, d'après le système proposé, la rente dont nous venons de discuter de 16 à 65 ans est ajustée, du moins, en fonction de la rente que la personne recevra du gouvernement. Cela me paraît une anomalie parce qu'en définitive, il a payé pour ce fonds de retraite, pour cette rente, comme tous les autres citoyens et, dès l'âge de 65 ans, la rente qui est prévue par la loi est ajustée. Ce qui me paraît quelque chose, quand même, d'un peu curieux. Je comprends que c'est pour diminuer les coûts. Cela reste une injustice, il me semble, pour le citoyen qui a contribué.

M. Saint-Germain (Noël): C'est une autre question que j'allais vous poser, mais puisque vous y avez répondu avant ma question, je vous remercie. Je suis d'accord.

Je ne vois pas la relation qu'il y a entre une rente d'un citoyen, par le Régime de rentes qu'il a payé, d'ailleurs, avec son employeur, ou la pension de vieillesse. C'est une autre façon, pour en revenir à ce qu'on disait tantôt, de cacher le coût réel de l'assurance automobile.

Vous dites, à la page 18, au troisième paragraphe. Premièrement, je suis un peu surpris de constater qu'il est très difficile de s'assurer que tous les gens paieront leur prime, qu'ils sont, par le fait même, assurés.

J'avoue que, lorsque j'ai commencé à étudier la loi, je croyais, en obligeant les gens à se procurer une assurance en achetant leur permis ou leur plaque, que nécessairement c'était un moyen très efficace de contrôler le fait que tous les citoyens du Québec soient assurés. Avec les mémoires et ce que nous avons entendu, il semble qu'il y a des "loophole", comme on dit communément, et que des citoyens trouveront le moyen, de se servir des routes publiques sans assurances. Cela dit, dans le troisième paragraphe, ici vous dites: "Nous comprendrions le maintien du droit de recours des non-assurés".

Les non-assurés seront soumis à une amende lorsqu'ils seront pris, mais vous voulez, en plus, qu'ils perdent le droit de recours des non-assurés lorsqu'ils subissent un accident d'automobile, du moins pour dommages matériels.

M. Moreau: La loi dit que dans le cas d'un assuré en dommages matériels, il ne peut demander d'indemnisation qu'à son propre assureur qui, lui, se fera indemniser en subrogation par l'assureur de la tierce partie. L'assuré en dommages matériels perd son droit de recours contre la tierce partie. Par contre, le non-assuré conserve son droit de recours, évidemment, parce qu'il ne tombe pas sous le coup de cet article de la loi qui prévoit s'adresser à son propre assureur, il n'en a pas d'assureur. Lui, conserve son droit de recours contre la partie responsable. L'assuré, lui, n'en a plus de recours. En fait, il doit s'adresser à son propre assureur. Il ne peut pas aller plus loin.

M. Saint-Germain (Noël): Autrement dit, s'il conserve son droit de recours, ce sera au détriment des assurés qui paieront sa police ou qui paieront ses dommages Tandis que, lorsqu'il doit payer l'amende, le tout va aller dans les fonds consolidés de la province.

M. Tremblay (Marcellin): Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il y a une contradiction flagrante de la loi qui peut rendre l'assurance obligatoire et qui laisse un droit à celui qui ne s'assure pas. Il y a une contradiction là qui me paraît évidente.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait savoir exactement ce que vous voulez dire? Je n'ai pas compris, je m'excuse?

M. Tremblay (Marcellin): C'est une contradiction flagrante avec l'esprit de la loi qui veut rendre l'assurance obligatoire et qui laisse un droit à celui qui ne s'assure pas.

On dit le non-assuré aura un droit de recours. S'il ne respecte pas la loi, il me semble qu'il devrait subir les conséquences et ne pas avoir de droit de recours.

M. Moreau: On accorde à celui qui enfreint la loi un privilège qu'on refuse à celui qui se conforme à la loi.

M. Fontaine: Est-ce qu'il ne suffirait pas d'établir une présomption de responsabilité à l'endroit de la personne qui ne serait pas assurée pour régler le problème?

M. Moreau: Je m'excuse, je n'ai pas entendu toute votre question, le micro ne fonctionnait pas encore.

M. Fontaine: Est-ce qu'il ne suffirait pas pour régler le problème d'établir une présomption de responsabilité à l'endroit de la personne qui ne serait pas assurée?

M. Moreau: Cela peut être une solution, mais il y en a une qui est beaucoup plus simple c'est celle qu'on recommande, c'est d'enlever le droit de recours à une personne non assurée, et cela nous paraît tout à fait juste. Une personne qui refuse d'observer la loi d'assurance obligatoire présentée par le gouvernement, il me semble qu'on ne doit pas se gêner pour lui enlever le privilège de poursuivre l'autre et que, si elle doit subir la perte de son véhicule, elle est elle-même l'auteur de son propre malheur.

M. Saint-Germain (Noël): Vous dites aussi une chose qu'il fallait penser. On lit à votre mémoire, toujours à la page 18, que ceux qui ne seront pas assurés seront tout de même protégés contre les blessures corporelles qu'ils infligeront aux victimes parce que, selon la loi, il n'y a pas droit de recours pour blessures corporelles. Vous dites que cela pourrait être une incitation de plus à ne pas prendre d'assurance parce qu'ils seront quand même protégés contre les dommages corporels. Vous nous dites que ceci augmentera de 2% à 3% la prime qui sera payée par les assurés. Il y a peut-être là une incitation de plus pour les législateurs de voir à ce que les gens non assurés n'aient pas de recours contre ceux qui pourraient être responsables de cet accident. Je parle des conducteurs ou des propriétaires de voitures qui ne sont pas assurés, je ne parle pas des piétons.

Je voulais aussi revenir sur cette question de dédommagement direct pour biens matériels aux victimes et le fait que vous demandiez que les assureurs perdent leur droit de subrogation. Mme le ministre nous a fait part qu'elle avait des questions à poser à ce sujet. Je ne sais pas si je devrais prendre les devants ou la laisser...

Mme Payette: Mais, faites donc, M. le député.

M. Saint-Germain (Noël): Alors, la question est posée; pourriez-vous en parler.

M. Moreau: M. Saint-Germain, voulez-vous expliquer ce problème de subrogation?

M. Saint-Germain (Noël): C'est à la page 39: "Pour les raisons mentionnées précédemment, au titre des dommages matériels, l'exercice de la subrogation entre assureurs dans le cadre du régime d'indemnisation directe — article 103 — devrait pouvoir être modifié par la corporation".

M. Barrette: M. Le Président, je vais répondre à cette question. Disons qu'en tant qu'association d'assureurs on considère que l'indemnisation directe de l'assuré, par sa compagnie d'assurance, est une amélioration du service offert à notre clientèle. L'assuré va savoir qu'en toute circonstance il va pouvoir s'adresser à son assureur pour établir, selon la grille de responsabilité, quel pourcentage des dommages il a subi et à quel pourcentage il a droit au niveau de l'indemnité.

Le problème que nous voyons dans l'indemnisation directe avec subrogation, c'est que l'assureur, dans un cas où l'assuré n'était pas en faute et où il doit indemniser son assuré, a un droit de recours contre l'assureur de l'autre partie qui est impliquée dans l'accident. Cela veut dire que l'assureur va indemniser son assuré avec des dollars qu'il sait qu'ils vont être remboursés par un autre assureur à travers la procédure de subrogation. A ce moment, au niveau de l'efficacité du système, au niveau de l'incitation à la productivité, au règlement adéquat des sinistres, l'assureur qui sait qu'il va être remboursé dollar pour dollar n'a aucune incitation à dire: On pense que votre réclamation n'est pas $500, mais $450. Il sait, qu'il paie $450 ou $500, qu'il va pouvoir recouvrer l'argent d'un autre assureur. Cela veut dire qu'au niveau de l'efficacité on voit qu'il y a une "désincitation" à devenir efficace.

Certaines propositions du gouvernement, pour éviter ces problèmes, étaient d'établir des centres d'évaluation qui allaient standardiser l'évaluation des dommages de façon que l'assureur n'ait pas le choix de décider si c'est $450 ou $500 qu'il devrait payer et, alors, se faire rembourser. On voit, dans un système comme cela, que le contrôle du règlement des sinistres passe de la compagnie à l'industrie. Autrement dit, les standards de l'industrie vont devoir être très stricts pour pouvoir avoir un contrôle adéquat sur l'efficacité.

Par exemple, certaines compagnies, dans le système actuel, peuvent décider que si la réclamation est de moins de $100, elles n'enverront pas un évaluateur ou un estimateur pour voir si c'est $150 ou $160, elles vont dire: D'accord, on va payer $160. Quand elles font cela, elles en subissent le coût elles-mêmes, elles ne se font pas rembourser. Si elles se font rembourser, le deuxième assureur a un droit de contester le montant. Si, lui, dit: Vous auriez dû examiner de plus près, à ce moment-là, il peut contester le montant de la subrogation et s'ils ne s'entendent pas, cela va devant un arbitre et cela pourrait même aller en cour, ce qui est très fréquent. Quand même, le deuxième assureur a un contrôle sur le montant de la subrogation, ce qui n'est pas le cas dans le système proposé.

Au niveau des centres d'estimation, qui pourraient même devenir des centres de réclamation, l'assureur doit donner ses responsabilités, au niveau du règlement des sinistres, à une association, à la corporation de l'industrie. A ce moment-là, la corporation devra établir, si l'accident est de moins de $100, si on doit ou pas envoyer un estimateur, mais il va y avoir des règles qui devront être très précises de façon que l'évaluation soit faite d'une façon standard et de façon qu'aucun assureur ne puisse contester l'évaluation d'un autre. On voit des problèmes de service, des problèmes de qualité du produit de l'assurance vendue par certaines compagnies; certaines compagnies préfèrent être un peu plus généreuses dans le règlement des sinistres, ce qui exige des primes plus élevées, mais elles considèrent que tout compte fait l'assuré est plus satisfait d'un bon règlement de sinistre que d'une prime moins élevée.

A l'intérieur du système hautement régularisé par une association de l'industrie, la compagnie d'assurance n'a plus ce choix d'offrir différentes qualités de service. Il va falloir que l'assureur suive les normes de l'industrie, qu'il utilise les centres d'évaluation et le paiement va être automatique. A ce moment-là, l'assureur n'a plus aucune incitation à devenir efficace, à différer son produit au niveau de la qualité parce qu'il sait qu'il n'y aura plus de différence sur le service au niveau des réclamations. La différence va devenir une différence de prix seulement. On voit que cela devient une fonction sinon étatique, du moins étatique au niveau de l'industrie. Il y a très peu d'initiatives qui peuvent être prises au niveau du règlement des sinistres pour améliorer la qualité des services offerts par une compagnie et concurrencer les autres compagnies qui, elles, préfèrent exiger moins mais payer moins sur les sinistres et des choses comme cela.

M. Tremblay (Marcellin): II faut bien comprendre que cette suggestion est très pratique. Cela ne change pas le fondement de l'opération; c'est positif dans le sens que cela améliore, au contraire, le service. C'est une simplification que l'industrie propose et qui, je pense, est à l'avantage du consommateur. Ce sera sûrement plus adéquat de cette façon. En fin de compte on arrive à quoi? Avec le système de subrogation, on va échanger; à la fin de l'année, quand je vais comparer ce que j'ai reçu et ce que je vais avoir donné, cela va s'équilibrer à peu près. C'est ce qu'on présume. On dit: Alors, pourquoi se compliquer la vie?

M. Saint-Germain (Noël): On pourrait avoir...

Mme Payette: Puisque j'ai permis au député de Jacques-Cartier de poser ma question, me permettrait-il une question pour compléter mon information?

M. Saint-Germain (Noël): Allez-y.

Mme Payette: Rien ne vous a empêché, en 1970, d'introduire une entente d'exonération au sujet du chapitre B, qu'est-ce qui vous en empêcherait maintenant?

M. Moreau: Je pense que là, madame, on touche non seulement à des indemnités comme le chapitre B, mais à quelque chose de beaucoup plus fondamental, qui est un droit. Alors, je ne pense pas — il faudrait qu'on consulte nos conseillers juridiques — que la corporation puisse en venir à une entente entre les compagnies, de façon à éliminer ce droit, à moins que ia loi, comme on le suggère, ne l'y autorise et c'est ce qu'on demande.

On demande que la loi autorise la corporation à s'occuper des modalités de l'exercice et de l'élimination du droit de subrogation. Si la loi se lit de cette façon, la corporation pourra, à son conseil d'administration, décider s'il y a lieu de le faire et, là, la loi l'autorise. C'est tout ce qu'on demande.

M. Saint-Germain (Guy): Nos conseillers juridiques sont très fermes sur ce point. Il faut que l'amendement que nous suggérons à la loi soit fait de façon à nous permettre d'avoir une exonération dans le cours normal des choses.

Mme Payette: Nous allons étudier cette question. Je vais rendre la parole au député de Jacques-Cartier, mais, puisqu'o.n a abordé la question des centres d'évaluation, je me permettrai d'y revenir après.

M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, pour une bonne compréhension de ce qu'on discute, je vais, si vous voulez bien, vous donner un exemple bien pratique. Vous m'assurez, vous êtes mon assureur. J'ai un accident. Par la grille établie par l'office, vous calculez que je suis à 60% responsable. J'ai droit à un dédommagement de 40% de mes dommages. Alors, je fais appel à mon assureur. Mon assureur me paye mes 40%. L'assureur de la victime paie à son assuré 60% et c'est fini. C'est bien cela? Il n'a plus droit de recours, là.

M. Moreau: Sur le régime que nous proposons, oui.

M. Saint-Germain (Noël): C'est ce que je veux dire.

M. Moreau: Chaque assureur paye son assuré dans la proportion déterminée dans le barème et cela finit là. Il n'y a plus de subrogation, il n'y a plus de discussions, il n'y a plus de transfert d'argent. Alors, c'est là qu'on voit l'incitation pour l'assureur à faire un règlement économique, bien fait et non pas avec subrogation où l'assureur vous paye, mais avec l'argent d'un autre. C'est ce qui est illogique dans la question de la subrogation.

M. Saint-Germain (Noël): Maintenant, cela veut aussi dire que, si j'ai une petite voiture que j'assure pour $50 000 et que vous vous avez une grosse voiture, vous avez une Cadillac, ma prime à moi sera inférieure pour les $50 000 de dommages. Est-ce qu'elle sera inférieure à la vôtre qui avez une Cadillac?

M. Moreau: La limite minimale prévue par la loi est de $50 000. Vous pouvez, si vous voulez, en acheter plus, comme vous pouvez le faire aujourd'hui.

M. Saint-Germain (Noël): Non, non. Vous, vous avez une Cadillac et moi, j'ai une Volkswagen. On achète la prime à $50 000. Est-ce que votre prime va être la même que la mienne, sans subrogation?

M. Moreau: M. Dorval.

M. Dorval (Bernard): Si vous me permettez de répondre à cette question, il s'agit là d'un élément très important dans le dossier de la subrogation interassureurs. Il s'agit de la tarification relativement aux caractéristiques du véhicule. Avec un système où la subrogation entre assureurs serait abolie, il nous serait possible, étant donné que nous compenserons les dommages de notre propre assuré, de tenir compte des caractéristiques du véhicule en question. Autrement dit, comme nous saurons d'avance le risque auquel nous sommes exposés, qui est celui de la voiture que nous assurons, au lieu d'être exposée à un risque qui peut être n'importe quelle voiture qui circule, nous pourrons être en mesure d'évaluer ce que ce risque représente. Par exemple, dans le cas de la Cadillac et de la Volkswagen, il est évident que la Volkswagen représente un potentiel de perte de beaucoup inférieur à la Cadillac. C'est pourquoi la prime serait évidemment, toutes proportions gardées, plus basse pour la Volkswagen que pour la Cadillac.

Ici, je pense que cet élément constitue aussi un avantage de plus pour inciter le plus grand nombre possible de personnes à s'assurer. En effet, si on assume que les les véhicules qui sont présentement non assurés sont potentiellement ceux qui sont de moindre valeur, comme la prime pourrait varier en fonction de la valeur du véhicule, il serait ainsi plus facile d'amener ces gens ayant des véhicules de moindre valeur à s'assurer.

Cela favoriserait donc notre objectif d'avoir un plus grand nombre de personnes contribuant au système d'assurance de dommage matériel. J'aimerais aussi mentionner qu'en éliminant la subrogation entre les assureurs, techniquement, on éli- minera quand même une partie, quelques coûts supplémentaires. C'est un autre des objectifs que vise le projet de loi. C'est assez important.

M. Saint-Germain (Noël): Est-ce que le même raisonnement vaudrait pour quelqu'un qui prendrait maintenant une assurance-collision?

M. Dorval: M. le Président, actuellement dans l'assurance-collision on exige davantage pour une Cadillac que pour une Volkswagen, c'est évident.

M. Saint-Germain (Noël): La différence pourrait être pratiquement la même entre la prime de la Cadillac et la prime...

M. Dorval: Oui, on pourrait dire que cela irait dans ce sens. On peut dire, oui, que l'ordre de grandeur est le même.

M. Saint-Germain (Noël): Je pense que j'abuse envers mes collègues. Avant qu'on m'arrête, une dernière question. S'il n'y a pas de droit de subrogation, cela veut dire... faisons une hypothèse. J'ai un accident, je ne suis pas responsable. Je parle des $50 000 d'assurance-responsabilité. N'étant pas responsable, mon assureur me paie à pleine valeur, ou peut-être à $250 "déductibles". En ce faisant, si je suis coupable, totalement ou partiellement, cela diminue les frais de mon propre assureur. En profane, je vous pose cette question. Est-ce qu'il n'y aurait pas la, pour un assureur, à diminuer sa motivation à trouver son assuré un peu plus coupable que moins coupable? Est-ce que j'ai été assez clair? Je ne sais pas si on m'a compris.

M. Brouillette: Premièrement, je pense que parler de coupable ou non coupable, c'est un peu exagéré dans le cas d'un accident d'automobile. On pourrait à la limite parler de responsable et non responsable. Ce serait un peu plus précis.

M. Saint-Germain (Noël): C'est juste.

M. Brouillette: D'un autre côté, il faut dire qu'il y ait de la subrogation ou non, le régime qui est proposé prévoit une grille d'accidents. Ce sont donc plutôt les circonstances des accidents qui détermineront la possibilité pour un individu de recevoir l'indemnité ou non. De toute façon, cette indemnité sera versable par l'assureur de l'individu. Je ne pense pas que le fait que vous avez évoqué pourrait se produire davantage qu'il y ait subrogation ou non, parce qu'il nous semble que du point de vue de l'assuré, au niveau du règlement des sinistres, la subrogation, c'est quelque chose qui se passe en arrière. L'assuré n'en est peut-être pas conscient. C'est quelque chose entre les assureurs.

M. Saint-Germain (Noël): Merci de votre patience, M. le Président. Merci à mes collègues.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Messieurs nos invités, à la lecture de votre mémoire on s'aperçoit que, véritablement, vous représentez les professionnels de l'assurance. Vous avez accumulé des quantités de renseignements inestimables. Je comprends mal aussi pourquoi un ministre a pu se priver d'une telle source de renseignement. Il est d'autant plus inconcevable qu'hier encore le ministre nous disait qu'il avait eu une excellente collaboration de la part, par exemple, de l'Association des propriétaires d'autobus, qui sont peut-être moins renseignés dans le domaine que vous.

Je conçois mal ce manque d'information, de communication qu'il y a eu entre les deux groupes. Les assureurs nous apprennent aujourd'hui qu'ils seraient prêts à administrer le système que le gouvernement propose en dommage corporel. Je pense que s'il y avait eu une véritable consultation dès le départ, le gouvernement n'aurait peut-être pas choisi aujourd'hui la formule de l'étatisation.

A mon avis, le ministre s'est privé d'une source d'expertise qui lui aurait été fournie de façon gratuite. Je pense qu'il n'avait pas le moyen de se priver de ce luxe. C'est peut-être une raison pour laquelle il y a dans la loi actuellement plusieurs lacunes que nous voudrions soulever. La première lacune serait peut-être celle de la tarification.

Je regarde votre mémoire aux pages 21 et 22. Si l'on considère que l'un des principaux buts de la réforme est de diminuer les coûts de l'assurance automobile, je suis surpris de voir les renseignements que vous nous fournissez quand vous dites que l'adoption du nouveau régime d'assurance proposé par le gouvernement du Québec entraînerait une augmentation de primes pour 65% des automobilistes assurés et 90% dans le cas de régions frontalières comme Hull. A la page suivante vous dites: "En d'autres termes, il y aurait subvention de certaines classes d'automobilistes, par exemple les jeunes hommes célibataires de moins de 25 ans et les conducteurs ayant un mauvais dossier aux dépens de la majorité des autres groupes mais particulièrement des gens qui n'utilisent pas leur voiture pour se rendre au travail". M. Moreau a ajouté ce matin: La classe des agriculteurs qui devrait sans aucun doute se voir augmenter ses tarifs à peu près d'une façon uniforme. Je suis sûr que les cultivateurs de mon comté vont être intéressés d'entendre ces paroles. Peut-être pourriez-vous ajouter quelque chose là-dessus quant à la tarification.

M. Brouillette: La seule que je voudrais ajouter à ce moment c'est que les exemples qui sont donnés aux pages 22 et 23 ne résultent pas de nos projections ou de nos estimations quant au coût. C'est strictement basé sur les estimations qui ont été publiées par le ministère. Quand on dit $120 à $125, vous reconnaissez que c'est la prime de $105 à $110 par véhicule, plus les $15 pour le permis de conduire. Il est très important de le souligner parce que cela a déjà été avancé par plusieurs groupes, à savoir qu'on prétend que la prime va augmenter. Nous, on ne dit pas qu'on prétend, on mentionne que selon les chiffres qui sont publiés par le ministère, selon les propres estimations du ministère, qu'on met en doute par ailleurs, cela démontre qu'il y aura une augmentation de coût pour la majorité des assurés. C'est tout ce que j'avais à ajouter à ce moment.

M. Fontaine: Vous mettez en doute les estimations du ministère et, malgré cela, en vous basant sur ces chiffres, vous en déduisez qu'il y aura une augmentation pour 65% des automobilistes. Est-ce bien cela que j'ai compris?

M. Brouillette: Quand on dit qu'on les met en doute, il faut admettre qu'on n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance, jusqu'à maintenant, du document qui nous a été distribué ce matin. On n'a vraiment pas pu vérifier toutes les hypothèses et le processus de calcul. Ce qu'on a pu voir c'est les 6% qui ont été avancés et c'est dans ce sens qu'on les met en doute parce qu'ils nous apparaissent complètement irréalistes. Si cela devait être 15% ou 18%, on peut faire le calcul et, au lieu d'avoir 65% des gens qui auraient des augmentations, on se retrouverait probablement autour de 80% ou 85%.

M. Fontaine: II y a une question qui se pose souvent. Surtout pendant la campagne électorale, plusieurs membres du Parti québécois qualifiaient pratiquement, d'un côté ou de l'autre, les assureurs de voleurs licenciés. Réellement, les assureurs font-ils tellement de profits exorbitants pour qu'on puisse les qualifier de voleurs?

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, j'aurais peut-être une réponse à donner à cela. J'administre une compagnie à capital-actions. Cela fait déjà plusieurs années. J'ai eu l'occasion à deux reprises de vouloir faire souscrire des actions pour augmenter le capital de la compagnie. Je n'ai pas trouvé de financier dans la province de Québec tellement mordus pour souscrire des actions dans une compagnie d'assurance qui faisait beaucoup d'assurance automobile à un point tel que le seul acquéreur pour les actions que j'ai émises que j'ai pu trouver, c'est une compagnie d'assurance parisienne qui a acheté 25% de nos actions. Je n'ai pas pu les placer dans la province de Québec.

Si le commerce d'assurance automobile avait été la sorte de caverne de voleurs qu'on prétendait, j'imagine que plusieurs auraient été intéressés à souscrire au capital-actions de telles entreprises. Cela a été le contraire. Les profits des compagnies d'assurance... Dans notre commerce d'assurance automobile, ce qui arrive, c'est que les résultats d'une entreprise comme celle-là sont nécessairement erratiques. Une année vous pouvez faire un profit qui semble élevé et cela peut faire suite à trois années de perte. Je l'ai appris à mes dépens quand j'ai commencé dans ma carrière avec l'assurance de l'UCC, où on pensait avoir trouvé la mine d'or pour nos cultivateurs. M. Roy s'en souvient.

On a développé une entreprise et on s'est

aperçu qu'il y avait des fluctuations dans cette affaire. Il a même fallu, à un moment donné, l'idée de la mutuelle pour les cultivateurs; c'est ainsi que c'est devenu affilié aux Prévoyants du Canada. Cette théorie qui voulait qu'on était une caverne de voleurs a été largement exagérée.

M. Allard: Je pense, d'ailleurs, si on retourne en arrière au rapport Gauvin, que le comité Gau-vin a étudié la question des profits des assureurs et en est arrivé à la conclusion que le rendement sur le capital investi était tout à fait raisonnable et inférieur à celui de plusieurs autres industries sinon de toutes les industries. Plus récemment encore, un autre comité établi par le gouvernement de l'Ontario, le Select Committee, a fait une étude semblable pour une période plus récente que celle qui a été examinée par le comité Gauvin et est arrivé, à ce moment-là, à des conclusions semblables, sauf que le rendement était encore de beaucoup inférieur à ce que le comité Gauvin a trouvé.

Je pense que ces chiffres, ces analyses, ces rapports qui ont été faits par deux comités différents dans deux provinces différentes sont éloquents et expliquent bien ce qu'on affirme depuis longtemps, qu'il n'y a pas de profits exorbitants à faire dans l'industrie de l'assurance automobile.

M. Moreau: Nous avons justement, M. le Président, ces chiffres, ici, à notre disposition, et je pense que M. Brouillette ou M. Saint-Germain peuvent vous les communiquer en quelques secondes. Nous avons le résultat du rapport Gauvin et nous avons également ce à quoi M. Allard s'est référé comme étant le Select Committee de l'Ontario.

M. Saint-Germain (Guy): Nous n'avons pas l'intention d'insister à moins que vous posiez la question spécifiquement. On a toute la documentation, mais ce n'est pas une bibliothèque. Si vous voulez l'avoir, on peut vous la donner.

M. Fontaine: Je ne veux pas insister, mais je posais la question parce qu'il y a un certain nombre de gens qui continuent de semer cette idée dans la population. Je voulais que vous puissiez le démontrer clairement.

M. Saint-Germain (Guy): C'est malheureux parce qu'il y a des milliers de Québécois qui sont dans le domaine, il y en a plusieurs, ici, qui sont derrière nous, qui en représentent d'autres, et il n'y a pas de voleurs là.

M. Fontaine: On a parlé de fluctuations tout à l'heure. Est-ce un peu à cause de cela également qu'on a tenté, à une certaine période, de faire des "package deals"? On exigeait, par exemple, que la personne qui voulait assurer son automobile s'assure également pour sa vie, pour sa maison et pour ses meubles en même temps.

M. Moreau: II n'y avait pas de relation directe avec cela mais, en fait, le problème auquel vous vous référez, c'est un problème qui a existé en 1975 et un peu en 1976: une certaine restriction du marché. Il y a certains assureurs, il y a même certains courtiers aussi qui l'on fait, de leur propre chef, qui ont cru que l'assurance automobile n'était pas intéressée ni intéressante. Certains assureurs ayant des problèmes de capitalisation ou de réserves, on a restreint les écritures en assurance automobile, et puisqu'on était dans la situation de choisir entre les risques et de ne pas tous les prendre, il a pu arriver que, dans certains cas, on ait eu cette exigence de dire: Nous allons prendre votre assurance automobile, mais il faudrait nous donner également vos autres assurances.

Remarquez que cela peut paraître injuste mais, en fait, c'est un conseil qu'on donne, à ma connaissance, depuis que je suis dans l'assurance, et cela fait bien des années. Ordonne toujours le conseil à un assuré de placer ses assurances autant que possible avec le même courtier et le même assureur, pour toutes sortes de raisons d'ordre pratique.

Mme Payette: M. le Président, M. le député me permettrait-il une question pour compléter l'information? Vous avez dit que cela avait été pratiqué en 1975, un peu en 1976; est-ce pratiqué en 1977?

M. Moreau: Je ne pourrais pas dire que ce n'est pratiqué du tout, madame, parce que je ne peux pas contrôler les activités de tous les assureurs de semaine en semaine, mais je peux affirmer que c'est à peu près disparu.

Mme Payette: Me permettriez-vous de poser la question à ceux qui sont là et qui représentent une compagnie d'assurance?

M. Moreau: Oui, certainement, madame.

M. Tremblay (Marcellin): Je peux répondre en ce qui nous concerne. J'ai même dans la salle, ici, plusieurs courtiers qui nous représentent, et je ne pense pas qu'on puisse être accusés en aucune façon d'avoir posé une exigence comme celle-là, même en 1975.

Mme Payette: Pouvez-vous me rappeler quelle compagnie vous représentez?

M. Tremblay (Marcellin): Les Prévoyants du Canada.

Mme Payette: Y a-t-il d'autres compagnies qui peuvent affirmer que cela n'est pas fait chez eux, en 1977?

M. Allard: Oui, la Royal également.

Mme Payette: La Royal; y en a-t-il d'autres?

M. Saint-Germain (Guy): Si vous me demandez de répondre, j'hésite mais je vais vous donner la vérité chez nous. On va insister pour avoir l'assurance habitation quand on a l'assurance automobile. Ensuite de cela, si vous voulez me poser la

question: Pourquoi? Je vous dirai que, depuis des années, étant donné que le Mouvement Desjardins contrôle des millions et des millions d'hypothèques, il fait sauter nos polices régulières chaque fois qu'il a un prêt hypothécaire sur une maison.

Il nous semble que c'est un moyen tout à fait naturel, pour nous, de tenter d'avoir notre part du marché parce qu'on prétend qu'on rend un service. Je représente, évidemment, l'ensemble des assureurs. Comme tel, je représente les sociétés des caisses populaires et la Sécurité qui sont mes compétiteurs. C'est parce que vous m'avez posé la question spécifiquement que je vous réponds en vous donnant la vérité pour ce qui est du Groupe Commerce. Il y a des courtiers qui sont ici; ils pourraient vous prouver cela n'importe quand.

Mme Payette: Merci pour cette information. Merci, M. le député.

M. Fontaine: Concernant le financement actuel et le financement proposé, actuellement, la prime d'assurance automobile pour les dommages corporels varie selon l'utilisation que la personne fait du véhicule. Le système proposé taxera, selon les prévisions qu'on a, tous les véhicules de promenade, par exemple, sur la même base. Que pensez-vous de cette façon de procéder? Est-ce que vous comprenez bien ma question?

M. Brouillette: Je ne suis pas certain si je comprends bien la question.

M. Fontaine: Actuellement, lorsqu'on assure son automobile, on est taxé, c'est-à-dire qu'on paie une prime selon l'utilisation qu'on fait du véhicule. Si, par exemple, on prend son véhicule pour voyager à son travail, on paie plus cher. Dans le régime proposé, on ne tient pas compte de ces différences et on va taxer ou assurer tous les véhicules de promenade, par exemple, sur le même pied. Est-ce que vous croyez que c'est juste?

M. Brouillette: Certainement pas. D'ailleurs, on a souligné dans notre mémoire qu'il nous semble y avoir une inéquité à cet égard, dans le sens qu'on ne tient pas compte de l'utilisation des véhicules. On a dit aussi qu'il nous semblait que cette inéquité était importante autant sur le plan social que sur le plan économique. A première vue, on dit: Si un individu décide de ne pas utiliser sa voiture pour aller au travail, c'est injuste de le faire payer pour l'autre qui, lui, choisit de l'utiliser. Cela nous semble injuste.

On ne s'arrête pas là. On prétend que c'est dommageable aussi sur le plan économique, parce que les individus prennent chaque jour des décisions dans le système dans lequel on vit. Les gens prennent des décisions et on croit que c'est par le résultat net de toutes ces décisions dans un marché libre que les ressources sont allouées de façon optimale. On vient ici créer des distorsions en faisant des subventions à différents groupes d'assurés, tout à fait au hasard, sans aucun principe. Si, au moins, on avait un principe directeur; si on avait décidé: Bon, on veut atteindre tel objec- tif. Cela se fait dans d'autres domaines. On décide de subventionner une région aux dépens d'une autre. On a un objectif bien précis qui peut être discuté. Mais ici on n'a aucun objectif précis. On subventionne tout simplement au hasard. On subventionne certains groupes sans tenir compte des effets qui peuvent être tout à fait dommageables autant sur le plan économique que sur le plan social.

On va plus loin que cela aussi dans notre mémoire. On pourrait, comme on le mentionne, prétendre que cela peut être corrigé, qu'en théorie une régie d'Etat ou un monopole d'Etat peut faire une tarification équitable aussi, s'il en prenait la peine. On donne, je pense, trois arguments qui sont bien clairs, qui font en sorte qu'il est à peu près impossible, en pratique, pour un monopole d'Etat d'avoir une tarification qui reflète, par exemple, l'utilisation ou qui reflète les autres facteurs qui font partie de la tarification actuelle. Je pense que ces raisons sont mentionnées clairement. On peut les résumer.

Il y a, en premier lieu, la question des pressions politiques qui ne peuvent pas faire autrement que s'exercer dans un régime qui est contrôlé par l'Etat. On l'a vu. On le voit dans tous les autres organismes gouvernementaux. Cela ne peut pas être à l'abri des pressions politiques, directes ou indirectes. Le deuxième élément, c'est celui de l'abolition de la concurrence. Il est certain qu'à partir du moment où on enlève la concurrence il n'y a plus d'incitation à faire une tarification qui respecte l'équité. Il faut bien comprendre que nous, si on fait payer moins cher à l'individu qui n'utilise pas son véhicule, ce n'est pas, si on veut, par souci social ou quoi que ce soit. Simplement, c'est que la concurrence nous pousse à faire payer à chacun ce que cela coûte vraiment, ce que le risque d'accidents représente pour lui.

A partir du moment où on abolit la concurrence, il n'y a plus aucune incitation à rechercher l'équité; à partir de ce point, ce sont les contraintes administratives qui s'imposent. On a vu le document qui a été publié par le ministère, il y a environ deux semaines, et je pense qu'on retrouve dans ce document d'une quinzaine de pages l'expression "contrainte administrative" à peu près une douzaine de fois. Alors, la seule limite, c'est toujours cela, on n'a aucune incitation à l'équité; par contre, on a des contraintes administratives pour limiter l'équité. Ce qui fait qu'il n'y a pas du tout d'équité. C'est aussi simple que cela.

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, à ce sujet, si vous me permettez d'extraire un cas particulier, par exemple, le cas du cultivateur. Vous avez mentionné que vous étiez dans un comté qui compte plusieurs cultivateurs. Il arrive que, pour des raisons historiques, nous sommes des assureurs importants auprès des cultivateurs. J'ai l'impression que, quand les cultivateurs vont se réveiller, ils vont réaliser ce qui arrive avec le nouveau projet; il y en a qui vont sursauter.

Un cultivateur ordinaire, ce qu'il appelle son pick-up par exemple, ce qui est très courant chez les cultivateurs, paie une prime, à l'heure actuelle,

d'à peu près $70. Avec le nouveau système, il va tomber à $120, $125 ou $130, comme on l'a dit, mais il devra en plus souscrire une police d'assurance obligatoire pour ses dommages matériels et sa responsabilité. Vous voyez tout de suite la réaction. Les cultivateurs ont toujours bénéficié de la classe; c'est pour cette raison qu'on fonctionne par catégories, par sens d'équité.

Le cultivateur a toujours eu ce qu'on appelle "tarif cultivateur"; ce tarif représente à peu près 50% de rabais depuis longtemps, sur la classe ordinaire. J'ai l'impression que vous allez avoir un joli sursaut lorsque vraiment ces gens vont se rendre compte de ce qui leur arrive.

Vous avez également l'autre point du cultivateur qui me frappe dans ce projet. Le cultivateur, vous le savez, ne déclare pas nécessairement les plus hauts revenus. Or, son indemnité va être basée sur les revenus qu'il a déclarés, donc il va payer plus cher et il va être appelé à être indemnisé sur la base des revenus qu'il a déclarés. Une autre surprise qui l'attend. C'est un exemple de manque de sens d'équité d'une prime qui est unique pour tout le monde.

M. Fontaine: Du point de vue de l'indemnité, justement, on dit qu'il s'agit d'une mesure sociale qu'on veut entreprendre. Est-ce que vous pensez que le fait de payer plus à l'un qu'à l'autre peut également être un élément d'injustice?

M. Brouillette: Encore une fois, je ne suis pas tout à fait certain si je comprends le sens de votre question. Le commentaire que je pourrais peut-être faire dans ce domaine, c'est que si vraiment il s'agit d'une mesure sociale, si on veut mettre cela sur le même pied que la Régie des rentes, je ne vois pas de raison pour laquelle on mettrait le maximum à $18 000 par année. Je reviens à ce que je disais tantôt, il faut bien voir qu'on ne parle pas d'une question d'être généreux ou de ne pas être généreux. La question qui se pose est: Est-ce que, dans un régime social, on doit payer $18 000 à un individu et $8000 à un autre? Si c'est vraiment un régime social, surtout si les deux vont payer la même contribution, je ne vois pas comment on peut justifier de payer, dans certains cas $18 000 et dans d'autres cas $8000; si on se place au point de vue social, cela me semble tout à fait aberrant; je ne vois aucun fondement et aucune justification.

M. Fontaine: Merci. On parle, à la page 11, de la question de compensation des pertes subies par la Régie d'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation. Je comprends qu'à la suite de l'adoption du projet de loi 67, il n'y aura plus de compensation qui va se faire de la part de la Régie d'assurance automobile à la Régie d'assurance-maiadie. comme cela se fait actuellement. Actuellement, les personnes responsables sont recherchées en justice par la Régie de l'assurance-maladie pour réclamer les montants qu'elles occasionnent en frais d'hospitalisation. Pouvez-vous me dire quel montant d'argent cela peut représenter?

M. Moreau: Avez-vous certains chiffres à ce sujet, monsieur...

M. Dorval: En ce qui concerne cette question de subrogation entre les régies d'Etat, on peut penser que, dans le système qui est proposé par le gouvernement, c'est-à-dire pour l'année financière 1978/79, avec aussi l'assurance obligatoire, avec les montants que cela peut représenter si on inclut la Régie de l'assurance-hospitalisation, la Régie de l'assurance-maladie et la Commission des accidents du travail — parce que ces trois organismes, actuellement, nous subrogent — cela pourrait représenter des sommes de l'ordre de $15 millions à $20 millions. Ce sont des pertes nettes.

M. Saint-Germain (Guy): C'est seulement au niveau du montant d'argent parce que les assureurs ont demandé, depuis des années, que ces subrogations soient abolies. Je crois comprendre — les spécialistes du ministère vous diront peut-être que c'est à cause des ententes fédérales-provinciales qui obligent le gouvernement québécois à aller contre l'auteur d'un dommage — je pense que les subventions sont conditionnelles à cela. M. Desmarais acquiesce là-bas, je pense que c'est exact.

Dans notre mémoire, on voulait tout simplement souligner que, si vous éliminez cette subrogation, il faudrait quand même en tenir compte au niveau des coûts. Comme on n'en a parlé nulle part, on a estimé de notre devoir d'attirer votre attention sur cet aspect.

M. Fontaine: Merci. Ce sera tout, je pourrai revenir plus tard.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier le Bureau d'assurance du Canada pour le volumineux mémoire qu'il nous a présenté et pour l'étude sérieuse qu'il a faite du projet de loi no 67. Je pense devoir dire en toute objectivité que le Bureau d'assurance du Canada apporte un bon éclairage à la commission parlementaire, un éclairage extrêmement utile, même si je dois déplorer, à ce moment-ci, que, du côté gouvernemental, la lumière pâlit. Elle a pâli pas mal depuis ce matin! Je comprends et je reconnais l'ouverture d'esprit de Mme le ministre; elle veut étudier la question et elle prend bonne note des recommandations qui lui sont formulées, mais, à ce stade-ci, il n'en demeure pas moins que nous devrions avoir les réponses, du côté gouvernemental, sur lesquelles nous nous interrogeons, puisque la commission parlementaire a justement pour objet d'éclairer les députés, les membres de la commission, ceux qui seront appelés à voter la loi devant l'Assemblée nationale, afin de leur permettre de prendre position face à ce projet de loi. Vont-ils appuyer la loi, voter contre ou demander de reporter l'étude de ce projet de loi? Je trouve

malheureux de devoir dire que nous sommes en face d'un projet prématuré.

Depuis quelques années que je siège ici, à l'Assemblée nationale, et ici même, à cette table, j'ai eu l'occasion de participer à des commissions parlementaires qui ont étudié des projets prématurés. Nous savons ce que cela a donné, nous savons combien cela a coûté. Ceux qui étaient du même côté que moi, dans le temps, pour dénoncer les projets prématurés, sont ceux-là mêmes qui, aujourd'hui, nous présentent un projet de loi qui me paraît prématuré. On n'a pas fait la preuve que le gouvernement est effectivement prêt à se lancer dans l'administration d'une Régie de l'assurance automobile et d'assurer la population du Québec.

J'ai pris une position catégorique, dès l'étude du projet de loi no 49 à l'Assemblée nationale et dès l'ouverture de cette commission, en faveur de l'entreprise privée. J'ai bien dit cependant que ce n'était pas un appui conditionnel, je ne voulais pas — et je pense important que tout le monde soit d'accord là-dessus — que ce soit un cartel. J'ai bien écouté les questions qu'a posées l'honorable ministre aujourd'hui aux représentants du Bureau d'assurance du Canada et je dois dire que j'ai été un peu inquiet des questions qui ont été posées et de la façon que les questions ont été posées. Il semble — du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre; on me corrigera si je suis dans l'erreur — qu'on reproche au Bureau d'assurance du Canada de ne pas contrôler davantage les assureurs et de ne pas former un front uni. Si, dans le projet de loi no 67, on veut, dans la structure qu'on veut imposer aux compagnies d'assurances, former un front commun, un front uni, une espèce de bloc solide qui peut constituer un cartel, je tiens à avertir tout de suite le gouvernement et l'honorable ministre en particulier que des cartels privés comme des cartels d'Etat, cela reste des cartels et les conséquences sont à peu près toujours les mêmes, à la différence que, lorsque c'est un cartel privé, on a au moins l'Etat pour surveiller et voir à modifier les règles du jeu.

J'aimerais poser une question aux représentants du BAC. Je ne veux pas entrer dans les modalités du régime proposé par le gouvernement dans ma première question, autrement dit les formules ou les modes d'indemnisation prévus dans la loi no 67.

Mais est-ce que le BAC, le Bureau d'assurance du Canada, qui parle en somme au nom des assureurs, serait en mesure de nous dire qu'un régime d'indemnisation proposé par une loi gouvernementale peut être administré par les assureurs?

M. Moreau: Certainement, il n'y a aucun doute là-dessus. Dès que les assureurs sont consultés et qu'on met sur papier un régime convenable, autant pour les assurés, pour les victimes, pour les assureurs que pour le gouvernement, il y a moyen, à ce moment-là, de faire fonctionner un système.

M. Roy: Mais, lorsque vous dites convenable, par exemple, vous mettez une sorte de condition.

M. Moreau: La condition c'est qu'on ait l'occasion de contribuer à l'élaboration du système. Evidemment, si on nous impose un système, comme on le fait en dommages matériels, en disant: Voici un nouveau système qui ne fonctionne nulle part ailleurs, mais nous, on l'a pensé, le voici, vous le faites fonctionner; s'il y a des problèmes, réglez-les; cela est inacceptable, c'est incroyable dans une industrie de l'importance de l'assurance IARD au Québec.

M. Roy: Ma deuxième question, M. le Président, ce serait concernant la réforme de l'assurance automobile. Nous en avons parlé lors de l'audition de la commission Gauvin, ici. Cela a fait l'objet de bien des délibérations, de bien des discussions tant en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale. Vous avez dit dans votre mémoire — je résume la pensée que j'ai cru dégager de votre mémoire — qu'il n'a pas été possible pour les assureurs d'apporter des modifications sensibles au régime d'assurance automobile actuel, parce que les lois ne le permettaient pas. Est-ce exact et est-ce que vous voudriez donner plus de précisions, plus d'éclairage en fait sur ce côté-là?

M. Moreau: Ce que nous voulons dire, M. le Président, c'est que l'assurance automobile est régie entièrement par les lois du gouvernement, et, trop souvent, dans le public, on est d'avis que les assureurs peuvent faire la pluie et le beau temps. Il n'y a pas d'industrie qui soit plus contrôlée par le gouvernement que l'industrie des assurances. Vous prenez l'assurance automobile, par exemple; il y a des rapports financiers qui doivent être faits non seulement à l'impôt, mais également au surintendant des assurances, dans des buts tout à fait différents.

Vous avez le texte de la police automobile, où aucun assureur ne peut dévier d'une virgule seulement. Il doit nécessairement donner la protection qui est approuvée dans le texte qui est émis par le surintendant des assurances. C'est ce qu'on veut dire, M. Roy.

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, pour ajouter là-dessus, c'est bien clair que nous faisons affaires à l'intérieur d'un cadre juridique que, comme assureurs, on ne pouvait pas se donner. On parle aujourd'hui d'établir un système "no fault". Que le gouvernement adopte une loi pour établir un système "no fault", et on sera capable de fonctionner à l'intérieur d'un système "no fault". Lorsque le Michigan l'a établi, ou que quinze autres Etats américains l'ont établi, c'est parce que le législateur a adopté des lois. Il a dit: Dorénavant, c'est comme cela que cela marche et ensuite l'industrie... Vous savez que l'entreprise fibre s'ajuste ensuite à la loi que les gouvernements adoptent et ensuite elle fonctionne à l'intérieur du cadre qu'on a fixé.

J'ai toujours pensé que le législateur était là pour établir les règles du jeu. Une fois les règles

du jeu établies, il n'est pas là tellement pour administrer, parce que je pense qu'il a démontré en plusieurs circonstances qu'il est assez mauvais administrateur. Il est là pour établir les règles du jeu. Une fois les règles du jeu établies, qu'on soit au Bureau d'assurance du Canada, membre ou pas membre, chaque compagnie devra se conformer à la loi et nous sommes capables de fonctionner si c'est ce système qu'on veut. On a répondu ce matin: Oui, l'entreprise privée peut l'administrer.

M. Roy: En somme, ce que vous nous dites, c'est que vous seriez prêts à l'administrer. Vous êtes même prêts à rencontrer le gouvernement et à en venir à une entente avec le gouvernement pour administrer le régime?

M. Tremblay (Marcellin): Absolument.

M. Roy: J'avais posé une question au ministre à ce sujet, lors de la séance de la commission parlementaire du 27 septembre. J'avais demandé au ministre s'il y avait eu des négociations avec les assureurs à ce niveau? Je n'ai pas à attendre la réponse, le ministre m'avait répondu non, qu'il n'y en avait pas eu, parce que la décision gouvernementale était de sortir les blessures corporelles de l'assurance. Le gouvernement ne devient pas un assureur — je cite la réponse du ministre — mais fait de cette réforme une réforme de justice sociale. Nous ne sommes pas des assureurs à partir du moment où ce projet de loi est accepté.

Alors, comme je ne reviendrai pas sur les questions que mes collègues ont posées tout à l'heure — il y avait un certain nombre de questions que j'avais notées — j'aimerais reprendre un point qui a été discuté, ce matin et cet après-midi, concernant les 16% des dossiers, concernant les indemnités qui sont versées à des personnes qui sont victimes de lésions corporelles. Lorsque vous parlez du pourcentage, de ces 16%, est-ce que vous parlez du nombre de personnes qui ont reçu des indemnités, ayant subi des blessures corporelles, ou si vous parlez de 16% de dossiers où il y aurait eu des réclamations, mais pas nécessairement des indemnités?

Je ne sais pas si je me suis expliqué de façon assez claire. C'est-à-dire qu'il y a deux points bien précis: il y a le pourcentage de réclamations qui sont faites et le pourcentage de réclamations qui reçoivent effectivement une indemnité.

M. Brouillette: Les 16% référaient — d'ailleurs, le chiffre de 16% comme tel a été mentionné par le ministre — si je comprends bien, au nombre de victimes de dommages corporels par rapport au nombre total d'accidents. Aujourd'hui, en vertu du régime de la responsabilité, si on s'en tient à la responsabilité, laissant de côté l'assurance individuelle et le chapitre B, pour ce qui est de la responsabilité, il est certain qu'il y a un pourcentage de gens qui ne peuvent pas être indemnisés. Le conducteur qui est tenu responsable de l'accident ne peut pas être indemnisé en vertu du chapitre A.

M. Roy: Ce qui veut dire que le pourcentage de dossiers qui sont étudiés, que ce soit par l'entreprise privée ou par l'entreprise gouvernementale, pour ce qui a trait aux blessures corporelles, peut être de beaucoup supérieur à 16%.

M. Brouillette: D'ailleurs, quand on parle de pourcentages, c'est toujours difficile de mesurer l'ampleur. Je pense qu'on pourrait peut-être traduire en nombre. C'est difficile encore là. Je n'ai pas de chiffres précis, mais j'ai l'impression que ce à quoi nous nous référons, c'est au moins à 30 000 ou à 40 000 cas de blessures corporelles. Il resterait à vérifier le nombre exact. Même si on dit 16%, ce n'est pas négligeable parce que cela représente plusieurs dizaines de milliers de cas de blessures ou de dommages corporels.

M. Roy: Si je pose cette question, c'est pour avoir plus de précisions. Lorsqu'on a parlé de 16%, on faisait évidemment référence au coût de l'administration de la Régie de l'assurance automobile, en partant du fait que, sur le nombre de dossiers concernant les accidents qui surviennent, 16% seulement des dossiers comportent des dommages corporels. Cela ne veut pas dire que la régie sera limitée à en étudier seulement 16%. Elle devra étudier un certain nombre de dossiers pour lesquels il y aura effectivement des réclamations. Il y a bien des gens qui feront des réclamations en espérant en obtenir, comme à la Comission des accidents du travail, d'ailleurs, et comme cela se passe au niveau de l'assurance privée. Les gens vont remplir une demande. Cela ne veut pas dire automatiquement qu'ils seront acceptés. Je voudrais savoir, Mme le ministre, quel est le pourcentage de dossiers que la régie compte effectivement étudier à ce niveau. Cela a une implication assez directe sur les frais d'administration de la régie.

Mme Payette: Je pense que votre question contient la réponse, M. le député de Beauce-Sud. 16% des accidents qui surviennent au Québec comportent des blessures corporelles, donc des réclamations. Vous avez la réponse dans votre question. Donc, indemnisation en ce qui nous concerne pour 16% des accidents au Québec. Ce matin, si j'ai attiré votre attention là-dessus, c'était pour vous faire compendre que, dans 16% des cas d'accidents, il y aurait deux réclamations. On a tendance à exagérer la double démarche. C'était pour vous signaler que 16%, ce n'est pas énorme sur le nombre d'accidents au Québec.

M. Brouillette: M. le Président, est-ce que je peux ajouter quelque chose? Quand on parle de dédoublement, ce que nous considérons, c'est la régie pour les dommages corporels. Encore une fois, comme je le disais ce matin, c'est un pourcentage très élevé, mettons 80% des cas où il y aura dédoublement. Je pense qu'il ne faut pas exprimer cela en termes du nombre total d'accidents. Il faut voir, dans le cas de la régie, dans quel pourcentage des cas il y aura dédoublement. La réponse est probablement 80% ou plus.

Mme Payette: Vous avez vraiment l'art de semer ta confusion.

M. Moreau: II y a un autre facteur. Si 16% des accidents produisent des dommages corporels, dans chaque accident il y a évidemment un seul dommage matériel, mais vous pouvez en avoir 3, 4, 5, 10 réclamations en dommages corporels. Si vous avez un autobus, vous pouvez en avoir 40 dommages corporels. Il faut tenir compte de ces facteurs.

Mme Payette: Nous en avons tenu compte.

M. Roy: Ce pourcentage dépasse quand même les 16%. On en conviendra puisque effectivement 16% des cas reçoivent des indemnités en vertu des dommages corporels. Ils sont indemnisés effectivement, mais dans le régime actuel, je comprends que cela est difficile. Cela peut peut-être prêter à confusion. Dans les formules de réclamation, au moment où un individu fait une réclamation en vertu de sa police d'assurance automobile, il remplit la formule et effectivement il y a un questionnaire relatif aux dommages corporels. Du fait qu'il doit s'adresser à deux endroits distincts, évidemment il va y avoir un laps de temps qui fera en sorte que l'assuré devra produire sa demande dans un certain délai s'il veut bénéficier d'une indemnité. Il y a toujours des risques de séquelles après l'accident, même un, deux ou trois mois après l'accident. Si la personne ne fait pas sa réclamation dans un délai qui sera sûrement prescrit par la régie, il demeure un fait, elle ne pourra pas bénéficier des indemnités futures.

C'est là que je dis que le pourcentage de dossiers, j'aimerais bien qu'on en prenne note au niveau gouvernemental, qu'on ne pense pas qu'il soit possible pour la régie d'avoir des dossiers sur seulement 16% des accidents et des accidentés. Ce qui va changer le coût de l'administration de la régie, et en changeant le coût de l'administration de la régie quand on parle de 6% ou 7%, il est évident, à ce moment, soit que les assurés devront payer plus cher ou il y aura moins d'argent pour accorder aux victimes d'accidents.

Dans le plan de tarification que nous a soumis le gouvernement, j'ai une autre question. Par exemple, on parle d'une voiture de promenade dont la contribution pourrait se situer entre $105 et $110 pour l'exercice financier débutant le 1er mars 1978. Mon collègue de Nicolet-Yamaska a posé la question au sujet des cultivateurs, question dont j'avais pris note, parce que ces derniers ont bénéficié, comme M. Tremblay vient de nous le dire, d'un taux adapté à leur catégorie et à leur risque à ce niveau.

Dans le cas des taxis, on dit que la contribution des voitures-taxis pourrait être de quatre à cinq fois celle des voitures de promenade. Est-ce que les assureurs sont en mesure de nous dire, aujourd'hui, dans quelle proportion les voitures-taxis doivent payer plus cher ce risque par rapport à une voiture de promenade ordinaire?

M. Brouillette: Je peux répondre à cette question, M. le Président. Les études étant en cours, on n'a pas de données précises à l'égard des taxis. Je ne peux pas vous dire si les quatre ou cinq fois, en tant que telles, signifie que les chauffeurs de taxi vont payer plus ou moins cher que ce qu'ils paient présentement. Cela va être vérifié dans les jours qui suivent. Il m'apparaît évident qu'il va y avoir encore là un manque d'équité assez flagrant dans le fait qu'on a laissé tomber la tarification selon l'expérience. Le document publié par le ministère rejette la possibilité de tarification selon l'expérience. Supposons que quatre à cinq fois la prime d'un véhicule de promenade correspond à la moyenne qui existe aujourd'hui. C'est possible. J'imagine que les spécialistes du ministère ont vérifié ce facteur. Alors supposons que cela corresponde à la moyenne, il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui on va tenir compte de l'expérience des différentes flottes de taxis. Si un individu possède dix voitures et qu'il fait attention, qu'il n'engage que des personnes sérieuses pour conduire ses voitures, qu'il fait un entretien de ses véhicules, il est probable qu'il aura une expérience bien meilleure que l'autre individu qui ne fait pas du tout attention. Il est certain qu'il va y avoir encore là une inéquité dans le sens que les deux individus vont payer exactement la même prime, alors qu'il y en a un qui représente un risque beaucoup moins grand parce qu'il prend les mesures pour réduire ce risque. Cela s'applique pour les taxis, les camionneurs, les autobus, en somme pour tous les véhicules utilitaires ou tous les véhicules commerciaux.

Je voudrais en profiter aussi pour ajouter une chose au sujet du 16%. Pour faciliter votre compréhension, j'ai l'impression que les 16% sont évalués en divisant le nombre total de blessés par le nombre d'accidents, à partir des statistiques d'accidents publiées par le ministère des Transports.

Je n'ai rien contre cette formule pour obtenir le pourcentage, cela me semble régulier, sauf qu'il faut être très prudent parce que, quand on se compare aux autres provinces, particulièrement l'Ontario, on s'aperçoit que le pourcentage de blessures corporelles, du nombre de blessés, pour l'Ontario, est de beaucoup supérieur par rapport au nombre d'accidents. A quoi peut-on attribuer cela? Je ne suis pas en mesure de le dire pour l'instant. Une hypothèse que je ferais, c'est peut-être que les gens du Québec rapportent moins, sont moins portés à déclarer leurs dommages corporels que les gens de l'Ontario.

Si c'était le cas, avec le genre de régime qu'on prévoit, il est possible que cela entraîne une hausse très importante du nombre de cas de blessures corporelles parce que, encore là, il faut comprendre que ces 16% sont basés sur les rapports de police. C'est le policier qui, au moment de l'accident, pose la question ou peut-être examine les faits lui-même et décide si l'individu a été blessé ou non, et on va admettre que c'est une réponse pour le moins superficielle parce que, comme vous l'avez mentionné tantôt, cela peut se produire quelques semaines ou quelques jours après, on peut découvrir qu'il s'agit vraiment d'un cas de blessure. C'est pour cela qu'au sujet des 16% il faut être très prudent et surtout ne pas utili-

ser cela pour fins d'évaluation quelconque parce que cela risque d'être drôlement sous-évalué.

M. Roy: J'aurais une autre question sur un sujet qui a été soulevé, je pense, par Mme le ministre, aujourd'hui, concernant les jeunes. Je ne pense pas être le seul membre de l'Assemblée nationale et le seul député à avoir eu des représentations de gens, de pères de famille, ou encore de jeunes travailleurs, qui sont obligés de payer jusqu'à concurrence de $1550. J'ai même vu des jeunes payer au-delà de $2000 par année en primes d'assurance automobile, ce qui m'a toujours paru une prime absolument inacceptable, inadmissible, puisqu'il faut presque mettre 25% du salaire uniquement dans la prime de l'assurance automobile.

J'aimerais qu'on m'explique pourquoi, malgré que je pense qu'on peut quand même faire certaines déductions, les jeunes ont été plus pénalisés, et je dirais même lourdement pénalisés, dans le régime d'assurance automobile, c'est un point qui a attiré l'attention de l'Assemblée nationale et qui a été discuté à la commission Gauvin. Cela m'amènerait aussi, dans une deuxième question, à parler de la fameuse formule V2C.

M. Moreau: Quant à la question des jeunes conducteurs, je pense que M. Brouillette pourrait nous éclairer.

M. Brouillette: Pour répondre à votre question, je ne pense pas, encore là, qu'on doive parler de pénalisation. La raison est claire, c'est que les jeunes causent plus d'accidents ou sont impliqués dans un plus grand nombre d'accidents que les autres, et cela est démontré à peu près dans tous les pays par les statistiques d'assurance ou par les statistiques gouvernementales. Mettez-vous en doute le fait que les jeunes ont une fréquence d'accidents plus élevée que les autres catégories?

M. Roy: Je n'ai pas les statistiques, mais quand on prend une assurance et que le principe même de l'assurance veut dire un groupe de personnes qui, à un moment donné, paient une prime en tenant compte d'un pourcentage de risque qu'on retrouve dans un groupe donné, il m'est toujours apparu, de ce côté, que le groupe des jeunes a toujours été trop restreint, et par le fait qu'on leur ait fait payer à eux-mêmes beaucoup plus qu'ils n'auraient dû payer dans un régime d'assurances plus générales; à force de faire des secteurs et de faire des catégories, on risque effectivement de créer des injustices et, au niveau des jeunes, si j'avais un reproche à faire aux compagnies d'assurances, je pense que, sur le plan social, sur le plan humain, de ce côté, nous avons fait face à une situation, je pense, tout à fait inacceptable.

N'y aurait-il pas eu d'autres formules ou n'aurait-on pas pu étendre le risque à une catégorie beaucoup plus grande de personnes de façon à ne pas pénaliser une seule catégorie? Quand les jeunes sortent de leurs études — ils sortent avec des tas d'études — ils ont des problèmes d'établis- sement, ils doivent s'acheter une automobile, ils doivent s'établir, comme je viens de le dire, et on les écrase et on les étouffe littéralement avec des primes d'assurances qui n'ont aucun sens. J'ai connu des compagnies d'assurances qui, après qu'un jeune eut subi trois accidents de suite la même année, ont continué de l'assurer quand même. On a fait payer par d'autres qui étaient moins victimes d'accidents, des personnes qui n'auraient tout simplement pas dû, à mon avis, avoir d'assurances, elles n'auraient même pas dû avoir une automobile tout simplement.

On a fait payer cela par d'autres jeunes qui n'étaient pas responsables de la situation, mais qui ont été largement victimes de la situation.

M. Brouillette: Si vous me permettez de répondre à cette question. Tout d'abord, il faut admettre, au départ, si on veut avoir une discussion sur ce sujet qui est très intéressant, il faut admettre que cela a pu causer de nombreux problèmes. Il faut admettre que les jeunes ont une fréquence d'accidents plus élevée. Cela, comme je dis, c'est reconnu. Dans à peu près tous les pays du monde, on voit les statistiques qui existent. A partir du moment où on admet qu'ils ont une fréquence d'accidents plus élevée, donc, qu'ils représentent un coût plus élevé, votre proposition... Vous dites: On devrait répartir sur un plus grand groupe. Si le législateur le décide pour nous, on dit que cela constitue une subvention au groupe des jeunes.

Si le législateur décide que, socialement, cela prend une subvention aux jeunes, ce n'est pas à nous... On peut avoir une argumentation à ce sujet, on peut avoir une discussion. Mais, si on décidait que cela prend une subvention, cela peut se faire. Cela s'est fait dans le cas du Nou-veau-Brunswick. Il y a un territoire du Nouveau-Brunswick où le gouvernement, à un moment donné, a décidé qu'il n'y avait pas de raison pour laquelle les gens devraient payer plus cher que dans le sud. On a imposé, par la loi, une certaine répartition artificielle des coûts et on a fait une subvention d'un groupe à un autre.

Je pense que la question qui doit se poser à ce moment, c'est: Est-ce qu'il est désirable de subventionner les jeunes? Est-ce qu'il est désirable de prendre l'argent des personnes qui ont, mettons, au-delà de 25 ans, qui ont un bon dossier d'accidents, est-ce qu'il est désirable d'exiger de ces personnes un plus grand déboursé afin de subventionner les jeunes? Nous, à ce moment-ci, nous disons que, si le gouvernement décidait que ce serait désirable, il n'y a pas de problème. On peut le faire, mais on prétend que cela ne l'est pas. On avance, à cet égard, certaines raisons. A notre avis, "l'assurance est moins essentielle" pour les jeunes que pour les autres catégories.

On pense, en particulier, aux étudiants. Vous allez admettre avec moi que, parmi les étudiants, ceux qui ont la chance de profiter d'une automobile, ce sont probablement ceux qui sont les plus favorisés. Vous allez admettre aussi que le pourcentage de personnes qui possèdent une automobile est moins élevé parmi les moins de 21 ans que parmi les 30 ans et plus. Vous êtes d'accord que le

pourcentage de personnes possédant une automobile est moins élevé dans ce groupe. Si on va à la limite, si on prend le jeune de 16 ans ou 17 ans, il y a un pourcentage très faible de personnes qui possèdent une automobile dans ces groupes. Le pourcentage doit aller probablement en augmentant. A partir du moment où le pourcentage est plus faible, on peut conclure que ceux qui en ont une — relativement, on parle toujours de moyenne; il est certain qu'il y a des cas particuliers — sont plus favorisés que dans les groupes plus âgés où l'automobile est presque une nécessité. Donc, il faut l'assurance automobile.

A partir de là, il nous semble que, socialement, ce serait néfaste d'obliger les gens de plus de 30 ans à subventionner l'individu pour qui l'automobile est moins essentielle, si on peut dire, ou moins nécessaire que pour le père de famille qui doit s'en servir pour aller à son travail.

M. Saint-Germain (Guy): D'ailleurs, nous avons fait faire un sondage sur cette question et, quand on pose la question... Le dilemme, cela fait longtemps qu'il dure et il est profond. Quand on pose la question aux gens: Trouvez-vous que les jeunes paient trop cher? 95%, dans le sondage, répondent oui. On leur pose la deuxième question: Est-ce que vous êtes prêts à verser un montant d'argent pour un subside? 95%, non. Il faut comprendre que, pour un père de famille, une famille moyenne qui a un revenu moyen, la dépense d'un véhicule automobile est quelque chose de considérable et, bien souvent, il n'a même pas les moyens d'avoir le genre de véhicule qu'un jeune a. Je ne parle pas de tous les jeunes, c'est évident, mais il est quand même étrange, comme praticien de la chose, que, quand on voit quelqu'un venir s'assurer pour une peinture, par exemple, qui coûte $1500, $1700, seulement pour la peinture sur un véhicule automobile, c'est quand même drôle que cela provient rarement d'un couple moyen de Québécois qui tâche de tirer son affaire, son épingle du jeu et d'avoir un standard moyen de vie.

Nous autres, nous nous posons des questions et, à moins qu'il y ait une intervention extérieure, nous forçant à verser des subsides, il est évident qu'on ne peut rien faire. Si vous parlez de subsides, le prix d'un produit devrait indiquer qu'il y a un problème. On ne devrait jamais cacher cela et si, comme législateur, vous pensez qu'il y a un problème avec les jeunes, au lieu de verser des subsides, tâchez de trouver une façon de les édu-quer parce que là, on réglerait le problème d'une façon plus fondamentale et à long terme.

M. Allard: M. le Président, je pense qu'il est peut-être important, pour compléter la réponse à M. Roy, parce que vous avez fait allusion au jeune qui a eu trois accidents et les compagnies continuent de l'assurer et cela coûte cher et c'est subventionné par les autres jeunes. Qu'il s'agisse d'un jeune ou d'un moins jeune qui a eu trois accidents, l'industrie de l'assurance n'a pas le choix de l'assurer ou de ne pas l'assurer parce qu'on s'est entendu, à la demande du gouvernement, il y a plusieurs années, sur le fait qu'on donnerait de l'assurance à tous ceux qui ont un permis.

Alors, ce n'est pas à nous de décider si le permis doit être retiré ou doit être laissé. Si vous voulez dire: II y a des jeunes qui ont trop souvent des accidents, ils ne devraient pas avoir de permis, il faudrait qu'on le leur enlève, ce n'est pas nous qui allons prendre cette décision. Du moment où ils ont un permis on leur fournit de l'assurance, on s'y est engagé. Maintenant, pour le coût, c'est une autre affaire. Quand vous parlez de ceux qui paient $2000 de prime, il y en a peut-être là-dedans qui ont eu des accidents plus souvent qu'à leur tour; peut-être, je ne dis pas qu'il n'y en a pas d'autres qui en ont moins eu ou même qui n'en ont pas eu qui paient des primes élevées, mais quand on est rendu à des primes de $2000, il est possible que ce soient des primes qui s'appliquent à des jeunes qui ont été souvent impliqués dans des accidents.

M. Saint-Germain (Guy): D'ailleurs, comme législateurs vous êtes d'avis qu'ils paient trop cher d'assurance; vous avez quand même une panoplie de moyens à votre disposition pour les aider. Avez-vous déjà pensé que vous pourriez peut-être leur donner une réduction sur le prix de l'essence, par exemple? Enlevez la taxe sur le prix de l'essence, pour les jeunes, de façon à compenser pour le prix de l'assurance, mais ne nuisez pas au mécanisme du prix qui indique qu'il y a quelque chose là, qu'il y a un problème fondamental avec la conduite d'un jeune au volant d'une automobile.

M. Roy: Je vous remercie de toutes ces précisions. Je ne pense pas que ma question vous ait causé des surprises, parce que c'est un problème que nous voyons et que nous vivons dans tout le Québec. Comme je le disais vis-à-vis de mes collègues, je ne pense pas qu'il y ait un seul membre de l'Assemblée nationale qui n'ait pas eu ces problèmes dans son bureau à un moment donné.

Il est évident que quelqu'un qui fait un accident deux ou trois fois, durant une année, paie pour ses bêtises, surtout lorsqu'il est déclaré responsable de ces accidents. D'un autre côté, j'apprécie grandement les explications que vous nous avez données de ce côté concernant, par exemple, l'obligation que vous vous faites, étant donné que les compagnies d'assurances se sont engagées à fournir de l'assurance à toutes les personnes qui en font la demande. Il est entendu qu'il y a d'autres points bien importants, comme la surveillance des routes, la vigilance de la Sûreté du Québec, l'application des règlements de sécurité routière, etc., qui entrent en ligne de compte. Je suis bien d'accord que ce n'est pas le rôle des compagnies d'assurances comme telles, que nous aurions peut-être un travail d'éducation à faire de ce côté.

Pour ce qui a trait à la formule V2C, on sait très bien que les personnes qui se font arrêter, sont victimes d'un léger accident, qui n'ont pas d'assurance...

Mme Payette: Qui avaient un permis, mais qui n'avaient pas d'assurance.

M. Roy: ... qui avaient un permis de conduire, mais qui n'avaient pas d'assurance et qui ont été impliquées dans des accidents mineurs, voire même ont commis une infraction au Code de la route —soit un feu rouge ou autrement—reçoivent un avis de suspension du permis de conduire ou, lorsqu'il y a une réclamation — pardon, je ne voudrais pas mêler les deux choses — même si elle est minime, celle-ci est envoyée au bureau d'indemnisation des véhicules automobiles. Tant et aussi longtemps que la réclamation n'est pas payée au fonds d'indemnisation des véhicules automobiles, on doit fournir une formule V2C au bureau des véhicules automobiles pour être en mesure de renouveller ou de garder son permis de conduire.

Est-ce que cette formule V2C, concernant le coût de cette formule, puisqu'on prend la prime d'assurance automobile, je pense, mon collègue de Montmagny-L'Islet n'est pas ici... On prend la prime d'assurance automobile, on l'augmente de $50 et on multiplie par deux, je pense que c'est la formule qui a été retenue un peu partout, d'après les informations dont je dispose. J'aimerais savoir quelles sont les recommandations que votre bureau peut faire à ce niveau parce que cela implique des coûts assez astronomiques pour plusieurs personnes.

M. Moreau: Le Bureau d'assurance du Canada ne se permet pas de faire des recommandations dans ce sens au niveau des primes. Les risques auxquels vous faites allusion et qui doivent compléter une formule V2C, dans les cas où il y a eu usage d'alcool, par exemple, sont en général assurés par l'organisme qu'on appelle le "Facility" qui est un organisme de réassurance interne à l'intérieur de l'industrie des assurances. C'est cet organisme qui, se basant sur les statistiques du livre vert et sur ses propres statistiques, détermine les pourcentages qui doivent être ajoutés à la prime de base dans ces cas, de façon que cette classe de gens porte elle-même son risque. Peut-être que M. Brouillette pourrait ajouter quelque chose à cela.

M. Brouillette: Je pourrais peut-être répéter ce que vous venez de dire, en terminant. Si on exige une surprime — ce que vous avez mentionné, 50 plus deux fois, me semble exagéré; il faudrait vérifier, mais il est probable qu'on exige une surprime — ce n'est pas, en aucune façon, pour pénaliser l'individu ou pour lui faire payer les frais de sa formule ou quoi que ce soit. On considère — et c'est ce que les statistiques démontrent dans ces cas — qu'ils représentent un risque plus élevé que les autres. C'est la raison pour laquelle on exigerait une prime plus élevée.

M. Roy: En somme, vous exigez une prime plus élevée à ce niveau, peu importent la façon dont la prime est calculée et les méthodes utilisées, parce que cela représente un risque plus élevé et non pas parce que cela devient une exigence des lois...

M. Brouillette: Non, absolument pas.

M. Roy:... concernant, par exemple, l'administration ou la gestion du fonds d'indemnisation.

M. Brouillette: Non.

M. Roy: C'est une question qui m'a été posée souvent et c'était assez difficile d'y répondre. Je vous remercie de m'avoir fourni cette réponse.

J'aimerais aborder deux autres questions pour changer de sujet. Sur le remboursement, vous avez répondu, tout à l'heure, à une question qui a été posée par le député de Nicolet-Yamaska à l'effet que les compagnies d'assurance doivent effectivement payer la taxe de 2%, mais vous devez également rembourser l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation. J'ai cru comprendre que vous aviez parlé également de la Commission des accidents du travail. Est-ce que la Commission des accidents du travail fait des réclamations aux compagnies d'assurance automobile? J'imagine que cela doit concerner les accidents qui surviennent entre le lieu de travail et le bureau de l'entreprise, lorsque les travailleurs doivent déménager sur des chantiers de construction, entre autres. C'est peut-être le domaine le plus clair.

M. Moreau: C'est tout accident subi par un ouvrier qui est sujet à la Loi des accidents du travail et qui survient au moment où il exécute son travail. A ce moment-là, il a droit aux indemnités prévues par la Loi des accidents du travail du Québec, mais en retour la loi permet à la commission d'être subrogée dans les droits de la victime et d'être indemnisée par la tierce partie responsable. La commission a un droit de recours contre l'automobiliste qui a blessé l'ouvrier et, par le fait même, contre l'assureur de cet automobiliste. C'est ce qu'on entend par le remboursement des assureurs à la commission.

M. Roy: Mais prenons le cas d'une personne qui est victime d'un accident en se rendant à son travail. Elle est victime de blessures corporelles et la Commission des accidents du travail lui paie des indemnités alors qu'elle a été victime d'un accident d'automobile, même d'un accident d'automobile dont elle est responsable. Lorsqu'elle est assurée pour sa vie, pour ses blessures corporelles dans son automobile, est-ce que cela veut dire qu'également les assureurs doivent rembourser la Commission des accidents du travail dans des cas semblables?

M. Moreau: L'assureur doit rembourser la commission de tous les déboursés qu'elle fait en fonction de la Loi des accidents du travail, qui, elle, ne tient pas compte des responsabilités; du fait qu'un ouvrier est blessé au cours de son travail, il a droit aux indemnités de la Loi des accidents du travail. Alors, dès que la commission a fait un déboursé dans ce sens-là, si, à ce moment-là, on peut établir la responsabilité d'un automobiliste immédiatement, il y a un recours contre cet automobiliste et, par le fait même, contre son assureur.

M. Roy: Dans le cas du fonds d'indemnisation, est-ce que vous avez des chiffres, est-ce que vous pouvez informer la commission du pourcentage des primes d'assurances, du volume des assurances qui doit être transmis, qui doit être remis au fonds d'indemnisation, parce qu'en somme le fonds d'indemnisation est alimenté par les compagnies d'assurances? Qu'est-ce que cela représente dans le volume des primes?

M. Moreau: Je pense que M. Brouillette peut nous donner cela.

M. Brouillette: Environ 4%, je crois, de la prime de responsabilité civile; si cette prime représente 65% de la prime totale, cela veut dire 2 1/2% à 3% de la prime totale.

M. Roy: Avec l'assurance obligatoire, ce pourcentage pourrait varier de combien? Est-ce que vous avez des études de ce côté?

M. Brouillette: Pour ce faire, il faudrait faire la distinction entre quelle partie va au niveau des dommages matériels et quelle partie va au niveau des dommages corporels. Il y a certainement des travaux qui ont été faits dans ce sens, mais on n'a pas, je pense, les chiffres disponibles ici; c'est probable que tout dépend de ce qu'on suppose en termes de pourcentage de non-assurés. Comme on l'a mentionné tantôt, même avec l'assurance obligatoire, il est certain qu'il va y avoir quand même un certain nombre d'individus qui vont rouler sans assurance; l'expérience de toutes les autres juridictions où il y a eu l'assurance obligatoire le démontre; je ne pense pas qu'on va faire des...

M. Roy: Vous ne prévoyez pas de ce côté une grosse diminution en ce qui a trait aux déboursés que vous avez à faire?

M. Brouillette: ... Selon la façon dont l'assurance obligatoire va être appliquée et selon aussi l'acceptation ou le rejet des propositions qu'on a faites dans notre mémoire à l'égard du droit de recours des non-assurés et de la subrogation entre assureurs, cela peut certainement avoir une influence. Il faut mentionner encore là que c'est un élément qui va devoir être payé; on n'a eu aucune information, je pense, quant à la façon précise dont cela devrait être payé par les automobilistes. Il semble que ce ne fera plus partie de la prime d'assurance; dans nos comparaisons, lorsqu'on compare les coûts du régime actuel et les coûts du régime proposé, c'est un élément dont on ne tient pas compte, on n'a mis aucun montant pour couvrir les déboursés du fonds d'indemnisation.

M. Roy: Une dernière question, parce que je m'aperçois que le temps passe et je ne veux pas abuser. A la page 8 de votre mémoire, vous parlez de la rémunération des intermédiaires, 11,3% de la prime. Dans le dernier paragraphe, vous dites: "Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit administré par l'Etat ou non, la question de la rémunération des intermédiaires se pose à peu près dans les mêmes conditions. L'assuré devrait être libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un courtier." Est-ce que toutes les compagnies d'assurances offrent actuellement le service de vente au comptoir ou de vente, je ne sais pas quelle est la formule que vous utilisez, le langage que vous utilisez? Y a-t-il des compagnies où il n'est pas possible de transiger autrement qu'avec un courtier?

M. Moreau: Non, en fait c'est l'un ou l'autre, parce que, s'il fallait procéder des deux façons, cela compliquerait énormément toute la question du marketing d'une compagnie. C'est pour cela que vous avez des assureurs qui sont ce qu'on appelle des "direct writers", qui écrivent directement, ou qui transigent directement avec le public, soit au comptoir, soit par l'entremise d'agents exclusifs qui ne travaillent que pour eux.

Vous avez les assureurs qui fonctionnent sous le système le plus fréquent, c'est-à-dire représentés par les courtiers d'assurances.

M. Roy: En somme, ce que vous dites c'est que dans les compagnies d'assurances ils ont choisi une ou l'autre des deux formules. Il n'y a pas de formule mixte. Mais vous proposez dans votre mémoire que l'assuré devrait être libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un courtier.

M. Moreau: II peut comme aujourd'hui choisir un assureur avec qui il peut transiger au comptoir ou s'adresser à un courtier, qui lui, lui trouvera un assureur de son choix, un assureur qui lui conviendra le mieux. C'est ce qu'on veut dire.

M. Roy: Mais il n'y a pas de diminution de prime s'il fait affaires directement avec la compagnie ou avec le courtier.

M. Moreau: II n'y a pas de diminution de prime apparente. M. Dorval, peut-être?

M. Dorval: On peut dire que certaines compagnies qui offrent le service par courtier par rapport à celles qui offrent... Pour revenir sur la question des primes, du coût apparent ou non apparent, certaines compagnies ont une politique qui vise à donner une ristourne à leurs assurés, selon qu'ils ont eu des accidents ou non, selon qu'ils ont été trouvés coupables d'accidents ou non. Cela se fait dans le système direct. On peut considérer cela comme étant des épargnes. Par exemple, on peut dire qu'il existe un groupe où les assurés de ce groupe peuvent faire affaires soit avec des compagnies à courtiers ou avec des compagnies qui vendent leur assurance directement au comptoir ou par agent.

M. Roy: Remarquez bien que si je pose cette question ce n'est pas que je vise l'élimination des courtiers. En ce qui me concerne personnellement, j'aime bien mieux faire affaires avec un courtier qu'avec quelqu'un qui n'a à peu près de comptes à rendre à personne.

M. Allard: II faut dire que le monopole qui est proposé pour les dommages corporels élimine le courtier. Nous, on dit: Peut-être faudrait-il laisser au public le choix de transiger par un courtier ou de ne pas transiger par un courtier. Actuellement il y a les deux systèmes qu'on a énumérés tantôt. Il faut dire que c'est l'exception, la ou les compagnies qui transigent directement, et que la grande majorité des assureurs transigent leurs affaires par l'intermédiaire des courtiers.

M. Roy: II n'a pas été prouvé que cela a été avantageux pour les compagnies et pour les assurés de faire affaires directement avec des compagnies? C'est préférable de transiger avec un courtier?

M. Tremblay (Marcellin): Le fait est, M. le Président, que c'est 85% des affaires d'assurance automobile qui sont transigés par les courtiers et peut-être que mon chiffre a changé. C'est peut-être un peu plus à l'heure actuelle.

M. Roy: C'est peut-être bon que le gouvernement prenne bonne note de cela en une période durant laquelle on parle et on cherche des formules. On fait passablement d'études à l'heure actuelle pour humaniser l'administration publique, au moins, ne faisons pas d'effort pour déshumaniser ce qui est humain.

Je remercie les membres du BAC, même si j'ai eu des questions peut-être un peu de reproches à leur faire sur certains domaines. Je peux vous dire que mes intentions sont bonnes. On cherche tous à trouver des formules pour tâcher d'améliorer le système d'assurance de façon que la population du Québec et que tout le monde s'en trouve plus heureux. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'avais quelques questions à poser aux invités, mais compte tenu de l'heure, si on me dit que, de l'autre côté, il n'y aurait pas d'autres questions je... il y a des questions de l'autre côté. Puis-je vous demander, M. le Président, ce qu'on compte faire? Il est 17 h 55. Va-t-on ajourner ou si on va continuer?

Le Président (M. Boucher): Compte tenu du règlement, nous devons ajourner à 18 heures. Est-ce que les membres de la commission sont prêts à aller plus loin pour permettre aux invités de ne pas être obligés de revenir demain?

M. Roy: Aucune objection. On peut dépasser 18 heures, 18 h 15 même, ou 18 h 30 pour permettre aux autres membres de la commission...

M. Saint-Germain (Noël): Pas d'objection, M. le Président, si nos invités ont du temps à disposer.

M. Moreau: Aucune objection.

Le Président (M. Boucher): Du consentement des membres, nous continuerons aussi longtemps qu'il sera nécessaire.

M. Bisaillon: Est-ce qu'on fixe un maximum, M. le Président? Cela va m'indiquer quand même...

Le Président (M. Boucher): On a parlé de 18 h 30.

M. Bisaillon: Cela va m'indiquer quand même...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, est-ce que vous maintenez 18 h 30?

M. Bisaillon: M. le Président, je vais commencer...

M. Moreau: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Excusez-moi. J'avais omis de demander aux invités s'ils étaient consentants. Est-ce que cela vous irait de continuer jusqu'à 18 h 30?

M. Moreau: Assurément. Dans l'entreprise privée, on ne compte pas son temps. On ne part pas au son de la cloche.

Le Président (M. Boucher): Je vous remercie.

M. Bisaillon: M. le Président, je vais commencer, moi aussi, par un court préambule. Je dois avouer que depuis les débuts de cette commission permanente nous sommes, de ce côté, un peu désorientés. Les objectifs que nous poursuivons, au niveau d'une commission parlementaire, sont, bien sûr, de recevoir les groupes qui désirent s'exprimer sur un projet de loi.

Notre travail, au niveau des députés ministériels, est souvent plus difficile que celui du côté de l'Opposition, puisqu'on doit tenir compte d'un projet qu'on a quand même participé à élaborer; on doit en même temps essayer de voir dans chacun des arguments qui nous sont apportés ce qu'il nous serait utile de conserver, ou peut-être aussi, à certains moments, les arguments qui pourraient nous faire changer d'idée.

Cela rend notre travail difficile. A certains moments, cela rend même notre crédibilité un peu difficile à assurer auprès de nos invités. Par ailleurs, comme je vous l'ai dit, c'est parfois assez déconcertant. Si je prenais les groupes qui se sont présentés devant nous depuis le début, à plusieurs reprises, ils sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas tellement d'accord avec le projet de loi, pour, finalement, nous demander de leur donner...

Par exemple, si je prends les réparateurs d'automobiles, ils disaient: C'est tout à fait aberrant que vous donniez aux compagnies d'assurances le pouvoir de déterminer les montants de réparations puisqu'elles seront en même temps juge et partie. Nous ne sommes pas d'accord que vous donniez cela aux assureurs, mais laissez-nous cela. Nous

allons nous occuper de déterminer les prix. C'est ce à quoi nous avons aussi assisté, à cette commission parlementaire.

Or, ce dont je voudrais bien que nos invités soient conscients, c'est que faire le partage de l'intérêt direct et de l'intérêt collectif est parfois assez difficile, et je pense qu'on a pu appliquer cela à une bonne partie des groupes qui se sont présentés devant la commission. Au départ, je voudrais essayer de revenir sur un certain nombre des points qui ont été amenés devant la commission depuis ce matin et poser certaines questions pour amener, au moins, je pense, des clarifications qui sont utiles. Je poserais ma première question à M. Saint-Germain.

M. Saint-Germain, en réponse à une question du député de Nicolet-Yamaska, à un moment donné, a cité en exemple le cas d'une indemnisation qui serait payée par la régie des assurances et où la régie aurait des démarches à faire pour retracer la victime à Paris—vous avez même mentionné Paris, si je me souviens bien — et vous avez profité de cet exemple pour nous expliquer que les coûts d'administration, évidemment, seraient fabuleux. Lorsque vous avez fait cette intervention, avez-vous tenu compte de l'article 12 du projet de loi?

M. Saint-Germain (Guy): II y a l'article 12, effectivement, qui permet à la régie, dans ces cas, d'en venir à une entente. C'est à relier aux commentaires que j'avais eus auparavant; on voit difficilement pourquoi vous ne donneriez pas à tous les citoyens du Québec la liberté de choisir entre une rente et un montant en capital.

M. Bisaillon: Sauf que vous avez fait le parallèle avec la Commission des accidents du travail. A la Commission des accidents du travail, il est effectivement possible que la commission accorde un montant global, mais à sa convenance, c'est-à-dire selon la décision propre de la Commission des accidents du travail.

M. Saint-Germain (Guy): Je n'ai pas fait de parallèle avec la Commission des accidents du travail. Je pense que le député qui m'interrogeait, à ce moment, lui, en faisait une.

M. Bisaillon: Vous admettez quand même que dans le projet de loi actuel, il est prévu que pour une certaine catégorie, il est possible que le montant, l'indemnité soit payée...

M. Saint-Germain (Guy): L'article 12 est très clair à ce sujet. On dit que c'est une raison de plus pour laquelle cela nous apparaît discriminatoire. On ne voit pas pourquoi tous les Québécois n'en profiteraient pas et qu'on donnerait le droit à la régie de décider qui va en avoir et qui n'en aura pas.

M. Bisaillon: Comme il y a déjà des précédents du même type, est-ce que vous ne pensez pas que cela peut se présenter comme normal ou acceptable?

M. Saint-Germain (Guy): Ma réponse à cela serait qu'à mon sens cela procède d'une attitude paternaliste de la part de l'Etat qui veut administrer pour les autres leur montant en capital. J'ai peut-être tort. Une bonne façon de le vérifier serait pour vous autres de le demander aux gens en le rendant possible. Vous verriez, automatiquement, selon le nombre qui choisit la rente plutôt que le capital, si vous avez raison ou tort. Je dois constater, moi, qu'il y a une contrainte qui m'apparaît contre-indiquée.

M. Bisaillon: Deuxième question. A un moment donné, M. le Président, il a été question — et là on entrait dans des cas particuliers, ce qui est toujours un peu difficile quand on examine une loi et qu'on veut l'apercevoir d'une façon générale — de suicide et on s'est servi peut-être de cela de façon un peu démagogique. Je voudrais demander aux représentants qui sont devant nous actuellement si on exclut...

M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, je ne crois pas que le mot "suicide" soit démagogique. C'est une question de fait.

M. Bisaillon: Non, l'utilisation qu'on a faite...

M. Saint-Germain (Noël): Je n'ai fait aucune utilisation.

M. Bisaillon: Je ne parle pas du député de Jacques-Cartier, je parle de la réponse. Si M. le député de Jacques-Cartier voulait me laisser continuer, M. le Président, peut-être qu'il pourrait comprendre avec un peu de temps...

M. Saint-Germain (Noël): Si je ne suis pas visé, je vais me retirer. Je croyais que vous aviez insinué que ma question avait été démagogique.

M. Saint-Germain (Guy): La question pourrait ne pas être démagogique, mais la réponse le serait. Est-ce que c'est cela que vous voulez dire?

M. Bisaillon: M. le Président, si on peut me laisser terminer ma question, je pense que je suis ici pour poser des questions et on y répondra. Si on n'est pas d'accord avec la question que je pose, on donnera toutes les interprétations qu'on voudra lui donner. Il me semble que le minimum serait de me laisser poser ma question. Je suis ici pour cela, poser des questions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie, vous avez la parole.

M. Bisaillon: On a, à un moment donné, parlé de suicide. Je veux faire le tour de la situation actuelle. Je suis un automobiliste et j'utilise ma voiture pour me suicider. Je me frappe sur un arbre ou je rentre dans le champ ou dans la rivière. Il n'y a personne qui peut, au niveau d'un accident d'automobile, déterminer si c'est, oui ou non, un suicide. Est-ce exact?

M. Saint-Germain (Guy): C'est exact.

M. Bisaillon: En quoi la situation est-elle changée?

M. Saint-Germain (Guy): C'est parce qu'actuellement il n'y a pas de paiement. A ce moment, le suicide n'entraîne pas de sinistre, n'entraîne pas d'indemnité. Tandis que dans le système que vous proposez, la porte est toute grande ouverte au paiement de l'indemnité. Le conducteur ou n'importe qui n'a qu'à décéder par suicide dans un accident d'automobile et vous paierez jusqu'à $100 000, $150 000.

M. Bisaillon: C'est cela ma question.

M. Saint-Germain (Guy): C'est dans ce sens.

M. Bisaillon: Quand vous dites qu'actuellement cela n'entraîne pas de paiement...

M. Saint-Germain (Guy): II n'y a personne qui paie pour cela à moins que le suicidé soit de connivence avec un auteur responsable, mais c'est assez rare.

M. Bisaillon: Vous voulez dire que, par exemple, je conduis mon automobile, j'ai un accident, cela pourrait être un accident, ce n'est pas nécessairement un suicide, je décède, personne ne peut recevoir d'argent.

M. Saint-Germain (Guy): Si vous frappez, disons...

M. Bisaillon: Les compagnies d'assurance ne paient pas actuellement?

M. Saint-Germain (Guy): Non, à moins que...

M. Bisaillon: Si je suis assuré, par exemple, pour mes propres dommages...

M. Saint-Germain (Guy): Si vous frappez un arbre ou si vous frappez un mur de ciment, il n'y a personne qui paie, parce qu'il n'y a pas de responsabilité.

M. Bisaillon: II n'y a aucune réclamation. Mais si je suis assuré pour mes propres dommages?

M. Saint-Germain (Guy): On va payer les dommages matériels. D'ailleurs, dans le système proposé on va continuer à payer les dommages matériels en cas de suicide, mais en plus vous paierez une large indemnité en matière de blessures corporelles. C'est ce qu'on veut dire.

M. Bisaillon: Alors, actuellement on paye la voiture, mais on ne paye pas l'être humain.

M. Saint-Germain (Guy): On paye la voiture à condition qu'il ait la couverture pour collision; seulement 50% des Québécois l'ont. Je ne sais pas si 50% des suicidés l'ont.

M. Bisaillon: Un troisième exemple; on a parlé — je pense que c'était encore à la suite d'une question du député de Nicolet-Yamaska — des interventions d'un certain nombre de membres du Parti québécois qui avaient traité les compagnies de voleurs. Je voudrais revenir sur cela; je pense que ce qui a été dit, à un certain moment, face à l'ensemble du problème de l'assurance automobile, c'est que, dans ce domaine de l'assurance automobile, il y avait eu des abus, des abus qui n'étaient pas nécessairement identifiables à une seule catégorie de personnes oeuvrant dans le domaine de l'assurance automobile, mais à une série de facteurs; exemple, le trop grand nombre d'accidents, l'expérience de conducteur, la présence de tiers, aussi des profits excessifs à certains moments. Ma question porte plutôt sur les profits excessifs. Récemment la régie anti-inflation a déterminé, a dénombré six compagnies d'assurances qui avaient fait des profits excessifs. Or, ces six compagnies d'assurances sont toutes des compagnies oeuvrant au Québec. Je voudrais savoir quelle est votre attitude face à ce phénomène, comment vous l'expliquez. Est-ce que cela s'explique, d'abord, et d'où vient cette chose? Deuxièmement, quelle est votre attitude devant cela?

M. Saint-Germain (Guy): Vous venez de nous procurer l'occasion d'éclairer, par vous, la population sur ce sujet. D'abord, quand on utilise les mots "profits excessifs", c'est un abus de termes, parce qu'il faut parler de revenus en excédent des indicateurs. De la même façon, j'imagine que, lorsqu'il s'agit de consentir des augmentations de salaires, on ne parle que très rarement d'augmentations excessives. Il faut parler d'augmentations en excédent des indicateurs également. Si les compagnies se sont trouvées prises avec des revenus en excédent des indicateurs, c'est tout simplement parce qu'il y a eu une chute de fréquence qui a été très appréciable et que la base retenue par l'autorité compétente, le gouvernement fédéral, pour calculer les indicateurs est totalement inadéquate dans le cas des assureurs généraux. D'ailleurs, depuis que ces indicateurs ont été implantés, les assureurs ont fait des représentations, presque chaque mois, pour tenter d'arriver à une base plus satisfaisante, mais il y a évidemment des problèmes politiques à reconnaître que les indicateurs, dans le cas des assureurs généraux, ne devraient pas s'appliquer. A l'heure présente, nous ne sommes pas certains que les indicateurs ne seront pas changés dans le cas des assureurs.

Pour compléter la question, puisque vous m'en fournissez l'occasion, comme président d'une entreprise, je peux vous répondre par une autre question. Comme assureurs, on n'a pas eu de recettes excédentaires encore, mais on va en avoir, c'est une question de temps. On se trouve dans la situation où on ne peut pas payer à nos employés le même niveau de rémunération qu'on consent dans la fonction publique au Québec, à cause des indicateurs et, pourtant, nous devrons déclarer des recettes excédentaires.

Imaginez que, dans le cas de nos employés — et cela s'applique à tous les employés du

secteur des assureurs généraux—c'est assez difficile pour eux de comprendre qu'ils doivent se limiter la première année, puisqu'on recule deux ans et demi en arrière, à 12% alors que la fonction publique se tapait 26,6% la deuxième année, etc. Si vous pouvez répondre à cela, plusieurs sont présents ici et c'est certain qu'ils apprécieraient votre réponse. C'est tout simplement pour dire que l'inflation est un problème, il affecte les assureurs généraux et, au niveau des profits et au niveau des capacités de payer des salaires et ce n'est pas facile de vivre dans ces conditions. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Bisaillon: Cela répond à ma question. Quant à moi, je ne suis pas prêt à donner une réponse à la question qui m'est posée, mais je suis prêt à prendre un engagement si on m'assure aujourd'hui qu'effectivement l'excédant sera payé en salaire à tous les employés. Je serais bien prêt à faire des pressions avec vous sur Ottawa pour qu'on change les indicateurs.

M. Saint-Germain (Guy): Cela nous fera plaisir.

M. Bisaillon: II faudrait avoir cette assurance-là.

M. Saint-Germain (Guy): Je vous invite à venir répéter cela au Groupe commerce. Je suis certain que mes collègues feront la même chose.

M. Bisaillon: Est-ce que les six compagnies dont il était question étaient dans le domaine de l'assurance automobile ou si c'était de l'assurance générale?

M. Saint-Germain (Guy): C'était dans le domaine de l'assurance générale. Maintenant, si vous voulez, l'indicateur permis par la Commission fédérale de l'inflation autorise, pour les assureurs qui ne le faisaient pas, un rendement de 3% sur le capital investi. A 3% sur le capital investi, si on tient compte de la réalité dans laquelle un assureur doit fonctionner, cela équivaut à un rendement de 8% qui est permis dans les autres genres d'entreprises.

Mais à 3% dans le cas des assureurs, cela signifie qu'un assureur est obligé de faire une perte technique, c'est-à-dire de débourser plus de sinistres qu'il ne reçoit de primes, parce que son revenu de placement, dans les conditions actuelles, avec les taux d'intérêt qu'on connaît — vous les connaissez très bien aussi — nous font réaliser un revenu de placement de l'ordre de 4% sur le capital investi; alors, les assureurs sont forcés à faire une perte technique de 1%, au minimum, de façon à ne pas dégager de recette excédentaire. S'il fallait que cela continue indéfiniment, il y aurait encore un problème de marché comme il y a eu; il y a eu une rareté d'assurance tout simplement parce que les capitaux ne venaient pas du côté de l'assurance générale. Vous savez que pour chaque dollar de prime qu'on écrit, cela nous prend au moins $0.30 de capital, en vertu de la loi actuelle.

M. Bisaillon: Ma dernière...

M. Roy: Vous dites qu'en vertu de la loi actuelle, pour chaque dollar souscrit... Souscrit, si j'ai bien compris?

M. Saint-Germain (Guy): Oui, pour chaque dollar de prime souscrit, un assureur doit disposer d'un capital de $0.30.

M. Roy: Et cela a pour conséquence de hausser les primes si la structure financière de la compagnie... Ou cela limite le nombre de risques?

M. Saint-Germain (Guy): Non, la hausse...

M. Roy: Quelles sont les conséquences d'une compagnie qui, à un moment donné, en vertu du nombre de propositions qui lui sont faites, ne pourrait pas satisfaire les exigences des $0.30?

M. Saint-Germain (Guy): Elle peut avoir recours — et plusieurs d'entre nous le font — à la réassurance.

M. Allard: Ou elle pourrait limiter la souscription. C'est un peu ce qui s'est passé, il y a deux ans ou trois ans, quand des gens se plaignaient qu'ils ne pouvaient pas obtenir d'assurance parce qu'il y avait des compagnies qui n'étaient pas en mesure de donner les réserves nécessaires pour assurer l'expansion de leurs affaires. On s'est trouvé dans cette situation. Ce ne sont pas des suppositions, cela a été vécu.

M. Roy: Cela a été vécu?

M. Saint-Germain (Guy): A un moment donné, à travers le monde, le capital requis pour conduire des opérations d'assurances générales, vous pouvez le quantifier et il se situe à plusieurs milliards de dollars. Si soudainement, à cause d'un phénomène d'inflation, toutes les valeurs à assurer font qu'un avion, au lieu de $50 millions, est à $100 millions, vous avez vous-même une maison d'habitation pour laquelle, soudainement, au lieu de $30 000, c'est $60 000. Si les valeurs à assurer augmentent, cela a été le cas en deux ou trois ans, cela a doublé partout, les capitaux qui étaient impliqués dans tout le monde entier pour les assurances générales n'ont pas doublé pour autant.

C'est ce qui a créé la rareté de marché dont, ici au Québec, on a eu le problème. Cela a été la même chose aux Etats-Unis, cela a été la même chose partout.

M. Bisaillon: Ma dernière question, M. le Président, et cela concerne les discussions qui ont eu lieu à un moment donné au sujet des courtiers. Quant à moi, vous savez que, lorsqu'on a reçu les courtiers d'assurances, j'ai reconnu et je reconnais encore le fait que, peu importe que le projet de loi soit modifié ou non dans le sens qu'ils deviendront ou pas des distributeurs pour la partie corporelle, ils auront effectivement un travail d'information normal, je pense, à donner à leurs

clients, c'est-à-dire leurs clients les rencontreront pour d'autres problèmes. Je pense effectivement aussi que cela va devoir amener— ce n'est pas un préalable pour moi — des négociations éventuelles avec le gouvernement. Mais je ne vois pas ce qu'il y a de contradictoire, par ailleurs, à ce qu'on pose la question à des représentants de compagnies d'assurances pour savoir si, parallèlement à cela, il n'y a pas aussi des négociations qui devraient se tenir entre les courtiers et les compagnies d'assurances. Evidemment, vous pourriez me répondre que cela peut se faire individuellement d'une compagnie d'assurance à l'autre, sauf que moi je vais vous dire une chose; c'est que dans d'autres domaines il y a eu des précédents aussi où, par législation, on a forcé des employeurs différents à se regrouper autour d'une même table de négociation, parce que c'était un problème particulier.

Je donne l'exemple de la construction. Dans le domaine de la construction, parce que là il y avait un problème véritable, on a regroupé les employeurs, on a forcé un regroupement d'employeurs. Est-ce qu'au niveau des compagnies d'assurances une telle possibilité est à envisager et qu'est-ce que vous trouviez de contradictoire dans notre attitude au moment où on parlait de négociation entre des courtiers et des compagnies d'assurances?

M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, on ne trouvait absolument rien de contradictoire. Première chose, le gouvernement n'a pas négocié avec eux lorsqu'il a dit tout simplement: Je les élimine. On a dit, deuxième chose, que l'association des compagnies, le Bureau d'assurance du Canada n'est pas un organisme mandaté pour négocier des conditions de travail, pas plus pour les courtiers que pour les employés de la compagnie. C'est cela le jeu de la libre concurrence, c'est à peu près tout ce qui reste, qu'on laisse à chaque entreprise. Je peux bien payer une commission un peu différente de l'autre et avoir des frais d'administration plus bas; cela devient une question de stratégie. C'est là qu'on n'est pas un monopole, comme un autre député le disait tantôt, c'est là qu'on n'a pas un cartel; chaque entreprise a la liberté de transiger, avec les courtiers qui la représentent, les conditions de travail.

M. Bisaillon: En pratique, actuellement, est-ce qu'il y a une très grosse différence entre les ristournes, les commissions versées par les diverses compagnies d'assurance aux courtiers? Il n'y a pas quand même un barème d'établi au niveau des compagnies?

M. Tremblay (Marcellin): Non, j'admets qu'il n'y a pas un gros niveau de différence, c'est bien évident. Selon le jeu de la concurrence, si l'un agit de telle manière, on finit par s'y prendre un peu de la même manière. On a toujours une ressemblance avec chacun. Mais il reste quand même qu'il existe des différences, il pourra en exister dans l'avenir; cela reste le problème de la compagnie. Je répète que cela ne peut pas être un organisme extérieur, à moins que ce soit imposé par législation. Cela ne peut pas être un organisme extérieur qui décide de la manière qu'on va rémunérer tant notre personnel à commission que notre personnel de salariés.

Cela devient un problème d'employeurs à employés ou de relations de vendeurs à compagnies.

M. Bisaillon: Pour ce qui est du personnel de salariés, je suis d'accord avec vous, parce que c'est du personnel qui est circonscrit à l'intérieur du cadre d'une entreprise.

Mais, quand c'est un courtier qui a à traiter avec un ensemble de compagnies, parce que c'est cela, finalement, et qu'on reconnaît que, dans la pratique, le taux de commission qui est payé à des courtiers ne varie pas beaucoup d'une compagnie à l'autre, que, quand c'est modifié, soit à la baisse, soit à la hausse, c'est à peu près modifié à la baisse ou à la hausse partout, à ce moment, il me semble qu'il commencerait à être normal de parler de mettre tous les gens à la même table, puisque déjà cela semble se faire par le jeu de la libre concurrence, cela pourrait se faire par le jeu de la libre discussion.

Deuxièmement, quand vous dites qu'on met les courtiers de côté, notre prétention est que même si nous reconnaissons que, peut-être, éventuellement, il faudra négocier avec les courtiers les services qu'ils pourront rendre à l'Etat, même si nous reconnaissons cela, nous ne les mettons pas de côté. Nous leur enlevons temporairement peut-être une partie du marché qu'ils ont actuellement, mais nous leur en accordons un autre par une augmentation de clientèle. Est-ce que l'augmentation de clientèle sera payante ou pas? Ce sera votre problème. C'est finalement cela. Nous ne les enlevons pas plus que les compagnies d'assurances qui ont décidé de procéder au comptoir plutôt que par des courtiers. Vous reconnaissez que des compagnies d'assurances, actuellement, procèdent au comptoir, ou par des agents engagés par la compagnie qui ne traîtent qu'avec cette compagnie. C'est à peu près le même système, finalement. Nous ne les rayons pas plus de la carte que les compagnies qui ont procédé de cette façon ne les ont rayés de la carte.

M. Tremblay (Marcellin): Avec la grosse différence que vous prenez 100% du paquet.

M. Bisaillon: 100% d'un petit paquet.

M. Tremblay (Marcellin): Oui. Toute la partie des blessures corporelles, c'est 100% fait par la régie d'Etat. A ce moment, cela concerne tout le monde. Quand vous dites que c'est un choix, le courtier n'a pas le choix de représenter ou de ne pas représenter.

Mme Payette: Me permettez-vous de corriger, parce qu'il y a une erreur flagrante? Nous prenons 100% des blessures corporelles, mais l'entreprise privée aura droit d'offrir la couverture des blessures corporelles pour la couverture supplémentaire

qu'environ 15% de la population — selon nos évaluations— sentira le besoin de prendre auprès de l'entreprise privée. Ce n'est pas non plus aussi exclusif que vous semblez vouloir le laisser entendre.

M. Tremblay (Marcellin): Cela a toujours existé. Nous avons toujours eu le droit de nous assurer contre les accidents. Cela fait longtemps. Quand on prend l'avion, on prend une assurance contre les accidents. Ce n'est pas un droit nouveau que vous donnez aux gens. Cela a toujours existé. Dorénavant, nous serons obligés d'en prendre, parce que, le régime d'Etat n'étant pas complet, nous serons obligés d'en souscrire beaucoup plus qu'autrefois. Cela a toujours existé. Cela fait longtemps que nous en vendons.

Mme Payette: Dans la réforme que nous proposons, nous pensons couvrir 85% de la population. Il se peut que 15% de cette population estiment ne pas être couverts entièrement pour les pertes économiques.

Ces 15% sont un marché ouvert à l'entreprise privée et aux courtiers.

M. Tremblay (Marcellin): Oui, ce serait un marché nouveau, je suis d'accord, mais ce droit n'est pas nouveau, il a toujours existé.

M. Saint-Germain (Guy): Peut-on entendre vos experts sur les 15% additionnels? Je peux résumer leur pensée, c'est un cadeau de Grec, parce qu'il n'y a réellement pas grand-chose de ce côté.

M. Bisaillon: Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites qu'il n'y a pas grand-chose de ce côté?

M. Saint-Germain (Guy): Je peux peut-être demander à l'un ou l'autre de nos actuaires de vous expliquer notre pensée à ce sujet.

M. Brouillette: M. le Président, quand M. Saint-Germain dit des experts, il faut admettre qu'on n'a pas fait d'études très approfondies sur la question du régime supplémentaire. A première vue, il nous semble qu'il faut considérer, d'une part, ce qui va être permis au niveau du régime supplémentaire. Aurons-nous le droit, par exemple — c'est une question qui m'est venue à l'esprit dès le début — de vendre des protections — parce que vous parlez des 15% — aux soi-disant 85%, sous conditions, qu'ils soient responsables ou non, parce que, si on considère, comme on l'a démontré...

Mme Payette: II s'agit de 15% de la population dont le revenu pourrait être supérieur à $18 000 et qui estimeraient vouloir se couvrir pour le supplément. L'exemple que j'ai utilisé est celui de M. Guy Lafleur, je pense qu'on peut l'utiliser; il n'aurait rien contre cet exemple et cela me paraît un excellent client pour un régime supplémentaire.

M. Roy: Dans une police d'assurance-vie ordinaire, dans n'importe quelle assurance-vie, on l'a déjà.

Mme Payette: II ne s'agit pas d'assurance-vie, il s'agit d'assurance automobile dans un régime de "no fault".

M. Roy: Oui, mais une personne peut prendre de l'assurance-vie dans laquelle il y a des clauses de double indemnité et de triple indemnité en cas d'accident.

M. Saint-Germain (Guy): Si on dit que c'est un cadeau de Grec, madame, et j'accepte les commentaires de M. Brouillette, c'est qu'on le verra certainement. Peut-être que vous avez raison, peut-être qu'il y a là un marché sensationnel, mais notre raisonnement fonctionne à peu près comme ceci: Les nantis, actuellement, les 15% en question qui ne sont pas couverts, les plus de $18 000, dans la plupart des cas, sont déjà des gens qui, sous un certain aspect, sont privilégiés, et qui ont déjà des protections d'invalidité à long terme et des protections d'assurance-vie avec une double indemnité en cas de mort accidentelle, parce qu'il y a longtemps qu'ils ont découvert qu'ils avaient plus de risques de décéder dans un accident d'avion, dans un accident de taxi non couvert, ou autre chose, ou même d'être frappés par un responsable qui n'avait que $35 de limite.

C'est notre prétention que ces gens ont déjà, pour la plupart, une couverture. Il en reste un certain nombre qui ne l'ont pas. Nous croyons savoir, par ailleurs, que les assureurs-vie ont de graves problèmes avec l'assurance-invalidité à long terme et misent sur une base individuelle parce qu'on a affaire à un type de risque très spécifique. La plupart du temps, ce seront de petits entrepreneurs qui seront leurs propres employeurs.

C'est très difficile à contrôler, l'invalidité, dans ces cas. Il est probable qu'au moment où on se parle, nous puissions conclure que la prime qu'on devra exiger de ces gens sera très élevée, et ce sera une raison additionnelle pour laquelle ils ne seront pas intéressés.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Sainte-Marie, vous avez terminé? M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, je voudrais poser deux questions à Mme le ministre. On vient de parler des courtiers d'assurances. Ils sont protégés car ils ont un pourcentage de 15% de gens qui vont encore prendre de l'assurance; cela représente un coût, évidemment. Mais, personnellement, si vous avez le choix entre un courtier d'assurances ou une assurance vendue au comptoir, que prendriez-vous?

Mme Payette: M. le Président, j'estime ne pas avoir à répondre à cette question.

M. Shaw: C'est un principe que tout le monde,

tous les Québécois veulent avoir la possibilité de faire un choix parce qu'il est évident que 85% des Québécois, maintenant, font le choix de payer plus, parce que c'est toujours moins dispendieux d'acheter leurs assurances au comptoir que par l'entremise d'un courtier d'assurances, mais on commence à réduire cette possibilité. Deuxièmement, au lendemain d'une grosse tempête de neige, si vous avez un accident d'automobile, il vous faudra attendre à la queue de la longue file de personnes qui sont là en même temps à un centre de réclamations. Avec le système actuel, maintenant, on donne notre voiture à notre garagiste préféré, on appelle notre courtier d'assurances, et c'est réglé par eux. Mon temps et je crois que le temps de tout le monde ici est valable. Avec le système prévu dans le projet de loi, on voit la liste d'attente et le temps perdu.

J'ai vécu l'expérience avec la Commission des accidents du travail, c'est le vol d'un droit des Québécois. Il y en a d'autres vols. Il y a des vols parce que vous avez la concurrence. Aussitôt qu'on enlève cette concurrence c'est là que les prix vont monter. C'est un vrai coût qu'on doit considérer dans ce projet de loi. Un coût qui est caché maintenant mais, après un an, ce sera bien évident. L'effet économique sur l'étatisation de l'assurance, sur les courtiers d'assurance et sur les compagnies, les experts en sinistres, sur les avocats. Le coût du transport en commun. Le coût des taxis même.

Il y a le développement de l'industrie de l'assurance automobile privée, parce que maintenant ils sont menacés. Ils sont menacés parce que le gouvernement dit: Nous allons commencer avec les accidents qui impliquent les dommages corporels mais, demain, est-ce que ce sera un autre morceau? Est-ce que ce sera l'année prochaine, le feu et le vol? Je crois qu'il est évident que non seulement ceux qui sont ici présents aujourd'hui, mais tous les Québécois commencent à être craintifs parce qu'on parle du gros iceberg du socialisme. La possibilité de recours aux tribunaux pour avoir ce choix, c'est un choix que tout le monde a cherché toute sa vie, que nous ayons la justice, que, si on considère que nous n'avons pas la justice, nous avons les tribunaux pour nous protéger.

Il est évident qu'un fonctionnaire peut prendre une décision et il va régler le problème, il va donner un montant d'argent, il va me faire épargner quelque chose parce que les assureurs ont constaté et tout le monde sait que le coût de l'assurance automobile au Québec ne diminue pas du tout avec un système comme le bill 67. Quelques petites questions aux témoins. Vous avez parlé, aujourd'hui, des chiffres employés par le gouvernement...

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. le député de Pointe-Claire. Les membres de la commission étaient d'avis de continuer jusqu'à 6 h 30. Est-ce qu'il y a un autre délai de la part des membres?

M. Roy: D'accord.

Le Président (M. Boucher): On peut compter combien de temps?

M. Shaw: J'en ai pour environ trois minutes.

Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, à cause d'engagements préalables, je serai obligée de quitter dans environ dix minutes. Si M. le député peut faire le résumé de ses questions, je m'engage, de mon côté, à conclure tout simplement, sans poser d'autres questions.

Le Président (M. Boucher): Alors, pour dix minutes.

M. Shaw: J'aimerais bien donner un dernier moment au ministre pour poser ses questions, mais je voudrais commencer par une question qui, pour moi, est très importante, parce que tous les Québécois sont déjà vendus à l'idée que le système prévu par le gouvernement va diminuer le coût de l'assurance automobile et que cela va donner un meilleur service aux Québécois. C'est important, avec les journalistes présents aujourd'hui, que ces deux faits soient établis par les experts qui ont vécu dans le système. Croyez-vous, premièrement, aux chiffres employés par le gouvenement et qui indiquent que ce sera moins dispendieux et que le service va être meilleur? Etes-vous d'accord avec cette affirmation?

M. Moreau: Je pense, en toute honnêteté, qu'il faut admettre que le gouvernement n'a pas promis de réduction. Je dois rendre hommage au ministre d'avoir eu la franchise de le dire aux Québécois, mais notre appréciation des hypothèses de tarification qui ont été faites nous indique — à cause de notre expérience — que cela va dégénérer en des augmentations. Comme je l'ai dit dans mes remarques, au tout début, nos calculs sont très facilement vérifiables; cela va dégénérer en des augmentations qui vont varier d'un endroit à l'autre; à un endroit comme, par exemple, Hull, cela va être beaucoup plus élevé.

M. Shaw: Deuxièmement avec l'expérience de la Colombie-Britannique, qui a les mêmes sortes de chiffres et où les mêmes experts ont dit que le système étatisé serait moins dispendieux pour les citoyens de la Colombie-Britannique, combien a-t-elle perdu dans sa période d'étatisation qui dure maintenant, mais qui est changée? Combien le gouvernement a-t-il perdu dans son système d'assurance automobile?

M. Moreau: Je pense qu'il s'agit là, sur une période de trois ans, d'un montant d'environ $200 millions ou un peu plus. C'est le déficit qui, apparemment, a été constaté au moment où on a examiné la situation de ce qu'on appelle l'ICBC.

C'est à ce moment que l'on a été obligé de prendre des mesures draconiennes, c'est-à-dire réviser complètement la structure des taux et imposer aux gens de la Colombie, dans certains cas, des augmentations de 200% et de 300%. C'est le

genre de surprises auxquelles on peut s'attendre dans le cadre du genre de projet de loi 67 mis de l'avant sans consultation avec ceux qui s'y connaissent, les assureurs, et de façon trop précipitée.

M. Shaw: Question de service, est-ce que les citoyens de la Colombie-Britannique sont satisfaits du service donné par le gouvernement du temps?

M. Moreau: C'est très relatif, M. le Président. On pourrait vous produire des sondages qui indiquent qu'on a questionné des gens dans la rue qui nous disent: C'est épouvantable, le service est très mauvais. Par contre, il y en a d'autres qui disent le contraire. Il faut admettre que cela fonctionne. En toute honnêteté, cela fonctionne. Mais nous ne pensons pas que les gens du Québec seraient satisfaits d'un système semblable.

M. Shaw: Vous pouvez constater, depuis le changement de gouvernement, avec une ouverture sur le système privé, quel pourcentage d'automobiles couvre maintenant le système privé. Cela indique quelque chose. J'ai entendu dire que c'est plus que 80%. Cela indique qu'au moins 80% sont insatisfaits du système d'étatisation de la Colombie-Britannique.

M. Tremblay (Marcellin): Si vous permettez une remarque en passant à ce sujet, en Colombie-Britannique, vous vous rappelez que, dès l'implantation du régime, il y a eu une grève assez embarrassante pour l'ensemble des citoyens. Je veux juste faire une remarque. J'espère que le front commun de la Fonction publique ne viendra pas paralyser la régie trop vite, parce que, quand les provinces du Canada ont une grève de trois mois, elles peuvent s'assurer au Groupe Commerce et cela ne dérange personne. Mais quand la régie d'Etat est en grève, là, les automobiles s'attaquent. Ce fut drôle d'aller en Colombie pendant cette période et de voir le nombre d'autos qui attendaient pour être réparées. J'espère que cela n'arrivera pas trop vite ici. Je ne veux pas être prophète de malheur.

M. Allard: Pour répondre aussi partiellement à votre question, il a paru dans un journal au mois de juillet des renseignements à ce sujet qui indiquaient que c'était sur une question posée à la Chambre des députés, en Colombie-Britannique, que la Corporation de la Colombie-Britannique, la ICBC, recevait des députés 300 plaintes, en moyenne, par mois, de la part de gens mécontents du règlement de leur sinistre. Cela veut dire 3500 par année. On va dire que ce n'est pas énorme, mais je pense que cela dénote quand même un degré d'insatisfaction du régime. Cela peut vous laisser voir aussi ce qui arrivera aux députés, éventuellement, au Québec, quand on aura une régie d'Etat et qu'ils devront s'occuper des plaintes qui viendront de leurs électeurs, parce qu'il va y en avoir.

Il y en a dans le cas de la Commission des accidents du travail; cela n'arrêtera pas parce qu'on va avoir une Régie de l'assurance automobile.

Mme Payette: II y en a actuellement au service des assurances du ministère au sujet des assureurs du Québec.

M. Allard: C'est sûr qu'il y en a, mais je pensais que vous vouliez corriger la situation.

M. Shaw: Je voudrais remercier les assureurs, les représentants du BAC pour l'ouvrage qu'ils ont fait. J'espère que nous avons un gouvernement qui n'est pas sourd.

M. Moreau: Merci.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, je ne permettrai pas d'autre question et je cède la parole à Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, j'ai dit que je ne poserais pas d'autres questions pour ne pas prolonger ce débat.

Je voudrais remercier les représentants du BAC et les différents représentants des assureurs qui sont venus aujourd'hui. Les heures ont été longues; l'échange d'information, je pense, a été précieux. Il y a un certain nombre de remarques qui ont été faites et je pense les avoir mentionnées en cours de route. Nous allons réétudier un certain nombre de sujets que vous avez invoqués et nous allons très certainement devoir travailler ensemble. J'espère que votre offre de collaboration tient toujours en fin de journée; je peux vous reconfirmer la mienne à nouveau et vous dire que les services du ministère sont également ouverts aux échanges. Il y aura très certainement d'autres rencontres qui me paraissent essentielles et importantes. Je veux tout simplement vous remercier d'avoir accepté de répondre à toutes ces questions; elles ont été nombreuses, elles ont été de tous ordres. M. Moreau a signalé, ce matin, que le domaine de l'assurance automobile est complexe; je pense qu'on en est tous conscients et que, même autour de cette table, on doit reconnaître que c'est un domaine extrêmement technique.

Je remercie les membres de la commission et je vous remercie beaucoup de votre présence à cette commission.

M. Moreau: M. le Président, Mme le ministre peut compter sur toute notre collaboration sans restriction. Merci de nous avoir invités.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Moreau. Au nom de tous les membres de la commission, je remercie le groupe du Bureau d'assurance du Canada pour la présentation de son mémoire, ainsi que tous ceux qui l'accompagnent.

Pour la séance de demain, le secrétariat des commissions me communique qu'il y a quatre or-

ganismes convoqués, soit le Barreau du Québec; l'Association du camionnage du Québec Incorporée; l'Association des marchands de motos du Québec, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

M. Roy: Est-ce qu'on pourrait me dire s'il est exact que la CSN s'est désistée? Elle était au programme pour aujourd'hui.

Mme Payette: La CSN ne s'est pas désistée. Elle nous a fait savoir, cependant, que son mé- moire n'était pas prêt et elle n'a pas été en mesure de nous confirmer que son mémoire serait prêt au cours des journées d'audition de cette commission.

M. Roy: Merci.

Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses travaux jusqu'à demain, dix heures, à la salle 91-A.

(Fin de la séance à 18 h 39)

ANNEXE

Bureau d'assurance du Canada

Mémoire

présenté par le

Bureau d'assurance du Canada

à la

Commission parlementaire des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières

chargée d'étudier le

Projet de loi no 67 intitulé

Loi sur l'assurance automobile

Septembre 1977

Le Bureau d'assurance du Canada

Le Bureau d'assurance du Canada est la plus importante organisation d'assureurs I.A.R.D. exerçant au Canada. Comme l'indiquent ses statuts, le BAC a pour objet: a) Le développement des échanges dans tous les domaines concernant les assurances I.A.R.D.; b) La collecte et l'analyse de renseignements, notamment ceux d'ordre actuariel et statistique, ainsi que leur distribution, avec ou sans frais, tant à ses adhérents qu'à ses non-adhérents; c) L'étude des lois existantes et des projets de loi; d) Les interventions nécessaires par les moyens les mieux appropriés selon les cas; e) La recherche, notamment par des projets et des campagnes pilotes visant à toujours améliorer la qualité des services offerts au public; f) Les relations publiques, afin de faciliter la compréhension de la technique des assurances par le public; g) Le maintien d'une éthique professionnelle élevée à tous les niveaux; h) L'assistance requise par les membres pour procurer aux assurés les services les meilleurs et les plus économiques; i) Toutes activités nécessaires ou accessoires à la réalisation de ses objectifs.

Ne sont pas du domaine du Bureau d'assurance du Canada les questions touchant l'assurance contre la grêle, l'assurance contre les accidents et la maladie, l'assurance vie ou l'assurance maritime.

Le BAC représente presque 100 groupes de compagnies. En 1976, ces compagnies ont émis pour plus de trois milliards de dollars de primes, soit pratiquement 95% de l'ensemble des primes I.A.R.D. émises par tous les assureurs privés au Canada.

Le BAC est dirigé par un Conseil d'administration, qui en fixe les grandes orientations, en guide la Direction et met sur pied des comités chargés de diverses questions d'intérêt pour les membres.

Au Québec, les activités du BAC relèvent d'un Comité consultatif présidé par le Directeur pour le Québec et composé de dirigeants de sociétés d'assurances ayant un chiffre d'affaires considérable dans cette province.

Préambule

Le Bureau d'assurance du Canada représente, à quelques exceptions près, l'ensemble des assureurs transigeant des affaires au Québec et nous tenons à remercier le Ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions Financières de nous fournir l'opportunité de faire part de nos accords et désaccords devant cette commission parlementaire.

L'assurance automobile est très importante pour nos membres. Le volume de primes qu'elle représente au Québec est un des principaux facteurs qui a permis à nos membres, québécois en particulier, d'accéder à une taille où il devenait possible d'utiliser toutes les ressources des techniques modernes de management, et ainsi d'atteindre à des normes élevées d'efficacité non seulement dans le secteur automobile mais aussi dans le secteur des assurances biens et accidents.

Aussi est-ce avec une grande attention, que nous avons suivi au Québec, comme ailleurs au Canada et dans le monde l'évolution du dossier d'assurance automobile et que, avec grande conscience de nos responsabilités, nous avons suggéré les changements désirables. Ayant été accusés de manque de dynamisme, nous tenons à rappeler ici que nous avons suggéré une forme de no-fault obligatoire en blessures corporelles aussi tôt qu'en 1970. Nous avons ensuite, parallèlement aux travaux du Comité Gauvin, conduit une recherche, qui nous a conduits à entreprendre une campagne publicitaire pour expliquer au public les avantages d'un plan no-fault partiel en blessures corporelles. Cette recherche et cette campagne d'information sont demeurées jusqu'à aujourd'hui sans égal, tant en Amérique du Nord qu'en Europe.

Toutefois, un système de réparation des dommages corporels et matériels causés par les accidents d'automobile s'inscrit dans un cadre social, juridique et économique dont il appartient au Gouvernement d'en définir le cadre et nous ne pouvons que déplorer que nos suggestions, tout au cours des quinze dernières années, soient demeurées sans réponse à cause de la politisation du dossier de l'assurance automobile.

Compte tenu des cadres existants, nous sommes fiers du travail que nous avons fait au cours des deux dernières décades. Compte tenu de notre disponibilité totale, de nos connaissances pratiques et théoriques du dossier, de notre ouverture au changement, nous ne pouvons que déplorer — bien que nous en comprenions le pourquoi — que nous n'ayons pas été appelés à contribuer à la définition et au développement du projet de réforme de l'assurance automobile.

Nous venons ici avec un esprit positif, vous dire là où nous voyons comme vous, là et pourquoi nous voyons différemment tout en reconnaissant qu'il vous appartient comme agent politique de définir les cadres dans lesquels nous opérerons demain. Le changement ne nous effraie pas. Nous en avons vu plusieurs au Canada et ailleurs. Nous sommes confiants que la très grande majorité de nos membres demeureront au Québec aussi longtemps que les québécois désireront bénéficier des coûts et de la qualité des services rendus possibles par la libre concurrence de plusieurs agents économiques.

Création d'un monopole d'Etat

L'étatisation de l'assurance automobile est une mesure complètement injustifiée. Aucune étude sérieuse effectuée au Canada, aux Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest n'a conclu à son bien-fondé. Dans les provinces de l'Ouest, elle a toujours été le résultat de promesses électorales. Ici même au Québec, le rapport Gauvin, une des plus sérieuses recherches jamais conduites en Amérique du Nord, a démontré que l'étatisation n'était pas nécessaire.

L'assurance automobile comporte un aspect social, c'est certain, mais conclure à son étatisation pour autant, révèle une confusion inacceptable. A notre avis, une conclusion en faveur de l'étatisation doit comporter des arguments honnêtes, clairs et certains, démontrant que l'efficacité des ressources humaines et financières engagées dans un secteur s'en trouvera accrue. Autrement, notre collectivité y perd.

Le livre bleu est particulièrement faible à ce sujet. Seuls trois arguments sont avancés en faveur de la création d'un monopole d'Etat dans le secteur des blessures corporelles: le manque de dynamisme des assureurs, la rente indexée et la réduction des frais d'administration.

Quant à se demander comme le fait le livre bleu, si les assureurs ont fait preuve du dynamisme voulu pour conserver l'administration du régime, il serait sans doute plus juste de se demander si nos gouvernements, eux, se sont acquittés de leurs responsabilités en ignorant comme ils l'ont fait les multiples recommandations formulées par l'industrie des assurances depuis des années au lieu d'établir clairement le cadre dans lequel ils auraient pu opérer plus efficacement dans l'intérêt des québécois.

Lorsque le ministre des consommateurs évoque l'impossibilité où seraient les assureurs privés de servir des rentes indexées, il est bon de rappeler qu'en France par exemple les tribunaux ont, il y a quelque temps et de leur propre volonté, commencé de définir les indemnités en blessures corporelles sous forme de rente indexée. L'Etat français n'en a pas pour autant conclu à l'étatisation complète du secteur. Soucieux de maintenir la concurrence, il s'est plutôt appliqué et avec succès à trouver de concert avec les assureurs, une formule susceptible de permettre le versement d'une rente indexée. D'ailleurs les assureurs-vie le font déjà.

Dans ce domaine, l'avantage théorique de l'Etat est la possibilité de masquer les coûts réels en les reportant sur les générations futures. Les problèmes gigantesques posés actuellement par le financement des régimes de rentes des employés du secteur public sont la conséquence de cet 'avantage'.

On constate que le seul argument sérieux en faveur de l'étatisation est celui d'une réduction des frais d'administration. Il est mentionné dans livre bleu que des économies de $103 millions pourraient être réalisées en 1978 par suite de l'adoption des réformes proposées. Si le monopole pouvait engendrer de semblables économies, alors il serait amplement justifié. Tel n'est cependant pas le cas et nous entendons le démontrer. A cette fin, nous allons, en premier lieu, analyser les prévisions du Ministère à l'égard des frais d'administration de la future régie. Par la suite, nous tâcherons de mesurer aussi précisément que possible les véritables effets de la création d'un monopole d'état sur les coûts d'administration.

Selon les auteurs du livre bleu, les frais d'administration de la régie pour les dommages corporels pourraient être réduits à 6% des primes. Ceci nous apparaît complètement irréaliste. Ce pourcentage aurait été estimé à la lumière de l'expérience de trois autres organismes gouvernementaux, soit la Régie des Rentes, La Régie de l'Assurance-Maladie et la Commission des Accidents du Travail. Les deux premiers exemples nous semblent non pertinents, leurs fonctions étant très différentes de celles d'une éventuelle régie d'assurance automobile. La C.A.T. peut être utilisée comme base de comparaison mais deux distinctions importantes doivent alors être retenues: 1. Les services de la Commission s'adressent à une clientèle beaucoup plus homogène. Elle n'a pas à indemniser les sans emploi, les étudiants, les enfants ni les visiteurs étrangers. Il est certain que ces groupes, beaucoup plus que les travailleurs salariés, sont susceptibles de présenter des cas particuliers plus coûteux à administrer. 2. La C.A.T. financée par les employeurs est dans une situation idéale à l'égard de la collection des fonds. Il est bien évident que la perception des primes auprès des quelque trois millions d'automobilistes sera beaucoup plus dispendieuse.

Pour 1976, les frais d'administration déclarés par la C.A.T. représentent 8.8% du montant des cotisations. Puisque ce pourcentage n'inclut aucune provision pour les frais de règlement en suspens, il sous-évalue nécessairement l'incidence réelle de ces frais. En raison de l'insuffisance des données publiées par la Commission, il nous est impossible de mesurer l'importance de cette sous-évaluation. Néanmoins, si l'on s'en tient aux hypothèses les plus vraisemblables, cette simple comparaison nous permet de conclure que le pourcentage des frais sera de deux à trois fois plus élevé que ce qui a été avancé, à moins que la fréquence des accidents causant des blessures corporelles ne diminue radicalement. Cette conclusion est confirmée par l'expérience des régimes monopolistiques des provinces de l'Ouest dont les frais déclarés se situent au-delà de 18%.

Par ailleurs, il faut souligner que la réduction des frais d'administration par rapport au régime actuel est attribuable à la réforme du mode d'indemnisation et à l'élimination du rôle du courtier plutôt qu'à la création d'un monopole d'état.

Au terme de son analyse, le Comité Gauvin estimait à 3% de coût attribuable au monopole lui-même et jugeait cet écart insuffisant à compenser la perte des avantages de la concurrence.

L'estimé du Rapport Gauvin a été obtenu à partir de l'hypothèse d'un monopole complet qui engloberait aussi les dommages matériels. Est-ce que la formule de l'étatisation partielle proposée par le gouvernement peut entraîner certaines économies? Pour répondre à cette question, il faut considérer séparément chacun des postes les plus importants: a) les frais de règlement (13.1% de la prime)

Le no-fault total prévu dans le projet de loi 67 entraînerait une réduction substantielle des frais d'avocats et des autres frais de règlement. Cette réduction pourrait être obtenue qu'il y ait étatisation ou non. A ce chapitre, le Rapport Gauvin n'attribuait d'ailleurs aucune réduction supplémentaire à la création du monopole.

Confier l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles à la C.A.T. permettrait peut-être certaines économies par suite de l'intégration à une structure déjà existante. Ces économies ne suffisent pas à compenser les dédoublements qui résulteront de l'étatisation des dommages corporels. La grande majorité, en effet, des dommages corporels résultent d'accidents impliquant aussi les dommages matériels. Pour la plupart des accidents avec dommages corporels, l'indemnisation exigera l'intervention de deux organisations différentes. Nul doute qu'il en résultera des frais supplémentaires sans compter la frustration des victimes. b) la rémunération des intermédiaires (11.3% de la prime)

Le gouvernement envisage de rattacher la perception des primes pour les Dommages Corporels aux permis de conduire et aux plaques d'immatriculation et de confier aux Caisses Populaires la distribution de ces dernières. A l'heure actuelle, la commission au courtier représente environ 11% de la prime. Les coûts globaux des réseaux de distribution prévus peuvent probablement se situer à un niveau inférieur à ce pourcentage. Prétendre que cela constitue une économie serait cependant ridicule. Puisque la tâche du courtier ne serait pas sensiblement réduite et

qu'un réseau parallèle serait ainsi créé, il en résulterait sans aucun doute une augmentation du coût réel. Par ailleurs, il est évident que le rôle du courtier dans le régime actuel ne se limite pas à la distribution des polices et à la perception des primes; le courtier est, en effet, un intermédiaire entre l'assureur et l'assuré qui permet à ce dernier de transiger avec une personne qu'il connaît bien plutôt qu'avec une corporation anonyme. Ce service du courtier qui, en quelque sorte, permet d'humaniser le système s'adresse à l'assuré. La proposition du gouvernement nous semble arbitraire et illogique parce qu'elle entraînera une augmentation des coûts réels et une diminution des services.

Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit administré par l'Etat ou non, la question de la rémunération des intermédiaires se pose à peu près dans les mêmes termes. L'assuré devrait être libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un courtier. D'ailleurs certains de nos membres offrent l'assurance au comptoir tandis que d'autres l'offrent par les courtiers et dans le temps et dans l'espace ce sont les lois de la concurrence qui décident des succès relatifs de chaque groupe. c) Frais des assureurs (7.6% de la prime)

On doit mentionner encore une fois que les épargnes envisagées sont dues en réalité à un transfert de coût d'un secteur à un autre. Dans ce cas particulier, le Gouvernement laisse l'entreprise privée avec pratiquement les mêmes frais de souscription, d'émission et d'administration des polices mais avec une prime par police diminuée de 35% environ. De plus, les assureurs devront encourir des frais supplémentaires pour implanter le nouveau régime relativement à: — modification et réimpression des polices — nouveau plan statistique — études sur la modification du système de tarification — développement d'un plan d'assurance excédentaire en dommages corporels — mise sur pied des mécanismes de contrôle de l'assurance obligatoire.

Ces quelques remarques sur les frais d'administration font réaliser combien la différence de coût entre un régime administré par l'Etat et un régime administré par l'entreprise privée devient mince lorsqu'on place chacun des éléments dans une perspective plus globale à savoir: le coût total pour la société. d) Taxes sur primes (2% de la prime)

Est-il nécessaire de souligner que l'élimination de cette taxe sur la couverture de blessures corporelles n'est pas une économie. Comment par ailleurs ne pas suggérer ici que le gouvernement abolisse cette taxe également pour le dommage matériel et la couverture excédentaire en blessures corporelles.

En conclusion, nous croyons que le gouvernement n'a donné aucune raison valable pour passer à l'étatisation d'un secteur de l'assurance automobile. Les seules économies véritables proviennent des changements apportés au système d'indemnisation plutôt qu'à la création d'un monopole d'état. Bien plus, en créant une organisation parallèle le gouvernement néglige d'utiliser à leur point d'efficacité maximum les ressources humaines et les équipements matériels que notre collectivité s'est donnés dans ce secteur. La réforme nécessaire en assurance automobile pourrait se faire plus efficacement par l'entreprise privée en collaboration avec le gouvernement tout en conservant les avantages d'un système concurrentiel.

Le no-fault intégral

En matière de dommages corporels, les objectifs principaux de la réforme sont résumés de la façon suivante: 'assurer une indemnisation meilleure et rapide de toutes les victimes'. Pour fins d'analyse, on peut donc distinguer trois objectifs: 1o accroître la 'qualité' de l'indemnisation 2o réduire les délais de règlement 3o indemniser toutes les victimes et non seulement celles qui ne sont pas responsables

Les deux derniers objectifs sont relativement simples. Bien que la réduction des délais pourrait être obtenue par une réforme beaucoup plus limitée, il faut reconnaître que l'élimination de la relation d'adversité qui sous-tend le régime actuel permettrait d'accélérer le règlement des sinistres. De la même façon, on peut exprimer certaines réserves quant au bien fondé du troisième objectif, néanmoins il faut admettre que les auteurs du livre bleu présentent de solides justifications à cet égard et que le régime proposé permettrait effectivement de l'atteindre.

Le premier objectif mérite une analyse approfondie. L'étude des modalités du régime proposé permet de constater que celui-ci entraînerait une allocation des indemnités entre les différentes catégories de victimes qui serait très différente de celle que l'on connaît sous le régime actuel. Autrement dit, des victimes recevraient beaucoup plus et d'autres beaucoup moins. Nous allons tâcher d'illustrer les principales conséquences de ce réaménagement et d'analyser les avantages et désavantages qu'il implique. A cette fin, les différentes catégories de perte doivent être considérées séparément.

a) Frais médicaux et de réadaptation

Le régime proposé prévoit le remboursement de tous les frais médicalement requis pour assurer la guérison et la réadaptation des victimes. Cette protection est identique à celle qu'offre le régime actuel aux non-responsables. Bien que ceci n'affecte pas directement les victimes, signalons que le régime proposé entraînerait le transfert à l'ensemble des contribuables de certains coûts supportés actuellement par les automobilistes puisqu'il ne prévoit aucune compensation des pertes subies par la Régie d'Assurance-Maladie et l'Assurance-Hospitalisation à la suite de l'élimination de leurs droits de recours contre les responsables.

b) Incapacité temporaire

Alors que dans les conditions actuelles la victime innocente a droit au remboursement intégral du salaire prévu, le régime proposé prévoit la compensation de 90% du revenu net après une période d'attente de 7 jours. Pour une incapacité dont la durée moyenne est d'environ 40 jours, cela signifie que le rapport compensation-perte moyen serait de l'ordre de 75%.

c) Incapacité permanente

Le régime proposé prévoit deux types de compensation: premièrement, des rentes hebdomadaires établies en fonction du revenu, ajustées selon l'indice des prix et payables durant toute la vie de la victime et deuxièmement, des montants forfaitaires dans les cas de mutilations.

Selon les résultats de l'étude Woodward-Fondiller, les victimes d'incapacité permanente retirent 44% (1) des indemnités pour dommages corporels versées en vertu du Chapitre A sous le régime actuel.

Puisque le Ministère n'a pas cru bon de rendre publique l'évaluation des coûts du régime proposé, nous ne disposons malheureusement pas de données précises au sujet de la répartition envisagée entre les différentes catégories d'indemnités. Cependant, puisque le régime en question s'inspire fortement de celui proposé par le Comité Gauvin, il nous est possible d'utiliser les données publiées par ce dernier. Pour l'invalidité permanente et les mutilations, les bénéfices prévus par le Comité Gauvin étaient évalués à 37% du coût du Chapitre A de la police actuelle (2). Même en tenant compte des bénéfices plus élevés prévus par le projet de loi 67, on peut supposer que, collectivement, l'ensemble des victimes d'invalidé permanente ne recevrait pas beaucoup plus que sous le régime actuel. Il ne faut pas oublier, cependant, que, dans le cas du régime proposé, le montant global serait réparti entre toutes les victimes incluant les responsables et leurs dépendants. A partir des données contenues dans le livre bleu, à l'égard du pourcentage des personnes présentement non indemnisées, nous pouvons donc constater que pour l'ensemble des victimes non responsables l'adoption du régime proposé résulterait en une réduction des indemnités pour invalidité permanente.

Intéressante en soi, cette dernière conclusion ne suffit pas à montrer l'ampleur des changements envisagées à ce niveau. Non seulement, le montant total serait réduit, mais sa répartition entre les victimes serait très différente de celle que nous connaissons présentement.

En effet, selon les chiffres du Comité Gauvin (3), environ 14% de l'ensemble des victimes blessées se voient attribuer un pourcentage d'incapacité permanente alors que moins de 3% des victimes pourraient se qualifier pour les rentes d'invalidité permanente. Dans la très grande majorité des cas, la victime devrait donc se contenter des montants forfaitaires prévus en cas de mutilations. Or, sur la base des informations présentement disponibles, nous estimons que ces montants équivaudraient à moins de 20% de la moyenne des indemnités payables sous le régime actuel.

Comment expliquer qu'un régime qui vise à améliorer la qualité de l'indemnisation comporte une telle réduction des bénéfices pour une importante proportion de l'ensemble des victimes? Le livre bleu répond en partie à cette question lorsqu'il mentionne l'existence des pertes 'non-économiques' et reconnaît, plus ou moins explicitement, que ces pertes seraient moins bien compensées par le nouveau régime.

(1)Ce pourcentage est établi au niveau de la prime pure (i.e. excluant tous les frais) et il n'inclut pas les sommes versées à ces victimes pour les frais médicaux ou pour l'incapacité temporaire. En fait, lorsque l'on inclut ces montants, on constate que les victimes d'incapacité permanente reçoivent les deux tiers du total des indemnisations.

(2)Annexe au Rapport du Comité d'Etude sur l'Assurance Automobile, p. 16

(3)Annexe au Rapport du Comité d'Etude sur l'Assurance Automobile, p. 36 et 37.

II semble bien que les auteurs du livre bleu considèrent que les indemnités accordées dans les cas d'incapacité permanente partielle constituent une forme de compensation pour pertes non économiques. Or, tel n'est pas le cas puisque contrairement à ce qui se passe dans les juridictions voisines, les indemnités versées au Québec au titre des souffrances et douleurs ou autres dommages moraux ne représentent qu'une très faible proportion du montant total des indemnités(1). C'est donc dire que les tribunaux reconnaissent dans ces cas l'existence d'une perte économique.

A ce stade-ci, il faut conclure que la réforme présuppose que les tribunaux sont incapables de mesurer la perte économique dans les cas qui leur sont soumis et en surévaluent grossièrement l'étendue lorsqu'il s'agit d'incapacité permanente partielle.

d) Décès

Au niveau des indemnités de décès, on doit distinguer trois situations différentes; le soutien de famille, le conjoint qui n'est pas soutien de famille et le célibataire.

Dans le cas du conjoint qui n'est pas soutien de famille, les bénéfices prévus ($5,000 à $15,000) sont nettement inférieurs aux montants qui peuvent être obtenus sous le régime actuel. Pour les célibataires, les indemnités versées présentement varient selon la situation propre à la victime.

Pour les soutiens de famille, les indemnités prévues sont largement supérieures à celles versées actuellement. En effet, selon l'évaluation des coûts publiée par le Comité Gauvin (2), l'indemnité moyenne pour les décès survenus en 69-70 aurait eu une valeur présente de $44,000 (3) alors que pour une période ultérieure le montant moyen des compensations obtenues en vertu du régime actuel a été estimé à environ $30,000 (4).

Cette comparaison indique que l'adoption du régime proposé entraînerait une augmentation de l'ordre de 50% au niveau de l'indemnité moyenne payable dans le cas du décès d'un soutien de famille. Ceci n'a rien d'étonnant si l'on considère les nombreux facteurs dont les tribunaux peuvent et doivent tenir compte lorsqu'ils apprécient la perte de soutien économique dans les différents cas particuliers qui leur sont soumis. Plusieurs éléments, que le régime proposé ignore, sont susceptibles d'atténuer le montant de la perte. Voici, à titre d'exemples quelques uns des ces éléments: la possibilité d'une carrière autonome de la veuve, possibilité dont l'importance varie selon son âge et ses qualifications professionnelles ainsi que selon le nombre et l'âge de ses enfants; la probabilité de remariage; les différents aléas qui auraient pu affecter le revenu de la victime.

Pour le décès, on constate que le montant total des indemnités serait sensiblement accru alors que les bénéfices seraient augmentés dans certains cas et réduits en d'autres. Peut-on conclure que les modifications proposées résulteraient en une meilleure indemnisation? Il va sans dire que la qualité de l'indemnisation ne peut être évaluée qu'à partir d'une définition précise de la perte. Or, on remarque qu'au chapitre des indemnités de décès, le régime proposé s'écarte largement de la notion de perte économique. Ainsi, la veuve se verrait octroyer un revenu garanti sous forme de rente viagère alors que pour obtenir une compensation précise de la perte économique il faudrait considérer les différents aléas auxquels était soumis le revenu de la victime (par exemple, la maladie, le chômage) et tenir compte de la période probable durant laquelle le revenu pouvait être anticipé (5). A l'inverse, le montant prévu pour le décès d'un conjoint qui n'est pas soutien de famille sera, dans la majorité des cas, insuffisant à compenser la perte économique réellement subie.

Si l'on juge de la qualité de l'indemnisation pour décès sur le plan de la répartition des indemnités entre les victimes, le livre bleu présente une amélioration notable lorsqu'il propose de remplacer le paiement d'un capital par le versement d'une rente hebdomadaire; pour le reste, le régime proposé nous semble inférieur au régime actuel puisqu'il fait abstraction des circonstances propres à chacun des cas. Il est conçu en fonction d'un foyer standard au sein duquel l'un des membres, généralement l'épouse, est dans un état de dépendance permanente à l'égard de son conjoint; ce qui évidemment, ne correspond à la situation réelle de nombreux foyers particulièrement parmi la nouvelle génération. Un régime basé sur un modèle aussi simplifié entraînerait la sur-compensation d'un très grand nombre de pertes.

Dans une perspective plus générale, on doit aussi s'interroger sur le partage des indemnités entre les différentes catégories de pertes.

(1)Selon l'étude de Woodward-Fondiller, ces montants ne représentent que 14% du montant total des indemnités.

(2)Annexe p. 63

(3)Ce montant est établi sur la base des propositions du Comité Gauvin. En tenant compte des modalités propres au régime proposé, en particulier l'indexation complète, on obtiendrait sans doute un montant sensiblement plus élevé.

(4)Ce montant a été obtenu à partir des résultats du sondage effectué en 73 en rapport avec l'étude de Woodward-Fondiller.

(5)Sous le régime actuel, les indemnités sont établies sur la base de l'âge de la victime. Quels que puissent être les désavantages de cette méthode, il faut bien admettre qu'elle permet une mesure plus précise de la perte économique.

En termes de sommes impliquées, il y a deux catégories de pertes principales: l'incapacité et le décès. Dans la société actuelle, le risque de décès est l'objet d'une protection financière beaucoup plus adéquate que celui d'incapacité; en d'autres termes, la protection d'assurance-vie, sur base individuelle ou collective, est beaucoup plus répandue que la protection d'assurance invalidité. Ceci est particulièrement vrai dans le cas des victimes d'accidents d'automobiles puisque les polices d'assurance-vie prévoient souvent une double indemnité en cas de mort accidentelle. Or, à partir des données présentement disponibles, nous estimons que la protection des indemnités de décès par rapport au montant total des indemnités passerait du simple au double, advenant l'adoption du régime proposé. Ceci nous apparaît injustifié.

En conclusion, le Bureau d'Assurance du Canada n'est pas opposé au principe du no-fault en matière de dommages corporels. Avec le régime AUTOBAC, nous avons proposé la formule qui nous semblait la plus susceptible d'être acceptée par l'ensemble de la population. Nous reconnaissons que le no-fault intégral présente certains avantages importants. Si le Gouvernement juge que ces avantages justifient un changement aussi drastique, nous sommes disposés à opérer un tel régime d'assurance. Il nous semble cependant que les bénéfices prévus actuellement sont, dans certains cas, trop généreux et entraîneraient des coûts excessifs.

De plus, nous considérons que l'analyse contenue dans les pages précédentes démontre que le projet de loi 67 comporte de nombreuses faiblesses et que ses modalités devraient être révisées.

Les dommages matériels

Dans le champ des dommages matériels, au plan du régime juridique, le gouvernement avait le choix entre le statu quo, c'est-à-dire le maintien de la responsabilité basée sur la faute ou l'adoption d'une formule d'assurance directe telle que préconisée par le Comité Gauvin et par le Bureau d'assurance du Canada. Le No-fault total est en effet impossible: pour l'instaurer il faudrait rendre obligatoire la garantie collision. Or tel qu'il est souligné dans le livre bleu, près de 50% des propriétaires ne n'assurent pas contre les dommages à leurs propres voitures et il serait difficilement justifiable de les forcer à le faire.

Si la réforme proposée en matière de Dommages corporels nous apparaît audacieuse, celle proposée en dommages matériels, bien que représentant un pas dans la bonne direction, nous apparaît trop timide, pourrait entraîner des conséquences coûteuses et omet de prendre plein avantage des changements possibles.

En fait, c'est une espèce de formule à mi-chemin entre le statu quo et celle préconisée tant par le Comité Gauvin que par le BAC. Il convient d'en faire un examen succinct.

Disons d'abord notre accord avec l'assurance obligatoire. Elle s'inspire à la fois de considérations techniques et d'un juste souci de répartir le coût sur l'ensemble des usagers de véhicules automobile. Elle répond aussi à une conviction forte, soutenue et largement majoritaire de l'opinion publique.

Disons encore notre accord avec l'introduction de l'assurance directe par le jeu de l'article 103 dans tous les cas de dommages au véhicule où le recours est régi par la convention d'indemnisation directe visée dans l'article 155.

Comme le rapport Gauvin l'a déjà souligné de même que notre propre témoignage devant la Commission parlementaire sur le même Rapport, cette mesure conduit à une accélération du règlement des sinistres et, à des économies de frais d'administration. De plus elle ouvre des perspectives nouvelles sur la structure de la tarification. En effet, elle permettrait l'introduction d'une formule de tarification selon les caractéristiques des véhicules: en chargeant plus cher pour les véhicules fragiles et coûteux à réparer, une influence bénéfique pourrait être exercée — si un mouvement semblable s'étendait à l'Amérique du Nord — sur les grands fabricants d'automobiles.

Marquons maintenant notre désaccord avec deux aspects bien spécifiques de la réforme proposée et qui nous font la qualifier de timide.

Premièrement: le maintien du droit de recours pour les non-assurés alors qu'à toute fin pratique les assurés eux s'en voient privés dans la plupart des cas.

Nous comprendrions le maintien du droit de recours des non-assurés dans un contexte où le législateur ne rendrait pas l'assurance obligatoire. Cependant, prévoir des pénalités sous la forme d'amendes pour ceux qui ne respectent pas l'obligation de s'assurer et à la fois leur conserver le droit de recours en Dommages matériels en cas d'accident nous semble contradictoire.

L'expérience des juridictions où l'assurance fut rendue obligatoire démontre toujours la difficulté sinon l'impossibilité de la faire respecter. Peu importe les mesures prises et envisagées, qui ne peuvent être que très coûteuses (échange sans fin de paperasses entre assureurs et organismes de contrôle) ou très désagréables (barrages routiers de vérification), un certain pourcentage d'automobilistes demeurent non assurés et glissent entre les mailles des filets. L'expérience du Québec ne saurait être différente et l'incitation à la non-assurance pourrait même être renforcée par l'élimination des craintes entourant la responsabilité pour dommages corporels. Nous estimons que les assurés devront payer de 2% à 3% de plus pour les non-assurés et que ce n'est pas là une surcharge qu'ils porteront allègrement si nous nous basons sur les sondages d'opinion.

L'abolition du droit de recours à la fois pour assurés et non-assurés, nous semblerait donc indiqué. En effet, dans le cadre d'un régime d'assurance directe, chaque individu comprendrait facilement que s'il n'assure pas son véhicule, celui-ci ne sera pas protégé. Il est évident, que même là, il y aura un grand nombre de personnes qui choisiront de défier la loi et de ne pas s'assurer mais dans ce cas ils seraient les seuls à être affectés.

Deuxièmement: le maintien de la subrogation entre assureurs. Après avoir esquissé un bon pas, dans la bonne direction, celle de l'assurance directe, le législateur se propose d'en atténuer les effets bénéfiques — en maintenant fa subrogation entre assureurs.

L'abandon de la subrogation nous semblerait présenter un avantage très net au niveau du règlement des sinistres, une opportunité de réduire les frais d'opération, et d'introduire une tarification plus équitable en fonction des caractéristiques des véhicules.

Avec les mécanismes d'indemnisation directe prévus dans le projet de loi, le rôle de la subrogation serait beaucoup plus important que sous le régime actuel. A l'égard des accidents impliquant deux ou plusieurs véhicules, plus de 60% des sinistrés payés par un assureur lui seraient remboursés par le biais de la subrogation. Il y aurait probablement moins d'incitation à contrôler les coûts puisqu'un assureur transigerait avec ses propres clients mais avec les fonds de ses concurrents. Ce manque de contrôle serait particulièrement évident à l'égard de la compensation pour la privation de jouissance du véhicule puisque le montant du sinistre payable par un assureur serait fonction de la célérité d'un autre assureur.

Sous le régime d'assurance directe, l'assureur indemnise ses propres clients sans aucune subrogation. Dans ces conditions, il y va de son intérêt d'effectuer un règlement raisonnable de façon à satisfaire ses assurés tout en conservant une position concurrentielle. Cette formule accorde une plus grande liberté à chacun des assureurs, aussi bien au niveau de la sélection de ses expertises et constitue une incitation à améliorer la qualité des services et à contrôler les coûts.

L'un des objectifs principaux des réformes proposées est d'abaisser le niveau des frais d'opération. Bien qu'il soit difficile d'en préciser l'importance, il est certain que l'assurance directe entraînerait des économies au niveau des frais grâce à la réduction des enquêtes et à l'élimination des tâches administratives reliées à la subrogation.

Au niveau de la tarification, la conséquence la plus importante de l'assurance directe serait la redistribution des primes selon les groupes de véhicules. A ce sujet, citons M. Thomas C. Jones, Surintendant des Assurances pour l'Etat du Michigan: "One significant result of the Michigan first-party no-fault collision insurance system has been the redistribution of the premium burden for auto collision damages. First party collision insurance is priced in relation to the value of the vehicle. Owners of higher priced vehicles in Michigan pay relatively larger premiums than owners of older, lower valued vehicles. Thus more equity was introduced into the system. The "ability to pay" principle is absent in the pricing of liability insurance".

En raison de cette redistribution, les propriétaires de véhicules moins récents paieraient des primes réduites. Ceci faciliterait sans aucun doute l'acceptation par le public de l'assurance obligatoire.

Après quelques années, il serait possible de tenir compte, dans la tarification, des caractéristiques de chaque modèle de véhicules quant à leur sécurité et leur coût de réparation. Ceci permettrait d'identifier les véhicules dont les risques d'accidents ou les frais de réparations sont plus élevés et pourrait inciter les manufacturiers à prendre des mesures pour accroître la résistance de leurs produits et diminuer leur coût de réparation. Comme le souligne le Rapport Gauvin, il est évident que les avantages retirés de telles améliorations en dépassent largement le coût.

La tarification

L'adoption du nouveau régime d'assurance proposé par le gouvernement du Québec entraînerait une augmentation de primes pour environ 65% des automobilistes assurés. Cette augmentation s'étendrait à près de 90% des automobilistes assurés dans le cas d'une zone frontalière comme Hull. Pour chacune des catégories d'assurés, la portion de la prime actuelle qui sert à défrayer le coût des dommages corporels dans le Québec a été comparée avec les primes prévues pour les voitures de promenade dans le document intitulé "Hypothèse sur la tarification" publié la semaine dernière par le Ministre des Consommateurs.

Afin de simplifier les calculs, seul le régime de base a été considéré. Nous n'avons pas tenu compte des primes pour les limites supérieures à $100 000 sous le régime actuel et de la charge pour la couverture excédentaire sous le régime proposé. De la même façon, les surprimes pour les conducteurs occasionnels n'ont pas été reflétées. Par ailleurs, nous n'avons pas pris en considération, les circonstances particulières qui prévaudraient durant la période initiale. Bien que les études entreprises à ce chapitre ne soient pas encore complétées, nous tenons à souligner que pour la grande majorité des assurés, la ristourne prévue ne suffirait pas à compenser les déboursés supplémentaires pour le nouveau régime.

Peut-on prétendre que l'augmentation des primes pour la majorité des assurés est le prix à payer en retour d'une meilleure indemnisation des victimes? Pas vraiment. Certes, plusieurs classes de victimes, en particulier les conducteurs responsables et leur dépendants, recevront des bénéfices plus élevés. Toutefois, les quelques statistiques présentées dans le livre bleu nous permettent de constater que selon les hypothèses retenues par les experts du Ministère la hausse du coût des indemnités sera compensée par la baisse des frais d'administration (1).

Avant la dernière révision des taux, la prime moyenne pour l'ensemble du Chapitre A et du Chapitre B se situait autour de $245 (2). Sur la base des données présentement disponibles, nous estimons à environ $130 la partie attribuable aux dommages corporels survenus au Québec. Compte tenu des réductions récentes, on peut donc supposer que la prime moyenne prévue par le Ministère serait à peu près équivalente à la prime moyenne actuelle.

Plus des deux tiers de l'ensemble des assurés subiraient des augmentations alors que la prime moyenne demeurerait pratiquement inchangée. Une telle situation révèle un transfert de coût entre les différentes catégories d'assurés. En d'autres termes, il y aurait subvention de certaines classes d'automobilistes, par exemple les jeunes hommes célibataires de moins de 25 ans et les conducteurs ayant un mauvais dossier au dépens de la majorité des autres groupes mais particulièrement des gens qui n'utilisent pas leur voiture pour se rendre au travail.

Afin d'illustrer ce phénomène, nous allons comparer, pour quelques cas concrets, le coût approximatif (3) de la protection Dommages Corporels sous le régime actuel avec ce qu'il en coûterait sous le régime proposé:

Par cette présentation, nous poursuivons deux objectifs. Premièrement, nous croyons qu'il est de notre devoir d'informer la population et ses représentants des véritables conséquences des réformes proposées sur le niveau des primes. Suite aux déclarations de certains assureurs et du Ministre et à l'interprétation de ces déclarations par les média, nous craignons que le public en général soit sous l'impression que le nouveau régime permettrait une réduction des primes. Il importait donc de corriger cette impression le plus tôt possible.

En deuxième lieu, cette présentation nous permet de poser clairement la question du rôle de la tarification en assurance automobile. Il nous semble que si ce rôle était bien compris la question de l'étatisation se poserait en des termes bien différents.

Au terme de son analyse, le Comité Gauvin estime à 3% l'écart de coût attribuable au monopole lui-même et juge que cet écart ne suffit pas à compenser la perte des avantages de la concurrence. Même s'il admet le bien-fondé de cette analyse, celui qui est, par ailleurs, favorable à l'étatisation peut prétendre que cet écart suffit à la justifier ou, au moins, ne permet pas de la rejeter. Ici, il importe de souligner les limites de l'approche suivie par le Comité. Pour mesurer l'efficacité du régime, l'unique critère est celui du pourcentage de la prime retourné aux assurés. Or, ce critère n'est pas suffisant si l'on considère que la fonction d'un régime d'assurance est double: 1. indemniser les victimes 2.. répartir les coûts entre les assurés

Aux yeux de l'observateur moyen, il est compréhensible que le deuxième volet semble beaucoup moins important. Il faut cependant souligner qu'une juste répartition des coûts est un objectif primordial tant sur le plan social en ce qui a trait à l'équité entre les différents groupes d'individus que sur le plan économique où elle est une condition à la saine allocation des ressources.

Puisque le dernier élément relève de la théorie économique, on pourrait prétendre qu'il dénote un parti pris idéologique. Cependant, il faut reconnaître qu'il existe au Canada un large consensus sur cette question. A cet égard, on peut citer le Conseil Economique du Canada, un organisme qui regroupait des représentants des gouvernements des entreprises et des syndicats: "Quant aux économistes de profession, sans se désintéresser de la répartition des revenus, ils ont eu tendance à se soucier davantage du deuxième objectif, celui de l'affectation des ressources. Celui-ci, moins frappant peut-être, est quand même fort important pour la réalisation de certains grands objectifs économiques, comme celui de la croissance de la productivité. Plusieurs économistes s'opposent surtout au monopole (pour prendre de nouveau un cas extrême) parce qu'ils y voient une cause de distorsions dans la manière dont les ressources humaines et matérielles rares sont utilisées et combinées en vue de la satisfaction des multiples besoins des consommateurs ou, en d'autres termes, une cause d'inefficacité".(1).

Par ailleurs, les modes de financement retenus par la Régie constituent une reconnaissance implicite de l'importance économique d'une saine allocation des ressources. A ce sujet, citons le Ministre Payette: "Le Gouvernement a préféré conserver un lien de causalité entre le coût des accidents et les utilisateurs de véhicules; en d'autres termes, comme le souligne le Rapport Gauvin, le fait d'imputer le coût d'une activité à ceux qui l'exercent permet de reconnaître le prix et de faire une allocation judicieuse des ressources".(2).

Il est bien évident, en effet, que si ce n'était de cet objectif, la formule de financement la plus logique aurait été celle de l'impôt sur le revenu.

L'importance du principe est donc reconnu de part et d'autre. Mais qu'en est-il de son application pratique? Afin de répondre à cette question, considérons, à titre d'exemples, les cas suivants:

Un individu habitant une grande ville doit choisir d'utiliser ou non sa voiture pour se rendre au travail. Une telle utilisation aux heures de pointe implique un risque d'accident accru. Sous le régime actuel, le coût de ces accidents est reflété dans la prime d'assurance de sorte que l'automobiliste peut les ajouter aux autres coûts, soit l'énergie, le stationnement, etc. et être en mesure de prendre la décision la plus appropriée. La tarification proposée ne tient pas compte de l'utilisation pour les voitures de promenade. Ainsi, la personne qui préfère utiliser les transports en commun pour se rendre au travail sera forcée de subventionner son voisin qui décide d'utiliser sa voiture.

Si l'on excepte les personnes ayant un mauvais dossier de conduite, le groupe qui bénéficiera le plus de la redistribution des primes et sans doute celui des jeunes conducteurs. Généralement les jeunes possèdent aussi une plus grande latitude par rapport à l'automobile; en d'autres mots, elle leur est moins "essentielle" qu'elle ne l'est pour d'autres groupes. Particulièrement chez les étudiants il est raisonnable de supposer que le fait d'être propriétaire d'une automobile ou non est fortement relié aux ressources financières des parents. Ainsi la subvention défrayée par la majorité des automobilistes profitera davantage aux personnes déjà favorisées. Sur le plan de l'équité sociale il s'agit là d'une mesure particulièrement néfaste.

(1)Conseil Economique du Canada. Rapport Provisoire sur la Politique de Concurrence 1969, p. 9.

(2)Selon un article paru dans Le Devoir du 27 septembre 1977 à la page 21.

Pour les individus et particulièrement pour les entreprises possédant une flotte de véhicules, le régime actuel permet la tarification selon l'expérience. La tarification proposée pour les Dommages Corporels exclut cette pratique sous prétexte qu'elle s'intègre mal à un régime public d'indemnisation sans égard à la faute.

Pour bon nombre d'entreprises les économies réalisées grâce à cette formule permettent de justifier l'existence d'un service de prévention des accidents. Si ces efforts devaient être réduits ou abandonnés, cela n'améliorerait certainement pas la situation au plan de la sécurité routière.

Ces exemples nous permettent de constater que la tarification proposée ne permettra pas à l'individu de reconnaître le coût des accidents d'automobile puisque la prime exigée n'est aucunement reliée à sa situation personnelle.

Les hypothèses de tarification publiées par le Ministère sont conformes à la tradition des régies d'Etat des provinces de l'Ouest dont nous connaissons la piètre performance en cette matière. On pourrait penser qu'en théorie rien n'empêche le monopole de procéder à une plus juste répartition. Dans la pratique cependant la poursuite de cet objectif est contrecarrée par trois facteurs principaux: 1° il faut admettre que l'élimination de la concurrence fait disparaître l'incitation à l'équité qui existe sous le régime actuel. 2° il est inévitable que de sérieuses pressions politiques soient exercées sur la Régie. A cet égard, il n'est pas nécessaire de rappeler l'exemple, particulièrement éloquent, de la Colombie Britannique. 3° de sérieuses considérations administratives limitent la poursuite de cet objectif; en effet, la réalisation des économies promises au niveau des frais de souscription suppose l'intégration de certaines opérations de l'assurance automobile à d'autres fonctions ou organismes gouvernementaux (par exemple, le B.V.A.). Or, le développement et le maintien d'une tarification équitable exigerait la cueillette et le traitement d'une quantité d'informations qui ne sont pas nécessaires à ces organismes.

En conclusion, retenons que le régime proposé ne rencontrera en rien l'opinion souvent exprimée par le public qui désire davantage une réduction des primes plutôt qu'une augmentation, s'éten-dant à au-delà de 65% des automobilistes assurés. Retenons également que le régime proposé se révèle particulièrement inapte à assurer une répartition équitable des coûts d'assurance et conduit ainsi à une structure de prix faisant fi de l'importance économique d'une saine allocation des ressources, ce qui est en soi une cause d'inefficacité.

Considérations sur des articles spécifiques du projet de loi: - Problèmes relatifs aux québécois à l'étranger et aux touristes circulant au Québec - Indemnisation directe de l'assuré - L'assurance obligatoire - Le renouvellement des contrats d'assurance - Annulation et résiliation des contrats - Responsabilité absolue de l'assureur - Subrogation entre assureurs -Opération du Fonds d'indemnisation -Corporation des assureurs autorisés -Centre de distribution des risques -Centres d'estimation des dommages aux automobiles - Date d'entrée en vigueur

Problèmes relatifs aux Québécois à l'étranger et aux touristes circulant au Québec

a) Québécois à l'extérieur 1. Dans la province ou états où des régimes no-fault sont en vigueur, il arrive souvent que la loi force les assureurs R.C. à fournir aux occupants du véhicule de leur assuré certains bénéfices d'assurance individuelle. Puisque les résidents du Québec seront déjà couverts par la Régie et afin d'éviter la duplication qui pourrait résulter de l'article 4, nous croyons que la Régie devrait, à cette fin, remplacer l'assureur R.C. pour les assurés du Québec. 2. Nous croyons que le recours prévu au deuxième paragraphe de l'article 7 devrait être exclu lorsqu'il s'adresse au propriétaire d'un véhicule immatriculé au Québec. Par exemple, lorsqu'un passager d'un véhicule immatriculé au Québec est blessé à l'extérieur par la faute du conducteur, la Régie ne devrait pas pouvoir exercer la subrogation contre l'assureur du véhicule.

b) Non-résidents au Québec 1. En quoi consiste l'entente prévue à l'article 8? 2. Si nous sommes bien informés, il serait possible dans certaines conditions pour un ontarien, par exemple, de poursuivre un québécois en Ontario (peut-être même au Québec) pour des

dommages corporels subis au Québec. Est-ce que cette possibilité a été étudiée par les spécialistes du Ministère? 3. Une prime ayant été versée par le propriétaire du véhicule du Québec: i) la protection s'applique-t-elle à un non-résident qui en serait conducteur ou passager? ii) le conducteur non résident peut-il être poursuivi pour des dommages corporels dont il serait responsable?

Indemnisation directe de l'assuré a) L'article no 155 du projet de loi stipule que la Corporation doit établir une convention d'indemnisation directe relative: 155.1) à l'indemnisation directe des assurés ayant subi un dommage à leur automobile; 155.3) à l'établissement d'un barème de circonstances d'accidents pour le partage de la responsabilité du propriétaire de chaque automobile impliquée. Dans l'esprit du législateur, a) cette convention doit-elle s'appliquer exclusivement au dommage à l'automobile même?... ou si elle doit s'appliquer également i) au dommage subi par le chargement de l'automobile? ii) au dommage résultant de la perte de jouissance du véhicule? b) les assurés seront-ils liés par le barème au même titre que les assureurs?

Il s'agit de savoir si l'assuré pourra s'opposer au paiement, par son assureur, de ces dommages à l'égard d'un autre automobiliste dans le cas où la répartition de la responsabilité établie en fonction du barème pourrait différer de celle qui résulterait de l'application des règles du droit commun. Si tel était le cas, il est évident que cela est contraire à l'esprit de l'article 103. Compte tenu de l'importance de la question, NOUS RECOMMANDONS que cette question soit précisée dans la loi. b) L'article no 129 stipule que le Fonds d'indemnisation est réputé un assureur aux fins de la présente loi.

Dans le cas d'un accident où sont mêlés un automobiliste assuré et un non-assuré responsable, le Fonds est-il considéré comme l'assureur du non-assuré? De ce fait, le Fonds devra-t-il rembourser l'assureur de l'automobiliste assuré, en vertu de la convention d'indemnisation directe dont il est partie (article no 157)?

Dans l'affirmative, n'y a-t-il pas contradiction avec l'article 130.1 où il est stipulé que l'assureur ne peut pas faire une demande de réclamation au Fonds d'indemnisation. Dans le cas contraire, le coût de ces dommages causés par les non-assurés sera, en définitive, assumé par les automobilistes assurés ce qui, croyons-nous, serait contraire à l'esprit du projet de loi.

L'assurance obligatoire a) Nous sommes d'accord avec le principe de l'article 74 qui impose à l'automobiliste l'obligation de détenir un contrat d'assurance de responsabilité. Il s'agit d'une mesure que nous avons toujours appuyée.

Cette conviction de notre part à l'égard de l'assurance obligatoire résulte des études que nous avons faites au cours des années et de l'expérience acquise par les assureurs dans l'exercice de leurs activités. Elle reflète également l'opinion de la très grande majorité des automobilistes exprimée à l'occasion de tous les sondages d'opinion publique dont nous avons eu connaissance.

Aussi recommandable que puisse être l'assurance obligatoire, il est reconnu cependant qu'aucun système n'a réussi jusqu'à ce jour à faire observer cette mesure par tous les automobilistes qui circulent dans un territoire donné. Le Gouvernement du Québec a reconnu cette situation en confirmant la nécessité d'un Fonds d'indemnisation pour assurer le paiement des dommages subis par toutes les victimes innocentes.

Une étude faite par nos techniciens et dont le rapport est annexé à ce mémoire (Annexe "A") démontre que le Gouvernement agit sagement en exigeant du propriétaire de l'automobile une simple déclaration de sa part à l'effet qu'il a satisfait aux obligations imposées par la Loi au lieu d'exiger, comme d'autres gouvernements l'ont fait, une attestation d'assurance émise par l'assureur comme condition de l'immatriculation d'une automobile. Cette dernière méthode s'est avérée coûteuse et inefficace de l'avis même de ceux qui l'ont adoptée.

La solution adoptée dans le projet de loi no 67 ne peut cependant atteindre une efficacité satisfaisante que si elle est accompagnée de pénalités très sévères à l'endroit des automobilistes qui négligent ou refusent de s'y conformer.

L'amende prévue à l'article 168, si sévère qu'elle puisse sembler à première vue, n'est pas à notre avis suffisante pour atteindre le résultat espéré et protéger adéquatement l'ensemble des automobilistes et des citoyens respectueux de la Loi.

NOUS RECOMMANDONS qu'en plus de cette pénalité, l'automobiliste non assuré soit privé de tout recours contre qui que ce soit pour les dommages subis par son propre véhicule. Une telle mesure nous semble un moyen efficace d'atteindre le but visé tout en évitant les critiques possibles à l'égard du gouvernement, puisque dans un tel cas la perte du véhicule par l'automobiliste en question ne peut être attribuée qu'à sa propre désobéissance à la loi. Nous comprendrions difficilement que le gouvernement hésite à priver cette catégorie de personnes de ce droit de recours puisqu'il n'hésite pas à le faire pour l'ensemble des québécois à l'égard des dommages corporels. C'est une mesure qui, à notre avis, serait appuyée par l'ensemble des québécois. b) Puisqu'il est jugé suffisant d'exiger une déclaration d'assurance au lieu d'une attestation par l'assureur, au moment de l'immatriculation du véhicule, l'obligation imposée à l'assureur par l'article 89 d'aviser le Directeur, de l'annulation ou de la résiliation d'une police nous semble injustifiée.

En effet, cette mesure aurait pour effet d'accroître inutilement les frais d'opérations des assureurs tout en n'apportant que des résultats infimes si on les compare aux tracasseries qu'elles entraîneraient.

NOUS RECOMMANDONS donc que les mots "qui doit aviser sans délai le directeur de l'annulation ou de la résiliation de la police" soient biffés de l'article no 89. c) Cette question de l'assurance obligatoire nous amène à traiter aussi des dommages corporels causés par certains véhicules et pour lesquels toute indemnité est exclue par l'article 17 (b). L'article 74 impose l'assurance obligatoire dans le cas de dommages matériels pour toute automobile circulant au Québec. Le mot "automobile" tel qu'il est défini à l'article 1.3 du projet de loi no 67 et au sens que lui donne le Code de la route inclut les motoneiges, tracteurs de ferme, etc.. L'assurance de responsabilité civile pour dommages matériels devient donc obligatoire dans le cas de ces véhicules, et cela pour les accidents survenant dans toutes circonstances. L'article 17 (b) exclut cependant le droit à l'indemnisation du dommage corporel lorsque ces dommages résultent d'un accident survenant en dehors du chemin public et décrète que dans ces cas, l'indemnisation tombe sous le coup de la responsabilité civile qui doit être déterminée selon les règles du droit commun.

Si le législateur juge à propos d'imposer l'assurance obligatoire dans le cas des dommages matériels causés par ces véhicules et occasionnés dans les circonstances décrites plus haut, il nous semble, à plus forte raison, nécessaire de l'imposer aussi dans le cas des dommages corporels causés par ces véhicules, en dehors des chemins publics.

A ce sujet, NOUS RECOMMANDONS que le troisième paragraphe de l'article no 75 soit amendé pour que le contrat d'assurance responsabilité garantisse aussi les personnes concernées de leur responsabilité pour les dommages corporels causés par lesdits véhicules en dehors d'un chemin public.

Renouvellement des contrats d'assurance

Faute d'explications touchant l'intention précise du législateur, nous sommes d'avis que les obligations créées par l'article no 80 peuvent devenir fort coûteuses pour l'une ou l'autre des parties en cause à moins que toutes les éventualités soient prévues dans la loi. Nous songeons par exemple d'une part, à la possibilité d'une grève du personnel de l'assureur ou du service de la poste, de l'annulation d'un traité de courtier, etc. et d'autre part à l'absence de l'assuré de son domicile pour une période prolongée ou toute autre raison qui empêcherait les parties de donner l'avis requis.

Dans le cas où une police serait renouvelée en l'absence d'avis de part et d'autre, non seulement la responsabilité de l'assureur serait engagée, mais également celle de l'assuré qui deviendrait responsable du paiement de la prime envers l'assureur, indépendamment de son intention ou de son besoin de renouveler le contrat. A notre avis, cette obligation pour l'assuré peut le placer dans une situation très défavorable surtout dans une période où le niveau des tarifs est à la baisse comme actuellement.

Nous sommes d'avis qu'en l'absence d'une étude complète de sa portée, faite conjointement par les techniciens du Gouvernement et ceux des assureurs, cet article peut apporter aux parties en cause des ennuis sérieux et des difficultés plus importantes que les avantages prévus par le législateur.

Dans les circonstances, NOUS RECOMMANDONS que cet article soit biffé jusqu'à ce qu'un texte amélioré puisse être rédigé.

Annulation et résiliation des contrats

Les articles nos 81 et 82 ne peuvent pas faire l'objet de recommandations définitives de notre part à moins de connaître l'intention exacte de ces dispositions et les buts précis visés par le législateur.

Le texte de ces articles semble toutefois comporter à tout le moins des omissions importantes, sinon des contradictions. a) Par exemple, comment expliquer le droit de l'assureur de mettre fin au contrat dans les 60 jours de son entrée en vigueur sur simple avis de cinq jours à l'assuré? Ce premier alinéa de l'article no 81 nous semble placer l'assuré dans une situation très défavorable vis-à-vis l'assureur surtout dans le cadre de l'assurance obligatoire.

Le régime actuel protège beaucoup mieux l'assuré puisqu'en toutes circonstances, même lorsque l'assuré néglige ou refuse de payer la prime, l'assureur ne peut, à toutes fins pratiques, se libérer de ses engagements à moins d'un avis de 15 jours signifié par courrier recommandé. Cet article prévoit des délais de 5 jours d'une part et de 30 jours d'autre part. Nous nous permettons de nous demander pourquoi le législateur n'a pas tenté de respecter ceux prévus à l'article 2567 du Code Civil tel qu'amendé par la Loi des Assurances. Pourquoi faut-il que ces délais varient avec chaque nouvel article de chaque nouvelle loi, ce qui ne peut que compliquer les choses indéfiniment.

Similairement, cet article stipule au deuxième paragraphe que "pendant qu'il est en vigueur, le contrat d'assurance ne peut être résilié par l'assureur...", là où le premier paragraphe prévoit que l'assureur peut mettre fin au contrat pendant que ce contrat est en vigueur, ce qui est une contradiction. Il semble évident que les mots qui amorcent le deuxième paragraphe résultent d'une erreur cléricale quelconque et doivent cependant être corrigés de façon urgente. De plus, qui aura juridiction pour interpréter l'expression "... en cas d'aggravation du risque de nature à influencer sensiblement un assureur raisonnable dans la décision de continuer à assurer..."? l'assureur? l'assuré? ou le tribunal? Dans ce dernier cas, on peut imaginer facilement la situation intenable dans laquelle seront l'assuré et l'assureur jusqu'à ce que la question soit tranchée définitivement!

D'autre part, l'avis de 30 jours exigé pour la résiliation du contrat lorsque la prime n'a pas été payée nous semble exagéré et sera sûrement de nature à provoquer des abus par une certaine catégorie d'assurés et dont l'ensemble des automobilistes feront les frais. b) L'article 80 traite spécifiquement du renouvellement des contrats tandis que l'article 81 traite de résiliation des contrats. M s'agit de deux situations autonomes.

A défaut d'une intention particulière du législateur à ce sujet, et que nous ignorons, il nous apparaît que les mots "Sous réserve des dispositions de l'article 81..." du premier alinéa de l'article 80 sont inutiles et risquent d'être une source de confusion.

En effet, s'il peut dans l'esprit du législateur y avoir interrelation entre les deux articles, il y aurait lieu de le préciser.

NOUS RECOMMANDONS que la discussion de ces articles au niveau de la Commission parlementaire et de l'Assemblée Nationale soit suspendue pour permettre une étude plus approfondie de la question.

Responsabilité absolue de l'assureur a) Le mot "déchéance" contenu dans l'article 106 pourrait-il s'appliquer au cas d'une police non renouvelée?

Il faut se rappeler que la Loi de l'indemnisation des victimes d'accident stipulait (article no 6) à ce sujet les causes de nullité et de déchéance... susceptibles d'être invoquées contre l'assuré. b) L'article 107 réfère à... une indemnité à laquelle (l'assureur) n'est pas obligé en vertu du contrat d'assurance.

Ceci pourrait-il s'appliquer dans le cas d'un paiement fait de bonne foi, mais par erreur par l'assureur? Il y aurait peut-être lieu de préciser: ... une indemnité à laquelle il est tenu par l'article no 106 mais à laquelle il n'est pas obligé en vertu du contrat d'assurance.

NOUS RECOMMANDONS que le texte de ces articles soit révisé. Subrogation entre assureurs

Pour les raisons mentionnées précédemment, au titre des dommages matériels, l'exercice de la subrogation entre assureurs dans le cadre du régime d'indemnisation directe (article 103) devrait pouvoir être modifié par la Corporation.

NOUS RECOMMANDONS donc que l'article 155 soit modifié en y ajoutant un paragraphe: "5. aux modalités de l'exercice ou à l'élimination du droit de subrogation entre assureurs".

Opération du fonds d'indemnisation a) L'article no 128 du projet de loi stipule que le Fonds doit payer une indemnité à la victime dans le cas où (128.3)... l'automobile n'est pas identifiée lors de l'accident... et dans le cas où (128.4)... l'auteur de l'accident est inconnu...

Nous sommes informés que le nombre de réclamations payées depuis cinq ans par le Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile relativement à des dommages subis dans les circonstances plus haut mentionnées (128.3 et 128.4) c'est-à-dire résultant de délits de fuite a augmenté de la façon suivante: cette augmentation ne correspond ni à l'évolution de la fréquence des accidents au Québec ni à l'augmentation de la criminalité durant la même période.

Il est évident qu'une certaine catégorie de victimes ne détenant pas d'assurance pour les dommages à leur véhicule a découvert là un moyen facile de se faire indemniser lorsqu'elles sont responsables de l'accident ou lorsque, par collusion, on veut protéger le vrai responsable. Le Hinghway Victims Indemnity Fund de la province d'Ontario n'a jamais été l'objet de tels abus puisque dès la formation du Fonds, les réclamations résultant d'accidents présumément survenus dans ces circonstances ont été déclarées irrecevables. Plus récemment, le Ontario Select Committee a de nouveau recommandé que ce genre de réclamations demeure exclu de l'opération du H.V.I.F. En fait, il s'agit d'un risqse contre lequel les automobiliste prévoyants se protègent au moyen de l'assurance Collision.

Nous soumettons que l'article 128 tel qu'il est rédigé est de nature à susciter des abus dont les automobilistes honnêtes feraient les frais et NOUS RECOMMANDONS qu'il soit amendé en conséquence. b) II est important que toutes les dispositions de la Loi de l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile (statuts refondus 1964, chapitre 232) nécessaire à la liquidation complète du Fonds demeure en vigueur aussi longtemps que nécessaire.

Dans les circonstances, NOUS RECOMMANDONS que l'article 181 du projet de loi 67 soit amendé en ce sens et particulièrement aux dispositions touchant les cotisations imposées aux assureurs ainsi que les droits de subrogation du Fonds contre les personnes au nom de qui le Fonds a versé des indemnités.

Corporation des assureurs autorisés a) Nous ne nous opposons pas au principe de la Corporation dont l'existence et les activités sont prévues aux articles 138 à 158 du projet de loi.

En fait, le mandat que le projet de loi confie à la Corporation se rapproche sensiblement des activités que le BAC exerce actuellement au profit de ses compagnies membres et du public (statistiques, centre d'estimation, préparation de formulaires standard, recherche, barème de partage des responsabilités, traités ou entente diverses, relations publiques, centres d'information, etc) pour l'ensemble des provinces du Canada.

Nous ne pouvons toutefois éviter de constater que l'existence d'un nouvel organisme comme la Corporation est de nature à causer inévitablement une augmentation sensible des frais d'opérations des assureurs par suite de la duplication de certains travaux qui seront exécutés parallèlement par les deux organismes.

Considérant que les frais d'administration des assureurs font le sujet d'une attention particulière dès qu'il est question d'assurance automobile, il va de soi que toute initiative ayant pour effet d'en créer de nouveaux sera de nature à susciter des critiques sévères à l'endroit du Gouvernement et des assureurs.

A tout événement, le BAC offrira au gouvernement québécois et le cas échéant, à la Corporation des assureurs sa pleine et entière coopération en mettant à leur disposition le fruit de l'expérience et des données dont il dispose, et cela, dans la mesure où l'intérêt de ses membres et du public pourront y gagner. b) L'article 143 prescrit la présence obligatoire d'au moins un des deux représentants du gouvernement aux séances du conseil d'administration de la Corporation. Compte tenu des contrôles déjà exercés par le Service des Assurances sur les activités des assureurs et de la disponibilité totale des assureurs pour une meilleure communication avec le Surintendant des Assurances, nous ne voyons aucun avantage à cette formule. Elle comporte par contre plusieurs inconvénients sérieux.

Nous recommandons donc que l'article 143 soit biffé entièrement entièrement ou à tout le moins que le second paragraphe soit éliminé de façon à ne pas faire dépendre de la présence d'une personne en particulier, la tenue d'une séance du conseil. c) L'article 149 du projet de loi stipule qu'un fonds de développement de la Corporation est créé auquel chaque assureur doit contribuer au moins vingt-cinq mille dollars.

Nous sommes d'accord quant à l'existence de ce fonds mais nous ne croyons pas nécessaire d'en fixer le montant minimum avant que la Corporation ait pu elle-même déterminer ses besoins en fonction du mandat à exécuter et du calendrier de ses opérations. A ce sujet, nous recommandons que l'article 149, tout en établissant le principe du fonds, confie au Conseil d'administration de la Corporation la responsabilité d'en fixer le montant et de déterminer le moment où les assureurs devront y contribuer. d) Le terme "assureur autorisé" tel qu'il est défini à l'article 1.2 du projet de Loi comprend un réassureur puisque celui-ci détient en vertu de la Loi sur les assurances un permis émanant du Surintendant, au même titre qu'un assureur.

Or, ceci a pour effet d'inclure les réassureurs comme membre de la Corporation visée à l'article 142, ce qui à notre avis est injustifié, pour les raisons suivantes: 1) les réassureurs n'ont aucun intérêt immédiat dans les activités de la corporation; 2) il n'existe aucun lieu de nature juridique entre le public assuré et le réassureur; 3) la représentation des assureurs au Conseil d'administration de la Corporation comme d'ailleurs leur contribution à ses frais d'administration, étant basée sur le montant des primes brutes souscrites, l'appartenance des réassureurs à la Corporation aurait pour résultat de faire contribuer doublement les assureurs qui leur cèdent des affaires par opposition à ceux qui réassurent leur portefeuille auprès de réassureurs non agréés qui eux ne seront pas membres de la Corporation.

NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi soit modifié de façon à exclure les réassureurs comme membres de la Corporation.

Centre de distribution des risques

L'article no 152 stipule que la Corporation doit établir un mécanisme propre à permettre à tout propriétaire d'une automobile de trouver un assureur autorisé auprès de qui il peut contracter l'assurance de responsabilité prévue à l'article no 74.

A ce sujet, nous soulignons que les assureurs disposent depuis longtemps des données et des moyens nécessaires à la mise en place d'un tel organisme.

Au début de 1976, le BAC a offert au Ministre des Institutions financières, compagnies et coopératives de mettre sur pied un centre de distribution des risques qui aurait eu pour effet de fournir à tout automobiliste autorisé par l'Etat à circuler sur nos routes, l'assurance dont il a besoin.

La mise sur pied d'un tel organisme posait les problèmes d'ordre juridique suivants: 1) Pour fonctionner adéquatement, un centre de disposition doit compter sur la participation de tous les assureurs agréés, sans exception. Il était donc nécessaire pour le Gouvernement de légiférer en ce sens, ce qui n'a pas été fait malgré la recommandation du BAC. 2) Un organisme de distribution des risques doit pouvoir garantir aux automobilistes qu'ils paieront une prime uniforme indépendamment de l'assureur auquel leur risque est assigné. Cela suppose un livre de tarifs unique à tous les assureurs dans le cas des catégories de risques faisant l'objet du centre de distribution.

Or, les assureurs ne peuvent prendre une telle initiative sans s'exposer à enfreindre la Loi concernant les enquêtes sur les coalitions sauf si la chose est faite à la demande expresse d'un gouvernement provincial.

Le Gouvernement québécois peut compter sur l'entière coopération des assureurs à ce sujet au moment où il le jugera à propos.

Centres d'estimation des dommages aux automobiles

L'article 153 du projet de loi stipule que la Corporation doit établir ou agréer des centres d'évaluation chargés de faire l'évaluation du dommage subi par une automobile.

Il est bien connu que le BAC favorise la mise sur pied de tels organismes et, à ce sujet, nous avons tenu le Gouvernement du Québec au courant de tous nos travaux de recherches et des initiatives que nous avons prises dans ce domaine depuis trois ans.

En fait, deux centres d'estimation approuvés par le BAC sont présentement en opération en Ontario et en Alberta et nous sommes en train d'en établir neuf autres dans ces provinces actuellement. Ces centres sont opérés par des entrepreneurs indépendants et fonctionnent selon des normes établies par le BAC qui en surveille étroitement les activités.

Les sondages que nous avons faits indiquent hors de tout doute que les automobilistes en sont très satisfaits et nos recherches démontrent que leur efficacité est à l'avantage du public assuré.

Au Québec, le BAC a fait des démarches nécessaires pour amorcer l'établissement d'un réseau de centres d'estimation au cours de l'année 1975 et 1976 et n'eut été du climat d'incertitude qui a régné durant les derniers mois de 1976, au sujet de toute la question de l'assurance automobile, plusieurs de ces centres seraient déjà en opération chez nous.

Le BAC n'hésitera donc pas à collaborer aux efforts de la Corporation dans ce domaine en mettant à sa disposition les données qu'elle possède à ce sujet et nous souhaitons que l'occasion nous en soit donnée dans les meilleurs délais.

Nous nous permettons de souligner le caractère catégorique de l'article no 153 qui ne laisse aucune alternative à la Corporation dans les cas où des solutions de rechange avantageuses pour les automobilistes seraient portées à sa connaissance.

NOUS RECOM MAN DONSdonc que le premier alinéa de l'article no 153 soit remplacé par le suivant: 153. La Corporation doit dans les meilleurs délais, soit établir ou agréer des centres d'estimation chargés de faire l'évaluation du dommage subi par une automobile, soit prendre d'autres mesures jugées acceptables par le Ministre et pouvant arriver aux mêmes fins.

Date d'entrée en vigueur de la loi

Bien que le projet de loi n'en fasse pas mention, le Gouvernement a, par ailleurs, indiqué son intention de faire en sorte que la loi et le régime d'assurance prennent effet le 1er mars 1978.

Le BAC et les assureurs membres sont déterminés à collaborer avec le Gouvernement à ce sujet dans toute la mesure de leurs moyens.

Nous tenons à souligner cependant qu'il y a là une tâche monumentale à accomplir dans un temps relativement court. Il serait regrettable que des contraintes administratives inévitables touchant le Gouvernement, la Régie de l'assurance automobile ou les assureurs provoquent du mécontentement dans le public et diminuent ainsi l'impact positif d'une réforme qui se veut constructive.

(Annexe)

Comité automobile

Rapport sur le respect des lois rendant l'assurance obligatoire, à l'intention du conseil d'administration du bureau d'assurance du Canada

Veuillez trouver ci-joint un rapport sur le respect des lois rendant l'assurance obligatoire, préparé par notre comité en vue de renforcer un premier rapport et ce, à la demande faite par le Conseil d'administration au cours de sa réunion du 21 juillet 1977. Ce rapport accorde un intérêt particulier aux opinions exprimées dans le premier rapport de l'Ontario Select Committee, aux régimes fondés sur le monopole dans les trois provinces de l'ouest, ainsi qu'à d'autres renseignements. Il en vient à la conclusion qu'un système basé sur une simple déclaration et assortie de contrôles effectués au hasard pour sanctionner les éventuelles infractions serait tout aussi efficace que l'ensemble des mesures complexes qui ont été essayées ou envisagées dans diverses régions. Elaboré à partir du premier rapport de "l'Ontario Select Committee", ce rapport semble avoir un champ d'application limité. De légères modifications suffiraient toutefois à en étendre la portée.

R.-L. Monte Avocat-conseil adjoint

Comité automobile

Rapport sur le respect des lois rendant l'assurance obligatoire à l'intention du conseil d'administration du bureau d'assurance du Canada

En 1976, notre comité s'était vu confier la tâche de soumettre un rapport sur le rôle de l'industrie des assurances dans un contexte d'assurance obligatoire. Ce rapport devait servir à d'éventuelles prises de position de la part de nos membres.

Avant la soumission de notre rapport au Conseil d'administration, l'Ontario Select Committee on Company Law publiait son premier rapport sur l'assurance automobile. Devant l'importance de ce dernier, le Conseil d'administration nous avait invités à poursuivre nos recherches, notamment par une étude sur les meilleurs moyens d'assurer le respect des lois rendant l'assurance obligatoire.

Tel est l'objet du présent rapport.

Le premier rapport de l'Ontario Select Committee on Company Law préconisait une législation obligeant les propriétaires de véhicules à souscrire une assurance automobile comportant les chapitres Responsabilité Civile et Assurance Individuelle. Au cours de ses travaux le Select Committee avait étudié de nombreux régimes d'assurance obligatoire; notre comité a entrepris une étude analogue.

Ces diverses études ont montré que les autres régimes ont connu des résultats divers. Même dans les provinces à monopole d'Etat (Colombie-Britannique, Saskatchewan et Manitoba), il a été reconnu que le régime n'est pas efficace à 100%. Le Select Committee a en effet souligné "qu'il existera toujours un nombre minimum d'accidents de la route provoqués par des conducteurs non assurés".

Au chapitre 25 le Select Committee affirme que les procédures longues et complexes visant à faire appliquer l'assurance obligatoire peuvent difficilement être mises en application. Nos recherches aboutissent à la même conclusion: citons l'exemple de l'Etat de New-York, où 90% seulement des véhicules sont assurés alors que les frais de mise en application s'élèvent chaque année à plusieurs millions de dollars. En outre, le nombre des véhicules non assurés y a doublé au cours des six dernières années, et ce, malgré le renforcement des mesures d'application. Ces résultats tendent donc à démontrer l'importance qu'il y a à tenir compte de certains facteurs économiques dans l'élaboration de tout système.

Le Select Committee préconisait le contrat irrévocable, sans toutefois préciser ce qu'il entendait par cette expression. A notre sens il s'agissait d'un contrat qui ne pourrait jamais être résilié, même en cas de non-paiement de la prime. Après avoir étudié la question, notre comité en est arrivé aux conclusions suivantes: 1. Il faut noter que l'irrévocabilité du contrat n'est pas indispensable. 2. Un contrat de ce genre exigerait le paiement intégral de la prime, à l'avance. L'actuelle possibilité d'une couverture immédiate en serait considérablement réduite et peut-être même supprimée, en fonction des moyens du proposant/assuré. 3. La formule du paiement à l'avance pourrait convenir à un régime de monopole d'Etat mais rencontrerait inévitablement l'opposition du public dans un système de libre entreprise. Le monopole d'Etat a dû céder aux pressions et autoriser des modalités de paiement différé. Ce qui réduit à néant la valeur des contrôles étant donné la possibilité de résiliation. Sans parler du fait qu'ainsi les payeurs feront les frais du défaut des non-payeurs. 4. Il existe de nombreux cas où il importe que le contrat soit résiliable: vente ou destruction du véhicule, déménagement ou décès de l'assuré, etc. 5. Tout assuré devrait avoir la possibilité de résilier son contrat et de changer d'assureur.

Le Select Committee reconnaît au chapitre 26 qu'aucun système d'application, si bon soit-il, ne pourra empêcher l'existence d'au moins quatre cas de non-assurance du tiers: véhicules volés, véhicules immatriculés ailleurs, véhicules non immatriculés, délit de fuite, etc. Comme l'indiquaitle Select Committee "le système d'assurance automobile obligatoire vise à ce que chaque automobiliste soit assuré, de manière à ce que le mécanisme de la répartition des sinistres fonctionne le mieux possible".

Nous reconnaissons que le principal souci du gouvernement réside dans l'indemnisation équitable des victimes innocentes. Aucun système d'assurance obligatoire ne peut totalement atteindre cet objectif et, comme l'a reconnu le Select Committee, un fonds d'indemnisation sera toujours nécessaire, sous une forme ou sous une autre.

Nous devons donc apporter notre soutien au gouvernement pour que soit respectée, par le plus grand nombre d'automobilistes, les lois sur l'assurance obligatoire. L'étude d'autres lois rendant l'assurance obligatoire ainsi que des méthodes d'application utilisées ailleurs révèle un certain nombre de dispositions courantes. Les caractéristiques essentielles — ainsi que l'efficacité — des mécanismes d'application de l'assurance obligatoire sont les suivantes:

Système d'information

Un des mécanismes d'application requiert un échange de renseignements entre l'assureur et le bureau des véhicules automobiles. Toute substitution de véhicule ou résiliation doit être déclarée par écrit. Des variantes de ce système sont actuellement en vigueur dans l'Ile-du-Prince-Edouard et dans certains états des Etats-Unis. Ce genre de système manuel, tel qu'il est pratiqué dans l'Etat du Maryland, est exposé à la page 326 du rapport du Select Committee. Il a deux désavantages évidents, à savoir les quantités de papier nécessaires et les retards dans la mise à jour des données.

Une autre façon d'aborder le problème serait d'utiliser un système informatique pouvant enregistrer toute substitution ou destruction du véhicule de même que toute résiliation. Les experts conseils du Select Committee en sont venus à la conclusion qu'il serait impossible de mettre en mémoire sur ordinateur et de garder à jour tous les renseignements concernant les immatriculations, les assurances et les personnes.

Un autre système a été proposé, basé sur une simple déclaration de l'assuré donnant les précisions voulues. Toute personne devrait, lors de l'immatriculation de son véhicule, signer un document attestant qu'elle est en possession d'une assurance convenable. Les fausses déclarations entraîneraient de fortes amendes. D'autres sanctions s'appliqueraient aux conducteurs de véhicules non assurés (amendes, confiscation du véhicule, suspension du permis, etc.) Le système de la simple déclaration est en vigueur en Ontario et la loi 67 en propose l'application au Québec. Une variante de ce système exige de la part de l'assuré la remise de sa plaque d'immatriculation comme condition de résiliation du contrat. Le I.I.C.M.V.A. a, lui aussi, recommandé ce système tout en estimant que tout système visant à découvrir la minorité non assurée en surveillant la majorité qui l'est finit par perdre toute efficacité et entraîne par ailleurs un harcèlement injustifié du public (Rapport du Select Committee, p. 327).

Contrôle

Diverses méthodes ont été élaborées pour la mise en application des lois rendant l'assurance obligatoire et pour la vérification, au hasard, du respect de ces lois. Au Manitoba et en Saskatchewan par exemple, l'immatriculation atteste l'assurance. En effet, aucune plaque d'immatriculation ne peut être délivrée si le véhicule n'est pas assuré et, inversement, aucune assurance ne peut être résiliée sans la remise des plaques. Celles-ci restent en la possession du propriétaire du véhicule et sont enlevées lorsque ce dernier est vendu ou détruit. Si au bout d'un certain nombre de jours le véhicule n'est pas remplacé, le propriétaire doit rendre les plaques. La résiliation en cas, par exemple, de non-paiement, entraîne le retrait des plaques. Ce système n'est toutefois pas infaillible: en effet, de longues recherches sont parfois nécessaires dans les cas où des individus refusent délibérément de remettre les plaques. En outre, un véhicule peut porter des plaques volées et sembler assuré alors qu'il ne l'est pas.

Un autre système repose sur l'utilisation d'un certificat d'assurance par véhicule. Les plaques ne peuvent être obtenues que sur présentation d'un certificat d'assurance. D'autre part, toute résiliation d'assurance nécessite la remise du certificat d'assurance ou d'un document signé en attestant la perte ou la destruction. Des sanctions sont prévues pour toute personne présentant un certificat d'assurance malgré l'absence d'assurance, pour toute personne utilisant un certificat après expiration ou résiliation de l'assurance et pour toute personne ne s'étant pas conformée à une demande de remise de certificat. Ce système est en vigueur depuis 17 ans au Royaume-Uni et n'a jamais eu à être modifié en profondeur. Il comporte cependant des inconvénients: il fait dans une certaine mesure double emploi avec l'immatriculation des véhicules, et il peut être déjoué par déclaration mensongère de perte après encaissement de la ristourne, ou par falsification.

Le système du contrat irrévocable est également un système d'attestation, avec les désavantages que nous avons signalés ci-dessus. Basé sur la simple déclaration, il peut être déjoué par le mensonge. Par contre, c'est le plus simple du point de vue administratif et c'est, toutes proportions gardées, le moins coûteux. Et finalement, il fonctionne de façon satisfaisante, du moins en Ontario à l'heure actuelle.

Mise en application

Diverses méthodes ont été utilisées pour assurer le respect des lois sur l'assurance obligatoire: présentation d'un certificat d'assurance comme condition d'immatriculation, contrôles routiers, sur les lieux des accidents ou à l'occasion d'infractions, etc. Ces mesures sont assorties de sanctions en cas d'infraction à la loi: amendes, incarcération, retrait des plaques, confiscation du véhicule ou encore retrait du permis de conduire.

Conclusions

A l'issue de ses recherches sur les divers régimes d'assurance, notre comité en est venu à la conclusion que le nombre des automobilistes non assurés a peut-être tendance à être légèrement inférieur dans les provinces du Canada où l'assurance automobile relève d'un monopole d'Etat. Cela tient à la possibilité d'exercer un certain degré de contrôle lorsqu'un même organisme émet à la fois les plaques et l'assurance. En pareil cas, et pourvu que la prime soit payable d'avance et que la durée de validité des plaques et de l'assurance soit la même, les cas de non-assurance des tiers se limiteraient aux véhicules immatriculés ailleurs, aux véhicules volés, aux délits de fuite et aux véhicules sans plaques valables. Cependant, même en Saskatchewan, seule province qui requiert le paiement d'avance de la prime, la loi n'est pas intégralement respectée.

Le Select Committee a calculé qu'environ 3% des automobilistes ont choisi de verser une somme au Fonds au moment de l'immatriculation, parce qu'ils n'étaient pas assurés. Si l'on ajoute à ce chiffre le nombre des propriétaires dont l'assurance a été résiliée ou a expiré, ou qui ont fait des déclarations mensongères, le total des automobilistes non assurés est évidemment plus élevé. Il faut noter cependant qu'actuellement aucune loi ne rend l'assurance obligatoire en Ontario et que la simple adoption d'une telle loi amènerait un certain nombre d'automobilistes non assurés à s'y conformer. Compte tenu du fait qu'en Ontario l'assurance, même si elle n'est pas obligatoire, constitue un moyen assez largement reconnu d'attestation de responsabilité financière et, conscient des résultats de l'Etat de New-York, notre comité estime que toute loi visant à rendre l'assurance obligatoire devrait prévoir l'établissement d'une période d'essai suivie d'une analyse de la mesure dans laquelle cette loi aura été respectée. En effet, il serait bon, avant de mettre en place des mécanismes coûteux et complexes, de s'assurer de leur nécessité. En outre, on se trouve encore une fois confronté au fait que le rendement est inversement proportionnel à la quantité. Le fait que le rôle premier de notre industrie dans un régime d'assurance obligatoire est la protection de la victime innocente vient renforcer nos conclusions. Nous pensons raisonnable de prévoir que l'adoption de la loi ramènerait d'office le nombre des véhicules non assurés à moins de 3 ou 4% et ce, sans nécessiter d'autre mécanisme que la simple déclaration, assortie des contrôles et des sanctions voulus.

Nous n'avons pu, faute de temps, effectuer les longues recherches nécessaires à l'estimation précise du coût des divers systèmes de contrôle mis en place (notamment les déclarations de résiliation, de substitution, etc.).

Recommandations

Notre comité propose les recommandations ci-dessous: 1. Simple déclaration

Déclaration faite par le propriétaire du véhicule lors de l'immatriculation ou par le conducteur à toute époque, attestant que le véhicule est assuré conformément à la loi. Des sanctions doivent être appliquées: 1) pour utilisation d'un véhicule non assuré et 2) pour fausse déclaration d'assurance. Ce système, convenablement administré et appliqué, pourrait servir de base à l'établissement de modalités de contrôle supplémentaires. Les compagnies devraient continuer à procurer à leurs clients les "cartes d'assurance automobile interprovinciale du Canada", pour faciliter l'établissement de déclarations d'assurance. 2. Vérifications

Les vérifications peuvent s'effectuer lors d'accidents, d'arrêts pour infractions au Code de la route, de contrôles routiers ou encore au hasard. Les agents de police et le personnel du bureau des véhicules automobiles devraient être en possession d'un formulaire uniforme pour consigner les détails voulus sur l'assurance. Ce formulaire pourrait être adressé en deux exemplaires à l'assureur, qui en retournerait un si l'assurance n'était pas valide au moment du contrôle. 3. Maintien du Fonds d'indemnisation

L'introduction de l'assurance obligatoire, assortie de mesures d'application convenables, réduira, sans toutefois les supprimer complètement, les réclamations adressées au Fonds. La charge du Fonds pourrait être réduite encore davantage par l'introduction d'une garantie contre

la non-assurance des tiers devant intervenir avant le Fonds. Etant donné la rareté des cas de ce genre (véhicules immatriculés ailleurs, véhicules volés ou non immatriculés, délits de fuite, etc.), cette garantie serait d'un coût minime. Elle offrirait en outre l'avantage de permettre à l'assuré de choisir le montant d'assurance. Le Fonds n'aurait plus à indemniser que les personnes ne pouvant bénéficier d'aucun paiement de la part d'un assureur automobile et victimes d'accidents occasionnés par des tiers non assurés.

Notre comité estime que ces diverses mesures seraient tout aussi efficaces que la plupart de celles, beaucoup plus complexes, qui sont été essayées ou envisagées jusqu'ici. Leur simplicité en constitue le principal avantage. Leur succès n'en dépendra pas à moins de la mesure dans laquelle elles seront respectées et des sanctions prévues.

Pour tous renseignements concernant les systèmes en vigueur en Amérique du Nord, voir l'annexe A.

Le Comité automobile. Août 1977

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