Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance
automobile
(Dix heures quinze minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
La commission des consommateurs, coopératives et institutions
financières est réunie ce matin pour continuer l'étude du
projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.
Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: M.
Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon
(Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace
M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre), M. Larivière...
M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, pourrais-je
vous demander de remplacer M. Lalonde par M. Giasson?
Le Président (M. Boucher): M. Giasson (Montmagny-L'Islet)
remplace M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Larivière (Pontiac), M.
Lefebvre (Viau); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Marois (Laporte); M.
Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynault (Outremont), M.
Roy (Beauce-Sud); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell
(Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Vaillancourt
(Jonquière); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt
(Jonquière).
L'organisme convoqué aujourd'hui...
Coût du régime proposé
Mme Payette: M. le Président, avant d'aborder notre
rencontre avec les représentants du Bureau d'Assurance du Canada et
à la suite d'un désir exprimé par les membres de cette
commission, hier, je voudrais qu'on me permette de distribuer un document de
travail qui nous a permis de commencer nos calculs quant à la somme
totale du coût du régime proposé.
En avril 1977, M. le Président, nous rendions public le document
intitulé "Pour une réforme de l'assurance automobile". Le
document était un énoncé de la politique du gouvernement
et faisait connaître les grandes lignes de la réforme en assurance
automobile, tout en précisant les indemnités aux victimes de
dommages corporels.
Le rapport ci-annexé fait une description sommaire de
l'évaluation du coût en 1978 des indemnités prévues
par le régime de base en dommages corporels et décrit au livre
bleu d'avril 1977. Le coût a alors été établi
à $385 millions.
Depuis que le projet de loi 67, déposé au mois
d'août à l'Assemblée nationale, modifiait en partie les
indemnités faisant l'objet de l'évaluation men- tionnée
ci-haut et étant donné la publication récente de nouvelles
statistiques sur les accidents d'automobiles et sur l'assurance automobile au
Québec, nous avons commandé une évaluation des
indemnités de dommages corporels prévus au projet de loi 67.
Les résultats préliminaires de cette évaluation
nous indiquent que le coût total du régime d'indemnisation des
dommages corporels administré par la régie, pour la
période du 1er mars 1978 au 26 février 1979, sera
inférieur à $385 millions. Ceci est principalement dû au
fait que nos évaluations actuarielles étaient basées sur
les données statistiques de 1974 et 1975, et que le taux d'accidents a
diminué en 1976 et au début de 1977.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Je viens d'écouter avec
intérêt la déclaration que le ministre vient de faire. Elle
nous dit que le coût du régime sera inférieur à $385
millions, mais j'aimerais savoir dans quelle proportion il pourrait y avoir une
diminution des $385 millions, d'une part. Deuxièmement,
prévoit-on revoir le coût du régime tel
qu'énoncé dans le document qui nous a été remis,
document daté du 22 septembre 1977, qui avait pour titre "Régime
de l'assurance automobile, système de tarification", dans lequel on
établit que la contribution pour voitures de promenade pourrait
être de $105 à $110? Dans le même document, on indique
également le coût du permis de conduire. Deuxième question,
ces taux du document du 22 septembre seront-ils modifiés?
Mme Payette: A la première question, M. le
Président, la réponse est la suivante: Nous n'avons pas en main,
actuellement, le nouveau coût de la réforme. Nos actuaires
travaillent sur les projections à partir de nouvelles statistiques. Nous
savons, cependant et c'est la première indication que ce
sera inférieur à $385 millions. De combien? C'est difficile
à dire. Je vous expliquais hier que les choses changent au fur et
à mesure. Je pense qu'il est clair que les chiffres du livre bleu, qui
étaient basés sur des statistiques des années
antérieures, nous permettent ce rajustement maintenant que nous avons de
nouvelles statistiques.
Au sujet de la tarification et c'est la réponse à
la deuxième question il est évident qu'elle sera
discutée au moment où la réforme sera adoptée. La
réforme comprend, en effet, des indemnités qui sont discutables
jusqu'à l'adoption du projet de loi et ces indemnités ont
déjà été changées par rapport au contenu du
livre bleu.
Il se pourrait que nous décidions, à la suite des
séances de cette commission parlementaire et au cours des travaux de la
Chambre, d'amender un certain nombre d'articles du projet de loi pour changer
des indemnités. Si tel était le cas, chaque
fois qu'il y a un changement au niveau des indemnités, nous
devons de nouveau recalculer la somme totale du coût de la
réforme. Ce n'est qu'une fois le projet de loi adopté que nous
serons fixés complètement et définitivement quant aux
indemnités à être payées.
C'est à ce moment que la tarification pourra être rendue
définitive par la régie. Je peux même aller jusqu'à
dire que je suis informée qu'il serait possible pour la régie
d'envisager une commission parlementaire sur sa tarification. Je ne peux pas
vous confirmer que ce sera fait, mais c'est envisageable qu'au moment où
la tarification sera définitive, nous puissions faire siéger une
commission parlementaire sur le sujet.
M. Roy: Je pense, M. le Président, Mme le ministre, que
pour la bonne gouverne des membres de l'Assemblée nationale, il nous
serait absolument indispensable d'avoir des données de base et d'avoir
une estimation budgétaire avant d'entreprendre la discussion et avant
d'entreprendre l'adoption et l'étude de la loi, article par article,
pour ce qui a trait à la fixation des indemnités qui seront
prévues dans le projet de loi. Je me base un peu sur l'expérience
et les méthodes que nous avons l'habitude d'utiliser lorsque nous
étudions, par exemple, les crédits des différents
ministères, lorsque nous étudions le budget de la province
à chaque année, de façon qu'il y ait quelqu'un ici,
à la commission parlementaire, qui sera chargé d'examiner le
projet de loi article par article qui pourra nous indiquer au fur et à
mesure quelles sont les implications pécuniaires de tel changement, de
telle modification qui pourrait être proposé par les membres de la
commission.
Cela m'apparaîtrait comme un document, une méthode de
travail très logique. Une méthode de travail qui tiendrait compte
de certains principes qui prévalent dans le monde des affaires et qui
pourrait permettre à ceux qui auront à prendre des
décisions, d'adopter chacun des articles, de pouvoir prendre des
décisions éclairées et connaître la portée
des décisions qu'ils seront appelés à prendre à ce
moment.
Quand on me dit que les $385 millions vont baisser, ce matin, le montant
peut être inférieur aux $385 millions, il est évident que
les $385 millions avaient été calculés à partir des
$105 et $110.
Mais à partir du moment où on nous dit que les $385
millions vont être réduits, est-ce que ce sera une
réduction de 5%, est-ce que ce sera une réduction de 10%? Il
faudrait que le montant du coût du régime soit établi en
fonction de ce qu'on prévoit payer au point de vue de l'indemnisation et
cela permettrait de pouvoir travailler à l'Assemblée nationale et
ici en commission parlementaire de façon plus logique.
C'est pourquoi j'exprime le voeu ce matin, non seulement le voeu, mais
je demande à l'honorable ministre qu'on prenne les dispositions qui
s'imposent de façon qu'on ait les chiffres, mais qu'on parte de quelque
chose; quelque chose qui sera basé sur toute une gamme
d'indemnités. Si on les change, on nous dira à ce
moment-là jusqu'à quel point cela peut changer le montant global
ou encore la prime qui sera payée par les automobilistes.
Mme Payette: M. le Président, en réponse au
député de Beauce-Sud, c'est exactement ce que nous faisons, au
fur et à mesure que nous avons l'information. Si vous avez bien compris
ce que j'ai dit, c'est que nous avons reçu le livre vert des assureurs
qui nous donne de nouveaux chiffres quant à la situation des assurances.
Nous avons également reçu le rapport du BVA quant au taux
d'accidents d'années plus récentes que celles qui étaient
calculées dans le livre bleu pour une réforme de l'assurance
automobile. A partir de cela nos calculs sont constants et nous allons
être toujours en train de réévaluer le régime
proposé au fur et à mesure que certains amendements pourraient
être apportés aux indemnisations à être
payées. Mais, vous avez dit, M. le député, que les $385
millions étaient le résultat des $100, $110 ou $115 de la
tarification. C'est l'inverse, c'est-à-dire que la tarification est
évaluée à des chiffres comme ceux-là à
partir du coût du régime, mais le coût du régime est
basé sur les indemnités à être payées. Si
bien que, tant que les indemnités ne seront pas définitivement
fixées par le projet de loi, le coût du régime peut varier
selon la volonté de la Chambre de changer le taux d'indemnité. Ce
n'est qu'une fois que les indemnités seront définitives que le
coût du régime sera définitif et que la tarification en
découlant sera, elle aussi, définitivement connue. Autrement on
met la charrue devant les boeufs.
M. Roy: On met peut-être la charrue devant les boeufs, mais
je dois dire que parfois il faut chercher et la charrue et les boeufs. Quand on
a établi les formes d'indemnités qui sont prévues dans le
projet de loi 67, le ministère des Consommateurs, des
Coopératives et des Institutions financières a certainement
dû faire cette évaluation à partir de ce que
coûterait telle indemnité pour telle catégorie de victimes
et telle indemnité prévue pour telle autre catégorie de
victimes.
A la lumière de ce qu'il y a dans le projet de loi 67, en tenant
compte des indemnités qui sont prévues dans le projet de loi 67,
j'aimerais savoir les chiffres complets, à partir de là, et sur
quels critères on s'est basé pour en venir à
déterminer les indemnités.
Ce sont les chiffres qu'il nous manque actuellement à la
commission. Si ces chiffres devaient être amendés, comme le dit le
ministre, et je comprends le ministre, il faudra revoir continuellement le
système, mais qu'on nous dise que tel amendement va comporter une masse
de tant et que cela aura telle implication dans d'autres articles de la loi ou
encore dans le financement du régime.
Mme Payette: Le document que je viens de faire distribuer est
justement la réponse à cette préoccupation du
député de Beauce-Sud, en pages 14 et 15. Vous allez y trouver
tous les calculs
qui ont été faits à partir de ce qui nous
était connu dans le domaine de l'assurance automobile,
c'est-à-dire les statistiques d'accidents par rapport à la
gravité des blessures et les projections qui pouvaient à ce
moment-là être faites par rapport à la date de mise en
place de la réforme.
Maintenant, les choses ont évolué et, ne serait-ce qu'au
niveau des accidents, le taux des accidents a effectivement baissé. Nous
sommes en train de refaire les calculs; dès qu'ils seront disponibles,
je vous les ferai connaître et nous referons les calculs chaque fois que
ce sera nécessaire jusqu'à la fin des travaux sur ie projet de
loi no 67.
M. Shaw: M. le Président, j'aurais une question dans la
même veine.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, M. le député de Jacques-Cartier avait
demandé la parole.
M. Saint-Germain (Noël): Nous avons aujourd'hui le
mémoire des spécialistes de l'assurance; c'est un mémoire
extrêmement bien fait, concis et qui englobe tout le problème des
assurances et non pas une facette particulière. Ce mémoire est
fait par des gens qui s'y connaissent et qui ont une très longue
expérience de l'assurance. Ce sont des gens qu'on peut situer à
la base du problème, si je peux dire; cela n'enlève rien aux
intermédiaires qui se greffent aux assureurs, qui font la relation entre
les assureurs et le grand public, mais il reste que ce mémoire que nous
recevons est essentiel, il est d'une importance primordiale, c'est certainement
le plus complet que nous ayons reçu.
Voilà que, au moment où les gens concernés sont ici
ce matin pour déposer ce mémoire, on nous remet un document qui
contient plusieurs pages, probablement très techniques, et nous privons
ainsi nos invités du temps voulu pour étudier à fond ce
mémoire et pour nous donner le résultat de leurs études et
de leurs observations. Il est, à mon avis, absolument inconcevable qu'en
même temps que le dépôt du livre bleu nous n'ayons pas
reçu les chiffres, les études actuarielles, les études
comptables qui ont permis au ministère et à madame le ministre
d'établir en principe ses politiques concernant l'assurance
automobile.
Tout le monde sait, avec l'évolution des choses, avec les
études, les modifications apportées à ce projet de loi,
que les chiffres pourraient changer, mais cela nous aurait permis, en
étudiant ce projet de loi et en exigeant certaines réformes au
point de vue administratif ou au point de vue des indemnisations, de savoir
exactement le coût des modifications que nous aurions pu étudier,
tandis que là, on est dans la brume, rien n'est clair, parce qu'on n'a
pas les chiffres voulus pour soutenir les arguments que nous pouvons
apporter.
Il me semble évident que ces chiffres, on les a au niveau du
service du ministère; autrement, ce serait inconcevable, ce serait
ridicule d'établir des principes au point de vue de l'assurance sans
chif- fres, sans étude actuarielle, sans étude comptable. Que ces
chiffres changent, tout le monde l'admet. Le résultat de ces chiffres va
certainement changer tant que nous apporterons des modifications au projet de
loi et des modifications qui seront de l'ordre, peut-être, de $1 million,
$2 millions, $5 millions ou quelques millions, bien que, souvent, ce soient des
modifications mineures; tout le monde sait cela.
D'ailleurs, l'évolution de ces études se fera bien
après que le projet de loi aura été adopté. Tout le
monde sait que, lorsque le bill 67 sera en vigueur, il y aura
l'expérience. Sûrement, si le service est aux mains de gens
responsables, qu'avec le résultat des expériences, on modifiera
la loi et qu'il y aura des modifications dans les chiffres au point de vue des
primes, au point de vue des allocations, du dédommagement des victimes;
on sait pertinemment que ces chiffres vont constamment changer.
Alors, cela aurait été la façon simple, la
façon logique qui nous aurait permis, dans l'Opposition, de parler avec
plus de connaissance de cause; cela aurait permis à la province de
savoir et de mieux suivre l'évolution du dossier et cela aurait permis
aux gens compétents dans la matière de mieux comprendre le
dossier et sûrement de mieux informer cette commission du résultat
de leur étude; par ricochet, cela aurait permis de mieux informer la
province sur la valeur, la faiblesse, les côtés positifs du
système que nous étudions.
Je suis entièrement d'accord, M. le Président, avec le
député de Beauce-Sud et je dirais même que le
dépôt de ce document à ce stade est une insulte à
nos invités.
Si ce document avait simplement été déposé
trois ou quatre jours à l'avance, cela nous aurait permis de faire une
étude beaucoup plus objective du projet de loi aujourd'hui.
Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, je veux simplement rappeler
que c'est à la demande des députés, hier, que j'ai
déposé ce document ce matin.
M. Saint-Germain (Noël): C'est depuis le début des
études, madame, qu'on vous demande des explications sur les chiffres et
sur les études qui ont soutenu les principes contenus dans votre projet
de loi. Il faut se battre à chaque fois pour les avoir et nous les avons
en retard. Toujours en retard.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Pour continuer dans la même veine, M. le
Président, nous avons d'un côté les vrais experts, ceux qui
sont dans l'assurance automobile, nous avons des experts en sinistres, des
courtiers d'assurances. De votre côté, vous avez un groupe
d'experts. Pouvons-nous accepter facilement les chiffres qui sont prévus
par vos experts, contre les
chiffres de ceux qui sont vraiment dans le domaine de l'assurance
automobile? Je ne le crois pas. Parce que nous avons vu l'expérience des
autres provinces qui ont commencé le même système
d'assurance étatisé, comme la Colombie-Britannique, comme la
Saskatchewan, avec des résultats qui sont bien pires que le
système privé qui est en place actuellement. C'est pour cela que
nous, de l'Opposition, sommes craintifs. Si nous n'avons pas les chiffres pour
les attaquer systématiquement, avec des informations des experts du
secteur privé, il est impossible de donner un point de vue juste sur les
chiffres que vous présentez. Dire qu'à un moment donné
vous allez économiser, pour la population du Québec, une centaine
de millions de dollars de primes d'assurance cette année, dans une
année, c'est quelque chose de valable. Mais prouver que cela va vraiment
arriver, c'est autre chose.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Mme le ministre vient de répondre au
député de Jacques-Cartier que c'était à la demande
des députés, hier... Je ne voudrais pas lui être
personnellement désagréable, mais j'aimerais quand même
rappeler que j'ai posé des questions à l'Assemblée
nationale durant la session pour demander si les documents étaient
prêts, si les documents allaient être déposés, quand
les documents allaient être déposés, et voir si
c'était possible pour le ministère de les déposer le plus
rapidement possible.
C'est vrai que j'ai renouvelé la mémoire à... hier,
mais je voudrais faire remarquer quand même aux membres de la commission
et à ceux qui sont ici que le document qu'on nous remet ce matin est un
document qui est daté du 26 avril 1977.
Je m'interroge sérieusement sur les raisons qui ont motivé
le ministère de ne pas remettre ce document, afin que nous ayons pu
l'étudier. On nous remet un document de quatorze, quinze pages, ce
matin, dès le début de la séance de la commission
parlementaire. Il est évident qu'on n'a pas le temps de l'étudier
avant que nos invités que nous retardons d'ailleurs à ce
moment-ci aient eu le temps de se faire entendre. On n'a pas eu le temps
de l'étudier. Il faudra l'étudier après le départ
des gens qui sont ici, soit les assureurs. C'est ce qui fait que je ne suis pas
d'accord. Je regrette cette stratégie. Je tiens à aviser le
ministre et les membres de la commission que si on veut jouer à la
stratégie, si on veut jouer à cache-cache avec nous, nous allons
certainement avoir les yeux ouverts.
Je n'ai pas l'intention de jouer à cache-cache. On n'a pas le
temps de jouer à cache-cache. Le projet de loi sur l'assurance
automobile est un projet de loi qui concerne tous les citoyens du
Québec. C'est le projet de loi qui intéresse le plus les citoyens
du Québec depuis la création du Régime de
l'assurance-maladie au Québec. C'est la première fois qu'on a un
projet de loi qui touche autant de monde. D'un côté de la table
comme de l'autre, on doit y aller avec franchise et sincérité. Si
on veut jouer à cache-cache, qu'on le dise, la population saura à
quoi s'en tenir. Je n'accepte pas qu'on nous remette des documents vieux de
quatre à cinq mois, des documents qui sont connus du ministère,
des documents qui existent, des documents sur lesquels les officiers du
ministère ont travaillé.
Le Président (M. Boucher): Cela étant dit, nous
allons passer au mémoire du Bureau d'assurance du Canada, dont le
porte-parole est M. Charles Moreau. M. Moreau.
M. Moreau (Charles): M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Avez-vous l'intention de lire
tout le mémoire ou d'en faire un résumé?
M. Moreau: Non. Au contraire, M. le Président, nous
n'avons pas l'intention de lire le mémoire, parce que comme vous l'avez
constaté, il est assez volumineux; mais j'aimerais quand même,
comme je le dis dans mes remarques, en dégager les principaux
éléments de façon à pouvoir guider les membres de
la commission.
M. le Président...
M. Roy: Je vous prie de m'excuser. Pourrais-je faire une
suggestion? Sans en faire une motion, si tous les membres de la commission
étaient d'accord, le mémoire qui est devant nous, comme d'autres
mémoires d'ailleurs, pourrait être reproduit intégralement
au journal des Débats. Je pense que c'est une chose qui va de soi et qui
est normale.
Le Président (M. Boucher): II y a accord de la part de
tous les membres. Le mémoire sera reproduit au journal des
Débats. (Voir annexe).
M. Roy: Alors comme tout le monde est d'accord, qu'on en prenne
bonne note au secrétariat des commissions. Je m'excuse, mais je voulais
que votre mémoire, comme ceux qui ont été
présentés et ceux qui seront présentés, puissent
constituer un document gouvernemental officiel.
Le Président (M. Boucher): M. Moreau.
Bureau d'assurance du Canada
M. Moreau: M. le Président, Mme le ministre, MM. les
commissaires, je m'appelle Charles Moreau et je suis directeur, pour le
Québec, du Bureau d'assurance du Canada que vous connaissez sans doute
mieux sous le sigle BAC.
Permettez-moi d'abord de vous présenter quelques dirigeants de
compagnies d'assurances, membres de notre association, qui ont un chiffre
d'affaires considérable au Québec, et qui forment aujourd'hui
notre délégation.
J'ai, à ma gauche, M. Marcellin Tremblay, qui est
président du groupe Les Prévoyants du Canada et également,
M. Sébastien Allard, qui est
vice-président principal de l'assurance Royale. A ma droite, M.
Guy Saint-Germain, président directeur général du groupe
Commerce; M. Yves Brouillette, actuaire du groupe Commerce et M. Raymond
Barrette, assistant au vice-président et actuaire du groupe Fireman's
Fund du Canada, et M. Bernard Dorval, actuaire de la Prévoyance et de
ses filiales.
M. le Président, le BAC représente, à quelques
exceptions près, l'ensemble des assureurs faisant affaires au
Québec. Nous pouvons donc affirmer que notre mémoire contient
d'une façon générale les vues de l'industrie des
assurances IARD sur la réforme du régime d'assurance automobile
prévu dans le projet de loi 67. J'aimerais, avec votre permission,
dégager dès maintenant les éléments de notre
mémoire qui touchent particulièrement le public, le gouvernement
et les assureurs, pour ensuite, avec mes collègues, répondre aux
questions que vous jugerez à propos de nous poser.
L'industrie des assurances IARD est une des plus importantes au
Québec, et elle emploie des milliers de Québécois. Vu
l'importance de son volume de primes, la branche d'assurance automobile est un
des principaux facteurs qui ont permis à nos membres
québécois en particulier d'accéder à une taille
leur permettant d'utiliser toutes les ressources modernes du management et d'en
arriver ainsi à des normes élevées
d'efficacité.
Nous avons suivi, ici comme partout ailleurs dans le monde,
l'évolution du dossier de l'assurance automobile. C'est donc en
connaissance de cause et conscients de nos responsabilités que nous
avons, au cours des années, suggéré les changements
désirables. Dès 1970, nous avons suggéré une forme
de "no fault" obligatoire en blessures corporelles. Nous avons ensuite,
parallèlement aux travaux du comité Gauvin, procédé
à une étude qui nous a conduits à mener une campagne
publicitaire ayant pour but d'expliquer au public les avantages d'un
régime "no fault" partiel en blessures corporelles. Cette recherche et
cette campagne d'information sont demeurées jusqu'ici sans égales
tant en Amérique du Nord qu'en Europe.
Compte tenu du cadre juridique existant et de l'évolution des
conditions sociales et économiques, nous sommes fiers du travail que
nous avons accompli. Vu notre disponibilité totale, nos connaissances
pratiques et théoriques du dossier et notre ouverture aux changements,
nous nous attendions à un minimum de consultations ou, du moins, de
dialogues avec les auteurs du présent projet de loi. Or, si
invraisemblable que cela puisse paraître, cette consultation n'a pas eu
lieu. C'est donc en tant que citoyens du Québec que nous nous adressons
à votre commission, et c'est en cette qualité que nous avons
confiance d'être entendus et compris, tout en reconnaissant que c'est au
gouvernement qu'il appartient, en définitive, de décider du
régime d'assurance dont le Québec a besoin.
L'étatisation de l'assurance automobile est une mesure
injustifiée. Aucune étude sérieuse effectuée au
Canada, aux Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest n'a conclu à son
bien-fondé, et, dans les provinces de l'Ouest, elle n'a toujours
été que le résultat de promesses électorales. Ici
même, au Québec, le rapport Gauvin, une des plus sérieuses
recherches jamais conduites en Amérique du Nord, a
démontré que l'étatisation n'était pas
nécessaire. L'assurance automobile comporte un aspect social, c'est
certain, mais conclure à son étatisation pour autant
révèle une confusion inacceptable. A notre avis, une conclusion
en faveur de l'étatisation doit comporter des arguments honnêtes,
clairs et sûrs démontrant que l'efficacité des ressources
humaines et financières engagées dans un secteur s'en trouvera
accrue; autrement, la collectivité y perd.
Trois arguments ont été avancés en faveur de la
création d'un monopole d'Etat dans le secteur des blessures corporelles:
le manque de dynamisme des assureurs, la rente indexée et la
réduction des frais d'administration, en plus, évidemment, de
vouloir procurer une meilleure indemnisation.
Lorsqu'on prétend, comme le fait le livre bleu, que les assureurs
n'ont pas fait preuve du dynamisme voulu pour conserver l'administration du
régime, il serait sans doute plus juste de se demander si nos
gouvernements, eux, se sont acquittés de leurs responsabilités en
ignorant, comme ils l'ont fait, les multiples recommandations formulées
par l'industrie des assurances depuis des années, au lieu
d'établir clairement le cadre dans lequel les assureurs auraient pu plus
efficacement opérer dans l'intérêt des
Québécois.
Lorsque le ministre des Consommateurs, Coopératives et
Institutions financières évoque l'impossibilité où
seraient les assureurs privés de servir des rentes indexées, il
est bon de rappeler qu'en France, par exemple, les tribunaux ont, il y a
quelque temps et de leur propre volonté, commencé de
définir les indemnités en blessures corporelles sous forme de
rentes indexées. L'Etat français n'a pas pour autant conclu
à l'étatisation complète du secteur. Soucieux de maintenir
la concurrence, il s'est plutôt appliqué et avec succès
à trouver de concert avec les assureurs une formule susceptible de
permettre justement le versement d'une rente indexée.
L'argument évoquant une meilleure indemnisation des victimes
accompagnée d'une diminution des frais d'administration n'est pas plus
concluant que les autres. D'une part, la sous-indemnisation ou la
non-indemnisation de certaines victimes sous le régime actuel n'a aucun
rapport avec le fait que celui-ci soit administré par l'entreprise
privée. Cette lacune résulte de la désuétude du
régime juridique régissant le paiement des indemnités et,
dans les mêmes conditions, un monopole gouvernemental n'aurait pas fait
mieux. A ce sujet, rappelons que le "no fault" total en blessures corporelles
n'a pas encore été introduit par les monopoles d'Etat du
Manitoba, de la Saskatchewan et de la Colombie-Britannique, alors qu'au
contraire, une bonne mesure de "no fault" a été introduite dans
plusieurs Etats américains par l'entreprise privée avec
l'intervention des gouvernements.
D'autre part, le livre bleu évoque des écono-
mies de $103 millions en 1978 par suite de l'adoption des
réformes proposées. Nous entendons démystifier cette
prétention qui résulte d'hypothèses fausses ou
contestables. Le livre bleu prétend que les frais d'administration de la
régie pour les dommages corporels seront de 6% des primes. Ceci nous
apparaît complètement irréaliste. L'expérience de la
Régie des rentes et de la Régie de l'assurance-maladie ne nous
semble aucunement pertinente ici.
Quant à celle de la Commission des accidents du travail, elle
peut être utilisée à condition de retenir deux distinctions
importantes. Les frais d'administration déclarés par la
Commission des accidents du travail pour 1976 représentent 8,8% du
montant des cotisations. Mais ce pourcentage n'inclut aucune provision pour les
frais de règlement en suspens. Cette sous-évaluation et les deux
distinctions soulignées précédemment nous permettent
d'affirmer que le pourcentage des frais sera de deux à trois fois plus
élevé que les 6% prévus, à moins, bien entendu, que
la fréquence des accidents causant des blessures corporelles diminue de
façon radicale.
En définitive, la réduction des frais d'administration ne
pourrait provenir que de la réforme du mode d'indemnisation et de
l'élimination du rôle du courtier plutôt que de la
création du monopole d'Etat.
Au terme de son analyse, le comité Gauvin estimait à 3%
l'écart du coût attribuable au monopole lui-même et jugeait
cet écart insuffisant pour compenser la perte des avantages de la
concurrence. L'estimation du rapport Gauvin a été obtenue
à partir de l'hypothèse d'une monopole complet qui engloberait
aussi les dommages matériels. La formule de l'étatisation
partielle proposée par le gouvernement peut-elle entraîner
certaines économies? Pour répondre à cette question, il
faut considérer séparément chacun des postes des plus
importants.
D'abord, les frais de règlement des sinistres qui sont
actuellement de 13,1% de la prime. Il est vrai que le "no fault" total
entraînerait une réduction substantielle des frais d'avocats et
des autres frais de règlement. Cette réduction pourrait cependant
être obtenue, qu'il y ait étatisation ou non. A ce sujet, le
rapport Gauvin n'attribuait d'ailleurs aucune réduction des frais
à la création d'un monopole. Dans ce domaine,
l'étatisation des dommages corporels entraînera par contre des
dédoublements coûteux et frustrants pour les victimes. En effet,
les dommages corporels résultent habituellement d'un accident ayant
aussi causé des dommages matériels.
L'indemnisation exigera donc l'intervention de deux organisations
différentes, ce qui entraînera évidemment des frais
supplémentaires inutiles.
Deuxièmement, le sujet de la rémunération des
intermédiaires, qui représentent, aujourd'hui, 11,3% de la
prime.
Le gouvernement propose d'éliminer le rôle du courtier en
matière de blessures corporelles tout en le maintenant dans le champ des
dommages matériels et des autres garanties. Prétendre que cela
constitue une économie serait ridicule puisque la tâche du
courtier ne serait pas sensiblement réduite et, en fait, qu'un
réseau parallèle serait créé. Il en
résulterait sans doute une augmentation du coût réel.
Encore ici, l'existence de deux organisations entraînera un
dédoublement des démarches, des actions et des
déclarations des assurés. En fait, les seules économies
apparentes ici proviennent de l'enrégimentation des assurés, des
frais de déplacement, de communication et d'attente qu'ils seront
forcés d'absorber eux-mêmes.
Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit
administré par l'Etat ou non, la question de la
rémunération des intermédiaires se pose toujours à
peu près dans les mêmes termes. L'assuré devrait être
libre d'utiliser ou de ne pas utiliser le courtier qui, lui, personnalise les
services. D'ailleurs, certains de nos membres offrent l'assurance au comptoir
tandis que d'autres l'offrent par les courtiers et, en définitive, ce
sont les droits de la concurrence qui décident des succès
relatifs de chaque groupe.
Parlons des frais des assureurs qui représentent, aujourd'hui,
7,6% de la prime. Encore ici, les épargnes envisagées sont dues,
en réalité, à un transfert de coûts d'un secteur
à un autre. En fait, le gouvernement laisse l'entreprise privée
avec pratiquement les mêmes frais de souscription, d'émission et
d'administration des polices, mais avec une prime réduite d'environ
35%.
La taxe sur les primes, qui est de 2%; l'élimination de cette
taxe sur la couverture des blessures corporelles n'est certainement pas une
économie pour les Québécois. Comment, par ailleurs, ne pas
suggérer que le gouvernement abolisse aussi cette taxe pour la
couverture excédentaire en blessures corporelles ainsi que pour les
dommages matériels?
M. le Président, ces quelques remarques sur les frais
d'administration font réaliser combien la différence de
coût entre un régime administré par l'Etat et un
régime administré par l'entreprise privée devient mince
lorsqu'on place chacun des éléments dans une perspective plus
globale, à savoir le coût total pour la société.
Nous croyons donc que le gouvernement n'a donné aucune raison valable
pour passer à l'étatisation d'un secteur de l'assurance
automobile. Les seules économies véritables proviennent des
changements apportés au système d'indemnisation plutôt
qu'à la création d'un monopole d'Etat. Bien plus, en
créant une organisation parallèle, le gouvernement néglige
d'utiliser à leur point d'efficacité maximum les ressources
humaines et les équipements matériels que notre
collectivité s'est donnés dans ce secteur. La réforme
nécessaire en assurance automobile pourrait se faire plus efficacement
par l'entreprise privée, en collaboration avec le gouvernement, tout en
conservant les avantages d'un système concurrentiel.
En matière de dommages corporels, les principaux objectifs de la
réforme sont résumés de la façon suivante: assurer
une indemnisation meilleure et rapide de toutes les victimes, au moyen
d'un "no fault" intégral. Pour fins d'analyse, on peut donc
distinguer trois objectifs: d'abord, réduire les délais de
règlement; deuxièmement, indemniser toutes les victimes et non
pas seulement celles qui ne sont pas responsables et, troisièmement,
accroître la qualité de l'indemnisation.
La réforme proposée permettrait sans doute
d'accélérer le règlement des sinistres en évitant
de placer assureurs et victimes en situation d'adversaires. Nous l'admettons
d'autant plus facilement que le BAC l'a déjà
suggérée depuis longtemps.
La réforme prétend indemniser toutes les victimes et non
seulement les non-responsables pour le même prix global qu'actuellement;
là, on exagère carrément. Dans les faits, la
réforme ne s'approche de cet objectif qu'à condition de diminuer
les indemnités consenties aux non-responsables, dans le système
actuel, c'est-à-dire d'enlever aux non-responsables le droit au
versement d'un capital en échange de l'octroi obligatoire d'une rente,
d'introduire la notion discriminatoire de nanti et de non-nanti, de forcer le
réclamant à se présenter seul, sans l'aide d'un avocat,
devant un fonctionnaire, et de lui enlever le droit d'appel devant un tribunal
qui relève du pouvoir judiciaire.
Quant à l'égalité de l'indemnisation visée
par le projet de loi, un examen détaillé du régime
proposé indique qu'il modifie sensiblement le partage des
indemnités en ce sens qu'un certain nombre de victimes recevraient plus
mais qu'une importante proportion d'entre elles recevraient beaucoup moins.
Résumons les conséquences de ce
réaménagement en fonction des différentes
catégories de pertes. D'abord, les frais médicaux et de
réadaptation. La protection proposée ici est identique à
celle qu'offre le régime actuel aux non-responsables et ne donne pas
grand-chose de plus aux victimes responsables qui avaient déjà
accès à l'assurance-hospitalisation et à
l'assurance-maladie. En enlevant le droit de recours des deux régies
contre les responsables, ce que nous avons demandé, d'ailleurs, depuis
plusieurs années, certains coûts, assumés actuellement par
les automobilistes, sont transférés à l'ensemble des
contribuables. C'est une chose que le livre bleu se garde bien de mentionner
dans son analyse des coûts.
L'incapacité temporaire. Alors que dans les conditions actuelles
la victime innocente a droit au remboursement intégral du salaire perdu,
le régime proposé prévoit la compensation de 90% du revenu
net après une période d'attente de sept jours.
L'incapacité moyenne, selon Gauvin, étant d'environ 40 jours,
cela signifie que le régime propose de n'indemniser la victime que dans
une proportion de 75% de sa perte véritable.
Au chapitre des indemnités pour incapacité permanente, le
manque de renseignements sur l'évaluation des coûts du
régime proposé nous empêche d'en souligner les
conséquences d'une façon exacte; toutefois, en nous basant sur
l'étude de Woodward and Fondiller, qui a été faite pour le
BAC, ainsi que sur les données publiées par le comité
Gauvin, nous devons en conclure que le régime proposé paiera
à l'ensemble des victimes d'invalidité permanente à peine
un peu plus que sous le régime actuel. Vu, cependant, que cette somme
globale sera répartie entre toutes les victimes, c'est-à-dire les
victimes innocentes et les victimes responsables et leurs dépendants,
nous devons conclure que par l'adoption du régime proposé les
victimes non responsables recevront moins que sous le régime actuel.
En fait, non seulement le montant total sera-t-il réduit, mais sa
répartition entre les victimes serait très différente de
celle que nous connaissons présentement. Dans la très grande
majorité des cas où il y a incapacité permanente, la
victime devra se contenter des montants forfaitaires prévus en cas de
mutilation. Nous estimons que ces montants équivaudraient à moins
de 20% de la moyenne des indemnités payables sous le régime
actuel. Comment expliquer qu'un régime qui vise à
améliorer la qualité de l'indemnisation comporte une telle
réduction des bénéfices pour une importante proportion de
l'ensemble des victimes?
Au niveau des indemnités de décès, on doit
distinguer trois situations différentes. Dans le cas du conjoint qui
n'est pas soutien de famille les bénéfices prévus, qui
sont de $5000 à $15 000, sont nettement inférieurs aux montants
qu'il peut obtenir sous le régime actuel et ils sont insuffisants pour
compenser la perte économique qui est réellement subie. Pour les
soutiens de famille, les indemnités prévues sont largement
supérieures à celles versées actuellement puisque
l'adoption du régime proposé entraînerait dans leur cas une
augmentation de l'ordre de 50% au niveau de l'indemnité moyenne. Ceci
n'a rien d'étonnant si on considère que le régime
proposé ignore plusieurs facteurs dont les tribunaux tiennent compte
aujourd'hui et à juste titre pour atténuer le montant de la
perte. Sur cette question des indemnités de décès, le
régime proposé s'écarte donc largement de la motion de
perte économique.
Si l'on juge de la qualité de l'indemnisation pour
décès sur le plan de la répartition des indemnités
entre les victimes, le régime proposé nous semble
inférieur au régime actuel puisqu'il fait abstraction des
circonstances propres à chacun des cas. Il est conçu en fonction
d'un foyer standard au sein duquel l'un des membres, généralement
l'épouse, est dans un état de dépendance permanent
à l'égard de son conjoint, ce qui, évidemment, ne
correspond plus à la situation de nombreux foyers,
particulièrement ceux de la nouvelle génération.
Un régime qui est basé sur un modèle aussi
simplifié entraînerait une surcompensation dans un très
grand nombre de cas.
Notre mémoire, M. le Président, comme, d'ailleurs, toutes
les interventions que nous avons faites à ce sujet, depuis des
années, confirme que nous acceptons le principe du "no fault" en
matière d'assurance automobile. En fait, le régime AUTOBAC que
nous préconisons propose une forme d'indemnisation qui repose en
très grande partie sur ce principe. Nous croyons, cependant, que le "no
fault" intégral ne peut être appliqué qu'en le
remplaçant par des indemnités très
généreuses et, par conséquent, très coûteuses
pour
l'automobiliste. C'est donc pour des considérations d'ordre
pratique que nous avons recommandé un régime "no fault" partiel,
c'est-à-dire une indemnisation équitable pour toutes les
victimes, mais à un coût qui tienne compte des moyens financiers
de l'automobiliste. Le régime proposé par le gouvernement offre
donc certains avantages, mais le chambardement qu'il comporte et les
coûts excessifs qu'il peut engendrer ne justifient pas son adoption. Il
devrait donc être révisé, si notre société
veut éviter de se trouver éventuellement confrontée avec
un problème de coûts excessifs et incontrôlables.
Dans le domaine des dommages matériels, notre mémoire
montre que nous sommes pleinement d'accord avec l'assurance obligatoire et
également avec l'indemnisation directe dans le cas des dommages aux
voitures. Nous différons, cependant, d'opinion avec les auteurs du
projet de loi sur deux aspects bien spécifiques de la réforme
proposée: premièrement, le maintien du droit de recours pour les
non-assurés, alors qu'à toutes fins pratiques les assurés,
eux, s'en voient privés dans la plupart des cas et, deuxièmement,
le maintien de la subrogation entre les assureurs.
Nous recommandons l'abolition du droit de recours à la fois pour
les assurés et les non-assurés. Il s'agit d'une mesure qui
favorise la justice pour l'ensemble des automobilistes, tout en assurant le
mieux possible le respect de l'assurance obligatoire. Quant au maintien de la
subrogation entre assureurs, nous recommandons de l'abolir, puisque cela nous
semble présenter un avantage très net au niveau du
règlement des sinistres. L'abandon de la subrogation est le moyen
véritable d'inciter les assureurs à mieux contrôler les
coûts de la réparation des automobiles et à abaisser le
niveau des frais d'exploitation, tout cela pour le plus grand avantage du
public assuré. Nous espérons que le gouvernement prendra en
sérieuse considération les arguments contenus dans votre
mémoire à ce sujet.
Quelques mots maintenant au sujet de la tarification. Nous avons
démontré, M. le Président, dans notre chapitre sur la
création d'un monopole d'Etat, que cette mesure ne saurait nullement
réduire le coût de l'assurance automobile. Sur la base de nos
calculs, qui sont d'ailleurs facilement vérifiables, le régime
proposé entraînerait une augmentation de primes dans le cas
d'environ 65% des automobilistes assurés.
Cette proportion pourra même atteindre 90% dans certaines
régions limitrophes, comme celle de Hull, par exemple. Si nos
prévisions quant à l'insuffisance des 6% de frais
d'administration prévus s'avéraient exactes, les augmentations
pourraient être encore plus importantes pour un plus grand nombre
d'assurés. En somme, plus des deux tiers des assurés subiraient
des augmentations, alors que la prime demeurerait pratiquement
inchangée.
Il doit, dans ces circonstances, y avoir subvention de certaines classes
d'automobilistes, comme les jeunes hommes célibataires de moins de 25
ans et les conducteurs qui ont un mauvais dossier, aux dépens de la
majorité des autres groupes, en particulier des gens qui n'utilisent pas
leur voiture pour se rendre au travail et les cultivateurs.
Voici, à titre d'exemple, le coût approximatif de la
protection pour dommages corporels sous le régime actuel et ce qu'il en
coûterait sous le régime proposé dans le cas des
véhicules de promenade. Par exemple, un conducteur marié, qui a
plus de 25 ans, qui demeure à Québec et qui utilise sa voiture
pour se rendre à son travail, pas plus d'un accident en cinq ans, paye
actuellement $91 ; il en payerait sous le régime proposé de $120
à $125.
Une femme célibataire de 25 ans qui habite Montréal et qui
n'utilise pas son véhicule pour se rendre à son travail, pas plus
d'un accident durant cinq ans, paie actuellement $83; elle en paierait de $130
à $135 sous le régime. Un agriculteur de la région de
Trois-Rivières, qui a plus de 30 ans et qui n'a jamais eu d'accident au
cours des trois dernières années, paie actuellement $64; il en
paiera entre $120 et $125. Un commerçant de Sherbrooke, qui est
âgé de 25 ans et qui utilise sa voiture pour affaires, qui a eu
deux accidents en cinq ans, paie $195 et sa prime diminue à $120 ou
$125. Un homme marié de plus de 25 ans, qui demeure à Hull,
utilise son véhicule pour se rendre au travail, et a eu un accident
pendant les cinq dernières années, paie actuellement $63; il va
en payer entre $120 et $125. Un jeune homme célibataire de 21 ans qui
habite Montréal, qui a eu un accident il y a plus d'un an, en paie $345;
sa prime diminue à $130 ou $135.
M. le Président, nous avons deux raisons de présenter ces
comparaisons. Nous croyons qu'il est de notre devoir d'informer la population
et ses représentants des véritables conséquences des
réformes proposées sur le niveau des primes. Vu les
déclarations du ministre et de certains assureurs, ainsi que
l'interprétation qu'en ont fait les media, nous craignons que le public
en général ait l'impression que le nouveau régime
permettrait une réduction des primes. Il importait donc de corriger
cette impression le plus tôt possible.
Cette présentation nous permet aussi de poser clairement la
question du rôle de la tarification dans l'assurance automobile. Il nous
semble que si ce rôle était bien compris, la question de
l'étatisation se poserait en des termes bien différents. La
fonction d'un régime d'assurance est en effet double: indemniser les
victimes et répartir les coûts entre les assurés. Aux yeux
de l'observateur moyen, il est possible que le deuxième volet semble
beaucoup moins important. Il faut cependant souligner qu'une juste
répartition des coûts entre les individus et les groupes
d'individus est un objectif primordial aussi bien sur le plan social que sur le
plan économique. A cet égard, les hypothèses de
tarification publiées par le ministère et qui dénotent un
nivellement inacceptable entre les classes d'assurés sont conformes
à la tradition des régies d'Etat des provinces de l'Ouest dont
nous connaissons la piètre performance en cette matière. On
parlait tout à l'heure, parmi les commissaires, d'une danse des
millions, on voit que la danse commence et on peut difficilement faire
autrement que se rappeler ce qui s'est passé
en Colombie-Britannique où on a vu valser $200 millions comme
erreurs de tarification. C'est peut-être ce qui nous attend ici.
En théorie, rien n'empêche le monopole de procéder
à une plus juste répartition. Mais dans la pratique, la poursuite
de cet objectif est contrecarré par trois facteurs principaux. D'abord
l'élimination de la concurrence fait disparaître l'incitation
à l'équité. Equité qui existe sous le régime
privé. Il est inévitable que des pressions politiques soient
exercées sur la régie et, à cet égard, il n'est pas
nécessaire de rappeler l'exemple, comme je viens de le dire, de la
Colombie-Britannique. D'ailleurs, le verbiage qui entoure déjà la
tarification des jeunes conducteurs est un signe que la politique a
déjà fait son entrée dans la tarification.
Troisièmement, de sérieuses contraintes administratives limitent
la poursuite de cet objectif. En effet, la réalisations des
économies promises au niveau des frais de souscription suposent
l'intégration de certaines opérations de l'assurance automobile
à d'autres organismes gouvernementaux, par exemple, le Bureau des
véhicules automobiles. Or, le développement et le maintien d'une
tarification équitable exigerait ta cueillette et le traitement d'une
quantité d'informations qui ne sont pas nécessaires à ces
organismes.
En définitive, le régime proposé ne satisfera en
rien l'opinion souvent exprimée par le public qui désire avant
tout une réduction des primes plutôt qu'une augmentation
s'étendant à au-delà de 65% des automobilistes. Le
régime proposé se révèle particulièrement
inapte à assurer une répartition équitable des coûts
d'assurance. Il ne peut conduire qu'à une structure de prix faisant fi
de l'importance économique d'une saine allocation des ressources, ce
qui, en soi, est une cause d'inefficacité.
M. le Président, la dernière partie de notre
mémoire présente un certain nombre de recommandations
précises touchant des éléments d'ordre technique et
juridique et qui sont régis par des articles particuliers du projet de
loi.
A ce sujet, le temps ne nous a pas permis jusqu'ici de toucher toutes
les dispositions du projet de loi. Nos techniciens continuent donc leur travail
de recherche et d'étude et nous serons heureux d'en faire profiter le
gouvernement dès que la chose nous sera possible.
En conclusion, M. le Président, nous réaffirmons notre
conviction que l'industrie québécoise des assurances est
parfaitement capable d'offrir au public un régime d'assurance automobile
tout aussi satisfaisant que celui proposé par le projet de loi no 67. Et
cela non seulement avec toute l'efficacité que garantit son
expérience, mais encore avec les économies que seul peut apporter
le système de la libre entreprise. Si on nous l'avait demandé en
novembre 1976, nous l'aurions déjà depuis le premier juillet
dernier. M. le Président, nous vous remercions de nous avoir
écoutés. Mes collègues et moi sommes maintenant à
votre disposition pour répondre à vos questions.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Moreau. Mme le
ministre.
Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier M.
Moreau et les autres représentants des assureurs qui l'accompagnent. Je
retiens, évidemment, d'abord et avant tout, votre proposition de
collaboration. Elle me paraît essentielle. Vous avez assuré que
vos techniciens travaillent encore présentement à certains
aspects du projet de loi 67. Je peux vous assurer que nous en faisons autant de
notre côté. Nous aurions tout intérêt, pour servir la
population, à échanger nos informations, ce que nous sommes
parfaitement disposés à faire, si bien qu'il devrait y avoir, au
cours des semaines à venir, très certainement, de nombreuses
rencontres entre vos actuaires et nos actuaires pour que, chacun de son
côté, nous puissions atteindre ce qui semble être votre but,
c'est-à-dire un meilleur service à la population
québécoise et aux consommateurs québécois.
Je vais avoir un certain nombre de questions et je vais devoir me
référer à votre mémoire, si vous me le permettez,
parce qu'il y a certaines informations qui sont importantes et qui
demanderaient des éclaircissements.
M. Moreau: M. le Président, vous me permettrez, pour
répondre aux questions, de faire appel à mes collègues,
dont chacun a ses spécialités.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. Moreau:
Merci, madame.
Mme Payette: Sans aucun problème. Même dans votre
résumé, et on le trouve dans votre mémoire au
préambule, vous avez parlé de la campagne de publicité qui
a été faite autour de ce qui s'appelait le projet BAC qui
proposait un "no fault" partiel. Seriez-vous en mesure de me dire, soit vous M.
Moreau ou l'une des personnes qui vous accompagnent, quels ont
été les résultats de cette campagne jusqu'à
présent? Pourriez-vous me faire un bilan du résultat?
M. Moreau: II faudrait que je vous présente un rapport
assez long, madame, parce que non seulement nous avons évalué les
résultats de la campagne, mais nous avons fait des sondages d'opinion
publique justement pour savoir à quel point la campagne avait
porté. Je pourrais vous faire parvenir un rapport très complet
là-dessus mais, pour le moment, il suffit de dire que le public semble
avoir compris notre programme, pas complètement parce qu'on s'est rendu
compte que c'est un élément très difficile à
observer. Quand on parle de "no fault" ou quand on parle d'assurance automobile
dans le public, c'est très difficile. Je pense que vous avez eu la
même expérience, madame.
Nos sondages nous ont révélé que le public, en
général, semble favorable à un "no fault" partiel,
c'est-à-dire perdre une partie de ses droits, mais tout en les
conservant dans les cas où la science actuarielle n'est pas en mesure,
elle, de procurer des indemnités à tout le monde de façon
juste. En somme, c'est à peu près cela. C'est l'impression que
nous avons retirée du public. Il y a
beaucoup de sympathie. Les media d'information, chez les journalistes,
c'est à peu près la même chose. En fait, on l'a
qualifié dans les media d'information et dans beaucoup de coins de la
province comme étant le juste milieu parmi toutes les solutions qui ont
été proposées depuis trois ou quatre ans en matière
d'assurance automobile.
Mme Payette: Vous n'êtes pas sans savoir, M. Moreau, les
discussions qui entourent actuellement le régime de "no fault" partiel
pratiqué aux Etats-Unis et l'insatisfaction, semble-t-il, selon nos
renseignements, de la population américaine par rapport à ce "no
fault" partiel.
Se basant sur cette expérience, ne peut-on pas douter de la
réaction que pourrait avoir un public québécois face
à une situation semblable?
M. Moreau: Comme vous pouvez le présumer, M. le
Président, nous sommes bien au courant de ce qui se passe aux
Etats-Unis, cela nous intéresse d'une façon particulière.
Nous savons, évidemment, que les lois "no fault" qui ont
été mises en vigueur dans une quinzaines d'Etats maintenant aux
Etats-Unis ont apporté de petits problèmes.
Mme Payette: Quelle sorte de problème?
M. Moreau: En fait, je pense qu'on peut dire que le "no fault"
aux Etats-Unis n'a peut-être pas apporté tous les bienfaits qu'on
en attendait, mais, si on fait la révision de l'opinion
générale de façon objective et en prenant en
considération toutes les opinions, je pense qu'il n'est question, dans
aucun Etat, qu'on revienne au système de la responsabilité
civile. Le régime "no fault" aux Etats-Unis pose des problèmes,
il est vrai, et on ne peut pas s'attendre qu'il y ait des systèmes
parfaits, mais il y a des faiblesses dans les systèmes américains
qui sont évidentes, des faiblesses que le BAC, d'ailleurs, avait
prévues, et on vous en a parlé déjà. Une des
faiblesses, c'est que le "no fault" a pour but d'éviter les poursuites
judiciaires.
Or, aux Etats-Unis, sous le système "no fault", on a fait
l'erreur de dire: La victime gardera son droit d'action devant les tribunaux
lorsque ses frais médicaux ou d'hospitalisation excéderont, par
exemple, $500 ou $750. Alors, nos confrères américains,
c'est-à-dire nos amis avocats américains n'ont pas pris de temps
à apprendre que dépasser un seuil de $500, c'était assez
facile, avec le résultat qu'en peu de temps, en moins d'un an, le nombre
de poursuites devant les tribunaux s'est révélé à
peu près le même qu'auparavant et, là, on a perdu,
évidemment, beaucoup d'avantages du "no fault".
Mme Payette: Avec une augmentation des coûts...
M. Moreau: Or, le BAC excusez-moi, madame avait
prévu cela, c'est pour cela que nous avons mis un seuil non pas
financier, mais basé sur des circonstances spécifiques. Alors, on
ne peut pas jouer avec cela, une victime est morte ou elle ne l'est pas, mais
dépasser $500 ou ne pas dépasser $500, on peut jouer avec cela
comme on veut. C'est une des grandes faiblesses des Américains que le
BAC a tenté d'éviter.
M. Saint-Germain (Guy): Si vous me permettez d'ajouter un mot
à cela, la formule recommandée par le Bureau d'assurance du
Canada était semblable à la formule retenue au Michigan. M.
Moreau a bien indiqué qu'il s'agit d'un seuil verbal, et nous avons
envoyé une délégation tout récemment au Michigan.
Si Mme le ministre veut bien entendre l'un ou l'autre de nos actuaires, nous
sommes prêts à lui répondre sur les avantages du "no fault"
partiel au Michigan.
Mme Payette: Je pense que ce sont des échanges qu'on
pourra avoir. Evidemment, nous sommes également renseignés sur
les différentes situations.
M. Saint-Germain (Guy): Cela fonctionne très bien, en
résumé, au Michigan. Le commissaire, l'équivalent du
surintendant des assurances au Michigan est très heureux, et on peut
souligner les efforts du gouvernement fédéral américain
pour implanter une loi qui forcerait le "no fault" partiel dans la
totalité des Etats américains avec un régime qui ressemble
à AUTOBAC.
Mme Payette: M. le Président, à la page 5 du
mémoire, on dit que l'étatisation de l'assurance automobile est
une mesure complètement injustifiée, et on propose que les
avantages avancés en faveur de la création d'un monopole d'Etat
dans le secteur des blessures corporelles, c'est-à-dire le dynanisme des
assureurs, les rentes indexées, la réduction des frais
d'administration, ne sont pas suffisants comme justification. Vous avez
affirmé, M. Moreau, qu'un régime tel que celui proposé par
le gouvernement pourrait être administré par l'entreprise
privée. Comment peut-on penser que 150 assureurs puissent tomber
entièrement d'accord sur un régime comme celui qui est
prévu dans la réforme présentée au projet de loi
67? Ne risque-t-on pas de voir là une incohérence à cause
du fait que les 150 assureurs ne seront pas nécessairement d'accord?
M. Moreau: C'est peut-être une façon de voir les
choses, M. le Président, mais il n'y a rien qui empêche un
gouvernement de légiférer de façon que l'industrie soit
contrôlée ou se contrôle elle-même, de façon
qu'il y ait uniformité autant que possible dans le traitement des
victimes.
Je ne vois pas pourquoi les assureurs privés ne pourraient pas,
si le régime est fait en collaboration avec le gouvernement,
l'administrer de façon aussi bonne et aussi juste pour les victimes,
madame.
Mme Payette: II s'agit d'une réforme qui est publique,
c'est-à-dire qui touche tous les individus. Comment peut-on penser,
justement, qu'un nombre aussi important d'assureurs pourrait être
d'accord sur un régime?
M. Saint-Germain (Guy): Puisque vous posez la question, on peut
répondre que, certainement, la majorité des assureurs ne voit
aucune objection à servir un système d'assurances qui soit
défini sur une base autre que celle qui existe présentement. Vous
avez peut-être raison quand vous dites que les assureurs
hésiteraient peut-être. Si on regarde, si on considère les
indemnités telles qu'elles sont prévues dans le projet de loi, il
est évident, sans qu'on parte une polémique, qu'il y a certains
aspects arbitraires de ces indemnités qui cadreraient très mal
dans une administration relevant de l'entreprise privée.
Par exemple, quand on dit qu'un étudiant aura droit à une
indemnité basée sur le salaire qu'il devrait toucher s'il
arrivait à terminer ses études, il est évident que
l'arbitraire est là à pleine porte et qu'il serait difficile pour
nous de convaincre le public qu'on a la bonne solution à chaque fois
qu'on a une indemnité à payer. Il y a deux autres exemples qu'on
peut donner. L'indemnité de remplacement de revenu à l'article
19, par exemple, où on dit que la régie peut agir à sa
discrétion. Ce sont les mots utilisés dans la loi. Je pense bien
que si on disait qu'un assureur privé peut agir à sa
discrétion, il y a quelque chose qui "revolerait".
Ayant dit ceci, nous ne sommes pas d'accord non plus avec le fait que
l'Etat se lance dans un système d'assurance avec des notions aussi
arbitraires. Nous sommes obligés de vous répondre que nous ne
serions pas aptes à faire fonctionner le système tel qu'il est
prévu là, mais nous ajoutons que l'Etat non plus n'a aucun
intérêt, à notre sens, et est incapable de satisfaire le
public et de faire régner la justice avec ce genre de
bénéfices. Si on devait s'asseoir et trouver des
bénéfices plus taillés sur mesure pour le public, on doit
vous dire que la majorité des assureurs serait prête à
faire fonctionner le système.
Mme Payette: M. Moreau, M. le Président a bien dit, tout
à l'heure, que si cette réforme avait été
laissée à l'entreprise privée, elle serait
déjà appliquée depuis le 1er juillet. Il n'a pas fait le
détail de cette réforme. Il a bien parlé de la
réforme telle qu'elle était proposée par le gouvernement.
On voit déjà la difficulté de ce que je soulignais, de
mettre d'accord 150 assureurs autour du régime qui est proposé
ici.
M. Saint-Germain (Guy): Ce n'est pas un gros problème
parce que le fait que les assureurs soient ici représentés par un
corps unique ne fait que refléter une préoccupation qui est
constante de la part des gouvernements au Québec. C'est que les corps
comme le nôtre aient une voix difficile. C'est le résultat de cet
effort qu'on a fait pour arriver à une voix difficile. On vous dit que
cela ne causerait pas de problème. Pas plus que dans tous les Etats
américains où il y a assurément des problèmes avec
le système actuel de responsabilité civile. Les gouvernements, de
concert avec les assureurs, s'asseoient ensemble et élaborent des
solutions aux problèmes qui sont posés.
Mme Payette: M. le Président, est-ce que je peux demander
à nos invités comment il se fait que, se définissant comme
une voix unique devant nous ce matin, nous avons entendu les courtiers dire
qu'il était impossible de s'adresser au BAC comme la voix unique
représentant les assureurs dans des négociations possibles avec
les courtiers?
M. Moreau: Je pense qu'on peut dire que le Bureau d'assurance du
Canada représente à peu près toute l'industrie des
assurances, à quelques exceptions près, lorsqu'on parle
évidemment des éléments de l'assurance automobile ou de
l'assurance incendie, enfin du côté technique et administratif des
assurances. Mais si vous faites allusion à une question de
rémunération ou de négociation, c'est une autre chose. Le
BAC n'a pas cette autorité. D'ailleurs, il ne faudrait pas qu'il l'ait
parce qu'à ce moment, on tombe encore une fois dans l'arbitraire et on
tombe dans la coalition, si vous voulez.
Mme Payette: II ne s'agit donc pas...
M. Moreau: C'est cela qu'on a voulu dire, j'imagine.
Mme Payette: II ne s'agit donc pas d'une voix unique puisque
chaque assureur peut à son tour dire qu'il n'est pas d'accord avec
l'opinion du BAC.
M. Moreau: Oui, si vous voulez. Oui, d'une façon. Les
assureurs membres du BAC ne sont pas tenus, évidemment, de suivre les
indications du BAC. Mais en général, le prestige dont jouit le
BAC auprès de ses compagnies a pour résultat que celles-ci, en
général, suivent les indications dans une grande mesure.
Mme Payette: Par exemple, il serait impossible, actuellement,
pour le Bureau d'assurance du Canada de négocier un tarif en pourcentage
pour les courtiers.
M. Moreau: Dans le moment, il est impossible de faire cela.
Mme Payette: Cela doit être fait par chacun des assureurs
avec les courtiers avec lesquels ii traite.
M. Moreau: Comme cela se fait depuis plusieurs années,
madame, à la grande satisfaction des courtiers et des compagnies.
Mme Payette: M. Moreau, ce n'est pas ce que les courtiers sont
venus nous dire ici.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, si vous le
permettez, c'est comparable, si vous voulez, au Conseil du patronat. On ne
pourrait pas demander au Conseil du patronat de négocier les
conventions collectives de ses membres. Chaque compagnie a ses
responsabilités financières et doit c'est son
problème à elle négocier avec les courtiers,
s'arranger avec les courtiers qui la représentent. On ne peut pas
demander à un organisme de négocier au nom de tout le monde. Je
ne suis pas prêt, moi, comme président des Prévoyants du
Canada, à déléguer à d'autres mes coûts de
fonctionnement. Alors, je vais négocier avec mes courtiers, je vais
discuter avec mes courtiers la manière dont je vais les
rémunérer et chaque compagnie doit faire cela. C'est cela
l'entreprise libre.
Mme Payette: M. le Président, toutes ces questions
étaient reliées au fait que je désirais savoir si on
pouvait penser au BAC comme étant la voix unique des assureurs. Je ne
pense pas que ce soit vrai, actuellement, à moins que cet organisme ne
soit transformé de par la volonté des assureurs
éventuellement.
M. le Président, j'aurais une autre question au sujet d'une
question qui a été abordée dans le mémoire et qui
parle de l'indexation au coût de la vie de certaines indemnités
payées en France, semble-t-il. Est-ce que M. Moreau ou quelqu'un d'autre
pourrait commenter ce sujet qui a été traité assez
rapidement dans votre mémoire?
M. Moreau: M. Saint-Germain, avez-vous un mot
là-dessus?
M. Saint-Germain (Guy): On peut tout simplement rappeler qu'en
France les tribunaux, à un certain moment, ont décidé de
commencer à définir les indemnités en termes de rente
plutôt qu'en termes d'un versement de capital, sans qu'il y ait
intervention de la part des pouvoirs publics d'aucune façon.
Immédiatement, selon les renseignements que nous avons
vous savez qu'en France 50% de l'industrie est étatisée, 50% ne
l'est pas cette rente indexée qui était consentie par les
tribunaux a été perçue par des assureurs français
comme les mettant dans l'impossibilité de continuer à faire
affaires, étant donné le montant de capital important qu'il faut
mettre en réserve pour servir une rente indexée. Ils se sont
précipités chez le ministre des Finances et en France
comme en Angleterre d'ailleurs, vous savez que les services des Finances sont
en étroite collaboration avec les assureurs et ils ont
trouvé très rapidement une solution qui a permis à ces
assureurs français de continuer à faire affaires.
Essentiellement, la solution qu'ils ont élaborée a
consisté en la formation d'un pool à partir duquel les rentes
sont payées, à partir d'une certaine période, disons au
bout de quatre ou cinq ans. L'Etat s'engage, à ce moment-là,
à alimenter le pool, selon la nature de l'indexation qui est consentie,
reconnaissant que, s'il faut servir une rente indexée, le
problème est toujours de savoir quelle génération va la
payer. C'est la solution qu'ils ont élaborée.
Mme Payette: Est-ce qu'il s'agit là d'une position qui
existe dans l'assurance automobile ou dans l'assurance-vie?
M. Saint-Germain (Guy): Elle a été pensée en
fonction de l'assurance automobile; je ne peux pas vous dire si elle existe...
Votre question est?
Mme Payette: Est-ce que c'est en assurance automobile ou en
assurance-vie?
M. Saint-Germain (Guy): Je ne suis pas au courant pour
l'assurance-vie.
Remarquez que vous avez des actuaires ici la rente
indexée existe actuellement; les régimes privés de
retraite sont indexés. Cela ne pose pas de problème; le seul
problème c'est de calculer, dans la période initiale, le
coût exact de la rente indexée. Vous pouvez formuler comme
hypothèse une évolution du coût de la vie qui va de 2%
à 6% ou 7%, selon vos prévisions les plus pessimistes ou les plus
optimistes. Vous avez simplement à faire le calcul. D'ailleurs, pour
arriver à vos $385 millions, il est évident, je pense, que vos
actuaires ont dû tenir compte d'un certain pourcentage d'indexation. Cela
ne pose pas de problèmes.
Mme Payette: Est-ce que tous les assureurs sont prêts
à déclarer cela?
M. Saint-Germain (Guy): II y en a plusieurs qui sont
représentés ici; ils peuvent certainement le dire.
M. Allard (Sébastien): D'accord, je n'ai pas
d'objection.
Mme Payette: En page 6 de votre mémoire, vous affirmez
qu'il sera beaucoup plus onéreux de cotiser trois millions
d'automobilistes que ça ne l'est pour la CAT qui ne cotise que les
employeurs; donc, vous ne croyez pas que les 6% de frais d'administration pour
la nouvelle régie soient réalistes. Pouvez-vous m'expliquer en
quoi vous pensez que la perception de primes reliée à
l'émission de plaques d'immatriculation et de permis de conduire
pourrait être tellement plus dispendieuse que les 6% prévus?
M. Moreau: Evidemment, on n'a pas de précision à
donner sur les 6% exactement, mais d'après notre expérience, cela
devrait s'élever beaucoup plus, on dit même de deux à trois
fois. Il est évident que la perception des primes dans une multitude de
bureaux...
Mme Payette: Comment pouvez-vous affirmer ces deux ou trois fois
plus, si vous n'êtes pas en mesure de définir pourquoi ce sera
plus de 6%?
M. Moreau: Nous comparons avec la perception des primes de la
Commission des accidents du travail; or, la Commission des accidents du travail
a des frais de 8,8% dans le moment. Pourtant, la Commission des accidents du
travail, elle, perçoit des primes d'un beaucoup plus petit nombre des
employeurs et c'est beaucoup plus simple que d'aller les percevoir de 2,5
millions d'automobilistes. Nécessairement, il va falloir que cela
coûte plus cher. Percevoir des primes pour la Commis-
sion des accidents du travail, c'est assez simple, ce sont les
employeurs qui le font pour elle et qui lui transmettent, mais dans le cas des
véhicules automobiles, imaginez le nombre de percepteurs que vous allez
avoir dans la province. C'est notre raisonnement.
Mme Payette: Dans ma question, il ne s'agit pas de percepteurs;
je vous parle des frais d'administration liés au niveau de la perception
sur la plaque d'immatriculation et sur le permis de conduire.
M. Moreau: Oui, mais cela demande quand même un
déplacement supplémentaire, un formulaire supplémentaire,
un travail supplémentaire pour la personne qui va vendre la plaque. Il y
a ensuite la remise de cette prime du bureau qui en a fait la perception vers
la régie. Tout cela comporte des frais. Il ne faut pas s'imaginer que la
prime va être perçue par les bureaux d'émission des permis
et que cela ne comportera aucun frais supplémentaire.
Mme Payette: Ce que nous envisageons présentement, c'est
que la prime soit perçue au moment de la perception de la plaque
d'immatriculation et cela peut se faire par l'entremise des caisses populaires
selon le scénario que nous avons établi jusqu'à
maintenant. Le coût de la plaque d'immatriculation reste à $1 et
cela ne nous concerne pas; le coût de perception de l'assurance
automobile est de $0.50.
M. Saint-Germain (Guy): Comme pour les $385 millions, on
découvre ce matin que vous pouvez être au-dessus de 50 ou en
dessous de 50. On a déjà vu cela, comme M. Moreau vous l'a dit,
en Colombie-Britannique. C'est la même chose pour les $0.50. Si vous
calculez cela en moyenne, avec un salaire de base au parapublic de $165 plus
les avantages sociaux, cela fait $0.08 la minute. Cela supposerait que pour
$0.50 le client qui va entrer dans une caisse populaire va avoir un traitement
de quatre minutes. On vous défie de faire fonctionner une assurance
d'Etat, avec les explications qui vont devoir être données, en
quatre minutes!
Mme Payette: Vous avez aussi fait des allusions, en page 7, au
coût des régimes étatiques des provinces de l'Ouest en
citant 18% dans les frais d'administration. Je me demande si vous avez tenu
compte que dans ce pourcentage, puisque toute l'assurance est
étatisée, il s'agit bien de frais qui couvrent aussi bien les
blessures corporelles que les dommages matériels. A notre connaissance,
la Saskatchewan, par exemple, actuellement affiche 20% de frais
d'administration pour l'ensemble des deux domaines et non pas pour les
blessures corporelles seulement.
M. Moreau: Ce peut être l'ensemble, madame, mais les frais
qui s'appliquent aux dommages matériels ne sont pas tellement
différents.
Mme Payette: Vous faites état très souven t
et c'est revenu à plusieurs reprises du dédoublement du
régime qui fait que deux démarches sont nécessaires.
Pourriez-vous me dire dans quel pourcentage des accidents de la route il y a
des blessures corporelles?
M. Moreau: Le pourcentage exact, je l'ignore, nos actuaires l'ont
peut-être, il est très élevé.
M. Brouillette (Yves): Environ 10%.
Mme Payette: Alors, dans 10% des cas il y aura
dédoublement.
M. Brouillette (Yves): Non, je m'excuse. Quand on parle de 10%,
on parle des réclamations à l'heure actuelle. Si on se place dans
le cadre d'un nouveau régime qui vise à indemniser toutes les
victimes sans égard à la faute, vous avez mentionné
certains pourcentages, dans le livre bleu, qui ne sont pas couverts
présentement, alors, si on augmente cela, on peut peut-être penser
à un pourcentage de 15% à 20%.
Mme Payette: Est-ce que vous régleriez pour 16%?
M. Brouillette: D'accord.
Mme Payette: Dans 16% des cas, il y aura réclamation pour
blessures corporelles. Donc je pense qu'il faudrait peut-être cesser
d'insister beaucoup sur le dédoublement des démarches à
faire, puisque seulement dans 16% des cas y aurait-il réclamations pour
blessures corporelles.
M. Brouillette: Simplement dire que c'est 16% de l'ensemble des
accidents, c'est quand même 100% ou presque des accidents de dommages
corporels. Dans ce sens il va y avoir dédoublement, pas dans tous les
cas, mais un pourcentage très élevé des cas.
Mme Payette: Oui, mais 16% du nombre d'accidents.
M. Brouillette: Du nombre d'accidents, mais, pour les cas de
dommages corporels qui seront couverts par la régie, c'est un
pourcentage très élevé, 84%.
Mme Payette: Dans 84% des cas, il n'y aura qu'une seule
démarche auprès des assureurs.
M. Brouillette: Pour les dommages matériels, d'accord,
mais si on parle de dommages corporels c'est 100%, quand même.
Mme Payette: C'est bien de cela que je parle, dans 84% des cas,
il n'y aura qu'une seule démarche vers les assureurs; dans 16% des cas
il y aura double démarche.
M. Brouillette: Oui, cela c'est pour ce qui est
de l'indemnisation. On parle aussi de dédoublement, je pense, en
ce qui a trait à la perception des primes; alors là on peut dire
que c'est dans 100% dans ce cas.
Mme Payette: Toujours en page 7, vous dites que la
réduction des frais d'administration du régime proposé est
attribuée à la réforme du mode d'indemnisation et à
l'élimination du rôle du courtier. Est-ce que vous auriez
été en mesure d'envisager les mêmes transformations si le
régime vous était confié?
M. Moreau: C'est une possibilité, madame, que nous n'avons
pas eu l'occasion d'étudier. Nous l'aurions fait avec plaisir, si on
nous avait consultés avant de publier un projet de loi ou un projet de
réforme de l'assurance automobile, mais vous touchez là à
toute la structure de l'assurance automobile et cela demande des études
qui doivent se faire conjointement avec le gouvernement. Nous étions
disposés à le faire, madame.
Mme Payette: M. Moreau, j'étais disposée aussi
à vous entendre au moment de la consultation populaire; je pense qu'on
vous l'avait fait savoir; vous avez refusé à ce moment-là
de venir. Nous aurions déjà pu échanger, au moment
où nous n'en étions qu'à l'élaboration du travail,
un certain nombre d'informations. Vous vous êtes appuyés sur le
rapport Gauvin à quelques reprises...
M. Moreau: M. le Président, est-ce que je pourrais relever
cette remarque de Mme le ministre que nous avons refusé d'etre entendus
aux audiences publiques? Je regrette, mais le BAC n'a jamais refusé
d'être entendu et de se présenter aux audiences publiques. Nous
avons signifié tout simplement à Mme le ministre, dans une
lettre, que dans les circonstances nous ne jugions pas à propos de le
faire. Si nous avons pris cette décision...
Mme Payette: Cela revient au même.
M. Moreau:... c'est parce que Mme le ministre elle-même a
fait connaître en public, plusieurs fois, le fait que ces audiences
avaient pour but de connaître l'opinion de la population du
Québec. Même le premier ministre lui-même a
déclaré en public que ces audiences avaient pour but d'entendre
un son de cloche autre que ceux des groupes organisés qui forment
automatiquement des lobbies sur chacune des questions. Alors on s'est dit:
Qu'est-ce qu'on va aller faire là, nous le BAC? On va empêcher les
gens de s'exprimer. C'est la raison pour laquelle on n'a pas demandé
d'être entendus, mais on n'a pas refusé d'aller. Si vous nous
aviez invités, nous nous serions présentés avec
plaisir.
Mme Payette: M. Moreau...
M. Allard: Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose à
cela, M. le Président? Si vous vous souvenez, Mme le ministre, le 7
mars, le Conseil du patronat vous a rencontrée, vous avait
invitée et vous êtes venue. Je faisais partie de la
délégation du Conseil du patronat qui vous a rencontrée. A
ce moment-là vous avez dit catégoriquement que vous n'aviez pas
l'intention de discuter avec le Conseil du patronat d'assurance automobile et
vous avez ajouté en me visant, je pense, parce que j'étais
le représentant du Bureau d'assurance du Canada à ce
moment-là que vous espériez que le BAC ne se
présenterait pas partout où vous iriez dans la province pour
répéter des choses que vous saviez et que tout le monde savait
depuis longtemps. Alors, je pense qu'à ce moment-là...
Mme Payette: M. le Président, il y a une accusation
précise qui est portée, on me permettra de rétablir les
faits. J'ai bien dit que j'espérais ne pas retrouver le BAC dans toutes
les villes que nous aurions à visiter et que nous avions invité
les organismes représentatifs de l'ensemble de certains groupes à
se faire entendre ou à Montréal ou à Québec, ce que
plusieurs organismes ont parfaitement compris.
M. Allard: Je répète que ce qu'on a dit c'est que
Mme le ministre ne voulait pas entendre les choses que le BAC
répétait depuis très longtemps et que tout le monde
connaissait.
Moi, j'ai conclu que nous n'avions pas à nous présenter
aux audiences de la commission itinérante qui discutait de l'assurance
automobile à ce moment-là parce que, aussi, comme M. Moreau l'a
fait remarquer, on a souligné à maintes reprises que le but
visé était de donner à la population la chance de se faire
entendre et non pas aux autres groupes dont les opinions étaient
déjà connues depuis longtemps.
Mme Payette: M. le Président...
M. Moreau: D'ailleurs, les paroles de Mme le ministre sont
rapportées dans le journal des Débats du 15 avril, en toutes
lettres, où madame dit: "J'espère rencontrer la population des
Québécois et des Québécoises qui sont les
consommateurs d'assurance automobile".
Mme Payette: Cela a été fait, M. le
Président. Mais nous avions spécifié que nous
réservions un plus grand nombre de jours à Montréal et
à Québec, et cela a été le cas, pour entendre les
groupes à ce moment-là. Nous avons prié les organismes de
ne pas se présenter dans toutes les villes. Comment se fait-il justement
que nous ayons entendu le Barreau représenté par le
bâtonnier de certaines régions, dans différentes
régions, et que nous ayons entendu le Barreau du Québec à
Montréal? Quand je dis que je demandais au BAC de ne pas
répéter ce que nous connaissions déjà, c'est
qu'effectivement vous savez parfaitement que vous aviez été
entendus par le gouvernement à plusieurs reprises au moment de la
commission Gauvin et dans d'autres circonstances. Nous disposions de cette
information et ce que je souhaitais entendre du BAC, ce n'était pas ce
qui avait déjà été dit, mais c'était la
réaction à ce qui était
proposé. C'était du matériel nouveau que je
demandais et non pas la répétition de ce qui était
déjà connu. Je pense que cela a été compris par
tous les autres organismes.
M. Allard: Nous avons aussi mentionné à plusieurs
reprises qu'il y avait une foule de questions qui avaient besoin d'être
discutées dans le projet et qui apparaissaient dans le livre bleu, des
questions d'ordre technique et qui n'avaient sûrement pas avantage
à être discutées avec la population, qui n'y aurait rien
compris de toute façon. Nous avons demandé, à maintes
reprises, jusqu'à tout dernièrement, à être entendus
par le ministre ou ses représentants pour discuter de la réforme
des assurances et, jusqu'à dernièrement, nous n'en avons pas eu
l'occasion, parce qu'on ne voulait pas nous recevoir. Je pense qu'il est
important de faire cette mise au point.
M. Moreau: A ce sujet, je pense que Mme le ministre se souviendra
de mes lettres, qui étaient en fait presque des supplications, de bien
vouloir nous recevoir et d'accepter notre collaboration pour discuter du
projet. Cela ne ressemble pas à des gens qui se défilent et qui
ne veulent pas se présenter devant vous. Vous nous avez répondu,
chaque fois, madame, que vous n'étiez pas intéressée
à nous entendre, que vous aviez un dossier complet et que vous saviez
tout ce que vous aviez à savoir sur le dossier. C'était votre
privilège. Mais il ne faudrait quand même pas qu'on nous reproche
de ne pas nous être présentés aux audiences publiques. Tout
de même!
Mme Payelte: A ma connaissance, M. le Président, les
lettres auxquelles on fait allusion datent d'avant la consultation populaire
et, effectivement, j'avais bien expliqué que je ne voulais pas subir le
"lobbying" non seulement du BAC mais d'autres organismes, à partir du
moment où nous avions déjà plusieurs mémoires
disponibles et que nous connaissions la position de chacun des organismes. Par
la suite, il y a eu, à ma connaissance, au moins une rencontre
importante entre nos techniciens et vos techniciens qui, d'ailleurs, m'a-t-on
rapporté, avait été extrêmement fructueuse.
M. Moreau: Excusez-moi, madame, M. le Président, mais je
diffère d'opinion là-dessus. Si on se réfère
à la première rencontre qui a effectivement eu lieu le 15 juin
1977, je ne peux malheureusement pas dire qu'elle a été
fructueuse. Au contraire, nous avons assisté à cette
rencontre-là dans le but de connaître certains détails ou
connaître la base de calcul ou d'élaboration du plan.
Malheureusement, on nous a clairement dit qu'on n'avait pas l'intention de nous
donner les données de base et que le seul but de notre rencontre et de
toute autre rencontre subséquente, c'était strictement de voir
à prendre, le plus tôt possible, les moyens de mettre le
régime proposé en marche, mais il n'était pas question de
discuter de la justesse des éléments ou des concepts qui sont
dans le projet.
Mme Payette: M. le Président, je reviendrai au
mémoire. J'avais fait allusion au rapport Gauvin tout à l'heure
et je n'ai pas terminé ma question. Le rapport Gauvin, on s'en
souviendra, faisait un certain nombre de recommandations. C'est un chiffre
très élevé. Je me demande s'il n'y a pas 30 ou 35
recommandations. C'étaient des recommandations sur des choses qu'il
était absolument essentiel de faire avant d'arriver à
l'étatisation complète de l'assurance automobile. Puis-je vous
demander si vous seriez prêts à mettre en application ces 30 ou 35
recommandations pour éviter, éventuellement, une
étatisation complète?
M. Moreau: Nous avons donné notre opinion là-dessus
à la commission parlementaire sur le rapport Gauvin. Nous avons dit,
d'une façon générale, que les assureurs pourraient mettre
sur pied un système semblable a celui de M. Gauvin. Evidemment, cela
pose des études et certaines modifications, mais nous avons dit que nous
pourrions le faire. Ceci est dans les dossiers de la commission
parlementaire.
Mme Payette: Vous souvenez-vous bien des recommandations du
rapport Gauvin où on recommande, par exemple, l'élimination
complète de tous les courtiers pour arriver à une
réduction du taux d'administration?
M. Moreau: Sur la question des courtiers, on a exprimé
plusieurs fois une opinion là-dessus. Nous croyons que le rôle du
courtier est nécessaire. Nous croyons qu'il est utile. Il fait un
excellent travail au Québec. D'ailleurs, le public s'en rend compte
puisqu'il le favorise. Encore une fois, et comme je l'ai dit dans mes
remarques, c'est le gouvernement qui, en définitive, a la
décision. Si le gouvernement, dans sa sagesse, décide que le
courtier doit être éliminé, il ne nous reste pas
grand-chose à faire, madame, autre que de se conformer et d'essayer,
nous, par nos propres moyens, de remplir le vide, mais nous ne favorisons pas
cela. Nous ne croyons pas que ce soit la solution. Nous sommes convaincus que
les courtiers sont nécessaires, qu'ils rendent un service au public.
Dans le régime proposé, pour les blessures corporelles, le public
va manquer des services du courtier à un moment quelconque. Seul
l'avenir va nous le dire, évidemment.
Mme Payette: M. le Président, certains courtiers ont
porté à mon attentionM. Moreau y a fait allusion tout
à l'heure dans son résuméle fait que les assureurs
qui font de l'assurance au comptoir affirment très souvent qu'il n'y a
pas, dans leur cas, le même montant de frais d'administration que dans le
cas où un courtier intervient. Les courtiers affirment, pour leur part,
que la vente au comptoir revient finalement au même prix au consommateur
que celle qui se fait par l'intermédiaire du courtier puisqu'il faut, de
toute façon, payer les salaires des personnes qui sont au comptoir.
Est-ce que les courtiers ont raison dans cette affirmation?
M. Moreau: ils ont partiellement raison, en ce sens que le
pourcentage des frais d'administration des assureurs qu'on appelle "directs" et
des compagnies-agences est à peu près le même, la plupart
du temps. Cependant, il faut dire qu'il s'agit (à d'un pourcentage;
donc, c'est relatif. Or, le niveau des taux des assureurs directs n'est pas
nécessairement le même que le niveau des autres compagnies.
Peut-être qu'en dollars et cents cela peut différer, mais, d'une
façon générale, on peut dire qu'ils sont sensiblement les
mêmes.
M. Saint-Germain (Guy): Si vous me permettez d'ajouter... Si je
me souviens bien du rapport Gauvin, ce dernier n'a jamais demandé
l'élimination du courtier. Il a mis en question le niveau de
rémunération du courtier.
Dans les notes sténographiées qu'il nous a
été donné de lire lors de l'audition des membres de
l'Association des courtiers et de la Fédération des courtiers, si
ma mémoire est bonne, le ministre des Consommateurs, Coopératives
et Institutions financières n'a jamais fait état de son
désir d'éliminer le courtier. Dans un monopole d'Etat, on voit
mal d'abord pourquoi le courtier est éliminé il semble y
avoir une contradiction là et si on nous demandait d'administrer
un plan comme celui du rapport Gauvin, ce dernier n'a jamais
suggéré que le courtier soit éliminé, il a
recommandé que sa rémunération soit changée, et
avec cette partie du rapport Gauvin, nous n'étions pas d'accord.
Mme Payette: M. le Président, à la page 8 du
mémoire, on dit que la double source d'indemnisation fera la frustration
des victimes. J'aimerais savoir de nos invités si on ne pense pas qu'au
contraire les deux sources d'indemnisation ne peuvent être que salutaires
pour toutes les victimes, et j'avancerai deux raisons à cet effet:
d'abord, actuellement, dans le système que nous connaissons, lorsque la
responsabilité ne peut être rapidement établie, n'est-il
pas vrai qu'une victime de dommages matériels attend avant d'être
réglée que toutes les victimes de blessures corporelles aient vu
leurs réclamations adjugées? Deuxièmement, dans le
système actuel, quand il y a plusieurs victimes de blessures corporelles
et que la responsabilité ne peut être établie rapidement,
n'est-il pas coutume que toutes les victimes doivent attendre l'issue du
procès pour l'ensemble, et qu'aucune de ces victimes ne peut être
réglée en priorité?
M. Moreau: Vous posez là une question intéressante,
madame, mais, comme elle est extrêmement technique, pourrais-je, M. le
Président, faire appel à un spécialiste qui nous
accompagne, M. Gérard McCann, qui est directeur du service des sinistres
du groupe Les Prévoyants du Canada? M. McCann est-il ici?
M. McCann (Gérard): A cette question, je pourrais
répondre que, nonobstant le fait qu'il y ait des blessures corporelles
dans un sinistre, si la responsabilité est établie, les dommages
matériels sont payés immédiatement même si les
blessures corporelles ne sont pas réglées. Dans l'ensemble, je
dirais, et sans crainte de me tromper, qu'au-delà de 95% des cas sont
réglés de cette façon.
Mme Payette: M. le Président, quand on ne peut pas
établir la responsabilité rapidement, tout le monde n'est-il pas
obligé d'attendre, y compris les victimes de blessures corporelles?
M. McCann: Quand vous ne pouvez pas établir
immédiatement la responsabilité, à cela je dois
répondre que c'est l'infime pourcentage des cas où vous ne pouvez
pas établir la responsabilité. Vous ne pouvez pas vous baser sur
ce critère pour dire que les dommages matériels, dans l'ensemble,
ne sont pas indemnisés.
Mme Payette: Cela représente quoi, comme pourcentage?
M. McCann: Je n'ai jamais fait de statistiques, mais je suis
certain que c'est une infime partie.
Mme Payette: Monsieur vous donnait-il une réponse quant au
pourcentage?
M. Moreau: Tout retard dans le paiement des dommages
matériels n'a pas nécessairement de relations avec la
détermination de la responsabilité. On touche là à
tout le domaine du paiement des dommages matériels, au régime "no
fault" en dommages matériels, ou au régime en indemnisation
directe, comme le projet de loi le propose, mais cela n'a pas
nécessairement de relations avec le paiement des blessures
corporelles.
Mme Payette: Mais, dans le système actuel, ma question est
celle-ci: Si on ne peut pas établir la responsabilité rapidement,
est-ce que toutes les victimes, aussi bien de dommages matériels que de
blessures corporelles, ne doivent pas attendre que la responsabilité
soit établie clairement?
M. Saint-Germain (Guy): Je vais répondre. Dans le cas des
dommages matériels, la réponse est non en pratique. Dans le cas
des blessures corporelles, vous avez parfaitement raison. Il y a souvent des
victimes qui sont obligées d'attendre. C'est la raison pour laquelle on
a suggéré, depuis de nombreuses années, un changement au
statu quo. C'est la raison, j'imagine, pour laquelle, Mme le ministre, vous
suggérez également un changement. C'est une question de
système d'indemnisation et non pas de retard de la part des
assureurs.
M. McCann: Maintenant, si vous le permettez, j'ajouterai qu'avec
une assurance individuelle la victime est dédommagée
immédiatement, même si vous n'avez pas établi la
responsabilité, car c'est une indemnité qui est payée sans
égard à la faute. Donc, les victimes sont indemnisées
selon un certain pourcentage également en blessures corporelles. Nous
avons également des lignes de conduite entre assureurs qui nous disent
que, lorsque la responsabilité est établie, vous allez faire
des avarices sur règlement, chose qui se pratique par la
majorité des assureurs.
Mme Payette: En page 11 de votre mémoire, vous citez les
résultats de l'étude Woodward Fon-diller, à savoir que les
victimes d'incapacité permanente retirent 44% des indemnités
payées en vertu du chapitre A pour dommages corporels. Vous dites
constater que, pour l'ensemble des victimes non responsables, il pourrait y
avoir une réduction des indemnités pour invalidité
permanente et que globalement l'ensemble des victimes d'invalidité
permanente responsables ou non responsables ne retireraient pas beaucoup plus
que le régime actuel, en tous les cas, ne leur propose.
Le pourcentage que nous avons établi dans le régime que
nous proposons est de 55,5%; les indemnités versées sont nettes
d'impôt et ne sont pas réduites par des frais de cour ou d'avocat.
Au contraire, comme vous le savez, le régime prévoit qu'elles
soient indexées au coût de la vie. Il ne peut donc y avoir de
pertes pour la majorité des victimes, puisque nous compenserons 100% des
pertes économiques de 85% de la population. Vous avez insisté sur
les 90%, mais c'est tout simplement que vous n'avez pas, je pense, retenu
l'explication qui avait été donnée. Nous avons
estimé à 10% les frais qu'il faut investir pour gagner son
salaire et 90% indemnisent complètement la perte économique d'une
victime.
Nous indemnisons donc 100% des pertes économiques de 85% de la
population, en plus de verser une indemnité pour souffrances et
mutilations, s'il y a lieu. Je comprends mal que vous puissiez affirmer que les
victimes d'incapacité permanente voient diminuer leur revenu dans la
réforme qui est proposée. Est-ce que quelqu'un pourrait se
pencher particulièrement là-dessus?
M. Moreau: Est-ce que M. Brouillette, s'il vous plaît, veut
répondre?
M. Brouillette: M. le Président, je voudrais d'abord dire
que, si on utilise le chiffre de 55% qui a été mentionné,
premièrement, c'est une donnée qui ne nous était
malheureusement pas disponible, malgré nos demandes;
deuxièmement, si on constate que cela s'applique à l'ensemble des
victimes et qu'on utilise le pourcentage qui est mentionné dans le livre
bleu au sujet des victimes qui ne sont pas indemnisées, soit 28%; si on
constate que 28% de ces 55% vont aux personnes qui ne sont pas
indemnisées présentement, qui ne sont pas indemnisées
complètement, alors, on peut conclure que l'affirmation qu'on fait au
sujet du pourcentage qui va aux victimes qui sont non responsables va diminuer.
Un calcul rapide; si on multiplie 55% par 72%, on obtient environ 39% qui se
compare à 44%. Je pense que cela justifie l'affirmation que l'on fait,
c'est-à-dire que, pour les victimes non responsables, la masse des
indemnités va être moins importante qu'elle ne l'est
aujourd'hui.
Le deuxième point que vous avez mentionné: l'aspect des
frais de cour. Dans les 44%, on avait exclu complètement l'ensemble des
frais de rè- glement; comme on le mentionne dans la note au bas de la
page 11, c'est entièrement basé sur les indemnités; or,
c'est en pourcentage des indemnités excluant tous les frais.
Dernier élément, au sujet des 90%; il est probablement
vrai de dire qu'il y a une partie du revenu qui est consacrée à
des frais une partie du revenu du travail qui est consacrée
à des frais mais, encore là, ce qu'on fait ici, c'est
qu'on parle par rapport au régime actuel. Alors, c'est une composante
dont le régime actuel ne tient pas compte. La conclusion qu'on tire au
deuxième paragraphe, lorsqu'on dit que le montant total des
indemnités serait réduit, je pense que cela peut être
établi noir sur blanc, mais, d'autre part, ce n'est pas là le
point principal, ce n'est pas là notre argument principal parce que,
comme on le voit, 44% à 38%, on peut dire que cela ne change pas
tellement. L'argument principal, au niveau de l'incapacité permanente,
c'est que les indemnités vont être réparties d'une
façon très différente de la répartition que l'on
connaît présentement, en ce sens que certaines victimes vont
recevoir beaucoup plus qu'aujourd'hui et d'autres vont recevoir beaucoup moins.
C'est dans ce sens qu'on avait fait...
Mme Payette: Vous faites aussi allusion, dans votre
mémoire, à la page 13, à la prestation qui est payable
à la suite du décès d'un conjoint non soutien de famille;
est-ce que vous avez tenu compte, dans votre remarque, que cette rente est
versée pendant trois ans si le conjoint exerçait un emploi?
M. Brouillette: On n'en a pas tenu compte, je pense, à ce
niveau. L'exemple qu'on avait à l'esprit était probablement le
conjoint qui n'exerçait pas un emploi. De toute façon, je pense
qu'on en aurait tenu compte. On pensait justement à l'exemple d'un
conjoint qui n'exerçait pas d'emploi et on connaît les
indemnités qui sont versées aujourd'hui. Peut-être que si
M. McCann avait été encore ici il aurait pu vous donner des
exemples d'indemnités qui sont versées aujourd'hui dans le cas de
conjoints qu'on peut qualifier de femmes au foyer qui n'exercent pas d'emploi.
Dans ce cas, on dit que de $5000 à $15 000, cela nous paraît
nettement inférieur à ce qui peut être payé
aujourd'hui.
Si on veut considérer l'autre cas de la femme qui exerce
véritablement un emploi, on va s'apercevoir qu'encore là il y a
des cas où le régime proposé va payer moins que sous le
régime actuel. Je pense que c'est un autre cas.
Mme Payette: Vous continuez aussi, en page 14, en faisant
remarquer que pour les cas de décès de soutiens de famille "les
indemnités prévues sont largement supérieures à
celles versées actuellement." Je voudrais vous demander si vous
n'êtes pas d'accord avec ce principe qui sous-tend cette indemnisation et
qui nous permet de penser que les dépendants d'un soutien de famille
seraient plus en sécurité dans ce que nous proposons que dans ce
qui a lieu actuellement.
M. Brouillette: On admet que l'indemnisation est plus
généreuse, si on peut employer cette expression, dans ces
cas-là, mais il faut se poser la question: Est-ce justifié de
fournir des indemnisations et est-ce qu'on peut même parler
d'indemnisations à ce niveau-là? Il me semble que dans bien des
cas cela va être complètement hors de relation avec le montant de
la perte économique ou du préjudice matériel. Un exemple
me vient à l'esprit. Si vous prenez un couple dont les deux personnes,
les deux conjoints exercent un emploi, ils peuvent avoir des professions tout
aussi rémunératrices l'un que l'autre. Dans le projet de loi, il
y a une clause particulière à l'égard des personnes
mariées de moins de 35 ans; si vous prenez une personne de 38 ans, cela
signifie que vous allez la considérer exactement comme un
dépendant complet de son époux parce que vous allez supposer,
pour verser son indemnisation, que cette personne est à la charge de son
conjoint alors que ce n'est pas du tout le cas. Il semble y avoir une
exagération à ce niveau.
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, étant
donné qu'il est midi, la commission doit suspendre ses travaux
jusqu'à 15 heures cet après midi.
(Suspension de la séance à 12 h 1)
Reprise de la séance à 15 h 10
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous
plaît!
A la suspension de ce midi, nous en étions toujours au
mémoire du Bureau d'assurance du Canada, et Mme le ministre avait la
parole.
Mme Payette: M. le Président, je veux juste poser une
autre question, laisser intervenir les autres membres de la commission et
éventuellement revenir pour deux ou trois détails. En page 23 du
mémoire qui nous a été présenté par le
Bureau d'assurance du Canada, il y a une allusion au fait, simplement, que le
public est d'avis qu'il y aurait une réduction de prime. Je pense qu'on
doit avouer une chose, c'est que c'est le contraire que les gens croient et on
devra leur démontrer qu'il y aura une réduction de prime. Je ne
pense pas qu'ils fassent un acte de foi gratuit sur cette question.
En page 25, on dit que "la tarification proposée ne tient pas
compte de l'utilisation pour les voitures de promenade." Dans la tarification
actuelle, ce facteur est loin d'être important. Il est limité dans
son application à certaines catégories d'assurés, les
célibataires, par exemple, de moins de 30 ans. Est-ce que ce n'est pas
beaucoup plus des facteurs d'âge, de sexe et d'état civil qui sont
retenus dans le système que nous connaissons présentement, plus
d'ailleurs que le mode d'utilisation du véhicule?
M. Moreau: Si vous le permettez, M. le Président, je vais
demander à M. Brouillette de dire un mot à ce sujet.
M. Brouillette: Je pense que quand vous dites que c'est
limité aux plus de 30 ans, vous faites allusion à l'utilisation
pour aller au travail. C'est une façon de reconnaître la plus ou
moins grande utilisation du véhicule. Il y en a d'autres. Enfin,
lorsqu'on a le dossier de conduite qui implique des primes plus
élevées pour certains assurés par rapport à
d'autres, cela peut refléter deux choses. Premièrement, le fait
que l'individu est un meilleur ou un moins bon conducteur qu'un autre; cela
reflète aussi, c'est évident, la quantité d'expositions
que peut présenter un individu par rapport à un autre.
Autrement dit, si un individu fait trois fois plus de millage qu'un
autre durant l'année, c'est certain qu'il a une probabilité plus
grande de subir un accident.
Par conséquent, cela va se refléter par son dossier de
conduite dans sa prime. Alors, c'est dans ce sens qu'on peut dire que
l'utilisation est reconnue de façon générale aujourd'hui.
Les différences de prime entre les individus reflètent les
différents niveaux d'utilisation.
Mme Payette: Dans les documents qui sont en annexe de votre
mémoire, il y a une chose que je ne retrouve pas, mais qui m'avait un
peu préoccupée. Je ne me souviens pas si vous avez dit que vous
n'étiez pas d'accord ou s'il y avait un refus
pour que les assureurs fassent parvenir au Bureau des véhicules
automobiles les annulations d'assurance qui pouvaient éventuellement
survenir. Vous ne sembliez pas d'accord, à la lecture de votre document,
avec cette demande que nous faisons. Est-ce que je pourrais connaître les
raisons?
M. Moreau: La situation est celle-ci. Le projet de loi tel qu'il
est préparé prévoit qu'au moment de l'immatriculation une
simple déclaration d'assurance est exigée de l'automobiliste. A
ce moment, on n'exige pas une attestation ou une preuve d'assurance. Vous avez
tout de suite un moyen pour certains automobilistes de ne pas respecter
l'assurance obligatoire. En retour, même avec cette faiblesse, qui est
peut-être nécessaire, on exige, dans le cas où il y a
changement de véhicule ou une annulation de police, qu'à ce
moment l'assureur avise le Bureau des véhicules automobiles.
Ce que nous disons dans notre mémoire, c'est que ce serait
imposer un travail très compliqué, et pour l'assureur et pour le
Bureau des véhicules automobiles, et qui en définitive n'aurait
pour résultat que d'améliorer le contrôle d'une
façon infime. En somme, avec ce que cela représente comme
travail, cela n'en vaut pas la peine. Cela n'améliorera pas pour la
peine le respect de l'assurance obligatoire. De deux choses l'une, les Etats
où il y a l'assurance obligatoire exigent, d'une part, une preuve
d'assurance au début, non pas une déclaration, comme dans le
projet de loi 67, mais une preuve. Par la suite, pour compléter,
lorsqu'il y a annulation d'un contrat, on exige de nouveau un avis de
l'assureur.
En théorie, vous avez un contrôle complet. Mais on sait que
tous les Etats qui ont adopté ce système, se sont arraché
les cheveux parce que c'est une montagne de complications qui n'a pas
donné de bons résultats. Dans un Etat comme New York, par
exemple, après 30 ans d'assurance obligatoire, on va vous avouer au
niveau du commissaire qu'on a eu moins 6%, 7%, 8% des automobilistes qui ne
sont pas assurés, qui circulent sans assurance.
Tout cela pour dire qu'il n'y a pas de moyen parfait de contrôler
l'assurance obligatoire. Pourquoi imposer un système aussi
sévère dans le cas d'annulation lorsqu'on prend tout simplement
la déclaration de l'assuré au moment où il immatricule son
véhicule? Voilà ce qu'on voulait dire. Les deux ne vont
pas...
Mme Payette: Vous admettrez que les 6%, 7% ou 8% de l'Etat de New
York est meilleur que nos 20% actuellement.
M. Moreau: Sûrement, madame. C'est pour cette raison qu'on
est en faveur de l'assurance obligatoire. Quant au moyen de contrôle, il
faut prendre le meilleur, le plus pratique. Il n'y en a pas d'excellent. C'est
aussi malheureux que cela. Il n'y en a pas d'excellent. Il y en a de bons.
C'est ce que la loi prévoit; mais nous disons: N'exigeons pas des
attestations ou des déclarations dans chaque annulation.
Mme Payette: Je voudrais revenir, si vous me le permettez, M. le
Président, à la page 25 de votre document, où il est
question de la tarification proposée qui profiterait aux jeunes. Je ne
sais pas si vous serez d'accord avec moi, mais on peut dire que la tarification
proposée profite aux jeunes dans la mesure où la même
proportion, c'est-à-dire à peu près 50% de leur prime,
s'applique aux blessures corporelles, ce qui n'est pas du tout évident.
Seriez-vous en mesure de me dire dans quelle mesure les jeunes coûtent
plus cher seulement en blessures corporelles? Ne sont-ce pas surtout des jeunes
qui sont responsables de dommages matériels?
M. Moreau: Nos actuaires pourraient peut-être donner des
précisions à ce sujet.
M. Brouillette: Pour répondre à cette question, si
on l'exprime en dollars, c'est certain que le montant pour les dommages
corporels est beaucoup plus important pour les jeunes. Cela va plus loin que
cela, même si on l'exprime en pourcentage. Les études qu'on a
réalisées jusqu'à maintenan t elles ne sont pas
complétées démontrent que le pourcentage de la
prime qui va aux dommages corporels est plus élevé pour les
jeunes. Dans les comparaisons qu'on a exposées, parmi les six exemples,
entre autres, l'un traite d'un jeune homme de 21 ans. Vous voyez que dans ce
cas il va y avoir une réduction importante de la prime qu'il doit payer.
Cela reflète réellement, d'une part, la prime qu'il paie
aujourd'hui pour les dommages corporels et les dommages matériels et,
d'autre part, la proportion de cette prime qui va aux dommages corporels. C'est
basé sur des données réelles.
Mme Payette: Je ne suis pas sûre que vous répondez
à ma question. Peut-être que je l'ai tout simplement mal
formulée. Je me demandais si vous pouviez me donner des chiffres
précis quant aux blessures corporelles dont les jeunes sont victimes
dans des accidents d'automobiles.
M. Brouillette: Vous voulez dire victimes plutôt que
responsables, c'est dans ce sens qu'est votre question. Je pense qu'on n'a pas
de données précises, pour la raison bien évidente qu'on
n'a pas eu à fonctionner jusqu'à maintenant dans un régime
tel que celui qui est proposé. En partant des principes, je pense qu'il
est assez facile d'établir que les jeunes représentent quand
même un risque plus important que les autres catégories en ce qui
a trait aux dommages corporels.
Mme Payette: Vous n'êtes pas maintenant en mesure de me
dire, cependant, s'ils représentent un plus grand risque pour les
dommages matériels que pour les blessures corporelles.
M. Brouillette: Je vous dis qu'ils représentent un plus
grand risque autant pour les dommages corporels que pour les dommages
matériels; cela peut être démontré, on a tous les
chiffres.
Mme Payette: Pourrait-on éventuellement, si c'est
possible, échanger des chiffres à ce niveau?
M. Brouillette: On pourrait vous les donner dans cinq minutes.
Oui, ce sont des données qui sont disponibles. Je peux vous donner, en
fait, des pourcentages à savoir la répartition entre les dommages
corporels et les dommages matériels pour différentes
catégories d'assurés, que ce soient des jeunes ou d'autres
catégories. C'est quelque chose qui est facile à démontrer
que le coût des dommages corporels est plus élevé pour les
jeunes, de la même façon que le coût des dommages
matériels est plus élevé pour les jeunes aussi, pour la
bonne raison qu'ils causent, premièrement, plus d'accidents. Est-ce
dû au fait qu'ils sont des conducteurs moins expérimentés
ou moins prudents, ou au fait qu'ils conduisent plus souvent, qu'ils font une
utilisation plus grande du véhicule? Ce sont probablement les deux. Dans
quelle mesure exactement? Cela resterait à établir. La chose
connue, c'est qu'ils causent plus de dommages corporels et qu'ils causent aussi
plus de dommages matériels, alors qu'avec la tarification
proposée on exigerait d'eux, à toutes fins pratiques, la
même prime qu'aux autres catégories, sauf pour les $10 de
différence pour le permis de conduire. Il est certain qu'il en
résulte une subvention. Il va falloir aller chercher ces fonds quelque
part. On a donné l'exemple de l'individu qui paie aujourd'hui $345 pour
la protection en dommages corporels et qui va en payer $135, si je me souviens
bien. Alors, il y a environ $200 de subvention dans ce cas, qui devront
provenir d'autres assurés.
Les autres assurés, on en a donné des exemples, en fait,
c'est la personne qui n'a pas eu plus d'un accident pendant les cinq
dernières années, c'est la personne qui demeure dans une
région frontalière, entre autres, c'est la personne qui, de par
sa profession fait une utilisation moins grande de son véhicule. On
pense, entre autres, aux agriculteurs qui vont subir des augmentations
très importantes. C'est dans ce sens qu'on conclut qu'il y a 65%
et cela nous semble une estimation que je qualifierais de très
conservatrice à ce moment-ci qui vont avoir à payer des
primes plus élevées que celles qu'ils doivent payer
présentement.
On mentionne bien clairement, dans notre mémoire, que la raison
de cette augmentation, ce n'est pas pour obtenir une meilleure indemnisation.
Il ne s'agit pas ici de reprendre la discussion sur la qualité de
l'indemnisation. Il faut quand même souligner que la raison pour laquelle
65% vont payer plus cher, ce n'est pas pour recevoir une meilleure
indemnisation parce que, selon vos propres données, la prime moyenne
serait à peu près la même. On a utilisé vos propres
données et, à partir de ces chiffres, on en arrive à la
conclusion que, même si la prime moyenne demeurait la même, ce que
nous mettons en doute, nous avons exprimé des réserves
sérieuses, même en partant de ces hypothèses, même si
la prime moyenne était la même, il n'en demeurerait pas moins que
65%, en raison de toutes les subventions, devraient payer plus cher que sous le
régime actuel.
Mme Payette: M. le Président, je vais poser une
dernière question et j'y reviendrai probablement parce qu'il y a un
autre sujet que je voudrais aborder après, c'est l'objection que vous
semblez faire à la subrogation qui peut intervenir entre les compagnies
d'assurances. Je voudrais revenir à la page 42 où vous constatez,
semble-t-il, que la création de la corporation des assureurs comme
nouvel organisme, en plus de l'organisme déjà existant qui est le
BAC, serait de nature, selon vous, à causer une augmentation sensible
des frais de fonctionnement aux assureurs et il pourrait en résulter des
critiques tant à l'endroit du gouvernement que des assureurs.
Si j'ai bien compris, le BAC est une association qui réunit des
assureurs qui, volontairement, adhèrent au Bureau des assureurs du
Canada. La corporation des assureurs n'est pas un organisme auquel on aura le
choix d'appartenir ou non, c'est un organisme auquel tous les assureurs
oeuvrant au Québec devront appartenir. Je me demande, justement, si la
situation du BAC qui n'a pas pu faire la démonstration ce matin qu'il
était la voix unique des assureurs et je ne pense pas qu'il puisse le
faire, si on ne se trouve pas devant une situation où, voulant avoir une
voix unique, on soit dans l'obligation de créer cet organisme.
Ayant un interlocuteur qui soit unique parce que représentant
tous les assureurs, est-ce que vous ne pensez pas qu'au contraire cela pourrait
faciliter grandement les rapports des assureurs avec le gouvernement, des
assureurs avec les assurés, consommateurs d'assurances
également?
M. Moreau: Je voudrais, M. le Président, apporter une
précision ici. Madame a dit que le BAC, et avec raison, ne
représente pas tous les assureurs.
Vous avez raison, madame; il y a quelques exceptions. Mais dans le
domaine de l'assurance automobile, ce n'est pas exact. En assurance automobile
ou, du moins, en matière de statistiques automobiles, tous les assureurs
au Canada, sans exception, doivent communiquer leurs résultats au BAC
qui, à ce moment, agit comme agence officielle de l'Association des
surintendants des provinces du Canada. A ce moment, en matière de
statistiques automobiles, le BAC représente vraiment toute l'industrie,
sans aucune exception.
Mme Payette: Ce qui a, cependant, été établi
clairement ce matin, M. le Président, c'est que le BAC n'est pas
habilité à négocier au nom de tous les assureurs; enfin,
cela m'a semblé clair ce matin.
M. Moreau: Non, vous avez raison; on ne peut pas négocier,
mais cela dépend dans quel domaine. Si vous parlez de
rémunération des courtiers, si vous parlez de tout autre sujet,
comme la tarification, nous n'avons pas d'autorité pour décider
de la tarification des assureurs, mais, quand vous parlez de statistiques
automobiles, à ce moment le BAC représente toute l'industrie sans
aucune exception, cela en vertu des lois provinciales de toutes les
provinces.
Mme Payette: Ne pourrait-on pas, M. le Président,
cependant penser qu'un organisme qui obligerait tous les assureurs en assurance
automobile à s'asseoir à une même table pourrait devenir
l'interlocuteur privilégié capable de négocier et avec le
gouvernement et éventuellement avec les courtiers, aussi bien,
d'ailleurs, qu'au niveau des services à rendre à une
population?
M. Saint-Germain (Guy): Ce n'est pas si facile que cela. Si vous
prenez une corporation, dans le sens que la loi le prescrit, cette corporation
va représenter les assureurs directs, entre autres choses, je
présume, puisque vous dites que tous les assureurs en font partie.
Est-ce votre intention de demander, à ce moment, à la corporation
qui représente des assureurs qui n'ont pas recours aux courtiers de
négocier des niveaux de rémunération avec les courtiers
d'assurances? Est-ce cela que vous voulez?
Mme Payette: Cela peut être cela, si on va
jusque-là.
M. Saint-Germain (Guy): Cela n'a aucun rapport; cela n'a pas de
bon sens. Vous voulez demander à une organisation qui contient des
membres qui n'ont pas de courtiers d'assurances, qui n'utilisent pas leurs
services, d'intervenir dans la négociation avec des courtiers
d'assurances? Je pense que la présence du courtier d'assurances
crée un problème. Ils vous ont dit eux-mêmes, en commission
parlementaire, si je ne m'abuse, que la question des courtiers d'assurances
était un autre problème auquel on devra s'attarder un jour ou
l'autre, mais que cela n'avait pas grand rapport avec le projet de loi 67. M.
Chapados, sur cela, avec un petit coup de coude, etc., a eu des paroles
amusantes, mais ce n'est pas dans nos intentions de discuter des relations avec
les courtiers d'assurances.
Ce n'est pas la corporation qui va être habilitée à
le faire non plus, à moins que vous puissiez répondre à
cette question: Voulez-vous qu'une corporation qui représente des
assureurs directs négocie des conditions pour des compagnies qui sont
représentées par des courtiers? Cela me semble assez
contradictoire.
Mme Payette: II me semble qu'une corporation qui comprend tous
les assureurs peut négocier avec les courtiers les besoins des assureurs
qui estiment devoir demander ces services. Les autres assureurs seront
représentés dans cette corporation et pourront faire valoir leurs
objections s'ils en ont. Cela ne me paraît pas du tout incompatible.
M. Tremblay (Marcellin): Je comprends mal qu'on ramène
cette question de la négociation de la rémunération du
courtier. Qu'est-ce que la commission du courtier? C'est son salaire, c'est la
rémunération de son travail. De quel droit la corporation
pourrait-elle se mêler de cela? Pas plus qu'elle ne peut se mêler
de décider quel salaire on va payer à nos employés dans
l'entreprise. Pour- quoi la corporation ne déciderait-elle pas, par
exemple, des salaires qu'on va payer à nos employés? J'ai, par
exemple, chez moi, aux Prévoyants du Canada, un syndicat qui est
affilié à la CSN. Je négocie avec le syndicat. Il me foute
des grèves, parfois, qui durent jusqu'à trois mois. Je
règle mes problèmes avec mon personnel, ce n'est pas à la
corporation de régler les problèmes des salaires des
employés. Pourquoi serait-ce le rôle de la corporation de
négocier des conditions de travail pour les courtiers? C'est exactement
pareil. Ce n'est que parce que l'un est à commission et l'autre à
salaire que c'est différent.
Mme Payette: II me paraît cependant que c'est le rôle
du ministre responsable des consommateurs de voir à ce que le service
rendu par les courtiers soit bien rendu par cet organisme, ses
intermédiaires et que ses intermédiaires aient également
accès à une forme de négociation avec leurs employeurs qui
sont les assureurs. Cela me paraît être une responsabilité
que je peux assumer.
M. Barrette (Raymond): Mme le ministre, croyez-vous, si les
assureurs directs ont leur mot à dire dans la négociation avec
les agents, les courtiers d'assurance, que l'inverse peut être possible
et que les compagnies qui utilisent des agents puissent négocier les
salaires des employés au comptoir des compagnies directes qui sont les
représentants de la compagnie à ce niveau-là? Les
coûts entraînés par ces personnes sont assumés par
les compagnies qui utilisent (a vente directe. S'ils ont leur mot à dire
dans la rémunération des agents, à ce moment-là,
cela peut entraîner des coûts à leurs concurrents sans en
subir eux-mêmes les coûts.
Mme Payette: M. le Président, j'ai terminé pour
l'instant, je reviendrai après.
M. Allard: Cela me paraît un peu anormal qu'on parle de
négociation, de rémunération des courtiers entre les
assureurs et les courtiers quand le projet de loi no 67 a simplement
éliminé les courtiers en ce qui regarde les dommages corporels.
Il n'a pas été question de négociation, à ce
moment-là, on les a éliminés.
M. Saint-Germain (Guy): II faut avouer que c'est fort!
M. Allard: D'un autre côté, on dit: Vous autres,
pourquoi ne négociez-vous pas? Moi, j'ai de la difficulté
à comprendre cela.
M. Saint-Germain (Guy): C'est ce que M. Chapados appelait le
patinage de fantaisie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, j'aimerais
remercier sincèrement nos invités pour leur mémoire
très bien structuré, très bien pré-
sente, et qui nous a permis, à nous les membres de la commission,
de faire une étude très positive de l'ensemble des
problèmes que soulève la législation que nous avons
à étudier.
Ce qui est dit au début du mémoire, et ce qu'on nous a
répété verbalement, c'est que le projet de loi 67 est
né sans dialogue, avec les assureurs, que ce soit au niveau du Bureau
d'assurance du Canada, ou que ce soit à d'autres niveaux. Il est
impensable qu'une loi aussi complexe, une loi aussi importante, puisse avoir
été rédigée sans demander l'avis des
spécialistes qui, depuis longtemps, oeuvrent dans ce domaine, des
spécialistes qui ont une longue expérience et, en plus, des
spécialistes qui, dans l'avenir, malgré la loi 67, auront aussi
une importance primordiale dans le domaine de l'assurance, malgré
l'étatisation, en ce qui regarde les blessures corporelles.
En plus, il n'y a eu de dialogue ni avec les courtiers, ni avec les
experts, ni avec les évalua-teurs. Autrement dit, on s'est privé
de l'expertise et des connaissances de tous ceux qui ont une connaissance
pratique de ce problème. Dans un système démocratique
comme le nôtre, c'est pratiquement inconcevable, et il y a là une
raison de base pour laquelle la population est inquiète. C'est clair que
la population se pose des questions et qu'elle n'a jamais eu jusqu'ici de
réponse, du moins en ce qui concerne l'étude globale de cette
loi, autre que celle qu'on a eue ce matin et qui englobait pas mal tout le
sujet.
Ceci dit, M. le Président, je ne suis pas surpris non plus que le
Bureau d'assurance du Canada n'ait pas voulu se présenter lors de la
tournée qu'a faite le ministre au niveau de la province. Tout le monde
sait, et cela a été répété par les media
d'information, que cette tournée était beaucoup plus une
entreprise de mise en marché qu'une entreprise qui permettait aux
intéressés d'aller réellement au fond du problème
et que l'atmosphère qui existait dans ces assemblées ne nous
permettait certainement pas, et ne permettait pas au Bureau d'assurance du
Canada non plus, d'aller au fond du problème, comme on l'a fait en toute
sécurité depuis le matin.
Nous avons eu ce matin une séance très positive, où
le ministre, à mon avis, a posé des questions bien
préparées et pertinentes.
Elle a eu aussi des réponses très pertinentes, directes,
très claires, et qui nous ont tous informés à cette
commission, qui ont bien informé tous les membres de cette commission.
Malheureusement, j'aurais aimé, personnellement, que les actuaires ou
les spécialistes qui l'entourent aient pu donner la réplique
à nos invités. Nous aurions pu, de cette façon,
réellement observer si on maîtrisait son sujet avec autant de
clarté et d'efficacité au niveau du service qu'on pouvait
maîtriser ce même sujet au niveau des porte-parole du Bureau
d'assurance du Canada.
Des questions très pertinentes ont été
posées. On a répondu à des questions de façon
très claire et précise. Malheureusement, la réplique en
est restée là. Il appartiendra donc à chacun de se faire
une opinion sur cette situation. On pourra facile- ment s'informer, par le
biais du journal des Débats, de toutes ces questions et
réponses.
A la page 8 de votre mémoire, vous dites qu'au niveau de la
Commission des accidents du travail, en haut de la page... Je m'excuse, mais
c'est à la page 7. Vous parlez des coûts d'administration à
la Commission des accidents du travail et vous les fixez à 8,8%. Vous
dites: "Puisque ce pourcentage n'inclut aucune provision pour les frais de
règlement en suspens, il sous-évalue nécessairement
l'incidence réelle de ces frais." J'aimerais que vous me donniez
quelques explications sur ces frais de règlement en suspens.
M. Brouillette: Le pourcentage de 8,8% est calculé en
divisant le montant des frais payés durant, je crois que c'était
l'année 1975-1976, le montant des frais payés par le montant des
cotisations, ce qu'on appelle, en termes d'assurances, le montant des primes
souscrites. Il est bien clair que les primes ou les cotisations qu'on a
perçues, supposons, durant l'année 1975, cela couvrait des
sinistres qui seront réglés plusieurs années plus tard.
Donc, il peut y avoir un accident qui est survenu en 1975 et il y aura encore
des rentes payables par la Commission des accidents du travail en 1980. Il y
aura donc des coûts d'encourus pour l'avenir et qui ne sont pas,
évidemment, payés dès maintenant. C'est pour cela qu'on
dit que cela sous-évalue le pourcentage réel des frais
d'administration. Du point de vue d'une entreprise privée, on
établit des provisions pour les frais de règlement en suspens,
c'est-à-dire que, si on sait qu'un cas se réglera en trois ans,
pour un accident qui arrive aujourd'hui, on met un certain montant en
réserve, non pas parce qu'on aime à le faire, mais parce qu'on y
est forcé par la loi. On met un certain montant en réserve pour
les frais qu'on devra débourser en rapport avec les accidents
déjà survenus.
Quand on parle de 8,8%, cela n'inclut pas ces frais, du point de vue de
la Commission des accidents du travail. C'est dans ce sens que l'on dit que
cela minimise l'impact réel des frais d'administration.
M. Saint-Germain (Noël): Vous dites que c'est bien pour
l'année 1976.
M. Brouillette: Oui.
M. Saint-Germain (Noël): II y a des frais d'administration
qui ont été occasionnés en 1976 pour des accidents qui ont
eu lieu en 1975.
M. Brouillette: II y a nécessairement une croissance des
coûts. Les coûts en 1980 seront probablement le double. Ils auront
sûrement augmenté. Ils seront le double des coûts de 1975.
C'est dans ce sens. D'accord, il y a des coûts pour les années
antérieures, mais ils sont nécessairement inférieurs aux
coûts des années futures. On pourrait faire le même calcul
pour nous. Il est certain que, si on publiait nos pourcentages de frais sur
cette base, cela donnerait une image pouvant
paraître beaucoup plus reluisante. Ce n'est pas ce qu'on fait.
Quand on veut comparer... Cette remarque était simplement pour dire
qu'il faut établir l'ensemble des coûts. Il faut capitaliser dans
l'année en question tous les coûts qui résultent des
accidents qui surviennent cette année-là.
M. Saint-Germain (Noël): Dans cette façon
différente de procéder pour calculer les coûts
d'administration entre l'industrie privée et la Commission des accidents
du travail, qu'est-ce que vous croyez qui pourrait faire la différence
entre 8,8% et votre façon de calculer les coûts
d'administration?
M. Brouillette: Non. Cette remarque ne visait pas à
expliquer la différence de frais qui peut exister dans l'assurance
automobile entre l'entreprise privée et la Commission des accidents du
travail. C'était simplement pour souligner que les 8,8% ne sont pas
comparables à nos pourcentages de frais parce qu'ils ne sont pas
calculés sur la même base. Donc, il faut faire une correction en
partant. Est-ce que cette correction devrait être 2%, 3% ou 4%? Je n'en
sais rien, parce que ces données ne sont pas disponibles. Mais on a
l'impression que c'est ce qui a été utilisé pour en
arriver à l'estimation de 6%. Si on s'est basé sur 8,8%, nous on
dit: Vous sous-évaluez le coût en partant, parce qu'il faut partir
avec 8,8%. Ajoutez deux, trois ou quatre points, cela nous fait
déjà douze. Après cela, il faut considérer les
différences qui existent entre les fonctions de la Commission des
accidents du travail et les fonctions de l'éventuelle Régie de
l'assurance automobile. A partir de là, c'est de cette façon
qu'on arrive à la conclusion que les frais seront d'au moins deux ou
trois fois les 6% qui ont été mentionnés.
M. Saint-Germain (Noël): Si je vous posais cette question,
ce n'était pas pour faire une comparaison directe entre le genre
d'administration d'une régie gouvernementale et l'entreprise
privée. Comme ces 8% sont importants, puisque la Commission des
accidents du travail aura un rôle à jouer dans le futur programme,
j'avais cru poser cette question pour essayer de déterminer, s'il y
avait eu lieu, si on avait été capable, le coût réel
des frais d'administration de la Commission des accidents du travail. Au moins,
on aurait eu une certaine base pour essayer d'estimer les coûts
d'administration du futur régime.
D'un autre côté, aurions-nous ce chiffre juste, la
clientèle future de la Commission des accidents du travail sera
tellement dissemblable de la clientèle de la Commission des accidents du
travail que là ce sera certainement un autre genre d'administration qui
sera nécessairement plus dispendieuse parce que le tout deviendra
excessivement plus complexe. Croyez-vous que j'ai raison en disant cela?
M. Brouillette: On est d'accord avec cet énoncé.
Pour établir réellement le pourcentage précis des frais
d'administration, il faudrait certainement faire des études plus
élaborées que celles qu'on a pu faire. Tout ce qu'on fait
à ce moment, c'est plutôt critiquer l'étude qui a
été faite par le ministère pour en arriver au pourcentage
de 6%. On ne prétend pas être en mesure de déterminer,
à ce moment-ci, le véritable pourcentage des frais
d'administration. Tout ce qu'on dit, c'est que ce sera au moins deux ou trois
plus élevé que les 6% qui ont été
mentionnés.
M. Saint-Germain (Noël): Pour revenir maintenant au
courtier. C'est entendu, si le bill n'est pas modifié, que le courtier
aura très peu à faire relativement au nouveau système. Il
reste que le courtier, comme on l'a souvent dit, avait tout de même
certaines responsabilités. Il avait certainement une utilité dans
le domaine de l'assurance automobile telle qu'on la connaît. Autrement,
par la nature même des choses et par la compétition qui existe, il
aurait disparu. Un groupe d'hommes ne peut pas vendre des services dont on peut
se dispenser longtemps dans une entreprise privée et dans un champ
d'activité compétitif.
Si mon raisonnement est valable, d'autres devront jouer le rôle du
courtier ou prendre partiellement ou totalement les services rendus par le
courtier. Vu votre longue expérience, je me demandais si vous pouviez
voir de quelle façon on pourrait faire fonctionner le système
nouveau si on commence par se mettre dans la chaussure des victimes. C'est un
citoyen moyen.
Il semble évident qu'il aura bien des formules à remplir.
Il est évident qu'il aura bien des preuves à soumettre afin
d'être justifié de recevoir une indemnisation. Je le vois
difficilement s'adresser à la régie et, d'un autre
côté, à son assureur par l'entremise de son courtier ou
autrement, faire cela lui-même, comprendre réellement les droits
que la nouvelle loi lui accorde et d'essayer, en toute justice, d'aller
chercher toute la protection et tous les avantages que la loi lui donne.
Qui, croyez-vous, va remplir ce rôle dans le nouveau
système?
M. Moreau: Je pense que je vais demander à M. Tremblay,
avec sa grande expérience de répondre à cette
question.
M. Tremblay (Marcellin): Vous avez parfaitement raison. Prenons
tout de suite le premier problème, par exemple, celui d'expliquer le
système nouveau. Pensez-vous que c'est le gérant de la caisse
populaire qui va l'expliquer même si les plaques sont émises
là? C'est le courtier d'assurances à qui on demande gratuitement
d'exposer le nouveau projet. Et on dit que le courtier ne mérite pas de
rémunérations pour cela et on l'élimine; mais comme vous
dites très bien, au moment de la réclamation, encore là,
le type accidenté devra s'adresser à la Commission de l'assurance
automobile pour produire sa réclamation.
On sait qu'en pratique c'est pas mal plus compliqué que la
Commission des accidents du travail, parce qu'à la Commission des
accidents du travail, c'est un employé qui a un employeur, et on sait
qu'on a, dans nos compagnies, un service qui s'occupe des réclamations
de leurs employés, et
l'employé peut s'adresser à sa compagnie pour produire sa
réclamation. Cela n'existera pas dans le cas de l'assurance automobile.
Alors, à qui l'assuré va-t-il faire appel? Les chances sont
évidentes qu'encore là, étant donné que l'autre
partie de l'assurance va être dans les mains du courtier,
infailliblement, on demandera encore au courtier de remplir les formules qu'il
faut produire pour réclamer l'indemnité voulue.
Il est évident vous le dites, et je l'endosse à
100% qu'on a exagéré cela de façon absolument
incompréhensible. Est-ce par mesquinerie ou autrement? Je ne le sais
pas, mais je ne comprends pas qu'on affirme aussi facilement que le courtier
joue, à toutes fins pratiques, un rôle inutile, comme si le
courtier avait été simplement un percepteur de primes. Le
courtier joue un rôle, et dans le nouveau système, ce n'est
sûrement pas le gérant de la caisse, ce n'est sûrement
personne d'autre que le courtier qui sera obligé de faire le job du
gouvernement; c'est mon opinion.
M. Saint-Germain (Noël): Au niveau de la caisse, le temps
vaut de l'argent pour elle, comme pour tout le monde, comme pour toutes les
corporations. Il me semble évident, en plus, qu'il n'y a personne aux
caisses populaires actuellement, telles qu'on les connaît, qui puisse
informer une victime de ses droits. Il faut connaître le dossier, il faut
connaître la loi, il faudra en connaître les modalités
d'application; c'est complexe. Enfin!
M. Tremblay (Marcellin): Puisque M. le président a
parlé de négociations à plusieurs reprises, il serait
peut-être dans l'ordre de suggérer aux courtiers de
négocier avec le gouvernement la rémunération qu'ils
devront recevoir pour faire le travail qu'on va leur demander.
M. Saint-Germain (Noël): Le gouvernement va avoir assez de
difficultés avec ses futurs négociations de travail qu'on est
aussi bien, cet après-midi, de laisser tomber les négociations de
travail, c'est très complexe, et pas simplement au niveau des
assurances, croyez-moi! Je ne vois pas pour quelle raison on devrait revenir
là-dessus, on a longuement parlé du fait que la victime devra
faire appel à deux institutions différentes: et la régie
et les assureurs, et il n'y a aucun doute, à ce point de vue, que c'est
une complication nouvelle, mais c'est certainement une complication qui
occasionnera sinon des frais au moins des injustices.
M. Saint-Germain (Guy): Si vous le permettez, M. Saint-Germain,
si vous posez la question à savoir quel peut être le sort de la
victime dans ce système, dans plusieurs points du mémoire on
parle du dédoublement des fonctions. Si le sens de votre question est de
nous demander ce qui va se passer quand un accident se produira, on peut vous
en tracer un portrait assez sommaire. Chaque fois qu'il y aura une blessure
corporelle incertaine les blessures corporelles, il y en a des
réelles, et il y en a qui sont trouvées par après, ou il y
en a qui sont incertaines il faudra que le réclamant,
vraisemblablement, contacte la régie pour l'aviser de la
possibilité d'une réclamation éventuelle en blessures
corporelles. Il faudra que la régie fasse une enquête afin de
savoir s'il y a eu un accident ou s'il n'y en a pas eu.
Notre réclamant recevra vraisemblablement des questions de la
régie ou de la Commission des accidents du travail. Il raccrochera et il
recevra un appel ou il recevra la visite d'un agent de réclamations de
son assureur en dommages matériels qui lui posera également les
mêmes questions, qui lui demandera s'il a eu un accident. La même
chose. C'est cela qu'on appelle le dédoublement et on a de la
difficulté à comprendre comment cela va coûter moins cher.
C'est là qu'on parle de frustration des réclamants.
M. Saint-Germain (Noël): En plus, si je comprends bien, vous
avez dit que comme assureur vos frais d'administration, pour ce qui regarde
votre responsabilité comme assureur exclusivement, ne seront pas
nécessairement diminués. Il y aura autant d'études ou de
frais d'administration pour émettre une police d'assurance qui garantira
simplement les dommages matériels qu'il y a de frais pour émettre
une police d'assurance, j'entends toujours pour le même client, qui
inclut aussi les blessures corporelles. Ai-je raison de penser cela?
M. Saint-Germain (Guy): C'est exact, c'est qu'il y a un
coût de production, d'un contrat d'assurance. Si on enlève une
partie de la prime, soit de 35% ou de 30%, il est évident qu'on
n'enlève absolument rien des frais de production de ce contrat. Les
économistes pourraient parler en termes de coût marginal. On va
voir que le coût marginal de production par les assureurs actuels d'une
couverture en blessures corporelles n'est pas bien fort. C'est dans ce sens
qu'on dit qu'avec nos frais fixes, par contrat, si on a à les
répartir sur une prime moindre, il va de soi que le pourcentage va
augmenter.
M. Saint-Germain (Noël): Ce qui fait qu'à l'heure
actuelle, comme vous ne connaissez pas la teneur de la loi, vous ne connaissez
pas quelle sera la teneur de vos polices parce que vous ne savez même pas
exactement ce que vous avez à assurer actuellement. Vous aurez tout de
même à assurer aussi des dommages corporels pour les
étrangers ou pour certaines exemptions qu'il y a dans la loi. Vous ne
pouvez pas prévoir à ce stade quel serait le pourcentage
d'augmentation dû à ces nouvelles restrictions sur le total de
votre prime et comment cela va se refléter au point de vue de vos
coûts.
M. Saint-Germain (Guy): Au plan des coûts?
M. Saint-Germain (Noël): Oui.
M. Saint-Germain (Guy): Des coûts de..
M. Saint-Germain (Noël): D'assurance matérielle, des
dommages matériels.
M. Saint-Germain (Guy): Cela dépend de ce qu'on veut dire.
Je ne comprends pas trop le sens de la question.
M. Saint-Germain (Noël): Je crois que je n'ai pas
été bien clair. Disons qu'actuellement vous émettez une
police d'assurance pour dommages matériels et dommages corporels. On
enlève maintenant les dommages corporels. Vous émettez une police
d'assurance qui coûte approximativement le même prix au point de
vue administratif que la police que vous émettez actuellement.
M. Saint-Germain (Guy): C'est cela.
M. Saint-Germain (Noël): II y a un pourcentage
d'augmentation, par le fait même, dans l'émission de votre
nouvelle police protection matérielle relativement à la
prime.
M. Saint-Germain (Guy): Actuellement, cela coûte 7,6% en
frais d'administration pour un contrat d'assurance automobile. Si vous enlevez
30% de la prime, je suppose qu'on peut dire que cela peut représenter
quoi? 1,8%?
M. Brouillette: Je voudrais ajouter quelque chose un peu dans le
même sens que M. Saint-Germain. Il est certain, il est probable, en tout
cas qu'il va en résulter une augmentation au niveau des frais des
assureurs. Mais, compte tenu du fait que les frais propres des assureurs
représentent une proportion réduite finalement de la prime
il mentionnait 7,6%; les chiffres pius récents de 1976 sont 7,1%, les
frais propres de l'assureur dans ce sens, même si vous augmentez
ce pourcentage par 25% ou 30%, l'effet sur la prime finale n'est
peut-être pas aussi important qu'on pourrait le penser au départ.
Je pense que les gens, en général, ont l'impression que les frais
des assureurs représentent une part importante de la prime. Si on exclut
cette question des frais de règlement qu'il faut bien admettre et qui
sont reliés au cadre juridique, la rémunération des
courtiers, il me semble, pose une question différente. Si on se
concentre sur la question des frais des assureurs proprement dits, il faut
réaliser, c'est bien important, que cela représente un
pourcentage réduit qui continue, d'ailleurs, à diminuer.
Rapidement si on s'en tient aux frais propres des assureurs, il est
facile de démontrer que depuis les chiffres qui ont été
publiés par le rapport Gauvin, il y a une amélioration
d'au-delà de 20% en termes des frais de l'assureur; le pourcentage,
autrement dit, des frais propres aux assureurs a diminué de plus de 20%
depuis 1971 ou 1972, soit depuis les chiffres utilisés par le
comité Gauvin.
M. Saint-Germain (Noël): Oui, je suis d'accord, mais sur les
sommes totales des primes qui se paient dans Québec, c'est
peut-être $800 millions; si vous prenez 1% ou 1,5%, ici, si vous ajoutez
à cela, par exemple, les frais d'assurance-santé et
d'hospitalisation qui seront payés par un autre ministère, si
vous ajoutez les frais qui seront occasionnés par ceux qui remplaceront
les courtiers, etc., un peu ici, 1% là, 1,5% ici, vous arrivez à
des sommes assez considérables. Si vous ne faites pas cela, vous
n'êtes pas capables de faire de relation directe entre le coût de
l'assurance actuelle et ce que seront les nouveaux coûts parce qu'on
pourra masquer bien des coûts en diffusant ici et là les
responsabilités diverses qui sont actuellement concentrées dans
le système actuel avec les assureurs qui font face à toutes les
responsabilités de dommages, soit corporels, soit matériels.
A la page 12 de votre mémoire, vous parlez, au dernier
paragraphe, de qualifications pour les rentes permanentes. Vous dites: "En
effet, selon les chiffres du comité Gauvin, environ 14% de l'ensemble
des victimes blessées se voient attribuer un pourcentage
d'incapacité permanente alors que moins de 3% des victimes pourraient se
qualifier pour les rentes d'invalidité permanente". Si je comprends
bien, c'est que dans le système actuel vous avez 14% des victimes qui se
qualifient pour une rente partielle permanente et dans le nouveau
système vous prévoyez qu'il n'y en aura que 3%.
M. Brouillette: Si je peux répondre à cette
question, M. le Président, je voudrais apporter une simple correction.
Ce ne sont pas des rentes dans le régime actuel; c'est que
l'incapacité permanente partielle est compensée sous forme d'un
montant forfaitaire, compensée par les assureurs sous forme d'un montant
forfaitaire. Pour le reste, je pense que votre énoncé
était exact dans le sens qu'il y a environ 14% des victimes qui se
qualifient pour un pourcentage d'incapacité permanente, soit partielle
ou totale, d'après les données qu'on a. Encore une fois, on admet
que c'est limité parce que malheureusement on n'a pas eu accès
aux données plus précises dont le ministère peut disposer,
mais d'après les données dont on dispose, il semble qu'au
maximum, il ne pourrait y en avoir plus de 3% qui pourraient se qualifier pour
les rentes d'invalidité permanente. Dans ce sens il nous semble que cela
représente encore une fois on parle de pourcentage si on
traduisait cela en nombre quelques milliers de victimes, de blessures,
de mutilations, qui vont recevoir assurément moins sous le nouveau
régime que sous le régime actuel.
M. Saint-Germain (Noël): Si je comprends bien le
régime actuel et la philosophie qui sous-tend le projet qu'on
étudie en ce moment, comme le projet qu'on étudie a comme
philosophie de dédommager presque exclusivement les dommages ou les
pertes financières des victimes, si on fait exception de cette grille de
$20 000, il peut arriver qu'un individu subisse une incapacité partielle
de 7%, 8%, 10% ou 15%, mais que cette incapacité partielle lui permette
de continuer à oeuvrer comme il le faisait précédemment,
ce qui fait que cela le disqualifie au point de vue de la rente.
M. Saint-Germain (Guy): On a relevé certains cas
particuliers, on ne vous enterrera pas de cas particuliers, mais on a un cas
ici de 1976, en Cour supérieure.
Il s'agit d'un homme de 32 ans, un camion-
neur, qui a un revenu en 1972 de $13 000, en 1973 de $9200 et en 1974 de
$5700. Une incapacité partielle permanente de 5% lui est accordée
par les tribunaux parce qu'il a eu une splénectomie, c'est-à-dire
une ablation de la rate. Il est atteint aussi de "costo-pulmonaire gauche".
Comme indemnité, le tribunal lui consent en incapacité partielle
permanente $9000. En ITT, incapacité totale temporaire, quatre mois,
$4500, pour un total de $15 900. Au lieu de $9000, dans le nouveau projet, il
touchera 20% de $10 000, si nos calculs sont exacts, c'est-à-dire qu'il
aura $1000.
Evidemment, il faut s'empresser de dire qu'un camionneur sans rate, cela
ne l'empêche pas de conduire son véhicule. Il n'y a pas de perte
économique; donc, le système proposé ne lui donne rien ou
à peu près. On peut vous en citer des exemples. On dit que si la
qualité de l'indemnisation est améliorée, il faut faire
attention; on ne parle plus de la même indemnisation.
M. Saint-Germain (Noël): Dans le système actuel, on
paie beaucoup plus pour les pertes non économiques que le nouveau
système le ferait.
M. Brouillette: J'aimerais ajouter quelque chose
là-dessus. On a pris un exemple intéressant et on dit: II est
clair qu'il n'y a pas de perte économique. On pourrait prendre d'autres
exemples qui démontreraient qu'à court terme il n'y a pas de
perte économique. Si, par exemple, quelqu'un a une fracture à une
jambe qui fait qu'il boite et qu'il a une infirmité à une jambe
pour le reste de sa vie; s'il s'agit, par exemple, d'un commis de bureau, il
est probable qu'au bout de deux mois cet individu pourra reprendre ses
fonctions. A court terme, ce que la régie lui paierait, ce serait
simplement son incapacité temporaire, plus le montant forfaitaire qui
n'a pas été encore prévu.
C'est là qu'il est très important de comprendre qu'il faut
que les tribunaux considèrent que le pourcentage d'incapacité
implique une perte économique. C'est là, je pense, qu'il y a eu
un malentendu en ce qui a trait au livre bleu, parce qu'on met ces pertes de
côté. L'argument utilisé dans le livre bleu est de dire: Ce
sont des pertes non économiques; donc, il n'est pas nécessaire de
s'en occuper parce qu'on veut indemniser les pertes économiques. Si on
fait cela, cela signifie qu'on remet en question l'appréciation que font
les tribunaux de la perte économique. Nous ne voulons pas nous poser en
juges entre le ministère et les tribunaux. Il peut y avoir des
différences d'opinions; on peut avoir chacun son opinion et ce n'est pas
à nous de trancher cette question. Mais on a l'impression, au point de
départ, a priori, que les tribunaux qui étudient chacun des cas
particuliers sont plus en mesure d'apprécier la perte économique.
Si, par leur expérience et par la tradition, ils ont reconnu une perte
économique dans ces cas, on a l'impression que c'est parce que cette
perte économique existe vraiment.
C'est dans ce sens qu'il faut faire attention quand on dit que ce sont
des cas de pertes non économiques, parce que, dans bien des cas de
pertes économiques telles que définies par les tri- bunaux, il y
aura une indemnisation moindre sous le nouveau régime que sous le
régime, actuel.
M. Saint-Germain (Noël): J'ai posé ces questions et
je pourrais peut-être apporter un exemple. Si on a des blessures, une
jambe brisée, un bras brisé, la colonne vertébrale
endommagée, pour une personne de 40 ans ou de 45 ans, il est de
notoriété publique, tout le monde le sait que, deux, trois ou
cinq ans après, c'est l'arthrite, c'est le rhumatisme qui se
développent. Je me demande si on prévoit ces situations dans le
nouveau projet. A mon avis, c'est très important. Une personne qui,
à 50 ans, est prise de l'arthrite et du rhumatisme à la suite
d'un accident d'automobile donnerait bien les quelques mille dollars qu'elle
pourrait avoir reçus lors de cet accident, elle les sacrifierait
certainement pour ravoir sa santé.
On peut dire, d'un autre côté, que ses souffrances ne se
paient pas. Il n'y a pas d'argent pour cela.
Malheureusement, dans notre système, si on veut dédommager
quelqu'un pour dommages subis, il n'y a que l'argent qui peut le faire ou qui
peut au moins le soulager. Alors, je crois qu'il y a là un
élément extrêmement important, à mon avis.
De cette façon aussi, on ne prévoit, dans la loi actuelle,
aucun cas de suicide. Je sais pertinemment que, dans l'industrie privée,
que ce soit assurance-vie ou ainsi de suite, il y a toujours des clauses
concernant les cas de suicide. Je dis cela, c'est parce que ce n'est pas
toujours agréable d'admettre que, dans notre société, les
suicides sont nombreux. Il me semble que quelqu'un qui veut mettre fin à
ses jours pourrait trouver, avec un tel régime, avantage à se
servir du régime. Au lieu de se lancer devant un camion ou sur le
métro, à Montréal, il serait peut-être plus
avantageux pour sa famille, ou du moins pour ceux qu'il aime, de le faire
autrement, de façon que son entourage puisse recevoir une rente, est-ce
que vous avez étudié particulièrement ce
problème?
M. Saint-Germain (Guy): C'est bien évident que vous mettez
le doigt sur une des possibilités d'abus du système, les
assureurs-vie mettent une clause de deux ans en cas de suicide. J'imagine que
c'est pour d'assez bonnes raisons. Certainement que le service des assurances,
ou un ministère ou l'autre, pourrait nous renseigner sur les taux de
suicide au Québec. Mais c'est une porte ouverte, c'est un des abus qui
peut découler du fait qu'on met à la disposition du public un
système d'assurance qui est très généreux, il n'y a
pas d'erreur.
Il y en a d'autres aussi: quelqu'un qui tombera d'une échelle,
des gens qui auront des fractures au doigt ou à la main, vous les verrez
ressortir dans le système d'assurance automobile; il n'y a pas de doute
sur cela. Jusqu'à quel point cela viendra, par exemple, augmenter les
coûts, c'est notre prétention quand on dit que le système
est trop généreux et qu'on vous adjure d'y repenser en tant
qu'Assemblée nationale, une deuxième fois, de revoir cela. On
peut se retrouver en face d'un coût considérable et en constante
hausse. Il
ne nous appartient pas de nous prononcer sur l'opportunité de
concéder ces bénéfices ou non.
M. Saint-Germain (Noël): Ce matin, je ne veux pas revenir
nécessairement sur le débat, vous avez semblé toucher,
à mon avis toujours, un sujet très important, lorsque vous avez
dit que le régime était très généreux envers
les conjoints qui travaillent tous les deux, autrement dit, très
généreux pour la famille moderne, mais très modeste pour
la famille traditionnelle où le père gagne le pain de la famille
et la mère est celle qui prend soin de la maisonnée. Je crois que
vous signalez ici un point extrêmement important. J'ai eu l'occasion
d'ailleurs de le dire dans le passé, qu'il semblait y avoir là
une discrimination extrêmement importante de l'importance de la
mère de famille, dans notre société, même si on a
une société à ce point de vue, en pleine évolution.
Il reste qu'il y a encore des femmes qui veulent se marier, qui veulent avoir
des enfants, qui veulent élever une famille. Je crois qu'avec les
principes qui sous-tendent la loi actuelle, il y a envers elles une
discrimination marquée, excessivement injuste, non seulement pour le
soutien de famille, mais très injuste pour ces enfants qui vont souffrir
de l'absence de leur mère.
Et d'un autre côté, il y a les familles qui n'ont pas
d'enfants et qui ne veulent pas en avoir, c'est bien leur droit, mais il en
reste que dans ces familles, qui ont une philosophie plus nouvelle, la femme,
comme l'homme, se considère plus à égalité au point
de vue financier et que ces femmes, bien souvent, seraient même
humiliées de dire ou d'entendre dire qu'elles vivent des revenus de
leurs maris.
Une des raisons qui les motivent à travailler est bien souvent
cette indépendance qu'elles veulent conserver, même
mariées. C'est encore leur droit. Lorsqu'il s'agit de dédommager
la perte occasionnée par un des conjoints qui voit son compagnon ou sa
compagne disparaître ou décéder lors d'un accident,
voilà qu'on applique les mêmes barèmes que ceux qui
soutiennent la loi. Je ne sais pas si vous avez mentionné ceci ce matin.
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à ajouter.
M. Moreau: M. le Président, ce que je pourrais ajouter
c'est ceci: Toute cette discussion sur les indemnités dont on vient de
parler démontre, encore une fois, à quel point il est difficile
d'être juste pour une victime. Dans un système "no fault" total,
vous avez cette faiblesse où le système n'a aucune souplesse; ou
il est trop généreux, ou il ne l'est pas assez. Il n'est pas
possible, dans l'état de la science actuarielle, de déterminer de
façon juste les indemnités qui s'appliqueront à chacun des
cas. C'est cela qui nous a poussés, au BAC, à recommander un
régime "no fault" partiel, c'est-à-dire un régime qui va
payer dans une proportion de 85% la perte économique complète de
tous les blessés, toutes les victimes. Dans cela il y a 12% qui, en plus
de recevoir les bénéfices de la perte économique
conserveraient, en cas de mort ou dans le cas d'un préjudice
esthétique grave ou dans le cas de perte de revenus de plus de six mois,
un recours aux tribunaux. Cela nous paraît la seule façon de
pouvoir accorder une indemnité juste à ces personnes. C'est
encore le tribunal qui peut, par une décision et un examen de chaque
cas, en venir à déterminer ce qui convient, ce que vraiment une
personne a perdu. C'est la différence entre un "no fault" total et un
"no fault" partiel.
Le "no fault" total part d'une très bonne intention de justice
sociale, mais c'est trop avancé pour en arriver à quelque chose
de vraiment juste. Pour en arriver à quelque chose de juste on
crée des injustices, d'une part, pour les blessés mais, d'autre
part, pour ceux qui paient pour, les automobilistes.
M. Saint-Germain (Noël): Dans un cas aussi précis que
celui que je viens de soumettre, est-ce que le tout ne pourrait pas s'ajuster
même dans un système "no fault" total ou "no fault" partiel? En
arrière d'un "no fault" total ou d'un "no fault" partiel, il y a bien
des philosophies qui peuvent soutenir le genre d'indemnisation.
M. Moreau: Je n'ai pas tout à fait saisi votre
question.
M. Saint-Germain (Noël): Je vais essayer d'être plus
précis.
M. Saint-Germain (Guy): Je pense qu'on a saisi. On va...
M. Saint-Germain (Noël): Si monsieur n'a pas...
M. Saint-Germain (Guy): Monsieur est distrait sur la demande
à part cela.
M. Saint-Germain (Noël): Je peux facilement
répéter, pour que tout le monde comprenne.
M. Saint-Germain (Guy): C'est l'après-midi. Tu l'as
compris. Je reviendrai au besoin.
M. Brouillette: Dans vos remarques, au début vous dites
que le régime tel que proposé pénalise ou favorise un
certain type de foyer par rapport à un autre. Je pense que notre
critique n'est pas directement dans ce sens. On prétend simplement que
ce sont des indemnités qui sont standardisées. Comme M. Moreau le
faisait remarquer, c'est là toute la différence. Lorsque les
pertes sont d'une telle importance, qu'on parle de décès, qu'on
parle d'invalidité permanente, il me semble que dans ces cas
c'est trop important il faut tenir compte de tous les secteurs qui
entrent en ligne de compte. C'est dans ce sens qu'on dit que le
régime... Il nous semble qu'il n'y a pas vraiment de solution à
ce problème. Il y aurait probablement des améliorations à
faire. Là-dessus j'aimerais ajouter quelque chose.
On a mentionné chez nous et certains membres de la commission ont
mentionné à plusieurs égards que le régime est
généreux. C'est une expression qui revient souvent. Il faut
réfléchir un
peu au sens quand on dit qu'un régime est généreux.
Par exemple, dans un couple dont les deux personnes travaillent, en principe,
on n'aurait pas d'objection à ce que l'on donne en quelque sorte un
cadeau d'une valeur de $150 000 ou $250 000 à la personne qui vient de
perdre son conjoint, du point de vue économique. On n'a pas d'objection
à cela, sauf qu'il faut considérer que c'est un régime
obligatoire. Si on laissait les gens libres de s'assurer pour ce genre de
perte, les gens sont libres de prendre de l'assurance-vie pour les montants
qu'ils veulent, la personne qui veut s'assurer pour $200 000 est libre de le
faire. Parler en termes de générosité du régime,
c'est vraiment confus parce que, dans la réalité, on oblige les
gens à payer pour ces bénéfices. On le mentionne aussi
dans le mémoire, on s'aperçoit qu'il y a un déplacement
des indemnités entre les indemnités pour invalidité et les
indemnités pour décès. On diminue les indemnités
pour incapacité, on l'a clairement démontré ce matin.
D'autre part, on augmente les indemnités pour décès,
particulièrement dans le cas du décès d'un soutien de
famille.
On se demande si c'est à l'avantage de la société,
présentement, compte tenu des protections d'assurance qui sont
disponibles. Sans avoir fait d'études, il nous semble que la protection
d'assurance-vie qui est disponible au citoyen moyen est quand même plus
adéquate que la protection d'assurance-invalidité. Il me semble
que cela ne répond pas réellement aux besoins de la
société. Pour répondre plus précisément
à votre question, il y aurait des améliorations qui pourraient
être faites à l'intérieur d'un régime de "no fault"
intégral. Il y aurait certaines améliorations qui pourraient
être faites; par contre, pour les cas graves, les cas de
décès, d'invalidité permanente, on ne peut certainement
pas atteindre la perfection. Cela me semble difficile de concevoir un
résultat tout à fait satisfaisant. Je pense en particulier au cas
de décès parce qu'il y a tellement de circonstances qui entrent
en ligne de compte. Ainsi, on a prévu dans le projet de loi que si le
conjoint a moins de 35 ans lorsque l'autre conjoint décède, la
période de paiement est réduite. Je ne me souviens pas exactement
des modalités, mais il y a une réduction. Cela me semble tout
à fait arbitraire de décider de 35 ans. En réalité,
il faudrait, pour avoir un régime répondant vraiment à
tous les besoins, tenir compte des conditions particulières. Il peut y
avoir une personne de 30 ans qui a vraiment besoin d'indemnisation et une autre
de 38 ans qui n'en a pas besoin. C'est dans ce sens qu'on pense que cela ne
peut pas répondre vraiment aux besoins de la population.
M. Saint-Germain (Noël): Autrement dit, je crois qu'on se
comprend très bien. Vous dites que c'est impossible d'avoir un
régime de dédommagement standardisé, parfait, qui va faire
justice à la majorité, du moins à tous les gens. C'est la
raison pour laquelle vous prônez, je suppose, le "no fault" partiel. Vous
laissez aux tribunaux le soin de résoudre le cas de ces gens en
minorité qui n'ont pas justice dans un système
standardisé. C'est bien la philosophie que soutient...
M. Brouillette: C'est cela. Il faut dire aussi que cela
représente un nombre restreint; si on l'exprime, encore une fois, en
termes du pourcentage du nombre total, cela représente quand même
un nombre relativement restreint, que ce soient des victimes de
décès ou d'invalidité. Par contre, si on regarde les
sommes impliquées, c'est un pourcentage très élevé
qu'on a mentionné du coût total de $385 millions. Il y a un
pourcentage très important de ces $385 millions qui va aller dans ces
cas. Il nous semble que, dans bien des cas, ce n'est pas adéquat, soit
que ce soit trop élevé, cela ne correspond pas tout simplement
à la perte économique qui est subie.
M. Saint-Germain (Noël): Je pensais aussi que si,
d'autorité, on a un régime standardisé, il vaut aussi bien
l'avoir le mieux possible. Dans les standards, on devrait au moins tenir compte
de cette injustice créée à la mère de famille. On
voit peut-être les choses sur un autre plan, mais, enfin, on veut dire
à peu près la même chose.
Encore à la page 15, vous dites: "Si l'on juge de la
qualité de l'indemnisation pour décès sur le plan de la
répartition des indemnités entre les victimes, le livre bleu
présente une amélioration notable lorsqu'il propose de remplacer
le paiement d'un capital par le versement d'une rente hebdomadaire".
Qu'entendez-vous exactement par amélioration entre le paiement
d'une rente et le paiement d'un capital?
M. Saint-Germain (Guy): II me semble que le paiement d'une rente
représente certains avantages et représente également
certains inconvénients. On souligne cela ici parce qu'on ne voit pas
pourquoi le législateur enlèverait à la victime le droit
de jouir d'un paiement en capital, si tel est son choix, ou de jouir du
paiement d'une rente, si tel devait être son choix. Je pense que cette
commission en faveur de la rente procède d'une prémisse selon
laquelle on nie au citoyen la capacité d'administrer son budget.
En praticien de la réclamation, n'importe qui de ceux qui sont
ici cet après-midi, derrrière nous, va vous dire qu'il a
assisté à de nouveaux départs, à des vies nouvelles
à la suite d'un accident d'automobile, grâce au paiement d'un
capital, et qu'une rente ne servira pas cette fin. Si on a une suggestion
à faire, c'est que vous vous penchiez sérieusement sur l'aspect
obligatoire de la rente et que vous donniez au citoyen, à la victime
d'un accident d'automobile, la même liberté qu'il a quand il
achète un billet de Loto-Québec où on lui verse un montant
en capital. On lui verserait un montant en capital à Loto-Québec
et je ne vois pas pourquoi on refuserait de lui en verser un dans le cas d'un
accident d'automobile.
M. Saint-Germain (Noël): Sur cette obligation de recevoir
une rente au lieu d'un capital, je suis
absolument de votre dire; je crois que ce serait injuste pour certains
citoyens. Mais, personnellement, je crois que c'est là la philosophie de
la Commission des accidents du travail et peut-être qu'on ne peut pas la
blâmer tellement, non plus. Je ne dis pas que c'est une philosophie que
je soutiens à ce niveau. Il faut tout de même admettre que la
clientèle de la Commission des accidents du travail, actuellement, ce
sont des gens qui, dans un contexte de liberté de choix, ont choisi
quand je dis "choisi", c'est dans le sens large du mot
d'être des travailleurs d'usine ou, du moins, des salariés. Ils se
font blesser à leur ouvrage, ils reçoivent une rente. Je crois
bien que le législateur a cru que c'était une
sécurité pour l'Etat, en ce sens que ces gens ne pouvaient pas
redevenir à la charge de l'Etat avec une rente, comme cela pourrait
arriver si on leur donnait un capital. Si on leur remet un capital et si par
des investissements inconsidérés ou des abus ce capital
disparaît, ces citoyens, comme de raison, font appel à nos
services d'assistance sociale et ils continuent à vivre de la
société.
Ici, il y a tout de même une différence fondamentale,
à mon avis, c'est que ce régime s'adresse à tous les
Québécois. Je crois que, là, on pousse un peu loin cette
philosophie. On laisse, à mon avis, entendre que les
Québécois, dans leur ensemble, ne peuvent pas administrer leurs
biens. Il y a certainement des gens qui aimeraient beaucoup mieux recevoir un
montant forfaitaire, se servir de cet argent et le placer dans des champs
d'activités qu'ils connaissent. Ils pourraient alors en
bénéficier et recevoir des ristournes ou des
intérêts beaucoup plus élevés qu'une rente pourrait
leur en offrir. Mais on s'aperçoit que, dans cette loi, on est
obligé, jusqu'ici du moins, d'accepter une rente au lieu d'accepter un
montant forfaitaire.
M. Saint-Germain (Guy): II y a de très sérieux
problèmes de ce côté que vous devrez certainement examiner.
On peut vous en citer simplement quelques-uns. Quand on pense à une
rente pour une personne âgée de 30 ans, avec une expectative de
vie jusqu'à 70 ans, on parle de 40 ans. Dans 40 ans, je peux avoir la
régie ou la Commission des accidents du travail en train de courir
après quelqu'un qui bénéficierait d'une rente à San
Francisco, à Paris, et partout, pour savoir s'il a besoin de sa rente ou
s'il n'en a pas besoin. Ce sont des choses comme cela qui vont se
présenter. Vous allez voir que les frais d'administration vont faire une
boule de neige effroyable. Ils ne sont certainement pas inclus dans la
comptabilité qu'on nous présente là.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, au sujet de la
rente, il y aurait peut-être lieu de faire remarquer aussi ce qui me
paraît une anomalie. Nous contribuons, comme citoyens, à la
Régie des rentes du Québec.
On paie des primes pour cela. Ce n'est pas un cadeau du gouvernement,
c'est une contribution qu'on fait. Dans le cas présent, d'après
le système proposé, la rente dont nous venons de discuter de 16
à 65 ans est ajustée, du moins, en fonction de la rente que la
personne recevra du gouvernement. Cela me paraît une anomalie parce qu'en
définitive, il a payé pour ce fonds de retraite, pour cette
rente, comme tous les autres citoyens et, dès l'âge de 65 ans, la
rente qui est prévue par la loi est ajustée. Ce qui me
paraît quelque chose, quand même, d'un peu curieux. Je comprends
que c'est pour diminuer les coûts. Cela reste une injustice, il me
semble, pour le citoyen qui a contribué.
M. Saint-Germain (Noël): C'est une autre question que
j'allais vous poser, mais puisque vous y avez répondu avant ma question,
je vous remercie. Je suis d'accord.
Je ne vois pas la relation qu'il y a entre une rente d'un citoyen, par
le Régime de rentes qu'il a payé, d'ailleurs, avec son employeur,
ou la pension de vieillesse. C'est une autre façon, pour en revenir
à ce qu'on disait tantôt, de cacher le coût réel de
l'assurance automobile.
Vous dites, à la page 18, au troisième paragraphe.
Premièrement, je suis un peu surpris de constater qu'il est très
difficile de s'assurer que tous les gens paieront leur prime, qu'ils sont, par
le fait même, assurés.
J'avoue que, lorsque j'ai commencé à étudier la
loi, je croyais, en obligeant les gens à se procurer une assurance en
achetant leur permis ou leur plaque, que nécessairement c'était
un moyen très efficace de contrôler le fait que tous les citoyens
du Québec soient assurés. Avec les mémoires et ce que nous
avons entendu, il semble qu'il y a des "loophole", comme on dit
communément, et que des citoyens trouveront le moyen, de se servir des
routes publiques sans assurances. Cela dit, dans le troisième
paragraphe, ici vous dites: "Nous comprendrions le maintien du droit de recours
des non-assurés".
Les non-assurés seront soumis à une amende lorsqu'ils
seront pris, mais vous voulez, en plus, qu'ils perdent le droit de recours des
non-assurés lorsqu'ils subissent un accident d'automobile, du moins pour
dommages matériels.
M. Moreau: La loi dit que dans le cas d'un assuré en
dommages matériels, il ne peut demander d'indemnisation qu'à son
propre assureur qui, lui, se fera indemniser en subrogation par l'assureur de
la tierce partie. L'assuré en dommages matériels perd son droit
de recours contre la tierce partie. Par contre, le non-assuré conserve
son droit de recours, évidemment, parce qu'il ne tombe pas sous le coup
de cet article de la loi qui prévoit s'adresser à son propre
assureur, il n'en a pas d'assureur. Lui, conserve son droit de recours contre
la partie responsable. L'assuré, lui, n'en a plus de recours. En fait,
il doit s'adresser à son propre assureur. Il ne peut pas aller plus
loin.
M. Saint-Germain (Noël): Autrement dit, s'il conserve son
droit de recours, ce sera au détriment des assurés qui paieront
sa police ou qui paieront ses dommages Tandis que, lorsqu'il doit payer
l'amende, le tout va aller dans les fonds consolidés de la province.
M. Tremblay (Marcellin): Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il
y a une contradiction flagrante de la loi qui peut rendre l'assurance
obligatoire et qui laisse un droit à celui qui ne s'assure pas. Il y a
une contradiction là qui me paraît évidente.
M. Bisaillon: Est-ce qu'on pourrait savoir exactement ce que vous
voulez dire? Je n'ai pas compris, je m'excuse?
M. Tremblay (Marcellin): C'est une contradiction flagrante avec
l'esprit de la loi qui veut rendre l'assurance obligatoire et qui laisse un
droit à celui qui ne s'assure pas.
On dit le non-assuré aura un droit de recours. S'il ne respecte
pas la loi, il me semble qu'il devrait subir les conséquences et ne pas
avoir de droit de recours.
M. Moreau: On accorde à celui qui enfreint la loi un
privilège qu'on refuse à celui qui se conforme à la
loi.
M. Fontaine: Est-ce qu'il ne suffirait pas d'établir une
présomption de responsabilité à l'endroit de la personne
qui ne serait pas assurée pour régler le problème?
M. Moreau: Je m'excuse, je n'ai pas entendu toute votre question,
le micro ne fonctionnait pas encore.
M. Fontaine: Est-ce qu'il ne suffirait pas pour régler le
problème d'établir une présomption de
responsabilité à l'endroit de la personne qui ne serait pas
assurée?
M. Moreau: Cela peut être une solution, mais il y en a une
qui est beaucoup plus simple c'est celle qu'on recommande, c'est d'enlever le
droit de recours à une personne non assurée, et cela nous
paraît tout à fait juste. Une personne qui refuse d'observer la
loi d'assurance obligatoire présentée par le gouvernement, il me
semble qu'on ne doit pas se gêner pour lui enlever le privilège de
poursuivre l'autre et que, si elle doit subir la perte de son véhicule,
elle est elle-même l'auteur de son propre malheur.
M. Saint-Germain (Noël): Vous dites aussi une chose qu'il
fallait penser. On lit à votre mémoire, toujours à la page
18, que ceux qui ne seront pas assurés seront tout de même
protégés contre les blessures corporelles qu'ils infligeront aux
victimes parce que, selon la loi, il n'y a pas droit de recours pour blessures
corporelles. Vous dites que cela pourrait être une incitation de plus
à ne pas prendre d'assurance parce qu'ils seront quand même
protégés contre les dommages corporels. Vous nous dites que ceci
augmentera de 2% à 3% la prime qui sera payée par les
assurés. Il y a peut-être là une incitation de plus pour
les législateurs de voir à ce que les gens non assurés
n'aient pas de recours contre ceux qui pourraient être responsables de
cet accident. Je parle des conducteurs ou des propriétaires de voitures
qui ne sont pas assurés, je ne parle pas des piétons.
Je voulais aussi revenir sur cette question de dédommagement
direct pour biens matériels aux victimes et le fait que vous demandiez
que les assureurs perdent leur droit de subrogation. Mme le ministre nous a
fait part qu'elle avait des questions à poser à ce sujet. Je ne
sais pas si je devrais prendre les devants ou la laisser...
Mme Payette: Mais, faites donc, M. le député.
M. Saint-Germain (Noël): Alors, la question est
posée; pourriez-vous en parler.
M. Moreau: M. Saint-Germain, voulez-vous expliquer ce
problème de subrogation?
M. Saint-Germain (Noël): C'est à la page 39: "Pour
les raisons mentionnées précédemment, au titre des
dommages matériels, l'exercice de la subrogation entre assureurs dans le
cadre du régime d'indemnisation directe article 103
devrait pouvoir être modifié par la corporation".
M. Barrette: M. Le Président, je vais répondre
à cette question. Disons qu'en tant qu'association d'assureurs on
considère que l'indemnisation directe de l'assuré, par sa
compagnie d'assurance, est une amélioration du service offert à
notre clientèle. L'assuré va savoir qu'en toute circonstance il
va pouvoir s'adresser à son assureur pour établir, selon la
grille de responsabilité, quel pourcentage des dommages il a subi et
à quel pourcentage il a droit au niveau de l'indemnité.
Le problème que nous voyons dans l'indemnisation directe avec
subrogation, c'est que l'assureur, dans un cas où l'assuré
n'était pas en faute et où il doit indemniser son assuré,
a un droit de recours contre l'assureur de l'autre partie qui est
impliquée dans l'accident. Cela veut dire que l'assureur va indemniser
son assuré avec des dollars qu'il sait qu'ils vont être
remboursés par un autre assureur à travers la procédure de
subrogation. A ce moment, au niveau de l'efficacité du système,
au niveau de l'incitation à la productivité, au règlement
adéquat des sinistres, l'assureur qui sait qu'il va être
remboursé dollar pour dollar n'a aucune incitation à dire: On
pense que votre réclamation n'est pas $500, mais $450. Il sait, qu'il
paie $450 ou $500, qu'il va pouvoir recouvrer l'argent d'un autre assureur.
Cela veut dire qu'au niveau de l'efficacité on voit qu'il y a une
"désincitation" à devenir efficace.
Certaines propositions du gouvernement, pour éviter ces
problèmes, étaient d'établir des centres
d'évaluation qui allaient standardiser l'évaluation des dommages
de façon que l'assureur n'ait pas le choix de décider si c'est
$450 ou $500 qu'il devrait payer et, alors, se faire rembourser. On voit, dans
un système comme cela, que le contrôle du règlement des
sinistres passe de la compagnie à l'industrie. Autrement dit, les
standards de l'industrie vont devoir être très stricts pour
pouvoir avoir un contrôle adéquat sur l'efficacité.
Par exemple, certaines compagnies, dans le système actuel,
peuvent décider que si la réclamation est de moins de $100, elles
n'enverront pas un évaluateur ou un estimateur pour voir si c'est $150
ou $160, elles vont dire: D'accord, on va payer $160. Quand elles font cela,
elles en subissent le coût elles-mêmes, elles ne se font pas
rembourser. Si elles se font rembourser, le deuxième assureur a un droit
de contester le montant. Si, lui, dit: Vous auriez dû examiner de plus
près, à ce moment-là, il peut contester le montant de la
subrogation et s'ils ne s'entendent pas, cela va devant un arbitre et cela
pourrait même aller en cour, ce qui est très fréquent.
Quand même, le deuxième assureur a un contrôle sur le
montant de la subrogation, ce qui n'est pas le cas dans le système
proposé.
Au niveau des centres d'estimation, qui pourraient même devenir
des centres de réclamation, l'assureur doit donner ses
responsabilités, au niveau du règlement des sinistres, à
une association, à la corporation de l'industrie. A ce moment-là,
la corporation devra établir, si l'accident est de moins de $100, si on
doit ou pas envoyer un estimateur, mais il va y avoir des règles qui
devront être très précises de façon que
l'évaluation soit faite d'une façon standard et de façon
qu'aucun assureur ne puisse contester l'évaluation d'un autre. On voit
des problèmes de service, des problèmes de qualité du
produit de l'assurance vendue par certaines compagnies; certaines compagnies
préfèrent être un peu plus généreuses dans le
règlement des sinistres, ce qui exige des primes plus
élevées, mais elles considèrent que tout compte fait
l'assuré est plus satisfait d'un bon règlement de sinistre que
d'une prime moins élevée.
A l'intérieur du système hautement
régularisé par une association de l'industrie, la compagnie
d'assurance n'a plus ce choix d'offrir différentes qualités de
service. Il va falloir que l'assureur suive les normes de l'industrie, qu'il
utilise les centres d'évaluation et le paiement va être
automatique. A ce moment-là, l'assureur n'a plus aucune incitation
à devenir efficace, à différer son produit au niveau de la
qualité parce qu'il sait qu'il n'y aura plus de différence sur le
service au niveau des réclamations. La différence va devenir une
différence de prix seulement. On voit que cela devient une fonction
sinon étatique, du moins étatique au niveau de l'industrie. Il y
a très peu d'initiatives qui peuvent être prises au niveau du
règlement des sinistres pour améliorer la qualité des
services offerts par une compagnie et concurrencer les autres compagnies qui,
elles, préfèrent exiger moins mais payer moins sur les sinistres
et des choses comme cela.
M. Tremblay (Marcellin): II faut bien comprendre que cette
suggestion est très pratique. Cela ne change pas le fondement de
l'opération; c'est positif dans le sens que cela améliore, au
contraire, le service. C'est une simplification que l'industrie propose et qui,
je pense, est à l'avantage du consommateur. Ce sera sûrement plus
adéquat de cette façon. En fin de compte on arrive à quoi?
Avec le système de subrogation, on va échanger; à la fin
de l'année, quand je vais comparer ce que j'ai reçu et ce que je
vais avoir donné, cela va s'équilibrer à peu près.
C'est ce qu'on présume. On dit: Alors, pourquoi se compliquer la
vie?
M. Saint-Germain (Noël): On pourrait avoir...
Mme Payette: Puisque j'ai permis au député de
Jacques-Cartier de poser ma question, me permettrait-il une question pour
compléter mon information?
M. Saint-Germain (Noël): Allez-y.
Mme Payette: Rien ne vous a empêché, en 1970,
d'introduire une entente d'exonération au sujet du chapitre B, qu'est-ce
qui vous en empêcherait maintenant?
M. Moreau: Je pense que là, madame, on touche non
seulement à des indemnités comme le chapitre B, mais à
quelque chose de beaucoup plus fondamental, qui est un droit. Alors, je ne
pense pas il faudrait qu'on consulte nos conseillers juridiques
que la corporation puisse en venir à une entente entre les compagnies,
de façon à éliminer ce droit, à moins que ia loi,
comme on le suggère, ne l'y autorise et c'est ce qu'on demande.
On demande que la loi autorise la corporation à s'occuper des
modalités de l'exercice et de l'élimination du droit de
subrogation. Si la loi se lit de cette façon, la corporation pourra,
à son conseil d'administration, décider s'il y a lieu de le faire
et, là, la loi l'autorise. C'est tout ce qu'on demande.
M. Saint-Germain (Guy): Nos conseillers juridiques sont
très fermes sur ce point. Il faut que l'amendement que nous
suggérons à la loi soit fait de façon à nous
permettre d'avoir une exonération dans le cours normal des choses.
Mme Payette: Nous allons étudier cette question. Je vais
rendre la parole au député de Jacques-Cartier, mais, puisqu'o.n a
abordé la question des centres d'évaluation, je me permettrai d'y
revenir après.
M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, pour une
bonne compréhension de ce qu'on discute, je vais, si vous voulez bien,
vous donner un exemple bien pratique. Vous m'assurez, vous êtes mon
assureur. J'ai un accident. Par la grille établie par l'office, vous
calculez que je suis à 60% responsable. J'ai droit à un
dédommagement de 40% de mes dommages. Alors, je fais appel à mon
assureur. Mon assureur me paye mes 40%. L'assureur de la victime paie à
son assuré 60% et c'est fini. C'est bien cela? Il n'a plus droit de
recours, là.
M. Moreau: Sur le régime que nous proposons, oui.
M. Saint-Germain (Noël): C'est ce que je veux dire.
M. Moreau: Chaque assureur paye son assuré dans la
proportion déterminée dans le barème et cela finit
là. Il n'y a plus de subrogation, il n'y a plus de discussions, il n'y a
plus de transfert d'argent. Alors, c'est là qu'on voit l'incitation pour
l'assureur à faire un règlement économique, bien fait et
non pas avec subrogation où l'assureur vous paye, mais avec l'argent
d'un autre. C'est ce qui est illogique dans la question de la subrogation.
M. Saint-Germain (Noël): Maintenant, cela veut aussi dire
que, si j'ai une petite voiture que j'assure pour $50 000 et que vous vous avez
une grosse voiture, vous avez une Cadillac, ma prime à moi sera
inférieure pour les $50 000 de dommages. Est-ce qu'elle sera
inférieure à la vôtre qui avez une Cadillac?
M. Moreau: La limite minimale prévue par la loi est de $50
000. Vous pouvez, si vous voulez, en acheter plus, comme vous pouvez le faire
aujourd'hui.
M. Saint-Germain (Noël): Non, non. Vous, vous avez une
Cadillac et moi, j'ai une Volkswagen. On achète la prime à $50
000. Est-ce que votre prime va être la même que la mienne, sans
subrogation?
M. Moreau: M. Dorval.
M. Dorval (Bernard): Si vous me permettez de répondre
à cette question, il s'agit là d'un élément
très important dans le dossier de la subrogation interassureurs. Il
s'agit de la tarification relativement aux caractéristiques du
véhicule. Avec un système où la subrogation entre
assureurs serait abolie, il nous serait possible, étant donné que
nous compenserons les dommages de notre propre assuré, de tenir compte
des caractéristiques du véhicule en question. Autrement dit,
comme nous saurons d'avance le risque auquel nous sommes exposés, qui
est celui de la voiture que nous assurons, au lieu d'être exposée
à un risque qui peut être n'importe quelle voiture qui circule,
nous pourrons être en mesure d'évaluer ce que ce risque
représente. Par exemple, dans le cas de la Cadillac et de la Volkswagen,
il est évident que la Volkswagen représente un potentiel de perte
de beaucoup inférieur à la Cadillac. C'est pourquoi la prime
serait évidemment, toutes proportions gardées, plus basse pour la
Volkswagen que pour la Cadillac.
Ici, je pense que cet élément constitue aussi un avantage
de plus pour inciter le plus grand nombre possible de personnes à
s'assurer. En effet, si on assume que les les véhicules qui sont
présentement non assurés sont potentiellement ceux qui sont de
moindre valeur, comme la prime pourrait varier en fonction de la valeur du
véhicule, il serait ainsi plus facile d'amener ces gens ayant des
véhicules de moindre valeur à s'assurer.
Cela favoriserait donc notre objectif d'avoir un plus grand nombre de
personnes contribuant au système d'assurance de dommage matériel.
J'aimerais aussi mentionner qu'en éliminant la subrogation entre les
assureurs, techniquement, on éli- minera quand même une partie,
quelques coûts supplémentaires. C'est un autre des objectifs que
vise le projet de loi. C'est assez important.
M. Saint-Germain (Noël): Est-ce que le même
raisonnement vaudrait pour quelqu'un qui prendrait maintenant une
assurance-collision?
M. Dorval: M. le Président, actuellement dans
l'assurance-collision on exige davantage pour une Cadillac que pour une
Volkswagen, c'est évident.
M. Saint-Germain (Noël): La différence pourrait
être pratiquement la même entre la prime de la Cadillac et la
prime...
M. Dorval: Oui, on pourrait dire que cela irait dans ce sens. On
peut dire, oui, que l'ordre de grandeur est le même.
M. Saint-Germain (Noël): Je pense que j'abuse envers mes
collègues. Avant qu'on m'arrête, une dernière question.
S'il n'y a pas de droit de subrogation, cela veut dire... faisons une
hypothèse. J'ai un accident, je ne suis pas responsable. Je parle des
$50 000 d'assurance-responsabilité. N'étant pas responsable, mon
assureur me paie à pleine valeur, ou peut-être à $250
"déductibles". En ce faisant, si je suis coupable, totalement ou
partiellement, cela diminue les frais de mon propre assureur. En profane, je
vous pose cette question. Est-ce qu'il n'y aurait pas la, pour un assureur,
à diminuer sa motivation à trouver son assuré un peu plus
coupable que moins coupable? Est-ce que j'ai été assez clair? Je
ne sais pas si on m'a compris.
M. Brouillette: Premièrement, je pense que parler de
coupable ou non coupable, c'est un peu exagéré dans le cas d'un
accident d'automobile. On pourrait à la limite parler de responsable et
non responsable. Ce serait un peu plus précis.
M. Saint-Germain (Noël): C'est juste.
M. Brouillette: D'un autre côté, il faut dire qu'il
y ait de la subrogation ou non, le régime qui est proposé
prévoit une grille d'accidents. Ce sont donc plutôt les
circonstances des accidents qui détermineront la possibilité pour
un individu de recevoir l'indemnité ou non. De toute façon, cette
indemnité sera versable par l'assureur de l'individu. Je ne pense pas
que le fait que vous avez évoqué pourrait se produire davantage
qu'il y ait subrogation ou non, parce qu'il nous semble que du point de vue de
l'assuré, au niveau du règlement des sinistres, la subrogation,
c'est quelque chose qui se passe en arrière. L'assuré n'en est
peut-être pas conscient. C'est quelque chose entre les assureurs.
M. Saint-Germain (Noël): Merci de votre patience, M. le
Président. Merci à mes collègues.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Messieurs nos
invités, à la lecture de votre mémoire on
s'aperçoit que, véritablement, vous représentez les
professionnels de l'assurance. Vous avez accumulé des quantités
de renseignements inestimables. Je comprends mal aussi pourquoi un ministre a
pu se priver d'une telle source de renseignement. Il est d'autant plus
inconcevable qu'hier encore le ministre nous disait qu'il avait eu une
excellente collaboration de la part, par exemple, de l'Association des
propriétaires d'autobus, qui sont peut-être moins
renseignés dans le domaine que vous.
Je conçois mal ce manque d'information, de communication qu'il y
a eu entre les deux groupes. Les assureurs nous apprennent aujourd'hui qu'ils
seraient prêts à administrer le système que le gouvernement
propose en dommage corporel. Je pense que s'il y avait eu une véritable
consultation dès le départ, le gouvernement n'aurait
peut-être pas choisi aujourd'hui la formule de l'étatisation.
A mon avis, le ministre s'est privé d'une source d'expertise qui
lui aurait été fournie de façon gratuite. Je pense qu'il
n'avait pas le moyen de se priver de ce luxe. C'est peut-être une raison
pour laquelle il y a dans la loi actuellement plusieurs lacunes que nous
voudrions soulever. La première lacune serait peut-être celle de
la tarification.
Je regarde votre mémoire aux pages 21 et 22. Si l'on
considère que l'un des principaux buts de la réforme est de
diminuer les coûts de l'assurance automobile, je suis surpris de voir les
renseignements que vous nous fournissez quand vous dites que l'adoption du
nouveau régime d'assurance proposé par le gouvernement du
Québec entraînerait une augmentation de primes pour 65% des
automobilistes assurés et 90% dans le cas de régions
frontalières comme Hull. A la page suivante vous dites: "En d'autres
termes, il y aurait subvention de certaines classes d'automobilistes, par
exemple les jeunes hommes célibataires de moins de 25 ans et les
conducteurs ayant un mauvais dossier aux dépens de la majorité
des autres groupes mais particulièrement des gens qui n'utilisent pas
leur voiture pour se rendre au travail". M. Moreau a ajouté ce matin: La
classe des agriculteurs qui devrait sans aucun doute se voir augmenter ses
tarifs à peu près d'une façon uniforme. Je suis sûr
que les cultivateurs de mon comté vont être
intéressés d'entendre ces paroles. Peut-être pourriez-vous
ajouter quelque chose là-dessus quant à la tarification.
M. Brouillette: La seule que je voudrais ajouter à ce
moment c'est que les exemples qui sont donnés aux pages 22 et 23 ne
résultent pas de nos projections ou de nos estimations quant au
coût. C'est strictement basé sur les estimations qui ont
été publiées par le ministère. Quand on dit $120
à $125, vous reconnaissez que c'est la prime de $105 à $110 par
véhicule, plus les $15 pour le permis de conduire. Il est très
important de le souligner parce que cela a déjà été
avancé par plusieurs groupes, à savoir qu'on prétend que
la prime va augmenter. Nous, on ne dit pas qu'on prétend, on mentionne
que selon les chiffres qui sont publiés par le ministère, selon
les propres estimations du ministère, qu'on met en doute par ailleurs,
cela démontre qu'il y aura une augmentation de coût pour la
majorité des assurés. C'est tout ce que j'avais à ajouter
à ce moment.
M. Fontaine: Vous mettez en doute les estimations du
ministère et, malgré cela, en vous basant sur ces chiffres, vous
en déduisez qu'il y aura une augmentation pour 65% des automobilistes.
Est-ce bien cela que j'ai compris?
M. Brouillette: Quand on dit qu'on les met en doute, il faut
admettre qu'on n'a pas eu l'occasion de prendre connaissance, jusqu'à
maintenant, du document qui nous a été distribué ce matin.
On n'a vraiment pas pu vérifier toutes les hypothèses et le
processus de calcul. Ce qu'on a pu voir c'est les 6% qui ont été
avancés et c'est dans ce sens qu'on les met en doute parce qu'ils nous
apparaissent complètement irréalistes. Si cela devait être
15% ou 18%, on peut faire le calcul et, au lieu d'avoir 65% des gens qui
auraient des augmentations, on se retrouverait probablement autour de 80% ou
85%.
M. Fontaine: II y a une question qui se pose souvent. Surtout
pendant la campagne électorale, plusieurs membres du Parti
québécois qualifiaient pratiquement, d'un côté ou de
l'autre, les assureurs de voleurs licenciés. Réellement, les
assureurs font-ils tellement de profits exorbitants pour qu'on puisse les
qualifier de voleurs?
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, j'aurais
peut-être une réponse à donner à cela. J'administre
une compagnie à capital-actions. Cela fait déjà plusieurs
années. J'ai eu l'occasion à deux reprises de vouloir faire
souscrire des actions pour augmenter le capital de la compagnie. Je n'ai pas
trouvé de financier dans la province de Québec tellement mordus
pour souscrire des actions dans une compagnie d'assurance qui faisait beaucoup
d'assurance automobile à un point tel que le seul acquéreur pour
les actions que j'ai émises que j'ai pu trouver, c'est une compagnie
d'assurance parisienne qui a acheté 25% de nos actions. Je n'ai pas pu
les placer dans la province de Québec.
Si le commerce d'assurance automobile avait été la sorte
de caverne de voleurs qu'on prétendait, j'imagine que plusieurs auraient
été intéressés à souscrire au
capital-actions de telles entreprises. Cela a été le contraire.
Les profits des compagnies d'assurance... Dans notre commerce d'assurance
automobile, ce qui arrive, c'est que les résultats d'une entreprise
comme celle-là sont nécessairement erratiques. Une année
vous pouvez faire un profit qui semble élevé et cela peut faire
suite à trois années de perte. Je l'ai appris à mes
dépens quand j'ai commencé dans ma carrière avec
l'assurance de l'UCC, où on pensait avoir trouvé la mine d'or
pour nos cultivateurs. M. Roy s'en souvient.
On a développé une entreprise et on s'est
aperçu qu'il y avait des fluctuations dans cette affaire. Il a
même fallu, à un moment donné, l'idée de la mutuelle
pour les cultivateurs; c'est ainsi que c'est devenu affilié aux
Prévoyants du Canada. Cette théorie qui voulait qu'on
était une caverne de voleurs a été largement
exagérée.
M. Allard: Je pense, d'ailleurs, si on retourne en arrière
au rapport Gauvin, que le comité Gau-vin a étudié la
question des profits des assureurs et en est arrivé à la
conclusion que le rendement sur le capital investi était tout à
fait raisonnable et inférieur à celui de plusieurs autres
industries sinon de toutes les industries. Plus récemment encore, un
autre comité établi par le gouvernement de l'Ontario, le Select
Committee, a fait une étude semblable pour une période plus
récente que celle qui a été examinée par le
comité Gauvin et est arrivé, à ce moment-là,
à des conclusions semblables, sauf que le rendement était encore
de beaucoup inférieur à ce que le comité Gauvin a
trouvé.
Je pense que ces chiffres, ces analyses, ces rapports qui ont
été faits par deux comités différents dans deux
provinces différentes sont éloquents et expliquent bien ce qu'on
affirme depuis longtemps, qu'il n'y a pas de profits exorbitants à faire
dans l'industrie de l'assurance automobile.
M. Moreau: Nous avons justement, M. le Président, ces
chiffres, ici, à notre disposition, et je pense que M. Brouillette ou M.
Saint-Germain peuvent vous les communiquer en quelques secondes. Nous avons le
résultat du rapport Gauvin et nous avons également ce à
quoi M. Allard s'est référé comme étant le Select
Committee de l'Ontario.
M. Saint-Germain (Guy): Nous n'avons pas l'intention d'insister
à moins que vous posiez la question spécifiquement. On a toute la
documentation, mais ce n'est pas une bibliothèque. Si vous voulez
l'avoir, on peut vous la donner.
M. Fontaine: Je ne veux pas insister, mais je posais la question
parce qu'il y a un certain nombre de gens qui continuent de semer cette
idée dans la population. Je voulais que vous puissiez le
démontrer clairement.
M. Saint-Germain (Guy): C'est malheureux parce qu'il y a des
milliers de Québécois qui sont dans le domaine, il y en a
plusieurs, ici, qui sont derrière nous, qui en représentent
d'autres, et il n'y a pas de voleurs là.
M. Fontaine: On a parlé de fluctuations tout à
l'heure. Est-ce un peu à cause de cela également qu'on a
tenté, à une certaine période, de faire des "package
deals"? On exigeait, par exemple, que la personne qui voulait assurer son
automobile s'assure également pour sa vie, pour sa maison et pour ses
meubles en même temps.
M. Moreau: II n'y avait pas de relation directe avec cela mais,
en fait, le problème auquel vous vous référez, c'est un
problème qui a existé en 1975 et un peu en 1976: une certaine
restriction du marché. Il y a certains assureurs, il y a même
certains courtiers aussi qui l'on fait, de leur propre chef, qui ont cru que
l'assurance automobile n'était pas intéressée ni
intéressante. Certains assureurs ayant des problèmes de
capitalisation ou de réserves, on a restreint les écritures en
assurance automobile, et puisqu'on était dans la situation de choisir
entre les risques et de ne pas tous les prendre, il a pu arriver que, dans
certains cas, on ait eu cette exigence de dire: Nous allons prendre votre
assurance automobile, mais il faudrait nous donner également vos autres
assurances.
Remarquez que cela peut paraître injuste mais, en fait, c'est un
conseil qu'on donne, à ma connaissance, depuis que je suis dans
l'assurance, et cela fait bien des années. Ordonne toujours le conseil
à un assuré de placer ses assurances autant que possible avec le
même courtier et le même assureur, pour toutes sortes de raisons
d'ordre pratique.
Mme Payette: M. le Président, M. le député
me permettrait-il une question pour compléter l'information? Vous avez
dit que cela avait été pratiqué en 1975, un peu en 1976;
est-ce pratiqué en 1977?
M. Moreau: Je ne pourrais pas dire que ce n'est pratiqué
du tout, madame, parce que je ne peux pas contrôler les activités
de tous les assureurs de semaine en semaine, mais je peux affirmer que c'est
à peu près disparu.
Mme Payette: Me permettriez-vous de poser la question à
ceux qui sont là et qui représentent une compagnie
d'assurance?
M. Moreau: Oui, certainement, madame.
M. Tremblay (Marcellin): Je peux répondre en ce qui nous
concerne. J'ai même dans la salle, ici, plusieurs courtiers qui nous
représentent, et je ne pense pas qu'on puisse être accusés
en aucune façon d'avoir posé une exigence comme celle-là,
même en 1975.
Mme Payette: Pouvez-vous me rappeler quelle compagnie vous
représentez?
M. Tremblay (Marcellin): Les Prévoyants du Canada.
Mme Payette: Y a-t-il d'autres compagnies qui peuvent affirmer
que cela n'est pas fait chez eux, en 1977?
M. Allard: Oui, la Royal également.
Mme Payette: La Royal; y en a-t-il d'autres?
M. Saint-Germain (Guy): Si vous me demandez de répondre,
j'hésite mais je vais vous donner la vérité chez nous. On
va insister pour avoir l'assurance habitation quand on a l'assurance
automobile. Ensuite de cela, si vous voulez me poser la
question: Pourquoi? Je vous dirai que, depuis des années,
étant donné que le Mouvement Desjardins contrôle des
millions et des millions d'hypothèques, il fait sauter nos polices
régulières chaque fois qu'il a un prêt hypothécaire
sur une maison.
Il nous semble que c'est un moyen tout à fait naturel, pour nous,
de tenter d'avoir notre part du marché parce qu'on prétend qu'on
rend un service. Je représente, évidemment, l'ensemble des
assureurs. Comme tel, je représente les sociétés des
caisses populaires et la Sécurité qui sont mes
compétiteurs. C'est parce que vous m'avez posé la question
spécifiquement que je vous réponds en vous donnant la
vérité pour ce qui est du Groupe Commerce. Il y a des courtiers
qui sont ici; ils pourraient vous prouver cela n'importe quand.
Mme Payette: Merci pour cette information. Merci, M. le
député.
M. Fontaine: Concernant le financement actuel et le financement
proposé, actuellement, la prime d'assurance automobile pour les dommages
corporels varie selon l'utilisation que la personne fait du véhicule. Le
système proposé taxera, selon les prévisions qu'on a, tous
les véhicules de promenade, par exemple, sur la même base. Que
pensez-vous de cette façon de procéder? Est-ce que vous comprenez
bien ma question?
M. Brouillette: Je ne suis pas certain si je comprends bien la
question.
M. Fontaine: Actuellement, lorsqu'on assure son automobile, on
est taxé, c'est-à-dire qu'on paie une prime selon l'utilisation
qu'on fait du véhicule. Si, par exemple, on prend son véhicule
pour voyager à son travail, on paie plus cher. Dans le régime
proposé, on ne tient pas compte de ces différences et on va taxer
ou assurer tous les véhicules de promenade, par exemple, sur le
même pied. Est-ce que vous croyez que c'est juste?
M. Brouillette: Certainement pas. D'ailleurs, on a
souligné dans notre mémoire qu'il nous semble y avoir une
inéquité à cet égard, dans le sens qu'on ne tient
pas compte de l'utilisation des véhicules. On a dit aussi qu'il nous
semblait que cette inéquité était importante autant sur le
plan social que sur le plan économique. A première vue, on dit:
Si un individu décide de ne pas utiliser sa voiture pour aller au
travail, c'est injuste de le faire payer pour l'autre qui, lui, choisit de
l'utiliser. Cela nous semble injuste.
On ne s'arrête pas là. On prétend que c'est
dommageable aussi sur le plan économique, parce que les individus
prennent chaque jour des décisions dans le système dans lequel on
vit. Les gens prennent des décisions et on croit que c'est par le
résultat net de toutes ces décisions dans un marché libre
que les ressources sont allouées de façon optimale. On vient ici
créer des distorsions en faisant des subventions à
différents groupes d'assurés, tout à fait au hasard, sans
aucun principe. Si, au moins, on avait un principe directeur; si on avait
décidé: Bon, on veut atteindre tel objec- tif. Cela se fait dans
d'autres domaines. On décide de subventionner une région aux
dépens d'une autre. On a un objectif bien précis qui peut
être discuté. Mais ici on n'a aucun objectif précis. On
subventionne tout simplement au hasard. On subventionne certains groupes sans
tenir compte des effets qui peuvent être tout à fait dommageables
autant sur le plan économique que sur le plan social.
On va plus loin que cela aussi dans notre mémoire. On pourrait,
comme on le mentionne, prétendre que cela peut être
corrigé, qu'en théorie une régie d'Etat ou un monopole
d'Etat peut faire une tarification équitable aussi, s'il en prenait la
peine. On donne, je pense, trois arguments qui sont bien clairs, qui font en
sorte qu'il est à peu près impossible, en pratique, pour un
monopole d'Etat d'avoir une tarification qui reflète, par exemple,
l'utilisation ou qui reflète les autres facteurs qui font partie de la
tarification actuelle. Je pense que ces raisons sont mentionnées
clairement. On peut les résumer.
Il y a, en premier lieu, la question des pressions politiques qui ne
peuvent pas faire autrement que s'exercer dans un régime qui est
contrôlé par l'Etat. On l'a vu. On le voit dans tous les autres
organismes gouvernementaux. Cela ne peut pas être à l'abri des
pressions politiques, directes ou indirectes. Le deuxième
élément, c'est celui de l'abolition de la concurrence. Il est
certain qu'à partir du moment où on enlève la concurrence
il n'y a plus d'incitation à faire une tarification qui respecte
l'équité. Il faut bien comprendre que nous, si on fait payer
moins cher à l'individu qui n'utilise pas son véhicule, ce n'est
pas, si on veut, par souci social ou quoi que ce soit. Simplement, c'est que la
concurrence nous pousse à faire payer à chacun ce que cela
coûte vraiment, ce que le risque d'accidents représente pour
lui.
A partir du moment où on abolit la concurrence, il n'y a plus
aucune incitation à rechercher l'équité; à partir
de ce point, ce sont les contraintes administratives qui s'imposent. On a vu le
document qui a été publié par le ministère, il y a
environ deux semaines, et je pense qu'on retrouve dans ce document d'une
quinzaine de pages l'expression "contrainte administrative" à peu
près une douzaine de fois. Alors, la seule limite, c'est toujours cela,
on n'a aucune incitation à l'équité; par contre, on a des
contraintes administratives pour limiter l'équité. Ce qui fait
qu'il n'y a pas du tout d'équité. C'est aussi simple que
cela.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, à ce
sujet, si vous me permettez d'extraire un cas particulier, par exemple, le cas
du cultivateur. Vous avez mentionné que vous étiez dans un
comté qui compte plusieurs cultivateurs. Il arrive que, pour des raisons
historiques, nous sommes des assureurs importants auprès des
cultivateurs. J'ai l'impression que, quand les cultivateurs vont se
réveiller, ils vont réaliser ce qui arrive avec le nouveau
projet; il y en a qui vont sursauter.
Un cultivateur ordinaire, ce qu'il appelle son pick-up par exemple, ce
qui est très courant chez les cultivateurs, paie une prime, à
l'heure actuelle,
d'à peu près $70. Avec le nouveau système, il va
tomber à $120, $125 ou $130, comme on l'a dit, mais il devra en plus
souscrire une police d'assurance obligatoire pour ses dommages matériels
et sa responsabilité. Vous voyez tout de suite la réaction. Les
cultivateurs ont toujours bénéficié de la classe; c'est
pour cette raison qu'on fonctionne par catégories, par sens
d'équité.
Le cultivateur a toujours eu ce qu'on appelle "tarif cultivateur"; ce
tarif représente à peu près 50% de rabais depuis
longtemps, sur la classe ordinaire. J'ai l'impression que vous allez avoir un
joli sursaut lorsque vraiment ces gens vont se rendre compte de ce qui leur
arrive.
Vous avez également l'autre point du cultivateur qui me frappe
dans ce projet. Le cultivateur, vous le savez, ne déclare pas
nécessairement les plus hauts revenus. Or, son indemnité va
être basée sur les revenus qu'il a déclarés, donc il
va payer plus cher et il va être appelé à être
indemnisé sur la base des revenus qu'il a déclarés. Une
autre surprise qui l'attend. C'est un exemple de manque de sens
d'équité d'une prime qui est unique pour tout le monde.
M. Fontaine: Du point de vue de l'indemnité, justement, on
dit qu'il s'agit d'une mesure sociale qu'on veut entreprendre. Est-ce que vous
pensez que le fait de payer plus à l'un qu'à l'autre peut
également être un élément d'injustice?
M. Brouillette: Encore une fois, je ne suis pas tout à
fait certain si je comprends le sens de votre question. Le commentaire que je
pourrais peut-être faire dans ce domaine, c'est que si vraiment il s'agit
d'une mesure sociale, si on veut mettre cela sur le même pied que la
Régie des rentes, je ne vois pas de raison pour laquelle on mettrait le
maximum à $18 000 par année. Je reviens à ce que je disais
tantôt, il faut bien voir qu'on ne parle pas d'une question d'être
généreux ou de ne pas être généreux. La
question qui se pose est: Est-ce que, dans un régime social, on doit
payer $18 000 à un individu et $8000 à un autre? Si c'est
vraiment un régime social, surtout si les deux vont payer la même
contribution, je ne vois pas comment on peut justifier de payer, dans certains
cas $18 000 et dans d'autres cas $8000; si on se place au point de vue social,
cela me semble tout à fait aberrant; je ne vois aucun fondement et
aucune justification.
M. Fontaine: Merci. On parle, à la page 11, de la question
de compensation des pertes subies par la Régie d'assurance-maladie et
l'assurance-hospitalisation. Je comprends qu'à la suite de l'adoption du
projet de loi 67, il n'y aura plus de compensation qui va se faire de la part
de la Régie d'assurance automobile à la Régie
d'assurance-maiadie. comme cela se fait actuellement. Actuellement, les
personnes responsables sont recherchées en justice par la Régie
de l'assurance-maladie pour réclamer les montants qu'elles occasionnent
en frais d'hospitalisation. Pouvez-vous me dire quel montant d'argent cela peut
représenter?
M. Moreau: Avez-vous certains chiffres à ce sujet,
monsieur...
M. Dorval: En ce qui concerne cette question de subrogation entre
les régies d'Etat, on peut penser que, dans le système qui est
proposé par le gouvernement, c'est-à-dire pour l'année
financière 1978/79, avec aussi l'assurance obligatoire, avec les
montants que cela peut représenter si on inclut la Régie de
l'assurance-hospitalisation, la Régie de l'assurance-maladie et la
Commission des accidents du travail parce que ces trois organismes,
actuellement, nous subrogent cela pourrait représenter des sommes
de l'ordre de $15 millions à $20 millions. Ce sont des pertes
nettes.
M. Saint-Germain (Guy): C'est seulement au niveau du montant
d'argent parce que les assureurs ont demandé, depuis des années,
que ces subrogations soient abolies. Je crois comprendre les
spécialistes du ministère vous diront peut-être que c'est
à cause des ententes fédérales-provinciales qui obligent
le gouvernement québécois à aller contre l'auteur d'un
dommage je pense que les subventions sont conditionnelles à cela.
M. Desmarais acquiesce là-bas, je pense que c'est exact.
Dans notre mémoire, on voulait tout simplement souligner que, si
vous éliminez cette subrogation, il faudrait quand même en tenir
compte au niveau des coûts. Comme on n'en a parlé nulle part, on a
estimé de notre devoir d'attirer votre attention sur cet aspect.
M. Fontaine: Merci. Ce sera tout, je pourrai revenir plus
tard.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux d'abord remercier
le Bureau d'assurance du Canada pour le volumineux mémoire qu'il nous a
présenté et pour l'étude sérieuse qu'il a faite du
projet de loi no 67. Je pense devoir dire en toute objectivité que le
Bureau d'assurance du Canada apporte un bon éclairage à la
commission parlementaire, un éclairage extrêmement utile,
même si je dois déplorer, à ce moment-ci, que, du
côté gouvernemental, la lumière pâlit. Elle a
pâli pas mal depuis ce matin! Je comprends et je reconnais l'ouverture
d'esprit de Mme le ministre; elle veut étudier la question et elle prend
bonne note des recommandations qui lui sont formulées, mais, à ce
stade-ci, il n'en demeure pas moins que nous devrions avoir les
réponses, du côté gouvernemental, sur lesquelles nous nous
interrogeons, puisque la commission parlementaire a justement pour objet
d'éclairer les députés, les membres de la commission, ceux
qui seront appelés à voter la loi devant l'Assemblée
nationale, afin de leur permettre de prendre position face à ce projet
de loi. Vont-ils appuyer la loi, voter contre ou demander de reporter
l'étude de ce projet de loi? Je trouve
malheureux de devoir dire que nous sommes en face d'un projet
prématuré.
Depuis quelques années que je siège ici, à
l'Assemblée nationale, et ici même, à cette table, j'ai eu
l'occasion de participer à des commissions parlementaires qui ont
étudié des projets prématurés. Nous savons ce que
cela a donné, nous savons combien cela a coûté. Ceux qui
étaient du même côté que moi, dans le temps, pour
dénoncer les projets prématurés, sont ceux-là
mêmes qui, aujourd'hui, nous présentent un projet de loi qui me
paraît prématuré. On n'a pas fait la preuve que le
gouvernement est effectivement prêt à se lancer dans
l'administration d'une Régie de l'assurance automobile et d'assurer la
population du Québec.
J'ai pris une position catégorique, dès l'étude du
projet de loi no 49 à l'Assemblée nationale et dès
l'ouverture de cette commission, en faveur de l'entreprise privée. J'ai
bien dit cependant que ce n'était pas un appui conditionnel, je ne
voulais pas et je pense important que tout le monde soit d'accord
là-dessus que ce soit un cartel. J'ai bien écouté
les questions qu'a posées l'honorable ministre aujourd'hui aux
représentants du Bureau d'assurance du Canada et je dois dire que j'ai
été un peu inquiet des questions qui ont été
posées et de la façon que les questions ont été
posées. Il semble du moins, c'est ce que j'ai cru comprendre; on
me corrigera si je suis dans l'erreur qu'on reproche au Bureau
d'assurance du Canada de ne pas contrôler davantage les assureurs et de
ne pas former un front uni. Si, dans le projet de loi no 67, on veut, dans la
structure qu'on veut imposer aux compagnies d'assurances, former un front
commun, un front uni, une espèce de bloc solide qui peut constituer un
cartel, je tiens à avertir tout de suite le gouvernement et l'honorable
ministre en particulier que des cartels privés comme des cartels d'Etat,
cela reste des cartels et les conséquences sont à peu près
toujours les mêmes, à la différence que, lorsque c'est un
cartel privé, on a au moins l'Etat pour surveiller et voir à
modifier les règles du jeu.
J'aimerais poser une question aux représentants du BAC. Je ne
veux pas entrer dans les modalités du régime proposé par
le gouvernement dans ma première question, autrement dit les formules ou
les modes d'indemnisation prévus dans la loi no 67.
Mais est-ce que le BAC, le Bureau d'assurance du Canada, qui parle en
somme au nom des assureurs, serait en mesure de nous dire qu'un régime
d'indemnisation proposé par une loi gouvernementale peut être
administré par les assureurs?
M. Moreau: Certainement, il n'y a aucun doute là-dessus.
Dès que les assureurs sont consultés et qu'on met sur papier un
régime convenable, autant pour les assurés, pour les victimes,
pour les assureurs que pour le gouvernement, il y a moyen, à ce
moment-là, de faire fonctionner un système.
M. Roy: Mais, lorsque vous dites convenable, par exemple, vous
mettez une sorte de condition.
M. Moreau: La condition c'est qu'on ait l'occasion de contribuer
à l'élaboration du système. Evidemment, si on nous impose
un système, comme on le fait en dommages matériels, en disant:
Voici un nouveau système qui ne fonctionne nulle part ailleurs, mais
nous, on l'a pensé, le voici, vous le faites fonctionner; s'il y a des
problèmes, réglez-les; cela est inacceptable, c'est incroyable
dans une industrie de l'importance de l'assurance IARD au Québec.
M. Roy: Ma deuxième question, M. le Président, ce
serait concernant la réforme de l'assurance automobile. Nous en avons
parlé lors de l'audition de la commission Gauvin, ici. Cela a fait
l'objet de bien des délibérations, de bien des discussions tant
en commission parlementaire qu'à l'Assemblée nationale. Vous avez
dit dans votre mémoire je résume la pensée que j'ai
cru dégager de votre mémoire qu'il n'a pas
été possible pour les assureurs d'apporter des modifications
sensibles au régime d'assurance automobile actuel, parce que les lois ne
le permettaient pas. Est-ce exact et est-ce que vous voudriez donner plus de
précisions, plus d'éclairage en fait sur ce
côté-là?
M. Moreau: Ce que nous voulons dire, M. le Président,
c'est que l'assurance automobile est régie entièrement par les
lois du gouvernement, et, trop souvent, dans le public, on est d'avis que les
assureurs peuvent faire la pluie et le beau temps. Il n'y a pas d'industrie qui
soit plus contrôlée par le gouvernement que l'industrie des
assurances. Vous prenez l'assurance automobile, par exemple; il y a des
rapports financiers qui doivent être faits non seulement à
l'impôt, mais également au surintendant des assurances, dans des
buts tout à fait différents.
Vous avez le texte de la police automobile, où aucun assureur ne
peut dévier d'une virgule seulement. Il doit nécessairement
donner la protection qui est approuvée dans le texte qui est émis
par le surintendant des assurances. C'est ce qu'on veut dire, M. Roy.
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, pour ajouter
là-dessus, c'est bien clair que nous faisons affaires à
l'intérieur d'un cadre juridique que, comme assureurs, on ne pouvait pas
se donner. On parle aujourd'hui d'établir un système "no fault".
Que le gouvernement adopte une loi pour établir un système "no
fault", et on sera capable de fonctionner à l'intérieur d'un
système "no fault". Lorsque le Michigan l'a établi, ou que quinze
autres Etats américains l'ont établi, c'est parce que le
législateur a adopté des lois. Il a dit: Dorénavant, c'est
comme cela que cela marche et ensuite l'industrie... Vous savez que
l'entreprise fibre s'ajuste ensuite à la loi que les gouvernements
adoptent et ensuite elle fonctionne à l'intérieur du cadre qu'on
a fixé.
J'ai toujours pensé que le législateur était
là pour établir les règles du jeu. Une fois les
règles
du jeu établies, il n'est pas là tellement pour
administrer, parce que je pense qu'il a démontré en plusieurs
circonstances qu'il est assez mauvais administrateur. Il est là pour
établir les règles du jeu. Une fois les règles du jeu
établies, qu'on soit au Bureau d'assurance du Canada, membre ou pas
membre, chaque compagnie devra se conformer à la loi et nous sommes
capables de fonctionner si c'est ce système qu'on veut. On a
répondu ce matin: Oui, l'entreprise privée peut
l'administrer.
M. Roy: En somme, ce que vous nous dites, c'est que vous seriez
prêts à l'administrer. Vous êtes même prêts
à rencontrer le gouvernement et à en venir à une entente
avec le gouvernement pour administrer le régime?
M. Tremblay (Marcellin): Absolument.
M. Roy: J'avais posé une question au ministre à ce
sujet, lors de la séance de la commission parlementaire du 27 septembre.
J'avais demandé au ministre s'il y avait eu des négociations avec
les assureurs à ce niveau? Je n'ai pas à attendre la
réponse, le ministre m'avait répondu non, qu'il n'y en avait pas
eu, parce que la décision gouvernementale était de sortir les
blessures corporelles de l'assurance. Le gouvernement ne devient pas un
assureur je cite la réponse du ministre mais fait de cette
réforme une réforme de justice sociale. Nous ne sommes pas des
assureurs à partir du moment où ce projet de loi est
accepté.
Alors, comme je ne reviendrai pas sur les questions que mes
collègues ont posées tout à l'heure il y avait un
certain nombre de questions que j'avais notées j'aimerais
reprendre un point qui a été discuté, ce matin et cet
après-midi, concernant les 16% des dossiers, concernant les
indemnités qui sont versées à des personnes qui sont
victimes de lésions corporelles. Lorsque vous parlez du pourcentage, de
ces 16%, est-ce que vous parlez du nombre de personnes qui ont reçu des
indemnités, ayant subi des blessures corporelles, ou si vous parlez de
16% de dossiers où il y aurait eu des réclamations, mais pas
nécessairement des indemnités?
Je ne sais pas si je me suis expliqué de façon assez
claire. C'est-à-dire qu'il y a deux points bien précis: il y a le
pourcentage de réclamations qui sont faites et le pourcentage de
réclamations qui reçoivent effectivement une
indemnité.
M. Brouillette: Les 16% référaient
d'ailleurs, le chiffre de 16% comme tel a été mentionné
par le ministre si je comprends bien, au nombre de victimes de dommages
corporels par rapport au nombre total d'accidents. Aujourd'hui, en vertu du
régime de la responsabilité, si on s'en tient à la
responsabilité, laissant de côté l'assurance individuelle
et le chapitre B, pour ce qui est de la responsabilité, il est certain
qu'il y a un pourcentage de gens qui ne peuvent pas être
indemnisés. Le conducteur qui est tenu responsable de l'accident ne peut
pas être indemnisé en vertu du chapitre A.
M. Roy: Ce qui veut dire que le pourcentage de dossiers qui sont
étudiés, que ce soit par l'entreprise privée ou par
l'entreprise gouvernementale, pour ce qui a trait aux blessures corporelles,
peut être de beaucoup supérieur à 16%.
M. Brouillette: D'ailleurs, quand on parle de pourcentages, c'est
toujours difficile de mesurer l'ampleur. Je pense qu'on pourrait
peut-être traduire en nombre. C'est difficile encore là. Je n'ai
pas de chiffres précis, mais j'ai l'impression que ce à quoi nous
nous référons, c'est au moins à 30 000 ou à 40 000
cas de blessures corporelles. Il resterait à vérifier le nombre
exact. Même si on dit 16%, ce n'est pas négligeable parce que cela
représente plusieurs dizaines de milliers de cas de blessures ou de
dommages corporels.
M. Roy: Si je pose cette question, c'est pour avoir plus de
précisions. Lorsqu'on a parlé de 16%, on faisait
évidemment référence au coût de l'administration de
la Régie de l'assurance automobile, en partant du fait que, sur le
nombre de dossiers concernant les accidents qui surviennent, 16% seulement des
dossiers comportent des dommages corporels. Cela ne veut pas dire que la
régie sera limitée à en étudier seulement 16%. Elle
devra étudier un certain nombre de dossiers pour lesquels il y aura
effectivement des réclamations. Il y a bien des gens qui feront des
réclamations en espérant en obtenir, comme à la Comission
des accidents du travail, d'ailleurs, et comme cela se passe au niveau de
l'assurance privée. Les gens vont remplir une demande. Cela ne veut pas
dire automatiquement qu'ils seront acceptés. Je voudrais savoir, Mme le
ministre, quel est le pourcentage de dossiers que la régie compte
effectivement étudier à ce niveau. Cela a une implication assez
directe sur les frais d'administration de la régie.
Mme Payette: Je pense que votre question contient la
réponse, M. le député de Beauce-Sud. 16% des accidents qui
surviennent au Québec comportent des blessures corporelles, donc des
réclamations. Vous avez la réponse dans votre question. Donc,
indemnisation en ce qui nous concerne pour 16% des accidents au Québec.
Ce matin, si j'ai attiré votre attention là-dessus,
c'était pour vous faire compendre que, dans 16% des cas d'accidents, il
y aurait deux réclamations. On a tendance à exagérer la
double démarche. C'était pour vous signaler que 16%, ce n'est pas
énorme sur le nombre d'accidents au Québec.
M. Brouillette: M. le Président, est-ce que je peux
ajouter quelque chose? Quand on parle de dédoublement, ce que nous
considérons, c'est la régie pour les dommages corporels. Encore
une fois, comme je le disais ce matin, c'est un pourcentage très
élevé, mettons 80% des cas où il y aura
dédoublement. Je pense qu'il ne faut pas exprimer cela en termes du
nombre total d'accidents. Il faut voir, dans le cas de la régie, dans
quel pourcentage des cas il y aura dédoublement. La réponse est
probablement 80% ou plus.
Mme Payette: Vous avez vraiment l'art de semer ta confusion.
M. Moreau: II y a un autre facteur. Si 16% des accidents
produisent des dommages corporels, dans chaque accident il y a
évidemment un seul dommage matériel, mais vous pouvez en avoir 3,
4, 5, 10 réclamations en dommages corporels. Si vous avez un autobus,
vous pouvez en avoir 40 dommages corporels. Il faut tenir compte de ces
facteurs.
Mme Payette: Nous en avons tenu compte.
M. Roy: Ce pourcentage dépasse quand même les 16%.
On en conviendra puisque effectivement 16% des cas reçoivent des
indemnités en vertu des dommages corporels. Ils sont indemnisés
effectivement, mais dans le régime actuel, je comprends que cela est
difficile. Cela peut peut-être prêter à confusion. Dans les
formules de réclamation, au moment où un individu fait une
réclamation en vertu de sa police d'assurance automobile, il remplit la
formule et effectivement il y a un questionnaire relatif aux dommages
corporels. Du fait qu'il doit s'adresser à deux endroits distincts,
évidemment il va y avoir un laps de temps qui fera en sorte que
l'assuré devra produire sa demande dans un certain délai s'il
veut bénéficier d'une indemnité. Il y a toujours des
risques de séquelles après l'accident, même un, deux ou
trois mois après l'accident. Si la personne ne fait pas sa
réclamation dans un délai qui sera sûrement prescrit par la
régie, il demeure un fait, elle ne pourra pas bénéficier
des indemnités futures.
C'est là que je dis que le pourcentage de dossiers, j'aimerais
bien qu'on en prenne note au niveau gouvernemental, qu'on ne pense pas qu'il
soit possible pour la régie d'avoir des dossiers sur seulement 16% des
accidents et des accidentés. Ce qui va changer le coût de
l'administration de la régie, et en changeant le coût de
l'administration de la régie quand on parle de 6% ou 7%, il est
évident, à ce moment, soit que les assurés devront payer
plus cher ou il y aura moins d'argent pour accorder aux victimes
d'accidents.
Dans le plan de tarification que nous a soumis le gouvernement, j'ai une
autre question. Par exemple, on parle d'une voiture de promenade dont la
contribution pourrait se situer entre $105 et $110 pour l'exercice financier
débutant le 1er mars 1978. Mon collègue de Nicolet-Yamaska a
posé la question au sujet des cultivateurs, question dont j'avais pris
note, parce que ces derniers ont bénéficié, comme M.
Tremblay vient de nous le dire, d'un taux adapté à leur
catégorie et à leur risque à ce niveau.
Dans le cas des taxis, on dit que la contribution des voitures-taxis
pourrait être de quatre à cinq fois celle des voitures de
promenade. Est-ce que les assureurs sont en mesure de nous dire, aujourd'hui,
dans quelle proportion les voitures-taxis doivent payer plus cher ce risque par
rapport à une voiture de promenade ordinaire?
M. Brouillette: Je peux répondre à cette question,
M. le Président. Les études étant en cours, on n'a pas de
données précises à l'égard des taxis. Je ne peux
pas vous dire si les quatre ou cinq fois, en tant que telles, signifie que les
chauffeurs de taxi vont payer plus ou moins cher que ce qu'ils paient
présentement. Cela va être vérifié dans les jours
qui suivent. Il m'apparaît évident qu'il va y avoir encore
là un manque d'équité assez flagrant dans le fait qu'on a
laissé tomber la tarification selon l'expérience. Le document
publié par le ministère rejette la possibilité de
tarification selon l'expérience. Supposons que quatre à cinq fois
la prime d'un véhicule de promenade correspond à la moyenne qui
existe aujourd'hui. C'est possible. J'imagine que les spécialistes du
ministère ont vérifié ce facteur. Alors supposons que cela
corresponde à la moyenne, il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui on va
tenir compte de l'expérience des différentes flottes de taxis. Si
un individu possède dix voitures et qu'il fait attention, qu'il n'engage
que des personnes sérieuses pour conduire ses voitures, qu'il fait un
entretien de ses véhicules, il est probable qu'il aura une
expérience bien meilleure que l'autre individu qui ne fait pas du tout
attention. Il est certain qu'il va y avoir encore là une
inéquité dans le sens que les deux individus vont payer
exactement la même prime, alors qu'il y en a un qui représente un
risque beaucoup moins grand parce qu'il prend les mesures pour réduire
ce risque. Cela s'applique pour les taxis, les camionneurs, les autobus, en
somme pour tous les véhicules utilitaires ou tous les véhicules
commerciaux.
Je voudrais en profiter aussi pour ajouter une chose au sujet du 16%.
Pour faciliter votre compréhension, j'ai l'impression que les 16% sont
évalués en divisant le nombre total de blessés par le
nombre d'accidents, à partir des statistiques d'accidents
publiées par le ministère des Transports.
Je n'ai rien contre cette formule pour obtenir le pourcentage, cela me
semble régulier, sauf qu'il faut être très prudent parce
que, quand on se compare aux autres provinces, particulièrement
l'Ontario, on s'aperçoit que le pourcentage de blessures corporelles, du
nombre de blessés, pour l'Ontario, est de beaucoup supérieur par
rapport au nombre d'accidents. A quoi peut-on attribuer cela? Je ne suis pas en
mesure de le dire pour l'instant. Une hypothèse que je ferais, c'est
peut-être que les gens du Québec rapportent moins, sont moins
portés à déclarer leurs dommages corporels que les gens de
l'Ontario.
Si c'était le cas, avec le genre de régime qu'on
prévoit, il est possible que cela entraîne une hausse très
importante du nombre de cas de blessures corporelles parce que, encore
là, il faut comprendre que ces 16% sont basés sur les rapports de
police. C'est le policier qui, au moment de l'accident, pose la question ou
peut-être examine les faits lui-même et décide si l'individu
a été blessé ou non, et on va admettre que c'est une
réponse pour le moins superficielle parce que, comme vous l'avez
mentionné tantôt, cela peut se produire quelques semaines ou
quelques jours après, on peut découvrir qu'il s'agit vraiment
d'un cas de blessure. C'est pour cela qu'au sujet des 16% il faut être
très prudent et surtout ne pas utili-
ser cela pour fins d'évaluation quelconque parce que cela risque
d'être drôlement sous-évalué.
M. Roy: J'aurais une autre question sur un sujet qui a
été soulevé, je pense, par Mme le ministre, aujourd'hui,
concernant les jeunes. Je ne pense pas être le seul membre de
l'Assemblée nationale et le seul député à avoir eu
des représentations de gens, de pères de famille, ou encore de
jeunes travailleurs, qui sont obligés de payer jusqu'à
concurrence de $1550. J'ai même vu des jeunes payer au-delà de
$2000 par année en primes d'assurance automobile, ce qui m'a toujours
paru une prime absolument inacceptable, inadmissible, puisqu'il faut presque
mettre 25% du salaire uniquement dans la prime de l'assurance automobile.
J'aimerais qu'on m'explique pourquoi, malgré que je pense qu'on
peut quand même faire certaines déductions, les jeunes ont
été plus pénalisés, et je dirais même
lourdement pénalisés, dans le régime d'assurance
automobile, c'est un point qui a attiré l'attention de
l'Assemblée nationale et qui a été discuté à
la commission Gauvin. Cela m'amènerait aussi, dans une deuxième
question, à parler de la fameuse formule V2C.
M. Moreau: Quant à la question des jeunes conducteurs, je
pense que M. Brouillette pourrait nous éclairer.
M. Brouillette: Pour répondre à votre question, je
ne pense pas, encore là, qu'on doive parler de pénalisation. La
raison est claire, c'est que les jeunes causent plus d'accidents ou sont
impliqués dans un plus grand nombre d'accidents que les autres, et cela
est démontré à peu près dans tous les pays par les
statistiques d'assurance ou par les statistiques gouvernementales. Mettez-vous
en doute le fait que les jeunes ont une fréquence d'accidents plus
élevée que les autres catégories?
M. Roy: Je n'ai pas les statistiques, mais quand on prend une
assurance et que le principe même de l'assurance veut dire un groupe de
personnes qui, à un moment donné, paient une prime en tenant
compte d'un pourcentage de risque qu'on retrouve dans un groupe donné,
il m'est toujours apparu, de ce côté, que le groupe des jeunes a
toujours été trop restreint, et par le fait qu'on leur ait fait
payer à eux-mêmes beaucoup plus qu'ils n'auraient dû payer
dans un régime d'assurances plus générales; à force
de faire des secteurs et de faire des catégories, on risque
effectivement de créer des injustices et, au niveau des jeunes, si
j'avais un reproche à faire aux compagnies d'assurances, je pense que,
sur le plan social, sur le plan humain, de ce côté, nous avons
fait face à une situation, je pense, tout à fait
inacceptable.
N'y aurait-il pas eu d'autres formules ou n'aurait-on pas pu
étendre le risque à une catégorie beaucoup plus grande de
personnes de façon à ne pas pénaliser une seule
catégorie? Quand les jeunes sortent de leurs études ils
sortent avec des tas d'études ils ont des problèmes
d'établis- sement, ils doivent s'acheter une automobile, ils doivent
s'établir, comme je viens de le dire, et on les écrase et on les
étouffe littéralement avec des primes d'assurances qui n'ont
aucun sens. J'ai connu des compagnies d'assurances qui, après qu'un
jeune eut subi trois accidents de suite la même année, ont
continué de l'assurer quand même. On a fait payer par d'autres qui
étaient moins victimes d'accidents, des personnes qui n'auraient tout
simplement pas dû, à mon avis, avoir d'assurances, elles
n'auraient même pas dû avoir une automobile tout simplement.
On a fait payer cela par d'autres jeunes qui n'étaient pas
responsables de la situation, mais qui ont été largement victimes
de la situation.
M. Brouillette: Si vous me permettez de répondre à
cette question. Tout d'abord, il faut admettre, au départ, si on veut
avoir une discussion sur ce sujet qui est très intéressant, il
faut admettre que cela a pu causer de nombreux problèmes. Il faut
admettre que les jeunes ont une fréquence d'accidents plus
élevée. Cela, comme je dis, c'est reconnu. Dans à peu
près tous les pays du monde, on voit les statistiques qui existent. A
partir du moment où on admet qu'ils ont une fréquence d'accidents
plus élevée, donc, qu'ils représentent un coût plus
élevé, votre proposition... Vous dites: On devrait
répartir sur un plus grand groupe. Si le législateur le
décide pour nous, on dit que cela constitue une subvention au groupe des
jeunes.
Si le législateur décide que, socialement, cela prend une
subvention aux jeunes, ce n'est pas à nous... On peut avoir une
argumentation à ce sujet, on peut avoir une discussion. Mais, si on
décidait que cela prend une subvention, cela peut se faire. Cela s'est
fait dans le cas du Nou-veau-Brunswick. Il y a un territoire du
Nouveau-Brunswick où le gouvernement, à un moment donné, a
décidé qu'il n'y avait pas de raison pour laquelle les gens
devraient payer plus cher que dans le sud. On a imposé, par la loi, une
certaine répartition artificielle des coûts et on a fait une
subvention d'un groupe à un autre.
Je pense que la question qui doit se poser à ce moment, c'est:
Est-ce qu'il est désirable de subventionner les jeunes? Est-ce qu'il est
désirable de prendre l'argent des personnes qui ont, mettons,
au-delà de 25 ans, qui ont un bon dossier d'accidents, est-ce qu'il est
désirable d'exiger de ces personnes un plus grand déboursé
afin de subventionner les jeunes? Nous, à ce moment-ci, nous disons que,
si le gouvernement décidait que ce serait désirable, il n'y a pas
de problème. On peut le faire, mais on prétend que cela ne l'est
pas. On avance, à cet égard, certaines raisons. A notre avis,
"l'assurance est moins essentielle" pour les jeunes que pour les autres
catégories.
On pense, en particulier, aux étudiants. Vous allez admettre avec
moi que, parmi les étudiants, ceux qui ont la chance de profiter d'une
automobile, ce sont probablement ceux qui sont les plus favorisés. Vous
allez admettre aussi que le pourcentage de personnes qui possèdent une
automobile est moins élevé parmi les moins de 21 ans que parmi
les 30 ans et plus. Vous êtes d'accord que le
pourcentage de personnes possédant une automobile est moins
élevé dans ce groupe. Si on va à la limite, si on prend le
jeune de 16 ans ou 17 ans, il y a un pourcentage très faible de
personnes qui possèdent une automobile dans ces groupes. Le pourcentage
doit aller probablement en augmentant. A partir du moment où le
pourcentage est plus faible, on peut conclure que ceux qui en ont une
relativement, on parle toujours de moyenne; il est certain qu'il y a des cas
particuliers sont plus favorisés que dans les groupes plus
âgés où l'automobile est presque une
nécessité. Donc, il faut l'assurance automobile.
A partir de là, il nous semble que, socialement, ce serait
néfaste d'obliger les gens de plus de 30 ans à subventionner
l'individu pour qui l'automobile est moins essentielle, si on peut dire, ou
moins nécessaire que pour le père de famille qui doit s'en servir
pour aller à son travail.
M. Saint-Germain (Guy): D'ailleurs, nous avons fait faire un
sondage sur cette question et, quand on pose la question... Le dilemme, cela
fait longtemps qu'il dure et il est profond. Quand on pose la question aux
gens: Trouvez-vous que les jeunes paient trop cher? 95%, dans le sondage,
répondent oui. On leur pose la deuxième question: Est-ce que vous
êtes prêts à verser un montant d'argent pour un subside?
95%, non. Il faut comprendre que, pour un père de famille, une famille
moyenne qui a un revenu moyen, la dépense d'un véhicule
automobile est quelque chose de considérable et, bien souvent, il n'a
même pas les moyens d'avoir le genre de véhicule qu'un jeune a. Je
ne parle pas de tous les jeunes, c'est évident, mais il est quand
même étrange, comme praticien de la chose, que, quand on voit
quelqu'un venir s'assurer pour une peinture, par exemple, qui coûte
$1500, $1700, seulement pour la peinture sur un véhicule automobile,
c'est quand même drôle que cela provient rarement d'un couple moyen
de Québécois qui tâche de tirer son affaire, son
épingle du jeu et d'avoir un standard moyen de vie.
Nous autres, nous nous posons des questions et, à moins qu'il y
ait une intervention extérieure, nous forçant à verser des
subsides, il est évident qu'on ne peut rien faire. Si vous parlez de
subsides, le prix d'un produit devrait indiquer qu'il y a un problème.
On ne devrait jamais cacher cela et si, comme législateur, vous pensez
qu'il y a un problème avec les jeunes, au lieu de verser des subsides,
tâchez de trouver une façon de les édu-quer parce que
là, on réglerait le problème d'une façon plus
fondamentale et à long terme.
M. Allard: M. le Président, je pense qu'il est
peut-être important, pour compléter la réponse à M.
Roy, parce que vous avez fait allusion au jeune qui a eu trois accidents et les
compagnies continuent de l'assurer et cela coûte cher et c'est
subventionné par les autres jeunes. Qu'il s'agisse d'un jeune ou d'un
moins jeune qui a eu trois accidents, l'industrie de l'assurance n'a pas le
choix de l'assurer ou de ne pas l'assurer parce qu'on s'est entendu, à
la demande du gouvernement, il y a plusieurs années, sur le fait qu'on
donnerait de l'assurance à tous ceux qui ont un permis.
Alors, ce n'est pas à nous de décider si le permis doit
être retiré ou doit être laissé. Si vous voulez dire:
II y a des jeunes qui ont trop souvent des accidents, ils ne devraient pas
avoir de permis, il faudrait qu'on le leur enlève, ce n'est pas nous qui
allons prendre cette décision. Du moment où ils ont un permis on
leur fournit de l'assurance, on s'y est engagé. Maintenant, pour le
coût, c'est une autre affaire. Quand vous parlez de ceux qui paient $2000
de prime, il y en a peut-être là-dedans qui ont eu des accidents
plus souvent qu'à leur tour; peut-être, je ne dis pas qu'il n'y en
a pas d'autres qui en ont moins eu ou même qui n'en ont pas eu qui paient
des primes élevées, mais quand on est rendu à des primes
de $2000, il est possible que ce soient des primes qui s'appliquent à
des jeunes qui ont été souvent impliqués dans des
accidents.
M. Saint-Germain (Guy): D'ailleurs, comme législateurs
vous êtes d'avis qu'ils paient trop cher d'assurance; vous avez quand
même une panoplie de moyens à votre disposition pour les aider.
Avez-vous déjà pensé que vous pourriez peut-être
leur donner une réduction sur le prix de l'essence, par exemple? Enlevez
la taxe sur le prix de l'essence, pour les jeunes, de façon à
compenser pour le prix de l'assurance, mais ne nuisez pas au mécanisme
du prix qui indique qu'il y a quelque chose là, qu'il y a un
problème fondamental avec la conduite d'un jeune au volant d'une
automobile.
M. Roy: Je vous remercie de toutes ces précisions. Je ne
pense pas que ma question vous ait causé des surprises, parce que c'est
un problème que nous voyons et que nous vivons dans tout le
Québec. Comme je le disais vis-à-vis de mes collègues, je
ne pense pas qu'il y ait un seul membre de l'Assemblée nationale qui
n'ait pas eu ces problèmes dans son bureau à un moment
donné.
Il est évident que quelqu'un qui fait un accident deux ou trois
fois, durant une année, paie pour ses bêtises, surtout lorsqu'il
est déclaré responsable de ces accidents. D'un autre
côté, j'apprécie grandement les explications que vous nous
avez données de ce côté concernant, par exemple,
l'obligation que vous vous faites, étant donné que les compagnies
d'assurances se sont engagées à fournir de l'assurance à
toutes les personnes qui en font la demande. Il est entendu qu'il y a d'autres
points bien importants, comme la surveillance des routes, la vigilance de la
Sûreté du Québec, l'application des règlements de
sécurité routière, etc., qui entrent en ligne de compte.
Je suis bien d'accord que ce n'est pas le rôle des compagnies
d'assurances comme telles, que nous aurions peut-être un travail
d'éducation à faire de ce côté.
Pour ce qui a trait à la formule V2C, on sait très bien
que les personnes qui se font arrêter, sont victimes d'un léger
accident, qui n'ont pas d'assurance...
Mme Payette: Qui avaient un permis, mais qui n'avaient pas
d'assurance.
M. Roy: ... qui avaient un permis de conduire, mais qui n'avaient
pas d'assurance et qui ont été impliquées dans des
accidents mineurs, voire même ont commis une infraction au Code de la
route soit un feu rouge ou autrementreçoivent un avis de
suspension du permis de conduire ou, lorsqu'il y a une réclamation
pardon, je ne voudrais pas mêler les deux choses même
si elle est minime, celle-ci est envoyée au bureau d'indemnisation des
véhicules automobiles. Tant et aussi longtemps que la réclamation
n'est pas payée au fonds d'indemnisation des véhicules
automobiles, on doit fournir une formule V2C au bureau des véhicules
automobiles pour être en mesure de renouveller ou de garder son permis de
conduire.
Est-ce que cette formule V2C, concernant le coût de cette formule,
puisqu'on prend la prime d'assurance automobile, je pense, mon collègue
de Montmagny-L'Islet n'est pas ici... On prend la prime d'assurance automobile,
on l'augmente de $50 et on multiplie par deux, je pense que c'est la formule
qui a été retenue un peu partout, d'après les informations
dont je dispose. J'aimerais savoir quelles sont les recommandations que votre
bureau peut faire à ce niveau parce que cela implique des coûts
assez astronomiques pour plusieurs personnes.
M. Moreau: Le Bureau d'assurance du Canada ne se permet pas de
faire des recommandations dans ce sens au niveau des primes. Les risques
auxquels vous faites allusion et qui doivent compléter une formule V2C,
dans les cas où il y a eu usage d'alcool, par exemple, sont en
général assurés par l'organisme qu'on appelle le
"Facility" qui est un organisme de réassurance interne à
l'intérieur de l'industrie des assurances. C'est cet organisme qui, se
basant sur les statistiques du livre vert et sur ses propres statistiques,
détermine les pourcentages qui doivent être ajoutés
à la prime de base dans ces cas, de façon que cette classe de
gens porte elle-même son risque. Peut-être que M. Brouillette
pourrait ajouter quelque chose à cela.
M. Brouillette: Je pourrais peut-être répéter
ce que vous venez de dire, en terminant. Si on exige une surprime ce que
vous avez mentionné, 50 plus deux fois, me semble exagéré;
il faudrait vérifier, mais il est probable qu'on exige une surprime
ce n'est pas, en aucune façon, pour pénaliser l'individu
ou pour lui faire payer les frais de sa formule ou quoi que ce soit. On
considère et c'est ce que les statistiques démontrent dans
ces cas qu'ils représentent un risque plus élevé
que les autres. C'est la raison pour laquelle on exigerait une prime plus
élevée.
M. Roy: En somme, vous exigez une prime plus élevée
à ce niveau, peu importent la façon dont la prime est
calculée et les méthodes utilisées, parce que cela
représente un risque plus élevé et non pas parce que cela
devient une exigence des lois...
M. Brouillette: Non, absolument pas.
M. Roy:... concernant, par exemple, l'administration ou la
gestion du fonds d'indemnisation.
M. Brouillette: Non.
M. Roy: C'est une question qui m'a été posée
souvent et c'était assez difficile d'y répondre. Je vous remercie
de m'avoir fourni cette réponse.
J'aimerais aborder deux autres questions pour changer de sujet. Sur le
remboursement, vous avez répondu, tout à l'heure, à une
question qui a été posée par le député de
Nicolet-Yamaska à l'effet que les compagnies d'assurance doivent
effectivement payer la taxe de 2%, mais vous devez également rembourser
l'assurance-maladie et l'assurance-hospitalisation. J'ai cru comprendre que
vous aviez parlé également de la Commission des accidents du
travail. Est-ce que la Commission des accidents du travail fait des
réclamations aux compagnies d'assurance automobile? J'imagine que cela
doit concerner les accidents qui surviennent entre le lieu de travail et le
bureau de l'entreprise, lorsque les travailleurs doivent
déménager sur des chantiers de construction, entre autres. C'est
peut-être le domaine le plus clair.
M. Moreau: C'est tout accident subi par un ouvrier qui est sujet
à la Loi des accidents du travail et qui survient au moment où il
exécute son travail. A ce moment-là, il a droit aux
indemnités prévues par la Loi des accidents du travail du
Québec, mais en retour la loi permet à la commission d'être
subrogée dans les droits de la victime et d'être indemnisée
par la tierce partie responsable. La commission a un droit de recours contre
l'automobiliste qui a blessé l'ouvrier et, par le fait même,
contre l'assureur de cet automobiliste. C'est ce qu'on entend par le
remboursement des assureurs à la commission.
M. Roy: Mais prenons le cas d'une personne qui est victime d'un
accident en se rendant à son travail. Elle est victime de blessures
corporelles et la Commission des accidents du travail lui paie des
indemnités alors qu'elle a été victime d'un accident
d'automobile, même d'un accident d'automobile dont elle est responsable.
Lorsqu'elle est assurée pour sa vie, pour ses blessures corporelles dans
son automobile, est-ce que cela veut dire qu'également les assureurs
doivent rembourser la Commission des accidents du travail dans des cas
semblables?
M. Moreau: L'assureur doit rembourser la commission de tous les
déboursés qu'elle fait en fonction de la Loi des accidents du
travail, qui, elle, ne tient pas compte des responsabilités; du fait
qu'un ouvrier est blessé au cours de son travail, il a droit aux
indemnités de la Loi des accidents du travail. Alors, dès que la
commission a fait un déboursé dans ce sens-là, si,
à ce moment-là, on peut établir la responsabilité
d'un automobiliste immédiatement, il y a un recours contre cet
automobiliste et, par le fait même, contre son assureur.
M. Roy: Dans le cas du fonds d'indemnisation, est-ce que vous
avez des chiffres, est-ce que vous pouvez informer la commission du pourcentage
des primes d'assurances, du volume des assurances qui doit être transmis,
qui doit être remis au fonds d'indemnisation, parce qu'en somme le fonds
d'indemnisation est alimenté par les compagnies d'assurances? Qu'est-ce
que cela représente dans le volume des primes?
M. Moreau: Je pense que M. Brouillette peut nous donner cela.
M. Brouillette: Environ 4%, je crois, de la prime de
responsabilité civile; si cette prime représente 65% de la prime
totale, cela veut dire 2 1/2% à 3% de la prime totale.
M. Roy: Avec l'assurance obligatoire, ce pourcentage pourrait
varier de combien? Est-ce que vous avez des études de ce
côté?
M. Brouillette: Pour ce faire, il faudrait faire la distinction
entre quelle partie va au niveau des dommages matériels et quelle partie
va au niveau des dommages corporels. Il y a certainement des travaux qui ont
été faits dans ce sens, mais on n'a pas, je pense, les chiffres
disponibles ici; c'est probable que tout dépend de ce qu'on suppose en
termes de pourcentage de non-assurés. Comme on l'a mentionné
tantôt, même avec l'assurance obligatoire, il est certain qu'il va
y avoir quand même un certain nombre d'individus qui vont rouler sans
assurance; l'expérience de toutes les autres juridictions où il y
a eu l'assurance obligatoire le démontre; je ne pense pas qu'on va faire
des...
M. Roy: Vous ne prévoyez pas de ce côté une
grosse diminution en ce qui a trait aux déboursés que vous avez
à faire?
M. Brouillette: ... Selon la façon dont l'assurance
obligatoire va être appliquée et selon aussi l'acceptation ou le
rejet des propositions qu'on a faites dans notre mémoire à
l'égard du droit de recours des non-assurés et de la subrogation
entre assureurs, cela peut certainement avoir une influence. Il faut mentionner
encore là que c'est un élément qui va devoir être
payé; on n'a eu aucune information, je pense, quant à la
façon précise dont cela devrait être payé par les
automobilistes. Il semble que ce ne fera plus partie de la prime d'assurance;
dans nos comparaisons, lorsqu'on compare les coûts du régime
actuel et les coûts du régime proposé, c'est un
élément dont on ne tient pas compte, on n'a mis aucun montant
pour couvrir les déboursés du fonds d'indemnisation.
M. Roy: Une dernière question, parce que je
m'aperçois que le temps passe et je ne veux pas abuser. A la page 8 de
votre mémoire, vous parlez de la rémunération des
intermédiaires, 11,3% de la prime. Dans le dernier paragraphe, vous
dites: "Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit
administré par l'Etat ou non, la question de la
rémunération des intermédiaires se pose à peu
près dans les mêmes conditions. L'assuré devrait être
libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un courtier." Est-ce que
toutes les compagnies d'assurances offrent actuellement le service de vente au
comptoir ou de vente, je ne sais pas quelle est la formule que vous utilisez,
le langage que vous utilisez? Y a-t-il des compagnies où il n'est pas
possible de transiger autrement qu'avec un courtier?
M. Moreau: Non, en fait c'est l'un ou l'autre, parce que, s'il
fallait procéder des deux façons, cela compliquerait
énormément toute la question du marketing d'une compagnie. C'est
pour cela que vous avez des assureurs qui sont ce qu'on appelle des "direct
writers", qui écrivent directement, ou qui transigent directement avec
le public, soit au comptoir, soit par l'entremise d'agents exclusifs qui ne
travaillent que pour eux.
Vous avez les assureurs qui fonctionnent sous le système le plus
fréquent, c'est-à-dire représentés par les
courtiers d'assurances.
M. Roy: En somme, ce que vous dites c'est que dans les compagnies
d'assurances ils ont choisi une ou l'autre des deux formules. Il n'y a pas de
formule mixte. Mais vous proposez dans votre mémoire que l'assuré
devrait être libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un
courtier.
M. Moreau: II peut comme aujourd'hui choisir un assureur avec qui
il peut transiger au comptoir ou s'adresser à un courtier, qui lui, lui
trouvera un assureur de son choix, un assureur qui lui conviendra le mieux.
C'est ce qu'on veut dire.
M. Roy: Mais il n'y a pas de diminution de prime s'il fait
affaires directement avec la compagnie ou avec le courtier.
M. Moreau: II n'y a pas de diminution de prime apparente. M.
Dorval, peut-être?
M. Dorval: On peut dire que certaines compagnies qui offrent le
service par courtier par rapport à celles qui offrent... Pour revenir
sur la question des primes, du coût apparent ou non apparent, certaines
compagnies ont une politique qui vise à donner une ristourne à
leurs assurés, selon qu'ils ont eu des accidents ou non, selon qu'ils
ont été trouvés coupables d'accidents ou non. Cela se fait
dans le système direct. On peut considérer cela comme
étant des épargnes. Par exemple, on peut dire qu'il existe un
groupe où les assurés de ce groupe peuvent faire affaires soit
avec des compagnies à courtiers ou avec des compagnies qui vendent leur
assurance directement au comptoir ou par agent.
M. Roy: Remarquez bien que si je pose cette question ce n'est pas
que je vise l'élimination des courtiers. En ce qui me concerne
personnellement, j'aime bien mieux faire affaires avec un courtier qu'avec
quelqu'un qui n'a à peu près de comptes à rendre à
personne.
M. Allard: II faut dire que le monopole qui est proposé
pour les dommages corporels élimine le courtier. Nous, on dit:
Peut-être faudrait-il laisser au public le choix de transiger par un
courtier ou de ne pas transiger par un courtier. Actuellement il y a les deux
systèmes qu'on a énumérés tantôt. Il faut
dire que c'est l'exception, la ou les compagnies qui transigent directement, et
que la grande majorité des assureurs transigent leurs affaires par
l'intermédiaire des courtiers.
M. Roy: II n'a pas été prouvé que cela a
été avantageux pour les compagnies et pour les assurés de
faire affaires directement avec des compagnies? C'est préférable
de transiger avec un courtier?
M. Tremblay (Marcellin): Le fait est, M. le Président, que
c'est 85% des affaires d'assurance automobile qui sont transigés par les
courtiers et peut-être que mon chiffre a changé. C'est
peut-être un peu plus à l'heure actuelle.
M. Roy: C'est peut-être bon que le gouvernement prenne
bonne note de cela en une période durant laquelle on parle et on cherche
des formules. On fait passablement d'études à l'heure actuelle
pour humaniser l'administration publique, au moins, ne faisons pas d'effort
pour déshumaniser ce qui est humain.
Je remercie les membres du BAC, même si j'ai eu des questions
peut-être un peu de reproches à leur faire sur certains domaines.
Je peux vous dire que mes intentions sont bonnes. On cherche tous à
trouver des formules pour tâcher d'améliorer le système
d'assurance de façon que la population du Québec et que tout le
monde s'en trouve plus heureux. Merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, j'avais quelques questions
à poser aux invités, mais compte tenu de l'heure, si on me dit
que, de l'autre côté, il n'y aurait pas d'autres questions je...
il y a des questions de l'autre côté. Puis-je vous demander, M. le
Président, ce qu'on compte faire? Il est 17 h 55. Va-t-on ajourner ou si
on va continuer?
Le Président (M. Boucher): Compte tenu du
règlement, nous devons ajourner à 18 heures. Est-ce que les
membres de la commission sont prêts à aller plus loin pour
permettre aux invités de ne pas être obligés de revenir
demain?
M. Roy: Aucune objection. On peut dépasser 18 heures, 18 h
15 même, ou 18 h 30 pour permettre aux autres membres de la
commission...
M. Saint-Germain (Noël): Pas d'objection, M. le
Président, si nos invités ont du temps à disposer.
M. Moreau: Aucune objection.
Le Président (M. Boucher): Du consentement des membres,
nous continuerons aussi longtemps qu'il sera nécessaire.
M. Bisaillon: Est-ce qu'on fixe un maximum, M. le
Président? Cela va m'indiquer quand même...
Le Président (M. Boucher): On a parlé de 18 h
30.
M. Bisaillon: Cela va m'indiquer quand même...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, est-ce que vous maintenez 18 h 30?
M. Bisaillon: M. le Président, je vais commencer...
M. Moreau: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Excusez-moi. J'avais omis de
demander aux invités s'ils étaient consentants. Est-ce que cela
vous irait de continuer jusqu'à 18 h 30?
M. Moreau: Assurément. Dans l'entreprise privée, on
ne compte pas son temps. On ne part pas au son de la cloche.
Le Président (M. Boucher): Je vous remercie.
M. Bisaillon: M. le Président, je vais commencer, moi
aussi, par un court préambule. Je dois avouer que depuis les
débuts de cette commission permanente nous sommes, de ce
côté, un peu désorientés. Les objectifs que nous
poursuivons, au niveau d'une commission parlementaire, sont, bien sûr, de
recevoir les groupes qui désirent s'exprimer sur un projet de loi.
Notre travail, au niveau des députés ministériels,
est souvent plus difficile que celui du côté de l'Opposition,
puisqu'on doit tenir compte d'un projet qu'on a quand même
participé à élaborer; on doit en même temps essayer
de voir dans chacun des arguments qui nous sont apportés ce qu'il nous
serait utile de conserver, ou peut-être aussi, à certains moments,
les arguments qui pourraient nous faire changer d'idée.
Cela rend notre travail difficile. A certains moments, cela rend
même notre crédibilité un peu difficile à assurer
auprès de nos invités. Par ailleurs, comme je vous l'ai dit,
c'est parfois assez déconcertant. Si je prenais les groupes qui se sont
présentés devant nous depuis le début, à plusieurs
reprises, ils sont venus nous dire qu'ils n'étaient pas tellement
d'accord avec le projet de loi, pour, finalement, nous demander de leur
donner...
Par exemple, si je prends les réparateurs d'automobiles, ils
disaient: C'est tout à fait aberrant que vous donniez aux compagnies
d'assurances le pouvoir de déterminer les montants de réparations
puisqu'elles seront en même temps juge et partie. Nous ne sommes pas
d'accord que vous donniez cela aux assureurs, mais laissez-nous cela. Nous
allons nous occuper de déterminer les prix. C'est ce à
quoi nous avons aussi assisté, à cette commission
parlementaire.
Or, ce dont je voudrais bien que nos invités soient conscients,
c'est que faire le partage de l'intérêt direct et de
l'intérêt collectif est parfois assez difficile, et je pense qu'on
a pu appliquer cela à une bonne partie des groupes qui se sont
présentés devant la commission. Au départ, je voudrais
essayer de revenir sur un certain nombre des points qui ont été
amenés devant la commission depuis ce matin et poser certaines questions
pour amener, au moins, je pense, des clarifications qui sont utiles. Je
poserais ma première question à M. Saint-Germain.
M. Saint-Germain, en réponse à une question du
député de Nicolet-Yamaska, à un moment donné, a
cité en exemple le cas d'une indemnisation qui serait payée par
la régie des assurances et où la régie aurait des
démarches à faire pour retracer la victime à
Parisvous avez même mentionné Paris, si je me souviens bien
et vous avez profité de cet exemple pour nous expliquer que les
coûts d'administration, évidemment, seraient fabuleux. Lorsque
vous avez fait cette intervention, avez-vous tenu compte de l'article 12 du
projet de loi?
M. Saint-Germain (Guy): II y a l'article 12, effectivement, qui
permet à la régie, dans ces cas, d'en venir à une entente.
C'est à relier aux commentaires que j'avais eus auparavant; on voit
difficilement pourquoi vous ne donneriez pas à tous les citoyens du
Québec la liberté de choisir entre une rente et un montant en
capital.
M. Bisaillon: Sauf que vous avez fait le parallèle avec la
Commission des accidents du travail. A la Commission des accidents du travail,
il est effectivement possible que la commission accorde un montant global, mais
à sa convenance, c'est-à-dire selon la décision propre de
la Commission des accidents du travail.
M. Saint-Germain (Guy): Je n'ai pas fait de parallèle avec
la Commission des accidents du travail. Je pense que le député
qui m'interrogeait, à ce moment, lui, en faisait une.
M. Bisaillon: Vous admettez quand même que dans le projet
de loi actuel, il est prévu que pour une certaine catégorie, il
est possible que le montant, l'indemnité soit payée...
M. Saint-Germain (Guy): L'article 12 est très clair
à ce sujet. On dit que c'est une raison de plus pour laquelle cela nous
apparaît discriminatoire. On ne voit pas pourquoi tous les
Québécois n'en profiteraient pas et qu'on donnerait le droit
à la régie de décider qui va en avoir et qui n'en aura
pas.
M. Bisaillon: Comme il y a déjà des
précédents du même type, est-ce que vous ne pensez pas que
cela peut se présenter comme normal ou acceptable?
M. Saint-Germain (Guy): Ma réponse à cela serait
qu'à mon sens cela procède d'une attitude paternaliste de la part
de l'Etat qui veut administrer pour les autres leur montant en capital. J'ai
peut-être tort. Une bonne façon de le vérifier serait pour
vous autres de le demander aux gens en le rendant possible. Vous verriez,
automatiquement, selon le nombre qui choisit la rente plutôt que le
capital, si vous avez raison ou tort. Je dois constater, moi, qu'il y a une
contrainte qui m'apparaît contre-indiquée.
M. Bisaillon: Deuxième question. A un moment donné,
M. le Président, il a été question et là on
entrait dans des cas particuliers, ce qui est toujours un peu difficile quand
on examine une loi et qu'on veut l'apercevoir d'une façon
générale de suicide et on s'est servi peut-être de
cela de façon un peu démagogique. Je voudrais demander aux
représentants qui sont devant nous actuellement si on exclut...
M. Saint-Germain (Noël): M. le Président, je ne crois
pas que le mot "suicide" soit démagogique. C'est une question de
fait.
M. Bisaillon: Non, l'utilisation qu'on a faite...
M. Saint-Germain (Noël): Je n'ai fait aucune
utilisation.
M. Bisaillon: Je ne parle pas du député de
Jacques-Cartier, je parle de la réponse. Si M. le député
de Jacques-Cartier voulait me laisser continuer, M. le Président,
peut-être qu'il pourrait comprendre avec un peu de temps...
M. Saint-Germain (Noël): Si je ne suis pas visé, je
vais me retirer. Je croyais que vous aviez insinué que ma question avait
été démagogique.
M. Saint-Germain (Guy): La question pourrait ne pas être
démagogique, mais la réponse le serait. Est-ce que c'est cela que
vous voulez dire?
M. Bisaillon: M. le Président, si on peut me laisser
terminer ma question, je pense que je suis ici pour poser des questions et on y
répondra. Si on n'est pas d'accord avec la question que je pose, on
donnera toutes les interprétations qu'on voudra lui donner. Il me semble
que le minimum serait de me laisser poser ma question. Je suis ici pour cela,
poser des questions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez la parole.
M. Bisaillon: On a, à un moment donné, parlé
de suicide. Je veux faire le tour de la situation actuelle. Je suis un
automobiliste et j'utilise ma voiture pour me suicider. Je me frappe sur un
arbre ou je rentre dans le champ ou dans la rivière. Il n'y a personne
qui peut, au niveau d'un accident d'automobile, déterminer si c'est, oui
ou non, un suicide. Est-ce exact?
M. Saint-Germain (Guy): C'est exact.
M. Bisaillon: En quoi la situation est-elle changée?
M. Saint-Germain (Guy): C'est parce qu'actuellement il n'y a pas
de paiement. A ce moment, le suicide n'entraîne pas de sinistre,
n'entraîne pas d'indemnité. Tandis que dans le système que
vous proposez, la porte est toute grande ouverte au paiement de
l'indemnité. Le conducteur ou n'importe qui n'a qu'à
décéder par suicide dans un accident d'automobile et vous paierez
jusqu'à $100 000, $150 000.
M. Bisaillon: C'est cela ma question.
M. Saint-Germain (Guy): C'est dans ce sens.
M. Bisaillon: Quand vous dites qu'actuellement cela
n'entraîne pas de paiement...
M. Saint-Germain (Guy): II n'y a personne qui paie pour cela
à moins que le suicidé soit de connivence avec un auteur
responsable, mais c'est assez rare.
M. Bisaillon: Vous voulez dire que, par exemple, je conduis mon
automobile, j'ai un accident, cela pourrait être un accident, ce n'est
pas nécessairement un suicide, je décède, personne ne peut
recevoir d'argent.
M. Saint-Germain (Guy): Si vous frappez, disons...
M. Bisaillon: Les compagnies d'assurance ne paient pas
actuellement?
M. Saint-Germain (Guy): Non, à moins que...
M. Bisaillon: Si je suis assuré, par exemple, pour mes
propres dommages...
M. Saint-Germain (Guy): Si vous frappez un arbre ou si vous
frappez un mur de ciment, il n'y a personne qui paie, parce qu'il n'y a pas de
responsabilité.
M. Bisaillon: II n'y a aucune réclamation. Mais si je suis
assuré pour mes propres dommages?
M. Saint-Germain (Guy): On va payer les dommages
matériels. D'ailleurs, dans le système proposé on va
continuer à payer les dommages matériels en cas de suicide, mais
en plus vous paierez une large indemnité en matière de blessures
corporelles. C'est ce qu'on veut dire.
M. Bisaillon: Alors, actuellement on paye la voiture, mais on ne
paye pas l'être humain.
M. Saint-Germain (Guy): On paye la voiture à condition
qu'il ait la couverture pour collision; seulement 50% des
Québécois l'ont. Je ne sais pas si 50% des suicidés
l'ont.
M. Bisaillon: Un troisième exemple; on a parlé
je pense que c'était encore à la suite d'une question du
député de Nicolet-Yamaska des interventions d'un certain
nombre de membres du Parti québécois qui avaient traité
les compagnies de voleurs. Je voudrais revenir sur cela; je pense que ce qui a
été dit, à un certain moment, face à l'ensemble du
problème de l'assurance automobile, c'est que, dans ce domaine de
l'assurance automobile, il y avait eu des abus, des abus qui n'étaient
pas nécessairement identifiables à une seule catégorie de
personnes oeuvrant dans le domaine de l'assurance automobile, mais à une
série de facteurs; exemple, le trop grand nombre d'accidents,
l'expérience de conducteur, la présence de tiers, aussi des
profits excessifs à certains moments. Ma question porte plutôt sur
les profits excessifs. Récemment la régie anti-inflation a
déterminé, a dénombré six compagnies d'assurances
qui avaient fait des profits excessifs. Or, ces six compagnies d'assurances
sont toutes des compagnies oeuvrant au Québec. Je voudrais savoir quelle
est votre attitude face à ce phénomène, comment vous
l'expliquez. Est-ce que cela s'explique, d'abord, et d'où vient cette
chose? Deuxièmement, quelle est votre attitude devant cela?
M. Saint-Germain (Guy): Vous venez de nous procurer l'occasion
d'éclairer, par vous, la population sur ce sujet. D'abord, quand on
utilise les mots "profits excessifs", c'est un abus de termes, parce qu'il faut
parler de revenus en excédent des indicateurs. De la même
façon, j'imagine que, lorsqu'il s'agit de consentir des augmentations de
salaires, on ne parle que très rarement d'augmentations excessives. Il
faut parler d'augmentations en excédent des indicateurs
également. Si les compagnies se sont trouvées prises avec des
revenus en excédent des indicateurs, c'est tout simplement parce qu'il y
a eu une chute de fréquence qui a été très
appréciable et que la base retenue par l'autorité
compétente, le gouvernement fédéral, pour calculer les
indicateurs est totalement inadéquate dans le cas des assureurs
généraux. D'ailleurs, depuis que ces indicateurs ont
été implantés, les assureurs ont fait des
représentations, presque chaque mois, pour tenter d'arriver à une
base plus satisfaisante, mais il y a évidemment des problèmes
politiques à reconnaître que les indicateurs, dans le cas des
assureurs généraux, ne devraient pas s'appliquer. A l'heure
présente, nous ne sommes pas certains que les indicateurs ne seront pas
changés dans le cas des assureurs.
Pour compléter la question, puisque vous m'en fournissez
l'occasion, comme président d'une entreprise, je peux vous
répondre par une autre question. Comme assureurs, on n'a pas eu de
recettes excédentaires encore, mais on va en avoir, c'est une question
de temps. On se trouve dans la situation où on ne peut pas payer
à nos employés le même niveau de rémunération
qu'on consent dans la fonction publique au Québec, à cause des
indicateurs et, pourtant, nous devrons déclarer des recettes
excédentaires.
Imaginez que, dans le cas de nos employés et cela
s'applique à tous les employés du
secteur des assureurs générauxc'est assez difficile
pour eux de comprendre qu'ils doivent se limiter la première
année, puisqu'on recule deux ans et demi en arrière, à 12%
alors que la fonction publique se tapait 26,6% la deuxième année,
etc. Si vous pouvez répondre à cela, plusieurs sont
présents ici et c'est certain qu'ils apprécieraient votre
réponse. C'est tout simplement pour dire que l'inflation est un
problème, il affecte les assureurs généraux et, au niveau
des profits et au niveau des capacités de payer des salaires et ce n'est
pas facile de vivre dans ces conditions. Est-ce que cela répond à
votre question?
M. Bisaillon: Cela répond à ma question. Quant
à moi, je ne suis pas prêt à donner une réponse
à la question qui m'est posée, mais je suis prêt à
prendre un engagement si on m'assure aujourd'hui qu'effectivement
l'excédant sera payé en salaire à tous les
employés. Je serais bien prêt à faire des pressions avec
vous sur Ottawa pour qu'on change les indicateurs.
M. Saint-Germain (Guy): Cela nous fera plaisir.
M. Bisaillon: II faudrait avoir cette assurance-là.
M. Saint-Germain (Guy): Je vous invite à venir
répéter cela au Groupe commerce. Je suis certain que mes
collègues feront la même chose.
M. Bisaillon: Est-ce que les six compagnies dont il était
question étaient dans le domaine de l'assurance automobile ou si
c'était de l'assurance générale?
M. Saint-Germain (Guy): C'était dans le domaine de
l'assurance générale. Maintenant, si vous voulez, l'indicateur
permis par la Commission fédérale de l'inflation autorise, pour
les assureurs qui ne le faisaient pas, un rendement de 3% sur le capital
investi. A 3% sur le capital investi, si on tient compte de la
réalité dans laquelle un assureur doit fonctionner, cela
équivaut à un rendement de 8% qui est permis dans les autres
genres d'entreprises.
Mais à 3% dans le cas des assureurs, cela signifie qu'un assureur
est obligé de faire une perte technique, c'est-à-dire de
débourser plus de sinistres qu'il ne reçoit de primes, parce que
son revenu de placement, dans les conditions actuelles, avec les taux
d'intérêt qu'on connaît vous les connaissez
très bien aussi nous font réaliser un revenu de placement
de l'ordre de 4% sur le capital investi; alors, les assureurs sont
forcés à faire une perte technique de 1%, au minimum, de
façon à ne pas dégager de recette excédentaire.
S'il fallait que cela continue indéfiniment, il y aurait encore un
problème de marché comme il y a eu; il y a eu une rareté
d'assurance tout simplement parce que les capitaux ne venaient pas du
côté de l'assurance générale. Vous savez que pour
chaque dollar de prime qu'on écrit, cela nous prend au moins $0.30 de
capital, en vertu de la loi actuelle.
M. Bisaillon: Ma dernière...
M. Roy: Vous dites qu'en vertu de la loi actuelle, pour chaque
dollar souscrit... Souscrit, si j'ai bien compris?
M. Saint-Germain (Guy): Oui, pour chaque dollar de prime
souscrit, un assureur doit disposer d'un capital de $0.30.
M. Roy: Et cela a pour conséquence de hausser les primes
si la structure financière de la compagnie... Ou cela limite le nombre
de risques?
M. Saint-Germain (Guy): Non, la hausse...
M. Roy: Quelles sont les conséquences d'une compagnie qui,
à un moment donné, en vertu du nombre de propositions qui lui
sont faites, ne pourrait pas satisfaire les exigences des $0.30?
M. Saint-Germain (Guy): Elle peut avoir recours et
plusieurs d'entre nous le font à la réassurance.
M. Allard: Ou elle pourrait limiter la souscription. C'est un peu
ce qui s'est passé, il y a deux ans ou trois ans, quand des gens se
plaignaient qu'ils ne pouvaient pas obtenir d'assurance parce qu'il y avait des
compagnies qui n'étaient pas en mesure de donner les réserves
nécessaires pour assurer l'expansion de leurs affaires. On s'est
trouvé dans cette situation. Ce ne sont pas des suppositions, cela a
été vécu.
M. Roy: Cela a été vécu?
M. Saint-Germain (Guy): A un moment donné, à
travers le monde, le capital requis pour conduire des opérations
d'assurances générales, vous pouvez le quantifier et il se situe
à plusieurs milliards de dollars. Si soudainement, à cause d'un
phénomène d'inflation, toutes les valeurs à assurer font
qu'un avion, au lieu de $50 millions, est à $100 millions, vous avez
vous-même une maison d'habitation pour laquelle, soudainement, au lieu de
$30 000, c'est $60 000. Si les valeurs à assurer augmentent, cela a
été le cas en deux ou trois ans, cela a doublé partout,
les capitaux qui étaient impliqués dans tout le monde entier pour
les assurances générales n'ont pas doublé pour autant.
C'est ce qui a créé la rareté de marché
dont, ici au Québec, on a eu le problème. Cela a
été la même chose aux Etats-Unis, cela a été
la même chose partout.
M. Bisaillon: Ma dernière question, M. le
Président, et cela concerne les discussions qui ont eu lieu à un
moment donné au sujet des courtiers. Quant à moi, vous savez que,
lorsqu'on a reçu les courtiers d'assurances, j'ai reconnu et je
reconnais encore le fait que, peu importe que le projet de loi soit
modifié ou non dans le sens qu'ils deviendront ou pas des distributeurs
pour la partie corporelle, ils auront effectivement un travail d'information
normal, je pense, à donner à leurs
clients, c'est-à-dire leurs clients les rencontreront pour
d'autres problèmes. Je pense effectivement aussi que cela va devoir
amener ce n'est pas un préalable pour moi des
négociations éventuelles avec le gouvernement. Mais je ne vois
pas ce qu'il y a de contradictoire, par ailleurs, à ce qu'on pose la
question à des représentants de compagnies d'assurances pour
savoir si, parallèlement à cela, il n'y a pas aussi des
négociations qui devraient se tenir entre les courtiers et les
compagnies d'assurances. Evidemment, vous pourriez me répondre que cela
peut se faire individuellement d'une compagnie d'assurance à l'autre,
sauf que moi je vais vous dire une chose; c'est que dans d'autres domaines il y
a eu des précédents aussi où, par législation, on a
forcé des employeurs différents à se regrouper autour
d'une même table de négociation, parce que c'était un
problème particulier.
Je donne l'exemple de la construction. Dans le domaine de la
construction, parce que là il y avait un problème
véritable, on a regroupé les employeurs, on a forcé un
regroupement d'employeurs. Est-ce qu'au niveau des compagnies d'assurances une
telle possibilité est à envisager et qu'est-ce que vous trouviez
de contradictoire dans notre attitude au moment où on parlait de
négociation entre des courtiers et des compagnies d'assurances?
M. Tremblay (Marcellin): M. le Président, on ne trouvait
absolument rien de contradictoire. Première chose, le gouvernement n'a
pas négocié avec eux lorsqu'il a dit tout simplement: Je les
élimine. On a dit, deuxième chose, que l'association des
compagnies, le Bureau d'assurance du Canada n'est pas un organisme
mandaté pour négocier des conditions de travail, pas plus pour
les courtiers que pour les employés de la compagnie. C'est cela le jeu
de la libre concurrence, c'est à peu près tout ce qui reste,
qu'on laisse à chaque entreprise. Je peux bien payer une commission un
peu différente de l'autre et avoir des frais d'administration plus bas;
cela devient une question de stratégie. C'est là qu'on n'est pas
un monopole, comme un autre député le disait tantôt, c'est
là qu'on n'a pas un cartel; chaque entreprise a la liberté de
transiger, avec les courtiers qui la représentent, les conditions de
travail.
M. Bisaillon: En pratique, actuellement, est-ce qu'il y a une
très grosse différence entre les ristournes, les commissions
versées par les diverses compagnies d'assurance aux courtiers? Il n'y a
pas quand même un barème d'établi au niveau des
compagnies?
M. Tremblay (Marcellin): Non, j'admets qu'il n'y a pas un gros
niveau de différence, c'est bien évident. Selon le jeu de la
concurrence, si l'un agit de telle manière, on finit par s'y prendre un
peu de la même manière. On a toujours une ressemblance avec
chacun. Mais il reste quand même qu'il existe des différences, il
pourra en exister dans l'avenir; cela reste le problème de la compagnie.
Je répète que cela ne peut pas être un organisme
extérieur, à moins que ce soit imposé par
législation. Cela ne peut pas être un organisme extérieur
qui décide de la manière qu'on va rémunérer tant
notre personnel à commission que notre personnel de salariés.
Cela devient un problème d'employeurs à employés ou
de relations de vendeurs à compagnies.
M. Bisaillon: Pour ce qui est du personnel de salariés, je
suis d'accord avec vous, parce que c'est du personnel qui est circonscrit
à l'intérieur du cadre d'une entreprise.
Mais, quand c'est un courtier qui a à traiter avec un ensemble de
compagnies, parce que c'est cela, finalement, et qu'on reconnaît que,
dans la pratique, le taux de commission qui est payé à des
courtiers ne varie pas beaucoup d'une compagnie à l'autre, que, quand
c'est modifié, soit à la baisse, soit à la hausse, c'est
à peu près modifié à la baisse ou à la
hausse partout, à ce moment, il me semble qu'il commencerait à
être normal de parler de mettre tous les gens à la même
table, puisque déjà cela semble se faire par le jeu de la libre
concurrence, cela pourrait se faire par le jeu de la libre discussion.
Deuxièmement, quand vous dites qu'on met les courtiers de
côté, notre prétention est que même si nous
reconnaissons que, peut-être, éventuellement, il faudra
négocier avec les courtiers les services qu'ils pourront rendre à
l'Etat, même si nous reconnaissons cela, nous ne les mettons pas de
côté. Nous leur enlevons temporairement peut-être une partie
du marché qu'ils ont actuellement, mais nous leur en accordons un autre
par une augmentation de clientèle. Est-ce que l'augmentation de
clientèle sera payante ou pas? Ce sera votre problème. C'est
finalement cela. Nous ne les enlevons pas plus que les compagnies d'assurances
qui ont décidé de procéder au comptoir plutôt que
par des courtiers. Vous reconnaissez que des compagnies d'assurances,
actuellement, procèdent au comptoir, ou par des agents engagés
par la compagnie qui ne traîtent qu'avec cette compagnie. C'est à
peu près le même système, finalement. Nous ne les rayons
pas plus de la carte que les compagnies qui ont procédé de cette
façon ne les ont rayés de la carte.
M. Tremblay (Marcellin): Avec la grosse différence que
vous prenez 100% du paquet.
M. Bisaillon: 100% d'un petit paquet.
M. Tremblay (Marcellin): Oui. Toute la partie des blessures
corporelles, c'est 100% fait par la régie d'Etat. A ce moment, cela
concerne tout le monde. Quand vous dites que c'est un choix, le courtier n'a
pas le choix de représenter ou de ne pas représenter.
Mme Payette: Me permettez-vous de corriger, parce qu'il y a une
erreur flagrante? Nous prenons 100% des blessures corporelles, mais
l'entreprise privée aura droit d'offrir la couverture des blessures
corporelles pour la couverture supplémentaire
qu'environ 15% de la population selon nos
évaluations sentira le besoin de prendre auprès de
l'entreprise privée. Ce n'est pas non plus aussi exclusif que vous
semblez vouloir le laisser entendre.
M. Tremblay (Marcellin): Cela a toujours existé. Nous
avons toujours eu le droit de nous assurer contre les accidents. Cela fait
longtemps. Quand on prend l'avion, on prend une assurance contre les accidents.
Ce n'est pas un droit nouveau que vous donnez aux gens. Cela a toujours
existé. Dorénavant, nous serons obligés d'en prendre,
parce que, le régime d'Etat n'étant pas complet, nous serons
obligés d'en souscrire beaucoup plus qu'autrefois. Cela a toujours
existé. Cela fait longtemps que nous en vendons.
Mme Payette: Dans la réforme que nous proposons, nous
pensons couvrir 85% de la population. Il se peut que 15% de cette population
estiment ne pas être couverts entièrement pour les pertes
économiques.
Ces 15% sont un marché ouvert à l'entreprise privée
et aux courtiers.
M. Tremblay (Marcellin): Oui, ce serait un marché nouveau,
je suis d'accord, mais ce droit n'est pas nouveau, il a toujours
existé.
M. Saint-Germain (Guy): Peut-on entendre vos experts sur les 15%
additionnels? Je peux résumer leur pensée, c'est un cadeau de
Grec, parce qu'il n'y a réellement pas grand-chose de ce
côté.
M. Bisaillon: Qu'est-ce que vous voulez dire quand vous dites
qu'il n'y a pas grand-chose de ce côté?
M. Saint-Germain (Guy): Je peux peut-être demander à
l'un ou l'autre de nos actuaires de vous expliquer notre pensée à
ce sujet.
M. Brouillette: M. le Président, quand M. Saint-Germain
dit des experts, il faut admettre qu'on n'a pas fait d'études
très approfondies sur la question du régime
supplémentaire. A première vue, il nous semble qu'il faut
considérer, d'une part, ce qui va être permis au niveau du
régime supplémentaire. Aurons-nous le droit, par exemple
c'est une question qui m'est venue à l'esprit dès le début
de vendre des protections parce que vous parlez des 15%
aux soi-disant 85%, sous conditions, qu'ils soient responsables ou non, parce
que, si on considère, comme on l'a démontré...
Mme Payette: II s'agit de 15% de la population dont le revenu
pourrait être supérieur à $18 000 et qui estimeraient
vouloir se couvrir pour le supplément. L'exemple que j'ai utilisé
est celui de M. Guy Lafleur, je pense qu'on peut l'utiliser; il n'aurait rien
contre cet exemple et cela me paraît un excellent client pour un
régime supplémentaire.
M. Roy: Dans une police d'assurance-vie ordinaire, dans n'importe
quelle assurance-vie, on l'a déjà.
Mme Payette: II ne s'agit pas d'assurance-vie, il s'agit
d'assurance automobile dans un régime de "no fault".
M. Roy: Oui, mais une personne peut prendre de l'assurance-vie
dans laquelle il y a des clauses de double indemnité et de triple
indemnité en cas d'accident.
M. Saint-Germain (Guy): Si on dit que c'est un cadeau de Grec,
madame, et j'accepte les commentaires de M. Brouillette, c'est qu'on le verra
certainement. Peut-être que vous avez raison, peut-être qu'il y a
là un marché sensationnel, mais notre raisonnement fonctionne
à peu près comme ceci: Les nantis, actuellement, les 15% en
question qui ne sont pas couverts, les plus de $18 000, dans la plupart des
cas, sont déjà des gens qui, sous un certain aspect, sont
privilégiés, et qui ont déjà des protections
d'invalidité à long terme et des protections d'assurance-vie avec
une double indemnité en cas de mort accidentelle, parce qu'il y a
longtemps qu'ils ont découvert qu'ils avaient plus de risques de
décéder dans un accident d'avion, dans un accident de taxi non
couvert, ou autre chose, ou même d'être frappés par un
responsable qui n'avait que $35 de limite.
C'est notre prétention que ces gens ont déjà, pour
la plupart, une couverture. Il en reste un certain nombre qui ne l'ont pas.
Nous croyons savoir, par ailleurs, que les assureurs-vie ont de graves
problèmes avec l'assurance-invalidité à long terme et
misent sur une base individuelle parce qu'on a affaire à un type de
risque très spécifique. La plupart du temps, ce seront de petits
entrepreneurs qui seront leurs propres employeurs.
C'est très difficile à contrôler,
l'invalidité, dans ces cas. Il est probable qu'au moment où on se
parle, nous puissions conclure que la prime qu'on devra exiger de ces gens sera
très élevée, et ce sera une raison additionnelle pour
laquelle ils ne seront pas intéressés.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Sainte-Marie, vous avez terminé? M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, je
voudrais poser deux questions à Mme le ministre. On vient de parler des
courtiers d'assurances. Ils sont protégés car ils ont un
pourcentage de 15% de gens qui vont encore prendre de l'assurance; cela
représente un coût, évidemment. Mais, personnellement, si
vous avez le choix entre un courtier d'assurances ou une assurance vendue au
comptoir, que prendriez-vous?
Mme Payette: M. le Président, j'estime ne pas avoir
à répondre à cette question.
M. Shaw: C'est un principe que tout le monde,
tous les Québécois veulent avoir la possibilité de
faire un choix parce qu'il est évident que 85% des
Québécois, maintenant, font le choix de payer plus, parce que
c'est toujours moins dispendieux d'acheter leurs assurances au comptoir que par
l'entremise d'un courtier d'assurances, mais on commence à
réduire cette possibilité. Deuxièmement, au lendemain
d'une grosse tempête de neige, si vous avez un accident d'automobile, il
vous faudra attendre à la queue de la longue file de personnes qui sont
là en même temps à un centre de réclamations. Avec
le système actuel, maintenant, on donne notre voiture à notre
garagiste préféré, on appelle notre courtier d'assurances,
et c'est réglé par eux. Mon temps et je crois que le temps de
tout le monde ici est valable. Avec le système prévu dans le
projet de loi, on voit la liste d'attente et le temps perdu.
J'ai vécu l'expérience avec la Commission des accidents du
travail, c'est le vol d'un droit des Québécois. Il y en a
d'autres vols. Il y a des vols parce que vous avez la concurrence.
Aussitôt qu'on enlève cette concurrence c'est là que les
prix vont monter. C'est un vrai coût qu'on doit considérer dans ce
projet de loi. Un coût qui est caché maintenant mais, après
un an, ce sera bien évident. L'effet économique sur
l'étatisation de l'assurance, sur les courtiers d'assurance et sur les
compagnies, les experts en sinistres, sur les avocats. Le coût du
transport en commun. Le coût des taxis même.
Il y a le développement de l'industrie de l'assurance automobile
privée, parce que maintenant ils sont menacés. Ils sont
menacés parce que le gouvernement dit: Nous allons commencer avec les
accidents qui impliquent les dommages corporels mais, demain, est-ce que ce
sera un autre morceau? Est-ce que ce sera l'année prochaine, le feu et
le vol? Je crois qu'il est évident que non seulement ceux qui sont ici
présents aujourd'hui, mais tous les Québécois commencent
à être craintifs parce qu'on parle du gros iceberg du socialisme.
La possibilité de recours aux tribunaux pour avoir ce choix, c'est un
choix que tout le monde a cherché toute sa vie, que nous ayons la
justice, que, si on considère que nous n'avons pas la justice, nous
avons les tribunaux pour nous protéger.
Il est évident qu'un fonctionnaire peut prendre une
décision et il va régler le problème, il va donner un
montant d'argent, il va me faire épargner quelque chose parce que les
assureurs ont constaté et tout le monde sait que le coût de
l'assurance automobile au Québec ne diminue pas du tout avec un
système comme le bill 67. Quelques petites questions aux témoins.
Vous avez parlé, aujourd'hui, des chiffres employés par le
gouvernement...
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, M. le
député de Pointe-Claire. Les membres de la commission
étaient d'avis de continuer jusqu'à 6 h 30. Est-ce qu'il y a un
autre délai de la part des membres?
M. Roy: D'accord.
Le Président (M. Boucher): On peut compter combien de
temps?
M. Shaw: J'en ai pour environ trois minutes.
Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, à cause
d'engagements préalables, je serai obligée de quitter dans
environ dix minutes. Si M. le député peut faire le
résumé de ses questions, je m'engage, de mon côté,
à conclure tout simplement, sans poser d'autres questions.
Le Président (M. Boucher): Alors, pour dix minutes.
M. Shaw: J'aimerais bien donner un dernier moment au ministre
pour poser ses questions, mais je voudrais commencer par une question qui, pour
moi, est très importante, parce que tous les Québécois
sont déjà vendus à l'idée que le système
prévu par le gouvernement va diminuer le coût de l'assurance
automobile et que cela va donner un meilleur service aux
Québécois. C'est important, avec les journalistes présents
aujourd'hui, que ces deux faits soient établis par les experts qui ont
vécu dans le système. Croyez-vous, premièrement, aux
chiffres employés par le gouvenement et qui indiquent que ce sera moins
dispendieux et que le service va être meilleur? Etes-vous d'accord avec
cette affirmation?
M. Moreau: Je pense, en toute honnêteté, qu'il faut
admettre que le gouvernement n'a pas promis de réduction. Je dois rendre
hommage au ministre d'avoir eu la franchise de le dire aux
Québécois, mais notre appréciation des hypothèses
de tarification qui ont été faites nous indique à
cause de notre expérience que cela va
dégénérer en des augmentations. Comme je l'ai dit dans mes
remarques, au tout début, nos calculs sont très facilement
vérifiables; cela va dégénérer en des augmentations
qui vont varier d'un endroit à l'autre; à un endroit comme, par
exemple, Hull, cela va être beaucoup plus élevé.
M. Shaw: Deuxièmement avec l'expérience de la
Colombie-Britannique, qui a les mêmes sortes de chiffres et où les
mêmes experts ont dit que le système étatisé serait
moins dispendieux pour les citoyens de la Colombie-Britannique, combien
a-t-elle perdu dans sa période d'étatisation qui dure maintenant,
mais qui est changée? Combien le gouvernement a-t-il perdu dans son
système d'assurance automobile?
M. Moreau: Je pense qu'il s'agit là, sur une
période de trois ans, d'un montant d'environ $200 millions ou un peu
plus. C'est le déficit qui, apparemment, a été
constaté au moment où on a examiné la situation de ce
qu'on appelle l'ICBC.
C'est à ce moment que l'on a été obligé de
prendre des mesures draconiennes, c'est-à-dire réviser
complètement la structure des taux et imposer aux gens de la Colombie,
dans certains cas, des augmentations de 200% et de 300%. C'est le
genre de surprises auxquelles on peut s'attendre dans le cadre du genre
de projet de loi 67 mis de l'avant sans consultation avec ceux qui s'y
connaissent, les assureurs, et de façon trop
précipitée.
M. Shaw: Question de service, est-ce que les citoyens de la
Colombie-Britannique sont satisfaits du service donné par le
gouvernement du temps?
M. Moreau: C'est très relatif, M. le Président. On
pourrait vous produire des sondages qui indiquent qu'on a questionné des
gens dans la rue qui nous disent: C'est épouvantable, le service est
très mauvais. Par contre, il y en a d'autres qui disent le contraire. Il
faut admettre que cela fonctionne. En toute honnêteté, cela
fonctionne. Mais nous ne pensons pas que les gens du Québec seraient
satisfaits d'un système semblable.
M. Shaw: Vous pouvez constater, depuis le changement de
gouvernement, avec une ouverture sur le système privé, quel
pourcentage d'automobiles couvre maintenant le système privé.
Cela indique quelque chose. J'ai entendu dire que c'est plus que 80%. Cela
indique qu'au moins 80% sont insatisfaits du système
d'étatisation de la Colombie-Britannique.
M. Tremblay (Marcellin): Si vous permettez une remarque en
passant à ce sujet, en Colombie-Britannique, vous vous rappelez que,
dès l'implantation du régime, il y a eu une grève assez
embarrassante pour l'ensemble des citoyens. Je veux juste faire une remarque.
J'espère que le front commun de la Fonction publique ne viendra pas
paralyser la régie trop vite, parce que, quand les provinces du Canada
ont une grève de trois mois, elles peuvent s'assurer au Groupe Commerce
et cela ne dérange personne. Mais quand la régie d'Etat est en
grève, là, les automobiles s'attaquent. Ce fut drôle
d'aller en Colombie pendant cette période et de voir le nombre d'autos
qui attendaient pour être réparées. J'espère que
cela n'arrivera pas trop vite ici. Je ne veux pas être prophète de
malheur.
M. Allard: Pour répondre aussi partiellement à
votre question, il a paru dans un journal au mois de juillet des renseignements
à ce sujet qui indiquaient que c'était sur une question
posée à la Chambre des députés, en
Colombie-Britannique, que la Corporation de la Colombie-Britannique, la ICBC,
recevait des députés 300 plaintes, en moyenne, par mois, de la
part de gens mécontents du règlement de leur sinistre. Cela veut
dire 3500 par année. On va dire que ce n'est pas énorme, mais je
pense que cela dénote quand même un degré d'insatisfaction
du régime. Cela peut vous laisser voir aussi ce qui arrivera aux
députés, éventuellement, au Québec, quand on aura
une régie d'Etat et qu'ils devront s'occuper des plaintes qui viendront
de leurs électeurs, parce qu'il va y en avoir.
Il y en a dans le cas de la Commission des accidents du travail; cela
n'arrêtera pas parce qu'on va avoir une Régie de l'assurance
automobile.
Mme Payette: II y en a actuellement au service des assurances du
ministère au sujet des assureurs du Québec.
M. Allard: C'est sûr qu'il y en a, mais je pensais que vous
vouliez corriger la situation.
M. Shaw: Je voudrais remercier les assureurs, les
représentants du BAC pour l'ouvrage qu'ils ont fait. J'espère que
nous avons un gouvernement qui n'est pas sourd.
M. Moreau: Merci.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, je ne
permettrai pas d'autre question et je cède la parole à Mme le
ministre.
Mme Payette: M. le Président, j'ai dit que je ne poserais
pas d'autres questions pour ne pas prolonger ce débat.
Je voudrais remercier les représentants du BAC et les
différents représentants des assureurs qui sont venus
aujourd'hui. Les heures ont été longues; l'échange
d'information, je pense, a été précieux. Il y a un certain
nombre de remarques qui ont été faites et je pense les avoir
mentionnées en cours de route. Nous allons réétudier un
certain nombre de sujets que vous avez invoqués et nous allons
très certainement devoir travailler ensemble. J'espère que votre
offre de collaboration tient toujours en fin de journée; je peux vous
reconfirmer la mienne à nouveau et vous dire que les services du
ministère sont également ouverts aux échanges. Il y aura
très certainement d'autres rencontres qui me paraissent essentielles et
importantes. Je veux tout simplement vous remercier d'avoir accepté de
répondre à toutes ces questions; elles ont été
nombreuses, elles ont été de tous ordres. M. Moreau a
signalé, ce matin, que le domaine de l'assurance automobile est
complexe; je pense qu'on en est tous conscients et que, même autour de
cette table, on doit reconnaître que c'est un domaine extrêmement
technique.
Je remercie les membres de la commission et je vous remercie beaucoup de
votre présence à cette commission.
M. Moreau: M. le Président, Mme le ministre peut compter
sur toute notre collaboration sans restriction. Merci de nous avoir
invités.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Moreau. Au nom de
tous les membres de la commission, je remercie le groupe du Bureau d'assurance
du Canada pour la présentation de son mémoire, ainsi que tous
ceux qui l'accompagnent.
Pour la séance de demain, le secrétariat des commissions
me communique qu'il y a quatre or-
ganismes convoqués, soit le Barreau du Québec;
l'Association du camionnage du Québec Incorporée; l'Association
des marchands de motos du Québec, le Syndicat des fonctionnaires
provinciaux du Québec Inc.
M. Roy: Est-ce qu'on pourrait me dire s'il est exact que la CSN
s'est désistée? Elle était au programme pour
aujourd'hui.
Mme Payette: La CSN ne s'est pas désistée. Elle
nous a fait savoir, cependant, que son mé- moire n'était pas
prêt et elle n'a pas été en mesure de nous confirmer que
son mémoire serait prêt au cours des journées d'audition de
cette commission.
M. Roy: Merci.
Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses
travaux jusqu'à demain, dix heures, à la salle 91-A.
(Fin de la séance à 18 h 39)
ANNEXE
Bureau d'assurance du Canada
Mémoire
présenté par le
Bureau d'assurance du Canada
à la
Commission parlementaire des Consommateurs,
Coopératives et Institutions financières
chargée d'étudier le
Projet de loi no 67 intitulé
Loi sur l'assurance automobile
Septembre 1977
Le Bureau d'assurance du Canada
Le Bureau d'assurance du Canada est la plus importante organisation
d'assureurs I.A.R.D. exerçant au Canada. Comme l'indiquent ses statuts,
le BAC a pour objet: a) Le développement des échanges dans tous
les domaines concernant les assurances I.A.R.D.; b) La collecte et l'analyse de
renseignements, notamment ceux d'ordre actuariel et statistique, ainsi que leur
distribution, avec ou sans frais, tant à ses adhérents
qu'à ses non-adhérents; c) L'étude des lois existantes et
des projets de loi; d) Les interventions nécessaires par les moyens les
mieux appropriés selon les cas; e) La recherche, notamment par des
projets et des campagnes pilotes visant à toujours améliorer la
qualité des services offerts au public; f) Les relations publiques, afin
de faciliter la compréhension de la technique des assurances par le
public; g) Le maintien d'une éthique professionnelle
élevée à tous les niveaux; h) L'assistance requise par les
membres pour procurer aux assurés les services les meilleurs et les plus
économiques; i) Toutes activités nécessaires ou
accessoires à la réalisation de ses objectifs.
Ne sont pas du domaine du Bureau d'assurance du Canada les questions
touchant l'assurance contre la grêle, l'assurance contre les accidents et
la maladie, l'assurance vie ou l'assurance maritime.
Le BAC représente presque 100 groupes de compagnies. En 1976, ces
compagnies ont émis pour plus de trois milliards de dollars de primes,
soit pratiquement 95% de l'ensemble des primes I.A.R.D. émises par tous
les assureurs privés au Canada.
Le BAC est dirigé par un Conseil d'administration, qui en fixe
les grandes orientations, en guide la Direction et met sur pied des
comités chargés de diverses questions d'intérêt pour
les membres.
Au Québec, les activités du BAC relèvent d'un
Comité consultatif présidé par le Directeur pour le
Québec et composé de dirigeants de sociétés
d'assurances ayant un chiffre d'affaires considérable dans cette
province.
Préambule
Le Bureau d'assurance du Canada représente, à quelques
exceptions près, l'ensemble des assureurs transigeant des affaires au
Québec et nous tenons à remercier le Ministre des Consommateurs,
Coopératives et Institutions Financières de nous fournir
l'opportunité de faire part de nos accords et désaccords devant
cette commission parlementaire.
L'assurance automobile est très importante pour nos membres. Le
volume de primes qu'elle représente au Québec est un des
principaux facteurs qui a permis à nos membres, québécois
en particulier, d'accéder à une taille où il devenait
possible d'utiliser toutes les ressources des techniques modernes de
management, et ainsi d'atteindre à des normes élevées
d'efficacité non seulement dans le secteur automobile mais aussi dans le
secteur des assurances biens et accidents.
Aussi est-ce avec une grande attention, que nous avons suivi au
Québec, comme ailleurs au Canada et dans le monde l'évolution du
dossier d'assurance automobile et que, avec grande conscience de nos
responsabilités, nous avons suggéré les changements
désirables. Ayant été accusés de manque de
dynamisme, nous tenons à rappeler ici que nous avons
suggéré une forme de no-fault obligatoire en blessures
corporelles aussi tôt qu'en 1970. Nous avons ensuite,
parallèlement aux travaux du Comité Gauvin, conduit une
recherche, qui nous a conduits à entreprendre une campagne publicitaire
pour expliquer au public les avantages d'un plan no-fault partiel en blessures
corporelles. Cette recherche et cette campagne d'information sont
demeurées jusqu'à aujourd'hui sans égal, tant en
Amérique du Nord qu'en Europe.
Toutefois, un système de réparation des dommages corporels
et matériels causés par les accidents d'automobile s'inscrit dans
un cadre social, juridique et économique dont il appartient au
Gouvernement d'en définir le cadre et nous ne pouvons que
déplorer que nos suggestions, tout au cours des quinze dernières
années, soient demeurées sans réponse à cause de la
politisation du dossier de l'assurance automobile.
Compte tenu des cadres existants, nous sommes fiers du travail que nous
avons fait au cours des deux dernières décades. Compte tenu de
notre disponibilité totale, de nos connaissances pratiques et
théoriques du dossier, de notre ouverture au changement, nous ne pouvons
que déplorer bien que nous en comprenions le pourquoi que
nous n'ayons pas été appelés à contribuer à
la définition et au développement du projet de réforme de
l'assurance automobile.
Nous venons ici avec un esprit positif, vous dire là où
nous voyons comme vous, là et pourquoi nous voyons différemment
tout en reconnaissant qu'il vous appartient comme agent politique de
définir les cadres dans lesquels nous opérerons demain. Le
changement ne nous effraie pas. Nous en avons vu plusieurs au Canada et
ailleurs. Nous sommes confiants que la très grande majorité de
nos membres demeureront au Québec aussi longtemps que les
québécois désireront bénéficier des
coûts et de la qualité des services rendus possibles par la libre
concurrence de plusieurs agents économiques.
Création d'un monopole d'Etat
L'étatisation de l'assurance automobile est une mesure
complètement injustifiée. Aucune étude sérieuse
effectuée au Canada, aux Etats-Unis ou en Europe de l'Ouest n'a conclu
à son bien-fondé. Dans les provinces de l'Ouest, elle a toujours
été le résultat de promesses électorales. Ici
même au Québec, le rapport Gauvin, une des plus sérieuses
recherches jamais conduites en Amérique du Nord, a
démontré que l'étatisation n'était pas
nécessaire.
L'assurance automobile comporte un aspect social, c'est certain, mais
conclure à son étatisation pour autant, révèle une
confusion inacceptable. A notre avis, une conclusion en faveur de
l'étatisation doit comporter des arguments honnêtes, clairs et
certains, démontrant que l'efficacité des ressources humaines et
financières engagées dans un secteur s'en trouvera accrue.
Autrement, notre collectivité y perd.
Le livre bleu est particulièrement faible à ce sujet.
Seuls trois arguments sont avancés en faveur de la création d'un
monopole d'Etat dans le secteur des blessures corporelles: le manque de
dynamisme des assureurs, la rente indexée et la réduction des
frais d'administration.
Quant à se demander comme le fait le livre bleu, si les assureurs
ont fait preuve du dynamisme voulu pour conserver l'administration du
régime, il serait sans doute plus juste de se demander si nos
gouvernements, eux, se sont acquittés de leurs responsabilités en
ignorant comme ils l'ont fait les multiples recommandations formulées
par l'industrie des assurances depuis des années au lieu
d'établir clairement le cadre dans lequel ils auraient pu opérer
plus efficacement dans l'intérêt des québécois.
Lorsque le ministre des consommateurs évoque
l'impossibilité où seraient les assureurs privés de servir
des rentes indexées, il est bon de rappeler qu'en France par exemple les
tribunaux ont, il y a quelque temps et de leur propre volonté,
commencé de définir les indemnités en blessures
corporelles sous forme de rente indexée. L'Etat français n'en a
pas pour autant conclu à l'étatisation complète du
secteur. Soucieux de maintenir la concurrence, il s'est plutôt
appliqué et avec succès à trouver de concert avec les
assureurs, une formule susceptible de permettre le versement d'une rente
indexée. D'ailleurs les assureurs-vie le font déjà.
Dans ce domaine, l'avantage théorique de l'Etat est la
possibilité de masquer les coûts réels en les reportant sur
les générations futures. Les problèmes gigantesques
posés actuellement par le financement des régimes de rentes des
employés du secteur public sont la conséquence de cet
'avantage'.
On constate que le seul argument sérieux en faveur de
l'étatisation est celui d'une réduction des frais
d'administration. Il est mentionné dans livre bleu que des
économies de $103 millions pourraient être réalisées
en 1978 par suite de l'adoption des réformes proposées. Si le
monopole pouvait engendrer de semblables économies, alors il serait
amplement justifié. Tel n'est cependant pas le cas et nous entendons le
démontrer. A cette fin, nous allons, en premier lieu, analyser les
prévisions du Ministère à l'égard des frais
d'administration de la future régie. Par la suite, nous tâcherons
de mesurer aussi précisément que possible les véritables
effets de la création d'un monopole d'état sur les coûts
d'administration.
Selon les auteurs du livre bleu, les frais d'administration de la
régie pour les dommages corporels pourraient être réduits
à 6% des primes. Ceci nous apparaît complètement
irréaliste. Ce pourcentage aurait été estimé
à la lumière de l'expérience de trois autres organismes
gouvernementaux, soit la Régie des Rentes, La Régie de
l'Assurance-Maladie et la Commission des Accidents du Travail. Les deux
premiers exemples nous semblent non pertinents, leurs fonctions étant
très différentes de celles d'une éventuelle régie
d'assurance automobile. La C.A.T. peut être utilisée comme base de
comparaison mais deux distinctions importantes doivent alors être
retenues: 1. Les services de la Commission s'adressent à une
clientèle beaucoup plus homogène. Elle n'a pas à
indemniser les sans emploi, les étudiants, les enfants ni les visiteurs
étrangers. Il est certain que ces groupes, beaucoup plus que les
travailleurs salariés, sont susceptibles de présenter des cas
particuliers plus coûteux à administrer. 2. La C.A.T.
financée par les employeurs est dans une situation idéale
à l'égard de la collection des fonds. Il est bien évident
que la perception des primes auprès des quelque trois millions
d'automobilistes sera beaucoup plus dispendieuse.
Pour 1976, les frais d'administration déclarés par la
C.A.T. représentent 8.8% du montant des cotisations. Puisque ce
pourcentage n'inclut aucune provision pour les frais de règlement en
suspens, il sous-évalue nécessairement l'incidence réelle
de ces frais. En raison de l'insuffisance des données publiées
par la Commission, il nous est impossible de mesurer l'importance de cette
sous-évaluation. Néanmoins, si l'on s'en tient aux
hypothèses les plus vraisemblables, cette simple comparaison nous permet
de conclure que le pourcentage des frais sera de deux à trois fois plus
élevé que ce qui a été avancé, à
moins que la fréquence des accidents causant des blessures corporelles
ne diminue radicalement. Cette conclusion est confirmée par
l'expérience des régimes monopolistiques des provinces de l'Ouest
dont les frais déclarés se situent au-delà de 18%.
Par ailleurs, il faut souligner que la réduction des frais
d'administration par rapport au régime actuel est attribuable à
la réforme du mode d'indemnisation et à l'élimination du
rôle du courtier plutôt qu'à la création d'un
monopole d'état.
Au terme de son analyse, le Comité Gauvin estimait à 3% de
coût attribuable au monopole lui-même et jugeait cet écart
insuffisant à compenser la perte des avantages de la concurrence.
L'estimé du Rapport Gauvin a été obtenu à
partir de l'hypothèse d'un monopole complet qui engloberait aussi les
dommages matériels. Est-ce que la formule de l'étatisation
partielle proposée par le gouvernement peut entraîner certaines
économies? Pour répondre à cette question, il faut
considérer séparément chacun des postes les plus
importants: a) les frais de règlement (13.1% de la prime)
Le no-fault total prévu dans le projet de loi 67
entraînerait une réduction substantielle des frais d'avocats et
des autres frais de règlement. Cette réduction pourrait
être obtenue qu'il y ait étatisation ou non. A ce chapitre, le
Rapport Gauvin n'attribuait d'ailleurs aucune réduction
supplémentaire à la création du monopole.
Confier l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles à
la C.A.T. permettrait peut-être certaines économies par suite de
l'intégration à une structure déjà existante. Ces
économies ne suffisent pas à compenser les dédoublements
qui résulteront de l'étatisation des dommages corporels. La
grande majorité, en effet, des dommages corporels résultent
d'accidents impliquant aussi les dommages matériels. Pour la plupart des
accidents avec dommages corporels, l'indemnisation exigera l'intervention de
deux organisations différentes. Nul doute qu'il en résultera des
frais supplémentaires sans compter la frustration des victimes. b) la
rémunération des intermédiaires (11.3% de la prime)
Le gouvernement envisage de rattacher la perception des primes pour les
Dommages Corporels aux permis de conduire et aux plaques d'immatriculation et
de confier aux Caisses Populaires la distribution de ces dernières. A
l'heure actuelle, la commission au courtier représente environ 11% de la
prime. Les coûts globaux des réseaux de distribution prévus
peuvent probablement se situer à un niveau inférieur à ce
pourcentage. Prétendre que cela constitue une économie serait
cependant ridicule. Puisque la tâche du courtier ne serait pas
sensiblement réduite et
qu'un réseau parallèle serait ainsi créé, il
en résulterait sans aucun doute une augmentation du coût
réel. Par ailleurs, il est évident que le rôle du courtier
dans le régime actuel ne se limite pas à la distribution des
polices et à la perception des primes; le courtier est, en effet, un
intermédiaire entre l'assureur et l'assuré qui permet à ce
dernier de transiger avec une personne qu'il connaît bien plutôt
qu'avec une corporation anonyme. Ce service du courtier qui, en quelque sorte,
permet d'humaniser le système s'adresse à l'assuré. La
proposition du gouvernement nous semble arbitraire et illogique parce qu'elle
entraînera une augmentation des coûts réels et une
diminution des services.
Que le régime soit monopolistique ou concurrentiel, qu'il soit
administré par l'Etat ou non, la question de la
rémunération des intermédiaires se pose à peu
près dans les mêmes termes. L'assuré devrait être
libre d'utiliser ou de ne pas utiliser les services d'un courtier. D'ailleurs
certains de nos membres offrent l'assurance au comptoir tandis que d'autres
l'offrent par les courtiers et dans le temps et dans l'espace ce sont les lois
de la concurrence qui décident des succès relatifs de chaque
groupe. c) Frais des assureurs (7.6% de la prime)
On doit mentionner encore une fois que les épargnes
envisagées sont dues en réalité à un transfert de
coût d'un secteur à un autre. Dans ce cas particulier, le
Gouvernement laisse l'entreprise privée avec pratiquement les
mêmes frais de souscription, d'émission et d'administration des
polices mais avec une prime par police diminuée de 35% environ. De plus,
les assureurs devront encourir des frais supplémentaires pour implanter
le nouveau régime relativement à: modification et
réimpression des polices nouveau plan statistique
études sur la modification du système de tarification
développement d'un plan d'assurance excédentaire en dommages
corporels mise sur pied des mécanismes de contrôle de
l'assurance obligatoire.
Ces quelques remarques sur les frais d'administration font
réaliser combien la différence de coût entre un
régime administré par l'Etat et un régime
administré par l'entreprise privée devient mince lorsqu'on place
chacun des éléments dans une perspective plus globale à
savoir: le coût total pour la société. d) Taxes sur primes
(2% de la prime)
Est-il nécessaire de souligner que l'élimination de cette
taxe sur la couverture de blessures corporelles n'est pas une économie.
Comment par ailleurs ne pas suggérer ici que le gouvernement abolisse
cette taxe également pour le dommage matériel et la couverture
excédentaire en blessures corporelles.
En conclusion, nous croyons que le gouvernement n'a donné aucune
raison valable pour passer à l'étatisation d'un secteur de
l'assurance automobile. Les seules économies véritables
proviennent des changements apportés au système d'indemnisation
plutôt qu'à la création d'un monopole d'état. Bien
plus, en créant une organisation parallèle le gouvernement
néglige d'utiliser à leur point d'efficacité maximum les
ressources humaines et les équipements matériels que notre
collectivité s'est donnés dans ce secteur. La réforme
nécessaire en assurance automobile pourrait se faire plus efficacement
par l'entreprise privée en collaboration avec le gouvernement tout en
conservant les avantages d'un système concurrentiel.
Le no-fault intégral
En matière de dommages corporels, les objectifs principaux de la
réforme sont résumés de la façon suivante: 'assurer
une indemnisation meilleure et rapide de toutes les victimes'. Pour fins
d'analyse, on peut donc distinguer trois objectifs: 1o accroître la
'qualité' de l'indemnisation 2o réduire les délais de
règlement 3o indemniser toutes les victimes et non seulement celles qui
ne sont pas responsables
Les deux derniers objectifs sont relativement simples. Bien que la
réduction des délais pourrait être obtenue par une
réforme beaucoup plus limitée, il faut reconnaître que
l'élimination de la relation d'adversité qui sous-tend le
régime actuel permettrait d'accélérer le règlement
des sinistres. De la même façon, on peut exprimer certaines
réserves quant au bien fondé du troisième objectif,
néanmoins il faut admettre que les auteurs du livre bleu
présentent de solides justifications à cet égard et que le
régime proposé permettrait effectivement de l'atteindre.
Le premier objectif mérite une analyse approfondie.
L'étude des modalités du régime proposé permet de
constater que celui-ci entraînerait une allocation des indemnités
entre les différentes catégories de victimes qui serait
très différente de celle que l'on connaît sous le
régime actuel. Autrement dit, des victimes recevraient beaucoup plus et
d'autres beaucoup moins. Nous allons tâcher d'illustrer les principales
conséquences de ce réaménagement et d'analyser les
avantages et désavantages qu'il implique. A cette fin, les
différentes catégories de perte doivent être
considérées séparément.
a)
Frais médicaux et de
réadaptation
Le régime proposé prévoit le remboursement de tous
les frais médicalement requis pour assurer la guérison et la
réadaptation des victimes. Cette protection est identique à celle
qu'offre le régime actuel aux non-responsables. Bien que ceci n'affecte
pas directement les victimes, signalons que le régime proposé
entraînerait le transfert à l'ensemble des contribuables de
certains coûts supportés actuellement par les automobilistes
puisqu'il ne prévoit aucune compensation des pertes subies par la
Régie d'Assurance-Maladie et l'Assurance-Hospitalisation à la
suite de l'élimination de leurs droits de recours contre les
responsables.
b)
Incapacité temporaire
Alors que dans les conditions actuelles la victime innocente a droit au
remboursement intégral du salaire prévu, le régime
proposé prévoit la compensation de 90% du revenu net après
une période d'attente de 7 jours. Pour une incapacité dont la
durée moyenne est d'environ 40 jours, cela signifie que le rapport
compensation-perte moyen serait de l'ordre de 75%.
c)
Incapacité permanente
Le régime proposé prévoit deux types de
compensation: premièrement, des rentes hebdomadaires établies en
fonction du revenu, ajustées selon l'indice des prix et payables durant
toute la vie de la victime et deuxièmement, des montants forfaitaires
dans les cas de mutilations.
Selon les résultats de l'étude Woodward-Fondiller, les
victimes d'incapacité permanente retirent 44% (1) des indemnités
pour dommages corporels versées en vertu du Chapitre A sous le
régime actuel.
Puisque le Ministère n'a pas cru bon de rendre publique
l'évaluation des coûts du régime proposé, nous ne
disposons malheureusement pas de données précises au sujet de la
répartition envisagée entre les différentes
catégories d'indemnités. Cependant, puisque le régime en
question s'inspire fortement de celui proposé par le Comité
Gauvin, il nous est possible d'utiliser les données publiées par
ce dernier. Pour l'invalidité permanente et les mutilations, les
bénéfices prévus par le Comité Gauvin
étaient évalués à 37% du coût du Chapitre A
de la police actuelle (2). Même en tenant compte des
bénéfices plus élevés prévus par le projet
de loi 67, on peut supposer que, collectivement, l'ensemble des victimes
d'invalidé permanente ne recevrait pas beaucoup plus que sous le
régime actuel. Il ne faut pas oublier, cependant, que, dans le cas du
régime proposé, le montant global serait réparti entre
toutes les victimes incluant les responsables et leurs dépendants. A
partir des données contenues dans le livre bleu, à l'égard
du pourcentage des personnes présentement non indemnisées, nous
pouvons donc constater que pour l'ensemble des victimes non responsables
l'adoption du régime proposé résulterait en une
réduction des indemnités pour invalidité permanente.
Intéressante en soi, cette dernière conclusion ne suffit
pas à montrer l'ampleur des changements envisagées à ce
niveau. Non seulement, le montant total serait réduit, mais sa
répartition entre les victimes serait très différente de
celle que nous connaissons présentement.
En effet, selon les chiffres du Comité Gauvin (3), environ 14% de
l'ensemble des victimes blessées se voient attribuer un pourcentage
d'incapacité permanente alors que moins de 3% des victimes pourraient se
qualifier pour les rentes d'invalidité permanente. Dans la très
grande majorité des cas, la victime devrait donc se contenter des
montants forfaitaires prévus en cas de mutilations. Or, sur la base des
informations présentement disponibles, nous estimons que ces montants
équivaudraient à moins de 20% de la moyenne des indemnités
payables sous le régime actuel.
Comment expliquer qu'un régime qui vise à améliorer
la qualité de l'indemnisation comporte une telle réduction des
bénéfices pour une importante proportion de l'ensemble des
victimes? Le livre bleu répond en partie à cette question
lorsqu'il mentionne l'existence des pertes 'non-économiques' et
reconnaît, plus ou moins explicitement, que ces pertes seraient moins
bien compensées par le nouveau régime.
(1)Ce pourcentage est établi au niveau de la prime pure (i.e.
excluant tous les frais) et il n'inclut pas les sommes versées à
ces victimes pour les frais médicaux ou pour l'incapacité
temporaire. En fait, lorsque l'on inclut ces montants, on constate que les
victimes d'incapacité permanente reçoivent les deux tiers du
total des indemnisations.
(2)Annexe au Rapport du Comité d'Etude sur l'Assurance
Automobile, p. 16
(3)Annexe au Rapport du Comité d'Etude sur l'Assurance
Automobile, p. 36 et 37.
II semble bien que les auteurs du livre bleu considèrent que les
indemnités accordées dans les cas d'incapacité permanente
partielle constituent une forme de compensation pour pertes non
économiques. Or, tel n'est pas le cas puisque contrairement à ce
qui se passe dans les juridictions voisines, les indemnités
versées au Québec au titre des souffrances et douleurs ou autres
dommages moraux ne représentent qu'une très faible proportion du
montant total des indemnités(1). C'est donc dire que les tribunaux
reconnaissent dans ces cas l'existence d'une perte économique.
A ce stade-ci, il faut conclure que la réforme présuppose
que les tribunaux sont incapables de mesurer la perte économique dans
les cas qui leur sont soumis et en surévaluent grossièrement
l'étendue lorsqu'il s'agit d'incapacité permanente partielle.
d) Décès
Au niveau des indemnités de décès, on doit
distinguer trois situations différentes; le soutien de famille, le
conjoint qui n'est pas soutien de famille et le célibataire.
Dans le cas du conjoint qui n'est pas soutien de famille, les
bénéfices prévus ($5,000 à $15,000) sont nettement
inférieurs aux montants qui peuvent être obtenus sous le
régime actuel. Pour les célibataires, les indemnités
versées présentement varient selon la situation propre à
la victime.
Pour les soutiens de famille, les indemnités prévues sont
largement supérieures à celles versées actuellement. En
effet, selon l'évaluation des coûts publiée par le
Comité Gauvin (2), l'indemnité moyenne pour les
décès survenus en 69-70 aurait eu une valeur présente de
$44,000 (3) alors que pour une période ultérieure le montant
moyen des compensations obtenues en vertu du régime actuel a
été estimé à environ $30,000 (4).
Cette comparaison indique que l'adoption du régime proposé
entraînerait une augmentation de l'ordre de 50% au niveau de
l'indemnité moyenne payable dans le cas du décès d'un
soutien de famille. Ceci n'a rien d'étonnant si l'on considère
les nombreux facteurs dont les tribunaux peuvent et doivent tenir compte
lorsqu'ils apprécient la perte de soutien économique dans les
différents cas particuliers qui leur sont soumis. Plusieurs
éléments, que le régime proposé ignore, sont
susceptibles d'atténuer le montant de la perte. Voici, à titre
d'exemples quelques uns des ces éléments: la possibilité
d'une carrière autonome de la veuve, possibilité dont
l'importance varie selon son âge et ses qualifications professionnelles
ainsi que selon le nombre et l'âge de ses enfants; la probabilité
de remariage; les différents aléas qui auraient pu affecter le
revenu de la victime.
Pour le décès, on constate que le montant total des
indemnités serait sensiblement accru alors que les
bénéfices seraient augmentés dans certains cas et
réduits en d'autres. Peut-on conclure que les modifications
proposées résulteraient en une meilleure indemnisation? Il va
sans dire que la qualité de l'indemnisation ne peut être
évaluée qu'à partir d'une définition précise
de la perte. Or, on remarque qu'au chapitre des indemnités de
décès, le régime proposé s'écarte largement
de la notion de perte économique. Ainsi, la veuve se verrait octroyer un
revenu garanti sous forme de rente viagère alors que pour obtenir une
compensation précise de la perte économique il faudrait
considérer les différents aléas auxquels était
soumis le revenu de la victime (par exemple, la maladie, le chômage) et
tenir compte de la période probable durant laquelle le revenu pouvait
être anticipé (5). A l'inverse, le montant prévu pour le
décès d'un conjoint qui n'est pas soutien de famille sera, dans
la majorité des cas, insuffisant à compenser la perte
économique réellement subie.
Si l'on juge de la qualité de l'indemnisation pour
décès sur le plan de la répartition des indemnités
entre les victimes, le livre bleu présente une amélioration
notable lorsqu'il propose de remplacer le paiement d'un capital par le
versement d'une rente hebdomadaire; pour le reste, le régime
proposé nous semble inférieur au régime actuel puisqu'il
fait abstraction des circonstances propres à chacun des cas. Il est
conçu en fonction d'un foyer standard au sein duquel l'un des membres,
généralement l'épouse, est dans un état de
dépendance permanente à l'égard de son conjoint; ce qui
évidemment, ne correspond à la situation réelle de
nombreux foyers particulièrement parmi la nouvelle
génération. Un régime basé sur un modèle
aussi simplifié entraînerait la sur-compensation d'un très
grand nombre de pertes.
Dans une perspective plus générale, on doit aussi
s'interroger sur le partage des indemnités entre les différentes
catégories de pertes.
(1)Selon l'étude de Woodward-Fondiller, ces montants ne
représentent que 14% du montant total des indemnités.
(2)Annexe p. 63
(3)Ce montant est établi sur la base des propositions du
Comité Gauvin. En tenant compte des modalités propres au
régime proposé, en particulier l'indexation complète, on
obtiendrait sans doute un montant sensiblement plus élevé.
(4)Ce montant a été obtenu à partir des
résultats du sondage effectué en 73 en rapport avec
l'étude de Woodward-Fondiller.
(5)Sous le régime actuel, les indemnités sont
établies sur la base de l'âge de la victime. Quels que puissent
être les désavantages de cette méthode, il faut bien
admettre qu'elle permet une mesure plus précise de la perte
économique.
En termes de sommes impliquées, il y a deux catégories de
pertes principales: l'incapacité et le décès. Dans la
société actuelle, le risque de décès est l'objet
d'une protection financière beaucoup plus adéquate que celui
d'incapacité; en d'autres termes, la protection d'assurance-vie, sur
base individuelle ou collective, est beaucoup plus répandue que la
protection d'assurance invalidité. Ceci est particulièrement vrai
dans le cas des victimes d'accidents d'automobiles puisque les polices
d'assurance-vie prévoient souvent une double indemnité en cas de
mort accidentelle. Or, à partir des données présentement
disponibles, nous estimons que la protection des indemnités de
décès par rapport au montant total des indemnités
passerait du simple au double, advenant l'adoption du régime
proposé. Ceci nous apparaît injustifié.
En conclusion, le Bureau d'Assurance du Canada n'est pas opposé
au principe du no-fault en matière de dommages corporels. Avec le
régime AUTOBAC, nous avons proposé la formule qui nous semblait
la plus susceptible d'être acceptée par l'ensemble de la
population. Nous reconnaissons que le no-fault intégral présente
certains avantages importants. Si le Gouvernement juge que ces avantages
justifient un changement aussi drastique, nous sommes disposés à
opérer un tel régime d'assurance. Il nous semble cependant que
les bénéfices prévus actuellement sont, dans certains cas,
trop généreux et entraîneraient des coûts
excessifs.
De plus, nous considérons que l'analyse contenue dans les pages
précédentes démontre que le projet de loi 67 comporte de
nombreuses faiblesses et que ses modalités devraient être
révisées.
Les dommages matériels
Dans le champ des dommages matériels, au plan du régime
juridique, le gouvernement avait le choix entre le statu quo,
c'est-à-dire le maintien de la responsabilité basée sur la
faute ou l'adoption d'une formule d'assurance directe telle que
préconisée par le Comité Gauvin et par le Bureau
d'assurance du Canada. Le No-fault total est en effet impossible: pour
l'instaurer il faudrait rendre obligatoire la garantie collision. Or tel qu'il
est souligné dans le livre bleu, près de 50% des
propriétaires ne n'assurent pas contre les dommages à leurs
propres voitures et il serait difficilement justifiable de les forcer à
le faire.
Si la réforme proposée en matière de Dommages
corporels nous apparaît audacieuse, celle proposée en dommages
matériels, bien que représentant un pas dans la bonne direction,
nous apparaît trop timide, pourrait entraîner des
conséquences coûteuses et omet de prendre plein avantage des
changements possibles.
En fait, c'est une espèce de formule à mi-chemin entre le
statu quo et celle préconisée tant par le Comité Gauvin
que par le BAC. Il convient d'en faire un examen succinct.
Disons d'abord notre accord avec l'assurance obligatoire. Elle s'inspire
à la fois de considérations techniques et d'un juste souci de
répartir le coût sur l'ensemble des usagers de véhicules
automobile. Elle répond aussi à une conviction forte, soutenue et
largement majoritaire de l'opinion publique.
Disons encore notre accord avec l'introduction de l'assurance directe
par le jeu de l'article 103 dans tous les cas de dommages au véhicule
où le recours est régi par la convention d'indemnisation directe
visée dans l'article 155.
Comme le rapport Gauvin l'a déjà souligné de
même que notre propre témoignage devant la Commission
parlementaire sur le même Rapport, cette mesure conduit à une
accélération du règlement des sinistres et, à des
économies de frais d'administration. De plus elle ouvre des perspectives
nouvelles sur la structure de la tarification. En effet, elle permettrait
l'introduction d'une formule de tarification selon les caractéristiques
des véhicules: en chargeant plus cher pour les véhicules fragiles
et coûteux à réparer, une influence bénéfique
pourrait être exercée si un mouvement semblable
s'étendait à l'Amérique du Nord sur les grands
fabricants d'automobiles.
Marquons maintenant notre désaccord avec deux aspects bien
spécifiques de la réforme proposée et qui nous font la
qualifier de timide.
Premièrement: le maintien du droit de recours pour les
non-assurés alors qu'à toute fin pratique les assurés eux
s'en voient privés dans la plupart des cas.
Nous comprendrions le maintien du droit de recours des
non-assurés dans un contexte où le législateur ne rendrait
pas l'assurance obligatoire. Cependant, prévoir des
pénalités sous la forme d'amendes pour ceux qui ne respectent pas
l'obligation de s'assurer et à la fois leur conserver le droit de
recours en Dommages matériels en cas d'accident nous semble
contradictoire.
L'expérience des juridictions où l'assurance fut rendue
obligatoire démontre toujours la difficulté sinon
l'impossibilité de la faire respecter. Peu importe les mesures prises et
envisagées, qui ne peuvent être que très coûteuses
(échange sans fin de paperasses entre assureurs et organismes de
contrôle) ou très désagréables (barrages routiers de
vérification), un certain pourcentage d'automobilistes demeurent non
assurés et glissent entre les mailles des filets. L'expérience du
Québec ne saurait être différente et l'incitation à
la non-assurance pourrait même être renforcée par
l'élimination des craintes entourant la responsabilité pour
dommages corporels. Nous estimons que les assurés devront payer de 2%
à 3% de plus pour les non-assurés et que ce n'est pas là
une surcharge qu'ils porteront allègrement si nous nous basons sur les
sondages d'opinion.
L'abolition du droit de recours à la fois pour assurés et
non-assurés, nous semblerait donc indiqué. En effet, dans le
cadre d'un régime d'assurance directe, chaque individu comprendrait
facilement que s'il n'assure pas son véhicule, celui-ci ne sera pas
protégé. Il est évident, que même là, il y
aura un grand nombre de personnes qui choisiront de défier la loi et de
ne pas s'assurer mais dans ce cas ils seraient les seuls à être
affectés.
Deuxièmement: le maintien de la subrogation entre assureurs.
Après avoir esquissé un bon pas, dans la bonne direction, celle
de l'assurance directe, le législateur se propose d'en atténuer
les effets bénéfiques en maintenant fa subrogation entre
assureurs.
L'abandon de la subrogation nous semblerait présenter un avantage
très net au niveau du règlement des sinistres, une
opportunité de réduire les frais d'opération, et
d'introduire une tarification plus équitable en fonction des
caractéristiques des véhicules.
Avec les mécanismes d'indemnisation directe prévus dans le
projet de loi, le rôle de la subrogation serait beaucoup plus important
que sous le régime actuel. A l'égard des accidents impliquant
deux ou plusieurs véhicules, plus de 60% des sinistrés
payés par un assureur lui seraient remboursés par le biais de la
subrogation. Il y aurait probablement moins d'incitation à
contrôler les coûts puisqu'un assureur transigerait avec ses
propres clients mais avec les fonds de ses concurrents. Ce manque de
contrôle serait particulièrement évident à
l'égard de la compensation pour la privation de jouissance du
véhicule puisque le montant du sinistre payable par un assureur serait
fonction de la célérité d'un autre assureur.
Sous le régime d'assurance directe, l'assureur indemnise ses
propres clients sans aucune subrogation. Dans ces conditions, il y va de son
intérêt d'effectuer un règlement raisonnable de
façon à satisfaire ses assurés tout en conservant une
position concurrentielle. Cette formule accorde une plus grande liberté
à chacun des assureurs, aussi bien au niveau de la sélection de
ses expertises et constitue une incitation à améliorer la
qualité des services et à contrôler les coûts.
L'un des objectifs principaux des réformes proposées est
d'abaisser le niveau des frais d'opération. Bien qu'il soit difficile
d'en préciser l'importance, il est certain que l'assurance directe
entraînerait des économies au niveau des frais grâce
à la réduction des enquêtes et à
l'élimination des tâches administratives reliées à
la subrogation.
Au niveau de la tarification, la conséquence la plus importante
de l'assurance directe serait la redistribution des primes selon les groupes de
véhicules. A ce sujet, citons M. Thomas C. Jones, Surintendant des
Assurances pour l'Etat du Michigan: "One significant result of the Michigan
first-party no-fault collision insurance system has been the redistribution of
the premium burden for auto collision damages. First party collision insurance
is priced in relation to the value of the vehicle. Owners of higher priced
vehicles in Michigan pay relatively larger premiums than owners of older, lower
valued vehicles. Thus more equity was introduced into the system. The "ability
to pay" principle is absent in the pricing of liability insurance".
En raison de cette redistribution, les propriétaires de
véhicules moins récents paieraient des primes réduites.
Ceci faciliterait sans aucun doute l'acceptation par le public de l'assurance
obligatoire.
Après quelques années, il serait possible de tenir compte,
dans la tarification, des caractéristiques de chaque modèle de
véhicules quant à leur sécurité et leur coût
de réparation. Ceci permettrait d'identifier les véhicules dont
les risques d'accidents ou les frais de réparations sont plus
élevés et pourrait inciter les manufacturiers à prendre
des mesures pour accroître la résistance de leurs produits et
diminuer leur coût de réparation. Comme le souligne le Rapport
Gauvin, il est évident que les avantages retirés de telles
améliorations en dépassent largement le coût.
La tarification
L'adoption du nouveau régime d'assurance proposé par le
gouvernement du Québec entraînerait une augmentation de primes
pour environ 65% des automobilistes assurés. Cette augmentation
s'étendrait à près de 90% des automobilistes
assurés dans le cas d'une zone frontalière comme Hull. Pour
chacune des catégories d'assurés, la portion de la prime actuelle
qui sert à défrayer le coût des dommages corporels dans le
Québec a été comparée avec les primes
prévues pour les voitures de promenade dans le document intitulé
"Hypothèse sur la tarification" publié la semaine dernière
par le Ministre des Consommateurs.
Afin de simplifier les calculs, seul le régime de base a
été considéré. Nous n'avons pas tenu compte des
primes pour les limites supérieures à $100 000 sous le
régime actuel et de la charge pour la couverture excédentaire
sous le régime proposé. De la même façon, les
surprimes pour les conducteurs occasionnels n'ont pas été
reflétées. Par ailleurs, nous n'avons pas pris en
considération, les circonstances particulières qui
prévaudraient durant la période initiale. Bien que les
études entreprises à ce chapitre ne soient pas encore
complétées, nous tenons à souligner que pour la grande
majorité des assurés, la ristourne prévue ne suffirait pas
à compenser les déboursés supplémentaires pour le
nouveau régime.
Peut-on prétendre que l'augmentation des primes pour la
majorité des assurés est le prix à payer en retour d'une
meilleure indemnisation des victimes? Pas vraiment. Certes, plusieurs classes
de victimes, en particulier les conducteurs responsables et leur
dépendants, recevront des bénéfices plus
élevés. Toutefois, les quelques statistiques
présentées dans le livre bleu nous permettent de constater que
selon les hypothèses retenues par les experts du Ministère la
hausse du coût des indemnités sera compensée par la baisse
des frais d'administration (1).
Avant la dernière révision des taux, la prime moyenne pour
l'ensemble du Chapitre A et du Chapitre B se situait autour de $245 (2). Sur la
base des données présentement disponibles, nous estimons à
environ $130 la partie attribuable aux dommages corporels survenus au
Québec. Compte tenu des réductions récentes, on peut donc
supposer que la prime moyenne prévue par le Ministère serait
à peu près équivalente à la prime moyenne
actuelle.
Plus des deux tiers de l'ensemble des assurés subiraient des
augmentations alors que la prime moyenne demeurerait pratiquement
inchangée. Une telle situation révèle un transfert de
coût entre les différentes catégories d'assurés. En
d'autres termes, il y aurait subvention de certaines classes d'automobilistes,
par exemple les jeunes hommes célibataires de moins de 25 ans et les
conducteurs ayant un mauvais dossier au dépens de la majorité des
autres groupes mais particulièrement des gens qui n'utilisent pas leur
voiture pour se rendre au travail.
Afin d'illustrer ce phénomène, nous allons comparer, pour
quelques cas concrets, le coût approximatif (3) de la protection Dommages
Corporels sous le régime actuel avec ce qu'il en coûterait sous le
régime proposé:
Par cette présentation, nous poursuivons deux objectifs.
Premièrement, nous croyons qu'il est de notre devoir d'informer la
population et ses représentants des véritables
conséquences des réformes proposées sur le niveau des
primes. Suite aux déclarations de certains assureurs et du Ministre et
à l'interprétation de ces déclarations par les
média, nous craignons que le public en général soit sous
l'impression que le nouveau régime permettrait une réduction des
primes. Il importait donc de corriger cette impression le plus tôt
possible.
En deuxième lieu, cette présentation nous permet de poser
clairement la question du rôle de la tarification en assurance
automobile. Il nous semble que si ce rôle était bien compris la
question de l'étatisation se poserait en des termes bien
différents.
Au terme de son analyse, le Comité Gauvin estime à 3%
l'écart de coût attribuable au monopole lui-même et juge que
cet écart ne suffit pas à compenser la perte des avantages de la
concurrence. Même s'il admet le bien-fondé de cette analyse, celui
qui est, par ailleurs, favorable à l'étatisation peut
prétendre que cet écart suffit à la justifier ou, au
moins, ne permet pas de la rejeter. Ici, il importe de souligner les limites de
l'approche suivie par le Comité. Pour mesurer l'efficacité du
régime, l'unique critère est celui du pourcentage de la prime
retourné aux assurés. Or, ce critère n'est pas suffisant
si l'on considère que la fonction d'un régime d'assurance est
double: 1. indemniser les victimes 2.. répartir les coûts entre
les assurés
Aux yeux de l'observateur moyen, il est compréhensible que le
deuxième volet semble beaucoup moins important. Il faut cependant
souligner qu'une juste répartition des coûts est un objectif
primordial tant sur le plan social en ce qui a trait à
l'équité entre les différents groupes d'individus que sur
le plan économique où elle est une condition à la saine
allocation des ressources.
Puisque le dernier élément relève de la
théorie économique, on pourrait prétendre qu'il
dénote un parti pris idéologique. Cependant, il faut
reconnaître qu'il existe au Canada un large consensus sur cette question.
A cet égard, on peut citer le Conseil Economique du Canada, un organisme
qui regroupait des représentants des gouvernements des entreprises et
des syndicats: "Quant aux économistes de profession, sans se
désintéresser de la répartition des revenus, ils ont eu
tendance à se soucier davantage du deuxième objectif, celui de
l'affectation des ressources. Celui-ci, moins frappant peut-être, est
quand même fort important pour la réalisation de certains grands
objectifs économiques, comme celui de la croissance de la
productivité. Plusieurs économistes s'opposent surtout au
monopole (pour prendre de nouveau un cas extrême) parce qu'ils y voient
une cause de distorsions dans la manière dont les ressources humaines et
matérielles rares sont utilisées et combinées en vue de la
satisfaction des multiples besoins des consommateurs ou, en d'autres termes,
une cause d'inefficacité".(1).
Par ailleurs, les modes de financement retenus par la Régie
constituent une reconnaissance implicite de l'importance économique
d'une saine allocation des ressources. A ce sujet, citons le Ministre Payette:
"Le Gouvernement a préféré conserver un lien de
causalité entre le coût des accidents et les utilisateurs de
véhicules; en d'autres termes, comme le souligne le Rapport Gauvin, le
fait d'imputer le coût d'une activité à ceux qui l'exercent
permet de reconnaître le prix et de faire une allocation judicieuse des
ressources".(2).
Il est bien évident, en effet, que si ce n'était de cet
objectif, la formule de financement la plus logique aurait été
celle de l'impôt sur le revenu.
L'importance du principe est donc reconnu de part et d'autre. Mais qu'en
est-il de son application pratique? Afin de répondre à cette
question, considérons, à titre d'exemples, les cas suivants:
Un individu habitant une grande ville doit choisir d'utiliser ou non sa
voiture pour se rendre au travail. Une telle utilisation aux heures de pointe
implique un risque d'accident accru. Sous le régime actuel, le
coût de ces accidents est reflété dans la prime d'assurance
de sorte que l'automobiliste peut les ajouter aux autres coûts, soit
l'énergie, le stationnement, etc. et être en mesure de prendre la
décision la plus appropriée. La tarification proposée ne
tient pas compte de l'utilisation pour les voitures de promenade. Ainsi, la
personne qui préfère utiliser les transports en commun pour se
rendre au travail sera forcée de subventionner son voisin qui
décide d'utiliser sa voiture.
Si l'on excepte les personnes ayant un mauvais dossier de conduite, le
groupe qui bénéficiera le plus de la redistribution des primes et
sans doute celui des jeunes conducteurs. Généralement les jeunes
possèdent aussi une plus grande latitude par rapport à
l'automobile; en d'autres mots, elle leur est moins "essentielle" qu'elle ne
l'est pour d'autres groupes. Particulièrement chez les étudiants
il est raisonnable de supposer que le fait d'être propriétaire
d'une automobile ou non est fortement relié aux ressources
financières des parents. Ainsi la subvention défrayée par
la majorité des automobilistes profitera davantage aux personnes
déjà favorisées. Sur le plan de l'équité
sociale il s'agit là d'une mesure particulièrement
néfaste.
(1)Conseil Economique du Canada. Rapport Provisoire sur la Politique de
Concurrence 1969, p. 9.
(2)Selon un article paru dans Le Devoir du 27 septembre 1977 à la
page 21.
Pour les individus et particulièrement pour les entreprises
possédant une flotte de véhicules, le régime actuel permet
la tarification selon l'expérience. La tarification proposée pour
les Dommages Corporels exclut cette pratique sous prétexte qu'elle
s'intègre mal à un régime public d'indemnisation sans
égard à la faute.
Pour bon nombre d'entreprises les économies
réalisées grâce à cette formule permettent de
justifier l'existence d'un service de prévention des accidents. Si ces
efforts devaient être réduits ou abandonnés, cela
n'améliorerait certainement pas la situation au plan de la
sécurité routière.
Ces exemples nous permettent de constater que la tarification
proposée ne permettra pas à l'individu de reconnaître le
coût des accidents d'automobile puisque la prime exigée n'est
aucunement reliée à sa situation personnelle.
Les hypothèses de tarification publiées par le
Ministère sont conformes à la tradition des régies d'Etat
des provinces de l'Ouest dont nous connaissons la piètre performance en
cette matière. On pourrait penser qu'en théorie rien
n'empêche le monopole de procéder à une plus juste
répartition. Dans la pratique cependant la poursuite de cet objectif est
contrecarrée par trois facteurs principaux: 1° il faut admettre que
l'élimination de la concurrence fait disparaître l'incitation
à l'équité qui existe sous le régime actuel. 2°
il est inévitable que de sérieuses pressions politiques soient
exercées sur la Régie. A cet égard, il n'est pas
nécessaire de rappeler l'exemple, particulièrement
éloquent, de la Colombie Britannique. 3° de sérieuses
considérations administratives limitent la poursuite de cet objectif; en
effet, la réalisation des économies promises au niveau des frais
de souscription suppose l'intégration de certaines opérations de
l'assurance automobile à d'autres fonctions ou organismes
gouvernementaux (par exemple, le B.V.A.). Or, le développement et le
maintien d'une tarification équitable exigerait la cueillette et le
traitement d'une quantité d'informations qui ne sont pas
nécessaires à ces organismes.
En conclusion, retenons que le régime proposé ne
rencontrera en rien l'opinion souvent exprimée par le public qui
désire davantage une réduction des primes plutôt qu'une
augmentation, s'éten-dant à au-delà de 65% des
automobilistes assurés. Retenons également que le régime
proposé se révèle particulièrement inapte à
assurer une répartition équitable des coûts d'assurance et
conduit ainsi à une structure de prix faisant fi de l'importance
économique d'une saine allocation des ressources, ce qui est en soi une
cause d'inefficacité.
Considérations sur des articles spécifiques du projet de
loi: - Problèmes relatifs aux québécois à
l'étranger et aux touristes circulant au Québec - Indemnisation
directe de l'assuré - L'assurance obligatoire - Le renouvellement des
contrats d'assurance - Annulation et résiliation des contrats -
Responsabilité absolue de l'assureur - Subrogation entre assureurs
-Opération du Fonds d'indemnisation -Corporation des assureurs
autorisés -Centre de distribution des risques -Centres d'estimation des
dommages aux automobiles - Date d'entrée en vigueur
Problèmes relatifs aux Québécois
à l'étranger et aux touristes circulant au Québec
a)
Québécois à l'extérieur 1.
Dans la province ou états où des régimes no-fault sont en
vigueur, il arrive souvent que la loi force les assureurs R.C. à fournir
aux occupants du véhicule de leur assuré certains
bénéfices d'assurance individuelle. Puisque les résidents
du Québec seront déjà couverts par la Régie et afin
d'éviter la duplication qui pourrait résulter de l'article 4,
nous croyons que la Régie devrait, à cette fin, remplacer
l'assureur R.C. pour les assurés du Québec. 2. Nous croyons que
le recours prévu au deuxième paragraphe de l'article 7 devrait
être exclu lorsqu'il s'adresse au propriétaire d'un
véhicule immatriculé au Québec. Par exemple, lorsqu'un
passager d'un véhicule immatriculé au Québec est
blessé à l'extérieur par la faute du conducteur, la
Régie ne devrait pas pouvoir exercer la subrogation contre l'assureur du
véhicule.
b)
Non-résidents au Québec 1. En quoi
consiste l'entente prévue à l'article 8? 2. Si nous sommes bien
informés, il serait possible dans certaines conditions pour un ontarien,
par exemple, de poursuivre un québécois en Ontario
(peut-être même au Québec) pour des
dommages corporels subis au Québec. Est-ce que cette
possibilité a été étudiée par les
spécialistes du Ministère? 3. Une prime ayant été
versée par le propriétaire du véhicule du Québec:
i) la protection s'applique-t-elle à un non-résident qui en
serait conducteur ou passager? ii) le conducteur non résident peut-il
être poursuivi pour des dommages corporels dont il serait
responsable?
Indemnisation directe de l'assuré a) L'article no 155 du
projet de loi stipule que la Corporation doit établir une convention
d'indemnisation directe relative: 155.1) à l'indemnisation directe des
assurés ayant subi un dommage à leur automobile; 155.3) à
l'établissement d'un barème de circonstances d'accidents pour le
partage de la responsabilité du propriétaire de chaque automobile
impliquée. Dans l'esprit du législateur, a) cette convention
doit-elle s'appliquer exclusivement au dommage à l'automobile
même?... ou si elle doit s'appliquer également i) au dommage subi
par le chargement de l'automobile? ii) au dommage résultant de la perte
de jouissance du véhicule? b) les assurés seront-ils liés
par le barème au même titre que les assureurs?
Il s'agit de savoir si l'assuré pourra s'opposer au paiement, par
son assureur, de ces dommages à l'égard d'un autre automobiliste
dans le cas où la répartition de la responsabilité
établie en fonction du barème pourrait différer de celle
qui résulterait de l'application des règles du droit commun. Si
tel était le cas, il est évident que cela est contraire à
l'esprit de l'article 103. Compte tenu de l'importance de la question, NOUS
RECOMMANDONS que cette question soit précisée dans la loi. b)
L'article no 129 stipule que le Fonds d'indemnisation est réputé
un assureur aux fins de la présente loi.
Dans le cas d'un accident où sont mêlés un
automobiliste assuré et un non-assuré responsable, le Fonds
est-il considéré comme l'assureur du non-assuré? De ce
fait, le Fonds devra-t-il rembourser l'assureur de l'automobiliste
assuré, en vertu de la convention d'indemnisation directe dont il est
partie (article no 157)?
Dans l'affirmative, n'y a-t-il pas contradiction avec l'article 130.1
où il est stipulé que l'assureur ne peut pas faire une demande de
réclamation au Fonds d'indemnisation. Dans le cas contraire, le
coût de ces dommages causés par les non-assurés sera, en
définitive, assumé par les automobilistes assurés ce qui,
croyons-nous, serait contraire à l'esprit du projet de loi.
L'assurance obligatoire a) Nous sommes d'accord avec le principe
de l'article 74 qui impose à l'automobiliste l'obligation de
détenir un contrat d'assurance de responsabilité. Il s'agit d'une
mesure que nous avons toujours appuyée.
Cette conviction de notre part à l'égard de l'assurance
obligatoire résulte des études que nous avons faites au cours des
années et de l'expérience acquise par les assureurs dans
l'exercice de leurs activités. Elle reflète également
l'opinion de la très grande majorité des automobilistes
exprimée à l'occasion de tous les sondages d'opinion publique
dont nous avons eu connaissance.
Aussi recommandable que puisse être l'assurance obligatoire, il
est reconnu cependant qu'aucun système n'a réussi jusqu'à
ce jour à faire observer cette mesure par tous les automobilistes qui
circulent dans un territoire donné. Le Gouvernement du Québec a
reconnu cette situation en confirmant la nécessité d'un Fonds
d'indemnisation pour assurer le paiement des dommages subis par toutes les
victimes innocentes.
Une étude faite par nos techniciens et dont le rapport est
annexé à ce mémoire (Annexe "A") démontre que le
Gouvernement agit sagement en exigeant du propriétaire de l'automobile
une simple déclaration de sa part à l'effet qu'il a satisfait aux
obligations imposées par la Loi au lieu d'exiger, comme d'autres
gouvernements l'ont fait, une attestation d'assurance émise par
l'assureur comme condition de l'immatriculation d'une automobile. Cette
dernière méthode s'est avérée coûteuse et
inefficace de l'avis même de ceux qui l'ont adoptée.
La solution adoptée dans le projet de loi no 67 ne peut cependant
atteindre une efficacité satisfaisante que si elle est
accompagnée de pénalités très sévères
à l'endroit des automobilistes qui négligent ou refusent de s'y
conformer.
L'amende prévue à l'article 168, si sévère
qu'elle puisse sembler à première vue, n'est pas à notre
avis suffisante pour atteindre le résultat espéré et
protéger adéquatement l'ensemble des automobilistes et des
citoyens respectueux de la Loi.
NOUS RECOMMANDONS qu'en plus de cette pénalité,
l'automobiliste non assuré soit privé de tout recours contre qui
que ce soit pour les dommages subis par son propre véhicule. Une telle
mesure nous semble un moyen efficace d'atteindre le but visé tout en
évitant les critiques possibles à l'égard du gouvernement,
puisque dans un tel cas la perte du véhicule par l'automobiliste en
question ne peut être attribuée qu'à sa propre
désobéissance à la loi. Nous comprendrions difficilement
que le gouvernement hésite à priver cette catégorie de
personnes de ce droit de recours puisqu'il n'hésite pas à le
faire pour l'ensemble des québécois à l'égard des
dommages corporels. C'est une mesure qui, à notre avis, serait
appuyée par l'ensemble des québécois. b) Puisqu'il est
jugé suffisant d'exiger une déclaration d'assurance au lieu d'une
attestation par l'assureur, au moment de l'immatriculation du véhicule,
l'obligation imposée à l'assureur par l'article 89 d'aviser le
Directeur, de l'annulation ou de la résiliation d'une police nous semble
injustifiée.
En effet, cette mesure aurait pour effet d'accroître inutilement
les frais d'opérations des assureurs tout en n'apportant que des
résultats infimes si on les compare aux tracasseries qu'elles
entraîneraient.
NOUS RECOMMANDONS donc que les mots "qui doit aviser sans délai
le directeur de l'annulation ou de la résiliation de la police" soient
biffés de l'article no 89. c) Cette question de l'assurance obligatoire
nous amène à traiter aussi des dommages corporels causés
par certains véhicules et pour lesquels toute indemnité est
exclue par l'article 17 (b). L'article 74 impose l'assurance obligatoire dans
le cas de dommages matériels pour toute automobile circulant au
Québec. Le mot "automobile" tel qu'il est défini à
l'article 1.3 du projet de loi no 67 et au sens que lui donne le Code de la
route inclut les motoneiges, tracteurs de ferme, etc.. L'assurance de
responsabilité civile pour dommages matériels devient donc
obligatoire dans le cas de ces véhicules, et cela pour les accidents
survenant dans toutes circonstances. L'article 17 (b) exclut cependant le droit
à l'indemnisation du dommage corporel lorsque ces dommages
résultent d'un accident survenant en dehors du chemin public et
décrète que dans ces cas, l'indemnisation tombe sous le coup de
la responsabilité civile qui doit être déterminée
selon les règles du droit commun.
Si le législateur juge à propos d'imposer l'assurance
obligatoire dans le cas des dommages matériels causés par ces
véhicules et occasionnés dans les circonstances décrites
plus haut, il nous semble, à plus forte raison, nécessaire de
l'imposer aussi dans le cas des dommages corporels causés par ces
véhicules, en dehors des chemins publics.
A ce sujet, NOUS RECOMMANDONS que le troisième paragraphe de
l'article no 75 soit amendé pour que le contrat d'assurance
responsabilité garantisse aussi les personnes concernées de leur
responsabilité pour les dommages corporels causés par lesdits
véhicules en dehors d'un chemin public.
Renouvellement des contrats d'assurance
Faute d'explications touchant l'intention précise du
législateur, nous sommes d'avis que les obligations créées
par l'article no 80 peuvent devenir fort coûteuses pour l'une ou l'autre
des parties en cause à moins que toutes les éventualités
soient prévues dans la loi. Nous songeons par exemple d'une part,
à la possibilité d'une grève du personnel de l'assureur ou
du service de la poste, de l'annulation d'un traité de courtier, etc. et
d'autre part à l'absence de l'assuré de son domicile pour une
période prolongée ou toute autre raison qui empêcherait les
parties de donner l'avis requis.
Dans le cas où une police serait renouvelée en l'absence
d'avis de part et d'autre, non seulement la responsabilité de l'assureur
serait engagée, mais également celle de l'assuré qui
deviendrait responsable du paiement de la prime envers l'assureur,
indépendamment de son intention ou de son besoin de renouveler le
contrat. A notre avis, cette obligation pour l'assuré peut le placer
dans une situation très défavorable surtout dans une
période où le niveau des tarifs est à la baisse comme
actuellement.
Nous sommes d'avis qu'en l'absence d'une étude complète de
sa portée, faite conjointement par les techniciens du Gouvernement et
ceux des assureurs, cet article peut apporter aux parties en cause des ennuis
sérieux et des difficultés plus importantes que les avantages
prévus par le législateur.
Dans les circonstances, NOUS RECOMMANDONS que cet article soit
biffé jusqu'à ce qu'un texte amélioré puisse
être rédigé.
Annulation et résiliation des contrats
Les articles nos 81 et 82 ne peuvent pas faire l'objet de
recommandations définitives de notre part à moins de
connaître l'intention exacte de ces dispositions et les buts
précis visés par le législateur.
Le texte de ces articles semble toutefois comporter à tout le
moins des omissions importantes, sinon des contradictions. a) Par exemple,
comment expliquer le droit de l'assureur de mettre fin au contrat dans les 60
jours de son entrée en vigueur sur simple avis de cinq jours à
l'assuré? Ce premier alinéa de l'article no 81 nous semble placer
l'assuré dans une situation très défavorable
vis-à-vis l'assureur surtout dans le cadre de l'assurance
obligatoire.
Le régime actuel protège beaucoup mieux l'assuré
puisqu'en toutes circonstances, même lorsque l'assuré
néglige ou refuse de payer la prime, l'assureur ne peut, à toutes
fins pratiques, se libérer de ses engagements à moins d'un avis
de 15 jours signifié par courrier recommandé. Cet article
prévoit des délais de 5 jours d'une part et de 30 jours d'autre
part. Nous nous permettons de nous demander pourquoi le législateur n'a
pas tenté de respecter ceux prévus à l'article 2567 du
Code Civil tel qu'amendé par la Loi des Assurances. Pourquoi faut-il que
ces délais varient avec chaque nouvel article de chaque nouvelle loi, ce
qui ne peut que compliquer les choses indéfiniment.
Similairement, cet article stipule au deuxième paragraphe que
"pendant qu'il est en vigueur, le contrat d'assurance ne peut être
résilié par l'assureur...", là où le premier
paragraphe prévoit que l'assureur peut mettre fin au contrat pendant que
ce contrat est en vigueur, ce qui est une contradiction. Il semble
évident que les mots qui amorcent le deuxième paragraphe
résultent d'une erreur cléricale quelconque et doivent cependant
être corrigés de façon urgente. De plus, qui aura
juridiction pour interpréter l'expression "... en cas d'aggravation du
risque de nature à influencer sensiblement un assureur raisonnable dans
la décision de continuer à assurer..."? l'assureur?
l'assuré? ou le tribunal? Dans ce dernier cas, on peut imaginer
facilement la situation intenable dans laquelle seront l'assuré et
l'assureur jusqu'à ce que la question soit tranchée
définitivement!
D'autre part, l'avis de 30 jours exigé pour la résiliation
du contrat lorsque la prime n'a pas été payée nous semble
exagéré et sera sûrement de nature à provoquer des
abus par une certaine catégorie d'assurés et dont l'ensemble des
automobilistes feront les frais. b) L'article 80 traite spécifiquement
du renouvellement des contrats tandis que l'article 81 traite de
résiliation des contrats. M s'agit de deux situations autonomes.
A défaut d'une intention particulière du
législateur à ce sujet, et que nous ignorons, il nous
apparaît que les mots "Sous réserve des dispositions de l'article
81..." du premier alinéa de l'article 80 sont inutiles et risquent
d'être une source de confusion.
En effet, s'il peut dans l'esprit du législateur y avoir
interrelation entre les deux articles, il y aurait lieu de le
préciser.
NOUS RECOMMANDONS que la discussion de ces articles au niveau de la
Commission parlementaire et de l'Assemblée Nationale soit suspendue pour
permettre une étude plus approfondie de la question.
Responsabilité absolue de l'assureur a) Le mot
"déchéance" contenu dans l'article 106 pourrait-il s'appliquer au
cas d'une police non renouvelée?
Il faut se rappeler que la Loi de l'indemnisation des victimes
d'accident stipulait (article no 6) à ce sujet les causes de
nullité et de déchéance... susceptibles d'être
invoquées contre l'assuré. b) L'article 107 réfère
à... une indemnité à laquelle (l'assureur) n'est pas
obligé en vertu du contrat d'assurance.
Ceci pourrait-il s'appliquer dans le cas d'un paiement fait de bonne
foi, mais par erreur par l'assureur? Il y aurait peut-être lieu de
préciser: ... une indemnité à laquelle il est tenu par
l'article no 106 mais à laquelle il n'est pas obligé en vertu du
contrat d'assurance.
NOUS RECOMMANDONS que le texte de ces articles soit
révisé. Subrogation entre assureurs
Pour les raisons mentionnées précédemment, au titre
des dommages matériels, l'exercice de la subrogation entre assureurs
dans le cadre du régime d'indemnisation directe (article 103) devrait
pouvoir être modifié par la Corporation.
NOUS RECOMMANDONS donc que l'article 155 soit modifié en y
ajoutant un paragraphe: "5. aux modalités de l'exercice ou à
l'élimination du droit de subrogation entre assureurs".
Opération du fonds d'indemnisation a) L'article no 128 du
projet de loi stipule que le Fonds doit payer une indemnité à la
victime dans le cas où (128.3)... l'automobile n'est pas
identifiée lors de l'accident... et dans le cas où (128.4)...
l'auteur de l'accident est inconnu...
Nous sommes informés que le nombre de réclamations
payées depuis cinq ans par le Fonds d'indemnisation des victimes
d'accidents d'automobile relativement à des dommages subis dans les
circonstances plus haut mentionnées (128.3 et 128.4) c'est-à-dire
résultant de délits de fuite a augmenté de la façon
suivante: cette augmentation ne correspond ni à l'évolution de la
fréquence des accidents au Québec ni à l'augmentation de
la criminalité durant la même période.
Il est évident qu'une certaine catégorie de victimes ne
détenant pas d'assurance pour les dommages à leur véhicule
a découvert là un moyen facile de se faire indemniser
lorsqu'elles sont responsables de l'accident ou lorsque, par collusion, on veut
protéger le vrai responsable. Le Hinghway Victims Indemnity Fund de la
province d'Ontario n'a jamais été l'objet de tels abus puisque
dès la formation du Fonds, les réclamations résultant
d'accidents présumément survenus dans ces circonstances ont
été déclarées irrecevables. Plus récemment,
le Ontario Select Committee a de nouveau recommandé que ce genre de
réclamations demeure exclu de l'opération du H.V.I.F. En fait, il
s'agit d'un risqse contre lequel les automobiliste prévoyants se
protègent au moyen de l'assurance Collision.
Nous soumettons que l'article 128 tel qu'il est rédigé est
de nature à susciter des abus dont les automobilistes honnêtes
feraient les frais et NOUS RECOMMANDONS qu'il soit amendé en
conséquence. b) II est important que toutes les dispositions de la Loi
de l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile (statuts refondus
1964, chapitre 232) nécessaire à la liquidation complète
du Fonds demeure en vigueur aussi longtemps que nécessaire.
Dans les circonstances, NOUS RECOMMANDONS que l'article 181 du projet de
loi 67 soit amendé en ce sens et particulièrement aux
dispositions touchant les cotisations imposées aux assureurs ainsi que
les droits de subrogation du Fonds contre les personnes au nom de qui le Fonds
a versé des indemnités.
Corporation des assureurs autorisés a) Nous ne nous
opposons pas au principe de la Corporation dont l'existence et les
activités sont prévues aux articles 138 à 158 du projet de
loi.
En fait, le mandat que le projet de loi confie à la Corporation
se rapproche sensiblement des activités que le BAC exerce actuellement
au profit de ses compagnies membres et du public (statistiques, centre
d'estimation, préparation de formulaires standard, recherche,
barème de partage des responsabilités, traités ou entente
diverses, relations publiques, centres d'information, etc) pour l'ensemble des
provinces du Canada.
Nous ne pouvons toutefois éviter de constater que l'existence
d'un nouvel organisme comme la Corporation est de nature à causer
inévitablement une augmentation sensible des frais d'opérations
des assureurs par suite de la duplication de certains travaux qui seront
exécutés parallèlement par les deux organismes.
Considérant que les frais d'administration des assureurs font le
sujet d'une attention particulière dès qu'il est question
d'assurance automobile, il va de soi que toute initiative ayant pour effet d'en
créer de nouveaux sera de nature à susciter des critiques
sévères à l'endroit du Gouvernement et des assureurs.
A tout événement, le BAC offrira au gouvernement
québécois et le cas échéant, à la
Corporation des assureurs sa pleine et entière coopération en
mettant à leur disposition le fruit de l'expérience et des
données dont il dispose, et cela, dans la mesure où
l'intérêt de ses membres et du public pourront y gagner. b)
L'article 143 prescrit la présence obligatoire d'au moins un des deux
représentants du gouvernement aux séances du conseil
d'administration de la Corporation. Compte tenu des contrôles
déjà exercés par le Service des Assurances sur les
activités des assureurs et de la disponibilité totale des
assureurs pour une meilleure communication avec le Surintendant des Assurances,
nous ne voyons aucun avantage à cette formule. Elle comporte par contre
plusieurs inconvénients sérieux.
Nous recommandons donc que l'article 143 soit biffé
entièrement entièrement ou à tout le moins que le second
paragraphe soit éliminé de façon à ne pas faire
dépendre de la présence d'une personne en particulier, la tenue
d'une séance du conseil. c) L'article 149 du projet de loi stipule qu'un
fonds de développement de la Corporation est créé auquel
chaque assureur doit contribuer au moins vingt-cinq mille dollars.
Nous sommes d'accord quant à l'existence de ce fonds mais nous ne
croyons pas nécessaire d'en fixer le montant minimum avant que la
Corporation ait pu elle-même déterminer ses besoins en fonction du
mandat à exécuter et du calendrier de ses opérations. A ce
sujet, nous recommandons que l'article 149, tout en établissant le
principe du fonds, confie au Conseil d'administration de la Corporation la
responsabilité d'en fixer le montant et de déterminer le moment
où les assureurs devront y contribuer. d) Le terme "assureur
autorisé" tel qu'il est défini à l'article 1.2 du projet
de Loi comprend un réassureur puisque celui-ci détient en vertu
de la Loi sur les assurances un permis émanant du Surintendant, au
même titre qu'un assureur.
Or, ceci a pour effet d'inclure les réassureurs comme membre de
la Corporation visée à l'article 142, ce qui à notre avis
est injustifié, pour les raisons suivantes: 1) les réassureurs
n'ont aucun intérêt immédiat dans les activités de
la corporation; 2) il n'existe aucun lieu de nature juridique entre le public
assuré et le réassureur; 3) la représentation des
assureurs au Conseil d'administration de la Corporation comme d'ailleurs leur
contribution à ses frais d'administration, étant basée sur
le montant des primes brutes souscrites, l'appartenance des réassureurs
à la Corporation aurait pour résultat de faire contribuer
doublement les assureurs qui leur cèdent des affaires par opposition
à ceux qui réassurent leur portefeuille auprès de
réassureurs non agréés qui eux ne seront pas membres de la
Corporation.
NOUS RECOMMANDONS que le projet de loi soit modifié de
façon à exclure les réassureurs comme membres de la
Corporation.
Centre de distribution des risques
L'article no 152 stipule que la Corporation doit établir un
mécanisme propre à permettre à tout propriétaire
d'une automobile de trouver un assureur autorisé auprès de qui il
peut contracter l'assurance de responsabilité prévue à
l'article no 74.
A ce sujet, nous soulignons que les assureurs disposent depuis longtemps
des données et des moyens nécessaires à la mise en place
d'un tel organisme.
Au début de 1976, le BAC a offert au Ministre des Institutions
financières, compagnies et coopératives de mettre sur pied un
centre de distribution des risques qui aurait eu pour effet de fournir à
tout automobiliste autorisé par l'Etat à circuler sur nos routes,
l'assurance dont il a besoin.
La mise sur pied d'un tel organisme posait les problèmes d'ordre
juridique suivants: 1) Pour fonctionner adéquatement, un centre de
disposition doit compter sur la participation de tous les assureurs
agréés, sans exception. Il était donc nécessaire
pour le Gouvernement de légiférer en ce sens, ce qui n'a pas
été fait malgré la recommandation du BAC. 2) Un organisme
de distribution des risques doit pouvoir garantir aux automobilistes qu'ils
paieront une prime uniforme indépendamment de l'assureur auquel leur
risque est assigné. Cela suppose un livre de tarifs unique à tous
les assureurs dans le cas des catégories de risques faisant l'objet du
centre de distribution.
Or, les assureurs ne peuvent prendre une telle initiative sans s'exposer
à enfreindre la Loi concernant les enquêtes sur les coalitions
sauf si la chose est faite à la demande expresse d'un gouvernement
provincial.
Le Gouvernement québécois peut compter sur
l'entière coopération des assureurs à ce sujet au moment
où il le jugera à propos.
Centres d'estimation des dommages aux
automobiles
L'article 153 du projet de loi stipule que la Corporation doit
établir ou agréer des centres d'évaluation chargés
de faire l'évaluation du dommage subi par une automobile.
Il est bien connu que le BAC favorise la mise sur pied de tels
organismes et, à ce sujet, nous avons tenu le Gouvernement du
Québec au courant de tous nos travaux de recherches et des initiatives
que nous avons prises dans ce domaine depuis trois ans.
En fait, deux centres d'estimation approuvés par le BAC sont
présentement en opération en Ontario et en Alberta et nous sommes
en train d'en établir neuf autres dans ces provinces actuellement. Ces
centres sont opérés par des entrepreneurs indépendants et
fonctionnent selon des normes établies par le BAC qui en surveille
étroitement les activités.
Les sondages que nous avons faits indiquent hors de tout doute que les
automobilistes en sont très satisfaits et nos recherches
démontrent que leur efficacité est à l'avantage du public
assuré.
Au Québec, le BAC a fait des démarches nécessaires
pour amorcer l'établissement d'un réseau de centres d'estimation
au cours de l'année 1975 et 1976 et n'eut été du climat
d'incertitude qui a régné durant les derniers mois de 1976, au
sujet de toute la question de l'assurance automobile, plusieurs de ces centres
seraient déjà en opération chez nous.
Le BAC n'hésitera donc pas à collaborer aux efforts de la
Corporation dans ce domaine en mettant à sa disposition les
données qu'elle possède à ce sujet et nous souhaitons que
l'occasion nous en soit donnée dans les meilleurs délais.
Nous nous permettons de souligner le caractère catégorique
de l'article no 153 qui ne laisse aucune alternative à la Corporation
dans les cas où des solutions de rechange avantageuses pour les
automobilistes seraient portées à sa connaissance.
NOUS RECOM MAN DONSdonc que le premier alinéa de l'article no 153
soit remplacé par le suivant: 153. La Corporation doit dans les
meilleurs délais, soit établir ou agréer des centres
d'estimation chargés de faire l'évaluation du dommage subi par
une automobile, soit prendre d'autres mesures jugées acceptables par le
Ministre et pouvant arriver aux mêmes fins.
Date d'entrée en vigueur de la loi
Bien que le projet de loi n'en fasse pas mention, le Gouvernement a, par
ailleurs, indiqué son intention de faire en sorte que la loi et le
régime d'assurance prennent effet le 1er mars 1978.
Le BAC et les assureurs membres sont déterminés à
collaborer avec le Gouvernement à ce sujet dans toute la mesure de leurs
moyens.
Nous tenons à souligner cependant qu'il y a là une
tâche monumentale à accomplir dans un temps relativement court. Il
serait regrettable que des contraintes administratives inévitables
touchant le Gouvernement, la Régie de l'assurance automobile ou les
assureurs provoquent du mécontentement dans le public et diminuent ainsi
l'impact positif d'une réforme qui se veut constructive.
(Annexe)
Comité automobile
Rapport sur le respect des lois rendant l'assurance obligatoire,
à l'intention du conseil d'administration du bureau d'assurance du
Canada
Veuillez trouver ci-joint un rapport sur le respect des lois rendant
l'assurance obligatoire, préparé par notre comité en vue
de renforcer un premier rapport et ce, à la demande faite par le Conseil
d'administration au cours de sa réunion du 21 juillet 1977. Ce rapport
accorde un intérêt particulier aux opinions exprimées dans
le premier rapport de l'Ontario Select Committee, aux régimes
fondés sur le monopole dans les trois provinces de l'ouest, ainsi
qu'à d'autres renseignements. Il en vient à la conclusion qu'un
système basé sur une simple déclaration et assortie de
contrôles effectués au hasard pour sanctionner les
éventuelles infractions serait tout aussi efficace que l'ensemble des
mesures complexes qui ont été essayées ou
envisagées dans diverses régions. Elaboré à partir
du premier rapport de "l'Ontario Select Committee", ce rapport semble avoir un
champ d'application limité. De légères modifications
suffiraient toutefois à en étendre la portée.
R.-L. Monte Avocat-conseil adjoint
Comité automobile
Rapport sur le respect des lois rendant l'assurance obligatoire à
l'intention du conseil d'administration du bureau d'assurance du Canada
En 1976, notre comité s'était vu confier la tâche de
soumettre un rapport sur le rôle de l'industrie des assurances dans un
contexte d'assurance obligatoire. Ce rapport devait servir à
d'éventuelles prises de position de la part de nos membres.
Avant la soumission de notre rapport au Conseil d'administration,
l'Ontario Select Committee on Company Law publiait son premier rapport sur
l'assurance automobile. Devant l'importance de ce dernier, le Conseil
d'administration nous avait invités à poursuivre nos recherches,
notamment par une étude sur les meilleurs moyens d'assurer le respect
des lois rendant l'assurance obligatoire.
Tel est l'objet du présent rapport.
Le premier rapport de l'Ontario Select Committee on Company Law
préconisait une législation obligeant les propriétaires de
véhicules à souscrire une assurance automobile comportant les
chapitres Responsabilité Civile et Assurance Individuelle. Au cours de
ses travaux le Select Committee avait étudié de nombreux
régimes d'assurance obligatoire; notre comité a entrepris une
étude analogue.
Ces diverses études ont montré que les autres
régimes ont connu des résultats divers. Même dans les
provinces à monopole d'Etat (Colombie-Britannique, Saskatchewan et
Manitoba), il a été reconnu que le régime n'est pas
efficace à 100%. Le Select Committee a en effet souligné "qu'il
existera toujours un nombre minimum d'accidents de la route provoqués
par des conducteurs non assurés".
Au chapitre 25 le Select Committee affirme que les procédures
longues et complexes visant à faire appliquer l'assurance obligatoire
peuvent difficilement être mises en application. Nos recherches
aboutissent à la même conclusion: citons l'exemple de l'Etat de
New-York, où 90% seulement des véhicules sont assurés
alors que les frais de mise en application s'élèvent chaque
année à plusieurs millions de dollars. En outre, le nombre des
véhicules non assurés y a doublé au cours des six
dernières années, et ce, malgré le renforcement des
mesures d'application. Ces résultats tendent donc à
démontrer l'importance qu'il y a à tenir compte de certains
facteurs économiques dans l'élaboration de tout
système.
Le Select Committee préconisait le contrat irrévocable,
sans toutefois préciser ce qu'il entendait par cette expression. A notre
sens il s'agissait d'un contrat qui ne pourrait jamais être
résilié, même en cas de non-paiement de la prime.
Après avoir étudié la question, notre comité en est
arrivé aux conclusions suivantes: 1. Il faut noter que
l'irrévocabilité du contrat n'est pas indispensable. 2. Un
contrat de ce genre exigerait le paiement intégral de la prime, à
l'avance. L'actuelle possibilité d'une couverture immédiate en
serait considérablement réduite et peut-être même
supprimée, en fonction des moyens du proposant/assuré. 3. La
formule du paiement à l'avance pourrait convenir à un
régime de monopole d'Etat mais rencontrerait inévitablement
l'opposition du public dans un système de libre entreprise. Le monopole
d'Etat a dû céder aux pressions et autoriser des modalités
de paiement différé. Ce qui réduit à néant
la valeur des contrôles étant donné la possibilité
de résiliation. Sans parler du fait qu'ainsi les payeurs feront les
frais du défaut des non-payeurs. 4. Il existe de nombreux cas où
il importe que le contrat soit résiliable: vente ou destruction du
véhicule, déménagement ou décès de
l'assuré, etc. 5. Tout assuré devrait avoir la possibilité
de résilier son contrat et de changer d'assureur.
Le Select Committee reconnaît au chapitre 26 qu'aucun
système d'application, si bon soit-il, ne pourra empêcher
l'existence d'au moins quatre cas de non-assurance du tiers: véhicules
volés, véhicules immatriculés ailleurs, véhicules
non immatriculés, délit de fuite, etc. Comme l'indiquaitle Select Committee "le système d'assurance automobile obligatoire
vise à ce que chaque automobiliste soit assuré, de manière
à ce que le mécanisme de la répartition des sinistres
fonctionne le mieux possible".
Nous reconnaissons que le principal souci du gouvernement réside
dans l'indemnisation équitable des victimes innocentes. Aucun
système d'assurance obligatoire ne peut totalement atteindre cet
objectif et, comme l'a reconnu le Select Committee, un fonds d'indemnisation
sera toujours nécessaire, sous une forme ou sous une autre.
Nous devons donc apporter notre soutien au gouvernement pour que soit
respectée, par le plus grand nombre d'automobilistes, les lois sur
l'assurance obligatoire. L'étude d'autres lois rendant l'assurance
obligatoire ainsi que des méthodes d'application utilisées
ailleurs révèle un certain nombre de dispositions courantes. Les
caractéristiques essentielles ainsi que l'efficacité
des mécanismes d'application de l'assurance obligatoire sont les
suivantes:
Système d'information
Un des mécanismes d'application requiert un échange de
renseignements entre l'assureur et le bureau des véhicules automobiles.
Toute substitution de véhicule ou résiliation doit être
déclarée par écrit. Des variantes de ce système
sont actuellement en vigueur dans l'Ile-du-Prince-Edouard et dans certains
états des Etats-Unis. Ce genre de système manuel, tel qu'il est
pratiqué dans l'Etat du Maryland, est exposé à la page 326
du rapport du Select Committee. Il a deux désavantages évidents,
à savoir les quantités de papier nécessaires et les
retards dans la mise à jour des données.
Une autre façon d'aborder le problème serait d'utiliser un
système informatique pouvant enregistrer toute substitution ou
destruction du véhicule de même que toute résiliation. Les
experts conseils du Select Committee en sont venus à la conclusion qu'il
serait impossible de mettre en mémoire sur ordinateur et de garder
à jour tous les renseignements concernant les immatriculations, les
assurances et les personnes.
Un autre système a été proposé, basé
sur une simple déclaration de l'assuré donnant les
précisions voulues. Toute personne devrait, lors de l'immatriculation de
son véhicule, signer un document attestant qu'elle est en possession
d'une assurance convenable. Les fausses déclarations
entraîneraient de fortes amendes. D'autres sanctions s'appliqueraient aux
conducteurs de véhicules non assurés (amendes, confiscation du
véhicule, suspension du permis, etc.) Le système de la simple
déclaration est en vigueur en Ontario et la loi 67 en propose
l'application au Québec. Une variante de ce système exige de la
part de l'assuré la remise de sa plaque d'immatriculation comme
condition de résiliation du contrat. Le I.I.C.M.V.A. a, lui aussi,
recommandé ce système tout en estimant que tout système
visant à découvrir la minorité non assurée en
surveillant la majorité qui l'est finit par perdre toute
efficacité et entraîne par ailleurs un harcèlement
injustifié du public (Rapport du Select Committee, p. 327).
Contrôle
Diverses méthodes ont été élaborées
pour la mise en application des lois rendant l'assurance obligatoire et pour la
vérification, au hasard, du respect de ces lois. Au Manitoba et en
Saskatchewan par exemple, l'immatriculation atteste l'assurance. En effet,
aucune plaque d'immatriculation ne peut être délivrée si le
véhicule n'est pas assuré et, inversement, aucune assurance ne
peut être résiliée sans la remise des plaques. Celles-ci
restent en la possession du propriétaire du véhicule et sont
enlevées lorsque ce dernier est vendu ou détruit. Si au bout d'un
certain nombre de jours le véhicule n'est pas remplacé, le
propriétaire doit rendre les plaques. La résiliation en cas, par
exemple, de non-paiement, entraîne le retrait des plaques. Ce
système n'est toutefois pas infaillible: en effet, de longues recherches
sont parfois nécessaires dans les cas où des individus refusent
délibérément de remettre les plaques. En outre, un
véhicule peut porter des plaques volées et sembler assuré
alors qu'il ne l'est pas.
Un autre système repose sur l'utilisation d'un certificat
d'assurance par véhicule. Les plaques ne peuvent être obtenues que
sur présentation d'un certificat d'assurance. D'autre part, toute
résiliation d'assurance nécessite la remise du certificat
d'assurance ou d'un document signé en attestant la perte ou la
destruction. Des sanctions sont prévues pour toute personne
présentant un certificat d'assurance malgré l'absence
d'assurance, pour toute personne utilisant un certificat après
expiration ou résiliation de l'assurance et pour toute personne ne
s'étant pas conformée à une demande de remise de
certificat. Ce système est en vigueur depuis 17 ans au Royaume-Uni et
n'a jamais eu à être modifié en profondeur. Il comporte
cependant des inconvénients: il fait dans une certaine mesure double
emploi avec l'immatriculation des véhicules, et il peut être
déjoué par déclaration mensongère de perte
après encaissement de la ristourne, ou par falsification.
Le système du contrat irrévocable est également un
système d'attestation, avec les désavantages que nous avons
signalés ci-dessus. Basé sur la simple déclaration, il
peut être déjoué par le mensonge. Par contre, c'est le plus
simple du point de vue administratif et c'est, toutes proportions
gardées, le moins coûteux. Et finalement, il fonctionne de
façon satisfaisante, du moins en Ontario à l'heure actuelle.
Mise en application
Diverses méthodes ont été utilisées pour
assurer le respect des lois sur l'assurance obligatoire: présentation
d'un certificat d'assurance comme condition d'immatriculation, contrôles
routiers, sur les lieux des accidents ou à l'occasion d'infractions,
etc. Ces mesures sont assorties de sanctions en cas d'infraction à la
loi: amendes, incarcération, retrait des plaques, confiscation du
véhicule ou encore retrait du permis de conduire.
Conclusions
A l'issue de ses recherches sur les divers régimes d'assurance,
notre comité en est venu à la conclusion que le nombre des
automobilistes non assurés a peut-être tendance à
être légèrement inférieur dans les provinces du
Canada où l'assurance automobile relève d'un monopole d'Etat.
Cela tient à la possibilité d'exercer un certain degré de
contrôle lorsqu'un même organisme émet à la fois les
plaques et l'assurance. En pareil cas, et pourvu que la prime soit payable
d'avance et que la durée de validité des plaques et de
l'assurance soit la même, les cas de non-assurance des tiers se
limiteraient aux véhicules immatriculés ailleurs, aux
véhicules volés, aux délits de fuite et aux
véhicules sans plaques valables. Cependant, même en Saskatchewan,
seule province qui requiert le paiement d'avance de la prime, la loi n'est pas
intégralement respectée.
Le Select Committee a calculé qu'environ 3% des automobilistes
ont choisi de verser une somme au Fonds au moment de l'immatriculation, parce
qu'ils n'étaient pas assurés. Si l'on ajoute à ce chiffre
le nombre des propriétaires dont l'assurance a été
résiliée ou a expiré, ou qui ont fait des
déclarations mensongères, le total des automobilistes non
assurés est évidemment plus élevé. Il faut noter
cependant qu'actuellement aucune loi ne rend l'assurance obligatoire en Ontario
et que la simple adoption d'une telle loi amènerait un certain nombre
d'automobilistes non assurés à s'y conformer. Compte tenu du fait
qu'en Ontario l'assurance, même si elle n'est pas obligatoire, constitue
un moyen assez largement reconnu d'attestation de responsabilité
financière et, conscient des résultats de l'Etat de New-York,
notre comité estime que toute loi visant à rendre l'assurance
obligatoire devrait prévoir l'établissement d'une période
d'essai suivie d'une analyse de la mesure dans laquelle cette loi aura
été respectée. En effet, il serait bon, avant de mettre en
place des mécanismes coûteux et complexes, de s'assurer de leur
nécessité. En outre, on se trouve encore une fois
confronté au fait que le rendement est inversement proportionnel
à la quantité. Le fait que le rôle premier de notre
industrie dans un régime d'assurance obligatoire est la protection de la
victime innocente vient renforcer nos conclusions. Nous pensons raisonnable de
prévoir que l'adoption de la loi ramènerait d'office le nombre
des véhicules non assurés à moins de 3 ou 4% et ce, sans
nécessiter d'autre mécanisme que la simple déclaration,
assortie des contrôles et des sanctions voulus.
Nous n'avons pu, faute de temps, effectuer les longues recherches
nécessaires à l'estimation précise du coût des
divers systèmes de contrôle mis en place (notamment les
déclarations de résiliation, de substitution, etc.).
Recommandations
Notre comité propose les recommandations ci-dessous: 1. Simple
déclaration
Déclaration faite par le propriétaire du véhicule
lors de l'immatriculation ou par le conducteur à toute époque,
attestant que le véhicule est assuré conformément à
la loi. Des sanctions doivent être appliquées: 1) pour utilisation
d'un véhicule non assuré et 2) pour fausse déclaration
d'assurance. Ce système, convenablement administré et
appliqué, pourrait servir de base à l'établissement de
modalités de contrôle supplémentaires. Les compagnies
devraient continuer à procurer à leurs clients les "cartes
d'assurance automobile interprovinciale du Canada", pour faciliter
l'établissement de déclarations d'assurance. 2.
Vérifications
Les vérifications peuvent s'effectuer lors d'accidents,
d'arrêts pour infractions au Code de la route, de contrôles
routiers ou encore au hasard. Les agents de police et le personnel du bureau
des véhicules automobiles devraient être en possession d'un
formulaire uniforme pour consigner les détails voulus sur l'assurance.
Ce formulaire pourrait être adressé en deux exemplaires à
l'assureur, qui en retournerait un si l'assurance n'était pas valide au
moment du contrôle. 3. Maintien du Fonds d'indemnisation
L'introduction de l'assurance obligatoire, assortie de mesures
d'application convenables, réduira, sans toutefois les supprimer
complètement, les réclamations adressées au Fonds. La
charge du Fonds pourrait être réduite encore davantage par
l'introduction d'une garantie contre
la non-assurance des tiers devant intervenir avant le Fonds. Etant
donné la rareté des cas de ce genre (véhicules
immatriculés ailleurs, véhicules volés ou non
immatriculés, délits de fuite, etc.), cette garantie serait d'un
coût minime. Elle offrirait en outre l'avantage de permettre à
l'assuré de choisir le montant d'assurance. Le Fonds n'aurait plus
à indemniser que les personnes ne pouvant bénéficier
d'aucun paiement de la part d'un assureur automobile et victimes d'accidents
occasionnés par des tiers non assurés.
Notre comité estime que ces diverses mesures seraient tout aussi
efficaces que la plupart de celles, beaucoup plus complexes, qui sont
été essayées ou envisagées jusqu'ici. Leur
simplicité en constitue le principal avantage. Leur succès n'en
dépendra pas à moins de la mesure dans laquelle elles seront
respectées et des sanctions prévues.
Pour tous renseignements concernant les systèmes en vigueur en
Amérique du Nord, voir l'annexe A.
Le Comité automobile. Août 1977