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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 13 octobre 1977 - Vol. 19 N° 202

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est de nouveau réunie ce matin pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission sont, dans l'ordre: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Léves-que (Kamouraska-Témiscouata) remplace M. Gos-selin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Landry (Fabre); M. Larivière (Pontiac), M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud), M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

Les organismes convoqués pour aujourd'hui sont, dans l'ordre: le Barreau du Québec, dont le porte-parole est M. Viateur Bergeron; l'Association du camionnage du Québec Inc.; l'Association des marchands de motos du Québec et le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec Inc.

Nous avons ce matin, pour commencer, le Barreau du Québec et, sans plus tarder, je demanderais à M. Viateur Bergeron de bien vouloir prendre la parole.

Barreau du Québec

M. Bergeron (Viateur): M. le Président, Mme le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, comme bâtonnier du Québec, je voudrais d'abord présenter ceux qui m'accompagnent pour la présentation de ce mémoire et ceux qui ont travaillé à sa préparation. A ma droite immédiate, Me Guy Pépin, vice-président du Barreau; à sa droite, Me Michaud, avocat de Montréal et membre du comité; à l'extrême droite, M. le bâtonnier Brassard, membre du comité et bâtonnier sortant; à ma gauche immédiate, Me Jean Cré-peau, de Montréal, membre du comité, et à l'extrême gauche, Me André Biron, membre du comité de l'assurance automobile de Drummondville.

Je voudrais aussi souligner la présence de M. le bâtonnier Dugas, des Laurentides, et de M. le bâtonnier Dubé, de Saint-François, de même que la présence de Me Pierre Panneton, directeur général, et la présence de Me Micheline Audette Filion, directeur de la recherche au Barreau, qui a travaillé à la préparation et à la présentation de ce mémoire.

A l'aide de cette équipe, je vais tenter de vous présenter notre point de vue sur la réforme proposée en matière d'assurance automobile et, plus particulièrement, en fonction du projet de loi 67. Nous sommes heureux d'être présents ici ce matin et nous sommes prêts à discuter avec les membres de la commission du projet de loi 67 et de notre mémoire que vous avez sans doute lu et que je ne relirai pas ce matin.

Il serait, je pense, impossible de passer sous silence notre opposition à ce projet de loi, car nous estimons que 66% des victimes d'accidents d'automobile recevront moins que sous le régime actuel. C'est un pourcentage qui nous apparait imposant. Nous répétons donc notre opposition au principe de base inscrit dans le projet de loi 67, ceci dit, en tout respect et dans la plus saine démocratie, nous le croyons.

Nous avons d'ailleurs déclaré publiquement, et nous maintenons cette déclaration, que nous étions prêts malgré tout — une fois qu'on aura répété et inscrit notre opposition au principe — à collaborer avec le gouvernement, les membres de la commission parlementaire et les législateurs québécois pour tenter de corriger les lacunes que nous estimons sérieuses dans ce projet afin, évidemment, d'éviter des injustices et des situations fâcheuses pour ceux qui seront — nous croyons, à certains égards — non seulement victimes d'accidents d'automobile mais des victimes possibles d'un régime mal organisé.

En conséquence, nous allons tenter tout à l'heure, dans une critique, article par article, — qui sera faite par mon confrère, M. Jacques Crépeau, comme un peu le centre de notre présentation — de démontrer comment certains problèmes existent et comment on devrait tenter de les corriger. Cependant, je voudrais, devant cette commission parlementaire, réitérer les positions que nous avons fait connaître publiquement au gouvernement, aux législateurs et à tous les citoyens de cette province depuis 1971, plus particulièrement et de façon plus soutenue, depuis 1974.

Premièrement, nous voulons dire — et qu'il soit clairement entendu, je l'espère — que le Barreau ne favorise pas le statu quo. Nous voulons des changements. Nous avons proposé depuis 1974 des réformes importantes, fondamentales, qui n'ont pas été faites, l'assurance obligatoire. Depuis 1974, le Barreau répète sur tous les tons et à toutes les occasions qu'il lui est donné de le faire qu'il faut mettre au plus tôt l'assurance obligatoire pour tous les conducteurs et propriétaires d'automobile. Je pense que là-dessus notre position est claire. J'espère que nous sommes bien compris, elle n'a pas changé.

Deuxièmement, nous avons dit depuis 1974 que nous voulions un régime de base d'indemnisation immédiate sans égard à la faute avec un minimum raisonnable pour toutes les victimes d'accidents d'automobile. Nous maintenons toujours cette position. Nous voulons également le

maintien de la notion de responsabilité et le maintien du droit de recours pour les victimes innocentes. Elles représentent environ 70% des victimes d'accidents d'automobile.

Nous voulons ce maintien du droit de recours au moins pour le surplus et aussi, comme nous l'avons dit dans notre mémoire, pour les cas qui ne seraient pas couverts. Enfin, nous voulons une réparation intégrale du préjudice pour les victimes innocentes. Cela veut dire une base minimale pour tous, avec la possibilité de recouvrer tous les dommages par la suite. Nous avons longtemps parlé et nous avons peut-être été parmi les premiers... Ceux qui sont dans ce comité depuis longtemps m'ont dit que le Barreau avait fait rire de lui quand il a parlé, la première fois, de sécurité routière et de diminution de la vitesse.

Nous répétons depuis 1971, 1974, 1977, que nous voulons une véritable sécurité routière. Nous pensons qu'il est dangereux de l'oublier, car il semble que peu de personnes en parlent ces temps-ci. Tout le monde s'étant dit d'accord là-dessus, on n'en parle plus et nous ne sommes pas convaincus qu'on en fait plus maigre tout, parce qu'évidemment, nous sommes d'accord et nous avons dit depuis longtemps que la première et la plus sûre façon de réduire le coût de l'assurance, c'est évidemment de diminuer le nombre et la gravité des accidents d'automobile; et cette réduction, elle peut être le plus sûrement atteinte par la sécurité routière véritable.

Les régimes juridiques proposés par Mme le ministre, par le gouvernement, le plan du BAC, notre plan, l'ancien régime, tous ces régimes juridiques, nous croyons qu'ils ne peuvent que peu de choses pour corriger immédiatement les lacunes de la sécurité routière. Depuis 1971, c'est notre prétention; il nous apparaît qu'il y a eu dans ce domaine, des progrès, mais ces progrès sont beaucoup trop timides ou pas assez importants. Il y a eu un progrès marqué, ces dernières années, et évidemment, tout le monde sait que cela s'est trouvé marqué par une diminution importante des accidents et de leur gravité.

Donc, baisser raisonnablement les limites de vitesse. Cela veut dire qu'il faut se servir de son bon sens quand on est sur une autoroute. Peut-être qu'il n'est pas nécessaire de baisser cela de façon aussi dramatique qu'en certains endroits. Il faudra étudier la question. Je ne veux pas entrer dans les détails ici. Je dis raisonnablement, parce qu'il est inutile de bloquer tout le monde à 20 milles à l'heure partout. Surveillance accrue. Nous pensons que c'est là que la faiblesse est plus grande. Et, évidemment, une pénalisation sérieuse des contrevenants. C'est incroyable comme aujourd'hui on a peur de punir les gens.

Il n'y a plus de faute et on ne veut plus qu'il y en ait; et quand on veut punir les gens, aussi bien en matière de sécurité routière qu'ailleurs, on est très timide et très hésitant. C'est normal, dans le contexte social où nous vivons, où on rejette, en somme, la notion de responsabilité. Voilà les grandes positions que nous avons prises dans le passé, qui sont répétées en substance dans notre mémoire. Nous voudrions aussi soulever ce que nous estimons comme les plus grandes faiblesses du plan proposé. Evidemment, on a fait grand état qu'on voulait un régime complet. Nous soumettons respectueusement que l'on veut remplacer un régime incomplet par un autre régime incomplet, mais ils ne sont pas incomplets de la même façon.

On va changer le mal de place sans corriger vraiment le mal. Premièrement, et le point le plus important, celui sur lequel nous sommes tous très sensibles, évidemment, c'est que ce régime, à notre avis, propose une mauvaise indemnisation des victimes d'accidents d'automobile. Tout le monde s'occupe des victimes d'accidents d'automobile et c'est correct. Premier point qui nous apparaît des plus importants: Sept jours de perte de salaire, sept jours de carence pour toutes les victimes responsables ou innocentes. Cela veut dire au moins, dépendant comment on interprète les sept jours, au moins une semaine de salaire.

Nous avons parlé de cela en particulier, dans notre mémoire, à la page 42 et à la page 43. Etant un avocat qui a fait beaucoup de budgets familiaux, j'ai été très sensible à cette franchise d'avaries. Je sais jusqu'à quel point c'est dramatique pour les moins bien nantis. Les mieux nantis se défendent toujours bien dans tous les régimes. Mais pour les moins bien nantis, une semaine de carence, sept jours de perte, une semaine de salaire, c'est épouvantable. C'est le loyer qu'on ne pourra pas payer, ce sont les factures qu'on ne pourra pas acquitter, c'est le paiement sur la voiture qu'on ne pourra pas faire. Les gens, dans une très large proportion, n'ont pas du tout les moyens de perdre une semaine de salaire.

Nous ne nous inquiétons point des bien nantis, quand nous disons cela. Nous nous inquiétons de ceux qui vivent, malheureusement, à la semaine. Nous estimons qu'il est inacceptable qu'une victime innocente soit privée d'une semaine de salaire pour rien. Elle n'a commis aucune faute et on n'a pas le droit, nous semble-t-il, de la priver de ce salaire dont elle a un besoin absolu.

Deuxièmement, une perte de 10% du revenu net pendant toute la durée de l'incapacité, ou, si vous voulez, 90% du revenu net, par rapport au régime actuel où on accorde et on réclame et on reçoit 100% du revenu brut, ce qui fait une très grande différence.

Troisièmement, une perte d'au-dessus de $13 500 environ du revenu net, dépendant des charges familiales, donc un plafond au-dessus de la tète de tous les travailleurs de $13 500 de revenu net pour lesquels on ne peut être compensé qu'à la condition d'être assuré par une assurance excédentaire qu'il va falloir payer et que les piétons seront obligés de s'acheter pour être couverts, même quand ils n'ont pas d'automobile, par rapport au régime actuel qui donne 100% du revenu brut à tout le monde.

Quatrièmement, une insuffisance des indemnités, particulièrement en matière d'incapacité partielle permanente. Cela veut dire que la personne qui a perdu 15% de capacité de travail sera

compensée, selon un des articles de votre programme, jusqu'à concurrence d'une grille sur une somme globale de $20 000 qui va couvrir toutes sortes d'autres choses. Nous estimons que c'est la réclamation la plus importante de la plupart des victimes d'accidents d'automobiles graves et que, par conséquent, c'est là qu'elles perdront le plus, par rapport au régime actuel.

Cinquièmement, une insuffisance et une différence difficilement acceptables, il nous semble, dans le cas de décès, particulièrement dans le cas des ménagères et des enfants. Nous reviendrons évidemment sur tous ces points ou sur certains d'entre eux dans l'étude article par article.

Enfin, deuxièmement, notre deuxième critique la plus sérieuse, celle qui est notre plus grande crainte, c'est ia mainmise de l'Etat sur le citoyen. Les victimes d'accidents d'automobile vont tous devenir, comme je l'ai déjà déclaré, sauf les mieux nantis, qui auront été assez heureux pour se prendre une assurance excédentaire, des assistés sociaux de l'automobile. Je pense que personne n'aime devenir assisté social— et j'en ai rencontré suffisamment dans ma vie pour dire que j'ai le plus grand respect pour eux et que peu de gens aiment leur sort d'assisté social. Pas plus moi qu'un autre, ne veux devenir un assité social de l'automobile à la suite d'un accident dont je ne suis pas responsable, survenu alors que je marche en toute quiétude sur le trottoir, sain de corps et d'esprit, et que je me fais ramasser par quelqu'un qui commet une faute lourde et qui s'en sauvera, sauf pour une pénalité d'ordre pénal si on prouve hors de tout doute sa culpabilité et si les gens ont le courage de le poursuivre. Parce que si on prend certaines écoles de pensée en criminologie, il n'y a plus personne de coupable de toute façon.

On peut dire en badinant qu'on va mettre le citoyen en boîte, dont les mesures seraient 12-47-69. Or, 12-47-69, c'est la belle petite boîte dans laquelle on va mettre le citoyen. Là, il faudra bien qu'il soit gentil avec tous les organismes gouvernementaux avec qui il va traiter dorénavant. Ces organismes surveilleront d'ailleurs son comportement de quinze jours en quinze jours pour savoir s'ils lui remettent son chèque ou non.

Les articles 12, 47 et 69, on en reparlera dans le travail d'étude de la loi, article par article. Je voudrais dire un mot du caractère le plus absolu et de l'arbitraire le plus total dans lequel vont opérer les organismes gouvernementaux qui administreraient ce régime. Ces organismes qui font généralement partie de l'appareil gouvernemental et qui n'en sont point indépendants sont la Régie de l'assurance automobile, évidemment, la Commission des accidents du travail, qui aura vraisemblablement un contrat avec la régie ou possiblement, la Commission des affaires sociales et les fonctionnaires délégués, car, il y a une catégorie qui est plutôt cachée, mais que j'ai baptisée les fonctionnaires délégués.

D'ailleurs, en passant, si on veut prouver qu'il s'agit de l'assistance sociale automobile, il faut bien se rappeler que c'est la Commission des affaires sociales qui entendra l'appel en dernier ressort.

Ces organismes et ces personnes, je ne mets pas en doute leurs qualités, ni leur intégrité, ni leur bon sens, ni leur honnêteté. Cependant, on leur demande de faire des choses impossibles. Ce sont ces personnes ou ces organismes qui vont juger du bien-fondé des indemnités, de la quotité de l'indemnité, du droit à l'indemnité, et qui vont se rendre des jugements à elles-mêmes contre elles-mêmes.

Elles vont payer la condamnation qu'elles se sont elles-mêmes donnée. Je n'ai jamais vu cela dans aucun système. C'est une situation de conflit d'intérêts inimaginable et insupportable pour tout le monde et dans laquelle les personnes qui y seront prises seront les premières à en souffrir.

On veut faire jouer à ces organismes le rôle d'assureur et de tribunal en même temps. Il y a une différence importante entre ces organismes et les tribunaux de droit commun qu'on appelle souvent les tribunaux ordinaires.

D'abord, les personnes qui sont nommées juges — on sait qu'on essaie de les choisir avec le plus grand soin, on en exige une certaine expérience minimale et des qualifications et, évidemment, on les nomme à vie ou jusqu'à l'âge de la retraite avec une amovibilité pas absolue, mais très grande, dans le but d'assurer leur indépendance et leur impartialité. Dans le monde occidental, on a toujours pensé que les juges doivent être impartiaux, indépendants et ne pas être reliés au pouvoir législatif et exécutif. On a toujours pensé cela, depuis au moins trois cents ans. Beaucoup de gens ont mis cela en doute mais on est toujours revenu à ce concept de base, séparation du judiciaire avec le législatif et l'exécutif, ne pas demander aux gens de se condamner eux-mêmes. Or, les personnes qui seront nommées à ces différents organismes, sans entrer dans le détail technique de chacune des lois, seront nommées pour des périodes qui n'excèdent pas dix ans, cinq ans ou trois ans. Elles n'ont donc curieusement pas la sécurité d'emploi d'un professeur d'université, qui a la permanence. La permanence des professeurs d'université leur a été donnée pour garantir leur liberté universitaire. Dans toutes les universités du monde, on croit à cela, c'est la grande règle. Sans permanence, on dit qu'il n'y a pas de liberté. Il n'y a pas de possibilité d'action libre de la part d'un professeur d'université.

C'est la même chose de la part d'un régisseur, d'un commissaire, quel qu'il soit. Le pauvre, s'il dépend du bon vouloir du ministre X, Y ou Z, ou du lieutenant-gouverneur en conseil ou du gouvernement — appelez-le comme vous voudrez — pour être renommé dans trois ans, il est mieux de faire attention à ce qu'il dit et à ce qu'il fait. C'est normal et naturel — je n'attaque pas le présent gouvernement là-dessus, je ne fais confiance à aucun gouvernement, de quelque parti qu'il soit — je ne veux pas donner à un gouvernement le pouvoir de vivre ou de ne pas vivre à des gens qui vont juger le gouvernement au lieu de me payer.

En conséquence, nous estimons que ces organismes ne sont pas constitués de personnes à qui on a donné des moyens d'être indépendantes.

II n'y a rien qui nous dit qu'on ne leur donnera pas des directives, il y a des exemples là-dessus, dans lesquels je ne veux pas entrer maintenant, mais il y en a, on pourra vous les fournir un jour, si vous voulez.

Par conséquent, d'un côté, on veut améliorer les règles concernant la nomination des juges. Par exemple, le nouveau gouvernement a fait de nouvelles règles pour nommer les juges en niveau provincial selon des critères de plus grande sécurité quant à l'intégrité, la compétence, l'honnêteté et la capacité d'un juge. Nous avons approuvé le Barreau sur ces nouvelles règles et nous avons dit: On va en faire un essai loyal. On pense que c'est un pas dans la bonne direction, et nous avons collaboré — les affaires sont concrètes — avec le gouvernement dans ce nouveau régime que nous étudions et auquel nous suggérerons peut-être des améliorations. Les commentaires de ceux qui y ont participé comme avocats, dans les jurys, sont très intéressants jusqu'à maintenant. Tant mieux! On cherche depuis longtemps à améliorer la façon dont on nomme les juges.

Evidemment, on ne peut pas nommer tous les fonctionnaires du gouvernement ou tous les commissaires du gouvernement selon le même système. On nous répondra tout de suite que c'est trop lourd. Ce qu'il ne faut pas faire, c'est demander à des gens qui sont membres d'organismes comme ceux-là, qui n'ont aucune garantie ni aucun moyen d'être de vrais juges, de jouer au juge; il faut laisser cela aux tribunaux ordinaires. C'est aussi simple que cela. Les tribunaux ordinaires, par exemple, ne font pas rapport au ministre responsable de la loi, n'envoient pas copie de la déclaration ou de la réclamation qu'ils viennent de recevoir au ministre chargé de l'application de la loi, comme dans le cas de la Loi de la Commission des affaires sociales.

La réclamation ou la déclaration doit être envoyée au ministre pour qu'il intervienne. Il n'y a rien, dans le projet actuel ni dans la loi 49, qui dit que cela ne se passera pas ainsi. Cela va être envoyé au ministre responsable, je ne sais pas lequel parce que, là, j'imagine que ce ne sera pas le ministre des Affaires sociales qui va recevoir les réclamations à la Commission des affaires sociales. On va sans doute créer une cinquième division qui va s'appeler la division des assistés sociaux de l'automobile, et là, on va faire rapport au ministre, à Mme Payette, ou au ministre qui sera alors en fonction, dans ce poste, et le ministre pourra intervenir pour protéger son assureur, son tribunal, et sa victime qui est un consommateur. Mais, Mme le ministre, je pense que vous assumez là une tâche impossible. Vous avez beaucoup de talents, mais il y a des tâches qu'on ne peut pas combiner. Je n'ai jamais pu défendre le demandeur et le défendeur en même temps, j'y ai toujours renoncé. J'ai été obligé, comme beaucoup d'avocats, de refuser des causes parce que, par hasard, j'avais été consulté par les deux. Cela s'appelle un conflit d'intérêts.

Ces commissions posent aussi un problème d'accès aux contribuables. Les tribunaux ordinai- res: Cour supérieure, Cour provinciale, sont distribués dans la province non seulement en fonction de la population mais en fonction de la géographie, et, au Québec, c'est une des matières qu'on ne connait pas beaucoup, la géographie. Je peux vous dire cela. Je viens de Hull, et, en dehors de Québec et de Montréal, il y en a plusieurs qui ne savent pas qu'il y a autre chose qui existe à part cela. Je n'ai rien contre Québec et Montréal, ce . sont de vraies belles villes et très importantes, mais les tribunaux ont été bâtis par des gens qui connaissaient la géographie — on en a distribué dans plus de 30 districts différents pour couvrir la province.

Pourquoi? Pour une seule raison, rendre la justice proche du justiciable. Avec un greffe, c'est-à-dire un secrétariat, on peut aller voir nos papiers sans problème, sans téléphoner "longue distance", comme on dit, et sans faire des voyages. On a vécu à ce sujet une expérience qu'il est bon de mentionner ici.

Quand la nouvelle loi du divorce a été créée, il y avait deux greffes, si ma mémoire est bonne, un à Montréal et un à Québec. Pour les avocats qui ne pratiquaient pas à Montréal ou à Québec, c'était absolument insupportable. L'association des avocats de la province, qui était alors présidée par Me André Biron, a fait des représentations à tous les niveaux de gouvernements pertinents pour dire: II faut changer cela. Vous avez créé, il y a 100 ans, des districts judiciaires, alors, respectez votre géographie judiciaire, faites qu'il y ait un greffe de divorce dans chaque district judiciaire.

Je peux vous dire qu'il y a des vieux dossiers qui traînent encore au greffe de Montréal en ce qui concerne le greffe de Hull; on n'avait pas encore réussi à les faire déménager. Chaque fois qu'on avait besoin d'aller regarder un document là-dedans, c'était épouvantable à retrouver et cela coûte des frais de transport et de téléphone, des démarches incroyables pour le justiciable.

C'est évident que c'est le justiciable qui paie à la fin. On veut que la justice reste proche du monde, qu'elle soit faite dans les districts judiciaires existants, pas par une commission qui vient nous rendre une petite visite de temps en temps quand elle a le temps. Pour des avocats en dehors de Québec et de Montréal, c'est insupportable, ce régime-là. C'est insupportable pour tous les justiciables que nous représentons en dehors du district de Montréal et du district de Québec.

Les commissions, regardez toutes les lois des commissions. Cela a toujours un bureau à Montréal et à Québec et cela peut aller n'importe où quand cela a le temps. C'est comme cela que ça se passe en pratique. Je ne leur fais pas de reproche. On nomme trois, quatre, cinq, six personnes pour faire un boulot extraordinaire. Elles n'ont pas le temps. Elles vont où on crie fort. Cela crie fort où il y a beaucoup de monde. C'est normal. Cela prend plus de temps, devant ces différentes commissions, avant qu'elles viennent nous voir en dehors de Québec et de Montréal, que les tribunaux ordinaires... Je peux aller lundi prochain avec ma requête devant le juge, tout de suite. Cela

est rapide. Si j'ai besoin d'une chose urgente, je fais une requête. Je peux même aller voir le juge chez lui. Cela, c'est de la justice proche du monde, rendue par des gens à qui on a donné des moyens d'être intègres, indépendants, impartiaux, qui ne sont pas là selon les caprices des changements de gouvernement ou de partis au pouvoir et à qui on ne donne pas de directives internes connues ou pas connues, qui suivent un code de procédure que tout le monde connait et que tout le monde a dans son bureau, alors que, dans ces organismes-là, on dit: selon les règles de preuve, les règles de procédure et les règles pratiques que la régie Une-telle voudra bien édicter.

Nous, les pauvres avocats—et les justiciables, il n'en est pas question; ils ne peuvent pas se trouver, pas une miette — on va se perdre dans les dédales de la Gazette officielle, pas toujours bien indexée et pas toujours à jour dans ses consolidations, même jamais à jour dans ses consolidations, pour trouver les règles de pratique et les règles de procédure. Quant aux règles de preuve, je n'en ai pas vu souvent en ce qui concerne les différentes commissions à qui on essaie de faire jouer un rôle de tribunal alors qu'elles n'en sont pas.

On juge cela à l'oeil, à l'oreille; à l'équité, cela est dangereux. J'ai déjà dit: J'aime mieux apprendre les règles du code que les caprices de tous les juges ou de tous les commissaires.

La Commission des accidents du travail, je pense que j'en parlerai pas. Tout le monde sait très bien ce que tout le monde en pense. Nous sommes tous d'avis que ce n'est pas cela qui a des chances d'améliorer le régime. Il y a une chose incroyable. On s'imagine toujours qu'en retournant à la justice de saint Louis au pied d'un arbre, on va retrouver la vraie justice. Evidemment, quand saint Louis rendait justice, il partait de rien. En 1977, on n'est pas tout à fait là. On part de quelque chose.

Je trouve inimaginable, en vertu de l'article 53, que les fonctionnaires délégués vont avoir les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure. C'est absolument aberrant: Un fonctionnaire, dont on ne dit rien quant aux qualifications, va avoir les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure sans aucune règle pour le guider, sans aucune règle connue pour le guider dans sa façon de procéder.

Je me présente devant M. X, fonctionnaire délégué par la régie, pour plaider ma réclamation à la suite d'un accident d'automobile. Cela va se faire à la saint Louis au pied de son arbre. Malheureusement, tous ces fonctionnaires ne sont pas des saint Louis et je crains fort qu'ils ne rendent pas la justice, même comme saint Louis la rendait au Moyen-âge.

Par conséquent, je serai jugé par des fonctionnaires à qui on n'a donné aucun moyen, aucune garantie, aucune règle, aucun guide, et qui auront les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure, qui vont décider de choses plus importantes pour mon avenir et celui de ma famille que beaucoup de réclamations jugées par la Cour supérieure et la Cour provinciale où on prend tant de soin pour nommer les juges. Le pauvre fonction- naire, victime des directives qu'on va lui donner, victime des traquenards politiques à l'occasion et selon les époques — je pense qu'il ne faut pas penser que c'est nécessairement révolu, la nature humaine subsiste — se fera réviser par la régie qui l'a envoyé.

Je n'ai jamais cru, dans le régime des tribunaux ordinaires, à une révision par le juge qui a entendu la cause le premier, et il n'y a personne qui croit à cela. Je vais vous donner un exemple concret. J'ai été un jour coincé et obligé de procéder à une révision de jugement devant le juge, seul juge disponible, compte tenu des délais, qui avait entendu la cause le premier. J'ai expliqué à mon client que j'étais bien malheureux de la chose, mais qu'évidemment on n'avait pas le choix. J'estimais cette situation malheureuse, mais je n'avais pas le choix. Cela m'est arrivé une fois en dix-sept ans, ce n'est quand même pas si mal.

J'ai dit: Vous m'excuserez de cette situation. Il a dit: Bien, écoutez, on perd notre temps. Il avait raison. On a perdu notre temps. On est allé en appel, à une vraie cour d'appel, indépendante, pas le même juge.

Il ne faut pas demander aux gens de se blâmer eux-mêmes. La régie n'aura pas les moyens de blâmer régulièrement et de renverser à tout instant ses fonctionnaires, fussent-ils dans l'erreur souvent. Comment vont-ils pouvoir apprécier ce que le fonctionnaire a fait? Dans quelle sorte de dossier, en vertu de quelle règle? C'est un système pour tuer tout le monde, parce qu'on dit au fonctionnaire: Va faire cela, on ne lui dit pas comment.

On dit à la régie: Révisez ce que monsieur devait faire sans qu'on lui ait dit quoi faire ni comment. C'est une révision impossible, absolument illusoire, un pur trompe-l'oeil. Il n'y a pas une seule personne, dans la population, qui va accepter qu'une décision d'un fonctionnaire soit révisée par le même groupe de fonctionnaires ou par les patrons de ces fonctionnaires.

Qu'on ne se raconte pas d'histoire là-dessus. Il y a suffisamment longtemps que je fais de l'information juridique populaire pour savoir ce que les gens pensent de ces questions. Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'ils ne vont pas accepter non plus d'être révisés par une commission qui est la petite soeur de l'autre.

La révision, d'après la Commission des affaires sociales... Les décisions de la Régie de l'assurance automobile ou de la Commission des accidents du travail, selon le contrat qui sera passé...

Par conséquent, nous estimons que toutes ces régies et tous ces organismes vont créer un dédale administratif inextricable, aussi pire que la loi et les règlements de la protection du consommateur qu'on n'est jamais capable de tenir à jour parce qu'on ne peut pas s'y retrouver.

Ce sont des spécialistes. Quand on a un problème et qu'on les appelle, on est sûr d'avoir la dernière modification? D'après la dernière Gazette officielle que j'ai reçue, oui. Mais il ne faut pas répéter cela parce qu'il y a tout de même la loi et les règlements de la protection du consommateur qui ne protègent personne. C'est un paquet de bro-

ches entremêlées dans lequel il n'y a rien à comprendre.

J'ai passé des dizaines et des dizaines d'heures à essayer de me retrouver là-dedans, et je peux vous dire que j'ai été une semaine à jour, mais je ne suis pas sûr de l'être en ce moment, car la dernière Gazette officielle, je n'ai pas eu le temps de la lire et peut-être qu'il n'y a rien dedans non pius, parce que, parfois, elle est publiée en retard. Entre-temps, c'est censé s appliquer.

En conséquence, nous estimons que notre recours aux tribunaux ordinaires, comprenons-nous bien, ça doit se faire quand? Nous n'avons aucune objection à ce que vous essayiez d'améliorer la façon de payer les indemnités et les fixer. C'est très bien. Il y a dans le régime actuel beaucoup plus de règlements que de causes, tout le monde le sait, cela a été établi clairement, il y a 1% des cas qui sont finalement jugés par un juge de la Cour supérieure ou de la Cour provinciale, 1%, d'après M. Gauvin. C'est bien cela? Alors, on n'empêche pas de créer des mécanismes de règlement des indemnités qui rendent les choses plus rapides, plus faciles et meilleures pour la victime. C'est évident que les gens ont besoin d'être payés rapidement, on l'a toujours dit, au moins pour un minimum. Mais on veut que, quand les gens ne sont pas satisfaits ou quand les gens ne reçoivent pas une pleine compensation, ils puissent s'adresser à un tribunal ordinaire, qui a l'indépendance, l'impartialité, la garantie nécessaires pour rendre justice dans quelque régime politique ou de parti que ce soit, et sans égard à quelque parti que ce soit.

C'est une philosophie fondamentale en matière de séparation des pouvoirs et en matière d'administration de la justice. Il y a deux règles dans la vie pour résoudre les litiges. Les litiges se résolvent selon la règle de la force. Je prends mes armes et je vais vous contraindre à faire ce que je veux. C'est une façon de régler l'affaire ou cela s'appelle, en d autres termes, la règle du plus fort. Dans les sociétés démocratiques et dites civilisées, on a inventé, diraient certains, la règle de droit. Or, la régie de droit suppose un ensemble de choses pour qu'elle soit respectée, pas à 100%, c'est de la démagogie malhonnête que de faire croire aux gens que la règle de droit sera respectée à 100%, ce n'est pas vrai.

Comme je l'ai déjà dit en parlant du palais de justice, vous allez trouver ici le palais de la reparation des injustices. Cela va toujours laisser quelques cicatrices, parce qu'une réparation, ce n'est jamais tout à fait intégral, même quand elle est la plus parfaite. Mais on doit tenter d'atteindre 100% et ne pas se contenter, comme dans le régime proposé, d'un but qui s'arrête à 85%. Quand on vise plus bas, on finit toujours par baisser encore un peu.

Ce qu'on entend et les études que Ion peut faire démontrent que ce ne sera pas de la justice non plus à 85%, mais cela risque tort d'être beaucoup plus bas dans beaucoup de cas, particulièrement dans le cas des petites reclamations, comme on vous le démontrera tantôt.

Donc, le régime de la règle de droit suppose des tribunaux indépendants, impartiaux et à qui on a donné des garanties nécessaires pour rendre la justice sans égard à personne. Les tribunaux ordinaires ne font de rapport à aucun ministre. Ils n'envoient de déclaration à aucun ministre. La loi oblige à envoyer des déclarations quand on attaque la constitutionnalité d'une loi, mais ce n'est pas le juge qui fait cela. Le juge rencontre la personne, il est maître après Dieu et après la Cour d'appel, comme on dit, quand on s'adresse au juge, aux tribunaux de première instance.

Donc, nous voulons ce maintien de la régie de droit et du recours aux tribunaux de droit commun lorsque les gens ne sont pas satisfaits ou mal compensés. Ce n'est qu'à ce prix que les organismes chargés de l'administration de la loi l'administreront bien. Quand il n'y a personne pour surveiller personne, ou quand il y a des gens de même niveau qui surveillent, ils ne sapprennent pas grand-chose mutuellement, malgré leurs qualités.

Maintenant, M. le Président, Mme le ministre, messieurs les membres, j'aimerais demander à Me Jean Crépeau de continuer cette présentation que je terminerai tout à l'heure dans une étude article par article.

M. Crépeau: Bonjour. En raison d'ambiguïtés, d'imprécisions et parfois aussi malheureusement d'injustices, peut-être aussi de quelques inégalités, il nous a semblé très opportun d'attirer votre attention sur un certain nombre d'articles du projet.

Je ne veux pas passer à travers toutes les remarques...

Mme Payeite: M. le Président, s il vous plaît! Avant qu'on passe à l'étude article par article, qui est une étude extrêmement importante et je dois dire extrêmement bien faite, dans laquelle on retrouve, bien sût, les préoccupations des membres du Barreau et où on retrouve un droit de recours inscrit dans différents articles où nous ne lavons pas maintenu, j'aimerais, cependant, avoir le droit de parole pour répondre au bâtonnier, qui vient de s'exprimer longuement.

Vous me pardonnerez mon ton badin pour expliquer au bâtonnier que je suis...

M. Saint-Germain: M. le President, question de règlement. Je veux bien personnellement que madame puisse donner son point de vue, mais c'est un droit que l'Opposition devra aussi retenir, si madame le fait.

Mme Payette: II s'agit, M. ie Président, d'un document qui est divisé en deux parties. On vient de parler largement sans lire ia première partie. On veut entreprendre la deuxième partie. Je voudrais répondre à la première partie.

Le Président (M. Boucher): Les membres de la commission sont-ils d accord pour qu'on procède de cette façon?

M. Roy: Je ne veux pas émettre d'objection, mais il ne faudrait pas que ceia devienne un pré-

cèdent qui pourrait créer éventuellement des problèmes aux commissions parlementaires. C'est à peu près la première fois qu'on permettrait une telle façon de procéder puisque, habituellement, et on a toujours fonctionné comme cela, nos invités commencent par faire la lecture de leur mémoire et ils font part de leurs commentaires, une fois qu'ils ont terminé, à moins qu'il y ait des précisions qui deviennent nécessaires au cours de la discussion. Normalement, et ce qui s'est toujours fait aux commissions parlementaires, on attend qu'ils aient terminé. Je ne ferai pas d'objection. Je suis prêt à donner mon consentement à la condition que ce soit bien noté, que ce n'est pas un précédent.

Mme Payette: M. le Président, peut-être que ce ne sera pas nécessaire, si on peut m'assurer du côté du Barreau que l'étude article par article ne sera pas très longue. Je ne voudrais pas qu'on sorte du climat qui a été créé par ces déclarations du bâtonnier et perdre de vue le ton qui a été utilisé dans ces déclarations après une étude article par article qui peut être longue. Si on me dit que ce ne sera pas long, je veux bien attendre tout simplement. Si cela doit être long, je vais continuer de demander que je puisse répondre au bâtonnier.

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président. Je crois que nous recevons ce matin le Barreau, qui est une institution excessivement importante. Il a un mémoire très bien structuré. Il ne faudrait pas, pour permettre un débat, que le Barreau en paie la note. Nos invités ont toute liberté d'expression relativement à l'importance de leur mémoire. Nous prendrons le temps voulu. Si on décide de scinder la discussion en deux, je n'ai pas d'objection de principe, à la condition qu'on n'en fasse pas un précédent comme on dit, mais cette discussion ne devrait pas nécessairement limiter la liberté d'expression du Barreau.

M. Roy: J'aimerais ajouter, si on me le permet, à condition que les mêmes privilèges qu'on accorde à l'honorable ministre soient accordés aux membres de l'Opposition. Cela va de soi, il me semble, si mes collègues de l'Opposition sont d'accord.

M. Paquette: M. le Président, je ne pense pas qu'il faille voir dans l'intervention du ministre un désir de limiter le droit d'expression du Barreau. Au contraire, il s'agit de le favoriser. Il serait opportun, je crois, de faire un débat de fond. Le bâtonnier a ouvert le débat sur d'importantes questions de principe. Ce serait un peu embêtant dans la discussion, pour justement accorder à ce mémoire toute l'attention qui lui est due, de discuter à la fois de questions de principe et de questions d'amélioration à des articles précis. L'attitude qu'on peut avoir face au mémoire est double. Si on veut avoir une discussion fructueuse, je favoriserais un débat en deux temps.

Je serais d'accord aussi que les représentants de l'Opposition et des autres députés puissent d'abord faire cette discussion de principe, autrement dit qu'on entende le mémoire en deux temps. Premier temps, discussion de principe où tous les députés pourront participer...

M. Saint-Germain: Je n'ai pas d'objection, M. le Président.

M. Paquette: ... et ensuite l'étude, article par article.

M. Saint-Germain: Oui, mais à condition qu'on ne limite pas l'étude du mémoire article par article, c'est tout.

M. Paquette: Non, mais le temps n'est pas limité. Le temps des mémoires n'est pas contingenté.

M. Saint-Germain: C'est parce que madame a dit, si on lui promet de limiter l'étude du mémoire, article par article, qu'elle prendrait avantage de scinder le débat. Je n'ai pas d'objection à scinder le débat.

Mme Payette: Je m'excuse, il y a une erreur dans cette affirmation du député de Jacques-Cartier. J'ai tout simplement demandé si l'étude, article par article, allait être longue. A ce moment, je demande le droit de parole maintenant. Si cela ne doit pas être long, je ne demande pas le droit de parole et j'attendrai la fin de l'étude, article par article. C'est une question de limiter le temps, c'est une question d'information.

Le Président (M. Boucher): M. Bergeron.

M. Bergeron: II est difficile de vous faire des promesses formelles sur la longueur exacte, en minutes en tout cas. La partie de la présentation, qui est faite par Me Jean Crépeau, fait en somme partie de la mienne. On avait conçu cela comme un tout. Je reviendrai pour les conclusions.

Mme Payette: Alors, M. le Président, j'attendrai les conclusions et je prendrai la parole après.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Crépeau: Merci, madame et M. le Président. J'ai dit que je ne voulais pas revenir sur tous les articles que nous avons commentés. Je vais m'attaquer à une vingtaine d'articles, à peu près, qui sont, selon nous, fondamentaux et qui présentent des ambiguïtés, des imprécisions, parfois des illégalités.

Ma critique sera autant que possible assez constructive pour permettre des amendements qui favoriseraient l'application du projet de loi, tout cela dans l'intérêt du justiciable, de l'automobiliste et des victimes.

Prenons les articles 1.7 et 1.20, dans le chapitre des définitions. Notre remarque porte sur l'am-

biguïté de savoir si le conjoint qui a droit à une pension alimentaire est protégé par la lecture combinée de ces deux articles. Si on nous assure que le conjoint, qui a droit à une pension alimentaire à la suite d'un divorce, d'une séparation de corps, a ce droit, alors il serait préférable qu'on l'indique plus clairement dans une phraséologie des deux articles mieux structurée. Si le conjoint séparé, dont la seule source de revenu est la pension de soutien, alors, je dis que c'est une injustice, puisqu'on permet au concubin de retirer une rente au cas où le soutien est invalide ou est blessé. Il y a ou une injustice ou une imprécision. Si le concubin est prévu comme bénéficiaire, à ce moment, l'épouse séparée, qui vit d'une pension alimentaire ou qui devrait vivre d'une pension aii-nentaire, a les mêmes droits que le concubin. Je suggérerais, sans entrer dans la phraséologie particulière des deux articles, que ce soir révisé par un comité et qu'on nous assure que I'épouse séparée de corps ou divorcée, qui a une pension alimentaire pour elle ou ses enfants soit considérée comme bénéficiaire au sens de la loi.

A l'article 1.12, que nous combinons avec 46. A la lecture de 1.12, il semble que les dommages aux vêtements sont exclus dans les dommages matériels. Il ne me semble pas qu'ils soient inclus dans 1.11, dommages corporels, parce qu en jurisprudence, à tout le moins dans notre droit actuel, les vêtements ne font pas partie des dommages corporels, ils font partie des dommages matériels. Or, à l'article 46, on donne à la régie la discrétion de rembourser les vêtements, s'il y a lieu. Alors, si on veut les exclure, qu'on ne donne pas le pouvoir à l'article 46. Si on veut les couvrir, qu'on aoolisse ou qu on modifie la définition de dommages matériels. Parce que, sont-ils également couverts par la police de l'article 74, la police dommages matériels obligatoires? Ce sont des questions ambiguës pour nous. Nous voulons essayer de savoir où le public ira et à quels bénéfices il aura droit. On vous demande de nous expliquer pourquoi il y a cette exclusion dans un article et cette permission dans l'autre. S'il y a lieu, il faudrait évidemment amender cet article pour le rédiger de façon différente.

Nous voici à l'article 4. L'article 4, à son deuxième alinéa, contient une exclusion pour tous les cas visés par l'article 17. Cet article 17 exclut, dans une phraséologie assez confuse, un certain nombre de risques qui, présentement, en vertu du Code de la route, seraient couverts.

Nous préconisons que, s'il faut maintenir cette exclusion, l'assurance pour blessures corporelles devienne obligatoire au même titre que l'assurance pour dommages matériels, pour le citoyen du Québec. Parce que vous aurez nombre de victimes sous l'article 17 qui ne recevront pas d indemnité ou qui, même si elles conservent un droit de recours devant les tribunaux, se trouveront devant un insolvable. Il n'est pas dit que les motoneigistes sont tous assurés. A ce moment-là, il faudrait que tous les motoneigistes soient assurés, sans exception, pour avoir le droit de conduire leur motoneige, afin de couvrir la res- ponsabilité des dommages matériels et des dommages corporels s'ils sont exclus dans le présent projet de loi.

Il y a toute une autre série d'exemples que nous pourrions donner sur le tracteur de ferme, sur les équipements lourds, les camions-remorques, les camions à bascule, les camions-citernes, qui peuvent, dans les circonstances de l'article 17, se retrouver dans des accidents, dans des garages, dans des "body shops", dans des stationnements, et on ne sait plus s'ils sont couverts ou non. Nous n'affirmons pas qu'il n'y a pas matière à couverture ou à protection, nous affirmons qu'il y a de grandes ambiguïtés et de gros risques que les victimes se retrouvent sans aucune indemnité, sans aucune possibilité de recourir contre quelqu'un de solvable.

La seule solution que nous proposons, c'est évidemment que l'assurance pour blessures corporelles deviennent obligatoire, non seulement pour l'extérieur du Québec, mais également pour l'intérieur du Québec.

Deuxième point à souligner dans l'article 4, où l'on dit que "Rien dans le présent article ne limite le droit d'une victime de réclamer une indemnité en vertu d'un régime privé d'assurance, sans égard à la responsabilité de quiconque." C'est l'assurance de revenu excédentaire. Il est vrai que dans certaines corporations professionnelles, chez les instituteurs, il existe des plans de groupe d'assurance excédentaire de revenu. Mais, à voir comment le marché de ces assurances se développe, on en retire une seule conclusion, c'est qu'il y a encore un pourcentage énorme de la population qui n'a pas cette assurance et qui ne peut pas lavoir. Premièrement, le piéton qui ne possède pas d'automobile, qui est bien satisfait de son salaire, ne peut pas prévoir qu'il aura besoin d une assurance excédentaire, et deuxièmement, peut-être n'est-il pas assurable. S'il est cardiaque, il n'y a pas un assureur qui va l'assurer excéden-tairement. Pas un, dans le contexte actuel des assurances. Cela ne s assure pas, un cardiaque, à 55 ans, qui se fait frapper au coin d'une rue par un automobiliste. S'il a le malheur de gagner plus de $18 000 par année, il vient de subir une perte. Il n'est pas assurable. Alors, cet article prévoit quelque chose qui semble assez alléchant mais qui, au point de vue pratique, est irréalisable. 90% des gens qui pourraient se prévaloir d'une assurance excédentaire, ne pourront pas s'en prévaloir à cause des règles d'assurabilité. Comment contourner le problème? Pouvez-vous obliger les assureurs à émettre des assurances excédentaires, pour couvrir la perte de revenu et les autres mutilations restreintes à l'accident d'automobile? Nous croyons qu'à ce moment-là, nous revenons toujours à l'argument principal, qu'il n'y a rien dans cet article qui ajoute un bénéfice à quelqu'un. Pour protéger les excédents de revenu ou les excédents d'indemnité, il n y a qu'une solution, c'est de recourir aux tribunaux pour l'excédent de ce que le projet accorde.

L'article 10 maintenant, nous semble absolument exorbitant et impossible à admettre pour le

Barreau. C'est la Cour supérieure qui a juridiction sur la nomination d'un tuteur après convocation d'un conseil de famille. Nous ne pouvons accepter que la régie décide de payer à quelqu'un d'autre qu'au tuteur. D'autant plus que le Code civil prévoit que le conseil de famille peut être convoqué par quiconque a un intérêt. Si, pour des raisons particulières, la régie s'aperçoit qu'il y a un mauvais tuteur, elle peut s'adresser à la Cour supérieure, convoquer l'ordonnance de convocation du conseil de famille, faire valoir son droit et on nommera un nouveau tuteur pour recevoir les bénéfices du projet de loi. Mais que la régie d'elle-même puisse décider et passer outre à un jugement de la Cour supérieure, cela nous semble exorbitant et impossible à admettre. Le même cas s'applique à l'article 43, quant à la curatelle. La curatelle prévoit les mêmes dispositions.

Il n'y a pas de raison que la régie se substitue au jugement de la Cour supérieure et au conseil de famille qui a déterminé les droits d'une personne d'être responsable pour un mineur ou un interdit. Nous croyons purement et simplement que ces deux articles, 10 et 43, devraient être abrogés purement et simplement.

Les articles 12, 47 et 69 sont ce que le bâtonnier a appelé sur un ton badin, la petite boîte. Pourquoi est-ce une petite boîte? Parce que le citoyen n'a aucun recours, sinon des mécanismes d'appel, vis-à-vis d'une décision prise par la régie. Le mécanisme d'appel est long dans le projet actuel, 60 jours pour demander une révision. C'est beaucoup trop long. La régie peut — donc, c'est une discrétion — à l'article 12, décider que la victime recevra un paiement forfaitaire. Dans ma pratique, il m'est arrivé de constater très souvent, dans la Loi des accidents du travail en particulier, que le paiement forfaitaire, à cause des règles de capitalisation actuarielles, était beaucoup moins généreux que le paiement hebdomadaire ou le paiement mensuel. Si la régie trouve que c'est un avantage de mettre sur la table un paiement forfaitaire, elle va en profiter le plus souvent possible. Or, quel est le recours du citoyen, de la victime? Un appel dans les 60 jours. On l'insère dans une discrétion.

Article 47 et les suivants. La régie peut décider des mesures que la victime devra entreprendre pour faire disparaître toute incapacité. Si c'est une intervention chirurgicale, médicale, les tribunaux ont toujours, jusqu'à maintenant, refusé d'obliger une personne à se soumettre à une opération chirurgicale. Est-ce que la régie aurait le droit? Nous croyons absolument exorbitant un tel pouvoir.

A l'article 69, voici maintenant que si la victime ne veux pas se soumettre à l'indemnité, la régie suspend. La régie ne demande pas la permission de suspendre. Vous avez un exemple frappant actuellement dans le Code civil relativement au bail, bail de choses, bail de logement. Le locataire qui est insatisfait de la salubrité ou des conditions de son logement peut, depuis 1972, s'adresser à la Cour supérieure ou à la Cour provinciale pour faire réduire le loyer. Par requête sommaire, ce qui se fait en huit jours, un avis de trois jours, il ob- tient la permission de réduire le loyer parce que le logement est inhabitable. Donc, il demande la permission de ne pas se faire justice à lui-même et de ne pas cesser de payer le loyer lui-même. Ici, la régie se fait justice à elle-même. Elle dit: Si tu ne veux pas aller à l'hôpital, je ne te paie plus, mon gars. Nous croyons que c'est une indiscrétion tellement arbitraire qu'elle va à l'encontre des droits de la personne.

A ce sujet, nous croyons que tous ces articles devraient être révisés pour soumettre toutes ces décisions discrétionnaires de la régie à une permission préalable au tribunal. Si je veux réduire mon loyer, je demande à la Cour supérieure de le réduire, et si la régie veut réduire l'indemnité, qu'elle a des motifs raisonnables de croire qu'une victime ne se soumet pas à des traitements qui pourraient la favoriser, pour autant que les traitements soient admissibles, qu'elle demande la permission. Si la victime se livre à des pratiques quelconques qui nuisent à sa réadaptation, que la régie s'adresse au tribunal pour avoir la permission et justifier pourquoi elle devrait réduire l'indemnité.

Article 16. Nous en profitons pour dire que, si on inclut une prescription de trois ans dans cet article, avec lequel nous sommes parfaitement d'accord, il y aurait lieu immédiatement d'amender les articles 22, 60, 61 et 62 du Code civil, parce que là, on va se retrouver dans un nouveau dédale de prescriptions contradictoires comme il en existe encore dans le domaine médical, dans les cités et villes et dans d'autres domaines. Alors, il est grand temps que soit franchi ce pas si léger et même recommandé par l'Office de révision du Code civil, qu'on en finisse une fois pour toutes et qu'on mette des prescriptions uniformes partout. Si vous commencez ici, pourquoi ne pas continuer immédiatement dans le Code civil? Ce n'est qu'un pas très facile à franchir. Personne ne va s'y opposer, le Barreau le recommande depuis longtemps.

Articles 21 et 22. Nous considérons que ces articles et la méthode d'évaluation sont injustes. L'étudiant aux études à l'université, qui devient incapable de continuer ses études, recevra le revenu, la rente, qu'il aurait pu éventuellement tirer, à la fin de ses études, de l'emploi que sa formation et son expérience lui auraient permis d'occuper.

Alors, qu'est-ce qui arrive? On va l'évaluer au salaire d'un stagiaire, dans une entreprise, et d'un apprenti chez un maître-plombier ou maître-électricien, et on va lui appliquer les règles de l'article 49 concernant la revalorisation. Or, ce n'est pas ça. Il y a que dans cinq ans, les règles de revalorisation n'auront pas atteint le revenu que cette victime devrait recevoir si elle remplissait effectivement les fonctions que sa formation lui permettrait de remplir. Nous croyons que la méthode d'évaluation devrait suivre la formation et le métier ou la profession dans laquelle s'est destiné l'étudiant.

Si on prend un étudiant... Il faut bien en parler, il y en a énormément dans nos universités; il y en a, disent certains, beaucoup trop, mais il y en a énormément en médecine, en droit et dans

toutes les autres facultés, telles génie, architecture, et partout. On va lui dire, en sortant de l'université: Vous êtes stagiaire dans un bureau d architecte, salaire de $8000 par année et dans trois ans, il sera de $11 000 par année. Au bout de trois ans, on est rendu au maximum que la régie paye.

Alors, c'est fini! Cet individu n'a pas pu s'assurer, parce qu'on n'assure pas un revenu excédentaire quand on ne travaille pas. Donc deux injustices: son salaire est immédiatement bloqué parce qu'il est rendu incapable d'aller à l'université et, deuxièmement, comme il ne travaille pas a l'université, il n'a pas cette opportunité d'avoir souscrit à une assurance excédentaire. Il est livre, pour le reste de ses jours, à une indemnité sur la base du salaire qu'il aurait obtenu comme stagiaire-architecte en sortant de l'université. C'est du moins notre interprétation de l'article. Nous croyons que cette méthode d'évaluation est injuste.

A l'article 22, on parle de la moyenne annuelle hebdomadaire. Là encore, c'est injuste, parce qu'elle est nettement plus basse que ce qu'aurait pu gagner la victime dans un cas particulier. C'est pourquoi le recours aux tribunaux a toujours pris en considération ces possibilités, tandis qu'ici, on limite à la moyenne annuelle, le revenu possible d'un étudiant ou d'un enfant qui était mineur au moment de l'accident. Nous croyons injuste la méthode d'évaluation dans ces articles.

Article 23: l'épouse au foyer. Nous trouvons une certaine contradiction entre le traitement mentionné à l'article 23 pour l'épouse au foyer et le traitement accordé dans le cas du décès de l'épouse au foyer, mais qui travaillait, selon l'article 38. Le mari dont l'épouse est blessée, sur la victime elle-même, si elle ne pouvait occuper un emploi, soit à cause de son éducation, de sa formation ou de ses tâches au foyer, ne peut recevoir qu'un maximum de $150 par semaine pour compenser pour les tâches diverses qui devront être accomplies par d'autres. Et on appelle ça une perte non économique.

Si l'épouse meurt et qu'elle avait le bonheur de travailler, on va donner à son mari durant trois ans un pourcentage du revenu qu'elle avait. Pourquoi trois ans? Pourquoi, parce qu'elle travaille, va-t-on en donner au mari et pourquoi, si elle ne travaille pas, parce qu'elle a trop d'enfants à la maison, ou trop de tâches ou qu'elles ne peut pas travailler parce qu'elle n'en a pas les qualifications, ne lui donne-t-on rien, sauf les indemnités forfaitaires mentionnées dans les articles auxquels je vais revenir.

Nous croyons que la personne au foyer est une perte économique, quand elle est incapable de travailler en dehors du foyer, que le seul remboursement de certains frais qu elle doit encourir pour faire faire le ménage sont loin de compenser la perte que le mari subira par l'incapacité de sa femme.

Vous savez, les gens se tannent d'avoir des bonnes à la maison, d'autant plus qu'on n'est plus capable d'en avoir. Les femmes de ménage ne se trouvent plus aussi facilement qu'on le croit.

Finalement, la régie va vous dite: Cela fait deux ans que vous exigez des frais de bonnes toutes les fins de semaine. Là, vous êtes vraiment capable de faire votre ménage. Comme madame aussi est tannée d'avoir la femme de ménage dans la maison, dans ses jambes, elle va la mettre dehors. Vous voyez ici une femme au foyer, gravement blessée, qui ne reçoit rien. Pourtant, le soir, c'est son mari qui est obligé de venir taire la cuisine parce que lui aussi a son voyage de voir sa femme s'écraser devant le poêle.

Nous croyons absolument injuste le traitement accordé à la femme au foyer. Si elle a une incapacité, qu'on lui donne au moins un pourcentage de la rente, sinon la rente minimale prévue à l'article 26.

A l'article 25, permettez-nous de nous étonner. Pourquoi? Une victime, qui a 75 ans, lorsqu'elle est heurtée dans un accident d automobiles, perd sa rente après un an. Si on considère la longévité actuellement — et j'ai consulté des tables pour écrire ce que j'ai écrit a la page 35 — les hommes ont une longévité de 8,5 années et les femmes de 10,5.

Pourtant, la régie ne leur accorde qu'un an, s'ils sont blessés en 1975. Nous croyons absolument injuste cette disposition. Que la rente soit payée, sous quelque forme que ce soit, ou qu'au moins la rente minimale soit payée jusqu'au décès, tout comme à l'épouse qui perd son mari. Qu'elle ait droit à la rente jusqu'à son décès, même si elle a des enfants, à la condition que I'accident n'ait pas lieu avant qu'elle ait 35 ans, où il y a une limite de dix ans.

Nous croyons que le traitement fait aux gens âgés, entre 65 ans et 75 ans, dans l'article 25, est injuste.

Articles 29 et 30. Nous savons que notre opinion n'est pas partagée, mais nous croyons que l'individu, ie citoyen du Québec, qui a payé des primes pour sa rente du Régime de rentes, pour sa pension de vieillesse, toute sa vie. même si on lui accorde un bénéfice en vertu de !a Loi des accidents d'automobile, il est injustifié qu'il perde ses rentes. Il a payé pour, il a droit aux bénéfices.

C'est ce qu'on appelle la justice commutative. On reçoit en proportion de ce qu'on a donné. On a payé des primes toute sa vie pendant qu on travaillait et, parce qu'on a le malheur d'avoir un accident d'automobile, on devient privé de cette rente parce qu'on en recevrait une autre. Ce sont deux choses distinctes. Il y a la rente de vieillesse et il y a la rente d'accident d automobile. Nous croyons injuste que cette intégration prive les victimes d'un surplus de revenu dont elles auront certainement besoin.

Articles 31 et 32. Ici encore nous signalons que lévalution ou la période d évaluation est mai considérée. Ainsi, la victime qui bénéficie d'une rente d'invalidité, qui se trouve un emploi moindre que celui quelle avait avant, recevra de la régie une rente différentielle, c'est-à-dire qui couvrira la différence entre son nouvel et son ancien emploi.

Plaçons-nous dans ia situation suivante: Au moment de I accident, une victime gagne $7000.

Trois ans plus tard, elle retourne au travail et ne prend un emploi que de $7000. Dans la rédaction de cet article, il n'y a aucune différence, la régie ne paiera rien. Pourtant, l'emploi que détenait la victime au moment de l'accident, à $7000, est devenu un emploi de $12 000. L'évaluation ne devrait pas s'effectuer au moment de l'accident mais au moment du retour au travail, en comparaison du revenu que devrait maintenant produire cet ancien emploi. La régie ne paierait jamais de rente différentielle, selon la rédaction de cet article.

Ce n'est peut-être pas l'intention du législateur dans cet article, mais c'est ce qu'il dit. C'est l'application pratique de ce qui est dit à la page 38.

Page 42, article 35. Nous revenons aux sept jours dont vous a parlé M. le bâtonnier Bergeron. Au point de vue technique, il faudrait savoir quelque chose. Les sept premiers jours sont-ils les jours de travail ou les jours du calendrier? Voici où se situe l'injustice: Un individu est blessé, vendredi soir dernier, la fin de semaine de l'Action de Grâces. C'est vendredi soir. Samedi, c'est congé, dimanche, c'est congé, lundi, c'est congé. La régie va dire: Vous n'avez que quatre jours de perte de travail. C'est le septième jour, cela fait partie des sept premiers jours, mais il ne perd que quatre jours de travail.

L'autre malheureux, qui a le malheur d'avoir son accident le dimanche soir, perd toute sa semaine. Qu'est-ce qu'on veut dire? Est-ce qu'on considère le salaire hebdomadaire sur une base de sept jours ou le salaire hebdomadaire sur une base de cinq jours? La victime va-t-elle perdre sept jours de salaire, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, cinq jours, et lundi, mardi de la semaine suivante, ce qui fait sept jours, ou si elle va perdre, lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche, une semaine? Mais, à cause des congés, Noël, le Jour de l'an, toutes les fêtes et toutes autres circonstance, vous allez avoir une injustice, parce qu'une victime va se faire enlever trois jours, une autre, quatre jours et une autre sept jours.

Si on maintient cet article sur lequel on proteste... Est-ce sept jours de travail, sept jours ouvrables ou sept jours civils? Nous soulignons que si c'est sept jours civils, c'est injuste, parce que cela va dépendre du hasard du gars de se faire frapper un jour de congé ou un jour de travail. S'il se fait frapper un jour de congé, il gagnera des jours. S'il se fait frapper un jour de travail, il perd des jours: d'autant plus que, toujours sur le même principe, la CAT paie le premier jour. Nous nous demandons pourquoi on fait une distinction, sept jours pour un accident d'automobile, sans recours, aucun jour à la Commission des accidents du travail, avec recours contre un tiers. Nous croyons qu'il y a une nette injustice, que les sept jours sont admissibles dans un plan de base avec recours pour excédent devant les tribunaux, mais non pas dans un plan de "no fault" total.

Je reviens à la page 47, à l'article 38. Nous voici encore à l'indemnité de trois ans dont j'ai parié tout à l'heure. Parce que cet époux avait la chance d'avoir une épouse qui pouvait consacrer quelques heures par semaine à un travail, il aura droit, durant trois ans, à une rente proportionnelle au revenu de son épouse dont il est maintenant privé par son décès. Si l'épouse est à la maison, parce qu'elle a cinq enfants, on ne lui paiera rien d'autre que les indemnités qui figurent au bas de l'article et, pourtant, s'il y a une perte économique pour un mari, c'est bien d'être obligé de remplacer sa femme pour faire la cuisine, pour garder les enfants pendant qu'il travaille, etc. Je n'ai pas besoin d'emplifier sur ce qui est déjà dit.

Nous croyons que la perte de l'épouse au foyer devrait apporter une rente, purement et simplement, à ce moment-là. Si on adopte la philosophie du système proposé, la perte de l'épouse au foyer devrait apporter le paiement d'une rente proportionnelle aux enfants et à divers autres fac-ieurs, mais ne pas laisser un mari complètement démuni, parce que sa femme avait des enfants et qu'elle ne pouvait sortir pour travailler.

De plus, si on accepte le principe de trois ans, pourquoi trois ans? Si les enfantsont un an, trois ans et cinq ans, le mari en a encore douze ans durant à faire la cuisine et à faire la gardienne le soir, ou à payer les gardiennes, ou à payer les cuisinières, ou à payer sa tante.

Mme Payette: Ou à se remarier. M. Crépeau: Pardon?

Mme Payette: Ou à se remarier pour retrouver son revenu économique.

M. Crépeau: Tant mieux, ou à s'accoter même.

Mme Payette: Certainement. Cela évite les frais de divorce.

M. Crépeau: Page 51, article 45. Evidemment, notre principale protestation porte sur le montant qu'on suggère, $20 000, alors que, déjà, en Saskatchewan, on propose $30 000; des études ont été effectuées. On se propose de l'augmenter encore plus ailleurs. Deuxièmement, cette table, qu'est-ce qu'elle représente? Nous sommes étonnés qu'elle ne soit pas présente ici. Pourtant, cela fait si longtemps qu'on parle de ce projet que cette table devrait être prête. Qu'on l'examine et qu'on en discute. Le résultat pratique, c'est qu'elle sera peut-être publiée, d'ici six à huit mois, dans la Gazette officielle, avec un avis de trente jours, avec plus ou moins de possibilités de faire des représentations pour la modifier. De plus, ce qui est, évidemment, inadmissible, c'est de calculer la perte, la souffrance et les douleurs pour un bras de menuisier comme pour le bras de l'épouse au foyer, sur le même barème, pour le bras de l'avocat ou le bras du député, sur le même barème. Malheureusement, chacun sait que cela n'a peut-être pas toujours la même valeur. Nous protestons, évidemment, sur cet article qui constitue des injustices et qui va continuer à en créer à cause du montant minime qui est offert.

A l'article 64, à la page 62, nous voici dans le domaine médical. Nous croyons, ici encore, que les pouvoirs accordés à la régie ne peuvent pas être exercés à la discrétion d'un fonctionnaire. Ce n'est pas à un fonctionnaire d'aller demander à un médecin: Dites-moi ce qui s'est passé dans les dix dernières années. Si, pour la compréhension du cas médical, la régie croit nécessaire d'obtenir une histoire médicale plus poussée qu'un rapport constatant les traitements donnés à l'occasion de l'accident, la régie devrait faire comme tous les autres citoyens de la province qui veulent obtenir la production d'un rapport médical, dans tous les autres cas, c'est-à-dire s'adresser au tribunal de droit commun et expliquer au tribunal pourquoi on a besoin de savoir que madame a eu une hysté-rectomie, a été interdite pour débilité mentale à l'âge de 16 ans, a eu telle ou telle autre maladie, mais laisser à la discrétion de la régie, sur une simple lettre à un médecin: Veuillez nous dire quels ont été les traitements que vous avez donnés à M. Untel, nous semble trop discrétionnaire, inadmissible et contraire aux droits de la personne.

De plus, il y a la confidentialité médicale qu'il est peut-être opportun de considérer. Le patient peut avoir des raisons de prouver que la révélation d'un passé médical antérieur est absolument impertinente à la décision de son cas. On ne lui donne aucune chance de s'expliquer et de refuser à son médecin le droit de divulguer ces renseignements. Nous croyons donc que cet article ne devrait jamais permettre une telle discrétion à la régie. Nous soumettons, à la page 63, un projet d'article qui pourrait satisfaire le cas qui nous occupe.

Maintenant, à l'article 66, toujours à la page 63, nous ne voyons pas pourquoi un médecin qui donnerait un mauvais diagnostic, qui causerait un dommage à la personne serait exempt de réclamations et de poursuites en dommages. Il n'y a aucune raison d'exonérer de toute faute un médecin, parce qu'il se trompe et qu'il travaille pour la régie de l'automobile ou pour le patient lui-même. Il ne fait pas partie d'une classe spéciale, à part. Il n'y a pas de raisons de l'exonérer. Nous croyons que la dernière ligne de cet article devrait purement être rayée.

L'article 74, aux pages 67 et 68. Pour les raisons que nous avons exprimées à l'article 4 et à l'article 17, nous croyons nécessaire que l'assurance pour blessures corporelles soit rendue obligatoire au Québec pour les citoyens au Québec. Il y a trop de cas d'exclusion dans les articles 4 et 17 pour laisser ces victimes sans recours. Ou bien, pour aller un peu plus loin, qu'on amende l'article 128 concernant Jes cas pouvant faire appel au fonds d'indemnisation et qu'on inclue toutes ces exclusions de l'article 17 sous l'article 128, c'est-à-dire permettre un recours au fonds d'indemnisation. Ce serait peut-être illogique, mais il faut trouver une solution à une carence évidente dans le projet de loi.

A la page 69, à l'article 77, on propose l'assurance obligatoire de $50 000. Or, en Ontario, depuis janvier 1977, elle est à $100 000. Nous ne voyons pas pourquoi elle ne serait pas à $100 000 au Québec aussi: $50 000, c'est nettement insuffisant dans trop de cas graves pour rendre service à la population.

Enfin, à l'article 128, sur le fonds d'indemnisation, à la page 77, il nous apparaît qu'il doive ou bien inclure les cas exclus par l'article 17, ou bien que l'assurance, toujours obligatoire pour blessures corporelles, soit instaurée dans le régime.

Voilà les articles principaux sur lesquels nous croyons nécessaire d'insister pour clarifier certaines obscurités.

On vous remercie.

M. Bergeron: M. le Président, si on me permet, je pourrais terminer maintenant.

Nous avons tenté de vous démontrer qu'il faut des changements et que la population veut des changements, que nous sommes prêts à en faire, à en proposer et à travailler a en faire, et que ces changements, nous croyons que la population les a exprimés assez clairement à plusieurs reprises; nous avons tenté de les résumer aux pages 86 et 87 de notre mémoire, et je voudrais vous en dire un mot.

Comme nous l'avons dit dans l'introduction, il est évident que les gens veulent une assurance obligatoire avec un fonds d'indemnisation qui assure tout le monde d'être payé sans que jamais la question de solvabilité de l'auteur du délit ou du quasi-délit soit posée. Cela, c'est clair, je pense qu'il n'y a presque pas d'opposition là-dessus. Pourquoi pas le faire maintenant?

Nous pensons que les gens sont prêts à accepter des mesures de sécurité routière contraignantes, compte tenu des effets bénéfiques qu'ils vont en retirer. Nous pensons et nous croyons fermement que le respect de la notion de responsabilité doit demeurer et un recours aux tribunaux, évidemment, au moins pour les victimes innocentes.

Nous croyons qu'il est essentiel que ce projet, comme tous les autres d'ailleurs, respecte les libertés individuelles et assure à la population un traitement juste, non seulement dans la réalité, mais qu'elle voie que c'est juste et qu'elle ait confiance que c'est juste. C'est très important, cet aspect de croire à la justice qui est rendue.

Cinquièmement, nous pensons que tout le monde veut être payé rapidement pour une partie, et ensuite avoir l'occasion de réclamer le reste de tous ses dommages sans sacrifier quoi que ce soit quand on n'est pas responsable.

Je pense que c'est une croyance et un voeu de la population absolument très forts et très majoritaires.

Nous pensons que ce projet, malgré ses mérites, n'est pas prêt à être implanté à la date prévue. Nous croyons que le dernier article du projet, qui permet de le mettre en vigueur quand le gouvernement le voudra, devrait être mis à profit et qu'on ne devrait mettre cette loi en vigueur qu'au moins un an plus tard que prévu.

Nous ne croyons pas que les mécanismes seront prêts. Nous n'avons pas vu la réglementation, la grille de responsabilités, la grille du partage des

dommages sur les $20 000, dans l'article 45; par conséquent, nous suggérons un moratoire d'un an, c'est-à-dire de reporter l'affaire quant à certains aspects, pas sur l'assurance obligatoire, je ne pense pas qu'on soit obligé d'attendre là-dessus, mais pour le reste.

Enfin, nous avons tenté de représenter ce matin les intérêts de 65% des victimes d'accidents d'automobile qui, à notre avis et au meilleur de notre conviction la plus profonde, recevront moins sous le régime proposé que sous le régime actuel.

Je termine en disant que nous proposons un minimum pour tous et tous leurs dommages aux victimes innocentes. Merci.

Le Président (M. Boucher): Merci, MM. Bergeron et Crépeau. Je cède maintenant la parole à Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je vais immédiatement corriger la dernière des erreurs que vient de véhiculer le bâtonnier quand il affirme que 66% des victimes recevront moins qu'actuellement. Nous augmentons dans le nouveau régime, les indemnités pour les dommages corporels de $143 millions, soit une augmentation de 65% par rapport aux indemnités du régime actuel.

Pour les victimes indemnisées par le régime actuel, celles qui le sont, nous augmentons leurs indemnités de 20%, soit un montant de $42 millions. Pour les victimes non indemnisées actuellement, nous verserons $101 millions comparativement à rien du tout dans le régime actuel.

M. le Président, nous avons travaillé avec beaucoup d'attention à ce mémoire, nous l'avons fait pour tous les mémoires, mais celui-ci était particulièrement important et nous avions trouvé que le travail qui avait été fait était un travail extrêmement sérieux — je l'ai déjà signalé tout à l'heure — si bien que, même à ce moment-ci de la discussion, je suis en mesure de vous dire, M. le Président, que, sur certains articles qui ont été discutés, nous pouvons déjà annoncer aux membres du Barreau que nous sommes en train de faire des révisions, à l'article 1.3, sur la définition d'automobile, à l'article 1.7 et à l'article 9, sur la définition de conjoint, à l'article 1.20, sur la définition de personne à charge, à l'article 1.29, sur la définition de victime, à la page 34, sur l'article 25, au sujet des personnes âgées de plus de 65 ans et de la situation dans laquelle le nouveau régime les mettrait. Il y aura aussi des révisions à l'article 26, à la page 35, où on nous demande de tenir compte des familles nombreuses — nous étudions à nouveau cet article — aux articles 10 et 43, où il est question de la possibilité pour la régie de verser une rente à quelqu'un d'autre qu'un tuteur ou un curateur; nous sommes en train de réétudier ces articles; à l'article 64, nous croyons que le Barreau a effectivement raison de nous suggérer de limiter le droit de la régie à obtenir un rapport médical en ce qui a trait à la relation avec l'accident; aux articles 81 et 82, les délais en cas d'annulation par l'assureur ou de résiliation du contrat d'assurance.

Je voudrais également, M. le Président, devant tous ces membres du Barreau, vous faire un aveu. Il m'est arrivé, à plusieurs reprises, depuis que je porte ce dossier, de souhaiter avoir également derrière moi des études en droit, ne serait-ce que pour pouvoir, à certains moments, utiliser exactement le même langage pour dire les mêmes choses.

Ce matin, je suis cependant, obligé de vous dire qu'en écoutant le bâtonnier, je préfère ne pas être avocat. Je préfère ne pas être celle qui a fait cette allusion à la nature humaine en la déclarant pourrie pour tous les autres sauf pour ceux qui parlent. Cette charge à fond de train contre les fonctionnaires et cette charge contre les tribunaux administratifs qui ont été inventés, M. le Président, pour soulager, dans la mesure du possible, et dans des domaines spécialisés, les vrais tribunaux, comme les appellent les membres du Barreau.

Je trouve regrettable que le bâtonnier ne s'en soit pas tenu au texte du mémoire qui, lui, est un texte sérieux. A ce moment-ci, je préfère laisser mes collègues de l'Opposition poser des questions et me garder la possibilité de revenir plus tard.

M. Roy: Avant qu'on pose des questions, s'il vous plait, M. le Président, en vertu de certaines dispositions de notre règlement, notamment l'article 77, lorsqu'un ministre cite des chiffres, on peut lui demander de nous donner le rapport. Tout à l'heure, le ministre a cité des chiffres concernant $143 millions qui seraient donnés en plus aux victimes d'accidents d'automobile pour les lésions corporelles, 20% de plus pour une autre catégorie, et un autre chiffre de $101 millions.

J'aimerais demander au ministre s'il a un document montrant sur quoi ces chiffres sont basés et sur combien de temps sont étalés tous ces millions? Est-ce étalé sur un certain nombre d'années ou si ce sont des indemnités prévues pour être versées immédiatement au cours de la première année? Je pense qu'il y a quand même une nuance importante entre les deux.

Mme Payette: M. le député de Beauce-Sud, tous ces chiffres se trouvent dans le livre bleu qui a été déposé à l'Assemblée nationale et ils couvrent une période d'un an.

M. Roy: Ce sont les mêmes chiffres, il n'y a pas eu de changements?

Mme Payette: Aucun changement.

M. Roy: Ce n'était donc pas du nouveau.

Mme Payette: Ce sont les chiffres que contient le livre bleu.

Le Présideni (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je tiens à remercier le Barreau de nous avoir fourni un mé-

moire si bien structuré et une représentation, par son bâtonnier, aussi claire, aussi précise et aussi élégante. Je ne sais pas si ce plaidoyer va changer grand-chose au projet de loi. Il serait malheureux, parce que je crois qu'en somme, vous aviez tout à fait raison. Il y a une longue tradition dans les régimes démocratiques, c'est une tradition fondamentale, de scinder les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. C'est la base et la garantie même de nos libertés individuelles, c'est à la base même de notre système démocratique. Si, dans des lois aussi importantes que la Loi sur l'assurance automobile, nous nous soustrayons à ces principes fondamentaux, c'est un précédent réellement dangereux et qui aura comme résultat des injustices graves envers les citoyens. Cela me semble tout à fait évident. C'est entendu qu'on ne peut pas nier la nécessité de certains tribunaux administratifs; mais je crois que le terme est d'ailleurs éloquent, à cet égard, on dit que c'est un tribunal administratif.

Dans la loi qui nous concerne, on met en cause l'ensemble des citoyens, des victimes, qui seront dans des situations extrêmement difficiles. Selon un Code criminel, la loi est très sévère pour les auteurs de meurtres ou de blessures corporelles causant l'invalidité, et avec raison. Mais il reste qu'être blessé ou perdre la vie dans un accident d'automobile, même si la cause qui a amené un décès ou une invalidité permanente n'est pas la même, il reste que les effets pour ce citoyen sont exactement les mêmes.

On peut, avec un régime comme ceci, démolir une famille. On peut perturber la vie d'une famille complète, décès du père, de la mère, blessures aux enfants et ainsi de suite; et tous ces dégâts ne peuvent être réparés que par les décisions d'un tribunal administratif. C'est inconcevable. Vous avez, à mon avis, tout à fait raison. Ceci dit, il faut tout de même convenir que pour ce qui regarde l'automobile en particulier, c'est un problème, non pas typique du Québec, c'est un problème dont tous les Etats américains, comme les provinces canadiennes, ont eu à s'occuper. C'est un problème extrêmement complexe, parce que personne ne semble avoir trouvé une solution parfaite.

Malheureusement, dans le cas particulier du Québec, on a tardé à modifier le système par étape. On l'a laissé pourrir, on l'a laissé se politiser à l'extrême et on est dans un contexte où il est difficile de trouver une solution valable. Alors, tous ceux qui ont eu un rôle à jouer ou qui ont eu des responsabilités relativement à l'assurance sont, jusqu'à un certain point, mal vus de la population; du moins, la population dans son ensemble a des préjugés tenaces envers tous ceux qui ont eu des responsabilités dans le système actuel. Je dis bien préjugés. Le système étant politisé, ou du moins la situation étant politisée, il demeure qu'on a joué sur les préjugés pour atteindre des buts. Toute cette politisation, tous ces préjugés, font qu'on peut facilement faire accepter par la population de pratiquement démolir le système et le remplacer par le système qu'on étudie aujourd'hui, qui a ses avantages, je n'en doute pas, mais aussi des inconvénients très sérieux; et qu'il faudra, avec l'expérience, s'il est appliqué tel quel, le modifier dans l'avenir.

Alors, cette façon de voir de la population, les avocats, comme l'administration judiciaire de cette province, en ont subi aussi les préjudices. La population, surtout en ce qui regarde l'automobile, ne voit pas dans les tribunaux ou dans le rôle que les avocats jouent dans le statu quo un facteur de justice. C'est dommage, mais à mon avis, c est une question de fait. Je ne dis pas nécessairement que c'est de la faute des avocats comme groupe ou que c'est la faute des tribunaux comme tels, c'est beaucoup plus compliqué que cela. Mais il reste que c'est une question de foi; la population voit cela de cette façon. Quant à moi, je crois que les citoyens, dans le contexte actuel, devraient avoir un droit de recours devant les tribunaux parce que ce sont seulement les tribunaux qui peuvent analyser chaque cas en particulier et dégager pour chaque victime quelle doit être l'indemnisation ultime. Je parle pour les accidents graves, sérieux. Et malgré les imperfections qui existent actuellement dans notre système judiciaire en ce qui a trait aux dédommagements pour victimes d'accidents d'automobile, on devrait plutôt essayer de modifier, d'améliorer la justice pour que cette justice puisse rendre d'une façon plus efficace, plus vite, des jugements valables. Mais c'est la garantie ultime et nécessairement, puisque c'est un pouvoir et c'est le seul pouvoir absolument indépendant, soit de l'exécutif ou du législatif.

Alors, ce droit d'appel que vous demandez, est-ce que vous croyez nécessairement qu'il devrait se faire avec le statu quo, du point de vue de la justice? Est-ce qu'il doit nécessairement se faire avec toutes ces longueurs qu'on prend ou qui sont nécessaires pour avoir le jugement d'un juge?

M. Bergeron: Si je comprends bien votre question, M. le député, vous voulez dire: Est-ce qu'il est nécessaire que ça prenne autant de temps devant les tribunaux ordinaires que ça en prend maintenant?

M. Saint-Germain: Oui, parce qu'avec le temps que ça prend aujourd'hui c'est pratiquement un déni de justice, en fin de compte, pour bien des victimes.

M. Bergeron: Je pense que non. Je pense qu'on pourrait décider d'accélérer la procédure, si on le voulait. Par exemple, on a mentionné dans le mémoire à plusieurs reprises, et Me Crépeau y a fait allusion à quelques occasions: Pourquoi ne pas procéder par requête sommaire? Cela voudrait dire que je préparerais une requête et que je la représenterais au jour qui me convient, tout de suite, devant un juge. La procédure pourrait être accélérée. Souvent, d'ailleurs, les tribunaux sont lents parce qu'il y a trop de causes pour le nombre de juges. S'il y a trop de causes pour le nombre de juges, qu'on nomme plus de juges, qu'on améliore I'administration des greffes.

On pourrait, pour répondre à votre question en toute honnêteté, accélérer le processus sans changer le statu quo du droit de recours devant les tribunaux.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous avez pensé à une façon? Est-ce que ce serait en créant un tribunal particulier, comme on l'a fait pour le travail, par exemple, un tribunal spécialisé, ou une procédure qui serait mieux adaptée aux jugements qu'on doit rendre lors d'un accident d'automobile?

M. Bergeron: Cela peut se faire de diverses façons. Cela peut se faire en ayant un tribunal spécialisé, mais je pense que ça peut aussi se faire simplement en organisant les tribunaux ordinaires, la Cour supérieure et la Cour provinciale, qu'on retrouve dans chaque district et en organisant un rôle spécial tout simplement.

Maintenant, mes confrères, qui sont des experts et qui ont étudie la question depuis de très nombreuses années, ont des commentaires à ajouter à votre question.

M. Michaud (Pierre): Si vous me permettez, M. le député, nous avons proposé un régime qui, à notre avis, répond, sinon parfaitement, du moins assez bien au problème que vous soulevez. Il est exact que souvent les délais sont assez longs avant que la cause de l'accidenté ne soit entendue. Ce n'est pas uniquement limité au processus judiciaire comme tel. C'est souvent en raison du fait que, pour la cause puisse être entendue d'une façon adéquate, il faut que les traitements que la victime doit subir soient terminés, d'une part, et que les médecins qui l'ont traitée soient en mesure d'évaluer d'une façon définitive les séquelles dont cette victime demeurera affectée, d'autre part. Par conséquent, indépendamment du processus judiciaire, il y a cet obstacle à un règlement très rapide. Le régime que nous proposons corrige, en partie du moins, cet obstacle puisque nous disons que nous allons payer à toutes les victimes, immédiatement, quelles que soient leurs responsabilités, une indemnité de base, et la victime innocente gardera son droit de recours pour le surplus.

Est-ce que mon collègue, Me Pépin, a autre chose à ajouter?

M. Saint-Germain: Je comprends très bien qu'avec un "no fault" partiel et payé selon un régime tel que celui que nous étudions aujourd'hui, il y a tout de même un minimum de sécurité, mais cela n'a rien à voir avec l'efficacité des tribunaux. Je vous pose ma question...

M. Michaud (Pierre): Si vous me permettez, M. le député, je veux ajouter ceci: Il m'est arrivé souvent de voir une cause prête à être entendue, le processus judiciaire l'ayant mené à terme quant au rôle, mais les avocats, pour le meilleur intérêt de la victime, ont dû demander que la cause soit reportée, parce que les médecins indiquaient qu'ils n'était pas encore en mesure de déterminer d'une façon finale l'incapacité dont demeurait affectée la victime.

M. Saint-Germain: Oui, je comprends très bien que les délais ne sont pas exclusivement causés par la lenteur des tribunaux. Je l'admets très facilement. Il reste, par exemple, que certaines victimes sont évidemment non responsables d'un accident, soit qu'elles aient été passagères ou que ce soit arrivé dans des conditions telles qu'il était évident que la victime n'était pas responsable.

Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen d'établir un processus par lequel une victime, qui n'est pas responsable, pourrait tout de même recevoir des assureurs une somme minimale et d'une façon immédiate, que ce soit le quart, la moitié de la somme prévisible, mais tout au moins un minimum tout de suite? Tandis que là, il faut attendre avant de fixer le quantum. Il faut aussi attendre de trouver le responsable de l'accident.

M. Pépin (Guy): Ce n'est pas exactement ce qu'on vous propose. Je pense que le gros problème des délais, eu égard à la victime, c'en est un de pénalisation complète. Une victime, innocente ou non — prenons la victime innocente — n'a rien dans le moment, tant que le tribunal n'a pas entendu sa cause. Cela peut prendre aussi peu que six mois, par exemple, dans le district de Joliette, mais c'est énorme pour une victime qui ne reçoit rien, et cela peut prendre, probablement, autant qu'une quinzaine de mois, dans un district comme celui de Montréal.

Si, par ailleurs, vous avez des prestations de base sans égard à la faute, comme le Barreau le recommande depuis 1974, comme d'autres plans le proposent également... Mais si vous respectez également, en même temps, le droit de la victime à réclamer le surplus, la victime reçoit ses prestations de base tant et aussi longtemps que dure son incapacité.

Pour répondre à votre question, si on prend arbitrairement le plan du Barreau, nous préconisons de payer à la victime son salaire jusqu'à concurrence du salaire minimum. Cela pourrait être discuté, modifié et ajusté. On pourrait, à ce moment-là, fixer le salaire de la victime jusqu'à concurrence de $150 par semaine ou de $200 par semaine. On parle d'un minimum que tout le monde reçoit, en faute ou non.

Prenons celui qui n'est pas en faute, puisqu'il représente les deux tiers des victimes d'accidents. Il va recevoir son salaire de base au complet, s'il est inférieur à $200 par semaine, ou, en partie, jusqu'à ce maximum payable sans égard à la faute. Au-delà de ce maximum payable, nous revenons aux deux catégories de victimes que nous connaissons présentement: celles qui sont responsables et celles qui ne le sont pas. Celles qui sont responsables recevront, à ce moment-là, ce que le plan de base accorde. Celles qui ne sont pas responsables — et ce sont celles-là que le présent projet met de côté, pénalise — pourront

continuer leur litige, que ce soit par voie de règlement, sans avocat, avec la partie adverse, que ce soit devant le tribunal, avec avocat. Elles ne seront pas inquiétées par le délai de six mois, de huit mois, d'un an ou même de deux ans, qu'un médecin leur demande pour pouvoir mieux évaluer la cause ou que la victime elle-même, dans certains cas, préfère avoir avant d'être assurée de la condition permanente de sa santé.

Elle aura reçu ses prestations dans l'intervalle et, tout au mieux, seront-elles déduites du montant éventuel du règlement ou du jugement qui interviendra un an ou un an et demi plus tard.

Si, à cela, vous ajoutez la possibilité d'accélérer des mécanismes; si, à cela, vous prenez certaines hypothèses qui sont faites par tous les promoteurs de plans, que plus vous allez faire des prestations sans égard à la responsabilité, moins ii va y avoir de litige, parce que plus vous allez débarrasser — si vous me permettez l'expression — les tribunaux de petites réclamations...

Dans le moment, les gens ont autant le droit de se faire indemniser de leurs petites réclamations que de leurs grosses. Il est évident que, dans un plan d'indemnisation sans égard à la faute, tous ces gens n'auraient même pas besoin, en toute probabilité, d'exercer un recours pour le surplus. Si leurs blessures sont inférieures au plan de base, ils n'ont pas de problèmes, ces gens-là. Accordez-leur un recours dans la loi, c'est un recours théorique. C'est d'ailleurs ce que j'ai dit à Mme le ministre lors de la commission itinérante. Si le recours est inutile ou, à toutes fins pratiques, pour une certaine catégorie de personnes, en tout cas, n'est pas nuisible, il profitera à ceux qui ont des réclamations qui sont au-dessus de n'importe quel plan de base. Il n'y a aucun plan de base qui est complet, y compris et surtout celui-ci.

M. Saint-Germain: Je comprends bien.

M. Bergeron: M. le député, je pense que Me Biron voudrait aussi vous suggérer un élément de réponse à votre question.

M. Biron (André): M. Saint-Germain, là-dessus, j'aimerais vous dire que le plan proposé ne corrige pas totalement le problème que vous soulignez, bien loin de là. Dans le plan proposé, ce n'est pas une indemnité pour incapacité qu'on donne, c'est un remboursement partiel de salaire, durant le temps où la personne ne peut pas travailler, d'aucune façon. On prévoit $20 000 au maximum, en vertu de l'article 45, pour une incapacité totale et on nous dit qu'il y aura un barème qui n'est pas déposé encore. Mais ce montant de $20 000, quand pensez-vous que vous pourrez le recevoir? Une semaine après l'accident? Deux semaines? Ou, si cela ne sera pas, comme à l'heure actuelle, un an après, quand la blessure aura guéri, six mois, un an et parfois deux ans?

La grosse injustice de l'affaire, c'est qu'actuellement, ce qu'on propose dans ce système, c'est de payer le salaire tout de suite. C'est facile à faire. On peut le faire. On nous dit: On va vous payer plus. On va payer plus vite le salaire. On pouvait le faire autrement, mais, actuellement, on offre $20 000 au maximum pour quelqu'un qui a eu une jambe fracturée, qui reste avec la jambe droite qu'il ne peut plier, mais qui est encore capable de faire son travail, $20 000, c'est la somme maximale.

Supposons qu'elle est accordée pour une incapacité totale, ce qui veut dire, par degré d'incapacité, $200 alors qu'actuellement dans toute la province de Québec, les sommes minimales qui sont encaissées par degré d'incapacité, c'est $1000, c'est parfois $1500 et certains ont obtenu récemment $3000 par degré d'incapacité; alors qu'on offre un système qui va donner $200 et ces $200 comprennent la douleur, les inconvénients, la perte de jouissance de la vie alors qu'actuellement les $1000, ou $1500 ou $2000 qu'on obtient par degré d'incapacité ne comprennent pas les douleurs, les pertes de jouissance de la vie.

Ce qu'on propose, c'est de payer un salaire vite, c'est facile, on est d'accord avec cela, on peut le faire. L'important, la grosse partie des réclamations, ceux qui ont travaillé dans le domaine le savent, ceux qui ont été blessés aussi, ce n'est pas le salaire, c'est l'infime partie des sommes qu'on perçoit. Le gros montant, c'est l'incapacité totale. C'est cela qu'on réduit radicalement et, ne nous faisons pas d'illusion, on ne le paiera pas plus vite. Je ne pense pas qu'on va payer $10 000 ou $15 000 avant que ce ne soit guéri et avant de savoir à combien cela va revenir. S'imaginer que les fonctionnaires vont se mettre à aller vite, je dois vous dire que, M. le député, à Drummondville, la semaine prochaine, pour la deuxième fois, des causes vont être ajournées, retardées, parce que, trois ans après l'accident, la Commission des accidents du travail ne s'est pas encore prononcée sur le montant dont les victimes auront droit alors qu'il y a deux maris décédés qui attendent cela. Cela n'ira pas plus vite avec les fonctionnaires, on va payer moins par exemple.

M. Saint-Germain: II ne faudrait pas essayer de prouver à un député que le fonctionnarisme, c'est très efficace. L'expérience nous a prouvé cela depuis longtemps. Vous avez absolument raison, mais qu'est-ce que vous voulez? On a une loi dont la seule philosophie — on la dit humaine, on la dit sociale, à l'ordre du jour — c'est la perte de revenus. C'est entendu que le revenu pour un homme ou pour une famille, c'est extrêmement important, mais il ne faut pas avoir vécu longtemps parmi les humains pour savoir que les inconvénients créés par la vie n'ont pas tous comme source l'argent. On n'achète pas tout avec l'argent. On ne répare pas ses infirmités. On ne peut pas soigner notre arthrite et notre rhumatisme avec de largent. Qu'est-ce que vous voulez?

La loi oublie ces facteurs ou, du moins, tend à les diminuer énormément et, pour bien des gens, ce sont des facteurs de base. C'est vrai qu'en donnant de l'argent aux gens, on ne fait pas disparai-tre leurs maladies ou leurs infirmités, mais cela aide toujours et c'est la seule façon humaine de compenser.

Il reste que si on admet — je l'admets facilement, peut-être pourriez-vous me prouver le contraire — que pour... Je ne veux pas parler de la justice dans le sens général du mot, je veux m'en tenir à ce qui regarde l'automobile. Au point de vue de l'automobile, à mon avis, il y a une lacune dans l'efficacité de nos tribunaux à rendre justice. Cela peut être des lacunes administratives. Comme vous avez mentionné, il n'y a pas assez de juges, mais j'ai l'impression qu'il y a d'autres lacunes. On pourrait changer soit la procédure, je sais que ce n'est pas mon domaine, comme je le disais tout à l'heure pour donner un exemple précis, du moment où on admet qu'une victime n'est pas responsable, au moins, la dédommager partiellement, mais s'il y a des injustices qui naissent de la lenteur des tribunaux actuellement, même si on donnait un droit de recours, si la même lenteur existe, il y aura encore les mêmes injustices.

Il ne faudrait pas, à mon avis, que les avocats essaient de résoudre leurs propres problèmes sur le dos du gouvernement. On en demande tellement au gouvernement. Il y a là, à mon avis, un problème différent. Quelle que soit la teneur de la loi, cela ne rend pas la justice nécessairement plus efficace, en tant que justice pure. C'est la raison pour laquelle je voudrais bien savoir, puisque vous voulez qu'on conserve dans la loi un droit de recours au tribunal... Je le veux bien. J'accepte cela très facilement et je crois que si on ne le fait pas, il va y avoir fondamentalement des injustices. Sur le principe, on ne discute pas. Je n'en discute pas. Mais, si on le fait, il faudrait que ce soit plus expé-ditif qu'aujourd'hui.

Pour rendre les décisions et la justice plus ex-péditives, est-ce que vous avez quelque chose, un plan à soumettre, un remède, si vous voulez? Laissons faire les médecins pour ceux qui, avant qu'on détermine leur incapacité permanente, affirment qu'on doit attendre un certain nombre de mois ou même un an ou deux ans.

M. Pépin: Si vous nous demandez si nous avons ce matin, en tant que Barreau, un plan d'action concret sur une réforme de l'efficacité administrative des tribunaux judiciaires, je pense qu'on doit malheureusement, comme Barreau, répondre non. De toute façon, c'était considéré comme un sujet tabou par la philosophie même du projet de loi.

Si vous nous demandez si cela nous intéresserait de faire un tel mémoire sur une suggestion de réforme qui aurait pour effet d'accélérer la procédure devant les tribunaux en matière d'accidents d'automobile, je pense que nous pourrions venir avec un rapport encore plus détaillé s'il y a lieu que celui-ci, et je me permets à titre personnel, car je ne voudrais pas engager le Barreau, mais seulement pour donner un élément de solution à une question comme la vôtre, de vous faire une suggestion.

Depuis plusieurs années, des plaideurs, une école de pensée, en somme, parmi les avocats qui sont devant les tribunaux, croient qu'en matière d'accidents d'automobile, ce serait peut-être avantageux de pouvoir scinder le procès en deux, de déterminer la responsabilité le plus tôt possible, dans les meilleurs délais, par voie de procédure sommaire ou autrement, et de faire en somme deux divisions, si je peux dire, dans le procès: la responsabilité et les dommages, le quantum.

Pourquoi? L'expérience nous a démontré qu'une fois réglée entre deux adversaires la question de la responsabilité, ils ne sont déjà plus des adversaires ou, en tout cas, ils le sont déjà beaucoup moins quand, ensemble, ils essaient d'évaluer aussi scientifiquement, objectivement et humainement que possible la valeur de la réclamation de M. Untel ou de Mme Unetelle.

Cela ferait un élément. Probablement que chacun de mes confrères ici en aurait un, si quelqu'un d'autre a des commentaires à faire.

M. Bergeron (Viateur): Evidemment, si on nous dit, à cette commission: Nous sommes prêts à accepter le droit de recours pour l'excédent ou quand les gens ne sont pas satisfaits, suggérez-nous la façon de corriger telle ou telle façon de procéder que nous ne croyons pas correcte, on va l'étudier et on va vous suggérer des modes différents, et on va vous dire ce qu'on pense vraiment des façons d'améliorer ce système. Nous sommes prêts à le faire, si on nous le demande.

M. Saint-Germain: Si j'étais du gouvernement, je donnerais aux citoyens un droit de recours, mais j'exigerais aussi du Barreau...

Mme Payette: Vous l'avez été six ans.

M. Saint-Germain: Je ne l'ai pas été, madame. Le peuple a rendu justice, je l'admets. Alors, vous avez la responsabilité, allez-y!

M. Paquette: Je comprends!

M. Saint-Germain: Je n'ai pas à défendre mon passé, croyez-moi. Je me tiens à l'ordre du jour. Si j'étais du gouvernement, je donnerais dans les lois le droit de recours, mais je serais bien aise de recevoir du Barreau, si vous voulez, une étude qui me permettrait de voir comment on peut rendre plus efficace la justice concernant les accidents d'automobile.

On argumente souvent qu'il y a peut-être 1% ou 2%— même s'il y a 1%, je crois, des causes qui vont devant les tribunaux. Je me demande si ce chiffre a réellement la signification que les personnes qui l'utilisent lui donnent. Il me semble absolument évident que si quelqu'un, lors d'un accident d'automobile, subit un préjudice sérieux, et que c'est un jeune homme de 30, 35 ou de 40 ans et qu'il a la responsabilité d'une famille, qu'il ne

s'attend pas à un tel accident, cela peut le mettre, par perte de revenu, dans une situation très sérieuse.

Lorsqu'on lui fait des offres pour régler, ce n'est pas à ce stade, un homme libre d'accepter ou de refuser. Il peut même accepter une somme beaucoup moindre que la somme à laquelle il aurait droit, si le fait d'attendre que la justice se prononce ou d'attendre la somme qu'il devrait recevoir, s'étend sur deux ou trois ans, car cela peut rendre sa situation financière incontrôlable et rien ne justifie cette attente.

Il fait un sacrifice et il accepte un règlement à rabais. Je crois qu'il y a là un élément très sérieux qui n'est pas à l'avantage de la justice.

M. Bergeron: Sur ce point-là, M. Saint-Germain, la proposition qu'on a faite dit: Indemnisation immédiate, pour tous, pour une partie, réclamation pour le surplus par la suite. Vous en avez un exemple dans le domaine de l'expropriation, où on paie un certain montant tout de Suite ou dans des délais raisonnables, dans la plupart des cas, que l'exproprié peut ensuite contester pour obtenir une somme plus grande sans perdre aucunement la somme qu'il a déjà reçue. Justement, le paiement de cette première somme, comme dans le régime où on propose une indemnisation immédiate pour une partie, donnerait à l'individu les moyens d'attendre et de ne pas être obligé d'accepter un règlement, comme vous le dites, qu'on le force à accepter. Il aurait les moyens d'attendre, même si ça prenait un peu de temps. Nous sommes d'accord qu'il faudrait trouver les moyens pour que ce soit le moins longtemps possible, mais vous reconnaîtrez, comme on vous le laisse mirer, qu'il y a des cas qui vont quand même être longs, indépendamment de la bonne volonté de tous, à cause de leur nature même.

M. Saint-Germain: Parce que, quoiqu'il advienne, si le droit de recours était donné à ceux qui gagnent plus de $18 000 bruts par année, pour un homme qui fait $35 000, $40 000 par année, qui a projeté, dans les années à venir, d'en faire autant et qui s'est établi un niveau de vie, le fait de retomber à un revenu de $18 000 net et 90% du net, peut aussi créer des inconvénients assez sérieux.

M. Pépin: Oui, mais le pire, ce n'est même pas pour ce bonhomme, qui fait $35 000, $40 000. C'est pour ceux qui sont en-deçà, du seuil de $18 000 et qui perdent une semaine de carence, et qui perdent 10% de leur revenu, et qui perdent les incapacités auxquelles ils ont droit. Ces gens-là sont infiniment plus vulnérables. Ceux qu'on prétend indemniser à plein seront les plus pénalisés à notre humble point de vue.

M. Saint-Germain: Oui, j'en suis, mais je donnais cet exemple pour dire que, même avec une loi comme celle-ci, des gens peuvent être pressés d'obtenir une réclamation. Celui qui est en bas de $18 000, au moins, il va avoir une indemnité. Il pourra concevoir qu'elle est injuste, mais, d'une façon immédiate, ça ne diminuera pas son niveau de vie d'une façon draconnienne. Je ne dis pas qu'on ne devrait pas, à lui aussi, lui donner un droit de recours, parce que peut-être, qu'en toute justice, il a droit à beaucoup plus que ça. Je l'admets, mais pas d'une façon immédiate. Je crois qu'on a été assez clair là-dessus.

Quant aux articles que vous avez étudiés, vos déclarations ont été bien claires, bien précises. Je ne vois pas quelles questions je pourrais poser qui éclairciraient davantage la commission. Tout de même, à l'article 17... Moi, je ne suis pas avocat; j'ai demandé à bien des gens qui connaissent la loi ou qui ont une formation juridique de me donner une définition claire de cet article, parce que, moi, je n'étais pas capable de l'interpréter ou, du moins, il me semblait qu'il n'était pas clair. Je n'ai jamais eu de réponse claire. Je ne sais pas si vous pourriez la commenter, si vous voulez, un peu plus longuement.

M. Crépeau: La commenter veut dire qu'on créerait de nouvelles ambiguïtés, et nous le trouvons tellement ambigu et risqué, cet article, que nous croyons préférable de ne pas le commenter. Il y a trop de cas qui peuvent se présenter dans les paragraphes b) et a). On peut vous donner des centaines d'exemples en jurisprudence et. à chaque cas, il va arriver un conflit jurisprudentiel. Ici même, entre nous six ou sept, nous allons dire: Bien non. Moi, j'ai déjà eu un cas où le juge a décidé que c'était couvert. Dans l'autre cas, il va dire: Ce n'est pas couvert, parce qu'il y avait telle ou telle petite distinction: ce n'était pas sur un stationnement, c'était sur une route. Alors, nous préférons vraiment vous laisser avec la moralité, si je puis dire, que l'article est très confus, est très dangereux, prévoit des exclusions de cas fréquents. Restons-en là.

Si vous voulez qu'on vous soumette un mémoire seulement sur cela, on peut le faire. Mais, verbalement, ici, on ne peut même pas, entre nous, se mettre d'accord sur tous les cas qui surviennent dans cet article; nous en avons discuté longtemps et nous préférons ne pas nous compromettre et compromettre dans le public une position dont on n'est pas certain. Ce qui est certain, c'est que cet article 17 n'est pas clair et qu'il comprend des exclusions et comporte des risques fréquents de blessés qui ne peuvent pas recevoir d'indemnisation.

M. Saint-Germain: Je n'ai donc pas à me créer de complexe parce que je ne comprends pas?

M. Crépeau: Non.

M. Pépin: Si je peux apporter un commentaire additionnel, M. le Président, pour faire disparaître cette confusion que la plupart des gens trouvent dans l'article 17, je pense qu'il va falloir décider si, en somme, les cas qui y sont prévus sont ou ne sont pas des cas d'accident d'automobile. S'ils sont des cas d'accident d'automobile et qu'on le dit, il faudrait trouver le mécanisme pour qu'ils

soient indemnisés à travers cette loi. S'ils n'en sont pas, il va falloir trouver également des mécanismes pour convaincre les assureurs de changer le mot à mot de leur police de responsabilité civile générale parce que, dans nos activités humaines, quand nous couvrons nos responsabilités personnelles ou autres, nous nous couvrons sur deux plans: notre responsabilité personnelle et notre responsabilité automobile.

Les deux contrats d'assurance sont ainsi faits que ce que l'un couvre, l'autre l'exclut. C'est là que certains de ces cas sont considérés majoritairement par la jurisprudence comme des cas d'automobile d'une part, sont exclus, d'autre part, de votre projet de loi et enfin, à notre connaissance, ils seront vraisemblablement exclus très souvent des polices d'assurance de responsabilité générale existantes, d'où confusion, ambiguïté, risque de grave injustice. J'aurais même mis des noms de causes dans lesquelles j'ai occupé, personnellement, vis-à-vis des paragraphes a) et b) de l'article 17.

On ne s'en rend pas compte, mais il y a des gens qui meurent quand un camionneur fait une erreur quelconque de manipulation de ses appareils indépendants. Quand aux accidents de mo-toneige, je n'ai pas besoin de vous en donner la description, vous en connaissez probablement plus que moi. Ce sont tous des cas où nos tribunaux, majoritairement ou très souvent, ont conclu qu'il s'agissait d'accidents d'automobile. Dans le cas présent, je présume que ces gens conservent un recours, on le présume, mais ils sont protégés de quelle façon, garantis par quoi, à une époque où l'on veut que la solvabilité des gens soit garantie et que les victimes soient indemnisées.

M. Saint-Germain: Je vous remercie, je vois que l'heure du lunch approche. Vous avez le droit de revenir cet après-midi, s'il y a lieu, mais j'aimerais laisser la parole à mes collègues.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Messieurs les membres du Barreau, Me Bergeron, j'ai reconnu dans votre intervention le professeur que vous êtes et le fait que vous possédez très bien votre théorie. J'ai également reconnu le praticien qui, avec réalisme, explique sa théorie et la fait comprendre. Je voyais Mme le ministre bouger sur sa chaise et je voyais ses réactions faciales lors de votre intervention. Je savais qu'elle réagirait de cette façon et je le déplore infiniment. Je déplore que le réalisme de votre intervention ne l'ait pas touchée. Le ministre a pris votre intervention comme une charge contre le fonctionnarisme. Je pense qu'au contraire il s'agissait pour le Barreau de démontrer qu'il faut se donner les moyens de contrôler les faiblesses de la nature humaine, chose que le projet ne prévoit pas. Je déplore également qu'il y ait eu un véritable manque de consultation avec le Barreau, comme avec d'autres organismes qu'on a entendus hier. Je pense que si on s'était entendu au préalable avec le Barreau, on ne serait pas arrivé aujourd'hui avec une quantité d'amendements qui sont acceptés maintenant par le gouvernement, mais qui auraient pu l'être avant et qui auraient peut-être empêché qu'on doive rééditer le projet de loi.

Sur les déclarations comme telles, il y a une bataille de chiffres. Vous dites qu'il y a 66% des victimes qui recevront moins et, d'un autre côté, hier, le BAC nous disait que 65% des gens devront payer plus. Le ministre a cité des chiffres, je suppose que vous aussi, lorsque vous avez avancé ce taux de 66% de victimes, vous vous êtes basés sur quelque chose. Avez-vous des commentaires à apporter là-dessus?

M. Pépin: Si vous me le permettez, j'ai quelques commentaires que mes confrères voudront sans doute compléter.

Premièrement, le chiffre de 66% est extrait mathématiquement du rapport du comité Gauvin et reproduit d'ailleurs par Mme le ministre dans son livre bleu, si mon souvenir est exact. En définitive, dire que 28% des victimes ne sont pas indemnisées et que 6% ne le sont que partiellement, c'est nécessairement affirmer que 66%, peut-être 68%, si je sais compter, le sont intégralement. Ce sont des victimes innocentes.

Mme Payette: Vos 66% sont aussi faux que les 65% d'hier.

M. Pépin: Si vous me permettez, j'aimerais continuer pour élaborer mon raisonnement et vous démontrer qu'indépendamment...

M. Fontaine: Vous ne l'avez pas démenti hier en tout cas.

M, Pépin: Indépendamment des chiffres et statistiques pris dans le rapport Gauvin et réutilisés par le projet Payette, de toute façon, une logique élémentaire amène le même raisonnement avant que les statistiques le confirment.

Prenons le projet Payette et prenons le cas d'une victime innocente dans le régime actuel. Incapacité totale temporaire ou perte de salaire, le régime actuel paie à la victime 100% de sa perte de salaire brut, sans plafond. C'est illimité. Le régime actuel impose un délai de carence d'une semaine et paie, pour le surplus, 90% d'une somme nette de $13 500. C'est le maximum. Incapacité partielle permanente, autre poste d'indemnisation qu'on retrouve dans la plupart des cas de blessures. Dans le présent cas, le présent régime ne prévoit rien une fois la victime réadaptée, réhabilitée et/ou retournée au travail, de gré ou de force, comme cela a été soulevé ce matin par les articles 12, 47 et 69. Le fameux corset. Or, effectivement, le régime actuel, comme Me Biron l'a souligné tout à l'heure, accorde de $1000 à $1500 par point d'incapacité.

La fréquence des cas que nous voyons, comme avocats, ce sont des cas où les incapacités varient entre 2% ou 3% et 10% ou 15%. Au-delà de

cela, on parle vraiment de grosses réclamations. Imaginez qu'une incapacité de 8% ou 10% n'est pas une incapacité qui vous tient à l'abri du travail pendant cinq ans, mais l'incapacité qui peut vous tenir absent du travail pendant un mois et demi ou deux, mais qui va vous iaisser avec une infirmité, une faiblesse. Je pense d'ailleurs que M. Saint-Germain sait ce que je veux dire quand je parle dans ce sens. Dans le moment, ma victime innocente avec une incapacité de 5% à 6% aura une indemnité variant de $5000 à $7500 ou même à $8000.

Autre poste de dommages prévus par le projet et prévus par le régime actuel: mutilation, préjudice esthétique, douleurs, souffrances et inconvénients. Le projet propose une grille maximale de $20 000. Le régime actuel accorde, et c'est vérifié par la jurisprudence, des indemnités qui varient d'aussi peu que $500— mais la grille aussi va exister à partir de $0 jusqu'à $20 000—nous avons nous-mêmes une grille établie par les juges, les tribunaux sur 40 ans d'expérience, qui se situe entre $25 000 et $30 000, selon la gravité de l'indemnité. Mais je peux vous assurer, par expérience personnelle, que le quadraplégique qui ne recevra possiblement pas plus de $20 000 dans le projet, reçoit actuellement plus strictement au chapitre de la mutilation, des préjudices, inconvénients et perte de jouissance de la vie, en plus d'avoir reçu $150 000 pour incapacité partielle permanente.

J'arrive d'ailleurs à l'invalidité totale. Jusqu'ici, vous constaterez que, chaque fois, le régime proposé enlève ou plafonne quelque chose que le régime actuel n'impose pas ou n'enlève pas.

Invalidité totale. Le régime actuel accorde pour un invalide, c'est le quadraplégique, c'est le paraplégique, c'est celui qui a perdu deux membres au point de ne plus pouvoir retourner travailler, par exemple perte de deux jambes, perte, comme j'ai vu dans un cas d'électrocution, de deux jambes et d'un bras, évidemment ce bonhomme est un invalide au sens de la loi d'aujourd'hui, comme de la loi de demain.

L'invalidité, aujourd'hui, se paie sur une base capitale, quand elle est totale, par des montants variant entre $150 000 et $225 000, selon le salaire de base du monsieur. Les déboursés ont tous été comptabilisés dans un autre poste de réclamations. J'en suis strictement à l'invalidité. Cette somme-là produit nécessairement, placée à 8%, un revenu qui sera de l'ordre de $12 500 à $17 000 ou $18 000, et on n'affecte même pas le revenu. Le capital appartient à la victime. Tout cela contre un plafond, actuellement, de $13 500 par année qui cesse nécessairement avec la mort de la victime.

J'ai effectivement réglé, il n'y a pas plus de deux mois, une cause où un bonhomme avait un salaire déclaré de $10 000 et où la partie adverse lui a payé $150 000 pour deux jambes amputées au-dessus du genou, avec un salaire de $10 000 déclaré.

M. Paquette: Cela devait être la seule.

M. Pépin: Dans le cas de décès, autre poste de dommages assez connu, il est évident que la ménagère que le projet propose d'indemniser pour des sommes variant entre $7500 et $15 000 vaut actuellement, pour son mari et ses enfants, environ $25 000.

Enfin, l'étudiant dont le décès sera compensé par une somme de $4000 est compensé, dans le régime actuel, par des sommes moyennes de $8000 à $10 000. Je me place strictement sur le plan de la logique. Quand on fait des comparaisons de grands nombres, des comparaisons statistiques, des comparaisons de primes payées par rapport à des primes payées, on peut peut-être arriver à la conclusion qu'un certain régime retourne, sous une certaine forme, plus d'argent, statistiquement, à un ensemble de personnes, mais c'est individuellement qu'il va falloir traiter chaque victime pour savoir si, oui ou non, nous avons raison de dire que ce plan va pénaliser la très grande partie des 66% des victimes innocentes et, à ceci, j'ajouterai que j'ai rencontré, il n'y a pas plus de deux jours, un représentant de SOQUIJ, Société québécoise d'information juridique, qui est une corporation de la couronne, si mes renseignements sont exacts. Ce représentant, par pur hasard, par pure curiosité personnelle, a compilé des statistiques comparatives entre les montants accordés par le régime actuel et les montants accordés à l'époque, dans le projet du livre bleu, sur les compilations jurisprudentielles que ce représentant avait fait pour le mois de janvier 1977. Il m'a, malheureusement, été impossible d'obtenir ce document pour l'apporter ici ce matin.

J'aimerais bien, à ce moment-là, lancer, si cela se fait dans une commission parlementaire, un défi amical à Mme le ministre. Elle nous a dit, à la commission itinérante, que ses études avaient démontré que, dans la presque totalité des cas, son projet indemniserait plus généreusement que ie régime actuel. J'aimerais peut-être qu'on puisse s'échanger l'information et que vous nous adressiez cette étude qui a été faite et je m'engagerais, avec la permission du bâtonnier, à ce moment-là, à couvrir deux mois, celui qui a été choisi par le représentant de SOQUIJ, janvier 1977. Il s'agit de prendre, dans un mois, toutes les causes, sans les choisir, pour ne pas faire de sélection justement, pour que l'étude soit la plus impartiale possible. Nous prendrions même le nombre de causes qui ont été rejetées pour le motif que la personne était responsable et nous pourrions, si l'étude est le moindrement concluante, vous en fournir une par la suite, plus détaillée, qui pourrait nous permettre de prendre des mois types, variés d'une année à une autre, pour faire des barèmes de comparaison qui, j'en suis convaincu, ne peuvent que confirmer la logique de l'exposé que je viens de vous faire. Je pense que Me Biron avait quelque chose à ajouter à cela, sur la moyenne des accidents.

Mme Payette: M. le Président, l'Opposition me permettra peut-être d'apporter une correction, dans un grand souci de justice pour le rapport Gauvin. Quand nos invités disent que 66% des vic-

times sont indemnisées totalement, ils ne se sont probablement pas rendus à la page 195 du rapport Gauvin qui dit que, quand ces victimes sont indemnisées, elles ne le sont pas pour 40% de la perte économique subie.

M. Pépin: Avec le plus grand respect, nous avons également lu cette partie du mémoire, il y a d'ailleurs un certain nombre d'années, en 1974, pour nous présenter à la commission parlementaire à l'époque, et je vous donnerai personnellement mon interprétation de ce chiffre que M. Gauvin avait sorti et qu'à ma connaissance, il n'a pas autrement justifié. Mais je pense que c'est un secret de polichinelle pour les techniciens en assurance, et je pense que les avocats qui s'occupent des accidents d'automobile finissent par devenir des techniciens ou, en tout cas, certains d'entre nous le sont. Une compagnie d'assurance doit à l'égard de chaque réclamation, faire ce qu'on appelle une réserve, mettre une réserve, mettre un montant de côté. Elle doit prévoir, autrement dit, à peu près combien cette réclamation pourrait lui coûter. Si, à un moment donné, elle reçoit un avis juridique selon lequel son assuré pourrait être tenu, par exemple, 50% responsable, mais qu'il y a des risques que l'assuré soit tenu entièrement responsable, à ma connaissance, d'après les règlements, barèmes de surveillance, etc., du bureau du surintendant des assurances, on va exiger que les assureurs aient des systèmes de réserve prudents, consciencieux et honnêtes pour justement éviter que les réserves soient inférieures à ce que pourrait être la masse des paiements à faire aux victimes. Or, effectivement, je comprends facilement qu'il puisse y avoir un décalage de 40% entre la somme des montants que des assureurs ont mis en réserve pour payer des victimes avant qu'effectivement, un tribunal se soit prononcé sur ce qu'effectivement, cela valait et sur ce qu'effectivement, était la proportion de responsabilité de la victime.

Mme Payette: Cette interprétation personnelle est fausse.

M. Pépin: C'est possible, madame, mais j'aimerais au moins savoir en quoi elle est fausse.

Mme Payette: II faudrait que vous relisiez le rapport Gauvin, c'est beaucoup plus clair dans le rapport Gauvin.

M. Pépin: Je présume que cela devient faux...

Mme Payette: M. le Président, le surintendant des assurances me confirme que l'étude était basée non pas sur les réserves, mais sur les jugements effectivement rendus.

M. Pépin: II faudrait peut-être me donner la chance de contre-interroger les témoins, je suis obligé de prendre l'information du comité Gauvin, telle qu'elle est.

M. Brassard (André): Ce dont Me Pépin a parlé, c'est précisément d'une comparaison entre les jugements et les réserves et qui peut expliquer le décalage entre les deux. Les compagnies d'assurances, souvent, se garde des réserves supérieures à la valeur réelle des réclamations décidées par les tribunaux.

Mme Payette: Ce n'est pas de ce décalage, M. le Président, que le rapport Gauvin parle. Il s'agit tout simplement d'une perte économique qui n'est pas compensée, même pour les 66% des victimes que le Barreau dit être compensées complètement.

M. Pépin: Ou, si vous préférez une précision, mieux qu'elles ne le seront désormais. Comme l'a dit le Bâtonnier, nous recherchons la perfection mais nous ne prétendons pas l'avoir atteinte.

M. Bergeron: Nous avons offert d'échanger des études. Chacun de nous pourrait, à ce moment-là, savoir sur quoi répondre.

Mme Payette: Comme SOQUIJ...

M. Bergeron: Pardon, si vous permettez, madame, je voudrais juste...

Mme Payette: M. le Président, j'allais dire, comme SOQUIJ est un organisme d'Etat, je ne pense pas qu'il faille échanger avec le Barreau pour obtenir cette étude, si elle a été faite par un fonctionnaire.

M. Bergeron: Mais SOQUIJ est une société pour laquelle on paie quand on fait appel à ses services, Madame. Nous aimons bien interpréter nous aussi des jugements. Vu qu'on a fait, pour notre bonheur ou notre malheur, des études de droit. On essaie de s'en servir.

J'aimerais, M. le Président, si on me permet, rectifier deux choses. On m'a dit que j'avais fait une charge à fond de train contre les fonctionnaires. Je voudrais m'inscrire en faux contre ce jugement. Je n'ai absolument rien contre les fonctionnaires. J'ai le plus grand respect pour les fonctionnaires, j'y compte de nombreux amis d'ailleurs. Parmi les membres des commissions dont j'ai parlé, je connais très bien certaines personnes. C'est en pensant à elles que j'ai dit ce que j'ai dit ce matin. Ça n'attaque pas du tout leur intégrité, ni leur honnêteté.

Je dis: Ne demandons pas à des fonctionnaires de faire des choses sans leur en fournir les moyens. Ne demandons pas à des fonctionnaires d'être juges. Demandons à chacun de remplir son rôle. C'est ce que je voulais dire.

Deuxièmement, je veux dire que nous n'avons pas fondamentalement d'objections aux tribunaux administratifs. Il y a plusieurs écoles de pensée là-dessus. Certains disent que ça devrait être une chambre des tribunaux de droit commun, d'autres que ça devrait être une troisième branche des tribunaux de droit civil, des tribunaux de droit pénal et des tribunaux administratifs.

Nous voulons cependant que, lorsque des tribunaux administratifs sont créés, l'on respecte ce

qu'un groupe de travail du ministère de la Justice avait lui-même dit: Premièrement, et je me permets de le citer, que le législateur mette un frein à la création d'organismes disparates aux fonctions diverses et qu'un effort de systématisation soit entrepris relativement aux institutions, organismes ou organes appelés à interpréter et à appliquer le droit administratif.

Evidemment, il faut que ces tribunaux administratifs, si on décide de les créer... Nous soutenons que les organismes dont nous avons parlé ne sont pas de véritables tribunaux administratifs. La loi dit bien que les organismes, d'ailleurs, soient dotés de garanties d'impartialité, d'indépendance quant aux nominations, aux gens qui y siègent et à leur administration. On sait qu'une certaine école de pensée veut que, même pour les tribunaux judiciaires, on sorte toute l'administration des mains des ministères pour la confier à une société indépendante, une régie judiciaires absolument indépendante; que les tribunaux s'administrent eux-mêmes, en somme.

C'est ce que je voulais préciser quant à mes propos, tantôt.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

Mme Payette: M. le Président, au sujet des 40%, si on me permet une information supplémentaire, toujours tirée du rapport Gauvin à la page 130. Le rapport Gauvin se base sur une déclaration d'un juge qui explique la façon dont on procède pour établit l'indemnisation.

Il dit: "Deux méthodes ont généralement cours qui aident à en arriver à des approximations acceptables lorsqu'il s'agit d'évaluer la perte résultant du décès d'un individu relativement jeune. La première consiste à établir le coût de l'achat d'une rente viagère qui, sur la tête du défunt, aurait assuré un revenu égal à celui que sa mort a fait disparaître. Le montant est ensuite arbitrairement réduit de 40% en raison des aléas autres que celui d'expectative de vie dont le premier calcul tient compte"...

M. Pépin: M. le Président, en tout respect, les 40% dont parle le juge Archambault dans le jugement auquel réfère M. Gauvin à la page 130 de son rapport, ont déjà été enlevés dans les chiffres que j'ai soumis tout à l'heure. Je veux bien admettre, à ce moment-là, que ce sont les 40% dont on parle et je vous dis que même après avoir amputé le régime actuel de 40%, moi, sur mon serment d'office, je vous ai cité des chiffres qui sont ceux du jugement rendu.

Deuxièmement, je reviendrai à la page 194 pour constater qu'effectivement, le tableau duquel l'actuaire Gauvin tirait la conclusion que globalement, près de 40% de la perte subie par les victimes ne sont pas compensés par le régime de l'assurance automobile, porte sur l'étude de 65 cas où on a établi une porte moyenne de $37 133 et où les assureurs ont affirmé avoir compensé, en moyenne. $14 951, ce qui donne un rapport de 60% ou un décalage de 40%.

Mais moi, ce que j'ai dit tout à l'heure et ce que je demande encore, c'est: Qui a déterminé que la perte moyenne était de $37 133? Ce n'est pas le tribunal qui a déterminé cela? J'aimerais me le faire confirmer. Moi, je soutiens que c'est la méthode d'évaluation des causes, telle qu'on la connait, dans le régime actuel, qui oblige un assureur à prévoir quel est le montant moyen de la réclamation, $37 133, qui l'oblige, selon de bons standards d'administration, à mettre des réserves en conséquence, mais cela n'est que quand il paie, de fait, $14 951 qu'il a plus ou moins la satisfaction de savoir ce que cela valait. Et quand il n'est pas content de cela, le tribunal tranche, s'il n'y a pas eu règlement.

M. Paquette: M. le Président, je ne sais pas si le député me permettrait de poser une question, toujours sur le même sujet, pour essayer d'approfondir un peu?

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Vous nous avez dit tout à l'heure qu'il y avait environ 1% des cas qui se rendait finalement à un jugement de la cour. Dans 99% des cas, cela se règle hors cour, si je comprends bien?

M. Pépin: Cela se règle hors cour.

M. Paquette: Si c'est bien cela, est-ce que vos chiffres tiennent compte de ces 99% J'ai vu des tas de gens, à mon bureau, qui espéraient avoir un montant de $40 000 ou $45 000 en cour, d'après leur avocat, et qui se faisaient offrir $10 000 ou $15 000 et qui les prenaient?

M. Pépin: Oui.

M. Paquette: Pour arriver à votre 66%, je me demande si vous avez tenu compte de cela. L'information que vous avez eue de SOQUIJ porte sur les jugements rendus, si je comprends bien. Vous n'avez pas de chiffres pour les autres cas.

M. Pépin: On n'a pas de chiffres pour ceux qui ne sont pas allés voir les avocats. On peut tout simplement référer à Gauvin qui dit qu'effactivement, dans le régime actuel, ceux qui sont allés les voir ont été mieux indemnisés. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise? C'est cela la...

M. Paquette: On a établi tantôt qu'il y avait, d'après Gauvin, une réduction de 40% par rapport aux cas qui se rendaient à un jugement.

M. Pépin: Je pense que ce n'est pas ce que Gauvin a dit. Gauvin a simplement dit que la grosse perte était sous-compensée à 40%: il n a pas fait la distinction entre la perte qui allait devant le tribunal et la perte qui n'y allait pas.

M. Paquette: Mais dans le cas des jugements de cour...

M. Pépin: Evidemment, quant à nous, puisque nous demandons le maintien du recours, si vous me dites que parce que les gens n'ont pas utilisé le recours qui était le leur dans le passé, on va leur enlever complètement, je pense qu'à ce moment-là, c'est tirer une conclusion hâtive et dangereuse. Au contraire, on devrait peut-être les encourager à exercer les recours qui sont les leurs pour obtenir les indemnités que nous savons que les tribunaux leur accordent.

M. Paquette: Je comprends. Le système fonctionne depuis longtemps, il est comme il est. Les gens sont placés dans un régime qui les amène quasiment à accepter des indemnités trois ou quatre fois moindres que celles auxquelles ils auraient droit s'ils attendaient un jugement de cour, et cela, quand ils reçoivent quelque chose, parce qu'il y a également tous les gens qui ne reçoivent rien.

Dans ces cas, les victimes reçoivent quelque chose, semble-t-il. Nous prétendons qu'elles vont recevoir moins que ce qu'elles reçoivent. Evidemment, on base les cas sur ceux qu'on connaît.

Qu'il y ait des règlements hors cour qui soient insatisfaisants, nous l'avons dit souvent. Là-dessus, je pense que même nos confrères de l'aide juridique ont tenté, comme nous d'ailleurs, de faire de l'information juridique populaire. Le Barreau a publié, il y a quelques années, "Quoi faire en cas d'accident d'automobile, adressé à tous les citoyens de la province. Pourquoi? Pour les informer de leurs droits et pour leur dire, comme à tout le monde à qui j'ai dit: Consultez l'avocat que vous voudrez, mais quand vous avez un accident, ne réglez pas sans consulter un avocat. Je me suis fait d'ailleurs, dans un article que j'ai déjà décrit, quelques ennemis chez les agents de réclamation en disant qu'on ne devrait jamais accepter un règlement d'un agent de réclamation sans avoir son avocat.

Ce qu'on veut faire, c'est que les gens puissent exercer davantage leurs droits, afin qu'on constate que, lorsqu'ils exercent leurs droits, ils sont bien payés quand ils sont innocents. Mais on a dit aujourd'hui... je pense qu'il faut faire attention de ne pas l'oublier... Notre proposition, c'était ma conclusion: nous voulons que tout le monde reçoive un minimum et que par la suite, il reçoive tout. Il me semble que cela changerait énormément le portrait.

M. Paquette: Je pense que vous êtes d'accord pour nuancer fortement votre énoncé de tout à l'heure. Vous nous avez dit que 66% des victimes vont recevoir moins, mais c'est 66% de ces victimes, ce qui constitue 1% de la population, qui se rendent à un jugement de la cour; c'est cela que vous auriez dû dire.

M. Michaud (Pierre): Vous ne pouvez pas présumer que !es victimes qui ne se rendent pas devant le tribunal, n'obtiennent pas réparation.

M. Paquette: Non, mais vous ne pouvez pas nous garantir le contraire non plus; l'expérience de la population n'est pas comme cela.

M. Michaud (Pierre): C'est évident que si on n'est pas mis au courant du cas, on ne peut pas porter de jugement de valeur.

M. Paquette: Non.

M. Michaud (Pierre): Mais, si vous me le permettez, j'aimerais vous citer justement le rapport Gauvin, à la page 198, sur cette question de l'évaluation du rapport des compensations et des pertes réellement subies au niveau du jugement rendu. Je cite M. Gauvin verbatim, à la page 198. Il dit: "Enfin, il semblerait que les victimes dont les poursuites judiciaires aboutissent à un jugement de la cour soient sensiblement moins bien indemnisées que celles des deux catégories différentes, sous réserve toutefois que le nombre de victimes concernées ne permet pas de porter un jugement réellement valable dans ce cas."

Je pense que M. Gauvin lui-même a signalé, très clairement, que son évaluation là-dessus était faite sous toute réserve. Il a dit clairement qu'on ne pouvait pas réellement porter un jugement de valeur sur cette évaluation de sa part.

Mme Payette: Est-ce que ce n'est pas inconséquent, de votre part, à ce moment-là, de lancer le chiffre de 66%?

Une Voix: Pas du tout.

M. Paquette: C'est même irresponsable.

M. Pépin: Cela n'a rien d'inconséquent, pour la bonne raison que, justement, au point de vue logique, nous faisons la démonstration que vous ne pouvez pas prétendre mieux indemniser une victime quand vous ne l'indemnisez pas intégralement. Je veux bien me servir de statistiques, mais je ne voudrais pas pour autant mettre la logique de côté.

Mme Payette: Vous avez bien raison, M. le député.

M. Pépin: Je compléterais peut-être en disant, Mme le ministre, que si le droit de recours est si inutile, qu'est-ce que cela en coûterait au gouvernement de l'inclure dans son projet de loi? Il sera là pour ceux qui pensent que cela peut leur aider.

Le Président (M. Boucher): Je crois que le député de Nicolet-Yamaska avait la parole et je dois la lui donner à nouveau.

M. Fontaine: Je permets à M. Biron de s'exprimer par une dernière intervention là-dessus.

M. Biron (André): La seule chose que j'aimerais ajouter là-dessus, c'est que vous avez l'air de prendre le rapport Gauvin comme une bible, et que tout ce qu'il y a dedans est vrai, etc.

J'aimerais ajouter que, si vous vous basez là-dessus pour dire que le régime que vous proposez indemnise mieux que le régime actuel, vous faites une grave erreur, parce que le rapport Gauvin est

basé sur des statistiques de 1969, et, tous ceux qui sont dans la pratique savent qu'actuellement les indemnités devant les tribunaux ont doublé depuis 1969. Elles ont doublé non seulement devant les tribunaux mais par ce qu'on obtient par règlement dans nos bureaux. Tout le monde sait cela. Si on se base sur des statistiques de 1969... Je dois vous dire que cela fait plus de cinq ans que je n'ai pas vu un juge dire: Voici, cela vaudrait $40 000 mais j'enlève 40% pour tenir compte des aléas de la vie. On ne parle plus de cela.

Il y a eu une cause en Cour suprême, la cause de Watt, où on n'a pas tenu compte de cela. Un père de famille avait été tué. On a accordé neuf fois son salaire annuel et, depuis ce temps, les tribunaux s'en servent, et on fait des multiplications, et l'histoire de dire qu'on enlève 30%, 40%, non! Les indemnités actuelles des tribunaux ne ressemblent plus d'aucune façon à celles qui étaient payées en 1969. Il faut en tenir compte, parce que votre régime ne s'appliquera pas en comparaison de ce qui était donné aux gens en 1969, mais de ce qu'ils peuvent obtenir aujourd'hui, lorsqu'ils sont des victimes innocentes. Cela ne vous est pas possible de nous démontrer que vous paierez plus.

Mme Payette: M. le Président, il ne faudrait quand même pas qu'on nous prenne pour des innocents. On n'a quand même pas travaillé sur des chiffres de 1969.

M. Biron (André): Pardon?

Le Président (M. Boucher): Pour la bonne compréhension du journal des Débats, est-ce qu'on pourrait...

Mme Payette: Répéter, M. le Président? Avec plaisir! Il ne faudrait quand même pas qu'on nous prenne pour des innocents. On n'a pas travaillé avec des chiffres de 1969.

M. Biron (André): C'est le rapport Gauvin, c'est écrit dedans.

M. Bergeron: M. le Président, si on me permet une précision, c'est moi qui ai affirmé que 66% des victimes innocentes soint moins bien payées, sur la foi des études que nous avons faites collectivement. Je peux dire qu'il y a des gens qui sont ici, qui travaillent dans l'assurance automobile depuis 1971 et qui ont étudié tous les rapports, toutes les études là-dessus, et d'autres.

Le chiffre de 66% vient de ceci: Ce sont les victimes considérées comme des victimes innocentes par M. Gauvin. Nous sommes d'avis que ce chiffre est correct. A partir de ce chiffre, nous avons regardé ce que les tribunaux accordent généralement et ce que le projet que vous proposez accorderait, s'il n'était pas modifié. C'est là-dessus que sont fondées nos affirmations. Elles sont faites sur des choses extrêmement simples, faciles à comprendre.

M. Paquette: Vous extrapolez 1% de la population à 100%?

M. Bergeron: Non, M. Gauvin dit bien ceci... M. Paquette: C'est à peu près cela.

M. Bergeron: M. Gauvin le dit lui-même. Il n'y a pas de preuve que ceux qui ont des jugements reçoivent plus que ceux qui règlent. L'expérience du droit démontre à tout le monde que, dans certains cas, on en a peut-être eu plus par règlement que si on avait plaidé. Il n'y a pas de règle absolue là-dessus.

Mme Payette: M. le Président, d'où vient l'adage, qu'un professeur n'enseigne peut-être pas en droit, mais qui court au palais de justice et qui dit: Vaut mieux un mauvais règlement qu'un procès perdu? Ce ne sont pas les avocats qui disent cela?

M. Bergeron: Un mauvais règlement vaut mieux qu'un procès.

Mme Payette: Je suis désolé de vous dire que j'en fréquente parfois.

M. Bergeron: Evidemment, Mme le ministre...

M. Roy: Je pense que Mme le ministre pourrait dire que c'est faux. Vaut mieux un mauvais règlement que de perdre un procès. Est-ce que c'est faux?

Mme Payette: C'est probablement vrai. Je pense que les avocats sont mieux placés que quiconque pour le savoir.

M. Bergeron: Si on me permet...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! Ceci dit, je crois qu'on doit revenir aux questions du député de Nicolet-Yamaska.

Mme Payette: M. le député...

M. Fontaine: M. le Président, j'aimerais savoir du ministre, à ce stade, si elle prétend qu'avec le projet de loi 67 toutes les pertes économiques vont être totalement indemnisées.

Mme Payette: 85% de la population va voir toutes ses pertes économiques indemnisées.

M. Bergeron: M. le Président...

Mme Payette: Les 10%, je l'ai expliqué déjà, c'est ce qu'on considère qu'une personne doit investir pour gagner son salaire. Sept jours de carence, on pourra toujours I'utiliser, c'est certainement moins cher que Ies 15% des avocats.

M. Pépin: Est-ce qu'on peut tenir pour acquis que la population aura les 100%?

M. Biron (André) : Je ne peux pas m'imaginer, après avoir lu cette loi, que quelqu'un va être capable de se faire payer quelque chose dans votre système, sans consulter un avocat. Ceux qui l'ont étudié ne comprennent pas encore certains articles. Comment le citoyen seul va-t-il pouvoir, sans assistance, réussir à obtenir une indemnité décente? Pardon?

M. Paquette: II va avoir besoin d'un avocat s'il n'est pas satisfait. C'est quand même très différent.

M. Biron (André): Oui, mais qui va l'aviser sur la façon de présenter sa réclamation, de ce qu'il doit faire valoir? Qui va l'aviser de cela? Le fonctionnaire? C'est comme si, dans le système actuel, on s'en remettait à l'assureur pour dire: Combien cela vaut-il? Qu'on nous paie. Si le gars n'est pas content, il va voir un avocat.

Mme Payette: II y a des courtiers qui ont offert leurs services à 11%.

M. Pépin: Est-ce qu'ils auront un statut devant la Commission des affaires sociales, Mme le ministre?

M. Fontaine: Une bonne question vous est posée.

M. Pépin: J'ai demandé à Mme le ministre si les courtiers auraient un statut d'avocat devant la régie en révision et, devant la Commission des affaires sociales.

Mme Payette: Nous allons d'abord nous préoccuper de leur donner un cadre juridique, ce qui me paraît important.

M. Roy: C'est une bonne nouvelle, que le ministre vient de nous annoncer.

Mme Payette: Je l'ai déjà annoncée.

M. Roy: Vous ne l'aviez pas tellement annoncée à la commission parlementaire.

Mme Payette: Nous avons déjà commencé hier, à en débattre avec les assureurs, mais on n'a pas trouvé beaucoup d'appui du côté de l'Opposition.

M. Roy: M. le Président, je n'accepte pas que le ministre dise qu'on n'a pas eu d'appui du côté de l'Opposition, puisque sur ce point particulier, bien avant que le ministre n'assume la responsabilité du ministère des Consommateurs, Compagnies et Coopératives, j'ai personnellement fait des interventions à ce sujet en Chambre. Je l'ai répété à deux occasions, je ne l'ai peut-être pas répété hier. Je pense qu'on n'est pas ici pour répéter toujours la même chose. Mme le ministre savait très bien les opinions que j'avais à ce sujet.

Mme Payette: M. le Président, c'était une belle occasion hier.

M. Roy: Je n'accepte pas l'insinuation qu'on veut faire, à savoir que l'Opposition aurait pu changer d'idée de ce côté. Le ministre connaissait les positions du député de Beauce-Sud là-dessus.

Mme Payette: C'était une belle occasion hier, alors que nous avions devant nous les représentants du BAC qui disent être presque la voix unique des assureurs, de tenter de leur dire qu'il fallait qu'ils négocient avec les courtiers.

M. Roy: Est-ce que le ministre a besoin d'avoir la permission des assureurs pour donner un cadre juridique aux courtiers?

Mme Payette: C'était une belle tentative à faire que d'avoir un accord des assureurs pour s'assurer qu'ils vont négocier avec les courtiers.

M. Saint-Germain: Est-ce que le gouvernement a besoin de l'Opposition pour dialoguer et signer une convention avec les courtiers?

M. Roy: Cela me surprend. Mme Payette: Non, pas du tout. M. Roy: Le ministre me surprend.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît! M. le député de Nicolet-Yamaska, vous avez terminé?

M. Fontaine: Non, j'ai encore beaucoup de questions. Je n'en ai pas encore posé, M. le Président. Je n'ai qu'une question de posée.

Mme Payette: ...

Le Président (M. Boucher): On ne vous donne pas grand-chose.

M. Fontaine: M. le Président, on affirme dans le mémoire, à la page 2 — c'est une affirmation intéressante que J'ai relevée — au deuxième paragraphe: "Elle affirma que le régime proposé s'avérait plus généreux que le régime actuel. Si le ministre Payette a raison, il en résulte que le droit de recours devant les tribunaux ne devrait rien coûter pour être maintenu en faveur des victimes innocentes." Est-ce que vous pourriez faire des commentaires sur cette phrase?

M. Bergeron: C'est évident, comme on l'a dit tantôt, que les tribunaux servent à régler les cas des gens qui ne sont pas satisfaits des modes de règlement à l'amiable qui existent. Si le gouvernement n'a pas peur de son régime et croit qu'il est bon et qu'il va bien indemniser les gens, les gens devraient être contents, et les gens contents, ça ne poursuit personne devant les tribunaux. Mais il faudrait leur laisser le choix de décider eux-mêmes s'ils sont contents ou pas. Il ne faudrait pas décider pour eux. Ce sont de grandes personnes généralement. Elles peuvent aussi consulter. Alors, qu'on laisse le recours. Cela, c'est la garantie que le système va bien fonctionner, parce qu'il y aura une sanction, s'il ne fonc-

tionne pas bien. Le tribunal ordinaire, pouvoir indépendant, va trancher le litige entre la régie, le fonctionnaire et l'assuré, la victime. Alors, qu'on le laisse, si on n'a pas peur, si on prétend que le régime est si bon, je ne vois pas pourquoi on l'enlève. Personne ne s'en servira, si ce n'est pas nécessaire, mais tout le monde l'aura en cas de besoin et, dans ce genre d'affaire, il est souvent suffisant que la menace existe pour empêcher qu'on ait besoin de s'en servir.

M. Fontaine: Est-ce que ce recours pourrait s'exercer et comment pourrait-il s'exercer? Le tribunal devrait tenir compte des rentes qui sont prévues dans la loi, je suppose?

M. Pépin: Certainement. Il est évident que le recours ne serait que pour ie surplus. Le tribunal devrait donc en tenir compte soit en les soustrayant de l'indemnité de la valeur totale de la réclamation, ou soit en n'en allouant pas les postes pour lesquels des indemnités ont été payées, si les indemnités ont payé la pleine valeur de la perte.

On me souligne d'ailleurs que ça se fait un peu comme ça à la Commission des accidents du travail actuellement.

M. Michaud (Pierre): Ce droit de recours, vous l'avez déjà à la Commission des accidents du travail, lorsque c'est un tiers qui est responsable.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, comme j'aimerais faire quelques commentaires avant de commencer à poser des questions, et comme il est 1 h moins 1 minute, est-ce que je peux proposer la suspension du débat pour que nous revenions à 3 heures.

Mme Payette: II est 1 h moins 2, mais je serais d'accord pour suspendre la séance.

Le Président (M. Boucher): Nous suspendons la séance jusqu'à 3 heures cet après-midi, salle 91.

(Suspension de la séance à 12 h 57)

Reprise de la séance à 15 h 8

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et messieurs!

A la suspension de ce midi, nous en étions toujours au mémoire du Barreau du Québec et M. le député de Beauce-Sud avait la parole.

M. Roy: Merci, M. le Président. Mes premiers mots seront pour féliciter le Barreau du Québec et le remercier de l'excellent mémoire qu'il nous a présenté ce matin et du travail qu'il a fait, de l'étude très sérieuse qu'il a faite à l'égard du projet de loi 67. Avant de suspendre nos travaux ce midi, on a fait référence au rapport Gauvin. J'aimerais rappeler les principes mêmes qui ont présidé à la formation de la commission Gauvin et les objectifs que la commission Gauvin avait à poursuivre à partir du mandat qu'elle a reçu. On se rappellera qu'en vertu de l'arrêté en conseil même qui avait créé la formation de cette commission, il y avait trois grands objectifs qui étaient poursuivis par le législateur du temps en 1971. D'abord, tout le monde reconnaît que la commission Gauvin a fait une étude des plus sérieuses sur l'assurance automobile, voire l'une des études les plus sérieuses qui avaient été faites en Amérique du Nord. Les trois grands objectifs qui ont présidé à la formation de la commission Gauvin étaient, d'abord, d'étudier les coûts de l'assurance automobile et de chercher des méthodes qui pourraient diminuer le coût.

Le deuxième objectif, c'était de trouver des méthodes, trouver des formules qui verraient à diminuer, à raccourcir les délais dont bien des citoyens se plaignaient pour avoir un règlement de leurs dommages.

Le troisième objectif, c'était de voir à trouver des formules en vue d'assurer une meilleure indemnisation aux victimes.

Est-ce qu'à l'heure actuelle, au stade même où la commission parlementaire en est rendue au niveau de nos travaux — même si cela fait déjà plusieurs jours que la commission parlementaire siège — a-t-on réellement fait la preuve qu'on avait comme première préoccupation de faire en sorte de trouver des formules, de trouver des moyens pour diminuer les coûts? D'ailleurs, il y a eu des chiffres qui ont été soumis hier, il y en a eu d'autres au cours des journées qui ont précédé, mais la preuve n'est pas faite, à ce moment-ci, qu'il y aura possibilité d'une diminution de coût. Mme le ministre a elle-même dit qu'elle ne s'engageait pas à diminuer les coûts de l'assurance automobile, mais qu'elle travaillerait surtout à trouver des formules en vue d'une meilleure indemnisation.

L'un des premiers objectifs de la commission Gauvin, de la réforme de l'assurance automobile, est déjà mis de côté. Pour ce qui a trait aux délais, on pourra y revenir tout à l'heure, sur les questions qui seront posées, mais je pense qu'à la lumière des suggestions et des demandes nombreuses qui ont été faites et qui n'ont pas été retenues jusqu'à maintenant par le gouvernement ou les gouvernements, je ne sache pas que, même si on

prend les méthodes très discutées et très discutables de la Commission des accidents du travail pour en venir au règlement des sinistres... J'ai trop de dossiers qui datent de cinq ans dans mon bureau pour ajouter foi à la diminution des délais en ce qui a trait au règlement des sinistres.

On peut donc dire que ie deuxième objectif de la commission Gauvin, à l'heure actuelle, est un point d'interrogation aans l'esprit de tout le monde. Pour ce qui a trait au troisième objectif, c'est-à-dire une meilleure indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, il y a eu, avant le dîner, des échanges entre nos invités et le ministre, concernant le fait que dans l'ancien régime, très peu nombreuses étaient les victimes qui pouvaient avoir 100% de compensation pour leurs pertes économiques. Je pense qu'il y a une chose qu'il faut dire à ce moment-ci. Pour ce qui a trait au remboursement complet de la perte économique, le nouveau régime fait en sorte que 0% des victimes d'accidents d'automobile peut avoir un remboursement complet de ses pertes économiques puisque le remboursement se fait sur une base de 90%, maximum. Les minimums sont assez rares. Deuxièmement, la première semaine de salaire est exclue.

Donc, si actuellement on travaille, en toute objectivité et en toute sincérité, en vue d'en venir à trouver des formules pour une meilleure indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, je pense que ce n'est pas en nous assurant par une loi bien spécifique, à savoir que dorénavant aucune personne au Québec ne pourra avoir pleine indemnisation des pertes économiques qu'elle aura subies... Je ne crois pas, en ce qui me concerne, qu'on travaille réellement au niveau d'une meilleure indemnisation des victimes d'accidents d'automobile.

Or, nous avons dit, au début, qu'il y avait deux grandes questions à nous poser sur cette question fondamentale. Il y avait d'abord le principe même de la loi. Deuxièmement, les objectifs qu'on cherchait à atteindre. Je pense que le débat, à l'heure actuelle, se situe beaucoup plus sur le plan idéologique — et je le dis de façon très sérieuse — que sur le plan pratique et sur le plan d'un bon régime d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobile. C'est pourquoi j'ai été heureux ce matin d'entendre le bâtonnier du Québec nous rappeler les grands principes d'une démocratie saine et véritable. Le rôle que doivent jouer les tribunaux judiciaires, le rôle que doivent jouer ceux qui défendent les droits fondamentaux de la population, et le rôle que doit jouer l'Etat... Le départage qui doit exister entre les deux, puisque nous sommes effectivement devant un problème plus idéologique que pratique. Je comprends qu'on puisse se gargariser de social-démocratie, mais il ne faudrait pas oublier que, sur le plan pratique, la social-démocratie est égaie à la social-bureaucratie et à la social-technocratie. Quand on parie des tribunaux administratifs, et qu'on veut remplacer les tribunaux de droit commun par les tribunaux administratifs, dans un domaine où les tribunaux administratifs ne sont pas intervenus de façon di- recte... Alors qu'on fait des tentatives et des études actuellement sur le plan gouvernemental pour trouver des méthodes en vue d'humaniser les services qui sent actuellement administrés par des tribunaux administratifs, et qu'on ne semble pas être ne mesure de trouver les formules véritables et vraiment valables en vue d'humaniser le système, je me dis qu'il est temps qu'on se pose des questions et c'est pourquoi je dis une deuxième fois que j'ai été heureux d'entendre le bâtonnier ce matin.

Le gouvernement devrait porter une sérieuse attention sur ce que le peuple attend de lui. Le jour où la population du Québec ira chercher ses plaques d'immatriculation et qu'elle devra, en même temps, payer le coût de l'assurance étatique et en même temps aller chez son courtier pour avoir l'autre partie de l'assurance — parce qu'on a un système à deux têtes, les gens vont l'appeler, ce n'est pas moi qui vais l'appeler, je n'aurai pas besoin de le faire, d'autres vont le faire — on va appeler le projet d assurance automobile le monstre à deux têtes. Parce qu'à aucun moment dans le rapport Gauvin il n'a été question de multiplier l'administration du système, puisqu'on s'était donné comme objectif et pour mission, de trouver des formules, de trouver des méthodes pour tâcher de diminuer les frais d'administration.

Alors qu'on propose une deuxième administration, on fait en quelque sorte une bête à deux têtes. Le gouvernement devrait se rappeler que lorsqu'on n'écoute pas la population de nos sièges, lorsqu'on n'écoute pas la population qui nous a pourtant mandatés pour la représenter et qu'on fait en sorte, par toutes sortes de subtilités, de lui camoufler la vérité ou encore de ne pas tout lui dire de façon qu'elle le réalise après, on pourra se rendre compte quand même que s'il y a des gouvernements qui se sont fait élire avec l'assurance automobile, il y en a un deuxième qui s'est fait battre et cela ne fait pas longtemps, cela fait seulement deux jours. Le peuple pourra parler encore.

M. Paquette: Cela n'a pas été discuté pendant la campagne.

M. Roy: On a parlé du coût social du régime et on vient alourdir le régime, on vient alourdir ie coût. Je m'interroge sérieusement, en ce qui me concerne, sur ies raisons qui ont motivé le gouvernement et qui le motivent encore aujourd'hui à ne pas avoir retenu les nombreuses recommandations, les nombreuses demandes et suggestions qui ont été faites par les gens du milieu, par les spécialistes du milieu, que ce soit les assureurs, les courtiers, bref, les spécialistes qui sont venus devant nous à la commission parlementaire, que ce soit, également les gens du Barreau ce matin. Si je me souviens bien, à la fin des audiences qui ont eu lieu lors de l'étude du rapport de la commission Gauvin, il y avait un consensus quasi unanime qui s'était fait des deux côtés de la Chambre, c'est-à-dire autant du côté gouvernemental que du côté de l'Opposition et autant du niveau des spécialistes de l'assurance-automobile,

comme ils en ont témoigné, ce matin et hier, voulant que l'assurance automobile devait devenir obligatoire au Québec. Les assureurs ont parlé hier d'un "no fault" partiel. Le Barreau parle, ce matin, d'un régime de base avec indemnisation immédiate. On a parlé du maintien de la notion de responsabilité à partir d'un certain niveau. On a parlé de maintenir les droits de recours pour certaines catégories, on a parlé de la sécurité routière. Comment se fait-il que du côté gouvernemental on ait mis de côté des spécialistes de la question, des experts, des personnes qui ont une longue expérience de l'assurance automobile, pour nous proposer un système pour lequel on n'est pas capable de répondre aux députés membres de l'Opposition à l'Assemblée nationale? Après avoir fait de multiples demandes pour obtenir des documents de la part du gouvernement, je suis encore obligé de me référer au livre bleu. Le document que nous avons eu cette semaine, le plus récent, date du 26 mai 1977 et le deuxième document que nous avons reçu date du 26 avril 1977. Est-ce à croire que du côté ministériel il n'y a pas d'autres études qui ont été faites? Est-ce à croire qu'on n'est pas plus avancé que cela du côté ministériel?

Je serais tenté de poser une question à mes collègues du côté ministériel. J'espère au moins que ces derniers, étant donné qu'ils font partie du caucus ministériel, ont plus de documents que nous et qu'ils sont mieux informés que nous. Si mes collègues du côté ministériel ne sont pas plus informés que je peux l'être à l'heure actuelle, je me demande comment, objectivement, à partir des trois grands principes, des trois grands objectifs par lesquels le législateur a voulu, depuis plusieurs années, en venir à trouver des améliorations au régime d'indemnisation des véhicules automobiles, je me demande comment, dis-je, on pourra prendre un vote vraiment positif et vraiment responsable à l'Assemblée nationale.

Je m'interroge sérieusement, en ce qui me concerne, pourquoi le gouvernement ne prendrait pas... C'est une suggestion que je fais au gouvernement à ce moment-ci, de s'asseoir avec des experts, des spécialistes du régime d'assurance automobile, de reporter l'adoption de cette loi d'au moins un an et d'utiliser la régie justement pour surveiller le régime d'assurance automobile, la régie dont la loi a été votée, pour trouver ses faiblesses, pour trouver des formules pour les corriger, mais de ne pas imposer, de grâce, à la population du Québec, le double régime pour lequel, lorsque la population va se réveiller, il sera peut-être trop tard. Je le dis en toute amitié au gouvernement et si mes paroles peuvent paraître sévères aujourd'hui au gouvernement, mes paroles aujourd'hui n'auront sûrement pas la même conséquence que celles que pourra avoir la population lorsque le moment arrivera.

Alors, M. le Président, en toute objectivité, c'est en toute sincérité que j'ai voulu faire ces quelques remarques et, avec votre permission, j'aimerais poser quelques questions à ceux qui sont ici.

Dans votre mémoire, au sujet de l'article 1.3 à la page 9, il y a une définition qui a retenu mon attention dès le moment où la loi a été présentée devant l'Assemblée nationale, en première lecture. Lorsqu'on donne la définition de l'automobile, "tout véhicule mû par un autre pouvoir que la force musculaire et adapté au transport sur les chemins publics mais non sur les rails, ainsi que tout véhicule défini comme tel par le gouvernement sauf tout véhicule exclu de la présente définition par le gouvernement"...

En somme, vous demandez, dans votre mémoire, si j'ai bien compris, que le mot "gouvernement" soit remplacé par le mot "règlement". J'aimerais avoir votre opinion sur une définition comme celle-là. C'est la première fois, il me semble, que dans la définition d'une loi, on fasse référence à la réglementation. Cela veut dire que la loi va donner un pouvoir à la réglementation qui va permettre d'élargir ou de restreindre la définition de la loi. J'aimerais avoir l'opinion du Barreau là-dessus.

M. Bergeron: II est bien évident que les règlements ne doivent pas modifier la loi. Normalement, les règlements visent des modalités d'ordre secondaire dans l'application d'une loi mais ne changent pas les principes de base. Il est évidemment très dangereux de dire, dans une loi, le mot "automobile" veut dire telle chose, mais on pourra le modifier par règlement publié dans la Gazette officielle. Vous savez que pour le monde ordinaire, ça veut dire publié nulle part, parce qu'il n'y a pas beaucoup de monde qui lit ça toutes les semaines, à part les députés et quelques avocats.

M. Roy: Même pas tous les députés.

M. Bergeron: Même pas tous les députés. Evidemment, c'est une façon de procéder que nous trouvons très dangereuse. Il n'y a rien de comparable dans le Code civil. Quand on définit des choses, on en définit tous les contours, tenants et aboutissants, comme on pourrait dire. On ne laisse pas à la réglementation le soin de changer la base de l'indemnisation, de la responsabilité ou de l'application de la loi.

C'est une mauvaise façon de légiférer contre laquelle, je pense, le Barreau s'est élevé depuis fort longtemps. C'est une maladie moderne dont tous les Parlements semblent atteints, tout renvoyer à la réglementation en sachant bien que ça fera moins de problèmes de passer un petit règlement par le truchement du cabinet...

Le gouvernement ça veut dire le cabinet, je pense. Avant ça, on parlait du lieutenant-gouverneur en conseil. On l'a caché derrière le gouvernement et maintenant ça s'appelle le gouvernement. Je pense que ça veut dire le cabinet. Je n'en suis pas sûr, parce que le mot gouvernement n'est pas défini. Mais en tout cas ça veut dire les "boss" qui sont là pour l'instant.

Alors, je pense qu'il faudrait dire que les règlements doivent être limités à des modalités d'application. Dans les articles de définition, il est

absolument inacceptable qu'on puisse modifier les définitions par voie de règlement. C'est une façon absolument inacceptable de légiférer. Quelqu'un pourra toujours sortir un petit amendement dans le fond d'une gazette officielle pour dire à son confrère ou à la régie, ou à la régie pour dire à son confrère ou à la victime: Monsieur, vous avez oublié tel règlement qui a été amendé tel jour sur tel mot pour remplacer la première phrase par la suivante. C'est facile à lire, ça.

Vous avez tout à fait raison de vous élever contre cette façon de procéder.

M. Roy: Je vous remercie. Un peu plus loin, à la page 20, vous parlez de l'article 10. A la suite des explications que vous avez fournies ce matin, j'aimerais avoir plus de précision concernant cet article, à savoir si vous proposez qu'il soit modifié ou qu'il soit simplement abrogé. On a parlé d'abrogation à un moment donné.

M. Bergeron: Nous suggérons, M. Roy, qu'il soit abrogé. Il n'est pas nécessaire de dire dans une loi à qui les paiements doivent être faits quand il s'agit d'une personne mineure. Il ne faut pas récrire le Code civil en moins bien chaque fois qu'on écrit une loi.

C'est prévu très clairement et dans le Code civil, et dans le Code de procédure civile, et dans la Loi de la Curatelle publique ce qu'on doit faire quand on fait un paiement à un mineur.

Les amendements récents de la Loi de la Curatelle publique protègent très bien, d'ailleurs, les mineurs à qui des paiements doivent être faits.

Comme on l'a souligné ce matin, la régie est une partie, pourrait être considérée, à mon avis, comme une partie intéressée et faire faire une destitution du tuteur et le remplacer s'il l'estime incompétent, ou faire intervenir le Curateur public. On n'a donc pas besoin de se préoccuper de cette affaire-là. Le régime est déjà prévu et le régime a. à sa base même, une intervention d'ordre familial non négligeable, d'autant plus que l'article 10 dit: "à sa discrétion".

Je ne peux pas voir qu'on va décider de payer à l'oncle, a la tante, à je ne sais qui, à une compagnie de fiducie quelconque, alors qu'on a tout un régime de protection des mineurs qui nous apparaît, sur ces points, satisfaisant.

M. Roy: En ce qui a trait à l'article 17, on a fait une offre de collaboration à la commission parlementaire en vue de donner plus de définitions à la loi et de nous donner des explications. On nous a même offert ce matin, si j'ai bien compris, qu'on pourrait même nous préparer un petit mémoire spécial sur l'article 17, de façon à le clarifier.

Je ne sais pas si la commission serait unanime, mais, en ce qui me concerne, j'en ferais même le voeu à la commission, sans en faire une motion, pour ne pas faire une discussion sur la motion, mais je pense que, si le Barreau est prêt, sans que ce soit une demande formelle de la commission, à se mettre à la disposition de la commission, je pense qu'il pourrait nous aider grandement à bonifier ce projet de loi et à le clari- fier davantage, de façon à éviter toute interprétation et toute ambiguïté. Est-ce que vous êtes prêts à accepter cette demande?

M. Bergeron: Oui, nous sommes sûrement prêts à vous fournir un mémoire additionnel sur l'article 17 qui serait de nature à éclairer la commission. On vous le fera le plus tôt possible et on l'enverra à tous les membres de la commission pour leur propre bénéfice.

M. Roy: Merci beaucoup. A l'article 68, à la page 64, on dit que la régie peut suspendre le paiement de l'indemnité à un réclamant qui refuse de se soumettre à un examen requis par la régie. Le droit au paiement de l'indemnité reste suspendu jusqu'à ce que l'examen ait été fait.

Vous avez attiré notre attention là-dessus. Vous avez fait certaines observations. J'aimerais vous demander si vous n'auriez pas des exemples à nous donner. Quelles sont les conséquences de cette disposition, d'un tel pouvoir que la régie possède? On ne dit pas la régie "doit" suspendre, on dit la régie "peut " suspendre. C'est moins dangereux, mais il reste quand même, de toute façon, que cela peut avoir la même portée. Est-ce que vous pourriez nous donner un peu plus de détails là-dessus?

M. Bergeron: La régie peut suspendre le paiement. Cela veut dire ceci: C'est une discrétion absolue, pour commencer. Si la régie demande à une victime de se soumettre à un examen médical et que la victime refuse, parce qu'elle dit: J'ai déjà subi huit examens médicaux et je trouve que c'est assez, je suis fatigué de me faire demander des examens médicaux successifs parce qu'il n'y a pas de limite au nombre d'examens...

M. Crépeau: J'ajouterais ceci. Certains examens en neurologie, des myélographies, par exemple, c'est douloureux. Quand le patient en a subi deux ou trois, en général, il ne veut pas recommencer. Il peut arriver qu'il y en ait un qui soit positif et que l'autre soit négatif. La régie, à ce moment-là, dit: On va en reprendre un autre et on va en reprendre un autre. C'est là que se pose le problème. Ce n'est pas dans un examen banal que le cas se présente. C'est dans un examen sérieux, comme, entre autres, une myélographie ou des radiographies ou des lavements barytés ou appelez-les comme vous voudrez. Ce sont ces examens douloureux auxquels le patient se soumet, d'un jour à l'autre, par des experts et, à un moment donné, il dit: Je suis tanné. Il faudrait quand même que la régie ait une certaine retenue dans ses demandes. Cette retenue, selon nous, il n'y a qu'un juge qui, à un moment donné, peut dire: cela suffit. Le patient s'est soumis à toutes les expertises. Que les médecins s'entendent et qu'on règle le cas. Qu'on cesse de faire passer le gars à la passoire.

M. Pépin: Si vous me permettez un commentaire additionnel, il ne s'agit pas, je pense, dans l'esprit du Barreau, de contester le droit de la ré-

gie, comme de n'importe quel autre assureur ou de n'importe quelle autre personne appelée à payer, d'obtenir l'information nécessaire à la saine évaluation d'une réclamation.

Je pense qu'il y a deux aspects à ceci. Cet article-là, à mon point de vue, tombe dans le même cadre que les articles 12, 47 et 69 dont on a parlé ce matin. On a un autre exemple de la position de juge et partie de la régie.

On a un autre exemple également de la position de toute-puissance de la régie sur les citoyens, alors qu'en réalité ce serait beaucoup plus sain, beaucoup plus objectif, beaucoup plus impartial et sécuritaire pour la population que ce droit que la régie veut se donner par l'article 68 d'obtenir tous les examens médicaux que la justice demande soit soumis à l'analyse d'un juge, d'une personne indépendante et non pas de la partie qui prétend en avoir besoin.

M. Roy: Cela pourrait permettre à la victime de se faire entendre et d'apporter ses raisons. J'aimerais, avec votre permission, M. le Président, puisqu'on a parlé tantôt des tribunaux administratifs et qu'on parle justement d'un pouvoir à la régie, signaler un cas à la commission — i! pourrait y en avoir plusieurs — pour montrer jusqu'où cela peut aller et pourquoi nous avons actuellement beaucoup de réserve à ce sujet. J'ai ici le cas d'une personne. J'ai pris un cas, entre autres, j en ai des dizaines, pour ne pas dire des centaines.

On écrit à une personne victime d'un accident du travail: "La présente a pour but de vous informer que le comité des incapacités complémentaires, à sa séance de telle date a décidé qu'il n'y avait pas lieu de prolonger votre indemnité complémentaire au-delà du 31 janvier 1977. "Le comité a pris en considération notamment le peu de motivation que vous montrez à retourner sur le marché du travail, malgré l'encouragement en ce sens qu'a voulu vous donner le comité en question dans une décision antérieure qui vous accordait une telle indemnité pour une période d'un an. "Tenant compte de la teneur de divers rapports d'examens et d'expertises d'ordre médical versés à notre dossier, nous devons considérer que vous possédez une capacité résiduelle globale de 85% et que vous seriez apte à occuper un emploi stable."

Dans le rapport du fameux comité au sujet duquel il est impossible d'avoir des noms; comité anonyme, voici ce qu'on dit: "Décision du comité' "Considérant que cet accidenté se dit invalide et conséquemment incapable de réintégrer le marché du travail, bien qu'il possède tout de même 95% de capacité résiduelle au niveau strictement physique et 85% globalement, attesté par des rapports médicaux au dossier..." Voici ce qu'on ajoute: "Considérant qu'une bonne part des efforts du requérant, au cours des dernières années, a eu pour objectif de faire augmenter son taux d'incapacité permanente et qu'en dépit des expertises et examens médicaux accordés par la commission, l'expertise du 17 février, le taux glo- bal d'incapacité permanente qui lui est attribué demeure stable à 15%..." On dit à la fin, je vous fais grâce du reste: "Considérant que, tel que souligné dans une décision antérieure, le comité des incapacités complémentaires relativement au dossier, les difficultés de retour au travail sont davantage dues à d'autres facteurs que ceux causés par l'accident de travail."

On accuse le type d'avoir fait trop d'efforts et on l'accuse justement de ne pas être capable de retourner au travail, parce qu'il a justement fait des efforts pour retourner au travail. Cela fait sept ans que cela dure. C'en est un exemple.

J'aimerais parier un peu de l'article 29 du projet de loi. "L'indemnité de remplacement du revenu est réduite du montant des rentes d'invalidité payables en vertu du Régime de rentes du Québec, le cas échéant."

Actuellement, dans les réclamations qui sont faites et qui passent devant les tribunaux, tient-on compte des montants qu'une personne peut recevoir à titre de rente du Québec, par exemple, dans la fixation des indemnités des compagnies d'assurance?

M. Pépin: A ma connaissance, non, pour le bon motif justement, que, parce qu'une prime a été payée, qui est la considération de la rente reçue, ce serait injuste de donner avantage au tiers responsable de prestations versées par la victime. Je pense que c'est le raisonnement généralement tenu par les tribunaux.

Une Voix: A cause de l'article du Code civil.

M. Roy: C'est la même chose pour toutes ies autres formes de pension qu'une personne peut obtenir.

M. Crépeau: A cause de l'article du Code civil qui dit que la responsabilité civile n est aucunement atténuée par des polices d'assurance et on a estimé à ce moment-ci une rente de l'Etat pour laquelle on a payé une prime comme à un régime d'assurance; du moins, c'est la philosophie.

M. Roy: En vue d'une meilleure indemnisation des victimes, le gouvernement fait l'inverse.

Article 35. "Les indemnités prévues à la présente section versées sous forme de rente sont dues pendant toute la durée de l'incapacité à l'exception des sept premiers jours.

A la question des sept premiers jours, il y a un aspect que j'aimerais discuter un peu avec les membres du Barreau.

A la lumière de la longue expérience et des dossiers que vous possédez, est-ce que c'est toujours avantageux pour une personne de se voir attribuer une rente à vie, rente que vous avez appelée le bien-être social — d'ailleurs, j'endosse votre point de vue — une espèce de bien-être social plus sophistiqué que l'ancien, puisqu'on retient pas mal.

Je remarque qu'il y a des gens en arrière que cela fatigue. Je comprends que cela peut déranger

certains emplois plus tard, mais de toute façon, on est ici pour voir à l'intérêt de la population, et je pense qu'on pourrait se passer de certains commentaires ou de certains soupirs.

J'aimerais savoir si cela peut être toujours avantageux pour une personne de recevoir une rente hebdomadaire ou une rente mensuelle, plutôt que de recevoir un montant forfaitaire.

M. Bergeron: Là-dessus, je pense qu'il faut faire bien attention. La façon dont la loi est rédigée... La discrétion la plus absolue... Les monarques absolus, cela ne voulait rien dire par rapport aux pouvoirs qu'on donne à cette régie. Elle peut décider d'arrêter les paiements pour toutes sortes de raisons... En fait, tous les quinze jours, elle peut dire: Est-ce que tu mérites ton chèque? Montre-moi que tu ne fumes pas trop, que tu ne bois pas trop, parce que si tu as des pratiques qui nuisent à ta réhabilitation, tu ne seras plus payé, mon garçon.

Je pense que c'est un danger. Quant à moi, j'ai déclaré publiquement le 26 août, et je suis prêt à le répéter ici, que jamais je ne voudrais être un assisté social de l'automobile, si j'en avais le choix, même si cela devait me coûter plus cher autrement, parce que je ne veux pas être obligé de quêter ma pitance tous les quinze jours en me faisant scruter médicalement, socialement, politiquement, économiquement et moralement. D'autant plus qu'il faut bien remarquer que la première rente dure tant que dure l'incapacité, à notre discrétion, aussi longtemps qu'on trouvera que tu es un incapable.

L'exemple que vous avez donné est excellent. On dit: Tu n'es pas tout à fait aussi incapable que tu l'étais. L'an passé, avec tes 15%, tu étais un vrai incapable, mais cette année, avec tes 15%, tu n'es plus un vrai incapable. Si tu n'es pas content, va chez le diable. C'est cela que cela dit. Tu n'as de recours nulle part. Tu ne peux te plaindre à personne. Les fonctionnaires s'appuient — et c'est tellement intéressant, votre dossier; cela m'en rappelle certains que j'ai vus, d'ailleurs — sur leurs décisions antérieures. Plus ils en rendent, plus vous avez tort. Au bout de trois ans, vous avez cela d'épais de décisions qui s'appuient les unes sur les autres; la première n'est pas motivée, n'est pas bien fondée, mais ça ne fait rien.

A part cela, en vertu de l'article 32, il y a une chose que beaucoup de gens n'ont pas regardée. C'est un article extrêmement dangereux, on dit: II faudra, au moins, définir — page 39 — certaines restrictions, après cinq ans. Les gens pensent qu'ils vont être payés à vie. Attention, cela dure cinq ans, aussi longtemps que la régie est convaincue que vous êtes un vrai incapable. Un vrai incapable, cela veut dire totalement incapable de travailler. Il y a des incitations à des retours à l'emploi.

J'ai vu des exemples, en matière de bien-être social, tout à fait éloquents là-dessus. Les seuls recours que vous avez, c'est de téléphoner au directeur régional, aux responsables à Québec et aux responsables à Montréal, et les supplier, les agacer et les "achaler" — excusez l'expression — jusqu'à ce qu'ils se tannent de vos appels et qu'ils décident de payer votre bénéficiaire.

C'est un drôle de régime, la supplication à deux genoux tout le temps. Ce n'est pas cela, un régime d'homme libre. Après cinq ans, cela va être pire.

Vous, vous étiez député, vous avez eu un accident pendant que vous étiez député. Maintenant, vous seriez capable d'être portier au parlement. Vous allez prendre cette fonction, sinon on ne vous paiera plus, parce qu'on dit "tout emploi". A mon sens, tout emploi, cela veut dire que si on prouve que je suis capable de faire n'importe quoi pour gagner ma vie, jusqu'à concurrence du minimum, je suis obligé de le faire, sinon je ne serai pas payé.

Donc, après cinq ans, cela devient ultra-discrétionnaire et très abusif. J'aimerais mieux avoir un montant d'argent. Je trouve cela effrayant de ne pas faire confiance aux gens plus que cela.

Les Québécois ont prouvé, avec les caisses populaires, qu'ils ne sont pas si mauvais administrateurs. Ils ont prouvé, dans d'autres entreprises, qu'ils n'étaient pas si mauvais non plus. Qu'on leur verse donc des indemnités en capital, ou qu'on leur donne, à tout le moins, le choix. Ce sont des hommes libres, ce sont des femmes libres. Qu'on leur donne le choix et ils administreront leurs biens et leur indemnité comme ils l'entendront. A ce moment-là, il n'y a pas le problème qu'au bout de trois ans, la régie dise: Ah! Vous, vous n'êtes plus un incapable à notre avis. Elle n'a pas besoin de motiver quoi que ce soit, d'ailleurs. Il y a un appel à la Commission des affaires sociales qui va s'appuyer sur la décision des trois fonctionnaires qui ont fait enquête. De la régie, ils ont entendu ça deux fois. Ils vont dire: II n'y a pas de motif évident d'erreur expresse ou manifeste et, par conséquent, on ne voit pas pourquoi on réviserait ça et ça suffit. D'ailleurs, il faut voir que, justement, on ne veut pas se fatiguer à motiver tout le temps.

C'est curieux comme on a deux régimes. La Loto-Québec verse des montants en capital, mais la Régie de l'assurance automobile — c'est quasiment de l'assurance-maladie — elle, ce sont des rentes au compte-gouttes, un petit morceau tous les quinze jours.

M. Paquette: La comparaison cloche.

M. Bergeron: La comparaison ne cloche pas; si vous permettez, j'ai fait un lapsus qui me fait penser à quelque chose. Au dernier budget, on a vidé la réserve d'assurance-maladie et je crains beaucoup qu'on vide les réserves d'assurance automobile, si jamais il y en a.

M. Roy: Vous iriez jusqu'à proposer, si j'ai bien compris, qu'il y ait des dispositions dans la loi qui permettent à la régie de verser un capital au lieu de verser une rente, parce que, actuellement, si je pose la question, c'est que je connais plusieurs personnes qui, après avoir retiré un certain

capital après être demeurées infirmes à la suite d'un accident d'automobile, ont quand même pu, avec ce capital, s'acheter un commerce et vivre par eux-mêmes par la suite. C'est ça?

M. Bergeron: C'est ça. C'est permis dans certains cas déjà. Quand le Québécois va être fatigué de recevoir sa rente, il va déménager en Ontario et il va demander de convertir ça en capital. C'est possible, ça. C'est prévu dans ces cas-là. "Peut", si la régie peut, elle dit: Tu n'as pas le droit de déménager cette année. Garde ta rente et reste ici. C'est possible. Tout est possible. Quand je donne des pouvoirs absolus à quelqu'un, moi, je veux être conséquent et savoir que je lui ai donné ma vie.

Une Voix: C'est ça.

M. Bergeron: II faut être réaliste. Quand on se donne à quelqu'un... Les vieux, autrefois, ils se donnaient. On sait ce que ça veut dire.

M. Roy: J'aimerais attirer l'attention de l'honorable ministre sur les points qui viennent d'être soulevés ici, concernant la Commission des accidents du travail, en ce qui a trait aux indemnités à être versées, puisque, effectivement, il devra y avoir des ententes entre la Régie de l'assurance automobile et la Commission des accidents du travail.

Il y a plusieurs démarches qui ont été faites, il y a plusieurs demandes qui ont été faites en vue de modifier la Loi des accidents du travail, de façon que la fixation de l'incapacité d'un individu tienne compte de la profession et de la carrière de l'individu. Parce que, actuellement, à la Commission des accidents du travail — c'est un des problèmes fondamentaux et un problème où il y a énormément d'injustice — c'est que l'indemnité est fixée en fonction uniquement de la perte d'intégrité physique. Si vous avez une personne qui perd son bras gauche dans un accident et qui travaille dans un bureau, il est évident que les conséquences sont moins grandes que pour un travailleur de la construction ou un travailleur forestier.

Actuellement, c'est une lacune que nous avons à la Commission des accidents du travail et une lacune extrêmement grave, et il ne faudrait pas que, dans la Loi de l'assurance automobile, on se serve des grilles d'évaluation et des méthodes d'évaluation qui prévalent actuellement à la Commission des accidents du travail, mais qu'on tienne compte... Là, je parle surtout en cas d'incapacité partielle...

Mme Payette: ... en réponse au député de Beauce-Sud, les évaluations d'incapacité dans le régime proposé pour l'assurance automobile n'ont rien de commun avec l'évaluation des invalidités, les pourcentages d'invalidité de la Commission des accidents du travail.

M. Roy: Est-ce que vous avez des documents de préparés à ce sujet-là?

Mme Payette: Vous trouvez ça également dans le livre bleu qui a été déposé à l'Assemblée nationale le 15 avril.

M. Roy: Oui, mais, dans le livre bleu, c'est un énoncé de principe. Moi, j'aimerais savoir sur quoi on s'est basé effectivement. On énonce une série de voeux. On dit: On cherche à atteindre tel objectif. On veut faire telle chose. Mais il y a le comment.

On sait très bien qu'à la Commission des accidents du travail, il y a des grilles d'évaluation qui sont très précises, qui sont examinées, changées et modifiées à certaines périodes, mais ces grilles existent. Personne n'a jamais pu les avoir. Je pense qu'on devrait avoir des documents. En somme, je n'ai rien contre le livre bleu. Le ministre a exposé le plus objectivement possible les objectifs qu'elle cherchait à atteindre et les moyens qu'elle entendait mettre en application pour être capable d'atteindre ces objectifs, mais l'expérience pratique, dans d'autres domaines, par rapport à d'autres sociétés gouvernementales, vous a démontré qu'il faut aller plus loin que cela.

C'est pour cela que je m'interroge aujourd'hui. Je pense que tous les membres de la commission ont le droit de s'interroger de ce côté. Le ministre est là aujourd'hui en toute sincérité, mais cela fait cinq ministres que je vois au ministère des Institutions financières, depuis une dizaine d'années. C'est peut-être un des ministères à l'intérieur duquel il y a le moins de sécurité d'emploi pour le ministre.

Mme Payette: Dois-je voir là une pointe d'envie, M. le Président?

M. Roy: Non, je le dis en toute bonne foi, et je le dis en toute objectivité. Les remarques que je fais dans le moment sont des remarques qui reviennent régulièrement de la part de ceux qui ont à représenter une population. Je pense que mes collègues, du côté ministériel, pourraient facilement corroborer mes dires.

M. Grégoire: Les ministres changeaient souvent parce qu'ils n'étaient pas bons mais nous en avons un bon et nous allons le garder longtemps.

M. Roy: C'est ce que nous verrons.

Il y a un point qui a été touché et qui a donné lieu à énormément de discussion ce matin, c'est la page 43. On a parlé du rapport Gauvin, il y a eu beaucoup de discussion.

A la page 43 de votre mémoire, vous vous reportez à la page 191 du rapport de la commission Gauvin. Il est dit ceci dans votre mémoire: "On constate qu'une analyse de 225 dossiers de sinistres avec blessures corporelles, provenant de dix compagnies d'assurance, a révélé que, sur 1691 cas étudiés, 60% avaient subi une perte de moins de S200 et près de 70% une perte inférieure à $400."

Ma première question est celle-ci: Ces pertes de $200 et de $400 sont-elles limitées pour les ré-

clamations qui ont été faites concernant la couverture des dommages corporels, ou si cela concerne également les sinistres, les pertes matérielles?

M. Michaud (Pierre): Les blessures corporelles seulement.

Une Voix: C'est uniquement aux blessures corporelles. C'est le tableau 1 de la page 194.

M. Roy: Ce qui veut dire que si on enlève une semaine de salaire, il y a 60% des cas qui ont subi une perte de moins de $200. Ils sont automatiquement éliminés.

Une Voix: C'est cela.

M. Roy: Je ne sais pas si j'ai bien compris le sens de votre mémoire.

M. Pépin: Comme question de fait, vous pourriez même ajouter, à ce moment-là, 167 autres réclamations, jusqu'à $1000, pour vous rendre compte que la perte moyenne est de $653. Il faut le prendre à partir de la perte moyenne pour comparer deux systèmes et non pas à partir du tableau de compensation au moyen de l'ancien système.

A ce moment, si vous enlevez une semaine de salaire, en tenant pour acquis que l'individu fait à peu près le salaire maximum prévu par le plan, grosso modo, $16 000 à $18 000 par année, il est évident que toute sa perte, à toutes fins pratiques, est dans sa première semaine, ou dans les dix ou douze premiers jours de son incapacité. C'est clair.

M. Roy: J'aurai peut-être d'autres questions, M. le Président, mais je laisserai la parole à d'autres collègues, pour le moment.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aimerais d'abord dire à nos invités que nous avons eu des échanges assez vifs ce matin. Je voudrais quand même réaffirmer notre ouverture d'esprit à leurs propositions. D'ailleurs, sur les recommandations qu'ils nous font dans le détail des articles, dans leur critique, article par article, je dois dire qu'à première vue, personnellement, je suis d'accord avec presque toutes les recommandations qu'ils nous font, particulièrement quant aux indemnités des personnes âgées, et également certains pouvoirs discrétionnaires de la régie qui auraient avantage à être encadrés, je pense que c'est exact et que c'est excellent que vous nous le rappeliez.

J'aurais cependant quelques questions sur les points de détail, avant qu'on discute des problèmes plus fondamentaux que vous avez également soulevés.

Par exemple, à l'article 77, vous nous soulignez que, selon vous, les $50 000 d'assurance obligatoire sont insuffisants et vous nous donnez l'exemple de l'Ontario, où ce minimum est à $100 000. Mais, sauf erreur, en Ontario, c'est pour le corporel et le matériel.

M. Pépin: Oui, c'est parce que la police dont vous parlez à l'article 75 va devenir effectivement une police de blessures corporelles pour l'individu qui va traverser la frontière. Quand mon Québécois va traverser la frontière, une fois qu'il va être en Ontario, sa police de dommages matériels de $50 000 va s'appliquer également comme police de blessures corporelles et va prendre automatiquement les limites prévues par la loi du lieu où il est. Je pense bien que c'est ce que vous dites à l'article 75, si mon souvenir est bon, au troisième paragraphe.

Mme Payette: Ce qui veut dire, M. le Président, que comme le minimum exigé en Ontario, il serait automatiquement couvert pour $100 000 en Ontario.

M. Pépin: Oui. Ce que le BAC a dit hier, je pense, c'est qu'à ce moment-là, pour des gens qui demeurent à Hull, Buckingham ou ces endroits-là, ils vont être automatiquement considérés comme devant y aller. Plutôt que de leur demander: Vas-tu en Ontario ou n'y vas-tu pas? On va exiger d'eux une prime basée sur une police de $100 000 et ce sera tant pis pour eux s'ils n'y vont pas.

Mme Payette: On n'a pas à leur demander, M. le Président, ce sera automatiquement inclus dans le contrat d'assurance.

M. Pépin: Oui, je comprends. Mais la prime, Mme le ministre, devra être ajustée au risque assumé par l'assureur. Si un individu demeure aux frontières de l'Ontario et est appelé à passer autant de temps en Ontario qu'il en passe au Québec, l'assureur va lui demander le coût d'une police de $100 000, même s'il ne lui vend qu'une police de $50 000 à cause du risque réel assumé.

Mme Payette: Vous avez très certainement lu le compte rendu des discussions que nous avons eues avec le BAC hier.

M. Pépin: A 6 h 30 ce matin, Madame. M. Grégoire: Vous vous êtes couché tard.

M. Pépin: Non, je me suis levé tôt. Enfin, j'étais pour dire, les avocats, mais j'ai une pratique probablement à l'inverse de celle de certains hommes politiques. Je me couche plus tôt, je me lève plus tôt.

M. Paquette: Ce matin, l'un d'entre vous a affirmé qu'une rente est toujours plus avantageuse qu'un montant forfaitaire. Tout à l'heure, vous nous dites exactement le contraire, que les gens avaient avantage à prendre un montant forfaitaire et à le capitaliser. Quelle est votre opinion, laquelle des deux?

M. Pépin: Vous avez bien dit: L'un d'entre nous. Vous n'avez pas dit le Barreau.

M. Paquette: Quelle est l'opinion du Barreau?

M. Crépeau: Je peux facilement rectifier cette question. C'est que la question de M. Roy avait pour but de nous demander si un paiement forfaitaire était plus avantageux dans des cas graves de 15%, 20% ou 30% d'incapacité. Dans les cas d'en bas de 10% d'incapacité, en général, la Commission des accidents du travail s'empresse de verser un montant forfaitaire au lieu de la rente et c'est là que, dans mon expérience, dans les petites sommes forfaitaires, la victime y perd, parce que la capitalisation n'est pas grosse et on lui remet entre les mains un petit montant qui est inférieur à ce qu'il aurait reçu au total par mensualité au bout de deux ou trois ans.

C'est là qu'est la distinction entre ce que j'ai dit ce matin et ce que M. Roy nous a demandé cet après-midi.

Mme Payette: M. le Président, je dois vous signaler que nous avons le même pouvoir en vertu de l'article 12.

M. Crépeau: C'est le pouvoir en vertu de l'article 12, c'est ça.

M. Pépin: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais ajouter une remarque à celle de mon confrère Crépeau. Si je regarde votre article 26, je pense que dans votre propre loi, il y a deux notions de rente. La rente de remplacement du salaire, finalement, je pense que n'importe quel plan de paiement sans égard à la faute ne peut pas se faire autrement que sous forme de rente.

On ne peut tout de même pas payer du salaire qui n'a pas encore été perdu. Autrement dit, tant et aussi longtemps que dure la période d'incapacité, on paie le salaire à tous les quinze jours. Si dans la mesure où on appelle ça une rente, je pense qu'on doit être d'accord avec la forme d'indemnisation. Mais votre plan prévoit, lui aussi, des paiements forfaitaires pour des indemnités qui ne se rentabilisent pas, qui se représentent en capital. Exemple, votre grille de capital de $20 000, c'est un montant forfaitaire, arbitraire dans votre cas, je prétends bien respectueusement, moins arbitraire dans le cas des tribunaux, mais c'est évidemment le montant de perte d'intégrité capitalisé qu'on reconnaît donner à la victime. Celui-là, je vois assez mal qu'on le donne autrement...

Mme Payette: S'il vous plaît...

M. Pépin: ... que sous forme de capital.

Mme Payette: M. le Président, est-ce qu'on voudrait me permettre une question? En quoi le jugement du tribunal, dans le cas que vous venez de citer, est-il moins arbitraire que celui d'une grille que nous proposons?

M. Pépin: Je pense que la meilleure réponse que je puisse vous donner correspond aux remarques de M. Roy tout à l'heure qui disait que si on veut admettre que les tribunaux après 50 ans d'histoire, peuvent avoir développé une certaine expertise, j'oserais prétendre qu'il y a peut-être moins d'arbitraire dans l'expérience de gens qui font tel travail depuis cinquante ans.

M. Bergeron: II y a un autre élément, évidemment, qui est arbitraire. C'est que les tribunaux jugent en fonction d'une preuve ou d'une preuve médicale et étudient de façon très serrée le cas particulier qui est soumis. Une grille, c'est généralisé et c'est forcément injuste pour un certain nombre de cas. Cela ne peut pas être autrement que du prédéterminé. C'est forcément plus arbitraire qu'une détermination individuelle, comme c'est le cas maintenant. Je ne peux pas voir comment...

Mme Payette: Vous pensez qu'une détermination laissée à la situation dans laquelle le juge se trouve ce jour-là, dépendant du fait qu'il a la grippe ou pas, cela peut être plus juste qu'une grille prédéterminée.

M. Bergeron: Oui, je pense. J'ai plus confiance aux hommes, malgré tout, qu'au mécanisme automatique prévu d'avance; parce qu'il y a des appels, quand les juges dorment, quand ils ont la grippe. On peut aller en appel. Quand ils se trompent, il y a des appels. Dans votre cas, les appels ne se limitent pas loin. Je pense qu'il y a une grande différence. Maintenant, si votre grille est bonne et que le monde trouve cela fin, donnez-leur quand même un droit de recours. Ils iront vérifier la valeur de votre grille.

M. Paquette: Dans ce cas, même en admettant que les jugements des tribunaux puissent être plus justes, en tout cas, règle générale, qu'une grille prédéterminée, il y a quand même le fait qu'il y a seulement 1% des gens qui obtiennent jugement dans ce cas. Comment, sans tomber dans des frais excessifs, dans des délais excessifs aussi, en ayant des délais raisonnables, permettre aux gens d'obtenir justice sans avoir de grille prédéterminée?

M. Pépin: En leur faisant les paiements immédiats des bénéfices sans égard à la faute, prévus par notre régime ou prévus même par le vôtre, dans la mesure où on le considérerait comme une partie d'un plan plus complet, et en leur maintenant leur recours pour la différence. Comme je l'ai dit ce matin, il me semble que la question des délais perd complètement de son importance.

M. Bergeron: Je voudrais ajouter, d'ailleurs... Supposons que vous établissiez une grille de paiement qui soit un mode de règlement à l'amiable, si on peut dire. Plus votre grille sera parfaite, plus il y aura de gens satisfaits, moins de gens auront recours aux tribunaux. Il n'est pas nécessaire que les gens aillent aux tribunaux. Les tribunaux, c'est toujours la dernière instance, le dernier re-

cours. Quand on ne peut pas s'entendre, quand on ne peut pas obtenir satisfaction, c'est fondamentalement cela le rôle des tribunaux. Cela a toujours été ainsi. On n'a pas d'objection que vous perfectionniez, dans toute la mesure du possible, les modalités de paiement, de règlements à l'amiable et tout cela. C'est dans l'intérêt de la population que cela soit fait. En même temps que vous allez l'informer qu'elle peut avoir un recours devant le tribunal si elle n'est pas satisfaite. Si vous faites cela, vous allez voir que tout le monde, devant la menace... D'ailleurs, pourquoi les assureurs consentent-ils à payer certains montants? Quelle est notre dernière menace comme avocats auprès de l'assureur? Il dit: Si tu ne me paies pas, je vais aller en cour. Il dit: Plutôt que d'aller en cour, que cela traîne et plutôt que d'avoir des ennuis, je vais payer pour acheter ma paix. Ce sont des phrases qu'on entend fréquemment. Dans la mesure où la menace du recours judiciaire, qui est la seule menace civilisée qu'on peut garder pour régler des litiges, reste là, améliorez tout ce que vous voudrez à l'intérieur de cela, nous allons applaudir. C'est excellent.

Ecoutez, je n'ai rien à dire à des clients qui me disent: Je ne sais pas où aller pour obtenir justice et cela va prendre quatre ans avant que je sois payé. Je ne peux pas défendre cela devant des clients. Je ne peux pas leur dire: C'est beau et conservons cela comme cela. Ce n'est pas vendable. Je ne veux pas cela. Le Barreau ne veut pas cela..Seulement, on nous dit: Arrangez-le, votre système. Améliorez les choses. Ne fermez pas les portes, si c'est si bon que cela. Je n'ai jamais cru que quand on était bien quelque part, il fallait une armée pour nous y tenir. Si on est si bien dans un endroit, dans un pays, dans une province, il n'est pas besoin de barrière pour nous empêcher de partir. C'est la même chose en matière d'assurance. Si les genssont bien traités, si les règlements sefontbienet si les gens sont bien informés de leu rs droits, je vous garantis qu'il va s'éliminer bien des petites pratiques indésirables, injustes dans certains cas, que vous avez sans doute à la mémoire, et le recours judiciaire permettra de corriger les écarts. Je ne sais pas si mon explication est suffisamment claire.

M. Paquette: II y a une chose qui n'est pas claire. Il faut quand même distinguer le droit d'appel, qui est une chose, vers qui le droit d'appel doit être fait. Est-ce que c'est un tribunal administratif? Est-ce que c'est la cour et tout ça? J'aurais une question à vous poser là-dessus par la suite? Le droit de recours que vous proposez en excédant du régime de base qui, lui, serait une grille — c'est ça que vous venez d'avancer, je pense — dans le cas de ce droit de recours qui serait en excédent du régime de base. Au cours de la tournée qui a été faite par le ministre, la chose avait été soulevée. Il y avait été répliqué qu'avec le régime de base, il y avait 85% des gens qui seraient entièrement couverts et peut-être 15% qui auraient besoin d'un régime supplémentaire. Par exemple, un pianiste pourrait décider d'assurer sa main de façon plus élevée que les indemnités cou- vertes par le régime de base. On vous avait répliqué à ça que les 85% qui seraient bien servis par le régime seraient obligés de prendre une assurance supplémentaire au cas où ils seraient mis en cause avec une personne parmi les 15% qui auraient un régime supplémentaire, au cas où ils frapperaient une de ces personnes.

Est-ce que vous maintenez toujours ce genre de... c'est la question du "no fault" partiel, dans le fond?

M. Pépin: Si vous me permettez, là-dessus, je pense que dire que le plan de base rend le recours inutile pour 85% de la population, je pense que, pour le Barreau, ce n'est pas exact. C'est une fausseté, et même si la population croit que 85% des citoyens sont couverts à 100%, nous disons non. Ce que nous disons, c'est que si, par exemple, vous conservez votre plan de base avec les indemnités telles qu'elles y sont, le citoyen qui est dans la catégorie des 85% des citoyens dont le revenu est inférieur à $18 000, conserve quand même le droit, s'il le juge à propos, s'il le désire — c'est une opinion — de s'adresser à un tribunal pour la récupération de sa semaine de carence, pour la récupération des 10% de revenu que vous ne lui avez pas payés, s'il est innocent. Ce droit de recours, lui, va obéir à des principes qu'on connaît. Il ne le récupérera pas lorsqu'il sera responsable, comme dans le cas présent. A celui-là, on pourra dire: Tu as déjà reçu 90% de ton salaire net, moins une semaine de carence. On s'est bien occupé de toi sur le plan social. L'autre, à côté, qui est innocent, pourra dire: Sur le plan social, vous vous êtes bien occupés de moi. Sur le plan personnel, je pense que j'ai droit à plus et j'ai l'intention de présenter mes droits à qui de droit, au tribunal, qui me dira si j'ai tort ou raison de demander plus que ce que vous m'avez donné. Ce que vous m'avez donné, c'est une entente sociale que vous avez conclue avec moi. Là, je veux, moi, la réparation intégrale de mon préjudice et je veux que le tribunal me dise si, oui ou non, j'y ai droit.

M. Paquette: En pratique, ça veut dire que tout le monde va être obligé de prendre une assurance additionnelle, contrairement au régime proposé, et va être obligé d'aller en cour et de suivre la même procédure qu'actuellement.

M. Pépin: Bon! Mais si, comme vous le dites... M. Paquette: C'est ça que ça veut dire?

M. Pépin: Techniquement, oui. Mais, d'un autre côté, si, actuellement, comme vous l'avez souligné d'abondance ce matin et tout à l'heure, à peine 1% des gens aboutissent devant le tribunal dans le régime actuel qu'on n'a pas tenté de corriger et d'améliorer, ne croyez-vous pas que la proportion de gens qui auront encore besoin de recours, et même avec une bonne campagne d'éducation du public, ne devrait pas tomber à moins de 1%? C'est ce qui m'amène à demander au ministre quel est le coût du respect de ce droit individuel,

de cette liberté individuelle? Il doit être insignifiant. Je ne suis pas actuaire; je ne peux pas l'établir. Mais il me semble, dans un contexte de logique, que le coût ne peut pas ne pas être insignifiant.

M. Bergeron: Si vous permettez, c'est beaucoup plus une garantie...

Mme Payette: M. le Président, je vais juste répondre, car il y a une question qui n'en est pas une, parce qu'on ne peut pas me poser la question; on connaît déjà la réponse. Je vais la reformuler encore une fois.

Tout le régime repose sur un changement fondamental qui veut qu'on échange son droit de recours pour la certitude de l'indemnisation. C'est aussi simple que ça.

M. Pépin: Est-il nécessaire de faire un tel échange? Est-ce qu'on ne peut pas obtenir la certitude d'un paiement immédiat sans cette concession?

Mme Payette: Si vous me posez la question à moi, je vous dis: Oui.

M. Pépin: Peut-on savoir pourquoi c'est nécessaire? Pourquoi faut-il abandonner quelque chose qu'on a pour obtenir quelque chose qui n'est pas, comme le soulevait M. Roy, ce qu'on a demandé?

Mme Payette: Je ne pense pas avoir à répondre à cette question. Il s'agit d'un choix qui a été fait. Il a été fait à d'autres moments, au moment de la Commission des accidents du travail. Demandez maintenant aux ouvriers, même s'ils ne sont pas satisfaits de la Commission des accidents du travail, et souvent avec raison — ils réclament des améliorations — s'ils voudraient revenir au droit de recours dans les accidents du travail. Posez-leur la question.

M. Pépin: II faudrait la leur poser, je pense, Mme le ministre.

Mme Payette: J'ai eu l'occasion de la leur poser à plusieurs reprises, et j'ai eu des réponses.

M. Pépin: Moi aussi, et j'ai eu d'autres réponses.

M. Brassard: Je crois, Mme le ministre, qu'il y a quand même une distinction assez fondamentale à faire entre la Commission des accidents du travail et le régime qui est proposé en matière d'assurance automobile.

En matière d'accidents du travail, d'abord, ce que le législateur a reconnu en 1929, ce n'est pas l'abolition d'un concept de responsabilité, c'est au contraire la confirmation de la responsabilité absolue de l'employeur vis-à-vis de son employé.

On a dit ceci à l'employé, en 1929: A cause de techniques légales qui n'existent pas dans le domaine de l'assurance automobile, il est extrême- ment difficile pour toi, employé, de prouver devant les tribunaux la responsabilité de l'employeur, alors que ton employeur est moralement à peu près toujours responsable de ta sécurité.

Ce qu'on a suggéré à l'employé, en 1929, cela a été d'abandonner une partie des indemnisations, auxquelles il pouvait avoir droit en s'adressant aux tribunaux de droit commun, en échange d'une présomption absolue de responsabilité contre l'employeur, mais en lui laissant cependant — alors il y avait du donnant-donnant—... L'employeur payait et, en échange de ce droit absolu, de cette consécration légale d'une responsabilité morale, l'employé renonçait à certains droits, mais qu'on lui maintenait quand même lorsque c'était un tiers, autre que l'employeur, qui était responsable... Alors que, dans le cas de l'assurance automobile, vous faites exactement — avec tout respect — le contraire. Vous dites...

Mme Payette: Me Brossard, vous me permettrez de vous dire que je suis heureuse de constater que, comme avocat, vous avez compris ce qui s'est passé en 1929. Je vous demanderai simplement de nous répéter quelle avait été la position du Barreau à ce moment.

M. Brossard: Le Barreau de 1929 n'était pas le Barreau de 1977, pas plus que les gouvernements de l'époque n'étaient les gouvernements d'aujourd'hui. Mais dans le régime actuel, vous faites exactement l'inverse. Vous enlevez à celui qui est innocent certaines parties de ses droits pour les donner à celui qui est responsable en abolissant cette notion de responsabilité.

Alors je dis: II y a peut-être un choix social dans le régime que vous faites — on a déjà eu l'occasion d'en discuter lors de votre commission itinérante — mais il n'y a pas de comparaison à faire entre le régime d'assurance automobile que vous nous proposez et le régime des accidents du travail, si ce n'est quant au mécanisme de paiement des indemnités avec tous les inconvénients, les délais que ceci représente actuellement.

M. Paquette: En ce qui concerne... Je m'excuse, M. le Président, je crois que j'avais la parole.

Le Président (M. Boucher): C'est M. le député de Rosemont qui avait la parole.

Avez-vous une question sur le même sujet?

M. Saint-Germain: Oui, toujours sur le même sujet.

Le Président (M. Boucher): Bon, d'accord.

M. Saint-Germain: Je ne vois pas de comparaison, moi non plus, entre la régie des accidents du travail et ce plan d'assurance. S'il faut revenir à 1929, mettons-nous dans l'atmosphère du temps. Les ouvriers n'avaient pas de syndicat dans le temps, ou très peu. Il n'y avait pas d'aide juridique non plus. Alors, un ouvrier qui était accidenté,

même s'il avait droit à une rémunération, pouvait bien souvent n'en pas avoir du tout pour la bonne raison que la compagnie pouvait aller en appel presque indéfiniment.

Alors, il faut revenir dans le temps. C'est un tout autre contexte aujourd'hui et il n'est pas dit que, si on avait à légiférer de nouveau concernant les accidentés du travail, on reviendrait à ce qu'on a actuellement. La Loi des accidents du travail est une très vieille loi et tout le monde admet qu'elle n'est plus adaptée aux nécessités du monde d'aujourd'hui et de l'ouvrier d'aujourd'hui.

Alors, de grâce, ne prenons pas la Loi des accidents du travail comme la Bible, c'est un faux raisonnement. C'est comme dire qu'il y a une relation entre cette loi et le droit d'appel, mais quelle relation y a-t-il entre les deux? Je n'en vois pas!

On peut avoir la même législation qu'il y a la et avoir un droit d'appel. Il y a d'ailleurs un droit d'appel au niveau de la Commission des affaires sociales, on a un droit d'appel au niveau administratif. Pourquoi ne pas le donner aux tribunaux? Il n'y a pas de relation entre les deux. C'est ce que nous, de l'Opposition, avons toujours essayé de savoir. Mais quelle est la philosophie qui soutient cette loi? Nous ne sommes jamais capables d'avoir des réponses ou on a des comparaisons aussi fausses que celles qui viennent de nous être faites.

Mme Payette: Je vous ferai remarquer que c'est le barreau qui a fait la comparaison.

M. Saint-Germain: On n'a pas de raison d'être contre cette loi comme telle. Mais, si nous pouvions nous asseoir et discuter et dire: "Madame, pour quelles raisons faites-vous une relation entre le droit d'appel et la philosophie qui soutient votre loi?", peut-être qu'entre hommes intelligents, on pourrait arriver à quelque chose, à comprendre quelque chose. Mais comment voulez-vous comprendre avec des réponses aussi simplistes? Il n'y a pas de relation entre la loi et le droit d'appel. On peut avoir la même loi et un droit d'appel. Cela me semble évident.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je pense que, tantôt, j'ai fait la distinction entre la question du droit d'appel et envers quelle autorité le droit d'appel devait être exercé, et puis la question du droit de recours. J'aimerais encore vous répéter que le fondement du régime — et on y tient énormément — c'est que tout le monde, victime ou pas... Parce que nous sommes dans des conséquences sociales très graves, une personne qui perd la vie et qui laisse une veuve et des enfants, une personne qui est mutilée et qui est incapable de travailler pour le reste de ses jours; devant ce fait, on s'est dit qu'il n'y a plus de victimes et qu'il n'y a plus de coupables qui tiennent; en fait, ce n'est pas important. Ce qui est important, c'est que tout le monde soit assuré d'avoir une indemnisation adéquate. Là, vous arrivez et vous dites que, par-dessus cela, il faudrait donner un droit de recours aux gens pour aller chercher des indemnités supplémentaires, ce qui va forcer tout le monde à s'assurer. Là, on a un autre objectif qui est de donner l'essentiel des compensations aux gens, mais sans augmenter de façon démesurée les primes que les gens ont à payer. Cela aussi, c'est un coût social énorme. Là, vous nous arrivez avec un régime mixte, responsabilité jusqu'à un certain point et non-responsabilité, qui va forcer tout le monde à prendre une assurance supplémentaire dont les gens n'ont pas besoin. Vous avez cité le cas de quelqu'un qui avait eu $150 000. Cela doit être le seul que vous ayez eu. Il n'y en a pas des tonnes comme celui-là.

M. Pépin: Sauf le respect que je vous dois, M. le député, je vous dirai qu'il n'est pas rare que certains avocats qui en font beaucoup aient de quatre à cinq cas comme celui-là par année, selon qu'on est en défense ou en demande. Quand on est en défense pour des compagnies d'assurances, quatre ou cinq, c'est bien modeste comme évaluation. On serait surpris de savoir le nombre de gens qui sont gravement blessés. Dans vos chiffres à vous, vous êtes sur la loi des grands chiffres, vous pensez toujours aux parcs automobiles, en termes de centaines de milliers d'automobilistes. Nous pensons en termes de centaines ou de milliers de victimes. Les ordres de grandeur sont bien différents. Mais ce 1% de victimes qui semblent, sauf le respect que je vous dois, vous préoccuper si peu, ce sont celles que nous connaissons le mieux parce que ce sont celles que nous voyons dans nos bureaux ou à la cour, qu'on soit pour ou contre elles.

M. Paquette: Je m'excuse, mais le 1% me préoccupe beaucoup. J'en ai d'ailleurs eu des cas dans mon bureau, des gens qui avaient passé à travers tout le processus judiciaire et qui n'avaient pas eu justice. Cela existe aussi. Dans le 1% des gens qui se rendent jusqu'à la fin et qui ont un jugement de cour, combien ont une indemnité supérieure à $50 000? Vous devrez avoir ces chiffres-là!

M. Pépin: Je ne crois pas que la question se pose comme cela, parce que, comme je l'ai dit tout à l'heure, même le pauvre individu qui est innocent, donnons-lui ce que vous voulez lui donner, mais, s'il est innocent, laissez-lui récupérer sa semaine de salaire de la partie responsable. Je ne demande pas cela pour punir la partie responsable, je demande cela pour donner justice à la partie innocente. Je ne vois aucune espèce d'inconvénient là. Quant à rendre l'assurance, comme vous dites...

M. Paquette: C'est comme si vous parliez de quelqu'un qui a un accident par sa faute, dans la rue, et qui se retrouve à l'hôpital. On devrait essayer de ne pas tenir compte du fait qu'il se retrouve là par sa faute, oui ou non, pour l'indemni-

ser dans les hôpitaux. Je pense que, devant des préjudices graves aux personnes, on ne devrait pas tenir compte de cela du tout.

M. Pépin: Pas du tout. Je suis d'avis que tous les blessés doivent être bien traités à l'hôpital, même quand ils sont responsables. Quand ils sont innocents, si, par hasard, le médecin ou les membres de la famille pensent qu'une chambre privée pourrait leur être plus utile, je voudrais que, dans le cas où ils sont innocents, on ne leur conteste pas ce droit-là. Ce n'est pas plus compliqué que cela.

M. Bergeron: Je pense bien qu'il faut dire aussi là-dessus qu'il faut établir un équilibre entre le coût d'une indemnisation immédiate de base pour tous et la possibilité de récupérer tous ces dommages pour la victime innocente. Si on refuse, cela ne sert à rien, il y en a qui sont absolument opposés à ce qu'on donne quoi que ce soit à quelqu'un qui est responsable. Il y en a qui prétendent cela. Nous ne disons pas cela. Nous disons: Donnons l'essentiel à tout le monde. Nous n'avons jamais dit: Ne traitez pas bien, ne soignez pas bien ceux qui sont responsables. On n'a jamais dit cela. On a dit: Donnons de bons traitements, soignons ceux qui sont malades et qui sont accidentés, peu importe leur faute. On a un régime d'assurance-santé et d'assurance-maladie là-dessus. Je ne vois pas pourquoi on en inventerait un deuxième à côté. Ce n'est pas nécessaire, il existe. Servons-nous de celui-là, quelle que soit la cause de la maladie ou de l'accident. Quant aux salaires, vous savez, celui qui se blesse, sur la rue, tout seul, celui qui se blesse avec sa voiture sur un pan de mur de ciment, cela m'apparaît deux cas pareils. Cela nous amène à des incongruités. Je vais vous donner un exemple pour peut-être alléger l'atmosphère. Si j'avais un ennemi mortel, je ne le frapperais pas avec un bâton, parce que je risque de me faire poursuivre et de payer de mes propres deniers. Je peux le frapper avec mon auto, avec le régime sans faute, cela ne me coûtera rien. Si je veux être bête, c'est ce que je vais faire, bête et intelligent en même temps, je vais me servir de mon auto.

M. Paquette: J'espère qu'il va y avoir des mesures dans le Code criminel pour vous attraper, si vous faites cela.

M. Bergeron: Oui, mais les mesures du Code criminel, si vous me le permettez, sont les mêmes, que je me serve d'un bâton ou de ma voiture.

M. Paquette: Oui.

M. Bergeron: Le Code criminel n'est pas affecté. Ma responsabilité pénale ne change pas.

M. Pépin: Si vous permettez, M. le député, ce qui doit être bien compris, je pense que vous le saisissez, mais je veux que ce soit bien clair, nous ne demandons pas le maintien de la faute à la place de votre plan. Vous l'avez dit, je veux que ce soit bien clair, nous demandons le maintien du recours en surplus de votre plan pour les innocents, pour ces 66% de gens qui sont des victimes innocentes. Peu importe comment on les a traités dans le passé, je veux qu'on les traite de mieux en mieux dans l'avenir.

M. Paquette: Le fait qu'il y ait des gens qui ne se sentiront peut-être pas suffisamment couverts par le plan est prévu dans le régime, c'est-à-dire que ces gens, s'ils jugent qu'ils ne sont pas suffisamment assurés par le régime d'Etat, vont pouvoir prendre une assurance supplémentaire, qu'ils soient victimes, responsables ou non.

M. Pépin: Avec le respect que je vous dois, non. Vous n'avez prévu qu'une catégorie, la catégorie de 15% de mieux nantis, mais vous n'avez pas prévu la catégorie des moins bien nantis qui, à mon point de vue, sont ceux qui vont payer la réforme la plus cher en indemnité de victimes.

M. Paquette: Non. Dans ce que vous proposez, non seulement les bien nantis seront obligés de prendre une assurance supplémentaire, mais les moins bien nantis aussi, au cas où ils seraient responsables dans un accident où il y a une victime bien nantie.

M. Brossard: Là, je pense qu'on parle de deux sortes d'assurances différentes.

M. Paquette: Je ne sais pas si on se comprend.

M. Pépin: Oui, mais comme il y a plus de moins bien nantis que de bien nantis, je présume que le nombre de réclamants moins bien nantis va toujours être supérieur au nombre de réclamants bien nantis. Il doit y avoir une certaine logique statistique là-dedans.

M. Brossard: II y a une chose certaine, M. le député de Rosemont, c'est que, avec le régime que nous proposons, il est évident que...

Mme Payette: De Rosemont, le député d'Outremont n'est pas ici.

M. Paquette: Ce n'est pas ce qu'il dit.

M. Brossard: Excusez... non, de Rosemont, j'ai dit de Rosemont, il est sûr que tout le monde devrait être assuré contre sa responsabilité également pour blessures corporelles causées à autrui pour le cas où il blesse quelqu'un qui a des dommages en excédent de votre régime de base. Je pense que c'est clair, sauf que vous prévoyez déjà dans votre régime une assurance obligatoire minimale de $50 000 pour dommages matériels. Ce que nous suggérons, c'est d'augmenter cette assurance de base de $50 000 à $100 000 et que ce soit non pas limité simplement aux dommages matériels, mais que cela couvre également les dommages corporels pour ces gens qui seraient blessés, qui auraient des dommages en excédent du

régime de base. Les cas seraient, comme le disait Me Pépin tout à l'heure, suffisamment peu nombreux, tout en étant importants, parce que même s'il y en avait seulement cinq, ce sont cinq individus qui comptent, mais les cas seraient probablement suffisamment peu nombreux pour que la prime d'assurance elle-même n'en monte pas de façon exagérée.

Mais il ne faut pas confondre cette police avec la police excédentaire que votre régime impose d'abord à ceux qui sont au-delà de 85%, aux mieux nantis, mais que les moins bien nantis ne peuvent pas obtenir pour la semaine de carence, pour les 10% que vous ne paierez pas, pour l'incapacité permanente que vous allez payer à peu près au cinquième de ce que les tribunaux accordent. Pour les moins bien nantis, pour ceux qui gagnent moins de $18 000, ce que nous proposons, c'est que si vous ne la leur payez pas, ils puissent, s'ils sont innocents, obtenir leur semaine de carence de celui qui les a frappés. C'est la même chose pour les 10% et la même chose également pour l'évaluation de leurs préjudices permanents, s'ils n'obtiennent pas, à même la grille prévue, une indemnité suffisante. Il est possible que, dans la plupart des cas, ce soit suffisant, mais il est possible également que cela ne le soit pas. On veut que ces gens conservent leurs recours.

M. Paquette: Je pense que la question fondamentale, c'est: Est-ce qu'il y a moyen de faire un régime de base qui couvre vraiment les pertes économiques des gens? Vous avez quelques critiques — certaines sont fondées et, pour d'autres, on peut se poser des questions — à l'effet que, tel que proposé dans la loi, le régime ne serait pas tout à fait suffisant.

Supposons qu'on réussit à faire un régime suffisant, dans la grande majorité des cas, trouvez-vous socialement acceptable de faire payer à tout le monde des primes au cas où quelqu'un serait une victime et qu'il y aurait une petite différence par rapport au régime de base? Vous venez de nous dire un cinquième dans le cas d'incapacité permanente. Vous vous basez peut-être sur le maximum de $20 000. Mais cette personne va avoir la rente indexée, en plus du $20 000. Si elle est mutilée et qu'elle a une incapacité permanente, elle a un montant de $20 000 peut-être.

M. Brossard: De revenus, oui.

M. Paquette: Oui et, en plus, elle a une rente indexée. Cela dépend du nombre d'années, mais, si elle vit quinze ou vingt ans, cela risque de lui donner pas mal plus que ce qu'elle aurait dans le régime actuel. Dans la majorité des cas.

M. Brossard: Mais cette personne peut également être affectée d'une incapacité permanente de 15% ou de 20%...

M. Paquette: D'accord.

M. Brossard: ... ne pas avoir de perte de sa- laire et n'avoir droit à rien en vertu du régime que vous proposez. Je connais des confrères qui sont affligés, à la suite d'un accident d'automobile, d'incapacité permanente de 40%. C'est sérieux, 40%. Dans un cas particulier, l'incapacité est de nature crânienne, mais le bonhomme pratique. C'est peut-être dans quinze ans qu'il va tomber et c'est pour cela que les médecins lui ont donné 40% d'incapacité. Et c'est pour cela que les tribunaux lui donnent une indemnité pour incapacité permanente de l'ordre de $60 000, pour prévoir ce jour probable, où, dans quinze ans, il ne sera plus capable de travailler. Cette victime, dans votre régime, aurait une partie de la grille des $20 000 pour cette incapacité permanente. C'est tout. Comme il n'y aurait aucune perte économique, parce qu'il n'y a pas de perte de revenus, elle n'aurait rien.

Mme Payette: Je voudrais corriger cette erreur parce que, même dans le cas cité par Me Brossard, le dossier pourrait également être rouvert par la suite.

M. Brossard: II faudrait peut-être changer, à l'article correspondant, le mot "rechute" par un autre mot qui couvrirait davantage ces cas.

Mme Payette: Est-ce que je peux vous renvoyer à l'article 16, peut-être, pour plus de précision?

M. Brossard: Bien sûr.

Mme Payette: II est question de manifestation du dommage.

M. Bergeron: C'est une question d'interprétation. On peut dire que, dans le cas soulevé par le bâtonnier Brossard, le dommage s'est déjà manifesté.

M. Brossard: Les médecins ont déjà diagnostiqué le dommage. Il existe.

M. Bergeron: II existe.

M. Brossard: II n'y aura pas de séquelles avant quinze ans.

Mme Payette: Dans la mesure où... M. Brossard: Le recours est prescrit.

Mme Payette: Dans notre régime, en effet, dans la mesure où cette personne peut continuer d'exercer sa profession et gagner les mêmes' sommes qu'elle gagnait avant, il n'y aurait pas d'indemnisation avant qu'il y ait manifestation de sa blessure et de son incapacité. Si c'est dans quinze ans — d'ailleurs, tout cela est très aléatoire et très hypothétique — il faudrait rouvrir le dossier, dans notre cas également.

M. Bergeron: Je pense bien que tous ceux qui ont eu l'expérience de cas de réouverture comme

cela à la Commission des accidents du travail — je pense que M. Fabien Roy en a des exemples — savent que ce n'est pas facile de faire établir que l'accident a été la cause de tel malaise que maintenant, après cinq ans, on ressent. C'est très aléatoire. C'est beaucoup plus facile pour les médecins de prévoir, au moment de l'accident et dans les quelques mois qui suivent ou les quelques années qui suivent, quelles seront les conséquences les plus sûres de cet accident.

M. Laberge: Justement, on blâme souvent la Commission des accidents du travail et moi aussi, j'ai eu l'occasion de faire la même chose. Mais dernièrement, je voudrais noter que j'ai participé à la réouverture d'un cas où l'accident a eu lieu il y a 21 ans.

M. Bergeron: Je ne dis pas que ce n'est pas possible.

M. Laberge: Ce n'est peut-être pas fréquent, mais il faut quand même donner à César ce qui appartient à César.

M. Crépeau: Vous dites réouverture.

M. Laberge: Réouverture du dossier. Ils l'ont rouvert et cela faisait 21 ans.

M. Bergeron: Les textes de loi actuels ne sont pas tout à fait dans le même sens que la Loi des accidents du travail, si ma mémoire est fidèle.

M. Paquette: Vous avez mentionné...

M. Grégoire: Sur le même sujet.

M. Paquette: Sur le même sujet d'accord.

M. Grégoire: M. le Président, sur le même sujet. Dans ce recours supplémentaire pour celui qui ne serait pas satisfait de la grille, en fait, il y a deux choses. Il y a le montant supplémentaire à la grille et, deuxièmement, le recours contre quelqu'un. Si le type n'est pas satisfait du montant supplémentaire, il peut toujours s'assurer lui-même pour un montant supplémentaire. Tout comme celui qui prend une police d'assurance pour les dommages personnels à son automobile, il peut avoir une déduction de $50, de $200 ou de $250 et il paie alors les premiers $50, ou $100 ou $250. S'il n'est pas satisfait de la grille, il peut s'assurer pour le montant qu'il veut avoir.

Quant au recours, si vous introduisez, comme disait tantôt le député de Rosemont, l'idée d'avoir un recours pour le supplément contre quelqu'un, c'est revenir au système qu'on a aujourd'hui, que tout le monde peut encore être poursuivi, que tout le monde peut essayer encore de poursuivre. Cela va même être pire dans ces cas, parce que, à ce moment-là, la victime aura déjà eu un montant. Vous savez, en pratiquant comme avocat, que bien des cas se règlent parce que celui qui se fait endommager son automobile dans un accident est obligé d'attendre des fois un an, un an et demi avant d'avoir son argent et qu'il règle à moins de ce qui le satisferait, parce qu'il a besoin de s'acheter une automobile tout de suite.

M. Pépin: Précisément...

M. Grégoire: Je vais finir. Dans le cas qui nous regarde, avec la grille, il reçoit son montant tout de suite et il a les mains libres pour continuer à intenter une poursuite contre l'individu. Je ne suis pas contre le fait qu'il ait un montant qui va le satisfaire, mais c'est le fait de dire que tout individu peut être poursuivi au-delà de la grille. Qu'il s'assure.

M. Pépin: Ce que vous dites est fort amusant. Un des reproches qu'on fait au système actuel, on peut être d'accord ou non avec les reproches, mais on reproche quand même à certains assureurs de retarder le paiement pour affamer la victime et l'amener à prendre le montant. Vous semblez dire: Maintenant qu'on va lui donner le montant immédiatement et qu'on va faire disparaître l'injustice d'une attente, enlevons-lui en même temps le droit pour lui enlever l'indépendance dans laquelle on le place en lui donnant un paiement anticipé.

M. Grégoire: Ce n'est pas le sens de ma question.

M. Pépin: Je dis non. Je dis respectons le sens...

M. Grégoire: Ce n'est pas du tout le sens de ma question.

M. Pépin: C'en est l'effet.

M. Grégoire: Le sens de ma question n'était pas du tout celui-là. C'est que j'ai essayé de diviser les deux choses pour le gars qui veut avoir un montant supplémentaire; premièrement, le montant, et, deuxièmement, le recours. Qu'il ait un montant supplémentaire s'il n'est pas satisfait des $18 000 parce qu'il aurait des revenus de $100 000, il peut s'assurer, mais pourquoi lier cela au recours contre l'individu?

M. Pépin: Vous parlez encore du mieux nanti et nous vous parlons du moins nanti. Je doute fortement, personnellement, que les moins nantis soient capables de s'acheter une police d'assurance "no fault" pour courir leur première semaine de carence et les 10% de salaire qu'ils vont perdre. Comme l'a dit le bâtonnier Bergeron, ce matin, il y a des gens de condition modeste qui n'ont pas les moyens de perdre cette première semaine de salaire et qui n'ont pas les moyens de recevoir 90% de leur salaire net. Leur budget est fait à 100% de leur salaire brut.

M. Grégoire: Vous êtes-vous informé quels sont les prix d'une assurance? Vous savez que

quand vous assurez votre automobile pour vos propres dommages, si vous l'assurez avec $50 déductibles, cela va vous coûter beaucoup plus cher que si vous l'assurez avec $250 de déductible. Pour l'assurance supplémentaire, il va y avoir déjà toute une grille de $20 000 déductibles pour la compagnie d'assurance. Imaginez-vous, cela ne serait presque rien.

M. Pépin: C'est cela.

M. Grégoire: Je suis bien d'accord que le gars puisse s'assurer, mais c'est le fait que vous vouliez relier cela au droit de recours pour qu'il y ait encore des procès là-dedans, pour qu'il y ait encore des plaidoiries, pour que cela aille encore devant les juges.

M. Pépin: Je ne veux pas qu'il y ait de procès.

M. Brassard: II y a un problème, M. le député, dans cette assurance invalidité personnelle ou assurance-salaire ou appelons-la comme on voudra. Je ne sache pas qu'il n'y ait aucune disposition dans le projet de loi actuel qui impose l'obligation aux compagnies d'assurance d'émettre de telles polices d'assurance. Je ne sache pas qu'aucune compagnie d'assurance, non plus que le BAC n'aient annoncé qu'ils avaient l'intention d'émettre de tels contrats d'assurance. Et je crois comprendre qu'un représentant du BAC, hier, a parlé, concernant ces contrats d'assurance, de cadeaux de Grecs qui ne les intéressaient pas du tout.

Mme Payette: Excusez-moi, mais on va se reporter à ce qui a été dit hier très exactement. Cela a été la première réflexion effectivement et, après avoir réfléchi, on a dit qu'on n'avait pas vraiment étudié cette question, mais qu'il pouvait effectivement s'agir là d'un nouveau marché intéressant pour les assureurs.

M. Bergeron: Si vous me permettez, quand on parle de nouveau marché intéressant...

M. Grégoire: Je ne vois pas pourquoi vous douteriez de la possibilité d'une assurance comme celle-là.

M. Bergeron: J'en doute.

M. Grégoire: Les compagnies assurent tout.

M. Bergeron: Mais à quel prix?

M. Grégoire: S'il y a une demande pour une police d'assurance dans ce genre-là, elles vont y satisfaire.

M. Roy: Oui, mais je reviens sur un point. Si on parle, à un moment donné, d'un marché intéressant nouveau ou d'une autre assurance supplémentaire, cela m'amène à parler du coût de l'assurance automobile. Cela m'amène à parler du premier objectif et de la première préoccupation des Québécois, combien cela va-t-il coûter?

M. Paquette: C'est pour ça qu'on ne veut pas un droit de recours non plus.

M. Roy: On a parlé d'une réforme automobile en vue de faire baisser les coûts, parce qu'il y avait des augmentations trop grandes chaque année.

M. Paquette: C'est ça. Mme Payette: M. le député...

M. Roy: Une petite assurance par ici, une petite assurance par là, je vais dire comme Yvon Deschamps, ça va finir par faire des grosses primes.

Mme Payette: M. le député...

M. Paquette: C'est exactement pourquoi j'ai dit tantôt...

Mme Payette: Pour une fois qu'on a une réponse.

M. Roy: Pour une fois que vous en avez, j'écoute.

M. Paquette: C'est exactement pourquoi j'ai dit tantôt que le droit de recours, pour un léger avantage à des victimes, après avoir traîné devant les tribunaux pour obtenir un léger avantage supplémentaire sur le régime de base, allait forcer tout le monde à s'assurer et à prendre la police, alors que dans le cas du régime proposé, il y a seulement 15% qui vont s'assurer parce qu'ils vont juger que le régime de base les couvre insuffisamment.

Mme Payette: Comme il s'agit, M. le député, des mieux nantis, effectivement, nous ne voyons pas pourquoi la collectivité devrait supporter le coût de l'assurance pour les mieux nantis qui sont les mieux placés pour pouvoir se le payer.

M. Roy: Si j'ai bien compris les interventions qui ont été faites, il ne s'agissait pas effectivement des mieux nantis, parce que les mieux nantis, ils sont couverts d'assurance...

Mme Payette: Ce qui est proposé par nos invités...

M. Roy: Règle générale, les mieux nantis sont déjà couverts.

Mme Payette: Ce qui est proposé...

M. Roy: II s'agit d'une catégorie' de personnes qui vont avoir à subir une perte économique et pour laquelle ils n'auront aucun droit de recours, si j'ai bien compris, pour pouvoir se faire rembourser de la perte économique qu'ils subissent à l'occasion d'un accident.

Mme Payette: M. le député, pour tenter de clarifier, on essaie de distinguer le droit de recours quand on n'est pas satisfait d'une décision de la régie, et le droit de recours contre un autre individu par après, par-dessus tout ça. Si on maintient cette responsabilité et ce droit de recours d'un individu contre un autre individu, ce qu'on vient de faire, c'est qu'une personne qui aurait été indemnisée et qui, dans le système proposé par le Barreau, serait un coupable, une personne responsable d'un accident, se verrait finalement peut-être enlever ce qu'on va lui payer en indemnité par un jugement qui peut être rendu pour une victime dite innocente dans le système actuel.

Si tel est le cas, il faudrait que des personnes encore moins bien nanties prennent une assurance au cas où elles seraient coupables. On maintiendrait le système de responsabilité. On vient de multiplier l'assurance par deux.

M. Bergeron: S'il vous plaît, Madame, si on me permet, on nous fait dire des choses...

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît...

M. Bergeron: ... si on me permet, j'aimerais préciser. Il est bien clair que, dans notre régime, on a dit, premièrement, assurance obligatoire avec un fonds d'indemnisation pour tous les cas qui pourraient passer à travers le filet. Donc, il y aura toujours une assurance. La personne coupable, par conséquent, ne se fera pas dépouiller de ce qu'elle a reçu parce qu'elle est tenue responsable, pas du tout. Là, il ne faut pas...

Mme Payette: Est-ce que c'est le fonds d'indemnisation qui va payer?

M. Paquette: A ce moment-là, c'est le fonds d'indemnisation qui va payer.

M. Bergeron: L'assureur ou le fonds d'indemnisation, comme cela se fait maintenant.

M. Paquette: C'est-à-dire nous autres, voyons donc!

Mme Payette: Alors, comme le projet de loi 67 prévoit que le fonds d'indemnisation revient au gouvernement, la source d'argent est exactement la même, c'est-à-dire les citoyens.

M. Bergeron: Ce sont les citoyens assurés.

M. Brossard: Mais vous l'imposez, la police d'assurance obligatoire.

Mme Payette: Pour les dommages matériels.

M. Brossard: Mais il suffit d'y ajouter les dommages corporels. L'obligation de l'assurance, elle y est, dans votre régime.

Mme Payette: Nous ne voulons plus que les dommages corporels soient compris dans le contrat d'assurance.

M. Brossard: Cela, on le comprend à la lecture du projet de loi.

M. Paquette: Votre argument, c'est que les moins bien nantis, actuellement, dans le régime proposé, ne se prendront pas une assurance supplémentaire pour couvrir l'excédent du régime de base. C'est votre argument. Mais avec votre droit de recours, tout le monde va être obligé de le faire. Les moins bien nantis, même s'ils n'ont pas les moyens, il va falloir qu'ils prennent une police également pour se protéger, au cas où ils frapperaient quelqu'un qui en a une.

Alors, s'ils ne sont pas capables de se payer l'assurance dans le régime de base, comment pourraient-ils se payer la police que vous proposez dans votre système? Peut-être qu'elle coûterait un peu moins cher, je ne le sais pas.

M. Michaud (Pierre): M. le député, je vais essayer d'expliquer notre position d'une autre façon. Vous prétendez, avec les explications qui ont été données sur le projet de loi, qu'avec votre régime de base, vous allez indemniser presque parfaitement 85% des victimes, c'est-à-dire les moins bien nantis qui gagnent moins de $18 000. Est-ce qu'on s'entend jusque là?

Mme Payette: C'est 85% de la population qui gagnent beaucoup moins que ça actuellement et qu'on a projetés en 1978 et largement.

M. Michaud (Pierre): Est-ce qu'on s'entend jusque là...

Mme Payette: Très bien.

M. Michaud (Pierre): ...que ce sont les représentations que vous avez faites? Par conséquent, ce que nous vous disons, c'est simplement ceci, vous avez également prévu un deuxième régime, c'est votre régime étatique qui sera administré par la régie.

Vous avez également prévu un régime qui est laissé à l'entreprise privée, qui est un régime d'assurance-responsabilité, mais est limitée aux dommages matériels. On s'entend sur ce cas?

Mme Payette: C'est exact.

M. Michaud (Pierre): Ce que nous vous disons, c'est simplement ceci. Vous prétendez que vous allez indemniser presque parfaitement les 85% dont on a parlé. Nous pensons que c'est inexact. On peut se tromper. Mais, si vous avez raison, pourquoi refuseriez-vous d'ajouter le droit de recours pour ces gens-là, pour le surplus d'indemnisation? Si vous avez raison, vous n'avez qu'à ajouter les dommages corporels à votre section sur l'assurance-responsabilité pour les dommages matériels et cela ne coûtera, à toutes fins pratiques, rien. En effet, comme vous indemnisez tout le monde ou 85% des gens presque parfaitement, on n'aura jamais besoin d'y aller; les gens seront satisfaits.

Mme Payette: Parce qu'en faisant ce que vous nous proposez nous revenons presque à ce que nous connaissons présentement. Nous venons d'annuler notre intervention dans le secteur de l'assurance automobile.

Des Voix: Pas du tout.

M. Michaud (Pierre): Vous améliorez votre plan grandement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier. M. le député de Rosemont, vous permettez une question supplémentaire?

M. Raquette: Oui.

M. Saint-Germain: Comme le député de Frontenac le disait tout à l'heure, actuellement, si on prend cette prime de dommages matériels, si on a une exemption de $50 sur la voiture, c'est plus dispendieux que d'assurer nos dommages si on a $250. On pourrait facilement considérer ce plan comme un plan de base. Pour celui qui s'assurerait contre les dommages corporels, en plus des dommages matériels pour lesquels la loi va l'obliger à avoir une assurance, quel va être le surplus? Cela va être une somme minime, à mon avis, parce que c'est seulement après cela que les assureurs privés vont payer. Ce n'est qu'en surplus de cela. Comme cette loi de base, comme on le prétend, va être suffisante pour 85% des assurés, cela ne peut pas être très dispendieux. C'est très simple à faire, parce que vous avez simplement à ajouter cette responsabilité corporelle à la responsabilité matérielle dans la police que les gens vont acheter. C'est comme quelqu'un qui prendrait une assurance pour dommages aux autres de $100 000 et en prendrait une autre pour $200 000 ou en prendrait une de $200 000 et la passer à $300 000. De $200 000 à $300 000...

M. Paquette: M. le Président, le député dit: Ce ne sera pas très dispendieux. Peut-être, mais, quand même, cela va coûter au moins aussi cher de frais de cour qu'avant, parce qu'il va falloir refaire toute la preuve et le dossier pour savoir qui est responsable, quelle est la nature de l'indemnité et tout cela et en quoi cela excède le régime de base pour qu'éventuellement, la victime reçoive son supplément.

M. Saint-Germain: Les frais de cour ne pourront pas être si considérables que cela.

M. Paquette: II faut que ce soit payé quelque part.

M. Saint-Germain: Parce qu'on peut retourner tout cela à l'envers. Si vous parlez des mieux nantis...

Le Président (M. Boucher): Pour une meilleure compréhension du journal des Débats, je vous prie de parler un à la fois.

M. Saint-Germain: Si on veut parler des mieux nantis, on peut trouver dans cette loi une protection pour les mieux nantis, en ce sens que ceux qui ont du capital indiscutablement ont tous de l'assurance automobile, parce qu'ils sont bien conscients du risque qu'ils prennent. Ce bonhomme qui a du capital, lorsque son fils lui demande: Prête-moi donc ta voiture, papa, ce soir, va y penser avant de prêter sa voiture parce qu'il y a des responsabilités au bout. Alors, ce type fortuné actuellement est très bien assuré et il assure très convenablement tous ceux qui se servent de ses voitures ou de sa voiture, c'est clair. Vous arrivez avec une loi comme celle-là. C'est le "no fault" pour tout le monde. Le type fortuné ne se cassera plus la tête pour dire: Est-ce que je vais prêter ma voiture à mon fils ou pas? Il n'y a plus de responsabilité au bout. Il va même pouvoir baisser sa responsabilité. Elle va être baissée d'ailleurs par le fait même, s'il n'y a plus de responsabilité vis-à-vis des dommages corporels. Il ne prend plus le même risque quand il dit à son fils: Prends ma voiture. Ne croyez-vous pas? C'est sensé, ce que je dis là.

M. Pépin: Si je peux me permettre d'ajouter un commentaire à la question posée par le député de Rosemont tout à l'heure, au fond votre plan de base avec le recours pour l'excédent revient à dire que tout ce qu'on a à changer, c'est l'article 75 où on fait disparaître les mots "du dommage matériel" pour simplement dire "en raison du dommage causé lors d'un accident au Canada et aux Etats-Unis" et d'ajouter un paragraphe qui dit: "Cependant, la responsabilité du propriétaire doit être déterminée, que tout paiement reçu par la première section de la loi doit être en déduction de telle réclamation.

Autrement dit, on a un déductible qui va être aussi élevé que l'est votre loi. Automatiquement — et là-dessus, je dois donner raison à M. Saint-Germain ou à M. Grégoire qui l'a dit tantôt — plus la franchise est haute, moins la prime est dispendieuse. L'expérience démontre que ce qui ruine les citoyens, les payeurs de primes d'assurance, c'est le grand nombre de toutes sortes de petites réclamations.

Effectivement, comme toutes les petites réclamations où le plus grand nombre a été couvert par le plan de base, il est évident que le moins grand nombre de plus grosses réclamations ne peut pas représenter un coût social d'assurance élevé. Je me permets de suggérer, à ce moment-là, qu'avant de le conclure de façon finale, on essaie, en communiquant avec les experts, comme le suggérait M. Roy ce matin, de leur demander à combien ils sont prêts à le tarifer, ce service, combien chargeraient-ils de plus? Ils sont en train de préparer une police d'assurance en vertu de l'article 75, demandons-leur combien iis chargeraient de plus pour vendre la même police avec les mots "dommages matériels" en moins, compte tenu qu'à ce moment-là, toutes les prestations du plan serviraient de déductible, comme je l'ai dit, sous la section responsabilité?

M. Grégoire: Monsieur, quand il s'agit du montant, ça va bien. Mais ce montant, vous voulez le faire réclamer après avoir prouvé responsabilité et après procès et contestation judiciaire.

M. Pépin: Je pense qu'il faut dédramatiser.

M. Grégoire: C'est pour cela que je mets les deux choses. Sur ce point-là du montant, que l'individu qui le désire s'assure au-dessus du plan d'assurance automobile, parfait. Mais là où je ne vous suis plus et où je ne suis plus d'accord avec vous, c'est que ce montant-là, vous ne vous contentiez pas de dire: Oui, vous pouvez l'avoir. Mais vous ajoutiez en plus: Pour l'avoir, il va falloir que tu ailles devant les tribunaux.

M. Pépin: Ecoutez, il n'y a rien de compliqué là-dedans.

M. Grégoire: Alors, si vous vous contentiez de lui dire, au gars: Assure-toi, tu vas l'avoir. Mais là, vous voulez, en plus, que pour l'avoir, il soit obligé d'aller plaider.

M. Pépin: Non, non. Le montant de base, il le reçoit de la régie, dans mon hypothèse de travail...

M. Grégoire: Mais je parle du surplus.

M. Pépin:... et il n'a besoin, ni de tribunaux, ni d'avocats.

M. Grégoire: C'est du surplus que je parle.

M. Pépin: Quant au surplus, la seule crainte que vous avez exprimée tout à l'heure, de délai, de complications et de coût, à mon humble point de vue, cela n'existe pas. Pourquoi? Parce que d'abord, au point de vue de l'évaluation de la réclamation, on a quand même le dossier de la régie qui, je présume, contient des examens médicaux. Est-ce que la victime n'aurait pas le droit d'avoir accès à ce dossier qui est le sien?

Deuxièmement, quant à la responsabilité, il faut quand même dédramatiser les difficultés de preuves en cour. Tout le monde sait que le passager, le piéton et, en définitive, même en vertu d'une certaine jurisprudence aujourd'hui, le conducteur bénéficient d'une présomption de responsabilité contre celui qui leur a causé le dommage.

La responsabilité n'est pas tellement difficile à faire pour la victime. C'est plutôt pour celui qui a fait subir un dommage à la victime qu'il est difficile de prouver qu'il n'y a pas de responsabilité de sa part. Pour celui-là qui était à la conduite de son véhicule, qui est lui-même son premier témoin, qui connaît l'identité de ses passagers, il va nous rester, pour compléter l'enquête et faire le procès, pour ce surplus dont on parle, à obtenir un rapport de police en toute probabilité. Et peut-être qu'en réussissant à obtenir que les policiers fassent, comme cela se fait dans certains endroits, un rapport bien détaillé, on aura un dossier complet sans même la nécessité du mécanisme compliqué d'enquête qui existe actuellement.

M. Grégoire: Vous devez être bon avocat, parce que vous me ramenez toujours en dehors du principe que j'émets. Vous avez le tour de m'ame-ner.

M. Pépin: Je m'excuse. J'essaie de vous ramener en dedans du principe que j'émets.

M. Grégoire: Vous devez être bon avocat. Le principe — et ce n'est pas la question des coûts et des difficultés de preuve ou toutes ces choses-là — est simplement le suivant: Est-ce qu'on doit, avec le nouveau régime, maintenir l'idée que tout va continuer encore devant les tribunaux, quand quelqu'un voudra y aller, comme cela l'était?

Cela veut dire que pour éviter ce 1% des cas, tous, même les moins nantis, surtout les 85%, devront prendre une assurance supplémentaire.

M. Paquette: C'est 1%, à supposer que cela fonctionne mal. On voudrait que cela fonctionne bien.

M. Grégoire: Mais les 100% vont être obligés de prendre une assurance supplémentaire au cas où, dans ce 1%, ils seraient ramenés devant les tribunaux. C'est là qu'est le jeu.

M. Pépin: C'est 1% des cas qui se rendent devant les tribunaux, mais, je l'ai dit ce matin, c'est 66% des victimes qui vont subir l'injustice en question. Avec la police de responsabilité, avec assurance obligatoire, police de responsabilité, l'assureur de la partie adverse ne se fera pas tirer l'oreille longtemps pour payer la première semaine du délai de carence et pour payer le 10% de différence de salaire quand il aura rapidement, par la propre version de son assuré, établi la responsabilité de son assuré.

Je ne vois aucune espèce de complication. Là, au moins, on pourra dire qu'au lieu de remplacer un régime bon mais qui a des défauts, qui n'est pas parfait, par un autre régime dont on ne peut pas dire, on ne le sait pas, mais qui, à sa face même, n'est pas parfait, on peut au moins se dire: On a probablement joint ensemble le meilleur d'un régime qui a fait ses preuves et la plus belle promesse d'un régime qui tentera de faire les siennes.

M. Paquette: M. le Président, je voudrais terminer avec mes questions, si vous le permettez, sur quelques considérations un peu plus globales. On a mis en évidence que l'essentiel de la question est la mesure dans laquelle le régime de base indemnise de façon juste et raisonnable les victimes, tous ceux qui sont impliqués dans un accident.

Vous avez fait une affirmation assez forte ce matin, vous avez dit que c'était un régime incomplet, qu'il y avait une mauvaise indemnisation; vous avez insisté sur la perte d'une semaine de salaire. On pourrait répondre à ces objections, je ne

le ferai pas dans le détail. Quant à la semaine de salaire, il y a une amélioration à faire à savoir si ce sont des jours ouvrables ou quoi. Cela a été mis en évidence très nettement et je pense qu'il faut faire un amendement là-dessus, personnellement. Quand même, pour les sept jours, la plupart des gens sont couverts par des congés de maladie ou par des vacances, par l'assurance-salaire. Ce n'est quand même pas si dramatique que vous le dites. On peut réviser cette question-là aussi.

Vous parlez de la perte de 10% du revenu. Je pense qu'il est exact de dire que quelqu'un qui ne peut plus aller travailler, donc, qui reçoit une rente, a moins de coûts; ces coûts ont été évalués à 10%, les coûts pour se rendre au travail, pour occuper un emploi ont été évalués à 10%. Je pense que. la personne est évaluée justement. Vous nous faites, par contre, des critiques concernant les personnes âgées, les femmes à domicile et les étudiants qui me paraissent justes et qu'on peut intégrer au projet. Il me paraît que votre critique est largement exagérée quand vous dites que c'est une mauvaise indemnisation. Il y a encore des lacunes dans la loi, qu'on peut corriger, mais je dirais plutôt qu'il y a des insuffisances dans la loi. C'est un "over statement" comme vos 66% de ce matin.

M. Pépin: II n'est pas "over", il est dedans. Il est "on the dot".

M. Paquette: Le dernier point que je voulais traiter, c'est de votre deuxième critique. Vous avez parlé de la mainmise de l'Etat sur le citoyen. Dès qu'il y a un gouvernement qui se met en tête d'essayer d'améliorer un régime et d'intervenir, tout de suite, on nous sort la mainmise de l'Etat sur le citoyen. Je suis bien d'accord que c'est une préoccupation qu'il faut avoir. Personnellement, je l'ai, et c'est pour cela que je suis d'accord avec le fait qu'on fasse des modifications à certains pouvoirs discrétionnaires de la régie qui sont exagérés, peut-être, et qui devraient être soumis à une demande de la régie devant un tribunal. Vous avez des critiques très justes là-dessus; de là à dire que ce sont des gens qui deviennent des assistés sociaux qu'on va surveiller tous les quinze jours, là, je pensais que c'étaient seulement les politiciens qui faisaient de la démagogie en temps de campagne électorale, je suis obligé de dire que vous en faites pas mal, vous en mettez pas mal! Franchement!

M. Pépin: Diriez-vous que nous sommes à la hauteur?

M. Paquette: Je vais terminer et vous pourrez répondre après.

Concernant l'histoire du droit d'appel, on a distingué le droit de recours du droit d'appel. Vous maintenez que le droit d'appel devrait être devant un tribunal?

M. Pépin: Oui.

M. Paquette: Par contre, je pense que vous êtes aussi d'accord que, dans le cadre d'une réforme globale de la justice, on établisse de plus en plus de tribunaux spécialisés pour réduire le fardeau des tribunaux réguliers. Est-ce que je me trompe?

M. Pépin: Si vous les voyez comme des divisions de nos tribunaux de droit commun avec la même indépendance, etc., je pense que le bâtonnier va détailler là-dessus.

M. Bergeron: II n'y a aucune objection, par exemple, à spécialiser des juges de la Cour supérieure, en théorie. On pourrait avoir des juges de la Cour supérieure qui entendent plus certaines causes que d'autres et qui se consultent davantage; cela ne touche pas au fond du système, du régime. Cela reste des hommes chargés de la justice d'une façon indépendante de l'Etat. Maintenant, qu'il y ait des divisions ou des spécialisations, c'est une question qu'on pourrait analyser. En principe, il ne peut pas y avoir d'objection à cela et c'est faisable. Cela se fait jusqu'à un certain point, on parle de la chambre de la famille, etc.

M. Paquette: C'est cela. Maintenant, au sujet de ces divisions, est-ce que vous croyez possible, par exemple, dans le cas de l'éventuel tribunal de la famille, d'en installer comme cela dans chacun des districts judiciaires, au début? Etant donné tout le personnel spécialisé que cela demande.

M. Bergeron: Dans le domaine des accidents d'automobile, les juges de nos tribunaux ordinaires, aussi bien la Cour provinciale que la Cour supérieure, ont établi, je pense, leur parfaite compétence à entendre et à juger pareilles réclamations. Je ne pense pas que cela pose de problème de leur laisser cela entre les mains dans la trentaine de districts judiciaires de la province. Je ne vois vraiment pas de difficulté.

Je pense qu'on s'est créé des espèces de paravents. Je ne sais pas sur quoi cela est fondé, mais je ne vois pas de problème ni de difficulté, puis je ne vois pas comment, au contraire, le fait de s'adresser à des organismes qui ont des bureaux seulement à Québec ou à Montréal va aider quoi que ce soit ni personne. Parce que même dans les grandes villes comme Montréal, vous avez...

M. Paquette: Autrement dit, ce que vous me dites, si j'ai bien compris, c'est qu'à choisir entre les tribunaux spécialisés et une déconcentration dans les districts judiciaires, vous préférez une déconcentration?

M. Bergeron: Oui. Si vous me parliez d'un autre domaine que l'assurance-automobile et la responsabilité, je vous dirais: II est peut-être pensable qu'il faudrait imaginer — mais là on est en pleine hypothèse — la spécialisation d'un certain nombre de juges de telle ou telle cour, sans changer la nature des cours, ni leur indépendance, ni leur système, et dire: Ces gens iront dans tous les dis-

tricts, mais traitons seulement tel cas. Mais en matière de responsabilité d'assurance automobile, les juges sont déjà des spécialistes de la question. La responsabilité c'est quelque chose de tellement fondamental. L'évaluation des dommages, c'est l'ABC du droit. Il n'y a pas besoin de spécialisation là-dedans. Un peu de bon sens et un peu d'expérience puis des études juridiques raisonnables et une pratique du droit pendant dix ans, je pense que cela suffit généralement à qualifier les gens, si on les nomme bien, comme on essaie de les nommer, et en améliorant encore le système de nomination.

M. Paquette: Ce n'est pas tellement sur le point de la compétence des juges à juger des causes d'assurance automobile, c'est sur le plan de l'efficacité du système. Quelle est la cause principale pour laquelle cela prend de trois à cinq ans pour régler un litige d'assurance automobile?

M. Bergeron: Si cela prend de trois à cinq ans, cela ne dépend pas des juges. Cela peut dépendre de la procédure, mais aussi cela peut dépendre du fait qu'on n'a pas assez de juges. Ce n'est pas parce qu'on va créer un autre tribunal. Nommons davantage de juges aux tribunaux existants. C'est-à-dire, ne bâtissons pas d'autres maisons, meublons les maisons qu'on a.

M. Paquette: Vous avez mentionné que le délai de 60 jours pour l'appel à la Commission des affaires sociales vous paraissait exagéré. Sauf erreur, dans les tribunaux, même quand vous logez une cause devant la cour, avant d'être entendu, cela prend sûrement au moins autant que cela, peut-être plus.

M. Bergeron: Oui, mais quand on parle du délai d'appel, du délai de...

M. Paquette: Pas seulement cela, il y a bien d'autres facteurs dans une cause d'assurance automobile.

M. Bergeron: Bien oui. Mais ce que je veux dire, c'est que le délai de 60 jours, c'est un délai pour former votre appel. Cela ne veut pas dire qu'il va être jugé dans les 60 jours, pas du tout. Il va peut-être prendre trois ans avant d'être jugé. Le délai d'appel commun, c'est 30 jours, c'est-à-dire que dans les 30 jours du jugement de la Cour supérieure on peut en appeler à la Cour d'appel. C'est pour former l'appel. Ce ne sera pas nécessairement entendu et jugé dans les 30 jours, pas plus que l'appel devant la Commission des affaires sociales. Vous savez, le jour où vous allez avoir un grand nombre de dossiers devant la Commission des affaires sociales, cela ne va pas procéder plus rapidement que devant des juges de la Cour supérieure. Cela ne change pas le problème. On s'imagine que cela change des choses, mais on fait juste changer des dossiers de place puis on change de maison. Cela ne change pas fondamentalement les questions. Mais si vous me parlez des délais, il y a des questions de procédure qui peuvent être modifiées. On peut se dire qu'on procédera par requête au lieu de procéder par action. Les délais ne changent pas selon l'organisme auquel vous vous adressez. Les délais sont causés par les hommes, par l'encombrement de leur travail ou toutes sortes d'autres motifs, y compris l'évaluation des risques dans certains cas ou le fait que certains documents, certaines preuves ou certains renseignements ne sont pas encore disponibles. Cela va arriver à n'importe quel organisme chargé de décider de la question.

Vous savez, si j'ai une cause en Cour supérieure et que je suis prêt à procéder, mais que le témoin principal tombe malade, que je sois en Cour supérieure, devant la Cour provinciale ou devant la Commission des affaires sociales, si la personne n'est pas disponible pour témoigner, à moins de trouver un moyen de l'entendre hors cour, ce qui est prévu déjà au Code de procédure civile en certaines circonstances, je vais être obligé d'attendre pour faire la preuve du dommage. On ne peut tout de même pas juger des choses sans ramasser les documents et les preuves nécessaires. Je ne sais pas si cela répond suffisamment à votre question.

M. Paquette: Cela m'éclaire en partie, puis je vais y repenser.

D'autre part, en ce qui concerne la Commission des affaires sociales, on nous dit que c'est un organisme qui semble donner satisfaction. La commission s'occupe des révisions de cas à l'aide sociale et également à d'autres organismes.

Quelle est votre évaluation de l'efficacité de cette commission, actuellement?

M. Bergeron: Je n'ai pas fait d'évaluation de la commission.

M. Paquette: Vous devez avoir une idée là-dessus?

M. Bergeron: Je pourrais tenir pour acquis que la commission est bonne et que les gens qui sont là sont bons, sauf qu'on ne leur a pas donné la garantie que je voudrais voir donner à des juges. C'est cela l'affaire.

M. Paquette: Le problème de l'indépendance du judiciaire et de la fonction publique. Le président de la Commission des affaires sociales, sauf erreur, est un juge...

M. Bergeron: Peut être ou ne pas être un juge. M. Paquette: Peut être?

M. Bergeron: Oui, l'article 3 dit bien... C'est-à-dire qu'il peut l'être actuellement, je ne le sais pas par coeur. Je ne voudrais pas...

M. Paquette: Je pense qu'il l'est actuellement, mais...

M. Bergeron: Doit être un juge ou un avocat, l'article 3. Mais il n'est nécessairement pas un juge.

M. Paquette: Cela peut être un avocat ou cela peut être un juge, mais actuellement, c'est un juge.

M. Bergeron: Oui. Mais cela est accidentel, il n'y a pas d'obligation.

M. Paquette: Ce que j'allais vous dire, c'est que ce n'est pas comme une séparation complète du judiciaire et de l'administration. C'est un tribunal administratif.

M. Bergeron: Oui.

M. Paquette: Vous avez dit tantôt que vous n'en aviez pas contre les tribunaux administratifs en général.

M. Bergeron: Oui.

M. Paquette: J'aimerais savoir si vous en avez contre ce tribunal administratif en particulier, dans ce cas de l'assurance-automobile et pourquoi?

M. Bergeron: II me semblait que j'avais été pas mal clair là-dessus ce matin, en tout cas, j'avais essayé.

M. Paquette: Non, cela avait l'air plutôt d'une critique générale des tribunaux administratifs.

M. Bergeron: Commission des affaires sociales, article 1. On dit que c'est un organisme. D'habitude, quand c'est un tribunal, on dit que c'est une cour d'assises ou un tribunal. Là, on a bien pris garde de ne pas dire tribunal, ni cour. C'est clair que la loi ne dit pas que c'est un tribunal. Donc, ma proposition, c'est que la Commission des affaires sociales ce n'est pas un tribunal administratif, premièrement.

Deuxièmement, ce n'est tellement pas un tribunal qu'il n'y a pas de tribunaux où les juges ne sont pas nommés avec la règle de l'inamovibilité, c'est-à-dire qu'on ne peut pas les mettre dehors quand on veut, sauf pour des raisons très graves. Or, ici, les gens...

M. Paquette: J'avais compris cela, mais il me semble que c'est une caractéristique de tous les tribunaux administratifs.

M. Bergeron: Ah non! M. Paquette: Non?

M. Bergeron: Non, j'espère que non. J'espère que si jamais on a des tribunaux administratifs, ils ne seront pas comme cela.

M. Brassard: Le Tribunal des professions, par exemple, est constitué de juges.

M. Bergeron: Oui, c'est la Cour provinciale.

M. Brassard: Le Tribunal du travail est inamovible.

M. Paquette: Mais est-ce qu'ils sont inamovibles? Ils sont inamovibles.

M. Brassard: Ce sont des juges de la Cour provinciale nommés à vie.

M. Paquette: Nommés à ce poste-là. M. Bergeron: Le Tribunal du transport...

M. Brassard: Le Tribunal du travail c'est la même chose.

M. Bergeron: Voyez-vous, quand on parle de tribunaux administratifs, il y a le danger de les multiplier et d'en créer 45. J'ai déjà démontré qu'à force de créer des organismes judiciaires, des tribunaux spécialisés, etc., la justice serait un édifice de 45 portes où les gens ne sauraient pas à quelle porte s'adresser et cela prendrait un "dispatcher" à la porte pour leur dire où aller.

Arrêtons de multiplier les organismes, les règles de procédures et les règles de preuve.

M. Paquette: On pourrait dire que c'est mieux que d'être tous poignes dans la même porte.

M. Bergeron: Non, ce n'est pas dangereux. On n'a pas la porte assez grande. On agrandit la porte.

Par exemple, les gens de la Commission des accidents du travail sont nommés durant bon plaisir. Cela veut dire aussi longtemps qu'on veut les laisser là. Je pense que c'est très important. La question de cette nomination à terme, on n'est pas obligé de les nommer pour dix ans, on n'est pas obligé de les nommer pour cinq ans. J'ai parlé de cinq ans et de trois ans. Cela dépend des lois. La Commission des affaires sociales, c'est pour un terme n'excédant pas dix ans. Mais cela pourrait être pour deux ans. On peut renouveler le contrat de quelqu'un année après année, si on pense qu'on n'est pas satisfait de son rendement. On peut être insatisfait d'un fonctionnaire, pour toutes sortes de raisons. Je ne taxe pas le gouvernement actuel.

Je me méfie de tout gouvernement, quelle que soit sa couleur, là-dessus. Il n'y a pas de couleur là-dessus. Il y a juste le danger d'une administration, à un moment donné, qui voit son intérêt menacé et ait tendance à vouloir influencer.

Vous savez, les conflits d'intérêts, c'est toujours la même chose, comme je l'ai dit ce matin. En plus, vous avez des assesseurs qui sont nommés à cette commission. Or, les assesseurs prévus actuellement, ce sont huit assesseurs, huit qui doivent être médecins, quatre psychiatres, deux autres professionnels ou travailleurs sociaux. Eux, ils sont nommés pour un terme n'excédant pas cinq ans.

C'est encore pire. Vous savez bien que quelqu'un qui a été dans une fonction où il doit consacrer tout son temps à sa fonction ne peut pas se payer le luxe de s'en aller le lendemain matin, surtout si on le renvoie parce qu'on ne l'aime pas ou qu'il ne fait pas l'affaire. Donc, je pense que c'est un des points les plus importants. Vous avez remarqué, d'ailleurs, comme je vous l'ai signalé ce matin, que les décisions vont être prises par la majorité des membres et des assesseurs, c'est-à-dire que vous pourriez avoir deux médecins et un avocat, suivant la Commission des affaires sociales, qui décident une question de droit à la quotité ou a l'indemnité... Ou un travailleur social, c'est-à-dire ceux qui ne connaissent pas le droit. Moi, je n'ai pas d'objection à ce que les médecins s'occupent de médecine.

M. Paquette: Quand même, vous admettrez qu'ils ont une tâche moins lourde. Ils n'ont pas à évaluer la responsabilité.

M. Bergeron: Quant à la responsabilité, on vous a dit: II y a 1% des cas qui vont devant les tribunaux. Ce sont des cas où, dans un certain nombre de causes, on ne s'est pas entendu sur la responsabilité. Le 1% des cas qui vont devant les tribunaux ne sont même pas tous des cas où la responsabilité est débattue. La responsabilité, ce n'est pas si chinois que cela à déterminer dans 99% des cas. Dans 99% des cas, on la détermine sans l'intervention du judiciaire.

M. Paquette: Ils n'ont pas non plus à déterminer si le bras de X vaut plus cher que le bras de Y.

M. Bergeron: Justement. On leur fait jouer un rôle un peu automatique. Il y a une autre régie qui s'appelle—pour vous donner un exemple—la Commission des loyers où l'ordinateur décide des augmentations. Je n'aime pas beaucoup ce genre de justice automatique. Je n'ai rien contre les ordinateurs, mais j'aime bien les contrôler moi-même. J'aime bien ne pas me faire dicter quoi faire par eux. Justement, si c'est tellement automatique, je ne sais pas pourquoi on a besoin de ces gens.

M. Paquette: Non, je n'ai pas dit cela. Je n'ai pas dit que c'était entièrement automatique. J'ai dit que c'était pas mal moins complexe que les causes d'assurance automobile qui vont actuellement devant les tribunaux.

M. Bergeron: Je ne sais pas. Je ne croirais pas. D'après ma compréhension de la loi et celle de l'équipe, on trouve que c'est une loi compliquée. On trouve qu'il y a un grand nombre de cas où la régie a une absolue discrétion pour déterminer des choses qu'on ne laisse même pas déterminer par les tribunaux ordinaires dans le Code civil. On va déterminer qui est le conjoint, quand tu es un conjoint, quand tu n'en es pas un. A ce moment, je pense qu'on donne à cette régie et à la Commission des affaires sociales qui va suivre, dans le cas de l'appel, une discrétion sur beau- coup de questions extrêmement difficiles et pour lesquelles la loi ne précise pas les paramètres. Ensuite de cela, il n'y a pas de...

M. Paquette: Est-ce qu'on ne devrait pas chercher plutôt à fermer la porte autant que possible de ce côté?

M. Bergeron: Non. Vous savez...

M. Paquette: Vous avez mentionné des articles où il y avait un pouvoir trop grand de discrétion à la régie. On peut les fermer, ces portes.

M. Bergeron: Je pense que vous ne changerez pas la nature de l'organisme qui entend l'affaire. J'ai dit que je n'ai rien contre les fonctionnaires et c'est réel, sauf que je pense qu'on leur demande de faire des choses impossibles sans leur en donner ni les moyens, ni la structure. Vous pouvez le faire si vous voulez, mais je pense que vous allez créer chez les gens une énorme insatisfaction. De toute façon, je pense qu'il y a une chose qu'il ne faut pas oublier. On dirait que dans la discussion et en lisant le projet de loi ou le livre bleu, on pense, on s'imagine qu'on va créer un bon matin le régime parfait qui devrait satisfaire tout le monde. Ce n'est pas possible.

M. Paquette: On en est bien conscient.

M. Bergeron: Alors, si ce n'est pas possible, n'essayons pas de faire l'impossible. Cherchons à faire le régime qui pourra permettre la plus grande satisfaction et les recours de ceux qui ne seront pas satisfaits. Laissons une porte ouverte. Il y a toujours des trous dans une loi. Si on avait encore une journée, on pourrait peut-être vous en démontrer encore. Il y en aura toujours.

Comme on disait hier en préparant notre présentation de ce matin, le fonds d'indemnisation existe depuis 1961, si ma mémoire est bonne, et on trouve encore des points débattus qui vont jusqu'à la Cour suprême du Canada. Alors, quelqu'un qui aurait pensé qu'il était assez fin pour éliminer cela en disant: Vous n'en aurez pas de recours, je suis assez fin que je vous ai écrit une loi qui ne posera jamais de problème qui mérite d'être jugé par un juge, se serait pris pour Dieu le père, et c'est très dangereux. Je vous suggère de vous laisser une porte de sortie. Laissez donc les juges juger, la régie surveiller et les assureurs assurer.

M. Paquette: Et le gouvernement légiférer. J'ai été très long, je m'en excuse auprès de mes collègues. Je pense que je vais terminer là et remercier les représentants du Barreau d'avoir répondu à toutes mes questions. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: A la Commission des affaires sociales, ceux qui vont juger des situations, qu'ils soient juges ou non, il reste qu'ils vont être

obligés de juger d'après les barèmes et la loi. Ils ne sont pas laissés libres d'établir leur propre...

M. Bergeron: C'est-à-dire qu'ils sont obligés de juger selon les barèmes lorsqu'il en existe. Cependant, dans beaucoup de cas, comme on vous l'a signalé, je ne veux pas revenir là-dessus, il y a au moins 25 endroits où il y a une discrétion totale, absolue. Vous n'avez pas de contrôle là-dessus. Ils vont pouvoir se comporter comme la Cour suprême du Canada, parce que l'appel, cela finit là. Je vous garantis qu'au niveau d'organismes... La commission des affaires sociales, ce n'est même pas un tribunal administratif. Cela ne veut pas dire que ce n'est pas un bon organisme, mais ce n'est pas un tribunal administratif dans ma définition et cela n'en a pas les caractéristiques. Ce n'est même pas une Cour provinciale. Or, un juge de première instance en Cour provinciale ou en Cour supérieure, tout le monde sait que cela rend beaucoup mieux la justice parce qu'il y a une cour d'appel en haut. Toutes les civilisations occidentales ont toujours préservé des paliers d'appel, mais dans une hiérarchie, pas avec des gens au même niveau. On n'accepte pas de se faire corriger par son égal. Je n'y peux rien. Cela s'est bien démontré comme cela. Les commissions qui sont au même niveau, je n'y crois pas. Si on me disait: Vous allez avoir un appel du jugement de M. X, juge à la Cour supérieure, devant M. Y, juge à la Cour supérieure, présumément meilleur que l'autre, je dirais: Non, je ne veux pas. Je veux une Cour qui est au-dessus de l'autre. Je pense que c'est cela le problème. Je vous donnerai le témoignage d'un vieux protonotaire quand j'étais jeune avocat. Il me dit: Mon jeune, n'oublie jamais une chose. Quand tu plaides, fais prendre des notes sténographiques, tu vas voir que cela fait trembler le juge en haut. Cela veut dire qu'il y aura un appel possible. Il va falloir que le juge fasse attention.

Madame a dit cejnatin que je prétendais que la nature humaine était pourrie, c'est faux. Je ne prétends pas que la nature humaine est pourrie, je prétends qu'elle a quelques faiblesses, qu'il faut les prévoir et qu'il faut prévoir plusieurs paliers de correction, sinon il y a des faiblesses qui ne sont pas corrigées au détriment des autres. Je cherche la réparation des injustices au meilleur pourcentage possible. J'ai dit tout à l'heure que je n'atteindrais pas 100%, mais je m'essaie, je vise cela et si je ne l'atteins pas, ce n'est pas ma faute. J'aurai fait tout mon possible. Je ne fais pas de reproche à des gens, c'est parce qu'on est en train de créer des affaires qui n'ont pas de bon sens, compte tenu de l'expérience qu'on a pu avoir dans le fonctionnement des organismes et des structures d'un Etat normal en Occident.

M. Saint-Germain: Maintenant, on a établi un régime de compensation dans cette loi pour les femmes qui restent à la maison pour prendre soin de la famille. Vous avez mentionné que cela vous semblait injuste envers elles. Je le crois sincèrement, mais ce que je voulais dire, c'est que si une de ces dames trouve qu'elle est traitée injustement et qu'elle fait appel à la Commission des affaires sociales, elle sera jugée selon le contenu de la loi.

Cette même dame, si elle avait un droit d'appel pour blessures corporelles, tel qu'on en a discuté, si elle fait appel à un juge de la cour Supérieure, est-ce qu'il va avoir à établir pour elle, personnellement, l'évaluation des dommages, est-ce qu'il est libre... serait-il détaché, je suppose, des barèmes de cette loi?

M. Bergeron: Pas selon la loi actuelle.

M. Pépin: Je pense que c'est peut-être ici qu'on intervient et qu'on retrouve les commentaires du député de Rosemont. Au fond, on discute de la nécessité des tribunaux de droit commun à deux niveaux, je pense que vous l'avez bien soulevé. Le bâtonnier et le député de Rosemont ont souligné, dans les dernières remarques, la nécessité de faire vérifier l'application de cette loi par les tribunaux de droit commun. En somme, on remplace ce que la loi prévoit être adressé à la Commission des affaires sociales, et la Commission des affaires sociales est remplacée par un tribunal de droit commun. Mais là, il faut vous répondre que, par hypothèse, la loi existe et que le tribunal de droit commun est lié par cette loi, il travaille à l'intérieur du cadre de cette loi.

L'autre recours dont nous avons parlé porte sur la structure philosophique des deux régimes. Il s'agit d'amender la loi non seulement pour donner le droit d'appel aux tribunaux de droit commun, mais pour donner à la victime un recours de base aux tribunaux de droit commun. Ce sont deux niveaux de recours différents.

M. Saint-Germain: Si la loi donnait ce recours de base, le juge de la cour Supérieure serait libre d'estimer les dommages relativement à cette victime particulièrement.

M. Pépin: Evidemment.

M. Bergeron: Oui, et de dire: Madame, compte tenu de ce que vous avez déjà reçu, c'est suffisant ou ce n'est pas suffisant, ou en quoi est-ce que ce n'est pas suffisant?

M. Saint-Germain: Est-ce que de tels jugements ne pourraient pas aider la régie à modifier cette loi, ces standards de rémunération, à bonifier ces standards?

M. Bergeron: C'est évident. On pourrait se servir de cette jurisprudence pour modifier sa discrétion. C'est sûr que ça pourrait...

M. Saint-Germain: II est très probable que la jurisprudence pourrait amender des modifications aux rémunérations et aussi amener une baisse, s'il n'y a jamais d'appel ou si les appels se font par certaines victimes, mais que le juge trouve que telle victime a été dédommagée suffisamment.

M. Bergeron: C'est bien sûr que si on était vi-

gilant et qu'on allait en appel, comme on le suggère, et pour vérifier l'application de la loi et pour réclamer ce que la loi n'a pas donné de dommages quant à la victime qui est devant le juge, la jurisprudence servirait à deux fins: elle éclairerait les fonctionnaires, la régie ou la Commission des accidents du travail dans leur appréciation des dommages et dans l'application de la loi d'une part, et pourrait aussi évidemment amener à propos des amendements à la loi pour dire qu'il y a toujours une carence sur tel point. Cette carence dans la loi, qui est évidente selon 25 jugements de la cour Supérieure, devrait être corrigée et ça empêcherait les gens d'être obligés d'aller devant la cour Supérieure pour obtenir tels dommages.

M. Saint-Germain: Ne croyez-vous pas qu'il y a là un élément très important pour la justice des victimes?

M. Bergeron: Nous le pensons et nous essayons de vous en convaincre depuis ce matin.

M. Saint-Germain: Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je pense qu'on a fait pas mal le tour de toutes les questions. Je ne sais pas s'il y en a d'autres qui ont des questions essentiellement sur le régime tel que proposé, mais j'aurais une question en dehors de ça. Le régime, tel que proposé, va faire en sorte que, comme on nous l'a dit pour d'autres organismes qui sont venus ici, les courtiers, les experts en sinistres, même les assureurs et les avocats, il va y avoir une baisse d'emplois dans les bureaux d'avocats, dans d'autres domaines également. Quand on sait que le recours avec les dommages d'assurance automobile peut représenter, dans les bureaux de ville, peut-être 20% à 30% et 50% à 60% dans bureaux ruraux, est-ce que vous avez évalué l'impact économique que cela peut avoir? Parce que les bureaux d'avocats ont quand même une influence économique dans leur région, avec le secrétariat qu'ils ont, tout ça. Avez-vous mesuré cet impact?

M. Pépin: J'aurais peut-être un commentaire à faire. Après, je passerai la parole au bâtonnier qui, je pense, va avoir plus de commentaires à faire. La première réaction que nous avons — nous n'avons pas d'étude de faite — et qui nous paraît assez évidente dans certains milieux, c'est que les jeunes avocats vont être plus durement frappés que ceux qui sont déjà en place, établis avec une certaine réputation et une certaine clientèle. C'est sûr que, dans un bureau de trois, cinq, dix ou vingt avocats, peu importe où il est, c'est assez rare que le plus vieux va se mettre à la retraite à 35 ans, 40 ans ou 45 ans pour permettre au plus jeune, de 23 ans ou de 24 ans, de prendre l'emploi que le plus vieux a bâti pendant les quinze ou les vingts dernières années de sa pratique. S'il doit y avoir des conséquences, on prévoit qu'elles vont frapper les jeunes d'abord avant de frapper ceux qui sont en place.

On pense également que cela peut amener des répercussions, si cela doit en amener plus immédiatement visibles en dehors de Montréal et Québec qu'à Montréal et Québec. Encore là, je pense que les plus jeunes seront les premiers frappés. L'avocat qui exerce dans une région et qui est connu à 50 milles à la ronde, qui pratique depuis 10 ans, 12 ans, 15 ans, 20 ans ou 30 ans, je pense, s'est acquis une réputation qui lui permettra de refaire d'autres secteurs de droit au fur et à mesure qu'il sera libéré du temps qu'il avait l'habitude de consacrer à ce secteur au détriment des gens. On a effectivement l'intention d'étudier cette question plus en profondeur et on sera certainement en mesure de poser des questions à nos gouvernants sur leurs intentions quant à l'avenir de ces jeunes générations. Je ne sais pas si M. le bâtonnier veut ajouter quelque chose.

M. Bergeron: Je voudrais ajouter que je pense bien que les commentaires du vice-président sont exacts. Cependant, on n'a pas fait d'étude sérieuse pour la bonne raison qu'on ne voulait pas mêler les cartes. On ne pense pas qu'on puisse faire une étude scientifique qui ait quelque valeur sur la répercussion sur les avocats parce qu'on ne sait pas au juste quelle sorte de régime, finalement, on aura et quand il va rentrer en vigueur. Plusieurs personnes suggèrent qu'on le retarde. Cela va avoir quel effet? On ne le sait pas.

Mme Payette: Voulez-vous un indice?

M. Bergeron: J'aimerais bien un espoir au nom de la population.

Mme Payette: La population a un autre son de cloche.

Une Voix: Elle a hâte.

M. Bergeron: Nous sommes beaucoup plus préoccupés pour l'instant du régime par rapport à la population elle-même. On évaluera, quand on aura un régime définitif dans les mains, ce que cela peut faire pour les avocats. Cela ne me paraît pas possible maintenant de faire cela. Il y aura sûrement beaucoup de travail pour les avocats dans cette loi. Y en aura-t-il autant ou plus? Est-ce que cela sera aussi payant ou moins? Pour l'instant, pour ma part, je n'ai pas voulu répondre à cela parce que je n'ai pas de donnée et je ne peux pas en faire. Je ne peux pas me mettre à analyser un problème. Je soupçonne que c'est possible et j'admets qu'il y a des craintes, de la nature de celles mentionnées par le vice-président, mais on verra à cela plus tard. Si on a de grands besoins et de grands problèmes, on reviendra vous voir.

M. Fontaine: II m'a semblé, au cours des discussions de la journée, tant de ce côté-ci de la salle que de l'autre côté, qu'il y a eu un certain déblocage qui s'est fait, une certaine lueur d'espoir; peut-être un peu moins du côté du ministre,

qui semble conserver un certain mutisme, mais il me semble que les autres gens du gouvernement ont...

M. Paquette: Je m'excuse, M. le Président, c'est quasiment une question de privilège. On est en train de me faire le coup de la loi 101. Le ministre a annoncé au moins dix articles mentionnés par le Barreau sur lesquels elle étudiait.

M. Fontaine: M. le Président, il n'y a pas de question de privilège. Question de règlement, M. le Président. Oui, d'accord, sur des articles précis, mais sur des questions de principe, le ministre semble immuable. Je profite quand même de l'occasion pour dire qu'il y a eu un certain déblocage et je souhaiterais que les gens du Barreau puissent, comme on l'a offert à d'autres groupes antérieurement, continuer à dialoguer en dehors de la commission parlementaire pour en arriver peut-être à des solutions qui seraient profitables pour tout le monde.

Le Président (M. Boucher): M. le député... Vous avez une réponse?

M. Bergeron: Je voulais simplement dire que nous avons fait part, dans notre mémoire, que nous étions toujours prêts à continuer à étudier. C'est la fin, c'est notre dernière phrase.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge: Merci, M. le Président. Il y a juste une question que je voudrais souligner avant que vous terminiez votre intervention. Cela m'a trotté dans la tête tout l'après-midi, à travers votre plaidoirie. Vous avez parlé des 15% des victimes qui ne seront pas indemnisées adéquatement, d'après les barèmes du plan actuel, et qui pourront, parce qu'elles en ont les moyens, se procurer de l'assurance supplémentaire, mais ceci ne semblait pas votre préoccupation. Votre préoccupation est que les victimes moyennes soient bien indemnisées — on dit qu'il y a 80% de la population qui gagne en bas de $18 000 — je faisais un petit calcul tout à l'heure. Il a été fait mention aussi, au cours de la journée, de quelqu'un qui a une invalidité de six mois, comme dans la moyenne de beaucoup de réclamations.

Si on prend quelqu'un qui gagne $12 000, qui perd sa première semaine de salaire, ce qui semblait une grande préoccupation chez vous, de lui faire récupérer, par les tribunaux, ses sept jours de salaire perdu, plus les 10% qu'il va perdre avec la régie, il perd $720. Pourriez-vous me dire combien il y a d'avocats qui vont être intéressés à plaider cette cause?

M. Pépin: Je pense qu'effectivement, vous n'aurez pas de difficulté à trouver des avocats qui vont plaider la cause de $720. Mais votre bonhomme perd infiniment plus que cela. Quand on a six mois d'invalidité, je ne connais pas, à travers mon expérience, beaucoup de cas, où on a moins de 10% à 15% d'incapacité partielle permanente. Votre bonhomme va avoir un autre montant de $15 000 que le régime actuel ne lui permet pas d'obtenir, en plus d'avoir un autre montant de $2000 ou $3000 pour perte de jouissance de la vie, douleurs, souffrances et inconvénients, que votre régime lui permet cependant d'obtenir, j'en conviens, sous réserve de ce qu'on verra quand on aura vu la grille d'indemnités prédéterminées.

En réalité, la réclamation que vous venez de décrire est très probablement à l'expérience une réclamation plus près de $15 000 que de $720.

M. Bergeron: D'accord. Même si elle était petite, ce sont les gens qui gagnent le moins qui peuvent le moins supporter les petites pertes. Les petites pertes, à nos yeux, quand on fait des grandes analyses... Je vais vous répondre bien simplement. Si vous avez quelqu'un qui a une semaine de salaire de $300, les avocats, en toute honnêteté, n'ont pas beaucoup d'intérêt, parce que cela va aller devant la Cour des petites créances et on est interdit devant la Cour des petites créances.

Quand on parle de la première semaine de salaire, je pense qu'on ne parle pas pour nous.

M. Laberge: D'accord. Cela répond à ma question.

Le Président (M. Boucher): S'il n'y a pas d'autre intervention, je vais donner la parole au ministre.

Mme Payette: Avant de conclure, j'aurais une question, une seule.

Le Président (M. Boucher): II n'y a plus d'intervention, alors, vous pouvez conclure et poser les questions que vous voulez.

Mme Payette: Merci, M. le Président. Je voudrais savoir comment le bâtonnier peut dire qu'il n'y a aucune étude sérieuse qui a été faite sur le nombre d'avocats qui allaient être touchés par la réforme, alors que Me Pépin, le 15 septembre, déclarait que de 3000 à 3400 avocats subiront des pertes de revenus. C'est cité par la Presse canadienne.

M. Pépin: Je vais être obligé de me défendre. Apparemment, madame, je vais essayer. Je n'ai pas déclaré que de 3000 à 3500 avocats perdraient des revenus. D'ailleurs, je pense que M. Handler, qui est assis ici peut en témoigner. Nous avons passé un après-midi ensemble à essayer de faire le tour de la question, à bâtons rompus.

Ce que j'ai dit, c'est qu'effectivement, le bâtonnier Brossard, quand il est allé devant vous, à votre demande d'ailleurs, et en dehors du cadre de nos discussions, a cependant consenti à répondre à vos questions et à vous dire qu'il envisageait une perte possible maximale de revenus provenant directement de causes d'accidents d'automobiles, de l'ordre de 10%.

J'ai expliqué à M. Handler comment moi, j'avais compris les propos du bâtonnier Brossard.

Je peux peut-être le répéter ici, de sorte que, le bâtonnier Brossard étant présent, si je me trompe, me corrigera. J'ai donc dit...

Mme Payette: II peut toujours vous poursuivre pour avoir déformé ses propos.

M. Pépin: Justement, je ne demanderai pas qu'on lui enlève son droit de poursuite, même en échange d'une compensation sans égard à la faute.

Toujours est-il, Mme le ministre, qu'au meilleur de ma compréhension des calculs de M. le bâtonnier Brossard, M. le bâtonnier avait, comme base de calcul le salaire moyen des avocats établi par Statistique Canada; cela s'appliquait à 6500 avocats dans la province de Québec, ou 6300; nous avions en plus le montant total de primes souscrites et prévues pour l'assurance automobile, en 1977, qui était, dans le temps, de l'ordre de $900 millions. Enfin, on a joué avec le chiffre de $900 millions.

Le plan Gauvin disait, en cours d'enquête ou hors cours d'enquête, mais ceux qui ont travaillé avec ou près du comté Gauvin ou contre ou avec ou selon les positions qu'on voudra, qui ont eu l'occasion de se revoir, semblent généralement s'entendre pour dire que dans les 5,1% du coût de la faute dont a discuté Gauvin dans son plan, 2% à peu près de ces 5,1% seraient attribuables à des frais et honoraires d'avocat. C'est un coût, en somme, relativement connu. Le coût qui n'était pas connu dans le plan Gauvin, c'était le coût des honoraires de perception des avocats qui recevaient l'argent de la victime, qui a été arbitrairement, mais ce qu'on appelle, si vous me pardonnez l'expression anglaise, "educated guess", évalués à 1%, de sorte que le bâtonnier Brossard, et je dois dire que sur les 3%, j'assume seul la responsabilité, c'est moi qui les lui ai suggérés, nous en sommes donc venus à la conclusion que nos honoraires pouvaient représenter 3% de cette masse globale de $900 millions. Cela faisait $27 millions par rapport au revenu moyen, qui pourrait être de $30 000, $24 000 ou $26 000, je ne le sais pas, mais en multipliant cela par 6500 avocats, cela devait, je présume, faire grosso modo que les 6500 avocats du Québec doivent gagner pas loin de $270 millions, avec le résultat que le bâtonnier Brossard en est venu à la conclusion qu'une perte possible de $27 millions d'honoraires représenterait une perte globale de 10%. C'est là que j'ai dit à M. Handler...

Mme Payette: Est-ce que vous avez tenu compte...

M. Pépin: Si vous me permettez de continuer mon raisonnement, seulement pour essayer de faire un raisonnement balancé...

Mme Payette: Ma question s'inscrit parfaitement au moment où vous êtes rendu. Est-ce que vous avez tenu compte des avocats fonctionnaires qui ne font pas partie...

M. Pépin: J'y arrivais, madame. C'est pour cela que je vous dis que si vous me permettez seulement de poursuivre mon raisonnement, je vais y arriver. J'ai dit à M. Handler justement: Vous comprenez que, d'ailleurs, comme pour le gouvernement ou pour n'importe quel autre organisme, des statistiques, c'est à peu près toujours vrai et cela ne l'est nécessairement jamais. J'ai dit: Si, d'une part, 6500 avocats perdent théoriquement 10% de leur revenu, en réalité, ce n'est pas du tout comme cela que cela va se passer. J'établis à peu près à 3000 le nombre d'avocats qui ne sont pas en pratique, qu'ils s'agisse d'avocats fonctionnaires ou d'avocats attitrés à des contentieux, genre Hydro-Québec, Bell Canada, etc. J'ai dit: II nous reste probablement 3500 avocats dans la pratique. Dans cette pratique, de ce nombre de 3500. avocats, il y en a un certain nombre qui ne font pas du tout de causes d'accidents d'automobiles. Je ne sais pas s'il y en a 500 ou s'il y en a 1000, mais, comme j'ai dit à M. Handler, pour ceux-là, la perte va se situer très près de zéro. Pour d'autres, j'ai même dit à M. Handler: Prenons les commentaires de Mme le ministre Payette. Elle nous rapporte dans les journaux avoir entendu de jeunes confrères lui dire: Je perdrai 50% de mes honoraires. Evidemment, pour d'autres, la perte pourra être d'autant que de 50%, vraisemblablement, si j'accorde foi aux propos du ministre. C'est comme cela que j'ai expliqué que, pour un certain nombre d'avocats praticiens compris dans le nombre de 3500, il y aurait, sans aucun doute, des pertes qui seraient de très peu sérieuses à aussi sérieuses que 50%, si je prends vos propos. Est-ce que c'était bien cela, M. Handler? Merci.

Mme Payette: Merci, M. le Président. Je vais maintenant conclure, parce qu'effectivement, je pense que toutes les questions ont été posées, en long, en large et de travers. Je ne fais pas d'erreur de langage. Les questions ont été posées et il y a eu des réponses. Je crois que, pour ma part, j'ai déjà dit, dès le début, ce matin, que le document qui nous a été soumis, est un document extrêmement sérieux. Je voudrais remercier tous ceux qui ont participé à la rédaction de ce document et dire qu'il y a effectivement, parmi les articles qui ont été soulignés, des articles que nous allons revoir. Je les ai identifiés. Il y en a peut-être d'autres, au fur et à mesure que nous allons avancer dans nos travaux, que nous pourrons revoir également. Les représentants du Barreau sont venus aujourd'hui devant nous défendre un système qui est le système de la responsabilité. C'est leur droit de le faire, et je pense que nous les avons entendus. C'est également le droit du législateur de changer un système et de renoncer à un système qui lui paraît maintenant, à cause de circonstances, de situations nouvelles, moins juste qu'il n'a pu le paraître auparavant.

Je terminerai, M. le Président, avec deux choses: la première, c'est une remarque que m'avait faite, il y a quelques années, un ex-ministre de la Justice, Me Choquette, qui m'avait dit qu'on re-

présentait toujours la justice par une femme qui tient une balance dans sa main et qui a un bandeau sur les yeux. Je m'efforce d'être la justice et j'essaie de descendre le bandeau sur mes oreilles de temps en temps.

Je voudrais pour terminer vous citer un extrait en anglais—il ne sera peut-être pas parfait — j'ai compris tout ce que j'avais besoin de comprendre — je voudrais donc vous lire un extrait d'un rapport qui a été fait par un professeur d'université, doyen de la faculté de droit en Saskatchewan, un rapport du 30 décembre 1976, à la suite d'une commission qui s'est penchée sur la renonciation au système de responsabilité dans le domaine de l'assurance automobile, à la demande de la Régie d'Etat de la Saskatchewan. Il s'agit du professeur Carter. Je cite un extrait du rapport du professeur Carter, qui est extrait lui-même d'un livre signé par Wright et qui a pour titre The Adequacy of the Law of Torts, Studies in Canadian Tort Law et qui date de 1968. "Lawyers supporting the trial jury are willing to admit that, in the ordinary automobile accident, the case that is actually tried by a jury is a case that never, in fact, took place and is the result of conjectural recall, imagination, colourful dramatization and pure inventiveness. The fixing of compensation for damages for personal injuries under the fault system is inconsistent. Damages under the fault system are awarded at large, that is in such amount as a judge or jury thinks appropriate. There is no rule that requires uniformity or consistency of amounts as between claimants. This means it is suggested that the subjectives values of judge or jury, their cultural backgrounds and their experience in financial management and other economic affairs coupled with the skill of legal councel result in wide variations in award".

M. le Président, je voudrais remercier à nouveau ceux qui nous ont aidés à bonifier la loi, leur dire comme la dernière fois que la décision du législateur est vraiment d'intervenir dans le système d'assurance-automobile et de ne pas maintenir la responsabilité avec faute.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: J'aimerais remercier le Barreau de nous avoir remis ce mémoire très valable, très bien présenté, c'est un mémoire qui a éclairé avantageusement tous ceux qui sont intéressés par le projet de loi que nous étudions.

Il va sans dire que personne ne défend le statu quo mais que, d'un autre côté, plus les travaux se continuent et plus nous entendons les spécialistes et ceux qui ont une expérience de l'assurance, plus il me semble évident que ce projet de loi est tout à fait inacceptable. D'ailleurs, à la suite de mémoires sérieux que nous avons reçus hier, le ministre a annoncé qu'un certain nombre d'articles qu'elle a énumérés d'ailleurs seraient réétudiés. Elle l'a fait d'ailleurs précédemment à hier aussi. Elle nous assure qu'à la suite de vos représentations, certains autres articles seront étudiés. On va donc probablement finir par avoir un autre projet de loi, comme c'est arrivé dans le passé.

Il est très regrettable que ce projet de loi ait été déposé sans consulter les gens concernés, les professionnels de l'assurance, et ceci à tous les niveaux, que ce soit au niveau des avocats, des assureurs, des courtiers, des ajusteurs, des estimateurs, que ce soit au niveau de la réparation, des garagistes, des marchands; ce projet de loi aurait dû être le résultat de longues études et de longues discussions avec tous les gens intéressés.

Si on avait été assez sage pour agir de cette façon, je suis assuré qu'on ne nous aurait pas présenté une telle loi.

A titre de porte-parole du Parti libéral, je tiens à déclarer que nous ne pouvons pas accepter cette loi et surtout le fait que l'assurance automobile soit étatisée. Malgré les faiblesses du système, malgré les injustices dont le statu quo a été la cause, malgré que les gouvernements ont trop tardé à légiférer sur l'assurance, il n'a pas été prouvé que l'industrie privée n'aurait pas pu établir et administrer un genre de loi "no fault" avec plus d'efficacité et plus de justice qu'une régie gouvernementale. Nous avons au Québec une régie de plus. Cela fera des centaines, sinon des milliers de fonctionnaires de plus et nous aurons encore des citoyens qui seront de plus en plus soumis à l'administration pesante, lourde, dispendieuse et inefficace du gouvernement.

A titre de représentant du Parti libéral, je déclare que nous sommes contre l'étatisation sous toute forme. On devrait laisser cela tel quel, en modifiant les cadres juridiques dans lesquels tous ceux qui sont intéressés dans l'assurance sont compris, en offrant des cadres juridiques mieux appropriés à la situation actuelle; on devrait laisser ce régime à l'industrie privée et donner à l'industrie privée la chance d'oeuvrer et de démontrer son efficacité. Il sera toujours temps de revenir à l'étatisation si on constate que l'étatisation s'impose.

Quand je dis que l'industrie privée peut administrer un tel régime, elle peut l'administrer même avec un régime "no fault" ou partiellement "no fault". Je dis partiellement "no fault", parce que je crois qu'on doit laisser aux tribunaux une juridiction, un droit d'appel d'une façon ou d'une autre; autrement, on créera des injustices envers les citoyens, cela me semble être tout à fait évident.

On veut aider, par cette loi, les gens peu fortunés ou de classe moyenne. C'est un motif que tous les politiciens ont. Il s'agit de savoir simplement comment le faire. Trop souvent le gouvernement, croyant aider les défavorisés, leur a nui, à long terme, et a nui au développement économique et au développement même social. Si on avait laissé aux citoyens une plus grande liberté, ils seraient très probablement arrivés à des résultats beaucoup plus probants. Nous allons faire contre cette loi une lutte à finir. Nous allons essayer de remettre aux citoyens leurs droits, bien que nous admettions que, dans cette loi, il y a des facettes réellement positives; pour un certain nombre d'accidents, le "no fault" est certainement positif, l'assurance obligatoire est certainement positive

aussi. Des changements de structure seraient peut-être nécessaires dans l'évaluation des dommages, etc. Il y aurait probablement moyen, par une loi, d'aider les tribunaux à être plus efficaces. Ce serait, à mon avis, le moyen logique d'aider les citoyens du Québec.

Ceci dit, je crois avoir été assez clair, assez précis. Je demanderais au ministre, comme à ceux qui, au ministère, sont responsables de cette loi, d'entrer en contact — et c'est urgent — avec tous ceux qui ont une expérience dans le domaine. Quoi qu'on en dise, quels que soient les préjugés qu'on a politiquement bien souvent semés dans la population vis-à-vis de tous les gens qui se sont occupés de l'assurance automobile; malgré ces préjugés, il y a encore des hommes qui sont désintéressés, il y a encore des hommes honnêtes et qui sont capables de donner des points de vue basés sur une expérience pratique.

Il serait à l'avantage de tout le Québec, que tous les corps intermédiaires qu'on a entendus, puissent, en dehors de cette commission, entrer en contact, échanger des renseignements, échanger des chiffres, des études actuarielles, des points de vue légaux entre les gens du département et ses corps intermédiaires. Alors, je souhaite que vous ayez l'occasion de rencontrer les gens du ministère en autorité pour pouvoir dialoguer avec eux privément. Je souhaite qu'on vous écoute, je souhaite que ces rencontres puissent aider le ministère, et que même si on n'accepte pas les principes que je viens d'énumérer, qu'on ait au moins une loi qui puisse être valable et qui rende le moins d'injustices possible. Merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Mesdames, messieurs, membres de Barreau, je pense qu'aujourd'hui, vous avez peut-être fait l'une des plus importantes plaidoiries de votre carrière devant cette commission et ce, je dois dire, d'une façon brillante. Je suis d'accord avec la grande majorité des arguments que vous avez avancés, sauf que dans ce cas-ci, le jugement a été rendu sur le banc et, malheureusement, pas à l'avantage de votre client qui était la population du Québec tout entier. C'est ce que je veux vous dire en terminant.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, je vais en profiter, à mon tour, pour me joindre aux propos de mes deux collègues ainsi qu'à ceux du ministre, pour vous remercier de la précieuse collaboration que vous avez apportée à cette commission, par la présentation de votre mémoire ainsi que par la patience dont vous avez fait preuve, au cours de toute la journée, pour être à notre disposition.

J'aimerais cependant apporter une nuance, suite à la déclaration qu'a faite le ministre tout à l'heure, lorsqu'elle a dit que la décision du législateur était de maintenir la non responsabilité. Je pense quand même qu'il faut être prudent à ce moment-ci, car le législateur n'a pas encore décidé. Nous sommes face à une décision gouvernementale qui peut découler d'une décision ministérielle, mais la loi n'est pas votée et, je tiens bien à le dire, à le souligner, parce que dans la population, on est d'avis que la loi est actuellement votée et que nous avons franchi un point de non retour.

Le loi n'est pas votée, le législateur ne s'est pas encore prononcé en deuxième lecture sur le projet de loi, alors je ne voudrais pas qu'on prenne les législateurs... Je sais que ce n'est pas l'intention du ministre quand même, mais je tiendrais à faire cette nuance, pour que la population du Québec sache clairement à quoi s'en tenir.

Il ne faudrait pas que les législateurs que nous sommes soyons en face d'un fait accompli, c'est-à-dire, que nous soyons en face d'une décision irréversible de la part du gouvernement, quoi qu'en dise et quoi qu'en pense le législateur. Je n'accepterais pas, en ce qui me concerne, d'être un législateur en otage, alors je veux garder, et je pense que c'est bien important, toute liberté jusqu'à la dernière minute.

Je pense que, suite aux délibérations de la commission parlementaire d'aujourd'hui, et suite aux propos qui ont été tenus par les membres du Barreau, la preuve n'a pas été faite qu'il était nécessaire d'étatiser. Par contre, la preuve a été faite, que les modifications et les améliorations qu'on peut apporter au régime d'assurance automobile peuvent être apportées à l'intérieur du système d'entreprise privée.

En ce qui me concerne j'ai pris position clairement en faveur de l'entreprise privée. J'ai été heureux d'entendre mes collègues de ce côté tout à l'heure. Il y a au moins un front commun de l'Opposition qui s'affirme actuellement catégoriquement en faveur de l'entreprise privée. En terminant je veux remercier encore une fois le Barreau de sa précieuse collaboration et d'avoir accepté de nous fournir les informations supplémentaires qu'on leur a demandées, et j'ose espérer que vous serez encore à notre disposition, lorsque ce sera nécessaire.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie les représentants du Barreau pour leur mémoire. M. le député de Beauce-Sud parlait de votre patience, mais il y a quand même trois autres organismes qui patientent depuis ce matin, étant donné qu'ils ont été convoqués, et j'inviterais, étant donné l'heure, l'Association de camionnage du Québec Inc.

Association du camionnage du Québec Inc.

M. Paquette: Etant donné l'heure, et la possibilité que nos invités soient obligés d'interrompre la présentation de leur mémoire en plein milieu, j'aimerais leur demander leur avis. Est-ce qu'ils préfèrent compléter la présentation avant le souper, quitte à revenir après souper pour les questions, ou attendre? Peut-être qu'on pourrait commencer plus tôt.

M. Noreau (André): M. le Président, de toute manière, il y a un membre ici qui doit partir pour l'Ontario demain matin. Alors, si on peut passer ce soir, c'est parfait, cela nous convient. Si j'ai bien compris la question...

M. Paquette: Avant souper ou après souper, on pourrait toujours prolonger de dix minutes pour vous laisser finir.

Mme Payette: La question c'est: Est-ce que vous accepteriez qu'on s'arrête maintenant et qu'on reprenne? Cela pourrait, par exemple, si on a l'accord de tout le monde, reprendre à 7 h 45, ce qui nous permettrait de récupérer les quinze minutes et être à peu près sûrs que les trois organismes pourraient être entendus ce soir, si c'est possible.

M. Roy: D'accord, j'accepte même de me contingenter personnellement durant la période des questions...

Mme Payette: Je vous aiderai quand même, M. le député.

M. Roy: Pardon?

Mme Payette: Je vous aiderai quand même.

M. Roy: Merci. Alors, je vous offre également ma collaboration en retour.

Mme Payette: Merci, j'en prends bonne note.

M. Camirand (Claude): M. le Président, on ne voudrait pas changer les habitudes de la commission. Je pense que notre intervention nécessiterait environ une heure. Alors si la commission a l'habitude d'ajourner avant 6 h 45, on va se plier aux exigences de vos habitudes, sinon, on préférerait continuer, présenter notre mémoire. Nous pensons qu'une heure serait suffisante.

Mme Payette: Le problème, M. le Président, et c'est peut-être justement là la difficulté, c'est que la présentation du mémoire peut prendre une heure, mais comme on ne peut pas évaluer les questions qu'il va y avoir, c'est très difficile de vous garantir qu'à 6 h 45 on aura terminé. Alors, ou on s'arrête maintenant, ou on continue à ce moment-là...

M. Roy: Est-ce que je peux faire une sugges- tion? Peut-être que cela pourrait accommoder tout le monde.

Mme Payette: Si cela pouvait être la bonne.

M. Roy: Je ne veux pas porter un jugement de Salomon, c'est une suggestion que je fais.

Mme Payette: Un jugement de saint Louis. M. Roy: Pardon?

Mme Payette: Saint Louis, en dessous de l'arbre.

M. Roy: Je ne veux pas insister là-dessus. Si les gens de l'Association du camionnage qui sont ici actuellement, nous faisaient la lecture de leur mémoire, on suspendrait immédiatement après. On pourrait reprendre à huit heures avec la période de questions pour essayer de libérer le plus rapidement possible... Cela va nous permettre d'assimiler le message qu'ils ont à nous livrer et en même temps de préparer nos questions et peut-être synthétiser nos questions durant la période qu'on pourrait prendre pendant le souper.

M. Noreau: C'est un compromis valable.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a accord de suspendre tout de suite et de revenir à 7 h 45?

Mme Payette: M. le Président, malgré la suggestion du député de Beauce-Sud, à cause de la chaleur suffocante qu'il a fait dans cette salle aujourd'hui— je pense qu'on ne peut pas penser qu'il s'agit d'un caprice de ma part — je dois vous avouer que je préférerais qu'on s'arrête pour reprendre plus tôt. Alors, je suis disponible plus tôt, mais je vous avoue que cela a été très long, qu'il a fait extrêmement chaud à cause de l'exiguïté du local.

M. Saint-Germain: C'est entendu, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Alors, nous suspendons jusqu'à 7 h 45.

(Suspension de la séance à 17 h 49)

Reprise de la séance à 20 heures

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, messieurs!

A la suspension, nous en étions au mémoire de l'Association du camionnage du Québec Inc., représentée par M. André Noreau. Alors, sans plus tarder, je cède la parole à M. Noreau.

M. Noreau: M. le Président, Mme le ministre et MM. les députés, nous tenons en premier lieu à vous témoigner notre appréciation en nous permettant de vous présenter, sous forme de mémoire, nos observations sur le projet de loi 67 intitulé Loi sur l'assurance automobile.

J'aimerais en premier lieu vous présenter les gens qui sont avec moi: M. Claude Camirand et M. Jean-Paul Fortin, de l'association du camionnage. Nous essaierons, dans la mesure du possible, de vous résumer les principaux passages du mémoire dont vous avez eu copie, en soulignant les questions qu'on pourrait vouloir poser ici, ce soir.

Dans le présent mémoire, nous analysons l'impact économique que peut avoir le régime projeté sur les coûts d'exploitation des entreprises de transport. En effet, dans le domaine du transport public, ce n'est pas le jeu de l'offre et de la demande qui détermine le prix du service. Contrairement à cela, dans un système de libre concurrence, c'est la Commission de transport du Québec qui fixe les taux et tarifs que nous devons demander à la clientèle. Une augmentation de nos coûts d'exploitation peut donc nous affecter davantage que dans un secteur de libre concurrence.

Précisons dès le départ que, pour l'entreprise de transport routier, le véhicule est une unité de production, comme un appareil spécialisé l'est pour le secteur manufacturier. De là l'importance, pour l'entreprise de transport qui se veut rentable et efficace, d'éviter, comme toute autre entreprise, le bris de sa ligne de production.

Les gouvernements ont, par le passé, pris toutes sortes de mesures incitatives d'abattement de taxes pour favoriser l'acquisition de machines de production pour les entreprises manufacturières. Dans le domaine particulier des transports, le secteur privé des assurances s'est aussi doté de ce type de mesure incitative et a inventé des plans à primes rétrospectives ou basées sur l'expérience. Nous reviendrons sur cette notion un peu plus tard.

Le transporteur désire assurer sa stabilité financière et s'assurer contre des pertes très lourdes tout en continuant à assumer, de façon directe, les coûts des bris mineurs dans ses lignes de production. Beaucoup d'entreprises de transport voient donc leurs primes d'assurance tarifées d'après leur revenu, ce qui, à notre avis, démontre bien le caractère particulier de cette entreprise.

Comme toute autre entreprise, les transporteurs ont favorisé l'implantation des mesures préventives pour éviter les bris de production. Des services de sécurité ont été mis en place, ce qui a certainement eu pour effet de réduire l'incidence des bris.

Nous voulons, par ce préambule, démontrer le caractère particulier de l'entreprise du transport au Québec et nous voulons voir, dans la loi projetée sur l'assurance automobile ou dans la tarification, un reflet de ce caractère particulier et que les objectifs suivants soient visés:

Que le coût de l'assurance automobile pour le transport ne soit pas augmenté;

Si les coûts étaient augmentés, que le transporteur résidant au Québec ne soit pas défavorisé par rapport aux transporteurs privés ou publics étrangers;

Que la tarification reflète vraiment le risque que représente le véhicule;

Que les mesures incitatives soient favorisées de façon que l'expérience actuelle soit au moins maintenue, sinon améliorée;

Que le prix de revient des produits fabriqués au Québec ne soit pas majoré, à cause de l'augmentation du coût de l'assurance.

Après avoir décrit ces objectifs, nous voulons, dans le présent mémoire, vous faire part de l'importance de nos entreprises et examiner l'impact possible du nouveau régime d'assurance sur l'économie du transport.

Succinctement, je vous fais part qu'en 1930 4% des recettes totales venaient du transport routier; maintenant nous en sommes à 57%, ce qui totalise des recettes brutes de $1,3 milliard.

Au Québec, en 1976, on évaluait à plus de $800 millions, selon les derniers chiffres, les recettes engendrées par le transport routier.

Le Québec, avec environ 29% de la population canadienne, ne possède que 11% des voies ferrées, tandis que l'Ontario en compte environ 29%.

Notre industrie, enfin, crée environ 50 000 emplois directs au Québec.

Le transport routier de marchandises est un service public. Depuis 1936, la plus ancienne régie qui existe est la Régie des transports qui a commencé comme une régie des services publics. Les transporteurs routiers québécois, actuellement et depuis très longtemps, procèdent par permis, c'est-à-dire que, avant d'entrer en fonction, ils doivent se munir d'un permis de la Commission des transports du Québec, laquelle fixe également une tarification appropriée pour un service, tenant compte, si vous voulez, des autres transporteurs qu'il peut y avoir dans une région. L'assiette de transport au Québec est depuis longtemps très bien répartie entre les différentes lignes et la notion de compétition entre là-dedans aussi.

Quant à l'Association du camionnage, le groupement qu'on représente aujourd'hui existe depuis plus de 30 ans. Cette société regroupe plus de 1200 transporteurs routiers du Québec avec plus de 22 000 véhicules routiers.

On retrouve, dans notre association, de très petites entreprises, 600 à 700 petites entreprises ayant de 1 à 3 véhicules, de la moyenne et de la très grande entreprise possédant jusqu'à 2000 véhicules.

Plus précisément sur le projet de loi 67, j'aimerais d'abord vous dire que nos interrogations et

commentaires sont de deux ordres: En premier lieu, nous nous interrogeons sur le sens de certains articles du projet; en deuxième lieu, nous analysons l'impact possible de cette nouvelle législation sur l'économie du transport routier au Québec.

Concernant le projet de loi 67, l'article 1, paragraphe 3, définit le mot "automobile" et l'article 1, paragraphe 10, les termes "dommages causés par une automobile". A la lecture de ces deux paragraphes, on peut se demander si le terme remorque est inclus dans la définition du terme automobile. En effet, pourquoi prendre la précaution, au paragraphe 10, de dire "y compris le dommage causé par une remorque". J explique brièvement. Quand vous avez un véhicule routier lourd, vous avez deux unités, une unité qui tire, c'est le tracteur reconnu par le Code de la route comme tel, et l'unité qui est tirée, la remorque. Ces deux unités font partie d'un même tout.

Vous avez également l'article 17 qui prévoit que "nul n'a droit à l'indemnisation privée au présent titre dans les cas suivants: si le dommage est causé par un appareil susceptible de fonctionnement indépendant et qui n'est pas en mouvement sur un chemin public; si l'accident est survenu en dehors d'un chemin public et qu'il a été causé par un véhicule d'équipement, une remorque d'équipement. Ce que nous voulons savoir, c'est ce que l'on entend par véhicule d'équipement ou remorque d'équipement, ce qui peut nous affecter selon la définition qu'on peut en donner. On aurait besoin de voir cette définition un peu clarifiée.

A titre d'exemple, un tracteur de route qui tire une remorque ou une semi-remorque, au sens du Code de la route, peut-il être couvert par le présent projet de loi lorsqu'il circule sur un terrain d'une entreprise de transport à des fins de chargement ou de déchargement? Ce commentaire met en relation l'article 17 et l'article 1, paragraphe 6, concernant la définition d'un chemin public.

Cette question est importante puisqu'elle est susceptible d'être évaluée au niveau des assurances supplémentaires que l'entreprise de transport aura à souscrire.

Je demanderais à M. Camirand d'apporter quelques précisions sur ce qu'on veut dire par cette notion.

M. Camirand: Je ne sais pas si on a été assez clair à propos de l'article 1, paragraphe 3. Je ne sais pas si ce sont les mêmes préoccupations que le Barreau. Mme payette a mentionné qu'elle avait l'intention de refaire l'article 1, paragraphe 3. La question qu'on se pose, c'est: Est-ce qu'une remorque est incluse dans la définition de l'automobile?

Mme Payette: Ecoutez, si vous permettez, pour qu'on ne perde pas de temps, parce que ça peut revenir tout à l'heure. Comme on s est déjà rencontré et que vous avez présenté un mémoire durant la journée, je suis en mesure de vous répondre immédiatement. Je pense qu'on s'était déjà entendu quand on s'est rencontré, à savoir que la remorque — c'est ce que vous venez d'affirmer — forme un tout avec la partie du véhicule qui, finalement, tire la partie arrière. Donc, on a accepté cette définition comme étant un tout. Je pense qu'on peut immédiatement dire que c'est inclus.

A votre autre question, à savoir si un tracteur de route qui circule sur un terrain d'une entreprise de transport est couvert, ma réponse serait que c'est indemnisé en vertu de l'article 3. Si on a besoin de plus d'explications, on pourra à nouveau communiquer ensemble, mais, immédiatement, on pense que c'est couvert par l'article 3.

M. Noreau: En d'autres termes...

M. Camirand: Ce qui veut dire que, dans votre définition de l'article 1,03, vous dites que le terme remorque comme tel devrait être inclus dans le sens... Autrement dit, chaque fois qu'on rencontre le terme automobile dans le projet de loi, on doit conclure que ça signifie remorque également.

Mme Payette: Oui, c'est à la suite des représentations que vous avez faites qu'on a maintenu cette définition. On s'était bien entendu que ça constituait un tout: La remorque ne peut pas être véhiculée par ses propres moyens. Dans ce sens, pour nous, c'est inclus dans notre définition.

J'ai aussi dit, cependant, au cours de la journée, que nous étions en train de revoir la définition du mot automobile, peut-être pour la clarifier. On va essayer, en tous les cas. En ce qui vous concerne, pour nous, vous êtes inclus. Si cela n'est pas suffisamment clair, on verra à le clarifier.

M. Roy: Sur ce point, si on me permet, M. le Président, parce que dans le camionnage, au niveau du Bureau des véhicules automobiles, ce sont deux véhicules complètement distincts.

Ils sont immatriculés distinctement, ils ont des plaques d'immatriculation différentes, c'est même prévu, et ils doivent être identifiés distinctement dans les polices d'assurances.

Je ne suis pas avocat, mais je pense qu'il y aurait lieu de prendre bonne note des remarques faites par l'Association des camionneurs, à ce moment-ci, de façon à éviter touta ambiguïté.

Mme Payette: M. le Président, justement parce que nous avions rencontré l'Association des camionneurs durant la tournée et que cela avait été particulièrement porté à notre attention, nous avons déjà fait faire les vérifications et, pour nous, à cause de la forme de régime que nous proposons, un véhicule comme celui-là est considéré comme une entité. Si c'est nécessaire, comme je viens de ie dire, nous verrons à clarifier ceci à nouveau, mais cela a déjà été discuté entre nous et je pense qu'on s'entend bien pour dire que c'est un seul véhicule.

M. Roy: D'accord. Mais ce n'est pas tout à fait clair dans mon esprit, cependant.

Mme Payette: Si c'est nécessaire, comme je

vous le dis, on va revenir lâ-dessus, sauf que. comme ma représentation a déjà été faite, on a fait les vérifications, et selon notre définition, c'est cela. Reste à voir s'il y a encore des problèmes légaux.

M. Noreau: Pour prendre un peu l'amplitude de ce qu'on peut dire, en termes de ce que cela peut coûter, on y reviendra un peu plus loin dans notre texte.

M. Fontaine: Seulement pour préciser, M. le Président, si on laisse place à interprétation, on ne peut pas péjuger de ce que la régie va décider, ou la commission des affaires sociales, en appel, si elle dit que cela n'est pas inclus dans...

Mme Payette: J'ai déjà dit ce matin qu'on était en train de retravailler la définition de l'automobile. Si c'est nécessaire, ce sera inclus, mais je m'engage maintenant, comme je l'ai déjà fait, à ce que, après les représentations qui ont été faites, on nous démontre qu'il s'agit d'un seul véhicule. En tout cas, il y a une seule traction. L'autre partie du véhicule serait immobile s'il n'y avait pas la première partie. Donc, c'est une entité pour nous.

M. Fontaine: Est-ce que le même raisonnement tient pour toutes les remorques? Par exemple, une tente-roulotte attachée à i'arrière d'un véhicule-automobile?

Mme Payette: Est-ce que vous me permettez de faire la vérification, parce que là, on est vraiment dans le détail?

M. Fontaine: Oui.

M. Roy: Et j'ajouterais ceci: Un camion qui traîne une maison mobile? Nous avons, dans la Beauce, plusieurs industries de maisons mobiles et on sait que ce sont des véhicules qui dépassent la largeur permise, qui circulent avec des permis spéciaux. J'en avais pris note d'ailleurs.

Mme Payette: M. le Président, je souhaiterais quand même qu'on n'entre pas dans tous les détails, parce qu'on n'en sortira pas. J'ai expliqué déjà que la tarification, peur nous, c'est extrêmement difficile de la détailler, tant que le projet de loi n'est pas adopté. Si on doit éventuellement apporter des amendements aux indemnités, le coût du régime fluctue toujours et la tarification ne pourra pas être définitive tant qu'on n'aura pas arrêté, de façon permanente, par l'adoption du projet de loi, le contenu des indemnités.

On peut faire des hypothèses de tarifications, souhaiter qu'elles soient ainsi, mais on s'expose, jusqu'à l'adoption du projet de loi, à des amendements et, si tel est le cas, nous, on doit refaire les calculs au fur et à mesure. C'est ce que je vous ai expliqué hier qui est toujours valable.

Il est probable que je ne pourrai pas dire à ces messieurs quelle sera leur tarification. Je peux cependant leur dire que nous tenons compte de leur situation. Je pense qu'on y arrivera tout à l'heure.

M. Roy: Ceci veut dire, si j'ai bien compris Mme le ministre, qu'il n'y aura aucun projet de tarification qui accompagnera la loi au moment où nous serons appelés à l'étudier en deuxième lecture.

Mme Payette: M. le Président, on peut présenter, à ce moment-là, des hypothèses de tarification basées sur ce qui est contenu dans le projet de loi rendu en deuxième lecture. Je pense que cela sera disponible, sauf que la tarification, elle, ne sera pas définitive avant l'adoption du projet de loi.

M. Roy. D'accord, cela va de soi. Mais qu'il y ait un projet où des hypothèses...

Mme Payette: On ne peut pas vous les présenter maintenant, parce qu'on est en train de refaire la tarification à partir de nouveaux chiffres, quant à l'évaluation du coût du régime, qui ne nous sont connus que depuis quelques jours.

M. Roy: Parfait. Excusez-nous, messieurs.

M. Camirand: Quant à l'article 17, je pense que nos préoccupations rejoignent un peu celles du Barreau. Il s'agit de savoir quand cela va constituer un dommage couvert, en vertu de l'assurance automobile. Fera-t-on appel à des dommages couverts par une police d'assurance responsabilité publique?

Je pense que cela rejoint les préoccupations ou les remarques faites par le Barreau ce matin, quant à l'article 17.

Vous avez parlé d'hypothèses de tarification. Je pense que le projet de loi s'est beaucoup avancé en parlant d'hypothèses de tarification.

Je pense qu'avec le projet de loi actuel, on a les mains liées, parce qu'on détermine la tarification. C'est lié à l'émission de tout permis de conduire et à l'immatriculation d'un véhicule automobile aux fins de la loi. Ce qui veut dire que l'hypothèse de tarification est déterminée par la loi. Si le projet de loi tel quel passe en deuxième lecture, ce qui veut dire que...

Mme Payette: La source du financement du régime est déterminée, effectivement, par la plaque d'immatriculation et le permis de conduire. Le montant n'est pas déterminé tant qu'on ne saura pas ce qu'on va avoir définitivement à indemniser.

M. Camirand: D'accord. Maintenant, on va passer à l'impact que cela peut avoir sur ! économie du transport. Le titre 5 du projet de ioi 67, en particulier l'article 132, détermine que: "la régie fixe annuellement... avec l'approbation du gouvernement, les sommes exigibles tors de l'émission de tout permis de conduire et de l'immatriculation d'un véhicule automobile". En date du 22 septembre, le ministre responsable rendait public un document sur les hypothèses de tarification du régime d'assurance automobile projeté. Je m'explique par cela. C'est un document préliminaire et assez général. Le ministre mentionnait dans sa let-

tre de transmission, et nous citons: "Il est évident que par la suite de la discussion publique engagée à l'occasion de la présentation du document ci-joint, la régie et ie gouvernement pourront mieux évaluer la réaction de la population". C'est précisément pour cela qu'on est ici.

En fin de compte, en d'autres termes, ce que l'Association du camionnage essaie de présenter ce soir, c'est l'impact réel que cela peut avoir et le plus possible, l'apprécier avec la commission, l'impact que cela peut avoir sur son industrie. C'est donc à partir de ces hypothèses que nous tentons de déterminer l'impact que peut avoir le nouveau régime. Dans ce document, on peut lire que: "la régie doit... concevoir et élaborer un système de tarification". A cette fin, il lui faut déterminer les critères de partage du coût global du programme entre conducteurs et propriétaires et choisir les facteurs de tarification.

Afin de satisfaire les objectifs de la réforme projetée, la régie doit tenir compte du fait que le choix des sources de financement est basé sur le principe de la causalité, respecter le grand principe de base en matière de tarification, soit l'équité individuelle qui veut qu'une contribution chargée à un risque particulier soit en relation avec les coûts qu'il peut engendrer. Si nous rapportons ce deuxième principe à l'industrie du transport routier de marchandises et à l'idée fondamentale que nos entreprises ont créé des services de sécurité afin de diminuer le plus possible ies accidents à leur source, si, de plus, en se rapportant aux statistiques du Bureau des véhicules automobiles que nous citons à la page suivante, la part des dommages corporels et des décès, imputables aux véhicules routiers, est minime en regard du nombre total d'accidents, il faut comprendre que l'hypothèse de la régie établissant que Ion doive respecter, en matière de tarification, l'équité individuelle qui veut qu'une contribution chargée à un risque soit en relation avec les coûts qu'il peut engendrer, elle doit tenir compte, pour ce qui est du transport routier, des coûts que ce service peut réellement engendrer. Aussi, on peut prendre connaissance des dernières statistiques du Bureau des véhicules automobiles de mai 1977 que j'ai reçues à mon bureau il y a une couple de jours, et qui établissent à peu près les mêmes divisions qu'on peut retrouver au tableau de la page 11.

On voit le total pour tous les types de véhicules: en 1974, accidents mortels, 2513; en 1975, 2537; en 1976, 1539; pour le camion-remorque, 81, 85 et 54. Il faut bien se rappeler que nous, ce soir, on représente les transporteurs publics, c'est-à-dire munis d'un permis de transport. Il y a aussi les transporteurs prives routiers qui sont inclus dans cette chose. Le document mentionne également que la régie peut prendre en considération — c'est très important — les principes généralement reconnus en matière de financement de régime d assurance automobile. Les pratiques de l'industrie en matière de tarification et toute l'information disponible sur le régime actuel dans la mesure où elles peuvent s'appliquer au niveau système.

A cet effet, nous tenons à réitérer que le secteur du transport routier est assujetti à des pratiques particulières en matière d'assurance. C'est sur cet aspect qu'on veut un peu s'attarder. Ces principes ne procèdent pas comme dans le cas des individus. Que la tarification tient compte de la notion d'entreprise, de l'expérience d'une entreprise de transport et qu'elle est basée sur un pourcentage du revenu mensuel. Nous croyons que l'établissement de la tarification gouvernementale devrait reconnaître ces particularités.

Je veux dire aussi, bien rapidement — je vais passer quelques pages rapidement — qu'il nous apparaît un autre principe que peut-être ie coût, au niveau global des conducteurs, comme c'est une entreprise conjointe entre un propriétaire d'entreprise de transport et ses conducteurs... Il y aura peut-être des mécanismes globaux qu'on pourrait mettre au point pour que, comme on dit en anglais, l'incentive " d'un côté et de l'autre soit vraiment bien achevé, dans le sens qu'une compagnie de transport met sur pied des services de sécurité adéquats pour minimiser les accidents, il serait peut-être possible qu'elle en ait une certaine répartie.

Au chapitre des contributions, maintenant, je passe à la page 13, au chapitre des contributions exigibles lors de l'émission des plaques d'immatriculation, le rapport précise que le système de tarification doit être basé sur les catégories de plaques définies par le Bureau des véhicules automobiles et être conçu en tenant compte des données disponibles.

Le genre de véhicule et l'usage sont des facteurs déterminants dans le coût anticipé de l'assurance. C'est encore le document du 22 septembre qui fait mention de cela. L'association tient à préciser que les compagnies spécialisées dans le domaine de l'assurance des flottes de véhicules affectés au transport routier de marchandises tiennent compte non seulement de la catégorie de véhicules, mais d'un ensemble de facteurs allant de l'expérience de l'entreprise sur une période de temps donné à un service de sécurité adéquat au sein de l'entreprise.

Ces facteurs ont été mis à l'épreuve par les assureurs spécialisés et devraient être étudiés et pris en considération dans la fixation de la tarification gouvernementale projetée pour notre secteur. On peut ici donner un exemple d'une entreprise et je demanderais à Jean-Paul, de nous donner un exemple de ce que peut donner un service de sécurité.

M. Fortin (Jean-Paul): Dans le cas d'une entreprise en particulier où il y a eu implantation d'un service de sécurité, la prime exigée par la compagnie d'assurance a été diminuée de l'ordre de 45%, du fait des mesures de sécurité implantées avec des agents et une surveillance adéquate. Naturellement nous devons supporter les coûts, c'est un choix que nous devons faire. Est-ce qu'on doit dire: Je n'ai pas de service de sécurité et je paie une prime d'assurance en conséquence? Beaucoup de transporteurs au Québec ont dit: Je préfère avoir un service de sécurité, absorber ces

coûts directement et bénéficier à ce moment-là de la prime d'assurance. Cela s'est présenté dans un cas que je connais et, selon les rapports que nous avons eus, cela s'est présenté dans beaucoup de cas.

M. Noreau: Le document de travail reconnaît d'ailleurs que l'appartenance à une flotte a jusqu'à maintenant entraîné des avantages tant sur le plan de l'auto-assurance que sur celui du niveau des primes. L'industrie du transport public a bénéficié de certains avantages pour la bonne raison qu'elle a su s'adapter et minimiser les coûts des assurances par des mesures très serrées de surveillance. Le rapport gouvernemental reconnaît ces avantages de l'appartenance à une flotte, mais, à notre avis, n'analyse pas en profondeur les motifs pour lesquels ces avantages ont été consentis.

Nous répétons que ce n'est pas seulement à cause du nombre d'unités que ces bénéfices existent, question de volume, si vous voulez, mais, dans le secteur de transport, c'est la collaboration et la participation actives des entreprises qui ont permis cet état de fait. En conséquence, il nous apparaît de la plus élémentaire justice que l'on analyse en profondeur les facteurs spécifiques qui sont à la base de la fixation de la tarification dans les entreprises de transport.

En définitive, nous croyons que le gouvernement ne peut traiter sur une même base toutes les catégories de véhicules en ne respectant pas l'utilisation qui en est faite. Le régime proposé veut couvrir les véhicules privés et, pour ce faire, il doit reconnaître que le transport routier n'obéit pas aux mêmes règles. Il y a un passage ici qui est assez important: L'hypothèse gouvernementale avance en outre que cette pratique de tarification s'intègre mal à un régime public d'indemnisation, sans égard à la faute.

Nous considérons que c'est reconnaître implicitement le caractère particulier de notre secteur d'activité et, lorsque nous disons que le véhicule est une unité de production pour nos entreprises, nous rejoignons des préoccupations réelles dans le milieu des assurances. Le rapport justifie la difficulté de ne pas tenir compte de certains facteurs, en précisant que cela tient surtout aux difficultés reliées à la définition et à la taille d'une flotte, à des contraintes administratives et à certains problèmes techniques.

Dans le passé — on en a traité aujourd'hui — on a assisté à toutes les délibérations de la journée, il y a eu des cas de certains organismes gouvernementaux où on a tenu compte des facteurs spécifiques dans un genre d'entreprise. Je demanderais à Jean-Paul de nous donner un peu l'exemple de la CAT.

M. Fortin: Je ne sais pas si cela va demeurer un bon exemple, d'après ce qu'on a entendu cet après-midi. Vous êtes sans doute au courant du fonctionnement de la commission des accidents du travail. Dans notre secteur, l'industrie du camionnage forme un groupe et a un taux comme l'industrie manufacturière forme un groupe au niveau d'une certaine tarification, a son taux etc. Le taux est réparti par genre d'industries. A l'intérieur de cela, il y a l'expérience du groupe et l'expérience individuelle de l'employeur ou du contribuable qui paie pour la Commission des accidents du travail.

A la suite de cela, chaque année, la Commission des accidents du travail fait parvenir à l'entreprise le taux uniforme potur son secteur d'activité et, en plus, ce taux étan déterminé sur l'expérience du groupe, l'entreprise, si elle a une bonne expérience, bénéficie d'une réduction de taux qui. l'année dernière, était de 7% ou de 15%, selon l'expérience.

Nous voyons qu'une régie a été capable de favoriser ce mode de contribution. Alors, nous nous demandons si la Régie de l'assurance automobile ne pourrait pas également en venir à un mode de tarification en tenant compte des groupes particuliers.

M. Noreau: Au niveau des conclusions, nous pourrons en arriver à une proposition plus concrète à la fin de notre texte. Si nous partons de la prémisse qu'une flotte de véhicules affectés au transport public de marchandises doit faire l'objet de mesures particulières et que nous étudions l'expérience acquise par le secteur privé des assurances dans ce domaine, nous sommes persuadés que l'on pourrait trouver une tarification qui conserverait à notre industrie les avantages obtenus. Cela encouragerait nos entreprises à perfectionner les mesures de sécurité déjà implantées.

Les hypothèses de tarification prévoient que la contribution des véhicules à vocation commerciale pourrait varier de 1,5 à 3 fois celle des véhicules de promenade, selon le poids. Tenant pour acquis qu'il n'y a aucune modification à cet énoncé de principe, les transporteurs publics du Québec pourraient subir une augmentation très importante au chapitre des assurances. Nous en arriverons bientôt à des exemples concrets.

Une entreprise, cela va de soi, doit prévoir ses coûts de fonctionnement. A ce titre, il y a toute une différence entre une tarification supérieure de 1,5 à 3 fois celle des véhicules de promenade pour des transporteurs qui ont jusqu'à 2000 unités. Je demanderais à Claude de donner les exemples généraux qu'il peut avoir.

M. Camirand: II faut partir d'une hypothèse de base. On a communiqué avec une compagnie d'assurance — disons que ces chiffres sont vérifiables — spécialisée dans le domaine de l'assurance de flotte. On lui a demandé quelle était la prime gagnée au Québec, au niveau des flottes, et elle nous a donné les chiffres suivants: Cette compagnie avait gagné $7 404 000 en primes au Québec — payées par des résidants québécois — et avait payé en dommages et réserves $4 855 000 — je pense que c'est pour l'année 1976 — dommages matériels et corporels...

Le montant qu'on ne connaît pas, ce sont les dommages qui ont été causés à l'extérieur du Québec. Malheureusement, on n'avait pas cette information.

Du montant des dommages et réserves de

$4 855 000, il y avait un montant payé pour des dommages corporels et des réserves de $717 000, soit environ 12,5% du montant total des dommages. En tenant pour acquis, suivant votre projet de loi, qu'on aura une réduction d'environ 10% à 12%... On ne connaît pas encore, en réalité, l'impact réel... Par exemple, on donnait l'article 17 qui ne semblait pas clair. On présume au départ qu'on va avoir une réduction de 10% à 12%.

J'ai imaginé quelques exemples de tarification. J'ai présumé, par exemple, qu'une compagnie avait 14 tracteurs et 42 semi-remorques, ce qu'on tire, ce qui forme la même unité. En présumant que la semi-remorque est une automobile, comme vous l'avez laissé entendre, et qu'elle aura la même tarification que pour un tracteur, II en résultera pour cette compagnie — c'est un exemple purement hypothétique — une augmentation de primes, en se basant sur l'hypothèse "3 fois la tarification du véhicule de promenade", d'environ 40%.

C'est un exemple hypothétique, mais on a des exemples réels. On a examiné quel serait l'impact réel sur des flottes de camions en prenant leurs primes et une réduction hypothétique qu'on ne connaît pas encore.

M. Noreau: On a demandé à des compagnies de transport de nous transmettre certaines données.

J'ai ici une compagnie de transport qui a 2000 unités. Les primes actuellement payées, les primes totales anticipées $440 000. Tenons pour acquis avec le projet de loi 67, qu'on ait une tarification en trois fois. Vous avez 182 camions, 484 tracteurs, qui sont des unités motrices, donc 182 camions, 484 tracteurs, les unités qui tirent, vous avez 1312 remorques, ce qui donnerait un total de $652 740. Par exemple, si on le met à $220, ceci donnerait $435 160. Cela veut dire que si on ne prend que les unités motrices, cette compagnie aurait tout de même au-delà de $180 000 à payer. Mais si on tarifie la remorque, ce qui est tiré par le tracteur, à ce moment-là, on peut dire que c'est de l'ordre de $650 000 de plus que cette compagnie aura à payer.

J'ai ici un autre exemple d'une compagnie qui a 72 tracteurs, 54 camions, qu'on appelle en bon français des "straight bodies" des camions d'un seul bout, et 193 remorques, ce qui donnerait, s'il y a des remorques et si les remorques sont tari-fiées, un chiffre partant de $52 680 et, si les remorques ne sont pas tarifiées, jusqu'à $24 000, pour des compagnies qui sont quand même des compagnies moyennes. J'ai ici des compagnies de 64 tracteurs et le ratio des remorques est très bas, sept remorques seulement. Cela peut s'expliquer. Il y aurait jusqu'à $23 700.

Si on prend la grande entreprise de 2000 véhicules qui aurait peut-être à payer $600 000 et celle-ci qui a jusqu'à $23 000 à payer et qui n'a pas beaucoup de remorques, j'ai ici trois autres exemples de compagnies qui sont à peu près du même ordre. J'en ai un ici qui donnerait 43 camions et 54 remorques, ce qui donnerait $32 000, toujours en se basant sur un taux variant de 1/2 à trois fois celui d'une automobile de promenade. Dans une entreprise de transport, ce que nous voulons soumettre à la commission ce qui est très important — cela paraît peut-être, ce soir, un peu aléatoire de parler de cela, des remorques, mais les remorques, c'est ce qu'on appelle une vanne et c'est tiré par un tracteur; si ces vannes sont tarifées, pour la compagnie que je viens de nommer, de 2000 unités, cela coûte $600 000 de plus l'année prochaine, à compter de la mise en vigueur du nouveau plan. Si vous ajoutez à cela, comme on l'a dit tout à l'heure, certaines augmentations, cela peut faire un joli montant, une coquette somme.

D'autre part, nous avons été informés de la possibilité d'acquitter, sur une base mensuelle, le coût du nouveau régime. La question est assez précise. Nous nous demandons si cette disposition pourrait s'appliquer à nos entreprises. Si oui, le gouvernement a-t-il prévu un mode particulier afin de permettre une administration rapide de l'émission des plaques et des certificats d'assurance? Par exemple, quand un transporteur se présente pour le renouvellement de l'immatriculation, c'est par centaines de plaques qu'il sollicite un renouvellement. Je m'explique. A Montréal et à Québec, actuellement, quand un transporteur va chercher 500 plaques d'un seul coup, il y a une préliste qui est faite et qui est envoyée à la compagnie de transport. Je pense que tu peux donner certaines explications à ce sujet.

M. Fortin (Jean-Paul): C'est un peu comme le renouvellement des plaques pour un individu. Le gouvernement envoie les détails par courrier. Si la personne veut renouveler par la poste, elle peut le faire. Nous avons sensiblement la même chose. Le Bureau des véhicules automobiles nous envoie une liste de tous nos véhicules qui étaient immatriculés, nous faisons les modifications qui s'imposent et nous retournons cette liste au Bureau des véhicules automobiles, qui prépare les plaques. Il est bien entendu qu'il n'est pas question pour nous d'arriver avec cette liste au guichet et de demander au préposé de nous fournir les plaques. Le Bureau des véhicules automobiles prépare le lot de plaques, qui représente une somme de boîtes assez imposante dans certains cas, et, lorsque nous sommes avisés, il faut se présenter, naturellement, avec un chèque visé, j'imagine — ma mémoire me fait défaut sur cela — et nous devons payer comptant cette masse de plaques.

Mme Payette: On va vous envoyer une pleine vanne de plaques.

M. Noreau: On s'offre même...

M. Fortin: On peut les transporter du meilleur...

M. Noreau: D'ailleurs, on les transporte.

Mme Payette: Si vous les transportez, vous en aurez une gratuite.

Une Voix: Merci, beaucoup. Je vais prendre mes licences sur les tracteurs à ce moment-là.

M. Roy: II s'agira d'en prendre bonne note. En vertu de nos règlements, la parole du ministre, c'est une chose à laquelle il faut croire.

Mme Payette: C'est une chose sacrée.

M. Fortin: Est-ce qu'on va avoir le choix sur la boîte? Est-ce que ce sont des licences affectées aux tracteurs ou a la remorque?

Mme Payette: Vous avez le choix du numéro de la plaque.

M. Noreau: II y a un commentaire qu'on veut faire. On est informé qu'il y a eu une entente avec les caisses populaires et qu'on pourrait financer cela, sur une base de douze mois ou de sept mois, je ne le sais pas. Mais si on peut se financer, cela veut dire qu'un camionneur pourra aussi être financé par les caisses populaires. Il pourra le faire sur une base mensuelle. On a vérifié avec le bureau des véhicules...

Mme Payette: Dans les chiffres dont vous parlez, cela va prendre une grosse caisse, mais je pense que cela se trouve.

M. Noreau: Oui, une grosse caisse comme celle des fonctionnaires, par exemple. Si on se rend, un bon matin, chercher nos 500 plaques, est-ce qu'il faut que je vous dise qu'au Bureau des véhicules automobiles, on paie comptant? D'accord? On a vérifié avec le Bureau des véhicules automobiles et on nous dit que, tout d'abord, ce n'est pas un organisme de financement. On le savait déjà. Maintenant, on dit: Vous avez certaines dispositions pour nous actuellement. On n'arrive pas au guichet avec notre demande de 500 plaques.

Ma première question est la suivante: Est-ce qu'on pourra bénéficier nous aussi du financement du coût de l'assurance que nous aurons à payer?

Mme Payette: Je ne peux pas vous répondre au nom des caisses populaires, mais si vous êtes solvables, en principe, la caisse devrait vous avancer de l'argent.

M. Noreau: Ce n'est pas surtout cela. Quand un individu achète une seuie plaque, à un prix déterminé, d'accord, mais quand on arrive et qu'on fait une demande pour 500 véhicules et qu'on paie $330 par véhicule pour l'assurance, vous avez des montants de l'ordre de $400 000. $500 000 ou $600 000.

A ce moment-là, est-ce qu'on peut penser à une tarification? Comment se décrit l'échange que vous avez avec les caisses populaires? Je ne connais pas l'arrangement que vous avez et c'est ce qu'il est important de connaître. Je vais vous donner un exemple. Vous savez que, pour les compagnies de transport, actuellement, ie ratio, le coefficient des compagnies de transport, actuellement, n'est pas, il faut bien le dire, très haut. C'est assez difficile actuellement. Si nous empruntons à une banque, au "prime rate", plus 1% ou 1/2%, par exemple, est-ce qu'on pourra avoir les mêmes conditions avec les caisses populaires? On avait certains avantages. Si on arrive avec un budget supplémentaire, pour l'assurance, de l'ordre de $500 000, pourrons-nous avois aussi des tarifs particuliers à cause de la taille du financement qu'on demande?

Mme Payette: Est-ce que je peux vous répondre que je prends bonne note de votre demande et que je vais demander une réponse à la fédération des caisses à ce sujet? Je ne peux pas vous répondre ce soir.

M. Noreau: Je peux dire, à titre d'information, que ce que nous payons actuellement, c est ce que beaucoup d'entreprises paient, le "prime rate", plus 1/2% ou 1%.

M. Fontaine: M. le Président, je pense que la compagnie va pouvoir continuer à financer avec des banques, si elle le veut.

Mme Payette: Absolument. On peut très bien aller chercher son argent à la banque et aller chercher sa plaque à la caisse populaire.

M. Fortin: II y a aussi un autre phénomène particulier. Les assurances que nous avons présentement sont payées sur une base mensuelle. Pourquoi paierions-nous pour toute l'année nos assurances?

M. Noreau: C'est un pourcentage du revenu mensuel que nous payons.

M. Saint-Germain: M. le Président, je ne sais pas si on me le permet, toujours sur le même sujet, il n'appartient pas à la Fédération des caisses populaires de dire si une caisse locale doit prêter ou non. Les caisses locales sont indépendantes. Deuxièmement, les caisses locales n'ont pas pour but de prêter aux commerçants, vous savez cela, hormis que les règlements auraient été changés. De toute façon, si elles prêtent aux commerçants, ie prêt ne se fait habituellement pas au niveau de la caisse locale, parce qu'il n'y a habituellement pas, au niveau de la caisse locale, des employés capables d'évaluer les risques et la solvabilité des compagnies, ainsi de suite.

Vous pouvez être assurés que vous n'aurez pas le service de la caisse locale. S'il y a une entente avec la fédération et si la fédération garantit les prêts que les caisses locales pourront vous faire, la philosophie des caisses n'est pas de prêter à des entreprises comme les camionneurs.

M. Fortin: D'ailleurs, par expérience, on sait que ies caisses populaires, lorsqu'elles avancent une somme ou une marge de crédit à une entreprise, car certaines le font, le font avec une garantie hypothécaire. Si quelqu'un est déjà lourdement

hypothéqué, je ne pense pas qu'une caisse populaire va prendre une quatrième hypothèque sur des édifices ou du roulant.

Mme Payette: Mais quand vous dites que vous remboursez mensuellement vos assurances, c'est à cause de l'emprunt que vous avez fait à la banque?

M. Fortin: Non. Actuellement, nous avons une prime qui est déterminée sur une base annuelle et cette prime s'applique sur les revenus mensuels. Il y a toute une règle de calculs qui dit: Vous prenez vos revenus, moins ceci, moins cela, etc., plus ceci et vous arrivez à un montant déterminé pour fins d'assurance. C'est ce revenu mensuel, multiplié par la prime, que nous versons à la compagnie d'assurance.

C'est dans ce sens que nous disons que notre prime d'assurance est payée actuellement sur une base mensuelle, alors que dans le nouveau régime, il va falloir continuer à payer, sur une base mensuelle, la partie matérielle, mais par contre, il va falloir payer la partie corporelle d'un seul coup, pour les douze prochains mois. Nous nous demandons s'il y aurait une possibilité de continuer à acquitter cette part d'une façon mensuelle, que ce soit par l'entremise d'un organisme de financement ou par la régie ou des ententes particulières.

M. Roy: Avec le financement mensuel que les compagnies vous accordent à l'heure actuelle, est-ce que vous êtes obligés de payer des frais additionnels?

M. Noreau: M. le député, je pense que votre question, je vous vois venir, mériterait une petite explication sur le fonctionnement de nos assurances, très succintement. Claude, peut-être que tu pourrais expliquer comment fonctionne une police d'assurance pour une flotte, actuellement; c'est différent d'un individu, il faut comprendre ça au départ.

M. Roy: Je pense que cela éclairerait la commission aussi.

M. Camirand: Je pense que le mémoire est quand même assez clair là-dessus. On parle simplement d'une tarification en fonction du pourcentage du revenu mensuel ou du revenu annuel, ça revient au même. La remarque que l'Association du camionnage veut porter devant la commission, c'est simplement que ça implique un coût caché pour les camionneurs. Si on est obligé d'emprunter pour payer immédiatement notre police, nos frais d'assurance, alors qu'actuellement, ils sont répartis sur une base de douze mois, ça implique un coût caché qui peut être assez considérable.

Si on a une flotte de 300 ou 400 véhicules et qu'on est obligé d'emprunter comme tout le monde, $100 000, $200 000 ou $300 000 pour payer les assurances, il est évident qu'on encourra des frais additionnels d'intérêt. Je pense que la couverture comme telle n'est pas impliquée ici. Il s'agit simplement de la tarification, et de la façon dont la majorité des compagnies de transport sont tarifées; c'est sur notre revenu mensuel. C'est un pourcentage qui peut varier de 1% à 10% du revenu mensuel de l'entreprise.

M. Fortin: Dépendamment de l'expérience et des déductibles que l'entreprise peut supporter.

M. Noreau: Une entreprise de transport, en d'autres termes, peut fonctionner de la façon suivante: une flotte, par exemple, peut prendre à son compte... Il peut y avoir une sorte de prime rétrospective, qu'on appelle. C'est la première chose. Elle peut prendre $10 000 sur ça. Deuxièmement, elle peut s'autoassurer, c'est-à-dire qu'elle peut prendre une certaine part du risque, allant parfois jusqu'à $10 000. Donc, vous avez $20 000 en partant et le reste est de la vraie assurance, d'accord? A cause des services de sécurité existant dans les entreprises de transport, celle-ci décide d'assumer elle-même une certaine partie des risques, avec certaines garanties, naturellement, mais elle assume une certaine partie des risques et elle préfère mettre cet argent à sa disposition pour implanter la sécurité au sein de l'entreprise, donc elle fonctionne d'une façon complètement différente d'un individu.

Elle assume une certaine partie. Je sais que Bell Canada est déjà venu devant la commission itinérante et a présenté l'idée qu'elle autoassurait toute sa flotte. Nous, on emprunte jusqu'à $10 000; il y a des compagnies qui vont même jusqu'à $20 000, qui les prennent dans leurs propres réserves. C'est ça la différence.

M. Saint-Germain: Est-ce que je pourrais poser une question?

Mme Payette: M. le Président, j'aimerais savoir s'ils ont fini de présenter leur mémoire.

M. Roy: Très bonne question.

M. Fontaine: Sur le même point, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Sur le même sujet.

M. Fontaine: Vous dites que vous payez tant par mois à la compagnie d'assurance. J'imagine que la compagnie d'assurance vous charge des frais pour financer ces montants?

M. Fortin: Indirectement, possiblement...

Mme Payette: Ce sont des frais cachés que vous ne connaissez pas.

M. Paquette: Ils le font sûrement, indirectement.

M. Fortin: Nous connaissons la prime qu'ils nous imposent.

Mme Payette: Qui inclut probablement les frais de la compagnie.

M. Paquette: ...probablement des frais de financement.

M. Roy: Je me rappelle un système de tarification qui a déjà existé à la Commission des accidents du travail chez des employeurs de taille. Je ne sais pas quelles sont les formules retenues habituellement, mais il y eut un certain temps, où la Commission des accidents du travail avait une hypothèse de tarification pour le début de l'année; je pense que les versements pouvaient s'étaler, durant l'année, sur douze mois. C'était pour les entreprises, les employeurs de taille.

M. Fortin: Cela a été abandonné un certain temps; ils sont revenus à cette méthode d'étalement sur six mois, l'an dernier.

M. Roy: Six mois.

Mme Payette: Si on a terminé la présentation du mémoire, pour qu'on ne se perde pas simplement dans un dédale d'informations séparées en morceaux...

M. Noreau: M. le Président, il ne me reste que deux ou trois pages, on pourrait terminer et, après cela, passer...

On a quelques autres effets que pourrait avoir le nouveau régime sur les coûts d'assurance. On termine. Il y aura une différence marquée entre la prime payée par deux transporteurs québécois dont le ratio tracteur-remorque, tenant pour acquis que la remorque peut être tarifiée, varie de 1 à 1 à 1 à 3. On s'explique. Certains camionneurs ont une remorque pour un tracteur, il y en a d'autres qui ont trois remorques pour un tracteur afin d'équilibrer leur mouvement de marchandises; pour certaines considérations résultant parfois de la clientèle, ils ont à leur disposition un ratio de 1 à 3, c'est-à-dire trois remorques pour un tracteur.

En effet, la moyenne des entreprises de transport de marchandises pour desservir adéquatement le public et planifier le mouvement de marchandises a un ratio tracteur-remorque de 1 à 3, un tracteur pour trois remorques. Dans certains cas, ce rapport est supérieur. C'est dire que, dans le cas où une remorque est assimilée à une automobile, au sens du projet de loi, ceux qui ont moins de remorques seraient favorisés. Cela pourrait même avoir une incidence sur le nombre de remorques qu'une entreprise de transport désirerait mettre en circulation.

En second lieu, nous estimons qu'il y a une différence marquée entre le coût de l'assurance pour un transporteur intraquébécois et celui qui transportera du Québec en dehors des frontières du Québec, par exemple, le transporteur Montréal-Toronto et le transporteur localisé qui a sa place d'affaires à Hull et qui effectue la grande majorité de son transport en dehors de la province de Québec, va être obligé de payer une prime entière au Québec, même s'il n'y séjourne que rarement.

Pour montrer que ce n'est pas seulement un exemple de frontière, et non seulement pour les gens qui peuvent demeurer à Hull, c'est une chose qu'on m'a apprise, qui est un peu pour tous les genres de compagnies, parce que les compagnies québécoises contrôlent souvent d'autres compagnies qui font des mouvements interprovinciaux, je demanderais à Claude Camirand d'expliquer un peu cela.

M. Camirand: On a cité l'exempie de Montréal-Toronto et je me demande si, lors d'interventions préalables qui ont été faites devant la commission, cela n'a pas été soulevé. Je pense que le problème vous a été soulevé et particulièrement sur des mouvements comme Montréal-Toronto, où on parcourt 40 milles dans Montréal et le restant dans l'Ontario; quelle tarification va-t-on avoir sur ces mouvements? Je pense que le problème vous a été soulevé déjà.

M. Fontaine: On n'était pas là.

M. Roy: Le problème a été soulevé par l'Association des propriétaires d'autobus.

M. Camirand: C'est exactement le même problème: quelle sera la répartition du risque? Il est sûr que nos assureurs vont dire: Vous parcourez 40 milles dans la province de Québec; la réduction tarifaire qu'ils vont nous faire va être très minime. Je pense que le camionneur québécois peut être défavorisé jusqu'à un certain point, à cause d'une telle mesure.

M. Noreau: II y a une différence au chapitre de l'assurance entre les primes payées par un non-résident qui transporte sa marchandise au Québec et un résident qui transporte sa marchandise hors du Québec. Cela résulte des accords de réciprocité exemptant de l'immatriculation au Québec certains transporteurs étrangers privés et publics dans certains cas spécifiques. On pourra répondre à certaines questions à ce sujet.

Une autre question paraît fondamentale à notre association. Tenant pour acquis que le régime est accepté tel quel, est-ce que le gouvernement entend procéder à une vérification ou une inspection auprès des compagnies d'assurance afin de s'assurer que la déduction, suite à la mise en vigueur de la loi, est bien réelle?

En conclusion, le postulat sous-jacent à tout notre mémoire peut se formuler ainsi: nous voulons que l'entreprise de transport de marchandises au Québec détentrice d'un permis de la Commission des transports soit reconnue pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un service public essentiel à la population québécoise. Nous considérons le véhicule comme une entité, une unité de production, et, à ce titre, toutes les mesures susceptibles d'affecter ce bien, peuvent toucher à la viabilité de notre secteur d'activité et, par voie de conséquence, porter un dur coup à toute l'industrie manufacturière au Québec.

Le régime actuel reconnaît un caractère d'entreprise productive à notre industrie et nous vou-

Ions que cette réalité soit considérée par le nouveau régime. Actuellement, la prime d'assurance versée par les transporteurs québécois tient compte de l'expérience passée de celui-ci, au sens des assurances. Le régime actuel favorise et même oblige la mise en opération de services de sécurité au sein des entreprises. En conséquence, nous demandons que la tarification projetée tienne compte de l'expérience acquise dans notre secteur, lequel, nous le répétons, est particulier. C'est ici que nous amenons une suggestion.

Nous sommes prêts, avec la connaissance que nous avons du secteur des transports routiers de l'assurance, avec les gens de la régie, les autorités gouvernementales qu'on voudra bien nous désigner et aussi avec les assureurs spécialisés dans ce domaine, à nous asseoir à une table et à discuter de tarification particulière dans ce secteur d'activité. Nous offrons notre collaboration, parce que cela permettrait peut-être d'avoir certains avantages qu'on a pu vraiment voir arriver dans les entreprises parce que les mesures de sécurité étaient présentes et nous voulons peut-être continuer à avoir ces avantages.

Nous croyons que le gouvernement devrait analyser tous les facteurs actuellement appliqués, comme, par exemple, la formule rétro, un système semblable à la taxe de vente, qui tient compte du millage parcouru. Il faut que je vous dise que le système actuel d'assurance, dans le secteur des transports, tient compte du millage parcouru, de l'utilisation intensive de matériel.

Cette analyse devrait apporter une base de tarification beaucoup plus équitable pour notre secteur d'activité. Nous croyons sincèrement qu'un régime gouvernemental en matière d'assurance automobile s'inscrit dans un concept plus global qu'est l'intérêt général de la population québécoise.

A ce titre, il nous apparaît fondamental que le législateur considère l'impact que pourrait avoir le nouveau régime d'assurance, tenant pour acquis l'apport économique du transport routier au Québec.

Je répète encore que nous avons 50 000 employés dans notre secteur direct et que nous générons des revenus de l'ordre de $800 millions par année.

Le prix du transport de marchandises par route est une composante essentielle à la viabilité de nos produits sur les marchés extérieurs et, à ce titre, le transporteur routier fait partie intégrante d'une stratégie de développement économique cohérente. Je veux expliquer que 90% de tout ce qui entre au Québec se fait par transport routier. Dans le domaine alimentaire, par exemple, c'est 95% de tout ce qui est sur vos tables le matin qui l'est par transport routier.

Enfin, nous nous demandons si le transporteur étranger ne sera pas favorisé par le régime projeté. De toute manière, il est essentiel que le gouvernement ait toute l'expertise nécessaire avant de décider du mode de tarification dans le domaine du transport routier. C'est pourquoi nous croyons faire oeuvre utile en attirant l'attention de la commission parlementaire sur l'impact que peut avoir une mesure gouvernementale sur l'économie en général.

Nous vous remercions, M. le Président, Mme le ministre et MM. les députés.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Noreau. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, mon intervention sera très courte, puisque j'ai déjà donné des réponses sur un certain nombre d'articles du projet de loi. Le mémoire que vous nous avez soumis, qui est le deuxième, a été transmis aux actuaires qui travaillent présentement sur la tarification.

Je pense qu'honnêtement je dois vous dire qu'il va probablement y avoir des changements dans la façon dont on va vous facturer l'assurance, par rapport à ce que vous connaissez maintenant; nous visons, dans votre cas comme dans le cas des autres automobilistes et des autres conducteurs de véhicule au Québec, bien sûr, une baisse de prime, et vous n'êtes pas oubliés dans ce plan que nous avons.

Je vous remercie d'avoir offert de vous asseoir avec les gens de la régie; je pense que c'est avec eux, d'ailleurs, que vous allez maintenant pouvoir négocier, et ce sont eux qui ont besoin de l'information que vous possédez. Dans la discussion avec le Bureau des véhicules automobiles, toute l'information que vous pouvez transmettre à la régie est précieuse et nous avons l'intention de profiter de cette offre que vous nous faites, pour le mieux-être autant de votre entreprise que de l'ensemble du régime. Dans ce sens, nous sommes d'accord pour accepter votre offre. Je pense que votre mémoire, qui est extrêmement technique mais extrêmement important, en ce qui vous concerne, a déjà reçu l'attention des actuaires qui y travaillent actuellement.

Les actuaires m'ont également dit qu'ils souhaitaient pouvoir vous rencontrer pour discuter de ce que vous appelez des mesures de sécurité spéciales qui sont mises en place, pour pouvoir les évaluer, savoir exactement de quoi il s'agit.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je remercie les responsables de ce mémoire, l'Association du camionnage du Québec, pour s'être donné la peine de venir nous éclairer sur ses problèmes très particuliers. J'aurais cru que madame nous aurait donné plus de détail sur ses intentions au sujet de cette industrie. Je ne crois pas que ce qu'elle a dit puisse sécuriser les industries du transport.

Est-ce qu'il serait faux de dire actuellement, surtout pour une compagnie d'une certaine importance, que chaque compagnie a une prime particulière, spécifique, selon son dossier, son genre, son activité, ainsi de suite?

M. Fortin: C'est exact.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous croyez

que, dans un système étatisé et monopolitique, un monopole puisse se permettre d avoir autant de liberté d'action que les compagnies privées qui vous servent actuellement?

M. Noreau: M. le député, je me permets de dire ceci: Ce qui intéresse l'industrie du transport routier au Québec, vous avez vraiment vu que ce qu'on a présenté ce soir était technique, c'est bien vrai, mais ce qui nous intéresse c'est le quantum, la façon de tarifer, la manière dont on pourra tarifer une entreprise particulière, un secteur comme le nôtre. Jusqu'à maintenant, on ne la pas exprime dans notre mémoire, c'est différent, la façon de procéder dans notre secteur, et je voudrais voir reconnaître cette particularité quand on discutera avec les gens de ia régie, au niveau technique.

M. Saint-Germain: Vous avez...

M. Noreau: On ne peut pas dire qu'on a une assurance ce soir, vous avez raison de dire ça, mais ce qu'on tend à faire, c'est que le coût, comme je disais tantôt, pour une entreprise de 2000 véhicules peut être de l'ordre de $600 000 par année d'augmentation, si c'est global. Ce qu'on veut apprécier, pour l'instant, c'est cette formule. Quand une compagnie de transport prévoit ses dépenses, quand elle essaie de budgétiser, qu'on puisse voir un peu l'impact que cela peut avoir et qu'on puisse le moins possible être affecté. Parce qu'au bout du compte, si on a une augmentation de $600 000, ce qui va arriver, c'est qu'il va y avoir une augmentation qui va être demandée à la Commission des transports, une augmentation de tarification et, tout simplement, c'est le consommateur, au bout du compte, qui va payer, et surtout le manufacturier, et c'est important.

M. Saint-Germain: Je comprends très bien, mais je ne vous parle pas à titre de citoyen, je vous parle à titre de représentant des compagnies de transport. Vous me dites que vous avez, pour les compagnies le moindrement importantes, une prime, une police étudiée et faite pour ces compagnies en particulier. Vous avez une grande liberté d'action, parce que vous pouvez faire étudier votre cas au point de vue assurance, par deux, trois ou quatre compétiteurs et choisir la plus avantageuse. Je crois que c'est un peu typique et caractéristique de l'industrie privée, car elle évolue dans un monde compétitif.

Ce sont des choses qui ne sont pas au fond, j'entends ce principe d'adaptabilité, typiques des compagnies d'assurance vis-à-vis des compagnies de transport. Cela se fait communément dans d'autres champs d'activités. Un acheteur, quels que soient les services qu'il veut acheter, s'il a une capacité d'achat, peut marchander, autrement dit. Je vous pose une question bien précise. Est-ce que vous croyez que, dans un régime d'Etat, avec un monopole, ce régime d Etat et ce monopole puissent avoir la même liberté d'action, c'est-à-dire dans votre cas particulier, avoir une prime pour chaque compagnie?

M. Camirand: Ce qu'on peut répondre là-dessus, pour autant qu'on puisse répondre de façon bien éclairée, c'est que, dans le domaine de l'assurance de flotte, il y a très peu de compétition dans le marché de l'assurance. Il y a peut-être simplement trois ou quatre compagnies, à notre connaissance, qui se spécialisent dans ce type d'assurance, de sorte que notre choix est quand même assez limité. Je pense bien que la préoccupation de l'association du camionnage, actuellement, étant donné le peu de choix d'assureurs qu'on a, ce n'est pas de voir une régie de i'Etat administrer ce régime. Notre préoccupation première, c'est d'obtenir une tarification qui reflète le risque particulier qu'on constitue et qui reflète l'expérience qu'on a ou les avantages qu'on a obtenus... Il faut dire que si on regardait dix ans passés, il est possible que les plans qui ont été développés au cours de cette période, les plans qu'on connaît aujourd'hui, aient pris quand même une certaine période avant de se développer.

Aujourd'hui, on a un marché qui est assez li-mité; donc, si la régie de l'Etat respecte à peu près les critères de tarification de ces compagnies, je pense qu'on va se déclarer assez satisfaits.

M. Saint-Germain: Alors, vous voulez que la régie d'Etat établisse les primes en relation de la tradition qui a été établie dans un marché de libre entreprise?

M. Noreau: Très juste.

M. Fortin: Un peu comme la Commission des accidents du travail reconnaît des points de mérite ou de démérite. Elle établit un taux pour un secteur particulier d'activité économique et à l'intérieur de ce secteur, chaque groupe, chaque entreprise, à condition d'avoir une bonne expérience, bénéficie d'une réduction.

Alors pourquoi, dans l'industrie de l'assurance automobile, comme nous avons des primes pour chaque entreprise, n'y a-t-il pas une entreprise qui a la même prime. Chaque entreprise a le choix de faire de l'auto-assurance qui peut varier de $500 jusqu'à $20 000. Cela affecte énormément le taux des primes.

Ce qui affecte aussi le taux de la prime, c'est la distance parcourue. Un camionneur qui fait uniquement Québec-Montréal n'a pas du tout la même prime que le gars qui fait Montréal-Lac-Saint-Jean ou Montréal-Les Maritimes.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous accepteriez la même politique que celle de la Commission des accidents du travail où il y a tout de même une standardisation? On ne fait pas l'étude industrie par industrie. Il y a une standardisation pour un genre d'industrie.

M. Fortin: On fait l'étude du groupe.

M. Saint-Germain: En partant de là, on contrôle le nombre d'accidents.

M. Fortin: C'est exact. On regarde l'expérience de l'entreprise en particulier et on dit: Elle est au-dessus ou en-dessous du groupe. A ce moment-là, elle obtient des points de mérite ou de démérite.

M. Saint-Germain: Je suppose qu'à la Commission des accidents du travail c'est un processus relativement simple d'application. A la fin de l'année, on calcule le nombre d'accidents, la gravité des accidents et on en arrive à quelque chose de déterminé.

M. Fortin: Oui, les montants versés. Exactement.

M. Saint-Germain: Dans le camionnage, vous l'avez dit, c'est beaucoup plus complexe. Vous avez des remorques, vous avez... comment l'appelez-vous?

M. Fortin: Le tracteur.

M. Saint-Germain: Le tracteur qui tire la remorque. Il y a une relation entre le nombre de tracteurs et de remorques, il y a même la géographie qui entre en ligne de compte. Sur une région frontalière, cela peut être très différent qu'ici à Québec. Vous avez nombre de facteurs, vous avez le millage en particulier. Cela fait bien des facteurs. Vous avez, en plus, le système de sécurité établi par chaque compagnie. Vous avez, en plus, des compagnies qui s'auto...

Une Voix: Qui s'auto-assurent.

M. Saint-Germain: Ce sont bien des facteurs. Est-ce que vous admettez que cela peut être plus complexe qu'à la Commission des accidents du travail d'établir cette standardisation?

M. Fortin: C'est possible. Je n'ai pas de réponse à vous donner là-dessus.

M. Saint-Germain: De toute façon, je vous souhaite bonne chance. J'espère, pour l'intérêt de tous, que vous allez atteindre vos buts. Mais, si j'insiste là-dessus, c'est que par la teneur de la loi on s'aperçoit qu'on essaie de standardiser aussi bien les indemnisations que les primes.

Je souhaite bien qu'on comprenne votre point de vue et qu'on modifie la loi. Il faudrait peut-être aussi modifier un peu l'esprit de la loi. Vous ne vous attaquez pas à la loi, article par article, vous vous attaquez à une certaine philosophie, à une certaine façon de voir qui caractérise la loi entière. Je vous souhaite bonne chance. Plaidez votre cause très efficacement. Je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je pense que vous avez, dans votre mémoire, à la page 19, une phrase qui résume très bien le principal but de votre mémoire: Le prix du transport des marchandises par route est une composante essentielle à la viabilité de nos produits sur les marchés extérieurs et, à ce titre, le transport routier fait partie intégrante d'une stratégie de développement économique cohérente.

Je pense que c'est le point central de votre argumentation et que c'est pour cela que vous venez ici, pour demander des tarifs un peu spéciaux pour votre catégorie de transporteurs.

La question qui a été posée par le député de Jacques-Cartier est la seule question qu'on doit se poser. Ce n'est sûrement pas vous qui êtes capables de répondre à la question. Ce sont les experts du ministre qui peuvent nous dire s'ils sont capables, dans un régime étatique, de respecter des normes différentes, pour certaines catégories de véhicules par rapport à d'autres.

J'imagine que, si on est capable de le faire pour des transporteurs publics comme ceux-ci, on sera également capable de le faire pour les véhicules privés. Par exemple, pour un véhicule privé, si une personne a fait plus de millage qu'une autre, elle va payer moins cher.

Je ne sais pas si le ministre peut nous répondre, avec ses experts, pour nous dire si cette différence de tarification peut être possible dans le régime proposé.

Mme Payette: M. le Président, le ministre peut répondre ce qu'il connaît de la tarification actuellement et des travaux qui sont en cours présentement. Il est effectivement question de tarification qui peut varier, peut-être pas sur le millage comme vous dites, mais il peut y avoir une tarification différente pour les cultivateurs, une tarification différente pour les motocyclistes, une tarification différente pour les taxis, pour les transporteurs, mais cette tarification, je ne peux pas vous en livrer le contenu ce soir, tant que les travaux ne seront pas terminés.

M. Fontaine: Mais est-ce que c'était prévu dans votre régime que vous auriez des différences de tarification, par exemple, entre un cultivateur et un usager pour fins de promenade?

Mme Payette: Ce sont des choses qui sont envisagées et évaluées présentement.

M. Camirand: Si, par exemple, on envisageait une tarification, un choix basé sur le millage ou sur les revenus des compagnies de transport, à ce moment-là, il faudrait certainement amender l'article 132 de la loi, qui prévoit spécifiquement que les sources de financement de la régie proviendront de l'immatriculation des véhicules et des permis de conduire.

Mme Payette: Cela n'est pas ce que j'ai' répondu. J'ai répondu que la tarification qui était étudiée présentement était basée sur le revenu ou sur le millage, je l'ai bien spécifié, mais qu'il y ait une tarification qui puisse être différente, oui, c'est possible.

M. Noreau: Le quantum, c'est sur le prix qu'il peut varier, en fin de compte. Cela peut être une prime stable pour tous, mais qui tiendrait compte de certains secteurs d'activité.

Mme Payette: Cela peut être ainsi, possiblement.

M. Fontaine: Si on va plus loin, est-ce que ça pourrait tenir compte, par exemple, d'une flotte particulière de véhicules?

Mme Payette: Je pense que ce serait m'avan-cer beaucoup que de vous donner ces détails présentement.

M. Fontaine: Je voudrais poser une question d'ordre pratique. Je ne sais pas si... Est-ce que les véhicules de l'extérieur du Québec qui viennent ici ont besoin d'une plaque d'immatriculation du Québec?

M. Noreau: Pratiquement, monsieur... Par exemple, avec l'Ontario, il y a des ententes de réciprocité. Pour les transporteurs privés ontariens, disons une compagnie ontarienne qui vient au Québec apporter des marchandises, elle peut être exempte d'immatriculation si elle n'a pas de place d'affaires au Québec, d'accord. C'est le cas de plusieurs compagnies manufacturières qui importent des choses au Québec. D'autre part, dans certains cas très précis, l'entente prévoit qu'un déménageur qui déménage des meubles usagés d'une famille, est couvert également. Mais il faut se dire que ce sont des transporteurs publics actuellement qui ont déjà des plaques. Mais l'entente est très restrictive. Il y a certains cas, c'est dans le secteur privé de l'extérieur, qui n'a pas besoin de plaque au Québec, s'il n'a pas de place d'affaires au Québec. On pourrait être désavantagé par rapport à eux, en comparaison à ces gens.

M. Fontaine: Pour ceux de l'extérieur qui auront besoin d'une plaque au Québec, ils devront payer deux assurances?

M. Noreau: Exactement.

M. Fontaine: Je n'ai pas d'autres questions pour l'instant.

Mme Payette: Mais cela n'est pas nouveau.

M. Fontaine: Oui c'est nouveau, ils prennent deux plaques, mais n'ont pas besoin de prendre deux assurances. Ils prennent une assurance en Ontario.

M. Fortin: Parce qu'actuellement, notre assurance est basée sur le revenu global, peu importe où il est gagné.

Mme Payette: D'accord.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux remercier les gens de l'Association des camionneurs pour leur contribution aux travaux de notre commission parlementaire. On a parlé tout à l'heure que certaines entreprises de camionnage qui ont des services de sécurité, peuvent bénéficier d'une diminution allant jusqu'à 40%. Dans le cas des tarifs de flotte, la diminution peut aller jusqu'à combien?

M. Fortin: Je peux vous donner un cas précis où le taux, par $100 de revenu, était de l'ordre de $3.95 et, avec l'implantation d'un système de sécurité, le taux est devenu $2.35 les $100 de revenu.

M. Roy: Mais vous ne pouvez pas faire le calcul... On parie, par exemple, de la diminution par rapport au service de sécurité, ce que je veux dire surtout, c'est que la flotte, celle d'une petite entreprise de camionnage qui aurait un, deux ou trois véhicules, par rapport à une entreprise qui aurait 10, 15, 20, 25 ou trente véhicules; pour la moyenne on peut aller jusqu'à des centaines de véhicules.

Dans le document qui nous a été remis, concernant la tarification du 22 septembre, et vous y faites allusion dans votre mémoire, à la page 17, l'appartenance à une flotte a jusqu'à maintenant entraîné des avantages tant sur le plan de l'auto-assurance que sur celui du niveau des primes. Il semble, cependant, que cette pratique de tarification s'intègre mal à un régime public d'indemnisation sans égard à la faute. Cela tient compte surtout des difficultés reliées à la définition et à la taille d'une flotte. Je voudrais savoir, du fait que... Je sais que dans le camionnage, on tient compte du nombre de véhicules, évidemment, pour établir une tarification. Ce n'est pas la même chose dans une petite entreprise de un ou de deux véhicules que dans une entreprise qui en comporte plusieurs. Est-ce que c'est possible? Est-ce que vous avez des chiffres pour nous dire jusqu'à quel pourcentage à peu près cela peut influencer la prime d'assurance?

M. Fortin: Nous n'avons pas de chiffres précis sur cela. Je peux vous dire que c'est un choix que l'entreprise fait. Prenons le cas que j'ai cité tantôt, de $3,95; l'entreprise aurait pu continuer de payer $3,95 et se ficher éperdument de la sécurité à l'intérieur de son entreprise.

M. Roy: C'est sur le plan de la sécurité?

M. Fortin: C'est sur le plan de la sécurité. D'accord? Elle a fait un choix. Elle a dit: L'argent que je vais économiser, j'aime mieux éduquer, engager des agents de sécurité et éduquer mon personnel, de façon qu'il travaille d'une façon plus sécuritaire et qu'il protège, en fait, la population.

M. Roy: D'ailleurs, ces campagnes de sécurité datent de plusieurs années. Elles ont donné d'excellents résultats. Est-ce que ce serait exagéré de dire qu'il peut y avoir une diminution dans l'en-

semble allant jusqu'à 15%, 20% et même 25%, dans de cas des flottes?

M. Fortin: Au niveau du taux...

M. Roy: Au niveau du nombre. Une diminution de coût par rapport à l'unité. La différence qu'il peut y avoir entre une flotte par rapport à chaque unité en comparant une entreprise de camionnage qui ne compterait qu'un ou deux véhicules. Est-ce que c'est exagéré de parler de 15%, 20% et même 25%?

M. Camirand: Peut-être qu'on pourrait, si on savait combien coûte l'assurance d'un seul tracteur, j'estimerais cela peut-être à $2000 ou $3000. Si on considère qu'un chauffeur de tracteur gagne environ $75 000, de façon générale, sans tenir compte de la remorque; simplement l'unité motrice, gagne $75 000, et que les taux varient de 3% à 5%, ce qui veut dire que vous auriez une prime, pour une flotte— l'exemple que je vous ai cité tantôt — de 14 tracteurs et de 42 remorques, ce qui faisait une prime totale de $30 000 en prenant 3% du revenu, il faudrait que je divise $30 000 par 60 ou 59, pour savoir quel est le coût par unité. Cela veut dire $750 par unité. Ce qui veut dire qu'il y aurait une réduction par mal importante de l'assurance... Merci.

Mme Payette: C'était de bon coeur.

M. Camirand: Je dirais que c'est beaucoup plus important que 15% ou 20%. C'est peut-être 100% de réduction ou...

M. Noreau: Pour un tarif de flotte. M. Camirand: ... pour la flotte.

M. Roy: Pour un tarif de flotte. Vous avez quand même des camionneurs, si ma connaissance du milieu est bonne, qui ont le système d'assurance par rapport au chiffre d'affaires. Vous en avez d'autres qui n'ont pas choisi ces systèmes d'assurance. Ils sont assurés selon le nombre d'unités. C'est surtout à cette catégorie que je faisais référence dans la question que j'ai posée, pour avoir une incidence, pour avoir une idée, un ordre de grandeur des possibilités de réduction de tarifs.

M. Fortin: A ma connaissance, on n'a pas de données sur cet aspect.

M. Roy: Est-ce que ce serait possible, sans que ce soit trop de démarches, de nous faire parvenir...

M. Noreau: Ecoutez, il y a des compagnies d'assurance, comme on a dit tantôt, où c'est assez réduit, le nombre de compagnies d'assurance... On peut leur demander ces données et savoir si elles peuvent avoir une moyenne de ce que cela peut coûter à l'unité. Ayant certains chiffres du côté des flottes, cela peut donner un ordre de comparaison, si vous voulez. Cela nous fait plaisir.

M. Roy: D'accord.

Mme Payette: M. le député, est-ce que vous me permettriez une question? A notre connaissance, il n'y a pas dans ces trois ou quatre compagnies dont vous parlez, de compagnies québécoises. Il s'agit de grosses compagnies étrangères. Est-ce qu'il y a, à votre connaissance, des compagnies québécoises?

M. Camirand: A ma connaissance, il n'y a pas de compagnies québécoises.

M. Roy: C'est un type d'assurance qui est quand même assez spécial.

Mme Payette: M. le député, vous me permettrez de penser que si on pouvait peut-être aider une compagnie québécoise à donner l'assurance à des camionneurs québécois, une intervention pourrait peut-être s'avérer utile.

M. Roy: Non. J'ai bien saisi la question du ministre et j'ai bien saisi le pourquoi de la question du ministre et jusqu'où le ministre voulait aller en posant sa question.

Mme Payette: Merci, M. le député. Vous me devinez à demi-mot.

M. Roy: Je vous devine.

M. Noreau: C'est assez important, M. le député, parce que, de toute manière, nous avons environ 1200 membres dans notre association et, de ce nombre, il y en a peut-être la moitié qui n'ont qu'un, deux ou trois camions, pour montrer qu'on ne représente pas seulement... Il y a certainement une incidence. On va essayer de regarder cela.

M. Roy: J'aimerais quand même dire au ministre qu'il y a des compagnies québécoises pour lesquelles, d'importants contrats d'assurance ont été négociés. Je parle du cas des camionneurs, et c'est une distinction que je tiens à apporter à ce moment-ci. Les représentants de l'association pourront peut-être me corriger si je fais erreur.

Dans cette entreprise, il faut évidemment faire face à la concurrence. Le patriotisme, j'ai toujours été très d'accord avec cela. Mais il y a quand même des compagnies d'assurance qui n'ont pas de structures financières assez fortes pour assumer ces risques, à cause du volume et à cause de ce que cela implique.

Mme Payette: C'est pourquoi j'avais dit qu'avec de l'aide, certaines compagnies québécoises pourraient le faire.

M. Roy: De l'aide, mais à la condition, toutefois, que cela ne se fasse pas au détriment...

Mme Payette: De la concurrence, oui.

M. Roy: ... du coût, pour les camionneurs, ce qui pourrait les placer dans une concurrence as-

sez embarrassante par rapport aux entreprises situées à l'extérieur du Québec.

M. Saint-Germain: On pourrait les aider, comme on aide SIDBEC, par exemple.

M. Roy: Oui, cela serait un exemple. D'ailleurs, SiDBEC n'encourage pas le camionnage, car je pense qu'elle a sa propre flotte de camions, si ma mémoire est bonne.

Vous avez beaucoup parlé de la question des camionneurs étrangers qui pourraient être favorisés, par rapport aux camionneurs québécois, avec ce régime d'assurance. Il y a quand même au Québec... Je peux prendre un exemple en particulier, dans le comté de Pontiac. Vous me direz que c'est un cas assez marginal, mais ceux qui font du transport à l'intérieur, transport qui pourrait être exclusif, en vertu d'un permis provincial qui ne permet pas de transport outre-frontières, et qui sont obligés de passer par l'Ontario pour aller livrer, par exemple... Si je passe à Fort-Coulonge, jusqu'à Ville-Marie...

M. Camirand: C'est exact. Le camionneur québécois pourrait être désavantagé, jusqu'à un certain point, vis-à-vis du transporteur non québécois. Etant donné que toute sa flotte est située dans la province de Québec, qu'il serait obligé d'immatriculer toute sa flotte dans la province de Québec et qu'il serait appelé à voyager quelquefois à l'extérieur, il est possible que la réduction tarifaire ne soit pas très grande dans son cas. Le camionneur étranger, qui immatriculera simplement quelques véhicules, et le moins possible, parce que ses coûts d'assurance deviendront plus élevés, pourra être, jusqu'à un certain point, favorisé.

M. Noreau: Je veux ajouter à cela. Prenez, par exemple, des compagnies québécoises de transport, prenons des compagnies de taille. C'est un secteur, le transport. Il y a certaines entreprises québécoises qui contrôlent des compagnies, dans les Etats américains, dans les Maritimes, dans l'Ouest et partout, donc, qui ont leur place d'affaires principale au Québec. D'accord? C'est un des secteurs où, quelquefois, on nous appelle les grands Québécois qui arrivent dans les autres provinces. On a vraiment un impact de ce côté-là.

Prenez des véhicules qui font des mouvements interprovinciaux en grande quantité. Ces gens qui sont tarifés actuellement sur une base, où qu'ils aillent, d'après leurs revenus, ces gens peuvent être touchés. La réduction qu'ils vont obtenir parce qu'ils font plusieurs provinces sera-t-elle proportionnelle, sera-t-elle vraiment réelle? Elle peut être vraiment réduite à cause de l'implantation du nouveau régime.

Si la diminution n'est pas très grande, ces compagnies québécoises qui font du transport interprovincial peuvent être affectées davantage, parce au'elles devront continuer à payer des assurances.

M. Roy: Tout à l'heure, vous avez quand même donné une idée des réductions possibles d'après des contacts qui ont été faits. Mais vous ne prévoyez pas d'importantes diminutions, par exemple, dans le cas d'un transporteur dont le siège social est à Montréal, et qui fait du Montréal-Toronto ou du Montréal-New-York?

M. Noreau: II y en a plusieurs qui font cela.

M. Roy: II y en a plusieurs qui font cela. La plupart des compagnies québécoises importantes font habituellement cela. Dans les Maritimes, c'est la même chose.

M. Fortin: Si on veut pousser plus loin l'exemple, prenons une compagnie québécoise qui a une filiale dont le siège social est également au Québec, et que cette filiale fait surtout de l'interprovincial. Cette filiale, qui vient chercher de la marchandise, qui a le droit de venir chercher de la marchandise à Montréal, à destination des Maritimes, par exemple, étant donné qu'elle va être obligée de payer une part d'assurance au Québec pour aller livrer aux Maritimes, qu'est-ce qui va arriver, si on veut pousser l'exemple jusqu'à l'absurde?

La compagnie mère va dire: Toi, va-t-en dans les Maritimes, moi, je vais me charger d'aller te porter la marchandise à la frontière, pour ne pas avoir à payer deux fois l'assurance.

M. Noreau: On a pensé à ça, on a discuté de l'impact que cela pourrait avoir au niveau des coûts d'assurance, qui seraient trop élevés pour nous. On a aussi discuté de l'influence que cela pourrait avoir sur nos opérations. C'est là que c'est important.

Prenez le transporteur de Hull qui a 50 unités, qu'est-ce qu'il va faire? C'est la question qu'on peut se poser. 1/5 ou 1/8 de sa flotte vient au Québec, mais il a sa place d'affaires principales au Québec actuellement. Qu'est-ce qu'il va faire? La question se pose.

M. Roy: Je n'ai pas d'autres questions pour le moment, mais j'aimerais quand même tirer une conclusion de tout ça, à l'attention du gouvernement et du ministre. On voit actuellement que toute notre structure d'assurance, tout le monde de l'assurance avait organisé un système très complexe à cause des besoins et que tout est en place. Il y a des spécialistes partout. C'est pourquoi je demande encore au gouvernement s'il n'aurait pas été plus sage de modifier les lois pour mettre en application un nouveau régime d'indemnisation, puisque c'est la grande préoccupation du gouvernement, pour permettre à ceux qui sont en place actuellement, qui ont les mécanismes, les connaissances des statistiques, qui ont toutes les données que le gouvernement n'a pas...

Je constate encore ce soir, à ce stade-ci de nos travaux en commission parlementaire, que nous sommes dans l'inconnu, malgré toutes les bonnes intentions du ministre. Les intentions sont toujours des choses possibles...

Mme le ministre nous dit que c'est possible;

moi, j'ai hâte qu'on nous dise: C'est ça, et vous pouvez être assurés que c'est certain. Malheureusement, on est dans l'inconnu. Dans un domaine qui change et qui risque de modifier considérablement le mode de fonctionnement d'un grand nombre d'entreprises québécoises et de mettre en danger plusieurs centaines, quelques milliers d'emplois peut-être, dans un moment où nous en avons tant besoin... N'aurait-il pas été beaucoup plus sage, je le dis à l'endroit de mes collègues, je le dis en toute sincérité, de modifier nos lois actuelles? Les gens du Barreau nous l'ont dit, les assureurs nous l'ont dit, si les lois actuelles avaient été modifiées, il aurait été possible d'appliquer un nouveau régime d'indemnisation, sans tout chambarder et sans prendre les risques énormes que nous prenons à l'heure actuelle. Sur le plan économique, nous n'avons pas de chance à prendre à ce moment-ci.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le député de Viau.

M. Lefebvre: On en a parlé tout à l'heure, si les primes augmentaient, advenant que vos primes soient inférieures, quel impact cala aurait-il sur votre industrie?

M. Camirand: Je pense bien que, si les primes étaient inférieures, tout le monde serait heureux, content.

M. Lefebvre: Je veux dire par rapport à l'interprovincial, comme vous le disiez tout à l'heure.

M. Camirand: Si le niveau des primes était inférieur au niveau actuel...

M. Lefebvre: C'est ça.

M. Camirand: Je pense qu on serait avantagé par rapport aux transporteurs étrangers. La conclusion va de soi.

M. Fortin: L'industrie manufacturière serait aussi avantagée, parce qu'une augmentation des primes d'assurance occasionnerait, pour le manufacturier québécois, une augmentation des coûts. C'est le danger que notre industrie manufacturière devienne moins compétitive. On l'a vu dans le cas d'une augmentation de tarifs proposée par le Québec pour les marchandises venant ou allant dans les Maritimes. Les provinces Maritimes se sont opposées à cette augmentation que le Québec voulait imposer, en disant que leur industrie manufacturière deviendrait moins compétitive.

On ressent un certain besoin de ce côté. On pense à nous, mais on pense aussi à celui qui en paiera la note.

M. Noreau: Pour répondre indirectement à votre question, si, après rencontre avec la régie, on s'aperçoit que la nouvelle tarification est inférieure, naturellement, qu'on va se réjouir de cette chose.

M. Lefebvre: Bien sûr, mais est-ce que ça va attirer des transporteurs ontariens à venir s'installer au Québec? A ce moment, vous allez avoir plus de concurrence.

M. Noreau: Non...

M. Fortin: Pas nécessairement, parce que c'est la régie qui détermine qui peut avoir des permis au Québec.

M. Noreau: Au Québec, l'accès est limité depuis 1936 dans le transport. Donc, pour venir exploiter au Québec, cela prend un permis.

M. Camirand: C'est la même chose dans toutes les provinces. Ce qu'on dit tout simplement, c'est qu'actuellement, il y a des subventions fédérales qui vont favoriser le transport de certaines marchandises et qui s'appliquent au camionnage aussi, dans les Maritimes, je ne me souviens pas du nom de la loi, qui passe la marchandise originale de l'autre côté de la rivière Chaudière et des provinces maritimes...

M. Noreau: Depuis Lévis.

M. Camirand: ...depuis Lévis. Si le gouvernement québécois, par l'incidence d'une loi comme celle-là, augmente ies coûts de transport, je pense que cela va à l'encontre de l'intérêt économique des Québécois, en général, peu importe si l'augmentation est forte ou petite. C'est un aspect important des coûts de la marchandise. On parle peut-être de 10% des coûts de la marchandise. Si on augmente cette portion importante, parce qu'il n'y a pas simplement l'augmentation des coûts de l'assurance automobile qu'on a à supporter cette année, il y a l'immatriculation qu'on a à supporter cette année, je pense qu'on devrait regarder cela avec une certaine attention pour ne pas risquer que les entreprises de transport du Québec deviennent... Ce n'est pas tellement les entreprises de transport qui vont en souffrir, sauf peut-être les problèmes avec les transporteurs étrangers, si on avait une augmentation de tarifs d'assurance. L'industrie manufacturière serait certainement désavantagée au Québec, si les coûts de transport sont plus élevés.

M. Lefebvre: Un autre point aussi, vous n'avez pas encore parlé des tracteurs loués.

M. Camirand: De tracteurs?

M. Lefebvre: Loués. J'aimerais bien que...

M. Noreau: Vous posez la question. Je vais vous dire en deux mots que le secteur de la location de véhicules est un secteur important au Québec et qu'il est de plus en plus important. Nous avons des recommandations à ce chapitre, mais dans un autre forme que celui-là, à formuler. D'accord? Maintenant, on peut dire que ce qu'on veut, en d'autres termes, c'est l'égalité des chan-

ces. Entre nous, transporteurs, un expéditeur, quand il commence à expédier la marchandise, a le choix. Il achète ses camions ou il prend des transporteurs publics. Il peut aussi louer ses camions. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait l'égalité des chances, c'est-à-dire qu'on soit placé dans un ordre, tant au niveau des assurances que de l'immatriculation que de la réglementation générale des transports, tel que le choix soit véritable entre les deux, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas des bénéfices cachés à prendre la location plutôt que le transporteur public. Je ne sais pas si les experts de la régie ont étudié ce problème, mais, actuellement, le secteur de location de véhicules au Québec est un secteur très important. C'est un problème très important dans le transport actuellement.

Le Président (M. Boucher): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Vous avez dit tout à l'heure que certaines compagnies étaient motivées envers la sécurité routière, en vue d'un abaissement de leurs primes. Est-ce que vous croyez, si les primes sont le moindrement standardisées, qu'il pourrait y avoir une certaine perte de la motivation à la sécurité routière chez les transporteurs publics?

M. Fortin: C'est quasiment sûr, c'est quasiment assuré. Si nos assureurs, présentement, déterminaient une prime uniforme, il n'y aurait pas de département de sécurité à l'intérieur des entreprises. Nous faisons le choix présentement entre un département de sécurité et une prime réduite ou pas de département de sécurité et une prime élevée. C'est obligatoire. Si la prime est uniforme pour tout le monde... Prenez les cas d'entreprises privées qui ont des flottes importantes, des flottes de 15 ou 20 unités. Elles ont habituellement, non pas notre plan basé sur les revenus, mais des primes du genre de l'assurance automobile. Vous avez tant d'unités, cela fait tant par unité, etc. Très peu de ces entreprises ont un service de sécurité. Elles se disent: Je paie assez cher, alors, lorsqu'il m'arrivera un pépin, la compagnie d'assurance sera là pour me couvrir. Je pense que c'est au détriment aussi de la population.

M. Saint-Germain: Avez-vous fait des études, en supposant que votre prime est perçue à l'achat de la plaque, avec le régime actuel qu'on étudie, et quel devrait être le coût moyen, puisque vous ne pouvez certainement pas donner le coût pour chaque flotte, mais quel serait le coût moyen qui devrait être versé pour équivaloir à peu près à la moyenne des primes que vous payez actuellement?

M. Fortin: Nous avons fait une étude basée sur 270 unités motorisées et 475 unités non motorisées, pour un total de 745 unités. D'accord? Si nous tenons pour acquis que la tarification sera de une fois et demie la voiture de promenade qui a été avancée à $110, si on retient 1 1/2% sur le total des unités, soit 745, ceci occasionnera une augmentation d'assurance de l'ordre de 25%.

Si l'assurance s'applique uniquement aux unités motorisées, soit 270, à 1 1/2 la voiture de promenade à $110, cela occasionnera une augmentation d'assurance de l'ordre de 6,15%. Si on continue, à deux fois la voiture de promenade, soit $220, et si on prend le total des unités, l'augmentation sera de l'ordre de 34,9%, et si on la prend uniquement sur les unités motorisées, l'augmentation est de 9,73%.

Si on en vient à trois fois le coût de la voiture de promenade, sur le total des unités, cette augmentation d'assurance équivaut à 54,62%. Si la tarification s'applique uniquement aux véhicules motorisées, soit 270, l'augmentation est de 16,88%. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Saint-Germain: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais juste apporter une remarque qui me vient à l'esprit. Je regarde à la page 17 du mémoire: on y fait mention que si la remorque est assimilée à une automobile, au sens du projet de loi, ceux qui ont moins de remorques, seraient favorisés et que cela pourrait avoir une incidence directe sur le nombre de remorques qu'une entreprise de transport désirerait mettre en circulation. Est-ce que cela veut dire que les transporteurs auraient plus de camions et moins de remorques?

M. Noreau: Non. Il y a une moyenne actuellement. Pour les unités qui tirent le tracteur, si on donne l'ensemble, la moyenne est de trois à un. L'incidence qu'il pourrait y avoir, c'est que le transporteur va être enclin, si la remorque est tarifiée pour les fins de l'assurance, à mettre le moins possible de remorques en circulation pour payer le moins possible d'assurance.

M. Fontaine: Cela ne veut pas dire qu'il y aurait plus de camions?

M. Fontaine: Pas nécessairement.

M. Noreau: Non parce qu'il n'y a jamais plus d'une remorque attachée à un tracteur.

M. Fortin: On peut expliquer brièvement pourquoi trois.

M. Fontaine: Je me demandais si cela aurait pour conséquence d'augmenter la consommation d'énergie.

M. Fortin: Pas nécessairement. Le rapport de trois est basé de la façon suivante: pendant que le tracteur tire une remorque, on suppose qu'il y a une remorque au chargement et une remorque au déchargement. D'accord. Alors le tracteur fonctionne toujours. Qu'est-ce qui va arriver? On va mettre deux remorques et le tracteur va attendre le déchargement, il va revenir, il va prendre l'autre, etc.

M. Noreau: Les temps d'attente vont être plus longs.

M. Fortin: II y a une autre précision que je voudrais apporter: les pourcentages que j'ai donnés à M. le député tiennent compte d'une réduction possible de nos assurances actuelles de l'ordre de 10%.

M. Saint-Germain: Parce que vous prévoyez actuellement une baisse?

M. Fortin: Nos assureurs nous ont dit oui, aux alentours de 12, se basant sur 1976. Nous avons fait une compilation d'un certain nombre de compagnies de transport pour les années 1972 à 1976. On se rend compte que, sur les indemnités et les réserves prises pour les blessures corporelles comme les décès, cela a été, pour ces cinq années en cause, de l'ordre de 9,11% des indemnités payées ou en réserve. Nos assureurs nous ont parlé de 12% pour 1976, puisque 1976 a été une mauvaise année pour eux et que 1974 a été une bonne année. C'est la raison pour laquelle nous avons fait certains calculs basés sur un certain nombre d'années. C'est la raison aussi pour laquelle nous avons opté pour 10%. Le pourcentage d'augmentation de tout à l'heure reflétait cette réduction de 10% de la part de nos assureurs.

M. Saint-Germain: Merci de vos explications. Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je pense que j'ai déjà dit que nous étions disponibles. C'est évident que les représentants de cet organisme le sont également. On va travailler ensemble à partir de maintenant.

Le Président (M. Boucher): Je remercie les représentants de l'Association des camionneurs du Québec. Je les félicite pour leur patience.

J'inviterais maintenant l'Association des marchands de motos du Québec, représentée par M. Raymond... Alors, M. Gref, vous avez la parole.

Association des marchands de motos du Québec

M. Vachon (Gilles): M. le Président, Mme le ministre, MM. les députés, le président de notre association, M. Raymond Gref, de Chicoutimi, est en voyage d'affaires en dehors du pays, un voyage qu'il n'a pu contremander. Il m'a donc demandé d'agir en son nom pour vous présenter les personnes qui ont été déléguées devant la commission parlementaire.

Mon nom est Gilles Vachon. Je suis vice-président de l'Association des marchands de motos du Québec. Mes compagnons sont M. Robert Noël, secrétaire; M. Michel Taillon, directeur de la région de Québec; M. Jean-Jacques Hébert, de Montréal; M. Jean Bertrand, directeur général et MM. Normand Martel et Réal Harvey, d'Alma. J'invite M. Bertrand à vous lire le mémoire de notre association.

M. Bertrand (Jean): M. le Président, Mme le ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire, suite à la publication du livre bleu, pour une réforme de l'assurance automobile, notre association a présenté un mémoire aux audiences publiques que le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières a tenues à travers la province.

Par la suite, une copie de ce mémoire a été adressée à tous les membres de l'Assemblée nationale. Nous tenons à remercier les ministres et les nombreux députés des deux côtés de la Chambre qui ont eu l'amabilité de nous écrire pour commenter nos doléances.

Notre association s'est déclarée fondamentalement d'accord avec le projet que Mme le ministre énonçait en avril dernier tout en pensant que les réformes qu'elle proposait restaient en deçà de nos besoins.

Depuis lors, nous avons lu attentivement le projet de loi no 67 et, après mûres réflexions, nous sommes au regret de vous déclarer que l'amélioration que les auteurs de ce projet veulent apporter au régime actuel de l'assurance automobile et, plus particulièrement au régime actuel de l'assurance des motocyclettes, ce souci d'amélioration se traduit pas des réformes louables mais insuffisantes.

Par exemple, dans notre mémoire, nous avons démontré que la majorité des motocyclistes étaient de jeunes adultes. Au terme du projet de loi no 67, compte tenu des barèmes des primes qui ont été partiellement dévoilés, il appert que le jeune adulte paiera des primes plus élevées, mais il recevra des compensations inférieures pour les sévices qu'il aura subis. Un handicap total qui survient à 20 ans n'est-il pas au moins aussi grave de conséquences, sur le plan pécuniaire et social, que si l'accidenté a 40 ou 50 ans?

Le fait que la prime d'assurance proposée par l'Etat variera selon l'âge et le sexe du conducteur, et que l'indemnité des victimes sera subordonnée à leur revenu, sur ce point précis, quelle amélioration, quelle réforme apporte-t-on au régime actuel?

Autre point. Nous avons souligné, dans notre premier mémoire, qu'un bon nombre de motocyclettes sont conçues pour être utilisées uniquement en dehors d'un chemin public. Communément appelées des moto hors-route, ce sont des moto-cross, des motos de "trail", etc., qui servent à la pratique de sports, de compétition.

Comme le projet de loi 67 ne fait nulle part mention spécifiquement de la moto, nous demandons que l'alinéa b) de l'article 17 soit modifié pour inclure les motos de type hors-route.

En ce qui a trait aux dommages matériels, notre association a tenté de sensibiliser les artisans du projet de réforme à la situation déplorable que subissent les motocyclistes.

Nous avons démontré qu'une seule compagnie offre un plan d'assurance pour motocyclettes au Québec; elle impose des restrictions nombreuses et ses primes sont trop élevées, avec le résultat que 85% des motocyclistes du Québec ne sont pas assurés, cependant que tous le sont en Onta-

rio, à des coûts moindres et pour une couverture supérieure.

Conséquemment, notre association a déclaré qu'elle seconderait avec force l'instauration d'un régime d'assurance obligatoire pour les dommages matériels, à condition que le gouvernement mette en place un système de contrôle sévère sur le taux des primes et qu'il facilite ou suscite l'obtention d'une police d'assurance pour tous les motocyclistes. Certes, nous savons qu'il existe un service des assurances au ministère des Consommateurs, l'Association pour la protection des motocyclistes, l'APM, y a référé de nombreux cas, mais les résultats de ces démarches sont lents à venir et le coût des primes exigées est aberrant.

Le projet de loi 67, en ce qui touche aux dommages matériels, n'apporte pas de correctif satisfaisant à la situation des motocyclistes.

En conséquence, nous prions les membres de la commission parlementaire d'apporter au projet actuel, les modifications que nous proposions dans notre mémoire, ou bien, à l'instar des législateurs américains, nous les prions d'exclure la motocyclette du régime proposé, comme elle est exclue dans toutes les législations existantes de caractère similaire.

Je dois ajouter ici que ce qui me paraît important aussi, c'est de comprendre le sens de la loi. Pour nous, elle n'est pas claire et, après avoir passé la journée ici devant vous et avoir entendu une galerie d'avocats assez compétents, il me semblait, elle n'est pas claire non plus à bien des égards. Or, nous avons affaire à des jeunes gens qui ont de 14 ans, dans le cas des cyclomoteurs, à 28 ans, et 51% des motocyclistes ont moins de 21 ans; 80% ont moins de 28 ans ou 28 ans et moins. On dit que 85% ne sont pas assurés. De plus, ils n'ont pas d'association. La plus grosse association qui existe compte 2000 membres et il y a 250 000 motocyclistes au Québec.

Vous avez eu une loi il n'y a pas longtemps qui s'appelait la loi 45, qui a été abrogée par une loi 13 et que, constamment, jusqu'à il y a un mois, nous avions encore à combattre, parce que les postes de police ne savaient pas que la loi n'existait plus et que certains bureaux d'immatriculation ne le savaient pas non plus; or la loi 45 a été votée en 1975. Si une loi n'est pas connue par les bureaux d'immatriculation et par les services de police de la province, je doute fort qu'on puisse pénétrer 250 000 motocyclistes avec la loi présente.

Il y a des choses du premier mémoire qui me paraissent importantes à résumer pour toute discussion qu'on va avoir. Il y a, on l'a dit, différents types de motos. Il y a les hors-routes qui constituent 30% des motos en usage. Il y a des motos à double vocation, qui sont également pour la route el pour le hors-route, ça comporte 25% des motos en usage; il y a des cyclomoteurs qu'on peut conduire à l'âge de 14 ans, sans permis de conduire, ça comprend 50 000 des motos, à toutes fins pratiques, parce qu'elles sont considérées comme telles ou elles sont considérées comme des véhicules automobiles.

Il y a donc lieu de s'interroger sur les définitions qu'on va voir dans cette loi. Pour ce qui est des assurances, on l'a dit, l'assurance qui existe pour nous n'a pas de chapitre b). C'est important. Elle n'assure pas bon nombre de motos de marques connues, telles que Harley-Davidson, BMW qui sont des marques très réputées. Elle n'assure pas une moto de 750 cc, si le conducteur a moins de 21 ans, et les primes, on l'a dit, sont trop élevées.

Comment cette loi va-t-elle changer tout ça? C'est ce qu'on a essayé de comprendre en la lisant.

Maintenant, nous avons à considérer aussi la question des accidents, parce que c'est très important puisque la majeure partie de la loi ici couvre surtout la question des blessures corporelles. Il faut savoir que pour les accidents de la route, 25% des accidents causent des mortalités ou des blessures. Mais dans le cas de la moto, il y a mortalité ou blessure dans 35% des cas. De plus, la situation des motocyclistes, c'est qu'ils constituent tout de même, eux et leur passager, 10% des mortalités du Québec sur la route et 8,4% des personnes blessées, alors qu'en forçant la note, on peut dire qu'on représente, y compris cyclomoteurs et toutes les motos qui ne peuvent pas être sur la route et qui sont dans les champs, on représente environ 6% du parc automobile.

Maintenant, une autre question. Je sais que cette loi est basée sur le principe de la non responsabilité. Mais nous vous signalons encore une fois que dans 72% des cas où il y a accident entre une moto et une automobile, c'est l'automobiie qui est responsable. Donc, ce n'est pas parce qu'on veut se sauver du "no fault", et c'était ça la base de toute notre théorie lorsque nous avons attendu avec impatience la sortie de cette loi, parce que nous croyons en votre loi. Nous sommes encore d'accord que la loi se justifie, mais, si vous voulez, on va regarder les articles qui nous inquiètent et vous allez comprendre pourquoi on ne peut pas être tout à fait d'accord avec ça.

Evidemment, on arrive d'abord à l'article 1, qui parle de définir une automobile. C'est une vieille pratique au Québec, et peut-être ailleurs, mais surtout ici, d'englober dans un mot un tas de concepts qui n'ont vraiment aucun rapport. Alors, le ministère des Transports a toujours parlé de véhicules automobiles, que ce soit pour une... Dès que cela avait un moteur, que ce soit un tracteur de ferme ou un autobus, c'était une automobile. Cela allait bien jusqu'au moment où on arrive à établir des normes de vitesse et tout ce que vous voudrez. Là, on ne se comprend plus du tout. C'est tellement vrai qu'il y a quelques années — je veux vous dire ça pour vous faire rire un peu — on voulait avoir des ceintures de sécurité sur les mo-toneiges, parce qu'on devait en mettre une sur une automobile et qu'une motoneige, c'était une automobile. On a voulu mettre des roll-bars sur une moto, parce qu'il y en a dans ies automobiles. Ce sont des trucs comme ça, voyez-vous, qui font qu'il faut être un peu pius clair quand on parle d'un objet qui s'appelle un véhicule automobile ou

un véhicule routier. Donc, le mot automobile ne peut pas nous suffire, et les mots "chemins publics" ne peuvent pas nous suffire non plus dans ces définitions telles quelles. Pour l'automobile, il va falloir absolument qu'on dise si elle est, oui ou non, conforme à la nouvelle loi — la loi 13 — qui modifie enfin le code de la route et qui nous apporte enfin une définition d'une moto. C'est la première fois que je la vois, d'ailleurs. Cela date de 1976.

On définit enfin une moto. On dit: Une moto, c'est quelque chose qui est muni d'un moteur d'une cylindrée supérieure à 50 centimètres cubes, dont la puissance permet d'atteindre en palier une vitesse supérieure à 28 milles à l'heure, lorsqu'elle est montée par une personne d'un poids de 130 livres. Cela, c'est une moto. Ce n'est pas encore très élégant, mais, enfin, on sait maintenant ce qu'est une moto.

Maintenant, ce qui n'est pas une moto, mais qui est un cyclomoteur, c'est une bicyclette motorisée, qui n'est pas visée par la moto, qui ne pèse pas plus de 120 livres, qui est munie d'un pédalier nécessaire pour la faire démarrer et pouvant être actionné en tout temps pour assister le moteur, et qui est équipée d'une transmission automatique.

Maintenant, ça ne suffisait pas, naturellement, parce qu'il y a d'autres genres. Le gouvernement, enfin, le ministère s'est laissé une porte de sortie et a dit: Maintenant, tout véhicule qui n'est pas une moto et qui n'est pas un cyclomoteur, on va l'immatriculer selon le bon vouloir des règlements adoptés par le lieutenant-gouverneur en conseil et on a sauvé la face. On a donc réglé le cas, sur 250 000 motos en usage — parce que là, je prends tous les deux-roues motorisés — on a donc réglé le cas de 40 000 cyclomoteurs effectivement. On a réglé le cas d'environ 120 000 motos. Cela nous en fait 180 000.

Il y a 70 000 motos qui se cherchent un nom, encore aujourd'hui. Nous avons évidemment une loi. Donc, il va falloir arriver à des définitions une fois pour toutes.

Ce qui m'inquière... Passons à l'article 17. L'article 17 dit: Un accident qui n'est pas survenu sur un chemin public, et encore là, la définition de chemin public, je voudrais savoir ce que c'est, parce que je me rapporte au Code de la route qui considère qu'une motoneige, quand elle circule dans un sentier, est sur un chemin public, par le règlement 7, qui concerne précisément les moto-neiges. Elle est sur un chemin public, selon le règlement 7 qui concerne la motoneige.

Mais nous sommes dans la moto. J'ai changé de... L'article 17 dit: Si vous n'êtes pas sur un chemin public, vous n'êtes pas couvert par cette indemnité. Mais il faut regarder cet article en fonction de deux articles. L'article 74 qui dit que le propriétaire de toute automobile circulant au Québec doit détenir, suivant la fonction II du présent chapitre, un contrat d'assurance de responsabilité garantissant les dommages matériels. Donc, circulant au Québec, cela ne veut pas dire circulant sur les rues ou sur les chemins publics du Québec, c'est circuler au Québec.

Si c'est une automobile, donc une motoneige, donc une moto, donc, un cyclomoteur, donc, ce que vous voudrez, il faut qu'il s'assure; mais vous pouvez être sûr d'une chose, du moins concernant l'article 128, parce qu'on retourne à cela, c'est qu'il doit s'assurer. Mais il n'y a pas d'indemnité pour lui, dans le cas des dommages corporels, puisque l'article 128 l'oblige à s'assurer.

L'article 128 prévoit bien qu'il faut s'assurer, puisqu'il dit que: "la victime d'un dommage matériel, ainsi que, nonobstant l'article 4, la victime d'un dommage corporel visé dans le paragraphe b) de l'article 17, qui a droit au paiement d'une indemnité en vertu de la présente loi, peut exiger le paiement de l'indemnité pour un dommage excédant $250, du Fonds... etc., si le propriétaire de l'automobile est inconnu, si le propriétaire d'une moto — on s'en doute — n'est pas assuré ou n'est pas assuré suffisamment ".

Cela veut donc dire, pour moi, à moins que je ne me trompe, qu'au paragraphe 17, je ne suis pas assuré, parce que je ne suis pas sur un chemin public; s'il y a une victime, je dois être assuré pareil. Mais je n'ai pas droit aux dommages.

Moi, je ne comprends pas cet article. Alors si moi, je ne le comprends pas, je me demande si 250 000 motocyclistes vont le comprendre. Je ne comprends pas non plus pourquoi le dommage matériel — j'y reviens encore — doit être couvert, par obligation. Par ailleurs, on dit, à un autre article, l'article 74, je crois: II doit être couvert parce qu'il circule au Québec. Par ailleurs, on dit, dans l'article 17, que lorsqu'il s'agit d'un véhicule destiné à être utilisé en dehors d'un chemin public — on vient de vous citer le cas des hors route, qui sont des véhicules pour fins d'hors route, qui sont des véhicules qu'on décrit là — ce que je veux savoir, c'est parmi les 250 000 motos, est-ce qu'il y en a qui n'auront pas besoin de s'assurer, ou s'ils doivent tous s'assurer, pour dommages corporels et dommages matériels? Par ailleurs, vont-ils tous jouir du bénéfice de la couverture ou ne vont-ils pas en jouir, selon qu'ils sont tantôt sur la route ou tantôt hors route?

Je vais vous signaler que dans le cas de la motoneige qui est exclu, il n'y a pas une sacrée motoneige au Québec qui ne traverse pas un chemin public. S'il y a un accident entre une motoneige et une automobile, par exemple, lorsqu'elle est sur le chemin public, qu'est-ce qui arrive dans ce cas-là? C'est le cas des hors route également.

Pour moi, cela n'est pas clair. On va continuer, je ne tiens pas précisément à avoir des réponses tout de suite. Mais je vais vous expliquer pourquoi on n'est pas tout à fait sûr de la situation.

Il y a la question des indemnités. Quant à moi, cela relève de la compagnie d'assurance qui va peut-être vouloir nous assurer un jour. Mais c'est cette clause qui me fatigue, strictement à titre d'expérience personnelle, qu'une victime de vingt ans va toucher le salaire qu'elle gagne quand elle a l'accident, sauf si elle est assise sur un banc d'école, parce que là, elle peut devenir un docteur, un je ne sais pas quoi.

Or, quand on pense qu'il y a un certain nombre de chefs d'entreprise, d'artistes, de commerçants qui, à 20 ans, n'étaient pas sur les bancs d'école et qui ont fort bien réussi dans la vie, je me demande s'il n'y a pas un peu d'élitisme là-dedans. C'est une question que je me pose, et je ne sais pas ce qu'en pense l'Assemblée.

Le Barreau a souligné plusieurs articles qui, effectivement, quand on les relit, nous disent qu'il y a des problèmes. Enfin, nous ne sommes pas en mesure, avec le temps qui passe, de vraiment aller au fond de chacun de ces articles. On ne les a, d'ailleurs, pas compris de la même façon que le Barreau. Comme on pense que le Barreau comprend mieux que nous, on va les réétudier. On doit le présumer, ils étaient nombreux. Il y a ces questions de montants obligatoires minimum de responsabilité de $50 000. Pardon?

Mme Payette: Vous faites de l'élitisme aussi?

M. Bertrand (Jean): Je fais de l'élitisme, mais à rebours. Donc, il y a une prime obligatoire de $50 000. On n'est pas capable d'obtenir $35 000 dans le contexte actuel des assurances. Je parle pour les dommages matériels, je ne m'occupe pas des... Il va falloir qu'on prenne, nous, une assurance de $50 000. On ne peut pas trouver $35 000. Je comprends que cela comprend le matériel, corporel, etc., mais il va falloir trouver $50 000. Le problème n'est pas réglé pour nous.

L'attestation d'assurance et l'attestation de solvabilité...

Mme Payette: Vous n'avez pas lu qu'il est question d'un centre de distribution des risques et qu'à ce moment, nous devenons responsables, du fait que vous trouviez de l'assurance?

M. Bertrand: Oui, madame, on va y arriver, à cela. Le paragraphe 86: "Une automobile ne peut être immatriculée, à moins que ne soit fournie au directeur une déclaration du propriétaire", etc. Cela veut donc dire que, quant à l'immatriculation et au permis de conduire, il faudrait que Je gars fasse la preuve qu'il est assuré, à ce moment, pour pouvoir avoir sa plaque d'assurance, pour avoir sa plaque d'automobile ou de... Cela s'applique à toute l'immatriculation. Encore une fois, on veut savoir si une moto servant hors-route doit être couverte pour blessures corporelles, puisque la victime ne peut pas être garantie de paiements par... Est-ce qu'elle doit se couvrir pour les blessures corporelles si elle est automatiquement rejetée de ce plan? Au paragraphe 88, on dit que l'assureur émet une attestation d'assurance dans les 21 jours. Il faut se rappeler que la moto sert, selon les régions, de six à trois mois. 21 jours, cela vous prend une partie de votre temps d'usage de votre moto, mais enfin... Vous ne pouvez pas aller plus vite, mais enfin, c'est comme cela.

La question de responsabilité civile est vraiment importante pour moi, parce qu'au paragraphe 97, article 3, lors de l'accident survenu en dehors d'un chemin public, l'automobile était en possession d'un garagiste ou d'un tiers pour remi- sage, réparations ou transport. C'est là, je crois, qu'effectivement, il va falloir, dans tous les cas, même si nous sommes sur la route, dans le cas des hors-routes, qu'on soit couvert par une police d'assurance. Cela me paraît évident. La personne en possession de l'automobile, toujours en moto et donc hors-route, est responsable comme si elle en était le propriétaire dans les cas visés dans les paragraphes 2 et 3. La responsabilité du propriétaire s'applique même au-delà du montant d'assurance obligatoire minimum. L'assureur est directement responsable envers la victime du paiement d'indemnité, etc.

J'arrive à la question justement du fonds d'indemnisation qui va être créé. La victime d'un dommage matériel, on l'a dit tout à l'heure au paragraphe 2... On va arriver à la création d'une corporation d'assureurs autorisés, constitués. Ces assureurs, ce groupe, la corporation doit établir un mécanisme propre à permettre à tout propriétaire d'une automobile de trouver un assureur autorisé auprès de qui il peut contracter l'assurance de responsabilité prévue à l'article 74.

Les expériences qu'on vit, présentement, dans le domaine de l'assurance pour dommages matériels sont qu'on ne peut pas les obtenir ou qu'on les obtient à des primes complètement farfelues. Alors, un groupe d'assureurs, dans une corporation, alors que présentement ils n'assurent — toutes les compagnies, sauf une — que s'ils sont forcés de le faire par le service des assurances du Québec, un seul nous assure, sans y être forcé et pas toujours? Est-ce que ça ne va pas prendre pas mal de temps à obtenir cette assurance et quelles primes va-t-on payer? Il n'y a rien qui dise ça.

Enfin, vous avez ici une question, pour moi, très importante qui dit, en somme, et c'est ça que je veux comprendre, parce que c'est toute la clé de mon affaire: Est-ce que, maintenant, toutes les motos vont devoir être assurées, pour les dommages corporels, les dommages matériels? Mais, lorsqu'on les utilisera hors route, les conducteurs ne seront pas couverts, ils seront tenus responsables, par exemple, par le régime, ils seront tenus responsables quand même des accidents qui surviendront hors route, tant au point de vue corporel qu'au point de vue dommages matériels. Ma question est donc la suivante: Les motos hors route, qu'est-ce qu'on en fait? Quelle garantie allons-nous avoir que nos taux vont être raisonnables? Je ne vois rien, dans toute cette loi, qui réponde aux questions qu'on a posées.

Pour le cas des cyclomoteurs, je veux vous signaler, encore une fois, que la loi prévoit que l'enfant de 14 ans peut conduire un cyclomoteur. Pour corriger cette loi, va-t-on dire que, maintenant, il ne peut plus en conduire? Je ne sais plus où on en est dans cette affaire. C'est pourquoi je pense que peut-être qu'on n'a pas un très gros "lobby" et qu'on n'a pas assez d'avocats. Peut-être qu'on l'a fait de façon un peu trop quétaine, notre affaire, peut-être qu'on n'a pas pris les dispositions qu'il fallait. Mais il n'en reste pas moins que nous sommes au mois d'octobre, que les motos se vendent à compter de mars et qu'il faut les commander avant décembre. Nous sommes dans la situa-

tion de nous demander ce qu'on fait le printemps prochain. Est-ce qu'on vend encore de la moto ou si on attend de comprendre ça, qu'on attend que ce soit compris par les acheteurs? Nous sommes bloqués présentement et on n'a vraiment rien compris à votre loi.

Ce sont les questions que je me pose sur cette loi et j'ai à côté de moi des experts, ce sont tous des marchands, c'est la seule expertise qu'on a et on voudrait savoir ce qu'on peut expliquer à nos clients.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je n'aurai probablement pas toutes les réponses, parce qu'il y a beaucoup de questions et il y en a qui ont été répétées à plusieurs reprises. Je vais essayer de donner les réponses qui sont disponibles. Si j'osais, je pense que je ferais un voeu, qu'il y ait moins de motos qu'il y en a actuellement. Vous comprendrez ma préoccupation. Vous avez mentionné que le taux d'accidents est extrêmement élevé, que les mortalités et les blessures corporelles, c'est dans 85% des cas d'accidents, et cela me paraît extrêmement grave. Surtout qu'il ne semble pas, jusqu'à maintenant, à ma connaissance, qu'il y ait eu de la recherche au point de vue de la sécurité du conoucteur de moto comme il y en a présentement, en tout cas largement, aux Etats-Unis quant à la protection d'un conducteur de voiture.

Avec tout le respect que j'ai pour le métier que vous exercez, pour ma part, je suis obligée de vous avouer que je souhaite que mes enfants n'aient pas de moto. Chacun, ensuite, fera ce qu'il voudra, mais on ne peut pas rester insensible, je pense, au nombre d'accidents et à tout ce que ça peut avoir comme résultat.

La moto nous a en effet posé un problème...

M. Bertrand (Jean): Vous me permettrez, Madame, sur ce point, de ne pas vouloir accepter d'être culpabilisé, parce que nous sommes en moto plutôt qu'à pied, à cheval ou en voiture. Nous avons tous fait de la moto ici, nous sommes tous vivants. Les accidents de moto, on l'a dit, sont à 70%, la faute d'un autre. Ce n'est pas la faute du gars qui est sur sa moto, si le gars qui le heurte le heurte parce qu'il ne l'a pas vu ou parce que les automobilistes prétendent que les routes du Québec leur appartiennent à eux seuls. Les gens qui se promènent à bicyclette à Montréal s'en plaignent tout autant et il y a des piétons qui n'ont pas le droit de traverser une rue, tandis qu'à Toronto, on peut le faire sans être écrasé.

Mme Payette: Vous conviendrez...

M. Bertrand (Jean): Je n'aime pas beaucoup, Mme le ministre, qu'on culpabilise — c'est la deuxième fois que vous le faites— les motocyclistes.

Mme Payette: II n'est question ni de culpabiliser les motocyclistes, ni les marchands de motos. Il est question tout simplement de se rendre à une évidence: ce moyen de transport n'offre pas beau- coup de sécurité, que le motocycliste soit responsable ou que ce soit quelqu'un d'autre. Si on ne le voit pas — cela arrive, hélas — peut-être bien qu'il faudrait activer les recherches dans le domaine de la sécurité sur une moto. Cela, je ne pense pas qu'on puisse reprocher non plus à quelqu'un de s'inquiéter de cette situation.

M. Bertrand (Jean): Là-dessus, madame, les services de sécurité ou les recherches de sécurité sont conduites par notre association depuis cinq ans, quatre ans exactement, de concert avec le Conseil canadien de la sécurité, et tout serait en place présentement au Québec pour donner des cours obligatoires. Cela vient encore d'être remis d'une année, au Québec, les cours de sécurité obligatoires dans la moto. Ce n'est tout de même pas ma responsabilité, mais je vous dis que nous avons payé pour ces cours. Nous avons contribué à faire ces cours et nous étions prêts à y donner notre support, mais, malheureusement, les mécanismes ne sont pas encore en place au Québec. Ils sont en place depuis deux ans en Ontario et il y a beaucoup moins d'accidents en Ontario qu'au Québec.

Mme Payette: Je vais vous avouer que les motos nous ont créé un problème, effectivement, au niveau de l'évaluation de la moto comme véhicule moteur. Jusqu'à maintenant, nous croyons que nous devons, d'abord et avant tout, dans ce projet de loi, nous préoccuper des véhicules qui circulent sur des chemins publics. Ce qui se passe aussi bien, d'ailleurs, avec les motocyclettes que les motoneiges, qu'on retrouve dans les champs à travers le Québec, nous apparaît être beaucoup plus un sport, si vous voulez, ou l'exercice d'un loisir que du transport, c'est-à-dire qu'on se véhicule d'un endroit à l'autre. Jusqu'à maintenant, nous continuons d'évaluer de cette façon la motocyclette.

Ce qui est prévu, cependant, c'est qu'effectivement, des motocyclettes qui sont parfois en dehors des chemins publics ont à traverser un chemin public et redeviennent couvertes lorsqu'elles traversent le chemin public, aussi bien que les motoneiges. Nous allons continuer d'étudier cette question, mais je ne pense pas que je puisse vous dire ce soir que nous changerons d'opinion sur le sujet. Nous avons beaucoup travaillé sur cette question. Elle ne nous facilite pas la tâche, comme vous le constatez.

Il y a des choses que vous affirmez cependant, dans votre mémoire, que je me permettrai de corriger, quand vous faites allusion au fait que les hypothèses de tarification qui ont été émises jusqu'à maintenant tenaient compte de l'âge et du sexe de la personne. Je ne pense pas que cela ait été le cas. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas retenu ces...

M. Bertrand (Jean): Sauf pour le permis de conduire. Pas le sexe. Je n'ai pas parlé du sexe, je crois. Si le sexe s'est glissé là-dedans, madame, je m'en excuse.

Mme Payette: Oui, je le trouve...

M. Bertrand (Jean): Mais certainement l'âge.

Mme Payette: ...en page 2 de votre mémoire justement.

M. Bertrand (Jean): Si le sexe y est, il ne devrait pas être là.

M. Roy: On n'a rien contre ça.

M. Bertrand (Jean): Mais il y a une différence de tarif selon l'âge, pour ce qui est du permis de conduire, je crois.

Mme Payette: C'était parmi les hypothèses qui étaient avancées effectivement, qu'il y ait une différence de tarif sur le permis de conduire. Pour le reste de vos questions, vous avez fait allusion à l'article 17, je prends note des remarques que vous avez faites, et vous avez beaucoup insisté sur la situation des motocyclistes qui, effectivement, ne trouvent pas d'assurance au Québec. Il y a une seule compagnie qui offre de l'assurance, avec une prime qui est extrêmement élevée. Je pense qu'il faut comprendre, à ce moment-là, les assureurs, qui sont venus nous dire que plus les risques sont grands, plus ils justifient des primes élevées. On ne peut pas prétendre que les motocyclistes ne représentent pas un risque élevé après tout ce que vous nous avez dit. D'autre part, il y a une autre situation aussi qui nous est connue. C'est la question des vols des motocyclettes au Québec par rapport à l'Ontario, puisque vous avec choisi de comparer votre situation à celle de l'Ontario. Cette hausse vertigineuse des vols semble être une raison également pour les assureurs de réclamer les prix qu'ils réclament pour les assurances.

Je peux cependant vous assurer qu'avec le centre de distribution des risques, il sera de notre devoir de faire en sorte que les motocyclistes puissent trouver de l'assurance et que le tarif qu'ils auront à payer pour cette assurance, la prime qu'ils auront à débourser, soit juste et équitable par rapport aux risques qu'ils représentent. Si ce risque est grand, la prime continuera probablement d'être élevée. Je pense que, malgré la surveillance que nous avons l'intention d'exercer, il faut reconnaître que le risque est grand, si bien que nous verrons à ce que le service rendu par la compagnie d'assurance soit le service juste pour la prime payée. Mais il sera très certainement difficile d'arriver à une prime beaucoup plus basse que celle dont il est question maintenant. Je parle ià des dommages matériels.

M. Bertrand (Jean): Madame, est-ce que j'ai bien compris? C'est cela qui est important et je veux bien comprendre une chose. Toute moto, tout cyclomoteur ou autre, doit être assuré pour être immatriculé, tant pour dommages corporels auprès de la régie et dommages matériels, à l'extérieur, pour $50 000?

Mme Payette: En ce qui concerne les motos, avec la définition que vous en avez donnée tout à l'heure, l'assurance pour dommages à autrui, est obligatoire. Nous devrons donc faire en sorte qu'elle soit disponible.

M. Bertrand (Jean): Oui.

Mme Payette: Cela devient notre responsabilité. Vous devrez donc faire la preuve, étant propriétaire d'une moto, que vous disposez de cette assurance, avant d'obtenir l'immatriculation.

M. Bertrand (Jean): Oui.

Mme Payette: Nous ne pouvons pas pour linstant dire la même chose de ce que vous appelez les vélomoteurs. Notre définition est moins précise que celle que vous avez donnée et nous hésitons à considérer un vélomoteur comme un véhicule-automobile. Nous en sommes encore à évaluer le vélomoteur et nous ne savons pas si nous pouvons l'inclure en exigeant l'immatriculation. C'est encore à l'étude.

M. Bertrand (Jean): Pour que je comprenne bien, prenons la motoneige. Est-ce qu'elle doit avoir une assurance? En somme, est-ce quelle doit être assurée pour les dommages corporels? Est-ce qu'elle doit être assurée ou non? Cela dit bien...

Mme Payette: La motoneige qui circule sur route, c'est quand même assez rare au Québec, sauf dans le Grand-Nord.

M. Bertrand (Jean): Oui.

Mme Payette: Dans le Grand-Nord, apparemment, on tolère. Dans le Grand-Nord, si une motoneige circule sur un chemin public, elle devra être immatriculée et, servant de véhicule habituel, elle devra se conformer à la loi.

Dans nos régions, les motoneiges n'ont pas le droit de circuler sur les chemins publics. Elles traversent parfois, les chemins publics. Elles seront donc couvertes au moment où elles traversent les chemins publics, mais pas quand elles sont dans les champs.

M. Fontaine: Mais elles doivent être immatriculées, par exemple?

Mme Payette: Oui. A ce moment, la prime sera calculée pour l'utilisation minime du chemin public qui est faite. Même chose pour la moto, si cette moto ne sert qu'hors du chemin public.

M. Bertrand (Jean): Donc, il y aura une prime partielle pour dommages corporels, dans le cas des motos ou des motoneiges?

Mme Payette: Si la moto est utilisée exclusivement en dehors du chemin public et ne sert qu'à traverser des chemins publics, il y aura une prime spéciale.

M. Bertrand (Jean): La motoneige sera dans la même situation?

Mme Payette: La motoneige, la même chose.

M. Bertrand (Jean): De toute façon, comme vous le disiez, la motoneige est exclue de l'immatriculation à compter d'un certain parallèle...

Mme Payette: C'est cela.

M. Bertrand (Jean): Elle se tient sur les routes, oui... D'accord. Donc, on est dans le cas où...

Mme Payette: II faudrait être prudent, cependant, et ne pas retrouver des motos sur le chemin public, alors qu'elles ne sont couvertes que pour traverser le chemin public.

M. Bertrand (Jean): L'ennui, madame, c'est que cela, il va falloir que le ministère des Transports arrive à accepter une conclusion, celle de ne pas immatriculer sans discrimination n'importe quoi sous la même étiquette. Si vous prenez la même plaque et que vous pouvez vous en servir, sur la route et hors route, ni le policier ni moi ne savons de quelle moto il s'agit. C'est un problème présentement.

Mme Payette: C'est exact.

M. Bertrand (Jean): D'ailleurs, on a tenté d'obtenir une nouvelle immatriculation. Jack, pourrais-tu... Je vais demander à M. Hébert de continuer.

M. Hébert (Jean-Jacques): M. ie Président, Mme le ministre, j'aimerais souligner quelques points qui pourraient nous donner une meilleure perspective de la chose.

Premièrement c'est tout à fait normal, Mme le ministre, de vous entendre dire que, vos enfants, vous préféreriez les voir en automobile qu'en motocyclette. C'est une réaction tout à fait normale. J'aimerais vous mentionner une chose. Personne n'a fait d'étude dernièrement sur la comparaison, chez les jeunes, entre accidents de motocyclette et accidents d'automobile. La compagnie All State avait fait une étude de ce genre en 1966 ou en 1967 dans l'Etat de New-York. Elle a pris spécialement les conducteurs de 18 à 21 ans pour comparer le nombre d'accidents de ses assurés. Elle assurait la moto à New-York dans le temps. Les conclusions étaient très surprenantes, parce que ie jeune de 18 à 21 ans, de nature, a le sang chaud, et de nature, va prendre des chances que vous ne prendriez pas... Vous savez que dans les statistiques automobiles, nous sommes tous groupés; toutes nos statistiques de bonne conduite, autant que celles des 18 à 21 ans, sont groupées ensemble. Cela aide à peindre un portrait plus rose pour l'automobile qui existe pour les jeunes de 18 à 21 ans. On parlait de sécurité. Le port du casque protecteur, que l'association avait recommandé ici même, au gouvernement, il y a très longtemps, en 1966, et qui a finalement été implanté en 1973, apporte beaucoup de sécurité; on voit déjà des résultats depuis ce temps.

L'autre point: c'est seulement depuis très récemment que les motos doivent circuler en tout temps, même le jour, les phares allumés pour leur donner une meilleure visibilité. On n'a pas encore vu, dans les statistiques, les résultats de ces choses, mais je peux vous dire que, de nos clients qui en ont parlé, on réalise que l'incidence des accidents de motocyclettes semble être sensiblement diminuée pour la simple raison qu'une moto, de front, est très peu visible. Avec un phare allumé, elle devient très visible. Si je reviens sur la raison pour laquelle il y a seulement une compagnie d'assurance qui, volontairement, assurait les motocyclistes, il faut regarder un peu en arrière et voir ce qui s'était passé. Les pertes ont été assez substantielles, mais si on examine les statistiques, elles vont vous dire qu'elles étaient sur la couverture de vols, parce que, par nature, une moto n'a pas de portes, elle ne se barre pas. Il y a eu une époque où le verrouillage et le démarreur étaient très faciles à manipuler. Il y a eu énormément de pertes du côté vol, ce qui, on peut dire, a écoeuré les compagnies d'assurance. Elles se sont dit: On ne peut pas toucher à ce marché. Si on revient à un autre point que j'aimerais souligner, c'est que la corporation qui va être établie... Je vous comprends bien, l'idée est excellente de pouvoir offrir la prime de dommages matériels de $50 000 à tous les motocyclistes qui en ont besoin. Du point de vue des taux, je n'ai pas tellement peur de cela, parce que je crois que les compagnies vont en venir à la conclusion qu'une moto, c'est plus léger qu'une automobile et que cela peut causer très peu de dommages matériels aux autres. Ce n'est pas comme une automobile qui pèse 4000 ou 4500 livres. En plus de cela, il faut se souvenir que les motos ne circulent pas durant les mois de novembre jusqu'au début d'avril, pendant lesquels vous êtes le plus sujet à voir de la glace ou des feuilles tombantes. Ce n'est pas ce point qui m'inquiète. Je crois que les compagnies d'assurance qui vont faire une analyse, vont réaliser que, réellement c'est un risque très minime. Je crois qu'éventuellement, si ce n'est pas au tout début, on va avoir plusieurs compagnies qui vont vouloir entrer dans le marché du Québec. Je crois qu'on n'aura aucun problème avec ces taux. Ce dont je me soucie, ce serait le délai que les clients pourraient avoir des compagnies, parce que les expériences du passé nous démontrent que les compagnies d'assurance, généralement, ne semblent pas être très en amour avec la jeunesse de 18 à 25 ans, que ce soit en automobile... Vous savez, une automobile coûte très cher à assurer quand vous êtes en bas de 25 ans.

On dirait que les compagnies d'assurance cherchent plutôt les propriétaires d'une maison qui peuvent leur donner leur paquet d'assurances. Ils m'ont même dit que, souvent, les primes ne les intéressaient pas, pour la prime normale exigée, la commission étant trop petite.

J'ai trop peur, avec l'expérience du passé, de voir ces compagnies privées, qui vont être sensiblement les membres de la corporation, exclure la

nôtre. Elles pourraient arriver avec des délais que les jeunes pourraient trouver excessifs. On peut se servir d'une moto, au maximum six mois de l'année. S'il y a attente souvent, ce sont des jeunes, des étudiants, des ouvriers qui ont besoin de leur moto comme moyen de déplacement économique.

Mme Payette: M. le Président, si on veut me permettre une explication, d'une part, il y a des raisons de se réjouir parce qu'il y a deux compagnies d'assurance qui nous ont affirmé hier qu'en 1977, elles faisaient de l'assurance automobile et n'exigeaient plus ce qu'on a appelé le "package deal", maison, incendie et tout ce qui vient nécessairement avec cela. Il s'agit des Prévoyants et de la Royale. Comme on nous l'a affirmé en commission parlementaire, je pense qu'on peut penser que c'est vrai.

Au delà de cela, je crois que vous confondez la Corporation des assureurs qui est prévue dans le projet de loi et un centre de distribution des risques. Le centre de distribution des risques permet au gouvernement de distribuer entre les compagnies les risques que représentent, dans le cas de la moto, les motocyclistes. A ce moment, chacun devra prendre le nombre d'assurance de motocyclistes au prorata des affaires qu'il fait au Québec, par exemple. C'est la façon dont fonctionne un centre de distribution des risques.

M. Hébert: Peut-on prévoir un délai assez raisonnable pour l'obtention de...

Mme Payette: Comme on sait que les motos sont sur les routes, habituellement, à partir d'avril — c'est le mois où on les voit apparaître — en principe, cela devrait être prêt pour qu'on puisse confirmer qu'on détient son assurance et qu'on puisse obtenir sa plaque d'immatriculation

M. Hébert: Ce point me tracassait, parce que les motos sortent en grand nombre au mois d'avril. Ce sont des fleurs de printemps. Ce sont des types qui serrent leurs motos et qui travaillent peut-être...

Mme Payette: Et cela tombe comme des feuilles d'automne.

Une Voix: M. Harvey, d'Alma.

M. Harvey (Réal): Juste quelques mots, Mme le ministre et messieurs les membres. Vous avez mentionné tout à l'heure que vous espériez que les ventes de motos n'augmentent pas dans la province. On pourrait peut-être vous apprendre qu'en 1976, dans la province de Québec, il ne s'est vendu que 19 000 motos par rapport à l'ensemble du pays où il s'en est vendu 77 000. Les ventes, depuis 1972, ont continuellement décliné, à un rythme qu'on pourrait appeler effarant, parce qu'elles sont coupées de moitié, au moment où on se parle, depuis 1972.

La difficulté principale, le drame du motocycliste, actuellement — Mme le ministre, vous l'avez résumé — il ne fallait pas s'attendre que les motocyclistes bénéficient de primes acceptables, qu'il reste possible, pour qu'ils puissent s'assurer, que, dans l'avenir, la prime soit élevée ou au niveau de ce qu'elle était l'an passé.

Mme Payette: Ce n'est pas exactement ce que j'ai dit. J'ai dit que nous pouvions nous assurer, par le pouvoir que nous avons donné au surintendant des assurances, une surveillance quant à la sécurité offerte par une assurance par rapport aux risques encourus. Il est évident que le risque encouru est plus grand que pour un autre véhicule. A ce moment, il faut s'attendre à une prime plus élevée. Elle a peut-être été trop élevée jusqu'à maintenant. Ce sera le rôle du surintendant de faire qu'elle soit l'équivalent du risque couvert.

M. Harvey: II faut également noter, Mme le ministre, que, sur les 250 000 motocyclettes qui circulent dans la province, il n'y en a que 35 000 assurées pour dommages à autrui. Si on ne peut réussir à diminuer sensiblement le coût de l'assurance et que, par surcroît, on leur impose l'obligation de s'assurer, on va atteindre l'objectif d'une remarquable diminution des ventes.

Mme Payette: M. le Président, hélas, et j'ai été obligée de le dire, ce n'est pas facile à dire, mais hélas, si on n'a pas les moyens de payer une assurance pour les dommages à autrui, comme cotte assurance sera obligatoire, certaines personnes devront peut-être se départir de leur véhicule automobile et peut-être que certains motocyclistes devront se départir de leur moto. Cela n'est pas facile, mais c'est un choix qu'il faut faire si on veut rendre l'assurance obligatoire.

M. Harvey: C'est ce que nous croyons également nous aussi.

Mme Payette: Si on rappelle le cas des 200 000 et plus qui ne sont pas assurés actuellement, il se pourrait qu'il y en ait quelques centaines ou quelques milles qui renoncent au plaisir de conduire une moto.

M. Bertrand (Jean): Mme le ministre, encore une fois, nous reprenons... on supprime le "no fault", on supprime la responsabilité. On vous dit que si nous étions hors de ce contexte, ce serait plus facile pour nous, étant donné que dans 72% des cas, on n'est pas responsable. Si on était dans un marché libre, on pourrait probablement obtenir des primes, compte tenu que tout le monde serait assuré. Parce qu'un des problèmes qu'on a au Québec, c'est que le gars qu'on frappe, est-ce qu'il a une assurance, lui? Il y a tout de même 20% des automobiles qui nous frappent qui ne sont pas assurées.

Mme Payette: L'assurance étant obligatoire, ces 20% seront assurés.

M. Bertrand (Jean): Donc, à ce moment-là, si nous sommes hors du régime, totalement hors du régime, notre prime peut devenir moins chère

dans des compagnies privées, étant donné que tous les gens qui nous frappent sont aussi assurés ou couverts. Et on s'en trouvera, nous autres, des primes, à ce moment-là, parce qu'encore une fois, nous sommes bien d'accord pour nous enlever le souci de responsabilité dans le cas des blessures corporelles. Mais là, ça change puisque c'est nous la victime dans 72% des cas; on de devrait pas se promener en moto. C'est une drôle de philosophie. On ne devrait pas non plus se promener à pied, parce qu'il en meurt pas mal de cette façon, ou on devrait prendre des primes pour ça.

Mme Payette: II ne meurt pas 85% des piétons.

M. Bertrand (Jean): Cela, je ne le sais pas. Un piéton frappé et une moto frappée, je ne sais pas lequel des deux meurt le plus souvent. Vraiment, je n'ai pas de statistiques là-dessus.

M. Harvey: II est sûr, Mme le ministre, que le parc motocycliste, évalué par rapport au parc automobiliste, c'est l'éléphant en face de la souris, c'est sûr. Je me demande si on ne devrait pas essayer de traiter le motocycliste dans une perspective un peu différente qu'on doit envisager de traiter l'automobiliste. Il y a quand même 3 millions ou davantage d'automobilistes qui circulent sur les routes du Québec. Il y a environ 200 000 motos qui circulent sur les routes, ou 125 000 dans les champs.

Si on assimile, si on associe la motocyclette à l'automobile, c'est sûr qu'à ce moment-là, on va avoir énormément de difficultés à maintenir, parmi nous, les motocyclistes heureux. Sûrement que la majorité ne pourra plus circuler sur les routes.

Mme Payette: Je vous remercie de cette information. Je pense que l'intervention que nous faisons dans ce domaine ne vous satisfait peut-être pas, vous, marchands de motocyclettes, mais nous pensons que nous intervenons de façon positive dans un dossier qui était particulièrement pénible, celui des motocyclistes et jusqu'à maintenant, pour ma part, je m'en tiens à ce que je vous ai dit jusqu'à maintenant.

M. Fréchette (Jean-Guy): II y a peut-être un point que j'aimerais souligner; on semble blâmer le motocycliste lorsqu'il y a un accident, mais si vous prenez des informations auprès des compagnies d'assurance, dans 70% des cas, ce n'est pas le motocycliste qui est en tort.

Mme Payette: On a bien compris ça, on a même dit 72% des cas.

M. Fréchette: Alors, je ne peux pas voir pourquoi les primes devraient être augmentées s'il n'est pas en tort.

M. Paquette: Comment se fait-il que l'entreprise privée, actuellement, vous charge des primes tellement élevées, est-ce qu'ils ne tiennent pas compte de ça?

M. Fréchette: La principale raison, c'est parce qu'il y a eu, antérieurement, des vols. Ce n'est pas parce qu'il y a eu un accident, ce sont surtout les vols. Dans votre cas, c'est corporel et matériel.

M. Paquette: Vous avez une partie de la prime qui s'appelle assurance-vol, je suppose, et une autre partie qui est une assurance-collision?

M. Harvey: Non, c'est que... M. Paquette: Pardon?

M. Harvey: ...dans ia province de Québec, actuellement, sur les 250 000 motos, il y en a seulement 900 qui sont assurées pour collision, le chapitre B.

M. Paquette: Oui.

Mme Payette: Collision, c'est au chapitre C.

M. Harvey: Seulement 900; en 1976, il y en avait seulement 900 d'assurées.

M. Paquette: Oui.

M. Harvey: Antérieurement, il y en avait plus, mais c'est là que s'est développé le système du transfert des motos en Ontario, à New York — les grosses motos surtout — c'est là que le contrôle s'est perdu.

M. Hébert: M. le Président, Mme le ministre, sans me dire expert en assurance, peut-être pourrais-je expliquer une simple chose qui survient. Le Québec, autant que l'Etat de New York... La raison pour laquelle les primes ici sont aussi élevées, est très bonne, c'est qu'il faut comprendre qu'ici, on a présomption de faute sur le conducteur, et à New York, ils ont ce qu'ils appellent le "compulsory passenger hazard"; ceci veut dire que si vous avez une jeune fille avec vous, en arrière, ou un copain, vous êtes arrêté à un feu rouge... Bon citoyen, vous êtes arrêté, vous attendez et quelqu'un arrive derrière, à toute vitesse, avec une automobile et vous frappe. Vous êtes arrêté et vous vous faites frapper comme ça. Le passager, la jeune fille se blesse. Immédiatement, si elle est majeure ou mineure, elle va prendre une action, et non seulement contre le type qui a causé l'accident en arrière, mais aussi contre le conducteur de la moto qui est assis là à rien faire, à attendre son feu vert.

M. Fontaine: II va être exonéré...

M. Hébert: Ah oui, mais les assurances, normalement, prennent ça immédiatement. Ils prennent d'énormes réserves.

Mme Payette: Mais dans le cas que vous citez, monsieur, il s'agit d'une moto qui est sur un chemin public.

M. Hébert: D'accord.

Mme Payette: Les deux passagers sont indemnisés pour les blessures corporelles, puisqu'ils sont sur un chemin public, donc ils ont payé leur assurance gouvernementale, leurs plaques d'immatriculation; ils sont indemnisés. Ils ont, en plus, obligatoirement, une assurance pour dommages à autrui, qui ne leur sert à rien dans les circonstances, puisqu'ils ne sont pas responsables de l'accident. Ils ont recours pour les dommages à leur véhicule contre l'autre véhicule derrière, ils s'adressent à leur assureur, se font indemniser. Je ne comprends pas comment vous pouvez dire que ce n'est pas un meilleur système que celui qui existe présentement.

M. Hébert: Excusez-moi. C'est moi qui me suis mal exprimé. Je me servais de l'exemple du système antérieur, parce que, personnellement, je vais vous dire que je suis complètement en faveur de la philosophie et des buts du plan "no fault", complètement en faveur. Je suis complètement d'accord avec les limites actuelles prévues par le plan et aussi je suis complètement d'accord avec les limites de $50 000 pour dommages matériels. C'est plus que suffisant dans le cas des motocyclettes, parce que pour ie dommage très limité qu'une moto peut causer... Non, ce n'est pas ça. J'essaie d'expliquer le système antérieur parce que les primes étaient si élevées...

Mme Payette: Je pense qu'une grande partie des primes — et on va tomber d'accord là-dessus — une grande partie du coût des primes pour l'assurance des motos, c'est à cause du vol actuellement au Québec. Dans ce domaine, pour l'instant, nous n'intervenons pas, c'est-à-dire que ce que nous couvrons présentement, ce sont les accidents d'automobile avec le projet de loi et de la réforme et nous n'intervenons pas dans cette partie de l'assurance qui couvre une moto pour le vol.

M. Hébert: Oui, et je devrais souligner que depuis que l'assurance... Finalement, les assureurs ont tellement monté les primes pour le vol que, soudainement, il me semble qu'en 1977, les clients ont eu beaucoup moins de vols. On dirait que les jeunes font beaucoup plus attention à leur moto. Ils ne semblent pas les stationner à l'arrière, là, ou c'est sombre, et je pense que le problème est un peu autoréglable, parce qu'il y a eu des abus...

Mme Payette: S'il faut en croire les assureurs, si les vols diminuent, les primes vont diminuer.

M. Hébert: C'est ça.

M. Vachon: Excusez-moi, Mme le ministre. Ce que je ne peux pas comprendre, c'est que vous avez mentionné tout à l'heure que les primes vont être élevées pour les motocyclistes et vous savez que, d'après les statistiques, ils ne sont pas responsables des accidents...

Mme Payette: Je parle de la prime totale, parce que je sais que le problème de vol existe. Je ne parle pas nécessairement de la prime pour l'assurance pour dommages à autrui. Effectivement, je pense qu'en s'adressant à un assureur, on peut immédiatement faire la distinction entre les dommages qu'une voiture ou un camion peuvent causer et les dommages qu'une motocyclette peut causer.

Ce qui va faire que la prime totale payée par un motocycliste va probablement rester élevée, c'est la question du vol. Comme je le dis, si les vols diminuent, tant mieux, les primes vont diminuer.

M. Bertrand (Jean): Mais prenons votre déclaration du 22 septembre, que je ne peux pas citer, parce qu'on ne parlait que d'automobiles, à ce moment-là, on parlait d'une prime de $110 pour une plaque d'immatriculation...

Mme Payette: II s'agissait d'un véhicule de promenade.

M. Bertrand (Jean): Un véhicule de promenade. Prenons cela comme base, $110. Je crois que, dans cette déclaration, on disait: Nous prendrons également en considération la durée et l'usage concernant, par exemple, la motoneige, la moto ou... Vous aviez, dans votre citation que je n'ai pas devant moi...

Mme Payette: Pour la période de six mois?

M. Bertrand (Jean): Pour la période de six mois. C'est exact.

Mme Payette: C'est également prévu.

M. Bertrand (Jean): Je parle du corporel. Si nous devons tous être assurés, cela veut dire quoi — on va pouvoir estimer le matériel que cela va requérir — une prime obligatoire pour le corporel, pour une moto? A peu près?

Mme Payette: Je ne peux pas vous répondre présentement, puisque nous sommes en train de refaire les calculs. C'est une chose que j'ai pu annoncer hier. A la suite de la baisse des taux des accidents d'automobiles les derniers mois, et ce sont les dernières statistiques qui nous sont parvenues, nous sommes obligés de réévaluer le coût du régime au complet, qui était d'abord évalué à $385 millions.

M. Bertrand (Jean): Oui.

Mme Payette: Nos indications semblent aller dans le sens qu'il y aurait diminution du coût total. Si tel est le cas, il y aura aussi diminution au niveau de la tarification. Mais comme nous sommes en train de refaire les calculs, la table complète n'est pas disponible encore. Mais je ne peux pas vous dire maintenant combien il en coûtera pour une moto.

M. Bertrand (Jean): Est-ce qu'on peut dire

que cela va être moins cher que pour une automobile, ou si ceia va être plus cher que pour une automobile?

Mme Payette: En principe, c'est moins cher que pour une automobile.

M. Bertrand (Jean): Déjà, cela me donne une idée que cela ne sera pas $200. Cela me dit cela.

Mme Payette: II n'y a pas de prime prévue à $200.

M. Bertrand (Jean): D'accord. Cela est pour le corporel. Je reviens à la question, parce que nous sommes tous assurés, nous assurons tous nos motos, du moment qu'on prend une immatriculation, qu'on se promène dans un champ ou qu'on se promène sur la route, on s'assure tous, corpo-rellement, puisqu'on prend une plaque d'immatriculation, à moins qu'il existe une plaque d'immatriculation spécifique pour ies motos hors-route, ce qui n'existe pas présentement, en supposant que c'est cela que cela veut dire.

Mme Payette: Pour l'instant, ce qui est hors-route n'est pas assuré, sauf quand on traverse un chemin public.

M. Bertrand (Jean): II n'est peut-être pas assuré, mais doit-il s'assurer? Il y a une différence entre être assuré et les victimes non couvertes. Je vais prendre une prime, mais s'il y a des victimes, elles ne sont pas couvertes. On peut être obligé de les assurer, parce que la loi dit bien que toute immatriculation prévoit une prime pour dommages corporels et...

Mme Payette: Si cela n'est pas clair, il faudra que nous rendions cet article clair. Mais ce qui est prévu actuellement, c'est que les véhicules utilisés en dehors des chemins publics ne sont pas couverts par le régime que nous proposons, sauf au moment où ils traversent le chemin public. A ce moment, il s'agirait d'une prime minime.

M. Noël (Robert): M. le Président, Mme le ministre, l'article 74 dit bien que le propriétaire de toute automobile circulant au Québec doit détenir, suivant la section 2 du présent chapitre, un contrat d'assurance de responsabilité.

Maintenant, les hors-route, ce sont des véhicules circulant au Québec. Ils n'auront pas le droit à l'indemnisation pour le corporel. Est-ce qu'ils doivent être quand même obligés de s'assurer pour le matériel?

Mme Payette: Pour les dommages causés à autrui?

M. Noël: Matériels.

Mme Payette: En principe, non.

M. Noël: II faudrait aussi le spécifier, parce que l'article 74 dit bien "tout".

Mme Payette: Nous ne pouvons pas dans ce cas demander l'assurance obligatoire, parce que nous ne le considérons pas comme un véhicule qui utilise les chemins publics, sauf que ma recommandation serait qu'il s'assure.

Une Voix: La nôtre aussi.

M. Bertrand (Jean): L'article 74 a besoin d'être modifié, si je comprends bien.

Mme Payette: Si cet article a besoin d'être modifié, nous le ferons vérifier.

M. Bertrand (Jean): Selon l'explication que vous venez de nous donner, parce que là, on dit bien: Toute automobile circulant au Québec, et non pas circulant sur des routes du Québec.

Mme Payette: Je prends note de votre remarque.

M. Noël: J'aurais une autre petite remarque, pour terminer. Quelles sont les primes pour dommages matériels? On attribue le prix dispendieux des primes aux vols de motos. J'ai une petite statistique qui vient de la Sûreté du Québec, sur les vols de motos. En 1975, il y a eu 4033 vols de motos et, en 1978, il y en a eu 3200, donc une réduction de 25% entre 1975 et 1976. J'assume qu'entre 1976 et 1977 il va y avoir encore de 25% à 30% de réduction pour le vol.

Mme Payette: Si vous voulez communiquer ce renseignement au surintendant des assurances, il pourrait vérifier auprès de la compagnie qui assure les motos actuellement si on prévoyait une baisse de primes, à cause de la baisse des primes de vol. Cette assurance de vol ne concerne pas actuellement cette commission.

Le Président (M. Boucher): Le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je vous remercie d'être venus nous donner vos opinions sur cette loi, peut-être pas donner vos opinions comme poser des questions et avoir des éclaircissements. Je ne comprends pas très bien ce que le vol vient faire dans tout ceci, j'entends pour l'industrie privée, même actuellement, on peut assurer une moto pour dommages aux autres, sans...

M. Bertrand: Non, ce n'est pas exact. On ne peut assurer dans le moment une moto pour dommages à autrui si on a moins de 21 ans et qu'on conduit une moto de 750 cc et plus. On ne peut pas assurer une moto pour dommages à autrui toujours, si on conduit une BMW, une Harley-Davidson et autres marques du genre. En somme, il y a certaines motos qui ne s'assurent tout simplement pas. On peut le faire si on va au service des assurances du ministère des Consommateurs, mais la moyenne qui en ressort, c'est trois mois pour avoir enfin une prime, enfin une assurance. La prime peut varier de $200 ou

$300, "anything goes". On ne peut pas dire que, présentement, nous pouvons nous assurer comme pour une automobile, c'est faux. Il n'y a pas une compagnie qui assure automatiquement toutes les motos, même si la seule qui nous assure ne prend même pas la couverture du chapitre II pour aucune considération, pour aucune moto. Il y a trois chapitres dans la police. La II n'existe pour nous autres en aucun cas. Je parle toujours de la...

M. Saint-Germain: Vous avez semblé attacher de l'importance, relativement à l'assurance, à la question du nombre de vols. Je vous demande simplement si vous pouvez, pour une moto, demander une assurance pour collision, responsabilité publique ou civile, sans nécessairement demander une assurance pour vous protéger du vol.

M. Bertrand: C'est exact.

M. Saint-Germain: Qu'il y ait beaucoup de motos volées ou pas, cela ne change rien aux primes, seulement aux obligations des compagnies, s'il n'y a pas de protection pour le vol.

M. Fontaine: Vous n'êtes pas obligé de vous assurer pour le vol.

Une Voix: II n'y en a pas qui s'assurent.

M. Saint-Germain: Vous dites aussi... Vous avez dit qu'habituellement...

M. Bertrand: Excusez-moi. Nous n'avons pas dit que nous étions mal pris, parce que nous n'avions pas d'assurance pour le vol, mais mal pris, parce que nous n'avons pas d'assurance pour dommages à autrui, dommages matériels... dommages pour responsabilité publique ou pour dommages matériels à autrui, il n'y en a pas de police d'assurance présentement, selon le type de moto que vous conduisez ou selon l'âge auquel vous conduisez.

M. Fontaine: Vous avez énoncé que vos primes étaient élevées à cause des nombreux vols.

M. Bertrand: Cela nous a été dit. M. Fontaine: Ce n'est pas exact?

M. Paquette: Vous avez également dit que ce serait très difficile pour quelqu'un de détenir une moto, à cause de l'article 74, car, si tout le monde était obligé de s'assurer, cela ferait que les gens ne pourraient plus avoir de moto. Il y a quand même une chose là-dedans, I assurance-vol n'est pas obligatoire. Les gens peuvent la prendre. Avec le nouveau régime, ils peuvent la prendre ou ne pas la prendre.

M. Bertrand: C'est cela. Nous ne parlons que de...

M. Paquette: Laissez-moi terminer. D'autre part, les dommages corporels présentent sûre- ment une part plus appréciable du risque dans le cas d'une moto que dans le cas d'une automobile, puisque 85% des accidents occasionnent des blessures ou même la mort, et cette partie va être couverte par la régie d'Etat. Le ministre vient de vous dire que cela va coûter moins cher qu'une auto, je pense que ce qui va rester, ce sont les dommages matériels. Comme vous êtes très rarement responsables, vous êtes un bon risque pour les compagnies d'assurance à ce sujet, vous allez donc être pas mal mieux que maintenant.

M. Bertrand: C'est exact. On voulait simplement savoir ce que visait la loi.

M. Paquette: D'accord. Je comprends.

M. Bertrand: On n'est pas venu ici pour dire... On a dit: Comprenant la loi comme on t'a comprise hier ou toute la journée, on ne peut pas faire autrement que de dire: Messieurs, on ne peut pas être d'accord. Il faut tout de même qu'on soit bien clair. Je ne peux pas dire: J'accepte une loi que je n'ai pas comprise. Mme le ministre me dit que cela va coûter moins de $100 ou $100, je suis très heureux. Alors, couvrez-moi tout le monde, hors route, sur route, tout ce que vous voudrez, à ce prix.

Vous me dites ensuite que pour les dommages matériels, c'est certain que ça va être une drôle de réduction; mais on vous demande quelque chose: tâchez de diminuer les délais que vous avez présentement, vous avez 21... Ce que je lis, c'est que votre service d'assurance qui existe au ministère n'arrive pas à nous trouver une assurance avant trois mois.

Alors, si vous fondez une corporation qui va passer le "back" à quelqu'un, au moins, qu'on ait l'assurance le même été où on achète la moto, qu'on puisse s'en servir! Cela prend trois mois présentement pour avoir...

Mme Payette: Je pense avoir répondu à cette question.

M. Bertrand (Jean): C'est ça, c'est tout ce qu'on voulait savoir.

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse, il y a encore le Syndicat des fonctionnaires qui doit présenter un mémoire ce soir. A ce stade-ci, je demanderais aux membres de la commission ce qu'on fait, est-ce qu'on doit prolonger ce soir ou. .

M. Roy: J'aimerais poser une question à ceux qui représentent le Syndicat des fonctionnaires; est-ce que ce sont des gens de Québec ou de l'extérieur?

Une Voix: Moi-même, je suis de Québec, je suis vice-président du Syndicat des fonctionnaires.

M. Roy: Cela ne pose pas trop de problèmes de revenir demain?

Une Voix: Non...

M. Roy: Je pense qu'on pourrait peut-être les libérer tout de suite.

Mme Payette: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Je dois vous dire que demain, il y a deux autres mémoires...

Mme Payette: C'est ça. Il y a deux autres groupes qui sont prévus pour demain, dont un qui vient de Montréal, et l'autre, à ma connaissance, comporte des gens de Québec et de la Côte-Nord. Si tel est le cas, il faudrait entendre les deux groupes qu'on attend demain, puisqu'on ne dispose que de 10 heures à 13 heures et je m'inquiète de la possibilité d'entendre le représentant du Syndicat des fonctionnaires.

M. Roy: Je vais tout de suite rassurer le ministre, que vous aurez une chance de les entendre demain tous les trois, puisque je ne pourrai malheureusement pas être présent demain à la commission parlementaire. Alors, vous allez sûrement gagner du temps. De toute façon, on a commencé à 10 heures ce matin, je pense quand même qu'il faut être raisonnable, nous sommes tous des êtres humains, je pense que la journée a été suffisamment longue. Il serait peut-être sage de dire tout de suite à ces gens que demain matin, ils pourront être entendus les premiers et je vous donne toute la latitude de faire ça très brièvement, en ne privant pas ces gens de nous dire ce qu'ils ont à dire.

Mme Payette: M. le Président, j'aurais une autre suggestion à faire...

M. Saint-Germain: M. le Président, est-ce que je vais être le seul représentant de l'Opposition, ce serait peut-être plus pratique de remettre le tout à la semaine prochaine?

Mme Payette: II paraît difficile, M. le Président, d'annuler deux groupes qui ont été convoqués pour demain matin.

Le Président (M. Boucher): Ils ont été convoqués.

Mme Payette: Ils sont convoqués. J'irais jusqu'à demander au représentant du Syndicat des fonctionnaires — puisqu'il est à Québec, il vient de nous le confirmer — s'il pourrait être disponible à un jour d'avis? Ainsi on pourrait l'entendre parmi les mémoires prévus pour la semaine prochaine?

Mais il faut vraiment un accord, parce que...

Une Voix: On n'a pas d'objection à se présenter, pourvu qu'on le sache au moins une journée à l'avance. Pour la semaine prochaine, il y a des journées où je devrai être à l'extérieur, sauf qu'en le sachant au moins une journée à l'avance, je serai ici.

Mme Payette: Je pense qu'on peut remercier le président de sa collaboration, ça va nous faciliter les choses demain et effectivement, on vous préviendra, j'en suis convaincue, avec une journée d'avance.

Le Président (M. Boucher): Ceci étant dit, est-ce qu'il y a d'autres questions de la part de l'Opposition au sujet de...

M. Saint-Germain: Je n'ai pas commencé. Je collabore à la limite, j'avais la parole et tout à coup, je l'ai perdue.

Le Président (M. Boucher): Vous avez soulevé le débat.

M. Saint-Germain: Pour revenir à cette question de vol, je pense qu'on en a assez dit... Vous avez dit tout à l'heure que 75% des accidents de moto n'étaient pas la responsabilité des propriétaires de ces motos. Dans ces conditions, comment se fait-il que les compagnies d'assurance sont si réticentes à assurer les motos, considérant que dans le contexte actuel, c'est le profit qui est la motivation des compagnies d'assurance?

M. Bertrand (Jean): Je pense... je vais laisser...

M. Saint-Germain: Je suppose que s'il y avait un profit à assurer les motos, on le ferait.

M. Hébert: M. le député, je pourrais répondre à cette question. C'est exactement le cas du profit. Malheureusement, au Québec, les compagnies d'assurance n'ont jamais réussi à avoir un volume assez substantiel pour pouvoir couvrir leurs coûts d'exploitation. Elles n'ont jamais essayé autant qu'elles ont essayé. Vu que l'assurance n'était pas obligatoire et à cause du penchant du conducteur québécois à dire: Pouah, ce sont seulement trois mois ou quatre mois, je vais tenter ma chance.

Ils ont tout fait et ils n'ont jamais réellement réussi à produire du volume. Le seul volume qu'ils avaient, malheureusement, c'était du volume qui n'était pas payant, parce que, comme je l'expliquais à Mme le ministre, il y a eu un petit peu de 'fling flang" avec un type qui voulait avoir un "smack", qui a pris avantage du système, qui voulait avoir une moto pour quatre ou cinq mois. Il s'en servait et, mystérieusement, à la fin de septembre, quand il commençait à faire froid, oup! moses! il ne savait pas ce qui s'était passé; il avait laissé sa moto là, et quand il était sorti, elle était partie. Les compagnies d'assurance ont absorbé tellement de pertes... Je me servais du mot "écoeuré". Elles n'ont jamais dit...

M. Saint-Germain: Oui, mais là, on parle du vol. On est revenu au vol.

M. Hébert: Oui, on est revenu au vol, parce que cela a coloré toutes leurs pensées. Ecoutez! C'est ça qui est arrivé. Cela a coloré toutes leurs

pensées. Elles ne sont jamais venues à dire... Elles se sont dit: S'il y a tellement de vois que ça... Et, vous savez, c'était pas mal étrange, II y avait toujours une épidémie de vols. C'est ça, une épidémie de vols. Après...

Mme Payette: C'est toujours avec les feuilles qui tombent?

M. Hébert: C'est ça. Mystérieusement... Elles se sont dit: Ah! C'est un groupe qu'on ne veut pas...

M. Saint-Germain: Je veux bien vous croire. Il est possible que ce soit vrai, vos explications. Possible, si, je ne le sais pas. Je n'ai pas de statistiques à savoir que les risques pour les compagnies d'assurance soient très élevés, surtout au point de vue des blessures corporelles pour ceux qui conduisent une moto. Si ce sont les risques qui sont réellement élevés, il me semble évident que, si on n'exige pas une prime en relation des risques, quelqu'un d'autre paiera. Les motocyclistes seront subventionnés, si vous ie voulez, par les propriétaires d'automobiles.

Si l'argument que vous soutenez est fonde, il n'y a pas plus de risques que pour une automobile, mais si, par malheur, les risques étaient plus grands, c'est entendu que le motocycliste serait subventionne par l'ensemble de la population qui va payer ses primes dans ce système étatisé, parce qu'il n'y a jamais rien pour rien dans la vie. Tout se paie. Le gouvernement ne fait que prendre un dollar dans la poche de l'un pour ie donner à i autre.

M. Hébert: C'est un excellent point, et si je pouvais répondre... Malheureusement, on n'est pas venu avec des statistiques, mais le Bureau d'assurance du Canada publie toutes sortes de rapports d'ordinateurs à la fin de I'année. Les données que j'ai vues l'an passé — je vous les cite de mémoire — sont semblables. On a fait l'étude et c était remarquable de constater que, dans la section PLPD, soit dommages à autrui, dommages à la propriété, il y avait eu un "loss ratio" d'à peu près 76% des primes perçues partout, ce qui est très intéressant pour les assureurs. Ils considèrent ça... Jusqu'à 90%, je crois, qu'ils peuvent... Mais c'était rendu que, sur la collision, disons $100 déductibles, encore de mémoire, c'était à peu près 225% à 230% et sur le vol, ça dépassait 400% de "loss ration". Dans le système du gouvernement, dans le nouveau plan de "no fault", je crois bien qu'il n'y aura aucun problème. Les motocyclistes ne seront subventionnés par personne, et, espérons qu'ils ne seront pas appelés à subventionner les autres qui se pensent peut-être maîtres de la route parce qu'ils ont une voiture qui mesure 18 pieds de long et qui est très large. C'est un point qu'on... On devrait souligner que, sur le système "no fault" de la Colombie-Britannique, les primes de motocyclettes ont été diminuées pour l'année 1976 à cause de l'expérience très favorable qu'ils ont eue...

M. Saint-Germain: De toute façon, le ministère fera des études là-dessus et ce sera très intéressant de connaître les statistiques provenant de ces études. Je suppose qu'on fera des statistiques nécessairement avant d'établir les primes.

Ceci dit...

M. Taillon (Michel): M. le député, je m'excuse, mais peut-être que je pourrais apporter un petit peu de lumière là-dessus.

Lorsque vous avez posé la question concernant le pourquoi des assurances si on n était pas responsable en 75% des accidents, on n'était pas intéressé à nous assurer.

C'est peut-être une question d'argent, mais oublions la question du vol, parce que cela ne ies regarde pas. Elles n'avaient à ce moment-là, parce qu'elles n en auront plus le loisir, avec la nouvelle loi, qu'à assurer les dommages à autrui. Elles ne le faisaient pas — c'est mon impression personnelle — parce que c'étaient des primes minimes, les primes maximales pouvant atteindre $150.

Si plusieurs compagnies se répartissaient le marché de 200 000 motos pour des primes de $100, il ne resterait presque rien, une lois enlevées l'administration, la paperasse, les commissions aux agents. Elles abandonnaient complètement le domaine et laissaient le libre loisir à l'une d'elles de prendre cette sorte d'assurance, d'y dicter ses politiques et de faire ce qu'elle voulait.

M. Saint-Germain: Si vous voulez réellement parler dans l'intérêt de vos clients, il faudrait peut-être faire des pressions sur les autorités pour que le Code de la route soit respecté. Presque toutes les fois que je pars de chez moi pour venir à Québec, quelle que soit la vitesse que je puisse atteindre, il y a toujours une moto qui va me dépasser. J'en ai chaque fois la chair de poule. Je me demande comment un type peut se promener dans le chemin avec cela, à 85 ou à 90 milles à l'heure. Une fausse manoeuvre et ça y est.

Mme Payette: Les camions! M. Saint-Germain: Comment?

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, est-ce que vous laisseriez le temps à vos collègues de l'Opposition de poser d'autres questions?

M. Saint-Germain: Je vais terminer par une dernière question. J'aimerais simplement demander ce que vous attendez réellement du régime. Premièrement, vous voulez que les motos qui servent simplement pour le sport, en dehors des chemins publics, soient hors du système, sans obligation de s'assurer d'aucune façon, et que les motocyclettes régulières, qui se promènent sur ies routes, soient incluses dans le système.

M. Bertrand (Jean): Oui. nous voulons cela et

nous voulons obtenir le plus tôt possible une surveillance des taux de primes. C'est important, l'abus est là. Je parle du matériel. Il faudrait, le plut tôt possible, avoir un contrôle des primes d'assurance. Autre chose, il faudrait avoir la possibilité d'obtenir ces primes, assez rapidement. Présentement, c'est difficile. On le disait tout à l'heure, il y a un bon nombre de marques de motos sur lesquelles on ne peut obtenir de primes.

M. Saint-Germain: Mais les dommages matériels vont être assurés par l'entreprise privée?

M. Bertrand (Jean): C'est cela.

M. Saint-Germain: Vous voulez que le gouvernement fixe les primes...?

M. Bertrand (Jean): Non, mais nous voulons d'abord que "['assessment", je ne sais pas le mot français pour cela, l'assignation des risques, se fasse plus rapidement, et, quand c'est cela, qu'on ne dise pas, au bout de trois mois, qu'on peut avoir une police, mais que cela coûte $300.

M. Saint-Germain: Merci beaucoup.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, étant donné l'heure, je veux juste faire une remarque. On a dit tout à l'heure que si une moto hors route doit payer une prime de base, à ce moment-là, elle va être assurée pour circuler seulement lorsqu'elle traverse une route. Il y aurait peut-être un truc du motocycliste qui pourrait se faire, soit d'immatriculer sa moto hors route et de se promener ensuite sur la route sans être assuré. Je pense qu'il faudrait peut-être penser à une solution, celle d'avoir une plaque spéciale pour les motocyclistes hors route.

Mme Payette: Ce sera une plaque spéciale ou autre chose, mais on va trouver. Il faudra trouver quelque chose.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. J'ai une seule question à poser. J'en aurais plusieurs, mais, étant donné que je suis limité par le temps, combien coûte, approximativement, une assurance pour un motocycliste?

Une Voix: Le vol.

M. Roy: Je n'ai pas osé dire le mot, à cause des discussions que cela a engendrées, ne le faites pas exprès.

M. Taillon (Michel): Pour une assurance pour les motocyclistes, dans le moment, tout dépend de l'âge de la cylindrée, du véhicule. D'un âge à un autre, j'ai justement un plan, de 0 à 21 ans, on peut assurer jusqu'à une moto de 350 ou 400 cc. En haut de cela, pour une 750 cc, ie gars ne peut pas s'assurer.

M. Roy: Et cela coûte combien?

M. Taillon (Michel): En moyenne, pour un véhicule moyen, c'est-à-dire une 350 cc, pour une période de six mois, avec risques multiples, cela peut coûter aux environs de $350.

M. Roy: Maximum?

M. Taillon: Oui, au maximum.

M. Roy: Le minimum?

M. Taillon: ... $180 à peu près.

M. Hébert: ... un sens, PLPD sur un côté.

M. Roy: A peu près $150?

M. Hébert: $150, c'est pour un cylindré. Quand on parle de 350, c'est un cylindré moyen. Naturellement, plus le cylindré est petit, moins est rapide la moto, si on parle de vélomoteur, ils ne peuvent pas excéder 28 milles à l'heure.

Mme Payette: Et avec le vol? M. Hébert: Avec le vol...

M. Taillon: Pour un jeune de 18 à 21 ans, pour une moto moyenne, c'est-à-dire 350 cc de cylindrée, s'il assure les risques multiples, c'est au-delà de $500.

Mme Payette: Et avec le vol? M. Hébert: Inclus.

M. Taillon: Inclus, ce sont les risques multiples.

Mme Payette: Avec le vol. M. Roy: Et sans le vol? Mme Payette: Pour six mois.

M. Taillon: S'il enlève la clause du vol, ça coûte à ce moment-là environ $225.

M. Roy: Ce qui veut dire que ça coûte plus de 50% d'assurance pour le vol?

M. Taillon: C'est ça.

M. Roy: J'aurais d'autres questions à poser, mais je terminerai simplement par une remarque. Le ministre a dit, à la suite des observations et des questions qui nous ont été posées par nos invités, que le gouvernement allait étudier la question. Je suis bien heureux, mais je trouve que ça fait beaucoup d'études pour peu de temps. Je suis vrai-

ment inquiet, car il y a quand même des questions qui ont été posées et pour lesquelles nous avons plus ou moins de réponses. Nous avons encore devant nous beaucoup de bonnes intentions de la part du gouvernement et je ne mets pas la parole du ministre en doute du tout.

Cependant, il y a deux points qui vont mériter une attention particulière de la part du gouvernement. Quant à la définition de chemin public, je ne suis pas avocat, mais les chemins de motoneige actuellement, ce sont des chemins publics. Alors, comment va-t-on contrôler l'accident qui peut arriver sur le chemin public reconnu par le ministère des Transports, pour lequel on a des indications et pour lequel on donne des subventions pour l'affichage, ainsi de suite? A partir du moment où la motoneige va quitter le chemin, vous ne saurez pas qui va contrôler ça et comment. C'est une question qui se pose. Je pense qu'il y a des routes de motocyclistes aussi, des...

M. Harvey: Des "trails".

M. Roy: ... on m'excusera pour le bill 101, on appelle ça des "trails"...

Une Voix: Des sentiers.

M. Roy: ... des sentiers, d'accord merci. Ce sont des choses qui font qu'actuellement il y a beaucoup de recherches à faire de ce côté, ce qui m'amène à dire encore une fois que le gouvernement n'est pas prêt. On a parlé tout à l'heure de motocyclettes et de plaques, le gouvernement n'est pas prêt. Ce soir, le gouvernement n'est pas prêt.

M. Paquette: On ne l'adoptera pas ce soir, non plus.

M. Roy: Les plaques vont commencer à se vendre le 1er janvier. On dit qu'il est possible qu'il y ait des catégories de plaques différentes pour les différentes catégories de motocyclettes. Les plaques sont fabriquées, à l'heure actuelle, elles sont même livrées chez ceux qui s'occuperont de la vente. Alors, si on veut adopter une mesure de ce genre, il est évident que ce n'est pas possible pour cette année.

Je peux le dire en riant et en souriant, mais il demeure quand même que la réalité est là. C'est la remarque que je veux faire aux membres de la commission, particulièrement à Mme le ministre, et lui souhaiter en même temps une bonne fin de semaine.

Merci à nos invités pour leur collaboration aux travaux de notre commission parlementaire, pour les informations qu'ils nous ont fournies et les questions qu'ils nous ont posées... Je peux les assurer, de notre part... Nous devions vous interroger, vous nous avez interrogés, je pense que cela a été un échange extrêmement précieux pour les membres de la commission. Nous allons garder vos demandes et nous allons prendre note des remarques que vous avez faites et lorsque la loi sera étudiée article par article, si jamais le gouvernement décide d'aller jusqu'au bout, nous...

Mme Payette: Bonne fin de semaine. M. Roy: Merci.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre, est-ce que vous avez quelque chose à ajouter?

Mme Payette: Je voudrais remercier les gens qui sont venus participer à la commission. En ce qui me concerne, c'était notre deuxième rencontre, on était déjà conscient du problème, je pense. On avait même vérifié déjà un certain nombre de primes qui étaient payées, je crois qu'on est au courant du problème et on s'en occupe.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je désire remercier l'Association des marchands de motos du Québec, ses représentants.

M. Bertrand (Jean): Au nom de l'association, malgré la qualité de nos échanges, je vous remercie tous pour votre bonne collaboration.

Le Président (M. Boucher): Merci. La commission ajourne ses travaux à demain, 10 heures, au salon rouge.

(Fin de la séance à 23 h 5)

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