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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le vendredi 14 octobre 1977 - Vol. 19 N° 206

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures dix-sept minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, s'il vous plaît!

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est réunie pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission, pour aujourd'hui, sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Dussault (Châteauguay) remplace M. Gagnon (Champlain); M. Gosselin (Sherbrooke), M. Goulet (Bellechasse), M. Laberge (Jeanne-Mance); M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Landry (Fabre), M. Larivière (Pontiac), M. Lefebvre (Viau); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Marois (Laporte); M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud).

M. Roy: Présent.

Le Président (M. Boucher): M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

Les organismes convoqués pour ce matin sont, dans l'ordre, le Réseau d'action et d'information pour les femmes, représenté par Mme Marcelle Dolment, et l'exécutif du Parti québécois de Rosemont, représenté par M. Jean-Guy Larouche, président.

M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je ne devais pas être ici ce matin, mais, après la séance de la commission parlementaire d'hier soir, après son ajournement, je me suis souvenu qu'au début de la semaine j'avais fait une demande et qu'on devait nous remettre des documents au cours de la semaine, possiblement en fin de semaine. Comme il était possible que ces documents nous soient remis, j'ai modifié un peu mon horaire, je me suis retardé, en espérant qu'il me serait possible d'avoir ces documents en main pour pouvoir les étudier en fin de semaine. Etant donné que ceci avait été dit à la commission parlementaire, je voudrais demander à Mme le ministre si elle a effectivement des documents à me remettre ce matin.

Mme Payette: M. le Président, le député de Beauce-Sud pourrait-il spécifier de quels documents il s'agit?

M. Roy: Nous avions demandé les données de base et nous avions téléphoné, la semaine dernière, au ministère à ce sujet. On nous avait dit que les documents n'étaient pas tout à fait prêts.

Au début de la semaine, je suis revenu sur cette même question; on nous a dit et on est même venu nous dire que les documents seraient prêts en fin de semaine et qu'on nous les remettrait. Le seul document qui nous a été remis, c'est un document daté du 27 mai. Ce document du 27 mai, on aurait pu l'avoir la semaine dernière, on aurait pu l'avoir il y a quinze jours, on aurait pu l'avoir il y a trois semaines. Ce n'est pas à ce document que j'ai fait allusion, ce sont de nouveaux documents que le ministère aurait en main et je pense qu'il serait de la plus haute importance que les membres de la commission les aient.

Mme Payette: M. le Président, le document qui a été remis mercredi, si mes souvenirs sont bons, est le document qui a été remis en réponse au député de Beauce-Sud qui demandait le document de base qui a servi au comité de travail pour élaborer le coût de la réforme de l'assurance automobile, c'est le seul que nous ayons de disponible actuellement. J'avais pris soin de joindre à ce document une feuille expliquant qu'à cause de nouvelles statistiques qui ne nous sont connues que depuis quelques semaines, ce travail est actuellement en cours au ministère et à la régie.

Nous n'avons pas le document final au sujet du coût. Dès que nous l'aurons... Surtout que nous sommes portés à penser, à partir des premières indications, qu'il pourrait s'agir d'une baisse du coût total, je pense que le député de Beauce-Sud comprendra que nous avons hâte de pouvoir le rendre public.

M. Roy: Je comprends que vous ayez hâte de le rendre public; vous comprendrez également que j'ai hâte d'en prendre connaissance, c'est pourquoi je suis ici ce matin.

Mme Payette: Si bien que, pour nous deux, il sera à notre disposition dès qu'il sera terminé.

M. Roy: Merci. J'espère aussi que tous les membres de la commission parlementaire pourront également en avoir, mes collègues du côté ministériel comme ceux de l'Opposition.

Mme Payette: Je ne saurais priver mes collègues, M. le Président.

M. Roy: Je l'espère bien.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Comme on a deux mémoires à entendre ce matin et que certains d'entre nous, en particulier le ministre, doivent partir à une heure, je me demande s'il n'y aurait pas possibilité de convenir entre nous d'accorder à peu près une heure et demie à chacun des deux mémoires, pour qu'on puisse les entendre tous les deux ce matin et éviter aux gens de revenir.

M. Saint-Germain: Depuis le début des travaux de cette commission, nous n'avons pas fixé de règlement. Nous nous sommes toujours entendus pour que les choses se fassent convenablement dans le temps et vous pouvez être assurés de ma collaboration ce matin, comme pendant les autres jours de nos travaux.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je prierais, sans plus tarder, la représentante du groupe du Réseau d'action et d'information pour les femmes, Mme Dol-ment, de bien vouloir s'approcher.

Mme Payette: M. le Président, avant que l'on entende nos invités ce matin, est-ce que vous me permettez, pour l'information du député de Beauce-Sud et du député de Jacques-Cartier, d'annoncer maintenant, puisque je pense que le député de Beauce-Sud devra s'absenter, que nous ne siégerons pas mardi puisque nous n'avons pas reçu de mémoires supplémentaires et que nous ne siégerons que mercredi sur ordre de la Chambre, éventuellement, mais non pas mardi?

M. Roy: Est-ce que je pourrais faire une demande à la commission? A cause du fait que je fais partie en même temps de la commission parlementaire concernant le référendum, serait-il possible, étant donné que la commission parlementaire sur le référendum va siéger mercredi, et que c'est quand même une question de la plus haute importance, de ne pas convoquer la commission parlementaire des consommateurs, coopératives et institutions financières aux mêmes dates et aux mêmes heures où la commission parlementaire sur le référendum, pourra siéger?

Mme Payette: M. le Président, pour ma part, je dois hélas! avouer que je ne suis pas au courant de la façon dont les autres commissions doivent siéger. Nous avons effectivement convoqué des groupes qui attendent leur confirmation et c'est sur un ordre de la Chambre que nous siégerons, si bien qu'il faudra attendre la décision de la Chambre pour savoir si nous siégerons mercredi ou pas.

M. Roy: D'accord. Je ferai des représentations auprès du leader parlementaire du gouvernement. Je remercie Mme le ministre de ses informations ce matin.

M. Saint-Germain: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez prendre place au centre, s'il vous plaît. Vous avez la parole, madame.

Réseau d'action et d'information pour les femmes

Mme Dolment (Marcelle): Je vais essayer de résumer et d'être brève. Vous avez le mémoire en main. J'aimerais savoir si vous avez le mémoire précédent parce que dans ce mémoire nous nous référons à un mémoire précédent où il y a plus de détails. Je ne sais pas si les membres de la commission ont eu le mémoire auquel nous nous référons dans celui-ci.

Mme Payette: Non, le mémoire n'a pas été distribué aux membres de la commission, M. le Président. Il a, cependant, été rendu disponible à la suite d'une autre séance de la commission où on nous avait demandé de déposer les mémoires qui avaient été entendus au cours de la tournée, qui était une tournée de consultation, si bien que le mémoire n'est pas disponible ce matin. Si les membres de la commission en exprimaient le désir nous pourrions éventuellement leur fournir le mémoire auquel vous faites allusion et qui était déposé auprès du groupe qui faisait la tournée de consultation.

Mme Dolment: Puis-je rn'informer pour savoir si vous en avez plusieurs copies? J'ai quelques copies avec moi ici, s'il y en a qui veulent en avoir immédiatement.

Mme Payette: Si vous avez la gentillesse de le faire...

Mme Dolment: Je n'en n'ai pas beaucoup, mais j'en ai quelques-unes.

Mme Payette: ... et si vous estimez que c'est nécessaire pour la bonne compréhension de votre mémoire, je n'ai aucune objection.

M. Saint-Germain: M. le Président, les membres de l'Opposition n'ont pas ce mémoire. Cela a été déposé chez le secrétaire des commissions. Il y en a seulement une copie qui a été déposée. Cela a été déposé pêle-mêle. Ce n'est pas facile. Il faut soit faire faire une copie de votre mémoire ou soit l'étudier sur place. Cela nous cause des difficultés, surtout avec le nombre des mémoires qui ont été déposés. Alors, je n'ai pas pris connaissance du mémoire antécédent. Si vous voulez m'en fournir une copie. Je n'ai pas à vous imposer une règle de procédure, mais peut-être pourriez-vous faire ressortir les points qui vous semblent les plus importants, indépendamment de ce qui a été écrit dans votre mémoire ce matin.

Mme Dolment: Evidemment, ce mémoire auquel je me réfère, qui précédait celui-ci, avait été fait après le livre bleu. Donc, il y a eu des changements dans le projet de loi et le mémoire le plus récent qui a été déposé pour cette commission parlementaire n'est pas exactement semblable, mais on se réfère à des grandes lignes, à des grandes orientations de notre autre mémoire.

M. Saint-Germain: C'est le mémoire que vous avez déposé dans la tournée itinérante de madame, je suppose.

Mme Dolment: Oui. Nous devons dire que nous trouvons le projet de loi no 67 inacceptable à bien des points de vue, ceci pour cinq raisons principales. D'abord, nous trouvons qu'il fait

preuve d'élitisme, de sexisme et de discrimination. Il est injuste dans son mode de cotisation et de paiement, car il favorise des catégories de citoyens et de citoyennes au détriment d'autres catégories. Il est aussi arbitraire dans les pouvoirs exorbitants qu'il donne à la régie. Si on me le permet, on va remplacer la roublardise des avocats par celle de la régie, car, la loi est pleine de trous. J'espère que ce sera corrigé parce qu'on peut très facilement revenir sur certaines déclarations ou sur des articles qui sont mis dans la loi que d'autres articles contredisent presque ou qui donnent enfin trop de jeu.

Nous estimons que l'article 20 devrait être réécrit en entier. L'article 20 parle des femmes au foyer ou enfin des femmes qui remplissent surtout le rôle de mère. Le chapitre sur le rôle et les règlements de la régie devrait être précisé et repensé.

Les définitions qui ont trait au rôle de la femme sont à rejeter complètement.

En somme, nous demandons que soit prise comme base de calcul pour toutes celles qui travaillent, y compris les femmes au foyer qui ont des charges de famille, le salaire moyen, le revenu moyen. Ensuite, nous aimerions qu'enfin on considère la femme au foyer comme une travailleuse, ayant le même statut que celle qui travaille à l'extérieur quand elle a charge de famille, et la conjointe, comme un soutien de famille, quand elle a charge de famille, évidemment.

Ce sont les grandes lignes que nous avons développées dans les deux mémoires, en fait, avec des détails selon le livre bleu ou selon le projet de loi. Nous parlons d'élitisme pour une raison bien simple. Nous nous sommes rendu compte, en étudiant le projet de loi, qu'on favorisait de façon assez étrange les bien nantis. Nous ne comprenons pas qu'un gouvernement qui se dit prosocialiste, dans le sens large, puisse établir un pareil régime. Nous sommes extrêmement déçues, et même, par rapport aux femmes, nous sommes révoltées de voir la façon dont les femmes, qui sont toujours, en fait, les sous-payées, même moins que sous-payées, parce qu'elles sont presque dans un état de servage, alors qu'elles travaillent comme tout le monde, n'aient pas été du tout reconnues.

Elitisme, aussi, au point de vue des gens âgés, parce que nous avons remarqué, en étudiant les différents articles, qu'alors que pour les bien nantis qui peuvent se payer des actions dans des compagnies, ce revenu ne sera pas calculé quand on établira le revenu, c'est-à-dire qu'ils vont pouvoir continuer de recevoir les dividendes provenant de leurs capitaux et recevoir aussi la proportion de revenu, l'indemnité de revenu allant jusqu'à $18 000, ce qui leur fait un assez bon revenu, en plus d'avoir peut-être pu payer un régime marginal; alors que les gens âgés qui n'ont eu que leur travail très ordinaire, donc qui sont limités par le Régime de rentes, et surtout les femmes au foyer qui n'auront eu que leur pension de vieillesse, pour ces gens on va déduire la pension de vieillesse ou la rente aux survivants de telle sorte qu'ils n'auront presque plus rien.

On voit que, pour les personnes âgées, il y a un élitisme par rapport aux gens qui ont des revenus. Même par rapport aux étudiants, nous avons été très surpris que, pour les étudiants et les étudiantes, on ait établi des barèmes qui tenaient compte du revenu qu'ils ou elles pourraient avoir éventuellement, alors qu'ils n'ont pas commencé, en fait, à travailler.

On reproduit encore, on l'avait déjà dit dans notre autre mémoire, les mêmes schèmes de discrimination dans la société. Il a été établi que les gens qui peuvent aller à l'université, qui peuvent se payer des cours qui rapportent énormément ensuite, ce sont toujours les mêmes. On ne comprend pas pourquoi, si c'est une indemnité de revenu, on se base sur un revenu qu'ils n'ont pas ou qu'elles n'ont pas encore. Pourquoi favoriser une personne qui va peut-être étudier en médecine, par rapport à une personne qui va être tout simplement une apprenti coiffeuse ou un apprenti menuisier? On trouve cela absolument inacceptable, inadmissible de la part du gouvernement.

Il y a de l'élitisme aussi par rapport aux catégories sociales. Ce sont surtout des femmes qui sont assistées sociales et elles le sont parce qu'elles sont mères de famille très souvent. Comment allons-nous établir le barème pour ces assistées sociales? Comment la régie va-t-elle déterminer le revenu possible de ces femmes? Il est bien dangereux qu'elle l'établisse à zéro tout simplement. Cela veut dire qu'une mère de famille qui est assistée sociale parce qu'elle est mère de famille va être absolument défavorisée.

Aussi, on a semblé oublier les gens qui travaillent dans le bénévolat. Comment allons-nous établir le revenu de quelqu'un qui se consacre au bien-être de la société sans aucun revenu? Il y a grand danger qu'une fois de plus la régie puisse établir ce barème à zéro à peu près, la même chose. Nous trouvons, au point de vue de l'élitisme, que c'est absolument surprenant de la part du gouvernement.

Ensuite, nous avons dit qu'il y avait aussi, au point de vue du sexisme, de la discrimination dans les définitions. Nous l'avions déjà souligné dans notre autre mémoire et nous sommes surpris de voir que cela n'a pas été corrigé. Comment, en 1977, le gouvernement du Parti québécois, qui se dit, enfin qui est formé de plusieurs femmes, presque une majorité de femmes dans son parti, peut-il mépriser à ce point les mères de famille?

Nous avons été extrêmement étonnées de voir la définition qu'on donnait de personne à charge, de soutien de famille. En fait, ce sont les femmes, une fois de plus, celles qui restent à la maison, qui sont dévalorisées, qui sont défavorisées uniquement parce qu'elles doivent jouer un rôle stéréotypé, je veux bien le croire, mais ceci est la conséquence d'un sexisme dans la société. Ce n'est pas leur faute actuellement si elles ne peuvent pas aller sur le marché du travail.

De toute façon, vous savez très bien où en

sont les garderies. Quand même elles voudraient aller sur le marché du travail, elles ne peuvent pas y aller actuellement. Alors, pourquoi les défavoriser par rapport aux femmes qui ont pu aller sur le marché du travail?

Il y a aussi un élitisme là-dedans; on semble trouver que les femmes qui sont sur le marché du travail sont d'une catégorie supérieure à celles qui sont au foyer. Je pense que cela n'est pas acceptable, surtout dans les conditions actuelles de notre culture et de notre société, vu les moyens psychologiques, les moyens matériels qui sont mis à la portée des femmes au foyer.

Soutien de famille; c'est la même chose. Si on prend la définition de soutien de famille, elle a été un peu modifiée par rapport à la définition qui avait été mise précédemment dans le livre bleu, mais c'est encore inadmissible. Je peux lire cette définition, la définition que vous donnez, je pense que c'est: Celui des deux qui gagne le plus, enfin, cela revient à cela grosso modo; cela revient à ceci que vous avez enlevé "habituellement" pout mettre "principalement", c'est-à-dire que l'homme — parce qu'en général c'est l'homme qui gagne plus que la femme — va être le soutien de famille et la femme, qui gagne un peu moins, ne le sera pas. Or, on sait que, dans notre société, les hommes gagnent 60% de plus que les femmes.

Pratiquement parlant, sauf quelques exceptions très rares, vous allez toujours avoir l'homme qui est soutien de famille, avec toutes les conséquences psychologiques que cela entraîne, parce que, si vous lisez les journaux, si vous voyez ce qui se passe, même dans les échelles de salaires, on donne plus aux hommes, c'est un cercle vicieux; on donne plus aux hommes parce qu'ils sont soutiens de famille.

Il faut corriger quelque chose quelque part; il va falloir corriger cette notion de soutien de famille et faire en sorte que la femme soit aussi considérée comme soutien de famille afin que, lorsqu'il y a chômage ou lorsqu'il y a des promotions à donner ou lorsqu'il y a des avantages à donner, ce ne soit pas toujours l'homme qui les ait, sous prétexte qu'il est soutien de famille.

Nous avons été passablement interloquées de voir la définition de soutien de famille, quand vous mentionnez les personnes qui travaillent, comme si la femme au foyer ne travaillait pas. Je pense qu'il est grandement temps qu'on cesse de définir les gens qui sont sur le marché extérieur comme uniquement les gens qui travaillent. Il faut dire les gens qui travaillent à l'extérieur, à l'intérieur ou au foyer.

Il va falloir absolument que cela soit changé dans les définitions. Nous ne pouvons pas admettre qu'un gouvernement qui a un préjugé favorable pour l'égalité des sexes comme pour l'égalité des gens et des citoyens puisse admettre de pareilles définitions.

Il y a ensuite les injustices. Nous trouvons que le projet de loi proposé est d'une extrême injustice parce qu'au point de vue de la cotisation, vous demandez la même chose à tout le monde. C'est basé sur les plaques d'immatriculation et non sur le revenu. Vous allez demander la même chose à tout le monde et pourtant vous ne donnez pas les mêmes avantages à tout le monde. Quand l'assurance-maladie a été établie, elle a été établie en se basant sur le revenu. Ce qui veut dire que les gens qui gagnent plus paient plus et les gens qui gagnent moins paient moins. Et même au point de vue des avantages de cette assurance, les gens qui ont moins se trouvent presque à recevoir plus parce que très souvent ils vont être plus malades que les autres, enfin, ils auront autant d'avantages que ceux qui ont payé plus cher.

Pourtant, dans votre projet d'assurance automobile, vous faites l'inverse. Tout le monde paie la même chose, mais vous vous trouvez à donner plus, quand on considère la proportion, vous vous trouvez à donner plus aux gens qui ont presque payé moins, proportionnellement, qu'à ceux qui ont payé plus. Parce qu'une personne qui paie, disons, $120 pour sa plaque d'immatriculation, proportionnellement à son revenu paie beaucoup plus que la personne qui gagne $18 000 et qui va payer $110. Contrairement à ce qui a été fait par le gouvernement précédent, vous défavorisez les gens qui ont payé plus. C'est absolument aberrant. D'autant plus que tous les programmes gouvernementaux, en général, ont une optique sociale. Vous l'avez pour les pensions de vieillesse, vous l'avez pour l'assurance sociale, vous l'avez à peu près pour tout. On ne comprend pas que le projet d'assurance automobile fasse exactement l'inverse.

Au point de vue du sexisme, j'aimerais lire ici une partie de notre mémoire, avec des chiffres, qui va peut-être situer un peu à quel point nous avons dit qu'on discrimine la femme à la maison. La femme à la maison va payer le même montant que tous les autres pour sa plaque d'immatriculation. Je n'ai pas les statistiques ici, mais je serais très surprise de voir que les femmes au foyer, les femmes qui conduisent, les mères de famille qui ne se servent quand même pas très souvent de leur voiture aient plus d'accidents que les autres. Je ne le crois pas. Et pourtant, ce sont elles qui sont le plus pénalisées par ce système-là. Si vous relevez les statistiques, en général ce ne sont pas les femmes d'un âge moyen qui font les accidents.

Il y a aussi une injustice au point de vue des gens qui sont victimes ou qui sont coupables. Je comprends que vous avez institué le "no fault", mais même à cela il ne faudrait pas tomber dans l'excès contraire et pénaliser plus les femmes qui sont très souvent écrasées, si on peut dire, ou victimes, parce que ce ne sont pas toujours elles qui conduisent. En général quand il y a l'homme et la femme, c'est le mari qui conduit, la plupart du temps. Et ce n'est pas toujours elle qui a la voiture, vous le savez très bien. Alors, on la pénalise à ce moment-là.

Je voudrais vous lire ce que nous disons à la page 6 pour les femmes au foyer. "On voit à quel point cette législation est pleine de trous et laisse place à l'arbitraire. De plus, en se basant sur l'expérience, la formation, les emplois antérieurs, on se rend compte à quel point seront pénalisées toutes ces femmes qui ont mis de côté leurs aspirations personnelles afin d'aider leur famille, que ce

soient les parents comme les jeunes filles à la campagne issues de famille nombreuse qui aident leur mère au lieu d'aller gagner, ou celles qui prennent soin de leurs vieux parents ou les jeunes filles qui se sont mariées très tôt pour diverses raisons qui ont presque toutes trait à un conditionnement sexiste, à combien évaluera-t-on leurs possibilités de gains?

On le devine aisément. Ces femmes devront alors se rabattre sur le remboursement des frais encourus jusqu'à concurrence de $150 (voir l'article 23), modalité que nous aions condamnée avec vigueur.v

Vous savez que même les compagnies d'assurance actuelles sont moins sexistes que vous ne l'êtes dans votre projet de loi, parce que avec le paragraphe B, depuis dix ans, on donne maintenant $12.50 aux femmes par semaine — c'est ridicule, si vous voulez — mais on donne $35 aux hommes. Quand même, on ne donne que $35 aux hommes et le tiers aux femmes, mais elles ne sont pas obligées de produire des factures de frais. On ne les considère pas comme une utilité, domestique, comme vous l'avez fait dans votre projet de loi.

Peu importe, la femme a $12.50 si elle est à la maison; elle n'est pas obligée de le justifier, elle a le tiers de ce qu'a l'homme. Si on prend ce que vous avez comme salaire moyen ici, vous allez vous apercevoir que c'est beaucoup plus que ce que vous donnez et que la notion est beaucoup moins sexiste que celle avancée dans votre projet de loi. Je suis assez étonnée, Mme Payette, de voir que les compagnies d'assurance vous font une leçon sur le sexisme et ça me déçoit beaucoup.

En plus de ravaler la femme au rang d'utilité domestique, car toutes les autres catégories ont droit à des indemnités régulières, la femme qui devra se contenter de ce genre de compte de dépenses n'est même pas sûre de pouvoir trouver quelqu'un pour l'aider. Je ne sais pas si vous avez pensé qu'il n'y a plus moyen de trouver des aides domestiques. La femme qui ne pourra pas justifier, parce que vous donnez le choix entre les deux, le fait qu'elle aurait pu obtenir un revenu sur le marché du travail... A ce moment-ci, je pense aux assistées sociales, aux femmes qui font un travail bénévole, je pense aux femmes qui n'ont jamais été sur le marché du travail. On sait comment les juges dans les cours, la Cour supérieure ou n'importe quelle cour, jugent avec mépris les possibilités de gains de la femme. On devine comment la régie va faire, surtout que la loi est pleine de trous.

Si elle ne peut pas se rabattre sur cette indemnité que vous reconnaissez de $150 maximum pour trouver quelqu'un à la maison, bien, la femme va se trouver devant rien, parce que les aides domestiques, même les parents maintenant, ne veulent plus aller travailler dans les maisons privées. Je vois très mal une grand-mère qui va aller aider sa fille et se faire payer; ça se trouve de moins en moins.

Elle est plutôt certaine de ne pas en trouver, les aides domestiques prêtes à s'occuper, en plus d'enfants, d'une femme malade étant à peu près introuvables, parenté y compris. Surtout quand la femme est à la maison, bien des aides domestiques ne veulent pas y aller, parce que la femme, surtout si elle est malade, est constamment là. Cela veut dire que cette femme, mère de famille, n'aura pas un sou de compensation. Pourtant, si elle avait été une enfant au lieu d'une mère de famille qui n'a pas eu la chance de s'instruire, elle aurait eu droit, selon votre projet de loi, à $80 par semaine assurés (voir article 22) et, devenue majeure, elle aurait eu $180 en chiffres actuels (75% de la moyenne annuelle des gains des travailleurs de l'ensemble des activités économiques au Québec). La référence pour cette statistique est au bas de la page. Cela donne $180 par semaine. Donc, à cause de sa condition sociale et de son état civil, on ne lui offre que des rognures. Si on ne s'abuse, il y a un article de la Charte des droits qui interdit pareille discrimination, car cette femme fait le même travail (prendre soin de sa famille) que celle qui a une instruction supérieure. C'est un travail aussi.

Pis, aucun montant ne sera versé si la personne au foyer choisit ce mode d'indemnité. Contrairement aux autres indemnités, celle-ci sera assujettie à des factures. Il n'y a pas une seule indemnité qui est assujettie à des factures, sauf, évidemment, pour les soins de santé.

La femme qui est au foyer est encore sous tutelle. On la surveille de près. Il va falloir qu'elle produise des factures et si elle ne les a pas en main, elle ne pourra pas justifier une indemnité. Alors que l'homme mineur qui a eu un accident, rendu majeur, on lui donnera comme cela le montant que je viens de citer, qui est pas mal plus haut que $80. Il aura l'équivalent de 75% du salaire moyen, alors qu'il n'a jamais fait un travail finalement. La mère au foyer, on la place vraiment au plus bas échelon possible.

On trouve cela aberrant. Tout ce qu'on donne aux autres on le refuse aux femmes qui ne font pas partie de l'élite. Parce qu'il y a une élite chez les femmes comme chez les hommes. Les femmes qui travaillent à l'extérieur sont privilégiées par rapport à celles qui travaillent à la maison.

Nous trouvons aussi que l'on donne beaucoup trop de pouvoir et d'arbitraire à la régie. Je ne sais pas si vous regardez dans votre projet de loi, mais je pense que c'est à l'article 176, vous verrez que les pouvoirs donnés à la Régie sont absolument fantastiques d'autant plus qu'on n'a pas donné les règlements. On dit: la régie fera ses propres règlements. Quels sont-ils ces règlements? Autre chose que j'ai remarqué: Quand commencera-t-on à payer les indemnités? On ne le sait même pas. S'il y a un jugement favorable qui est rendu par la régie, il n'y a rien dans les articles, je n'en ai pas trouvé, qui dit qu'il faut commencer à payer en deçà de telle période. Les gens peuvent aussi bien traîner, surtout dans le cas de femmes au foyer où il n'y a aucun horaire qui pourra les aider à déterminer à combien la femme a droit. La régie peut traîner très longtemps. La seule façon pour les gens d'obliger la régie à payer, même dans le cas d'un jugement favorable, c'est de demander à la Cour supérieure que le jugement devienne exécutoire. Je pense que c'est

l'article 56. On pourra aller devant la Cour supérieure et demander que ce soit établi. Si on fait cela, et que ce soit payé, à ce moment ce sera obligatoire d'être payé, on perd tous nos droits d'appel. Je ne sais pas si vous avez remarqué que dans cet article on punit la personne qui fait valoir ses droits en obligeant la Cour supérieure de payer le montant. Elle n'a plus le droit à aucun appel. Tous ses droits d'appel sont éliminés par le fait même. On trouve cela incroyable qu'on n'ait mis aucun mécanisme qui oblige la régie à payer à un moment précis. J'aimerais avoir des précisions là-dessus.

Les pouvoirs discrétionnaires de la régie, par rapport aux femmes au foyer, sont absolument inconcevables parce qu'à ce moment on dit que la régie... la femme se trouve en tutelle sous la régie. Il n'y a rien, c'est plein de trous à l'article 20.

D'une part, on dit qu'il faut que les gens gagnent habituellement et à temps plein leur vie. Comment voulez-vous que la régie établisse le salaire d'une femme qui a laissé depuis très longtemps le marché du travail en se basant sur le fait qu'elle travaille à temps partiel, on va dire: mais non, vous voyez bien que c'est habituellement et à temps plein.

Il y a tellement de latitude laissée à l'arbitraire de la régie que finalement la femme au foyer, c'est 60% des femmes, c'est la majorité des femmes qui seront défavorisées par votre régime, Mme Payette. Le temps que cela prendra pour régler cela. Le coût de l'administration... Avez-vous pensé au nombre de causes qui seront devant la régie, et votre 6% de coût, que vous avez évalué, il va grimper drôlement rapidement.

On trouve que ces règles d'établissement sont inadmissibles, trop floues, trop lâches, trop larges.

Ensuite nous trouvons, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, que les conséquences matérielles pour la famille vont être assez graves dans le cas de décès. Vous avez fait certains changements. Les changements que vous avez faits nous ont passablement déçues. Si vous remarquez, vous avez retenu, des changements que nous préconisions, uniquement ceux qui défavorisaient la femme ou qui favorisaient l'homme.

Nous ne comprenons pas que, dans un ensemble de mesures que nous avons suggérées, vous n'ayez choisi que celles qui faisaient l'affaire de la régie au point de vue financier. En somme, ce sont les intérêts de la régie.

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse. En commission parlementaire, on s'adresse toujours au président, s'il vous plaît.

Mme Doiment: Je ne viens pas aussi souvent que vous en commission parlementaire. Enfin, on sait bien que ce sont des formes de procédure, mais on s'adresse au ministre quand même. J'espère que vous n'en êtes pas trop indigné.

M. le Président, je vous ferai remarquer qu'on a retenu de notre mémoire...

Mme Payette: Par personne interposée, le coup fait moins mal.

Mme Doiment: On va essayer. Quand même, j'espère que cela va vous faire suffisamment mal pour changer quelque chose.

Mme Payette: Je tendrai la deuxième joue.

Mme Doiment: Nous avons remarqué, M. le Président, que vous n'avez retenu de nos suggestions que celles qui favorisaient l'homme et qui, par contrecoup, étaient injustes, envers la femme... Nous les avions suggérées parce que nous étions logiques avec notre perception de l'autonomie de la femme et de ce qui s'en vient, puisque de plus en plus de femmes retournent sur le marché du travail. Nous voulions aussi être justes envers les hommes, mais vous n'avez retenu de notre mémoire que celles-ci, sans garder celles qui rendaient justice aux femmes.

Je vous donne deux exemples. Les deux changements principaux, majeurs de votre projet de loi par rapport à notre mémoire c'est ceci. Quand la femme mourra, l'homme aura l'équivalent de 60% du revenu net de celle-ci pendant trois ans — réduit du montant versé par la Régie des rentes au survivant — plus un montant forfaitaire variant, suivant les cas, de $5000 à $15 000. Le livre bleu n'accordait qu'un montant forfaitaire de $5000 ou $10 000 selon qu'il y avait des enfants ou non. Donc l'homme est ici bénéficiaire et non la femme. C'est l'homme veuf qui va être le bénéficiaire. D'ailleurs la Régie de l'assurance automobile n'aura pas tellement à débourser, la Régie des rentes payant une bonne partie de cette indemnité, la rente au survivant. C'est ce que vous avez prévu comme mécanisme. Evidemment, la famille va être bénéficiaire. Mais remarquez que, dans votre projet de loi, vous avez mis, pour l'homme, seulement trois ans. Vous l'avez quand même limité à trois ans, et seulement dans le cas où la femme travaillait et non pas dans le cas où la femme était à la maison.

Or, nous avions fait remarquer, M. le Président, dans notre mémoire, que les femmes à la maison, une fois qu'elles sont mortes, pour l'homme, trouver une remplaçante, c'est extrêmement dispendieux. Je ne pense pas qu'avec le montant forfaitaire un homme puisse trouver quelqu'un pour remplacer la femme au foyer. A ce moment, la tentation est grande de se remarier uniquement pour trouver une gardienne au foyer. Ce qui veut dire que c'est encore l'exploitation de la femme et que cette femme, éventuellement, va peut-être découvrir pourquoi elle a été mariée plus tard et la famille va payer pour cette erreur.

Deuxièmement, la femme conjointe ne pourra jouir de la rente prévue lors du décès de son conjoint que pendant dix ans dans le cas où elle n'a pas d'enfant, n'est pas invalide et a moins de 35 ans. Le livre bleu lui accordait cette rente sa vie durant. Ici c'est la régie qui est la grande gagnante. Evidemment, nous avions recommandé cela parce qu'on se disait que maintenant les femmes en bas de 35 ans qui n'avaient pas charge de famille pouvaient retourner sur le marché du travail. On voulait quand même que la femme soit considérée comme un soutien de famille autant

que l'homme. On ne voulait pas défavoriser uniquement la femme par notre projet de loi en lui enlevant ce qui faisait qu'avant elle était considérée comme une enfant prolongée. Si on lui redonne un statut d'autonomie, il faut aller jusqu'au bout et non pas le faire seulement à moitié quand cela fait l'affaire de la régie.

Nous trouvons absolument inadmissible que les changements que nous avions suggérés et qui ont été retenus n'aient pas le complément des avantages et du statut de travailleuse de la femme que nous avions reconnu.

Finalement, pour résumer notre position, à part les trous de la loi que nous avions souligné tout à l'heure — ce qu'il faut absolument corriger — la trop grande latitude et le trop grand pouvoir qu'on donne à la régie, nous voulons terminer en disant que ce que nous demandons essentiellement, c'est que, premièrement, soit retenu — nous revenons là-dessus — comme base de calcul, le salaire moyen de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses; que soit reconnue la femme à la maison qui a charge de famille comme un soutien de famille au même titre que l'homme, et qu'on reconnaisse qu'elle n'est plus, qu'elle ne sera jamais une personne à charge, comme pour l'impôt, comme dans tous les programmes gouvernementaux. Il faut qu'on cesse de percevoir la femme au foyer comme une personne à charge, ou même la femme qui a un revenu inférieur à celui de l'homme. Je pense que cela n'est pas uniquement pour le programme d'assurance automobile, mais cela devrait être établi dans tous les programmes gouvernementaux qui vont être établis à l'avenir, et je pense que le ministre responsable de la situation de la femme devrait donner l'exemple aux autres ministères.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, Mme Dolment.

Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais d'abord réaffirmer ici que, depuis que nous avons commencé à étudier ce dossier, nous avons effectivement travaillé dans le sens d'une amélioration sur le plan des définitions légales qu'on peut trouver à l'intérieur des projets de loi, avec toutes les difficultés que cela comporte quand nos définitions deviennent du droit nouveau.

Nous avons, en cours de route, consulté le Conseil du statut de la femme pour être aidés dans la rédaction de ce projet de loi; nous en sommes arrivés à un certain nombre de définitions qui nous satisfont un peu mieux; d'autres ne sont pas encore parfaitement satisfaisantes, mais je voudrais aussi faire comprendre aux représentantes du RAIF qui sont devant nous qu'il me paraît extrêmement difficile de penser que c'est par un projet de loi de l'assurance automobile qu'on va changer complètement une situation sociale au Québec. D'ailleurs, je voudrais faire remarquer que, dans le mémoire qui a été présenté, le RAIF fait allusion tout le temps aux femmes au foyer alors que le projet de loi parle de personnes au foyer, de soutiens de famille, de personnes à charge, ce qui est déjà une amélioration sur le mémoire présenté.

Nous sommes obligés, sur le plan légal, de tenir compte, jusqu'à ce qu'un changement soit intervenu de fait dans la société, que nos définitions doivent correspondre à une situation plus ou moins existante, et je nepense pas que, malgré toute la bonne volonté do nt le ministre puisse faire part dans l'étude de ce dossier et dans la préparation de ce projet de loi, on arrivera à concrétiser, dans le projet de loi de l'assurance automobile, le salaire de la femme au foyer. C'est un débat qui devra se faire ailleurs et qui devra se faire de façon globale et, à ce moment-là, on amendera la loi de l'assurance automobile, si c'est nécessaire.

Je voudrais reprendre un certain nombre de choses que vous avez dites, répondre à un certain nombre de questions et vous en poser également. Vous avez dit, à un moment donné, que tout le monde allait payer la même chose, ce qui n'est pas tout à fait vrai puisque, déjà, en commission parlementaire, nous avons annoncé qu'au niveau de la tarification, il pourrait y avoir des différences selon qu'il s'agit, par exemple, d'un cultivateur qui n'utilise pas nécessairement son véhicule de façon régulière. Vous avez parlé de la femme au foyer qui paie, elle aussi, sa part du coût du régime, sur la plaque d'immatriculation; vous ne parlez là que d'une femme qui serait propriétaire d'un véhicule, puisque c'est le propriétaire du véhicule qui devra payer la plaque d'immatriculation.

Si la femme au foyer n'a pas de travail à l'extérieur, donc pas de revenu régulier, et si elle n'est pas propriétaire d'un véhicule, elle n'aura à payer que sa part sur le permis de conduite, ce qui ne correspond pas du tout aux mêmes sommes.

A la page un, au paragraphe 4, vous parlez des survivants.

Mme Dolment: Pardon?

Mme Payette: A la page un, oui, au paragraphe 4. Evidemment, il s'agit de l'homme ou de la femme ou d'un enfant qui est bénéficiaire. Je ne sais pas si cela a été clair.

Mme Dolment: Page un, vous dites, du dernier mémoire?

Mme Payette: Oui. Dans les survivants, il s'agit de l'homme.

Mme Dolment: Oui.

Mme Payette: Vous dites... c'est cela. Alors, les deux changements majeurs, dites-vous, du projet de loi, consistent en ceci et vous dites à 1-3: L'homme est le bénéficiaire et non la femme. Notre évaluation de ce changement du livre bleu au projet de loi est que l'homme n'est pas le bénéficiaire. Cela peut être l'homme, cela peut être la femme ou cela peut être l'enfant qui est bénéficiaire, étant le survivant.

Mme Dolment: Oui, bien sûr, mais évidem-

ment, je comprends qu'on essaie de prendre les termes égalitaires, mais, dans les faits, parce que la femme, actuellement... Dans ce cas-ci, on dit que nous avions recommandé certaines choses pour la femme, pour l'égalité, mais, dans le cas où la femme qui n'est pas soutien de famille... parce qu'en général, c'est la femme qui n'est pas soutien de famille...

Mme Payette: Madame, si vous me demandez de reconnaître que la société est sexiste, je pense que vous n'aurez pas de difficultés à attirer un oui.

Mme Dolment: Non, je comprends, mais pour se comprendre dans les faits, en général, sauf exception, c'est l'homme qui gagne plus que la femme.

Mme Payette: Un projet de loi, je ne suis pas avocat, mais un projet de loi se doit de refléter également la société. Le projet de loi ne va pas transformer la société.

Mme Dolment: Vous vous trouvez à la transformer puisque vous mettez également l'homme et la femme.

Mme Payette: Nous allons aussi loin que la société nous le permet actuellement dans la définition des mots que nous utilisons pour ce projet de loi. Mais nous ne pouvons aller aussi loin que vous le souhaitez parce qu'à ce moment, nous introduisons un changement de la société par l'intermédiaire d'un projet de loi d'assurance automobile.

Mme Dolment: Si le PQ ne veut pas changer la société, je ne sais pas ce qu'il veut faire. Le projet d'assurance automobile se trouve aussi à changer un peu la société. Lorsque vous arrivez et que vous donnez le salaire à un enfant majeur, étudiant, c'est le salaire à l'étudiant; or, le salaire de l'étudiant, d'après ce que je peux comprendre, n'est pas encore établi et, pourtant, votre projet de loi reconnaît un salaire à l'étudiant. Si vous le faites pour l'étudiant, pourquoi ne pas le faire pour la femme au foyer?

De toute façon, si vous remarquez, dans notre projet de loi, nous ne parlons pas du salaire de la femme au foyer. Ce problème est un autre problème qui a bien des incidences, bien des détails. Nous n'avons jamais été pour le salaire à la ménagère, nous sommes contre le salaire à la ménagère. Seulement, nous reconnaissons la perte d'activité d'une femme. Si on reconnaît la perte d'activité d'un étudiant ou d'un mineur ou d'un majeur, je ne vois pas pourquoi on ne reconnaîtrait pas la perte d'activité d'une femme qui est au foyer autant que l'enfant qui a eu un accident à 10 ans et à 18 ans et qui va avoir le salaire moyen.

Je ne comprends pas pourquoi on l'enlèverait à la femme. Ce n'est pas du tout un débat sur le salaire de la femme au foyer.

Mme Payette: Le régime que nous proposons est essentiellement basé sur le remplacement des pertes économiques entraînées par un accident d'automobile.

Mme Dolment: Je m'excuse, mais je pense que le revenu qui est donné à un enfant majeur qui a eu un accident quand il était mineur n'est pas du tout cela parce qu'il n'a jamais eu de revenu. Or, mineur, il a au moins $80 parce que cela va être évalué selon la hausse du coût de la vie. Rendu majeur, il aura 75% — j'ai fait le calcul tout à l'heure; c'est pour cela que je l'ai lu — il aura 75% du salaire moyen selon les normes établies chaque année par Statistique Canada et la hausse du coût de la vie. Ce n'est pas du tout basé sur le revenu puisqu'il n'a jamais eu de revenu.

Pourquoi vous le reconnaissez pour des jeunes et vous ne le reconnaissez pas... C'est comme l'aide sociale qui donne à un enfant, à 18 ans, un revenu personnel, mais qui le refuse à la femme qui est mère de famille. C'est l'homme qui a le revenu, elle n'a rien du tout. Vous participez encore au même sexisme, à la même discrimination. Vous changez quelque chose pour les jeunes, pour les étudiants et vous refusez de le faire pour la femme.

Vous dites que vous ne voulez pas changer la société, mais vous le faites avec votre projet de loi, vous laissez de côté les femmes. Je trouve cela assez étonnant, assez inadmissible, vous le comprendrez, venant de vous.

Mme Payette: Le terme "soutien de famille", que vous avez à nouveau souligné, en effet ne nous satisfait pas non plus. Je peux vous annoncer que nous travaillons toujours sur cette définition pour tenter de mieux définir ce que nous souhaitons voir introduire dans cette notion de "soutien de famille".

Vous nous signalez, à la page 5 de votre mémoire, que la possibilité de choix est à retenir.

Mme Dolment: Possibilité de choix...

Mme Payette: Je pense qu'il s'agit, aux articles que vous dites discriminatoires, du paragraphe 2: "Pourquoi a-t-on exclu, à toutes fins pratiques, les femmes des indemnités de remplacement de revenu lorsqu'elles se sont dévouées au foyer"?

Puis-je vous demander d'expliciter davantage ce que vous avez dit sur l'article 20 du projet de loi? Avez-vous le projet?

Mme Dolment: Je vais prendre votre projet de loi à l'article 20.

Est-ce que vous voulez que j'explique ce qu'il y a dans notre mémoire, est-ce cela que vous voulez dire ou...

Mme Payette: Vous avez parlé de l'article 20 dans le mémoire que j'ai devant moi, mais je pense que vous en avez aussi parlé en faisant votre exposé, qui n'était pas nécessairement la lecture du mémoire. Est-ce que je pourrais vous demander ce que vous avez dit sur l'article 20, quand vous en avez parlé?

Mme Dolment: Oui, c'est justement là où l'on parle de trous dans le projet de loi. C'est plein de trous et, comme je vous le dis, la régie va pouvoir jouer là-dedans comme les avocats jouent dans la loi. Dans l'article 20 c'est marqué: "Sous réserve de l'article 21, la victime qui, lors de l'accident..."

Mme Payette: C'était la question de "habituellement" et "à temps plein", que vous aviez signalée...

Mme Dolment: Oui, justement, c'est parce que dans le premier paragraphe, c'est marqué — cet article là est très important — "... n'exerçait aucun emploi tout en étant capable de travailler, exerçait un emploi occasionnel ou un emploi à temps partiel, travaillait sans rémunération dans une entreprise familiale ou était une personne au foyer, a droit à l'indemnité de remplacement de revenu si, à la suite de l'accident, elle devient incapable d'exercer l'emploi qu'elle aurait pu occuper habituellement et à temps plein". Il y a presque une contradiction. On parle d'une personne qui travaillait à temps partiel et ensuite on dit qu'on va lui donner une indemnité si elle devient incapable d'exercer l'emploi qu'elle aurait pu occuper habituellement — on revient toujours à la même définition que vous aviez éliminée du livre bleu, vous y revenez à l'article 20, vous la réintégrez — et à temps plein. Or, on sait que très souvent la femme ne peut pas travailler habituellement et à temps plein.

Dans le deuxième paragraphe on dit: "La régie détermine l'emploi que la victime — encore la régie, l'arbitraire de la régie — aurait pu occuper habituellement et à temps plein — ce qui revient deux fois, donc c'est très important — en tenant compte de sa formation — or, on sait très bien qu'en général les femmes n'ont pas la même formation que les hommes parce qu'on leur a dit que c'était de se marier qui était important et elles se dépêchent de se marier, donc elles n'ont pas la même formation; elles sont donc défavorisées quand il s'agira d'établir le revenu — de son expérience — même chose, l'expérience, comment voulez-vous avoir la même expérience qu'un homme quand on élève une famille? — de ses capacités physiques — et cela aussi est très discriminatoire, j'ai oublié de le mentionner tout à l'heure, mais pour une femme qui est enceinte de huit mois; fait-on la même chose que l'assurance-chômage?

On sait jusqu'à quel point c'est discriminatoire envers les femmes. Est-ce qu'on va dire: Mais non. Vous n'avez pas pu travailler, vous êtes enceinte de huit mois. Finalement, on va la pénaliser parce qu'elle est enceinte. Une psychologue n'en est pas revenue de cette définition, elle a poussé les hauts cris lorsqu'elle a lu cette définition: "De ses capacités physiques et intellectuelles". On sait comment certains jugent. La régie aura peut-être la même mentalité que les juges, puisque vous référez aux juges quand vous parlez des attributions des membres de la régie. Comment les juges vont-ils évaluer les capacités intellectuelles d'une femme, alors que plusieurs juges pensent que les femmes sont, intellectuellement, inférieures aux hommes? Je pense que cet article-là est extrêmement dangereux et qu'il devrait être repris en entier.

De plus, le revenu des femmes. Vous savez sans doute qu'il y a 600 000 femmes qui travaillent au Québec. Je ne sais pas si vous saviez, M. le Président, que 100 000 femmes gagnent moins de $2000? Vous voyez à peu près à combien sera établi le revenu d'une femme. Et pourquoi gagnent-elles moins de $2000? Très souvent, parce qu'elles ne peuvent avoir que des emplois à temps partiel, parce que lorsqu'il y a chômage, ce sont les femmes qu'on met dehors, elles n'ont pas les promotions... Je ne reviendrai pas là-dessus, tout le monde le sait. Mais ce qui est grave, c'est que justement, la femme qui fait parfois des journées de 16 ou 18 heures, va être pénalisée, va avoir moins que des gens qui font des journées normales de huit heures. Avez-vous pensé, M. le Président, que ce sont les femmes qui prennent soin des enfants? Les mineurs qui vont recevoir $80 par semaine, un enfant de six ans aura $80 par semaine, mais on mesquine pour les femmes. On donne $80 par semaine à un enfant, mais qui va prendre soin de cet enfant-là, qui en aura la charge, qui aura double journée de travail pour prendre soin d'un enfant malade, d'un enfant qui est invalide, qui a une jambe cassée? C'est la mère qui va avoir double travail..

Je ne connais pas les lois de la curatelle par coeur, mais j'aimerais aussi savoir si les $80 seront versés, selon les lois de la curetelle, obligatoirement au nom de l'enfant, de telle sorte que la femme qui aura double travail ne pourra pas avoir une partie de ce montant-là, parce que c'est elle qui, finalement, va avoir le travail. J'aimerais beaucoup avoir des précisions là-dessus, en plus du reste.

Mais pour en revenir à l'article 20, êtes-vous d'accord avec moi, M. le Président, que c'est absolument inadmissible d'avoir autant de trous? C'est presque contradictoire.

M. Paquette: M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Si vous permettez, sur l'article 20. Je soutiens que la discrimination dont vous faites état n'est pas dans le projet de loi. Elle est dans la société. Je suis d'accord pour dire qu'il y a des femmes qui gagnent $2000, mais il y a aussi des hommes qui gagnent $2000 pour toutes sortes de raisons.

Mme Dolment: Non. Très peu. Si vous regardez les statistiques...

M. Paquette: Bien sûr. Les statistiques nous démontrent qu'il y a une discrimination dans la société.

Mme Dolment: II n'y a à peu près pas d'hommes qui gagnent moins de $2000.

M. Paquette: D'accord. Il y a une discrimination dans la société, c'est bien ce que j'ai dit. Maintenant, on regarde l'article 20...

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président. Je crois qu'on brise un peu la tradition dans notre façon de travailler. Je veux bien coopérer, mais je vois...

Mme Payette: Je n'ai cédé mon droit de parole que pour cette intervention.

M. Paquette: J'ai demandé la permission au ministre, mais je la lui avais demandée en privé. Je peux bien la lui demander publiquement si vous voulez.

M. Saint-Germain: D'accord.

Mme Payette: Ce n'est que pour cette explication.

M. Paquette: Je ne pense d'ailleurs pas que ce soit vous que j'aie interrompu.

L'article 20 dit que, dans le cas de la personne au foyer, homme ou femme, ce n'est pas discriminatoire à ce point de vue-là non plus, ces personnes ont droit à l'indemnité de remplacement du revenu. "La régie détermine l'emploi que la victime aurait pu occuper habituellement et à temps plein en tenant compte de sa formation, de son expérience, de ses capacités physiques et intellectuelles".

C'est quand même plus généreux que tout autre projet de loi du genre. L'article 23 et les $150 que vous mentionnez, c'est à la discrétion de la victime. Quelqu'un qui aurait moins de $150, en vertu de l'article 20, pourrait décider de se prévaloir de l'article 23. L'article 23 dit que la victime qui est une personne au foyer peut, si, à la suite de l'accident, etc., réclamer jusqu'à un montant maximum de $150. C'est à la discrétion de la victime. J'imagine que les gens vont choisir ce qui est le plus avantageux. Je ne peux pas dire que l'article 23 est discriminatoire. C'est plutôt un article compensatoire, dans certains cas.

Mme Dolment: J'ai expliqué tout à l'heure, justement, que c'était impossible de nos jours, d'avoir de l'aide. A toutes fins pratiques, cet article est presque inapplicable, parce qu'on sait très bien qu'on peut difficilement avoir de l'aide. C'est d'autant plus discriminatoire et insultant en ce sens qu'on remplace simplement la femme par de l'aide domestique et qu'on ne reconnaît pas sa valeur, on ne lui donne pas un statut de travailleuse. C'est ce qui est important. Si vous ne voulez rien changer à la société, pourquoi faites-vous un projet de loi sur l'assurance automobile?

M. Paquette: Vraiment, je ne suis pas d'accord, parce que si, comme vous dites, il y a de la difficulté à se trouver des aides domestiques — c'est un problème dont le gouvernement devrait s'occuper, en passant — au lieu de prendre l'article 23, la personne au foyer pourra prendre l'article 20, où on dit: "La régie détermine l'emploi que la victime aurait pu occuper habituellement à temps plein en tenant compte de sa formation, de son expérience, de ses capacités physiques et intellectuelles." Ce n'est pas discriminatoire, ça.

Mme Dolment: Mais oui, c'est discriminatoire, parce que, justement — c'est vous qui le dites — comment les fonctionnaires de la régie, on sait comment la Régie des loyers fonctionne...

M. Paquette: C'est parce que vous voudriez compenser le problème social du préjudice très grave qui est fait aux femmes au niveau de la formation, au niveau de la rémunération sur le marché du travail. On ne peut pas faire ça dans un projet de loi sur l'assurance automobile.

Mme Dolment: Oui, on peut le faire, comme on l'a fait pour l'assurance-maladie; on a donné la même chose à tout le monde. Je trouve que ce projet est élitiste, il est fondamentalement mauvais au point de vue de l'évaluation des indemnités; ça devrait être le salaire moyen pour tout le monde.

M. Paquette: Alors, vous n'êtes pas d'accord sur le fait que le projet de loi soit basé sur une compensation des pertes de revenu.

Mme Dolment: Evidemment pas. M. Paquette: Ahbon!

Mme Dolment: Evidemment pas, c'est ce que j'ai dit tout à l'heure, que c'était absolument élitiste, inadmissible.

M. Paquette: Ce n'est pas de la discrimination.

Mme Dolment: Même le gouvernement libéral n'a pas fait ça avec l'assurance-maladie. Il a donné la même chose. Même les compagnies d'assurance ne font pas ça. C'est $35 pour tous les hommes, peu importe le revenu; $12.50 pour les femmes, peu importe.

M. Paquette: Je vous signale que, dans l'assurance-maladie, il n'est pas question de compensation de revenu; il s'agit de soins donnés à tout le monde. D'ailleurs, à ce point de vue-là, le projet de loi adopte la même attitude. Avec une compagnie privée, si vous êtes une personne au foyer, si vous perdez le bras, votre bras ne vaut pas aussi cher que celui d'un travailleur; d'accord? Dans le projet de loi, tous les bras valent le même prix.

Mme Dolment: Je ne vous parle pas d'une indemnité pour un bras.

M. Paquette: C'est la même optique que dans l'assurance-maladie, quand on parle de choses comparables.

Mme Dolment: Non, je parle de la philosophie...

M. Paquette: Vous comparez à l'assurance-maladie, qui n'est pas destinée à compenser des pertes de revenu. Alors ce concept ne pouvait évidemment pas être utilisé dans l'assurance-maladie. Dans l'assurance automobile, c'est quand même un concept clé, il me semble.

Mme Dolment: Le concept clé, il y a bien sûr l'indemnité par rapport aux membres, tout ça, mis c'était fait par... C'est justement ça. Les compagnies privées l'avaient. L'amélioration que le ministère apporte, c'est par rapport au revenu. C'est un principe fondamental de l'assurance automobile. Mme Payette a justement mentionné, cela a été reproduit dans le Jour, que son projet de loi était à base de philosophie sociale, ce n'était pas du tout à base d'assurance uniquement, dans le sens privé. C'était de rétablir une justice sociale. Vous vous contredisez vous-même quand vous dites: Non, ce sont uniquement les revenus. Je l'ai apporté tout à l'heure par rapport aux étudiants, par rapport aux mineurs. Donc, il y a une optique sociale là-dedans, puisque vous donnez des revenus à des étudiants qui n'ont pas de revenus actuellement.

Votre optique, si vous ne voulez rien changer, dites-le; ça ne sert à rien d'élire un gouvernement qui prétend vouloir changer la société si, après ça, vous ne changez rien quand ça fait votre affaire.

M. Paquette: Je vais terminer là-dessus, on ne le fait pas seulement pour les enfants, on le fait pour les personnes au foyer aussi. L'article 20 est très clair.

Mme Dolment: Pardon?

M. Paquette: On le fait pour les personnes au foyer aussi.

Mme Dolment: Vous ne changez pas grand-chose pour les personnes au foyer. Cela a l'air beau comme ça, c'est ce que je dis, c'est que cela a l'air beau, vous mettez de belles phrases, vous mettez des articles qui ont l'air de donner quelque chose aux personnes au foyer. Mais pratiquement, concrètement, dans les faits, nous sommes assez habituées, parce qu'on a souvent affaire aux problèmes des femmes, pour voir ce qui arrive dans les faits. C'est justement là où une loi peut être très malhonnête d'une certaine façon, des fois non intentionnellement, mais peut faire du tort aux gens, parce qu'une loi pleine de trous est injuste.

Je vous le garantis, quand vous allez avoir les cas à la régie. D'abord, ça va vous coûter une fortune pour régler ces cas, parce que c'est évident que les gens vont aller en appel; peut-être que les femmes n'iront pas, parce qu'elles ne sont pas habituées, elles sont habituées d'accepter la discrimination et l'injustice. Mais ce sera la faute du projet de loi. Parce que le projet de loi, s'il l'établit pour les mineurs et les majeurs, aurait pu très bien établir... Il n'y a même pas de plancher pour les femmes. Supposons qu'à la régie vous avez des fonctionnaires qui ne veulent rien donner aux femmes; on l'a vu avec la Régie des loyers comment ça fonctionne. Prenez l'exemple de la Régie des loyers, c'est une honte, cette régie. Si cette régie fonctionne de la même façon que la régie des loyers et que les juges décident pour les femmes au foyer, le mépris envers les mères de famille, vous allez voir comment elles vont se retrouver; c'est 60% des femmes. Même les femmes qui gagnent moins que les hommes, c'est la même chose au point de vue de la discrimination. Ce projet de loi n'est pas acceptable.

M. Paquette: Simplement pour corriger une erreur, vous avez dit qu'il n'y avait pas de minimum, il y en a un à l'article 26.

Mme Dolment: II n'y avait pas de...?

M. Paquette: ... qu'il n'y avait pas de minimum, pas de plancher.

Mme Dolment: Où?

M. Paquette: II y en a un à l'article 26, qui dit que l'indemnité de remplacement du revenu ne doit être en aucun cas inférieure à la somme de $80 par semaine plus $10...

Mme Dolment: En remplacement du revenu, c'est justement cela, ce qui veut dire que la femme, si on établit qu'elle est assistée sociale, qu'elle n'a droit à aucun revenu, sera obligée de prendre l'indemnité de remplacement, qui n'est pas un remplacement du revenu.

Mme Payette: C'est l'un ou l'autre, le choix, c'est-à-dire que la personne au foyer peut être évaluée à partir d'un travail qu'elle a fait avant d'être une personne au foyer, projeter ce qu'elle aurait pu gagner si elle était restée sur le marché du travail, si elle avait souhaité revenir sur le marché du travail, dans les fonctions qu'elle occupait quand elle a cessé d'être sur le marché du travail. Elle a le choix entre cela, si c'est plus avantageux pour elle que les $150 de remplacement. Malgré tout cela, cela ne peut pas aller en dessous de $80, même si quelqu'un n'a jamais été sur le marché du travail.

Mme Dolment: Ce n'est pas clair dans l'article de loi. Si vous lisez l'article 23...

M. Paquette: C'est mieux qu'un emploi.

Mme Payette: Ce n'est peut-être pas clair pour vous, mais cela est clair pour l'ensemble des gens que nous avons eus jusqu'à maintenant.

Mme Dolment: On verra comment la loi sera interprétée, parce qu'il y a bien des lois que les législateurs disaient claires et qui ont été par la suite contestées. Je ne la trouve pas claire et je suis presque certaine qu'un juriste qui lirait cela pourrait établir qu'il arrivera des cas où des femmes n'auront le droit à rien. Quand une femme n'a jamais été sur le marché du travail, la régie peut très bien établir à zéro sa possibilité de revenu.

Mme Payette: C'est impossible, tel que le projet de loi est rédigé actuellement.

Mme Dolment: De toute façon, même si elle a $80, cela me parait inadmissible par rapport au majeur qui a eu un accident, lorsqu'il était mineur, et qui aura le salaire moyen, 75% du salaire moyen, alors que la femme fait un travail. Ce n'est pas changer quelque chose, mais reconnaître ce que fait la femme. Elle fait un travail et ce travail doit être évalué. Comme la femme qui travaille bénévolement, comment l'évaluerez-vous? Il y a plusieurs femmes qui travaillent bénévolement. Comment le fonctionnaire de la régie établira-t-il son revenu? A $80 par semaine, le minimum? Je trouve cela scandaleux. Quand vous venez nous dire que vous ne pouvez pas changer la société, ce n'est pas vrai, parce que vous l'avez changée pour les étudiants, les mineurs et les majeurs.

Mme Payette: M. le Président, en ce qui me concerne, j'ai terminé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je tiens, premièrement, à vous remercier de vous être donné la peine de comparaître devant nous. Je suis un peu mal à l'aise pour ajouter quoi que ce soit, parce que vous avez bien expliqué votre point de vue. Vous l'avez fait avec précision et beaucoup de clarté. Je crois que vos arguments seront très difficiles à contredire, parce que vous avez en somme tout à fait raison.

On a devant nous un projet de loi qu'on dit social. C'est un qualificatif qu'on peut attacher à bien des choses, mais en quoi est-il social? Là, c'est plus difficile. Personnellement, je crois que c'est un projet de loi qui est le résultat d'une société de consommation, d'une société matérialiste, d'une société où la seule échelle de valeurs est l'argent. On l'a même répété. Madame l'a répété.

Les seules compensations qui peuvent être faites avec justice, c'est la perte de revenu, comme si, nécessairement, un homme ou une femme qui rapportait un revenu élevé était de par le fait même un meilleur actif pour la société que n'importe quel autre individu. C'est ça la société de consommation.

En plus, on étatise l'assurance, on en fait un régime d'Etat. Ce sera un monopole, avec tout ce que cela veut dire, comme vous l'avez dit, dominé par des fonctionnaires. C'est un projet de loi, qui, comme je vous l'ai dit, est sous-tendu par une philosophie matérialiste, qui ne pourra pas s'adapter à chaque victime, s'adapter aux besoins ou aux dommages qu'a subis chaque victime en particulier.

Il faut nécessairement standardiser. C'est typique des monopoles. C'est typique des régies d'Etat. On standardise. Les citoyens deviennent anonymes. On les traite avec un schéma qui ne peut pas varier beaucoup.

Personnellement, en lisant le livre bleu pour la première fois, ce qui m'a sauté aux yeux, c'est l'in- justice qu'on faisait aux femmes. J'ai fait un long débat là-dessus au niveau des crédits du ministère. Vous pourriez en prendre note dans le journal des Débats. Ce ne sont pas simplement les femmes qui subissent des injustices à cause de cette philosophie qui veut qu'on ne compense que pour les pertes de revenus, mais ce sont les victimes en général.

Un autre exemple que je puis donner, c'est que vous pouvez blesser une personne qui travaille, homme ou femme, cette victime peut subir une incapacité permanente partielle de 10%, 15% ou 20% et même plus, mais, si cette victime peut retourner au travail et gagner plus de $18 000 brut par année, elle n'a plus de compensation. On peut faire de l'arthrite, du rhumatisme, on peut être obligé de laisser tomber ses hobbys, ses sports, chasse, pêche ou ce que vous voulez, il y a très peu de compensation pour cela. C'est la grille de $20 000 au maximum.

Il peut arriver qu'une victime dans un accident d'automobile subisse des préjudices sa vie durant sans qu'elle reçoive d'annuité parce que cette victime n'a pas perdu de revenu; point. Voilà une autre injustice qui est le résultat de la philosophie qui sous-tend le projet de loi.

Vous avez les mêmes injustices pour mutilation. On dit d'une personne qu'elle a seulement un bras. Le bras a la même valeur pour tout le monde; que ce soit votre bras droit ou gauche, cela ne change rien.

Mme Payette: Est-ce que le bras d'une femme au foyer devrait être évalué moins cher selon vous?

M. Saint-Germain: Dans le contexte actuel, il en reste que, quelles que soient les injustices du statu quo — je ne défends pas le statu quo, croyez-moi, on aurait dû légiférer depuis longtemps sur l'assurance automobile — lorsque vous passez devant un juge, vous pouvez soutenir devant ce dernier toutes les injustices ou tous les préjudices que vous subissez à cause d'un accident. La cause s'établit selon les préjudices que la victime a subis elle-même. C'est là que le juge peut faire une différence entre le bras d'un violoniste et le bras d'un homme de bureau ou d'une femme au foyer. Le juge va essayer d'établir quelle est la valeur des préjudices qu'une personne a subis en perdant son bras. Là, les bras, on les standardise.

Les femmes au foyer jouent, à mon avis, un rôle extrêmement important. C'est parce qu'il y a de moins en moins de femmes qui jouent ce rôle au foyer au Québec qu'il y a une dénatalité. On sait, par exemple, que cela a créé des problèmes d'insécurité parmi la population et parmi les Canadiennes françaises. On en parle et on essaie de voter des lois qui sont le résultat des problèmes causés par la dénatalité.

Ce projet de loi confirme — on le met dans la loi — les préjudices qu'on a actuellement contre les femmes au foyer. Ils apparaissent très clairement. Il y a des couples qui se marient et qui ne veulent pas nécessairement avoir d'enfants, ou qui

remettent à bien plus tard la natalité et qui travaillent. Il y a de plus en plus de ces couples. C'est leur droit. Ils le font dans un régime de pleine liberté. D'autres se marient pour avoir une famille. C'est encore leur droit et ce n'est pas moins indigne. C'est aussi valable pour la société.

Mais pourquoi concrétise-t-on cela dans le projet de loi, pourquoi donne-t-on plus de valeur à la femme qui va sur le marché du travail qu'à celle qui demeure au foyer? On n'en sortira pas, parce qu'il faudrait changer la philosophie même du projet de loi.

Si on prend l'exemple pratique d'une femme qui a trois ou quatre enfants. Elle est accidentée et invalide dans une chaise roulante pendant un an ou un an et demi, ou pour toujours, si on veut. Surtout immédiatement après l'accident ou après l'hospitalisation, il est certain que cette femme ne peut plus vaquer à ses occupations journalières et, en plus, elle peut exiger auprès d'elle, de par son état de santé, une présence constante 24 heures par jour, 7 jours par semaine. Lorsqu'on est invalide, on est obligé d'avoir de l'aide même pour satisfaire ses besoins les plus élémentaires et, bien souvent, on est dans un état d'insécurité tel qu'on ne peut pas vivre seul à la maison.

Imaginez-vous qu'on va donner $150 par semaine à une dame dans ce cas, soi-disant pour remplacer ce qu'elle aurait pu faire; c'est absolument injuste parce qu'elle peut exiger, pendant des mois, plus de soins et plus d'attention que le reste de la famille à cause de son état. Si on remet à une telle dame $150 par semaine, qu'est-ce que cela veut dire? C'est catastrophique pour la famille! Comme vous l'avez dit, on ne trouve personne pour se faire aider. Là, vous avez besoin d'aide comme épouse et, en plus, la famille est privée de la mère. Mais que voulez-vous, on dédommage les gens selon les revenus et la femme au foyer n'en a pas.

Même si vous êtes contre le salaire à la mère de famille, comme vous l'avez déclaré, le fait...

Mme Dolment: On est contre le salaire à la ménagère, pas à la mère de famille!

M. Saint-Germain: Je ne vois pas la différence.

Mme Dolment: Cela fait une grosse différence.

M. Saint-Germain: Donnez-moi des explications sur cette différence que vous faites.

Mme Dolment: Le salaire à la ménagère peut aussi bien être le salaire d'une femme qui prend soin de son mari ou de grands enfants de 20 ans; c'est absolument inadmissible parce que je pense qu'un homme de cet âge peut faire sa propre cuisine et les enfants aussi. Elle n'a pas à être la servante d'une famille de cet âge. Si vous me le permettez, je ne connais pas vos talents, mais enfin!

M. Saint-Germain: D'accord, allons! Mais il reste tout de même que ceux qui exigent que ces personnes soient rémunérées, c'est parce qu'on sent qu'il y a là une valeur dans les services rendus, c'est une rémunération.

Mme Dolment: Le mari paiera sa femme, s'il veut avoir une bonne à la maison, mais l'Etat n'a pas à subventionner cela. L'Etat a simplement à subventionner le travail d'éducatrice et de gardienne de jeunes enfants, surtout qu'il n'y a pas de garderies actuellement. Il y a une grosse différence entre le salaire aux parents, hommes ou femmes, de jeunes enfants qui restent à la maison et le salaire que nous rejetons, le salaire à la ménagère. C'est pour cette raison que nous avions recommandé que les femmes en bas de 35 ans ou de 33 ans, peu importe, aient peut-être le droit de se recycler un certain temps, mais qu'elles devraient subvenir à leurs propres besoins parce qu'avec la nouvelle mentalité, les nouvelles facilités, je pense que c'est assez important.

Maintenant, me permettez-vous, M. le Président, de spécifier certaines choses par rapport à un bras, comme on le mentionne? Je dois dire que nous ne sommes pas tout à fait d'accord, sur la philosophie matérialiste, je suis bien d'accord avec vous, mais, quant à la question du bras, je pense que tout bras devrait être évalué au même montant. Maintenant, si un violoniste perd un bras, il peut très bien se prendre une assurance à part qui va faire en sorte que ce bras extrêmement précieux va être assuré. Je pense qu'un régime comme celui-là ne devrait pas commencer à dire: Tel bras vaut tant, parce qu'il y a des gens qui travaillent de la main gauche et d'autres qui travaillent de la main droite. C'est absolument impossible à préciser.

Mme Payette: M. le Président, si on me permet d'apporter la dernière explication sur le sujet, parce qu'il ne faudrait pas laisser traîner des erreurs au sujet d'un bras. Vous avez parfaitement raison de dire qu'un violoniste pourra s'assurer pour son bras qui est infiniment plus précieux probablement que le bras de quelqu'un d'autre. Pour le bras d'un mécanicien d'automobile et le bras d'un menuisier, il y a d'abord un montant forfaitaire qui évalue le bras au même prix que n'importe quel bras de tout le monde et la compensation de la perte économique qui s'ensuit, c'est-à-dire selon ce que gagnait un mécanicien d'automobile et ce que peut gagner un menuisier, par exemple. C'est ce que prévoit le régime.

Mme Dolment: C'est trop difficile, d'après moi, à évaluer. Maintenant, est-ce que je pourrais préciser quand même que, par rapport au montant qui est payé, quand vous disiez qu'il y avait une différence entre le montant qui va être payé par la mère de famille par rapport à la plaque d'immatriculation et par rapport à celui qui n'aura pas payé la plaque d'immatriculation, reconnaissez que les avantages n'ont aucune proportion. Parce que pour $110, une personne va avoir des milliers et des milliers de dollars de compensation, alors que l'autre n'aura rien du tout.

Mme Payette: C'est faux, Mme Dolment. C'est complètement faux ce que vous dites.

Mme Dolment: Non, parce que... de toute façon...

Mme Payette: Ecoutez, vous n'avez pas compris le contenu de la réforme. Vous avez très certainement mal interprété le contenu de plusieurs articles. On peut vous aider à les comprendre, mais ce que vous dites est faux.

Mme Dolment: Je comprends très bien. Ce que je veux dire par là, c'est qu'une personne qui paie $110... parce que vous disiez que la femme qui avait un accident et qui n'avait pas de voiture ne payait pas $110. Il était justifié que cette mère de famille qui peut-être n'avait pas de voiture n'ait pas les mêmes revenus qu'un autre. Alors que l'autre personne qui a payé $110, c'est ce que vous avez dit tout à l'heure...

Mme Payette: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président. J'aimerais bien conserver mon droit de parole, s'il vous plaît.

Le Président (M. Boucher): D'accord, M. le député de Jacques-Cartier, vous aviez la parole.

M. Saint-Germain: Vous avez parlé de définitions qui étaient loin d'être claires. Vous avez parlé d'articles arbitraires et vous avez aussi parlé de droit d'appel. Vous n'êtes pas sans savoir que le droit d'appel serait exclusivement à l'intérieur du système. C'est une loi très complexe, qui va être très difficile d'application. Est-ce que vous croyez que le droit d'appel devrait dépasser, si vous voulez, le droit d'appel qui existe dans la loi, à l'intérieur du système même?

Mme Dolment: Vous voulez dire le recours aux tribunaux?

M. Saint-Germain: Oui.

Mme Dolment: Pour ne pas le dire. Nous avions recommandé que, si des personnes n'étaient pas satisfaites du règlement, éventuellement, elles pourraient aller devant les tribunaux. Par contre, nous estimions, nous espérions, nous avions cru comprendre par le livre bleu que les indemnités seraient payées immédiatement. Ce n'était pas la même situation que maintenant où il faut attendre pour être payé d'avoir le règlement du conflit devant les tribunaux. Avec la réforme de l'assurance automobile, la grosse amélioration est que cela devrait être payé presque immédiatement.

Je n'ai rien trouvé là-dedans qui donnait des délais. Maintenant, quant à aller devant les tribunaux, nous avions recommandé que si quelqu'un n'était pas satisfait, surtout quand on pense aux femmes, éventuellement elles pourraient aller devant les tribunaux.

M. Saint-Germain: Vous avez un exemple, voyez-vous. On a un projet de loi à deux têtes. Quant aux dommages matériels, ils vont être régis d'après le statu quo. Pour les dommages corporels, c'est la loi qui va s'appliquer. Tout le monde va être obligé de prendre une assurance responsabilité civile de $50 000. Si on ajoutait à cette assurance la liberté aux gens de s'assurer pour dommages corporels au-delà du régime qui existe actuellement, ce ne serait pas beaucoup plus de problèmes pour les assureurs.

Autrement dit, les assureurs seraient nécessairement obligés de tenir compte que la protection que leurs clients possèdent selon cette législation, ce serait simplement le surplus qui serait assuré. Si on prend une assurance, par exemple, pour nos propres dommages, collision, on peut demander à notre assureur de nous assurer pour $100 et plus, pour tout dommage qui va dépasser $100 ou $250, si on le veut.

Alors, là il y aurait une exemption de base; les assureurs assureraient simplement les dommages corporels qui pourraient dépasser ce qui est dans la loi. Vous, comme épouse, si vous soutenez que le régime est injuste, vous pourriez aller aux tribunaux et prouver que vous avez subi des préjudices qui dépassent de beaucoup ce que le régime vous octroie. Par ce fait même, les décisions qui seraient rendues devant les tribunaux, si ces décisions sont habituellement favorables aux épouses, la régie serait nécessairement obligée d'adopter ses barèmes aux décisions rendues. Avez-vous pensé à cette modalité?

Mme Dolment: Oui, seulement je suis un peu sceptique sur le fait que les tribunaux vont être favorables aux femmes ou aux personnes au foyer. En général, les décisions qui sont rendues par les juges, en fait de sexisme, c'était difficile à battre. Mon espoir n'est pas tellement de ce côté, mon espoir serait beaucoup plus dans le fait que ce projet de loi soit réécrit avec une tout autre approche, une tout autre mentalité qui ne soit ni élitiste ni sexiste. La régie — comme je l'ai mentionné tout à l'heure — va avoir tellement de latitude pour évaluer quelle est la possibilité de gains des femmes que, peut-être, ce serait nécessaire qu'elles aillent devant les tribunaux, bien qu'elles n'auraient peut-être pas plus de chance. La question de jurisprudence pourrait peut-être jouer si les juges étaient évolués. Mais, pour en revenir à la question de jurisprudence, c'est un changement de mentalité, une jurisprudence. C'est pour cela qu'on peut quand même établir des lois ou des barèmes ou faire des jugements qui ne soient pas conformes à la société actuelle, qui est discriminatoire ou sexiste. C'est cela qui fait avancer une société. C'est pour cela que je conteste un peu ce que Mme Payette a dit tout à l'heure, qu'on ne peut pas faire un projet de loi qui ne se calque pas sur la situation actuelle; autrement, il n'y aurait jamais d'avancement.

Je ne veux pas trop insister sur la question d'aller vers des juges parce que je n'ai pas tellement d'espoir là-dedans; j'aimerais beaucoup mieux autre chose actuellement. En tout cas, ce

serait un espoir de dernier recours, vraiment de dernier recours. La loi devrait être bien faite par rapport à l'évaluation des revenus possibles ou de la perte d'activités de la femme qui est au foyer pour prendre soin de sa famille. Le régime n'est pas du tout basé uniquement sur la perte de revenu. Je vous l'ai prouvé tout à l'heure par vos articles de loi qui concernent des enfants ou des étudiants qui n'ont jamais été sur le marché du travail. Alors, vous ne pouvez pas dire que votre régime est basé sur cela, d'autant plus que vous avez toujours dit que c'était un programme social comme l'était l'assurance-maladie, comme tous les programmes gouvernementaux qui sont faits doivent avoir une optique sociale.

M. Saint-Germain: Ne croyez-vous pas que, même pour l'étudiant qui n'est pas sur le marché du travail, c'est la même philosophie parce qu'on fait simplement projeter, dans l'avenir, le revenu qu'il pourrait gagner? C'est du pareil au même.

Mme Dolment: Oui, c'est sûr que c'est très discriminatoire, très élitiste. Comme je le disais, un étudiant, une étudiante qui est en première année de médecine va pouvoir avoir le revenu maximum de $18 000, alors que l'autre qui est dans un métier qui est aussi valable va avoir à peu près le minimum. C'est tout à fait inacceptable; on ne comprend pas qu'un projet de loi puisse être établi ainsi. C'est tout le projet de loi, c'est toute la philosophie du projet de loi qui est à repenser.

M. Saint-Germain: II est déjà 11 h 45, j'aurais bien des questions à vous poser, mais, d'un autre côté, vous avez bien dit ce que vous pensiez, on a très bien compris, c'était clair et précis. Je tiens à vous remercier de votre intervention.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, ce sera très bref.

Je comprends très bien ce mémoire en ce qui concerne les définitions et les termes parce que, si on veut changer une situation discriminatoire dans la société à l'égard des femmes actuellement, beaucoup de cela tient dans les valeurs de la société, et les valeurs de la société passent par des mots, des définitions et des termes. Donc, je pense que c'est une chose que le ministre devrait regarder. Je sais qu'on a déjà commencé à regarder ce problème, mais c'est une chose qui devrait peut-être être révisée.

En ce qui concerne la discrimination et l'éli-tisme du projet de loi, je vous avoue que vous ne m'avez pas convaincu et je vais vous dire pourquoi. Je regarde l'article 20 encore une fois. En ce qui concerne les autres indemnités, on donne la même chose à tout le monde et vous êtes d'accord avec cela. Nous sommes d'accord nous aussi...

Mme Dolment: Oui, les bras et les jambes...

M. Paquette: Les mutilations, pertes de jouissance de la vie et tout cela. Tous les êtres humains sont considérés comme égaux et évalués comme tels.

Mme Dolment: Je ne comprends pas pourquoi vous n'avez pas poursuivi cette...

M. Paquette: ... cette logique-là. Mme Dolment: Oui.

M. Paquette: La perte de revenu, j'y arrive. Dans la perte de revenu, on dit qu'il y a une indemnité qui est basée sur l'emploi que la victime aurait pu occuper habituellement et à temps plein, en tenant compte de sa formation, de son expérience et de ses capacités physiques et intellectuelles. J'ai plutôt l'impression que cela place les personnes au foyer — on va parler des femmes — les femmes au foyer dans une position plus avantageuse que les femmes au travail. Je vais vous dire pourquoi. Prenons par exemple une femme au foyer qui n'a pas une énorme formation, prenons le cas le pire, qui n'a jamais travaillé. Si elle allait sur le marché du travail, elle serait en proie à cette discrimination dans notre société et elle risquerait d'avoir un salaire inférieur à un homme qui remplit la même fonction, cela existe même encore aujourd'hui. La régie serait alors bien mal placée pour lui donner une indemnité en se basant sur les mêmes critères de discrimination. Elle serait obligée de regarder le revenu moyen des travailleurs dans cette catégorie et de donner le même salaire à la femme qu'à l'homme. D'ailleurs, que ce soit une personne au foyer, que ce soit un homme ou une femme, j'imagine que la régie va les traiter de la même façon. Sinon, il y a discrimination. Justement, il y a un appel possible à la Commission des droits de l'homme et c'est cela que je veux dire. En tant qu'organisme militant voué à la défense des intérêts des femmes, vous allez pouvoir surveiller comment la régie rend ses jugements. Je vous dis que, politiquement, cette régie ne pourra pas faire de discrimination, beaucoup moins que la femme qui est au travail et pour une même catégorie d'emploi, pour une même catégorie de formation, les femmes au foyer risquent de recevoir plus que si elles avaient été au travail. J'ai l'impression que s'il y a des personnes avantagées par l'article 20, ce sont bien les personnes au foyer plutôt que les femmes au travail. Connaissant les mécanismes de notre société, je vous parle de la façon dont cela va se passer en pratique.

Mme Dolment: Excusez-moi. Dans quel article dit-on qu'on va se baser sur le salaire moyen pour la catégorisation? Dans l'article 20, c'est marqué: Le salaire que la personne pourrait gagner sur le marché du travail.

M. Paquette: Oui.

Mme Dolment: Oui, mais en tant que femme.

M. Paquette: Ah! Mais non.

Mme Dolment: Nulle part il n'y a un article qui

dit que cela va être le salaire moyen à telle catégorie. Justement, c'est plein de trous. La régie va dire: Je regrette, madame, mais, sur le marché du travail, regardez combien gagne votre consoeur, c'est tel montant, pour les femmes, c'est cela. Etes-vous une femme ou un homme? Vous êtes une femme, on va donc vous payer cela. On voit que vous n'avez pas eu affaire à des avocats ou à des juges, mais il n'y a pas un article là-dedans qui précise cela. Laissez-moi vous dire qu'ils vont jouer là-dedans. Surtout quand la caisse sera à sec ou qu'elle va risquer d'être à sec ou quand quelqu'un aura un préjugé contre les femmes, il va dire: Je regrette, il n'y a rien dans la loi... Il y a des juristes qui vont dire: En effet, il n'y a rien dans la loi qui dit que cela va être la moyenne payée aux hommes et aux femmes. Ils vont prendre la moyenne payée aux femmes, ils vont dire: Vous êtes une femme, voici dans votre catégorie... Et, de toute façon, vous êtes buandière, vous êtes infirmière. Regardez les infirmières...

M. Paquette: Si la régie faisait cela, vous vous trouveriez dans la situation où il y a une régie d'Etat qui dit: II y a une discrimination dans la société, et nous faisons la même chose.

Mme Dolment: C'est ce que vous faites avec votre projet d'assurance automobile.

M. Paquette: II y a quand même une différence. C'est que ce n'est pas une compagnie privée, c'est une régie d'Etat et nous avons des impératifs politiques. J'imagine que les gens ne laisseront pas faire cela.

Mme Dolment: C'est assez ironique, parce que c'est exactement ce que vous faites avec votre projet de loi. C'est exactement ce que vous faites politiquement.

M. Paquette: Je ne pense pas.

Mme Dolment: Exactement. Vous vous basez sur une injustice déjà existante pour perpétuer l'injustice et vous venez nous dire cela!

M. Paquette: Au contraire, nous voudrions donner à la régie la possibilité de ne pas perpétuer cette injustice.

Mme Dolment: Vous allez demander à la régie de faire ce que vous ne faites pas. Vous allez dire à la régie: Ne vous basez pas sur l'injustice actuelle de la société, améliorez la société; alors que vous venez de me dire exactement le contraire. Moi, non, on ne peut pas, dans notre projet de loi, améliorer la société, il faut se baser sur la société actuelle. De toute façon, c'est à la condition que la régie établisse qu'elle aurait pu gagner, habituellement, et à temps plein, ce salaire sur le marché du travail. Laissez-moi vous dire que là, il y a encore du jeu. Parce que vous n'êtes sûrement pas allés dans des cours de justice, parce que je pense que vous comprendriez ce que je veux dire.

Ce qui est écrit et ce que vous pensez dans votre tête, parce que vous avez peut-être un bon préjugé envers les femmes, quoique ce ne soit pas précisé dans les articles, ce n'est pas du tout la même chose que ce qui va être établi et réglé par la régie et les fonctionnaires de la régie.

M. Paquette: Quand même, l'article 20 dit que l'indemnité est évaluée en fonction de l'emploi qu'elle aurait pu occuper habituellement et à temps plein. L'emploi...

Mme Dolment: Mais si elle n'a jamais occupé d'emploi?

M. Paquette: L'emploi n'est pas l'emploi suivant sa catégorie sexuelle; c'est l'emploi, point. Je veux dire que, si cette femme-là est une femme qui a fait des études de médecine ou si c'est une femme qui a des capacités de travailler comme journalier dans une manufacture, on va regarder le type de l'emploi qu'elle aurait pu occuper et, indépendamment du fait qu'elle soit un homme ou une femme...

Mme Dolment: Alors, êtes-vous prêts...

M. Paquette: ...c'est l'emploi qui est évalué.

Mme Dolment: Alors, êtes-vous prêt à le préciser, pour ne pas courir de risques, pour assurer...

M. Paquette: Peut-être. Je ne sais pas.

Mme Dolment: ...voudriez-vous préciser que ça va être basé sur les statistiques qui sont pour l'ensemble des revenus de tous les travailleurs? Il va falloir le préciser pour ne pas courir de risques. Je vous demanderais — je vous prends au mot — de le préciser parce qu'on sait très bien comment c'est évalué. Mais, ça mis à part, il reste que, même si vous dites justement que ça va être un privilège, la femme au foyer va être favorisée par rapport à celles, comme vous venez de le dire...

M. Paquette: Dans le sens qu'elle va recevoir justice, contrairement aux femmes qui sont sur le marché du travail.

Mme Dolment: II va y avoir quand même une injustice à ce moment-là pour la femme qui est sur le marché du travail. C'est justement, vous voyez, vous n'en sortez pas. C'est pour ça que je dis qu'il faut que ce soit basé sur le salaire moyen de tout le monde. Vous faites une injustice, vous essayez de rendre justice ou de donner ce que vous voulez à la femme au foyer et vous tombez dans l'injustice pour celles qui sont sur le marché du travail. On est autant pour les femmes qui sont sur le marché du travail. On sait très bien qu'elles sont défavorisées.

M. Paquette: Je m'excuse, mais celle qui est sur le marché du travail, qu'est-ce que vous voulez, d'après nos lois, il n'est pas supposé y avoir

de discrimination, mais, en pratique, s'il y a des trous là-dedans, bon...

Mme Dolment: Ecoutez, c'est de l'angélisme, ça. Vous faites de l'angélisme.

M. Paquette: Ce n'est pas de l'angélisme puisque le gouvernement a décidé de publier un livre blanc sur la condition féminine et de revoir toutes ces questions. N'allez pas nous accuser d'angélisme là-dessus. Non, ce n'est pas une question d'angélisme...

Mme Dolment: Je ne vous comprends pas.

M. Paquette: ...mais je vous dis qu'actuellement, dans le temps précis où nous sommes, aujourd'hui, en octobre 1977, la situation est comme ça, elle ne devrait pas être comme ça. L'important, c'est que le projet de loi enlève la discrimination, pour les personnes visées, là où il peut. Mais la discrimination que les femmes vivent au travail, c'est par des lois et une action...

Mme Dolment: La discrimination, avec les définitions que vous avez là-dedans, je ne le pense pas. Ce que je vous demande, c'est d'être aussi égalitaire que le gouvernement l'a été avec l'assurance-maladie et que les compagnies d'assurance privées le sont avec le barème qu'elles donnent, $35 par semaine pour tout le monde, $12.50 pour toutes les femmes, par rapport aux catégories.

Mme Payette: On va amender nos articles pour ramener ça à $12.50.

Mme Dolment: Ce n'est pas beaucoup, mais ce que je veux dire, c'est que c'est égalitaire. C'est ça que je veux dire, qu'il n'y ait pas de différence. C'est tout le monde qui a $35, je ne suis pas d'accord avec ça, c'est bien évident, mais gardez, en remontant, le même barème d'égalité pour tout le monde. Tout programme social gouvernemental doit être comme ça.

M. Paquette: Avec les compagnies privées, une femme vaut moins qu'un homme.

Mme Dolment: Pardon?

M. Paquette: Une femme vaut trois fois moins qu'un homme pour les $35 et les $12.

Mme Dolment: Non, je vous parle simplement à l'intérieur...

M. Paquette: Pour un bras, ça vaut moins cher aussi, n'importe quoi.

Mme Dolment: Je vous parle d'élitisme à l'intérieur des catégories, je ne vous parle pas de sexisme. Je parle d'élitisme à l'intérieur des catégories; c'est que, peu importe le revenu de l'homme, c'est toujours $35, tandis que vous avez $18 000, vous avez $10 000, vous avez $5000, vous n'avez rien du tout; les femmes au foyer, les femmes au travail à l'intérieur des mêmes catégories. Vous n'avez pas d'égalité, c'est ce que je veux dire. Si vous faites un projet de loi qui doit être social, soyez logiques, faites quelque chose de social et d'égalitaire; c'est ça qui est important.

Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autre intervenant, Mme le ministre, est-ce que vous avez un dernier mot à ajouter?

Mme Payette: M. le Président, je voudrais simplement conclure en disant que je ne me sens pas gênée, pas du tout, du projet de loi que je présente actuellement. J'ai bien dit que nous allions revoir un certain nombre de définitions et nous n'avons pas attendu l'intervention du RAIF pour le faire; nous sommes à travailler sur ces définitions depuis le mois de décembre de l'année dernière et nous continuons de le faire, nous avons remis en évaluation un certain nombre de définitions encore maintenant.

Je reste convaincue du courage et de la ténacité du RAIF qui est la pointe de lance du mouvement féministe au Québec. Je pense que c'est un mouvement aussi essentiel que d'autres mouvements; que les femmes qui en font partie jouent magnifiquement leur rôle parce qu'elles sont peu nombreuses, elles ont peu de moyens et elles doivent lutter sur tous les fronts à la fois.

Comme ministre responsable de la condition féminine, je voudrais les assurer de mon entière collaboration dans la lutte à mener sur tous les fronts; également, à l'intérieur de ce projet de loi, dans la mesure du possible, et je reste convaincue, pour ma part, que ce projet de loi va aussi loin que possible dans les circonstances. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: J'aimerais personnellement remercier Mme Dolment. Nous savons tous que ce qui restera après toutes ces discussions et ces débats, ce sera la loi qui en résultera. Quelles que soient les déclarations du ministre, c'est lorsque la loi sera adoptée que vous verrez si votre intervention a été écoutée ou pas. Merci beaucoup. C'est un des bons mémoires que nous avons entendus.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je remercie Mme Dolment ainsi que les autres personnes qui l'accompagnent. Je demanderais immédiatement à l'exécutif du Parti québécois de Rosemont, représenté par M. Jean-Guy Larouche, de bien vouloir prendre place.

Exécutif du Parti québécois de Rosemont

M. Larouche (Jean-Guy): Bonjour, M. le Président. Je dois vous aviser que le porte-parole officiel de notre comité est Mme Marie Vallée, tel qu'annoncé lors de la présentation du mémoire. Je

veux également vous présenter le troisième membre du comité qui est présent aujourd'hui, M. Yves Poitras. Je cède donc la parole à Mme Vallée.

Mme Vallée (Marie): M. le Président, Mme le ministre et messieurs de la commission parlementaire, normalement vous devriez avoir devant vous trois textes, le premier étant le mémoire que la région de Montréal-Centre avait présenté à la commission itinérante ce printemps. Nous croyons qu'il peut être pertinent pour votre information d'en prendre connaissance pour avoir une opinion plus complète de notre position au sujet de la réforme de l'assurance

II y en a deux autres dont nous ferons lecture ce matin. Le premier s'intitule: Mémoire sur l'assurance présenté par le Parti québécois de Rosemont, et l'autre est une annexe qui a été déposée ce matin au secrétariat, qui normalement aurait dû vous être remise qui est probablement en votre possession. Comme ces deux documents sont...

Le Président (M. Boucher): Est-ce que vous avez l'intention de lire complètement les mémoires?

Mme Vallée: Oui, c'est mon intention.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, est-ce que vous croyez qu'on pourra...

Mme Vallée: Je ne sais pas s'il y aurait moyen de demander une petite extension. Je pense que les textes ne sont quand même pas très longs. Il s'agit, au total, d'environ 25 pages.

Le Président (M. Boucher): Cela pourra nécessairement limiter les questions.

Mme Payette: M. le Président, en ce qui me concerne, malgré toute ma bonne volonté, je ne pourrai pas demeurer au-delà de 13 heures puisqu'un caucus des ministres est commencé à Sainte-Marguerite depuis 11 heures ce matin et que je devrai partir à 13 heures. On limitera le nombre de questions par rapport au temps qu'il aura fallu pour la lecture.

Mme Vallée: Nous sommes dans une position assez difficile. Nous croyons que l'ensemble des questions soulevées dans notre mémoire sont importantes. Nous savons même que certains points que nous aurions aimé élaborer n'y sont même pas parce que le temps n'a pas été suffisant pour étudier une chose aussi complexe. Il nous apparaît que si on ne les présente que de manière résumée, on risque de ne pas faire porter les questions et les discussions sur des points importants qui auraient pu, dans ce résumé, être escamotés.

Nous pensons que le faire dans une situation aussi comprimée nous cause un certain préjudice face aux autres intervenants en face de cette commission. Nous devons nous interroger sur le vif à savoir s'il est dans notre intérêt de commencer et de mal faire notre débat ou de le reporter.

Mme Payette: Je peux peut-être faire savoir aux invités qui sont là que le mémoire qui a été déposé à la commission parlementaire il y a déjà plusieurs jours est en la possession des députés, si bien qu'il n'est probablement pas nécessaire de le relire. On peut cependant demander un accord pour qu'il soit imprimé intégralement au journal des Débats. Cela veut donc dire que c'est comme s'il avait été lu. A ce moment, cela nous permet de gagner cette période de temps, si vous êtes d'accord, de passer à l'annexe que nous venons également de recevoir et de prolonger ainsi la période de questions.

Mme Vallée: Cela m'apparait un compromis tout à fait acceptable. Nous allons procéder de cette façon.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, êtes-vous d'accord pour que le mémoire soit inscrit au journal des Débats?

M. Saint-Germain: Oui. (Voir annexe)

Mme Vallée: Je ferai peut-être une exception à ce point de vue dans la mesure où l'introduction du premier mémoire est l'aspect essentiel de notre présence ici. Je tiendrais à la relire.

Mme Payette: Allez-y. Mme Vallée: Pardon? Le Président (M. Boucher): Allez-y.

Mme Vallée: Nous commençons donc par l'explication liminaire à l'annexe.

M. le Président, madame et messieurs de la commission parlementaire, ce texte qu'on vous dépose aujourd'hui vient compléter, comme nous vous le disions, le premier texte qui est déjà en votre possession. Ce premier texte avait été préparé dans un laps de temps très court à cause des délais également très courts qui sont laissés aux organismes pour préparer leur mémoire, il a donc besoin, à plusieurs égards, d'être étoffé et précisé.

Comme il doit s'agir maintenant d'un secret de polichinelle que ce premier texte avait d'abord été déposé au secrétariat des commissions au nom du conseil régional de Montréal-Centre, il conviendrait, en premier lieu, de s'expliquer sur cette question. C'était pour éviter qu'une instance du parti au pouvoir ait à demander un privilège pour déposer son texte après l'échéance prévue dans la Gazette officielle. Le comité de travail sur l'assurance automobile a pris sur lui de le déposer à la date prévue, mais ce avant son adoption officielle, qui devait se faire quelques jours plus tard. Il est extrêmement important de souligner ici que le conseil régional endossait entièrement toute la critique de la réforme, et du projet de loi, telle qu'elle était déjà exprimée dans le mémoire du mois de mai.

C'est essentiellement sur la teneur plus politique de l'introduction que des divergences fonda-

mentales se sont manifestées entre le comité et ledit conseil régional.

Or, cette introduction politique apparaissait essentielle et ce dans son intégrité aux trois membres du comité, compte tenu de la commission itinérante qui a étudié le sujet en mai dernier.

Devant le désistement du comité de défendre le mémoire dont l'introduction lui paraissait devenue contraire à l'esprit qui l'avait inspiré, le conseil régional a préféré retirer sa participation à la commission parlementaire, ce geste ne signifiant par ailleurs aucun changement dans sa position fondamentale sur la réforme de l'assurance automobile telle qu'exposée dans le mémoire et, à ce titre, la critique du projet de loi proprement dit est donc soutenue par une instance beaucoup plus large que celle du comté de Rosemont qui est devant vous aujourd'hui.

La présence du comté de Rosemont devant la commission n'est donc en aucune manière la manifestation d'une quelconque dissension à l'intérieur de la région Montréal-Centre. Il arrive seulement que l'exécutif de Rosemont avait accepté le texte dans son intégrité préalablement et qu'il se trouve aussi être à l'origine du travail qui a été fait sur le dossier et qu'il tenait à le pousser jusqu'à son terme.

Ceci dit, et afin d'éviter tout risque d'ambiguïté, nous désirons préciser, avant la lecture de cette introduction qui doit commencer à piquer la curiosité de certains, qu'elle ne constitue aucunement une charge contre toutes les commissions parlementaires qui ont siégé depuis l'avènement du nouveau gouvernement. Bien au contraire, qu'il suffise de mentionner celle concernant la Charte du français et celle concernant le financement des partis politiques, sur lesquelles notre satisfaction a été entière et qui nous ont démontré que notre gouvernement sait être à l'écoute des citoyens. Si nous n'étions convaincus de cela, nous ne serions pas ici aujourd'hui.

Avant de prendre la décision de venir déposer un mémoire devant cette commission parlementaire, le Conseil exécutif de Rosemont s'est longuement interrogé sur la pertinence de le faire.

Il s'agit, en effet, d'un précédent, qu'une instance d'un parti politique, au surplus d'un parti politique au pouvoir, vienne ainsi se prononcer sur un projet de loi, d'autant plus que notre position n'est pas favorable à ce projet de loi. La raison pour laquelle nous avons cru nécessaire et utile pour la population que nous le fassions, c'est qu'après l'étude des différents mémoires présentés par les organismes de consommateurs qui se sont présentés à Montréal devant la commission itinérante—n'ayant pas pris connaissance de ceux présentés dans les autres régions au cours du printemps dernier — nous avons constaté que la position fondamentale de ces organismes était sensiblement la même que celle adoptée alors par tout le conseil régional de Montréal-Centre.

Cette position unanime et non concertée était un refus global de la réforme qui nous était proposée et qui consistait en une dualité de régime tant pour le mode d'indemnisation — "no fault" pour le corporel et responsabilité pour le matériel — qu'au niveau de l'administration qui devenait publique pour le corporel et privée pour les dommages matériels, bien que tous reconnaissaient la valeur incontestable de la proposition pour l'indemnisation du secteur corporel. Or, les deux projets de loi qui ont suivi cette consultation populaire n'ont apporté aucun écho favorable aux recommandations unanimes d'organismes aussi divers que l'Association pour la protection des automobilistes, le Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal, qui est une équipe de juristes et d'avocats, comme on le sait, la Fédération des ACEF, la CSN, l'Association des consommateurs du Canada, par un communiqué de presse — parce que cette association ne s'est pas présentée devant la commission itinérante — et, finalement, les militants du PQ de la région Montréal-Centre.

Si nous concevons parfaitement que le gouvernement ne puisse être à la remorque du parti, qu'il ne puisse tolérer de diktats qui lui viennent de l'intérieur, nous concevons mal, cependant, que ce même gouvernement qui affirme avoir un net parti pris envers les travailleurs et les citoyens affiche autant de méfiance — c'est le moins qu'on puisse dire — lorsque des citoyens dûment constitués en corps intermédiaires de toute nature viennent témoigner devant une commission justement mise en place pour qu'ils expriment les revendications qu'ils croient justes, et ce avant qu'un projet de loi ne prenne forme.

Nous croyons qu'il s'agit là d'un précédent regrettable qui risque de miner sérieusement la crédibilité du gouvernement, tout au moins du ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, lorsqu'il affirmera désormais que des décisions importantes ne se prendront pas sans une consultation populaire préalable auprès des intéressés. Le peu de cas qu'on a fait du désavoeu unanime du livre bleu par les groupes de consommateurs a pu laisser croire qu'on ne le croit pas représentatif de l'ensemble de la population, et cela aussi est grave car, alors, il devient inutile d'inciter les citoyens à s'occuper de leurs affaires si, du moment qu'ils sortent de chez eux pour venir discuter de solutions à apporter à des problèmes collectifs, on ignore leurs points de vue sous prétexte qu'ils ne sont plus de la majorité silencieuse ou qu'ils abordent la question en profanes.

On voit mal comment on pourra construire la société de participation qu'on retrouve à tous les chapitres du programme du parti, avec une attitude comme celle-là. En effet, si seul le gouvernement se croit apte à interpréter les attentes de toute la population, à quoi bon inviter les regroupements de citoyens conscientisés à venir se prononcer devant des commissions consultatives? Ceci dit, nous ne prétendons aucunement venir parler au nom des organismes de consommateurs qui se sont présentés devant la commission itinérante de la réforme de l'assurance automobile; nous n'avons aucun mandat pour le faire et nous croyons qu'ils seront en mesure de prendre leurs propres décisions à ce moment-ci. S'ils veulent venir ou non s'exprimer devant la commission,

changer leurs opinions ou les maintenir, cela les regarde complètement.

Cependant, sans faire de procès d'intention à quiconque, nous croyons que c'est notre devoir, en tant que citoyens qui ont cru à un parti politique qu'ils croient encore différent et non assujetti aux grandes corporations ni aux puissances financières et commerciales, d'attirer l'attention sur cette consultation qui n'a, dans les faits, rien apporté de positif aux citoyens organisés. En définitive, à quoi cela aura servi aux milliers et aux dizaines de milliers de citoyens qui ont souscrit chaque année à la campagne de financement du Parti québécois, si, ce faisant, ils n'ont pas récupéré en même temps le pouvoir d'influencer directement le gouvernement qu'ils ont ainsi contribué à faire élire? Le fondement même de la loi no 2 qui a été adoptée fait que, les corporations ne finançant plus les partis politiques, on leur enlève une forme de pouvoirs ou de pression sur le gouvernement. Si les citoyens financent le parti, ils doivent récupérer en même temps ce pouvoir d'influencer le gouvernement.

La réforme de l'assurance automobile a été, comme chacun le sait, un point fort de la dernière campagne électorale du Parti québécois. On a dénoncé les primes scandaleuses que devaient débourser chaque année les automobilistes québécois à cause de hausses successives et exorbitantes dont ils étaient victimes depuis une dizaine d'années. Sans être une question fondamentale, le problème de l'assurance automobile, ce problème était, à ce moment, crucial à cause des nombreuses années de discussion qui n'avaient encore abouti à rien et à cause de l'inflation qui assaillait de toute part le budget des travailleurs québécois.

On ne peut pas faire autrement que de penser que l'espoir d'un soulagement de ce côté a pu peser pour beaucoup dans le choix de la population pour un bon gouvernement. Les gens sont normalement portés à attacher plus d'importance à des problèmes quotidiens qui font mal à leur portefeuille qu'aux grands débats fondamentaux. Sachant cela, les stratèges du parti ont fait une campagne électorale en ce sens et ils ont gagné la partie. Ce que comportait alors le programme du parti était un régime public, complet et obligatoire de l'assurance automobile. On peut facilement imaginer la tête que faisaient les assureurs le matin du 16 novembre, convaincus qu'ils étaient, qu'ils venaient de perdre un vaste champ d'activité.

D'autant plus que le terrain avait déjà été préparé par le rapport Gauvin et que les esprits se faisaient tranquillement à la nécessité d'une intervention de l'Etat dans ce secteur. Pour ceux qui ne suivent pas les grands débats, l'exaspération devant les primes faisait son oeuvre plus efficacement encore. Car, si les gens n'aiment pas spontanément les entreprises étatiques, quand ils ont vraiment leur voyage, ils ne demandent plus, au fond, que cela. Il est permis de penser que dans le domaine de l'assurance automobile on en était rendu là. Néanmoims, nous ne sommes pas de ceux qui pensent que le simple fait d'étatiser un secteur d'activité suffit à résoudre tous les maux de ce secteur. Loin de là! C'est pourquoi l'analyse que nous présentons aujourd'hui déborde largement le simple contenu du programme du parti qui s'en tient à recommander un régime public, complet et obligatoire d'assurance automobile.

Là où notre programme était fort peu explicite, nous attendions de notre gouvernement une solution qui soit à la hauteur de l'épithète social-démocrate dont nous nous laissons gratifier bien volontiers. Nous nous attendions à une approche globale profondément et largement sociale pour résoudre, non pas tous les problèmes, mais au moins les deux problèmes majeurs de l'assurance automobile, soit l'indemnisation insatisfaisante des victimes et les coûts exorbitants et douteusement répartis de l'assurance automobile. Au moment où l'énoncé de politique du livre bleu est devenu pour une part une loi déjà sanctionnée et pour l'autre part, un projet de loi non adopté, mais néanmoins en voie d'implantation, nous sommes dans l'obligation de venir déclarer que notre point de vue de base n'a point changé.

Notre opinion est que la réforme amorcée ne résout qu'un seul de ces deux problèmes, soit l'indemnisation des victimes de blessures corporelles qui se fera plus rapidement et un peu plus équitablement grâce à l'abandon du régime de la faute. Nous dirions donc que dans l'ensemble, la conception de la réforme nous apparaît d'inspiration plutôt libérale, en ce sens qu'elle lâche un gros morceau pour corriger des injustices flagrantes et criantes, mais tout en veillant dans l'ensemble à changer le moins de choses possible.

A la page 5, on énonce les principaux reproches que l'on fait au projet de loi. L'annexe vient justement justifier ces affirmations qui pourraient paraître un peu gratuites. A la page C de l'annexe, au point 1, deux points sont touchés dans le premier reproche que nous faisons au projet de loi. Le premier point concerne l'inaptitude du projet de loi à réduire les coûts de l'assurance automobile, alors que c'est à ce niveau que se situent les préoccupations de tous les consommateurs automobilistes et que c'est à ce niveau que les espoirs ont. été créés lors de la campagne électorale. Il n'est pas étonnant que le projet de loi n'atteigne pas cet objectif puisque nous n'en avions pas senti la préoccupation dans le livre bleu.

Dès la commission itinérante, nous soulignions cette faiblesse et avions résumé verbalement quelles seraient les huit sources possibles d'économie dans une réforme complète telle que nous la proposons. Les voici:

Premièrement: La participation d'un plus grand nombre de personnes au fonds d'indemnisation de tous les dommages par l'instauration de l'obligation de s'assurer pour les propriétaires et tous les conducteurs de véhicule.

Deuxièmement: La simplification des mécanismes d'indemnisation par l'abandon total du régime de responsabilité civile. Ce qualificatif est extrêmement important pour tous les genres de dommages causés lors d'accidents d'automobile.

Troisièmement: La réduction des coûts de mise en marché à cause, d'une part, de l'existence d'un seul assureur et en réduisant, d'autre part, la rétribution du courtier en raison de l'accroisse-

ment du marché lié à l'obligation de s'assurer, et au monopole qui serait concédé.

Quatrièmement: La réduction du prix des pièces pour la réparation des véhicules sinistrés par la double action de la concentration du pouvoir d'achat dans un organisme public, qui pourrait être un service spécialisé de la régie, et aussi de la négociation possible directement avec les fabricants. En cas d'abus des distributeurs, la régie serait bien placée pour connaître ces abus et devrait avoir les pouvoirs d'intervention.

Cinquièmement: Un contrôle possible sur les coûts de main-d'oeuvre par la négociation avec les centres d'évaluation et les garages accrédités, lesquels pourraient très bien demeurer au secteur privé, même, effectivement, le seraient. Les négociations pourraient se faire, tant pour les salaires que pour les temps à allouer aux divers types de réparations, selon les modèles de véhicules. Je crois qu'il existe des précédents, dans ce sens, ailleurs.

Sixièmement: La disparition totale de la notion de profit en ce qui concerne le marché d'assurances et un pouvoir de pression pour garder ce profit dans des limites décentes dans le secteur de la réparation.

Septièmement: L'abandon total de la subrogation qui se fait actuellement entre organismes publics et entre assureurs. Selon le rapport Gauvin, à la page 213, divers organismes publics ont récupéré, en 1972, environ $7,5 millions, mais au coût de $1,5 million, ce qui signifie des frais de perception de 20%. Comme 90% des sommes récupérées l'ont été de l'assurance automobile, le rapport Gauvin évalue que, pour cette seule année 1972, l'inexistence de la subrogation aurait permis une augmentation de 3% au niveau des primes. Cela est mince, mais, lorsque l'on cherche à rogner partout où cela est possible, cela prend de l'importance.

Le dernier point, c'est un autre avantage économique de confier tout le secteur de l'assurance automobile à la régie et de concentrer dans un même coffre toutes les primes d'assurance. Actuellement, les profits qui sont tirés des investissements à même les primes des assurés ne sont pas comptabilisés dans le bilan revenus et pertes pour le secteur d'opération de l'assurance proprement dite, alors que, dans un régime étatique, ces revenus devraient être versés et additionnés au compte des revenus des primes de manière à contribuer à un abaissement des coûts ou, du moins, à leur stabilisation, s'il y avait d'autres facteurs des coûts.

Nous constatons donc qu'il y a des sources possibles d'économie dans le secteur de l'assurance automobile, mais, pour qu'il y ait un résultat quantitativement tangible, nous sommes d'accord avec le rapport Gauvin qu'il faut agir à tous ces niveaux et ce, de manière énergique. La solution idéale pour y arriver, croyons-nous, est celle qui était déjà au programme du Parti québécois, lors de la campagne électorale, soit un régime public et complet d'assurance automobile.

Or, la réforme proposée par le projet de loi devant nous touche, en effet, à ces différents points, mais toujours d'une manière, ou incomplète, parfois contradictoire, ou illusoire. C'est en complétant l'analyse des différents reproches que nous faisons au projet de loi que vous comprendrez progressivement le sens de cette affirmation.

Le deuxième point du premier reproche que nous faisons à la page 5 du mémoire ne concerne pas directement le projet de loi 67 puisqu'on lui reproche, au fond, d'arriver tout seul, mais la critique que nous avons à faire à ce sujet demeure pertinente, à notre avis, parce qu'elle touche le point névralgique qui rendrait efficace la réforme de l'assurance automobile, particulièrement dans la perspective sociale que le ministre des Consommateurs a inscrite à son livre bleu. Nous voulons parler ici d'une concertation entre plusieurs ministères.

Le livre bleu, comme on le sait, contenait une deuxième partie sur la sécurité routière qui était signée du ministre des Transports. Celui-ci, tout comme le ministre des Consommateurs, faisait état de la nécessité de réduire le nombre d'accidents sur nos routes. Nous sommes aussi, bien sûr, de cet avis, bien que nous ayons établi, dans le premier mémoire, que, contrairement à l'affirmation des assureurs, ce n'est pas l'augmentation de la fréquence qui avait justifié, au cours des dix ou même quinze dernières années, le coût des primes puisque cette fréquence est effectivement en régression, et ce, pas seulement depuis récemment, mais depuis 1961.

Nous avons d'ailleurs souscrit aux politiques préconisées par le ministre Lessard, à une réserve près que nous préférions, à ce moment-là, que les amendes ne soient pas supprimées. Je présume que les membres de la commission connaissent la teneur du livre bleu de M. Lessard.

Le moment où nous avons commencé à nous inquiéter à été lorsque le ministre des Consommateurs a fait connaître les "hypothèses de tarification" pour les permis de conduire et les plaques d'immatriculation. Nous avons été estomaqués d'apprendre que la contribution annuelle pour l'obtention du permis de conduire serait fixée selon l'âge de la personne. Où sont les résultats de la concertation? Une concertation effective et efficace aurait dû déboucher sur une évaluation du dossier de points de démérite pour fixer ce que chacun doit payer pour exercer le privilège de conduire un véhicule automobile. Nous reviendrons sur ce point lorsque nous reparlerons des problèmes d'équité que pose le système actuel de tarification.

Ce qui nous consterne et nous déçoit à ce moment-ci, c'est que nous avions cru, lors de l'annonce faite par le premier ministre, au cours de l'hiver, de la formation d'une équipe de ministres qui étudieraient tout le problème pour apporter des solutions adéquates, que nous nous verrions présenter, en temps opportun, une vraie réforme. Puisque, en effet, "l'assurance automobile est tributaire de tout un contexte social et écono-

mique avec le résultat que pour être bien posée, la question doit voir son cadre élargi bien au-delà du strict problème d'assurance". Cette phrase n'est pas de nous, elle est extraite du livre bleu. De bien belles espérances!

Un autre moment où nous nous sommes interrogés sur la réalité de la concertation qui semble par ailleurs essentielle, du moins en principe, à beaucoup de monde, c'est lorsque nous avons appris du cabinet du ministre Lessard qu'effectivement une refonte de la loi des points de démérite serait déposée tôt cet automne et qu'un peu plus tard, une refonte complète du Code de la route, presque prête depuis dix ans, serait aussi présentée à l'Assemblée nationale. Ce membre du cabinet du ministre des Transports, pourtant bien informé du dossier de la sécurité routière, n'a pu nous dire si on s'était assuré qu'au ministère de la Justice on débloquerait les fonds pour que les efforts du ministère des Transports aient quelque chance de porter leurs fruits. On imagine que, même si on mettait dans la loi des points de démérite sur toutes sortes d'infractions, si personne ne constate les infractions, le résultat sera absolument nul. On ne disait pas là non plus si les points de démérite influenceraient les permis de conduire. C'était quelques jours avant la conférence de presse de Mme Payette, le 22 septembre, sur les hypothèses de tarification.

Comme consommateurs, nous craignons de nous retrouver avec des "petits bouts de loi", sans beaucoup de rapport les uns avec les autres, comme Pierre Marois aimait bien le dire avant qu'il ne devienne ministre.

Tout ceci pourrait être du simple placotage si ces propos n'étaient amenés dans le but de démontrer qu'on est en train d'instaurer, pour la première fois au Québec, la notion du "no fault" et qu'on risque de le faire dans les pires conditions.

L'abandon du régime de la responsabilité civile est un changement profond dans les mentalités. Cela, tout le monde le reconnaît. En assurance automobile, à cause de tout le contexte social et économique dont parlait le ministre dans le livre bleu, c'est même devenu une nécessité sociale que le "no fault" intégral. Pas encore tout le monde, mais de plus en plus de monde croit à cela. Mais parce qu'il s'agit d'une transformation des mentalités, ce n'est pas un changement facile à réussir. Mais si on y croit, il faut mettre toutes les chances de notre côté. Or, le manque de concertation que nous venons de soulever risque sérieusement, à nos yeux, de compromettre l'évolution des mentalités si les autorités civiles et policières concernées ne viennent pas jouer leur rôle pour inciter les citoyens à la responsabilité morale par des mesures incitatives accrues et répressives au besoin. Cela est essentiel à la compréhension par le public du "no fault".

Ce qui nous amène à traiter du second reproche. Celui de ne pas étendre à tout le régime de l'assurance automobile le principe du "no fault". Nous croyons que la dualité de régime contenue dans le projet de loi est de nature à entretenir la confusion et à donner du crédit à certains arguments fallacieux contre le "no fault".

Que l'application du "no fault" aux dommages matériels comporte certains risques particuliers, nous ne le nions pas, mais ils ne sont pas insurmontables. Nous croyons qu'un choix clair, une préparation adéquate, un laps de temps raisonnable, comme nous le disions dans une recommandation du mémoire du printemps, et une confiance raisonnable dans le jugement du citoyen moyen favoriseraient davantage l'évolution sociale des Québécois que l'attitude mitigée actuellement proposée, d'autant plus que des solutions mitoyennes ou transitoires peuvent être utilisées dans le cas du matériel, comme nous le recommanderons plus loin.

L'important pour nous, c'est que le gouvernement reconnaisse clairement que le responsable d'accidents n'est pas nécessairement un criminel ou un délinquant. Les pénalités que les assureurs imposent a un automobiliste responsable d'un accident par simple distraction ou fatigue sont, dans bien des cas, de beaucoup supérieures aux amendes imposées à des corporations qui fraudent tout le public. Et c'est cette situation qui n'est plus tolérable. Si la solution ne s'applique pas rapidement, tel que nous le proposons, prenons le temps qu'il faut, mais au moins faisons le bon choix.

Nous regrettons également que le projet de loi n'apporte aucune solution au grave problème de la répartition des coûts entre les assurés. On a beau admettre que l'assurance est d'abord affaire de statistiques, même si elle est publique, lorsqu'on sait que des différences aussi importantes que $800 ou $1000 peuvent exister entre les primes de deux automobilistes, il y a au moins lieu de s'arrêter pour se poser des questions. Il faut reconnaître qu'au chapitre de la tarification la dualité de régimes n'aide pas non plus. En plus de chercher à établir le risque possible que tel automobiliste puisse causer un accident, devra-t-on aussi chercher à prévoir si cet accident ne comportera que des dommages matériels ou comportera aussi des dommages corporels? L'automobiliste sera-t-il catalogué de deux façons différentes selon qu'il transige pour le corporel avec la régie et avec un assureur privé pour le matériel? Cette division ne serait pas tout à fait impensable. Si, au moins, l'assurance pour le matériel était une assurance directe, genre assurance sur la propriété, mais encore là, on voit très mal comment on peut justifier deux types de classifications, l'une pour le corporel et l'autre pour le matériel, qui ne sera pas tout à fait exclusivement d'ailleurs pour le matériel, puisque la responsabilité à l'étranger devra être incluse dans cette assurance.

A notre point de vue, il faut un tout nouveau système de tarification qui, tout en tenant compte des données statistiques bien sûr, éliminera toute discrimination selon l'âge, le sexe et l'état civil.

Nous devançons ici quelque peu le chapitre des recommandations, mais nous croyons que les consommateurs devraient avoir leur mot à dire dans l'élaboration d'une nouvelle classification. Nous avons l'impression que, jusqu'ici, les assureurs ont cherché, selon leur intérêt, à faire excéder les revenus sur les dépenses, ce qui n'est pas

si bête, mais sans un trop grand souci d'équité entre les individus.

Nous reprochions au livre bleu de ne pas nous éclairer sur ce sujet et nous constatons que le projet de loi ne le fait pas davantage.

Nous arrivons ici au reproche le plus grave qui puisse être fait au projet de loi 67. Le législateur remet ni plus ni moins ses pouvoirs dans les mains des assureurs. Premièrement, en le mandatant pour régler le fond même des hausses de coûts de l'assurance automobile, qui réside, comme on le sait, dans la hausse effarante des frais de réparation des véhicules. Entre parenthèses, nous nous réjouissons, comme Mme Payette l'a annoncé récemment, que le nombre de morts diminue sur les routes. C'est socialement extrêmement intéressant, mais, étant donné que les deux tiers des coûts de l'assurance sont sur le matériel, dans l'ensemble, ça pourrait influencer favorablement le coût de la régie, tel qu'on le prévoit, mais ça influencera marginalement l'ensemble du coût de l'assurance automobile.

La deuxième façon dont le législateur se départit de ses pouvoirs, c'est en invitant presque ouvertement lesdits assureurs à ne pas respecter — on pourra le voir à l'article 103 — le mandat que la loi leur donne, par ailleurs, d'établir une convention d'indemnisation directe à l'article 155, puisque, sur l'article 153, on dit quelque part: A défaut d'entente entre les assureurs, les principes de responsabilité civile (entre 97 et 102) s'appliquent.

Autrement dit, cela se passera exactement comme cela se passe maintenant si les assureurs ne s'entendent pas.

Troisièmement, en permettant que cette corporation des assureurs exerce auprès de ses propres membres une fonction à laquelle sont attachés, et je cite la loi, les "pouvoirs d'enquête et d'inspection du surintendant des assurances". C'est à l'article 160. A moins que nous ne sachions lire, cela dépasse l'entendement. Notons en passant que le fait que les assureurs ne réalisent pas la convention d'indemnisation directe ne nous dérange pas beaucoup, car nous ne croyons pas que ce soit un moyen, une solution valable pour l'indemnisation des dommages matériels puisqu'il revient à ériger en système la subrogation dont on a dit précédemment que nous aurions intérêt à l'oublier. Il demeure inacceptable que le législateur donne un mandat en autorisant de ne pas le remplir.

Nous ne sommes pas davantage intéressés à la Corporation des assureurs telle que formée par le projet de loi. Il existe déjà au Québec, non pas deux associations, mais une, et aussi le Bureau des assurances du Canada, mais les deux sont financés par l'argent des assurés. S'il s'agit de régler les problèmes de consommateurs, si ce sont les consommateurs qui doivent les payer, nous ne voyons pas pourquoi il ne leur reviendrait pas de trouver les solutions à leurs problèmes.

Le dernier reproche que nous énumérons à la page 5 du mémoire ne vise que pour une partie le projet de loi lui-même. Lorsque nous parlons des faveurs accordées aux assureurs, nous pensons, pour une partie, aux pouvoirs immenses qu'on leur donne comme nous venons de l'exposer, mais nous pensons aussi aux cadeaux pécuniaires que représente l'obligation faite aux propriétaires de véhicule de s'assurer pour un minimum de $50 000 sous le régime de responsabilité civile. Ce nouveau point met encore en évidence toute l'ambiguïté du régime proposé. L'idée de base, nous a-t-il semblé, était de confier le corporel à l'Etat et de laisser la quincaillerie à l'entreprise privée; ce qui a pu sembler au départ l'idée du siècle s'est vite avéré pas si simple que cela. En tenant mordicus à conserver le régime de responsabilité civile pour le matériel, on s'est tout à coup rendu compte qu'il y a véhicule et véhicule. En d'autres termes, que des véhicules commerciaux peuvent coûter jusqu'à 10 fois plus cher que le véhicule de promenade de M. Tout-le-Monde.

On s'est aussi rendu compte que les Québécois, pas aussi renfermés sur eux-mêmes que certains le croient, voyagent à l'occasion en dehors du Québec. Il a donc fallu hausser le plafond de $10 000 à $50 000. Le pire dans tout cela, c'est que même ce $50 000 risque de ne pas être suffisant pour ceux qui voyagent, car cette assurance devra, pour l'étranger, couvrir le corporel sous le régime de la responsabilité là où il s'appliquera. Ceux qui s'assurent actuellement pour $200 000 et $300 000 devront encore probablement continuer à le faire, mais à coût beaucoup moindre, rétorqueront les assureurs, puisque les milles parcourus à l'étranger sont en général moins nombreux que ceux parcourus dans le Québec. Mais on peut s'interroger cependant sur quelles statistiques reposeront ces primes et comment on va évaluer la tendance au voyage de chacun. Il y a là une possibilité non négligeable d'abus de la part des assureurs.

Concernant le cas des courtiers, nous ne pouvons nous en prendre au projet de loi puisqu'il est complètement muet à leur sujet. C'est au Bureau des véhicules automobiles que revient la charge de percevoir les fonds de la régie. C'est une décision ultérieure au dépôt du projet de loi qui a éliminé les courtiers d'assurances du portrait de la distribution de l'assurance d'Etat. Notre critique paraîtra sans doute très dure, mais de l'extérieur, on pourrait penser qu'on a préféré taper sur les plus faibles plutôt que sur les plus forts. De toute façon, nous ne tenons pas plus qu'il faut à défendre la présence des courtiers. Nous croyions seulement, dans notre mémoire du printemps, qu'ils représentaient la PME dans le secteur des assurances et qu'ils auraient pu, sous un contrôle étroit, comme toute profession exercée au Québec en a besoin, faire un bon travail au coût finalement que la régie aurait pu négocier avec eux.

A ce stade-ci, nous ne considérons pas fondamentalement que l'utilisation des Caisses populaires soit un mauvais choix. Au contraire, mais selon nos informations, sans doute sommaires, elles sont loin d'être toutes intéressées. On répète même qu'elles auraient été un peu bousculées.

Nous considérons que cette mise en marché peut faire réaliser des économies. Nous ne sommes pas sûrs, cependant, si elles sont réelles ou

apparentes. Selon certaines informations, les caisses participantes au régime couvriraient davantage leurs frais par des revenus indirects comme les taxes de vente et les revenus d'intérêt sur l'argent perçu. Cela n'est pas nécessairement mauvais, mais peut sembler inconséquent avec l'obligation faite aux courtiers d'indiquer, sur les factures des assurés pour le matériel, le coût véritable de leurs services.

Nous terminons cette déjà longue série de reproches par quelques réserves sur la première partie du projet de loi concernant les dommages corporels. Dans certains cas, il ne s'agit que d'interrogations.

Par exemple, à l'article 1, pourquoi exclure les vêtements de la définition des biens matériels au point 12? J'avoue qu'après avoir relu la loi, je pense avoir trouvé la solution. C'est quelque part à l'article 42 ou quelque chose comme cela.

Dans l'article 1, qui porte sur des définitions, nous constatons qu'il n'y a pas de définition d'incapacité et que cela peut poser des problèmes, principalement dans les cas concernant les étudiants et les mineurs.

A l'article 5, article que nous trouvons intéressant, il nous semblerait utile d'inclure une clause de "bon samaritain" qui protège le citoyen de bonne foi contre des poursuites éventuelles de victimes ou de dépendants qui prétendraient que l'aide a été nuisible.

A l'article 18, nous ne comprenons pas pourquoi les victimes d'actes criminels ne sont pas simplement assimilées aux cas des victimes d'accidents du travail. Ces dernières ont droit à recourir aux accidents du travail et à revenir à l'assurance automobile si c'est plus généreux pour combler la différence. On ne comprend pas pourquoi les victimes d'actes criminels qui seraient commis sur la route, doivent choisir un ou l'autre. Si elles font le mauvais choix, vont au régime qui est le moins avantageux pour elles, qu'est-ce qui arrive? On ne voit pas pourquoi on ne les met tout simplement pas sur le même pied.

A l'article 21, qui concerne les étudiants, le deuxième alinéa peut laisser croire que l'étudiant doit devenir invalide permanent pour avoir droit à une indemnité. Si c'est le cas, il vaudrait mieux le dire clairement et inscrire une réserve à l'article 35, qui dit qu'à partir de sept jours de carence, on a le droit à l'indemnité.

Si ce n'est pas l'interprétation qu'il faut donner à l'article 21, si on accepte de verser des indemnités pour invalidité temporaire d'un mois, six mois ou un an et demi, comment évalue-t-on un étudiant en médecine ou en droit par rapport à un étudiant en journalisme ou en secrétariat, puisqu'il demeure dans la possibilité physique du moins de poursuivre ses études ultérieurement?

A l'article 22, les mêmes remarques s'appliquent que pour l'article précédent, soit l'article concernant les mineurs, sauf que, dans ce cas, on sait que l'indemnité prévue est le minimum.

L'article 24 fait-il allusion aux chômeurs, aux personnes déjà handicapées ou encore à qui? Il m'apparaît un article probablement important, passe-partout, mais il apparaît vague. On ne sait pas exactement à qui il s'adresse. Cela parle de toute personne incapable de travailler pour des raisons excepté l'âge.

Les articles 25 et 30 nous posent de très gros problèmes d'interprétation ou peut-être de compréhension. Cela nous aurait peut-être pris deux pages pour essayer de vous expliquer ce qu'on ne comprend pas. En fait, on fait deux catégories de personnes âgées. Il y a un article qui touche les personnes qui sont victimes au moment où elles ont déjà 65 ans et un autre qui parle des personnes âgées, lorsqu'elles arrivent à 65 ans, mais ayant été victimes antérieurement et bénéficiaires depuis x années. Il y a là des problèmes. Il y a des choses qui nous apparaissent incongrues, mais, faute de formation juridique, il est difficile pour nous de dire ce qu'il y a là. Il y a un problème réel et on voudrait que les personnes compétentes se penchent sur ce problème.

Lors de la commission parlementaire, nous avions souscrit sans réserve au principe de la compensation de la perte économique pour l'indemnisation des blessés et des dépendants des décédés. Notre examen du projet de loi, même s'il est fait avec un oeil de profane sur ce chapitre, nous laisse douter que ce principe est appliqué équitablement.

Il reste que, dans l'ensemble, la partie touchant l'indemnisation des blessés nous satisfait dans la mesure où elle colle à la partie de la réforme qui nous apparaissait valable dans le livre bleu.

Maintenant, si vous voulez, je vais revenir tout simplement à la conclusion du mémoire pour que tout cela ait un début et une fin, ce n'est pas long, notre conclusion sera brève.

En premier lieu, nous voulons rappeler au gouvernenent que notre recommandation fondamentale est de surseoir à l'adoption de ce projet de loi pour nous offrir une réforme de l'assurance automobile plus en conformité avec les besoins et les attentes des citoyens, en nous proposant un régime public complet sans égard à la responsabilité.

En second lieu, nous demandons au gouvernement de nous démontrer que le moyen démocratique de consultation populaire que constituent les commissions parlementaires a dorénavant plus d'impact qu'antérieurement le lobby des corporations en avait et que les changements qui seront apportés aux politiques gouvernementales iront dans le sens réclamé par les citoyens.

Qu'on nous permette de souligner, en terminant, que la démarche que nous réclamons du gouvernement n'a rien d'humiliant. Ottawa a bien laissé traîner sur les tablettes deux ou trois projets de refonte de la loi sur la concurrence et les coalitions sous la pression du lobby des grandes corporations, et ce serait un précédent à porter au crédit du gouvernement du Parti québécois que de reprendre de fond en comble un projet de loi sous la pression, cette fois, des citoyens qui se sont démocratiquement et publiquement exprimés par le canal de deux commissions consultatives.

C'est donc un appel pressant que nous adressons à tous nos élus, qu'ils soient simples députés ou ministres. Nous le faisons en notre nom de mi-

litants d'un parti politique solidaire, d'abord, de la population dont il est issu et au nom des autres organismes de consommateurs qui, après l'échec de la commission itinérante, n'auraient peut-être pas risqué de revenir devant cette commission parlementaire. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, madame. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président. Nous nous trouvons nous aussi aux prises avec un document nouveau ce matin. Je vais d'abord prendre le mémoire que nous avions en main et ensuite essayer d'expliciter ma pensée et de vous demander des explications à partir du nouveau document. A la page 5 de votre mémoire, parmi les principaux reproches que vous faites au projet de loi, vous mentionnez l'inaptitude de ce projet de loi à réduire les coûts de l'assurance automobile. Je suis obligée de vous dire que je ne peux pas être d'accord avec vous. Effectivement, nous visons toujours une baisse des taux et nous pensons avoir mis en place un certain nombre de mécanismes qui nous permettent de penser qu'on visera une diminution des taux. M ne faut pas non plus espérer voir tomber les primes d'un seul coup, et il faut permettre aux mécanismes en place de jouer le rôle qu'ils sont censés jouer.

Vous affirmez également que vous regrettez l'absence de concertation avec le ministère des Transports et le ministère de la Justice. Je dois vous dire que, là encore, je ne sais pas sur quoi vous vous appuyez pour l'affirmer, mais nous travaillons effectivement en collaboration avec les deux autres ministères pour la mise en place de la réforme, et je pense que si cela ne paraît pas évident maintenant, cela le deviendra très bientôt.

Vous nous reprochez le refus de l'abandon complet du régime de la faute pour indemniser toutes les victimes d'accidents d'automobiles et je pense que je vous avais déjà posé la question, à savoir si vous pensez que le gouvernement peut obliger 50% de la population à assurer son propre véhicule. Est-ce que vous pouvez répondre à cette question.

Mme Vallée: Je peux commencer par la fin parce que je n'ai pas eu le temps de prendre en note toutes vos questions. On va y revenir.

Mme Payette: II n'y avait pas de question dans la première partie. Je répondais à votre désaccord. A partir du moment où on abandonne le régime de la faute pour les dommages matériels, on tient pour acquis que toute la population est assurée; donc, que l'assurance est obligatoire. A ce moment, il y a 50% de la population qui ne l'est pas actuellement, et qu'on forcerait à s'assurer.

Mme Vallée: Ce point tient à une chose, au changement des mentalités auquel je faisais allusion tantôt. Il s'agit... Je pense que, d'abord, disons-le, tout est sorti trop vite. On n'a pas voulu voir ce qu'est le problème social de l'assurance automobile et y trouver une solution adéquate.

C'est vrai qu'actuellement, 50% des automobilistes ne s'assurent pas pour la collision. Il peut y avoir des questions de coût. Il peut y avoir des questions de confiance en soi, en disant: Je me prends pour un bon conducteur, je pense que, s'il m'arrive d'avoir un accident, j'ai confiance en moi. Psychologiquement, c'est un raisonnement rationnel, dire que ce sera l'autre qui sera responsable.

Il y a tout cela qui peut jouer. D'accord? Pourquoi va-t-on les forcer et pourquoi est-il facile de les convaincre que ce serait avantageux pour eux? C'est qu'à ce moment, la partie matérielle, si on veut la distinguer de la partie corporelle en assurance, c'est son bien que le propriétaire va assurer. S'il a une automobile qui vaut $25 000, il va l'assurer pour $25 000. S'il a une automobile qui en vaut $5000, il va assurer son automobile pour $5000. C'est là qu'est l'intérêt d'instaurer le "no fault" dans le matériel au point de vue de l'équité des primes, de les mieux répartir sur les biens de chacun.

Mme Payette: II s'agit de biens matériels. On ne parle pas de dommages corporels. Pour les dommages corporels, il nous est apparu à nous, comme gouvernement, comme une intervention logique de la part d'un gouvernement pour protéger l'intégrité physique des citoyens. A partir du moment où on parle de biens matériels, le gouvernement a-t-il le droit d'imposer une assurance sur des biens matériels à ses citoyens qui, dans 50% des cas, jusqu'à maintenant, n'ont pas démontré qu'ils désireaient assurer leurs biens? Est-ce que le gouvernement est intervenu pour obliger les gens à assurer leur maison ou à assurer leur ameublement de salon?

Mme Vallée: Le problème n'est pas le même. Quand vous dites, dans votre livre bleu, que le problème de l'automobile est dans un contexte social économique différent, c'est que le problème... Les maisons ne se promènent pas dans la rue et ne font pas des morts.

Mme Payette: Elles brûlent, cependant.

Mme Vallée: Elles brûlent, mais je veux dire que l'incidence des risques à la propriété est infiniment moins grand. Pourquoi y a-t-il tant d'accidents? Pourquoi y a-t-il tant de dégâts sur les plans et matériel et physique? C'est à cause d'un contexte social de développement. Notre vie est organisée en fonction de l'automobile. Toute la société est tributaire de cela.

Mme Payette: Vous nous demandez de confirmer cela, ce que nous refusons de faire.

Mme Vallée: II ne s'agit pas de le confirmer. De toute façon, on ne peut pas le nier non plus. Il s'agit de dire... Le fait que des gens, à cause de l'évolution de la tarification, les assureurs, à un moment donné, ont dit: Les jeunes sont des criminels en puissance. Ils exigent des primes, au point de départ, qu'on juge absolument... C'est antiso-

cial. C'est comme si on disait: Parce qu'effectivement, dans la catégorie d'âge de 18 à 25 ans, il y a des délinquants en puissance, on prend des mesures, avant même qu'ils soient des délinquants, pour un peu les pénaliser. C'est ce qu'on fait.

On traite les automobilistes comme s'ils étaient — avant qu'ils commettent un délit — des délinquants.

Mme Payette: Mais vous êtes conscients que le régime que nous proposons vient corriger largement cette situation et que les jeunes que j'ai moi-même défendus pendant toute la tournée, en disant qu'on les déclarait coupables avant qu'ils n'aient conduit, ne seront pas pénalisés comme ils l'ont été jusqu'à maintenant?

Mme Vallée: Sauf que, pour le matériel, its peuvent risquer de l'être. Là où on n'est pas d'accord, même s'il y a une différence de prix entre les trois catégories d'âge qui sont faites pour la tarification, le principe est là. Nous sommes prêts à accepter...

Mme Payette: Vous parlez de la tarification de la régie d'Etat?

Mme Vallée: Oui, c'est exact.

Mme Payette: C'étaient des hypothèses de tarification, c'était...

Mme Vallée: Je l'ai aussi apporté comme hypothèse et je discute l'hypothèse. Je vous dis pourquoi nous la trouvons inacceptable parce que nous-mêmes et d'autres organismes de consommateurs nous nous sommes élevés contre la discrimination selon l'âge, l'état civil, etc. Ce qui est important — et quand je vous disais l'absence de concertation, tout cela se touche — c'est qu'actuellement, ce que les gens n'acceptent pas dans le "no fault "... Vous allez me dire: Les gens ne sont pas prêts au "no fault", bien sûr, ils ne comprennent rien; et là, l'attitude ambiguë du gouvernement va faire qu'ils ne comprendront jamais, parce que pour que ce soit acceptable...

Mme Payette: Je ne suis pas du tout convaincue de l'affirmation que vous faites. Je pense qu'au contraire le "no fault"...

Mme Vallée: Laissez-moi m'exprimer...

Mme Payette: ... dans le dommage corporel permet, justement, d'avancer doucement en termes d'éducation de la population.

Mme Vallée: Je veux intervenir sur l'effet de l'évolution des mentalités sur la conception du "no fault". Le fait de dire: On n'est pas prêt à aller jusqu'au matériel, je dis que cela donne du crédit. Je ne dis pas que vous pensez cela, je dis que cette attitude peut donner du crédit à des arguments fallacieux sur le "no fault". Les gens disent: Cela n'a pas d'allure, ils parlent toujours des fous au volant, il faut qu'ils paient. Les gens qui défen- dent le "no fault" sont d'accord que les criminels au volant doivent payer, mais on dit: Ce n'est pas l'assurance qui va faire cela. Or, dans les points de démérite, la loi qui s'en vient... De toute façon, c'était clairement exprimé dans le livre bleu et les informations qu'on a eues, c'était que le projet de loi va coller à ce qui est écrit dans le livre bleu. C'est qu'on va accorder davantage de points de démérite à plus de genres d'infractions et qu'on tend à s'en aller vers l'abolition presque totale des amendes. On n'est pas d'accord avec cela parce que, et encore là, vous dites: La concertation se fait, mais je voudrais bien savoir sur quoi je peux y croire dans le moment. Il n'y a rien qui me le démontre. Je suis forcée de me prononcer sur une chose. Une concertation efficace aurait retardé peut-être la présentation du projet de loi pour expliquer aux gens: Voyez-vous, on installe le "no fault", cela ne veut pas dire qu'on ne punira pas les coupables parce que, voyez-vous, dans ce projet de loi sur les points de démérite, les gens qui ne sont pas responsables au volant, on va les surveiller, on va les punir, et le ministre de la Justice va dire: On va mettre tant de millions de dollars ou tant de milliers de dollars pour que ce soit efficace. N'ayez pas peur, le "no fault" n'empêchera pas les criminels d'être punis. Mais, actuellement, les gens ne peuvent pas penser cela, c'est pour cela qu'ils ne sont pas favorables au "no fault" parce qu'ils ne comprennent pas et le gouvernement ne semble pas tenir à leur expliquer.

Mme Payette: J'aimerais savoir si les invités qui sont devant nous pensent à un "no fault" dans les dommages matériels dans un régime complètement étatisé? Cela va ensemble ou non?

Mme Vallée: C'est-à-dire que dans notre proposition cela va ensemble dans la mesure où notre recommandation est d'appliquer le programme du Parti québécois. Cela, on l'a mentionné. Le programme ne s'exprime pas sur le "no fault", il dit juste "un régime public étatique qui pourrait très bien se faire dans un régime de responsabilité."

Mme Payette: Puis-je poser une autre question? Je pense que ce sera la dernière. Les intervenants sont-ils au courant que, pour étatiser complètement l'assurance automobile, il faudrait investir des sommes importantes d'argent, que j'ai déjà eu l'occasion de citer et dont vous êtes au courant, qu'il faudrait transformer les employés du secteur des assurances automobiles en fonctionnaires du gouvernement? Nous avons constaté, par exemple, que la différence des salaires payés dans ce secteur avec ceux de la fonction publique est de l'ordre de 20% à 30%. Est-ce que ceux qui sont devant moi peuvent m'affirmer qu'en étatisant l'assurance automobile au Québec nous ferions nécessairement baisser les primes?

Mme Vallée: Nous continuons d'en être moralement persuadés, mais vous savez que des citoyens comme nous, n'ont pas d'équipes de juristes, ni d'économistes, ni d'actuaires pour soutenir leurs thèses.

Mme Payette: Quand un gouvernement a ces équipes et vous affirme que ce serait le contraire.

Mme Vallée: Evidemment, il y aurait beaucoup de choses à dire. Votre projet est apparemment social, mais, pour nous, il est de tendance libérale. Je prends seulement l'exemple de l'assurance-maladie qui a effectivement permis à tout le monde — et cela a été positif — d'avoir des soins de santé, mais cela a augmenté la disparité de salaire et de comportement entre les malades et les professionnels de la santé. C'était donc social. Cela mettait le doigt sur un bobo, mais ce n'était pas intégralement social. Nous reprochons justement au projet de loi de l'être dans une certaine partie, mais de ne pas vouloir toucher au reste, c'est-à-dire à la conception même de l'assurance automobile, dans une société de l'automobile. On ne peut plus considérer l'assurance automobile comme l'assurance des maisons, parce que c'est lié à un problème complètement différent.

Je reviens à votre question sur le coût économique de l'instauration d'un régime complet. C'est écrit dans le projet de loi — nous sommes d'accord avec cela, parce que les citoyens ne seraient pas d'accord avec l'attitude contraire — que toute régie publique devra s'autofinancer. S'il faut implanter une régie complète qui coûte plus cher, les citoyens et les automobilistes en particulier vont être d'accord pour que ce soit eux qui paient. D'ailleurs, dans le mémoire du mois de mai, on disait — je me permets de le relire, si je peux tomber sur la bonne page — "Voici de quelle manière l'implantation du régime proposé pourrait être envisagée." On ne nous a pas démontré que cette proposition-là, qui avait été faite au printemps, n'était pas valable et n'avait aucun fondement. Dès le moment où l'Assemblée nationale promulguerait, par exemple, la loi créant la société générale d'assurance du Québec — à ce moment-ci on pense que la régie qui existe pourrait jouer ce rôle-là — une loi spéciale devrait être adoptée pour prolonger obligatoirement tous les contrats d'assurance automobile en vigueur à ce moment-là, de manière à ce que les assureurs ne se désistent pas.

Un précédent qui a été créé à un moment donné sur les baux d'habitation, jusqu'à l'entrée sur le marché de la régie publique pour forcer le renouvellement à se faire au tarif de l'année précédente pour éviter que les assureurs, se sentant menacés, laissent tomber les assurés.

Deuxièmement, la loi créant la SGAQ, maintenant la régie, rendrait exécutoire immédiatement une taxe spéciale sur l'essence pour couvrir l'investissement nécessaire à son implantation.

Le présent mémoire, qu'on n'a pas lu intégralement ce matin, prévoit d'autres hypothèses. On dit: prenons un moyen de geler les primes, expliquons aux gens qu'une régie complète, c'est la solution. Le gouvernement a toute la crédibilité du peuple actuellement pour lui dire qu'un bon régime complet ne se prépare pas dans six mois, cela prend du temps; la vraie solution c'est ça, vous allez être obligés de la payer. Alors, ça peut être, comme on dit ici, une taxe sur l'essence, ça pourrait faire passer le permis de conduire de $3 à $10, selon que les actuaires pourraient évaluer et chiffrer justement les coûts de cette implantation. Les coûts vont être progressifs. Au départ, vous allez avoir une simple équipe de spécialistes qui vont implanter ça et, au fur et à mesure que le projet va s'élaborer, vous allez avoir besoin de personnel. Le fonds va grossir par ce moyen, que l'on imposerait aux automobilistes, de le financer.

Les automobilistes vont être d'accord. Les gens ne demandent pas de miracle au gouvernement. Je pense qu'on a voulu, de bonne foi j'en conviens, répondre rapidement à une promesse électorale, mais aller trop vite; on apporte une solution à moitié qui, à long terme, n'est peut-être pas la bonne solution. Je pense que notre gouvernement était en bonne position pour prendre le temps qu'il faut. Gauvin a pris trois ans pour faire son analyse. Je pense que le public aurait accepté qu'un comité travaille, non plus à analyser les problèmes d'assurance, mais à les résoudre et à faire financer ça par tes automobilistes, puisque ce sont eux qui sont causes d'accident, collectivement, le fait qu'il y a des automobilistes et des véhicules.

Je pense que cette solution est tout à fait acceptable. Il me semble qu'elle est même encore possible.

Mme Payette: M. le Président, j'ai terminé pour l'instant.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je remercie les représentants du Conseil exécutif du Parti québécois du comté de Rosemont, de s'être donnés la peine de venir nous expliquer leur point de vue relativement à ce projet de loi.

A la page 4, on dit — dans des déclarations aussi —- que "la réforme nous apparaissait d'inspiration plutôt libérale.

Mme Vallée: C'est un compliment.

M. Saint-Germain: Je l'espère bien, parce que j'allais dire que nous n'avons absolument rien à faire avec ce projet de loi. Nous sommes opposés au projet de loi. A titre de libéral, je ne vois rien dans ce projet de loi qui le soit, croyez-moi.

Mme Vallée: Ce n'est pas pour les mêmes raisons.

M. Saint-Germain: Vous avez tout à fait raison. Vous êtes pour l'étatisation et nous sommes contre l'étatisation. On s'en fait l'un et l'autre une question de principe. C'est clair et c'est défini.

M. Paquette: C'est pour cela que le Parti libéral est devenu conservateur.

M. Saint-Germain: II reste que je dois tout de même vous féliciter, parce que vous avez de la

suite dans tes idées. Vous êtes pour l'étatisation, c'est clair et net, et vous la voulez complète. C'est de la logique pure. Nous sommes devant un projet de loi sous-tendu, soutenu par deux philosophies tout à fait opposées. Il est difficile d'être pour l'étatisation de l'assurance automobile sans démolir le principe, si vous voulez, qui fait qu'on laisse tous les dommages matériels avec un principe de responsabilité civile et dans les mains de ceux de l'entreprise privée.

Il y aura deux systèmes de perception. Il y aura deux façons. Il faudra s'adresser et à l'industrie privée et à la régie pour être compensé. Il y aura deux systèmes d'évaluation. Tout sera fait en double et, nécessairement, les coûts devront être augmentés en conséquence. Cela paraît tout à fait évident, même pour un profane, qu'on ne peut pas doubler une organisation sans augmenter les coûts d'administration.

Mme Payette: C'est dire que notre suggestion de faire un régime public complet serait finalement plus économique? Vous souscrivez donc à notre proposition?

M. Saint-Germain: Je suis contre l'étatisation, mais je dis que vous êtes logique parce que le gouvernement nous place dans une situation telle que si vous êtes pour l'étatisation, vous ne pouvez pas accepter le projet de loi parce qu'il étatise au tiers. Si vous êtes pour l'entreprise privée, vous ne pouvez pas être pour cette partie qui est étatisée. Si vous croyez que les assureurs sont des gens qui abusent de la société, vous ne pouvez pas leur laisser la responsabilité d'administrer les dommages matériels, n'est-ce pas?

Mme Vallée: C'est exactement ce que l'on dit et c'est pourquoi nous demandons l'étatisation. Ce n'est pas parce qu'on est, d'abord et avant tout, pour l'étatisation de n'importe quoi; c'est qu'effectivement, on juge que, dans le secteur de l'assurance automobile, les assureurs ont abusé de leur situation. Ne serait-ce que les dernières ordonnances de la loi anti-inflation qui ne font que démontrer ce que nous disions déjà au mois de mai. Les hausses augmentaient au Québec, depuis dix ou quinze ans, alors que la fréquence d'accidents baissait. Il a été démontré dans le rapport Gauvin... Bien sûr que Gauvin est notre principal inspirateur. Je vais dire une chose peut-être tragique, mais, quand je lis le rapport Gauvin de A à Z — je ne connais pas M. Gauvin personnellement, je ne veux pas lui faire plus de louanges — il me semble plus logique dans sa perspective sociale que lorsque je lis le livre bleu. Je trouve cela gênant. J'en arrive à cette conclusion.

Il est démontré là-dedans que les coûts réels qui ont fait monter l'assurance, ce sont les coûts de réparation. C'est la quincaillerie qui coûte cher. C'est sur la quincaillerie qu'on se fait voler. Madame Payette, dans son livre bleu, reconnaît qu'il y a des choses suspectes à ce niveau et sur lesquelles il faut agir. C'est qu'on n'admet pas que la corporation des assureurs, que les gens qui viennent de nous rouler pendant dix ans... C'est à eux qu'on demande de venir régler le problème de la quincaillerie. Cela m'apparaît absolument inacceptable en tant que défenseur des droits des consommateurs.

Il faudrait, au minimum, que cette corporation — d'ailleurs, il y a des recommandations dans la partie que nous n'avons pas lue — au lieu de faire une corporation d'assureurs, qu'on fasse une corporation publique dans laquelle on trouverait des gens qui pourraient décider des choses, où se trouveraient peut-être des assureurs, des consommateurs, des gens du gouvernement. Notre proposition est plus complète que celle du mois de mai; après réflexion, on a ajouté aussi les garagistes. Pourquoi, seuls les assureurs devraient-ils dire leur mot dans l'installation des centres d'évaluation et l'accréditation des garages? S'il faut mettre cela dans les mains des gens concernés, qu'on mette toutes les parties concernées, le gouvernement par son droit de surveillance, les assureurs... Parce que c'est dans l'hypothèse où le projet de loi ne serait qu'amendé et non pas retiré, comme c'est notre recommandation principale. Il y aurait des choses à faire sur la partie matérielle. Dans cette corporation publique, mettre les garagistes qui sont concernés, les assureurs et, évidemment, les consommateurs. A ce moment, on corrigerait, au moins, certaines lacunes de la partie matérielle.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de l'heure, les membres de la commission seraient-ils prêts à poursuivre pendant quelques minutes de plus, soit quinze minutes? On terminera ainsi à 13 heures 15.

M. Saint-Germain: C'est la raison pour laquelle j'ai dit que, même si on diffère d'opinion, vous avez les vôtres, mais vous avez de la suite dans les idées. Ceux qui étudient ce régime sont complètement d'accord sur le fait que diviser le régime en deux ne peut que créer des inconvénients.

Vous avez mentionné le rapport Gauvin et les études Gauvin. Vous semblez attacher une certaine crédibilité à ces études. Vous savez que, dans le rapport Gauvin, on n'est pas partisan de l'étatisation du système d'une façon immédiate.

Mme Vallée: J'ai assisté à toutes les séances de la commission parlementaire, à titre de journaliste, au moment des audiences sur le rapport Gauvin. En fait, son mandat lui avait été donné par un gouvernement libéral, et, si on sait lire entre les lignes et qu'on lit le dernier paragraphe, il dit: Si toutes ces réformes très énergiques ne sont pas appliquées, il faut aller au régime étatique. Quant à ces réformes, je regrette, le gouvernement libéral n'y a jamais donné suite. Je peux peut-être profiter de votre appui, M. le représentant du Parti libéral, mais je vous ferai remarquer que vos oppositions au projet de loi, si vous en avez, ne sont pas du tout sur la même longueur d'onde et pour les mêmes raisons.

Au fond, notre gouvernement a eu le courage que le gouvernement libéral n'a pas eu de donner

suite à un rapport absolument non contesté, parce que les chiffres avancés par le rapport Gauvin n'ont été contestés par aucun organisme qui s'est présenté. Le BAC n'était pas d'accord avec le rapport Gauvin, le Barreau n'était pas d'accord avec le rapport Gauvin à cause des conclusions qui les touchaient, mais personne n'a dit que c'était mauvais. Les chiffres du rapport Gauvin ont été pris dans les rapports du Bureau d'assurance du Canada, dans les statistiques officielles. Les chiffres sur lesquels le rapport Gauvin s'est reposé étaient absolument sûrs, parce que personne ne les a contestés. Evidemment, les gens contestaient les conclusions qui les lésaient. A ce moment-là, assez étrangement, l'ensemble des consommateurs était plutôt favorable au rapport Gauvin, mais le gouvernement libéral n'a pas donné suite à cela.

Mme Payette: M. le Président, juste une petite remarque, si on me le permet, seulement cinq secondes. Le rapport Gauvin, dans ses recommandations, avait — je ne me rappelle plus à quel numéro — la suppression complète des courtiers que vous défendiez tout à l'heure. C'est peut-être un manque de logique.

Mme Vallée: Non, il n'y a pas un manque de logique. C'est simplement que la mise en marché a un coût et il faut qu'elle se fasse. Nous nous appuyons sur l'analyse de Gauvin. Moi, je la pense très valable; cela ne veut pas dire que je l'endosse sur toute la ligne.

Evidemment, lui, il supprimait les courtiers parce que, comme mise en marché, comme l'ensemble de ses recommandations autres que l'étatisation repose sur les assureurs, pour éliminer quelque chose, il fallait qu'il élimine les courtiers parce que c'était la vente au comptoir direct chez les assureurs qu'il recommandait. Sauf que comme Gauvin n'essaie pas, d'abord, de prouver l'étatisation, il ne dit pas, dans un régime étatisé, comment se ferait la mise en marché. Mais elle aurait nécessairement eu un coût et il aurait fallu qu'elle se fasse par quelqu'un. Dans cette hypothèse, encore une fois, on ne tient pas aux courtiers comme courtiers. On disait au printemps: II faudra bien qu'il y ait un canal pour acheminer l'assurance d'Etat. Et on pensait que les courtiers auraient pu être ce canal. On n'est pas opposé au choix, non plus, des caisses populaires.

Comme on vous l'a mentionné, on ne tient pas aux courtiers comme courtiers. On dit: II faut un canal. Le canal des courtiers nous paraissait acceptable dans la mesure où on les contrôlait comme on pourrait contrôler d'autres personnes. Il n'y a pas là un choix fondamental, disant: On veut les courtiers comme courtiers. D'ailleurs, nos arguments ne sont pas ceux des courtiers du tout. Disons que si, comme professionnels, ils sont les PME, si on peut les garder et qu'ils font une bonne mise en marché pour l'Etat, tant mieux. Si c'est un autre canal qui est aussi valable, mon Dieu, tant mieux aussi.

M. Saint-Germain: Oui, M. le Président, j'admets avec vous que les gouvernements auraient dû intervenir avant aujourd'hui. Il n'y a aucun doute que les gouvernements ont retardé...

Mme Vallée: Je m'excuse, monsieur...

M. Saint-Germain: II n'y a aucun doute que les gouvernements ont retardé à légiférer et je ne défendrai pas ici le Parti libéral. D'ailleurs, à ce point de vue, la population a rendu son verdict, vous l'avez aidée, cette population à rendre ce verdict, c'était votre droit et je respecte le résultat des élections, croyez-moi. Ceci dit, c'est un autre gouvernement qui a promis à la population de résoudre ce problème d'une façon adéquate. A ce point de vue, je pense absolument comme vous: C'est un projet de loi, à mon avis, qui se fera au détriment du Québec, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons.

Si on revient au rapport Gauvin, à la page 376, on voit ici qu'il dit: Une saine et véritable concurrence rétablie par suite d'une intervention vigoureuse du gouvernement compenserait ou à tout le moins minimiserait l'écart des coûts d'administration entre les deux types de régimes. Elle favoriserait ainsi une juste et équitable répartition des coûts pour chaque groupe d'assurés selon la nature des risques qu'ils représentent pour l'ensemble des assurés tout en assurant une qualité de services.

On ne parlera pas du projet de loi parce qu'il propose simplement une étatisation partielle. Mais il en reste que si on étatise tout le système, cette compétition disparaît.

Il faudrait nécessairement standardiser les primes jusqu'à un certain point, et standardiser aussi les indemnités ou les rémunérations pour dommages. C'est facile de critiquer un système; mais lorsqu'on est responsable de l'application d'une loi aussi complexe, il faut y travailler beaucoup et étudier longtemps la situation pour trouver une solution. Ce n'est pas facile. Il faut tout de même admettre que dans cette société que nous avons, il y a des assureurs, il y a des estimateurs, il y a les courtiers, il y a tout ceux qui ont une longue expérience de l'assurance. Le gouvernement n'a jamais fait d'assurance, jamais. Alors il n'y a jamais eu, au niveau du gouvernement, une régie ou un groupe, un comité qui a une connaissance pratique de la mise en marché des assurances et de l'application de l'assurance comme telle, à tout point de vue.

Quant au projet de loi, vous vous plaignez de ne pas avoir été consultés. Tous ceux qui sont venus devant nous, même ceux qui ont une longue expérience dans le domaine de l'assurance, que ce soit, comme je le disais, les courtiers, les assureurs, les estimateurs, les ajusteurs, les marchands ou les garagistes, personne n'a été consulté, du moins c'est ce qu'ils sont venus nous dire. Si on en croit leur parole, il n'y a pas eu de consultation.

Si on étatisait subitement tout le système, ne croyez-vous pas que ce serait un grand risque? Car on remettrait à une régie nouvelle, à un groupe de personnes qui, en général, n'ont pas d'expérience dans le domaine de l'automobile, un

groupe de personnes qui ne sont pas habituées à travailler ensemble, une régie qui n'a pas d'expérience administrative et subito presto, on lui remet l'entière responsabilité de l'assurance automobile au Québec.

Mme Vallée: M. le député, il n'y a personne qui a demandé que les choses se fassent subito presto. Je pense qu'une régie d'Etat n'est pas nécessairement efficace, comme je pense qu'une entreprise privée n'est pas nécessairement efficace. Dans le premier mémoire on disait: Tout est une question de la volonté, de la compétence de ceux qui dirigent une entreprise. Nous pensons que notre gouvernement est capable de faire la preuve qu'une entreprise étatique, une régie d'Etat peut parfaitement bien faire son travail, si elle y tient. Il n'a qu'à mettre à la tête de cet organisme des gens compétents et d'exiger un rendement et il va l'obtenir comme n'importe quel chef d'entreprise, c'est une question de volonté politique, tout simplement.

Si le gouvernement implante une régie sociale, mais veut d'abord prouver l'efficacité de l'entreprise privée, il n'émet pas d'ultimatums à cette entreprise-là pour qu'elle prouve son efficacité. C'est uniquement une question de volonté et de compétence. Ce n'est que cela. Actuellement, on pense que les assureurs automobiles ont perdu la confiance des automobilistes. C'est tout.

Quant à nous, le temps nous force à conclure, mais nous sommes conscients que nous sommes loin d'avoir vidé la question. On pourrait parler beaucoup plus longtemps sur les raisons de l'étatisation dans ce cas. On pourrait vous parler du contrôle de la concurrence. Pour répondre à une affirmation de Mme Payette qui a dit tantôt: On a des moyens de jouer sur les primes, dans la loi, nous ne voyons pas très clairement les pouvoirs des assureurs. On voit qu'il y a un rôle d'inspection, de recevoir le plan statistique, de l'analyser, de remettre quelque chose au ministre, mais il n'y a pas les mots "obligation de", "pénalité si telle prime dépasse". On ne voit pas de pouvoirs réels; on voit des pouvoirs d'inspection. Mais des pouvoirs d'inspection, n'importe quel parti aurait pu faire cela. J'ai connu quelqu'un qui a travaillé à l'inspection des écoles de conduite, à un certain moment. Il en a fait des rapports et des tas de rapports, des affaires toutes "croches". Il n'y a jamais eu quoi que ce soit de fait nulle part, parce que cela bloquait. Je ne vous dis pas que nous allons nécessairement faire cela, mais pour que nous, comme citoyens, en ayons l'assurance, il faudrait que les pouvoirs du surintendant soient beaucoup plus clairs dans la loi et ils ne le sont pas.

On pourrait en parler pendant une heure encore pour détailler chacun des points qui justifieraient, au moins, de surseoir à l'adoption de ce projet de loi pour que plus de gens l'étudient et le rendent plus à point. Nous savons que le gouvernement a voulu répondre à un besoin de la population, nous savons qu'il a voulu remplir une obligation. Nous lui reprochons uniquement ceci. Peut-être a-t-il voulu faire un peu trop vite, de bonne foi. On lui demande de demander aux gens de se rasseoir pour mettre au point ce qu'il est capable de faire, une régie publique qui va régler le problème de l'assurance et pas nécessairement prouver qu'il faut étatiser à tout prix. Régler les problèmes d'assurance, c'est tout ce que nous demandons. C'est simple.

M. Saint-Germain: Une dernière question. J'aurais eu bien des questions, mais il est presque 1 h 15 déjà. Vous semblez croire, du moins vous le dites, et là-dessus nous sommes d'accord, que la population devrait avoir des moyens d'influencer son gouvernement collectivement quant aux législations. Avez-vous des sondages ou des données quelconques qui démontrent que la population est en faveur d'un régime étatique.

Mme Vallée: Tout ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement se base là-dessus pour faire les politiques de son gouvernement.

M. Saint-Germain: Mais si un gouvernement est élu, doit-il, comme vous dites, une fois élu, attacher de l'importance au désir de la population totale ou aux philosophies que la population, dans son ensemble, préconise...

Mme Vallée: Cela ne prend pas des sondages pour savoir que les gens sont excédés de payer les primes de fou qu'ils paient. Je veux dire que c'est de notoriété publique.

M. Saint-Germain: Est-ce que les gens sont pour l'étatisation? C'est ça, ma question, bien précise.

Mme Vallée: Ce que je veux dire, c'est que les gens vont être d'accord avec la solution qui va apporter le résultat.

M. Saint-Germain: Même si ce n'est pas nécessairement l'étatisation?

Mme Vallée: On a démontré qu'en ne touchant pas à toutes les sources possibles d'économie, le résultat est douteux. On n'a pas d'actuaires, on ne démontre pas que ça ne va pas arriver. On dit que, parce qu'on reproche... Quand j'administre mon budget familial et que je veux arriver, j'essaie d'équilibrer, de prendre toutes les sources d'économie possibles, je rogne un peu sur les vêtements, sur les loisirs et j'essaie d'équilibrer mon budget alimentaire; j'arrive. Ce qu'on reproche au projet de loi, c'est de ne pas essayer d'exploiter toutes les sources possibles d'économie; le résultat est douteux pour ça. Alors que, si on les exploitait toutes, le résultat serait plus sûr.

Même si on devait payer plus cher, comme Mme Payette disait, les employés qui sont là. Les sources d'économie sont suffisamment grandes pour que, même si le personnel doit être payé un peu plus cher, le résultat a toutes les chances d'être positif; parce qu'il y a beaucoup d'argent à aller chercher au niveau de la réparation automobile, parce qu'on se fait voler tout rond; tout rond, tout le monde le sait, tout le monde pourrait le

prouver; moi, avec trois expériences personnelles; lui, avec 5 ou 1000, étant donné qu'il est dans le domaine de l'assurance; chacun peut avoir des cas où il peut le démontrer; je me suis fait estimer mes dommages à tant, à cent dollars de plus ailleurs; tout le monde peut prouver ça. Il y a un problème, là qui n'est pas touché. On ne réglera pas le coût de l'assurance tant qu'on n'aura pas touché énergiquement à ça.

M. Saint-Germain: M. le Président, il ne me reste que le temps de remercier Madame et son groupe pour leur mémoire. Cela a été très intéressant. Dommage qu'on n'ait pas le temps de continuer. J'aurais eu bien des questions à poser.

Mais, c'est terminé. Merci Madame; merci Monsieur.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député. Vous aviez quelque chose à ajouter?

M. Larouche: Oui, M. le Président, vous avez dû remarquer que M. Edmonston s'est joint à nous tantôt. Il m'a demandé de dire aux membres de la commission parlementaire qu'il s'excuse d'être obligé de quitter avant la fin et de préciser que, s'il était ici, c'est en tant que personne-ressource et que, de plus, il appuyait à 100% le mémoire présenté par l'exécutif du Parti québécois de Rosemont. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre, pour le dernier mot.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais simplement remercier les gens qui ont fait le travail pour l'exécutif du Parti québécois de Rosemont. Je sais qu'ils ont tenu à venir à cette commission parlementaire et j'ai été heureuse de les entendre.

Nous avons choisi un autre cheminement pour atteindre probablement les objectifs que le comité nous suggère fortement d'atteindre. Les voies sont différentes, mais avec les possibilités que nous avons de notre côté de disposer d'études d'actuaires, d'une panoplie complète de techniciens, nous pensons que nous sommes dans la bonne voie. Je vous remercie, M. le Président

Le Président (M. Boucher): Au nom des membres de la commission, je remercie les représentants du Parti québécois de Rosemont. Compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'autres mémoires, la commission ajourne ses travaux sine die.

Mme Vallée: Je remercie la commission de nous avoir entendus.

(Fin de la séance à 13 h 21)

ANNEXE

Mémoire soumis à la Commission parlementaire des Consommateurs, Coopératives et

Institutions financières

concernant le projet de loi 67 sur l'assurance automobile par le Conseil exécutif

du Parti québécois du comté de Rosemont

Octobre 1977 Introduction:

Avant de prendre la décision de venir déposer un mémoire devant cette commission parlementaire, le Conseil régional de Montréal-Centre s'est longuement interrogé sur la pertinence de le faire. Il s'agit en effet d'un précédent qu'une instance d'un parti politique, au surplus d'un parti politique au pouvoir, vienne se prononcer ainsi sur un projet de loi. D'autant plus que notre position n'est pas favorable à ce projet de loi.

La raison pour laquelle nous avons cru nécessaire, et utile pour la population, que nous le fassions, c'est qu'après l'étude des différents mémoires présentés par les organismes de consommateurs qui se sont présentés devant la commission itinérante le printemps dernier, nous avons constaté que la position fondamentale de ces organismes était sensiblement la même que celle adoptée par notre Conseil régional. Cette position unanime et non concertée était un refus global de la réforme qui nous était proposée qui consistait en une dualité de régime tant pour le mode d'indemnisation ("no fault" pour le corporel et responsabilité civile pour le matériel) que pour l'administration (publique pour le corporel) et privée pour des dommages matériels).

Or, les deux projets de loi qui ont suivi cette consultation populaire n'ont apporté aucun écho favorable aux recommandations unanimes d'organismes aussi divers que l'Association pour la protection de l'automobiliste, le Groupe de recherche en consommation de l'université de Montréal (équipe de juristes et d'avocats), la fédération des ACEFs, la CSN, l'Association des consommateurs du Canada-Québec, et finalement les militants du PQ de la région Montréal-Centre.

Si nous concevons parfaitement que le gouvernement ne puisse être à la remorque du parti, qu'il ne puisse tolérer de dictats qui lui viennent de l'intérieur, nous concevons mal cependant que ce même gouvernement qui affirme avoir un net parti pris envers les travailleurs affiche autant de méfiance lorsque des citoyens dûment constitués en corps intermédiaires de toute nature viennent témoigner devant une commission, justement mise en place pour qu'ils expriment les revendications qu'ils croient justes, et ce avant qu'un projet de loi ne prenne forme. Nous croyons qu'il s'agit là d'un précédent regrettable qui risque de miner sérieusement la crédibilité du gouvernement lorsqu'il affirmera désormais que des décisions importantes ne se prendront pas sans une consultation préalable auprès des intéressés. Le peu de cas qu'on a fait du désaveu unanime du Livre bleu par les groupes de consommateurs a pu laisser croire qu'on ne les croit pas représentatifs de l'ensemble de la population. Cela aussi est grave. Car, alors il devient inutile d'inciter les citoyens à s'occuper de leurs affaires si, du moment qu'ils sortent de chez-eux pour venir discuter de solutions à apporter à des problèmes collectifs, on ignore leur point de vue sous prétexte qu'ils ne sont plus de la majorité silencieuse! On voit mal comment on pourra construire la société de participation qu'on retrouve à tous les chapitres du programme du parti avec une attitude comme celle-là. En effet, si seul le gouvernement se croit apte à interpréter les attentes de toute la population, à quoi bon inviter les regroupements de citoyens conscientisés à venir se prononcer devant des commissions consultatives?

Ceci dit, nous ne prétendons aucunement venir parler au nom des organisations de consommateurs qui se sont présentés devant la commission itinérante de la réforme de l'assurance automobile. Nous n'avons aucun mandat pour le faire et nous croyons qu'ils sont en mesure de prendre leurs propres décisions à ce moment-ci. S'ils veulent venir ou non s'exprimer devant la commission permanente, changer leur opinion ou la maintenir, cela les regarde.

Cependant, sans faire de procès d'intention à quiconque, nous croyons de notre devoir, en tant que citoyens qui avons crû à l'existence d'un parti politique différent non-assujetti aux grandes corporations ni aux puissances financières et commerciales, d'attirer l'attention sur cette consultation qui n'a, dans les faits, rien apporté de positif aux citoyens organisés. A quoi aura servi en définitive aux milliers, aux dizaines de milliers de citoyens qui ont souscrit chaque année à la campagne de financement du Parti québécois si, ce faisant, ils n'ont pas récupéré en même temps le pouvoir d'influencer directement le gouvernement qu'ils ont ainsi contribué à faire élire.

La réforme de l'assurance automobile a été, comme chacun sait, un point fort de la derrière campagne électorale du Parti québécois. On a dénoncé les primes scandaleuses que devaient débourser chaque année, les automobilistes québécois à cause de hausses successives et exhorbitantes dont ils étaient victimes depuis une dizaine d'années. Sans être une question fondamentale, ce problème était, à ce moment-là, crucial à cause des nombreuses années de discussions qui n'avaient encore abouti à rien. Et à cause de l'inflation qui assaillait de toutes parts le budget des travailleurs québécois. On ne peut pas faire autrement que de penser que l'espoir de soulagement de ce côté a pu peser pour beaucoup dans le choix de la population pour un BON gouvernement. Les gens sont normalement portés à attacher plus d'importance à des problèmes quotidiens qui font mal à leur portefeuille qu'aux grands débats fondamentaux. Sachant cela, les stratèges du parti ont fait une campagne électorale en conséquence, et ils ont gagné la partie...

Ce que comportait alors le programme du parti était un régime public complet et obligatoire d'assurance automobile. On peut facilement imaginer la tête que devaient faire les assureurs le matin du 16 novembre, convaincus qu'ils étaient, qu'ils venaient de perdre un vaste champ d'activité. D'autant plus que le terrain avait déjà été préparé par le rapport Gauvin et que les esprits se faisaient tranquillement à la nécessité d'une intervention de l'Etat dans ce secteur. Et pour ceux qui ne suivent pas les grands débats, l'exaspération devant les primes faisait son oeuvre plus efficacement encore. Car si les gens n'aiment pas spontanément les entreprises étatiques, quand ils ont vraiment leur voyage, ils ne demandent plus que cela. Il est permis de penser que dans le domaine de l'assurance automobile on en était rendu là.

Néanmoins, nous ne sommes pas de ceux qui pensent que le simple fait d'étatiser un secteur d'activité, suffit à résoudre tous les maux de ce secteur. Loin de là. C'est pourquoi l'analyse que nous présentons aujourd'hui déborde largement le simple contenu du programme du parti qui s'en tient à recommander un régime public complet et obligatoire d'assurance automobile.

Là où notre programme était fort peu explicite, nous attendions de notre gouvernement une solution qui soit à la hauteur de l'épithète sociale-démocrate dont nous nous laissons gratifier bien volontiers. Nous nous attendions à une approche globale, profondément et largement sociale, pour résoudre les deux problèmes majeurs de l'assurance automobile, soit l'indemnisation insatisfaisante des victimes et les coûts exhorbitants et douteusement répartis de l'assurance automobile.

Au moment où l'énoncé de politiques du Livre bleu est devenu, pour une part, une loi déjà sanctionnée et pour l'autre part, un projet de loi, non adopté, mais néanmoins en voie d'implantation, nous sommes dans l'obligation de venir déclarer que notre point de vue de base n'a point changé. Notre opinion est que la réforme amorcée ne résout qu'un seul de ces deux problèmes, soit l'indemnisation des victimes de blessures corporelles qui se fera plus rapidement et plus équitablement grâce à l'abandon du régime de la faute. Nous dirions même que dans l'ensemble la conception de la réforme nous apparaît d'inspiration plutôt "libérale" en ce sens qu'elle lâche un gros morceau pour corriger des injustices criantes tout en veillant dans l'ensemble à changer le moins de choses possible.

1. Principaux reproches:

Voici énumérés les principaux reproches que nous formulons à l'endroit de la réforme et du projet de loi présentement à l'étude: a) L'inaptitude de ce projet de loi à réduire les coûts de l'assurance automobile, ainsi que l'absence de concertation avec les ministères des Transports et de la Justice pour établir des mécanismes cohérents et efficaces en vue d'augmenter la responsabilité des citoyens et améliorer les conditions de sécurité routière au Québec; b) Le refus de l'abandon complet du régime de la faute pour indemniser toutes les victimes d'accidents d'automobiles; c) Le silence complet sur les problèmes d'équité que pose le système actuel de tarification; d) La faiblesse du législateur qui remet ni plus ni moins ses pouvoirs dans les mains des assureurs pour corriger les graves lacunes dans l'évaluation et la réparation des dommages aux véhicules; e) La confiance quasi aveugle pour ne pas dire aussi les faveurs qui sont accordées aux compagnies d'assurances à côté des obligations que l'on fait aux citoyens et du quasi avis de mort que l'on sert aux courtiers d'assurances.

2. Recommandation d'une réforme complète:

II nous semble donc que les automobilistes ne profiteront de la réforme telle que proposée que dans la mesure où ils seront blessés ou perdront un être cher dans un accident d'automobile. Cette perspective est totalement inacceptable puisque chaque assuré fera les frais des changements à intervenir. Aussi bien, dans ce cas, que la réforme soit positive dès le départ et pour tout le monde.

Pour parvenir à cet objectif, nous recommandons de surseoir à l'adoption du projet de loi no 67, pour confier à la Régie de l'assurance automobile déjà formée, le mandat de préparer aux niveaux juridique, administratif et actuariel, un régime public et complet d'assurance automobile fondé sur l'abandon complet du régime de responsabilité. Et ce, en collaboration avec un comité consultatif (un vrai) de consommateurs, puisque ceux-ci sont les premiers lésés par le fonctionnement actuel du régime.

Cette réforme globale et profondément sociale se devrait d'être élaborée en même temps et en fonction d'une réforme du Code de la route et de l'implantation d'un réseau de centres accrédités d'évaluation et de réparation des véhicules sous l'autorité d'un service spécialisé de la Régie de l'assurance automobile.

Nous attribuons à la bonne foi du gouvernement le fait de vouloir répondre rapidement à un de ses engagements électoraux. Nous nous permettons de souligner cependant qu'une réforme précipitée et inadéquate risque de devenir un mauvais calcul politique en plus de compromettre pour longtemps les chances d'une réforme complète et valable.

En ce qui concerne l'investissement nécessaire aux travaux préliminaires d'un nouveau régime, nous ne voyons là aucun problème. Les citoyens vont exiger et les automobilistes vont comprendre la nécessité que ce nouveau régime s'autofinance. Ces derniers trouveront tout à fait normal de contribuer au fonds d'implantation d'un nouveau régime en autant que le gouvernement leur garantisse moralement que ce régime, lorsqu'il arrivera, les satisfera intégralement, qu'il ne s'agira pas d'une demi-mesure, mais d'une vraie réforme, celle qu'ils espèrent d'un BON gouvernement. Le gouvernement jouit encore de toute la crédibilité voulue pour faire patienter la population, à la condition que la réforme proposée soit valable.

Déjà dans notre premier mémoire, nous proposions un mode de financement pour la période d'élaboration de la réforme, soit une taxe minime sur l'essence. D'autres solutions peuvent être envisagées. Par exemple, un droit supplémentaire temporaire soit sur les permis de conduire soit sur l'immatriculation.

La question qui se pose surtout est de savoir si le gouvernement a atteint un point de non-retour dans ce dossier. "Seuls les imbéciles ne changent pas d'idée", a déjà dit le chef du gouvernement sur un autre dossier. Nous croyons que pour un gouvernement qui tient à servir prioritairement les intérêts des citoyens, le point de non-retour n'est jamais atteint.

Confier à la Régie de l'assurance automobile d'élaborer une nouvelle réforme nous apparaît, à ce moment-ci, la solution qui serait la plus satisfaisante pour les automobilistes et (pourquoi pas?) la plus rentable politiquement.

3. Conditions minimales pour que le projet de loi 67 devienne acceptable:

On pourra nous répondre que la réforme proposée par le gouvernement était la seule réaliste dans l'immédiat. Nous n'en sommes convaincus ni politiquement ni financièrement comme nous venons de l'exprimer. Néanmoins, si le gouvernement nous réservait la déception de rester sur ses positions et de ramener le projet de loi 67 à l'Assemblée nationale, nous nous permettons de souligner quelques points qu'il faudrait, à notre point de vue, au minimum modifier ou ajouter selon le cas. 3.1 Comme nous le soulignions dans notre premier mémoire, il nous semble inacceptable de verser des rentes selon les revenus des victimes alors que les "droits" seront fixés selon plusieurs

critères dont aucun n'est relié directement au revenu. Nous souscrivons cependant sans réserve au principe de la compensation selon la perte économique, mais lorsque la victime, grâce à la compensation sans égard à la faute, se trouve être en même temps un participant au régime, il nous semble inévitable de devoir tenir compte du revenu dans l'établissement de la part à faire payer à chacun. 3.2 Un peu dans le même ordre d'idée, il apparaît étrange que pour certaines catégories de victimes (les personnes âgées) on réduise le montant de la rente, de la pension de vieillesse passe encore, mais de la rente de retraite du Régime des rentes du Québec (art. 30) alors que l'on "ne limite pas le droit d'une victime de réclamer une indemnité en vertu d'un régime privé d'assurance" (art. 4). D'autant plus que certaines victimes ne perdant aucun revenu et inaptes à en gagner, c'est le cas des mineurs, auront droit à la rente minimum. Il nous apparaîtra première vue que les victimes ne sont pas toutes considérées sur un même pied. 3.3Si on choisissait de maintenir le régime de responsabilité pour les dommages matériels, on pourrait en retenir une formule modifiée semblable à celle suggérée par le rapport Gauvin. La solution consiste à pratiquer une forme d'auto-assurance où l'assureur ne s'engage à rembourser les dommages que si son assuré n'est pas responsable de l'accident, ou encore à fixer des franchises diverses moyennant des primes diverses, comme c'est le cas actuellement pour l'assurance-collision. Cette assurance est rendue obligatoire pour permettre d'abaisser les coûts de chacun. C'est une façon de socialiser l'assurance tout en en laissant l'administration au secteur privé. Cela aurait l'immense avantage de ne pas forcer les citoyens à prendre de forts montants d'assurance en fonction de véhicules plus dispendieux, appartenant à des personnes plus fortunées ou à des entreprises de transport ou autres.

Mentionnons en passant que nous considérons que d'avoir fait passer l'assurance responsabilité de $10 000 à $50 000, est un cadeau aux assureurs, présenté non pas sur un vulgaire plateau d'argent mais sur un immense cabaret en or massif. 3.4Un autre point du projet de loi 67 qui nous apparaît tout à fait inacceptable, c'est celui qui concerne la Corporation des assureurs. Il est absolument essentiel, si le gouvernement refuse de confier à la Régie le contrôle des coûts et de la qualité des réparations des véhicules, de confier ce mandat à une Corporation publique administrée par des représentants du gouvernement, des consommateurs, des assureurs et des garagistes. Une partie du financement pourrait venir d'une cotisation spéciale apparaissant sur la facture de la firme d'assurance pour le matériel, et une autre partie pourrait provenir d'une cotisation des garagistes accrédités. Cette proposition va encore plus loin que celle contenue à notre premier mémoire.

Espérons qu'elle connaîtra un meilleur sort que la première qui avait pourtant suscité le plus vif intérêt du Ministre... 3.5 Nous terminons ces recommandations en suggérant que la corporation publique sur l'assurance automobile (celle que nous proposons, non celle du projet de loi) ait le mandat de préparer une grille de classifications pour la tarification qui élimine une fois pour toutes toutes discriminations.

Cette grille devrait ensuite être imposée par le surintendant des assurances et elle devrait s'appliquer aussi bien pour les dommages matériels que pour les plaques d'immatriculation.

Nous avons pu constater lors de la publication des hypothèses de tarifs pour les permis de conduire et les plaques d'immatriculation que la Régie a complètement omis d'innover dans ce domaine.

On peut principalement reprocher aux droits exigibles pour les permis de conduite d'être fixés en fonction de l'âge plutôt qu'en fonction du dossier de conduite ou dossier de démérite. Ce moyen paraît être pourtant le meilleur pour pallier à la diminution de la prudence sur les routes que certains craignent tant avec l'abandon du régime traditionnel de responsabilité.

4. Conclusion:

Notre conclusion sera brève. En premier lieu nous voulons rappeler au gouvernement que notre recommandation fondamentale est de surseoir à l'adoption de ce projet de loi pour nous offrir une réforme de l'assurance automobile plus en conformité avec les besoins et les attentes des citoyens, en nous proposant un régime public, complet sans égard à la responsabilité.

En second lieu, nous demandons au gouvernement de nous démontrer que le moyen démocratique de consultation populaire que constituent les Commissions parlementaires, a dorénavant plus d'impact que le lobby des corporations et que les changements qui seront apportés aux politiques gouvernementales iront dans le sens réclamé par les citoyens.

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