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Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance
automobile
(Dix heures douze minutes)
Le Président (M. Boucher): La commission des
consommateurs, coopératives et institutions financières est
réunie pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur
l'assurance automobile.
Les membres de la commission sont, pour ce matin: M. Beauséjour
(Iberville); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie); M.
Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska)
remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet)
remplace M. Larivière (Pontiac); M. Lefebvre (Viau); M. Michaud
(Laprairie) remplace M. Marois (Laporte); M. Marquis (Matapédia), Mme
Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud)...
M. Roy: Présent.
Le Président (M. Boucher): ... M. Russell
(Brome-Missisquoi); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell
(Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Gravel (Limoilou)
remplace M. Vaillancourt (Jonquière).
Les organismes convoqués pour ce matin sont le Groupe de
recherche en consommation de l'Université de Montréal,
représenté par Mme Anne-Marie Morel, et la Commission des
services juridiques, représentée par M. Jacques
Lemaître-Auger.
Nous entendrons d'abord le Groupe de recherche en consommation de
l'Université de Montréal. Pourriez-vous vous identifier,
étant donné qu'il s'agit de Mme Anne-Marie Morel et qu'elle n'est
pas ici ce matin.
Groupe de recherche en consommation de
l'Université de Montréal
M. Masse (Claude): C'est celle qui a envoyé le
mémoire, mais j'espère qu'il n'y a pas d'équivoque.
Mon nom est Claude Masse. Je suis directeur du Groupe de recherche en
consommation de l'Université de Montréal et professeur à
la faculté de droit.
J'aimerais d'abord souligner que notre mémoire, qui est fait au
nom de l'ensemble des membres du Groupe de recherche en consommation on
pourra parler très rapidement de la personnalité de ce groupe
n'engage en aucune façon la faculté de droit ou l'ensemble
des professeurs, ou même le corps universitaire.
Nous sommes extrêmement heureux, Mme le ministre et MM. les
députés, de faire une présentation sur le projet de loi
sur l'assurance automobile. Il y a essentiellement deux raisons à cela:
d'abord, l'importance sociale considérable du projet de loi sur
l'assurance automobile qui modifie, comme vous le savez, non seulement
l'assurance automobile, mais la responsabilité civile de façon
très importante au Québec, et aussi à cause de
l'importance sociale considérable et des répercussions du projet
sur la protection des consommateurs.
Le Groupe de recherche en consommation de l'Université de
Montréal est un groupe universitaire de recherche sur la protection du
consommateur.
Nous avons constaté, il y a quelques années, que cette
recherche était très peu présente dans la
société, et non pas comme praticiens, mais à titre de
chercheurs universitaires, nous voulons faire à la commission
parlementaire les remarques que vous trouvez dans notre mémoire.
Plutôt que de lire le mémoire, ce qui serait assez fastidieux, je
vous propose de passer rapidement les points de nos commentaires en
remarques.
Le projet de loi, comme je vous l'ai dit, à notre avis, modifie
de façon substantielle, non pas uniquement l'assurance automobile, mais
aussi la responsabilité civile. Il clarifie de façon majeure les
lacunes principales des lois de 1960 et 1961 au Québec.
Mme Payette: M. le Président, est-ce que je pourrais
demander si nous pourrions avoir un accord des membres de la commission pour
que le mémoire, cependant, soit consigné au journal des
Débats.
Le Président (M. Boucher): Oui.
Mme Payette: II n'y a pas eu beaucoup de groupes de consommateurs
qui sont venus. Il me semble que c'est un mémoire important dans ce
sens. S'il y avait un accord, il pourrait être au journal des
Débats.
M. Saint-Germain: Entendu.
M. Roy: Entendu. Je donne mon accord et j'irais même un peu
plus loin. Je pense qu'on devrait faire en sorte que tous les mémoires
qui sont déposés devant la commission parlementaire devraient
être consignés au journal des Débats.
Mme Payette: Je serais d'accord. On ne l'a pas mentionné
chaque fois. L'Opposition ne l'a pas soulevé non plus. Si c'était
l'avis de la commission, je serais d'accord pour qu'ils soient tous inscrits au
journal des Débats.
M. Roy: Je ne sais pas si c'est préférable d'en
faire une motion pour être...
Le Président (M. Boucher): C'est une proposition qui est
adoptée à l'unanimité.
M. Roy: Oui. Est-ce que Mme le ministre accepterait d'en faire
une motion?
Mme Payette: Oui.
M. Roy: D'accord.
Le Président (M. Boucher): Alors, adopté.
M. Lalonde: Un instant, s'il vous plaît! Je me souviens
dans d'autres circonstances qu'une telle motion avait été faite
et que la présidence avait exprimé, non pas une objection, mais
une réserve, voulant que ce n'est qu'à la demande, qui est quand
même suggérée par la présidence souvent, des
intervenants qu'un mémoire pourrait être reproduit
complètement au journal des Débats. Il s'agissait d'une question
de coût. Je me souviens que cela coûte assez cher. Si on ne le
demande pas de la part des intervenants, étant donné que ce sont
les fonds publics, que ce ne soit pas une politique générale tout
simplement de cette commission, soit que tous les mémoires, même
ceux qui ne le sont pas requis, soient reproduits. Alors, ce serait
peut-être plus prudent, comme administrateurs des fonds publics, de
traiter la question de cette façon.
Le Président (M. Boucher): Alors, il faudrait
peut-être faire une proposition à chaque fois qu'on veut en faire
inscrire un.
M. Roy: On peut faire une proposition à chaque fois qu'on
veut en faire inscrire un, d'accord, mais pour simplifier la tâche, je
pense qu'on peut faire une motion globale pour les mémoires de la
commission parlementaire. Cela s'est déjà fait dans d'autres
commissions parlementaires. Je pense que cela devient lourd pour la commission
parlementaire.
Si on veut diminuer les frais du budget public, si on prend dix ou
quinze minutes pour en discuter chaque fois, les pertes de temps que nous avons
en commission parlementaire sont quand même là; il faut que
quelqu'un les paie. Pour ma part, je serais d'accord que pour cette commission
parlementaire, sans que ce soit considéré comme un
précédent, sans que ce soit considéré comme une
politique générale à venir, mais pour ce qui a trait
à la commission parlementaire actuelle, que les mémoires
passés, ceux que nous avons actuellement et ceux que nous aurons devant
la commission parlementaire, soient inscrits au journal des Débats.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, il y a des mémoires
qui ont déjà été présentés et nous
n'avons pas suggéré qu'ils soient inscrits au journal des
Débats, alors que nous allons pouvoir le faire pour les prochains qui
vont venir.
Je pense qu'à ce moment-là ça causerait un
préjudice à ceux qui ont été entendus et qui ne
seraient pas inscrits au journal des Débats. La motion du ministre vient
à point pour permettre que tous les mémoires soient inscrits au
journal. Je pense que c'est important de le faire.
M. Saint-Germain: II ne faudrait pas, M. le Président,
faire un débat là-dessus. Pourquoi ne ferait-on pas un compromis
en disant que seuls les mémoires de ceux qui sont venus les commenter
pourront être inscrits? Il y en a qui ont soumis des mémoires,
mais qui ne sont pas venus en discuter. Si on se limitait à ceux qui
viennent...
M. Roy: D'accord.
M. Saint-Germain: ... on pourrait peut-être mettre fin
à la discussion de cette façon.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, sans étendre le
débat, on pourrait peut-être, de façon très
pragmatique, faire la chose suivante: Lorsqu'un intervenant déclare ne
pas avoir l'intention de lire son mémoire, que, comme cela s'est
déjà fait quelques députés ici
présents assistaient à d'autres commissions parlementaires, et je
les réfère surtout à celle de la loi 1, parce qu'il
s'agissait de la loi 1 lorsque nous avons entendu le public de proprio
motu, la présidence demande si l'intervenant désire que son
mémoire soit reproduit. L'autre suggestion du député qui
m'a précédé, c'est que, pour tous les mémoires qui
n'ont pas été commentés, c'est-à-dire ceux dont les
auteurs n'ont pas été invités c'est
déjà arrivé à d'autres commissions il y ait
un débat seulement à la fin de tout pour savoir si on reproduit
ces mémoires au journal des Débats. Il me semble que ce serait
une façon juste pour tout le monde.
Mme Payette: M. le Président, je comprends le
député de s'inquiéter de la quantité de
mémoires qu'il peut y avoir à certaines commissions. En ce qui
nous concerne, il y a environ une vingtaine de mémoires, dont certains
ne comportent que deux ou trois feuilles huit par onze. Je ne pense pas qu'on
parle du tout des mêmes proportions de dépenses et c'est pourquoi
je n'hésiterais pas à dire qu'on devrait inscrire tous les
mémoires dans les circonstances.
Je comprends le député de Beauce-Sud qui dit: Ce n'est pas
un précédent pour d'autres commissions, mais, dans le cas de
celle-ci, il y a peu de mémoires et certains d'entre eux ne sont pas
très volumineux.
M. Lalonde: Cela va, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): De consentement unanime, les
mémoires seront inscrits au journal des Débats. Adopté?
(Voir mémoire en annexe).
M. Fontaine: Adopté.
Le Président (M. B.oucher): M. Masse, vous pouvez
poursuivre.
M. Masse: A titre de remarque préliminaire et sans
préjuger de la présentation qu'on a faite devant la commission
itinérante sur le livre bleu, on
veut simplement faire remarquer, sans y revenir de façon plus
appuyée, que nous avons, quant à nous, des réserves assez
importantes à l'égard du régime mixte. Nous croyons que,
de façon générale, on devrait adopter un régime de
"no fault" ou de responsabilité sans faute total concernant les dommages
corporels et matériels.
La situation présente nous semble présenter un
problème quant à la multiplication des coûts, compliquer la
situation en ce qui a trait à la prise d'une assurance de la part des
assurés et lorsqu'ils tentent d'avoir une indemnisation et, dans
certains cas, étant donné que l'assurance est maintenant
obligatoire en matière de dommages matériels, remettre les
assurés purement et simplement aux mains des assureurs puisque le
surintendant des assurances n'a pas, en vertu du projet de loi, de
contrôle sur la tarification des assurances. Mais, de façon
générale, nous respectons les choix politiques qui sont faits par
le projet de loi, projet de loi qui nous apparaît extrêmement
novateur et généreux à plusieurs égards et faire
une amélioration à la situation actuelle au plan du droit qui est
extrêmement confuse, notamment depuis l'adoption, en 1960-1961, de
l'article 3 de la loi de l'indemnisation et, comme on pourra le voir
très rapidement tout à l'heure, faire des améliorations
très nettes à l'égard de la compensation.
De façon générale aussi, ce qu'on peut dire, c'est
que le projet de loi, contrairement peut-être à certains projets
de loi qui ont été rédigés et
présentés par l'actuel gouvernement dans le passé, nous
apparaît extrêmement bien rédigé; sauf quelques
articles sur lesquels on peut s'interroger, je pense que, dans l'ensemble, le
projet de loi a beaucoup de clarté et est relativement simple, autant
que faire se peut.
A l'égard du régime juridique en matière de
dommages corporels, je ne veux pas énumérer la liste des
améliorations qu'on voit dans le projet et oui est reproduite dans notre
mémoire. Cependant, il nous semble extrêmement fondamental que
tous les résidents du Québec puissent obtenir une compensation,
que l'accident se soit produit en dehors de la voie publique, par un
véhicule automobile, ou que l'accident ait été produit par
un véhicule automobile sur le territoire du Québec ou en dehors
du territoire du Québec. Cela nous apparaît extrêmement
fondamental et important.
La seule remarque importante qu'on a à faire, c'est une remarque
qui ne vise pas, à l'égard des dommages corporels, le projet de
loi sur l'assurance automobile, mais la relation entre l'assurance automobile
et la loi d'indemnisation des accidents de travail, la loi des accidents de
travail adoptée pour la première fois en 1907. Si on comprend
bien la situation, un ouvrier qui actuellement paie par son travail le fonds
des accidents de travail, par le biais des cotisations de son employeur, dans
le cas où il se cause physiquement un dommage qui serait exactement le
même qui pourrait se causer par un accident d'automobile, n'aurait pas
des compensations par la Commission des accidents du travail aussi
généreuses et aussi équitables que l'assurance
automobile.
Même si, dans un premier temps, nous considérons comme
fondamental qu'on améliore la situation des assurés, il nous
apparaît socialement inéquitable qu'un même dommage
causé à la même personne puisse donner lieu à des
compensations différentes selon que l'accident se produit sur la route
ou au travail. Bien sûr, cette étape du projet de loi est
fondamentale, elle doit être prioritaire, mais au niveau de la justice
sociale, nous considérons que l'ouvrier, au même titre sinon
davantage que l'automobiliste, devrait être compensé sur une
même base des dommages corporels.
En matière de régime juridique ou de dommage
matériel, encore une fois, je ne reprendrai pas la liste des
améliorations, sur le plan juridique, ces améliorations sont
considérables. Le projet de loi améliore la situation qui est
faite aux victimes d'accident d'automobile dans plusieurs cas où, par
exemple, le problème de cumul de présomptions de
responsabilité se pose et où l'automobiliste, dans la situation
actuelle, peut alléguer cas fortuit, par exemple, découlant de
l'état du véhicule, ou de son état de santé.
Là dessus, le projet de loi fait des avancés considérables
et, à notre sens, il est important de les signaler.
Egalement, la notion de vol est précisée. C'est une notion
qui a été longuement discutée, débattue dans la
jurisprudence depuis quinze ans et c'est avec vraiment beaucoup d'enthousiasme
qu'on signale une amélioration de cette question.
A l'égard du dommage matériel, nous voudrions faire une
remarque principale: elle a trait au délai de prescription de l'action
de la victime de dommage matériel à l'égard de son
assureur lorsque le dommage est couvert par la clause d'indemnisation soumise
à la Corporation des assureurs ou dans le cas où le dommage est
recouvrable contre l'auteur de l'accident. Dans la plupart des cas, les
victimes, les consommateurs du Québec ne connaîtront pas le
contenu de la convention d'indemnisation qui va être passée entre
les assureurs, si elle est passée et on le souhaite, de sorte que
l'assuré peut très bien porter son action à sa compagnie
d'assurances, croyant que son cas est visé par la convention
d'indemnisation lorsqu'il ne l'est pas. Le délai de prescription
actuellement, en vertu de l'article 2261, alinéa 2 du Code civil en
matière de dommages matériels est de deux ans à partir du
moment de l'accident. Supposons le cas où un consommateur fait une
réclamation à son assureur et que l'assureur tarde très
longtemps, pendant plusieurs mois ou même des années à lui
donner une réponse à l'effet que son cas n'est pas visé
par la convention, dans ce cas, l'assuré risque de perdre son droit de
recours contre tiers responsable du dommage matériel en raison des
délais impartis dont est responsable son assureur.
Nous suggérons que le simple fait de signifier, de la part de
l'assuré, une action à son propre assureur, interrompe la
prescription à l'égard du tiers responsable de sorte
qu'aussitôt qu'on va faire la signification d'une action à
l'assureur, peu importe que l'affaire soit visée par la convention
d'indemnisation ou non, la prescription sera interrompue.
A l'égard de la fixation des indemnités, on remarque de
façon générale que le projet de loi opte de façon
essentielle pour la perte économique. C'est un choix que nous endossons
de façon absolument, encore une fois, enthousiaste, et nous croyons que
c'est la seule façon de compenser adéquatement la situation
actuelle. C'est d'autant plus important que le projet de loi adopte le principe
de la rente ajustable. Actuellement, vous savez que les tribunaux compensent
une fois pour toutes pour les 25 ou 30 prochaines années de la vie
économique d'une victime. Dans certains des cas, l'inflation en ronge
une grande partie et l'évaluation sur une période de 25 ou 30 ans
s'avère absolument impossible.
Cette possibilité d'accorder une rente ajustable avec la
possibilité qu'accorde l'article 12 d'accorder un montant forfaitaire
fixe dans les cas particuliers, nous semble excellente. Toutefois, à
l'égard de la fixation des indemnités corporelles, nous avons
quelques remarques au nombre de 4 à faire. D'abord, nous aurions
aimé que l'article 45 du projet, à l'égard des demandes
qui n'ont pas d'incidence monétaire directe, par exemple
préjudice esthétique, perte de jouissance de la vie, soit
beaucoup plus explicite.
A notre avis, c'est du traitement de cet article que va dépendre
la hausse ou non des primes d'assurance automobile actuellement, selon que la
régie de l'automobile ou la commission des affaires sociales soient plus
ou moins généreuses sur ce plan-là; par exemple, on
pourrait accorder $5000 pour douleurs causées par la perte d'un oeil;
cela va augmenter ou diminuer considérablement les primes d'assurance
automobile. Là-dessus, l'article 45 nous semble actuellement trop
vague.
Pour l'article 21 qui traite du cas de l'étudiant qui perd
complètement la possibilité d'étudier à l'avenir,
donc d'avoir un métier décent, nous croyons que cet article
devrait prévoir le cas où l'étudiant peut continuer
à étudier, mais pour se préparer à un métier
moins rémunérateur ou avantageux que celui qu'il aurait pu avoir
avant l'accident.
L'importance de nos remarques a trait à l'indemnité pour
le décès. A cet égard, on voit deux lacunes fondamentales
en matière d'indemnité pour les décès. Ces
remarques touchent d'abord à l'article 37, alinéa 5, qui a trait
à la compensation d'une veuve ou d'un veuf de moins de 35 ans sans
enfant. Le projet de loi dit que cette personne, si elle a moins de 35 ans, va
recevoir une indemnisation pendant dix ans, tandis que si elle a 36 ans ou plus
par exemple, elle pourra toucher une indemnisation pour sa vie entière.
On ne voit pas les fondements ou la raison d'être véritable de
cette disposition.
Encore plus importante, et c'est probablement un oubli, c'est la notion
de compensation en cas de décès pour l'épouse
divorcée ou séparée de biens qui touche une pension
alimentaire. En vertu de l'article 1, alinéa 20, et des autres articles
qui touchent cette situation, on croit que ces personnes ne seraient pas
compensées parce qu'elles ne vivent plus avec la personne qui est la
victime.
Si ces personnes sont visées par l'article 1, alinéa 20,
sous la notion de personnes à charge, on croit qu'il y aura
intérêt à ce que le projet de loi le précise. A
notre avis, il y a actuellement un silence ou, en tout cas, une
imprécision de ce côté-là.
La dernière remarque à l'égard de la compensation
du dommage corporel que nous avons à faire a trait à l'imposition
des rentes. Le livre bleu, qui a été présenté le
printemps dernier, précisait que ces rentes ne seraient pas imposables.
On ne retrouve à cet égard rien dans le projet de loi qui modifie
la Loi de l'impôt du Québec pour rendre les rentes non imposables.
Si on veut rendre les rentes imposables, on croit que cette imposition et le
calcul des rentes devrait être faits, non pas sur le revenu net de \a
victime, mais sur son revenu brut.
Les procédures de réclamation nous apparaissent, dans
l'ensemble, extrêmement intéressantes, sauf que nous croyons qu'il
y aurait intérêt à préciser les délais dans
lesquels la régie va répondre à la première demande
de la victime et, deuxièmement, répondre par une décision
finale. Actuellement, le projet de loi et c'est une lacune importante
n'impose à la régie aucun délai de
réponse.
Lorsque la victime, au sens de l'article 69, fait défaut de
prendre les moyens pour corriger sa situation physique, on accorde à la
régie, dans le projet de loi, le droit de suspendre ou de diminuer les
indemnisations. L'article 69 nous semble, possiblement, porter à des
abus. On dit que si la personne persiste dans des pratiques qui empêchent
ou retardent sa guérison, la régie peut suspendre, interrompre ou
diminuer les compensations. A notre sens, il y aurait grand avantage à
préciser les conditions dans lesquelles la personne ne peut pas se
soumettre, par exemple, à une opération chirurgicale qui peut
être dangereuse. Au sens de la régie, une opération
chirurgicale, qui comporte des risques de 10%, pourrait donner lieu à
ouverture à l'article 69. La personne peut aussi avoir des
réticences religieuses à se soumettre à certaines
pratiques médicales ou à certains traitements. A notre avis,
l'article 69 devrait inclure que, dans les cas où, sans motif
raisonnable, la personne retarde sa guérison, à ce
moment-là, la régie pourra intervenir. Actuellement, l'article 69
nous apparaît beaucoup trop vague.
La principale remarque que nous avons à faire à la
commission, à l'égard de tout le projet de loi, une des
principales remarques, a trait au droit d'appel. Le droit d'appel des
décisions des fonctionnaires et de la régie est porté
à la Commission des affaires sociales. Actuellement la Commission des
affaires sociales a des règles de procédure extrêmement
vagues. L'article 25 du règlement de la commission, je crois, accorde,
à toutes fins pratiques, tous les pouvoirs à l'égard des
règles de preuve. Théoriquement, la commission pourrait fouiller
dans le passé de la victime, s'arroger des droits que les tribunaux
n'ont pas actuellement, peut-être même aller jusqu'à
prononcer une décision sans avoir entendu la victime. On croit essentiel
que ces règles de procédure soient précisées, de
façon à protéger les réclamants.
Si ce n'est pas le cas, on le conseille à la commission, nous
croyons que l'appel devrait être porté devant la Cour
supérieure du Québec qui est, à notre sens, la plus apte
à juger, comme organisme indépendant avec des juges qui sont
indépendants, à juger de la réclamation des victimes.
A l'égard du contrat d'assurance pour dommages corporels, un des
seuls articles qui nous apparaissent mal rédigés, c'est l'article
81 qui permet à l'assureur, dans des délais plus ou moins connus
et sous des conditions plus ou moins vagues actuellement, d'annuler un contrat
d'assurance si le risque augmente. Le premier alinéa entre en confusion
avec le deuxième. On déclare, dans le premier alinéa,
qu'un assureur peut, dans les cinq jours, annuler un contrat d'assurance dans
les soixante jours du début de la prime d'ouverture du contrat. Le
deuxième alinéa semble contredire le premier. A notre avis, il y
a une précision à apporter de ce côté.
A l'égard du fonds d'indemnisation, c'est une des
améliorations fondamentales du projet de loi. Le traitement actuel des
victimes d'accident d'automobile par le fonds d'indemnisation, à notre
avis, dans les cas où c'est le conjoint ou l'enfant du conjoint qui
poursuit, ces recours au fonds d'indemnisation sont actuellement exclus pour
des raisons absolument arbitraires. La situation actuelle du fonds
d'indemnisation est tout à fait indécente et le projet, pour
l'essentiel, simplifie le recours et donne un recours à toutes les
personnes qui, logiquement et légitimement, ont un droit de recours.
La seule précision qui, nous le croyons, devrait être
apportée, c'est à l'égard de la subrogation totale ou
partielle qui est accordée par la victime à la régie ou
à la commission, au fonds d'indemnisation. La situation actuelle de
l'article 39 de la Loi d'indemnisation fait en sorte qu'une victime qui fait
une réclamation au fonds d'indemnisation est obligée de le
subroger totalement de sa créance, même si elle ne reçoit
de la part du fonds qu'une indemnisation partielle. Cette situation n'est pas
prévue au projet de loi. Nous croyons qu'il y a intérêt
à déclarer que la victime qui poursuit un automobiliste non
assuré, par exemple, pour ses dommages matériels, pourrait
réclamer au fonds d'indemnisation un montant minimal, jusqu'à
concurrence de $50 000, et c'est d'autant plus important que ce montant, comme
on le sait, va être partagé au prorata des réclamations de
toutes les victimes d'un même accident. A notre avis, il serait important
que le projet de loi précise que la personne qui n'est payée que,
par exemple, pour 50% de sa réclamation véritable pourrait garder
un droit de recours contre le tiers responsable pour le reste de la
différence, comme c'est le cas actuellement en vertu de la Loi des
accidents du travail dans le cas où un accident est causé par un
tiers.
La Corporation des assureurs nous semble être une excellente
initiative, sauf que nous conseillerions que le gouvernement ait un pouvoir de
médiation entre les assurances pour s'assurer que la convention
d'indemnisation soit la plus large possible et soit existante.
Nous regrettons, pour notre part, que le surintendant des assurances
n'ait pas le droit d'intervenir en matière de tarification et de
contrôle de tarification des polices. Nous trouvons excellent que le
surintendant des assurances puisse récolter les données
statistiques à cet égard. C'est l'article 165. Nous regrettons
que le surintendant des assurances ne soit pas obligé de faire, une fois
par année, une publication dans les journaux du Québec sur la
moyenne des primes et le taux des primes facturées par toutes et chacune
des compagnies d'assurance.
Actuellement, le projet de loi prévoit qu'une personne pourrait
aller consulter les données statistiques du surintendant des assurances,
mais le citoyen, dans sa très grande majorité, ne prendra pas la
peine d'aller au bureau du surintendant pour consulter les données
techniques qui peuvent lui apparaître extrêmement rebutantes.
Actuellement, notre système économique est basé sur
l'idée que le consommateur fait un magasinage entre différents
types de services et peut comparer les prix. Si ce principe a encore toute son
application nous croyons qu'il l'a on devrait permettre aux
assurés de comparer les prix des différentes primes et le contenu
des polices d'assurance qui leur sont accordées. Quelle meilleure
façon de le faire que si c'est le surintendant des assurances qui le
fait de façon simplifiée, de façon publique?
De façon finale, c'est là-dessus que je vais arrêter
mes commentaires, les mesures transitoires nous semblent propres, d'une part,
à décourager les abus des automobilistes, décourager les
conducteurs qui ne prendraient pas de permis, mais nous croyons tout à
fait abusif, par exemple, l'article 173 qui impose une amende de $200 à
l'automobiliste qui omet de présenter son certificat d'assurance. Cette
situation peut être causée par le fait que la personne oublie chez
elle son portefeuille ou se l'est fait voler récemment. A ce moment,
l'article 173 ne semble pas accorder de discrétion au tribunal, l'amende
serait automatiquement de $200. Nous pensons que cette mesure est beaucoup trop
rigoureuse, et que lorsque l'assuré peut, devant le tribunal, apporter
copie du certificat qu'il a oublié, il pourra n'être
condamné qu'aux frais du tribunal comme c'est le cas en vertu du Code de
la route actuellement.
Enfin, et c'est ma dernière remarque, l'article 179 du projet de
loi prévoit que dans la période d'interrègne entre
l'ancien et le nouveau régime, les assureurs devront rembourser aux
assurés les montants d'assurance qui leur auront été
versés en trop. Nous croyons quant à nous que le projet de loi
aurait intérêt à stipuler les bases de calcul de ce
régime de passage entre l'ancien et le nouveau régime.
Actuellement, le projet de loi n'oblige qu'à faire le remboursement. On
ne déclare pas les bases sur lesquelles le calcul doit être fait.
A notre avis, les compagnies d'assurances, même si elles ne gagnaient que
$2 ou $3 par ce jeu auprès de l'assuré, pourraient faire des
millions de dollars
de profit, puisque cette situation concerne des millions
d'assurés actuellement. Je remercie la commission parlementaire d'avoir
entendu le Groupe de recherche en consommation. A titre de conclusion, nous
disons que, sans être d'accord avec l'ensemble des choix qui sont faits,
puisque nous suggérons un régime uniforme de
responsabilité sans faute, nous croyons que le projet de loi doit
être adopté de façon prioritaire, qu'il s'agit là
d'un excellent projet de loi et qui, compte tenu des aléas politiques,
devrait être accepté le plus rapidement possible, et cela, au
meilleur intérêt des consommateurs du Québec. Je vous
remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Masse. Mme
le ministre.
Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier ce
groupe de protection du consommateur, Groupe de recherche rattaché
à l'Université de Montréal. Seulement une première
question, d'abord, j'aimerais demander à notre invité en quoi le
"no fault", par exemple, dans les dommages matériels lui paraît
aussi essentiel. Est-ce qu'il a l'impression que la population du Québec
accepterait facilement le "no fault" dans les dommages matériels? Il m'a
semblé, au cours des contacts que j'ai pu avoir avec la population
jusqu'à maintenant, qu'autant le "no fault" pour les dommages corporels
peut être facilement acceptable, le "no fault" pour les dommages
matériels ne me paraissait pas prêt. Est-ce que vous auriez
d'autres renseignements à ce sujet?
M. Masse: Encore une fois, Mme le ministre, on ne veut en aucune
façon se substituer à l'opinion publique et au choix politique
que le gouvernement doit faire. On ne prétend pas non plus,
contrairement au Barreau, dans la fin de son mémoire, que la population
du Québec ne veut pas du régime de "no fault" partiel ou total.
On croit, quant à nous, que cette affirmation est parfaitement abusive
et n'est fondée sur aucune recherche d'envergure. On respecte donc votre
choix politique et on n'a, en aucune façon, l'intention de le faire
à votre place. Ce que l'on craint, au plan théorique, encore une
fois, c'est que le régime actuel qui oblige l'assuré, d'une part,
à prendre une police d'assurance pour ses dommages matériels et,
éventuellement, une police d'assurance supplémentaire pour ses
dommages corporels supplémentaires, et deuxièmement, à
prendre une police d'assurance pour ses dommages corporels auprès du
gouvernement. Ce régime, pour les assurés, pour les consommateurs
du Québec, peut être assez compliqué, d'autant plus
compliqué que, quand la personne a un recours à prendre
après un accident d'automobile, elle a, d'une part, une
réclamation à faire ou à l'assureur ou au tiers
responsable dans le cas des dommages corporels la situation n'est pas
très claire pour les consommateurs ensuite une réclamation
à la régie, dans le cas de dommages corporels, sans compter les
réclamations éventuelles au fonds d'indemnisation dans les cas
où il y a une application.
Ce régime nous apparaît, peu importent les
considérations politiques, causer un risque de confusion et de
méconnaissance de la part des consommateurs. Actuellement, en
matière de consommation, on constate que des régimes de
protection extrêmement simples, après quatre ou cinq ans
d'application, ne sont pas connus encore par la population.
La deuxième remarque qu'on a à faire à
l'égard de ce projet, relativement à votre question, c'est la
complexité, c'est la multiplication des coûts.
Le rôle du courtier nous apparaît important, mais le
régime proposé multiplie les intermédiaires à
l'égard de l'application du régime en général. Ce
que l'on craint de façon générale, c'est que le
régime soit tellement compliqué, s'il est mixte, que
l'assuré doit remettre son cas entre les mains d'un avocat pour
comprendre quelque chose, encore une fois.
Mme Payette: Enfin, pour ma part, je ne suis pas d'accord quand
vous dites qu'il y a multiplication des intermédiaires. On a
visé, au contraire, à diminuer le nombre d'intermédiaires,
comme on sait que, présentement, pour l'évaluation des dommages
matériels, il faut l'intervention de deux experts en sinistres, quand il
y a deux véhicules impliqués. S'il y en a trois, souvent il y a
trois experts en sinistres.
Est-ce que vous ne croyez pas que l'indemnisation directe de la part de
l'assureur envers son assuré simplifie justement l'intervention et, au
contraire, diminue le nombre d'intervenants à ce moment-là?
M. Masse: Le choix du gouvernement, quand il est question d'un
recours direct de l'assuré à l'égard de son assureur est
fondamental. C'était l'objet d'ailleurs de notre principale remarque sur
les dommages matériels. Je crois que c'est un choix tout à fait
valable, et tous les propos du livre bleu en ce qui a trait à
l'incitation de la compétition et l'absence d'intermédiaire dans
ce domaine est tout à fait valable, à notre avis.
Ce que nous craignons, quant à nous, c'est que cette excellente
mesure disparaisse par l'absence de bonne volonté de la Corporation des
assureurs ou que la convention d'indemnisation qui soit adoptée soit
tellement mince qu'elle ne soit pas comprise par les assurés et qu'elle
ne soit pas virtuellement applicable.
Mme Payette: Quand vous parlez de la compréhension du
nouveau régime par la population, vous avez probablement raison, mais on
ne peut pas dire que c'est pire que c'était avant, puisque la population
ne comprenait pas davantage le système dans lequel elle vivait. Du
moins, c'est ce qui m'est apparu, à moi, au cours des derniers mois.
Nous entrevoyons une campagne d'information après l'adoption du
projet de loi qui pourrait vraisemblablement corriger cette difficulté
de compréhension au maximum. A ce moment-là, on peut penser que
la population, mieux infor-
méelà, je vais corriger ce que vous avez
ditcomprendra qu'il ne faut pas une multiplication de polices
d'assurance, de contrats d'assurance.
Quand vous dites que la population devra avoir d'abord une police
d'assurance pour les dommages matériels, c'est évident puisque
l'assurance est obligatoire. Dans ce contrat d'assurance, on pourra trouver ce
dont on a besoin, c'est-à-dire ce qui est absolument essentiel pour
être bien "couvert" et l'autre police dont vous parlez, qui est pour
l'excédentaire en dommages corporels, il n'y a qu'environ 15% de la
population qui en auraient besoin. Donc, ce n'est pas toute la population qui
devra avoir une double assurance.
Quant à la troisième dont vous parlez, qui est celle du
régime d'Etat, il n'y a pas de contrat d'assurance. Donc, il n'y a pas
d'intervention d'un contrat différent. Il n'y a pas trois polices. C'est
une chose qui a fait peur à la population quand on a commencé
à dire que cela en prendrait trois, quatre ou cinq. Ce n'est pas le
cas.
M. Masse: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si le
gouvernement c'est tout à fait souhaitable se lance dans
une campagne d'information, avec une mesure des résultats de cette
campagne d'information, c'est tout à fait essentiel et souhaitable.
Cependant, on constate, de notre côté, que des mesures de
protection aussi simples que les délais d'annulation d'une vente par
vendeur itinérant ne sont absolument pas compris par la'popu-lation
après sept ans d'application de la loi. On constate très souvent
que des consommateurs pensent que tous les contrats de vente sont annulables,
sauf les ventes par vendeur itinérant. Même si la
publicité, sur une mesure aussi essentielle que celle-là, fait
défaut, même si vous dites que le régime est
simplifié, personnellement, je pense que c'est une amélioration
par rapport au régime actuel et là-dessus je suis tout à
fait d'accord, mais cela reste extrêmement complexe malgré
tout.
Mme Payette: La protection du consommateur, c'est un sujet qu'on
rediscutera bientôt et je peux déjà vous assurer qu'on va
essayer de vous aider dans ce domaine.
A la page 5 de votre mémoire, vous parlez du régime de la
Commission des accidents du travail et des différences qu'il pourrait
éventuellement y avoir entre les deux régimes. Le projet de loi
67, à l'article 18, prévoit que, si notre régime apporte
un excédent par rapport au régime de la Commission des accidents
du travail, la victime y a droit, c'est-à-dire que nous devenons
deuxième payeur et nous complétons, à ce moment, le
régime existant à la Commission des accidents du travail. Cela
était clair pour vous.
M. Masse: Ce qu'on veut signaler, c'est qu'il est tout à
fait valable qu'un voyageur de commerce visé par la Commission des
accidents du travail, s'il a un accident d'automobile au cours de son travail,
soit visé d'abord par la Commission des accidents du travail et,
ensuite, par le supplément. Il se peut très bien qu'un
travailleur dans une fonderie se fasse couper une main à son travail ou
se fasse couper une main au volant de son véhicule automobile en
revenant chez lui. Dans ces deux situations, pour la même personne, pour
le même dommage, la compensation serait différente. C'est
là-dessus qu'on en a pour l'essentiel.
Mme Payette: Je pense que l'on doit dire que nous allons chercher
à harmoniser les deux régimes et, autant que possible, non pas
vers le bas, mais vers la meilleure situation pour la personne blessée.
On vise éventuellement à un accord entre les deux
régimes.
A la page 6, vous avez fait allusion, et vous l'avez repris dans votre
résumé, au délai de prescription. C'est une chose qui a
déjà été portée à notre attention en
commission parlementaire. Je puis vous dire que nous sommes d'accord avec la
suggestion et que nous allons faire en sorte que ce soit retenu.
A la page 8, vous faites allusion aux articles 37, à la clause de
la jeune veuve de 35 ans et à d'autres définitions: conjoint sans
enfant. Nous prenons note de vos remarques et nous vous en remercions. Nous
allons tenter de voir s'il y a moyen d'arriver à une plus grande justice
à ce niveau.
En ce qui concerne les conjoints séparés ou
divorcés, votre suggestion est intéressante et nous allons
l'étudier.
M. Masse: A cet effet, Mme le ministre, si je peux me permettre,
le mémoire du Barreau parlait, si je me souviens bien, de conflit
possible entre l'ancien conjoint, qui recevait une pension alimentaire, et le
concubin, avec tout l'opprobe que ce mot de concubin peut comporter.
Mme Payette: C'est moins pire quand c'est concubin que
concubine.
M. Masse: Peut-être. La solution éventuelle qu'on
pourrait apporter, c'est que l'ancien conjoint, séparé ou
divorcé, qui reçoit une pension alimentaire, soit
considéré comme une personne à charge et que le concubin
tombe sous la notion de conjoint au sens de la loi.
Mme Payette: Nous allons nous repencher sur cette question.
A la page 10, vous vous inquiétez de l'imposabilité des
rentes payées par le régime. Nous savons que nous aurons des
discussions avec le gouvernement fédéral à cet
égard. Ce que nous envisageons dans un premier temps, c'est que notre
loi du revenu puisse être amendée. Si nous n'arrivons pas à
trouver une solution, il y aura une décision à prendre à
ce niveau, cela me paraît évident.
A la page 10, vous faites allusion à l'article 54 et au mode de
réclamation. C'est là où vous soulignez qu'il faudrait une
campagne d'information.
Je pense qu'il n'y a personne qui pourra nier que, si on veut la
protection du consommateur, au moment où on s'apprête à
faire un changement qui n'est pas une "réformette", contrairement
à ce qu'on a pu dire au début... On sent bien qu'il s'agit d'une
réforme où on touche, pas nécessairement à des
choses qui étaient bonnes, mais qui étaient des habitudes. Quand
on se met à toucher aux habitudes des gens, il faut très
certainement les informer de ce qu'il leur arrive. A ce niveau, nous sommes
parfaitement conscients.
Je voudrais vous rassurer là-dessus et vous dire que le
nécessaire sera fait au maximum de nos possibilités pour que
l'information soit véhiculée directement.
Vous parlez, en page 11, des obligations du réclamant par rapport
à la régie. Nous prenons note des remarques que vous nous faites.
Vous faites allusion, en page 12, au fonctionnement de la Commission des
affaires sociales. Je peux vous assurer que nous allons voir à ce que la
Commission des affaires sociales réponde véritablement aux
besoins de ce régime. Maintenant, je dois vous dire que nous ne sommes
pas d'accord sur un dernier droit de recours qui ramènerait encore la
situation, peut-être bien à celle qu'on connaît maintenant
auprès de la Cour supérieure. Alors, le droit de recours, en ce
qui nous concerne, s'arrête avec la Commission des affaires sociales.
Cependant, vous savez parfaitement qu'un consommateur ou un citoyen peut
être représenté et peut se faire accompagner d'un avocat
devant la Commission des affaires sociales.
En page 13, vous parlez du délai que nous accordons à un
assureur quant à la résiliation d'un contrat et vous soulignez
l'ambiguïté au niveau de la rédaction de l'article qui
touche ce sujet en particulier. Nous avons déjà dit que nous
allions revoir cet article qui nous paraît clair; mais s'il y a
confusion, nous l'avons également dit devant les assureurs et les
courtiers qui étaient préoccupés par cet article, nous
allons clarifier l'article pour bien définir ce qu'était
l'intention du gouvernement.
Vous vous inquiétez des pouvoirs qui vous paraissent insuffisants
en ce qui concerne le surintendant des assurances. Je vais vous dire que, pour
ma part, jusqu'à maintenant, je n'ai aucune raison de croire que les
assureurs ne seront pas de bonne foi dans cette transformation du régime
d'assurance automobile. Les rapports que nous avons eus jusqu'à
maintenant avec eux ne nous permettent pas de conclure qu'ils s'opposent ou
qu'ils tenteront de surcharger les consommateurs d'assurance-automobile. Si
bien qu'à mon avis il ne faut pas utiliser un bâton qui n'est
absolument pas nécessaire maintenant. Cependant, le pouvoir de
surveillance que nous donnons au surintendant nous permet de nous assurer de la
collaboration des assureurs et donne au surintendant certainement les
connaissances qu'il ne possédait pas jusqu'à maintenant,
c'est-à-dire l'accès à la tarification, la connaissance de
la tarification. Le projet de loi fait également obligation au
surintendant des assurances d'analyser ces statistiques et de faire rapport au
ministre, ce qui implique, quand le rapport est fait au ministre, qu'il y ait
dépôt à l'Assemblée nationale et s'il y a
dépôt à l'Assemblée nationale, on peut tenir pour
acquis que tous ces documents sont rendus publics. Donc, tous les consommateurs
y ont accès par l'information des media ou par tout autre moyen. Il
m'apparaît que ce pouvoir de surveillance, pour l'instant, est suffisant.
Si nous devions constater, malgré la présence du surintendant qui
fait partie du bureau de direction de la corporation des assureurs vous
avez constaté qu'un article dit que cette corporation ne peut pas se
réunir si le surintendant n'est pas présent nous pensons
qu'à partir de là, si nous devions constater, au cours des mois
qui viennent, un jeu, quel qu'il soit, de la part des assureurs, il nous serait
possible, à ce moment-là, d'intervenir à nouveau, mais il
faudrait que nous soyons assurés qu'il y a nécessité pour
nous d'aller plus loin. Pour l'instant, cela ne nous apparaît pas
nécessaire.
M. Masse: Est-ce que je peux me permettre de faire un
commentaire? Il y a actuellement des situations qui ne relèvent pas du
pouvoir du surintendant de contrôler les prix des primes qui concernent
des pratiques tout à fait déloyales de la part des assureurs et
qui, à notre avis, pourraient risquer d'être d'autant plus graves
que l'assurance pour les dommages matériels seraient dorénavant
obligatoires. C'est, par exemple, la pratique actuelle, surtout dans un cas
où l'assuré se cherche une première police, c'est
l'obligation qui est faite par certains assureurs, surtout en période de
crise actuelle, d'assurer sa maison, ses meubles, et l'ensemble des biens de
l'assuré.
Mme Payette: Je dois vous dire qu'en commission parlementaire,
quand nous avons reçu, l'autre jour, le BAC et des représentants
d'un certain nombre de compagnies d'assurances, c'est une question que j'ai
posée. Le Groupe commerce m'a affirmé continuer cette pratique
maintenant, deux compagnies, cependant, ont assuré à la
commission qu'en 1977 ils ne pratiquaient plus ce "package deal" et qu'on
pouvait se procurer de l'assurance automobile librement auprès de deux
compagnies qu'il est bon qu'on fasse connaître, la Royale et les
Prévoyants du Canada qui, actuellement, ont de l'assurance automobile
disponible sans qu'aucune autre assurance n'y soit attachée.
C'est pour cette raison qu'à partir de ces éléments
il m'apparaît prématuré d'utiliser un pouvoir coercitif
envers les assureurs et, dans la mesure où nous avons à vivre
ensemble, je pense qu'on peut, dans un premier temps, leur faire confiance et
voir, par la suite, les résultats de cette confiance.
A la page 17 de votre mémoire, tout le paragraphe concernant les
articles 166 à 175 qui traitent des sanctions, des suspensions, je peux
vous dire pour l'instant que nous avons lu attentivement ce qu'il y a de
contenu dans ce paragraphe et que nous en prenons bonne note. Nous allons
réétudier, à partir de votre document, ce qui est dans le
projet de loi.
M. le Président, j'ai terminé pour l'instant et je
reviendrai, si c'est nécessaire seulement.
Le Président (M. Boucher): Merci. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je tiens à remercier ce groupe de
recherche en consommation, de l'Université de Montréal, qui a
bien voulu se donner la peine de venir commenter le résultat de son
étude sur ce projet de loi.
Il y a certaines critiques ou du moins certains éclaircissements
qui ont été demandés par ces messieurs, qui ont souvent
été mentionnés au niveau de cette commission, dans le
passé. Cela n'enlève tout de même absolument rien à
la valeur du mémoire et à la valeur de leur intervention; mais
comme je crois qu'il est important de laisser voir qu'il y a certains articles
qui semblent créer l'unanimité dans le fait qu'on ne peut pas les
interpréter avec la clarté désirée, je ne doute pas
que Mme le ministre verra à étudier avec grande attention ces
articles.
Vous avez mentionné dans votre mémoire que le
régime était généreux. Il va être facilement
plus généreux parce que, premièrement, c'est l'assurance
obligatoire. Je crois que c'était une nécessité et nous
devons admettre que leur projet de loi, à ce point de vue particulier,
est une amélioration sensible qui concourra à plus de justice
dans la compensation pour les victimes d'accident d'automobile.
Vous avez mentionné que ce régime devrait être
étatisé aussi bien au point de vue de l'indemnisation des
dommages corporels comme matériels. Cela me semble être tout
à fait évident que si nous sommes, en principe, pour
l'étatisation qu'il devrait y avoir une étatisation totale. C'est
assez difficile de soutenir que ce principe est valable à un niveau et
moins à un autre niveau. Comme vous dites, ce sera, à tout point
de vue, un dédoublement dans la perception des primes dans les
indemnisations et ça concourra certainement à élever le
coût d'administration du régime.
Nous sommes personnellement contre l'étatisation, mais nous
aurons ce n'est pas ici l'endroit pour expliquer les raisons de notre
opposition à l'étatisation l'occasion
éventuellement de développer ce sujet.
Pour revenir à cette générosité du
régime, comme vous dites, est-ce que vous avez étudié ou
vu dans la loi une juste compensation pour ceux qui vont subir des
incapacités partielles permanentes? Est-ce que vous croyez qu'à
ce point de vue le régime est juste? Pour mieux éclairer ma
question, je puis vous donner un exemple.
Comme nous avons un régime qui est basé exclusivement sur
la perte à gagner, il arrive qu'une victime puisse subir des
préjudices sérieux, pour son emploi, pour les
nécessités de son emploi, qu'elle puisse réintégrer
cet emploi et que, par le fait même, elle ne reçoive plus de
compensation pour ses incapacités partielles permanentes. Est-ce que
vous croyez qu'à ce point de vue le régime est juste?
M. Masse: Par rapport à la situation actuelle?
M. Saint-Germain: Par rapport à la situation actuelle ou
simplement, en principe, par rapport aux droits des victimes à
être indemnisées pour les préjudices subis.
M. Masse: Actuellement, pour une incapacité partielle
permanente, il y a quatre formes, quatre types de dommages qui peuvent
être accordés. Il y a d'abord les dommages médicaux, ceux
qui concernent les prothèses. Ils sont, pour l'essentiel, couverts par
le Régime d'assurance-maladie actuel, de sorte que la situation est la
même.
Le deuxième type de dommages, ce sont les douleurs, pertes de
jouissance, préjudices esthétiques. Comme je l'ai signalé
dans le mémoire, l'article 45, je crois, reste extrêmement vague
à ce sujet et on croit qu'il y aura intérêt à
être plus précis à cet égard.
Le troisième type de dommages a trait à la perte du
revenu. Là-dessus, la situation actuelle, M. le député,
est extrêmement paradoxale. Supposons qu'un vendeur d'assurance, pour
prendre un exemple connu et d'actualité, qui, lors d'un accident
d'automobile et on peut présumer qu'il a pris une bonne prime
d'assurance qu'un estimateur d'assurance se cause une infirmité
de 20%. Il peut très bien ne perdre en aucune façon 20% de son
revenu. Les tribunaux actuels accordent $1500 ou $2000 le point, selon les
expectatives de vie de la personne. Le projet de loi va être
préjudiciable à ces personnes parce que le projet de loi, pour
l'essentiel, compense, sous forme de rente, la perte de revenu, la perte
économique réelle. D'accord?
Mais il se peut très bien, et c'est la situation actuelle aussi,
qu'a contrario une personne, un travailleur manuel, par exemple, en
période de chômage, perde son emploi s'il a 20%
d'incapacité, par exemple pour la perte d'une main ou pour un dommage
à une jambe. Cette personne, dans la situation actuelle, pourrait
très bien n'être compensée, pour le reste de ses jours, que
pour 20% de son revenu au moment de l'accident et perdre 100% de son revenu,
devenir virtuellement un invalide.
Le projet de loi, comme on le comprend actuellement, comme il est
présenté, va s'attaquer à la perte économique
réelle et de façon d'autant plus souple qu'on va le faire sous
forme d'une rente ajustable, qui ne sera pas mise en question par l'inflation
et qui va pouvoir être ajustable si le préjudice augmente ou
diminue.
Par exemple, à titre de remarque générale, on peut
parler des rentes qui ont été accordées en 1965 à
des personnes de 30 ans, pour un préjudice de l'ordre de 50%, ces
montants, à l'époque, pouvaient paraître assez
considérables, si, c'était accordé sous forme de rente
fixe décroissante, par exemple $80 000. Dix ou douze ans plus tard,
cette somme de $80 000, qui était faite pour compenser pendant 25 ans,
dans la majorité des cas, est disparue, et la personne reçoit des
prestations du bien-être social ou est aux crochets de sa famille.
De sorte que le projet de loi, c'est certain, en faisant une option
claire et nette pour le préjudice économique réel, avec
une compensation supplémentaire pour les préjudices non
économiques comme le préjudice esthétique, qui soit dit
entre parenthèses, n'est pas visé par les accidents de travail
actuellement, fait un choix qui peut défavoriser certaines victimes qui
faisaient un coup d'argent dans certaines situations, mais, à notre
avis, c'est probablement et très certainement pour mieux compenser les
victimes qui, actuellement, sont défavorisées par le
régime actuel.
M. le député, je pense qu'on doit mitiger la
réponse qu'on doit donner à votre question.
M. Saint-Germain: Je ne vois pas... Pour quelqu'un qui subit
réellement une incapacité partielle permanente, je ne vois pas,
même dans le contexte actuel, comment cette personne peut faire un coup
d'argent, parce que les préjudices peuvent être extrêmement
graves. Vous pouvez avoir des gens qui, à la suite d'un accident,
peuvent être privés de leurs sports favoris, peuvent être
privés de certains hobbys, peuvent subir du rhumatisme, de l'arthrite,
lorsque les os sont brisés. Comme la vie n'est pas simplement
basée sur l'argent, il y a là, à mon avis, des
préjudices sérieux qui ne seront absolument pas compensés,
qui ne sont pas compensés du tout.
M. Masse: A ma connaissance, il ne m'appartient pas de
défendre le projet de loi. Ces préjudices sont visés par
l'article 45 du projet et ils ont trait à la perte de jouissance de la
vie. Si vous dites que l'article 45 n'est pas précis, on est tout
à fait d'accord avec vous. Je pense que le projet de loi gagnerait
à être précisé dans ce sens. Actuellement, on fait
un plafond maximal de $20 000 pour ce type de dommage, mais cela laisse toute
une marge de manoeuvre qui gagnerait à être
précisée.
M. Saint-Germain: Toujours dans le même ordre
d'idées, pour l'indemnisation des femmes au foyer, croyez-vous que cette
indemnisation est juste pour la mère de famille?
M. Masse: Actuellement, compte tenu des aléas de la preuve
de la faute et compte tenu des honoraires professionnels, compte tenu des
délais devant les tribunaux et compte tenu, malgré ce qu'en
pensent certains, de la faiblesse des compensations accordées aux femmes
au foyer, le projet de loi, à ma connaissance et, en toute
honnêteté, correspond à une amélioration
extrêmement substantielle à l'égard de la femme au
foyer.
Bien sûr, on peut trouver des cas qui ont été
débattus à grands frais devant les tribunaux où une femme
au foyer a pu, dans certaines situations, avoir davantage, mais à ma
connaissance, depuis dix ans, la moyenne des compensations qui sont
accordées et aux femmes au foyer et aux chômeurs et aux enfants
qui ne gagnent pas de revenu est largement supérieure dans le projet de
loi.
M. Saint-Germain: Indépendamment de la situation actuelle,
je sais très bien les inconvénients que subissent certaines
victimes d'accident d'automobile dans le régime actuel. Vous venez
d'énumérer une série de préjudices qu'elles peuvent
subir. Vu que nous faisons face à un projet de loi tout à fait
nouveau qui ne doit pas nécessairement confirmer ou structurer les
injustices passées, mais qui doit être projeté vers
l'avenir dans le contexte actuel de la famille, croyez-vous que cette
rémunération est juste pour la femme, la jeune fille ou
simplement l'homme qui travaille relativement aux autres indemnisations
incluses dans le projet de loi?
M. Masse: Le jour où on pourra définir ce que vaut
le travail d'une femme au foyer et le jour où on pourra mettre sur pied
ce qu'on a appelé le salaire de la femme au foyer, on pourra avoir une
base de calcul. Actuellement, le projet de loi nous semble être une
amélioration substantielle par rapport à la situation actuelle;
mais quant à savoir si je pense que c'est totalement adéquat dans
toutes les situations, une étude de la réalité de ce
problème devrait être faite de façon très
particulière, et on possède assez peu de données de ce
côté-là actuellement. Cela dépend du nombre
d'enfants au foyer; cela dépend de l'âge de la personne; cela
dépend du nombre de services qu'elle peut accorder à sa famille.
Je pense qu'il s'agit là d'une déclaration qui est très
difficile à faire.
M. Saint-Germain: A l'article 30, on diminue de
l'indemnité payée à la suite d'un accident d'automobile la
pension de vieillesse et les rentes du Québec. Vous êtes-vous
penché sur cet article?
M. Masse: Vous voulez dire les cas où on diminue la
pension, l'indemnité qui est accordée par la régie dans le
cas où la personne touche déjà une pension de la
Régie des rentes?
M. Saint-Germain: C'est juste.
M. Masse: Le groupe, sans faire mention au mémoire...
M. Saint-Germain: Excusez-moi, M. le Président. Je parle
particulièrement des personnes de 65 ans qui recevront une rente comme
résultat de cette loi et qui la verront diminuée, à cause
de leur pension soit de vieillesse ou du Régime des rentes.
M. Masse: II peut, en effet, être injuste en apparence
qu'une personne qui a contribué au Régime de rentes toute sa vie
et qui paie des primes d'assurances directement au gouvernement ou autrement
puisse voir les deux régimes diminués, qu'il n'y ait pas cumul.
C'est un choix économique.
Nous croyons que, si on veut limiter les primes, l'important c'est de
donner à la personne qui a un préjudice corporel, une douleur ou
un problème d'agrément de la vie à la suite d'un
accident
d'automobile, un montant minimal généreux auquel elle a
droit et d'éviter les cas de cumul qui, sur le plan des coûts
sociaux, pourraient être considérables. Mais je suis d'accord avec
vous pour dire qu'en apparence il peut être injuste qu'une personne qui
contribue toute sa vie au Régime de rentes voie ce régime
diminué dans le cas où elle touche déjà une
prestation de la part de la régie, mais c'est un choix politique qui
peut être défendable dans un cas ou dans l'autre.
Ce qui est important à nos yeux, c'est qu'on s'assure que les
personnes âgées qui ont eu un accident d'automobile aient une
compensation minimale, généreuse et fondamentale. Quelles
puissent cumuler ou doubler ces indemnités en vertu de deux, trois ou
quatre régimes publics, j'insiste les régimes
privés ne sont pas visés par cela à ma connaissance
c'est un choix politique.
M. Saint-Germain: N'en reste-t-il pas moins que, vu qu'on
dédommage les gens et comme philosophie, nous dédommageons
les gens relativement à leur perte de revenu celui qui n'a pas
d'accident d'automobile, en plus de ses économies, de ses pensions
privées ou autres, reçoit nécessairement le Régime
de rentes et la pension de vieillesse? Si on dédommage pour la perte de
revenu, pourquoi abaisser cette indemnité qui correspond, selon la loi,
à la perte de revenu de la victime? Il ne faut pas oublier que le
Régime de rentes est un régime public, mais il est payé
par l'argent du travailleur et par l'argent de l'employeur. Il n'y a pas de
taxes qui s'appliquent au Régime de rentes. C'est un dû pour la
victime.
M. Masse: Est-ce que vous suggérez, Mme le ministre, qu'on
ne réduise pas les prestations du Régime de rentes pour la
personne de plus de 65 ans qui touche une rente de la part de la Régie
d'automobile uniquement dans le cas où cette personne est indigente et
n'a pas fait d'économie? L'application de ce principe me semble
très difficile. Je suis très sympathique, à titre
personnel, à votre argument. Je pense que c'est un choix politique.
Maintenant, si on veut s'assurer que les gens aient le minimum et
éviter que les coûts engendrés par cela soient exorbitants,
je pense qu'on doit faire le choix que fait l'article 36.
M. Saint-Germain: A l'article 69, on parle de pratiques qui
peuvent restreindre ou retarder le retour au travail de la victime. On a
mentionné dans la discussion cette obligation, par exemple, de se
soumettre à une chirurgie. Est-ce que vous ne voyez pas là un
précédent, parce que, dans toutes nos lois, on a toujours
respecté l'intégrité des gens? Jamais dans notre
système politique on a obligé les gens à se soumettre
à des chirurgies ou à des soins médicaux qu'ils ne
voulaient pas accepter. Est-ce que vous ne voyez pas là un
précédent excessivement dangereux?
M. Masse: Je suis d'accord pour dire que c'est un point
dangereux, mais de là à dire que c'est un
précédent, je ne le pense pas, je ne suis pas au fait de la
dernière jurisprudence, mais je sais qu'actuellement les tribunaux
diminuent une compensation dans le cas où la victime demande une
indemnité trop exagérée à la personne responsable,
dans le cas où elle pourrait subir une intervention chirurgicale
bénigne et sans danger qui pourrait diminuer ses dommages.
Dans le cas où les interventions chirurgicales sont
bénignes, sans danger et ne portent pas à contestation, je suis
d'accord pour qu'on diminue la réclamation qui est faite par la victime,
parce qu'autrement le fait d'avoir un accident d'automobile serait une raison
pour se mettre aux crochets de l'Etat le restant de ses jours. Je suis d'accord
avec vous que l'article 69 devrait être précisé de
façon que les opérations chirurgicales dangereuses ou des
croyances religieuses valables soient prises en compte pour qu'on ne diminue
pas arbitrairement la compensation accordée à la victime.
M. Saint-Germain: Vous avez aussi mentionné un droit
d'appel aux tribunaux dans le cas où on ne changerait pas les
règles qui régissent la Commission des affaires sociales. A mon
avis, tout notre système, toutes nos institutions sont basées sur
le fait que l'exécutif, le législatif et la justice sont tout
à fait séparés. Ces trois parties de nos institutions sont
libres les unes vis-à-vis des autres. Est-ce que, quand vous parlez de
droit d'appel aux tribunaux, vous avez pensé à ces principes qui
nous régissent depuis longtemps?
M. Masse: Là-dessus, je tiens à faire remarquer
encore une fois que c'est l'objet de notre principale réserve à
l'égard du projet de loi. Mme le ministre a dit tout à l'heure
que si on donnait un droit d'appel à des décisions de la
régie s'il y a un droit d'appel à la Cour
supérieure, je suis d'accord pour que la Commission des affaires
sociales n'ait pas à se prononcer en troisième ou
quatrième lieu on risque de revenir à la situation
actuelle.
La situation actuelle est causée essentiellement, au niveau de sa
confusion et des délais, par deux choses: D'abord, on traite de la faute
plusieurs années après et l'on se débat devant les
tribunaux très longuement pour discuter qui était fautif dans le
caractère tout à fait artificiel de cette notion. Si la Cour
supérieure allait en droit d'appel des décisions de la
régie, le "no fault" serait respecté, il n'y aurait plus de
discussion sur la faute.
Deuxièmement, le droit civil actuel, au niveau de la compensation
des dommages corporels, est tout à fait vague, flou et donne lieu
à des interprétations jurisprudentielles considérables. Le
projet de loi serait opposable aux tribunaux comme à la régie.
Les tribunaux auraient à interpréter la loi telle qu'elle
est.
Je pense, personnellement, qu'ils seraient, contrairement à la
situation actuelle, liés par des précédents beaucoup plus
précis que ça ne l'est dans le cas actuel, de sorte que je
préfère de loin l'indépendance des juges de la Cour
supérieure et,
d'une certaine façon, leur retrait, par rapport au système
gouvernemental comme vous, sans doute, et c'est le cas pour la Commission des
affaires sociales.
Si la juridiction de la Commission des affaires sociales continue
à être adoptée par le projet de loi, on croit, de
façon majeure, que l'indépendance des assesseurs devrait
être assurée et, deuxièmement, que des règles de
preuve de procédure et de garantie des assurés et des victimes
devraient être garanties par le projet de loi.
Tant que ce n'est pas fait, tant qu'on ne garantit pas que la Commission
des affaires sociales ne deviendra pas un organisme bureaucratique abusif et
sans avoir d'expérience personnelle à cet effet, il s'agit
de pratique abusive, la situation actuelle où la commission des affaires
sociales prête le flanc à beaucoup de critiques, dans certains
cas, c'est à bon droit tant que ce n'est pas garanti, on croit
que la Cour supérieure devrait peut-être avoir juridiction
là-dessus.
M. Shaw: M. le Président, un simple renseignement. Nous
allons finir, aujourd'hui, à midi?
Le Président (M. Boucher): C'est ça.
M. Shaw: La question de partage de temps est très
importante parce que tout le monde a des questions pour ce "so called" groupe
pour la protection des consommateurs. Nous sommes rendus à la fin des 20
minutes du député de Jacques-Cartier. Je crois que nous pouvons
peut-être discuter, pour le moment, à savoir si le témoin
reviendra demain pour des questions additionnelles.
Le Président (M. Boucher): II n'y a pas de commission cet
après-midi.
M. Shaw: Ni ce soir.
M. Saint-Germain: La commission ne siège pas le mercredi
soir.
M. Shaw: Cela implique qu'il faut revenir demain.
M. Saint-Germain: M. le Président, je comprends
très bien le point de vue du député de Pointe-Claire, mais
si ça peut aider, je terminerai immédiatement mes questions pour
donner la parole à mes collègues de l'Opposition.
Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier.
M. le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Au début de
cette période de questions, j'aurais peut-être des questions
à poser à l'honorable ministre, parce qu'elle nous a fait
certaines déclarations tout à l'heure qui me laissent songeur,
entre autres, quand elle a parlé d'une campagne d'information.
Je suis d'accord qu'il faudra nécessairement informer le public
pour l'application de cette nouvelle loi. Ce que je me demande, par exemple,
c'est combien cela va coûter, et même après avoir fait
peut-être $100 000 de dépenses pour la tournée qu'elle a
effectuée auparavant, je me demande combien cela va coûter et si
ces coûts sont compris dans les 6% d'administration qu'elle a
déjà mentionnés auparavant?
Mme Payette: M. le Président, il y a un petit peu de
mauvaise foi. Il ne s'agissait pas d'une tournée d'information, mais
d'une tournée de consultation. Si vous l'aviez faite, vous auriez
constaté que si, à certains moments, c'est devenu une
tournée d'information, c'est à cause, justement, de ce qui a
été souligné, le fait qu'on a constaté, au moment
où on l'a commencée, que les gens ne savaient pas ce que
c'était, de l'assurance automobile.
La deuxième partie de la question, c'est-à-dire une
campagne de publicité, ça ne commence qu'après l'adoption
d'un projet de loi. Cela me paraît essentiel, aussi bien pour vos
commettants que pour les nôtres, que les gens sachent ce qu'on est en
train de faire.
M. Fontaine: Mais, est-ce que vous pourriez répondre
à ma question?
Mme Payette: Absolument pas. Je n'ai aucune idée du
coût de cette campagne qui interviendra après l'adoption du projet
de loi.
M. Fontaine: Comment pouvez-vous affirmer que vous allez
maintenir vos coûts d'administration à 6% si vous ne savez pas
combien cette campagne va coûter?
M. Paquette: M. le Président, si on me permet
l'intervention, je pense qu'il s'agit tout simplement d'une campagne
d'information sur les politiques gouvernementales adoptées, comme cela
s'est fait sur plusieurs lois. J'ai l'impression que cela doit émarger
au budget de Communication-Québec normalement, je ne sais pas.
M. Fontaine: Peut-être.
M. Paquette: Cela n'a rien à voir avec le coût de
l'assurance.
M. Fontaine: Je pense que le ministre a mentionné tout
à l'heure qu'elle avait l'intention, par son ministère, de faire
de l'information auprès du public. Alors, je pense qu'à ce
moment-là, il y a un budget...
Mme Payette: M. le Président... M. Fontaine: ... de
voté...
Mme Payette: ... si on joue sur les mots, il se peut que j'aie
dit que j'avais l'intention de faire en sorte que le public soit
informé. J'ai l'intention de
demander qu'une campagne de publicité importante soit faite sur
ce projet, parce qu'il est essentiel que la population soit informée
correctement.
M. Fontaine: Alors, la réponse, c'est que ça
n'entre pas dans vos coûts d'administration...
Mme Payette: Cela n'entre pas dans les frais
d'administration.
M. Fontaine: M. le Président, Mme le ministre a
parlé de question d'amendement à la Loi de l'impôt. Est-ce
que Mme le ministre pourrait nous confirmer que ces amendements pourraient
être adoptés en même temps que l'application de la loi?
Mme Payette: Si vous avez bien entendu la réponse, j'ai
dit qu'il fallait d'abord avoir des conversations avec le gouvernement
fédéral.
Nous sommes simplement en train d'aborder la question et, comme cela
n'est pas terminé, nous n'avons pas à préjuger de leur
décision ni de la nôtre par la suite.
M. Fontaine: C'est donc dire, M. le Président, qu'advenant
le cas où la loi serait adoptée en janvier et mise en application
immédiatement, les premiers accidentés ne pourraient
bénéficier de ces déductions d'impôt et les montants
qu'ils recevraient seraient imposables.
Mme Payette: Je pense que le député posait
simplement une hypothèse, nous pensons que nous aurons des
réponses bien avant ce temps.
M. Fontaine: Effectivement, c'est une hypothèse à
savoir si le projet de loi sera adopté ou s'il ne le sera pas.
Mme Payette: Méchant député.
M. Roy: Nous nageons dans l'hypothèse.
M. Gagnon: Cela est fort.
M. Fontaine: Je voudrais également aborder une autre
question. Le ministre a parlé de "package deal" des compagnies
d'assurances. Le ministre pourrait-il nous dire s'il a eu des discussions avec
les compagnies d'assurances des caisses populaires à savoir si les
caisses populaires qui mettront en vente l'assurance du gouvernement et qui
probablement mettent aussi en vente d'autres sortes d'assurances, n'exigeront
pas ce "package deal"?
Mme Payette: Les polices d'assurances du mouvement Desjardins
sont vendues par l'intermédiaire des courtiers et il ne semble pas y
avoir dans l'esprit du mouvement Desjardins actuellement l'envie de changer ce
système. Il ne se vendra pas d'assurances à la caisse populaire
en ce qui concerne le gouvernement, on y fera la perception du coût du
régime du gouvernement.
M. Fontaine: Le ministre a-t-il eu des discussions à cet
égard avec les caisses populaires à savoir qu'elles ne vendront
pas d'assurances dans les caisses populaires?
Mme Payette: Je n'ai pas à avoir de discussion à
cet égard pour l'instant.
M. Fontaine: Merci.
Nos invités ont parlé tout à l'heure d'un
régime compliqué qui sera teinté de confusion et ont
également parlé de multiplication de coûts. Comment se
fait-il que vous puissiez, après avoir fait toutes ces remarques, dire
au ministre et affirmer à cette commission que vous êtes en faveur
de ce projet de loi?
M. Massé: M. le député, cela fait cinq ans
qu'on se bat pour l'amélioration de la loi d'indemnisation actuelle qui
est tout à fait odieuse, nébuleuse, portée à des
délais considérables, être injuste pour les assurés,
le fonds d'indemnisation, les victimes, quand le projet de loi fait 85% ou 90%
des modifications que l'on croit utiles, on ne va quand même pas penser
que ce n'est pas une amélioration substantielle.
M. Fontaine: M. le Président, nous sommes d'accord qu'il y
a certaines améliorations apportées par le projet de loi,
d'ailleurs il y a des améliorations qui ont été
soulignées par le député de Jacques-Cartier, tout à
l'heure, mais étant donné que le principal but est de diminuer
les primes d'assurances pour les assurés et d'avoir une meilleure
indemnisation, comment pouvez-vous être en faveur de ce projet de loi,
alors que vous en faites vous-même la remarque et dites que ce
régime sera compliqué et qu'il y aura une multiplication de
coûts?
M. Massé: Je crois que vous présumez de ma
pensée, M. le député. Le principal but que je vois au
projet de loi ce n'est pas de réduire les primes, tant mieux si c'est
l'effet, mais c'est d'accorder des compensations équitables aux
assurés et de les protéger au niveau de leur contrat. Si cela
provoque une augmentation, comme ce sera le cas pour certains assurés et
des diminutions pour d'autres, ce qu'on ne peut pas, à mon avis, savoir
de façon définitive tant que l'article 45 ne sera pas
précisé, c'est dommage, mais c'est secondaire. Je ne dis pas que
des primes qui tripleraient seraient quand même recevables; je dis
qu'à notre sens le premier but d'un régime d'assurance
automobile, c'est vraiment de couvrir les assurés pour des dommages
légitimes, fondamentaux et minimaux, ce que le projet de loi me semble
respecter pour l'essentiel.
M. Fontaine: Je ne pense pas que ce soit la promesse
électorale que le Parti québécois avait faite lors de la
campagne électorale lorsqu'il a dit à la population...
Mme Payette: Cela ne vous regarde pas, on va vivre avec.
M. Fontaine: ... qu'il essaierait de réduire les primes
d'assurance automobile avec le nouveau régime qu'il proposait.
M. Masse: M. le député, je ne suis pas là
pour répondre à des promesses électorales. Ce n'est pas
parce que je défends l'urgence d'adopter ce projet de loi, même si
je ne suis pas d'accord avec la totalité de ces dispositions, que je
vais être d'accord avec vous.
M. Fontaine: Merci.
Dans un autre domaine, vous avez demandé que le régime
indemnise tout le monde, même ceux qui pourraient avoir des accidents en
dehors des voies publiques. Avez-vous estimé les coûts que cela
pourrait occasionner?
M. Masse: Non seulement je ne demande pas, mais c'est le projet
de loi qui le prévoit.
Si je comprends bien le projet de loi vous me corrigerez si j'ai
tortun accident d'automobile qui serait causé dans une
entrée privée de garage, qui causerait un dommage au conducteur,
à un passager ou à un piéton, serait couvert par la loi
puisqu'il s'agit d'un accident d'automobile; ne sont pas visés par le
projet de loi les accidents qui ne sont pas causés par des automobiles
en dehors du chemin public.
M. Fontaine: C'est ce que je voulais mentionner. Par exemple, les
motoneiges et les motocyclettes ne sont pas incluses dans le projet de loi.
M. Masse: Lorsque l'accident se produit en dehors de la voie
publique.
M. Fontaine: C'est cela. Est-ce que vous proposez qu'il soit
inclus dans le projet de loi?
M. Masse: Personnellement, je pense que la loi actuelle, la loi
d'indemnisation des victimes d'accident d'automobile, le fonds d'indemnisation
intervient actuellement pour compenser les victimes de dommages causés
par les motoneiges survenus en dehors du chemin public. Je pense que ce serait
une excellente chose que le projet de loi vise les dommages causés par
une motoneige en dehors de la voie publique. Cependant, si je comprends bien
les dispositions du projet de loi sur le fonds d'indemnisation, ces dommages
causés par une motoneige en dehors d'un chemin public donneraient
possiblement ouverture à un recours au fonds d'indemnisation. Mais, si
cela n'est pas clair, je pense qu'on gagnerait à le faire. Cependant,
peut-être qu'il y a là et c'est peut-être
contradictoire avec votre remarque d'avant des impératifs qui
feraient en sorte qu'on devrait augmenter substantiellement les primes si on
soumettait les motoneiges à l'application de la loi.
M. Fontaine: Je vous remercie. Je n'irai pas plus loin. Je vais
laisser la chance aux autres de poser des questions.
Le Président (M. Boucher): Le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux d'abord vous
remercier et vous féliciter pour le mémoire que vous avez
présenté ce matin devant la commission parlementaire, de
façon à nous exprimer votre point de vue et à
éclairer les membres de la commission. Vous dirigez un groupe de
recherche en consommation à l'Université de Montréal. En
somme, il y a le point de vue des consommateurs que vous tentez d'exprimer, du
moins je l'imagine.
M. Massé: Est-ce que c'est une question? M. Roy:
Oui.
M. Massé: On n'a pas la prétention de
représenter les consommateurs.
M. Roy: Non, mais vous tentez d'exprimer un point de vue par
rapport aux consommateurs.
M. Massé: On tente d'exprimer notre point de vue personnel
sur ce qu'on considère être d'intérêt public.
Maintenant, on n'a pas la prétention de représenter six millions
de personnes.
M. Roy: Non, je suis bien d'accord là-dessus, cela va de
soi. Les trois plus grandes préoccupations des consommateurs du
Québec, du public québécois actuellement, dans le
régime d'assurance automobile vous me corrigerez si je fais
erreur sont, premièrement, les coûts de l'assurance
automobile. Je ne relèverai pas, évidemment, toutes les
déclarations qui ont été faites d'un côté
comme de l'autre depuis de nombreuses années; je ne relèverai pas
non plus tous les débats qui ont eu lieu ici, en commission
parlementaire, lors de l'étude du rapport Gauvin, ou encore à
l'Assemblée nationale. Le coût de l'assurance automobile a
été, jusqu'à maintenant, la grande préoccupation
des hommes politiques et de la commission parlementaire.
Il y a aussi un deuxième point: les délais en ce qui a
trait au règlement des sinistres, qui ont été une grande
préoccupation et qui ont été l'un des objectifs
visés lors de la formation de la commission d'enquête qui a
porté le nom de commission Gauvin.
Troisièmement, il y a le régime d'indemnité comme
tel. Ce sont les trois grandes préoccupations et, à mon avis, le
projet de loi devrait se préoccuper, d'abord et avant tout, de ces trois
points fondamentaux puisqu'ils concernent la population du Québec. Le
reste m'apparaît de la philosophie et de l'idéologie. Comme on a
demandé et que vous avez demandé également et je
vous en félicite depuis plusieurs années des changements
au régime actuel qui était complètement désuet,
j'aimerais avoir votre opinion. Seriez-vous d'accord que l'entreprise
privée, les structures de tout le système d'assurance
privé actuellement... Ne serait-il pas préférable de lui
confier l'adminis-
tration d'une loi comme celle-là, quitte à y apporter les
amendements, plutôt que d'imposer à la population un régime
à deux têtes?
M. Masse: Là-dessus, si je comprends bien, vous vous
référez à l'excellent rapport de la commission Gauvin qui
préconisait un régime de responsabilité sans faute,
couvrant l'ensemble des dommages corporels et matériels.
Là-dessus, je dois vous faire une remarque personnelle. C'est une
question qui n'a pas été discutée entre tous les membres
du groupe et peut-être que mes confrères ne sont pas d'accord et
c'est leur droit. Là-dessus, je pense qu'au régime mixte qui est
proposé par le projet, personnellement c'est encore une fois
à titre personnel je préférerais un régime
global administré par l'entreprise privée, un régime
global fondé sur la responsabilité sans faute, qui garderait
l'assise actuelle des compagnies d'assurances, contrôlé cependant
adéquatement par le surintendant, et qui pourrait permettre d'avoir un
régime simplifié où les assureurs offriraient un "package
deal" pour toute l'assurance, où il y aurait une concurrence absolument
accrue, s'il y a un contrôle efficace, entre les assureurs. Le
régime actuel, si c'est celui qui est adopté, me semble
être un peu compliqué. Maintenant, il s'agit là d'une prise
de position personnelle.
M. Roy: Je vous remercie. J'aurais une deuxième question.
Lors de l'étude très sérieuse que vous avez faite du
projet de loi, est-ce que vous avez examiné les pouvoirs
discrétionnaires, très discrétionnaires, qui sont
confiés à la régie? A plusieurs articles, au moins dans 14
articles du projet de loi, on retrouve les mots, "la régie peut", au
lieu de "la régie doit". Est-ce que vous avez examiné cet aspect
qu'on retrouve dans le projet de loi qui est assez significatif et assez
inquiétant, du fait que ce sont les principaux articles qui concernent,
en quelque sorte, les obligations de la régie qui disent: "La
régie peut"? J'aimerais avoir votre opinion et l'opinion de votre
groupe.
M. Masse: Nous croyons que la régie devrait être
soumise, lorsqu'elle répond aux réclamations, à des
délais fixes, en tout cas, relativement fixes, qui pourraient être
assouplis par la suite. Que la régie ait une certaine marge de
discrétion pour pouvoir juger rapidement et éviter de s'enliser
dans des amoncellements de papier, cela m'apparaît acceptable, à
condition que ceux qui contrôlent cette régie et ces pouvoirs
discrétionnaires puissent rendre un jugement de novo assez rapidement et
en toute impartialité, ce que ne semble pas assurer la Commission des
affaires sociales.
Autrement dit, je pense que vos craintes, et je les partage, pourraient
être drôlement plus mitigées si on nous assurait que les
appels seront portés à la Cour supérieure, d'une part.
D'autre part, que l'on garantisse l'indépendance des assesseurs de la
Commission des affaires sociales, que les règles de procédure
soient beaucoup plus strictes et que les règles de preuve respectent
l'intégrité des réclamants.
M. Roy: II y a un autre point sur lequel j'aimerais bien avoir
votre opinion. Vous avez parlé de rente ajustable, ce qui signifie
évidemment rente indexée. Dans la rente ajustable prévue
par le projet de loi, on tient compte des autres indemnités ou des
autres prestations qu'une victime d'un accident d'automobile peut recevoir,
notamment des rentes privées en vertu des polices d'assurance
personnelles. Il y a également des rentes qui peuvent être
versées comme, par exemple, les personnes recevant déjà
des montants de la Commission des accidents de travail. C'est possible qu'une
personne qui retire déjà une indemnité partielle de la
Commission des accidents de travail soit victime d'un accident d'automobile et
qu'à ce moment-là, elle devienne totalement incapable. Du fait
qu'elle est incapable, elle peut recevoir des indemnités en cas
d'invalidité totale de la Régie des rentes du Québec.
Si on se réfère au projet de loi, on constate que toutes
les rentes qui sont versées, toutes les autres rentes sont
déduites du montant prévu par le projet de loi en ce qui a trait
à l'indemnité comme telle de l'assurance automobile. Ne vous
apparaît-il pas je ne voudrais pas vous suggérer une
réponse dangereux que l'administration de ce projet de loi oblige
les personnes à faire des rapports mensuels ou des rapports
périodiques à la régie, les obligeant à
déclarer continuellement leurs revenus? La loi, de la sorte, imposerait
à peu près les mêmes critères qu'on retrouve dans la
Loi de l'aide sociale. On sait très bien qu'un grand nombre de personnes
invalides à l'heure actuelle, bénéficiaires de la Loi de
l'aide sociale, sont obligées de déclarer chaque mois les petits
revenus qu'ils peuvent retirer. A partir de ce moment-là, avant de
réexaminer tout le dossier, on suspendrait pendant un mois, deux mois,
voire même trois mois, les prestations d'aide sociale et on laisserait
les gens dans l'indigence. Ce qui a fait dire à des gens devant la
commission parlementaire que nous nous dirigions, en quelque sorte, vers
l'assisté social de l'automobile.
Ne serait-il pas préférable, étant donné que
les gens payent quand même des cotisations complètement
séparées, distinctes, en ce qui a trait à la Régie
des rentes du Québec, que les gens payent des cotisations distinctes
lorsqu'ils prennent de l'assurance privée, que le régime
d'assurance automobile et d'indemnités de l'assurance automobile soit un
régime qui fonctionne par lui-même en fonction des dommages qu'il
cause à la personne, nonobstant les petits revenus que les personnes
pourraient avoir ailleurs?
A ce moment-là, je songe surtout, non pas aux 12% ou 15% mieux
nantis auxquels fait souvent référence le ministre, mais aux
travailleurs, aux gagne-petits. J'aimerais avoir votre opinion
là-dessus.
M. Masse: M. Roy, vous me corrigerez, si je comprends bien votre
question ou si je la comprends mal. Si je comprends bien, vous dites que l'on
pourrait voir diminuer la prestation qui est accordée par la
régie, lorsque des prestations sont accordées en vertu de
régime privé.
Deuxièmement, que des prestations assurées en vertu de la
Régie des rentes du Québec, de la Commission des accidents de
travail ou tout autre régime public seraient dans la même
situation.
A cet égard vous me corrigerez si j'ai tort il
m'apparaît que l'article 52 règle le problème des
assurances privées. Il m'apparaît je peux faire erreur
qu'une personne qui aurait pris, à titre privé, une
assurance privée, pour couvrir ses pertes de revenu, ne verrait en
aucune façon ou sa prestation, versée par la régie des
rentes automobiles, diminuée dans un cas où elle touche cette
assurance privée, ou l'inverse.
Pour les régimes privés, je crois que l'article 52
règle votre question.
Pour ce qui est des régimes publics, c'est une discussion qu'on a
faite tout à l'heure, c'est un choix politique. Je pense qu'encore une
fois, l'essentiel, c'est d'assurer qu'une victime qui a contribué,
indirectement par son travail, à la Commission des accidents de travail,
à la Régie des rentes, pendant plusieurs années et
Dieu sait que cela coûte cher puisse toucher, d'une part et de
l'autre, au total, une compensation minimale extrêmement
généreuse, qui soit adéquate et viser sa perte
économique réelle.
Si vous préconisez que l'on double, dans certains cas, qu'on
cumule plusieurs indemnités à droite et à gauche, votre
premier objectif, qui est de réduire les coûts d'assurance
automobile, m'apparaît en danger. A ce moment-là, l'assurance
automobile pourra être donnée à des coûts uniquement
supérieurs.
Encore une fois, comme je le disais tout à l'heure, je pense que
c'est un choix politique. Personnellement, nous favorisons, dans la mesure
exprimée par le projet de loi, le fait que l'on tienne d'abord compte
d'un minimum, qu'on ne diminue pas les prestations privées d'assurance,
d'un côté ou de l'autre, et que l'on diminue ainsi, par l'absence
de cumul possible, les coûts de l'assurance.
M. Roy: J'aimerais poser une autre question, M. le
Président. On parle de perte économique, en cas de dommage
corporel. Comme nous le savons tous, il y a des pertes économiques qui
surviennent, pour des victimes d'accident d'automobile, lorsqu'il y a des
dommages matériels à leur véhicule, dans les
catégories de véhicules gagne-pain. Je songe aux chauffeurs de
véhicule-taxi, à tous les camionneurs artisans du Québec,
qui conduisent eux-mêmes leur véhicule, et à bon nombre de
personnes qui, effectivement, gagnent ainsi leur vie.
Advenant le cas d'un accident, qu'il y aurait des dommages aux
véhicules et qui ferait en sorte que ces personnes pourraient être
privées de leur véhicule pendant deux ou trois semaines, comment
voyez-vous l'application du nouveau régime proposé de l'assurance
automobile, dans ces cas-là en particulier?
M. Masse: II m'apparaît que la perte de revenu
découlant des dommages causés au véhicule est clairement
un dommage matériel, qui donne ouverture, lorsque la police d'assurance
de dommage matériel y fera droit, à une réclamation contre
l'assureur, dans le cas où c'est visé par la convention
d'indemnisation, ou au tiers responsable, et oui donne même compensation
et ouverture d'un droit au fonds d'indemnisation.
Je pense que cette situation y gagnerait à être
précisée, que le surintendant des assurances du Québec
devrait avoir le droit d'obliger les assureurs privés qui vont accorder
des polices d'assurances pour les dommages matériels, à inclure
les pertes de salaire ou les frais de location d'une automobile de remplacement
dans les dommages matériels couverts par la police.
M. Roy: En somme, vous admettez que le régime actuel ne
change absolument rien pour ces personnes victimes d'accident?
M. Masse: Je n'ai pas vu, dans le projet de loi, de disposition
là-dessus, mais il me semble qu'il y a ouverture à un recours
contre l'assureur, contre le tiers responsable, et au fonds d'indemnisation,
puisque c'est un dommage matériel.
M. Roy: Ça veut dire que, dans ce domaine, cela ne change
absolument en rien. Je vous remercie. J'aurais peut-être une question ou
deux à poser à Mme le ministre à ce moment-ci.
Pas du tout... Toujours dans l'hypothèse, dans
l'éventualité de l'adoption du projet de loi, est-ce que le
ministre est en mesure de nous dire ce matin parce que la question m'a
été posée à plusieurs reprises au cours des
derniers jours, c'est assez difficile de répondre si la
perception de la prime de l'assurance automobile, si, la loi devait être
adoptée avant la fin de la session, avant le 31 décembre... si
c'est l'intention du gouvernement de commencer à percevoir la prime de
l'assurance automobile au moment même où on commencera à
émettre les nouvelles plaques d'immatriculation, à partir du 1er
janvier?
Mme Payette: M. le Président, vous aurez constaté
que le régime, si la loi est adoptée, sera en vigueur le 1er mars
1978 et que la date de terminaison d'achat des plaques d'immatriculation est
prévue pour le 1er avril, si bien que les citoyens seront libres de
payer leur contrat d'assurance avec le gouvernement avant, c'est-à-dire
au moment où ils iront chercher leurs plaques d'immatriculation en
janvier ou en février. Mais ils auront également la
liberté, s'ils le désirent, de ne prendre leurs plaques
d'immatriculation qu'à compter du 1er mars, au moment où le
régime sera en vigueur.
M. Roy: Cela commence à être compliqué, M. le
Président. Sur le plan idéal, idéaliste, je pense bien
qu'on peut se permettre beaucoup de prétention, mais sur le plan
pratique, quels vont être les moyens de vérification dont le
gouvernement va disposer, en supposant qu'une personne, pour éviter
d'avoir à payer la prime d'assurance automobile le 2 mars, va se
dépêcher d'aller chercher ses
plaques d'immatriculation le 2 janvier, ou plutôt le 3 janvier si
vous voulez, parce que le 2 janvier c'est une fête légale? Le
gouvernement va-t-il instaurer un système qui verra à rappeler
les plaques d'immatriculation? J'aimerais savoir comment le gouvernement va
procéder à ce moment-là.
Mme Payette: Vous avez mal compris ma réponse, je pense.
J'ai dit que nous laissions la liberté aux citoyens du Québec
d'aller chercher leurs plaques d'immatriculation au tout début, à
partir du moment où elles sont en vente, et de payer à ce
moment-là leur cotisation pour l'assurance automobile. Mais comme nous
ne voulons pas que certains citoyens, devant le fait qu'effectivement ils
paieraient pendant un certain nombre de semaines avant que le régime ne
soit en vigueur, on leur laisse également la liberté de payer
entre le 1er mars et le 1er avril.
M. Roy: Qu'arrive-t-il si je vais prendre un exemple
le député de Rosemont, mon collègue, mon ami le
député de Rosemont va chercher ses plaques d'immatriculation le 3
janvier et que...
Mme Payette: Elles seront en vente le 9, si mes souvenirs sont
bons.
M. Roy: ... le 1er mai il n'est pas retourné à la
caisse populaire si la caisse populaire accepte pour payer sa
cotisation au Régime d'assurance automobile? Le député de
Rosemont sera-t-il poursuivi? Le député de Rosemont risque-t-il,
à un moment donné, d'être appelé par ses pairs
à l'Assemblée nationale, à la commission de
l'Assemblée nationale pour avoir violé une loi de l'Etat?
Qu'est-ce qui arrive?
Mme Payette: M. le Président, mes deux réponses
étaient claires. Si le député de Rosemont veut aller
chercher ses plaques le 3 janvier, il n'y en aura pas à ce
moment-là dans les caisses populaires, cela commence le 9. Il devra donc
y retourner le 9. Le 9, s'il va chercher ses plaques d'immatriculation, il
devra acquitter toute la facture, c'est-à-dire y compris l'assurance
automobile, mais le député de Rosemont aura le choix de se
présenter à la caisse populaire et il est libre de le faire,
seulement entre le 1er mars et le 1er avril.
M. Roy: Si je comprends bien, cela veut dire que le gouvernement
va commencer à percevoir la prime, de façon obligatoire, à
partir du 9 janvier.
Mme Payette: Ce n'est pas de façon obligatoire, c'est pour
ceux qui le veulent, puisque, le 1er mars, on percevra également.
M. Roy: La personne ne sera pas obligée d'aller chercher
ses plaques d'immatriculation le 9 janvier. Je pense qu'on joue sur les mots
à ce moment-ci. Ce sont des choses que je sais depuis fort
longtemps.
Mme Payette: Tant mieux, cela en fait un qui est
informé.
M. Roy: Je sais cela depuis fort longtemps. Ce que je veux
savoir...
M. Lalonde: C'est encore jouer sur les mots.
M. Roy: ... c'est si ce sera possible pour une personne d'obtenir
ses plaques d'immatriculation au mois de janvier sans avoir à payer la
facture de l'assurance automobile du Québec?
Mme Payette: Non, sauf que si cette personne ne veut pas payer
son assurance automobile, elle peut se présenter entre le 1er mars et le
1er avril.
M. Fontaine: En vertu de quel pouvoir allez-vous faire cela?
Est-ce que la loi va vous le permettre?
Mme Payette: Mais oui, la loi nous le permettra.
M. Lalonde: Cela veut dire que les 6 millions de
députés de Rosemont vont choisir d'aller chercher leurs plaques
à partir du 1er mars, pour ne pas payer cela d'avance.
Mme Payette: M. le Président, il y a beaucoup...
M. Lalonde: Vous allez réduire de deux mois le
délai d'achat des plaques. Les Québécois ne sont pas des
cartes.
Mme Payette: Je crois que le député oublie que
beaucoup de citoyens achetaient leurs plaques par courrier auparavant. Il y a
d'autres systèmes qui ont existé, qui existent encore et qui font
que certaines personnes préfèrent acheter avant et d'autres
attendent le 1er mars.
M. Lalonde: Etant donné qu'il faut payer maintenant avec
la réception de la plaque, cela veut dire que la réaction du
consommateur est écrite dans la loi. Aucun, volontairement, ne va aller
payer sa plaque avant le moment nécessaire. Cela veut dire que tout le
monde va aller chercher sa plaque vers le 30 avril. J'ai hâte de vous
voir là, en ligne.
M. Laberge: Ceux qui achètent...
Mme Payette: On compte sur votre collaboration.
M. Laberge: Je répondrais là-dessus que, depuis des
années, on doit payer nos plaques d'assurance automobile avant le 28
février, et combien de gens les commandent par la poste dès le 15
décembre en envoyant leur chèque!
M. Lalonde: II y a la prime en plus.
M. Laberge: C'est déjà $50, $55 et $60, et les gens
l'envoient trois mois avant que ce ne soit échu.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: J'aimerais poser une autre question à Mme le
ministre. Est-ce que le ministère est beaucoup plus avancé qu'il
ne l'était et est-on en mesure d'informer les membres de la commission
parlementaire en ce qui a trait à la tarification qui va être
imposée aux propriétaires de véhicules automobiles?
Mme Payette: M. le Président, les travaux continuent. Le
député de Beauce-Sud ne peut pas penser un seul instant que nous
n'avons pas intérêt à ce que ces chiffres soient connus le
plus rapidement possible, si bien que, dès qu'ils seront disponibles,
nous serons heureux de les faire connaître à la commission et au
public.
M. Roy: Quand le ministre prévoit-il faire connaître
ces chiffres à la commission et au public?
Mme Payette: M. le Président, dès qu'ils seront
prêts.
M. Roy: Quand le ministre prévoit-il que ces chiffres
seront prêts?
Mme Payette: M. le Président, quand les fonctionnaires
auront terminé leurs travaux.
M. Roy: Je m'attendais à ces réponses, je ne suis
aucunement surpris ni aucunement vexé. Je viens d'avoir encore une
preuve ce matin que nous nageons dans l'aventure la plus complète. Mme
le ministre a répondu tout à l'heure aux questions de mes
collègues. Elle a dit qu'elle visait un accord entre les deux
régimes, entre les assureurs et la Régie d'Etat, ce qui n'est pas
fait. On n'est pas au courant non plus si les caisses populaires vont accepter
en totalité d'offrir ce service à la population,
c'est-à-dire si elles vont accepter l'imposition gouvernementale
d'offrir ce service à la population. On parle de discussions avec le
gouvernement fédéral. Je sais que c'est extrêmement
long.
La semaine dernière, on a parlé de rencontrer les
assureurs en vue d'étudier certaines modalités et en vue de faire
fonctionner le régime. On a dit ce matin qu'on prenait en
considération les remarques de nos invités ici présents en
commission parlementaire, ce qui est très bien. Je suis bien d'accord
qu'on prenne les remarques en considération. D'ailleurs, la commission
parlementaire siège justement pour permettre aux personnes et à
ceux qui se donnent la peine d'étudier cette question de faire des
suggestions à la commission, d'éclairer les membres de la
commission, le gouvernement et le ministre responsable.
Alors, on prend note des suggestions, 50 jours avant, ou à peu
près, c'est-à-dire à moins de 80 jours avant d'imposer
cela au public. Ce qui me fait dire encore une fois que le gouvernement n'est
pas prêt, que le gouvernement ne sera pas prêt. On se lance dans
l'aventure. Si les députés acceptent le projet de loi en
deuxième et en troisième lectures sans avoir toutes ces
données et toutes ces coordonnées, je dis, et je le dis à
l'intention de Mme le ministre, qu'on va manquer gravement à nos
responsabilités de législateurs sérieux.
Le Président (M. Boucher): M. le
député...
M. Roy: Je veux remercier ceux qui sont venus devant nous,
peut-être m'excuser de les avoir retenus un peu plus longtemps. Je pense
que c'est quand même important que ces questions soient posées au
gouvernement et posées à l'honorable ministre.
Le Président (M. Boucher): Compte tenu du temps et vu
qu'il ne reste qu'un quart d'heure, M. le député de Rosemont et
M. le député de Marguerite-Bourgeoys ont demandé de
prendre la parole. M. le député de Pointe-Claire, je vous ferais
remarquer qu'il reste un quart d'heure et que nous avons un autre
mémoire à recevoir.
M. le député de Rosemont.
M. Paquette: Je ne pense pas qu'on entende l'autre mémoire
ce matin, M. le Président?
Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres de la
commission seraient prêts à prolonger la séance cet
après-midi? Disons que nous allons terminer ce mémoire et...
M. Shaw: Le deuxième mémoire doit être
gardé jusqu'à demain?
Le Président (M. Boucher): Est-ce que les invités
de la Commission des services juridiques seraient prêts à
revenir...
M. Fontaine: Je demanderais aux fonctionnaires, M. le
Président, de se fermer la boîte, en arrière. Ce n'est pas
leur affaire.
Mme Payette: M. le Président, je demanderais au
député d'être poli avec les gens qui m'entourent.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!
Est-ce que les gens de la Commission des services juridiques seraient
prêts à revenir un autre jour?
Une Voix: Nous sommes à la disposition de
l'assemblée.
M. Roy: On vous remercie de votre collaboration et de votre
générosité surtout.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord dire
à nos invités que je suis en accord presque complet sur la
plupart des éléments de
leur mémoire, particulièrement quant à l'analyse
qu'ils font des indemnités prévues par le régime.
Je relève une phrase en début: "Nous souhaitons que le
régime suggéré par le projet de loi 67 ne soit, à
plus ou moins brève échéance, qu'une étape
transitoire vers l'étatisation complète de l'assurance automobile
avec un régime d'indemnisation sans égard à la
responsabilité".
J'ai de la difficulté à concilier ça avec la
réponse que vous faisiez au député de Beauce-Sud tout
à l'heure. Il vous demandait de choisir entre le régime
proposé et un régime sans égard à la
responsabilité, mais remis aux compagnies privées. Vous avez dit,
je pense, que vous préféreriez un régime unique,
contrôlé par l'entreprise privée.
M. Masse: M. le député, compte tenu du fait que le
gouvernement refuse l'adoption d'un régime global de
responsabilité sans faute administré par l'Etat, si j'ai le choix
entre les deux autres solutions, ou le régime mixte compliqué que
l'on a devant nous, ou un régime qui respecte le rapport Gauvin, soit un
régime de responsabilité globale sans faute administré par
les assureurs privés, à titre personnel, dans le cas de ces deux
dernières positions, je choisirais le rapport Gauvin.
Maintenant, le régime de base...
M. Paquette: Vous dites, en somme: que si la réforme n'est
pas une étape, mais une réforme définitive, vous
préféreriez un régime unique remis aux entreprises
privées?
M. Masse: Non, si j'ai le choix entre les trois solutions, je
préférerais un régime global remis à l'Etat, mais
les hypothèses soumises par la question de M. Roy étaient que si
ça ne se produit pas si je me souviens bien si on avait un
choix entre le régime administré par les assureurs privés
et le régime mixte, personnellement, je préconiserais le
régime global.
M. Paquette: Bon! Maintenant, j'aimerais vous amener à
préciser...
M. Masse: Je suis encore traumatisé par des
événements récents je m'en excuse et je ne
fais de relation d'aucune sorte.
M. Paquette: J'aimerais vous amener à préciser
votre pensée sur ce choix que vous faites. En supposant qu'il y ait
seulement deux hypothèses, le régime actuel et un régime
uniquement administré par l'entreprise privée, il y a quand
même un certain nombre de problèmes. On a mentionné le
rapport Gauvin tantôt.
Le rapport Gauvin disait quand même que l'étatisation
permettrait une économie supplémentaire de 3%, en supposant que
16 ou 17 autres mesures soient prises. Il y a également un
problème. Est-ce qu'il n'est pas préférable que les $385
millions soient administrés par l'Etat plutôt que par les
entreprises privées, particulièrement le fonds de $200 millions
qui devra être mis en réserve et investi par la Régie de
l'assurance automobile en vue de payer les indemnités prévues au
projet de loi? N'est-il pas préférable que ce montant soit
contrôlé par l'Etat, c'est-à-dire, en principe, par nous
tous, que de le laisser aux entreprises privées?
M. Masse: Encore une fois, je pense qu'il est clair que nous
favorisons un régime global, contrôlé totalement par
l'Etat, avec l'aide des courtiers d'assurances qui pourraient rester des
intermédiaires. Là-dessus, je pense qu'on est d'accord; encore
une fois, je tiens à préciser que le choix que je faisais entre
les deux régimes, c'était dans l'hypothèse où l'on
supprimait la première possibilité.
M. Paquette: Même dans ce cas, est-ce que vous... Sur quoi
vous basez-vous pour faire ce choix?
M. Masse: Dans la réponse que je dois faire à la
question que vous avez formulée, le coût du régime
n'égale pas nécessairement, de façon totale, le coût
pour les assurés. Un régime mixte peut apparaître moins
coûteux en apparence, sauf qu'un régime mixte peut se
révéler tellement compliqué que les consommateurs peuvent
avoir à se déplacer à plusieurs reprises, perdre une
demi-journée de travail pour aller voir un assureur privé, faire
des démarches considérables s'ils ont une réclamation,
s'engager un avocat en plus pour comprendre le régime dans le cas
où il est mixte et compliqué, de sorte qu'en apparence le
régime au plan gouvernemental apparaît moins coûteux, mais
le coût social pour les consommateurs peut c'est une
hypothèse être plus considérable. C'est la raison
pour laquelle, à titre tout à fait... On n'a pas fait
d'étude là-dessus, des études coûteraient plusieurs
dizaines de milliers de dollars et des années de travail; on a une
impression qui reste intuitive là-dessus, mais, encore une fois, la
seule réponse que je peux donner à votre question, c'est le fait
qu'on peut avoir l'intuition que les coûts pour les consommateurs
n'égalent pas nécessairement et uniquement la prime qu'ils vont
payer à l'Etat.
M. Paquette: Oui, mais le coût supplémentaire pour
le consommateur serait lié, selon vous, aux démarches multiples.
Voyez-vous d'autres sources de difficultés parce que le régime
est mixte? Parce que celle-là, il y a peut-être moyen de la
régler; on peut songer peut-être à revoir le rôle des
courtiers; s'il y a un seul intermédiaire entre l'assuré et les
différents régimes qui existent, ce coût social pour
l'assuré est réduit d'autant.
M. Masse: A ce moment, il resterait à savoir si le
gouvernement est prêt à confier aux estimateurs d'assurance ou aux
assureurs privés le rôle d'intermédiaires entre les
victimes et la régie.
M. Paquette: Ce que je vous dis c'est que ce n'est pas
relié à la mixité du régime mais plutôt,
l'objection que vous amenez n'est pas liée à la mi-
xité du régime comme à la façon dont la mise
en marché se fait. Est-ce que vous voyez d'autres difficultés
causées par le régime mixte?
M. Masse: En dehors des déplacements considérables
que ferait l'assuré pour prendre sa police et pour prendre sa
réclamation, des délais d'avocats et des coûts d'avocats
encourus possiblement par une méconnaissance du régime
compliqué, personnellement je n'en vois pas d'autres; mais enfin,
ceux-là seulement m'apparaissent assez considérables.
M. Paquette: D'accord. Toujours sur cette question de pouvoir
avoir un impact éventuel sur les coûts, parce que je ne reviens
pas sur les indemnités, vous nous dites, en gros, pour la
majorité des gens, bien qu'il y ait des exceptions, cela va être
plus généreux que maintenant. Si je comprends bien, vous nous
faites des recommandations pour améliorer le régime, qui sont
extrêmement intéressantes. Donc, je reviens sur la question
soulevée par le député de Beauce-Sud concernant le
contrôle des coûts. Vous nous avez parlé des pouvoirs du
surintendant des assurances. En fait, votre demande concernant la publication
des résultats, je pense, est satisfaite par le projet de loi puisque le
rapport va être déposé et donc va être porté
à la connaissance des media. Je me posais également des
problèmes là-dessus quand j'ai écouté le
témoignage du Bureau des assurances du Canada qui nous disait: Avec
l'introduction du régime étatique pour les dommages corporels,
nous allons je pense qu'ils ont dit cela textuellement
réduire nos primes de 25% à 30%. Ce n'est absolument pas
suffisant si on pense que le corporel occupe 35% des primes perçues.
Vous avez parlé de l'article 179. Est-ce que vous jugez que
l'article 179 est suffisant? Est-ce que cet article oblige l'assureur, comme
mesure transitoire, à réduire, au troisième alinéa,
la prime prévue? La prime prévue, à l'égard de ce
contrat, doit être ajustée en conséquence des montants que
les assureurs se voient retirés par la régie d'Etat. Est-ce que
vous trouvez qu'il y a suffisamment de garanties dans le projet de loi pour que
les assureurs réduisent leurs primes en fonction de ce que les gens vont
payer en moyenne à la régie d'Etat?
M. Masse: Si je comprends bien, M. le député, il y
a deux questions dans votre intervention. Il y a d'abord le fait de savoir si
les assureurs, et je ne suis pas un actuaire pour juger de leurs coûts et
de leurs risques, si les assureurs devraient baisser leurs primes d'autant que
ce qui est visé par les dommages corporels. Là-dessus, la simple
réflexion que je voudrais faire c'est qu'ils ont des frais fixes. Peu
importe qu'ils couvrent une partie ou la totalité des dommages, ils vont
toujours avoir des locaux à payer qui sont substantiellement les
mêmes que s'ils couvrent la totalité ou même une partie.
Je ne suis pas du tout là pour dire qu'ils ont raison ou les
défendre, mais je pense que le problème peut être plus
compliqué.
Deuxièmement, vous me demandez si l'article 179 est suffisant, je
pense qu'il offre une garantie à l'effet que les assureurs vont faire
une diminution des primes déjà versées, mais on ne sait en
aucune façon sur quelle base cette diminution sera faite.
Personnellement, je répondrais non à votre question, je pense que
l'article 179 n'accorde pas assez de garantie.
Si on pense seulement aux milliers d'assurés sur le marché
du Québec, une perte par assuré de $10 seulement peut se
répercuter en des millions de dollars de perte sur le marché
commercial. Encore une fois, c'est la loi des grands nombres. Là-dessus,
je pense qu'on doit s'y intéresser.
M. Paquette: Est-ce que vous considérez que les pouvoirs
du surintendant des assurances ou d'un autre organisme devraient être
augmentés? Devrait-on aller jusqu'à une certaine
possibilité de donner, par la loi, à un organisme quelconque, les
pouvoirs de contrôler les primes d'assurances?
M. Masse: Ce serait le même genre de mécanisme que
d'instaurer une régie pour le prix du lait, les transports ou les
services essentiels. D'abord, les assurances m'apparaissent comme un
régime, un besoin essentiel, surtout lorsque l'assurance est rendue
obligatoire. C'est essentiel. Vous me demandez si on devrait instaurer un
régime bureaucratique relativement compliqué pour que le
surintendant des assurances puisse dire à telle compagnie: Non, sur tel
type de risque, vous demandez $245, vous devriez exiger $180. C'est le seul
choix qu'on a. Ou on donne au surintendant des assurances, comme le fait le
projet de loi, un pouvoir d'information et de pression morale, ou on lui donne
un pouvoir véritablement d'intervenir, au pire, devant les tribunaux.
C'est un choix politique.
Personnellement, de façon transitoire, en tout cas, je verrais
très bien que le surintendant des assurances puisse contester la
fixation des primes aux assurés qui peuvent difficilement trouver un
risque ou une prime ou une assurance sur le marché actuel. Il y a un
article que le surintendant des assurances peut, avec la Corporation des
assureurs, s'assurer qu'un assuré trouve une police quelque part. Sauf
qu'on ne dit pas si ce sera à un prix raisonnable.
Tous les automobilistes ayant l'obligation d'être assurés,
la compagnie d'assurances pourrait très bien dire à quelqu'un: On
va vous assurer pour $2000, $3000 ou $4000. On est prêt à le faire
à ce montant. Mais dans ce cas, c'est un coût qui n'apparaît
pas raisonnable, qui aurait pour effet de faire perdre à la personne qui
gagne peut-être sa vie avec l'automobile, son métier ou la
possession de son automobile, puisque l'assurance est obligatoire. Dans ce cas
spécial des mauvais risques, autrement dit, on pense que le surintendant
devrait avoir un pouvoir de s'assurer, à titre exceptionnel,
que les primes qui sont exigées, les mauvais risques, soient
raisonnables.
Maintenant, on ne peut pas aller, dans la loi, à mon sens, plus
loin que ça.
On ne peut pas commencer à s'embarquer dans une tarification qui
peut dépendre d'un règlement.
M. Paquette: Mais, par exemple...
Le Président (M. Boucher): Je m'excuse. Compte tenu de
l'heure, je suis obligé de demander si les membres de la commission sont
d'avis de continuer ou d'ajourner immédiatement.
M. Lalonde: Ecoutez, M. le Président, j'avais l'intention
de poser quelques questions. Etant donné qu'on doit ajourner à
midi, je ne pourrai pas le faire.
Le Président (M. Boucher): D'accord.
Mme Payette: M. le Président, je tiens à signaler
que nous aurions été d'accord pour continuer quinze ou vingt
minutes, pour permettre à l'Opposition de poser ses questions si elle le
désirait.
M. Lalonde: Je ne peux pas avoir le consentement unanime.
M. Paquette: Vous avez un caucus?
M. Fontaine: C'est cela, M. le Président. On a pris des
engagements puisque, normalement, on ajourne à midi. C'est
difficile..
Le Président (M. Boucher): Alors, il n'y a pas de
consentement sur la prolongation. Je dois remercier, au nom de tous les
membres, le groupe de recherche en consommation de l'université de
Montréal pour la présentation de son mémoire. On m'informe
que l'autre groupe serait prêt à revenir demain, à dix
heures. On lui donnera la priorité, à l'ordre du jour de demain.
Les autres organismes convoqués, pour l'information des membres, sont
les suivants: W.F. Gough, à titre personnel; M. Maurice Renaud, à
titre personnel; la Royale du Canada; la Corporation professionnelle des
médecins du Québec et la Fédération des
physiothéra-peutes en pratique privée du Québec. Ces
organismes pourront être entendus demain, à compter de dix
heures.
M. Shaw: M. le Président, une question, s'il vous
plaît! Nous avons vécu une situation, ce matin, avec un
témoin qui représente un point de vue... Nous avons deux groupes
qui ont demandé de venir ici aujourd'hui. C'est impossible, pour tous
ceux qui représentent l'Opposition, de faire des interventions à
cette table.
Je crois que, même avec la liste que vous avez pour demain, cela
va être impossible. Nous avons besoin de savoir à l'avance si ces
gens vont être témoins demain et s'ils vont avoir assez de temps
pour être interrogés par tout le monde. Si nous avons trois
séances demain, nous aurons combien de...
Le Président (M. Boucher): II y a cinq mémoires,
plus celui d'aujourd'hui. Cela ferait six mémoires.
M. Shaw: Cela va être impossible.
Mme Payette: M. le Président, les mémoires, au nom
des individus, sont des mémoires extrêmement courts. Il s'agit
d'une page ou deux, tout simplement. Après évaluation des travaux
que nous avons derrière nous jusqu'à maintenant, il nous
paraissait absolument possible, sans bousculer qui que ce soit je pense
que personne ne peut dire qu'il a été bousculé dans cette
commission de passer à travers ces documents, surtout que deux
mémoires sont particulièrement courts.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, il reste qu'on ne peut pas
prévoir la longueur ou le temps consacré à un
témoin simplement sur la base du nombre de pages de son mémoire.
Je pense que l'intervention du député de Pointe-Claire est
pertinente. On a vu, dans d'autres commissions parlementaires, le même
problème où on invitait cinq ou six personnes ou groupes et
où on en laissait trois ou quatre en plan. Je pense qu'il y va de la
responsabilité, de l'honneur même de la présidence, enfin
de ceux qui invitent ce n'est pas la commission, c'est peut-être
fait au nom de la commission, mais c'est hors de notre connaissance les
témoins, de faire en sorte qu'il n'y en ait pas trop chaque jour, pour
qu'on ait le temps de consacrer tout le temps nécessaire à un
mémoire. Souvent, il peut y avoir un mémoire de trois pages qui
soulève des questions, des interventions qui durent une heure ou deux,
comme on l'a vu ce matin, un mémoire particulièrement
cohérent permettez-moi de profiter de cette minute et
particulièrement lucide, comme celui que vous avez soumis. J'aurais
beaucoup aimé préciser ma pensée là-dessus. Cela
ouvre la porte à des questions. C'est pour cela que l'intervention du
député de Pointe-Claire est très pertinente et je vous
suggérerais peut-être de réviser la liste et de la
raccourcir.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais ajouter
également que je suis d'accord avec la remarque du député
de Pointe-Claire et que, non seulement du côté de l'Opposition,
mais de notre côté, on avait encore des questions à poser
à ce groupe et on n'a pas pu le faire.
Vous serait-il possible je n'ose pas le suggérer, c'est
seulement une question de revenir demain?
M. Masse: Nous sommes à la disposition la plus
complète de la commission.
M. Lalonde: Cela prendrait seulement quel-
ques minutes. Je n'aimerais pas vous retenir toute la
journée.
M. Masse: Cela me fera un plaisir de répondre à vos
questions, privément ou publiquement. Je suis à votre disposition
la plus entière.
M. Lalonde: Est-ce que ce serait le désir de la
commission?
M. Shaw: Moi aussi, j'ai des questions à poser.
Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y aurait
possibilité?
Mme Payette: M. le Président, je n'ai pas d'objection. Je
n'ai plus de questions, mais j'ai un grand respect de la liberté de mes
collègues.
Le Président (M. Boucher): Demain, vous pourriez revenir
à 10 heures? On vous mettra sur la liste en plus du groupe des services
juridiques. La commission ajourne ses travaux à demain, en fait, sine
die.
(Fin de la séance à 12 h 7)
ANNEXE
Mémoire
du
Groupe de recherche en consommation
de l'Université de Montréal
sur le Projet de loi 67 sur l'assurance
automobile
Mémoire présenté à la
Commission parlementaire des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières
Septembre 1977 Mise en garde
La position sur le projet de loi en matière d'assurance
automobile que nous vous présentons est celle du Groupe de recherche en
consommation et n'engage en aucune façon la Faculté de droit ou
l'Université de Montréal.
Remarques Préliminaires
TeJ que souligné dans notre mémoire présenté
en mai dernier sur le Livre bleu du Ministère intitulé "Pour une
réforme de l'assurance automobile", nous croyons que la solution la plus
apte à répondre aux besoins des consommateurs du Québec
est l'étatisation complète de l'assurance automobile avec
l'adoption d'un régime d'indemnisation sans égard à la
responsabilité. Nous craignons quant à nous que le régime
proposé par le projet de loi 67 multiplie les coûts, complique la
situation juridique qui est faite aux consommateurs et les remette sans
défense aux mains des assureurs en ce qui a trait à la fixation
des coûts de couverture des dommages matériels, puisqu'une telle
couverture devient maintenant obligatoire et que l'on n'entend pas donner au
Surintendant des assurances un contrôle véritable en
matière de tarification.
Une dualité de régime est selon nous impraticable comme
solution permanente. Compte tenu toutefois de l'impossibilité pour la
Régie de prendre en main la couverture des dommages matériels
pour mars prochain, nous souhaitons que le régime suggéré
par le projet de loi 67 ne soit à plus ou moins brève
échéance qu'une étape transitoire vers
l'étatisation complète de l'assurance automobile avec un
régime d'indemnisation sans égard à la
responsabilité.
Cela étant dit, le gouvernement a fait des choix politiques
clairs dans le projet de loi 67 en ce qui a trait à l'adoption d'un
régime mixte, ce sont des choix que nous respectons et qui sont
conformes aux propositions faites dans le Livre bleu. Nous n'entendons donc pas
soulever ici encore une fois le débat de fond en ce qui a trait à
la dualité de régime et nous voulons faire des commentaires sur
le projet de loi 67 tel qu'il se présente à nous.
Nous voulons souligner d'abord que de façon
générale le projet de loi sur l'assurance automobile constitue
une très nette amélioration par rapport à la situation
actuelle. Ce projet de loi est novateur et généreux à
plusieurs égards, il possède le mérite incontestable de
refléter une préoccupation sociale qui s'attaque aux vrais
problèmes posés par les accidents de la route, soit
l'indemnisation des victimes.
II s'agit là d'une initiative courageuse compte tenu des
expériences passées et des pressions qui sont faites par certains
milieux d'affaires pour casser cette volonté politique. Sans
négliger les problèmes qui seront causés notamment aux
courtiers d'assurance et aux avocats, problèmes qui méritent sans
aucun doute la mise sur pied de programmes spéciaux d'assistance, il
nous semble que c'est à bon droit que le projet de loi
présenté se préoccupe d'abord de la situation qui est
faite aux principaux intéressés que sont les consommateurs.
Nous voulons souligner enfin, à titre de remarque
générale, l'excellente rédaction du projet de loi. Le
projet nous semble très bien rédigé et apporter une
solution à plusieurs problèmes d'interprétation juridique
causés par la mauvaise rédaction de certains textes actuels.
1- Régime juridique relatif à
l'indemnisation des dommages corporels
Le projet de loi 67 opte pour l'indemnisation du dommage corporel sans
égard à la faute. C'est là un choix social que nous
approuvons sans réserve. Les recherches antérieures faites
notamment par le Comité d'étude sur l'assurance automobile
(Comité Gauvin) et une étude objective de la situation juridique
actuelle qui est faite aux victimes d'accidents d'automobiles ont
démontré les très graves lacunes dont souffre le
présent régime.
Une grande partie des problèmes rencontrés en
matière de responsabilité automobile au Québec viennent de
ce que l'on a voulu faire jouer un rôle d'indemnisation des victimes de
la route à un système juridique qui a pour principal objectif de
punir en quelque sorte l'auteur du dommage en lui faisant supporter les
conséquences de son comportement fautif, avec pour résultat que
plusieurs victimes sont laissées sans indemnisation dans les cas
où aucune faute n'est imputable à l'automobiliste
défendeur. Les recherches faites sur la question démontrent qu'au
Québec 28% des victimes d'accidents de la route n'ont droit à
aucune indemnisation et que 6% n'ont droit qu'à une indemnisation
partielle. Nous croyons quant à nous qu'il est temps de mettre fin
à cette situation scandaleuse.
Il y a à l'heure présente une incompatibilité entre
les deux objectifs que représentent l'indemnisation des victimes et la
punition de la faute. Il fallait faire un choix entre l'un ou l'autre et c'est
à bon droit que le projet de loi opte pour le premier.
Nous croyons qu'il serait injuste cependant de faire supporter par le
seul automobiliste qui n'est bien souvent que l'occasion de la survenance d'un
dommage corporel, la compensation du dommage souffert par les victimes. C'est
toute la collectivité des automobilistes qui doit assurer la
compensation des dommages causés par ce risque social que
représente l'utilisation de l'automobile. La meilleure façon de
pénaliser celui qui se rend responsable d'un comportement de
négligence, ce n'est pas de le priver de la compensation des dommages
corporels dont il peut souffrir. La répression des fautes et des
négligences criminelles doit être laissée selon nous au
Code de la route et au Code criminel qui peuvent écarter les
automobilistes dangereux et les pénaliser tout en laissant au droit
civil sa fonction qui est de réparer les dommages. Les choix
effectués par le projet de loi endossent cette approche et nous vous en
félicitons.
Au titre de la couverture du dommage corporel, le projet de loi propose
plusieurs dispositions qui nous apparaissent opportunes: a)tous les dommages
corporels ainsi que les dommages aux vêtements sont couverts (article 1,
al. 11 et 12): b)toute persone résidant au Québec peut obtenir
une compensation pour ses dommages corporels sans égard à la
responsabilité, que l'accident ait eu lieu au Québec ou à
l'étranger (article 6); c) la notion du dépendant et de conjoint
est étendue pour couvrir toute personne qui dépend
économiquement de la victime (art. 1, al. 20) et toute personne qui vit
maritalement avec elle (art. 1, al. 7 et art. 9); d)tout accident d'automobile,
qu'il ait lieu sur la voie publique ou en dehors de celle-ci, donne lieu
à une compensation du préjudice corporel sans égard
à la responsabilité; e) une personne qui a effectué des
dépenses pour venir en aide à une victime ou pour lui assurer des
funérailles décentes peut recevoir l'indemnité à
laquelle aura droit la victime (art. 11); f)le délai de prescription qui
est d'un an à l'heure présente en matière de dommages
corporels (art. 2262, al. 2 du Code civil) ou en matière de
décès (art. 1056 du Code civil) est porté à trois
ans pour les recours de la victime contre la Régie (art. 16).
Ces propositions améliorent de façon radicale la situation
qui est faite présentement aux victimes de dommages corporels et sont de
nature à accélérer l'octroi des compensations.
Nous voulons toutefois faire certaines réserves à
l'égard des relations qui pourront exister après l'adoption du
projet 67 entre le mode de compensation des accidents de travail et la
compensation des dommages découlant des accidents de la route. Le
régime proposé dans ce dernier cas sera de loin plus
généreux que ce qui est accordé à l'heure
présente en vertu de la Loi des accidents du travail. Il ne nous
apparaît pas équitable socialement que la victime d'un accident de
travail soit moins bien indemnisée
pour un préjudice corporel identique que ne l'est la victime d'un
accident de la route. Le travailleur paie indirectement par son travail la plus
grande partie des fonds qui servent à indemniser les victimes de ce
secteur d'activités. Partant, il ne nous apparaît pas souhaitable
socialement de distinguer entre sa situation et celle de l'accidenté de
la route. Il y a là une source d'injustice qui milite en faveur de
l'intégration des deux régimes dans les plus brefs délais.
Si la prise en charge complète par l'Etat d'une couverture
adéquate des dommages corporels résultant des accidents de la
route apparaît comme souhaitable socialement, cela devrait être
encore plus vrai à notre sens pour ceux qui sont les victimes d'un
travail exercé au bénéfice de la collectivité.
II-
Régime juridique relatif aux
dommages matériels
Même si elles n'apportent pas les solutions que nous aurions
souhaitées en matière de couverture des dommages
matériels, les propositions de réforme présentées
par le projet de loi 67 marquent à cet égard une très
nette amélioration de la situation actuelle: a)le projet de loi clarifie
en son article 97 la présomption de faute qui est présentement
imposée au propriétaire du véhicule et à son
conducteur en vertu de l'article 3 de la Loi d'indemnisation des victimes
d'accidents de la route adoptée en 1961 ; b) la notion de cas fortuit
qui permet présentement au propriétaire et au conducteur d'un
véhicule qui cause un dommage de s'exonérer de leur
responsabilité (voir à titre d'exemples les affaires Bertrand c.
Anderson (1963) B.R. 523 et Robertson c. Penniston (1968) B.R. 826) serait
clarifiée en faveur des victimes (art. 97 du projet); c) le projet de
loi met fin à la controverse qui existe présentement sur le sens
à donner à la notion de "vol" de l'article 3 de la Loi
d'indemnisation. Le propriétaire d'un véhicule volé ne
pourrait désormais repousser sa responsabilité qu'en prouvant
qu'il a été la victime d'un vol au sens de l'article 283 du Code
criminel (art. 1, al. 30 et art. 97, al. 2 du projet); d) le projet permet
également de clarifier le sort de la présomption de faute
imposée au propriétaire et au conducteur lorsque plusieurs
véhicules sont impliqués. Le projet opte pour le cumul des
présomptions, ce qui nous paraît excellent (art. 101 du projet);
e) au titre du régime juridique qui existera en matière de
dommages matériels, le projet 67 apporte une très nette
amélioration en augmentant la responsabilité du transporteur
public ou à titre onéreux (art. 102 du projet); f) enfin, le
principe exposé à l'article 103 du projet à l'effet que le
propriétaire d'un véhicule accidenté aura un recours
direct contre son propre assureur et seulement contre celui-ci dans les cas
régis par la convention d'indemnisation nous semble de nature à
accélérer le processus de compensation et à stimuler une
saine compétition entre les assureurs. On ne peut que souhaiter que les
cas régis par la convention d'indemnisation dont la Corporation des
assureurs autorisés aura la responsabilité et le contrôle
soient les plus nombreux possible.
Nous croyons qu'il y a lieu toutefois, dans le cas de l'article 103, de
clarifier les délais de prescription qui seront imposés aux
victimes de dommages matériels. La victime de tels dommages ne
connaîtra pas toujours quels sont les cas couverts ou non par la
convention d'indemnisation et il se peut qu'elle fasse une réclamation
à son propre assureur alors qu'elle devrait en réalité
porter action contre le responsable de l'accident, risquant ainsi de ne pas
respecter les délais de prescripticn en matière de dommages
matériels qui sont à l'heure actuelle de deux ans à partir
de l'accident (art. 2261, al. 2 du Code civil). La
célérité avec laquelle l'assureur de la victime
répondra à sa réclamation, pour lui signifier notamment
que sa réclamation n'est pas couverte par la convention d'indemnisation
et qu'il doit porter action lui-même contre le défendeur, devient
dans ce cas un élément déterminant. Pour éviter que
le défaut ou le retard de l'assureur à donner de tels
renseignements ne fasse perdre à la victime son droit de
réclamation, nous suggérons que la signification d'une
réclamation à l'assureur constitue une interruption de la
prescription contre le défendeur responsable dans les cas non couverts
par la convention.
III-
La fixation des indemnités en
matière de dommages corporels
Au chapitre des indemnités, le gouvernement avait pour but
explicite de compenser la perte économique subie par la victime d'un
accident d'automobile et ses dépendants, et nous croyons que d'une
façon globale le présent projet de loi rencontre cet objectif.
L'utilisation simultanée dans le projet de loi de la notion de perte
économique et du régime de compensation sous forme de rentes est
de nature à accorder une compensation plus souple et plus
équitable, c'est-à-dire plus proche de la perte économique
réelle de la victime que ne le fait le régime actuel fondé
sur l'octroi d'une compensation unique pour tous les dommages futurs de la
victime. a) Les indemnités de remplacement
Dans la limite fixée par la loi, c'est-à-dire un revenu
assurable maximum de $18 000, les indemnités de remplacement du revenu
nous semblent justes et adéquates. Payées sous forme de
rentes
bimensuelles et revalorisées régulièrement, ces
rentes remplacent véritablement le salaire de la victime. De plus, la
victime a la possibilité de recevoir un paiement capital (art. 12).
Il faut toutefois relever le cas de l'article 21. Cet article
prévoit l'indemnisation de la victime étudiante de niveau
post-secondaire si elle ne peut poursuivre ses études. On devrait
également prévoir le cas où cet étudiant, bien que
capable d'étudier, soit incapable par la suite d'exercer la profession
à laquelle il se destinait. b) Les indemnités de
décès
Les indemnités sont versées sous forme de rentes pour le
décès d'un soutien de famille ou d'un conjoint et sous forme d'un
capital pour les autres individus.
Les rentes nous semblent très équitables et justes dans la
perspective de la conservation du revenu. Deux cas doivent cependant être
signalés à l'attention de la Commission. Le premier est celui de
l'article 37 (5) qui vise le cas du conjoint sans enfants. L'article 37, al. 5
prévoit en effet que le conjoint âgé de moins de 35 ans,
sans enfants et qui n'est pas invalide, a droit à l'indemnité
pendant une période de 10 ans seulement, alors qu'un conjoint de plus de
35 ans, placé dans la même situation, pourrait toucher une
indemnité sa vie durant. Nous n'en comprenons pas la justification.
Pourquoi cet âge de 35 ans? Serait-ce qu'on présume que 10 ans
suffisent pour se refaire une vie quand on a moins de 35 ans, qu'en l'absence
de décès les conjoints de moins de 35 ans auraient
divorcé? Il nous semblerait plus juste de verser toute
l'indemnité à ces conjoints, ou de soumettre tous les conjoints
sans enfants à un même régime qui prévoirait la
suppression de la rente ou sa diminution advenant la réalisation de
certaines conditions.
L'autre cas est celui des conjoints séparés ou
divorcés à qui le défunt versait une pension alimentaire,
cas qui ne sont aucunement couverts par le régime. D'une part les
conjoints séparés sont à l'heure actuelle couverts par
l'article 1056 du Code civil et, d'autre part, les conjoints
séparés ou divorcés qui reçoivent pour eux une
pension alimentaire assument une perte économique. Il nous
apparaîtrait juste de les assimiler tous deux de façon explicite
à une personne à charge, tout comme l'enfant, de sorte que
l'indemnisation qui leur serait accordée serait sujette à
révision comme une pension alimentaire. c) Les autres
indemnités
L'article 45 prévoit le versement d'un montant capital global ne
dépassant pas $20,000 pour ce que les auteurs de droit appellent les
dommages moraux, soit les souffrances physiques et morales de
l'accidenté, y compris le dommage moral pour mutilation et
préjudice esthétique, et les blessures. On doit attendre la
réglementation avant de se prononcer sur ce point.
On note par ailleurs que la Régie remboursera les frais encourus
et les frais médicaux. d) L'imposition des indemnités
Le projet de loi semble marqué par un oubli de taille et c'est
celui qui a trait au principe voulant que les rentes versées ne soient
pas sujettes à l'impôt. Si une législature provinciale ne
peut les exempter de l'impôt fédéral, elle peut les
exempter de ses propres impôts. Nous ne voyons aucune disposition
à cet effet dans le projet de loi. Qu'en est-il de cette intention
manifestée au Livre bleu? Dans les lois actuelles de l'impôt sur
le revenu, seules les rentes versées par la Commission des accidents du
travail sont exemptées. Si les rentes n'étaient pas
exemptées par le projet, elles devraient être calculées en
fonction du revenu brut de la victime et non en fonction de son revenu net.
IV Procédure de réclamation et paiement
des indemnités a) Modes de réclamation
L'article 54 du projet stipule que le réclamant doit
présenter sa réclamation à la Régie. C'est par
règlement que seront précisées les procédures
à suivre et les informations requises. Ce n'est donc qu'à la
lecture des règlements que nous serons en mesure de voir si le
réclamant aura ou non à se perdre dans une paperasserie où
seul un expert pourrait s'y retrouver. A ce sujet, nous ne pouvons
qu'espérer que les modalités de réclamation seront
à la portée de tous et que lorsqu'elles seront
déterminées, elles feront l'objet d'une campagne d'information
complète et soutenue.
L'article 55 reflète bien l'esprit qui a animé le
gouvernement depuis qu'il a décidé de modifier le régime
d'assurance-automobile. En effet, le fait que la Régie pourra
décider de verser une indemnité dès que la demande lui
paraîtra fondée "prima facie" démontre bien le souci du
gouvernement d'éviter les délais indus de paiement qui menacent
souvent l'équilibre budgétaire de la victime et de sa famille.
Dans le contexte du "no fault", on peut croire que la majorité des
demandes apparaîtront fondées "prima facie" dès que le
réclamant aura produit les documents requis. Cependant, cette
disposition prise comme telle ne nous apparaît pas suffisante car on
n'impose nulle part de délais à l'intérieur desquels la
Régie devra payer l'indemnité accordée avant sa
décision finale sur le droit à l'indemnité, ni de
délais
pour rendre sa décision au fond. Il serait souhaitable d'imposer
un délai maximum dans les deux cas. Ces délais pourraient
commencer à courir à partir du moment où le
réclamant a fourni les documents qu'il doit joindre à sa
réclamation, tout en tenant compte du délai accordé
à l'employeur pour fournir une attestation de revenu (art. 61).
L'imposition de tels délais nous apparaît fondamentale pour que
les dispositions concernant la compensation des pertes économiques (ex.:
art. 35) aient les effets positifs qu'ils sous-tendent, à savoir une
compensation rapide des pertes économiques. b) Les obligations du
réclamant
Le projet de loi traite de l'obligation imposée au
réclamant. Les articles 69 et 72 prévoient que la Régie
peut refuser, suspendre ou discontinuer le paiement des indemnités selon
le comportement du réclamant. Les cas précis prévus
à l'article 72 ne causent aucun problème puisque l'on y
sanctionne la fraude, la fausse représentation, la négligence ou
le refus de collaborer "sans raison valable". Cependant, le libellé de
l'article 69 nous apparaît nettement trop large puisqu'il peut englober
toute une série de comportements qui ne sont pas nécessairement
repréhensibles mais qui peuvent être justifiés compte tenu
par exemple des croyances religieuses ou l'état de la science. Il serait
donc essentiel, soit de préciser le sens des mots "pratiques qui
empêchent ou retardent sa guérison", ou tout au moins d'ajouter
l'expression "sans motif valable". c)Le droit d'appel du réclamant
Le projet de loi accorde au réclamant un droit d'appel des
décisions de la Régie devant la Commission des affaires sociales
(art. 58). Nous croyons que l'on devrait donner une plus grande autonomie et
des garanties d'une plus grande indépendance aux membres et aux
assureurs de la Commission face à l'autorité gouvernementale. On
devrait également revoir les règles de procédure de la
Commission, notamment les règles de preuve, pour accorder aux
réclamants de plus grandes garanties de traitement équitable et
impartial qu'ils n'en possèdent actuellement. A titre d'exemple, nous
croyons que le pouvoir général qui est octroyé à
l'heure présente à la Commission "d'accepter tout mode de preuve
qu'elle croit mieux servir les fins de la justice", pouvoir qui lui est
accordé par l'article 25 de l'ordonnance relative aux règles de
preuve de procédure et de pratique de la Commission (A.C. 5113-75, 19
novembre 1975, Rég. 75-584, 21 novembre 1975), est exorbitant et
gagnerait grandement à être précisé dans le sens
d'une meilleure protection des réclamants face à un pouvoir qui
peut devenir arbitraire. A défaut d'effectuer ces modifications
essentielles, nous croyons qu'un droit d'appel devrait être donné
aux réclamants devant les tribunaux de droit commun, notamment la Cour
Supérieure.
V Le contrat d'assurance en
matière de dommages matériels
L'article 81 qui traite des conditions et délais du contrat
d'assurance nous apparaît mal formulé. Il semble que le principe
quant aux motifs de résiliation soit énoncé au 2e
paragraphe. Le 1er paragraphe serait à l'effet que dans les 60 premiers
jours de la date d'entrée en vigueur du contrat il y a
résiliation 5 jours après réception de l'avis et
qu'après ces 60 jours le 3e paragraphe stipule que le contrat est
résilié 30 jours après réception de l'avis. Si
c'est vraiment là le sens qu'on a voulu donner à cet article, il
faudrait le reformuler en exposant dans le 1er paragraphe les motifs où
il peut y avoir résiliation et dans un second paragraphe préciser
que les délais accordés pour qu'il y ait résiliation sont
5 jours et 30 jours selon le cas. De plus, la résiliation du contrat
dans les 5 jours de la réception de l'avis ne devrait être
possible que dans les cas de défaut de paiement et non pour les cas
où il y a aggravation du risque dans les 60 premiers jours. Dans le cas
du défaut de paiement, l'assuré est au courant de son retard et
c'est à lui d'être diligent. Par contre, lorsqu'il y a aggravation
du risque, il n'y a aucune raison qui justifie le fait que l'assureur puisse
résilier le contrat dans un délai de 5 jours lorsque le contrat
est en vigueur depuis 60 jours ou moins et qu'après ces 60 premiers
jours, il soit tenu de donner un avis de 30 jours. Dans les deux cas,
l'assuré devrait pouvoir profiter d'un délai de 30 jours de telle
sorte qu'il puisse trouver un autre assureur qui accepte de l'assurer. Cette
disposition s'impose surtout quand on sait que l'assurance contre les dommages
matériels sera obligatoire.
L'interprétation de l'article 81 portant à confusion, nous
espérons que l'interprétation que nous en avons faite correspond
à l'esprit du législateur, car nous considérons que
l'assureur ne devrait pas avoir le droit de résilier le contrat
d'assurance dans les 60 premiers jours sans avoir à justifier sa
décision compte tenu du fait que ledit contrat d'assurance est
obligatoire et qu'à défaut de contrat, le consommateur est
passible de sanctions fort sévères.
VI Le fonds d'indemnisation
Les mesures du projet de loi relatives à la constitution du Fonds
d'indemnisation des victimes d'un dommage matériel et des victimes d'un
dommage corporel visé par l'article 17 b) du projet mettront fin pour
l'essentiel aux principaux reproches qui sont faits à l'heure
présente au mode d'opération du Fonds d'indemnisation des
victimes d'accidents d'automobiles. La procédure de réclamation
est simpli-
fiée et, surtout, on ne limite pas le droit des victimes de
recourir au Fonds comme le fait la loi actuelle. L'article 40 de la loi
actuelle empêche en effet l'enfant ou le conjoint d'un débiteur
insolvable de faire une réclamation au Fonds, ce qui nous apparaît
être une situation inique et injustifiable à laquelle on aurait
dû porter remède depuis 1961. L'article 130 du projet clarifie la
situation. Ainsi, les enfants et le conjoint d'un automobiliste non
assuré pourront recevoir de la Régie une compensation pour leurs
dommages corporels et du Fonds d'indemnisation une compensation pour leurs
dommages matériels sans que l'on tienne compte de leur lien de
parenté avec l'auteur de l'accident.
L'article 39 de la Loi d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobiles qui régit présentement l'opération du Fonds
d'indemnisation stipule que le simple fait pour une victime de faire une
demande au Fonds lui transporte tous les droits du créancier (la
victime) sans restriction. L'obligation du Fonds à l'égard de
l'ensemble des victimes d'un même accident est limitée à
$35,000 (articles 14 et 38 de la Loi d'indemnisation). Cette situation fait en
sorte que la victime de dommages corporels et matériels
équivalant par exemple à $100,000, doit donner au Fonds
d'indemnisation une subrogation pour toute sa créance si elle veut
recevoir une partie ou la totalité de la couverture de $35,000 (moins
une somme de $200 à déduire dans le cas de dommages
matériels, art. 38). Cette situation où la victime est
amenée à subroger le Fonds d'indemnisation pour la
totalité de sa créance est d'autant plus grave que l'obligation
du Fonds envers elle est limitée à $35,000 pour un même
accident, $35,000 à partager entre toutes les victimes d'un même
accident au prorata de leur réclamation. On ne retrouve heureusement pas
une telle disposition relative à la subrogation dans le projet de loi
67.
Il y aurait lieu toutefois de préciser la situation qui est faite
au réclamant dans le cas où il possède par exemple une
créance contre un automobiliste non assuré au sens de
l'alinéa 2 de l'article 128 et où il demande une compensation du
Fonds. Il y aurait lieu que le projet de loi précise que le Fonds sera
subrogé aux droits de la victime jusqu'à concurrence de sa
réclamation et que le réclamant garde un droit d'action contre le
responsable du dommage matériel pour la différence entre le
montant qui lui a été versé par le Fonds et le montant
total de sa créance pour dommages matériels ou pour dommages
corporels au sens de l'article 17b). C'est un droit qui est reconnu à
l'heure présente aux travailleurs qui présentent une
réclamation à la Commission des accidents du travail (articles 7
et 8 de la Loi des accidents du travail) et qui devrait être reconnu
également aux réclamants du Fonds d'indemnisation
projeté.
VII-
La corporation des assureurs
Parmi les obligations qui sont imposées à la Corporation
des assureurs, la Corporation doit voir à établir des centres
d'évaluation agréés, chargés de faire
l'évaluation des dommages causés aux automobiles (art. 153 du
projet). Nous nous inquiétons quant à nous de la durée des
délais qui seront impliqués pour les assurés par le
recours des assureurs à ces centres d'évaluation sans pour autant
remettre en cause le bien-fondé évident de la création de
ces centres d'évaluation.
De plus, la Corporation des assureurs doit établir une convention
d'indemnisation directe (art. 155 du projet de loi). Cette convention comporte
des dispositions essentielles en ce qui concerne les dommages matériels
puisqu'elle évitera le recours aux tribunaux et les longs délais.
Cependant, cette grille ne sera rendue obligatoire pour les assureurs que dans
la mesure où l'assentiment des assureurs autorisés qui
perçoivent au moins 50% des primes brutes souscrites pour
l'assurance-automobile au Québec aura été reçu. En
cas de désaccord, les assurés se trouveraient grandement
lésés sans avoir la possibilité d'intervenir. Nous
souhaiterions que le gouvernement se réserve un droit de
médiation dans ce cas.
La Corporation doit établir un mécanisme propre à
permettre à tout propriétaire de trouver un assureur pour qu'il
puisse se conformer à la loi. Compte tenu du caractère
obligatoire de l'assurance et de l'absence de contrôle qui existera en
matière de tarification, il y aurait lieu à notre sens que
l'article 152 accorde au surintendant des assurances le droit d'intervenir pour
vérifier que l'assureur autorisé qui s'offrira pour assurer un
automobiliste qui en temps normal ne pourrait pas trouver d'assureur, le fasse
à un coût raisonnable, sans quoi le droit que reconnaît
l'article 152 risque de rester théorique.
VIII-
Le surintendant des assurances
Le projet de loi traite des pouvoirs du surintendant des assurances en
matière de données statistiques et de tarification. A ce
chapitre, plus précisément à l'article 162, on
prévoit le dépôt d'un manuel de tarifs par chaque assureur
auprès du surintendant des assurances. Le surintendant peut exiger des
justifications du manuel (art. 163). Il n'existe cependant aucun contrôle
des tarifs et il s'agit là d'une lacune importante compte tenu du fait
que l'assurance devient obligatoire. Le fait que toute personne qui en fait la
demande puisse consulter le manuel des tarifs nous apparaît excellent.
Nous souhaiterions que soit prévue une certaine diffusion de cette
information sur les tarifs.
IX-
Mesures transitoires et sanctions
Les articles 166 à 175 du projet de loi traitent des sanctions et
suspensions. Dans l'ensemble, nous croyons que ces dispositions sont plus
qu'adéquates pour décourager tout conducteur ou
proprié-
taire de passer outre aux exigences de la loi. Nous avons toutefois une
sérieuse réserve à faire au sujet de l'article 173 qui
prévoit que la personne qui omet de présenter une attestation
d'assurance lorsqu'elle y est tenue commet une infraction passible d'une amende
d'au moins $200 et d'au plus $2,000. Cette disposition nous apparaît
excessive lorsque la personne ne présente pas l'attestation parce
qu'elle l'a par exemple oubliée à la maison ou l'a perdue depuis
peu. Il y aurait peut-être lieu de prévoir la possibilité
pour une personne dans une telle situation de corriger son oubli en
présentant l'attestation par la suite. Il y aurait lieu par exemple de
reproduire les dispositions du Code de la route (articles 27 et 67, al. 2) qui
prévoient que l'inculpé qui produit son permis au moment du
procès peut être condamné qu'aux frais.
Au titre des dispositions transitoires, nous souhaiterions enfin que
soit précisé le dispositif de l'article 179 qui vise l'ajustement
de la prime payée en trop par l'assuré en précisant sur
quelles bases cet ajustement devra être calculé par l'assureur.
Les assurés risquent autrement d'être livrés au seul
arbitraire de l'assureur, ce qui n'est certainement pas un but recherché
par le projet de loi.
Conclusions
Même si nous continuons à éprouver des craintes
sérieuses à l'égard de la viabilité du
régime mixte d'assurances proposé, nous voulons saluer le
caractère très positif et novateur du projet de loi 67. Ce projet
de loi constituera, s'il est adopté, une amélioration très
nette de la situation qui est faite à l'heure actuelle aux victimes des
accidents de la route. C'est pourquoi, nous appuyons, avec les réserves
exposées ici, ce projet sur l'assurance-automobile.
Groupe de recherche en consommation Université de Montréal
Septembre 1977