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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 19 octobre 1977 - Vol. 19 N° 208

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Boucher): La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est réunie pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission sont, pour ce matin: M. Beauséjour (Iberville); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Larivière (Pontiac); M. Lefebvre (Viau); M. Michaud (Laprairie) remplace M. Marois (Laporte); M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud)...

M. Roy: Présent.

Le Président (M. Boucher): ... M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

Les organismes convoqués pour ce matin sont le Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal, représenté par Mme Anne-Marie Morel, et la Commission des services juridiques, représentée par M. Jacques Lemaître-Auger.

Nous entendrons d'abord le Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal. Pourriez-vous vous identifier, étant donné qu'il s'agit de Mme Anne-Marie Morel et qu'elle n'est pas ici ce matin.

Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal

M. Masse (Claude): C'est celle qui a envoyé le mémoire, mais j'espère qu'il n'y a pas d'équivoque.

Mon nom est Claude Masse. Je suis directeur du Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal et professeur à la faculté de droit.

J'aimerais d'abord souligner que notre mémoire, qui est fait au nom de l'ensemble des membres du Groupe de recherche en consommation — on pourra parler très rapidement de la personnalité de ce groupe — n'engage en aucune façon la faculté de droit ou l'ensemble des professeurs, ou même le corps universitaire.

Nous sommes extrêmement heureux, Mme le ministre et MM. les députés, de faire une présentation sur le projet de loi sur l'assurance automobile. Il y a essentiellement deux raisons à cela: d'abord, l'importance sociale considérable du projet de loi sur l'assurance automobile qui modifie, comme vous le savez, non seulement l'assurance automobile, mais la responsabilité civile de façon très importante au Québec, et aussi à cause de l'importance sociale considérable et des répercussions du projet sur la protection des consommateurs.

Le Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal est un groupe universitaire de recherche sur la protection du consommateur.

Nous avons constaté, il y a quelques années, que cette recherche était très peu présente dans la société, et non pas comme praticiens, mais à titre de chercheurs universitaires, nous voulons faire à la commission parlementaire les remarques que vous trouvez dans notre mémoire. Plutôt que de lire le mémoire, ce qui serait assez fastidieux, je vous propose de passer rapidement les points de nos commentaires en remarques.

Le projet de loi, comme je vous l'ai dit, à notre avis, modifie de façon substantielle, non pas uniquement l'assurance automobile, mais aussi la responsabilité civile. Il clarifie de façon majeure les lacunes principales des lois de 1960 et 1961 au Québec.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que je pourrais demander si nous pourrions avoir un accord des membres de la commission pour que le mémoire, cependant, soit consigné au journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): Oui.

Mme Payette: II n'y a pas eu beaucoup de groupes de consommateurs qui sont venus. Il me semble que c'est un mémoire important dans ce sens. S'il y avait un accord, il pourrait être au journal des Débats.

M. Saint-Germain: Entendu.

M. Roy: Entendu. Je donne mon accord et j'irais même un peu plus loin. Je pense qu'on devrait faire en sorte que tous les mémoires qui sont déposés devant la commission parlementaire devraient être consignés au journal des Débats.

Mme Payette: Je serais d'accord. On ne l'a pas mentionné chaque fois. L'Opposition ne l'a pas soulevé non plus. Si c'était l'avis de la commission, je serais d'accord pour qu'ils soient tous inscrits au journal des Débats.

M. Roy: Je ne sais pas si c'est préférable d'en faire une motion pour être...

Le Président (M. Boucher): C'est une proposition qui est adoptée à l'unanimité.

M. Roy: Oui. Est-ce que Mme le ministre accepterait d'en faire une motion?

Mme Payette: Oui.

M. Roy: D'accord.

Le Président (M. Boucher): Alors, adopté.

M. Lalonde: Un instant, s'il vous plaît! Je me souviens dans d'autres circonstances qu'une telle motion avait été faite et que la présidence avait exprimé, non pas une objection, mais une réserve, voulant que ce n'est qu'à la demande, qui est quand même suggérée par la présidence souvent, des intervenants qu'un mémoire pourrait être reproduit complètement au journal des Débats. Il s'agissait d'une question de coût. Je me souviens que cela coûte assez cher. Si on ne le demande pas de la part des intervenants, étant donné que ce sont les fonds publics, que ce ne soit pas une politique générale tout simplement de cette commission, soit que tous les mémoires, même ceux qui ne le sont pas requis, soient reproduits. Alors, ce serait peut-être plus prudent, comme administrateurs des fonds publics, de traiter la question de cette façon.

Le Président (M. Boucher): Alors, il faudrait peut-être faire une proposition à chaque fois qu'on veut en faire inscrire un.

M. Roy: On peut faire une proposition à chaque fois qu'on veut en faire inscrire un, d'accord, mais pour simplifier la tâche, je pense qu'on peut faire une motion globale pour les mémoires de la commission parlementaire. Cela s'est déjà fait dans d'autres commissions parlementaires. Je pense que cela devient lourd pour la commission parlementaire.

Si on veut diminuer les frais du budget public, si on prend dix ou quinze minutes pour en discuter chaque fois, les pertes de temps que nous avons en commission parlementaire sont quand même là; il faut que quelqu'un les paie. Pour ma part, je serais d'accord que pour cette commission parlementaire, sans que ce soit considéré comme un précédent, sans que ce soit considéré comme une politique générale à venir, mais pour ce qui a trait à la commission parlementaire actuelle, que les mémoires passés, ceux que nous avons actuellement et ceux que nous aurons devant la commission parlementaire, soient inscrits au journal des Débats.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, il y a des mémoires qui ont déjà été présentés et nous n'avons pas suggéré qu'ils soient inscrits au journal des Débats, alors que nous allons pouvoir le faire pour les prochains qui vont venir.

Je pense qu'à ce moment-là ça causerait un préjudice à ceux qui ont été entendus et qui ne seraient pas inscrits au journal des Débats. La motion du ministre vient à point pour permettre que tous les mémoires soient inscrits au journal. Je pense que c'est important de le faire.

M. Saint-Germain: II ne faudrait pas, M. le Président, faire un débat là-dessus. Pourquoi ne ferait-on pas un compromis en disant que seuls les mémoires de ceux qui sont venus les commenter pourront être inscrits? Il y en a qui ont soumis des mémoires, mais qui ne sont pas venus en discuter. Si on se limitait à ceux qui viennent...

M. Roy: D'accord.

M. Saint-Germain: ... on pourrait peut-être mettre fin à la discussion de cette façon.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, sans étendre le débat, on pourrait peut-être, de façon très pragmatique, faire la chose suivante: Lorsqu'un intervenant déclare ne pas avoir l'intention de lire son mémoire, que, comme cela s'est déjà fait — quelques députés ici présents assistaient à d'autres commissions parlementaires, et je les réfère surtout à celle de la loi 1, parce qu'il s'agissait de la loi 1 lorsque nous avons entendu le public — de proprio motu, la présidence demande si l'intervenant désire que son mémoire soit reproduit. L'autre suggestion du député qui m'a précédé, c'est que, pour tous les mémoires qui n'ont pas été commentés, c'est-à-dire ceux dont les auteurs n'ont pas été invités — c'est déjà arrivé à d'autres commissions — il y ait un débat seulement à la fin de tout pour savoir si on reproduit ces mémoires au journal des Débats. Il me semble que ce serait une façon juste pour tout le monde.

Mme Payette: M. le Président, je comprends le député de s'inquiéter de la quantité de mémoires qu'il peut y avoir à certaines commissions. En ce qui nous concerne, il y a environ une vingtaine de mémoires, dont certains ne comportent que deux ou trois feuilles huit par onze. Je ne pense pas qu'on parle du tout des mêmes proportions de dépenses et c'est pourquoi je n'hésiterais pas à dire qu'on devrait inscrire tous les mémoires dans les circonstances.

Je comprends le député de Beauce-Sud qui dit: Ce n'est pas un précédent pour d'autres commissions, mais, dans le cas de celle-ci, il y a peu de mémoires et certains d'entre eux ne sont pas très volumineux.

M. Lalonde: Cela va, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): De consentement unanime, les mémoires seront inscrits au journal des Débats. Adopté? (Voir mémoire en annexe).

M. Fontaine: Adopté.

Le Président (M. B.oucher): M. Masse, vous pouvez poursuivre.

M. Masse: A titre de remarque préliminaire et sans préjuger de la présentation qu'on a faite devant la commission itinérante sur le livre bleu, on

veut simplement faire remarquer, sans y revenir de façon plus appuyée, que nous avons, quant à nous, des réserves assez importantes à l'égard du régime mixte. Nous croyons que, de façon générale, on devrait adopter un régime de "no fault" ou de responsabilité sans faute total concernant les dommages corporels et matériels.

La situation présente nous semble présenter un problème quant à la multiplication des coûts, compliquer la situation en ce qui a trait à la prise d'une assurance de la part des assurés et lorsqu'ils tentent d'avoir une indemnisation et, dans certains cas, étant donné que l'assurance est maintenant obligatoire en matière de dommages matériels, remettre les assurés purement et simplement aux mains des assureurs puisque le surintendant des assurances n'a pas, en vertu du projet de loi, de contrôle sur la tarification des assurances. Mais, de façon générale, nous respectons les choix politiques qui sont faits par le projet de loi, projet de loi qui nous apparaît extrêmement novateur et généreux à plusieurs égards et faire une amélioration à la situation actuelle au plan du droit qui est extrêmement confuse, notamment depuis l'adoption, en 1960-1961, de l'article 3 de la loi de l'indemnisation et, comme on pourra le voir très rapidement tout à l'heure, faire des améliorations très nettes à l'égard de la compensation.

De façon générale aussi, ce qu'on peut dire, c'est que le projet de loi, contrairement peut-être à certains projets de loi qui ont été rédigés et présentés par l'actuel gouvernement dans le passé, nous apparaît extrêmement bien rédigé; sauf quelques articles sur lesquels on peut s'interroger, je pense que, dans l'ensemble, le projet de loi a beaucoup de clarté et est relativement simple, autant que faire se peut.

A l'égard du régime juridique en matière de dommages corporels, je ne veux pas énumérer la liste des améliorations qu'on voit dans le projet et oui est reproduite dans notre mémoire. Cependant, il nous semble extrêmement fondamental que tous les résidents du Québec puissent obtenir une compensation, que l'accident se soit produit en dehors de la voie publique, par un véhicule automobile, ou que l'accident ait été produit par un véhicule automobile sur le territoire du Québec ou en dehors du territoire du Québec. Cela nous apparaît extrêmement fondamental et important.

La seule remarque importante qu'on a à faire, c'est une remarque qui ne vise pas, à l'égard des dommages corporels, le projet de loi sur l'assurance automobile, mais la relation entre l'assurance automobile et la loi d'indemnisation des accidents de travail, la loi des accidents de travail adoptée pour la première fois en 1907. Si on comprend bien la situation, un ouvrier qui actuellement paie par son travail le fonds des accidents de travail, par le biais des cotisations de son employeur, dans le cas où il se cause physiquement un dommage qui serait exactement le même qui pourrait se causer par un accident d'automobile, n'aurait pas des compensations par la Commission des accidents du travail aussi généreuses et aussi équitables que l'assurance automobile.

Même si, dans un premier temps, nous considérons comme fondamental qu'on améliore la situation des assurés, il nous apparaît socialement inéquitable qu'un même dommage causé à la même personne puisse donner lieu à des compensations différentes selon que l'accident se produit sur la route ou au travail. Bien sûr, cette étape du projet de loi est fondamentale, elle doit être prioritaire, mais au niveau de la justice sociale, nous considérons que l'ouvrier, au même titre sinon davantage que l'automobiliste, devrait être compensé sur une même base des dommages corporels.

En matière de régime juridique ou de dommage matériel, encore une fois, je ne reprendrai pas la liste des améliorations, sur le plan juridique, ces améliorations sont considérables. Le projet de loi améliore la situation qui est faite aux victimes d'accident d'automobile dans plusieurs cas où, par exemple, le problème de cumul de présomptions de responsabilité se pose et où l'automobiliste, dans la situation actuelle, peut alléguer cas fortuit, par exemple, découlant de l'état du véhicule, ou de son état de santé. Là dessus, le projet de loi fait des avancés considérables et, à notre sens, il est important de les signaler.

Egalement, la notion de vol est précisée. C'est une notion qui a été longuement discutée, débattue dans la jurisprudence depuis quinze ans et c'est avec vraiment beaucoup d'enthousiasme qu'on signale une amélioration de cette question.

A l'égard du dommage matériel, nous voudrions faire une remarque principale: elle a trait au délai de prescription de l'action de la victime de dommage matériel à l'égard de son assureur lorsque le dommage est couvert par la clause d'indemnisation soumise à la Corporation des assureurs ou dans le cas où le dommage est recouvrable contre l'auteur de l'accident. Dans la plupart des cas, les victimes, les consommateurs du Québec ne connaîtront pas le contenu de la convention d'indemnisation qui va être passée entre les assureurs, si elle est passée et on le souhaite, de sorte que l'assuré peut très bien porter son action à sa compagnie d'assurances, croyant que son cas est visé par la convention d'indemnisation lorsqu'il ne l'est pas. Le délai de prescription actuellement, en vertu de l'article 2261, alinéa 2 du Code civil en matière de dommages matériels est de deux ans à partir du moment de l'accident. Supposons le cas où un consommateur fait une réclamation à son assureur et que l'assureur tarde très longtemps, pendant plusieurs mois ou même des années à lui donner une réponse à l'effet que son cas n'est pas visé par la convention, dans ce cas, l'assuré risque de perdre son droit de recours contre tiers responsable du dommage matériel en raison des délais impartis dont est responsable son assureur.

Nous suggérons que le simple fait de signifier, de la part de l'assuré, une action à son propre assureur, interrompe la prescription à l'égard du tiers responsable de sorte qu'aussitôt qu'on va faire la signification d'une action à l'assureur, peu importe que l'affaire soit visée par la convention d'indemnisation ou non, la prescription sera interrompue.

A l'égard de la fixation des indemnités, on remarque de façon générale que le projet de loi opte de façon essentielle pour la perte économique. C'est un choix que nous endossons de façon absolument, encore une fois, enthousiaste, et nous croyons que c'est la seule façon de compenser adéquatement la situation actuelle. C'est d'autant plus important que le projet de loi adopte le principe de la rente ajustable. Actuellement, vous savez que les tribunaux compensent une fois pour toutes pour les 25 ou 30 prochaines années de la vie économique d'une victime. Dans certains des cas, l'inflation en ronge une grande partie et l'évaluation sur une période de 25 ou 30 ans s'avère absolument impossible.

Cette possibilité d'accorder une rente ajustable avec la possibilité qu'accorde l'article 12 d'accorder un montant forfaitaire fixe dans les cas particuliers, nous semble excellente. Toutefois, à l'égard de la fixation des indemnités corporelles, nous avons quelques remarques au nombre de 4 à faire. D'abord, nous aurions aimé que l'article 45 du projet, à l'égard des demandes qui n'ont pas d'incidence monétaire directe, par exemple préjudice esthétique, perte de jouissance de la vie, soit beaucoup plus explicite.

A notre avis, c'est du traitement de cet article que va dépendre la hausse ou non des primes d'assurance automobile actuellement, selon que la régie de l'automobile ou la commission des affaires sociales soient plus ou moins généreuses sur ce plan-là; par exemple, on pourrait accorder $5000 pour douleurs causées par la perte d'un oeil; cela va augmenter ou diminuer considérablement les primes d'assurance automobile. Là-dessus, l'article 45 nous semble actuellement trop vague.

Pour l'article 21 qui traite du cas de l'étudiant qui perd complètement la possibilité d'étudier à l'avenir, donc d'avoir un métier décent, nous croyons que cet article devrait prévoir le cas où l'étudiant peut continuer à étudier, mais pour se préparer à un métier moins rémunérateur ou avantageux que celui qu'il aurait pu avoir avant l'accident.

L'importance de nos remarques a trait à l'indemnité pour le décès. A cet égard, on voit deux lacunes fondamentales en matière d'indemnité pour les décès. Ces remarques touchent d'abord à l'article 37, alinéa 5, qui a trait à la compensation d'une veuve ou d'un veuf de moins de 35 ans sans enfant. Le projet de loi dit que cette personne, si elle a moins de 35 ans, va recevoir une indemnisation pendant dix ans, tandis que si elle a 36 ans ou plus par exemple, elle pourra toucher une indemnisation pour sa vie entière. On ne voit pas les fondements ou la raison d'être véritable de cette disposition.

Encore plus importante, et c'est probablement un oubli, c'est la notion de compensation en cas de décès pour l'épouse divorcée ou séparée de biens qui touche une pension alimentaire. En vertu de l'article 1, alinéa 20, et des autres articles qui touchent cette situation, on croit que ces personnes ne seraient pas compensées parce qu'elles ne vivent plus avec la personne qui est la victime.

Si ces personnes sont visées par l'article 1, alinéa 20, sous la notion de personnes à charge, on croit qu'il y aura intérêt à ce que le projet de loi le précise. A notre avis, il y a actuellement un silence ou, en tout cas, une imprécision de ce côté-là.

La dernière remarque à l'égard de la compensation du dommage corporel que nous avons à faire a trait à l'imposition des rentes. Le livre bleu, qui a été présenté le printemps dernier, précisait que ces rentes ne seraient pas imposables. On ne retrouve à cet égard rien dans le projet de loi qui modifie la Loi de l'impôt du Québec pour rendre les rentes non imposables. Si on veut rendre les rentes imposables, on croit que cette imposition et le calcul des rentes devrait être faits, non pas sur le revenu net de \a victime, mais sur son revenu brut.

Les procédures de réclamation nous apparaissent, dans l'ensemble, extrêmement intéressantes, sauf que nous croyons qu'il y aurait intérêt à préciser les délais dans lesquels la régie va répondre à la première demande de la victime et, deuxièmement, répondre par une décision finale. Actuellement, le projet de loi — et c'est une lacune importante — n'impose à la régie aucun délai de réponse.

Lorsque la victime, au sens de l'article 69, fait défaut de prendre les moyens pour corriger sa situation physique, on accorde à la régie, dans le projet de loi, le droit de suspendre ou de diminuer les indemnisations. L'article 69 nous semble, possiblement, porter à des abus. On dit que si la personne persiste dans des pratiques qui empêchent ou retardent sa guérison, la régie peut suspendre, interrompre ou diminuer les compensations. A notre sens, il y aurait grand avantage à préciser les conditions dans lesquelles la personne ne peut pas se soumettre, par exemple, à une opération chirurgicale qui peut être dangereuse. Au sens de la régie, une opération chirurgicale, qui comporte des risques de 10%, pourrait donner lieu à ouverture à l'article 69. La personne peut aussi avoir des réticences religieuses à se soumettre à certaines pratiques médicales ou à certains traitements. A notre avis, l'article 69 devrait inclure que, dans les cas où, sans motif raisonnable, la personne retarde sa guérison, à ce moment-là, la régie pourra intervenir. Actuellement, l'article 69 nous apparaît beaucoup trop vague.

La principale remarque que nous avons à faire à la commission, à l'égard de tout le projet de loi, une des principales remarques, a trait au droit d'appel. Le droit d'appel des décisions des fonctionnaires et de la régie est porté à la Commission des affaires sociales. Actuellement la Commission des affaires sociales a des règles de procédure extrêmement vagues. L'article 25 du règlement de la commission, je crois, accorde, à toutes fins pratiques, tous les pouvoirs à l'égard des règles de preuve. Théoriquement, la commission pourrait fouiller dans le passé de la victime, s'arroger des droits que les tribunaux n'ont pas actuellement, peut-être même aller jusqu'à prononcer une décision sans avoir entendu la victime. On croit essentiel que ces règles de procédure soient précisées, de façon à protéger les réclamants.

Si ce n'est pas le cas, on le conseille à la commission, nous croyons que l'appel devrait être porté devant la Cour supérieure du Québec qui est, à notre sens, la plus apte à juger, comme organisme indépendant avec des juges qui sont indépendants, à juger de la réclamation des victimes.

A l'égard du contrat d'assurance pour dommages corporels, un des seuls articles qui nous apparaissent mal rédigés, c'est l'article 81 qui permet à l'assureur, dans des délais plus ou moins connus et sous des conditions plus ou moins vagues actuellement, d'annuler un contrat d'assurance si le risque augmente. Le premier alinéa entre en confusion avec le deuxième. On déclare, dans le premier alinéa, qu'un assureur peut, dans les cinq jours, annuler un contrat d'assurance dans les soixante jours du début de la prime d'ouverture du contrat. Le deuxième alinéa semble contredire le premier. A notre avis, il y a une précision à apporter de ce côté.

A l'égard du fonds d'indemnisation, c'est une des améliorations fondamentales du projet de loi. Le traitement actuel des victimes d'accident d'automobile par le fonds d'indemnisation, à notre avis, dans les cas où c'est le conjoint ou l'enfant du conjoint qui poursuit, ces recours au fonds d'indemnisation sont actuellement exclus pour des raisons absolument arbitraires. La situation actuelle du fonds d'indemnisation est tout à fait indécente et le projet, pour l'essentiel, simplifie le recours et donne un recours à toutes les personnes qui, logiquement et légitimement, ont un droit de recours.

La seule précision qui, nous le croyons, devrait être apportée, c'est à l'égard de la subrogation totale ou partielle qui est accordée par la victime à la régie ou à la commission, au fonds d'indemnisation. La situation actuelle de l'article 39 de la Loi d'indemnisation fait en sorte qu'une victime qui fait une réclamation au fonds d'indemnisation est obligée de le subroger totalement de sa créance, même si elle ne reçoit de la part du fonds qu'une indemnisation partielle. Cette situation n'est pas prévue au projet de loi. Nous croyons qu'il y a intérêt à déclarer que la victime qui poursuit un automobiliste non assuré, par exemple, pour ses dommages matériels, pourrait réclamer au fonds d'indemnisation un montant minimal, jusqu'à concurrence de $50 000, et c'est d'autant plus important que ce montant, comme on le sait, va être partagé au prorata des réclamations de toutes les victimes d'un même accident. A notre avis, il serait important que le projet de loi précise que la personne qui n'est payée que, par exemple, pour 50% de sa réclamation véritable pourrait garder un droit de recours contre le tiers responsable pour le reste de la différence, comme c'est le cas actuellement en vertu de la Loi des accidents du travail dans le cas où un accident est causé par un tiers.

La Corporation des assureurs nous semble être une excellente initiative, sauf que nous conseillerions que le gouvernement ait un pouvoir de médiation entre les assurances pour s'assurer que la convention d'indemnisation soit la plus large possible et soit existante.

Nous regrettons, pour notre part, que le surintendant des assurances n'ait pas le droit d'intervenir en matière de tarification et de contrôle de tarification des polices. Nous trouvons excellent que le surintendant des assurances puisse récolter les données statistiques à cet égard. C'est l'article 165. Nous regrettons que le surintendant des assurances ne soit pas obligé de faire, une fois par année, une publication dans les journaux du Québec sur la moyenne des primes et le taux des primes facturées par toutes et chacune des compagnies d'assurance.

Actuellement, le projet de loi prévoit qu'une personne pourrait aller consulter les données statistiques du surintendant des assurances, mais le citoyen, dans sa très grande majorité, ne prendra pas la peine d'aller au bureau du surintendant pour consulter les données techniques qui peuvent lui apparaître extrêmement rebutantes.

Actuellement, notre système économique est basé sur l'idée que le consommateur fait un magasinage entre différents types de services et peut comparer les prix. Si ce principe a encore toute son application — nous croyons qu'il l'a — on devrait permettre aux assurés de comparer les prix des différentes primes et le contenu des polices d'assurance qui leur sont accordées. Quelle meilleure façon de le faire que si c'est le surintendant des assurances qui le fait de façon simplifiée, de façon publique?

De façon finale, c'est là-dessus que je vais arrêter mes commentaires, les mesures transitoires nous semblent propres, d'une part, à décourager les abus des automobilistes, décourager les conducteurs qui ne prendraient pas de permis, mais nous croyons tout à fait abusif, par exemple, l'article 173 qui impose une amende de $200 à l'automobiliste qui omet de présenter son certificat d'assurance. Cette situation peut être causée par le fait que la personne oublie chez elle son portefeuille ou se l'est fait voler récemment. A ce moment, l'article 173 ne semble pas accorder de discrétion au tribunal, l'amende serait automatiquement de $200. Nous pensons que cette mesure est beaucoup trop rigoureuse, et que lorsque l'assuré peut, devant le tribunal, apporter copie du certificat qu'il a oublié, il pourra n'être condamné qu'aux frais du tribunal comme c'est le cas en vertu du Code de la route actuellement.

Enfin, et c'est ma dernière remarque, l'article 179 du projet de loi prévoit que dans la période d'interrègne entre l'ancien et le nouveau régime, les assureurs devront rembourser aux assurés les montants d'assurance qui leur auront été versés en trop. Nous croyons quant à nous que le projet de loi aurait intérêt à stipuler les bases de calcul de ce régime de passage entre l'ancien et le nouveau régime. Actuellement, le projet de loi n'oblige qu'à faire le remboursement. On ne déclare pas les bases sur lesquelles le calcul doit être fait. A notre avis, les compagnies d'assurances, même si elles ne gagnaient que $2 ou $3 par ce jeu auprès de l'assuré, pourraient faire des millions de dollars

de profit, puisque cette situation concerne des millions d'assurés actuellement. Je remercie la commission parlementaire d'avoir entendu le Groupe de recherche en consommation. A titre de conclusion, nous disons que, sans être d'accord avec l'ensemble des choix qui sont faits, puisque nous suggérons un régime uniforme de responsabilité sans faute, nous croyons que le projet de loi doit être adopté de façon prioritaire, qu'il s'agit là d'un excellent projet de loi et qui, compte tenu des aléas politiques, devrait être accepté le plus rapidement possible, et cela, au meilleur intérêt des consommateurs du Québec. Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci beaucoup, M. Masse. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier ce groupe de protection du consommateur, Groupe de recherche rattaché à l'Université de Montréal. Seulement une première question, d'abord, j'aimerais demander à notre invité en quoi le "no fault", par exemple, dans les dommages matériels lui paraît aussi essentiel. Est-ce qu'il a l'impression que la population du Québec accepterait facilement le "no fault" dans les dommages matériels? Il m'a semblé, au cours des contacts que j'ai pu avoir avec la population jusqu'à maintenant, qu'autant le "no fault" pour les dommages corporels peut être facilement acceptable, le "no fault" pour les dommages matériels ne me paraissait pas prêt. Est-ce que vous auriez d'autres renseignements à ce sujet?

M. Masse: Encore une fois, Mme le ministre, on ne veut en aucune façon se substituer à l'opinion publique et au choix politique que le gouvernement doit faire. On ne prétend pas non plus, contrairement au Barreau, dans la fin de son mémoire, que la population du Québec ne veut pas du régime de "no fault" partiel ou total. On croit, quant à nous, que cette affirmation est parfaitement abusive et n'est fondée sur aucune recherche d'envergure. On respecte donc votre choix politique et on n'a, en aucune façon, l'intention de le faire à votre place. Ce que l'on craint, au plan théorique, encore une fois, c'est que le régime actuel qui oblige l'assuré, d'une part, à prendre une police d'assurance pour ses dommages matériels et, éventuellement, une police d'assurance supplémentaire pour ses dommages corporels supplémentaires, et deuxièmement, à prendre une police d'assurance pour ses dommages corporels auprès du gouvernement. Ce régime, pour les assurés, pour les consommateurs du Québec, peut être assez compliqué, d'autant plus compliqué que, quand la personne a un recours à prendre après un accident d'automobile, elle a, d'une part, une réclamation à faire ou à l'assureur ou au tiers responsable — dans le cas des dommages corporels la situation n'est pas très claire pour les consommateurs — ensuite une réclamation à la régie, dans le cas de dommages corporels, sans compter les réclamations éventuelles au fonds d'indemnisation dans les cas où il y a une application.

Ce régime nous apparaît, peu importent les considérations politiques, causer un risque de confusion et de méconnaissance de la part des consommateurs. Actuellement, en matière de consommation, on constate que des régimes de protection extrêmement simples, après quatre ou cinq ans d'application, ne sont pas connus encore par la population.

La deuxième remarque qu'on a à faire à l'égard de ce projet, relativement à votre question, c'est la complexité, c'est la multiplication des coûts.

Le rôle du courtier nous apparaît important, mais le régime proposé multiplie les intermédiaires à l'égard de l'application du régime en général. Ce que l'on craint de façon générale, c'est que le régime soit tellement compliqué, s'il est mixte, que l'assuré doit remettre son cas entre les mains d'un avocat pour comprendre quelque chose, encore une fois.

Mme Payette: Enfin, pour ma part, je ne suis pas d'accord quand vous dites qu'il y a multiplication des intermédiaires. On a visé, au contraire, à diminuer le nombre d'intermédiaires, comme on sait que, présentement, pour l'évaluation des dommages matériels, il faut l'intervention de deux experts en sinistres, quand il y a deux véhicules impliqués. S'il y en a trois, souvent il y a trois experts en sinistres.

Est-ce que vous ne croyez pas que l'indemnisation directe de la part de l'assureur envers son assuré simplifie justement l'intervention et, au contraire, diminue le nombre d'intervenants à ce moment-là?

M. Masse: Le choix du gouvernement, quand il est question d'un recours direct de l'assuré à l'égard de son assureur est fondamental. C'était l'objet d'ailleurs de notre principale remarque sur les dommages matériels. Je crois que c'est un choix tout à fait valable, et tous les propos du livre bleu en ce qui a trait à l'incitation de la compétition et l'absence d'intermédiaire dans ce domaine est tout à fait valable, à notre avis.

Ce que nous craignons, quant à nous, c'est que cette excellente mesure disparaisse par l'absence de bonne volonté de la Corporation des assureurs ou que la convention d'indemnisation qui soit adoptée soit tellement mince qu'elle ne soit pas comprise par les assurés et qu'elle ne soit pas virtuellement applicable.

Mme Payette: Quand vous parlez de la compréhension du nouveau régime par la population, vous avez probablement raison, mais on ne peut pas dire que c'est pire que c'était avant, puisque la population ne comprenait pas davantage le système dans lequel elle vivait. Du moins, c'est ce qui m'est apparu, à moi, au cours des derniers mois.

Nous entrevoyons une campagne d'information après l'adoption du projet de loi qui pourrait vraisemblablement corriger cette difficulté de compréhension au maximum. A ce moment-là, on peut penser que la population, mieux infor-

mée—là, je vais corriger ce que vous avez dit—comprendra qu'il ne faut pas une multiplication de polices d'assurance, de contrats d'assurance.

Quand vous dites que la population devra avoir d'abord une police d'assurance pour les dommages matériels, c'est évident puisque l'assurance est obligatoire. Dans ce contrat d'assurance, on pourra trouver ce dont on a besoin, c'est-à-dire ce qui est absolument essentiel pour être bien "couvert" et l'autre police dont vous parlez, qui est pour l'excédentaire en dommages corporels, il n'y a qu'environ 15% de la population qui en auraient besoin. Donc, ce n'est pas toute la population qui devra avoir une double assurance.

Quant à la troisième dont vous parlez, qui est celle du régime d'Etat, il n'y a pas de contrat d'assurance. Donc, il n'y a pas d'intervention d'un contrat différent. Il n'y a pas trois polices. C'est une chose qui a fait peur à la population quand on a commencé à dire que cela en prendrait trois, quatre ou cinq. Ce n'est pas le cas.

M. Masse: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Si le gouvernement — c'est tout à fait souhaitable — se lance dans une campagne d'information, avec une mesure des résultats de cette campagne d'information, c'est tout à fait essentiel et souhaitable.

Cependant, on constate, de notre côté, que des mesures de protection aussi simples que les délais d'annulation d'une vente par vendeur itinérant ne sont absolument pas compris par la'popu-lation après sept ans d'application de la loi. On constate très souvent que des consommateurs pensent que tous les contrats de vente sont annulables, sauf les ventes par vendeur itinérant. Même si la publicité, sur une mesure aussi essentielle que celle-là, fait défaut, même si vous dites que le régime est simplifié, personnellement, je pense que c'est une amélioration par rapport au régime actuel et là-dessus je suis tout à fait d'accord, mais cela reste extrêmement complexe malgré tout.

Mme Payette: La protection du consommateur, c'est un sujet qu'on rediscutera bientôt et je peux déjà vous assurer qu'on va essayer de vous aider dans ce domaine.

A la page 5 de votre mémoire, vous parlez du régime de la Commission des accidents du travail et des différences qu'il pourrait éventuellement y avoir entre les deux régimes. Le projet de loi 67, à l'article 18, prévoit que, si notre régime apporte un excédent par rapport au régime de la Commission des accidents du travail, la victime y a droit, c'est-à-dire que nous devenons deuxième payeur et nous complétons, à ce moment, le régime existant à la Commission des accidents du travail. Cela était clair pour vous.

M. Masse: Ce qu'on veut signaler, c'est qu'il est tout à fait valable qu'un voyageur de commerce visé par la Commission des accidents du travail, s'il a un accident d'automobile au cours de son travail, soit visé d'abord par la Commission des accidents du travail et, ensuite, par le supplément. Il se peut très bien qu'un travailleur dans une fonderie se fasse couper une main à son travail ou se fasse couper une main au volant de son véhicule automobile en revenant chez lui. Dans ces deux situations, pour la même personne, pour le même dommage, la compensation serait différente. C'est là-dessus qu'on en a pour l'essentiel.

Mme Payette: Je pense que l'on doit dire que nous allons chercher à harmoniser les deux régimes et, autant que possible, non pas vers le bas, mais vers la meilleure situation pour la personne blessée. On vise éventuellement à un accord entre les deux régimes.

A la page 6, vous avez fait allusion, et vous l'avez repris dans votre résumé, au délai de prescription. C'est une chose qui a déjà été portée à notre attention en commission parlementaire. Je puis vous dire que nous sommes d'accord avec la suggestion et que nous allons faire en sorte que ce soit retenu.

A la page 8, vous faites allusion aux articles 37, à la clause de la jeune veuve de 35 ans et à d'autres définitions: conjoint sans enfant. Nous prenons note de vos remarques et nous vous en remercions. Nous allons tenter de voir s'il y a moyen d'arriver à une plus grande justice à ce niveau.

En ce qui concerne les conjoints séparés ou divorcés, votre suggestion est intéressante et nous allons l'étudier.

M. Masse: A cet effet, Mme le ministre, si je peux me permettre, le mémoire du Barreau parlait, si je me souviens bien, de conflit possible entre l'ancien conjoint, qui recevait une pension alimentaire, et le concubin, avec tout l'opprobe que ce mot de concubin peut comporter.

Mme Payette: C'est moins pire quand c'est concubin que concubine.

M. Masse: Peut-être. La solution éventuelle qu'on pourrait apporter, c'est que l'ancien conjoint, séparé ou divorcé, qui reçoit une pension alimentaire, soit considéré comme une personne à charge et que le concubin tombe sous la notion de conjoint au sens de la loi.

Mme Payette: Nous allons nous repencher sur cette question.

A la page 10, vous vous inquiétez de l'imposabilité des rentes payées par le régime. Nous savons que nous aurons des discussions avec le gouvernement fédéral à cet égard. Ce que nous envisageons dans un premier temps, c'est que notre loi du revenu puisse être amendée. Si nous n'arrivons pas à trouver une solution, il y aura une décision à prendre à ce niveau, cela me paraît évident.

A la page 10, vous faites allusion à l'article 54 et au mode de réclamation. C'est là où vous soulignez qu'il faudrait une campagne d'information.

Je pense qu'il n'y a personne qui pourra nier que, si on veut la protection du consommateur, au moment où on s'apprête à faire un changement qui n'est pas une "réformette", contrairement à ce qu'on a pu dire au début... On sent bien qu'il s'agit d'une réforme où on touche, pas nécessairement à des choses qui étaient bonnes, mais qui étaient des habitudes. Quand on se met à toucher aux habitudes des gens, il faut très certainement les informer de ce qu'il leur arrive. A ce niveau, nous sommes parfaitement conscients.

Je voudrais vous rassurer là-dessus et vous dire que le nécessaire sera fait au maximum de nos possibilités pour que l'information soit véhiculée directement.

Vous parlez, en page 11, des obligations du réclamant par rapport à la régie. Nous prenons note des remarques que vous nous faites. Vous faites allusion, en page 12, au fonctionnement de la Commission des affaires sociales. Je peux vous assurer que nous allons voir à ce que la Commission des affaires sociales réponde véritablement aux besoins de ce régime. Maintenant, je dois vous dire que nous ne sommes pas d'accord sur un dernier droit de recours qui ramènerait encore la situation, peut-être bien à celle qu'on connaît maintenant auprès de la Cour supérieure. Alors, le droit de recours, en ce qui nous concerne, s'arrête avec la Commission des affaires sociales. Cependant, vous savez parfaitement qu'un consommateur ou un citoyen peut être représenté et peut se faire accompagner d'un avocat devant la Commission des affaires sociales.

En page 13, vous parlez du délai que nous accordons à un assureur quant à la résiliation d'un contrat et vous soulignez l'ambiguïté au niveau de la rédaction de l'article qui touche ce sujet en particulier. Nous avons déjà dit que nous allions revoir cet article qui nous paraît clair; mais s'il y a confusion, nous l'avons également dit devant les assureurs et les courtiers qui étaient préoccupés par cet article, nous allons clarifier l'article pour bien définir ce qu'était l'intention du gouvernement.

Vous vous inquiétez des pouvoirs qui vous paraissent insuffisants en ce qui concerne le surintendant des assurances. Je vais vous dire que, pour ma part, jusqu'à maintenant, je n'ai aucune raison de croire que les assureurs ne seront pas de bonne foi dans cette transformation du régime d'assurance automobile. Les rapports que nous avons eus jusqu'à maintenant avec eux ne nous permettent pas de conclure qu'ils s'opposent ou qu'ils tenteront de surcharger les consommateurs d'assurance-automobile. Si bien qu'à mon avis il ne faut pas utiliser un bâton qui n'est absolument pas nécessaire maintenant. Cependant, le pouvoir de surveillance que nous donnons au surintendant nous permet de nous assurer de la collaboration des assureurs et donne au surintendant certainement les connaissances qu'il ne possédait pas jusqu'à maintenant, c'est-à-dire l'accès à la tarification, la connaissance de la tarification. Le projet de loi fait également obligation au surintendant des assurances d'analyser ces statistiques et de faire rapport au ministre, ce qui implique, quand le rapport est fait au ministre, qu'il y ait dépôt à l'Assemblée nationale et s'il y a dépôt à l'Assemblée nationale, on peut tenir pour acquis que tous ces documents sont rendus publics. Donc, tous les consommateurs y ont accès par l'information des media ou par tout autre moyen. Il m'apparaît que ce pouvoir de surveillance, pour l'instant, est suffisant. Si nous devions constater, malgré la présence du surintendant qui fait partie du bureau de direction de la corporation des assureurs — vous avez constaté qu'un article dit que cette corporation ne peut pas se réunir si le surintendant n'est pas présent — nous pensons qu'à partir de là, si nous devions constater, au cours des mois qui viennent, un jeu, quel qu'il soit, de la part des assureurs, il nous serait possible, à ce moment-là, d'intervenir à nouveau, mais il faudrait que nous soyons assurés qu'il y a nécessité pour nous d'aller plus loin. Pour l'instant, cela ne nous apparaît pas nécessaire.

M. Masse: Est-ce que je peux me permettre de faire un commentaire? Il y a actuellement des situations qui ne relèvent pas du pouvoir du surintendant de contrôler les prix des primes qui concernent des pratiques tout à fait déloyales de la part des assureurs et qui, à notre avis, pourraient risquer d'être d'autant plus graves que l'assurance pour les dommages matériels seraient dorénavant obligatoires. C'est, par exemple, la pratique actuelle, surtout dans un cas où l'assuré se cherche une première police, c'est l'obligation qui est faite par certains assureurs, surtout en période de crise actuelle, d'assurer sa maison, ses meubles, et l'ensemble des biens de l'assuré.

Mme Payette: Je dois vous dire qu'en commission parlementaire, quand nous avons reçu, l'autre jour, le BAC et des représentants d'un certain nombre de compagnies d'assurances, c'est une question que j'ai posée. Le Groupe commerce m'a affirmé continuer cette pratique maintenant, deux compagnies, cependant, ont assuré à la commission qu'en 1977 ils ne pratiquaient plus ce "package deal" et qu'on pouvait se procurer de l'assurance automobile librement auprès de deux compagnies qu'il est bon qu'on fasse connaître, la Royale et les Prévoyants du Canada qui, actuellement, ont de l'assurance automobile disponible sans qu'aucune autre assurance n'y soit attachée.

C'est pour cette raison qu'à partir de ces éléments il m'apparaît prématuré d'utiliser un pouvoir coercitif envers les assureurs et, dans la mesure où nous avons à vivre ensemble, je pense qu'on peut, dans un premier temps, leur faire confiance et voir, par la suite, les résultats de cette confiance.

A la page 17 de votre mémoire, tout le paragraphe concernant les articles 166 à 175 qui traitent des sanctions, des suspensions, je peux vous dire pour l'instant que nous avons lu attentivement ce qu'il y a de contenu dans ce paragraphe et que nous en prenons bonne note. Nous allons réétudier, à partir de votre document, ce qui est dans le projet de loi.

M. le Président, j'ai terminé pour l'instant et je reviendrai, si c'est nécessaire seulement.

Le Président (M. Boucher): Merci. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je tiens à remercier ce groupe de recherche en consommation, de l'Université de Montréal, qui a bien voulu se donner la peine de venir commenter le résultat de son étude sur ce projet de loi.

Il y a certaines critiques ou du moins certains éclaircissements qui ont été demandés par ces messieurs, qui ont souvent été mentionnés au niveau de cette commission, dans le passé. Cela n'enlève tout de même absolument rien à la valeur du mémoire et à la valeur de leur intervention; mais comme je crois qu'il est important de laisser voir qu'il y a certains articles qui semblent créer l'unanimité dans le fait qu'on ne peut pas les interpréter avec la clarté désirée, je ne doute pas que Mme le ministre verra à étudier avec grande attention ces articles.

Vous avez mentionné dans votre mémoire que le régime était généreux. Il va être facilement plus généreux parce que, premièrement, c'est l'assurance obligatoire. Je crois que c'était une nécessité et nous devons admettre que leur projet de loi, à ce point de vue particulier, est une amélioration sensible qui concourra à plus de justice dans la compensation pour les victimes d'accident d'automobile.

Vous avez mentionné que ce régime devrait être étatisé aussi bien au point de vue de l'indemnisation des dommages corporels comme matériels. Cela me semble être tout à fait évident que si nous sommes, en principe, pour l'étatisation qu'il devrait y avoir une étatisation totale. C'est assez difficile de soutenir que ce principe est valable à un niveau et moins à un autre niveau. Comme vous dites, ce sera, à tout point de vue, un dédoublement dans la perception des primes dans les indemnisations et ça concourra certainement à élever le coût d'administration du régime.

Nous sommes personnellement contre l'étatisation, mais nous aurons — ce n'est pas ici l'endroit pour expliquer les raisons de notre opposition à l'étatisation — l'occasion éventuellement de développer ce sujet.

Pour revenir à cette générosité du régime, comme vous dites, est-ce que vous avez étudié ou vu dans la loi une juste compensation pour ceux qui vont subir des incapacités partielles permanentes? Est-ce que vous croyez qu'à ce point de vue le régime est juste? Pour mieux éclairer ma question, je puis vous donner un exemple.

Comme nous avons un régime qui est basé exclusivement sur la perte à gagner, il arrive qu'une victime puisse subir des préjudices sérieux, pour son emploi, pour les nécessités de son emploi, qu'elle puisse réintégrer cet emploi et que, par le fait même, elle ne reçoive plus de compensation pour ses incapacités partielles permanentes. Est-ce que vous croyez qu'à ce point de vue le régime est juste?

M. Masse: Par rapport à la situation actuelle?

M. Saint-Germain: Par rapport à la situation actuelle ou simplement, en principe, par rapport aux droits des victimes à être indemnisées pour les préjudices subis.

M. Masse: Actuellement, pour une incapacité partielle permanente, il y a quatre formes, quatre types de dommages qui peuvent être accordés. Il y a d'abord les dommages médicaux, ceux qui concernent les prothèses. Ils sont, pour l'essentiel, couverts par le Régime d'assurance-maladie actuel, de sorte que la situation est la même.

Le deuxième type de dommages, ce sont les douleurs, pertes de jouissance, préjudices esthétiques. Comme je l'ai signalé dans le mémoire, l'article 45, je crois, reste extrêmement vague à ce sujet et on croit qu'il y aura intérêt à être plus précis à cet égard.

Le troisième type de dommages a trait à la perte du revenu. Là-dessus, la situation actuelle, M. le député, est extrêmement paradoxale. Supposons qu'un vendeur d'assurance, pour prendre un exemple connu et d'actualité, qui, lors d'un accident d'automobile — et on peut présumer qu'il a pris une bonne prime d'assurance — qu'un estimateur d'assurance se cause une infirmité de 20%. Il peut très bien ne perdre en aucune façon 20% de son revenu. Les tribunaux actuels accordent $1500 ou $2000 le point, selon les expectatives de vie de la personne. Le projet de loi va être préjudiciable à ces personnes parce que le projet de loi, pour l'essentiel, compense, sous forme de rente, la perte de revenu, la perte économique réelle. D'accord?

Mais il se peut très bien, et c'est la situation actuelle aussi, qu'a contrario une personne, un travailleur manuel, par exemple, en période de chômage, perde son emploi s'il a 20% d'incapacité, par exemple pour la perte d'une main ou pour un dommage à une jambe. Cette personne, dans la situation actuelle, pourrait très bien n'être compensée, pour le reste de ses jours, que pour 20% de son revenu au moment de l'accident et perdre 100% de son revenu, devenir virtuellement un invalide.

Le projet de loi, comme on le comprend actuellement, comme il est présenté, va s'attaquer à la perte économique réelle et de façon d'autant plus souple qu'on va le faire sous forme d'une rente ajustable, qui ne sera pas mise en question par l'inflation et qui va pouvoir être ajustable si le préjudice augmente ou diminue.

Par exemple, à titre de remarque générale, on peut parler des rentes qui ont été accordées en 1965 à des personnes de 30 ans, pour un préjudice de l'ordre de 50%, ces montants, à l'époque, pouvaient paraître assez considérables, si, c'était accordé sous forme de rente fixe décroissante, par exemple $80 000. Dix ou douze ans plus tard, cette somme de $80 000, qui était faite pour compenser pendant 25 ans, dans la majorité des cas, est disparue, et la personne reçoit des prestations du bien-être social ou est aux crochets de sa famille.

De sorte que le projet de loi, c'est certain, en faisant une option claire et nette pour le préjudice économique réel, avec une compensation supplémentaire pour les préjudices non économiques comme le préjudice esthétique, qui soit dit entre parenthèses, n'est pas visé par les accidents de travail actuellement, fait un choix qui peut défavoriser certaines victimes qui faisaient un coup d'argent dans certaines situations, mais, à notre avis, c'est probablement et très certainement pour mieux compenser les victimes qui, actuellement, sont défavorisées par le régime actuel.

M. le député, je pense qu'on doit mitiger la réponse qu'on doit donner à votre question.

M. Saint-Germain: Je ne vois pas... Pour quelqu'un qui subit réellement une incapacité partielle permanente, je ne vois pas, même dans le contexte actuel, comment cette personne peut faire un coup d'argent, parce que les préjudices peuvent être extrêmement graves. Vous pouvez avoir des gens qui, à la suite d'un accident, peuvent être privés de leurs sports favoris, peuvent être privés de certains hobbys, peuvent subir du rhumatisme, de l'arthrite, lorsque les os sont brisés. Comme la vie n'est pas simplement basée sur l'argent, il y a là, à mon avis, des préjudices sérieux qui ne seront absolument pas compensés, qui ne sont pas compensés du tout.

M. Masse: A ma connaissance, il ne m'appartient pas de défendre le projet de loi. Ces préjudices sont visés par l'article 45 du projet et ils ont trait à la perte de jouissance de la vie. Si vous dites que l'article 45 n'est pas précis, on est tout à fait d'accord avec vous. Je pense que le projet de loi gagnerait à être précisé dans ce sens. Actuellement, on fait un plafond maximal de $20 000 pour ce type de dommage, mais cela laisse toute une marge de manoeuvre qui gagnerait à être précisée.

M. Saint-Germain: Toujours dans le même ordre d'idées, pour l'indemnisation des femmes au foyer, croyez-vous que cette indemnisation est juste pour la mère de famille?

M. Masse: Actuellement, compte tenu des aléas de la preuve de la faute et compte tenu des honoraires professionnels, compte tenu des délais devant les tribunaux et compte tenu, malgré ce qu'en pensent certains, de la faiblesse des compensations accordées aux femmes au foyer, le projet de loi, à ma connaissance et, en toute honnêteté, correspond à une amélioration extrêmement substantielle à l'égard de la femme au foyer.

Bien sûr, on peut trouver des cas qui ont été débattus à grands frais devant les tribunaux où une femme au foyer a pu, dans certaines situations, avoir davantage, mais à ma connaissance, depuis dix ans, la moyenne des compensations qui sont accordées et aux femmes au foyer et aux chômeurs et aux enfants qui ne gagnent pas de revenu est largement supérieure dans le projet de loi.

M. Saint-Germain: Indépendamment de la situation actuelle, je sais très bien les inconvénients que subissent certaines victimes d'accident d'automobile dans le régime actuel. Vous venez d'énumérer une série de préjudices qu'elles peuvent subir. Vu que nous faisons face à un projet de loi tout à fait nouveau qui ne doit pas nécessairement confirmer ou structurer les injustices passées, mais qui doit être projeté vers l'avenir dans le contexte actuel de la famille, croyez-vous que cette rémunération est juste pour la femme, la jeune fille ou simplement l'homme qui travaille relativement aux autres indemnisations incluses dans le projet de loi?

M. Masse: Le jour où on pourra définir ce que vaut le travail d'une femme au foyer et le jour où on pourra mettre sur pied ce qu'on a appelé le salaire de la femme au foyer, on pourra avoir une base de calcul. Actuellement, le projet de loi nous semble être une amélioration substantielle par rapport à la situation actuelle; mais quant à savoir si je pense que c'est totalement adéquat dans toutes les situations, une étude de la réalité de ce problème devrait être faite de façon très particulière, et on possède assez peu de données de ce côté-là actuellement. Cela dépend du nombre d'enfants au foyer; cela dépend de l'âge de la personne; cela dépend du nombre de services qu'elle peut accorder à sa famille. Je pense qu'il s'agit là d'une déclaration qui est très difficile à faire.

M. Saint-Germain: A l'article 30, on diminue de l'indemnité payée à la suite d'un accident d'automobile la pension de vieillesse et les rentes du Québec. Vous êtes-vous penché sur cet article?

M. Masse: Vous voulez dire les cas où on diminue la pension, l'indemnité qui est accordée par la régie dans le cas où la personne touche déjà une pension de la Régie des rentes?

M. Saint-Germain: C'est juste.

M. Masse: Le groupe, sans faire mention au mémoire...

M. Saint-Germain: Excusez-moi, M. le Président. Je parle particulièrement des personnes de 65 ans qui recevront une rente comme résultat de cette loi et qui la verront diminuée, à cause de leur pension soit de vieillesse ou du Régime des rentes.

M. Masse: II peut, en effet, être injuste en apparence qu'une personne qui a contribué au Régime de rentes toute sa vie et qui paie des primes d'assurances directement au gouvernement ou autrement puisse voir les deux régimes diminués, qu'il n'y ait pas cumul. C'est un choix économique.

Nous croyons que, si on veut limiter les primes, l'important c'est de donner à la personne qui a un préjudice corporel, une douleur ou un problème d'agrément de la vie à la suite d'un accident

d'automobile, un montant minimal généreux auquel elle a droit et d'éviter les cas de cumul qui, sur le plan des coûts sociaux, pourraient être considérables. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'en apparence il peut être injuste qu'une personne qui contribue toute sa vie au Régime de rentes voie ce régime diminué dans le cas où elle touche déjà une prestation de la part de la régie, mais c'est un choix politique qui peut être défendable dans un cas ou dans l'autre.

Ce qui est important à nos yeux, c'est qu'on s'assure que les personnes âgées qui ont eu un accident d'automobile aient une compensation minimale, généreuse et fondamentale. Quelles puissent cumuler ou doubler ces indemnités en vertu de deux, trois ou quatre régimes publics, j'insiste — les régimes privés ne sont pas visés par cela à ma connaissance — c'est un choix politique.

M. Saint-Germain: N'en reste-t-il pas moins que, vu qu'on dédommage les gens — et comme philosophie, nous dédommageons les gens relativement à leur perte de revenu — celui qui n'a pas d'accident d'automobile, en plus de ses économies, de ses pensions privées ou autres, reçoit nécessairement le Régime de rentes et la pension de vieillesse? Si on dédommage pour la perte de revenu, pourquoi abaisser cette indemnité qui correspond, selon la loi, à la perte de revenu de la victime? Il ne faut pas oublier que le Régime de rentes est un régime public, mais il est payé par l'argent du travailleur et par l'argent de l'employeur. Il n'y a pas de taxes qui s'appliquent au Régime de rentes. C'est un dû pour la victime.

M. Masse: Est-ce que vous suggérez, Mme le ministre, qu'on ne réduise pas les prestations du Régime de rentes pour la personne de plus de 65 ans qui touche une rente de la part de la Régie d'automobile uniquement dans le cas où cette personne est indigente et n'a pas fait d'économie? L'application de ce principe me semble très difficile. Je suis très sympathique, à titre personnel, à votre argument. Je pense que c'est un choix politique.

Maintenant, si on veut s'assurer que les gens aient le minimum et éviter que les coûts engendrés par cela soient exorbitants, je pense qu'on doit faire le choix que fait l'article 36.

M. Saint-Germain: A l'article 69, on parle de pratiques qui peuvent restreindre ou retarder le retour au travail de la victime. On a mentionné dans la discussion cette obligation, par exemple, de se soumettre à une chirurgie. Est-ce que vous ne voyez pas là un précédent, parce que, dans toutes nos lois, on a toujours respecté l'intégrité des gens? Jamais dans notre système politique on a obligé les gens à se soumettre à des chirurgies ou à des soins médicaux qu'ils ne voulaient pas accepter. Est-ce que vous ne voyez pas là un précédent excessivement dangereux?

M. Masse: Je suis d'accord pour dire que c'est un point dangereux, mais de là à dire que c'est un précédent, je ne le pense pas, je ne suis pas au fait de la dernière jurisprudence, mais je sais qu'actuellement les tribunaux diminuent une compensation dans le cas où la victime demande une indemnité trop exagérée à la personne responsable, dans le cas où elle pourrait subir une intervention chirurgicale bénigne et sans danger qui pourrait diminuer ses dommages.

Dans le cas où les interventions chirurgicales sont bénignes, sans danger et ne portent pas à contestation, je suis d'accord pour qu'on diminue la réclamation qui est faite par la victime, parce qu'autrement le fait d'avoir un accident d'automobile serait une raison pour se mettre aux crochets de l'Etat le restant de ses jours. Je suis d'accord avec vous que l'article 69 devrait être précisé de façon que les opérations chirurgicales dangereuses ou des croyances religieuses valables soient prises en compte pour qu'on ne diminue pas arbitrairement la compensation accordée à la victime.

M. Saint-Germain: Vous avez aussi mentionné un droit d'appel aux tribunaux dans le cas où on ne changerait pas les règles qui régissent la Commission des affaires sociales. A mon avis, tout notre système, toutes nos institutions sont basées sur le fait que l'exécutif, le législatif et la justice sont tout à fait séparés. Ces trois parties de nos institutions sont libres les unes vis-à-vis des autres. Est-ce que, quand vous parlez de droit d'appel aux tribunaux, vous avez pensé à ces principes qui nous régissent depuis longtemps?

M. Masse: Là-dessus, je tiens à faire remarquer encore une fois que c'est l'objet de notre principale réserve à l'égard du projet de loi. Mme le ministre a dit tout à l'heure que si on donnait un droit d'appel à des décisions de la régie — s'il y a un droit d'appel à la Cour supérieure, je suis d'accord pour que la Commission des affaires sociales n'ait pas à se prononcer en troisième ou quatrième lieu — on risque de revenir à la situation actuelle.

La situation actuelle est causée essentiellement, au niveau de sa confusion et des délais, par deux choses: D'abord, on traite de la faute plusieurs années après et l'on se débat devant les tribunaux très longuement pour discuter qui était fautif dans le caractère tout à fait artificiel de cette notion. Si la Cour supérieure allait en droit d'appel des décisions de la régie, le "no fault" serait respecté, il n'y aurait plus de discussion sur la faute.

Deuxièmement, le droit civil actuel, au niveau de la compensation des dommages corporels, est tout à fait vague, flou et donne lieu à des interprétations jurisprudentielles considérables. Le projet de loi serait opposable aux tribunaux comme à la régie. Les tribunaux auraient à interpréter la loi telle qu'elle est.

Je pense, personnellement, qu'ils seraient, contrairement à la situation actuelle, liés par des précédents beaucoup plus précis que ça ne l'est dans le cas actuel, de sorte que je préfère de loin l'indépendance des juges de la Cour supérieure et,

d'une certaine façon, leur retrait, par rapport au système gouvernemental comme vous, sans doute, et c'est le cas pour la Commission des affaires sociales.

Si la juridiction de la Commission des affaires sociales continue à être adoptée par le projet de loi, on croit, de façon majeure, que l'indépendance des assesseurs devrait être assurée et, deuxièmement, que des règles de preuve de procédure et de garantie des assurés et des victimes devraient être garanties par le projet de loi.

Tant que ce n'est pas fait, tant qu'on ne garantit pas que la Commission des affaires sociales ne deviendra pas un organisme bureaucratique abusif et — sans avoir d'expérience personnelle à cet effet, il s'agit de pratique abusive, la situation actuelle où la commission des affaires sociales prête le flanc à beaucoup de critiques, dans certains cas, c'est à bon droit — tant que ce n'est pas garanti, on croit que la Cour supérieure devrait peut-être avoir juridiction là-dessus.

M. Shaw: M. le Président, un simple renseignement. Nous allons finir, aujourd'hui, à midi?

Le Président (M. Boucher): C'est ça.

M. Shaw: La question de partage de temps est très importante parce que tout le monde a des questions pour ce "so called" groupe pour la protection des consommateurs. Nous sommes rendus à la fin des 20 minutes du député de Jacques-Cartier. Je crois que nous pouvons peut-être discuter, pour le moment, à savoir si le témoin reviendra demain pour des questions additionnelles.

Le Président (M. Boucher): II n'y a pas de commission cet après-midi.

M. Shaw: Ni ce soir.

M. Saint-Germain: La commission ne siège pas le mercredi soir.

M. Shaw: Cela implique qu'il faut revenir demain.

M. Saint-Germain: M. le Président, je comprends très bien le point de vue du député de Pointe-Claire, mais si ça peut aider, je terminerai immédiatement mes questions pour donner la parole à mes collègues de l'Opposition.

Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Jacques-Cartier.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Au début de cette période de questions, j'aurais peut-être des questions à poser à l'honorable ministre, parce qu'elle nous a fait certaines déclarations tout à l'heure qui me laissent songeur, entre autres, quand elle a parlé d'une campagne d'information.

Je suis d'accord qu'il faudra nécessairement informer le public pour l'application de cette nouvelle loi. Ce que je me demande, par exemple, c'est combien cela va coûter, et même après avoir fait peut-être $100 000 de dépenses pour la tournée qu'elle a effectuée auparavant, je me demande combien cela va coûter et si ces coûts sont compris dans les 6% d'administration qu'elle a déjà mentionnés auparavant?

Mme Payette: M. le Président, il y a un petit peu de mauvaise foi. Il ne s'agissait pas d'une tournée d'information, mais d'une tournée de consultation. Si vous l'aviez faite, vous auriez constaté que si, à certains moments, c'est devenu une tournée d'information, c'est à cause, justement, de ce qui a été souligné, le fait qu'on a constaté, au moment où on l'a commencée, que les gens ne savaient pas ce que c'était, de l'assurance automobile.

La deuxième partie de la question, c'est-à-dire une campagne de publicité, ça ne commence qu'après l'adoption d'un projet de loi. Cela me paraît essentiel, aussi bien pour vos commettants que pour les nôtres, que les gens sachent ce qu'on est en train de faire.

M. Fontaine: Mais, est-ce que vous pourriez répondre à ma question?

Mme Payette: Absolument pas. Je n'ai aucune idée du coût de cette campagne qui interviendra après l'adoption du projet de loi.

M. Fontaine: Comment pouvez-vous affirmer que vous allez maintenir vos coûts d'administration à 6% si vous ne savez pas combien cette campagne va coûter?

M. Paquette: M. le Président, si on me permet l'intervention, je pense qu'il s'agit tout simplement d'une campagne d'information sur les politiques gouvernementales adoptées, comme cela s'est fait sur plusieurs lois. J'ai l'impression que cela doit émarger au budget de Communication-Québec normalement, je ne sais pas.

M. Fontaine: Peut-être.

M. Paquette: Cela n'a rien à voir avec le coût de l'assurance.

M. Fontaine: Je pense que le ministre a mentionné tout à l'heure qu'elle avait l'intention, par son ministère, de faire de l'information auprès du public. Alors, je pense qu'à ce moment-là, il y a un budget...

Mme Payette: M. le Président... M. Fontaine: ... de voté...

Mme Payette: ... si on joue sur les mots, il se peut que j'aie dit que j'avais l'intention de faire en sorte que le public soit informé. J'ai l'intention de

demander qu'une campagne de publicité importante soit faite sur ce projet, parce qu'il est essentiel que la population soit informée correctement.

M. Fontaine: Alors, la réponse, c'est que ça n'entre pas dans vos coûts d'administration...

Mme Payette: Cela n'entre pas dans les frais d'administration.

M. Fontaine: M. le Président, Mme le ministre a parlé de question d'amendement à la Loi de l'impôt. Est-ce que Mme le ministre pourrait nous confirmer que ces amendements pourraient être adoptés en même temps que l'application de la loi?

Mme Payette: Si vous avez bien entendu la réponse, j'ai dit qu'il fallait d'abord avoir des conversations avec le gouvernement fédéral.

Nous sommes simplement en train d'aborder la question et, comme cela n'est pas terminé, nous n'avons pas à préjuger de leur décision ni de la nôtre par la suite.

M. Fontaine: C'est donc dire, M. le Président, qu'advenant le cas où la loi serait adoptée en janvier et mise en application immédiatement, les premiers accidentés ne pourraient bénéficier de ces déductions d'impôt et les montants qu'ils recevraient seraient imposables.

Mme Payette: Je pense que le député posait simplement une hypothèse, nous pensons que nous aurons des réponses bien avant ce temps.

M. Fontaine: Effectivement, c'est une hypothèse à savoir si le projet de loi sera adopté ou s'il ne le sera pas.

Mme Payette: Méchant député.

M. Roy: Nous nageons dans l'hypothèse.

M. Gagnon: Cela est fort.

M. Fontaine: Je voudrais également aborder une autre question. Le ministre a parlé de "package deal" des compagnies d'assurances. Le ministre pourrait-il nous dire s'il a eu des discussions avec les compagnies d'assurances des caisses populaires à savoir si les caisses populaires qui mettront en vente l'assurance du gouvernement et qui probablement mettent aussi en vente d'autres sortes d'assurances, n'exigeront pas ce "package deal"?

Mme Payette: Les polices d'assurances du mouvement Desjardins sont vendues par l'intermédiaire des courtiers et il ne semble pas y avoir dans l'esprit du mouvement Desjardins actuellement l'envie de changer ce système. Il ne se vendra pas d'assurances à la caisse populaire en ce qui concerne le gouvernement, on y fera la perception du coût du régime du gouvernement.

M. Fontaine: Le ministre a-t-il eu des discussions à cet égard avec les caisses populaires à savoir qu'elles ne vendront pas d'assurances dans les caisses populaires?

Mme Payette: Je n'ai pas à avoir de discussion à cet égard pour l'instant.

M. Fontaine: Merci.

Nos invités ont parlé tout à l'heure d'un régime compliqué qui sera teinté de confusion et ont également parlé de multiplication de coûts. Comment se fait-il que vous puissiez, après avoir fait toutes ces remarques, dire au ministre et affirmer à cette commission que vous êtes en faveur de ce projet de loi?

M. Massé: M. le député, cela fait cinq ans qu'on se bat pour l'amélioration de la loi d'indemnisation actuelle qui est tout à fait odieuse, nébuleuse, portée à des délais considérables, être injuste pour les assurés, le fonds d'indemnisation, les victimes, quand le projet de loi fait 85% ou 90% des modifications que l'on croit utiles, on ne va quand même pas penser que ce n'est pas une amélioration substantielle.

M. Fontaine: M. le Président, nous sommes d'accord qu'il y a certaines améliorations apportées par le projet de loi, d'ailleurs il y a des améliorations qui ont été soulignées par le député de Jacques-Cartier, tout à l'heure, mais étant donné que le principal but est de diminuer les primes d'assurances pour les assurés et d'avoir une meilleure indemnisation, comment pouvez-vous être en faveur de ce projet de loi, alors que vous en faites vous-même la remarque et dites que ce régime sera compliqué et qu'il y aura une multiplication de coûts?

M. Massé: Je crois que vous présumez de ma pensée, M. le député. Le principal but que je vois au projet de loi ce n'est pas de réduire les primes, tant mieux si c'est l'effet, mais c'est d'accorder des compensations équitables aux assurés et de les protéger au niveau de leur contrat. Si cela provoque une augmentation, comme ce sera le cas pour certains assurés et des diminutions pour d'autres, ce qu'on ne peut pas, à mon avis, savoir de façon définitive tant que l'article 45 ne sera pas précisé, c'est dommage, mais c'est secondaire. Je ne dis pas que des primes qui tripleraient seraient quand même recevables; je dis qu'à notre sens le premier but d'un régime d'assurance automobile, c'est vraiment de couvrir les assurés pour des dommages légitimes, fondamentaux et minimaux, ce que le projet de loi me semble respecter pour l'essentiel.

M. Fontaine: Je ne pense pas que ce soit la promesse électorale que le Parti québécois avait faite lors de la campagne électorale lorsqu'il a dit à la population...

Mme Payette: Cela ne vous regarde pas, on va vivre avec.

M. Fontaine: ... qu'il essaierait de réduire les primes d'assurance automobile avec le nouveau régime qu'il proposait.

M. Masse: M. le député, je ne suis pas là pour répondre à des promesses électorales. Ce n'est pas parce que je défends l'urgence d'adopter ce projet de loi, même si je ne suis pas d'accord avec la totalité de ces dispositions, que je vais être d'accord avec vous.

M. Fontaine: Merci.

Dans un autre domaine, vous avez demandé que le régime indemnise tout le monde, même ceux qui pourraient avoir des accidents en dehors des voies publiques. Avez-vous estimé les coûts que cela pourrait occasionner?

M. Masse: Non seulement je ne demande pas, mais c'est le projet de loi qui le prévoit.

Si je comprends bien le projet de loi — vous me corrigerez si j'ai tort—un accident d'automobile qui serait causé dans une entrée privée de garage, qui causerait un dommage au conducteur, à un passager ou à un piéton, serait couvert par la loi puisqu'il s'agit d'un accident d'automobile; ne sont pas visés par le projet de loi les accidents qui ne sont pas causés par des automobiles en dehors du chemin public.

M. Fontaine: C'est ce que je voulais mentionner. Par exemple, les motoneiges et les motocyclettes ne sont pas incluses dans le projet de loi.

M. Masse: Lorsque l'accident se produit en dehors de la voie publique.

M. Fontaine: C'est cela. Est-ce que vous proposez qu'il soit inclus dans le projet de loi?

M. Masse: Personnellement, je pense que la loi actuelle, la loi d'indemnisation des victimes d'accident d'automobile, le fonds d'indemnisation intervient actuellement pour compenser les victimes de dommages causés par les motoneiges survenus en dehors du chemin public. Je pense que ce serait une excellente chose que le projet de loi vise les dommages causés par une motoneige en dehors de la voie publique. Cependant, si je comprends bien les dispositions du projet de loi sur le fonds d'indemnisation, ces dommages causés par une motoneige en dehors d'un chemin public donneraient possiblement ouverture à un recours au fonds d'indemnisation. Mais, si cela n'est pas clair, je pense qu'on gagnerait à le faire. Cependant, peut-être qu'il y a là — et c'est peut-être contradictoire avec votre remarque d'avant — des impératifs qui feraient en sorte qu'on devrait augmenter substantiellement les primes si on soumettait les motoneiges à l'application de la loi.

M. Fontaine: Je vous remercie. Je n'irai pas plus loin. Je vais laisser la chance aux autres de poser des questions.

Le Président (M. Boucher): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je veux d'abord vous remercier et vous féliciter pour le mémoire que vous avez présenté ce matin devant la commission parlementaire, de façon à nous exprimer votre point de vue et à éclairer les membres de la commission. Vous dirigez un groupe de recherche en consommation à l'Université de Montréal. En somme, il y a le point de vue des consommateurs que vous tentez d'exprimer, du moins je l'imagine.

M. Massé: Est-ce que c'est une question? M. Roy: Oui.

M. Massé: On n'a pas la prétention de représenter les consommateurs.

M. Roy: Non, mais vous tentez d'exprimer un point de vue par rapport aux consommateurs.

M. Massé: On tente d'exprimer notre point de vue personnel sur ce qu'on considère être d'intérêt public. Maintenant, on n'a pas la prétention de représenter six millions de personnes.

M. Roy: Non, je suis bien d'accord là-dessus, cela va de soi. Les trois plus grandes préoccupations des consommateurs du Québec, du public québécois actuellement, dans le régime d'assurance automobile — vous me corrigerez si je fais erreur — sont, premièrement, les coûts de l'assurance automobile. Je ne relèverai pas, évidemment, toutes les déclarations qui ont été faites d'un côté comme de l'autre depuis de nombreuses années; je ne relèverai pas non plus tous les débats qui ont eu lieu ici, en commission parlementaire, lors de l'étude du rapport Gauvin, ou encore à l'Assemblée nationale. Le coût de l'assurance automobile a été, jusqu'à maintenant, la grande préoccupation des hommes politiques et de la commission parlementaire.

Il y a aussi un deuxième point: les délais en ce qui a trait au règlement des sinistres, qui ont été une grande préoccupation et qui ont été l'un des objectifs visés lors de la formation de la commission d'enquête qui a porté le nom de commission Gauvin.

Troisièmement, il y a le régime d'indemnité comme tel. Ce sont les trois grandes préoccupations et, à mon avis, le projet de loi devrait se préoccuper, d'abord et avant tout, de ces trois points fondamentaux puisqu'ils concernent la population du Québec. Le reste m'apparaît de la philosophie et de l'idéologie. Comme on a demandé et que vous avez demandé également — et je vous en félicite — depuis plusieurs années des changements au régime actuel qui était complètement désuet, j'aimerais avoir votre opinion. Seriez-vous d'accord que l'entreprise privée, les structures de tout le système d'assurance privé actuellement... Ne serait-il pas préférable de lui confier l'adminis-

tration d'une loi comme celle-là, quitte à y apporter les amendements, plutôt que d'imposer à la population un régime à deux têtes?

M. Masse: Là-dessus, si je comprends bien, vous vous référez à l'excellent rapport de la commission Gauvin qui préconisait un régime de responsabilité sans faute, couvrant l'ensemble des dommages corporels et matériels. Là-dessus, je dois vous faire une remarque personnelle. C'est une question qui n'a pas été discutée entre tous les membres du groupe et peut-être que mes confrères ne sont pas d'accord et c'est leur droit. Là-dessus, je pense qu'au régime mixte qui est proposé par le projet, personnellement — c'est encore une fois à titre personnel — je préférerais un régime global administré par l'entreprise privée, un régime global fondé sur la responsabilité sans faute, qui garderait l'assise actuelle des compagnies d'assurances, contrôlé cependant adéquatement par le surintendant, et qui pourrait permettre d'avoir un régime simplifié où les assureurs offriraient un "package deal" pour toute l'assurance, où il y aurait une concurrence absolument accrue, s'il y a un contrôle efficace, entre les assureurs. Le régime actuel, si c'est celui qui est adopté, me semble être un peu compliqué. Maintenant, il s'agit là d'une prise de position personnelle.

M. Roy: Je vous remercie. J'aurais une deuxième question. Lors de l'étude très sérieuse que vous avez faite du projet de loi, est-ce que vous avez examiné les pouvoirs discrétionnaires, très discrétionnaires, qui sont confiés à la régie? A plusieurs articles, au moins dans 14 articles du projet de loi, on retrouve les mots, "la régie peut", au lieu de "la régie doit". Est-ce que vous avez examiné cet aspect qu'on retrouve dans le projet de loi qui est assez significatif et assez inquiétant, du fait que ce sont les principaux articles qui concernent, en quelque sorte, les obligations de la régie qui disent: "La régie peut"? J'aimerais avoir votre opinion et l'opinion de votre groupe.

M. Masse: Nous croyons que la régie devrait être soumise, lorsqu'elle répond aux réclamations, à des délais fixes, en tout cas, relativement fixes, qui pourraient être assouplis par la suite. Que la régie ait une certaine marge de discrétion pour pouvoir juger rapidement et éviter de s'enliser dans des amoncellements de papier, cela m'apparaît acceptable, à condition que ceux qui contrôlent cette régie et ces pouvoirs discrétionnaires puissent rendre un jugement de novo assez rapidement et en toute impartialité, ce que ne semble pas assurer la Commission des affaires sociales.

Autrement dit, je pense que vos craintes, et je les partage, pourraient être drôlement plus mitigées si on nous assurait que les appels seront portés à la Cour supérieure, d'une part. D'autre part, que l'on garantisse l'indépendance des assesseurs de la Commission des affaires sociales, que les règles de procédure soient beaucoup plus strictes et que les règles de preuve respectent l'intégrité des réclamants.

M. Roy: II y a un autre point sur lequel j'aimerais bien avoir votre opinion. Vous avez parlé de rente ajustable, ce qui signifie évidemment rente indexée. Dans la rente ajustable prévue par le projet de loi, on tient compte des autres indemnités ou des autres prestations qu'une victime d'un accident d'automobile peut recevoir, notamment des rentes privées en vertu des polices d'assurance personnelles. Il y a également des rentes qui peuvent être versées comme, par exemple, les personnes recevant déjà des montants de la Commission des accidents de travail. C'est possible qu'une personne qui retire déjà une indemnité partielle de la Commission des accidents de travail soit victime d'un accident d'automobile et qu'à ce moment-là, elle devienne totalement incapable. Du fait qu'elle est incapable, elle peut recevoir des indemnités en cas d'invalidité totale de la Régie des rentes du Québec.

Si on se réfère au projet de loi, on constate que toutes les rentes qui sont versées, toutes les autres rentes sont déduites du montant prévu par le projet de loi en ce qui a trait à l'indemnité comme telle de l'assurance automobile. Ne vous apparaît-il pas — je ne voudrais pas vous suggérer une réponse — dangereux que l'administration de ce projet de loi oblige les personnes à faire des rapports mensuels ou des rapports périodiques à la régie, les obligeant à déclarer continuellement leurs revenus? La loi, de la sorte, imposerait à peu près les mêmes critères qu'on retrouve dans la Loi de l'aide sociale. On sait très bien qu'un grand nombre de personnes invalides à l'heure actuelle, bénéficiaires de la Loi de l'aide sociale, sont obligées de déclarer chaque mois les petits revenus qu'ils peuvent retirer. A partir de ce moment-là, avant de réexaminer tout le dossier, on suspendrait pendant un mois, deux mois, voire même trois mois, les prestations d'aide sociale et on laisserait les gens dans l'indigence. Ce qui a fait dire à des gens devant la commission parlementaire que nous nous dirigions, en quelque sorte, vers l'assisté social de l'automobile.

Ne serait-il pas préférable, étant donné que les gens payent quand même des cotisations complètement séparées, distinctes, en ce qui a trait à la Régie des rentes du Québec, que les gens payent des cotisations distinctes lorsqu'ils prennent de l'assurance privée, que le régime d'assurance automobile et d'indemnités de l'assurance automobile soit un régime qui fonctionne par lui-même en fonction des dommages qu'il cause à la personne, nonobstant les petits revenus que les personnes pourraient avoir ailleurs?

A ce moment-là, je songe surtout, non pas aux 12% ou 15% mieux nantis auxquels fait souvent référence le ministre, mais aux travailleurs, aux gagne-petits. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Masse: M. Roy, vous me corrigerez, si je comprends bien votre question ou si je la comprends mal. Si je comprends bien, vous dites que l'on pourrait voir diminuer la prestation qui est accordée par la régie, lorsque des prestations sont accordées en vertu de régime privé.

Deuxièmement, que des prestations assurées en vertu de la Régie des rentes du Québec, de la Commission des accidents de travail ou tout autre régime public seraient dans la même situation.

A cet égard — vous me corrigerez si j'ai tort — il m'apparaît que l'article 52 règle le problème des assurances privées. Il m'apparaît — je peux faire erreur — qu'une personne qui aurait pris, à titre privé, une assurance privée, pour couvrir ses pertes de revenu, ne verrait en aucune façon ou sa prestation, versée par la régie des rentes automobiles, diminuée dans un cas où elle touche cette assurance privée, ou l'inverse.

Pour les régimes privés, je crois que l'article 52 règle votre question.

Pour ce qui est des régimes publics, c'est une discussion qu'on a faite tout à l'heure, c'est un choix politique. Je pense qu'encore une fois, l'essentiel, c'est d'assurer qu'une victime qui a contribué, indirectement par son travail, à la Commission des accidents de travail, à la Régie des rentes, pendant plusieurs années — et Dieu sait que cela coûte cher — puisse toucher, d'une part et de l'autre, au total, une compensation minimale extrêmement généreuse, qui soit adéquate et viser sa perte économique réelle.

Si vous préconisez que l'on double, dans certains cas, qu'on cumule plusieurs indemnités à droite et à gauche, votre premier objectif, qui est de réduire les coûts d'assurance automobile, m'apparaît en danger. A ce moment-là, l'assurance automobile pourra être donnée à des coûts uniquement supérieurs.

Encore une fois, comme je le disais tout à l'heure, je pense que c'est un choix politique. Personnellement, nous favorisons, dans la mesure exprimée par le projet de loi, le fait que l'on tienne d'abord compte d'un minimum, qu'on ne diminue pas les prestations privées d'assurance, d'un côté ou de l'autre, et que l'on diminue ainsi, par l'absence de cumul possible, les coûts de l'assurance.

M. Roy: J'aimerais poser une autre question, M. le Président. On parle de perte économique, en cas de dommage corporel. Comme nous le savons tous, il y a des pertes économiques qui surviennent, pour des victimes d'accident d'automobile, lorsqu'il y a des dommages matériels à leur véhicule, dans les catégories de véhicules gagne-pain. Je songe aux chauffeurs de véhicule-taxi, à tous les camionneurs artisans du Québec, qui conduisent eux-mêmes leur véhicule, et à bon nombre de personnes qui, effectivement, gagnent ainsi leur vie.

Advenant le cas d'un accident, qu'il y aurait des dommages aux véhicules et qui ferait en sorte que ces personnes pourraient être privées de leur véhicule pendant deux ou trois semaines, comment voyez-vous l'application du nouveau régime proposé de l'assurance automobile, dans ces cas-là en particulier?

M. Masse: II m'apparaît que la perte de revenu découlant des dommages causés au véhicule est clairement un dommage matériel, qui donne ouverture, lorsque la police d'assurance de dommage matériel y fera droit, à une réclamation contre l'assureur, dans le cas où c'est visé par la convention d'indemnisation, ou au tiers responsable, et oui donne même compensation et ouverture d'un droit au fonds d'indemnisation.

Je pense que cette situation y gagnerait à être précisée, que le surintendant des assurances du Québec devrait avoir le droit d'obliger les assureurs privés qui vont accorder des polices d'assurances pour les dommages matériels, à inclure les pertes de salaire ou les frais de location d'une automobile de remplacement dans les dommages matériels couverts par la police.

M. Roy: En somme, vous admettez que le régime actuel ne change absolument rien pour ces personnes victimes d'accident?

M. Masse: Je n'ai pas vu, dans le projet de loi, de disposition là-dessus, mais il me semble qu'il y a ouverture à un recours contre l'assureur, contre le tiers responsable, et au fonds d'indemnisation, puisque c'est un dommage matériel.

M. Roy: Ça veut dire que, dans ce domaine, cela ne change absolument en rien. Je vous remercie. J'aurais peut-être une question ou deux à poser à Mme le ministre à ce moment-ci.

Pas du tout... Toujours dans l'hypothèse, dans l'éventualité de l'adoption du projet de loi, est-ce que le ministre est en mesure de nous dire ce matin — parce que la question m'a été posée à plusieurs reprises au cours des derniers jours, c'est assez difficile de répondre — si la perception de la prime de l'assurance automobile, si, la loi devait être adoptée avant la fin de la session, avant le 31 décembre... si c'est l'intention du gouvernement de commencer à percevoir la prime de l'assurance automobile au moment même où on commencera à émettre les nouvelles plaques d'immatriculation, à partir du 1er janvier?

Mme Payette: M. le Président, vous aurez constaté que le régime, si la loi est adoptée, sera en vigueur le 1er mars 1978 et que la date de terminaison d'achat des plaques d'immatriculation est prévue pour le 1er avril, si bien que les citoyens seront libres de payer leur contrat d'assurance avec le gouvernement avant, c'est-à-dire au moment où ils iront chercher leurs plaques d'immatriculation en janvier ou en février. Mais ils auront également la liberté, s'ils le désirent, de ne prendre leurs plaques d'immatriculation qu'à compter du 1er mars, au moment où le régime sera en vigueur.

M. Roy: Cela commence à être compliqué, M. le Président. Sur le plan idéal, idéaliste, je pense bien qu'on peut se permettre beaucoup de prétention, mais sur le plan pratique, quels vont être les moyens de vérification dont le gouvernement va disposer, en supposant qu'une personne, pour éviter d'avoir à payer la prime d'assurance automobile le 2 mars, va se dépêcher d'aller chercher ses

plaques d'immatriculation le 2 janvier, ou plutôt le 3 janvier si vous voulez, parce que le 2 janvier c'est une fête légale? Le gouvernement va-t-il instaurer un système qui verra à rappeler les plaques d'immatriculation? J'aimerais savoir comment le gouvernement va procéder à ce moment-là.

Mme Payette: Vous avez mal compris ma réponse, je pense. J'ai dit que nous laissions la liberté aux citoyens du Québec d'aller chercher leurs plaques d'immatriculation au tout début, à partir du moment où elles sont en vente, et de payer à ce moment-là leur cotisation pour l'assurance automobile. Mais comme nous ne voulons pas que certains citoyens, devant le fait qu'effectivement ils paieraient pendant un certain nombre de semaines avant que le régime ne soit en vigueur, on leur laisse également la liberté de payer entre le 1er mars et le 1er avril.

M. Roy: Qu'arrive-t-il si — je vais prendre un exemple — le député de Rosemont, mon collègue, mon ami le député de Rosemont va chercher ses plaques d'immatriculation le 3 janvier et que...

Mme Payette: Elles seront en vente le 9, si mes souvenirs sont bons.

M. Roy: ... le 1er mai il n'est pas retourné à la caisse populaire — si la caisse populaire accepte — pour payer sa cotisation au Régime d'assurance automobile? Le député de Rosemont sera-t-il poursuivi? Le député de Rosemont risque-t-il, à un moment donné, d'être appelé par ses pairs à l'Assemblée nationale, à la commission de l'Assemblée nationale pour avoir violé une loi de l'Etat? Qu'est-ce qui arrive?

Mme Payette: M. le Président, mes deux réponses étaient claires. Si le député de Rosemont veut aller chercher ses plaques le 3 janvier, il n'y en aura pas à ce moment-là dans les caisses populaires, cela commence le 9. Il devra donc y retourner le 9. Le 9, s'il va chercher ses plaques d'immatriculation, il devra acquitter toute la facture, c'est-à-dire y compris l'assurance automobile, mais le député de Rosemont aura le choix de se présenter à la caisse populaire et il est libre de le faire, seulement entre le 1er mars et le 1er avril.

M. Roy: Si je comprends bien, cela veut dire que le gouvernement va commencer à percevoir la prime, de façon obligatoire, à partir du 9 janvier.

Mme Payette: Ce n'est pas de façon obligatoire, c'est pour ceux qui le veulent, puisque, le 1er mars, on percevra également.

M. Roy: La personne ne sera pas obligée d'aller chercher ses plaques d'immatriculation le 9 janvier. Je pense qu'on joue sur les mots à ce moment-ci. Ce sont des choses que je sais depuis fort longtemps.

Mme Payette: Tant mieux, cela en fait un qui est informé.

M. Roy: Je sais cela depuis fort longtemps. Ce que je veux savoir...

M. Lalonde: C'est encore jouer sur les mots.

M. Roy: ... c'est si ce sera possible pour une personne d'obtenir ses plaques d'immatriculation au mois de janvier sans avoir à payer la facture de l'assurance automobile du Québec?

Mme Payette: Non, sauf que si cette personne ne veut pas payer son assurance automobile, elle peut se présenter entre le 1er mars et le 1er avril.

M. Fontaine: En vertu de quel pouvoir allez-vous faire cela? Est-ce que la loi va vous le permettre?

Mme Payette: Mais oui, la loi nous le permettra.

M. Lalonde: Cela veut dire que les 6 millions de députés de Rosemont vont choisir d'aller chercher leurs plaques à partir du 1er mars, pour ne pas payer cela d'avance.

Mme Payette: M. le Président, il y a beaucoup...

M. Lalonde: Vous allez réduire de deux mois le délai d'achat des plaques. Les Québécois ne sont pas des cartes.

Mme Payette: Je crois que le député oublie que beaucoup de citoyens achetaient leurs plaques par courrier auparavant. Il y a d'autres systèmes qui ont existé, qui existent encore et qui font que certaines personnes préfèrent acheter avant et d'autres attendent le 1er mars.

M. Lalonde: Etant donné qu'il faut payer maintenant avec la réception de la plaque, cela veut dire que la réaction du consommateur est écrite dans la loi. Aucun, volontairement, ne va aller payer sa plaque avant le moment nécessaire. Cela veut dire que tout le monde va aller chercher sa plaque vers le 30 avril. J'ai hâte de vous voir là, en ligne.

M. Laberge: Ceux qui achètent...

Mme Payette: On compte sur votre collaboration.

M. Laberge: Je répondrais là-dessus que, depuis des années, on doit payer nos plaques d'assurance automobile avant le 28 février, et combien de gens les commandent par la poste dès le 15 décembre en envoyant leur chèque!

M. Lalonde: II y a la prime en plus.

M. Laberge: C'est déjà $50, $55 et $60, et les gens l'envoient trois mois avant que ce ne soit échu.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'aimerais poser une autre question à Mme le ministre. Est-ce que le ministère est beaucoup plus avancé qu'il ne l'était et est-on en mesure d'informer les membres de la commission parlementaire en ce qui a trait à la tarification qui va être imposée aux propriétaires de véhicules automobiles?

Mme Payette: M. le Président, les travaux continuent. Le député de Beauce-Sud ne peut pas penser un seul instant que nous n'avons pas intérêt à ce que ces chiffres soient connus le plus rapidement possible, si bien que, dès qu'ils seront disponibles, nous serons heureux de les faire connaître à la commission et au public.

M. Roy: Quand le ministre prévoit-il faire connaître ces chiffres à la commission et au public?

Mme Payette: M. le Président, dès qu'ils seront prêts.

M. Roy: Quand le ministre prévoit-il que ces chiffres seront prêts?

Mme Payette: M. le Président, quand les fonctionnaires auront terminé leurs travaux.

M. Roy: Je m'attendais à ces réponses, je ne suis aucunement surpris ni aucunement vexé. Je viens d'avoir encore une preuve ce matin que nous nageons dans l'aventure la plus complète. Mme le ministre a répondu tout à l'heure aux questions de mes collègues. Elle a dit qu'elle visait un accord entre les deux régimes, entre les assureurs et la Régie d'Etat, ce qui n'est pas fait. On n'est pas au courant non plus si les caisses populaires vont accepter en totalité d'offrir ce service à la population, c'est-à-dire si elles vont accepter l'imposition gouvernementale d'offrir ce service à la population. On parle de discussions avec le gouvernement fédéral. Je sais que c'est extrêmement long.

La semaine dernière, on a parlé de rencontrer les assureurs en vue d'étudier certaines modalités et en vue de faire fonctionner le régime. On a dit ce matin qu'on prenait en considération les remarques de nos invités ici présents en commission parlementaire, ce qui est très bien. Je suis bien d'accord qu'on prenne les remarques en considération. D'ailleurs, la commission parlementaire siège justement pour permettre aux personnes et à ceux qui se donnent la peine d'étudier cette question de faire des suggestions à la commission, d'éclairer les membres de la commission, le gouvernement et le ministre responsable.

Alors, on prend note des suggestions, 50 jours avant, ou à peu près, c'est-à-dire à moins de 80 jours avant d'imposer cela au public. Ce qui me fait dire encore une fois que le gouvernement n'est pas prêt, que le gouvernement ne sera pas prêt. On se lance dans l'aventure. Si les députés acceptent le projet de loi en deuxième et en troisième lectures sans avoir toutes ces données et toutes ces coordonnées, je dis, et je le dis à l'intention de Mme le ministre, qu'on va manquer gravement à nos responsabilités de législateurs sérieux.

Le Président (M. Boucher): M. le député...

M. Roy: Je veux remercier ceux qui sont venus devant nous, peut-être m'excuser de les avoir retenus un peu plus longtemps. Je pense que c'est quand même important que ces questions soient posées au gouvernement et posées à l'honorable ministre.

Le Président (M. Boucher): Compte tenu du temps et vu qu'il ne reste qu'un quart d'heure, M. le député de Rosemont et M. le député de Marguerite-Bourgeoys ont demandé de prendre la parole. M. le député de Pointe-Claire, je vous ferais remarquer qu'il reste un quart d'heure et que nous avons un autre mémoire à recevoir.

M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Je ne pense pas qu'on entende l'autre mémoire ce matin, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les membres de la commission seraient prêts à prolonger la séance cet après-midi? Disons que nous allons terminer ce mémoire et...

M. Shaw: Le deuxième mémoire doit être gardé jusqu'à demain?

Le Président (M. Boucher): Est-ce que les invités de la Commission des services juridiques seraient prêts à revenir...

M. Fontaine: Je demanderais aux fonctionnaires, M. le Président, de se fermer la boîte, en arrière. Ce n'est pas leur affaire.

Mme Payette: M. le Président, je demanderais au député d'être poli avec les gens qui m'entourent.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît!

Est-ce que les gens de la Commission des services juridiques seraient prêts à revenir un autre jour?

Une Voix: Nous sommes à la disposition de l'assemblée.

M. Roy: On vous remercie de votre collaboration et de votre générosité surtout.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais d'abord dire à nos invités que je suis en accord presque complet sur la plupart des éléments de

leur mémoire, particulièrement quant à l'analyse qu'ils font des indemnités prévues par le régime.

Je relève une phrase en début: "Nous souhaitons que le régime suggéré par le projet de loi 67 ne soit, à plus ou moins brève échéance, qu'une étape transitoire vers l'étatisation complète de l'assurance automobile avec un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité".

J'ai de la difficulté à concilier ça avec la réponse que vous faisiez au député de Beauce-Sud tout à l'heure. Il vous demandait de choisir entre le régime proposé et un régime sans égard à la responsabilité, mais remis aux compagnies privées. Vous avez dit, je pense, que vous préféreriez un régime unique, contrôlé par l'entreprise privée.

M. Masse: M. le député, compte tenu du fait que le gouvernement refuse l'adoption d'un régime global de responsabilité sans faute administré par l'Etat, si j'ai le choix entre les deux autres solutions, ou le régime mixte compliqué que l'on a devant nous, ou un régime qui respecte le rapport Gauvin, soit un régime de responsabilité globale sans faute administré par les assureurs privés, à titre personnel, dans le cas de ces deux dernières positions, je choisirais le rapport Gauvin.

Maintenant, le régime de base...

M. Paquette: Vous dites, en somme: que si la réforme n'est pas une étape, mais une réforme définitive, vous préféreriez un régime unique remis aux entreprises privées?

M. Masse: Non, si j'ai le choix entre les trois solutions, je préférerais un régime global remis à l'Etat, mais les hypothèses soumises par la question de M. Roy étaient que si ça ne se produit pas — si je me souviens bien — si on avait un choix entre le régime administré par les assureurs privés et le régime mixte, personnellement, je préconiserais le régime global.

M. Paquette: Bon! Maintenant, j'aimerais vous amener à préciser...

M. Masse: Je suis encore traumatisé par des événements récents — je m'en excuse — et je ne fais de relation d'aucune sorte.

M. Paquette: J'aimerais vous amener à préciser votre pensée sur ce choix que vous faites. En supposant qu'il y ait seulement deux hypothèses, le régime actuel et un régime uniquement administré par l'entreprise privée, il y a quand même un certain nombre de problèmes. On a mentionné le rapport Gauvin tantôt.

Le rapport Gauvin disait quand même que l'étatisation permettrait une économie supplémentaire de 3%, en supposant que 16 ou 17 autres mesures soient prises. Il y a également un problème. Est-ce qu'il n'est pas préférable que les $385 millions soient administrés par l'Etat plutôt que par les entreprises privées, particulièrement le fonds de $200 millions qui devra être mis en réserve et investi par la Régie de l'assurance automobile en vue de payer les indemnités prévues au projet de loi? N'est-il pas préférable que ce montant soit contrôlé par l'Etat, c'est-à-dire, en principe, par nous tous, que de le laisser aux entreprises privées?

M. Masse: Encore une fois, je pense qu'il est clair que nous favorisons un régime global, contrôlé totalement par l'Etat, avec l'aide des courtiers d'assurances qui pourraient rester des intermédiaires. Là-dessus, je pense qu'on est d'accord; encore une fois, je tiens à préciser que le choix que je faisais entre les deux régimes, c'était dans l'hypothèse où l'on supprimait la première possibilité.

M. Paquette: Même dans ce cas, est-ce que vous... Sur quoi vous basez-vous pour faire ce choix?

M. Masse: Dans la réponse que je dois faire à la question que vous avez formulée, le coût du régime n'égale pas nécessairement, de façon totale, le coût pour les assurés. Un régime mixte peut apparaître moins coûteux en apparence, sauf qu'un régime mixte peut se révéler tellement compliqué que les consommateurs peuvent avoir à se déplacer à plusieurs reprises, perdre une demi-journée de travail pour aller voir un assureur privé, faire des démarches considérables s'ils ont une réclamation, s'engager un avocat en plus pour comprendre le régime dans le cas où il est mixte et compliqué, de sorte qu'en apparence le régime au plan gouvernemental apparaît moins coûteux, mais le coût social pour les consommateurs peut — c'est une hypothèse — être plus considérable. C'est la raison pour laquelle, à titre tout à fait... On n'a pas fait d'étude là-dessus, des études coûteraient plusieurs dizaines de milliers de dollars et des années de travail; on a une impression qui reste intuitive là-dessus, mais, encore une fois, la seule réponse que je peux donner à votre question, c'est le fait qu'on peut avoir l'intuition que les coûts pour les consommateurs n'égalent pas nécessairement et uniquement la prime qu'ils vont payer à l'Etat.

M. Paquette: Oui, mais le coût supplémentaire pour le consommateur serait lié, selon vous, aux démarches multiples. Voyez-vous d'autres sources de difficultés parce que le régime est mixte? Parce que celle-là, il y a peut-être moyen de la régler; on peut songer peut-être à revoir le rôle des courtiers; s'il y a un seul intermédiaire entre l'assuré et les différents régimes qui existent, ce coût social pour l'assuré est réduit d'autant.

M. Masse: A ce moment, il resterait à savoir si le gouvernement est prêt à confier aux estimateurs d'assurance ou aux assureurs privés le rôle d'intermédiaires entre les victimes et la régie.

M. Paquette: Ce que je vous dis c'est que ce n'est pas relié à la mixité du régime mais plutôt, l'objection que vous amenez n'est pas liée à la mi-

xité du régime comme à la façon dont la mise en marché se fait. Est-ce que vous voyez d'autres difficultés causées par le régime mixte?

M. Masse: En dehors des déplacements considérables que ferait l'assuré pour prendre sa police et pour prendre sa réclamation, des délais d'avocats et des coûts d'avocats encourus possiblement par une méconnaissance du régime compliqué, personnellement je n'en vois pas d'autres; mais enfin, ceux-là seulement m'apparaissent assez considérables.

M. Paquette: D'accord. Toujours sur cette question de pouvoir avoir un impact éventuel sur les coûts, parce que je ne reviens pas sur les indemnités, vous nous dites, en gros, pour la majorité des gens, bien qu'il y ait des exceptions, cela va être plus généreux que maintenant. Si je comprends bien, vous nous faites des recommandations pour améliorer le régime, qui sont extrêmement intéressantes. Donc, je reviens sur la question soulevée par le député de Beauce-Sud concernant le contrôle des coûts. Vous nous avez parlé des pouvoirs du surintendant des assurances. En fait, votre demande concernant la publication des résultats, je pense, est satisfaite par le projet de loi puisque le rapport va être déposé et donc va être porté à la connaissance des media. Je me posais également des problèmes là-dessus quand j'ai écouté le témoignage du Bureau des assurances du Canada qui nous disait: Avec l'introduction du régime étatique pour les dommages corporels, nous allons — je pense qu'ils ont dit cela textuellement — réduire nos primes de 25% à 30%. Ce n'est absolument pas suffisant si on pense que le corporel occupe 35% des primes perçues.

Vous avez parlé de l'article 179. Est-ce que vous jugez que l'article 179 est suffisant? Est-ce que cet article oblige l'assureur, comme mesure transitoire, à réduire, au troisième alinéa, la prime prévue? La prime prévue, à l'égard de ce contrat, doit être ajustée en conséquence des montants que les assureurs se voient retirés par la régie d'Etat. Est-ce que vous trouvez qu'il y a suffisamment de garanties dans le projet de loi pour que les assureurs réduisent leurs primes en fonction de ce que les gens vont payer en moyenne à la régie d'Etat?

M. Masse: Si je comprends bien, M. le député, il y a deux questions dans votre intervention. Il y a d'abord le fait de savoir si les assureurs, et je ne suis pas un actuaire pour juger de leurs coûts et de leurs risques, si les assureurs devraient baisser leurs primes d'autant que ce qui est visé par les dommages corporels. Là-dessus, la simple réflexion que je voudrais faire c'est qu'ils ont des frais fixes. Peu importe qu'ils couvrent une partie ou la totalité des dommages, ils vont toujours avoir des locaux à payer qui sont substantiellement les mêmes que s'ils couvrent la totalité ou même une partie.

Je ne suis pas du tout là pour dire qu'ils ont raison ou les défendre, mais je pense que le problème peut être plus compliqué.

Deuxièmement, vous me demandez si l'article 179 est suffisant, je pense qu'il offre une garantie à l'effet que les assureurs vont faire une diminution des primes déjà versées, mais on ne sait en aucune façon sur quelle base cette diminution sera faite. Personnellement, je répondrais non à votre question, je pense que l'article 179 n'accorde pas assez de garantie.

Si on pense seulement aux milliers d'assurés sur le marché du Québec, une perte par assuré de $10 seulement peut se répercuter en des millions de dollars de perte sur le marché commercial. Encore une fois, c'est la loi des grands nombres. Là-dessus, je pense qu'on doit s'y intéresser.

M. Paquette: Est-ce que vous considérez que les pouvoirs du surintendant des assurances ou d'un autre organisme devraient être augmentés? Devrait-on aller jusqu'à une certaine possibilité de donner, par la loi, à un organisme quelconque, les pouvoirs de contrôler les primes d'assurances?

M. Masse: Ce serait le même genre de mécanisme que d'instaurer une régie pour le prix du lait, les transports ou les services essentiels. D'abord, les assurances m'apparaissent comme un régime, un besoin essentiel, surtout lorsque l'assurance est rendue obligatoire. C'est essentiel. Vous me demandez si on devrait instaurer un régime bureaucratique relativement compliqué pour que le surintendant des assurances puisse dire à telle compagnie: Non, sur tel type de risque, vous demandez $245, vous devriez exiger $180. C'est le seul choix qu'on a. Ou on donne au surintendant des assurances, comme le fait le projet de loi, un pouvoir d'information et de pression morale, ou on lui donne un pouvoir véritablement d'intervenir, au pire, devant les tribunaux. C'est un choix politique.

Personnellement, de façon transitoire, en tout cas, je verrais très bien que le surintendant des assurances puisse contester la fixation des primes aux assurés qui peuvent difficilement trouver un risque ou une prime ou une assurance sur le marché actuel. Il y a un article que le surintendant des assurances peut, avec la Corporation des assureurs, s'assurer qu'un assuré trouve une police quelque part. Sauf qu'on ne dit pas si ce sera à un prix raisonnable.

Tous les automobilistes ayant l'obligation d'être assurés, la compagnie d'assurances pourrait très bien dire à quelqu'un: On va vous assurer pour $2000, $3000 ou $4000. On est prêt à le faire à ce montant. Mais dans ce cas, c'est un coût qui n'apparaît pas raisonnable, qui aurait pour effet de faire perdre à la personne qui gagne peut-être sa vie avec l'automobile, son métier ou la possession de son automobile, puisque l'assurance est obligatoire. Dans ce cas spécial des mauvais risques, autrement dit, on pense que le surintendant devrait avoir un pouvoir de s'assurer, à titre exceptionnel,

que les primes qui sont exigées, les mauvais risques, soient raisonnables.

Maintenant, on ne peut pas aller, dans la loi, à mon sens, plus loin que ça.

On ne peut pas commencer à s'embarquer dans une tarification qui peut dépendre d'un règlement.

M. Paquette: Mais, par exemple...

Le Président (M. Boucher): Je m'excuse. Compte tenu de l'heure, je suis obligé de demander si les membres de la commission sont d'avis de continuer ou d'ajourner immédiatement.

M. Lalonde: Ecoutez, M. le Président, j'avais l'intention de poser quelques questions. Etant donné qu'on doit ajourner à midi, je ne pourrai pas le faire.

Le Président (M. Boucher): D'accord.

Mme Payette: M. le Président, je tiens à signaler que nous aurions été d'accord pour continuer quinze ou vingt minutes, pour permettre à l'Opposition de poser ses questions si elle le désirait.

M. Lalonde: Je ne peux pas avoir le consentement unanime.

M. Paquette: Vous avez un caucus?

M. Fontaine: C'est cela, M. le Président. On a pris des engagements puisque, normalement, on ajourne à midi. C'est difficile..

Le Président (M. Boucher): Alors, il n'y a pas de consentement sur la prolongation. Je dois remercier, au nom de tous les membres, le groupe de recherche en consommation de l'université de Montréal pour la présentation de son mémoire. On m'informe que l'autre groupe serait prêt à revenir demain, à dix heures. On lui donnera la priorité, à l'ordre du jour de demain. Les autres organismes convoqués, pour l'information des membres, sont les suivants: W.F. Gough, à titre personnel; M. Maurice Renaud, à titre personnel; la Royale du Canada; la Corporation professionnelle des médecins du Québec et la Fédération des physiothéra-peutes en pratique privée du Québec. Ces organismes pourront être entendus demain, à compter de dix heures.

M. Shaw: M. le Président, une question, s'il vous plaît! Nous avons vécu une situation, ce matin, avec un témoin qui représente un point de vue... Nous avons deux groupes qui ont demandé de venir ici aujourd'hui. C'est impossible, pour tous ceux qui représentent l'Opposition, de faire des interventions à cette table.

Je crois que, même avec la liste que vous avez pour demain, cela va être impossible. Nous avons besoin de savoir à l'avance si ces gens vont être témoins demain et s'ils vont avoir assez de temps pour être interrogés par tout le monde. Si nous avons trois séances demain, nous aurons combien de...

Le Président (M. Boucher): II y a cinq mémoires, plus celui d'aujourd'hui. Cela ferait six mémoires.

M. Shaw: Cela va être impossible.

Mme Payette: M. le Président, les mémoires, au nom des individus, sont des mémoires extrêmement courts. Il s'agit d'une page ou deux, tout simplement. Après évaluation des travaux que nous avons derrière nous jusqu'à maintenant, il nous paraissait absolument possible, sans bousculer qui que ce soit — je pense que personne ne peut dire qu'il a été bousculé dans cette commission — de passer à travers ces documents, surtout que deux mémoires sont particulièrement courts.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, il reste qu'on ne peut pas prévoir la longueur ou le temps consacré à un témoin simplement sur la base du nombre de pages de son mémoire. Je pense que l'intervention du député de Pointe-Claire est pertinente. On a vu, dans d'autres commissions parlementaires, le même problème où on invitait cinq ou six personnes ou groupes et où on en laissait trois ou quatre en plan. Je pense qu'il y va de la responsabilité, de l'honneur même de la présidence, enfin de ceux qui invitent — ce n'est pas la commission, c'est peut-être fait au nom de la commission, mais c'est hors de notre connaissance — les témoins, de faire en sorte qu'il n'y en ait pas trop chaque jour, pour qu'on ait le temps de consacrer tout le temps nécessaire à un mémoire. Souvent, il peut y avoir un mémoire de trois pages qui soulève des questions, des interventions qui durent une heure ou deux, comme on l'a vu ce matin, un mémoire particulièrement cohérent — permettez-moi de profiter de cette minute — et particulièrement lucide, comme celui que vous avez soumis. J'aurais beaucoup aimé préciser ma pensée là-dessus. Cela ouvre la porte à des questions. C'est pour cela que l'intervention du député de Pointe-Claire est très pertinente et je vous suggérerais peut-être de réviser la liste et de la raccourcir.

M. Paquette: M. le Président, j'aimerais ajouter également que je suis d'accord avec la remarque du député de Pointe-Claire et que, non seulement du côté de l'Opposition, mais de notre côté, on avait encore des questions à poser à ce groupe et on n'a pas pu le faire.

Vous serait-il possible — je n'ose pas le suggérer, c'est seulement une question — de revenir demain?

M. Masse: Nous sommes à la disposition la plus complète de la commission.

M. Lalonde: Cela prendrait seulement quel-

ques minutes. Je n'aimerais pas vous retenir toute la journée.

M. Masse: Cela me fera un plaisir de répondre à vos questions, privément ou publiquement. Je suis à votre disposition la plus entière.

M. Lalonde: Est-ce que ce serait le désir de la commission?

M. Shaw: Moi aussi, j'ai des questions à poser.

Le Président (M. Boucher): Est-ce qu'il y aurait possibilité?

Mme Payette: M. le Président, je n'ai pas d'objection. Je n'ai plus de questions, mais j'ai un grand respect de la liberté de mes collègues.

Le Président (M. Boucher): Demain, vous pourriez revenir à 10 heures? On vous mettra sur la liste en plus du groupe des services juridiques. La commission ajourne ses travaux à demain, en fait, sine die.

(Fin de la séance à 12 h 7)

ANNEXE

Mémoire

du Groupe de recherche en consommation

de l'Université de Montréal

sur le Projet de loi 67 sur l'assurance automobile

Mémoire présenté à la Commission parlementaire des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières

Septembre 1977 Mise en garde

La position sur le projet de loi en matière d'assurance automobile que nous vous présentons est celle du Groupe de recherche en consommation et n'engage en aucune façon la Faculté de droit ou l'Université de Montréal.

Remarques Préliminaires

TeJ que souligné dans notre mémoire présenté en mai dernier sur le Livre bleu du Ministère intitulé "Pour une réforme de l'assurance automobile", nous croyons que la solution la plus apte à répondre aux besoins des consommateurs du Québec est l'étatisation complète de l'assurance automobile avec l'adoption d'un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité. Nous craignons quant à nous que le régime proposé par le projet de loi 67 multiplie les coûts, complique la situation juridique qui est faite aux consommateurs et les remette sans défense aux mains des assureurs en ce qui a trait à la fixation des coûts de couverture des dommages matériels, puisqu'une telle couverture devient maintenant obligatoire et que l'on n'entend pas donner au Surintendant des assurances un contrôle véritable en matière de tarification.

Une dualité de régime est selon nous impraticable comme solution permanente. Compte tenu toutefois de l'impossibilité pour la Régie de prendre en main la couverture des dommages matériels pour mars prochain, nous souhaitons que le régime suggéré par le projet de loi 67 ne soit à plus ou moins brève échéance qu'une étape transitoire vers l'étatisation complète de l'assurance automobile avec un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité.

Cela étant dit, le gouvernement a fait des choix politiques clairs dans le projet de loi 67 en ce qui a trait à l'adoption d'un régime mixte, ce sont des choix que nous respectons et qui sont conformes aux propositions faites dans le Livre bleu. Nous n'entendons donc pas soulever ici encore une fois le débat de fond en ce qui a trait à la dualité de régime et nous voulons faire des commentaires sur le projet de loi 67 tel qu'il se présente à nous.

Nous voulons souligner d'abord que de façon générale le projet de loi sur l'assurance automobile constitue une très nette amélioration par rapport à la situation actuelle. Ce projet de loi est novateur et généreux à plusieurs égards, il possède le mérite incontestable de refléter une préoccupation sociale qui s'attaque aux vrais problèmes posés par les accidents de la route, soit l'indemnisation des victimes.

II s'agit là d'une initiative courageuse compte tenu des expériences passées et des pressions qui sont faites par certains milieux d'affaires pour casser cette volonté politique. Sans négliger les problèmes qui seront causés notamment aux courtiers d'assurance et aux avocats, problèmes qui méritent sans aucun doute la mise sur pied de programmes spéciaux d'assistance, il nous semble que c'est à bon droit que le projet de loi présenté se préoccupe d'abord de la situation qui est faite aux principaux intéressés que sont les consommateurs.

Nous voulons souligner enfin, à titre de remarque générale, l'excellente rédaction du projet de loi. Le projet nous semble très bien rédigé et apporter une solution à plusieurs problèmes d'interprétation juridique causés par la mauvaise rédaction de certains textes actuels.

1- Régime juridique relatif à l'indemnisation des dommages corporels

Le projet de loi 67 opte pour l'indemnisation du dommage corporel sans égard à la faute. C'est là un choix social que nous approuvons sans réserve. Les recherches antérieures faites notamment par le Comité d'étude sur l'assurance automobile (Comité Gauvin) et une étude objective de la situation juridique actuelle qui est faite aux victimes d'accidents d'automobiles ont démontré les très graves lacunes dont souffre le présent régime.

Une grande partie des problèmes rencontrés en matière de responsabilité automobile au Québec viennent de ce que l'on a voulu faire jouer un rôle d'indemnisation des victimes de la route à un système juridique qui a pour principal objectif de punir en quelque sorte l'auteur du dommage en lui faisant supporter les conséquences de son comportement fautif, avec pour résultat que plusieurs victimes sont laissées sans indemnisation dans les cas où aucune faute n'est imputable à l'automobiliste défendeur. Les recherches faites sur la question démontrent qu'au Québec 28% des victimes d'accidents de la route n'ont droit à aucune indemnisation et que 6% n'ont droit qu'à une indemnisation partielle. Nous croyons quant à nous qu'il est temps de mettre fin à cette situation scandaleuse.

Il y a à l'heure présente une incompatibilité entre les deux objectifs que représentent l'indemnisation des victimes et la punition de la faute. Il fallait faire un choix entre l'un ou l'autre et c'est à bon droit que le projet de loi opte pour le premier.

Nous croyons qu'il serait injuste cependant de faire supporter par le seul automobiliste qui n'est bien souvent que l'occasion de la survenance d'un dommage corporel, la compensation du dommage souffert par les victimes. C'est toute la collectivité des automobilistes qui doit assurer la compensation des dommages causés par ce risque social que représente l'utilisation de l'automobile. La meilleure façon de pénaliser celui qui se rend responsable d'un comportement de négligence, ce n'est pas de le priver de la compensation des dommages corporels dont il peut souffrir. La répression des fautes et des négligences criminelles doit être laissée selon nous au Code de la route et au Code criminel qui peuvent écarter les automobilistes dangereux et les pénaliser tout en laissant au droit civil sa fonction qui est de réparer les dommages. Les choix effectués par le projet de loi endossent cette approche et nous vous en félicitons.

Au titre de la couverture du dommage corporel, le projet de loi propose plusieurs dispositions qui nous apparaissent opportunes: a)tous les dommages corporels ainsi que les dommages aux vêtements sont couverts (article 1, al. 11 et 12): b)toute persone résidant au Québec peut obtenir une compensation pour ses dommages corporels sans égard à la responsabilité, que l'accident ait eu lieu au Québec ou à l'étranger (article 6); c) la notion du dépendant et de conjoint est étendue pour couvrir toute personne qui dépend économiquement de la victime (art. 1, al. 20) et toute personne qui vit maritalement avec elle (art. 1, al. 7 et art. 9); d)tout accident d'automobile, qu'il ait lieu sur la voie publique ou en dehors de celle-ci, donne lieu à une compensation du préjudice corporel sans égard à la responsabilité; e) une personne qui a effectué des dépenses pour venir en aide à une victime ou pour lui assurer des funérailles décentes peut recevoir l'indemnité à laquelle aura droit la victime (art. 11); f)le délai de prescription qui est d'un an à l'heure présente en matière de dommages corporels (art. 2262, al. 2 du Code civil) ou en matière de décès (art. 1056 du Code civil) est porté à trois ans pour les recours de la victime contre la Régie (art. 16).

Ces propositions améliorent de façon radicale la situation qui est faite présentement aux victimes de dommages corporels et sont de nature à accélérer l'octroi des compensations.

Nous voulons toutefois faire certaines réserves à l'égard des relations qui pourront exister après l'adoption du projet 67 entre le mode de compensation des accidents de travail et la compensation des dommages découlant des accidents de la route. Le régime proposé dans ce dernier cas sera de loin plus généreux que ce qui est accordé à l'heure présente en vertu de la Loi des accidents du travail. Il ne nous apparaît pas équitable socialement que la victime d'un accident de travail soit moins bien indemnisée

pour un préjudice corporel identique que ne l'est la victime d'un accident de la route. Le travailleur paie indirectement par son travail la plus grande partie des fonds qui servent à indemniser les victimes de ce secteur d'activités. Partant, il ne nous apparaît pas souhaitable socialement de distinguer entre sa situation et celle de l'accidenté de la route. Il y a là une source d'injustice qui milite en faveur de l'intégration des deux régimes dans les plus brefs délais. Si la prise en charge complète par l'Etat d'une couverture adéquate des dommages corporels résultant des accidents de la route apparaît comme souhaitable socialement, cela devrait être encore plus vrai à notre sens pour ceux qui sont les victimes d'un travail exercé au bénéfice de la collectivité.

II- Régime juridique relatif aux dommages matériels

Même si elles n'apportent pas les solutions que nous aurions souhaitées en matière de couverture des dommages matériels, les propositions de réforme présentées par le projet de loi 67 marquent à cet égard une très nette amélioration de la situation actuelle: a)le projet de loi clarifie en son article 97 la présomption de faute qui est présentement imposée au propriétaire du véhicule et à son conducteur en vertu de l'article 3 de la Loi d'indemnisation des victimes d'accidents de la route adoptée en 1961 ; b) la notion de cas fortuit qui permet présentement au propriétaire et au conducteur d'un véhicule qui cause un dommage de s'exonérer de leur responsabilité (voir à titre d'exemples les affaires Bertrand c. Anderson (1963) B.R. 523 et Robertson c. Penniston (1968) B.R. 826) serait clarifiée en faveur des victimes (art. 97 du projet); c) le projet de loi met fin à la controverse qui existe présentement sur le sens à donner à la notion de "vol" de l'article 3 de la Loi d'indemnisation. Le propriétaire d'un véhicule volé ne pourrait désormais repousser sa responsabilité qu'en prouvant qu'il a été la victime d'un vol au sens de l'article 283 du Code criminel (art. 1, al. 30 et art. 97, al. 2 du projet); d) le projet permet également de clarifier le sort de la présomption de faute imposée au propriétaire et au conducteur lorsque plusieurs véhicules sont impliqués. Le projet opte pour le cumul des présomptions, ce qui nous paraît excellent (art. 101 du projet); e) au titre du régime juridique qui existera en matière de dommages matériels, le projet 67 apporte une très nette amélioration en augmentant la responsabilité du transporteur public ou à titre onéreux (art. 102 du projet); f) enfin, le principe exposé à l'article 103 du projet à l'effet que le propriétaire d'un véhicule accidenté aura un recours direct contre son propre assureur et seulement contre celui-ci dans les cas régis par la convention d'indemnisation nous semble de nature à accélérer le processus de compensation et à stimuler une saine compétition entre les assureurs. On ne peut que souhaiter que les cas régis par la convention d'indemnisation dont la Corporation des assureurs autorisés aura la responsabilité et le contrôle soient les plus nombreux possible.

Nous croyons qu'il y a lieu toutefois, dans le cas de l'article 103, de clarifier les délais de prescription qui seront imposés aux victimes de dommages matériels. La victime de tels dommages ne connaîtra pas toujours quels sont les cas couverts ou non par la convention d'indemnisation et il se peut qu'elle fasse une réclamation à son propre assureur alors qu'elle devrait en réalité porter action contre le responsable de l'accident, risquant ainsi de ne pas respecter les délais de prescripticn en matière de dommages matériels qui sont à l'heure actuelle de deux ans à partir de l'accident (art. 2261, al. 2 du Code civil). La célérité avec laquelle l'assureur de la victime répondra à sa réclamation, pour lui signifier notamment que sa réclamation n'est pas couverte par la convention d'indemnisation et qu'il doit porter action lui-même contre le défendeur, devient dans ce cas un élément déterminant. Pour éviter que le défaut ou le retard de l'assureur à donner de tels renseignements ne fasse perdre à la victime son droit de réclamation, nous suggérons que la signification d'une réclamation à l'assureur constitue une interruption de la prescription contre le défendeur responsable dans les cas non couverts par la convention.

III- La fixation des indemnités en matière de dommages corporels

Au chapitre des indemnités, le gouvernement avait pour but explicite de compenser la perte économique subie par la victime d'un accident d'automobile et ses dépendants, et nous croyons que d'une façon globale le présent projet de loi rencontre cet objectif. L'utilisation simultanée dans le projet de loi de la notion de perte économique et du régime de compensation sous forme de rentes est de nature à accorder une compensation plus souple et plus équitable, c'est-à-dire plus proche de la perte économique réelle de la victime que ne le fait le régime actuel fondé sur l'octroi d'une compensation unique pour tous les dommages futurs de la victime. a) Les indemnités de remplacement

Dans la limite fixée par la loi, c'est-à-dire un revenu assurable maximum de $18 000, les indemnités de remplacement du revenu nous semblent justes et adéquates. Payées sous forme de rentes

bimensuelles et revalorisées régulièrement, ces rentes remplacent véritablement le salaire de la victime. De plus, la victime a la possibilité de recevoir un paiement capital (art. 12).

Il faut toutefois relever le cas de l'article 21. Cet article prévoit l'indemnisation de la victime étudiante de niveau post-secondaire si elle ne peut poursuivre ses études. On devrait également prévoir le cas où cet étudiant, bien que capable d'étudier, soit incapable par la suite d'exercer la profession à laquelle il se destinait. b) Les indemnités de décès

Les indemnités sont versées sous forme de rentes pour le décès d'un soutien de famille ou d'un conjoint et sous forme d'un capital pour les autres individus.

Les rentes nous semblent très équitables et justes dans la perspective de la conservation du revenu. Deux cas doivent cependant être signalés à l'attention de la Commission. Le premier est celui de l'article 37 (5) qui vise le cas du conjoint sans enfants. L'article 37, al. 5 prévoit en effet que le conjoint âgé de moins de 35 ans, sans enfants et qui n'est pas invalide, a droit à l'indemnité pendant une période de 10 ans seulement, alors qu'un conjoint de plus de 35 ans, placé dans la même situation, pourrait toucher une indemnité sa vie durant. Nous n'en comprenons pas la justification. Pourquoi cet âge de 35 ans? Serait-ce qu'on présume que 10 ans suffisent pour se refaire une vie quand on a moins de 35 ans, qu'en l'absence de décès les conjoints de moins de 35 ans auraient divorcé? Il nous semblerait plus juste de verser toute l'indemnité à ces conjoints, ou de soumettre tous les conjoints sans enfants à un même régime qui prévoirait la suppression de la rente ou sa diminution advenant la réalisation de certaines conditions.

L'autre cas est celui des conjoints séparés ou divorcés à qui le défunt versait une pension alimentaire, cas qui ne sont aucunement couverts par le régime. D'une part les conjoints séparés sont à l'heure actuelle couverts par l'article 1056 du Code civil et, d'autre part, les conjoints séparés ou divorcés qui reçoivent pour eux une pension alimentaire assument une perte économique. Il nous apparaîtrait juste de les assimiler tous deux de façon explicite à une personne à charge, tout comme l'enfant, de sorte que l'indemnisation qui leur serait accordée serait sujette à révision comme une pension alimentaire. c) Les autres indemnités

L'article 45 prévoit le versement d'un montant capital global ne dépassant pas $20,000 pour ce que les auteurs de droit appellent les dommages moraux, soit les souffrances physiques et morales de l'accidenté, y compris le dommage moral pour mutilation et préjudice esthétique, et les blessures. On doit attendre la réglementation avant de se prononcer sur ce point.

On note par ailleurs que la Régie remboursera les frais encourus et les frais médicaux. d) L'imposition des indemnités

Le projet de loi semble marqué par un oubli de taille et c'est celui qui a trait au principe voulant que les rentes versées ne soient pas sujettes à l'impôt. Si une législature provinciale ne peut les exempter de l'impôt fédéral, elle peut les exempter de ses propres impôts. Nous ne voyons aucune disposition à cet effet dans le projet de loi. Qu'en est-il de cette intention manifestée au Livre bleu? Dans les lois actuelles de l'impôt sur le revenu, seules les rentes versées par la Commission des accidents du travail sont exemptées. Si les rentes n'étaient pas exemptées par le projet, elles devraient être calculées en fonction du revenu brut de la victime et non en fonction de son revenu net.

IV — Procédure de réclamation et paiement des indemnités a) Modes de réclamation

L'article 54 du projet stipule que le réclamant doit présenter sa réclamation à la Régie. C'est par règlement que seront précisées les procédures à suivre et les informations requises. Ce n'est donc qu'à la lecture des règlements que nous serons en mesure de voir si le réclamant aura ou non à se perdre dans une paperasserie où seul un expert pourrait s'y retrouver. A ce sujet, nous ne pouvons qu'espérer que les modalités de réclamation seront à la portée de tous et que lorsqu'elles seront déterminées, elles feront l'objet d'une campagne d'information complète et soutenue.

L'article 55 reflète bien l'esprit qui a animé le gouvernement depuis qu'il a décidé de modifier le régime d'assurance-automobile. En effet, le fait que la Régie pourra décider de verser une indemnité dès que la demande lui paraîtra fondée "prima facie" démontre bien le souci du gouvernement d'éviter les délais indus de paiement qui menacent souvent l'équilibre budgétaire de la victime et de sa famille. Dans le contexte du "no fault", on peut croire que la majorité des demandes apparaîtront fondées "prima facie" dès que le réclamant aura produit les documents requis. Cependant, cette disposition prise comme telle ne nous apparaît pas suffisante car on n'impose nulle part de délais à l'intérieur desquels la Régie devra payer l'indemnité accordée avant sa décision finale sur le droit à l'indemnité, ni de délais

pour rendre sa décision au fond. Il serait souhaitable d'imposer un délai maximum dans les deux cas. Ces délais pourraient commencer à courir à partir du moment où le réclamant a fourni les documents qu'il doit joindre à sa réclamation, tout en tenant compte du délai accordé à l'employeur pour fournir une attestation de revenu (art. 61). L'imposition de tels délais nous apparaît fondamentale pour que les dispositions concernant la compensation des pertes économiques (ex.: art. 35) aient les effets positifs qu'ils sous-tendent, à savoir une compensation rapide des pertes économiques. b) Les obligations du réclamant

Le projet de loi traite de l'obligation imposée au réclamant. Les articles 69 et 72 prévoient que la Régie peut refuser, suspendre ou discontinuer le paiement des indemnités selon le comportement du réclamant. Les cas précis prévus à l'article 72 ne causent aucun problème puisque l'on y sanctionne la fraude, la fausse représentation, la négligence ou le refus de collaborer "sans raison valable". Cependant, le libellé de l'article 69 nous apparaît nettement trop large puisqu'il peut englober toute une série de comportements qui ne sont pas nécessairement repréhensibles mais qui peuvent être justifiés compte tenu par exemple des croyances religieuses ou l'état de la science. Il serait donc essentiel, soit de préciser le sens des mots "pratiques qui empêchent ou retardent sa guérison", ou tout au moins d'ajouter l'expression "sans motif valable". c)Le droit d'appel du réclamant

Le projet de loi accorde au réclamant un droit d'appel des décisions de la Régie devant la Commission des affaires sociales (art. 58). Nous croyons que l'on devrait donner une plus grande autonomie et des garanties d'une plus grande indépendance aux membres et aux assureurs de la Commission face à l'autorité gouvernementale. On devrait également revoir les règles de procédure de la Commission, notamment les règles de preuve, pour accorder aux réclamants de plus grandes garanties de traitement équitable et impartial qu'ils n'en possèdent actuellement. A titre d'exemple, nous croyons que le pouvoir général qui est octroyé à l'heure présente à la Commission "d'accepter tout mode de preuve qu'elle croit mieux servir les fins de la justice", pouvoir qui lui est accordé par l'article 25 de l'ordonnance relative aux règles de preuve de procédure et de pratique de la Commission (A.C. 5113-75, 19 novembre 1975, Rég. 75-584, 21 novembre 1975), est exorbitant et gagnerait grandement à être précisé dans le sens d'une meilleure protection des réclamants face à un pouvoir qui peut devenir arbitraire. A défaut d'effectuer ces modifications essentielles, nous croyons qu'un droit d'appel devrait être donné aux réclamants devant les tribunaux de droit commun, notamment la Cour Supérieure.

V— Le contrat d'assurance en matière de dommages matériels

L'article 81 qui traite des conditions et délais du contrat d'assurance nous apparaît mal formulé. Il semble que le principe quant aux motifs de résiliation soit énoncé au 2e paragraphe. Le 1er paragraphe serait à l'effet que dans les 60 premiers jours de la date d'entrée en vigueur du contrat il y a résiliation 5 jours après réception de l'avis et qu'après ces 60 jours le 3e paragraphe stipule que le contrat est résilié 30 jours après réception de l'avis. Si c'est vraiment là le sens qu'on a voulu donner à cet article, il faudrait le reformuler en exposant dans le 1er paragraphe les motifs où il peut y avoir résiliation et dans un second paragraphe préciser que les délais accordés pour qu'il y ait résiliation sont 5 jours et 30 jours selon le cas. De plus, la résiliation du contrat dans les 5 jours de la réception de l'avis ne devrait être possible que dans les cas de défaut de paiement et non pour les cas où il y a aggravation du risque dans les 60 premiers jours. Dans le cas du défaut de paiement, l'assuré est au courant de son retard et c'est à lui d'être diligent. Par contre, lorsqu'il y a aggravation du risque, il n'y a aucune raison qui justifie le fait que l'assureur puisse résilier le contrat dans un délai de 5 jours lorsque le contrat est en vigueur depuis 60 jours ou moins et qu'après ces 60 premiers jours, il soit tenu de donner un avis de 30 jours. Dans les deux cas, l'assuré devrait pouvoir profiter d'un délai de 30 jours de telle sorte qu'il puisse trouver un autre assureur qui accepte de l'assurer. Cette disposition s'impose surtout quand on sait que l'assurance contre les dommages matériels sera obligatoire.

L'interprétation de l'article 81 portant à confusion, nous espérons que l'interprétation que nous en avons faite correspond à l'esprit du législateur, car nous considérons que l'assureur ne devrait pas avoir le droit de résilier le contrat d'assurance dans les 60 premiers jours sans avoir à justifier sa décision compte tenu du fait que ledit contrat d'assurance est obligatoire et qu'à défaut de contrat, le consommateur est passible de sanctions fort sévères.

VI— Le fonds d'indemnisation

Les mesures du projet de loi relatives à la constitution du Fonds d'indemnisation des victimes d'un dommage matériel et des victimes d'un dommage corporel visé par l'article 17 b) du projet mettront fin pour l'essentiel aux principaux reproches qui sont faits à l'heure présente au mode d'opération du Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles. La procédure de réclamation est simpli-

fiée et, surtout, on ne limite pas le droit des victimes de recourir au Fonds comme le fait la loi actuelle. L'article 40 de la loi actuelle empêche en effet l'enfant ou le conjoint d'un débiteur insolvable de faire une réclamation au Fonds, ce qui nous apparaît être une situation inique et injustifiable à laquelle on aurait dû porter remède depuis 1961. L'article 130 du projet clarifie la situation. Ainsi, les enfants et le conjoint d'un automobiliste non assuré pourront recevoir de la Régie une compensation pour leurs dommages corporels et du Fonds d'indemnisation une compensation pour leurs dommages matériels sans que l'on tienne compte de leur lien de parenté avec l'auteur de l'accident.

L'article 39 de la Loi d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles qui régit présentement l'opération du Fonds d'indemnisation stipule que le simple fait pour une victime de faire une demande au Fonds lui transporte tous les droits du créancier (la victime) sans restriction. L'obligation du Fonds à l'égard de l'ensemble des victimes d'un même accident est limitée à $35,000 (articles 14 et 38 de la Loi d'indemnisation). Cette situation fait en sorte que la victime de dommages corporels et matériels équivalant par exemple à $100,000, doit donner au Fonds d'indemnisation une subrogation pour toute sa créance si elle veut recevoir une partie ou la totalité de la couverture de $35,000 (moins une somme de $200 à déduire dans le cas de dommages matériels, art. 38). Cette situation où la victime est amenée à subroger le Fonds d'indemnisation pour la totalité de sa créance est d'autant plus grave que l'obligation du Fonds envers elle est limitée à $35,000 pour un même accident, $35,000 à partager entre toutes les victimes d'un même accident au prorata de leur réclamation. On ne retrouve heureusement pas une telle disposition relative à la subrogation dans le projet de loi 67.

Il y aurait lieu toutefois de préciser la situation qui est faite au réclamant dans le cas où il possède par exemple une créance contre un automobiliste non assuré au sens de l'alinéa 2 de l'article 128 et où il demande une compensation du Fonds. Il y aurait lieu que le projet de loi précise que le Fonds sera subrogé aux droits de la victime jusqu'à concurrence de sa réclamation et que le réclamant garde un droit d'action contre le responsable du dommage matériel pour la différence entre le montant qui lui a été versé par le Fonds et le montant total de sa créance pour dommages matériels ou pour dommages corporels au sens de l'article 17b). C'est un droit qui est reconnu à l'heure présente aux travailleurs qui présentent une réclamation à la Commission des accidents du travail (articles 7 et 8 de la Loi des accidents du travail) et qui devrait être reconnu également aux réclamants du Fonds d'indemnisation projeté.

VII- La corporation des assureurs

Parmi les obligations qui sont imposées à la Corporation des assureurs, la Corporation doit voir à établir des centres d'évaluation agréés, chargés de faire l'évaluation des dommages causés aux automobiles (art. 153 du projet). Nous nous inquiétons quant à nous de la durée des délais qui seront impliqués pour les assurés par le recours des assureurs à ces centres d'évaluation sans pour autant remettre en cause le bien-fondé évident de la création de ces centres d'évaluation.

De plus, la Corporation des assureurs doit établir une convention d'indemnisation directe (art. 155 du projet de loi). Cette convention comporte des dispositions essentielles en ce qui concerne les dommages matériels puisqu'elle évitera le recours aux tribunaux et les longs délais. Cependant, cette grille ne sera rendue obligatoire pour les assureurs que dans la mesure où l'assentiment des assureurs autorisés qui perçoivent au moins 50% des primes brutes souscrites pour l'assurance-automobile au Québec aura été reçu. En cas de désaccord, les assurés se trouveraient grandement lésés sans avoir la possibilité d'intervenir. Nous souhaiterions que le gouvernement se réserve un droit de médiation dans ce cas.

La Corporation doit établir un mécanisme propre à permettre à tout propriétaire de trouver un assureur pour qu'il puisse se conformer à la loi. Compte tenu du caractère obligatoire de l'assurance et de l'absence de contrôle qui existera en matière de tarification, il y aurait lieu à notre sens que l'article 152 accorde au surintendant des assurances le droit d'intervenir pour vérifier que l'assureur autorisé qui s'offrira pour assurer un automobiliste qui en temps normal ne pourrait pas trouver d'assureur, le fasse à un coût raisonnable, sans quoi le droit que reconnaît l'article 152 risque de rester théorique.

VIII- Le surintendant des assurances

Le projet de loi traite des pouvoirs du surintendant des assurances en matière de données statistiques et de tarification. A ce chapitre, plus précisément à l'article 162, on prévoit le dépôt d'un manuel de tarifs par chaque assureur auprès du surintendant des assurances. Le surintendant peut exiger des justifications du manuel (art. 163). Il n'existe cependant aucun contrôle des tarifs et il s'agit là d'une lacune importante compte tenu du fait que l'assurance devient obligatoire. Le fait que toute personne qui en fait la demande puisse consulter le manuel des tarifs nous apparaît excellent. Nous souhaiterions que soit prévue une certaine diffusion de cette information sur les tarifs.

IX- Mesures transitoires et sanctions

Les articles 166 à 175 du projet de loi traitent des sanctions et suspensions. Dans l'ensemble, nous croyons que ces dispositions sont plus qu'adéquates pour décourager tout conducteur ou proprié-

taire de passer outre aux exigences de la loi. Nous avons toutefois une sérieuse réserve à faire au sujet de l'article 173 qui prévoit que la personne qui omet de présenter une attestation d'assurance lorsqu'elle y est tenue commet une infraction passible d'une amende d'au moins $200 et d'au plus $2,000. Cette disposition nous apparaît excessive lorsque la personne ne présente pas l'attestation parce qu'elle l'a par exemple oubliée à la maison ou l'a perdue depuis peu. Il y aurait peut-être lieu de prévoir la possibilité pour une personne dans une telle situation de corriger son oubli en présentant l'attestation par la suite. Il y aurait lieu par exemple de reproduire les dispositions du Code de la route (articles 27 et 67, al. 2) qui prévoient que l'inculpé qui produit son permis au moment du procès peut être condamné qu'aux frais.

Au titre des dispositions transitoires, nous souhaiterions enfin que soit précisé le dispositif de l'article 179 qui vise l'ajustement de la prime payée en trop par l'assuré en précisant sur quelles bases cet ajustement devra être calculé par l'assureur. Les assurés risquent autrement d'être livrés au seul arbitraire de l'assureur, ce qui n'est certainement pas un but recherché par le projet de loi.

Conclusions

Même si nous continuons à éprouver des craintes sérieuses à l'égard de la viabilité du régime mixte d'assurances proposé, nous voulons saluer le caractère très positif et novateur du projet de loi 67. Ce projet de loi constituera, s'il est adopté, une amélioration très nette de la situation qui est faite à l'heure actuelle aux victimes des accidents de la route. C'est pourquoi, nous appuyons, avec les réserves exposées ici, ce projet sur l'assurance-automobile.

Groupe de recherche en consommation Université de Montréal Septembre 1977

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