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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 20 octobre 1977 - Vol. 19 N° 210

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures dix minutes)

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et messieurs!

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est de nouveau réunie pour étudier le projet de loi no 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission pour ce matin sont M. Beauséjour (Iberville); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie); M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud).

M. Roy (Fabien): Présent.

Le Président (M. Boucher): Je l'attendais. M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt (Jonquière).

A l'ajournement hier, nous en étions au mémoire du groupe de l'Université de Montréal. Nous n'avions pas terminé. Les membres avaient exprimé le voeu que ce groupe revienne, ce matin, pour compléter les questions.

Je demanderais à M. Masse de bien vouloir prendre place.

M. Fontaine: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: ... je voudrais revenir sur une question. Hier, j'ai fait une certaine intervention concernant les fonctionnaires.

M. Paquette: J'avais la parole, à la clôture. Je peux bien revenir après mon collègue, mais j'étais au milieu d'une question.

M. Fontaine: C'est une question de règlement. M. Paquette: Je n'ai pas d'objection.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont avait la parole. Cependant, c'est une question préliminaire, que le député de Nicolet-Yamaska voudrait poser.

M. Paquette: Ah bon! d'accord. Très bien!

M. Fontaine: M. le Président, je voudrais revenir sur l'intervention que j'ai faite, hier, à propos des fonctionnaires. J'avoue que j'ai peut-être été un peu brusque vis-à-vis des fonctionnaires qui sont derrière les ministériels. On peut facilement accepter que les fonctionnaires interviennent sur des questions techniques et, le cas échéant, leur réponse apparaît au journal des Débats au nom du ministre. La présidence doit accepter difficilement qu'un fonctionnaire puisse intervenir sur la marche de nos travaux. C'était le sens de mon intervention, hier. J'avoue que j'ai été un peu brusque. Cela m'a piqué au vif, et je voudrais m'en excuser ce matin.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais dire au député de Nicolet-Yamaska que j'accepte ses excuses. Effectivement, il avait probablement raison sur le fond de son intervention. Je vais aller jusque-là aussi. L'exiguïté des lieux — c'est encore ainsi ce matin — crée une sorte de familiarité dans une commission parlementaire, qui ne se produit pas, en général, quand nous sommes au salon rouge. Je veux bien reconnaître que ça peut arriver. Le ton de son intervention était inacceptable. C'est simplement ce que j'ai voulu relever.

Le Président (M. Boucher): Je prends bonne note des observations du député de Nicolet-Yamaska.

M. le député de Rosemont.

Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal (suite)

M. Paquette: M. le Président, hier on était à discuter de la possibilité de contrôle au niveau des primes en ce qui concerne les assureurs privés. On en avait presque terminé là-dessus, mais il y avait une dernière question que je voulais vous poser. Vous avez dit que les articles du projet de loi étaient peut-être insuffisants à cet égard. Pensez-vous qu'on devrait procéder comme dans le domaine des communications où la compagnie Bell Canada doit se présenter devant un organisme du gouvernement fédéral pour faire augmenter ses tarifs? Devrait-on aller jusque là dans le cas de l'assurance, l'assurance étant un service essentiel, puisqu'on la rend obligatoire pour tout le monde?

M. Masse (Claude): Ce en quoi nous considérons que le mécanisme de tarification mis en place est en apparence insuffisant, c'est dans le cas des mauvais risques. La loi veut s'assurer que la Corporation des assureurs trouvera un assureur pour couvrir les mauvais risques, mais on ne dit en aucune façon à quel prix, ou même si le coût va être raisonnable. Dans ce cas il nous semble que si le surintendant des assurances, dans ce cas particulier, n'a pas le droit d'intervenir, ce droit d'obtenir de l'assurance de façon certaine risque d'être extrêmement théorique.

Sur le fond de la question, il y a finalement deux choix: Ou on laisse jouer le marché, la compétition entre les assureurs, ou on donne au surintendant des assurances un pouvoir de tarification, de contrôle des prix total, ce qui ne nous paraît pas souhaitable pour le moment. Mais ce qui nous paraît cependant souhaitable, c'est que l'on s'assure que les règles du marché jouent vraiment, que l'on assure la publication des tarifs des compagnies d'assurances et que l'on divulgue clairement, sur la place publique, les règles du jeu aux consommateurs pour que ceux-ci puissent marchander les primes d'assurances et les assurances entre les différents compétiteurs. Mais en aucune façon on ne suggère actuellement d'instaurer un mécanisme lourd avec un appareil bureaucratique où toutes et chacune des primes d'assurances, où tous les tarifs seraient contrôlés. Cela nous apparaît absolument inutile, d'autant plus que dans le cas de ces mécanismes, comme pour Bell Canada, il s'agit d'organismes monopolistiques ou quasi monopolistiques, ce qui n'est pas encore le cas, heureusement, en matière d'assurances.

M. Paquette: D'accord, c'est clair. J'ai une dernière question concernant la Commission des affaires sociales. Si j'ai bien compris votre mémoire, vous voudriez voir maintenu le droit d'appel à la Cour supérieure, mais dans certains cas seulement. Est-ce dans le cas où la régie se verrait dotée de certains pouvoirs discrétionnaires? Cela peut paraître plus indiqué qu'ailleurs.

M. Masse: Nous ne voyons pas pourquoi on limiterait les appels à la Cour supérieure pour des questions de droit seulement, même pour la fixation du quantum. C'est peut-être un peu vague dans notre mémoire à ce sujet-là. On voit un appel complet à la Cour supérieure, ou la détermination de règles beaucoup plus strictes sur l'indépendance des assesseurs actuellement de la commission et la fixation absolue de règles de procédure, pour protéger les assurés réclamants, pour protéger, par exemple, leur vie privée et, notamment, le secret professionnel de ceux qui vont être amenés à comparaître. Je pense qu'on peut être d'accord pour dire que l'article 25 actuel est tout à fait insatisfaisant et donne à la commission des pouvoirs tout à fait exorbitants, lui permet, finalement de faire absolument ce qu'elle veut en matière de règle de preuve à la commission.

M. Paquette: Pour bien saisir la nature de votre objection, c'est une discussion très longue qu'on a eue avec les représentants du Barreau également, si la Commission des affaires sociales devenait, par exemple, à la limite, un véritable tribunal administratif où les gens qui y siègent étaient en majorité ou en partie des juges de la Cour supérieure, donc un tribunal administratif spécialisé, est-ce que certaines de vos objections tomberaient? Parce qu'il y a aussi le problème des délais. Vous ne craignez pas que si l'appel à la Cour supérieure est possible dans tous les cas, on allonge considérablement les délais de cour et les frais de cour?

M. Masse: Ma première réaction là-dessus est une réaction personnelle. Rendons la Cour supérieure plus accessible, dotée d'une procédure plus rapide, avec des juges mieux équipés, dans certains cas plus assistés, et on va régler le problème. Si chaque fois qu'on se pose un problème de procédure à la Cour supérieure ou aux instances ordinaires, on leur enlève des juridictions entières, complètes, par exemple, les tribunaux familiaux, les assurances automobiles, le tribunal du travail, finalement, on risque de dégrader le rôle tout à fait essentiel du juge dans la société. Personnellement, je vois que, si on fait de la Commission des affaires sociales un organisme qui a le même statut que la Cour supérieure, qui a les mêmes règles d'indépendance, pourquoi ne pas remettre la juridiction à la Cour supérieure?

M. Paquette: Je pensais à la différence de composition de la Commission des affaires sociales et d'un tribunal comme le Tribunal du travail, par exemple. Il y a quand même un moyen terme entre les deux.

M. Masse: II ne fait pas de doute à nos yeux, M. Paquette, qu'il y a certains domaines...

M. Paquette: Je voulais dire que le principe de l'indépendance du judiciaire et du législatif est quelque chose d'extrêmement important. D'autre part, il y a une question d'efficacité aussi des tribunaux. Il y a peut-être moyen de combiner les deux préoccupations.

M. Masse: Cela ne nous paraît pas incompatible avec la juridiction de la Cour supérieure.

M. Paquette: Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais vous remercier, M. Masse, de l'intervention que vous avez faite hier.

C'est à cause de la qualité de cette intervention que j'ai exprimé le souhait que vous reveniez ce matin, non pas que je veuille repasser tout le témoignage que vous avez rendu à cette commission, mais c'est simplement pour souligner quelques points et vous poser quelques questions.

Tout d'abord, je pense que le député de Beauce-Sud l'a rappelé hier, les principales préoccupations des gouvernements, si on se rapporte au début de l'examen de cette question par les gouvernements, la commission Gauvin en est probablement le début, étaient au niveau de l'efficacité de l'assurance automobile, dans la mesure où le régime actuel n'assure pas une indemnisation complète et n'assure pas non plus une indemnisation rapide, et aussi, et beaucoup, les

coûts. Parce que c'est idéalement possible d'avoir le régime parfait, mais est-ce que la société serait prête à payer ce genre de régime d'assurance automobile parfait, mais qui coûterait cher?

Vous avez dit, je pense, quelque part hier, que le principal but n'était pas de diminuer les coûts. Je ne veux pas vous chercher noise là-dessus, je pense que votre préoccupation, comme groupe de recherche sur la protection des consommateurs, doit élargir la perspective de toute la question et aller jusqu'à l'efficacité du service, à la justice du système et même s'étendre aux coûts sociaux. Je comprendrais davantage que votre principale préoccupation ne soit que la protection du consommateur, un service plus juste, plus efficace, plus complet, si, comme dans le cas des vendeurs itinérants, aucun coût direct n'était attaché au service que l'on rend au consommateur.

Il y a sûrement un coût indirect quelque part; quand l'Etat intervient pour protéger le consommateur à l'égard des vendeurs itinérants, il y a un coût assumé par quelqu'un. Mais il n'y a pas de coût direct assumé par le bénéficiaire de qui on exige une prime dont le montant va dépendre justement du coût du système.

Dans l'assurance automobile, je pense que c'est l'intention du gouvernement, non pas de financer ce service à même les fonds publics, mais de le faire financer par les bénéficiaires de ce service.

Nous ne sommes pas très avancés à la commission parlementaire sur le coût du projet qu'on nous propose. Le livre bleu, les projets de loi nous ont permis d'avoir une idée claire là-dessus. On nous a fait des indications, les journaux en ont fait état. On nous a dit: Bientôt, on aura une évaluation, vous saurez comment cela coûtera.

C'est un peu la raison pour laquelle j'aurais souhaité que votre Groupe de recherche en consommation se penche sur cette question fondamentale. Ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais j'aimerais quand même que vous me disiez pourquoi vous avez décidé de ne pas le faire. J'imagine que la question vous est venue à l'esprit. J'aurais d'autant plus aimé que vous nous donniez votre idée là-dessus; jusqu'à maintenant, ce sont surtout des groupes intéressés qui sont venus. Naturellement l'intérêt est la mesure des actes humains, mais quand même, il est bon, pour une commission comme la nôtre, qui ne sommes ni experts et qui n'avons une expérience longue en assurance automobile, de compter sur des témoignages un peu plus indépendants.

Aussi, à cause de la clarté de vos interventions d'hier, de la limpidité de vos propos, j'aurais aimé entendre à peu près le même genre d'intervention sur les coûts. Est-ce que vous pourriez nous dire pour quelle raison vous ne vous êtes pas penchés directement sur le coût du système?

M. Masse: M. Lalonde, j'ai deux réactions à votre propos. La première, c'est de trouver—et je le dis en toute amitié — contradictoires un certain nombre de prétentions. Par exemple, on veut, d'une part, garantir l'indépendance absolue des assesseurs de la commission ou des juges de la Cour supérieure. On veut que, devant des cas, des victimes, des gens qui ont des dommages pour le reste de leurs jours, que les juges puissent, contrairement à la situation actuelle, leur accorder tout ce à quoi ils ont droit légalement.

Comment est-il possible, dans ce contexte, sans lier les juges ou les assesseurs de la commission des affaires sociales ou la régie à des décisions qu'on prendrait à leur place, à l'avance?... Comment est-il possible de calculer tous les coûts du régime? Je vous donne un exemple. C'était là la raison pour laquelle on déclarait que l'article 45, en matière de dommages à incidence non directement économique, gagnerait à être précisé.

Actuellement, la perte d'un oeil, dans des situations extrêmement douloureuses, peut valoir, théoriquement, au niveau du simple calcul de la prime pour la douleur, $500, $5000, $3000, $10 000. Le maximum, à l'article 45, est de $20 000.

Si, dans leurs convictions personnelles, les juges de la Cour supérieure ou les assesseurs de la commission des affaires sociales ou les fonctionnaires de la régie, eux, décident d'ouvrir la machine de ce côté, vous pensez bien que les coûts de l'autre côté du régime vont être considérablement étendus.

D'une part, je ne pense pas qu'on puisse défendre en même temps l'idée de l'indépendance du système pour lequel vous vous battez et sur lequel on est tout à fait d'accord, et deuxièmement dire: Donnez-nous tout de suite, deux ans à l'avance, tous les coûts réels du régime en termes de cents, de piastres. Cela ne m'apparaît pas possible.

D'un autre côté, si vraiment l'indépendance des tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires a du sens, la deuxième réflexion que je veux faire... C'est la raison pour laquelle on a dit qu'en tant que groupe de recherche universitaire on ne considère pas que la limitation des coûts soit le facteur essentiel. Comme je disais hier, bien sûr que cela n'autoriserait personne à multiplier les coûts par trois ou par quatre, mais, essentiellement, on fait un régime d'assurance automobile pour apporter une juste compensation aux victimes d'accidents d'automobiles.

Si vous voulez limiter les coûts, gardez tout simplement le régime actuel, éliminez les délais de procédure, enlevez les avocats de la procédure et cela va coûter trois fois moins peut-être, mais vous ne répondrez pas au besoin social absolument flagrant, qui est devant nous. En tant qu'individu, si on me demande quelle est ma première priorité — c'est là-dessus que je me suis montré en désaccord — ce n'est pas la limitation des coûts de façon absolue et prioritaire. Si le régime existe, c'est pour qu'on donne une compensation, c'est d'abord qu'on donne aux victimes une juste compensation garantie par un système d'indépendance de la part des juges. Donc, il ne me paraît pas possible, de façon extrêmement précise, de définir actuellement quels sont tous les coûts du

système et, deuxièmement, il ne me paraît pas possible non plus qu'on puisse dire que le premier objectif, peut-être que c'est un objectif politique et je le respecte... Mais quant à nous, c'est l'indemnisation des victimes, ce n'est pas nécessairement la limitation des coûts.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. Masse. L'impossibilité que vous considérez de déterminer les coûts, justement pour conserver l'indépendance des décisions à venir, ne pourrait-elle pas disparaître si, par exemple, on établissait — ce n'est pas une suggestion, parce qu'à ce moment-là, ce serait quand même un peu absurde, mais je veux justement apporter l'argument par l'absurde — le maximum? Il y aurait des moyens d'établir un coût maximal, par exemple. Si vous avez un minimum de $20 000 pour la perte d'un oeil, ne pouvez-vous pas établir un coût maximal?

M. Masse: II y a toute la différence entre $500 et $20 000. Cela ne me paraît pas beaucoup plus précis. Encore une fois, je pense qu'il faut se garder de vouloir — je ne défends en aucune façon le projet de toi là-dessus, ce n'est pas mon problème — prévoir tous les coûts sociaux de ce genre de régime.

Des dispositions comme le port de la ceinture de sécurité peuvent diminuer notablement les coûts. Un certain nombre de pratiques, par exemple de la Régie de l'assurance-maladie qui prendrait en charge un certain nombre de prothèses qui ne sont pas couvertes, serait une diminution du régime. Ce n'est qu'indirect. Comme je le disais hier, en apparence, un régime mixte peut être moins coûteux pour le gouvernement, mais peut l'être davantage pour les consommateurs. Si un consommateur a à s'engager un avocat pour comprendre quelque chose dans le système qui est en place, ou s'il a à se déplacer deux ou trois fois dans son année pour prendre une police d'assurance à droite et à gauche, des primes d'assurance supplémentaire, ou s'il a à perdre une demi-journée de travail pour le faire, le gouvernement ne paiera pas ces coûts, mais la société, en général, pourra le faire, de sorte qu'il ne s'agit peut-être pas de considérations politiques qui sont faciles à maintenir, mais, dans le fond, notre principale préoccupation chez nous, c'est de voir le coût social de l'affaire.

Maintenant, ma prétention, c'est que calculer le coût de cette affaire, c'est vraiment une étude de deux ans avec des actuaires, une recherche sur le terrain et plusieurs centaines de milliers de dollars. Je pense que c'est un montant qu'on peut se dispenser de dépenser à fonds perdu.

M. Lalonde: Je vous remercie de votre réponse. La raison pour laquelle je vous pose la question, c'est que nous sommes justement nous, de la commission parlementaire, appelés à prendre ou, enfin, à exprimer nos opinions sur l'aspect politique. Non seulement le coût social, mais le coût économique, est un important aspect politique. C'est notre devoir de poser ces questions.

J'accueille votre réponse, quand même, comme étant tout aussi claire que les autres réponses que vous nous avez données. Ce n'était pas votre priorité. Vous la considérez comme importante, mais pas comme prioritaire, et vous n'avez pas les fonds nécessaires non plus pour dépenser quelques centaines de milliers de dollars et passer deux ans pour faire ce calcul.

Je voudrais vous poser une deuxième question, concernant la principale remarque que vous avez faite à propos de votre présentation et que je retrouve dans la transcription des débats d'hier, à la page R707; vous-même, vous qualifiez votre remarque comme étant la principale — c'est pour cela que je l'ai mentionnée — et qui concerne le droit d'appel. Je pense que les autres remarques que vous avez faites ou plusieurs des autres remarques ont une importance qui, je l'espère, sera reconnue par le gouvernement, par les représentants du gouvernement à cette commission. Vous dites, et je cite: 'La principale remarque que nous avons à faire à la commission à l'égard de tout le projet de loi, une des principales remarques" — je m'excuse, vous l'aviez qualifiée à ce moment — "a trait au droit d'appel." Là, vous mettez en doute la capacité de la Commission des affaires sociales de donner ce service indépendant à la population.

Vous mentionnez plus particulièrement comme faiblesse, au niveau de la Commission des affaires sociales, l'absence de règles de preuve et vous donnez des exemples théoriques. Vous dites: Théoriquement, la commission pourrait fouiller dans le passé de la victime, s'arroger des droits que les tribunaux n'ont pas actuellement, peut-être même aller jusqu'à prononcer une décision sans avoir entendu la victime à l'encontre de cette règle fondamentale: II faut que les parties soient entendues.

Est-ce que, si le gouvernement établissait d'autorité des règles de preuve qui vous satisferaient ou répondraient à vos interrogations, vous croyez que la commission demeurerait le tribunal désiré pour décider de ces questions avec tous les pouvoirs qui sont contenus dans la loi, ou croyez-vous qu'au-delà de cette absence de règles de preuve il y a aussi des réserves à apporter concernant les pouvoirs discrétionnaires, des pouvoirs assez exorbitants, je pense — plusieurs l'ont dit — de la commission à l'égard de l'application de cette loi?

M. Masse: A titre d'exemple, M. Lalonde, la seule règle de procédure actuelle qui s'applique... Encore une fois, je dois vous dire que je n'ai pas l'expérience personnelle d'un plaidoyer devant la commission. Je peux laisser ça à mes confrères de la Commission d'aide juridique qui, eux, semble-t-il, ont beaucoup d'expérience de ce côté. Je pense qu'ils pourront vous en parler, peut-être avec plus de pertinence.

L'article 25 de l'ordonnance relative aux règles de preuve et aux procédures de la commission donne — c'est la seule règle, et vous la connaissez probablement — le droit aux commissaires et aux assesseurs d'accepter tout mode de

preuve qu'elle croit. Donc, en principe, personne d'autre que les assesseurs ne pourraient se substituer à eux pour juger — ils ont droit de le faire — si elle croit mieux servir les fins de la justice, point final. Ce qui veut dire qu'une personne qui ferait une réclamation pour un dommage qu'elle dit causé par un accident d'automobile pourrait se voir questionnée sur sa vie antérieure. Les assesseurs pourraient théoriquement lui chercher noise pour savoir si elle n'aurait pas eu, dans son passé ancien ou récent, des accidents familiaux, congénitaux ou autres. Qu'en est-il aussi du secret professionnel? Qu'en est-il de l'ensemble des règles qui doivent normalement protéger tout réclamant, qu'il soit représenté par avocat ou non?

Je ne dis pas qu'on met en question la bonne foi de la commission actuelle ni même des assesseurs à titre personnel, mais il y a un gros doute de ce côté.

Votre question, finalement, c'est: Pour autant qu'on garantisse des règles de preuve, des règles de procédure et des règles qui garantissent l'indépendance des assesseurs de la commission, est-ce que ce serait quand même une bonne chose de garder le droit d'appel à la Commission des affaires sociales? Notre mémoire là-dessus est clair: Si ces règles ne sont pas édictées pour la commission, nous recommandons un appel à la Cour supérieure; si ces règles sont respectées, nous croyons que les garanties sont données et, à ce moment-la, il serait parfaitement valable que la Commission des affaires sociales ait juridiction.

M. Lalonde: M. Masse, est-ce que le plaidoyer que vous avez fait, en réponse à une question du député de Rosemont, en faveur des tribunaux de droit commun, en faveur de la conservation de leur juridiction fondamentale... A rencontre de cette tendance non pas que ce gouvernement, mais que des gouvernements, même précédents, ont eue de gruger sur la juridiction des tribunaux de droit commun, dont la Cour supérieure est peut-être l'exemple le plus commun — c'est le cas de le dire — est-ce que vous ne trouvez pas que ce plaidoyer vaut?

Quant à moi, je pense qu'il est de plus en plus temps — en fait il n'est jamais trop tard — qu'on ait une attention de plus en plus sérieuse à l'égard du danger de se trouver avec des tribunaux de droit commun qui ne sont plus des tribunaux de droit commun, qui sont l'exception, et de se trouver avec une kyrielle de tribunaux, soit administratifs, avec des pouvoirs quasi judiciaires ou proprement judiciaires dans certains cas, mais à l'égard desquels les justiciables ne se retrouvent plus.

Quant à moi — et c'est peut-être plus un commentaire qu'une question que je vous fais — je trouve qu'au-delà de votre préoccupation quant aux règles de la preuve, il y aurait peut-être lieu, pour le gouvernement, dans ce cas-ci, de penser à retourner aux tribunaux de droit commun pour décider, au niveau de l'appel, de l'application de cette loi. Les inconvénients qu'on voit au système actuel seraient — et je pense que vous l'avez mentionné ou quelqu'un l'a fait hier — éliminés dans une grande partie à cause justement de l'absence de questions sur la responsabilité. Ceci éliminerait une grande partie des délais, entre autres, et on pourrait quand même conserver nos travaux de droit commun qui doivent demeurer, dans l'esprit du citoyen, l'exemple parfait du tribunal de ceux qui peuvent protéger leurs droits et les faire respecter. Si vous voulez réagir à cette...

M. Masse: Encore une fois, il ne nous appartient pas comme groupe de recherche... Je représente techniquement seulement huit confrères; on travaille sur la question de la protection du consommateur depuis trois ans de façon quotidienne, mais il ne nous appartient pas de nous substituer à la décision politique. Ce que j'ai donné comme commentaire sur la Cour supérieure voulait simplement s'attaquer, de façon directe ou indirecte, à une tendance que je remarque personnellement et que les membres de l'équipe remarquent aussi dans certains cas, qui est chez les fonctionnaires, chez toute personne, tout juriste qui a des problèmes avec les tribunaux ordinaires, de dire: On va faire une instance particulière, on va mettre cela dans un casier spécial. Il se peut très bien qu'en dehors des connaissances qu'on en a, il y ait des décisions ou des raisons très valables pour permettre au ministère ou au gouvernement de confier la juridiction des appels à la Commission des affaires sociales. Si c'est le cas, nous demandons qu'on garantisse les règles de procédure fondamentales et la protection fondamentale. Mais notre principal sentiment là-dessus est le même probablement que le vôtre, et c'est: Pourquoi pas la Cour supérieure? Dans ce cas, je pense que nos remarques se rejoignent.

M. Lalonde: Je vous remercie, M. Masse, de votre intervention et de l'excellent mémoire de votre groupe.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Je veux appuyer le député de Marguerite-Bourgeoys parce que moi aussi j'aimerais vous interroger sur votre mémoire d'hier. Mais premièrement, je voudrais peut-être vous identifier parce qu'on voit ici que c'est un Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal. Quels sont vos liens avec l'Université de Montréal?

M. Masse: Comme je l'ai dit au début de notre présentation — et c'est une mention que vous trouvez en toute première page — comme tous les membres de l'Université de Montréal, à titre individuel ou à titre de groupe de recherche, nous avons le droit de faire une prise de position personnelle. Le groupe de recherche en consommation de la faculté de droit de l'Université de Montréal est un groupe de recherche qui a un statut de groupe universitaire, qui n'est pas un centre de recherche, qui est rattaché directement au doyen

de la faculté de droit de l'Université de Montréal. Mais encore une fois, on n'engage en aucune façon — et je l'ai dit hier, je l'ai répété — ni les professeurs de la faculté de droit, à titre individuel, ni même toute autre personne. Mon statut ici est le même que celui que j'aurais si je venais en tant qu'individu ou en tant que professeur de l'Université de Montréal pour défendre un point de vue. Je pourrais très bien avoir un collègue — et j'espère que cela va se produire — qui viendrait, à titre individuel ou représentant quelques autres de ses confrères, dire exactement le contraire.

C'est une matière que j'enseigne personnellement depuis cinq ans, la responsabilité automobile, la responsabilité civile aussi. Dans nos recherches quotidiennes, on est impliqué dans la protection du consommateur, on a fait un certain nombre de recherches sur le crédit, sur la publicité, on publie aujourd'hui un manuel de 920 pages sur l'étiquetage au Canada et au Québec, on est embarqué dans une collection de dix manuels sur toute la protection du consommateur d'ici deux ans, on est financé de ce côté par le provincial, le fédéral et plusieurs fondations privées.

On croit avoir quelque chose à dire. Il nous apparaît évident que, probablement, vous ne trouverez aucune autre association de consommateurs ni au Canada ni au Québec pour faire cela. On le déplore, on déplore qu'il n'y ait pas de consommateurs qui puissent se regrouper de façon cohérente en association. Il y en a quelques-unes actuellement au Québec, dans certains cas, fort valables, elles n'ont pas jugé bon de se présenter ici, cela les regarde; mais quant à nous, à titre d'individus, de huit professionnels engagés dans le combat quotidien pour les consommateurs, on a cru bon de se présenter devant la commission, et encore une fois, avec toutes les réserves que cela implique.

M. Shaw: Alors, tous vos membres sont professeurs à la faculté de droit?

M. Masse: Non. Je suis le seul professeur de la faculté de droit. Le groupe travaille à temps partiel avec un chercheur qui est professeur à la faculté de droit, qui s'appelle lan Mackie, et un chargé d'enseignement qui s'appelle Marianne Karpacz, tous les autres membres du groupe sont ou politicologues et avocats, ou économistes et avocats, ou avocats seulement. On a presque tous une formation multiple. Ces chercheurs ne sont pas engagés à titre de professeurs, mais ce sont des avocats au moins et des chercheurs à temps plein pour le service des consommateurs.

M. Shaw: Hier, vous avez dit que vous ne représentiez pas des consommateurs, mais vous avez parlé de recherches. J'accepte que vous soyez un groupe d'étude, mais quant aux recherches mêmes, est-ce que vous avez fait des recherches sur la situation entre l'étatisation de l'assurance automobile et le système privé, ou est-ce que vous avez fait des recherches en comparaison entre les sytèmes actuels de "no fault" qui sont en vigueur?

M. Masse: Notre programme de recherche n'a pas compris, de façon systématique, la rédaction d'un manuel ou de documents de ce côté-là. Nous tenons des dossiers sur tous et chacun de l'ensemble des problèmes de consommation. Il y en a 22 ou 25 de répertoriés. Cela va de la qualité des maisons d'habitation, des roulottes, des services professionnels — ce sont des dossiers extrêmement considérables — le crédit, l'endettement, la vente par colportage. On n'a pas eu de budget encore pour s'attaquer à ce problème en particulier. Je pense cependant que le travail de la commission Gauvin a été de telle qualité qu'il aurait été, à notre avis, inutile de recommencer le débat pour apporter une information que substantiellement on possède déjà, sauf l'évaluation de façon publique et finale d'un coût très hypothétique.

M. Shaw: La raison est que je vois les manchettes qui disent: Un groupe de recherche de l'Université de Montréal appuie l'opposition à l'étatisation d'une assurance automobile. Je veux mettre, en réalité, la situation...

M. Masse: Nous n'avons dit...

M. Shaw: Parce que vous dites, dans votre premier alinéa...

M. Masse: ... nulle part, M. le député, si vous nous mettez en cause là-dessus, je dois nous défendre, de façon très précise, en aucune façon, dans notre mémoire, ni en présentation hier — et vous êtes témoin — jamais nous n'avons dit que nos recherches scientifiques, là-dessus, avaient démontré le bien-fondé de nos points de vue. On vient apporter ici une opinion et, dans certains cas, je pense qu'on peut être d'accord pour dire qu'elle est fondée. Mais c'est une opinion qui est une opinion de professionnels. Nous n'avons pas fait de recherche scientifique poussée sur le terrain en aucune façon là-dessus. Je ne pense pas que ce soit ce que la manchette des journaux, auxquels vous vous vous référez, dit.

M. Shaw: L'autre chose qui, à mon point de vue, est très importante, c'est qu'on parle de coût d'assurance automobile; mais il faut aussi parler des services rendus par les gens qui sont appelés des intermédiaires, comme les courtiers d'assurances, les compagnies pour les sinistres, les experts. Croyez-vous, selon l'étude que vous avez faite — l'étude au lieu de recherche — du projet de loi, que les consommateurs vont être protégés comme il le faut sur la question des services?

M. Masse: M. le député, notre principale préoccupation — et encore là c'est une préoccupation personnelle des membres du groupe — c'est d'éviter que l'on multiplie les intermédiaires inutiles entre un service et son pourvoyeur. Dans plusieurs cas, les experts d'assurances actuels — je ne dis pas que c'est la majorité des cas — agissent purement et simplement comme des intermédiaires qui ne donnent pas véritablement de services. Parce que, d'une part, très

souvent les consommateurs ont l'impression qu'ils ne peuvent pas obtenir d'assurances autrement et, deuxièmement, ils ne connaissent pas la situation des assurances. La très grande majorité des consommateurs, M. le député, et on a fait des enquêtes au moins là-dessus, sur la méconnaissance des lois des consommateurs, ignore totalement, non seulement l'application des règles de droit dans ce domaine, mais comment fonctionne l'assurance.

De ce côté, les consommateurs sont en position de vulnérabilité totale. Alors, à titre individuel et à titre de groupe de recherche, nous sommes complètement en faveur de la conservation et du travail des avocats et du travail des courtiers lorsqu'il peut être prouvé qu'ils donnent véritablement un service juste, équitable, valable à un prix raisonnable, aux consommateurs.

Dans les autres cas, si le législateur a tendance à les écarter, ce n'est quand même pas nous qui allons nous en plaindre. D'accord?

M. Shaw: Croyez-vous que les compagnies privées vont payer les dépenses des estimateurs ou des experts en sinistres ou des courtiers s'il y a d'autres moyens d'avoir des services aux consommateurs? Croyez-vous que le système actuel n'a pas plus d'avantages d'éviter les abus qu'un système étatisé?

M. Masse: Vous parlez du système actuel que l'on vit maintenant?

M. Shaw: Croyez-vous qu'une compagnie d'assurance va payer un courtier ou un estimateur ou un expert en sinistres s'il y a d'autres moyens de donner ces services?

M. Masse: Ecoutez, on vit dans un régime qui parle de rationalité économique. Lorsqu'un intervenant sur le marché économique rend un service inutile ou qui peut être contourné autrement, ordinairement, le marché économique fait en sorte que son service se termine. C'est d'ailleurs pour ça que les entrepreneurs au Québec, à tort ou à raison, ferment des usines en disant que ça n'est plus rentable, on peut se procurer des services autrement.

Ecoutez, si vous voulez apporter des mesures spéciales pour les courtiers d'assurance, les avocats et autres, je pense qu'on s'embarque dans un véritable système d'assistance sociale pour les professionnels. Personnellement, je respecte beaucoup le travail des professionnels, je pense qu'il est essentiel, mais on doit leur permettre de travailler où ils ont une utilité. Si Wawanesa, actuellement ou dans le passé récent, vend des polices d'assurance aux assurés dans le recours des courtiers, c'est son choix à elle. Je ne vois quand même pas, c'est ce que je crois comprendre, que l'on va se défendre sur la place publique, nous, comme groupe de recherche, pour dire qu'il faut aussi protéger les courtiers, multiplier les intermédiaires et compliquer la situation.

M. Shaw: Mais je n'ai jamais vu un système étatisé qui emploie moins de personnel pour faire le même travail que le système privé. Est-ce que vous êtes d'accord? Non? Est-ce que vous croyez que le système actuel, dans n'importe quel service du gouvernement, utilise ses employés avec plus d'efficacité que le système privé?

M. Masse: Je pense que, là-dessus, on est au niveau des préjugés et des prises de position théoriques. On entend souvent dire qu'une entreprise publique étatique est moins efficace qu'une entreprise privée. Je pense que cela n'a jamais été prouvé. L'Hydro-Québec est-elle plus ou moins efficace que l'ancienne compagnie Shawinigan Power? Ce n'est pas prouvé non plus. Est-ce qu'elle a plus ou moins d'employés que n'en avait Shawinigan Power? Ce n'est pas prouvé non plus. Est-ce que Manicouagan 5 aurait été mieux construite par un entrepreneur privé? Ce n'est pas prouvé non plus.

Je pense qu'on doit se mettre dans une situation où le gouvernement et l'Opposition ont un véritable pouvoir de contrôler les fonctionnaires et de s'arranger pour qu'ils aient une productivité valable. Mais dire comme ça, sur la place publique: C'est certain, aussitôt que c'est privé, c'est meilleur que le secteur public, je pense que c'est une prise de position qu'on ne peut ni prouver dans un sens ni dans l'autre. Je pense que c'est une question à examiner cas par cas.

M. Shaw: Je prends note de votre mémoire qui dit: L'étatisation complète de l'assurance automobile, avec l'addition d'un régime d'indemnisation, sans égard à la responsabilité; c'est un principe de fond de votre mémoire. J'essaie de vous démontrer que, personnellement — je connais aussi beaucoup d'autres personnes qui pensent ainsi — je crois que le système actuel, dans le secteur privé, est plus efficace que n'importe quel système qui va être établi par l'Etat.

M. Masse: M. le député, je ne veux pas me chicaner avec vous là-dessus très longtemps, mais comment pouvez-vous, d'une part, prétendre que le premier objectif du système est de diminuer les coûts et, d'autre part, prétendre que les coûts vont être très minimes et que les victimes vont toucher des compensations adéquates, quand on va multiplier les intermédiaires, multiplier les compagnies d'assurance qui vont multiplier les procédures de ce côté? Quand vous parlez du système actuel, par exemple, le système actuel est parfaitement odieux parce qu'il coûte très cher inutilement; il est, dans l'ensemble, à mon sens personnel, parfaitement inefficace.

Si c'est ce système que vous défendez, je dois m'inscrire en faux tout à fait. La majorité des sommes que donnent les assurés aux compagnies d'assurance ne leur reviennent pas actuellement. C'est l'exemple parfait d'un système inefficace.

M. Shaw: Mais si on fait une comparaison avec les autres provinces qui ont déjà adopté un système étatique, nous avons la preuve que le système qui était en place auparavant était plus effi-

cace. C'est une forme de preuve un peu plus scientifique que quelque chose d'hypothétique, qu'une aventure comme le député de Beauce-Sud l'a dit hier.

M. Masse: Là-dessus, le système des provinces de l'Ouest, sauf la Colombie-Britannique à mon avis, irait à l'encontre de votre déclaration. Concernant le système de la Colombie-Britannique, il y a eu des preuves de mauvaise gestion, de promesses électorales non tenues.

Je pense qu'on ne peut pas comparer le système de la Saskatchewan, où il y a actuellement moins de villes et moins de concentrations urbaines qu'au Québec, à un système québécois. On a un climat particulier, on a beaucoup plus d'étendues d'eau, ce n'est pas comparable.

La réflexion que je peux faire, de façon générale, à votre prise de position, même si je la respecte, M. le député, c'est que je considère qu'elle est trop théorique. Quand on se bat continuellement pour les consommateurs, on constate que des principes généraux ne sont pas suffisants. Si vous défendez le système actuel, je dois être totalement en désaccord avec vous.

M. Shaw: Je ne défends pas le système actuel. Je défends le système privé. Nous avons des exemples ailleurs, comme le Michigan qui a un système de " no fault", dont le coût est moins élevé et dont les services sont plus efficaces que ceux prévus dans le projet de loi.

M. Masse: A ma connaissance, M. le député, encore là je me réfère à un dossier que j'ai vu il y a deux ans, le système du Michigan est beaucoup plus partiel que le régime proposé par le bill 67.

M. Shaw: Oui.

M. Masse: Je pense qu'on peut difficilement comparer. On pourrait peut-être s'asseoir, vous et moi, pour comparer les clauses du système du Michigan par rapport au projet qui est là, mais il m'apparaît beaucoup moins généreux, donc il entraîne beaucoup moins de coûts.

M. Shaw: Mais admettez-vous que le système du Michigan est plus près de l'approche de M. Gauvin, dans son rapport, que celui prévu par le gouvernement?

M. Masse: II ne m'appartient pas de défendre le rapport Gauvin. Je n'ai pas fait cette réflexion. Je pense que cela demeure des comparaisons théoriques. Le système du Michigan s'insère dans un système de droit, de common law, d'application particulière. Le rapport Gauvin s'insérait dans une tout autre société. Je pense qu'on peut difficilement comparer des choses qui ne se comparent pas.

M. Shaw: Mais vous avez admis que le recours aux cours, pour les citoyens, devait être gardé dans le système prévu par le gouvernement?

M. Masse: Les recours aux tribunaux. On ne défend pas absolument, comme je l'ai dit tout à l'heure, le recours à la Cour supérieure. Ce qu'on défend, c'est le recours à un organisme parfaitement indépendant et doté de règles de preuves qui soient aptes à protéger les consommateurs. C'est tout ce qu'on prétend.

M. Shaw: Vous n'admettez pas qu'un droit comme celui du Code civil est le droit principal de chaque personne? Si je suis accidenté et que je n'accepte pas les données d'un fonctionnaire du gouvernement, je ne pourrai pas défendre mes droits selon le Code civil, dans les cours de la province de Québec?

M. Masse: A ma connaissance, M. le député, le projet de loi sur l'assurance automobile étant une loi supplétive au Code civil, le Code civil va avoir une application devant la Commission des affaires sociales, comme il en aurait devant la Cour supérieure. Je pense que vous confondez le Code de procédure civile et le Code civil.

M. Shaw: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci. Je n'aurais qu'une question à poser, suite aux discussions qui viennent d'avoir lieu. Vous avez dit que votre groupe de recherche avait fait une recherche particulière auprès du consommateur pour savoir s'il était bien informé. Si j'ai bien compris, vous avez constaté que le consommateur était très peu ou très mal informé en ce qui a trait à l'assurance automobile. Dans les recherches que vous avez faites, est-ce le seul secteur où il vous a été permis de constater que le consommateur était peu ou mal informé?

M. Masse: Sur l'ensemble du droit, M. Roy — et non M. Fabien — l'ignorance des consommateurs — et c'est une ignorance entretenue par notre système éducationnel depuis des décennies et des siècles — est absolument épouvantable.

C'est aussi vrai pour un droit d'application quotidienne et fondamentale pour les citoyens qu'est le droit de la protection du consommateur que cela peut être le cas pour le droit familial ou pour tout outil, le droit, par exemple, des testaments, pour tout outil fondamental.

A titre d'exemple, la très grande majorité des citoyens, à ma connaissance, ne sait pas qu'elle peut faire un testament olographe chez elle, sans que cela lui coûte un sou. Beaucoup de consommateurs ignorent des règles absolument essentielles sur le marché commercial. Je pense qu'on sort beaucoup de mémoires de ce côté-là, non seulement à l'égard du droit de la consommation, mais à l'égard de tout le droit en général et des phénomènes économiques de notre société et du monde médical aussi. On devrait peut-être brancher nos cours secondaires sur des problèmes plus impor-

tants que l'érosion des falaises sur l'Atlantique-Sud ou des choses comme celles-là. Je pense qu'on est resté vastement élitiste de ce côté-là et, très souvent, la connaissance, à ma connaissance à moi, même élémentaire, est restée le fait d'un tout petit groupe d'élite.

Quand une dame nous téléphone et qu'elle ne sait même pas que l'âge de la majorité au Québec, c'est 18 ans, je trouve cela épouvantable. C'est un peu comme si on lui disait: Pour apprendre à vous brosser les dents, allez voir un médecin spécialisé.

De ce côté, dans le domaine de la consommation comme ailleurs, l'ignorance crasse dont on est tous coupables, je pense, est épouvantable.

M.Roy (Fabien): II ne vous a pas été permis de constater non plus que le citoyen était mieux informé sur les services gouvernementaux, sur ses droits. Ce que vous dites, en somme, c'est que vous avez constaté que c'était général, de portée générale. Cette situation n'est pas causée par le système d'assurance automobile comme tel.

M. Masse: Absolument pas.

M. Roy (Fabien): D'accord, merci.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas ici défendre le statu quo, bien loin de moi cette pensée, mais nous pensons que le système proposé pourrait sans doute être appliqué par l'entreprise privée. Dans cet esprit, je voudrais vous demander si vous pensez par exemple qu'en éliminant les courtiers d'assurance et d'autres intermédiaires qui rendent des services, que les consommateurs vont être mieux renseignés et mieux protégés face au système proposé, parce qu'ils auront, à ce moment-là, affaire à des fonctionnaires.

M. Masse: On ne fait pas la promotion de l'abolition des courtiers d'assurance nécessairement. Les courtiers d'assurance, en matière d'assurance-vie, d'assurance-incendie, sur la garantie du revenu en général, ont un rôle absolument essentiel. Ce n'est pas là-dessus qu'on en a.

Notre principale priorité, quant à nous, c'est que si les courtiers d'assurance remplissent leur rôle adéquatement... Et, ce n'est pas toujours le cas, malheureusement, à notre connaissance. Très souvent, par exemple, les assurés ignorent le rôle du courtier. Est-il le mandataire de l'assureur ou leur mandataire à eux? C'est très complexe. Notre principale préoccupation, c'est de nous assurer que les assurés aient, lorsqu'ils ont un accident d'automobile, la meilleure compensation possible.

Si cela passe par un système de courtiers d'assurances, ce qui n'a pas du tout été prouvé dans le passé, tant mieux; notre sentiment jusqu'ici, c'est que la seule façon d'assurer une compensation rapide et efficace aux moindres coûts possibles, c'est de passer par un système étatique. Là-dessus, je l'ai dit, notre principale objection au livre bleu qui a été déposé au printemps, c'est qu'un système mixte est très compliqué et risque d'engendrer beaucoup de coûts et nous favorisons un système de "no fault" global, tel que promis d'ailleurs par le gouvernement, avant les élections, à ma connaissance, et géré par une régie étatique.

M. Fontaine: Vous admettez que la population est mal renseignée et elle sera sans doute également mal renseignée face à la nouvelle loi qui sera adoptée. Qui, d'après vous, va aider le réclamant à produire sa réclamation à la Régie de l'assurance automobile?

M. Masse: Dans la situation actuelle, ce que l'on craint, c'est que le consommateur soit tellement mêlé entre les différents recours du régime mixte — et c'est encore une fois la principale de nos réserves à ce sujet — qu'il va devoir s'engager absolument un avocat pour y comprendre quelque chose. Je comprends mal les hauts cris que pousse le Barreau de ce côté. Je pense qu'il devrait être relativement content d'un projet aussi compliqué que cela.

M. Fontaine: Oui, mais je pense que si on veut protéger le public par une loi, il va falloir aider le consommateur à s'organiser lui-même pour pouvoir faire sa réclamation. Je pense que c'est le principal but de la loi. Actuellement, avec le système proposé, cela n'atteint pas ce but.

M. Masse: Comme je vous l'ai dit hier, le projet de loi dans son ensemble répond à 90% des problèmes qui, à ma connaissance et à la connaissance du groupe, se posent en matière d'assurance automobile. Je suis forcé de dire que c'est un choix politique encore une fois, que s'il faut adopter un régime pour le 1er janvier prochain et qui sera en vigueur le 1er mars, je pense que c'est le projet de loi 67 qui doit être adopté et aucun autre, parce qu'autrement on s'en référerait à d'autres études du type de la commission Gauvin, d'autres sous-comités et commissions, et je pense qu'on allongerait indéfiniment le débat sur la place publique; je pense qu'il y a une décision à prendre maintenant. Cela fait plus de six ans qu'on se débat sur la place publique là-dessus. Je pense que les assurés ont assez attendu une solution à leurs problèmes.

M. Fontaine: Ce que vous dites, en fin de compte, c'est qu'on pourrait faire mieux, mais, étant donné l'urgence, il faut prendre cela immédiatement.

M. Masse: Si je comprends bien, M. le député, ce que vous dites, c'est qu'on devrait écarter complètement le projet de loi 67. On pense que ce n'est pas nécessairement une réponse à toutes les objections, mais que c'est tellement bon, finalement, comme réforme substantielle, que cela doit passer.

M. Roy (Fabien): Mais vous admettez qu'il serait meilleur, si on me permet une question supplémentaire, que ce serait dans l'intérêt des citoyens et des assurés que le régime proposé dans le projet de loi no 67, à quelques modifications près qui seront adoptées éventuellement, mais que ce serait plus efficace, moins compliqué pour la population si ce régime proposé était appliqué par l'entreprise privée.

M. Masse: Non.

M. Roy (Fabien): C'est un peu ce que vous avez dit hier. Je vous ai interrogé hier. Plus cela va, moins je comprends.

M. Masse: M. Roy...

M. Shaw: Cela a été corrigé.

Une Voix: II y avait eu une conférence...

M. Masse: Je vous ai répété hier, M. Roy, à trois reprises...

M. Roy (Fabien): J'ai à relire le journal des Débats. Vous vous êtes corrigé.

M. Masse: En tout cas, je me suis corrigé après si je n'avais pas été clair la première fois. Lors de votre première question, vous avez dit: Supposons que le régime global étatique ne soit pas acceptable; si vous avez le choix entre un régime mixte administré partiellement par l'Etat et l'entreprise privée et un régime global tel que le propose le rapport Gauvin, adopté par l'entreprise privée, qu'est-ce que vous préférez? Je vous ai dit qu'à titre personnel, le régime global me convenait davantage, mais que notre principale priorité, cela reste un régime étatique global. Ecoutez, je pense que, là-dessus, on s'entend très bien.

M. Roy (Fabien): Si je me souviens bien, vous avez dit que votre premier objectif, c'était le régime étatique global, mais, à la question que je vous ai posée, vous avez répondu qu'entre le choix du régime proposé actuel qui est un régime mixte, un régime à deux têtes, il vous apparaissait préférable, moins compliqué que le régime soit administré par l'entreprise privée, parce que vous avez écrit dans votre mémoire, et là, je ne veux pas citer vos paroles, je prends votre mémoire, à la page 1 : "La dualité du régime est, selon nous, impraticable comme solution permanente." C'est écrit, ce n'est pas dit.

M. Masse: Je ne suis pas du tout en contradiction avec cela, M. Roy. On est tout à fait d'accord.

M. Roy (Fabien): Je ne veux pas faire un débat de procédure, ni jouer sur les mots, mais hier, j'avais bien compris, et je relirai le journal des Débats, lorsque vous vous êtes corrigé ou que vous avez cru vous corriger, que vous avez parlé d'une autre option. Vous avez été plus loin qu'au début. En somme, ce que j'ai cru retenir, et on me corrigera si je fais erreur, c'est que vous proposez un régime complet, un régime étatique, mais vous tenez, d'abord et avant tout, à un régime complet. Vous ne tenez pas à un régime à deux têtes.

M. Masse: Parfaitement.

M. Roy (Fabien): Bon. Enfin. Merci.

M. Masse: On est d'accord.

M. Roy (Fabien): On est d'accord sur la deuxième option.

M. Paquette: Vous devriez écrire le mémoire.

M. Roy (Fabien): On est d'accord sur la deuxième option, il faut bien s'entendre.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska, est-ce que vous avez terminé?

M. Fontaine: Oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais simplement poser une ou deux questions supplémentaires. Peut-être qu'avant de passer à ces deux questions que j'ai à l'esprit... Vous avez bien dit tout à l'heure, M. Masse, qu'en ce qui vous concernait, l'étatisation, par opposition à des régimes d'entreprise privée, n'était pas basée sur de la recherche, mais sur une opinion. C'est bien cela?

M. Masse: Effectivement.

M. Raynauld: C'est une opinion.

M. Masse: Effectivement, je doute fort, d'ailleurs, que l'ensemble des témoins qui se présentent en commission parlementaire ici aient basé leurs opinions sur des recherches de plusieurs centaines de milliers de dollars pour appuyer ce qu'ils avancent.

M. Raynauld: Non, mais sans penser à des recherches de centaines de milliers de dollars, il y a beaucoup de gens, depuis de très nombreuses années, qui ont étudié ces questions et qui ont des opinions qui sont fondées sur certains arguments.

M. Masse: C'est également notre cas, M. le député.

M. Raynauld: Tout à l'heure, vous disiez qu'il n'était pas possible de choisir et que ce n'était pas comparable, qu'on ne pouvait pas non plus avoir une opinion raisonnée et faire la preuve qu'un régime étatique était préférable à un régime privé, ou qu'un régime privé était préférable à un régime

étatique. Donc, je dois conclure que, pour vous, c'est une...

M. Masse: Je n'ai pas dit qu'il n'était pas possible d'avoir une opinion raisonnée, pas du tout. J'ai dit simplement que, pour autant qu'on s'en tenait à des épouvantails aussi géniaux que de dire que l'entreprise publique est moins compétente que l'entreprise privée, que c'est le régime du Wyoming ou du Dakota-Sud qui est valable... On peut lancer des affirmations comme celles-là. Ce que je dis, c'est qu'il va falloir qu'on s'arrête à comparer argument par argument et point par point.

M. Raynauld: Votre argumentation, ce n'est pas un épouvantail, lorsque vous dites que c'est l'étatisation complète qui est préférable.

M. Masse: C'est au moins aussi général, je le reconnais, que l'affirmation de M. le député.

M. Raynauld: L'autre, c'est un épouvantail, mais la vôtre, ce n'en est pas un.

M. Masse: Je n'ai jamais dit cela, M. le député. Vous le savez très bien.

M. Raynauld: Pour traiter de questions plus importantes, il est évident pour moi que si on augmente les indemnités payées aux victimes d'accident, les coûts seront plus élevés. C'est là une évidence. Je voudrais vous demander si, pour la protection des consommateurs, les coûts aux consommateurs du niveau général des indemnités vous préoccupent ou non.

M. Masse: Si les coûts aux consommateurs?

M. Raynauld: Oui.

M. Masse: Bien sûr!

M. Raynauld: Les coûts globaux.

M. Masse: Bien sûr, mais comme je le disais tout à l'heure, ce n'est pas notre première priorité à titre de choix individuel, puisque si on met un régime d'assurance automobile sur pied, c'est pour compenser d'abord les victimes. Si on voulait réduire les coûts au maximum, il est évident — vous l'admettrez comme moi — qu'on aurait pas de système. Cela ne coûterait rien du tout.

M. Raynauld: Mais quand vous défendez les intérêts des consommateurs, est-ce que vous pouvez également...

M. Masse: M. Raynauld, je ne défends pas les intérêts des consommateurs. Je représente l'opinion de huit spécialistes en protection du consommateur. Nous ne sommes pas mandatés par les consommateurs pour le faire et nous ne représentons personne d'autre que nous-mêmes.

M. Raynauld: Non, je ne voulais pas vous faire dire que vous étiez un groupe d'intérêt. Je sais que vous êtes un groupe de recherche, et je ne veux pas du tout être désobligeant à cet égard, comprenez-moi bien. Je voulais simplement essayer de savoir de vous si on peut, de façon non équivoque, parler davantage des consommateurs, suivant les recherches que vous avez faites, simplement à partir du niveau général des indemnités ou est-ce qu'il ne faut pas aussi tenir compte des conséquences de ce niveau général des indemnités?

M. Masse: On est tout à fait d'accord.

M. Raynauld: Bon! Quant au niveau général des indemnités, selon votre mémoire, il semble être équitable au niveau où il est fixé par le projet de loi. Je reconnais également qu'il y a une part d'arbitraire là-dedans, écrivez-vous.

Pour vous, que signifie "un niveau équitable d'indemnisation des victimes"? Quant à vous, est-ce assez clair ou si c'est très vague?

M. Masse: Est-ce que votre exemple pratique, M. le député, concerne un enfant de huit ans ou une ménagère de 22 ans ou...

M. Raynauld: Prenez l'exemple que vous voudrez.

M. Masse: Je trouve ça extrêmement théorique comme question.

M. Raynauld: Vous avez pris l'exemple d'un oeil tout à l'heure. Continuez...

M. Masse: Je parlais de la douleur. Je ne parle pas du préjudice économique qui peut résulter de la perte d'un oeil. Je parle de la douleur, purement et simplement. C'est l'imprécision de l'article 45.

M. Raynauld: Je pensais que les indemnités étaient basées sur le préjudice.

M. Masse: Le projet de loi base, M. le député, comme vous le savez, le préjudice ou la compensation sur deux types de préjudice: Les pertes économiques et les douleurs, préjudice esthétique et autres.

Mme Payette: ... à Québec.

M. Raynauld: Oui, mais je pense que la perte du revenu est très importante dans la fixation des indemnités.

M. Masse: Bien sûr.

M. Raynauld: Bon! A ce moment-là, je pense que mon problème, c'est de savoir s'il n'y a pas un très fort élément, là, peut-être ne devrais-je pas dire arbitraire, mais — comment pourrais-je dire? — subjectif ou, en tout cas, un certain... On décide d'un certain niveau sur des bases plus ou moins fermes pour fixer le niveau général des indemnités. Evidemment, il y aurait toujours

quelqu'un qui pourrait venir nous dire que le niveau général des indemnités n'est pas assez élevé et qu'il faudrait l'augmenter davantage. Si on poursuit cette analyse encore plus loin, on peut venir à un certain moment où on dit: II faudrait peut-être un autre critère pour fixer la limite supérieure qu'on va atteindre dans le niveau des indemnités, parce que c'est toujours bon de payer des indemnités pour des victimes d'accident, moi, j'en suis, mais je voudrais essayer de savoir si, pour vous, il y a quand même une limite quelque part qui est fixée à ça, qui pourrait intervenir à un certain moment.

M. Masse: Nous avons dit, hier, M. le député, ou prétendu que le projet de loi fait un excellent choix, et ce n'est pas le cas du régime actuel lorsqu'il opte d'abord pour la compensation des préjudices économiques réels. D'accord? Ce doit être — je pense que c'est avec raison — le principal objectif d'un projet de loi. C'est d'autant plus facile de faire ça que ce sera fait sous forme, pour l'essentiel, de rente ajustable au coût de la vie et réévaluable, si l'état de santé de la victime se détériore à la suite d'un accident.

Cependant, le deuxième objectif que l'on doit prendre en considération, c'est aussi de compenser pour des préjudices qui ne sont pas directement économiques, en termes de piastres et de cents, qui se traduisent par une perte de jouissance de la vie.

Par exemple, comme le disait M. le député de Saint-Jacques, je pense, la perte de la possibilité de jouer au golf ou au tennis. Il est très difficile, actuellement, en jurisprudence, de dire ce que cela vaut. La même chose pour la douleur ou le préjudice esthétique.

Le préjudice esthétique d'une jeune fille de 25 ans, qui n'est pas mariée, est très différent de celui que je peux avoir, même pour une blessure semblable. C'est très difficile de préciser à l'avance, dans tous les cas, quel va être le montant maximum.

Par exemple, pour une douleur à un oeil, je me souviens qu'un pilote d'Air Canada avait été compensé par des sommes extrêmement importantes parce que, de fait, ce type d'accident lui avait causé des douleurs absolument épouvantables. C'est à chaque cas, à chaque tribunal de réévaluer, en toute justice, la situation.

Donc, la réponse à votre question, c'est d'abord la réparation du préjudice économique et des préjudices importants qui ne sont pas de portée directement économique.

M. Raynauld: Vous n'avez pas répondu à ma question, je me permets de vous le dire. Je voudrais savoir s'il y a un autre principe qui intervient à certains moments pour limiter le niveau, pour fixer la limite des indemnités qu'on va fixer sur un plan social?

M. Masse: Théoriquement, non, bien sûr. Théoriquement, la vie de quelqu'un vaut bien plus que le cercueil dans lequel la régie peut accepter de le mettre. Théoriquement, il n'y a pas de maxi- mum ni de minimum. La vie de quelqu'un, ses souffrances, cela vaut tout et rien en même temps. Votre question était: Y aurait-il un maximum à fixer et sur quelle base? Je pense que je vous ai répondu en disant cela doit être d'abord, comme maximum, la perte économique réelle plus une compensation honnête et valable pour les autres types d'indemnités. Mais si vous me demandez une réponse globale pour l'ensemble des cas des victimes au Québec actuellement, ce serait très difficile de donner une réponse finale, globale, couvrant tous les cas.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que M. le député me permettrait une question pour clarifier, pour mes besoins? M. Masse reconnaîtrait-il que la perte d'un oeil pour un député et la perte d'un oeil pour une personne au foyer, pour une femme au foyer, comporte la même douleur?

M. Masse: Les tribunaux, actuellement, distinguent selon que la personne a été consciente après l'accident ou si elle s'est évanouie. La douleur doit avoir été soutenue consciemment. Si les deux personnes ont été reconnues conscientes, on peut dire théoriquement, et c'est un choix politique, que la douleur est la même.

Mme Payette: Un médecin qui perd son bras et moi qui perds mon bras, n'a-t-on pas la même douleur au moment où on perd un bras?

M. Masse: Les préjudice économiques sont certainement différents puisque, s'il s'agit d'un chirurgien...

Mme Payette: C'est par la suite, en compensation économique, qu'on rétablit les choses.

M. Masse: Bien sûr.

M. Roy (Fabien): Si on me permet un court commentaire...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Fabien): ... à ce que vient de dire l'honorable ministre, je voudrais dire que j'ai bien apprécié ses remarques. Avec sa permission, je prendrai une copie de ce qu'elle vient de poser comme question et je l'enverrai à la Commission des accidents du travail. Vous n'avez pas d'objection?

Mme Payette: Pas du tout.

M. Roy (Fabien): Parfait, merci.

Mme Payette: Toute amélioration est bonne.

M. Raynauld: Je voudrais poser une autre question. Vous parlez souvent du système actuel. Dans le système actuel, n'est-il pas possible, pour quelqu'un, de s'assurer du niveau d'indemnité qu'il désire?

M. Masse: Bien sûr, mais dans la plupart des cas, c'est pour un coût assez important et c'est assez aléatoire. Comme piéton, dans le système actuel, si vous avez un accident, vous devriez, si vous êtes responsable, être assuré pour vos pertes de revenu et l'ensemble des dommages qui en découlent. Mais cela devient un système extrêmement compliqué ou, comme le disait hier, et vous le savez comme moi, les délais de poursuite pour prouver la faute de la partie adverse sont très longs et les procédures aussi.

M. Raynauld: Je n'en suis pas là-dessus, j'en était tout simplement à ce qu'on mentionne toujours: Le système actuel ne fait pas ceci, ne fait pas cela. Je voulais tout simplement vous voir relever le fait qu'il y a dans le système actuel une liberté pour chacun de s'assurer ou de ne pas s'assurer. Pour un certain niveau d'indemnité, plus ou moins élevé, plusieurs choisissant de ne pas s'assurer.

On ne peut pas dire que c'est la faute du système actuel si le niveau des indemnités n'est pas assez élevé puisque les gens peuvent choisir le niveau d'indemnité qu'ils veulent bien payer, s'ils le veulent. Donc, c'est peut-être plus un problème de répartition des coûts qui est en jeu. Ce n'est pas le fait que le système ne produise pas, ne donne pas les résultats que l'on désire.

M. Masse: Bien sûr que toute personne, dans le système actuel — nous sommes tout à fait d'accord — peut s'assurer pour la totalité et l'ensemble de ses risques dans toutes les situations, sauf que ce n'est pas uniquement que les citoyens ne le veulent pas, M. le député, c'est souvent qu'ils ne peuvent pas s'assurer. Ils n'ont pas les moyens économiques pour le faire.

M. Raynauld: C'est à cela que je voulais en arriver justement. On n'a pas les moyens de s'assurer, alors...

M. Masse: Plusieurs personnes n'ont pas les moyens de s'assurer, c'est évident.

M. Raynauld: Alors, le problème essentiel n'est-il pas, dans l'introduction d'un nouveau projet de loi comme celui-ci, et sans me prononcer sur le fond pour savoir quelles sont mes préférences personnelles... Est-ce que l'essai de ce système n'est pas d'abord et avant tout pour répartir les coûts de façon différente? Est-ce que vous avez étudié l'impact de la répartition de ces coûts, le fait que ce sont pas les mêmes personnes qui paient pour les risques, mais qu'on socialise — non pas dans le sens de socialisme — les coûts d'indemnisation des victimes d'accidents?

M. Masse: Vous me demandez si on a effectué des études spécialisées là-dessus?

M. Raynauld: Oui, par exemple, sur l'impact de la répartition des revenus. Est-ce que ce sont les plus pauvres qui vont bénéficier de cela? Est-ce que ce sont les plus riches, les plus jeunes, les plus vieux?

M. Masse: Comme je vous l'ai dit, M. le député, ma réponse à votre question est non. Je vous l'ai dit tout à l'heure.

M. Raynauld: Très bien, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jeanne-Mance.

M. Laberge (Henri): Je voudrais seulement faire une certaine remarque pour ne pas introduire une fausseté dans l'esprit de la commission. Quand on dit que le système actuel permet de s'assurer au niveau que l'on veut, c'est faux. On s'assure au niveau de la responsabilité civile pour les autres, au niveau que l'on veut, entre $35 000 $300 000 et $500 000, mais c'est pour les autres. Pour soi, une police d'assurance-automobile implique automatiquement une clause de mort accidentelle de $5 000, une indemnité de salaire de $35 par semaine et de $12.50 pour les dames. Il n'y a rien d'autre qu'on puisse y ajouter.

Si vous le voulez, vous pouvez vous assurer pour l'indemnité de salaire que vous voulez ou en cas de décès accidentel, pour une double indemnité. C'est au niveau de l'assurance-vie que rien ne sera changé. Ceux qui ont les moyens de s'assurer, qui prétendent que le régime que l'on veut introduire ne les indemnisera pas suffisamment, aucun droit ne leur sera enlevé de s'assurer pour $1000 par semaine de salaire en cas d'invalidité, en dehors du système de l'assurance-automobile.

Le nouveau système d'assurance-automobile qu'on veut introduire veut surtout indemniser les victimes actuelles qui sont mal protégées par le système existant.

J'ai trouvé, M. le député d'Outremont, que vous avez voulu introduire une espèce de confusion en disant que le système actuel permettait de s'assurer pour le niveau qu'on voulait. Oui, mais en dehors du système de l'assurance automobile. C'est cela que je voulais préciser. Il va continuer d'exister.

M. Raynauld: Bien sûr, mais avec cette conséquence que, si on indemnise davantage les gens, il va falloir que d'autres personnes paient. C'est cela que je veux faire ressortir. Il va falloir que d'autres personnes paient.

M. Paquette: Pas nécessairement.

M. Raynauld: Non, pas nécessairement.

M. Paquette: Ce n'est pas le seul facteur. Il y a un paquet d'autres éléments dans cette loi.

M. Raynauld: Oui, il y a bien d'autres éléments, je ne fais pas un jugement global.

M. Paquette: II y a une réduction des coûts sur bien des facteurs, et ce n'est pas forcé.

Le Président (M. Boucher): S'il n'y a pas d'autre intervenant, je laisserai la parole à Mme le ministre pour le mot de la fin.

Mme Payette: M. le Président, je pense qu'on peut remercier M. Masse du travail qu'il a fait sur le projet de loi 67. J'espère qu'il n'a pas oublié — c'est loin déjà, hier — que je lui ai dit qu'on avait retenu un certain nombre des suggestions qui sont comprises dans le mémoire.

Je voudrais surtout le remercier de sa patience. Les heures ont été assez longues et on n'a interrogé qu'une seule personne pendant toutes ces heures. Cela peut paraître un petit peu fastidieux pour la personne qui subit l'interrogatoire. Alors, je le remercie particulièrement de sa collaboration.

Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les membres de la commission, je remercie M. Masse ainsi que tous les membres de son groupe pour la présentation de ce mémoire. Merci beaucoup.

Nous passons maintenant au mémoire de la Commission des services juridiques, représentée par M. Jacques Lemaître-Auger. Si vous voulez prendre place, M. Auger.

Commission des services juridiques

M. Lafontaine (Yves): M. le Président, Mme le ministre, MM. les députés. Je m'appelle Yves Lafontaine, je suis, depuis hier, président de la Commission des services juridiques. A ma droite, Jacques Lemaître-Auger qui est du service de recherche de la Commission des services juridiques et, à ma gauche, Denis Laberge qui est à la section civile du bureau de Montréal. Il y a aussi des directeurs généraux de différentes régions de l'aide juridique qui sont avec nous ce matin.

J'aimerais, pour être sûr de situer notre mandat, dire au nom de qui nous parlons, pour pouvoir répondre plus adéquatement aux questions qui nous seront posées et aussi pour démontrer un parti pris qu'on a, en partant. Autrement dit, nous ne prétendons pas être complètement indépendants au niveau des principes, nous avons plutôt une approche vis-à-vis d'une clientèle donnée qui est la clientèle de l'aide juridique, c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas les moyens suffisants pour se payer habituellement les services d'un notaire ou d'un avocat.

Maintenant, il faut aussi, pour se placer dans le contexte, savoir que nous sommes des avocats salariés. Nous ne sommes pas des avocats qui travaillons à honoraires, même si le client, chez nous, a le libre choix entre un avocat praticien privé et aussi un permanent de l'aide judirique. Nous sommes des permanents de l'aide juridique, nous ne sommes pas des avocats de pratique privée, même si, pour la plupart, nous l'avons été antérieurement.

A l'aide juridique, la question du rapport Gau-vin, du "no fault", de l'indemnisation des victimes d'accident d'automobile est une priorité déjà depuis le début. D'ailleurs, deux rapports annuels antérieurs font déjà état de nos préoccupations à ce sujet-là. C'est pourquoi, en partant, on peut dire que, pour notre clientèle, c'est assurément un excellent pas dans une bonne direction. Ce qui nous intéresse, on ne pourra pas vous faire un grand discours sur la question des coûts, parce qu'on n'est pas spécialistes là-dedans, on a reçu, jusqu'à maintenant, à peu près 10 000 personnes qui ont été prises dans des causes de responsabilité automobile, à part celles qui sont des assistés sociaux, suite à des accidents d'automobile, qui ont tout perdu et, par le fait qu'elles n'étaient pas assurées ou par le fait que même les compagnies d'assurances ont refusé de les indemniser, ce sont des personnes qui, la plupart du temps, sont ignorantes de leurs droits qui existent en vertu même du système actuel. Une des priorités qu'on essaie d'établir, au moins, c'est de les rendre conscientes de leurs droits.

On a non seulement des personnes qui viennent nous voir au niveau de la responsabilité, qu'elles peuvent avoir dans des accidents d'automobile, à la suite d'une négligence, d'une imprudence, d'une inhabileté, l'effet d'une flaque glacée, ça peut être toutes sortes de choses, mais aussi, on représente assez souvent, devant les différents organismes de l'Etat, y compris la Commission des affaires sociales, des personnes pour des pensions sociales qui, assez souvent, sont aussi des victimes d'accident. Cela arrive dans bien des cas. Autrement dit, notre préoccupation, comme groupe, est de voir à ce que des personnes défavorisées aient la meilleure indemnisation possible.

C'est pourquoi si vous nous parlez de montant maximum, d'assurabilité, en vertu du régime, pour nous, il n'y a pas de difficulté là-dessus. Nos clients ne gagnent, de toute façon, jamais plus de $18 000, ils gagnent certainement moins de $18 000. Donc, pour nous, si on regarde l'aspect social pour notre clientèle, il n'y a pas de difficulté quant aux maximums fixés dans la loi.

Il est évident que pour nous le régime pour les blessures corporelles qui est soumis est un régime avec lequel nous sommes d'accord, parce que c'est un régime qui va indemniser les personnes des suites de l'accident. C'est un peu comme l'assurance-maladie pour notre clientèle. Parce que notre clientèle, dans la plupart des cas, est composé de personnes qui n'étaient pas assurées, parce qu'elles n'avaient pas les moyens de le faire la plupart du temps, au coût où c'était rendu.

Vous allez remarquer que notre mémoire est très bref. On n'a pas voulu reprendre le rapport Gauvin. C'est un rapport qui est long, qui a amené des études fondamentales et nous n'avons pas les moyens, nous n'avions pas le temps non plus de le faire.

Tout ce qu'on veut essayer de vous livrer, c'est un peu ce que notre clientèle ressent à travers les contacts qu'on peut avoir vis-à-vis d'elle.

Quant à nous, le régime est universel, pour la sorte de gens qu'on représente, et les indemnités sont raisonnables aussi. La question des vêtements ne nous inquiète pas, parce qu'on sait qu'elle est couverte par la présente loi; il n'y a pas de difficulté là-dessus.

Il y a cependant deux remarques principales—et je rejoins les remarques que M. Masse a faites dans le courant de la journée d'hier et aujourd'hui — que nous aimerions peut-être discuter avec vous. C'est l'indemnisation du dommage ma-

tériel et la question du tribunal ayant juridiction pour entendre les causes qui peuvent découler de l'application du régime d'indemnité.

Il n'est pas facile de discuter d'indemnisation du dommage matériel pour notre clientèle. Notre clientèle, habituellement, n'a pas d'automobile; à ce moment-là, il n'y a pas de danger pour les dommages matériels. Cela la concerne peu. Ou bien, notre clientèle a des automobiles qui ne lui appartiennent pas présentement, parce que, la plupart du temps, elles sont financées. Elle est, de toute façon, obligée de s'assurer parce que les compagnies demandent qu'elle soit assurée pour protéger sa propre propriété. Ou bien elle a ce qu'on appelle des "minounes", c'est-à-dire de vieilles automobiles qui lui sont nécessaires, comme à n'importe qui d'autre, soit pour vaquer à ses occupations et aussi pour se permettre des loisirs bien légitimes, comme celui de sortir avec la famille les fins de semaine.

Autrement dit, elle aussi est impliquée dans le domaine du dommage matériel. La solution que bien humblement, nous proposons... Je remarque en partant que c'est un choix politique, ce n'est pas nous qui avons à le faire. Nous venons vous livrer le fruit de nos réflexions, ce n'est pas à nous de décider de cela... C'est que nous nous inquiétons du fait, pour nos clients, d'être obligés de s'assurer pour un montant de $50 000 pour la responsabilité vis-à-vis d'autrui.

Il devient difficile d'expliquer à des gens, tout d'abord, ce que c'est que $50 000. En partant, cette notion, pour eux, cela représente une somme formidable. Ils n'ont jamais vu cela de leur vie et ils ne le verront jamais. Tu ne t'assures pas pour toi. Tu t'assures pour les conséquences qu'un geste présumément dommageable pourra avoir vis-à-vis d'un autre que tu ne choisis pas. Je comprends qu'on ait dit: On va faire une limite de $50 000, parce que cela peut être une Cadillac, cela peut être un autobus, cela peut aussi être un gros camion. Je comprends qu'à ce moment-là on dise que si on maintient le régime de la responsabilité basée sur la faute, suivant le Code civil, quant à moi, ce n'est peut-être pas une faute, parce qu'il n'y a pas d'élément de volonté de causer un préjudice. Si on maintient cela, c'est normal qu'on oblige les gens à s'assurer et qu'on les oblige à s'assurer pour $50 000. Les personnes qu'on représente présentement, on se demande même si elles vont s'assurer. C'est aussi une question que le BAC se posait, selon la lecture que nous avons faite du mémoire du BAC, surtout pour $50 000. Pour eux, cela représente une difficulté. Ils vont se demander l'à-propos de cela.

Il serait peut-être possible de dire: On va employer le même régime que pour les blessures corporelles. Je m'explique. L'approche du projet de loi pour les blessures corporelles, c'est de dire: Un accident d'automobile, ce n'est presque plus un accident. Cela arrive de toute façon et chacun peut en avoir. On en a des exemples à tous les jours dans les journaux, des personnes qui ont des accidents. Autrement dit, l'automobile est donc devenue une maladie sociale, mais nécessaire. Donc, on répartit les coûts sociaux de l'utili- sation de l'automobile surtout vis-à-vis du côté le plus social, c'est-à-dire l'aspect humain, l'aspect corporel des blessures ou des dommages subis par les personnes.

Il est bien sûr que je ne pense pas qu'on pourrait dire que des réparations à une automobile, c'est un coût social. Je ne pense pas que la société soit à même, dans l'état actuel, de dire que c'est un coût social, autrement dit, d'avoir une assurance-indemnisation-réparation d'automobile. Au stade actuel, selon la perception qu'on peut en avoir, la société n'est pas rendue à ce point.

Mais il est peut-être possible de dire aussi: II n'y aura pas de transfert de responsabilité, c'est-à-dire, les conséquences de tes actes, chacun pourrait les assumer aussi. Autrement dit, on deviendrait un "no fault" dans le domaine matériel. Mais là, chacun s'assurerait suivant sa volonté, donc suivant la sorte d'automobile qu'il posséderait et sa relation, il l'aurait seulement avec la compagnie qu'il engage.

Autrement dit, l'assuré aurait une relation directe avec la compagnie et, s'il n'y a pas de subrogation, on est loin des exagérations, que Gau-vin lui-même a constatées, qui étaient de gonfler des dommages matériels. Cela faisait rire la compagnie d'assurances parce qu'elle transférait les coûts à l'autre compagnie qui, à ce moment-là, augmentait les primes de son assuré. C'est un cercle vicieux qui se faisait. C'était une des façons de s'y prendre.

Gauvin dit, dans le fond, que les dommages matériels sont assez bien couverts. C'est peut-être aussi bien, ce n'est pas nécessaire d'y aller immédiatement dans ce domaine. D'autres disent qu'il y en a qui vont ambitionner, parce qu'il y en a qui vont avoir seulement des égratignures et qui vont passer leur temps à réclamer. Je me dis que c'est peut-être possible de passer à côté de tout cela; plutôt que de faire une garantie de réparation, qu'on laisse simplement les personnes libres de s'assurer pour leurs propres dommages, qu'il n'y ait pas de responsabilité vis-à-vis d'autrui et qu'il n'y ait pas de subrogation non plus entre les compagnies. Peut-être que cela peut aussi aider au coût économique du régime, parce que c'est quand même une partie assez importante de la prime qui va dans les réparations pour les dommages matériels. On dit — un des arguments de Gauvin, en tout cas — qu'en supprimant des intermédiaires, le régime coûte moins cher. Les intermédiaires, on a dit que ce sont des avocats, des courtiers, des personnes qui s'occupent des sinistres; autrement dit, le dollar investi se répartit de différentes façons et Gauvin dit qu'il y a une partie de ce dollar qui va aussi pour les dommages matériels.

Si la réforme peut diminuer les coûts, pourquoi ne serait-elle pas bonne pour diminuer les coûts du côté des dommages matériels? D'autant plus qu'il va y avoir une relation directe entre le vendeur d'assurance et l'acheteur d'assurance. Il y aura donc un contact qui pourra s'établir. Comme Gauvin le dit, d'ailleurs, dans l'article qu'il a fait par la suite, il sera peut-être possible aussi que des personnes s'assurent suivant la sorte d'auto-

mobile qu'elles désirent posséder. A ce moment-là, cela veut dire que, pour nos clients, peut-être que les primes seraient beaucoup plus faibles que ce qu'ils paient présentement, parce qu'ils s'assurent en fonction du véhicule qui appartient à un autre plutôt que de s'assurer par rapport au véhicule qui peut leur appartenir.

Je comprends que cela peut sembler théorique, mais c'est un argument qui a été apporté hier. On a dit que, si on va vers un "no fault" partiel, c'est parce qu'on ne peut pas changer les habitudes des gens si rapidement, parce que c'est déjà un principe qui est ancré, celui que chacun est responsable du dommage causé à autrui par sa faute, négligence ou imprudence.

Je ne suis pas sûr que ce soit une habitude de par les questions qui nous sont posées, parce qu'il semble que les gens ne comprennent même pas ce qui leur arrive dans le régime actuel. Ce serait peut-être plus facile de dire: Tu seras indemnisé pour tes dommages matériels si tu es assuré. Si tu n'es pas assuré, tu ne seras pas indemnisé, tu devras t'arranger toi-même. C'est peut-être une façon de s'y prendre. Remarquez bien que c'est une suggestion humblement soumise. Je comprends aussi que c'est du domaine politique, mais on se dit quand même qu'il faut vous livrer le fruit de nos réflexions, et c'est une partie de nos réflexions.

Un autre point important, quant à nous, c'est la fameuse question des tribunaux. Je comprends qu'on en a déjà discuté hier et encore ce matin. Je m'arrangerai pour être bref.

Nous avons la prétention d'aller souvent devant la Commission des affaires sociales. D'ailleurs, on est à peu près les seuls à y aller régulièrement. Il est vrai que la Commission des affaires sociales est un tribunal spécialisé dans le domaine, entre autres, des pensions sociales. A titre d'exemple, quand une personne vient nous voir et qu'elle a droit à l'aide sociale et qu'on la lui refuse, on va aller en appel devant la Commission des affaires sociales.

Cette pratique nous a aussi mis à même de constater que les règles de preuves là-bas étaient un peu curieuses, mais cela se comprend aussi. Autrement dit, il faut faire attention si on fait des réformes dans ce domaine. Qu'il n'y ait pas de règle de preuve sacramentelle, on nous dit que c'est pour permettre aux gens de pouvoir s'exprimer facilement et d'être capables eux-mêmes d'aller porter leur cause sans être obligés de passer par des intermédiaires avec du jargon légal. Cela a du bon sens, pour autant que tu t'occupes de certains domaines assez spécialisés, par exemple la protection du malade mental; je n'ai aucune objection à ce que cela aille là. Vous avez deux psychiatres qui vont entendre cette cause en plus du juge. Que cela prenne un tribunal spécialisé, cela va de soi.

Les pensions d'aide sociale aussi, il est assez facile pour le client... Je remercie les juges à la Commission des affaires sociales d'écouter les clients eux-mêmes s'expliquer de toutes sortes de façons, sauf que, si on s'en va dans un domaine aussi vaste que l'indemnisation pour blessures corporelles, parce que la fréquence des accidents est quand même forte, on se demande s'il ne faudra pas, soit raffiner ce tribunal, soit s'en aller devant un autre tribunal qui a déjà des règles de preuve qui ont fait l'objet d'une attention particulière pendant de nombreuses années.

C'est le choix devant lequel nous nous trouvons. On a vécu, par exemple, des preuves de ouï-dire, parce que, suivant la Loi de l'aide sociale, il s'agit de savoir si une personne se fait réellement vivre par un autre homme ou par une autre femme, et là, il y a une preuve de commune renommée pour savoir depuis combien de temps les gens vivent ensemble, etc. C'est seulement là un exemple. On a la preuve par ouï-dire là-dedans... Assez, qu'il y a des réputations qui peuvent être ternies simplement par le ouï-dire. Cela nous inquiète, surtout si on tombe dans un domaine aussi vaste que celui-là. Pour nous, on est obligé de juger suivant une situation qui existe présentement. Etant donné la latitude donnée à la régie dans le projet de loi, nous avons dit: Le tribunal qui existe présentement et qui donne les meilleures garanties d'être dégagé de l'appareil gouvernemental— nous sommes d'ailleurs un appareil gouvernemental— il semble que ce soit la Cour supérieure maintenant.

Si on limite dans la loi le côté optionnel que peut prendre la régie, c'est-à-dire qu'il y a différents articles où on dit: La régie peut. On pourrait faire une boîte à la régie et dire: Tu dois dans telle ou telle circonstance. J'aurais peur, cependant, qu'à ce moment, on perde en flexibilité, ce qu'il y a déjà là-dedans. Par contre, on veut aussi une certaine garantie. La garantie, selon nous, pourrait peut-être aller aux affaires sociales, à la condition qu'aux affaires sociales, on ait peut-être des règles de preuve, parce qu'on n'est pas contre un tribunal spécialisé non plus, mais dans l'état actuel de ce qui existe, quant à nous, c'est la Cour supérieure présentement, parce qu'à la Cour supérieure les personnes sont nommées à vie par cet organisme — c'est déjà une différence par rapport aux assesseurs de l'autre tribunal — et les règles de preuve sont plus strictes. Maintenant, nous, comme avocats à l'aide juridique, cela ne nous fait rien que ce soit devant un tribunal ou devant l'autre, on va y aller. Il n'y a pas de problème, on y va déjà. On a déjà la pratique de ces tribunaux. Sauf qu'on aime bien savoir quel jeu va se jouer devant un tribunal. Je pense que c'est normal. Avant de jouer une partie de hockey, il faut savoir de quelle manière on va jouer et comment on va se déplacer, c'est-à-dire que, dans la plupart des cas, c'est bon de le savoir.

Il est peut-être possible d'arriver à un aménagement qui conserve la flexibilité, qui garde aussi l'aspect tribunal spécialisé, parce que je comprends aussi les réticences qu'on peut avoir de retourner devant un tribunal qui appliquait des règles de preuve à la faute, parce qu'on a vu des aberrations. A un moment donné, tu regardes cela et tu te dis: Cela n'a pas de bon sens, en être rendu à la distinction de la distinction de la distinction pour essayer de savoir lequel des deux a glissé sur la flaque glacée et qui était sur la ligne

blanche le premier. Quand même, je comprends aussi qu'on ne veuille pas retourner devant un tel tribunal et qu'on dise: II faudrait peut-être avoir quelque chose de nouveau, quelque chose de différent. Quant à nous, dans l'état actuel de ce qui existe, nous préférons la Cour supérieure, cela va de soi.

Maintenant, il y a aussi une question de volume de causes. Si la Cour supérieure a retardé, il y avait aussi une question de volume de causes. La responsabilité, cela va être réglé. Il n'y aura plus de problème de responsabilité, du moins, je l'espère. Le quantum des dommages, quant à moi, cela va être réglé dans la plupart des cas. Donc, il reste peut-être des questions de fond, des questions de droit qui fixeraient peut-être certains paramètres en dedans desquels la régie pourrait exercer sa discrétion. C'est notre souhait. Dans l'état actuel, c'est ainsi que nous le voyons.

Il y a la fameuse question des rentes aussi où, à un moment donné, le projet de loi dit: Si vous recevez une rente publique ou une rente du RREGOP, le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, et aussi certains régimes privés qui seront déterminés par la régie elle-même, on dit: On devra tenir compte de ces rentes et les enlever de la rente qui reviendrait suivant le régime d'assurance automobile. Ici, je parle pour notre clientèle. La clientèle privée ou qui est capable de se constituer des épargnes, peut se faire un plan de retraite, à même des immeubles, par exemple, qu'elle va acheter.

Elle sait que ces immeubles vont conserver une certaine valeur, et elle aura des loyers, etc. Cette personne, elle, on ne déduira pas cette rente qu'elle s'est constituée à même des biens qui lui appartenaient et qu'elle a réussi à épargner. Notre clientèle n'épargne pas. Notre clientèle vit de transferts, ni plus ni moins, c'est-à-dire des montants qu'elle va recevoir parce que la richesse collective s'est augmentée. Pour elle, sa seule façon d'investir, c'est de l'investissement forcé que l'Etat est venu chercher sur son salaire et on lui dit: Ce serait bien normal que ça lui revienne en retour, étant donné que la partie privée, elle, qui a réussi à se faire des épargnes, va l'avoir, cette double allocation, ni plus ni moins.

Les autres remarques, disons que ce sont des remarques sur des articles. Je ne veux pas passer trop de temps dessus. Entre autres, on dit, à l'article 10: La régie peut, à sa discrétion, verser une indemnité à une personne autre que la victime lorsqu'elle est mineure. Cela va de soi. C'est le même article qu'on retrouve aussi dans d'autres pensions.

Par contre, nous disons qu'il faudrait peut-être que cette personne ait les mêmes obligations qu'un tuteur. C'est qu'on est à même de constater chez nous que, quand il y a de l'argent qui circule, il y a des gens qui sont drôlement intéressés et qui, à ce moment-là, font que l'argent ne se rend pas toujours à la personne qui était désignée comme étant le bénéficiaire éventuel. C'est causé par certaines circonstances. Peut-être que la nécessité fait le larron, mais de toute façon, ça se produit. Il faudrait peut-être intervenir au niveau de la loi pour au moins avoir des sanctions contre des personnes qui pourraient divertir ces fonds.

L'article 19. On dit que c'est un pouvoir discrétionnaire qu'on aimerait voir abolir en ce sens que nous disons qu'il faudrait au moins qu'il y ait l'obligation de la régie de se prononcer.

L'article 72. Quant à nous, c'est un article important, parce que c'est le genre de discussion que nous avons à subir devant la Commission actuelle des affaires sociales, parce que quand nous sommes rendus à ce niveau-là, c'est, la plupart du temps, pour des raisons invoquées à l'article 72 qui font que, à un moment donné, on décide qu'une personne n'a plus droit à telle pension pour telle ou telle raison. Nous disons que ça prendrait certaines garanties au moins au niveau de l'article 72 pour que ça ne devienne pas complètement arbitraire, ça.

Le reste, ce sont des amendements mineurs.

Pour résumer notre prétention, nous sommes d'accord avec le régime proposé et c'est définitivement un grand pas en avant par rapport à une situation préalable, du moins pour nos clients. Cela semble évident.

Nous disons qu'il y a peut-être lieu d'améliorer le projet. Je ne veux pas dire que c'est pour demain, mais par rapport aux dommages matériels. Nous disons qu'il faudrait aussi regarder avec grand soin la question du tribunal d'appel, pour voir de quelle façon cela pourrait se passer.

Quant à nous, c'est évident que si le régime sort, nous ferons ce que nous avons fait dans le passé, c'est-à-dire que nous essayerons de l'expliquer à notre clientèle comme, jusqu'à maintenant, on a essayé de le faire aussi pour d'autres lois qui s'adressent plus spécifiquement à eux.

Je vous remercie de votre attention.

Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais assurer les invités qui sont là que j'ai bien écouté ce qui a été dit au sujet de la Commission des affaires sociales. C'est un sujet qui est revenu à plusieurs reprises depuis le début de la commission parlementaire. C'est un sujet que nous avions, nous, déjà étudié auparavant. Je pense que c'est peut-être la première fois cependant que nous avons affaire à des avocats qui, effectivement, connaissent bien le fonctionnement de la Commission des affaires sociales, si bien que je prends bonne note de tout ce que vous avez dit sur le sujet.

Vous avez posé un certain nombre d'objections, au cours de votre présentation, par rapport à la clientèle que vous servez et je vous comprends parfaitement de vous sentir plus responsables de cette clientèle que d'une autre.

Vous demandez pourquoi nous portons l'assurance obligatoire pour dommages à autrui à une somme de $50 000. Le livre bleu, vous vous en souviendrez, parlait de $10 000 d'assurance obligatoire. Depuis que le livre bleu a été présenté, nous avons reçu un nombre important de représentations de la part de la population et probablement de la couche que vous connaissez la

mieux, qui nous a suppliés de porter ce montant à au moins $35 000, qui est l'espèce de chiffre magique, puisqu'on le retrouve dans le système actuel.

La population a l'impression que, quand on dit $35 000, le problème est réglé. On a eu beaucoup de représentations pour que ce soit un minimum de $50 000. Je dois vous dire qu'on a beaucoup hésité parce que, selon nos calculs, à $10 000 d'assurance obligatoire, 99,9% — je ne voudrais pas que ce soit un chiffre qu'on trouve dans les journaux parce qu'il n'est pas officiel — des cas d'assurance avec dommages matériels seulement sont couverts. La moyenne du coût des réparations de dommages matériels — si mes souvenirs sont bons — se situe autour de $875, si bien qu'à $10 000, on estimait, comme il s'agit d'une assurance obligatoire, qu'on couvrait les besoins de la population à 99,9% sauf qu'il y a une inquiétude dans la population et nous ne sommes pas arrivés à corriger cette inquiétude depuis la présentation du livre bleu, une inquiétude causée par l'ignorance du fonctionnement du système, au fait que, quand on a toujours parlé de $35 000, cela apportait une certaine sécurité à ceux qui l'avaient. On ne comprend pas que les $35 000 dont il était question comportaient les blessures corporelles et les dommages matériels et il y a eu, il faut bien le dire, hélas, une mauvaise publicité faite dans ce sens par certaines personnes — je ne voudrais pas jeter le blâme — qui fait qu'on a semé l'inquiétude et que, où nous avons tenté de soulager la population de frais qui n'étaient pas nécessaires, nous nous voyons actuellement dans l'obligation, pour ne pas créer d'inquiétude supplémentaire, de porter le montant obligatoire à $50 000.

J'ai dit personnellement que c'était un cadeau que nous faisions aux compagnies d'assurances, qui n'est pas énorme quand il s'agit d'un individu puisque la différence entre $10 000 et $50 000, sur la répartition du risque, est finalement une question de quelques dollars, mais, sur 2,5 millions ou 3 millions d'assurés, cela commence à faire un cadeau aux compagnies d'assurances, sauf que je dois vous avouer que, jusqu'à maintenant, j'ai tellement entendu parler de cette inquiétude créée par les $10 000 de minimum et les gens ne semblent pas comprendre, d'ailleurs, qu'il s'agit d'un minimum, même à $50 000, puisqu'on reçoit encore des demandes pour le porter à $100 000 ou même $200 000, alors que la population ne comprend pas qu'elle est libre de s'assurer pour $100 000 ou $200 000 si elle le désire, mais que nous, on ne sent pas qu'on peut obliger les gens à s'assurer pour cela. J'espère que vous comprenez bien le raisonnement qu'on a fait à ce niveau.

Vous avez parlé du "no fault" dans les dommages matériels également. Je dois vous dire que cela a été un grand souci pour tous ceux qui ont travaillé sur cette réforme. Il nous est apparu qu'autant il était possible de faire comprendre à la population notre intervention dans l'abandon de la responsabilité pour les dommages corporels — vous avez affaire à la population qui souffre le plus de cette situation actuelle — autant il nous paraissait difficile de contrer la mentalité de responsabilité.

Vous dites: Les gens ne comprennent pas le système actuel, mais, d'autre part, dès qu'ils ont un accident, la première chose qu'ils disent, c'est: je ne suis pas responsable. C'est leur première déclaration quand il y a des dommages matériels et il nous est apparu que c'était une habitude ancrée qui serait difficile à contrer, mais j'ai également dit, dans les premiers mois après la publication du livre bleu, que nous ne renoncions pas définitivement à l'introduction d'un "no fault " dans les dommages matériels dans les années qui viennent. Je crois qu'on va d'abord faire l'essai dans les dommages corporels, expliquer et bien faire comprendre que c'est la répartition des coûts sur une population donnée, mais vous disiez tout à l'heure — c'est vous qui l'avez dit; je ne peux pas vous citer mot à mot, mais cela m'a frappée — que la population n'accepterait peut-être pas de partager la réparation d'une égratignure parce que c'est cela qu'un "no fault" veut dire, c'est que, collectivement, on assume les réparations de tout le monde. Autant cela s'accepte socialement, autant, pour ce que nous considérons encore comme un bien de consommation, la voiture, cela paraît plus difficile à expliquer dans une société comme celle que l'on souhaite.

Nous sommes allés jusqu'à dire que nous avions trop d'automobiles au Québec, que nous avions un parc automobile trop considérable pour la population que nous avons. Nous avons été de très mauvais consommateurs d'automobiles, on a acheté à peu près n'importe quoi, à n'importe quel prix, on s'est endetté largement pour posséder ce qu'on nous présentait comme l'essence même du bien-être en Amérique du Nord. Nous avons la prétention de dire qu'il faut peut-être une sorte de rééducation à ce niveau qui va se faire au cours des prochaines années, à partir du pas en avant que nous faisons maintenant.

Au-delà de cela, vous avez parlé des coûts. Le grand souci que nous allons avoir, une fois ce projet de loi adopté, ce sera de nous assurer le meilleur contrôle du coût de la réparation des dommages matériels. C'est peut-être dans ce domaine que nous arriverons à être le plus utile pour la population que vous servez. Ce sont des explications que j'ai eu à donner à plusieurs reprises.

Je pense qu'on connaît le jeu. On doit avoir la simplicité d'avouer que, quand il y a un dollar à faire quelque part, en général, comme on en a besoin, on va le chercher. Comme on a eu très souvent l'impression d'être leurré par des compagnies d'assurance, c'est relativement une compensation pour la population de pouvoir faire augmenter l'évaluation de ses dommages et d'aller chercher le maximum au moment d'un accident.

On estime que ce n'est pas véritablement un vol que de voler une compagnie d'assurances, mais au bout du compte on ne vole ni la compagnie d'assurances, ni qui que ce soit, on se vole soi-même. On a constaté que la compagnie d'assurances va rechercher, au niveau des primes, ce qui a été donné en évaluation de dommages matériels dans les années qui viennent.

Alors, dans ce sens, au moment où nous souhaitons la formation d'une corporation des assureurs et la construction au Québec de centres d'évaluation, au moment où nous introduisons la notion d'indemnisation directe de la part de l'assureur, je crois qu'on fait un pas en avant important dans les dommages matériels, peut-être moins spectaculaire que le pas que nous faisons pour les dommages corporels.

Il nous a semblé que la population était plus prête à accepter l'un, moins préparée à accepter l'autre. Mais nous n'avons pas l'intention de renoncer à l'idée éventuelle de l'abandon de la responsabilité pour les dommages matériels. Ce sont des choses que nous verrons maintenant au fur et à mesure de l'évolution du régime.

Je vais essayer de reprendre les objections que vous aviez. Quant aux articles que vous soulignez dans votre mémoire, nous avons déjà annoncé que nous étions en train de revoir certains d'entre eux, de les corriger dans certains cas. Si certains ne sont pas clairs, nous allons faire en sorte qu'ils le soient.

Nous sommes préoccupés par ce qui nous a été dit au sujet de la situation dans laquelle nous plaçons les personnes âgées, par exemple. Nous sommes également préoccupés de la situation d'une rente payée par l'entreprise privée ou par un organisme d'Etat. Alors, ce sont des choses que nous sommes en train de revoir actuellement pour en arriver à une plus grande justice.

Je n'aurai pas beaucoup de questions à vous poser parce qu'il est évident que le travail que vous faites et le travail que j'ai essayé de faire, se ressemblent. Je voudrais cependant vous signaler que là où vous parlez de pouvoirs discrétionnaires pour la régie, et vous l'avez souligné vous-même, nous créons un nouvel organisme dans un domaine qui est nouveau pour le gouvernement. Nous ne sommes pas des assureurs, et je l'ai dit à plusieurs reprises. Nous sortons de l'assurance une partie qui a toujours existé, c'est-à-dire la couverture des dommages corporels. Nous avançons dans un domaine qui est nouveau et nous sentons en même temps le besoin de bien encadrer la régie, mais, d'autre part, de lui laisser la possibilité d'innover quand c'est nécessaire pour le mieux-être du consommateur et de la population.

Alors, nous essayons d'arriver à un juste milieu à l'intérieur de ce dont nous disposons. Je voudrais que vous sachiez que c'est un de nos soucis. J'ai bien écouté ce que vous avez dit et nous allons essayer de voir si on peut mieux baliser les pouvoirs de la régie, tout en lui laissant la marge de manoeuvre nécessaire pour appliquer la loi pour que ce soit appliqué correctement.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je tiens à remercier ce groupe d'avocats pour son mémoire extrêmement intéressant, d'autant plus qu'il nous donne le point de vue des personnes les moins nanties ou du moins ils tentent de protéger les intérêts des personnes les moins nanties dans notre société.

J'aurais aimé que Mme le ministre amende ce droit d'appel sur lequel vous avez émis vos opinions. Comme vous avez une expérience pratique de ce droit d'appel à la régie, que vous avez décrit d'ailleurs, il y aurait lieu de considérer vos opinions à ce point de vue comme valables et extrêmement importantes.

On a constaté tout de même et madame vient de nous dire qu'au niveau du gouvernement, bien peu ont une expérience pratique de l'application des articles de ce projet de loi.

Il y aurait lieu que les assureurs, les avocats et le groupe que vous représentez, soient consultés afin que la régie bénéficie de l'expérience de tous ces gens, car ce sont les seuls qui ont en ce moment, une expérience pratique dans le domaine que nous discutons.

Vous avez parlé du droit de subrogation. Les assureurs aussi nous en ont parlé assez longuement, et je suppose que vous avez pris connaissance de leur mémoire. Ils ont vu là un moyen de diminuer d'une façon appréciable les frais d'administration d'un régime d'assurance.

Ils nous ont bien dit qu'avec l'élimination de ce droit de subrogation toute une procédure interne disparaîtrait et qu'au bout de l'année tout ceci s'équilibrerait, en d'autres mots. Ce qu'une compagnie en particulier irait chercher en droit de subrogation chez ses compétiteurs, compte tenu des montants qu'elle serait elle-même exemptée de verser à cause de ce droit de subrogation, établirait une moyenne équitable et la marge des sommes en plus ou en moins qu'une compagnie d'assurances pourrait être appelée à payer serait minime et ne justifierait pas toutes les procédures et les longues discussions auxquelles donne lieu ce droit de subrogation.

Est-ce que j'ai bien compris que, d'après vous, ce droit de subrogation, s'il était éliminé, permettrait à votre clientèle de voir ses primes en dommages matériels diminuer dans un régime de libre entreprise? Si on fait disparaître le droit de subrogation, est-ce que la prime de $50 000 exigée pour dommages matériels à autrui pourrait être diminuée, à votre avis?

M. Lafontaine: II est évident que si on permet à une personne de s'assurer pour la valeur de son automobile, qui serait de $500, quant à moi, elle va payer des primes moindres que si on l'oblige à s'assurer pour autrui pour un montant de $50 000. Je pense que ça va de soi. Je ne me suis pas prononcé, à savoir si c'est mieux que le régime soit étatisé ou administré par une compagnie privée. Je n'ai pas d'intérêt, que ce soit l'un ou l'autre, parce que je suis obligé de me rapporter à une étude comme celle de Gauvin et elle dit que c'est une question de 2% ou 3%.

Si vous me poussiez à bout et me demandiez ce qui pourrait être la meilleure solution, je pourrais peut-être vous dire que ce serait une fusion des deux systèmes pour permettre aux gens de faire la comparaison. C'est peut-être la solution

parce qu'à l'aide juridique la personne a le droit d'avoir un praticien privé ou quelqu'un qui est engagé à temps plein et qui ne semble pas s'en plaindre.

M. Saint-Germain: On discutait au droit de subrogation pour les assureurs, dans un régime d'entreprise privée, c'est-à-dire dédommagements, droits matériels, dans le cadre du système actuel.

M. Lafontaine: Je comprends que le BAC discute, c'est bien sûr, à travers l'entreprise privée. Mais il peut arriver qu'il n'y ait pas de subrogation dans d'autres régimes que les régimes privés. Je ne me prononce pas là-dessus.

M. Saint-Germain: Le droit d'appel aussi, à mon avis, est très important dans cette loi. Vous avez mentionné une série d'articles qui ne sont pas clairs, à votre avis, qui donneront à la régie une grande latitude ou une grande liberté d'action et qui pourraient, dans l'interprétation de ces articles, amener des injustices. J'ai bien l'impression que même si on clarifiait ces articles et qu'on les rendait plus transparents, si je peux me servir de ce mot, les dommages corporels subis par une victime sont tellement complexes, le cas de chaque victime est tellement différent, il y a tellement de contingences particulières qui peuvent entrer en ligne de compte qu'on ne pourra sûrement pas, au niveau de la régie, autant que possible, essayer de standardiser.

Un appel à un tribunal supérieur permet au juge d'établir une indemnité en relation avec les dommages subis par la victime, et ceci dans chaque cas en particulier. La standardisation, il y en a certainement, mais elle est moins importante. Elle est beaucoup moins importante. Je suis personnellement un peu estomaqué. On va soumettre les gens à un tel tribunal, avec une loi aussi complexe, lorsque les gens pourront subir des dommages ou des préjudices extrêmement importants, non seulement au point de vue financier, mais dans leur vie personnelle, leur vie matrimoniale, leur vie de famille et ainsi de suite.

On dit qu'aujourd'hui on a une civilisation basée sur l'automobile. J'accepte qu'il y a des éléments de grande vérité là-dedans. Laisser à la régie la grande responsabilité de juger de toute cette loi, pour moi, cela me fait peur, cela me donne un peu la chair de poule.

Il me semble que, s'il y avait un droit d'appel auprès des tribunaux supérieurs — vous pourrez me répondre là-dessus et me dire si ce que je dis est fondé; vous avez une expérience pratique — qui serait limité à très peu de gens... Mais, quel que soit le pourcentage des victimes qui feraient appel à la Cour supérieure, si ce droit était remis à la Cour supérieure, le peu de jugements qui se rendraient par la Cour d'appel serait très important au point de vue de l'administration de cette loi, parce que, tout de suite, la régie serait obligée de se rajuster aux décisions rendues, de rajuster même ses barèmes, ses façons d'indemniser les victimes. Il y aurait continuellement une adaptation, à la régie, avec le temps, avec les ex- périences acquises, avec les décisions rendues par le tribunal. On pourrait, par les décisions des tribunaux, avoir une preuve concrète de la faiblesse de la loi, et on pourrait ajuster les barèmes, ajuster les façons de dédommager les gens relativement aux décisions rendues. Je crois que ce serait très important.

Est-ce que j'ai raison lorsque je dis cela ou si vous croyez que ma déclaration devrait être nuancée?

M. Lafontaine: Vous comprenez que c'est difficile de m'ériger en juge de ce que vous dites. J'ai simplement des réflexions que je veux livrer à la suite de ce que vous venez de dire. J'ai compris qu'il y avait deux volets dans ce que vous me disiez. Tout d'abord, à propos du régime de base, vous dites que ce sont des montants très importants, ce sont des choses importantes, etc. Pour mon genre de clientèle, je vous dis que c'est un régime de base qui est offert dans la loi et, quant à moi, ce régime de base est suffisant pour notre clientèle et elle va en être bien aise, j'en suis convaincu, par rapport à la situation antérieure. Sur ce volet, qu'une personne ait le droit de s'assurer pour un surplus parce qu'elle croit qu'elle vaut plus que quelqu'un d'autre, je trouve cela absolument normal. Même si on n'est pas Guy La-fleur, on a le droit de s'assurer pour plus également et il n'y a rien qui empêche cela. C'est sûr.

D'un autre côté, sur la question de l'appel, vous livrez à peu près, en substance, ce qu'on disait tantôt. Ce n'est pas la question que ce soit le tribunal de la Cour supérieure qui m'intéresse. Ce qui est important, c'est qu'il y a une certaine indépendance qu'il faut maintenir. Dans l'état actuel, disons que les juges de la Cour supérieure sont nommés à vie, tandis que les assesseurs devant la Commission des affaires sociales sont nommés pour cinq ans. Habituellement, les termes sont de cinq et dix ans et, dernièrement, les termes étaient de cinq ans. Les règles de preuve ne sont pas les mêmes qu'à la Cour supérieure non plus. C'est bien sûr que, si la Commission des affaires sociales est un domaine spécialisé, je préfère toujours passer devant un tribunal qui est spécialisé, quant à moi. Nous, par la force des choses, on s'est spécialisé dans des domaines et on aime tous parler avec un interlocuteur qui comprend ces domaines.

Il est plus facile de s'entendre.

Je respecte aussi la Commission des affaires sociales, qui veut que ce soit accessible au justiciable, qu'il puisse lui-même aller s'exprimer sur la façon dont il l'entend sans être obligé de s'enfar-ger dans du jargon légal ou avec les déguisements qu'on porte à la Cour supérieure, les toges, les rabats et des choses semblables. Ce n'est pas nécessaire, selon moi, pour rendre une justice équitable.

Vous soulignez aussi le fait que si, dans la loi, on met trop de paramètres et trop de boîtes, on peut en arriver à une injustice, je suis pleinement d'accord. Il y a un brocard de droit qui dit que, si on veut pousser la justice au bout, on peut en arriver à une injustice. Il faut faire attention.

Qu'il y ait une latitude au niveau de la régie

même, autrement dit le premier tribunal qui est ni plus ni moins le tribunal de la régie, je suis d'accord avec cela.

Vous parlez de l'argument du volume, moi aussi je parle de l'argument du volume. Si on se rend à la Cour supérieure, je suis convaincu que cela portera plutôt sur l'interprétation même de la loi. Les autres cas n'auront peut-être pas intérêt à s'y rendre. Sur la responsabilité, il n'en est plus question et sur l'indemnité, quant à moi, ce sera assez rare qu'on va s'y rendre.

C'est pourquoi, dans l'état actuel, ce que nous proposons, c'est qu'il y ait un appel possible à la Cour supérieure, non pas parce que c'est la Cour supérieure. Cela pourrait être un autre tribunal spécialisé avec les mêmes garanties, et je serais d'accord.

Si j'ai bien compris tantôt, Mme le ministre a dit: On essaie de faire un régime particulier, une régie particulière. On verra. Cette chose va naviguer et on verra à faire des ajustements, je présume. Le législateur peut quand même aussi modifier sa propre loi au fur et à mesure. Ce sont les considérations qui me viennent à l'esprit, suite à ce que vous venez de dire.

M. Saint-Germain: II faudrait, à votre avis, que les juges, par exemple, soient absolument indépendants de la régie. Il faudrait qu'ils soient nommés à vie, comme les juges de nos tribunaux de droit commun le sont.

M. Lafontaine: Jusqu'à maintenant, on a toujours considéré comme important, pour dégager les tribunaux du pouvoir exécutif, de nommer des personnes qui jugent à vie, mais il y a aussi des conséquences néfastes qui découlent de cela. Il y a des personnes qui sont inamovibles, qui devraient peut-être...

C'est pourquoi, à ce moment-là, on a présumé que ce serait peut-être bon d'avoir un conseil de la magistrature qui deviendrait un intermédiaire pour réussir à régulariser certaines choses qui pourraient laisser croire qu'il n'y a pas apparence de justice. C'est aussi nécessaire dans l'administration de la justice qu'il y ait apparence de justice. C'est ce qu'on reproche un peu à la Commission des affaires sociales, parce qu'il se peut qu'il n'y ait pas apparence de justice, étant donné le ouï-dire, entre autres, qui peut exister et qui semble commun.

M. Saint-Germain: C'est entendu qu'on travaille toujours avec des hommes. Où il y a des hommes, ça sent l'homme. Qu'on les nomme à vie, que ce soit au niveau des tribunaux, de l'exécutif ou du législatif, il y aura toujours des faiblesses humaines. Il appartient au gouvernement et aux responsables de voir à ce que les faiblesses humaines soient découvertes le plus possible pour le bien-être de tous et que les coupables soient punis. Mais cela n'enlève pas, j'ai bien l'impression...

A mon avis, c'est la base de nos institutions: II doit y avoir une différence marquée entre les pouvoirs du législatif, de l'exécutif et de la justice. Je crois que ce système a fait ses preuves.

Je ne veux pas dire qu'un tribunal administratif ne devrait jamais exister, mais qu'il reste en concordance avec sa définition de tribunal administratif. Je crois que cette loi est beaucoup plus que de l'administration, elle dépasse l'administration. C'est extrêmement important. Cela touche tout le comportement humain dans la société. Je crois que, dans ces conditions, la division des pouvoirs devrait réellement exister. Si elle doit exister à un endroit donné, c'est bien là.

Ceci dit, vous avez aussi mentionné tout ce qui regarde le régime des rentes et des pensions. C'est une autre chose que, personnellement, j'ai bien de la difficulté à expliquer. Si on prend, par exemple, le Régime de rentes, on se souvient que, lorsque ce régime a été établi, chaque industrie, à la suite de négociations avec les syndicats, du moins la grande industrie, avait son régime de retraite mais, malheureusement, lorsqu'un employé était congédié ou laissait son emploi pour en occuper un autre, il n'y avait pas de constance dans ce régime, puisqu'on remettait à l'employé les montants déjà versés.

Lorsqu'il recommençait ailleurs pour un autre employeur, il recommençait à payer ses rentes; ceci a fait que plusieurs employés, à 65 ans, après avoir travaillé toute leur vie et avoir payé un régime de retraite toute leur vie, n'avaient droit à aucun régime de retraite. Alors, le gouvernement a voulu standardiser un régime où un employé, quel que soit son employeur, a un versement constant sur son salaire. L'employeur aussi paie sa cote, mais il bâtit constamment au fur et à mesure des années la rente à laquelle il a droit. C'est un régime qui a remplacé, si vous voulez, le régime de la libre entreprise qui semblait difficilement applicable. La libre entreprise ne pouvait pas garantir à un employé une rente à 65 ans sans qu'il ne travaille constamment pour le même employeur.

Voilà qu'à la suite on dit que le régime est basé sur la perte de revenu, et lorsqu'une victime recevra une indemnité ou alors si elle a droit à son régime des rentes, elle perd les avantages de ce régime. Cela me semble être tout à fait une injustice de saisir, c'est une façon de saisir une rente par le gouvernement, et une rente qui a été garantie, non pas par les fonds publics, mais par les montants et des employés et des employeurs. D'ailleurs, si vous prenez deux personnes qui ont un accident à 40 ans, un va être dédommagé par la régie à vie, s'il subit une incapacité totale et permanente, et l'autre qui continue à oeuvrer va d'ailleurs payer son régime des rentes, va pouvoir économiser, investir dans une propriété ou dans quoi que ce soit, et lorsqu'il aura atteint l'âge de 65 ans, il va recevoir son régime des rentes. Le même type qui, au même âge, aura un accident, on le dédommage comme perte du revenu et on lui fait perdre les avantages de son régime des rentes. Je ne vois pas quelle philosophie peut soustendre une telle façon de procéder. Je vous ferai plus un commentaire qu'autre chose...

Le Président (M. Laplante): Le député de Bellechasse. Excusez-moi, cela fait 25 minutes envi-

ron, M. le député de Jacques-Cartier, et d'autres avaient demandé la parole. S'il y a possibilité de...

M. Saint-Germain: Alors, je vais laisser, dans ce cas, volontiers la place à mes collègues.

Le Président (M. Laplante): Excusez-moi... Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier nos invités pour le mémoire qu'ils nous présentent. Je pense qu'il apporte des éléments valables, à certains points de vue, lorsqu'on demande des amendements à certains articles. Ils ont dit au début du mémoire qu'ils ont traité ou reçu à leur bureau 10 000 bénéficiaires, à la suite d'accidents d'automobile. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il s'agit de consultations ou si vous avez agi en tant qu'avocats pour demander dans quelque domaine que ce soit, en demande pour les bénéficiaires.

M. Lafontaine: La Loi de l'aide juridique défend à un permanent de l'aide juridique de représenter un bénéficiaire en demande lorsque c'est une cause qui est susceptible de générer des honoraires.

M. Fontaine: D'accord. Dans d'autres domaines, vous dites que vous êtes allés à la Commission des affaires sociales, vous êtes allés demander des pensions d'aide sociale. Dans quelle proportion avez-vous agi pour ces cas? Ou est-ce que ce sont seulement des consultations que vous avez données?

M. Lafontaine: II ne s'agit pas de consultations. Le client à l'aide juridique doit d'abord remplir une demande d'aide juridique pour qu'on puisse juger de son admissibilité financière et aussi de la vraisemblance de son droit, comme vous le savez d'ailleurs. C'est à partir des demandes d'aide juridique qu'on comptabilise par ordinateur les natures des causes que nous recevons. Effectivement, disons qu'au civil il y a 75 natures de causes différentes que l'on peut retracer par l'ordinateur. Maintenant, pour 10 000 causes, ce sont autant des mandats qui ont été remplis par des permanents que par des avocats de pratique privée, si on n'a pas fait la distinction entre les deux, à savoir si c'était nous qui les représentions ou non. Tout simplement, on dit que ce sont des clients qui sont venus à l'aide juridique, qui ont bénéficié de l'aide juridique dans des cas où leur responsabilité, suite à un accident d'automobile, pouvait découler de cet accident.

M. Fontaine: D'accord.

M. Lafontaine: En défense, bien entendu, dans la plupart des cas.

M. Fontaine: On sait qu'actuellement vous ne pouvez pas, en tant que permanents à l'aide juridique, occuper en demande, pour réclamer des montants d'argent. Si la loi était adoptée telle quelle, est-ce que vous auriez la permission d'occuper en demande pour aller, par exemple, devant la Commission des affaires sociales?

M. Lafontaine: Je ne peux pas dire. Tout ce que je me rappelle, c'est qu'il y a un article là-dedans qui dit qu'on n'a pas le droit de partager avec quelqu'un à même l'indemnité qu'on doit recevoir, disons, du régime des rentes. On n'a pas fait faire d'analyse de cet article. A première vue, je serais porté à dire qu'étant donné qu'on ne peut pas retirer d'honoraires à même l'indemnité qui revient sous forme de rente, en tout cas, je présume qu'à ce moment-là ce n'est pas une cause susceptible de produire des honoraires, ni plus, ni moins, donc, effectivement, on ne pourrait les prendre à ce moment-là. Mais c'est sous toutes réserves. C'est la première fois que ça me frappe de cette façon.

M. Fontaine: A supposer que vous ayez le droit d'occuper en demande avec la nouvelle loi, est-ce que vous pouvez évaluer les coûts que ça pourrait occasionner?

M. Lafontaine: Non, je ne peux pas vous dire quels coûts ça pourrait occasionner. De toute façon, à chaque loi nouvelle, on essaie de répondre au débit qui est commandé, mais on ne le sait pas avant. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a un nombre de bénéficiaires théoriques dans la province de Québec et on ne sait pas combien vont venir à l'aide juridique. On ne sait pas non plus si ce sera pour un service couvert. On ne sait pas non plus quel genre de praticiens ils vont choisir. Donc, en fait, on est dans un régime ouvert.

M. Fontaine: Etant donné qu'on évalue, je pense, à 50 000 les prochaines demandes pour l'année, lorsque la loi sera adoptée — la première année — et étant donné qu'on a dit tout à l'heure que la plupart de ces gens vont devoir se faire représenter par avocat, soit de la pratique privée ou de l'aide juridique...

M. Lafontaine: Ce n'est pas moi qui ai dit ça. M. Fontaine: M. Masse a dit ça tout à l'heure.

Mme Payette: M. le Président, je voudrais faire une correction. Il ne s'agit pas de 50 000 appels à la Commission des affaires sociales. Il s'agit de 50 000 accidents avec blessures corporelles allant de l'égratignure au petit doigt de la main droite jusqu'à une incapacité complète.

M. Fontaine: C'est ce que je dis, Mme le ministre, sauf qu'on a dit tout à l'heure qu'étant donné la complexité du régime, ces 50 000 personnes vont, en grande majorité, devoir avoir l'assistance de quelqu'un pour se faire aider, soit d'un avocat ou de quelqu'un d'autre, mais si elles veulent se faire représenter...

M. Paquette: C'est une affirmation gratuite.

M. Fontaine: ... en tout cas, devant la Commission des affaires sociales, elles vont devoir le faire par l'entremise d'un avocat, parce que je ne pense pas qu'il y ait personne qui puisse y aller.

A ce moment-là, si on considère que ça va augmenter les demandes, tant à l'aide juridique que dans la pratique privée, est-ce que vous avez pensé que vous allez devoir augmenter votre personnel d'avocats et votre personnel de soutien, secrétaires, etc.?

M. Lafontaine: Ce que je peux vous répondre, c'est que, jusqu'à aujourd'hui, on en représente 10000 d'une certaine façon. Cela implique, la plupart du temps, des procédures qui peuvent se rendre jusqu'à la Cour suprême, avec tous les déboursés que ça peut impliquer.

Autrement dit, je ne peux pas calculer les coûts que j'aurais devant la Commission des affaires sociales ou devant la régie, même par rapport aux coûts qui existent présentement, où on est obligé de payer un avocat pendant six ans, parce que la cause dure six ans. Je ne peux pas vous le dire. Je ne peux certainement pas vous le dire.

M. Fontaine: D'accord. Changeons de sujet. Mme Payette: M. le Président... M. Fontaine: Oui.

Mme Payette:... pour l'information du député, 11y a actuellement 35% des accidentés avec dommages corporels qui ne se rendent pas au-delà des sept jours de délai de carence, 35% des accidents ne sont pas assez graves.

M. Shaw: Mais, Mme le ministre, est-ce que cela implique...

Le Président (M. Laplante): Si vous voulez, M. le député de Pointe-Claire, c'est une information que donnait le député de Nicolet-Yamaska, vous poserez la question à nouveau tout à l'heure. Continuez.

M. Fontaine: II y a 35% des gens qui vont avoir un accident d'automobile où il y aura des dommages corporels et qui ne seront pas indemnisés.

Mme Payette: Dans la mesure où leurs blessures ne sont pas graves, une égratignure à un doigt...

M. Fontaine: Vous avez parlé, tout à l'heure, du fait...

Mme Payette: ... un bleu...

M. Fontaine: ... d'établir un régime de "no fault" universel. Vous dites, à un moment donné — ce n'est pas dans votre texte — mais...

Mme Payette: Elle est trop bonne pour que je la rate. Je disais: Un bleu sur un bras.

M. Fontaine: Je n'avais pas compris; je m'excuse.

Mme Payette: Ou sur le dos.

M. Paquette: On ne paie pas pour un bleu.

M. Fontaine: C'est de la discrimination.

M. Roy: Est-ce que vous payez seulement pour les rouges?

Mme Payette: II faut que ce soit très très rouge. Ce n'est pas votre cas!

M. Fontaine: On change de sujet et on redevient un peu plus sérieux.

Mme Payette: Mon Dieu, ce que cela fait du bien!

M. Fontaine: Oui, avec la chaleur, je pense que cela fait du bien.

Vous avez parlé d'indemnisation sans égard à la faute tant pour les dommages corporels que pour les dommages matériels et,— non pas dans votre texte, mais dans votre allocution, tout à l'heure — vous vous demandez si les gens vont s'assurer pour les dommages matériels. Etant donné que ce sera obligatoire, est-ce qu'on doit comprendre que les gens ne s'assureront pas et n'utiliseront pas d'automobile?

M. Lafontaine: Ils vont utiliser l'automobile, mais ils ne s'assureront pas. Je peux vous dire qu'en pratique cela se produit assez souvent chez notre clientèle.

M. Fontaine: Comment vont-ils faire? Quand ils vont aller chercher leur plaque, ils vont être obligés de prouver qu'ils sont assurés.

M. Lafontaine: Ce n'est pas à moi de donner des trucs, surtout en commission parlementaire, mais je peux vous dire qu'on peut toujours s'y prendre d'une certaine façon pour contourner des lois. Il y en a qui se spécialisent dans cela.

M. Fontaine: On est ici pour trouver des trous dans la loi, alors si — en tant qu'avocat je pense que c'est votre devoir de nous informer — il y a des trous dans la loi, il faudrait les combler. C'est important; si on garde le fonds d'indemnisation des victimes d'accident automobile, et s'il y a encore 20% des gens qui ne s'assurent pas, on demeure au même point.

M. Lafontaine: Oui, mais...

Mme Payette: M. le Président, est-ce que je peux venir à l'aide de M. le député de Nicolet-Yamaska, sur cette question?

M. Fontaine: Peut-être à l'aide de notre invité, parce que...

Mme Payette: Peut-être que nos invités n'oseront pas, à cause du secteur dans lequel ils oeuvrent actuellement, vous dire ce que, moi, je suis obligée de vous dire. Il y a au Québec des gens qui n'ont pas les moyens d'avoir des voitures et qui n'auront pas non plus les moyens de payer l'assurance qui sera obligatoire. Or, pour certaines personnes, cela veut dire l'abandon du véhicule. Nous en sommes conscients et nous assumons cette responsabilité.

M. Lafontaine: C'est pourquoi, dans le régime que nous proposons ce matin, nous ne sommes pas d'accord pour qu'il y ait une réparation automatique des dommages causés aux véhicules. Nous ne croyons pas que ce soit normal dans l'état de la société actuelle. Nous disons que nous devons abandonner le principe de la responsabilité dans les dommages matériels, c'est-à-dire faire payer à un pour des dommages subis par un autre véhicule appartenant à une autre personne. Nous soutenons que chacun devrait absorber ses dommages, c'est-à-dire que si je décide de m'assurer, à ce moment, j'aurai un recours vis-à-vis de ma compagnie d'assurance et si je décide de ne pas m'assurer, je n'aurai pas de recours, donc si je perds ma voiture, je perdrai ma voiture. Nous disons: La compagnie d'assurance n'aura pas non plus de recours vis-à-vis du tiers qui pourrait être responsable, en vertu du régime actuel, il ne devrait pas y avoir de subrogation non plus entre les compagnies d'assurances. Autrement dit, si j'ai des meubles dans ma maison et que je veux les assurer contre le feu — je comprends que cela peut être un petit voisin qui va venir mettre le feu, mais je peux aussi m'assurer pour les biens que je possède — pour une valeur de $15 000, je vais m'assurer en fonction de ces biens, par contre si j'ai des biens pour $500, je vais m'assurer en fonction d'une perte de biens de $500.

Je me suis peut-être mal exprimé, mais c'est ma façon de voir cela.

M. Fontaine: Non, je comprends très bien.

M. Lafontaine: Je dis: Cela pourrait satisfaire nos petites gens et ils comprendraient ce système. Autrement dit: Tu décides de t'acheter une automobile. Les seuls moyens que tu as, c'est de t'acheter une automobile de $300, cela te permet d'avoir des loisirs normaux, comme tout le monde en a. Je ne suis pas contre une personne qui peut s'acheter une automobile de $300, sauf que je dis que c'est quasiment immoral que de l'obliger de s'assurer pour $50 000, au cas où il en frapperait un autre qui vaut $50 000, surtout quant aux dommages matériels. Pourquoi ne pas dire: On ne pourra jamais reporter sur un autre le coût de notre dépense, ce serait à nous de l'assumer? Il y a des compagnies d'assurances exprès pour les assurer ou l'Etat, cela ne me fait rien. C'est plutôt le système que nous préconisons. Ce n'est pas tout à fait un "no fault" ou une indemnisation garantie, c'est une assurance sur les biens, parce qu'il n'y aura pas de transfert de responsabilité vis-à-vis d'un tiers qui, lui, viendrait payer.

M. Fontaine: A ce moment, les coûts seraient partagés, c'est-à-dire que la personne qui est moins riche et qui a une automobile de $300 s'assurerait pour son automobile de $300, cela lui coûterait moins cher et celui qui a une automobile de $18 000 devrait s'assurer et cela lui coûterait plus cher parce qu'il assure sa propre automobile.

M. Lafontaine: Cela rejoint un des arguments de Mme le ministre tantôt. Peut-être que les constructeurs d'automobiles vont dire tantôt: II va falloir être capable de mettre sur le marché une automobile qui ne coûtera pas cher à réparer, parce que les compagnies d'assurances vont être capables de baisser leurs primes pour tel genre de véhicule.

Cela peut avoir des mesures incitatives. Ce que j'aime surtout, c'est la relation qu'il va y avoir entre l'assuré et l'assureur. Cela va être un contact direct entre celui qui fait de l'argent avec l'assurance et celui qui est censé en bénéficier. Là, on promène cela entre les mains d'autres personnes qui n'ont pas intérêt à ce que le coût soit réduit, parce qu'elles transfèrent ce coût. Donc, qu'on le fasse entre les parties contractantes. Je m'excuse de m'être enflammé.

Mme Payette: Si on me permet, pour une meilleure information, je pense qu'à partir du moment où nous avons reconnu, devant le BAC, en commission parlementaire, que nous envisagions l'abandon de la subrogation, puisque les assureurs s'y opposent eux-mêmes, ils n'avaient d'ailleurs même pas besoin que l'article soit amendé pour le faire, puisque cela s'est déjà fait dans d'autres domaines, je pense qu'on s'approche assez de la formule qui est maintenant proposée.

M. Fontaine: M. le Président, Mme le ministre a soulevé une question importante, tout à l'heure, alors qu'elle a dit qu'il y a une certaine catégorie de gens qui vont devoir renoncer à se servir d'une automobile personnelle. Est-ce que vous avez fait des approximations pour savoir combien de gens au Québec vont devoir cesser d'utiliser leur propre automobile?

Mme Payette: Non, parce qu'il est difficile de savoir, à l'intérieur des 20% de non-assurés au Québec, actuellement, quels sont ceux qui ne sont pas assurés parce qu'ils n'avaient pas les moyens de s'assurer et quels sont ceux qui ne sont pas assurés parce que les compagnies d'assurances leur refusaient de l'assurance. Nous savons que c'est autour de 20%. Je pense avoir expliqué déjà que la raison pour laquelle nous gardons le fonds d'indemnisation, c'est que, même si une loi était parfaite, certains citoyens vont tenter d'y échapper. Nous savons, à partir d'autres exemples venant de New York, par exemple, où l'assurance est obligatoire, que 6% à 7% de la population arrive à échapper à l'obligation de s'assurer. Nous estimons que passer de 20% à 6% serait déjà une amélioration, mais nous visons mieux.

M. Fontaine: D'accord.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Fabien): Sur ce point, j'aimerais bien attirer l'attention de Mme le ministre, sur la déclaration qu'elle vient de faire; à mon avis, elle comporte des conséquences assez sérieuses et le gouvernement devrait se donner la peine de l'évaluer à son mérite. Je comprends que Mme le ministre représente une circonscription urbaine, mais j'aimerais bien qu'elle pense à ceux qui représentent, du côté ministériel, les circonscriptions rurales dans lesquelles il n'y a pas de transport en commun, car, pour ces personnes, l'automobile constitue un service essentiel qui ne peut être remplacé par autre chose. On sait très bien aujourd'hui, quand on regarde le budget de la province, quelles sommes annuelles sont consacrées, par le ministère des Transports, à subventionner les services de transport en commun. Je représente, comme député, un comté rural, et il y a également beaucoup de mes collègues, ministériels comme de l'Opposition, qui représentent des circonscriptions rurales où il n'y a pas de transport en commun. Si Mme le ministre fait une enquête de ce côté pour constater les difficultés que les travailleurs, les petits travailleurs, les bas salariés, ont avec la Commission d'assurance-chômage à cause de cela et qu'elle retient qu'on leur fait perdre systématiquement leurs prestations d'assurance-chômage parce qu'ils n'ont pas les moyens de se déplacer, je pense que nous touchons un problème social qui risque de devenir beaucoup plus grave que celui que le ministre veut corriger. J'aimerais bien attirer l'attention du ministre là-dessus.

Mme Payette: M. le Président, en réponse au député da Beauce-Sud, je pense avoir déjà fait la distinction dans mes déclarations, au moment de ma tournée, en particulier, et après, sur ce que j'ai pu constater. Effectivement, si l'automobile peut être considérée comme un bien de consommation simplement dans des secteurs ruraux, dans certains endroits du Québec, on doit reconnaître qu'il s'agit d'un bien essentiel. Je pense avoir déjà dit au député de Beauce-Sud et l'avoir déjà mentionné ici, en commission, que nous envisageons une tarification spéciale pour les cultivateurs, qui tienne compte de leur utilisation du véhicule jusqu'à un certain point. Ce sont des choses qu'on pourra vous donner ici. Encore faut-il connaître — les travaux ne sont pas encore terminés — le coût du régime pour établir une tarification mais nous pensons que la tarification des cultivateurs sera d'environ — et je prends toutes les précautions nécessaires — 75% du coût d'une voiture de promenade. Au-delà de cela, le député de Beauce-Sud devra reconnaître, M. le Président, que l'assurance obligatoire ne peut pas être obligatoire pour la région de Montréal, la région de Québec et ne pas l'être dans le reste du Québec.

M. Roy (Fabien): Je comprends très bien, Mme le ministre; j'aimerais lui dire que le problème de la classe agricole en est un et le problème que j'ai soulevé en est un autre. J'ai voulu surtout parler des travailleurs des milieux ruraux, les travailleurs qui sont concernés par la Loi du salaire minimum, parce qu'il y en a un très grand nombre pour qui l'automobile n'est pas un bien de consommation, mais un outil indispensable, alors que, dans les milieux urbains, le problème est différent.

Je pense que, du côté des propositions qu'on veut faire au niveau du régime d'assurance automobile, c'est une dimension que le gouvernement ne doit pas ignorer. Si on fait des difficultés et qu'on fait en sorte que les gens des milieux ruraux devront subir les effets du régime plus que les autres, que leurs concitoyens des milieux urbains, on crée une injustice sociale au nom de la correction d'une autre injustice sociale. On déplace le problème au lieu de le régler.

Mme Payette: M. le Président, est-ce que le député de Beauce-Sud me permettrait une question à mon tour? J'ai besoin de savoir, à ce moment-ci, s'il est d'accord avec l'assurance obligatoire.

M. Roy (Fabien): Je suis d'accord avec l'assurance obligatoire, mais il y a quand même des réserves qui ont été apportées par les gens qui sont ici ce matin, dont le gouvernement devrait tenir compte; c'est pour dire à Mme le ministre, à ce moment-ci, que le régime qui est devant nous actuellement a besoin encore passablement d'étude.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que je peux reprendre la parole?

M. Shaw: M. le Président...

M. Roy (Fabien): Oui, je vous la remets.

M. Fontaine: II y a tellement de changement dans la présidence que...

Le Président (M. Laplante): La parole est encore à vous.

M. Fontaine: J'espère. M. le député de Beauce-Sud a pris quelques minutes de mon temps.

Le Président (M. Laplante): Lui avez-vous prêté ces minutes ou s'il les a prises comme ça...

M. Fontaine: Vous lui avez donné la permission, M. le Président.

M. Roy (Fabien): ... sans intérêt.

Le Président (M. Laplante): Sans intérêt, d'accord. Le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, si on acceptait le régime proposé par nos invités, c'est-à-dire qu'on devrait abandonner le système de responsabilité pour dommages matériels, est-ce que vous pourriez nous dire ce qui arriverait si une personne du Québec, où il n'y a pas de responsabilité, qui doit

assurer son propre véhicule, s'en va à l'extérieur du Québec, où le système de "no fault" n'existe pas?

M. Lafontaine: II est évident que cette personne devrait s'astreindre au régime qui existe dans ce milieu, autrement dit, la loi du lieu de l'événement et la loi qui gouverne la responsabilité qui découle d'un accident. Donc, à ce moment-là, ce qu'elle pourrait faire, c'est de s'assurer pour cet événement, si elle le voulait, pour la responsabilité à autrui.

Mme Payette: Est-ce que le député de Nicolet-Yamaska me permettrait une information pour qu'il n'ait plus de doute à ce sujet? Les citoyens québécois voyageant aux Etats-Unis et au Canada sont entièrement assurés pour leurs dommages corporels.

Les autres couvertures, ils les trouveront dans une seule police, pas dans deux ou trois, un seul contrat d'assurance qui comprendra les besoins essentiels des citoyens en termes de couverture et on pourra, j'imagine, au niveau des compagnies d'assurance, offrir les bebelles supplémentaires. Mais ce qu'on considère comme des bebelles supplémentaires, ce sont vraiment des bebelles supplémentaires et non pas ce qui est essentiel comme couverture et qui sera automatiquement dans le contrat type de la compagnie d'assurance.

M. Fontaine: Oui, mais, Mme le ministre, on parle d'un système imaginaire qu'on propose. On dit...

Mme Payette: C'est moins imaginaire qu'un accident d'automobile qu'on juge devant la Cour supérieure.

M. Fontaine: Ce que j'essaie de faire comprendre à la présidence, c'est que nos invités nous proposent un régime dans lequel il n'y aurait plus de responsabilité en dommages matériels. A ce moment-là, il faudrait nécessairement penser au fait qu'une personne qui voyage à l'extérieur du Québec doit prendre une assurance pour sa responsabilité à l'extérieur du Québec.

Mme Payette: Si c'était la décision, on trouvera ça dans un contrat d'assurance qui est obligatoire et que tout le monde devra avoir.

M. Fontaine: Alors, vous obligeriez tout le monde à s'assurer pour l'extérieur du Québec, même si ces gens n'y vont pas.

Mme Payette: Mais c'est déjà dans votre contrat d'assurance, même si vous n'avez jamais mis les pieds aux Etats-Unis.

M. Fontaine: Oui?

Mme Payette: Quand vous partez aux Etats-Unis, sentez-vous le besoin d'appeler votre assureur pour faire ajouter quelque chose?

M. Fontaine: Je comprends, mais...

Mme Payette: Etes-vous assuré pour aller aux Etats-Unis?

M. Fontaine: Je suis assuré présentement.

Mme Payette: Vous, vous le savez que vous êtes assuré.

M. Fontaine: Mais j'ai décidé de le payer, moi.

Mme Payette: Dites-le aux autres, tout le monde est assuré.

M. Fontaine: Moi, j'ai décidé de payer mon assurance, mais il y a des gens qui ne sont pas assurés; là, on va les obliger à s'assurer...

Mme Payette: C'est exact, l'assurance est obligatoire.

M. Fontaine: ... pour aller à l'extérieur du pays.

Mme Payette: Cela fera partie du contrat et ce sera dans le contrat obligatoire.

M. Fontaine: D'accord.

M. Roy (Fabien): A ce moment-là, M. le Président, je ne veux pas enlever la parole à mon collègue...

Le Président (M. Laplante): A ce moment-là, M. le député de Beauce-Sud, il faudra s'entendre parce que son temps est terminé actuellement; si vous voulez en emprunter encore, il va falloir que vous vous arrangiez tous les deux.

M. Fontaine: Je vous demande pardon, M. le Président, mais, ici, il n'y a pas de limite de temps, on peut poser des questions quand on veut. Je ne sais pas si vous avez présidé ailleurs, mais, ici, il n'y a pas de limite de temps.

Le Président (M. Laplante): Je suis les règlements du livre.

M. Fontaine: Est-ce que vous voulez me donner votre article, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): C'est vingt minutes, à l'article...

M. Fontaine: M. le Président, je pense qu'on avait convenu, à cette table, qu'il n'y avait pas de limite de temps, qu'on pouvait poser des questions...

M. Paquette: M. le Président, on avait également convenu d'essayer de se discipliner pour poser nos questions dans un intervalle de 20 minutes.

M. Fontaine: Je ne pense pas, M. le Président, que vous puissiez me reprocher d'avoir pris beaucoup de temps à la commission.

M. Paquette: Mais il est normal que le président avertisse les députés que cela fait 20 minutes qu'ils parlent.

M. Fontaine: D'accord, M. le Président, vous pouvez arrêter de chercher.

Mme Payette: II me semble qu'effectivement on doit reconnaître que, depuis le début des travaux de cette commission, on a laissé beaucoup de latitude, de part et d'autre, d'un côté comme de l'autre. Je ne pense pas non plus avoir abusé de mon temps de parole dans aucune circonstance. On a fonctionné parfaitement à l'intérieur de cela. Il n'y a pas eu d'abus jusqu'à maintenant et je ne considère pas personnellement qu'il s'agit là d'un abus, sauf qu'effectivement on avait tenté d'être raisonnable les uns envers les autres.

M. Fontaine: D'accord. Il me reste deux questions. En ce qui concerne l'appel, on pourrait admettre que les règles de preuve, à la Commission des affaires sociales, devraient être plus strictes et, à ce moment-là on pourrait, dans la plupart des cas, obtenir justice. Si on admet ce principe, pourquoi ne pourrait-on pas également permettre qu'il y ait, en plus de cela, un appel à la Cour supérieure?

M. Lafontaine: C'est ce que nous préconisons.

M. Fontaine: C'est ce que vous proposez. Mais j'ai cru comprendre, dans votre allocution, que vous aviez amoindri un peu ces commentaires en disant que, s'il y avait des règles de pratique suffisamment sévères à la Commission des affaires sociales, vous pourriez accepter qu'il n'y ait pas d'appel supplémentaire.

M. Lafontaine: J'ajoutais aussi qu'il y avait la question d'indépendance qui me semblait fondamentale. Autrement dit, si on fait de la commission des appels un tribunal de la Cour supérieure, je n'aurai pas d'objection non plus. C'est un peu cela que j'ai voulu dire. Je me suis peut-être mal exprimé.

M. Fontaine: Malgré le fait qu'on pourrait avoir une certaine indépendance chez les membres de la Commission d'appel des affaires sociales, étant donné qu'il s'agirait surtout de questions de droit, j'imagine...

M. Lafontaine: Oui.

M. Fontaine: Je pense qu'il serait essentiel qu'on maintienne l'appel en Cour supérieure. Si la plupart des cas sont réglés, bien sûr qu'une infime partie de ces cas-là seulement iront à la Cour supérieure. Cela permettrait une justice plus équitable pour tout le monde.

M. Lafontaine: Je suis d'accord avec cette position.

M. Fontaine: Vous mentionnez, à l'article 1 de la page 5, au paragraphe 11, qu'il faudrait redéfinir la question des dommages corporels pour englober tous les dommages causés lors et à l'occasion d'un accident. Est-ce que vous pourriez me dire quelles seraient les conséquences de cet amendement?

M. Lafontaine: C'est la fameuse question du bon Samaritain, le transport du blessé, par exemple. Lors de l'accident, des dommages peuvent être subis et nous voudrions que ce soit mentionné dans la définition. J'ai cru sentir hier que le ministre était d'accord. C'est une remarque qu'on a faite et qui, par hasard, était également dans les remarques de M. Masse hier. Autrement dit, il faut couvrir le bon Samaritain, c'est-à-dire celui qui va aller donner un coup de main et qui sera aussi blessé à l'occasion d'un accident.

Une Voix: Et qui peut aggraver les blessures.

M. Lafontaine: Et qui peut aussi aggraver les blessures de l'autre. C'est un des drames aux Etats-Unis. Les gens refusent d'aller porter secours, parce qu'ils disent: On va peut-être être poursuivi, cela se peut qu'on aggrave les blessures de la personne si on va donner un coup de main. C'est à cela aussi qu'on voulait penser.

M. Fontaine: Mais je pense qu'il y a un article qui couvre...

M. Lafontaine: Oui, il y a un article qui y ressemble.

M. Fontaine: Je ne me rappelle pas le numéro, mais il y a un article qui couvre la personne qui va aider une autre personne ou qui est blessée en aidant une autre personne, à l'occasion d'un accident d'automobile. Est-ce que cela n'inclut pas cette remarque?

M. Lemaître-Auger (Jacques): Non. Si la personne qui aide le blessé aggrave les dommages du blessé lui-même, ces dommages sont-ils actuellement compensés par la loi? Ce ne seront pas des dommages causés au moment de l'accident, ce seront des dommages causés après l'accident.

M. Fontaine: Les conséquences de l'accident, d'accord.

M. Lemaître-Auger: Les conséquences de l'accident, mais après l'accident.

M. Fontaine: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Laplante): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président.

Mme Payette: M. le Président, je veux simplement mentionner qu'il s'agit de l'article 5.

M. Lafontaine: Oui, en partie. Si vous me permettez, M. le Président, j'ai une remarque à faire. J'ai oublié de la faire au début de ma présentation.

Le Président (M. Laplante): Allez-y.

M. Lafontaine: Nous avons reçu une lettre d'un des membres de la commission chez nous, Me Emile Colas qui demande de se dissocier publiquement de la position de la commission. Je demanderais que la commission prenne acte de cela. Me Colas dit qu'il est en accord avec la position du Barreau et non en accord avec celle de la Commission des services juridiques.

Le Président (M. Laplante): D'accord.

M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter M. Lafontaine pour les nouvelles fonctions qu'il assume depuis hier. S'il avait eu l'occasion de se présenter hier, cela aurait été un jour qui aurait comporté deux grands événements de sa vie, j'imagine.

M. Lafontaine: Je l'ai su ce matin.

M. Roy (Fabien): Vous l'avez su ce matin. Nous sommes heureux d'en être informés, presque en même temps que vous.

J'aimerais quand même vous remercier et remercier vos collaborateurs pour le mémoire que vous présentez devant la commission parlementaire et pour votre disponibilité.

Dans la première page du mémoire, vous dites que, depuis les débuts de l'aide juridique, environ 10 000 bénéficiaires ont fait appel à vos services en matière de responsabilité automobile. Pouvez-vous nous donner un ordre de grandeur concernant la proportion des réclamations concernant les dommages corporels et les dommages matériels pour voir un peu dans quelle proportion le projet de loi proposé peut en quelque sorte modifier votre travail à ce niveau?

M. Lafontaine: Malheureusement non. Au début, quand on a créé ces systèmes, on ne prévoyait pas toutes les questions qu'on pouvait avoir. On avait fait 75 probabilités. Je comprends que c'est un phénomène qui peut se produire ailleurs dans d'autres services du gouvernement aussi. Nous n'avons malheureusement pas pris note de la différence des deux types d'accident. Il faudrait tout relever, aujourd'hui, pour être capable de faire la différence.

M. Roy (Fabien): Vous ne possédez aucune statistique là-dessus.

M. Lafontaine: Malheureusement, non.

M. Roy (Fabien): Peut-on dire, à trois contre un, au moins, minimum, compte tenu de la propor- tion des personnes qui subissent des dommages matériels par rapport à celles qui subissent des dommages corporels, que vous avez à peu près les trois quarts des dossiers qui peuvent uniquement toucher les dommages matériels?

M. Lafontaine: La seule analyse qui a été faite là-dessus, c'est le rapport Gauvin et je suis porté à croire qu'il est peut-être encore vrai aussi, ce rapport. C'est tout ce que je peux dire.

M. Roy (Fabien): Dans le régime proposé actuel, comment concevez-vous votre rôle, par rapport au rôle que vous avez exercé à venir jusqu'à maintenant? Croyez-vous que vous devrez, en quelque sorte, représenter ceux qui s'adressent aux services de l'aide juridique auprès de la Commission des affaires sociales?

M. Lafontaine: Je crois qu'effectivement ce serait normal qu'on fasse des représentations nécessaires pour ces gens. Nous sommes des avocats. Nous détenons un mandat de nos clients. Nos clients disent: Nous voudrions faire telle représentation. Nous allons le faire sous forme légale pour eux.

M. Roy (Fabien): Au niveau de l'aide juridique, on me corrigera si je fais erreur, mais j'aimerais avoir un peu plus de lumière de ce côté-là, parce que, comme députés, nous devons souvent référer des personnes au bureau de l'aide juridique, et, Dieu sait si nous en référons souvent. Il y a toujours une restriction pour ce qui concerne les réclamations...

M. Lafontaine: Exact.

M. Roy (Fabien): ... que les gens peuvent faire relativement aux poursuites dont ils peuvent être l'objet. A ce moment-là, vous pouvez les représenter au niveau d'une réclamation. Si mes informations sont exactes, le rôle des avocats des bureaux de l'aide juridique est assez limité pour ce qui a trait à représenter ceux qui sont admissibles, selon la loi, lorsqu'il s'agit de réclamations.

M. Lafontaine: L'article 69 de la Loi de l'aide juridique dit que le directeur général d'une corporation régionale d'aide juridique doit refuser l'aide juridique à une personne qui est autrement admissible; autrement dit, financièrement elle est admissible, elle a une vraisemblance de droit, lorsque ce client est capable de se trouver un avocat de pratique privée qui est prêt à faire un accord quant au pourcentage qu'il va lui charger sur une réclamation. Donc, en principe, l'aide juridique ne peut prendre, par ses permanents, aucune de telles réclamations; sauf que le deuxième paragraphe continue en disant: Lorsque cet avocat succombe, c'est-à-dire celui qui a fait un arrangement avec le client et qui a été refusé à l'aide juridique, même si son client était admissible parce qu'il s'agissait d'une réclamation d'argent, à ce moment, l'aide juridique pourrait être accordée avec effet rétroactif et couvrirait les honoraires de cet

avocat de pratique privée. C'est une assurance honoraire pour l'avocat de pratique privée, mais c'est défendu pour un avocat d'aide juridique de prendre une telle réclamation.

M. Roy (Fabien): Est-ce que vous croyez qu'il ne devrait pas y avoir des dispositions dans la loi qui pourraient permettre à des personnes qui se croiront lésées dans la réclamation qu'elles feront auprès de la Régie de l'assurance automobile d'avoir recours aux avocats de l'aide juridique et que la loi permette justement aux avocats de l'aide juridique de les représenter dans le cas de cette réclamation?

M. Lafontaine: C'est un peu la question que votre confrère de Nicolet-Yamaska posait tantôt. Je crois qu'au strict niveau légal, en prenant l'article tel qu'il existe présentement, ce serait possible qu'on les représente, étant donné qu'on ne peut pas faire un accord quant au montant qu'il va recevoir de la régie, parce qu'il y a un article qui empêche que des personnes autres que la victime obtiennent quelque chose des suites d'un accident, parce que présentement, c'est cela la situation. L'avocat vit, et j'ai vécu aussi, c'est normal, on ne s'est jamais posé de questions là-dessus, on vit des blessures des clients, comme le médecin vit des blessures de ses clients lui aussi.

M. Roy (Fabien): Lorsqu'il est poursuivi, beaucoup plus que lorsqu'il a une réclamation à faire lui-même?

M. Lafontaine: Non, lorsqu'il a une réclamation, l'avocat lui demande un pourcentage, suivant le montant qu'il obtient pour lui.

M. Roy(Fabien): Non, mais au niveau de l'aide juridique, je parle strictement au niveau de l'aide juridique...

M. Lafontaine: Chez nous, il n'y a aucun frais. M. Roy (Fabien): Pardon?

M. Lafontaine: Chez nous, il n'y a aucun frais à payer.

M. Roy (Fabien): Alors, il devrait y avoir des clarifications et des précisions dans la loi, de façon à éviter tout équivoque possible, parce que je vois des difficultés de ce côté, lorsque des personnes s'adresseront à l'aide juridique. Il faut être capable de se faire représenter lorsqu'elles auront des réclamations à faire pour l'application de la loi. Je me réfère à certains...

Mme Payette: Ils viennent de vous dire non, M. le député.

M. Roy (Fabien): Oui, mais cela n'a pas été un non qui a été...

Mme Payette: Reposez la question.

M. Roy (Fabien): Si j'ai bien compris, ce n'est pas un non qui a été catégorique.

M. Lafontaine: Là, je suis en train de repenser tranquillement. C'est l'article 45 aussi qui prévoit une indemnité globale, maximum de $20 000 pour des pertes de jouissance de la vie, des préjudices esthétiques; sauf que l'autre article, quant à moi, me semble assez clair. On dit: Tu n'as pas le droit de participer aux blessures de quelqu'un. Donc, à ce moment, ce ne serait pas possible de faire un accord avec un praticien privé pour un pourcentage. Alors on serait capable de les prendre, normalement. Ce serait peut-être mieux de le clarifier parce qu'il y a aussi l'action représentative ou de groupe qui va peut-être arriver à un moment donné. Là, il va peut-être y avoir des représentations, des personnes qui vont dire: Attendez un peu, faites-nous des champs réservés. Vous autres, vous ne devriez pas aller là, vous autres, vous seriez mieux d'aller là. C'est un autre problème qu'on pourrait peut-être discuter en temps et lieu.

M. Roy (Fabien): A l'heure actuelle, dans le régime actuel d'assurance automobile dont tout le monde réclame actuellement des modifications et des améliorations, dans le régime actuel, qu'arrive-t-il à une personne qui est victime d'un accident d'automobile et qui est incapable de travailler et qui est sans ressource?

M. Lafontaine: Au moment de l'accident ou par la suite?

M. Roy (Fabien): Par la suite. M. Lafontaine: Par la suite.

M. Roy (Fabien): II s'adresse au bureau de l'aide sociale et il reçoit des prestations et des indemnités de l'aide sociale. Vis-à-vis de la fixation de l'indemnité, en vertu de la loi qui est proposée actuellement, comment voyez-vous, quelle est votre opinion sur la fixation de l'indemnité à laquelle une personne qui était déjà bénéficiaire de l'aide sociale et qui devient invalide à la suite d'un accident d'automobile?

Ici, on ne peut plus parler du salaire.

M. Lafontaine: Par rapport au projet actuel ou par rapport à ce qui existe dans la réalité aujourd'hui?

M. Roy (Fabien): Par rapport au projet actuel.

M. Lafontaine: Par rapport au projet actuel. Est-ce que la personne a déjà travaillé antérieurement ou non? Je pense que c'est la première question que la régie va se poser. Quelles sont ses aptitudes au travail? Il me semble que ce soit un autre critère que la régie est obligée de considérer.

M. Roy (Fabien): S'il est bien déterminé que depuis six ans cette personne est en quelque sorte incapable de travailler, à cause de maladie...

M. Lafontaine: A ce moment-là, elle aurait l'indemnité minimale prévue par la loi, à moins qu'il y ait des circonstances... Je ne connais pas l'article par coeur, parce que ce n'est qu'un projet, encore. Il y a trois, quatre critères. Si les critères ne sont pas suivis, elle aurait l'indemnité minimale, soit $80 par semaine, si je me rappelle bien, plus $10 par dépendant aussi, bien entendu.

Mme Payette: Au pire. Au minimum, il s'agit de $80 par semaine, plus $10 par enfant dépendant. Je vous ferai remarquer que dans le système actuel, puisqu'on hésitait au sujet de votre question, il s'agit toujours de $35 par semaine pour un homme et $12.50 pour une femme.

M. Lafontaine: Quand ils sont assurés. Mme Payette: Quand ils sont assurés.

M. Lafontaine: Quand ils ne sont pas assurés, c'est...

M. Roy (Fabien): Quand ils sont assurés, ce que le régime d'assurance automobile actuel paie, dans le minimum d'assurance dont ils disposent avec, évidemment, une compensation additionnelle qui peut leur venir de la Loi de l'aide sociale, la loi 26. On m'a dit l'autre jour, et je suis en train de m'interroger, étant donné que le gouvernement fédéral paie 50% des prestations d'assistance sociale, si on n'est pas en train de soulager le budget fédéral en assumant totalement le coût de cette catégorie de bénéficiaires.

J'aimerais poser une question sur l'article 71 de la loi: "La régie peut, en tout temps, rendre une nouvelle décision si elle est d'avis qu'il s'est produit un changement de situation affectant le droit d'un réclamant à une indemnité ou pouvant influer sur le montant de l'indemnité." Voilà une disposition à peu près identique à celle qu'on retrouve dans la Loi de l'aide sociale.

M. Lafontaine: Les accidents du travail aussi.

M. Roy (Fabien): Et qu'on retrouve dans la Loi des accidents du travail. Est-ce que vous avez étudié cet article et est-ce que vous avez des recommandations spécifiques à nous faire là-dessus? Parce que ce qui a été dit en commission parlementaire et ce qui est dans mon esprit très clair, c'est qu'on est en train de faire, en quelque sorte, des assistés sociaux de l'automobile.

M. Lafontaine: Disons qu'on faisait des assistés sociaux de l'automobile. Cela, j'en suis sûr, parce qu'on rencontrait ces gens dans nos bureaux à tous les jours.

M. Roy (Fabien): Oui, mais on n'en faisait pas dans tous les cas. Tandis que là, on risque d'en faire dans tous les cas.

M. Lafontaine: Je ne comprends pas. Si on les compense...

M. Roy (Fabien): C'est-à-dire qu'on n'en faisait pas dans tous les cas, d'après l'ancien système.

M. Lafontaine: Bien non! Ceux qui étaient assurés — c'est bien évident — pouvaient s'en tirer, c'est sûr.

M. Roy (Fabien): Actuellement, dans tous les cas, ceux qui retireront des prestations, des indemnités en vertu des dommages corporels seront soumis à cette disposition de la loi.

M. Lafontaine: Oui, mais selon mon interprétation — et c'est là peut-être la beauté du système — la rente va toujours être ajustée par rapport à la capacité de gains ou de pertes économiques de la personne. Jusqu'à présent, le juge de la Cour supérieure décidait, une fois pour toutes, que la capacité de gagner de telle personne était de X pour le restant de ses jours. Mais aujourd'hui, non seulement elle sera indexée, mais tu peux revenir devant la régie et dire: Savez-vous, je pense que vous vous êtes trompés l'autre fois. Ma perte économique n'est pas seulement de 25%. En fait, c'est de 50%, ma perte économique. Il y a un pouvoir de révision.

M. Roy (Fabien): D'où les dossiers continuellement ouverts avec les inspecteurs et les vérificateurs, comme on a dans la Loi de l'aide sociale actuelle.

M. Lafontaine: Je trouve que ça ressemble davantage à la Commission des accidents du travail qu'à l'aide sociale.

M. Roy (Fabien): Mais la référence n'est pas beaucoup supérieure.

M. Lafontaine: Là, disons que je serais mal placé pour en juger.

Mais, quand même, pour les accidents de travail, par rapport à ce qui existait antérieurement à la loi des accidents de travail, je ne sais pas si vous savez dans quel domaine c'était. On disait que les ouvriers se blessaient volontairement. Je me souviens très bien; il y a même une clause qui est restée pendant longtemps dans la loi des accidents de travail, disant que ceux qui se blessent volontairement n'auraient pas droit à l'indemnité. Comme si les gens trouvaient cela agréable de se couper quelque chose.

M. Roy (Fabien): Je pense que les blessures volontaires, cela fait bien longtemps qu'on n'en a pas entendu parler et qu'on n'a pas vu de dossier de ce genre.

M. Lafontaine: J'espère.

Mme Payette: Je vous ferai remarquer qu'on a parlé de suicide avec une automobile à cause de la générosité du régime.

M. Roy (Fabien): Mme le ministre, il faut toujours se méfier des rumeurs et des qu'en-dira-t-on.

M. Saint-Germain: Le suicide est tellement fondé que les compagnies d'assurances en tiennent compte dans l'industrie privée.

M. Lafontaine: On peut tenir compte de la maladie, cela va de soi.

Mme Payette: Et du risque que représentent ceux qui fument.

Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions, M. le député de Beauce-Sud?

M. Roy (Fabien): Oui, ce sont deux courts commentaires que je fais. Vous avez proposé, ce matin, qu'il y ait un conseil de la magistrature. Je pense que vous nous faites une suggestion extrêmement valable. En tout cas, je vais vous donner la réponse traditionnelle de tous les politiciens: Nous en prenons bonne note. Mais, je pense quand même que cette proposition que vous nous faites ne tombera pas dans des oreilles de sourds.

J'aimerais également faire un commentaire à ce qu'a dit, tout à l'heure, Mme le ministre, à la suite des questions de mon collègue, le député de Nicolet-Yamaska. Elle a dit qu'on était déjà assuré pour aller aux Etats-Unis et que les polices d'assurances comportaient évidemment les risques que nous avions à courir lorsque nous débordions les frontières du Québec.

Mme Payette: En Nouvelle-Zélande.

M. Roy (Fabien): La Nouvelle-Zélande est une île.

Mme Payette: Mais, ici, on est obligé de prévoir que les gens voyagent.

M. Roy (Fabien): Vous aviez un peu copié — c'est vous-même qui nous l'avez dit — le régime de la Nouvelle-Zélande.

Mme Payette: Oui, mais on ne peut pas devenir une île.

M. Roy (Fabien): Alors qu'on ne peut pas devenir une île.

Mme Payette: C'est cela, on en tient d'ailleurs compte.

M. Roy (Fabien): J'aimerais tout simplement faire le commentaire suivant: II est exact que nos polices d'assurance nous couvrent pour les dommages, en cas de responsabilité civile et de responsabilité civile totale, mais, dans le Québec actuellement, on nous enlève les blessures corporelles, dans le régime d'assurances, on diminue la prime d'assurance d'autant, proportionnellement aux risques, non pas proportionnellement aux risques, mais on diminue la prime d'assurance parce que ce risque est disparu de la police d'assurance traditionnelle. Ce que j'aimerais à dire au ministre, ce matin, c'est que ceux qui ont affaire aux Etats-Unis devront garder ce même risque, n'auront pas de diminution dans leur prime d'assurance et devront assumer en plus les frais du régime québécois.

Mme Payette: M. le Président, ils auront peut-être une baisse de prime quand même à cause de la répartition, sur 20% de plus de la population, du risque encouru.

M. Roy (Fabien): J'aimerais quand même dire à l'honorable ministre qu'il y a des gens, dans plusieurs régions du Québec, notamment dans celle que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale, qui sont situés près de la frontière américaine. C'est vrai pour plusieurs comtés du Québec, c'est également vrai pour d'autres régions qui sont très près de l'Ontario. D'accord que la région métropolitaine peut être moins concernée que les autres, mais il va falloir qu'on comprenne qu'il n'y a pas que la région métropolitaine au Québec.

Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, mais je n'accepte pas qu'on me fasse remarquer que je n'ai pas compris qu'il n'y avait pas que la région métropolitaine au Québec. On a assez parlé des régions frontalières et des problèmes que cela posait! On en a été conscient pendant toute l'étude de ce dossier. Je pense que le projet de loi reflète justement l'intérêt particulier qu'on a porté à ces gens-là.

M. Roy (Fabien): Reflète, mais il n'y a aucune disposition particulière pour diminuer le coût de leur assurance. Vous vous en inquiétez, mais de là à passer aux actes, c'est une autre affaire.

Mme Payette: Vous en serez surpris. M. Roy (Fabien): Merci.

Le Président (M. Laplante): Je voudrais rendre une décision concernant un argument du député de Nicolet-Yamaska. Les articles 119 et 160 me le permettent. Je voudrais aussi vous dire que je ne suis ici que de passage. Je prends la parole du député de Nicolet-Yamaska disant que, depuis le début des audiences, vous n'avez pas été brimé dans votre droit de parole. Ce même principe qui a cours depuis le début des audiences va continuer. M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. J'ai quelques petites questions à poser aux avocats de l'aide juridique. Selon votre expérience, est-ce que la période d'attente à la Commission des accidents du travail ou à la Commission des affaires sociales est équivalente à celle de la Cour supérieure du Québec?

M. Lafontaine: Si vous permettez, je vais demander à M. Laberge, qui passe la plus grande

partie de son temps devant ces tribunaux, de vous le dire.

M. Laberge (Denis): Je vais vous dire un peu ce qu'est l'expérience des avocats, à Montréal tout au moins, qui se présentent régulièrement et très souvent devant la Commission des Affaires sociales qui siège à Montréal. Vous savez que la commission est itinérante et qu'elle se présente dans tous les comtés, dans toutes les régions du Québec.

Mme Payette: Est-ce que je pourrais demander au témoin d'approcher le micro un peu, à cause du bruit. Je m'excuse, nous n'entendons plus rien de notre côté.

M. Laberge (Denis): Je disais que la Commission des affaires sociales était itinérante et qu'elle siégeait dans toutes les régions du Québec. A Montréal, elle siège chaque mois, plusieurs jours par mois.

Pour les délais d'audition, on n'a pas pu, en principe, fixer de barème, parce que c'est relatif à chaque dossier. Mais ça peut parfois dépendre des expertises médicales qui sont très longues avant de parvenir à la commission. La plupart du temps, on se présente sur des cas d'appel de régie des rentes, parfois d'aide sociale, quoique c'est beaucoup moins fréquent, parce que c'est une loi qui est plus simple d'application. Dans le cas des invalidités accordées par la régie, c'est assez long, l'audition est assez longue, parce qu'il y a parfois plusieurs examens médicaux qui sont aussi demandés par le bénéficiaire.

Alors, c'est certain que dans le cas de l'assurance automobile, le même problème se reposera parce qu'il y aura des examens médicaux encore là. C'est certain que ça prendra un système bien installé où on pourra rapidement obtenir des examens médicaux.

Le Président (M. Laplante): ... rapidement.

M. Shaw: M. le Président, est-ce que les témoins reviendront cet après-midi?

Le Président (M. Laplante): C'est ce dont j'allais m'informer: si les membres de la commission ont encore d'autres questions à poser, si les témoins veulent revenir après la période des questions.

M. Paquette: M. le Président, c'est parce que nos témoins attendent depuis hier et ce serait beaucoup leur demander. Peut-être qu'ils sont prêts à revenir, mais une autre solution serait de savoir, ça dépend du nombre de questions qu'on a encore à poser. De notre côté, on n'en a plus. Je ne sais pas, de votre côté, il y a peut-être seulement le député de Pointe-Claire à qui il reste une ou deux questions. On pourrait peut-être terminer ça.

M. Saint-Germain: Je n'ai plus de questions, on peut prolonger de cinq ou dix minutes, si c'est le désir de tout le monde.

M. Shaw: J'ai seulement une question au sujet du recours en cour Supérieure qui est un des principes de leur mémoire. Je voudrais...

Le Président (M. Laplante): Je voudrais savoir si vous êtes d'accord pour dix minutes.

Mme Payette: M. le Président, je n'ai pas d'objection à ce qu'on continue dix minutes et, effectivement, je suis reconnaissante qu'on tienne compte du fait qu'on a demandé à ce groupe d'attendre jusqu'à aujourd'hui pour être entendu en commission.

Le Président (M. Laplante): D'accord, allez-y avec votre question, M. le député.

M. Shaw: La raison pour laquelle je voudrais continuer est que je crois qu'un principe qui est fondamental pour tous les citoyens du Québec est le recours en cour Supérieure, leur droit de recours contre une décision d'un fonctionnaire du gouvernement.

Une des raisons données pour enlever ce recours est que la période d'attente pour aller en cour Supérieure peut être une injustice pour l'individu impliqué.

Je vais vous poser la question une autre fois, parce que cela implique un principe. J'ai étudié les crédits des Affaires sociales et nous avons vu le nombre de cas qui sont en attente. C'est incroyable. Je crois que c'est trois fois le nombre de l'année passée.

Si nous avons une période d'attente aussi longue que cela avec la Commission des affaires sociales, cela implique qu'il n'y aura pas de justice pour l'individu, si on emploie un système qui ne marche pas comme il faut. Pouvez-vous me renseigner?

M. Lafontaine: Si vous le permettez, M. le Président — je sais que je suis en dehors de la "track" — tantôt, le député de Beauce-Sud a dit que j'avais préconisé un conseil de la magistrature. Je voudrais restituer cela dans son contexte. Ce que j'ai dit tantôt, c'est que la question d'indépendance des tribunaux pouvait passer par le fait que les juges soient nommés à vie, ou, du moins, qu'il y ait une époque de retraite qui soit fixée. Cela pouvait aussi amener d'autres problèmes relatifs au fait qu'à un moment donné, certaines personnes pouvaient être moins efficaces et, à ce moment-là, on avait prévu qu'il pourrait être possible qu'il y ait un conseil de la magistrature. Disons que ce n'était pas une suggestion que je faisais de moi-même. Je n'avais pas de mandat non plus pour la faire au nom de la commission.

Pour revenir à la question du député de Pointe-Claire, il y a quand même quelque chose que je trouve souhaitable qu'on retrouve dans le projet de loi. On peut payer l'indemnité avant même de passer devant la cour. C'est drôlement

important quant à moi. Autrement dit, la régie n'a pas intérêt à retarder la cause indûment parce qu'effectivement, dans la plupart des cas, elle va commencer à payer l'indemnité immédiatement. Il y a un délai de carence de sept jours, si j'ai bien compris, et la régie pourrait commencer à payer immédiatement. C'est ce qui se produit aussi, présentement, devant la Commission des affaires sociales. Dans bien des cas, il y a une requête préalable qu'on peut faire et la Commission des affaires sociales va ordonner aux Affaires sociales de payer la pension jusqu'à ce que la cause soit entendue.

Disons que je suis d'accord avec vous que c'est un principe de base; une justice qui est retardée n'est pas une bonne justice, je suis d'accord avec cela. Si, entre-temps, on amenuise ces conséquences en permettant de verser une indemnité, je suis d'accord avec cela, d'autant plus que les articles prévoient que cela ne sera pas récupérable de la victime si, par la suite, le jugement disait: On a payé sans droit. Autrement dit, c'est une façon de palier cela. Mais il y a un autre fait aussi.

M. Shaw: Mais vous n'avez pas répondu à ma question. Je voulais savoir si la période d'attente est différente pour la Cour supérieure du Québec. La période d'attente, c'est la question.

M. Laberge (Denis): II n'y a pas, à la Commission des affaires sociales actuellement, de délais établis comme en Cour supérieure où on dit: Un accident d'automobile, c'est trois ans d'attente, c'est maintenant deux ans. Une action en séparation de corps, c'est deux ans d'attente sur les rôles. En Commission des affaires sociales, pour le moment, cela ne marche pas ainsi. On ne peut pas vous répondre, on ne peut pas vous dire que c'est un délai de six mois ou de huit mois ou de dix mois pour une cause, sauf qu'il y a beaucoup d'impondérables, comme je vous le disais tantôt.

Il est certain, pour le bénéfice de votre information, que s'il y a beaucoup d'appels de causes d'accident d'automobile devant la commission, cela va créer, comme devant tout autre tribunal, un impact considérable. Il faudra plus de personnel, plus d'assesseurs, etc.

Pour le moment, on n'entend pas ce genre de cause. On va entendre bientôt des appels qui viennent de la Commission des accidents du travail, ce qui est nouveau, comme vous le savez. C'est certain que cela grossit davantage le travail de la Commission des affaires sociales. C'est un tribunal administratif à organiser avec toutes ces lois, c'est certain.

M. Shaw: Cela implique que vous avez seulement 10% de la population qui sont impliqués dans la Commission des affaires sociales. Aussitôt qu'on traite d'accidents d'automobile, tous les cas doivent être réglés — il y a une différence d'opinion — par la Commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle vous avez une période d'attente à la Cour supérieure maintenant pour les cas d'accidents et que vous avez tant de travail. Est-ce que cela va changer avec une cour différente?

M. Lafontaine: On parle d'appel. Actuellement, en Cour supérieure, ce sont les causes au mérite qui sont entendues. Lorsqu'on parle d'appel, quant à nous, de l'aide juridique, devant la Cour supérieure, c'est une procédure qui est beaucoup plus simple, qui est beaucoup plus restreinte. Il y a moins de monde, il y a moins de témoins, etc.

M. Shaw: Dans un accident, s'il y a des blessures corporelles qui peuvent impliquer une rente de 30 ans ou de 35 ans, pensez-vous que vous n'avez pas autant de témoins, de dossiers d'examens médicaux?

M. Laberge (Denis): Je n'ai pas à plaider sur la responsabilité. Dans un procès, il y a cinq témoins d'un bord, cinq témoins de l'autre pour prouver que la responsabilité est celle de l'autre et inversement.

M. Shaw: Réellement, le choix est presque toujours fait facilement.

M. Laberge (Denis): Non.

M. Shaw: C'est le dommage qui prend du temps.

M. Laberge (Denis): Si vous me permettez, devant la Commission des affaires sociales, ce que j'aurai à prouver, c'est la perte économique, la perte physique. Alors, je n'ai pas besoin de témoin pour démontrer la responsabilité. C'est un procès, si on peut appeler cela un procès, qui est beaucoup plus court. L'appel qu'on préconise par la suite devant la Cour supérieure, encore là, c'est davantage plus court. Ce sont des procédures qui seront beaucoup moins longues qu'auparavant, parce qu'il n'y aura plus de responsabilité qui sera discutée.

M. Shaw: Nous avons aussi des accidents qui impliquent des personnes de l'extérieur du Québec. Un accident qui arrive à Montréal avec une automobile américaine, qui implique des blessures corporelles, doit être réglé devant une cour du Québec qui n'est pas une cour judiciaire, mais une cour quasi judiciaire. Qu'est-ce que cela va impliquer quant au projet de loi lui-même?

M. Lafontaine: Pardon? C'est de l'article 8 que vous parlez?

M. Shaw: Oui.

M. Lafontaine: A l'article 8, on dit: Le désaccord entre la régie et la victime sur la responsabilité de cette dernière est soumise au tribunal. Vous voulez savoir quel tribunal?

M. Shaw: Oui. Peut-être que le ministre peut...

M. Lafontaine: C'est le tribunal de droit commun, en vertu des articles 97 à 102.

Mme Payette: C'est exact.

M. Laberge (Denis): C'est la Cour supérieure et la Cour provinciale qui règlent les actions de moins de $3000.

M. Shaw: M. le Président, je n'ai plus de question.

Le Président (M. Laplante): Dans ce cas, les membres de la commission vous remercient, messieurs, vous et votre groupe, pour la présentation de votre mémoire. Les travaux sont ajournés...

M. Paquette: M. le Président, je m'excuse, avant l'ajournement, peut-être pour aider nos invités à patienter, j'aimerais savoir si les deux premiers intervenants, qui ont des mémoires à titre individuel, vont être présentés, auquel cas on pourrait prévoir un peu l'ordre des travaux pour le reste de la journée.

Le Président (M. Laplante): D'abord, en ajournant sine die cet après-midi... Maintenant, M. W.F. Gough est-il ici? Il n'est pas ici. Cet après-midi, il y aura M. Renaud, que j'ai rencontré tout à l'heure. Son mémoire ne contient qu'une feuille. Vu que c'est déjà une cause devant les tribunaux, il demande seulement que son mémoire soit inscrit au journal des Débats. Est-ce qu'on a le consentement?

M. Roy (Fabien): D'accord.

Le Président (M. Laplante): C'est une demande qui sera répétée probablement cet après-midi, parce que j'avais déjà ajourné sine die.

M. Roy (Fabien): D'accord.

Le Président (M. Laplante): Merci. (Voir annexe)

M. Paquette: Donc, il nous reste trois mémoires à entendre.

Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur?

M. Allard (Sébastien): Si vous permettez! Nous avons été convoqués pour 10 heures ce matin.

Le Président (M. Laplante): De quel groupe êtes-vous, monsieur?

M. Paquette: La Royale...

Le Président (M. Laplante): Monsieur, la Banque Royale, vous serez...

M. Allard: Non pas la banque, mais l'assurance Royale.

Le Président (M. Laplante): La Royale du Canada... Vous serez probablement entendus aujourd'hui.

M. Paquette: Probablement à 16 h 30.

Le Président (M. Laplante): C'est certain que vous allez être entendus aujourd'hui.

M. Allard: C'est certain, aujourd'hui? Le Président (M. Laplante): Aujourd'hui.

M. Paquette: Probablement à 4 h 30.

Le Président (M. Laplante): Vous allez certainement l'entendre aujourd'hui.

Une Voix: C'est certain aujourd'hui.

M. Payette (Louis): A quelle heure est-ce que ça recommence, M. le Président?

Le Président (M. Laplante): Cela recommence après la période des questions, monsieur...

M. Payette: Vous prévoyez...

Le Président (M. Laplante): ... à l'Assemblée nationale. On prévoit ça vers 4 h 15 à peu près.

M. Payette: Merci.

M. Roy: Est-ce que c'est dans votre intention de faire poursuivre la séance de la commission en soirée?

Le Président (M. Laplante): C'est notre intention de continuer en soirée. Si on n'est pas malchanceux, tous les groupes convoqués aujourd'hui vont être entendus.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

Reprise de la séance à 16 h 40

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et messieurs!

La commission des consommateurs, coopéra-tiveset institutions financières est à nouveau réunie pour continuer l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisail-lon (Sainte-Marie); M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace M. Larivière (Pon-tiac), M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont); M. Roy (Beauce-Sud); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Vaillancourt (Jonquière).

A la suspension de ce matin, nous en étions à la liste des invités pour aujourd'hui, soit M. W.F. Gough, à titre personnel; M. Maurice Renaud, à titre personnel; La Royale du Canada, compagnie d'assurances, représentée par M. Sébastien Allard; La Corporation professionnelle des médecins du Québec, avec le porte-parole, M. Augustin Roy, président; la Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec, représentée par M. Rolland Lamarche, président.

M. Gough peut-il venir déposer son mémoire?

M. W.F. Gough Mme Payette: II n'est pas là.

Le Président (M. Boucher): Quand on a fait l'appel ce matin M. Gough n'y était pas.

M. Saint-Germain: Excusez-moi, M. le Président, je sais pertinemment qu'il n'est pas dans nos habitudes d'étudier les mémoires signés par des gens qui ne se présentent pas à la commission, mais ce mémoire est simple et il aborde un problème bien défini. Je me demande si Mme le ministre ne voudrait pas tout simplement le commenter.

M. Paquette: M. le Président, si je peux me permettre; il est vrai qu'on n'a pas l'habitude de faire cela pour une bonne raison, c'est qu'on fait attendre des gens depuis très longtemps déjà. Le député peut toujours garder ce problème en réserve lorsque nous allons discuter du projet de loi, article par article, pour s'assurer qu'on tiendra compte de ce mémoire comme des autres.

M. Saint-Germain: Je ne veux pas insister, M. le Président, mais comme je l'ai dit, c'est une question qui semble revenir assez souvent et à laquelle nous n'avons pas eu, à mon avis, de réponse précise. J'ai cru que dans quelques mots madame pourrait nous éclairer bien précisément. Je ne re- viendrai d'ailleurs pas sur la réponse qu'elle nous donnera.

Mme Payette: M. le Président, par respect pour les gens qui attendent depuis ce matin, je sais que certains d'entre eux, d'ailleurs, ont des obligations qui les rappellent à Montréal, on m'a dit qu'on a même négocié entre les groupes pour que l'un puisse être entendu avant l'autre, je peux m'engager auprès du député de Jacques-Cartier à répondre à l'inquiétude de M. Gough, personnellement, par lettre, s'il y tient. Comme cette personne n'est pas présente, je crois qu'on devrait tout simplement mettre ce mémoire de côté.

M. Saint-Germain: Peut-être pourrait-on... Enfin, je ne voudrais pas continuer. Je ne veux pas, par respect pour nos invités, faire un débat de procédure là-dessus. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Hier, nous avions adopté une résolution à l'effet que les mémoires présentés devant la commission devaient être inscrits au journal des Débats. Est-ce que le mémoire de M. Gough pourrait être inscrit au journal des Débats?

Mme Payette: M. le Président, je vous fais une suggestion. On pourrait, demain, déposer la réponse qui a été expédiée à ce monsieur, au député, si bien que vous auriez, à ce moment-là, l'information sans prendre le temps des invités.

M. Saint-Germain: M. le Président, je remercie...

M. Roy (Fabien):... en remettre une copie aux membres de la commission, et que ce soit consigné au journal des Débats.

Mme Payette: C'est cela, si vous voulez, la réponse a déjà été envoyée.

M. Roy (Fabien): Je n'ai pas d'objection. Le Président (M. Boucher): D'accord.

M. Saint-Germain: M. le Président, je remercie madame de sa collaboration, (voir annexe)

Le Président (M. Boucher): La deuxième personne convoquée était M. Maurice Renaud, à titre personnel.

M. Maurice Renaud

Mme Payette: M. le Président, on m'a dit que M. Renaud était présent, ce matin, à la séance de la commission. Il avait fait savoir déjà qu'il ne désirait pas que son mémoire soit lu à haute voix. Il voulait cependant qu'il soit versé au journal des Débats. Comme le cas dont parle M. Renaud dans son mémoire est un cas qui actuellement est devant les tribunaux, nous n'aurions pas pu, de toute façon, interroger cette personne. Si bien que si la commission est d'accord, nous allons, comme il

l'a demandé, consigner le mémoire au journal des Débats et considérer qu'il est reçu et entendu par la commission.

M. Saint-Germain: M. le Président, je ne suis pas avocat, mais si on ne peut pas discuter le rapport, parce que ce cas est devant la cour, je me demande si on peut l'inscrire au journal des Débats ou si on ne doit pas plutôt retenir ces inscriptions pour la même raison que M. Maurice Renaud ne veut pas en discuter devant cette commission. Il y a peut-être des avocats, ici, qui pourraient peut-être mieux vous renseigner que moi, sur cette question.

M. Roy (Fabien): Je ne veux pas faire de débat de procédure, mais je m'interroge sérieusement, parce que l'article 99, paragraphe 4, malgré toute la bonne volonté et la sympathie qu'on peut avoir pour telle ou telle personne, nous oblige à certaines restrictions.

Il est strictement interdit à un député qui a la parole de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux, ou devant un organisme quasi judiciaire, ou qui est sous enquête. Je m'interroge, à savoir si on ne crée pas un précédent en faisant en sorte qu'un mémoire, qui ne peut pas être entendu justement pour cette raison, puisse être rendu public par le journal des Débats.

Alors, en ce qui me concerne, j'ai de sérieuses réserves à ce sujet et, sans en faire un débat de procédure, je pense que M. Renaud comprendra quand même que nous avons un règlement qui régit nos travaux et, si on acceptait de le faire, on risquerait de se retrouver dans un débat de procédure ou une affaire similaire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je serais porté à corroborer les propos du député de Beauce-Sud. Il est bien évident que de reporter la déposition d'un témoin dans le journal des Débats équivaut à un témoignage et cela contrevient, sans aucun doute, à l'article que vient de citer le député de Beauce-Sud. Je pense qu'il serait plus prudent. Je suis sûr que M. Renaud va comprendre les raisons de l'attitude de la commission, si tel est le cas. Il va certainement comprendre les raisons de la commission.

Mme Payette: M. le Président, je n'ai aucune objection à ce qu'on en prenne connaissance pour le besoin de l'information de la commission chacun de son côté et qu'on s'en tienne, pour l'instant du moins, à ça tout simplement.

Le Président (M. Boucher): De l'avis ou du consentement des membres de la commission, le mémoire de M. Renaud ne sera pas inscrit au journal des Débats.

L'organisme suivant serait la Royale du Canada, compagnie d'assurances, représentée par M. Sébastien Allard.

M. Payette (Louis): M. le Président, si vous me permettez, la Corporation des médecins qui est également invitée cet après-midi a seulement quelques commentaires à formuler sur quelques articles du projet de loi. M. Allard, de La Royale, a bien voulu accepter que nous passions avant les gens de La Royale. Alors, je demanderais la permission pour que vous entendiez d'abord la Corporation des médecins.

Le Président (M. Boucher): Puisqu'il y a eu consentement de la part de La Royale du Canada, nous demandons immédiatement à la Corporation professionnelle des médecins du Québec de bien vouloir prendre place au centre pour présenter son mémoire.

Corporation professionnelle des médecins du Québec

M. Roy (Augustin): M. le Président, Mme le ministre, MM. les députés, je voudrais tout d'abord remercier M. Allard et son groupe de La Royale du Canada de nous avoir donné l'occasion de passer immédiatement et de présenter un court mémoire sur un sujet très précis, celui de la confidentialité des dossiers et du secret professionnel.

M. Saint-Germain: M. le Président, je m'excuse, mais j'entends difficilement, si vous vouliez tout simplement approcher votre micro.

M. Roy (Augustin): D'accord. C'est mieux? M. Saint-Germain: C'est mieux.

M. Roy (Augustin): Je suis Augustin Roy, président de la Corporation des médecins du Québec. A ma droite, Me Louis Payette, notre conseiller juridique; à ma gauche, le Dr André Lapierre. Encore une fois, je remercie La Royale, compagnie d'assurances, de nous avoir laissé l'occasion de présenter notre mémoire immédiatement.

Je ne veux pas commencer sans souligner... Chaque fois que je viens ici, je trouve extrêmement ingrat le rôle du député, rôle mal connu de notre population, peut-être encore plus ingrat que celui de gouverner, celui d'écouter la population et, en même temps, de la diriger.

C'est ce qui fait davantage réfléchir lorsque arrive une campagne électorale et que, quelquefois, on se fait solliciter pour y embarquer, quand on connaît un peu le système.

J'aimerais bien que toute les personnes soient au courant du travail immense qui est abattu à l'Assemblée nationale par les députés de tous les partis. Evidemment, il n'y a pas de journalistes pour rapporter mes paroles. Il n'y en a jamais quand c'est le temps de rapporter de bonnes paroles.

Ceci dit, je veux vous dire qu'on veut profiter de l'occasion... Il y en a un du Journal de Québec, je suppose. D'accord. Merci, on va vous lire. Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est offerte, pour la première fois, de parler du secret

professionnel et de la confidentialité des dossiers.

Lorsque la Loi sur les services de santé et les services sociaux a été discutée ici, en commission parlementaire, au début des années soixante-dix, loi communément appelée la loi 65, il n'y avait pas d'articles qui concernaient ce sujet. Après la commission parlementaire, il y a eu un article, appelé l'article 7 maintenant, qui a été incorporé à la loi, mais après les commissions parlementaires, encore une fois, et on n'a pas eu l'occasion de faire de suggestions sur cet article extrêmement important, sinon par voie de télégramme.

Depuis ce temps, plusieurs lois et projets de règlement autorisant ou obligeant un médecin à dévoiler des informations confidentielles ont été adoptés par l'Assemblée nationale. Je vais donner quelques exemples. Déjà, des projets de loi encore en discussion, le projet de loi no 10 qui, justement, amende la Loi sur les services de santé et les services sociaux, actuellement devant vous, en première lecture, qui permet un accès inconditionnel, de la part des héritiers, au dossier d'une personne décédée et permet ainsi de découvrir, au décès d'une personne, toute l'intimité de celle-ci, et que le législateur a voulu protéger durant sa vie.

Nous ne faisons qu'attirer votre attention parce que ce projet de loi est encore devant vous à l'heure actuelle.

Il y a aussi le projet de règlement découlant de la même loi qui avait été préparé par le gouvernement précédent, qui n'a pas été retiré, qui est en train d'être révisé, mais dans lequel on obligeait les établissements à dévoiler au ministre, pour chacune des visites faites dans un établissement, social ou médical, la nature de la demande ou du problème, la nature de l'acte posé, ceci mettant sur pied l'organisation du fameux dossier médical ou social cumulatif, avec le code CP-12, dont plusieurs personnes ont parlé, dossier qui, par ailleurs, existe dans le domaine scolaire, dans le domaine de l'éducation sur lequel il y a beaucoup de critiques.

Finalement, les critiques s'étant apaisées, la machine bureaucratique a quand même été mise en application sans que les gens ne s'en aperçoivent trop, mais il reste qu'il y a, dans notre système, actuellement devant vous, des lois qui parlent de cette question extrêmement importante.

Le projet de loi 9 sur les handicapés permet aussi à l'Office des handicapés de prendre connaissance des dossiers, nonobstant toute autre loi. C'est textuel dans un article de cette loi. Le bill 24, que vous allez discuter prochainement, sur la protection de la jeunesse permet aussi au Comité de protection de la jeunesse de prendre connaissance de dossiers. Dans ce cas-là, c'est nonobstant l'article 7 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Vous avez également le bill 5, modifiant la Loi des accidents du travail, que vous avez adopté au cours de l'été dans une formulation qui ressemble un peu à celle qui est suggérée dans le projet de loi de l'assurance automobile. Vous avez également la loi des véhicules automobiles qui oblige les médecins à déclarer les personnes qui sont inaptes à conduire un véhicule automobile. En- core là, on suggère des amendements pour demander au médecin d'inclure le diagnostic dans, je dirais, sa dénonciation au ministère des Transports. Il y a en plus, aujourd'hui, le projet de loi 67 qui oblige le médecin à dévoiler le dossier d'une personne qui l'aurait consulté et qui aurait été la victime d'un accident.

Il y a, par ailleurs, la Charte des droits et libertés de la personne qui précise des droits d'une personne quant au respect de sa vie privée et au secret professionnel. Il y a également de nombreuses réclamations d'aide sociale, d'assurance-chômage, d'absence pour maladie, de formules prévues dans les conventions collectives qui obligent la déclaration d'informations confidentielles, d'un diagnostic de la part d'un médecin, pour avoir droit à des prestations.

On ne veut pas remettre en cause ici tous et chacun de ces articles, mais la Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux, présidée par quelqu'un que vous connaissez bien, que je connais bien et dont je ne veux pas mentionner le nom, parce que j'y suis très allergique, mentionnait, dans son rapport, le volume 7, le tome I, paragraphe 152: "que notre législation du secret professionnel est remplie de contradictions".

C'est encore vrai aujourd'hui, même si cela date de quelques années. Compte tenu de ces lois, des règlements qui en découlent et des codes de déontologie des professions qui viennent encore compliquer la chose et que vous avez fait approuver par le lieutenant-gouverneur en conseil et qui permettent au malade d'avoir un accès presque inconditionnel à son dossier.

Le dossier médical, tant en cabinet privé qu'à l'hôpital, n'est pratiquement plus l'instrument de travail permettant au médecin de bien traiter le malade. Il est en train de devenir un instrument aux mains des différents organismes chargés d'administrer des lois.

Cela devient un problème. Les médecins commencent à se demander ce qu'ils doivent mettre ou ne plus mettre dans les dossiers, parce que pratiquement tout le monde peut voir les dossiers. Je pense que les gens vont être quand même sensibles à ce genre d'argumentation.

Il y a eu quelques exemples récents, cet été,de malheureux cas dans un hôpital de Montréal et dans une compagnie de finance où on a trouvé des dossiers dans des poubelles, dans la rue, des dossiers très confidentiels.

Je pense que chaque individu, ayant droit à sa vie privée, devrait avoir la possibilité de jouir d'une protection claire et entière.

Toutes ces fins ont une valeur. Nous ne voulons pas les contester. Nous désirons seulement insister sur la nécessité d'une étude approfondie de cette loi concernant le secret professionnel.

Déjà, aux commissions parlementaires antérieures — nous commençons un peu à prendre l'habitude — un monsieur, qui a déjà été ministre des Affaires sociales, avait dit qu'il y aurait une loi-cadre sur le secret professionnel. Si je ne m'abuse, je l'ai entendu aussi de la part de M. Choquette, il y a un certain nombre d'années.

Ce serait un très bon geste de la part du gou-

vernement actuel que de préparer une loi-cadre sur la question de la confidentialité des dossiers et du secret professionnel. Déjà, la corporation, il y a quelques années, avait présenté à M. Claude Forget, ancien ministre des Affaires sociales, un projet de mémoire sur un centre de statistiques sur la santé et les services sociaux.

A l'heure actuelle, c'est évident qu'on ne peut plus calculer les statistiques à la mitaine, à la main. Il faut mettre cela sur ordinateur, avec tous les problèmes que cela comporte, mais il faut quand même, à ce moment, avoir des lois qui existent en contrepartie et qui protègent la population.

Je voudrais seulement rappeler un paragraphe d'un propos de la commission mentionnée auparavant, le paragraphe 154, qui disait: Dans les domaines de la santé et des services sociaux où la préoccupation du praticien est de guérir, de soigner, de prévenir ou d'assister, le succès même du traitement ou des services exige que le malade ou l'individu puisse se confier librement au praticien qu'il consulte sans crainte que les renseignements qu'il lui fournit soient divulgués. Ce climat de confiance — et c'est là que réside tout le succès ou l'insuccès en médecine — et de sérénité est indispensable à la réussite du traitement.

Les praticiens se refusent de plus en plus à isoler les symptômes médicaux du contexte social et humain qui les a provoqués et quand on parle de médecine globale, c'est de ça qu'on parle. Le malade ou l'individu doit pouvoir s'ouvrir librement. Ce serait aller à l'encontre de cet objectif primordial que de forcer le praticien à trahir le secret. Le bierr public n'en serait nullement servi. Le secret qui échapperait ainsi à la justice n'aurait, de toute façon, pas été confié au praticien, n'eût été la garantie du secret, et c'est justement parce que le patient s'imagine ou a l'impression que ce qu'il dit va être gardé secret qu'il dit tout ce qu'il veut dire au médecin; mais le jour où il saura que ça peut être divulgué à gauche et à droite, il est possible qu'il ne veuille plus le dire. Parce que, comme je le disais aux médecins, l'obligation au secret professionnel et à la confidentialité des dossiers est une obligation inaliénable et inviolable qui constitue une condition essentielle de tout exercice de la médecine et elle existe en vue de la protection du malade. Elle n'existe pas pour le thérapeute. Elle existe pour le malade. Toute médecine devient impossible à exercer si le malade n'a pas la garantie totale et absolue que les confidences qu'il fait à son médecin ne seront pas dévoilées ou portées à la connaissance de qui que ce soit, à moins que, dans des conditions très exceptionnelles, il ne le délie, lui-même, en toute connaissance de cause, du secret professionnel.

Il faut ajouter de plus le développement de l'informatique qui permet facilement l'élaboration d'un dossier cumulatif — j'en ai glissé un mot — et surtout le croisement d'informations venant de différentes banques de données. Avec le numéro d'assurance sociale, avec certains codes, ça devient très facile de peser sur un bouton et d'avoir le dossier d'un individu depuis sa naissance, et ça, c'est extrêmement important. Vous vous souvenez sans doute d'un candidat à la vice-présidence des

Etats-Unis qui a dû être éliminé à cause justement de trouvailles très minimes, très bénignes, une simple dépression nerveuse dans son dossier médical. Des études ont constaté que les réseaux de liaison sont beaucoup plus développés que ne l'imaginent ceux qui n'ont pas étudié cette question. J'ai pris cette citation dans un petit volume qui s'appelle "L'Ordinateur et la vie privée".

Les gouvernements sont souvent les plus exposés à recueillir nécessairement des informations sur les citoyens dans l'application quotidienne de leurs politiques et de leurs lois. Ils devraient élaborer des politiques propres à prévenir les abus dans la cueillette de ces informations.

Ceci étant dit, nous comptons sur la prudence du législateur pour restreindre au strict nécessaire la divulgation d'informations confidentielles pour les besoins de la présente loi à l'étude et nous comptons que la commission parlementaire tiendra compte des commentaires que nous avons formulés dans le mémoire que nous lui avons fait parvenir.

Il y a lieu de rappeler que le secret professionnel n'appartient ni au professionnel, ni au pouvoir exécutif, ni à l'Etat, mais uniquement au malade. Pour les besoins de la cause, j'apprécierais énormément qu'au lieu de relire le petit texte de trois pages que nous vous avons fait parvenir, il soit inséré textuellement au journal des Débats. Nos commentaires portent sur trois articles, les articles 63, 64 et 66. Si j'avais cette permission qu'il soit inséré textuellement au journal des Débats, je pourrais demander à Me Payette, notre conseiller juridique, de donner quelques exemples pratiques d'application de ces articles, de façon à limiter le temps de la discussion.

Le Président (M. Boucher): M. le Président, je crois que, de l'avis des membres de la commission, il y a eu une entente pour insérer au journal des Débats tous les mémoires qui étaient présentés devant la commission. Je pense que ce fait est acquis.(Voir annexe)

M. Roy (Augustin): Merci, c'est ce que j'avais cru comprendre tout à l'heure, mais je voulais m'en assurer parce que c'est quand même important pour la postérité.

Alors, si vous êtes d'accord... Est-ce que Me Payette peut donner quelques explications supplémentaires?

Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier les personnes qui se sont donné la peine de venir nous exposer leurs inquiétudes au sujet de trois articles du projet de loi 67. Si votre présence ici vous a permis de comprendre les difficultés du rôle que nous avons à jouer, je dois avouer qu'on devrait toujours admettre qu'une commission parlementaire est extrêmement utile dans la mesure où l'information que vous nous apportez sur les articles mentionnés est une information pertinente au débat que nous avons présentement.

Je me permettrai de relever ce que vous avez dit au sujet du travail des députés. Si vous n'y voyez que des inconvénients, il n'y aura plus d'op-

posants dans les comtés que nous représentons; si bien, que nous deviendrons tous des permanents.

M. Lalonde: Ne comptez pas sur nous pour cela.

Mme Payette: Je ne sais pas si c'est souhaitable, dans tous les cas, tout au moins.

M. Roy (Fabien): Mme le ministre n'occupe pas un poste qui a donné une certaine crédibilité à une permanence puisqu'elle est la sixième depuis la création de ce ministère qui est assez récent.

Mme Payette: C'est exact, mais vous savez qu'il est bon qu'il y ait des changements de temps en temps.

M. Roy (Fabien): C'est ce que nous soutenons.

Mme Payette: Cela s'est révélé vrai.

M. Lalonde: C'est ce que nous espérons.

Mme Payette: M. le Président, pour en revenir à ce mémoire qui a été présenté, je voudrais rassurer nos invités quant aux inquiétudes qui ont été manifestées. D'une part, à l'article 63, nous avons trouvé extrêmement intéressante la suggestion que vous nous faites. Je prends bonne note, avec beaucoup d'attention, du contenu de votre paragraphe sur l'article 63. A l'article 64, cela nous a paru tellement évident que je pense qu'on ne peut pas faire autre chose, surtout après vous avoir entendu maintenant, que de dire qu'on est d'accord avec l'objectif que vous poursuivez dans vos remarques et que nous allons également en tenir compte.

A l'article 66, qui est longuement détaillé, qui fait une page et demie dans le mémoire que vous avez présenté, je dois vous dire que, dès la réception de votre mémoire, nous avons immédiatement prévu une révision de la rédaction de l'article 66 et que nous n'avons même pas attendu de vous rencontrer en commission parlementaire, si bien que cet article est réétudié présentement, à notre demande, à la suite de la réception de votre mémoire.

M. le Président, je pense qu'il n'y a pas d'autres échanges nécessaires pour l'instant, sauf de remercier de l'attention qu'a portée au projet de loi la Corporation professionnelle des médecins du Québec et de la remercier de sa collaboration.

M. Roy (Augustin): Merci, Mme le ministre. J'aimerais peut-être que Me Payette dise juste un mot sur certains petits points qui n'ont pas été touchés dans le mémoire, si vous le voulez bien.

M. Payette: M. le Président, madame et messieurs. Je ne suis plus très sûr que je doive... Je m'étais proposé de reprendre cinq points couverts par le mémoire, mais madame vient d'en couvrir au moins quatre; peut-être devrais-je m'abstenir de reprendre la discussion et de simplement proposer, s'il y a des questions à poser, qu'on y réponde.

Mme Payette: Si j'ai couvert quatre points, M. le Président et qu'il m'en ait échappé un cinquième dont on vient de me faire part, on peut me signaler le cinquième dont il est question, parce qu'il y a bien trois articles qui sont soulignés par votre mémoire.

M. Payette: Oui. Le cinquième est peut-être, madame, compris dans votre quatrième. L'article 66 pose deux règles, celle du caractère confidentiel des rapports fournis à la régie et la seconde qui, à nos yeux est plus obscure, indique qu'à ce titre, les rapports ne peuvent donner lieu à une réclamation en dommages. Alors, c'est ce dernier membre de phrase qui était à mes yeux un cinquième point.

Lorsque vous avez parlé de l'article 66, je ne sais pas si vous référiez aux deux aspects, l'aspect caractère confidentiel des informations et aussi à cet autre aspect de l'article 66 qui semble conférer à quelqu'un une immunité dont on n'a pas très bien saisi l'étendue. C'était le cinquième point sur lequel je désirais attirer l'attention des membres de la commission.

Mme Payette: Comme je l'ai dit, M. le Président, dès la réception du mémoire, cet article en particulier a été redonné immédiatement pour être éclairci, à cause de la pertinence de votre intervention.

M. Payette: Puis-je simplement souligner que certains textes, 64 notamment, semblent s'être inspirés assez largement de l'article 49 de la Loi sur les accidents du travail, mais pris et intercallé dans un contexte différent, n'a plus tout à fait la même signification et n'a plus tout à fait non plus les mêmes limites. C'est ce que nous soulignons dans notre mémoire. Il y a des texte qui, en soit, sont bons dans une législation, mais qui, incorporés dans une autre, prennent une dimension tout à fait exorbitante ou dangereuse. C'est le cas notamment de l'article 64 qui peut être interprété comme obligeant tout médecin qui a traité un réclamant, à quelque époque que ce soit, à fournir des informations et des rapports à la régie. Je ne pense pas que cela ait été l'intention souhaitée, mais c'est l'interprétation qui est possible. Quoique l'article 49 de la Loi des accidents du travail ressemble fort à l'article 64, dans le contexte, on ne peut pas donner, dans la Loi des accidents du travail, la même interprétation au texte. C'est ce que nous soulignons dans notre mémoire, en recommandant que chaque fois qu'on touche au dossier médical et qu'on en recommande la divulgation, on ait à l'esprit les textes dans les différentes législations qui traitent de sujets semblables, pour ne pas qu'on soit aux prises avec des caractères semi-confidentiels dans une loi, confidentiels stricts dans une autre et confidentiels tout court dans une troisième.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je remercie la Corporation professionnelle des médecins de son mémoire. Pertinemment, on pourrait s'attendre que cette corporation vienne ici nous donner son opinion sur cette législation. Si je ne m'abuse, il est de votre devoir de protéger la population et c'est ce que vous faites, il n'y a aucun doute, en venant ici. Si on doit remercier les gens qui font simplement leur devoir, je vous remercie.

Je ne reviendrai pas personnellement sur les articles que vous avez discutés, vous l'avez fait d'une façon bien claire, bien précise. Mme le ministre semble attacher à votre mémoire toute l'importance qu'il mérite. J'espère, comme vous, qu'elle saura apporter des modifications à ces différents articles qui pourront protéger ce qui reste de privé dans la vie des gens.

Puisque votre profession va jouer un rôle important au niveau de la régie, ce sont les médecins qui vont établir, par exemple, les incapacités permanentes, totales, partielles ou temporaires; je remarque que vous n'avez pas discuté de cette question.

Est-ce que vous avez voulu le faire ou croyez-vous... En vous posant cette question, je pense aux barèmes, aux techniques médicales qui sont établies aujourd'hui pour déterminer le degré d'incapacité ou les points, comme vous le dites, déterminant techniquement l'incapacité d'une personne. Est-ce que vous considérez ces techniques, ou ces diagnostics, comme valables actuellement?

M. Roy (Augustin): II y a déjà, à l'article 63, un examen qui doit être fait selon les formalités prescrites. C'est pour ça que nous attirons l'attention sur le fait que nous aimerions être consultés sur le genre de formules qui seront préparées et nous offrons notre collaboration à la régie qui sera appelée à mettre cette loi en application. Nous collaborons dans le même sens avec la Commission des accidents du travail. La collaboration est encore plus intime qu'elle ne l'a jamais été depuis la nomination de M. Robert Sauvé, que nous avons rencontré récemment. C'est clair que les médecins doivent s'impliquer davantage dans la société.

Nous faisons notre devoir le mieux possible. Mais il reste que nous avons offert à la Commission des accidents du travail, par exemple, de préparer des banques d'experts dans chaque région de la province, de façon à décentraliser l'administration, en faisant appel à l'expertise spéciale — c'est peut-être un pléonasme — de médecins habilités à se prononcer dans un domaine très précis, ce qui est très difficile dans certains cas. Ce ne sont pas tous les médecins qui ont la préparation adéquate pour devenir, du jour au lendemain, des experts.

Par ailleurs, nous faisons en sorte que les médecins soient assez compétents pour remplir les rapports ordinaires qui concernent les blessures normales que peuvent s'infliger des individus au cours d'accidents d'automobiles. Nous sommes prêts à offrir toute notre collaboration à la nouvelle régie dans l'exécution de ses fonctions et dans la préparation de formules, comme nous le faisons pour d'autres organismes. Nous comptons par ailleurs que la Commission des accidents du travail, qui est impliqué dans l'administration de cette loi, va elle aussi se servir de l'expertise qu'elle a accumulée depuis de très nombreuses années.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous croyez que cette expertise accumulée depuis de nombreuses années, qui sert aujourd'hui aux tribunaux de droit commun à fixer, si vous voulez, les incapacités, est-ce que vous croyez que ces formalités sont valables actuellement du point de vue médical, j'entends? Est-ce qu'on peut réussir à déterminer, assez adéquatement ou assez précisément...

M. Roy (Augustin): Je ne voudrais pas embarquer dans un débat qui n'est pas pertinent au mémoire que nous présentons et qui est une question d'opinion, parce que l'expertise est toujours une question d'opinion.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous pouvons vous offrir les services des médecins les plus compétents dans tous les domaines, pour voir à la bonne application de la loi. Nous pouvons vous garantir que leur expertise sera excellente, la meilleure possible. Comme toute expertise est une question d'opinion, vous pouvez avoir, d'un côté, quelqu'un qui donne 15% d'incapacité et, d'un autre, quelqu'un qui donne 20% d'incapacité. Il y aura toujours un quelconque arbitraire parce que c'est une question personnelle, subjective et, avec toute la bonne conscience du monde, la meilleure objectivité, vous pouvez toujours avoir une certaine divergence de pensée.

Mais nous vous assurons que les médecins qui sont choisis comme experts par différents organismes le font en toute confiance... Il s'agit à ce moment-là de trouver un organisme ou un tribunal qui tranche définitivement.

Mme Payette: M. le Président, juste pour mieux éclairer la commission, les médecins qui sont ici présents ont bien indiqué, cependant, que, dans le régime proposé pour l'assurance automobile, il ne s'agit pas d'évaluation en termes de pourcentage d'incapacité. Est-ce que cela a paru clair, je l'espère, du moins, à la lecture du projet de loi?

M. Roy (Augustin): D'accord.

Mme Payette: Je pense qu'on évite là ce que vous venez de souligner et qui existe forcément à la Commission des accidents du travail, où on doit évaluer en termes de pourcentage et où on peut avoir deux experts qui disent, dans un cas, 15%; dans l'autre, 20%.

M. Roy (Augustin): Ce sera aux médecins, aux bureaux et à leur bureau médical d'établir des modalités d'application, d'après l'art et la science de la médecine.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je m'excuse, mais je n'ai pas très bien compris les éclaircissements que madame a donnés.

Mme Payette: M. le Président, il s'agit, dans la réforme proposée, d'un régime de compensation de pertes économiques; il semble évident que l'évaluation ne se fait pas comme au régime de la Commission des accidents du travail qui doit évaluer, en termes de pourcentage, l'incapacité d'un individu. Dans notre cas, il s'agit de savoir si la personne blessée est en mesure de travailler ou non, ce qui semble donner lieu à pas mal moins de discussions entre spécialistes.

M. Saint-Germain: Mais comment déterminer si une personne peut travailler ou non, si elle peut remplir ses fonctions ou non s'il n'y a pas, médicalement, une preuve, si on ne peut pas, médicalement, fixer un certain degré d'incapacité? La loi dit bien que, si une personne ne veut pas collaborer avec la régie pour retourner au travail, si elle a de la mauvaise volonté dans la réadaptation, etc., la régie peut diminuer ou même lui enlever sa rente.

Mais tout cela devrait être déterminé médicalement; cela devrait toujours, à mon avis, être les médecins qui, en dernier lieu, détermineraient si une personne peut ou ne peut pas, physiquement, travailler et occuper un emploi précis.

Mme Payette: M. le Président, c'est exactement ce que je viens de dire. Dans le régime de l'assurance automobile, il n'est pas nécessaire que le médecin, en plus, établisse le pourcentage du client de pouvoir ou non retourner au travail. Le médecin devrait dire si cette personne peut retourner à son emploi ou ne peut pas retourner à son emploi, tout simplement.

M. Fontaine: M. le Président, juste un éclaircissement là-dessus.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, est-ce que vous permettez une question au député de Nicolet-Yamaska?

M. Saint-Germain: Je n'ai pas d'objection.

M. Fontaine: Comment concilier la réponse du ministre avec l'article 65 de la loi qui dit que le médecin qui examine une victime à la demande de la régie doit faire un rapport à la régie constatant l'état de la victime, sa capacité de travail, et, dans le cas d'incapacité, la nature de celle-ci?

Mme Payette: II ne s'agit pas du taux dans cet article-là. Il s'agit de la capacité ou de l'incapacité, tout simplement.

M. Fontaine: Alors, la personne va être indemnisée si elle n'est pas capable de retourner au travail et, si elle est capable de retourner au travail, quel que soit le travail, on...

Mme Payette: Mais le médecin est là, justement, pour dire si la personne, avec la blessure qu'elle a, est capable d'occuper le poste qu'elle occupait avant. Si elle n'est pas capable, que ce soit à 5%, à 10% ou à 25%, elle ne peut pas occuper son travail; pour nous, il y a une compensation de perte économique.

M. Lalonde: C'est noir ou blanc. Ce n'est jamais gris.

M. Roy (Fabien): Une perte économique de 100%?

Mme Payette: La perte économique de 90%...

M. Roy (Fabien): Mais celle de 100% prévue par la loi, qui est 90% selon la formule, cela veut dire une perte économique. Autrement dit, elle bénéficie du maximum de ce que prévoit la loi. Si on fait référence...

Mme Payette: La perte économique étant le salaire qui n'est pas gagné.

M. Roy (Fabien): Dans le cas de la Commission des accidents du travail et dans le cas des accidents en général, il y a des incapacités totales et il y a des incapacités partielles. Il y a une ligne de démarcation qui n'est pas toujours facile. C'est l'objet d'énormément de problèmes.

Mme Payette: Voilà, et c'est pour cela que je suis en train d'expliquer que ce régime prête moins à discussion entre experts, puisqu'il faut tout simplement qu'un médecin nous dise si la personne peut retourner au travail qu'elle exerçait avant l'accident. Elle peut ou elle ne peut pas. Le pourcentage n'a rien à voir avec la compensation économique prévue par le régime.

M. Shaw: Alors, vous mettez totalement sur le dos du médecin la décision de savoir si l'accidenté peut retourner au travail ou non?

Mme Payette: Le médecin nous paraît le mieux qualifié pour établir une décision comme celle-là.

M. Roy (Fabien): J'aimerais attirer l'attention du ministre...

M. Lalonde: Est-ce que le ministre est conscient qu'il pourrait quand même y avoir un cas où un médecin dirait: Cette personne peut retourner au travail et où un autre dirait: non?

Mme Payette: J'imagine que cela peut arriver, mais cela arrivera certainement moins souvent que dans les 15% ou 20% des cas qui se produisent à la Commission des accidents du travail.

M. Saint-Germain: C'est la raison, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Dr Roy.

M. Roy (Augustin): II pourrait peut-être y avoir un mécanisme en cours à la régie pour arbitrer ces différences d'opinion, parce que vous avez déjà dans l'industrie cette différence d'opinion. Vous allez avoir un médecin de famille qui, sous la pression sociale de la personne, va parfois lui donner un congé de maladie de deux semaines, par exemple. Le médecin de l'industrie ou de la compagnie va dire: Vous n'êtes pas malade ou vous pouvez recommencer dans deux jours. Il doit y avoir un certain mécanisme d'arbitrage, mais nous sommes totalement d'accord avec l'interprétation de Mme le ministre. Le médecin détermine si la personne est capable ou non de retourner au travail. Un médecin n'est pas un juge et il doit y avoir des mécanismes administratifs qui fassent en sorte qu'on détermine les degrés d'incapacité et de paiement; nous faisons notre profession et nous disons que la personne est trop malade pour travailler ou pour conduire une automobile, mais ce n'est pas à nous de dire combien elle doit recevoir.

Mme Payette: M. le Président, on comprendra pourquoi nous tenons tellement à ce que le droit d'appel se fasse devant la Commission des affaires sociales où les assesseurs seront des médecins et non pas des juges de la Cour supérieure. Les médecins nous paraissent mieux préparés pour arbitrer ce genre de difficulté que des juges de la Cour supérieure.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Roy (Fabien): M. le Président, si on me permet, sur ce point, je ne voudrais pas alourdir le débat, mais, étant donné qu'on est sur le sujet...

Le Président (M. Boucher): ... M. le député de Jacques-Cartier?

M. Saint-Germain: Oui.

M. Roy (Fabien): Je pense qu'on touche là un problème de fond. A la Commission des accidents du travail — je le note, puisqu'on s'y réfère beaucoup et qu'effectivement il y aura des ententes qui interviendront incessamment — on oblige le médecin à rendre une décision de portée juridique. Le plus grand reproche qu'on fait actuellement à la Commission des accidents du travail, c'est que le médecin rend une décision en fonction de la condition physique du patient, et le médecin n'a pas à analyser la profession et le rapport qu'il peut y avoir entre son état physique et la profession qu'il occupait. C'est justement un des points majeurs qui a été et qui est encore retenu dans la refonte de la Loi des accidents du travail. Je comprends qu'on peut avoir, dans certains milieux, un préjugé défavorable à l'endroit du Barreau. Je ne nomme personne, mais il faudrait qu'on laisse quand même les spécialistes de chaque spécialité et les professionnels de chaque profession jouer leur rôle, parce qu'on risque de s'en- liser et de se retrouver avec les problèmes qu'on retrouve à la Commission des accidents du travail et, avant d'aller à la Commission d'appel des affaires sociales, ils vont aller dans les bureaux de chacun des députés. C'est là qu'ils vont aller.

M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous plaît!

M. Saint-Germain: Je le voudrais bien, oui.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, vous aviez la parole, je crois. Est-ce que vous permettez, sur le même sujet, qu'interviennent le député de Jonquière et le député de Pointe-Claire?

M. Saint-Germain: Sur le même sujet...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est bien dommage, mais ce que vient de dire le député de Beauce-Sud, c'est ce qui se passe dans le système traditionnel qu'on connaît. Les médecins ont actuellement devant les tribunaux à émettre une opinion à savoir si la personne, pour un certain temps, est capable ou non d'occuper le travail qu'elle occupait au moment de l'accident. Ce qu'on va demander au médecin, dans le nouveau régime, c'est exactement...

M. Roy (Fabien): Ce ne sont pas les médecins, ce sont les juges qui décident.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas le médecin qui décide, le médecin émet son opinion.

M. Roy (Fabien): Je suis d'accord. Non seulement il donne son opinion, mais l'opinion qu'il rend a une portée juridique.

M. Vaillancourt (Jonquière): Comme l'opinion que le médecin rend à la cour à une conséquence juridique, puisque le juge qui aura à rendre une décision se fondera sur les rapports médicaux qu'il entendra.

M. Roy (Fabien): II y a une distinction entre les deux.

M. Shaw: Est-ce que je peux vous donner un exemple?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, s'il vous plaît!

M. Shaw: Un accidenté est venu avec une mâchoire fracturée.

M. Lalonde: Un accident du travail? M. Shaw: Un accident d'automobile. M. Lalonde: C'est un lutteur.

M. Shaw: II dit: Je ne peux pas travailler, je suis un camionneur. Je peux lui dire que, même avec sa mâchoire retenue avec des broches, il peut conduire votre camion. C'est une décision juridique qui va impliquer de l'argent pour cette personne. Toutefois, je vais lui dire: Vous devez rester à la maison. C'est un exemple que vous mettez sur le dos d'un médecin d'avoir à rendre une décision sur la capacité de travailler d'un homme.

M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux me permettre une remarque si le député de Jacques-Cartier a encore la patience d'en permettre une autre?

M. Saint-Germain: Allez-y!

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, est-ce que vous permettez? M. le député de Rosemont.

M. Saint-Germain: J'ai la preuve au moins que ma question était à propos.

M. Paquette: Oui, c'est une bonne question. Je pense que l'article 65 du projet de loi est très clair. On dit: Le médecin qui examine une victime, à la demande de la régie — donc, c'est à la demande de la régie — va faire un rapport à la régie constatant l'état de la victime, sa capacité de travail, et dans le cas d'incapacité, la nature de celle-ci. C'est clair. Je pense que le médecin fait son rapport à la régie. La régie prend sa décision. Si la personne visée n'est pas d'accord, elle peut loger un appel à la Commission des affaires sociales où il y a, comme président, un juge, et comme assesseurs, des médecins qui sont compétents pour juger les rapports qui sont présentés.

M. Shaw: ... peuvent être trois ans après.

M. Paquette: Non, j'ai justement un début de la réponse.

M. Shaw: Là, tout est guéri. La décision va être changée. Incroyable!

M. Paquette: Ecoutez, je ne sais pas sur quoi vous vous basez pour dire que cela va prendre trois ans.

M. Lalonde: Demandez au député de Jacques-Cartier un peu plus de patience, parce que l'intervention du député de Rosemont me paraît très pertinente. D'ailleurs, il me semble un peu en contradiction avec les propos qui ont été tenus — je ne sais pas si c'est le ministre qui le disait — à savoir que ce seraient des médecins qui décideraient. C'est l'impression que nous avions. Le député de Rosemont dit que l'article 65 prévoit l'émission d'opinions de la part de médecins et c'est la régie qui décide.

Mme Payette: M. le Président, je pense qu'on essaie de me faire dire ce que j'ai peut-être dit, mais que je ne voulais pas dire. En tout cas, ce n'était certainement pas le contenu de mes paroles. Le médecin me paraît la personne capable de dire à la régie qu'une personne peut ou ne peut pas travailler.

Le Président (M. Boucher): Alors, Or Roy.

M. Roy (Augustin): Vous avez remarqué que nous n'avons fait aucune remarque sur l'article 65 dont on parle, parce que nous le trouvons bien rédigé et parce que c'est un médecin expert qui, à la demande de la régie, établit le degré de capacité ou d'incapacité. C'est selon des tables organisées par la régie que la régie décide, et s'il y a contestation, appel à la Commission des affaires sociales. Nous trouvons que cet article est parfaitement bien rédigé. C'est comme cela que cela doit se faire. Le rôle du médecin traitant, par ailleurs, est établi à l'article 64. C'est là, évidemment, que nous faisons certaines recommandations sur la confidentialité, mais il y a une différence entre le rapport du médecin traitant et le rapport du médecin expert. C'est assez important. Le médecin expert, lui, peut tenir compte du travail de l'individu. Il y a toujours appel de cela devant la Commission des affaires sociales où il y a des médecins qui vont être des assesseurs et des juges. Les parties se font entendre. On en arrive à un règlement d'après les règles établies.

Le Président (M. Boucher): Tout cela étant dit, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Vous voyez, docteur, les raisons pour lesquelles j'ai été, en toute sincérité, un peu déçu, que toutes ces questions ne soient pas étudiées dans votre mémoire.

M. Paquette: C'est parce qu'ils sont d'accord.

M. Saint-Germain: Je crois que vous auriez pu nous éclairer énormément. Vous avez dit que, dans le contexte actuel, un médecin spécialiste reconnu peut dire: Un tel patient a 20% d'incapacité partielle permanente. L'autre va dire 15%. Ce sont deux médecins. Ils agissent comme tels professionnellement. Ils n'ont pas à juger ou à porter jugement sur leur verdict, si vous voulez, ou sur leur jugement pour ce qui est de fixer l'incapacité. C'est le juge qui fait cela. Là, vous parlez de l'assurance automobile en particulier. Il y a une expertise d'établie au point de vue de la Commission des accidents du travail. C'est dans le monde de l'industrie exclusivement. On peut comprendre que certains médecins qui travaillent au niveau de la Commission des accidents du travail, avec l'expérience qu'ils ont dans ce domaine donné, puissent atteindre un haut degré, si vous voulez, de capacité pour dire qu'un tel individu aurait des risques à travailler dans tel emploi ou pas. Là, vous faites face à toutes sortes d'occupations. Ce n'est plus spécialisé. Vous allez avoir, comme médecins, à rendre des jugements sur toutes sortes d'occupations, même la femme au foyer, et ainsi de suite.

Certainement, comme vous l'avez dit, tout cela est un peu subjectif, très difficile pour deux médecins, quelle que soit leur compétence, d'arriver à des conclusions semblables, déterminantes et unanimes.

Il va falloir juger parmi les dires d'un certain nombre de médecins, soit des médecins qui auront examiné un patient sous l'ordre de la régie, ou soit une victime qui aura elle-même choisi ses experts.

Vous arrivez avec toutes ces preuves au niveau de la Commission des affaires sociales. Il n'y a là aucune procédure d'établie. Du moins, il n'y en a pas dans la loi. Je m'imagine mal le charivari qui va exister au niveau de la commission, surtout si on fait des médecins des juges. Je ne pense pas que les médecins soient faits pour juger une situation donnée. On leur fait faire, à mon avis, un emploi pour lequel ils n'ont pas été formés, absolument pas. Si ce médecin, qui est réellement conservateur, comme on dit traditionnellement, dans l'évaluation des incapacités des gens, a un mot à dire dans le verdict, on sous-estimera l'invalidité des gens. Si vous en avez, par contre, un autre qui, lui, est toujours plus généreux, bien... Et vous n'avez pas de procédure de preuve d'établie à ce niveau.

Le Président (M. Boucher): Dr Roy.

M. Saint-Germain: Si j'étais médecin, je ne sais pas, mais il me semble que cela me ferait étudier le problème, cela me motiverait à aller au fond des choses et à réellement étudier le problème à ce point de vue.

Le Président (M. Boucher): Dr Roy.

M. Roy (Augustin): Je suis heureux que M. le député de Jacques-Cartier décrive aussi bien le rôle extrêmement difficile et ingrat du médecin; mais ce qu'il dit, le médecin le fait régulièrement déjà dans sa vie. A tous les jours, des décisions semblables sont prises. Il n'y a pas de problème de charivari et de difficulté. Cela se fait régulièrement déjà. Ce rôle ne sera pas plus difficile dans le cas d'accident d'automobile qu'il ne l'est dans le cas d'accident du travail. C'est encore bien plus difficile. C'est là où c'est très compliqué dans certains cas de maladies industrielles. Là, ça devient difficile, parce que vous n'avez pas le rapport pathologique, vous n'avez pas l'autopsie. A l'autopsie, c'est facile de juger si quelqu'un était malade, son degré d'incapacité, s'il y avait de l'amiantose ou non. Mais, évidemment, seulement avec des plaques pulmonaires, des plaques radiologiques et des biopsies qui ont une certaine imprécision, c'est très difficile. Mais dans un cas d'orthopédie, l'accident d'automobile avec une fracture, c'est facile à évaluer. Bien, c'est facile; c'est difficile. Mais qu'est-ce que vous voulez? C'est notre fonction. C'est pour cette raison qu'on travaille dix ans pour devenir spécialiste en orthopédie, en neurochirurgie, etc. Cela se fait déjà régulièrement.

Evidemment, vous allez toujours avoir des gens insatisfaits des décisions rendues, parce qu'ils veulent en avoir plus. Vous avez des gens qui ont mal au dos. Je suis certain que les députés voient des gens dans leur bureau pour leur dire qu'ils n'ont pas assez une grosse compensation. Moi aussi, il y en a qui m'appellent et qui ne sont pas d'accord parce que leur médecin ne leur en a pas donné assez et, parfois, je fais des vérifications pour voir si c'est vrai ou pas vrai. Quand je m'adonne à les connaître, j'appelle des voisins pour savoir ce que fait le jour, monsieur Untel? Il y en a qui sont véritablement malades. Il y en a, parfois, qui simulent aussi. Il faut prendre ça en considération.

Moi, je dis que la Commission des accidents du travail, qui a été extrêmement décriée, a joué un rôle important. Il y a place pour l'amélioration. Elle se décentralise; elle s'améliore; elle s'informatise. Mais quand cela a commencé en 1931, il n'y avait rien. Evidemment, avec le temps, on a évolué. Les maladies industrielles, le monde occidental industrialisé vient d'en prendre conscience. Qu'est-ce que vous voulez? On savait que ça existait. On va en découvrir d'autres, parce que le Québec vient de s'industrialiser. Il y a quelques années, on était une province rurale. Ce n'était pas un problème. Cela ne nous concernait pas. On ne le savait pas. Mais là, il y en a maintenant. On le sait, on est aux aguets, à l'affût. On va en découvrir encore. Evidemment, il y a la prévention, et je pense que le gouvernement prépare actuellement un projet de loi sur la santé et la sécurité au travail. Tout ça va s'impliquer là-dedans. Evidemment, l'assurance automobile, on parlait des coûts ce matin. J'ai entendu ça. Moi, je ne veux pas m'embarquer là-dedans, la subrogation et la responsabilité, ce n'est pas mon rôle. Je ne suis pas avocat; je suis seulement médecin, mais, quand même, je suis conscient, comme citoyen, que j'ai à payer des taxes, et je pense que les coûts, on va les réduire par l'éducation, par la diminution des accidents, par le port de la ceinture de sécurité, dans l'observance des règlements de circulation, par l'éducation des gens, pour empêcher les gens de boire et de conduire en état d'ébriété. C'est ainsi qu'on va réduire les accidents d'automobiles.

Ces mesures sont prises, en général, pour aider le pauvre monde, les gens ordinaires. Il y a sûrement place pour une amélioration dans une loi, mais le principe général est un bon principe. Je peux vous assurer de la collaboration des médecins pour l'application de la loi. On va continuer à faire notre travail, à donner des rapports et travailler avec le plus de diligence possible. On est conscient qu'il y a déjà eu de mauvaises habitudes de prises dans le passé à certains endroits et on tente actuellement de faire prendre conscience aux médecins de l'importance de faire ces rapports très rapidement en collaboration avec la régie. On estime avoir la même collaboration de la part des autres organismes gouvernementaux. De la part des experts, on en fournit déjà des banques d'experts à la Commission des accidents du travail, on va en fournir à la régie sur demande. On vous assure de notre collaboration la plus entière dans l'intérêt du public, nous on n'a rien à proté-

ger, on veut tout simplement que les lois soient appliquées et que les gens soient traités honnêtement, en toute justice, équitablement et que chacun ait droit à ce qu'il mérite.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je ne veux pas continuer trop longtemps là-dessus, mais tout de même je voudrais dire qu'actuellement, dans le contexte actuel, un médecin qui détermine une incapacité sait pertinemment que sa responsabilité se termine là, professionnellement et avec grande compétence il doit faire son travail adéquatement, il établit, disons, à 20% une incapacité partielle, permanente d'un patient, ses responsabilités se terminent là. Il sait pertinemment que, devant la cour, un autre de ses collègues pourra peut-être soutenir un chiffre plus haut ou plus bas que 20%, mais il n'a rien à faire dans la décision. La décision n'est plus de sa responsabilité, la suite de son diagnostic, il n'en est plus responsable, on laisse le juge rendre son jugement.

Dans le contexte, vu que toujours, avec la régie, ce rapport pour certains médecins va devenir très important, surtout pour celui qui va travailler comme assesseur, comme je vous disais, avec des règles de preuve qui laissent à désirer. Il ne sera plus là exclusivement comme expert, il va aussi juger ou il va jouer un rôle au niveau du jugement qui va être rendu. Si ce rôle d'expert était joué devant un tribunal indépendant de la régie, de toute façon, un tribunal de la Cour supérieure, on va dire, il me semble que le médecin serait plus à l'aise que de travailler au niveau de la décision qui va être rendue.

Le Président (M. Boucher): Dr Roy.

M. Roy (Augustin): M. le député, vous me corrigerez si je ne lis pas bien, mais ce n'est pas le médecin qui rend la décision, c'est la régie. Le médecin soumet un rapport. Evidemment pour être médecin, il faut être très fort en mathématiques, en physique et en chimie, dans les sciences pures, mais il ne faut pas nous demander, par ailleurs, d'être des mathématiciens. On apprend la médecine, on donne une idée sur le fait que quelqu'un a une incapacité ou non, mais il y a des tribunaux, des organismes habilités à établi ces degrés d'incapacité où le médecin sera un expert. C'est ce qui se passe régulièrement devant les tribunaux. Vous avez une cause dans laquelle des gens poursuivent pour tel ou tel montant d'argent. Le juge fait venir des experts de gauche et de droite, vous avez la poursuite, vous avez la demande, vous avez la défense et ensuite vous avez une personne qui est le juge qui décide, qui n'est ni avocat, ni médecin, ni mathématicien, ni agronome, il est juge; il juge selon les lois et le bon sens quel est le degré, la compensation à accorder à quelqu'un. Cela peut varier, un juge peut être plus généreux qu'un autre, vous le voyez, il y a une évolution de la société également. Nous di- sons: Ce n'est pas le rôle du médecin de faire cela; pour lui, il s'agit de faire de la médecine, de soigner les malades et de faire un rapport sur ce qu'il a fait, le diagnostic, les traitements et l'incapacité ou non. Quand il vient comme expert, dans les cas où c'est fait à la demande de la régie, là c'est le médecin expert; selon l'article 65, ce n'est pas le médecin traitant ordinaire, c'est le médecin expert. Il dit: Moi, je suis un orthopédiste, je ne fais que cela, traiter le problème des os, je connais les fractures et je sais que tel genre de fracture, après avoir fait tel genre d'examen, donne à peu près tel degré d'incapacité.

Alors, lui donne cela de son côté; un autre va donner son opinion de son côté et, généralement, vous allez voir que cela finit par concorder assez bien.

M. Saint-Germain: Quel est le rôle du médecin, spécifiquement, au niveau de la Commission des affaires sociales, où il y aura un droit d'appel?

M. Roy (Augustin): Le rôle?

M. Saint-Germain: Du médecin qui va travailler comme assesseur.

M. Roy (Augustin): Devant la Commission des affaires sociales, il y a déjà plusieurs divisions de la Commission des affaires sociales et il y a des divisions dans les choses qui concernent les affaires médicales; il y a déjà des médecins comme assesseurs avec un avocat ou un juge. Cela existe déjà.

M. Paquette: Ce ne sont pas les mêmes médecins.

M. Roy (Augustin): II y en a deux. Cela dépend des circonstances. Il y a plusieurs divisions à la Commission des affaires sociales. Il y en a où il y a deux médecins plus un avocat, qui est le président du tribunal, en général, pour assurer la bonne procédure, mais ce qui va être porté devant la Commission des affaires sociales, ce n'est pas la décision du médecin, ce n'est pas le rapport du médecin, c'est la décision de la régie. C'est une décision qui appartient à la régie. On dit: Ce n'est pas au médecin de fixer l'indemnité. Au médecin de faire de la médecine, à la régie de fixer l'indemnité. Si l'individu n'est pas content de l'indemnité fixée, il y a une Commission des affaires sociales et il pourra y avoir des médecins qui seront des assesseurs, qui seront des membres de la commission. Si c'est une commission de trois, il pourrait y avoir deux médecins et un avocat qui sera juge et ils entendront les parties. Ils font comme ils font actuellement dans certains cas, ils prennent une décision. Je ne sais pas s'il y aura appel ou non, mais, évidemment, il faut finalement s'entendre, régler et en finir. Le but de cela aussi, c'est un peu de couper la bureaucratie, les frais, les lenteurs des tribunaux. Si on veut régler et avoir une justice en même temps, je pense qu'il faut avoir de bonnes règles de procédure et marcher.

M. Saint-Germain: J'ai terminé, M. le Président, je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, Dr Roy, on a besoin d'établir les circonstances de la validité des relations entre la Commission des accidents du travail et les médecins. A votre point de vue, est-ce que les affaires marchent bien maintenant? Est-ce que les médecins sont satisfaits des relations avec la Commission des accidents du travail?

M. Roy (Augustin): II y a toujours place à de l'amélioration dans tous les mondes. Je pense que cela va de mieux en mieux. Les formules ont été améliorées et la commission aussi a certains griefs à l'égard des médecins. Nous en avons discuté. Généralement, je peux vous dire que les médecins sont satisfaits des rapports avec la commission, mais vous aurez toujours, évidemment, des exceptions. Généralement, cela va bien et la commission s'est améliorée énormément au cours des dernières années, a amélioré ses formules. Encore là, nous avons fait des suggestions récentes, mais il faut se rendre compte que c'est un système très complexe que le système de la Commission des accidents du travail. C'est un système qui implique et l'employeur et le syndicat, en plus de l'employé et du médecin, ce qui implique beaucoup de monde, qui a besoin d'être revu et réorganisé. Ce n'est pas pour rien qu'il y a une loi actuellement en préparation pour refondre tout le système. Je ne voudrais pas parler d'autre chose, mais je voudrais seulement dire que le médecin, quand il est assesseur à la Commission des affaires sociales, n'agit plus comme médecin pratiquant à ce moment-là, il ne pratique pas la médecine. Il rend des décisions administratives en tenant compte de son expertise, de son expérience comme médecin. Ce sont des décisions administratives. Il ne pratique pas la médecine, il rend des décisions administratives en tenant compte de son expertise professionnelle.

M. Shaw: Dr Roy, je vous ai posé une question.

Mon expérience avec les médecins que je connais moi-même, ils ne sont pas du tout satisfaits de la Commission des accidents du travail.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Pointe-Claire, puis-je vous faire remarquer bien humblement, que vous devriez parler de la Régie de l'assurance automobile et de la Loi de l'assurance automobile.

M. Shaw: C'est très important, M. le Président, la relation est directe, parce qu'on parle maintenant...

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne faudrait quand même pas que le débat porte sur la performance passée et à venir de la

Commission des accidents du travail, il doit porter sur la Régie de l'assurance automobile et sur la loi qui nous occupe. Je vous le fais remarquer humblement, je pense que vous êtes en dehors du débat.

M. Shaw: M. le Président...

M. Roy (Fabien): Question de règlement, si le député de Pointe-Claire me le permet. Etant donné qu'il y aura entente entre la Régie de l'assurance-automobile et la Commission des accidents du travail, je comprends que de parler de la performance passée de la Commission des accidents du travail peut être discutable, mais je pense que le député de Pointe-Claire parle actuellement de la performance présente de la Commission des accidents du travail. Cela nous intéresse et cela m'intéresse.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour autant qu'il y a des relations entre la Commission des accidents du travail et la loi actuellement en vigueur, il n'y a pas de problème, on peut en discuter. La performance ou l'attitude passée de la CAT, ce n'est absolument pas pertinent au débat.

M. Shaw: Je peux vous garantir, M. le Président, que cela est concerné totalement. On parle dans le projet de loi, à l'article 64, des rapports. C'est important les rapports. C'est maintenant une forme de communication entre la Commission des accidents du travail et les médecins; c'est un grand défi pour beaucoup de médecins. Est-ce que vous êtes payés maintenant pour le temps qui est gaspillé à remplir ces formules?

M. Roy (Augustin): Je ne voudrais pas faire le procès de la Commission des accidents du travail. Récemment nous avons rencontré le président, et cela a été une des questions qui a été discutée avec lui, l'amélioration du fonctionnement de la commission et le fait que les rapports puissent être remplis avec plus de diligence. C'est pour ça que nous offrons la collaboration à la régie, pour que des bons mécanismes soient mis en application dès l'instauration de la régie. C'est pour ça aussi que nous suggérons d'être consultés sur les formules qui devront être prescrites de façon à les rendre les plus aptes possibles, les plus simples possibles, en même temps que donnant satisfaction à tout le monde, pour faciliter le travail de la part du médecin et aussi de la part de la régie.

Si on a cette collaboration entre la régie et les médecins, comme entre les médecins et la Commission des accidents du travail, c'est comme ça que tout le monde va être heureux. Il y a de la place pour amélioration...

M. Shaw: Oui.

M. Roy (Augustin): Je vous le concède, mais je ne veux pas dire que tout va mal. Je serais bien malhonnête si je disais que tout va mal. Je pense

que la régie doit partir sur le bon pied. C'est pour ça que nous offrons notre collaboration et, si on veut nous consulter, on est ouvert. On offre la collaboration des médecins.

M. Shaw: Pour vous mettre dans les circonstances, on parle de 50 000 accidents par année. Cela représente des rapports pour les médecins, ça représente un ouvrage qui, vous le savez comme moi, est pas mal difficile pour les médecins maintenant. Vous pouvez prendre une heure pour remplir une formule comme il faut, autrement ça va être retourné à votre bureau pour la remplir à nouveau pendant une autre demi-heure.

Mais ce n'est pas payé. Est-ce que c'est payé maintenant, Dr Roy?

M. Roy (Augustin): J'en suis conscient, mais si on veut parler de négocier des tarifs pour remplir les formules, ce n'est pas mon rôle de négocier les tarifs pour les médecins. Il faudra en parler à des organismes...

M. Shaw: J'en parle pour une autre raison. Je veux faire une comparaison avec le système actuel, soit le rapport des accidents d'automobile. Vous avez des compagnies de sinistre qui vont vous demander un rapport sur la condition physique d'un accidenté- Etes-vous payés pour cela?

M. Roy (Augustin): Oui.

M. Shaw: La qualité du rapport va toujours être meilleure si vous êtes payés et quand votre temps est pris avec un revenu.

M. Roy (Augustin): Mais il n'y a rien qui dit, dans la loi, que le médecin ne sera pas payé, et je ne veux pas en parler parce que ce n'est pas mon rôle. Mais il n'y a rien qui dit qu'il ne sera pas payé.

M. Shaw: Est-ce que vous êtes payés par la Commission des accidents du travail?

M. Roy (Augustin): C'est-à-dire que c'est en discussion à l'heure actuelle.

M. Shaw: Oui. Mais cela fait un bout de temps que nous travaillons...

M. Roy (Augustin): En ce qui concerne la régie, cela pourrait être discuté, mais je vous dis que moi, je ne suis pas habilité à discuter du paiement des formules. Je concède que c'est beaucoup de travail. Déjà, les médecins...

M. Shaw: Mais, Dr Roy, on parle de la qualité des services.

M. Roy (Augustin): Je sais.

M. Shaw: Si ce n'est pas amélioré par un projet de loi, cela doit être démontré...

M. Vaillancourt (Jonquière): On semble dire que vos services sont meilleurs lorsque vous êtes payés. Cela semble être ce que le député de Pointe-Claire veut dire.

M. Shaw: M. le député...

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que c'est cela que vous voulez dire? Dites-le directement si c'est ce que vous pensez.

M. Shaw: M. le député, quand vous rendez un service, vous êtes payé, c'est normal. Même comme député, ici, vous êtes payé.

Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à l'ordre!

Mme Payette: M. le Président, question de règlement. On a ici trois invités qui sont venus présenter un mémoire dans lequel ils ont soulevé trois articles du projet de loi, et j'ai reconnu la validité de leur intervention.

Je me demande s'il n'y a pas actuellement — et je demande une directive à ce sujet — presque un abus des invités, où on les force à parler de négociation éventuelle avec la Commission des accidents du travail, qui ne nous concerne pas dans l'étude du projet de loi 67, alors que les invités nous disent qu'ils ne sont pas habilités à discuter des tarifs pratiqués par les médecins.

Le Président (M. Boucher: M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je pense que nous avons devant nous des invités qui sont des spécialistes dans le domaine. Si les membres de la commission peuvent poser des questions pour éclairer tous les membres de la commission en rapport avec le projet de loi, je pense qu'on est en droit de le faire, et c'est notre devoir de le faire.

Mme Payette: M. le Président, nos invités nous ont dit tout à l'heure, plus tôt dans cette discussion, qu'ils ne voulaient pas s'écarter du mémoire qu'ils avaient présenté. Cela a été souligné. Moi, je voudrais qu'on leur demande à nouveau s'ils veulent répondre aux questions qui sont posées maintenant.

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: La corporation des médecins existe et est là pour la protection du public. C'est à ce titre qu'on parle de médecine. Ce sont des gens autorisés et le rôle du médecin est beaucoup plus complexe que ce que contient le mémoire.

Nous avons jugé bon, à titre de députés, de les interroger et de dépasser le contenu du mémoire. Ces messieurs ont bien voulu répondre. Je

ne vois rien qui soit contre les règlements et je ne vois pas pourquoi on devrait enlever aux députés la liberté de questionner ces messieurs en dehors des différents articles qui ont été énumérés dans le mémoire.

M. Paquette: Sur la question de règlement.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Question de règlement, M. le Président. Je suis d'accord avec le député de Jacques-Cartier qu'on parle de médecine, mais, actuellement, on parle d'argent. Je pense que nos invités nous ont très clairement dit qu'ils n'étaient pas habilités à parler de négociation éventuelle, prochaine, possiblement, avec une régie qui s'appellerait la régie de l'assurance automobile. On sait pertinemment que les questions du député de Pointe-Claire avaient rapport à des questions pécuniaires et non pas à de la médecine.

M. Saint-Germain: Je comprends très bien. M. Shaw: M. le Président...

Le Président (M. Boucher): Sur la question de règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: M. le Président, c'est simplement pour souligner que je ne pense pas que vous devriez tenir strictement la commission au contenu du mémoire. Ce serait un mauvais précédent, je pense. Mais il reste toutefois que, si une question en particulier semble déborder tellement le débat que les témoins ont dit qu'ils n'étaient pas habilités à en discuter, d'accord. Je ne veux pas préjuger de votre décision, mais, à ce moment-là, je pense qu'une décision de cette nature serait bien fondée.

Je ne voudrais pas, par exemple, que vous acceptiez l'invitation qui vous a été faite de nous abstenir, nous, de poser des questions en dehors du mémoire, mais qui sont à l'intérieur des fonctions du Dr Roy, que je connais très bien, et je sais très bien qu'il sait se défendre et sait dire oui quand il connaît la réponse et non quand il ne la connaît pas.

Le Président (M. Boucher): Sur une question de règlement, M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Je voudrais expliquer comment je suis cette ligne de conduite. J'essaie de démontrer que nous allons créer une bureaucratie formidable qui va impliquer les médecins, du travail, et c'est le consommateur qui va en souffrir, si ce n'est pas fait comme il faut et s'il n'est pas démontré que ce sera un gros défi pour le projet de loi, pour le consommateur, pour l'accidenté qui a eu un accident, de produire les preuves qui se font maintenant facilement avec le système actuel, à savoir que ce sera démontré à cette commission parlementaire...

M. Paquette: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Boucher): Oui.

M. Paquette: Je me demande ce que le salaire des médecins a à voir avec ce que vous venez de dire.

M. Shaw: Le salaire d'un médecin...

M. Paquette: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on parle de n'importe quoi. C'est le droit des députés de poser n'importe quelle question. Je pense qu'il faut prendre l'intervention du ministre comme une espèce de respect envers nos invités qui ont dit: On est venu vous parler d'un certain nombre de points. Je suis bien d'accord que vous essayez de mettre en évidence que la bureaucratie va être énorme avec le projet de loi, mais qu'est-ce que cela a à voir avec le salaire des médecins?

M. Shaw: II ne s'agit pas seulement du salaire mais du rapport qui doit être bien fait, à l'avantage de l'accidenté. C'est une vérité. Deuxièmement, si vous demandez un rapport bien fait, et qu'on prend le temps de le faire, cela implique un coût. Le ministre est-il prêt à dire maintenant que ces rapports seront payés?

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, je crois que nos invités ont bien mentionné que pour ce qui est de la question de rémunération des rapports, ce n'était pas de leur mandat d'en discuter aujourd'hui.

M. Shaw: Je viens de poser la question au ministre.

Le Président (M. Boucher): Si vous posez la question à Mme le ministre, je vais lui demander si elle veut y répondre.

Mme Payette: M. le Président, il paraît évident que le travail fait par les médecins à l'intérieur du régime proposé sera un travail rémunéré. Ce n'est pas non plus à moi de négocier avec les médecins. La régie le fera. Les personnes qui sont devant nous nous l'ont dit, de façon claire et précise, et je pense qu'on n'a qu'à lire le mémoire de l'association qu'elle représente pour comprendre qu'ils ne discuteront, d'aucune façon du salaire des médecins.

M. Shaw: Alors, est-ce que ce montant est prévu dans les 6% d'administration?

Mme Payette: Les coûts qui sont donnés présentement comprennent, bien sûr, tous les besoins de la régie.

M. Roy (Fabien): Est-ce qu'il y a une étude de faite à ce sujet?

Mme Payette: M. le député de Beauce-Sud, s'il avait fallu que je vous remette tous les docu-

merits à chaque fois que vous demandez s'il y a une étude, vous seriez déjà étouffé sous les papiers.

M. Roy (Fabien): M. le Président, je pourrais dire à Mme le ministre que des papiers, j'en ai déjà vu avant aujourd'hui et si j'avais eu à être étouffé, cela ferait longtemps que je serais étouffé.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, est-ce que vous désirez poser une question, parce que c'est le député de Pointe-Claire qui avait la parole?

M. Roy (Fabien): Je désirerais poser une question sur le point de règlement qui vient d'être soulevé.

Le Président (M. Boucher): Ce n'est pas un point de règlement à la question de règlement, c'est réglé.

M. Roy (Fabien): Non, j'en ferais un point de règlement. Je comprends que nos invités... On ne veut pas être désagréable et je ne pense pas qu'il ait aucun des membres de cette commission qui souhaite... Nous serions tous peines d'être désagréables à l'endroit de nos invités. Nous avons devant nous actuellement des représentants du Collège des médecins. Actuellement, la loi 49 qui a été adoptée prévoit à l'article 3 des ententes avec la Commission des accidents de travail, ententes que nous ne connaissons pas et que nous devrions connaître, parce que cela nous éclairerait et nous éviterait de poser des questions, mais ententes que nous ne connaissons pas parce qu'il n'y a pas eu d'ententes. Ce qui m'a fait dire hier que nous nagions dans le vague, dans l'inconnu. Actuellement, pour l'information des membres de la commission, il y a des médecins qui ne veulent pas, lorsqu'il s'agit des cas de la Commission des accidents de travail, fonctionner dans le système. Ce qu'on veut savoir, c'est si on va être victime de la même chose, si les assurés du Québec vont être victimes de la même situation avec le nouveau régime d'assurance automobile. Je pense que c'est une question extrêmement pertinente qui nous concerne tous, puisque nous avons des décisions à prendre à ce sujet.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud, est-ce que vous posez la question à Mme le ministre ou aux invités?

M. Roy (Fabien): Non, je voulais permettre que le député de Pointe-Claire, puisque c'était lui qui avait la parole, puisse continuer à poser ses questions à nos invités. Si nos invités ne sont pas capables de répondre, ils seront capables de nous le dire. Si le gouvernement peut nous répondre, que le gouvernement nous réponde.

Le Président (M. Boucher): M. le docteur Roy, je pense...

M. Roy (Augustin): M. le Président, lorsqu'une loi ou un règlement du Québec rend un service obligatoire, il y a un règlement de la Régie de l'assurance-maladie qui fait en sorte... je le lis ici: "Toute expertise, tout témoignage ou tout certificat ou autre formalité, lorsque requis pour les fins de la justice ou par une personne autre que celle qui a reçu un service assuré, toutefois, sont considérés comme services assurés les examens exigés en vertu des lois suivantes: Loi de la protection du malade mental, Loi de la curatelle publique, Régime des rentes du Québec, Loi de l'aide sociale, et l'article 507 d'un règlement de la Loi de l'assurance-maladie". En fait, advenant que la loi soit adoptée, il faudrait probablement que la régie modifie son règlement pour y inclure les articles de la Loi de l'assurance automobile. De cette façon cela deviendrait un service assuré. Une fois ce service assuré, cela devra faire l'objet de négociations entre le gouvernement et les fédérations de médecins, et non entre la Régie de l'assurance automobile et la Corporation des médecins. Nous ne nous occupons pas des honoraires des médecins.

M. Fontaine: M. le Président, est-ce que Mme le ministre pourrait nous dire combien ça coûte actuellement pour avoir une expertise médicale à la suite d'un accident d'automobile?

Mme Payette: Dans le système actuel? M. Fontaine: Oui.

Mme Payette: Non, je n'ai pas la réponse. Je pourrai vous la fournir si vous ne la connaissez pas.

M. Fontaine: Je peux vous la donner. Cela varie entre $150 et $250.

Mme Payette: Et alors?

M. Shaw: J'ai une autre question pour...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, vous aviez la parole.

M. Shaw: Je crois que nous avons ouvert un peu cette boîte de vers, mais nous allons continuer d'étudier une autre question, la question de la confidentialité des dossiers.

Dans le système actuel, nous avons beaucoup de moyens de contrôler la confidentialité des dossiers. D'après votre expérience et l'expérience de votre groupe, est-ce que vous êtes satisfaits concernant la confidentialité des rapports des médecins? Est-ce que les patients sont protégés comme il le faut?

M. Roy (Augustin): Non, c'est justement l'objet de notre mémoire. Nous faisons quelques suggestions. Mme le ministre a dit qu'elle en tenait compte, qu'elle verrait à ce que des modifications soient apportées pour assurer la totalité de la confidentialité des dossiers et du secret professionnel. L'assurance que nous donne Mme le ministre nous satisfait.

Nous avons, par ailleurs, ajouté au début que nous verrions d'un très bon oeil un projet de loi-cadre pour assurer, dans notre société moderne, un contrôle vraiment étanche du secret professionnel, parce qu'il est de plus en plus galvaudé. Les gens sont de plus en plus susceptibles de voir leur dossier passer entre les mains de plusieurs individus, surtout avec l'ère de l'ordinateur.

Mais je pense que, dans la loi actuelle, avec les quelques suggestions que nous avons faites et l'assurance qu'elles seront prises en considération, nous sommes satisfaits de ce que le secret professionnel et la confidentialité des dossiers seront préservés.

Nous croyons que la régie devra nécessairement avoir à son service des médecins qui, en plus d'être liés par la loi, sont également liés par notre Code de déontologie professionnelle, qui est très spécifique quant au secret professionnel.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, je vous ferai remarquer qu'il est 18 heures, et que nous devons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Est-ce que les membres de la commission sont prêts à continuer ou devrait-on demander aux invités de revenir à 20 heures?

M. Lalonde: M. le Président, cela dépend des interventions qui restent. Quant à nous, nous avons terminé.

Le Président (M. Boucher): II resterait le député de Beauce-Sud.

M. Paquette: Nous aussi nous avons terminé, sauf peut-être...

M. Roy (Fabien): M. le Président, je vais me limiter, me discipliner même si j'aurais des questions à poser à nos invités.. Je pense quand même que les questions qui ont été posées jusqu'à maintenant ont répondu, dans l'ensemble, aux questions et à mes préoccupations. Comme il nous est toujours possible de communiquer avec eux pour une information additionnelle, je vais simplement m'abstenir de poser des questions pour permettre à la commission de terminer avant le souper.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Augustin): M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de souligner la générosité du député de Beauce-Sud qui est un Beauceron, comme moi et, entre Beaucerons, on se connaît bien.

Le Président (M. Boucher): Merci. Alors...

Mme Payette: M. le Président, si vous le permettez, je voudrais suggérer au Dr Roy de régler les difficultés qu'il va y avoir avec le groupe qui a accepté de céder sa place.

Le Président (M. Boucher): Je remercie le Dr Roy ainsi que ceux qui l'accompagnent pour le mémoire présenté.

La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 03)

Reprise de la séance à 20 h 8

Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et messieurs!

A la suspension nous en avions terminé avec le mémoire de la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Il restait la Royale du Canada, compagnie d'assurance, représentée par M. Sébastien Allard. Si vous voulez vous approcher, M. Allard.

La Royale du Canada, compagnie d'assurance

M. Allard (Sébastien): Merci, M. le Président. M. le Président, Mme le ministre, messieurs, vous allez me permettre tout d'abord de vous présenter notre équipe. Je me nomme Sébastien Allard, je suis vice-président principal de l'assurance Royale, responsable des activités au Québec; à ma droite, M. Jean Robitaille, également vice-président principal, un ancien résident de la ville de Québec, responsable à ce moment-là de notre succursale à Québec. Il est maintenant au siège social à Toronto, responsable de la souscription et des sinistres pour tout le Canada; à ma gauche, M. Paul Chicoine, directeur de notre succursale de (a région de Montréal; à côté de lui, M. Marcel McDuff, responsable des sinistres, des réclamations comme on dit plus généralement pour le Québec et enfin M. Jules Daigle, directeur de notre succursale de la région métropolitaine de Montréal. Ce matin, M. Bélair, qui est responsable de notre succursale à Québec, était avec nous, mais il a dû partir cet après-midi. J'aurais aimé qu'il soit là, vous auriez vu les gens qui dirigent les activités de la Royale au Québec.

Vous me permettez de lire le mémoire, M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Compte tenu de...

M. Allard: J'aimerais le faire, si vous me le permettez. Il n'est pas tellement long...

Le Président (M. Boucher): II n'est pas tellement long.

M. Allard: L'Assurance Royale a commencé ses activités au Québec il y a plus de 125 ans, plus précisément en 1851. Depuis lors, plusieurs compagnies d'assurances se sont associées à la Royale. La plupart d'entre elles ont cessé leurs activités après fusion, de sorte qu'à l'heure actuelle le groupe ne compte plus, à toutes fins pratiques, que trois compagnies vraiment actives, à savoir la Royale du Canada, compagnie d'assurance, la Compagnie d'assurance du Québec et la Western Assurance Company.

La Compagnie d'assurance du Québec est plus ancienne que la Royale, ayant été fondée en 1818 ici même dans la ville de Québec. De fait, elle a été la première compagnie d'assurances constituée au Québec et la deuxième au Canada

L'Assurance Royale est de loin le plus important assureur au Canada et elle se classe deuxième au Québec en volume d'affaires transigées. En 1976, son chiffre d'affaires s'élevait à $425 millions au Canada, alors qu'il était de $108 millions au Québec.

En assurance automobile, la Royale occupait également le deuxième rang au Québec avec un volume de primes souscrites dépassant $54 millions. Nous jouons donc un rôle de premier plan au Québec et nous désirons continuer à le faire à l'avenir. Nous offrons au public un service dont il a besoin, la protection de ses biens. Actuellement, environ une centaine d'assureurs oeuvrent au Québec dans le secteur de l'assurance automobile. Nous travaillons donc dans un marché concurrentiel qui assure les prix les plus bas.

Nous sommes conscients de nos responsabilités envers les consommateurs et nous avons la conviction de nous en acquitter honorablement. Nous croyons nous comporter en bons citoyens. Nos progrès en sont une preuve indéniable et le très petit nombre de plaintes portées contre nous au Service des assurances de la province en sont une autre.

Parmi les initiatives récentes que nous avons prises dans l'intérêt des assurés et des consommateurs en général, nous pourrions citer notre service d'information au consommateur et notre "Plan AIDE".

Dans tous nos bureaux, nous avons mis sur pied un service d'information au consommateur qui répond aux demandes de renseignements de quelque provenance que ce soit, non pas seulement de nos assurés, et qui cherche à aider le consommateur à résoudre ses problèmes d'assurance, soit au niveau de la protection ou des sinistres.

Quant à notre "Plan AIDE", il offre un moyen de régler rapidement et à l'amiable, les rares cas de sinistres litigieux en suggérant l'emploi des services d'un arbitre choisi par notre assuré lui-même. Le mot "AIDE" vient, en fait, des mots Arbitrage Impartial Diligent et Equitable.

Même si les actions de la Royale ne sont pas détenues par des Québécois et si son siège social n'est pas situé au Québec, nous nous considérons comme une compagnie intégrée au Québec. Effectivement, c'est ici que nous nous sommes établis avant d'ouvrir des bureaux ailleurs au Canada et nous avons, à Montréal, une division administrative responsable des activités au Québec, qui compte un personnel de près de 25 employés dont un vice-président principal, responsable de ces activités, et tous les cadres de cette division sont des francophones, et à une ou deux exceptions près, les autres membres du personnel sont aussi des francophones.

Nous avons, au Québec, trois succursales importantes dont deux à Montréal et une ici même, à Québec, ainsi que trois bureaux régionaux moins considérables que les succursales, mais qui comptent quand même de 40 à 50 employés chacun. Ces bureaux sont situés à Chicoutimi, Rimouski et Trois-Rivières.

En tout, notre personnel au Québec se chiffre par 700 employés qui, tous, sauf une quinzaine, sont des francophones. Quant aux non-francophones, la plupart sont bilingues, à différents degrés. Le personnel dirigeant de tous les bureaux sans exception, est entièrement francophone et nous travaillons en français depuis très longtemps.

Nous souscrivons nos affaires par l'intermédiaire de courtiers dont la très grande majorité sont des francophones aussi. Les experts en sinistres dont nous utilisons les services sont également en majeure partie des francophones.

Evidemment, un très fort pourcentage de nos assurés sont des francophones et lorsque nous réglons des sinistres, nous versons les indemnités généralement à des francophones. Lorsque nous réparons ou remplaçons des biens tels que les bâtiments, les effets personnels, les automobiles, nous faisons appel à des entrepreneurs en construction, des réparateurs, des fournisseurs et autres, francophones, la plupart du temps. Enfin, depuis longtemps, nous nous efforçons d'investir au Québec des sommes proportionnelles aux primes que nous y recueillons.

Etant donné que les bénéfices réalisés, soit sur les activités d'assurance proprement dites, soit sur les placements, ne représentent qu'un pourcentage relativement petit des primes que nous gérons, nous pouvons affirmer que la presque totalité des primes que nous recueillons au Québec sont remises aux Québécois sous forme d'indemnités, d'investissements, de salaires, d'avantages sociaux, de commissions aux courtiers, d'honoraires aux experts en sinistres, d'impôts, de taxes, de loyers, d'achat de mobilier, de fournitures, de voitures et de services.

Est-il nécessaire d'en dire davantage pour démontrer que notre apport à l'économie du Québec, en tant qu'assureur, est considérable?

Nous reconnaissons que les assureurs québécois ont un rôle important à jouer sur le marché des assurances de la province, un rôle même prépondérant. Nous acceptons cela. Nous croyons que nous y avons également notre place. Vous comprendrez donc pourquoi nous nous intéressons au plus haut point à la réforme proposée de l'assurance automobile. A part notre intérêt personnel, nous avons bien à vue les intérêts de nos assurés, des consommateurs en général, de nos employés et de nos courtiers.

Dans ce mémoire que nous avons voulu bref, nous n'avons pas l'intention de présenter une analyse détaillée du projet de loi 67. D'ailleurs, le Bureau d'assurance du Canada dont nous sommes membres, l'a fait la semaine dernière. Nous nous bornerons simplement à faire ressortir quelques points que nous considérons très importants et que nous voudrions porter plus particulièrement à l'attention de cette commission.

Mentionnons tout de suite que nous approuvons entièrement le mémoire du Bureau d'assurance du Canada.

Evidemment, nous nous opposons à toute forme d'étatisation, même partielle, de nos affaires d'assurance automobile. Nous sommes convaincus que l'entreprise privée est tout à fait en mesure d'offrir au public un régime d'assurance qui répondrait mieux à ses besoins que le régime actuel et à un coût moindre que le gouvernement ne pourrait le faire, à condition que le gouvernement consente à lui fournir le contexte juridique nécessaire. Nous sommes également convaincus que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le public souhaite conserver la liberté de choix et que le gouvernement devrait reconnaître ce fait et ne pas donner suite à son projet de créer un monopole d'Etat, même limité, comme c'est proposé, aux dommages corporels. Nous trouverions, par contre, tout à fait acceptable que le gouvernement entre en concurrence avec l'entreprise privée en créant une société d'Etat et, pourvu que cette société ne jouisse d'aucun privilège particulier, nous sommes assurés que nous pourrions démontrer au public les avantages incontestables qu'il pourrait retirer à traiter avec l'entreprise privée plutôt qu'avec l'Etat.

Est-il nécessaire, à ce sujet, de souligner à nouveau que le comité d'étude sur l'assurance automobile, généralement désigné sous le nom de comité Gauvin, n'a pas jugé bon de recommander l'étatisation de l'assurance automobile, mais qu'il a plutôt reconnu les avantages qu'offre l'entreprise privée sur un monopole d'Etat, même si le coût d'un régime géré par l'Etat devait être un peu inférieur à celui de l'entreprise privée?

Il est aussi remarquable que, de tous les nombreux comités et commissions qui ont étudié la question de l'assurance automobile au Canada depuis plusieurs années, aucun n'a recommandé l'étatisation, même pas dans les provinces où l'assurance automobile est aujourd'hui étatisée.

Comme alternative au projet du gouvernement, nous continuons d'appuyer le régime Auto BAC, proposé à la commission parlementaire des institutions financières chargée d'étudier le rapport Gauvin à l'automne 1974, en reconnaissant toutefois qu'il y a lieu de réviser les montants de certaines indemnités pour tenir compte du contexte actuel. A l'instar du Bureau d'assurance du Canada, nous croyons encore que le régime AutoBAC demeure la solution immédiate la plus valable à ce qu'on appelle généralement le problème de l'assurance automobile. En effet, Auto BAC permettrait à la vaste majorité, environ 85%, de toutes les victimes d'accidents d'automobiles, responsables ou non, de recevoir rapidement une compensation adéquate en cas de dommages corporels.

De plus, le droit de recours devant les tribunaux civils n'étant pas totalement aboli, les victimes innocentes qui auraient subi des blessures graves ou pour qui les indemnités de base seraient insuffisantes, pourraient aussi recevoir une indemnisation adéquate, sans qu'il leur soit nécessaire de se procurer une assurance complémentaire. D'après des sondages effectués récemment, il semble indéniable que le public désire conserver le droit de recours aux tribunaux, au moins dans les cas les plus graves.

Quant aux dommages matériels aux véhicules, nous croyons qu'ils devraient être assujettis à un régime d'indemnisation sans égard à la responsabilité, tout comme les dommages corporels, tel que recommandé par le Bureau d'assurance du Canada. En somme, si le principe du "no fault" est valable en ce qui a trait aux dommages corporels, il devrait l'être aussi dans le cas des dommages matériels.

Nous voulons insister sur le fait qu'il y a déjà longtemps que nous préconisons une formule d'indemnisation sans égard à la responsabilité. En effet, nous en parlions il y a une quinzaine d'années déjà. En 1968/69, l'industrie de l'assurance a commencé à offrir dans les polices automobiles une assurance individuelle qui prévoyait des indemnités en cas de dommages corporels, indemnités qui étaient payables sans avoir à déterminer le responsable de l'accident.

En janvier 1972, l'Association canadienne des assureurs, dont nous étions membres, recommandait au comité Gauvin l'indemnisation sans égard à la responsabilité.

Fait à souligner, si le régime AutoBAC avait été adopté en 1974, il aurait apporté une réduction des coûts de l'assurance. Par contre, le ministre des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières ne croyait pas que le régime proposé dans le projet de loi no 67 amènerait une réduction immédiate des coûts de l'assurance. Et, reconnaissons-le, c'est le coût de l'assurance qui a fait l'objet des critiques les plus vives de la part du public.

A notre avis, le régime proposé prévoit des indemnités beaucoup trop généreuses en certains cas, indemnités qui, d'autre part, seraient trop souvent déterminées d'une façon arbitraire; par conséquent, nous croyons que le coût du régime sera très élevé ou, en tout cas, plus élevé que celui du régime actuel et plus élevé aussi qu'il n'est prévu dans le libre bleu sur la réforme de l'assurance automobile.

Quant au rôle du courtier d'assurance dans le régime proposé, il nous semble peu réaliste de croire que le public, qui a pris l'habitude d'avoir recours aux services des courtiers, cesserait de le faire avec l'avènement du nouveau régime. Un grand nombre d'automobilistes continueraient de s'adresser aux courtiers pour déterminer leurs besoins d'assurance, pour signaler leurs accidents et être dirigés.

Il nous semble donc que ces services exigent une rémunération, non prévue dans le régime proposé, mais reconnue dans le régime actuel.

Par ailleurs, nous sommes entièrement d'accord avec le projet de loi en ce qui a trait à: 1o, l'obligation pour tous les automobilistes du Québec de s'assurer contre la responsabilité civile. Toutefois, nous croyons que le montant minimal obligatoire prévu de $50 000 est insuffisant, et Mme le ministre nous a dit, cet après-midi, que c'était un cadeau aux assureurs. Je pourrais demander qu'elle nous fasse un plus gros cadeau et qu'elle exige que les automobilistes portent une assurance minimale de $100 000, pas dans l'intérêt des assureurs, mais de façon qu'ils soient protégés adéquatement lorsqu'ils seront au moins à l'extérieur du Québec, parce qu'il n'y a pas lieu de penser uniquement aux dommages matériels à ce moment-là. Il faut aussi penser aux blessures corporelles, aux dommages corporels causés à l'extérieur du Québec; 2o, la création d'un mécanisme rendant l'assurance automobile accessible à tous les automobilistes; 3o, la mise sur pied de centres d'estimation de dommages matériels; 4o, la prise en charge par le gouvernement du Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles.

Nous appuyons également le programme de sécurité routière prévu au livre bleu. A ce sujet, qu'il nous soit permis de rappeler que depuis plusieurs années l'industrie n'a jamais cessé d'insister sur l'importance de la sécurité routière à cause, justement, du rôle qu'elle joue dans la fréquence et le coût des accidents et, par conséquent, dans le coût de l'assurance automobile. Seuls des lois et règlements bien conçus et appliqués rigoureusement et sévèrement parviendront à réduire le nombre, la gravité et le coût des accidents. D'ailleurs, le ministre lui-même l'a reconnu et souligné, tant dans le livre bleu qu'en plusieurs autres occasions depuis qu'il a été chargé de la responsabilité du dossier de l'assurance automobile.

Quoi qu'il en soit, si le projet de loi no 67 devait être adopté, nous désirons assurer le gouvernement de notre collaboration la plus entière dans la mise en application de la loi et, à cette fin, si la Corporation des assureurs autorisés, dont traite le titre VI, devait être créée, nous souhaiterions être invités à faire partie du conseil d'administration initial si les membres étaient désignés par le gouvernement.

M. le Président, Mme le ministre, messieurs, je vous remercie d'abord de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant vous. Vous auriez pu décider que notre mémoire, étant ce qu'il est, vous n'aviez pas à nous écouter, vous auriez pu le lire. Vous nous avez donné cette occasion et nous vous en sommes reconnaissants.

S'il y a des questions que vous aimeriez nous poser, nous tenterons d'y répondre, tout en vous disant tout de suite que nous ne voulons pas faire perdre le temps des membres de la commission en revenant peut-être sur des sujets qui ont été traités à fond, je crois, la semaine dernière, à l'occasion de la présentation du mémoire du Bureau d'assurance du Canada.

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Allard. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, tout d'abord, je voudrais remercier les représentants de la Royale du Canada d'avoir été patients puisque les convocations ont été un peu perturbées. Je sais que vous êtes là depuis hier, à ma connaissance, je vous en remercie. J'espère que vos affaires n'en

souffriront pas et que vous n'aurez pas à regretter votre présence devant les membres de la commission.

A la page 6 de votre mémoire, vous faites une affirmation qui me frappe à nouveau parce qu'elle m'avait frappée au moment de la conférence de presse du BAC, il y a déjà fort longtemps, c'est-à-dire quelques jours après la parution du livre bleu. Vous affirmez que l'entreprise privée pourrait— presque au milieu de votre page — vous êtes tout à fait en mesure, dites-vous, d'offrir au public un régime d'assurance qui répondrait mieux à ses besoins que le régime actuel — vous parlez de ce qui existe présentement — et à un coût moindre que le gouvernement ne pourrait le faire. Pouvez-vous me dire, maintenant, parce que là, c'est loin du 15 avril, à combien vous estimez que l'entreprise privée pourrait administrer le régime que nous proposons?

M. Allard: Madame, je ne pourrais pas vous donner de chiffres, je ne pourrais pas vous faire la démonstration de cela.

Mme Payette: Mais vous l'affirmez.

M. Allard: Vous allez peut-être me dire: Pourquoi le dites-vous? Je reste convaincu que l'entreprise privée est toujours capable, dans le même contexte, de faire quelque chose à un coût inférieur à celui de l'Etat. Quand vous dites que le projet de loi, le coût du projet de loi, le financement va se monter à $385 millions, vous arrivez à cela et je ne conteste pas ces chiffres; probablement sont-ils très exacts, je ne les ai pas examinés, je ne le sais pas, mais je tiens pour acquis qu'ils sont précis. Vous arrivez à cela en faisant certaines choses, comme éliminer, par exemple, les courtiers d'assurances. Je dis: Si vous nous disiez: Vous allez fonctionner sans les courtiers d'assurance, tout de suite, nous sommes aussi en mesure de réduire nos coûts, ce qui ne veut pas dire que nous croyons que ce serait la meilleure façon de faire fonctionner le régime, pas plus que nous sommes convaincus que le gouvernement pourrait faire fonctionner le régime d'assurance des dommages corporels aussi efficacement sans les courtiers qu'il croit qu'il est capable de le faire.

Je reste convaincu que peu importe ce qui va être fait, à supposer que le régime est appliqué, et on a exclu les courtiers, il y a des gens qui vont continuer d'aller voir les courtiers pour se faire aider; qui vont, advenant une réclamation, aller voir des avocats, même si on exclut les avocats du régime, pour se faire aider, parce qu'autrement ils sont seuls devant des bureaux d'Etat. On peut bien dire qu'on exclut les avocats; on peut examiner ensuite le coût du régime et dire: Cela coûte beaucoup moins cher qu'avant parce qu'il n'y a plus de frais d'avocats et on ne tiendra jamais compte de ce que les gens auront pu dépenser pour avoir des services à l'extérieur du régime. Même si on fait tout cela, on n'aura pas éliminé ces coûts-là, on ne les verra pas dans le coût du régime, mais ils vont exister quand même. Je suis persuadé que cela va continuer de se faire.

Mme Payette: Mais nonobstant le fait que vous n'avez pas fait d'analyse du coût du régime que nous présentons, que cela n'a pas été fait par le BAC, semble-t-il, puisque j'imagine qu'il en aurait fait part à la commission il y a quelques jours, vous maintenez que vous pourriez administrer ce régime à un coût moindre.

M. Allard: Le BAC a dit la même chose la semaine dernière.

Mme Payette: Mais sans pouvoir non plus faire la démonstration à partir d'analyses sérieuses.

M. Allard: J'admets que je ne puis pas faire la démonstration, j'en suis quand même convaincu parce que d'autres exemples — on va me dire: Oui, mais cela, c'était avant — très nombreux ont pu nous démontrer que l'Etat ne peut pas fonctionner à un coût inférieur à l'entreprise privée. Il n'y a aucun doute dans mon esprit — et je pense que c'est dans les faits — que la concurrence force les gens à faire des affaires au coût le plus bas possible. Quand il n'y a pas de concurrence, quand on l'a éliminée comme dans un régime d'Etat, on n'est pas obligé de surveiller les coûts. C'est à partir de là que je me sens capable d'affirmer que c'est ce qui arriverait. Je ne peux pas vous donner les chiffres pour vous le démontrer.

Mme Payette: Vous avez parlé du rôle du courtier auprès des assurés et j'imagine qu'une compagnie comme la vôtre doit traiter avec un nombre assez important de courtiers. C'est-à-dire que le chiffre d'affaires que vous avez implique qu'il y ait beaucoup de courtiers comme intermédiaires. Est-ce que vous avez parfois réfléchi au fait que les courtiers se trouvent — j'utilise le mot parce que je n'en ai peut-être pas un autre plus juste, et je vais le mettre entre guillemets — dans une sorte de "conflit d'intérêts" entre les compagnies d'assurances et les assurés?

M. Allard: Pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas d'une façon générale ou, en tout cas, en ce qui concerne l'assurance automobile. Je sais que la commission Gauvin a insisté sur ce point et cela peut être vrai qu'à certains moments il puisse y avoir des conflits. Je pense quand même qu'il n'y a pas de conflit qui puisse exister qui soit de nature à préjudicier les droits des assurés. Le contrat d'assurance est un contrat entre l'assureur et l'assuré. Le courtier est un intermédiaire qui tantôt essaie de fournir à son client les assurances dont il a besoin et qui tantôt fait des choses pour l'assureur si vous voulez, mais...

Mme Payette: Est-ce que ce n'est pas cela, carrément, un conflit d'intérêts?

M. Allard: ... il me semble qu'il n'y a jamais de cas où il puisse y avoir un conflit en faisant cela.

Mme Payette: Justement, la définition du rôle du courtier que vous nous faites, c'est-à-dire de

servir les intérêts de son client qui est l'assuré — appelons-le le consommateur afin de bien nous comprendre — et en même temps de devoir satisfaire les exigences de l'assureur. Vous savez, on a parlé.

D'ailleurs, je vous en remercie, cela a été utile de nous informer que La Royale, en 1977, n'avait plus le "package deal". Il était devenu presque obligatoire pour les courtiers de fournir l'assurance incendie...

M. Allard: Excusez, si vous me permettez, je n'ai jamais admis que cela avait existé à la Royale. J'ai dit que ça ne se faisait pas à La Royale. Je ne suis pas pour dire que cela s'est déjà fait et que ça ne se fait plus.

Mme Payette: Si ça n'est pas vous, c'est votre frère...

M. Allard: Parce que cela ne s'est pas fait.

Mme Payette: Si ce n'est pas vous, c'est votre frère qui a dit: Cela s'est fait en 1975 et en 1976, et ça ne se fait plus en 1977.

M. Allard: II y a d'autres compagnies qui l'ont fait et qui ne l'ont même pas nié.

Mme Payette: Comme je l'ai dit, je n'affirme pas que c'est vous, vous avez dit qu'en 1977 vous ne le faisiez pas.

M. Allard: Aujourd'hui, je porte un autre chapeau que la semaine dernière, c'est celui de La Royale. Je puis vous dire aujourd'hui que nous n'avons jamais fait ce que vous mentionniez la semaine dernière, exiger d'avoir les assurances habitation et automobile du même client.

Mme Payette: Vous savez cependant...

M. Allard: Je ne veux pas qu'il y ait d'équivoque à ce sujet.

Mme Payette: Vous savez cependant... M. Allard: Oui, cela s'est fait.

Mme Payette: ... que ça existe, et peut-être qu'au moment où on se parle ça existe encore pour certaines compagnies. Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'un peu odieux pour le courtier de se trouver aux prises avec cette obligation venant de l'assureur et de devoir, malgré tout, continuer de défendre le consommateur? Est-ce qu'il n'y a pas une ambiguïté quant au rôle?

M. Allard: Disons tout de suite que, quand on parle de défense du consommateur, je ne sais pas en quoi ça consiste. En somme, le courtier, dans l'assurance automobile — nous parlons toujours d'assurance automobile — remplit une formule pour prendre les détails du véhicule de l'assuré. Il va faire des recommandations à son assuré. Il va dire, par exemple, une limite de $35 000, c'est insuffisant, tu devrais avoir $100 000 ou $500 000, tu devrais assurer ou ne pas assurer la collision. Ton véhicule à sept ou huit ans, il vaut $300, ça ne vaut pas la peine d'assurer la collision. Il va faire ce genre de choses qui ne se prêtent pas généralement à des conflits d'intérêt. Il ne va pas conseiller son client d'une façon que son assureur n'accepterait pas. Ensuite, il demande à l'assureur d'émettre la police et ça se fait.

Quand vous dites qu'il y a des compagnies qui ont fait et qui font encore ce qu'on appelle du "tight selling" en anglais...

Mme Payette: C'est un terme que je ne connaissais pas.

M. Allard: C'est peut-être vrai que ça se fait encore, mais même dans ce cas il n'est pas sûr... A notre avis, ça ne va pas à l'encontre des intérêts du client. Ce n'est pas démontré que, pour l'assuré ou le consommateur, ce soit mauvais d'avoir toutes ses assurances chez le même courtier et la même compagnie, c'est probablement même avantageux.

Mme Payette: Si on l'a choisi, j'imagine que c'est avantageux; mais de les avoir parce qu'on y est obligé, parce qu'on y est forcé, sans ça on n'aurait pas d'assurance automobile, ça, c'est odieux.

M. Allard: Parce qu'on n'aurait pas d'assurance automobile, vous avez raison. Mais je pense qu'il n'y a pas grand monde qui n'a pas été capable de se trouver de l'assurance automobile au Québec, quand on voulait en trouver.

Mme Payette: Je suis obligée de vous dire que le service...

M. Allard: Bien oui!

Mme Payette: ... des assurances du ministère peut nous donner un autre son de cloche là-dessus.

M. Allard: Je suis certain que ce que vous me dites, ça veut dire qu'il y a des gens qui n'étaient pas prêts à payer ce qu'on exigeait d'eux pour avoir de l'assurance automobile. Je l'ai dit encore la semaine dernière quand le Bureau d'assurance du Canada a présenté son mémoire, il y a une distinction à faire entre ne pas être capable d'obtenir de l'assurance et ne pas être capable de l'obtenir au prix qu'on veut payer.

Mme Payette: Cela peut aller jusqu'à quoi, une prime d'assurance automobile, quel est le sommet que ça peut atteindre?

M. Allard: On parle de l'automobile d'un particulier, pas de l'automobile commerciale.

Cela peut être $2000, le maximum. On a soulevé cette question la semaine dernière. On prend

quelqu'un âgé de 17 ou 18 ans, qui a peut-être eu deux ou trois accidents, qui a peut-être une automobile dispendieuse, parce que même à cet âge, on peut en avoir, etc. Dans ces circonstances, il peut y avoir des gens et il y en a, de fait, qui payaient des primes aux environs de $2000.

Mme Payette: Vous dites dans votre mémoire... Et les premières pages sont intéressantes à cet égard parce que c'est l'histoire de votre compagnie.

M. Allard: Vous m'excuserez de l'avoir fait.

Mme Payette: Non, je trouve cela intéressant. Je peux exprimer le regret que le siège social soit à Toronto, même si c'est né au Québec.

M. Allard: Moi aussi. Mais ce n'est pas récent, cela fait longtemps qu'il est là.

Mme Payette: Merci. D'autre part, vous avez également insisté dans votre mémoire sur la bonne réputation de la Royale, en disant qu'il y a peu de plaintes portées contre vous. Mais là, je suis obligée de vous demander s'il n'y a pas une sorte de solidarité entre les compagnies d'assurances? Les plaintes que nous avons au ministère, bien sûr, elles ne sont pas nommément adressées à la Royale. Je pense, en plus, que le consommateur finit par ne plus savoir avec quelle compagnie il est assuré.

C'est une expérience que j'ai faite avec des amis, tout simplement. Cela n'a pas valeur de test ou de sondage. Mais demandez aux gens autour de vous: Avec quelle compagnie êtes-vous assurés? Ils vont vous dire: Je ne me souviens pas, il faudrait que je vérifie sur mon petit papier rose. Mais ils ne savent pas le nom de la compagnie la plupart du temps.

Quand on reçoit des plaintes au service des assurances du ministère, nous, on pense qu'il peut y en avoir qui s'adressent quelquefois à la Royale, mais à ce moment-là, c'est collectif et je pense que vous allez reconnaître qu'à certains moments, cela peut arriver à tout le monde, y compris à une compagnie comme la vôtre.

M. Allard: De fait, il y en a. De temps à autre, pas souvent, trois ou quatre fois par année, le service des assurances me téléphone, à moi, personnellement; tantôt c'est Québec, mais généralement, c'est Montréal, pour me mettre au courant et on finit par régler les problèmes.

Mais je fais cette affirmation, parce que c'en est une autre, je la fais en me basant sur ce que les officiers du service des assurances eux-mêmes m'ont dit. Ce n'est pas moi qui invente cela, je ne sais pas quels sont les chiffres. Mais je me renseigne de temps à autre pour savoir ce qui se passe et ce qui arrive à la Royale. Est-ce que souvent on a des plaintes contre elle? Cela vient des officiers du service des assurances, d'une part.

D'autre part, le Bureau d'assurance du Canada maintient, depuis plusieurs années, un ser- vice de renseignements aux consommateurs. On invite les gens à s'adresser au Bureau d'assurance du Canada pour des renseignements, des plaintes contre les assureurs et le Bureau d'assurance du Canada nous transmet les demandes ou les plaintes du public. C'est très rare que nous en recevions et, encore là, le Bureau d'assurance du Canada me dit: On n'en a pas souvent contre la Royale.

Je ne voudrais pas être trop égoïste, il n'y a pas seulement la Royale contre laquelle on ne fait pas de plaintes souvent. Il y a également d'autres assureurs. Nous ne sommes pas les seuls. Par contre, au service des assurances, on l'a sûrement constaté, il y a d'autres compagnies contre lesquelles on fait des plaintes fréquemment.

Mme Payette: Après ce message publicitaire, j'aimerais vous poser une autre question. J'aimerais revenir en arrière sur un sujet qu'on a abordé avec le BAC. Mais comme vous étiez présent, je ne me sens pas gênée de le réaborder avec vous pour une meilleure compréhension.

Le BAC a fait allusion à un des articles du projet de loi dont j'oublie le numéro, qui parle de la subrogation entre les assureurs, pour les dommages matériels. Le BAC semblait dire qu'on voulait voir retirer cet article, ou le voir amender, de telle façon que le droit de subrogation soit supprimé.

Qu'est-ce qui se produit — et là, c'est pour le bénéfice de tous les membres de la commission — chez les assureurs, au moment où ce droit de subrogation est aboli?

M. Allard: Vous voulez dire ce qui se produira si...

Mme Payette: Voilà. Quel est le fonctionnement de l'assureur par rapport à l'assuré quand le droit de subrogation est aboli entre les assureurs?

M. Allard: Je peux peut-être faire appel à mon confrère, M. McDuff. Je pourrais dire quelque chose là-dessus, mais M. McDuff est un expert en sinistres. Il pourrait peut-être vous éclairer un peu mieux que moi.

M. McDuff: Présentement, après paiement, il y a des ententes entre des assureurs et il y a également une grille de responsabilité qui s'applique. Nous réglons nos problèmes entre les deux assureurs, jamais aux dépens de l'assuré, mais nous oublions totalement le recours dans ce genre d'ententes.

Mme Payette: Un exemple.

M. Allard: Puis-je ajouter quelque chose à cela?

Mme Payette: Oui, parce que là, je suis sûre que, pour certaines personnes, ce ne serait probablement pas beaucoup plus clair que la dernière fois et je pense que c'est important qu'on comprenne bien cela.

M. Allard: Le Bureau d'assurance du Canada a recommandé que le projet de loi soit amendé de façon à éliminer la subrogation entre les assureurs. Nous, à la Royale, recommandons la même chose.

On a entendu des choses, ce matin, par les gens du Service de l'aide juridique qui coïncident à peu près exactement avec notre recommandation.

Mme Payette: C'est ce que je voudrais vous entendre expliciter.

M. Allard: Le régime AutoBAC qu'on avait proposé précédemment faisait aussi la même chose. Le régime AutoBAC proposait l'indemnisation sans égard à la responsabilité, même pour les dommages matériels et on éliminait la subrogation. On est convaincu qu'en maintenant le droit de subrogation entre les assureurs, on perd énormément de ce qu'on gagnerait autrement pour réduire les coûts.

Si on veut maintenir la subrogation, cela veut dire qu'il faut continuer de déterminer qui est responsable. Même si vous le faites avec une grille qui pourrait dire, par exemple, que celui qui passe au feu rouge est responsable, cela va être exactement comme aujourd'hui, il n'y aura personne qui va avoir passé au feu rouge. Il va falloir essayer de déterminer cela. On va continuer à rechercher...

Mme Payette: Un meilleur exemple, c'est celui qui frappe en arrière. Tous tes Québécois le connaissent, ils savent toujours que c'est celui qui frappe en arrière qui est responsable.

M. Allard: Oui, il pourrait même là y avoir des exceptions. Il pourrait y avoir celui d'en avant qui a appliqué les freins trop brusquement.

M. Payette: C'est difficile à prouver.

M. Allard: II y a encore des désaccords et, souvent, des retards qui sont dus à des choses comme cela. En éliminant la subrogation, on n'est pas obligé de rechercher le responsable, c'est une chose. On élimine les coûts qui se rattachent à tout le fonctionnement comptable et autres qui feraient que chaque assureur finit par recouvrer ce à quoi il a droit de son confrère et vice versa.

La tarification elle-même sera plus compliquée en maintenant la subrogation. Comme les gens du Service de l'aide juridique l'on dit ce matin, celui qui a une voiture qui vaut $300, si on élimine la subrogation, va assurer la voiture de $300. Il ne se préoccupera pas du fait qu'il pourrait frapper une Cadillac et être responsable. Cela revient contre lui. Dans la tarification, si on maintenait la subrogation, nous serions obligés de tenir compte du fait que la petite Volkswagen de $300 pourrait frapper une grosse voiture et cela va coûter de l'argent.

Pour toutes ces raisons, on voudrait que le droit de subrogation disparaisse et qu'on dise, dans le projet de loi — je sais qu'on pourrait le faire à l'extérieur, mais pourquoi le faire à l'extérieur s'il y a moyen de le faire dans la loi? — qu'on élimine complètement le recours entre assureurs.

Mme Payette: C'est qu'on ne voulait pas vraiment vous déplaire.

M. Allard: Si vous ne voulez pas nous déplaire, changez cela.

Mme Payette: Voulez-vous me dire, cependant...

M. Allard: Non seulement vous ne nous déplairez pas, mais vous allez faire quelque chose qui va profiter aux consommateurs. C'est plus important.

Mme Payette: Voulez-vous, cependant, m'ex-pliquer quel est l'effet de la supression de la subrogation sur la tarification?

M. Allard: Là, vous allez me perdre.

Mme Payette: Non, il y a certainement quelqu'un avec vous qui sait cela.

M. Allard: M. Robitaille croit qu'il peut vous donner...

M. Robitaille (Jean): M. le Président, si vous me permettez. Il est entré dans les moeurs que, lorsqu'on n'est pas responsable de nos dommages, si c'est l'autre qui nous a frappés, on ne veut pas que notre prime en soit affectée, parce qu'à travers les années, on en est venu à un système de tarification au mérite. Celui qui n'est pas responsable veut protéger sa prime, il ne veut pas qu'elle soit augmentée, tandis que celui qui est responsable de l'accident voit sa prime monter à cause de cela. Avec ce système, on pourrait faire disparaître ce genre de choses, on pourrait en venir à une tarification beaucoup plus simple, basée sur la susceptibilité des véhicules aux dommages. Alors, on répartirait le coût sur une plus grande population, un coût moyen, de la façon que vous voulez le faire du côté des blessures corporelles. Pardon?

Mme Payette: C'est-à-dire sur la valeur du véhicule.

M. Robitaille: C'est cela, oui. On éliminerait la conception de la responsabilité pour ce qui est arrivé, de la même façon que vous le faites pour les blessures corporelles. Il me semble que, si on pense au consommateur et si on veut que tout le système, dans son ensemble, soit conséquent dans son idée... parce que, pour un bout de temps surtout, cela va être assez compliqué pour lui de comprendre cela. Ce serait peut-être...

Mme Payette: Alors, soyons conséquents de part et d'autre. A ce moment, comment pouvez-vous m'expliquer que vous demandiez qu'on porte l'assurance obligatoire à $100 000?

M. Robitaille: Comme M. Allard l'a dit, c'est parce qu'il sera encore nécessaire de s'assurer lorsqu'on cause des dommages physiques à un train, par exemple, si on frappe un train, une voie ferrée, ou bien si on a un accident en dehors des limites du Québec et qu'on cause des blessures corporelles.

Mme Payette: Est-ce qu'on ne peut pas prévoir dans un contrat d'assurance, par exemple, une assurance obligatoire de $50 000 au Québec qui puisse être accrue, si besoin est—cela ne nous est pas encore démontré — à $100 000? Parce que l'assurance obligatoire, ce n'est que le minimum obligatoire. Rien n'empêche un citoyen d'aller chercher beaucoup plus s'il le désire. A partir du moment où c'est obligatoire, est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'odieux de la part du gouvernement de forcer les gens à $100 000? Est-ce que ce n'est pas, à ce moment— le risque est tellement minime — pousser loin l'intervention?

M. Robitaille: Pour autant qu'on soit certain que, si on met cela à un niveau très bas, ceux qui verront à vendre la protection au public feront une bonne besogne, donneront au moins aux gens la chance de choisir une limite plus élevée s'ils veulent bien payer. Ce qui arrive, c'est que...

Mme Payette: Les cadeaux qu'on demandait tout à l'heure, je pense que vous êtes probablement les mieux placés pour comprendre que c'est un cadeau, déjà, de passer de $10 000 à $50 000. Je vous avoue que c'est un cadeau que je n'aime pas vous faire.

M. Robitaille: C'est un cadeau qui doit être bien temporaire, parce que ce qu'on reçoit, on doit le débourser, éventuellement. Si on s'est trompé dans ce que cela vaut... Si on disait $100 000 au minimum pour tout le monde, ce qu'on devrait charger d'extra pour la différence entre $50 000 et $100 000, il faudrait que ce soit une bagatelle, parce qu'on ne serait pas conséquent de dire que cela n'arrivera pas souvent.

Mme Payette: Puisque vous étiez présents ce matin, au moment où les gens de l'aide juridique sont venus nous dire que $50 000, c'était beaucoup pour la population qu'ils ont à desservir et qu'ils souhaitaient une assurance qui soit beaucoup plus près de la valeur du véhicule, des individus... Les $50 000, c'est si on démolit une maison, j'imagine. Ce sont les biens matériels autres que le véhicule. Rendu à $100 000, il faut faire du dommage.

M. Robitaille: Ecoutez, c'est une question de ce que vous croyez que la population devrait porter. J'ai assisté à plusieurs réunions du Select Committee à Toronto et je lis les débats. Ces gens semblent parler d'une protection, au minimum, de un million de dollars pour tout le monde. C'est leur conception. Ce n'est pas ce qu'on essaie de leur dire. C'est ce qu'ils pensent. On s'en remet à vous pour ce genre de choses. Vous êtes supposée refléter...

Mme Payette: Pour les convaicre qu'un million c'est trop, je vais essayer de le faire. M. le Président...

M. Allard: Je voudrais ajouter quelque chose à cela, madame, si vous permettez. J'ai tenté de faire une vérification dans nos bureaux au Québec. Je ne sais pas si cela vous intéresserait, si cela vous étonnerait peut-être de savoir que, chez nous, il semble y avoir entre 75% à 80% de nos assurés qui ont des limites d'au moins $100 000.

Mme Payette: C'est ça. Cela comprenait la protection pour les dommages corporels également.

M. Allard: Je voudrais aussi mentionner autre chose, parce que ça m'a piqué un petit peu quand j'ai entendu dire, à deux reprises, je pense, aujourd'hui, que les contrats d'assurance portaient ce qu'on appelle, nous, l'assurance individuelle, mais on ne donnait pas grand-chose. On donnait $5000, $35 par semaine et tout ça. Je présume que vous savez que ces montants étaient des montants minimaux qui pouvaient être augmentés. Cela pouvait être $70, cela pouvait être $105 par semaine, mais les gens n'achetaient que $35, le minimum. On n'a même pas réussi à convaincre le gouvernement, au moment où on a introduit cette nouvelle assurance de le rendre obligatoire. C'est pour démontrer que si vous dites aux gens ou si vous laissez les gens libres de prendre $50 000 ou $10 000, comme c'était le cas avant que vous nous fassiez le cadeau, si vous les laissez libres, la plupart des gens vont prendre $50 000 et ils ne seront pas protégés suffisamment. Evidemment, pour celui qui n'a rien, ce n'est pas important. Même s'il était poursuivi, il n'a rien à perdre.

Mme Payette: Et celui qui a quelque chose, en général, sait qu'il faut qu'il s'assure pour plus.

M. Allard: Pour celui qui a beaucoup, il va se protéger, mais il y en a peut-être entre les deux, des gens qui vont n'avoir que des limites insuffisantes, et pour le peu que ça pourrait coûter de plus, parce que ça ne coûtera pas une fortune, passer de $50 000 à $100 000. Ce n'est pas avec ce genre de cadeau qu'on va s'enrichir. Cela vaut peut-être la peine de l'examiner.

Mme Payette: Cela veut dire combien, pas une fortune, quand c'est vous qui le dites?

M. Allard: Je ne pourrais même pas vous le dire actuellement. Le pourcentage n'est pas fort; mais avec les changements qui sont proposés, parce que dans l'état actuel des choses il n'y a pas seulement les dommages matériels, il y a les dommages corporels aussi. Là, on réduit aux dommages matériels et on pense aux dommages corporels à l'extérieur du Québec, cela ne peut

pas être énorme. Cela pourrait l'être pour des gens à Hull, par exemple. On a parlé des gens de Hull la semaine dernière. Mais pour l'ensemble des gens, ça ne représenterait pas grand-chose. Vous dire combien, je ne le sais pas. Ce sont quelques dollars.

Mme Payette: M. le Président, moi, j'ai terminé...

M. Robitaille: Une dizaine de dollars, peut-être, si on parle en moyenne.

On a essayé un truc au Nouveau-Brunswick l'an dernier, avec la collaboration du surintendant des assurances. Ils ne voulaient pas augmenter les bénéfices à $100 par semaine, à $10 000, somme principale, ou quelque chose comme ça. Ils ont dit: On va vous permettre d'augmenter les polices automatiquement, d'envoyer ça avec les renouvellements, avec un avis à l'assuré que s'il ne veut pas le prendre, qu'il le retourne à la compagnie en signant son nom. On disait: Cela coûte $8 de plus. Il n'y a jamais rien qui est revenu. Les gens l'achètent. Ils se rendent compte que c'est là et, s'ils n'en veulent pas, ils n'ont qu'à le retourner. La loi est en voie d'être changée au Nouveau-Brunswick pour augmenter les indemnités à ces niveaux, supposément au bénéfice de la population du Nouveau-Brunswick.

Mme Payette: M. le Président, j'ai terminé pour l'instant.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je tiens à remercier ces messieurs qui, au nom de la compagnie La Royale du Canada, sont venus nous faire leurs représentations au sujet du projet de loi que nous étudions.

J'aimerais, si vous le permettez, revenir sur la perte du droit de subrogation. Pour un profane, ça semble être assez difficile de maîtriser réellement cette notion. Pour continuer avec l'exemple que vous avez donné, vous dites, par exemple, en supposant que moi, je possède une Volkswagen d'une valeur de $5000 et vous, vous possédez une Cadillac d'une valeur de $12 000. Bon! Nous avons un accident. S'il n'y a pas de droit de subrogation, ça veut dire que si je suis tenu, moi, responsable de 40%, par exemple, d'après la grille établie, si j'ai une responsabilité de 40%, mon assureur va me remettre 60% des $5000.

M. Allard: D'accord.

M. Saint-Germain: Votre assureur va vous remettre 40% des $12 000.

M. Allard: D'accord.

M. Saint-Germain: Et le contrat... C'est terminé, la procédure.

M. Allard: Oui, mais il faut déterminer qui est responsable après cela, et l'un va percevoir de l'autre assureur, ce qui suppose des enquêtes pour déterminer les responsabilités.

M. Saint-Germain: Non, je parle d'un système où il n'y aurait pas de subrogation.

M. Allard: Si on veut parler d'un système où il n'y aurait pas de subrogation, on suppose que ce sont des gens qui assureront leurs propres dommages. Il y en a beaucoup qui assurent leurs propres dommages actuellement, chez leur assureur, et qui sont indemnisés dès que leur véhicule est endommagé, peu importe qui est responsable. Ensuite, c'est la compagnie qui se débat.

M. Saint-Germain: Oui, mais pour prendre un exemple bien simple, prenons la loi telle qu'elle existe actuellement qui dit qu'on doit nécessairement avoir $50 000 d'assurances pour dommages à autrui. Laissons tomber la question de la collision. On n'est assuré ni l'un ni l'autre pour la collision, on est assuré pour dommages à autrui sans droit de subrogation. Est-ce que l'exemple que je vous ai donné tient?

Nous avons un accident, d'après la grille de responsabilité établie. Les assureurs s'entendent, je suis tenu responsable de 40%, j'ai 40% de responsabilité dans l'accident. Vous avez donc 60% de responsabilité dans l'accident. Comme j'ai 60% de non-responsabilité, mon assureur va me remettre 60% de $5000. D'accord?

M. Allard: C'est cela. On suppose que vous avez de l'assurance-responsabilité, mais que vous n'avez pas ce qu'on appelle l'assurance collision pour vos propres dommages.

M. Saint-Germain: C'est juste.

M. Allard: Alors, nous quand on parle d'éliminer la subrogation, on tient compte du fait qu'il y a des gens, tous si c'était possible, mais une bonne partie, qui vont continuer d'assurer leurs propres dommages. Si vous n'avez pas d'assurances pour vos propres dommages, et que vous êtes partiellement responsable, votre assureur va payer une partie et le reste, même si c'est l'autre qui est responsable, vous ne le recouvrez pas. C'est l'envers de la médaille, si vous voulez.

Dans le régime AutoBAC et dans la proposition Gauvin, on donnait trois options — ce n'était pas les mêmes dans les deux cas — trois options en ce qui regarde les dommages par collision, c'est-à-dire vos propres dommages.

Une option, dont le montant de la prime était le plus bas possible, disait: Votre assureur va vous payer entièrement si vous n'êtes pas responsable. Si vous êtes responsable en partie, votre assureur va payer en partie.

La deuxième option était plus généreuse et la troisième voulait que votre assureur paie tous les dégâts, peu importe qui était responsable et sans subrogation.

Dans le système qui pourrait être implanté, on continue de penser qu'il va y avoir des gens qui, dans une proportion de 50% ou 60% et davantage, si c'est possible, vont s'assurer pour leurs propres dommages parce qu'on élimine la subrogation. Mais si, par exemple, personne n'était assuré pour ses propres dommages, le système ne fonctionnerait plus, c'est sûr.

Je ne suis peut-être pas suffisamment clair dans mes explications. Actuellement vous avez une police qui assure votre responsabilité pour les autres, d'accord?

M. Saint-Germain: Oui, si vous voulez bien, je veux bien recommencer.

M. Allard: Qui assure ensuite vos propres dommages...

Mme Payette: M. le Président, juste une seconde. Je pense que je vais me permettre, à ce moment, de demander au député de Jacques-Cartier s'il comprend pourquoi, pendant la tournée qui a duré cinq semaines, à certains moments, c'est devenu une tournée d'information?

M. Saint-Germain: Oui, surtout à ce point de vue.

M. Lalonde: Qui se continue d'ailleurs.

M. Saint-Germain: La loi ne nous oblige pas à avoir la collision, elle nous oblige à prendre $50 000 de dommages pour autrui. On dit qu'à peu près la moitié des conducteurs d'automobile sont actuellement protégés pour la collision. D'accord?

M. Allard: Oui.

M. Saint-Germain: Je voulais vous donner un exemple de ces gens qui ne sont pas actuellement assurés pour collision, mais qui vont être obligés de prendre ces $50 000 d'assurance. Alors, on peut croire que cela ne guérira pas la collision. Pour prendre un exemple plus pratique, je vous dis...

M. Allard: Voulez-vous que je vous fasse la suggestion de prendre un exemple simple? On va dire que vous n'avez pas d'assurance...

M. Saint-Germain: Je croyais que mon exemple était simple.

M. Allard: ... collision, que vous êtes impliqué dans un accident et que l'autre est responsable à 100%.

C'est simple, cela. Dans le régime qui est proposé. Ce que nous disons, c'est: Nous allons vous payer 100%, mais nous n'essaierons pas de nous faire rembourser par l'assureur de l'autre qui est responsable à 100%.

M. Saint-Germain: C'est cela.

M. Allard: C'est ce que nous disons et c'est cela qui va coûter moins cher.

M. Saint-Germain: Oui, mais là il n'y a pas de... Je ne suis pas assuré pour la collision. C'est bien l'exemple que vous avez donné. Vous dites: C'est simple.

M. Allard: Oui. Vous n'avez pas d'assurance du tout.

M. Saint-Germain: Alors, on dit la même chose.

M. Allard: Mais si...

M. Saint-Germain: J'ai une Volkswagen, je me soumets à la loi, je prends $50 000 d'assurance pour dommages à autrui. Je n'ai pas de collision. Vous avez une Cadillac, vous non plus n'êtes assuré pour collision, mais vous prenez les $50 000 aussi, comme moi.

M. Allard: D'accord.

M. Saint-Germain: On se frappe dans un accident. Je ne suis pas responsable du tout. Vous êtes responsable. Alors, mon assureur va me payer, sans subrogation, mes dommages, et j'aurai un droit de recours contre mon assureur.

M. Allard: Non, vous n'aurez pas de droit de recours.

M. Saint-Germain: Je vais avoir un droit de recours contre mon assureur exclusivement.

M. Allard: S'il vous a payé.

M. Saint-Germain: S'il me paie, je n'ai pas besoin de me servir de mon droit de recours, mais s'il ne veut pas me payer...

M. Allard: S'il ne vous paie pas, vous allez avoir un droit de recours.

M. Saint-Germain: J'ai tout de même, légalement, un droit de recours exclusivement contre mon assureur.

M. Lalonde: C'est cela, il vous paie.

M. Allard: Vous avez un droit de recours que vous n'avez pas besoin d'exercer.

M. Saint-Germain: Si vous le prenez comme cela, mais légalement j'en ai un.

M. Allard: On a parlé de cela la semaine dernière et je pense qu'on ne s'est pas tellement bien entendu. Nous disions: Les gens qui n'auront pas d'assurance...

M. Saint-Germain: Je pense qu'on ne s'entend pas ce soir. Cela me paraissait plus clair.

M. Allard: On s'entend, mais je ne vois pas pourquoi vous parlez de votre droit de recours. De fait, vous n'en avez pas de droit de recours quand vous êtes assuré. Votre assureur vous paie.

M. Saint-Germain: C'est entendu, il me paie. M. Allard: On a dit, la semaine dernière...

M. Saint-Germain: Alors, on veut dire la même chose, de toute façon. Ce que je voulais dire, c'est que la responsabilité des assureurs, tous les assureurs... mon assureur, c'est lui qui me paie et c'est avec lui que je fais affaires.

M. Allard: C'est cela.

M. Saint-Germain: C'est ce que j'entendais par un droit de recours.

M. Allard: II vous paie pour autant que vous n'êtes pas responsable de l'accident.

M. Saint-Germain: C'est juste. Alors, là je ne suis pas responsable.

M. Allard: Et si vous n'êtes pas responsable, il vous paie et vous n'avez pas de recours contre lui.

M. Saint-Germain: Non, s'il me paie, je n'en ai plus, c'est clair. J'admets. Là, vous n'êtes pas payé. Votre assureur ne vous paie pas.

M. Allard: Non, parce que je suis responsable, à moins que j'aie des assurances pour mes propres dommages, ce qu'on appelle l'assurance-collision.

M. Saint-Germain: Oublions cela, on va se compliquer la vie. C'est bien cela.

Mme Payette: M. le Président, je pense que le député de Jacques-Cartier serait d'accord avec moi, ce soir, pour voter une loi afin d'abolir l'assurance automobile.

M. Saint-Germain: Alors, maintenant, en partant de là, si en plus des dommages à nos automobiles, on fait des dommages à un tiers.

M. Allard: Des dommages corporels?

M. Saint-Germain: Non, matériels. On a endommagé une troisième voiture, une propriété, ou une clôture ou on a brisé un poteau de l'Hydro. Je ne suis pas responsable. Votre assureur, s'il ne vous paie pas, va tout de même payer l'Hydro-Québec si on a causé des dommages lors de l'accident.

M. Allard: D'accord, parce que cela continue de demeurer dans le régime de responsabilité, selon le projet de loi.

M. Saint-Germain: Alors, le régime que le Bureau d'assurance du Canada a recommandé, cette perte de droit de subrogation ou l'élimination de la subrogation, vaut autant pour un assuré qu'il y ait collision ou non. C'est indépendant de la collision, ce droit. Est-ce qu'il ne concourrait pas à faire baisser les coûts d'administration des assureurs, indépendemment du fait que leur client possède une assurance-collision ou non?

M. Allard: Oui, cela concourrait à faire réduire le coût d'administration. C'est pour cela que nous recommandons d'abolir la subrogation et en abolissant la subrogation, il faut bien se comprendre. Cela ne touche pas les assurés. Cela ne touche que les assureurs.

M. Saint-Germain: Je n'ai jamais essayé d'insinuer que...

M. Allard: Les assurés ne gagnent rien, ne perdent rien, sauf que le coût de l'assurance pourrait diminuer en éliminant des frais que nous considérons inutiles.

M. Saint-Germain: Je suis d'accord.

M. Allard: Cela ne change rien à vos droits, ni à ce que vous allez recevoir ou que vous ne recevrez pas.

M. Saint-Germain: Pour continuer ce même exemple, si je ne me soumets pas à la loi et si je ne prends pas mon assurance de $50 000, le même accident arrive, avec, dans la loi, la perte de la subrogation; n'étant pas assuré, je n'ai plus de recours vis-à-vis d'un assureur parce que je n'ai pas d'assureur.

M. Allard: Vous avez un recours contre celui qui a causé vos dommages. C'est ce qu'on a dit la semaine dernière. La loi prévoit que ceux qui n'auront pas pris d'assurance, bien que la loi l'exige, conserveront leur droit de recours contre le tiers, alors que ceux qui en auront pris auront perdu leur droit de recours.

M. Saint-Germain: Mais si, dans la loi...

M. Allard: Alors, quand vous dites que vous n'avez pas pris d'assurance, que vous êtes impliqué dans un accident où vous n'êtes aucunement responsable, vous avez recours contre le tiers responsable.

M. Saint-Germain: Mais, dans la loi, on dit: "Le seul droit de recours qu'un assuré possède, c'est contre son propre assureur et sans droit de subrogation de la part de l'assureur". J'ai un accident, je suis tenu non responsable, mais je n'ai pas d'assurance, je ne me suis pas soumis à la loi; par le fait même, qu'est-ce qui arrive? Même si je ne suis pas responsable, je n'ai pas de droit de recours, par la loi, parce que je n'ai des droits de recours que contre mon assureur et je n'ai pas d'assureur.

M. Allard: Alors, vous dites que vous avez de l'assurance...

M. Saint-Germain: Non, je n'en ai pas.

M. Allard: Vous avez de l'assurance-responsabilité.

M. Saint-Germain: Je n'en ai pas.

M. Allard: Vous n'avez pas d'assurance-responsabilité, vous avez enfreint la loi.

M. Saint-Germain: Oui.

M. Allard: C'est l'autre qui est responsable de l'accident, vous avez un droit de recours contre l'autre.

M. Saint-Germain: Je vous pose cette question: Est-ce que j'ai un droit de recours ou si je n'en ai pas? C'est dans la loi. Si la loi dit: Le seul droit de recours qu'un assuré possède, c'est contre son assureur.

M. Allard: Oui, mais vous n'avez pas d'assurance.

M. Saint-Germain: Alors, je n'ai pas de droit de recours si la loi dit ça.

M. Allard: Vous avez un droit de recours contre le tiers, mais non pas... Si vous n'avez pas d'assurance, vous ne pouvez pas avoir un droit de recours contre votre assureur, il n'y a pas d'assureur.

M. Saint-Germain: C'est ce que je veux soutenir. N'y aurait-il pas là, en plus, une motivation pour que les gens s'assurent, en plus de la loi, en plus des amendes? Parce que le type qui va se promener sans payer une assurance de $50 000 ne pourra jamais se faire payer ses dommages s'il n'est pas assuré, parce qu'il n'aura pas de droit de recours de par la loi, parce qu'il a un droit de recours contre son assureur et il n'a pas d'assureur; en fait, il n'a pas de droit de recours.

M. Allard: D'accord. S'il n'a pas d'assureur, il ne peut pas recourir à son assureur pour obtenir le remboursement de ses dommages.

M. Saint-Germain: Alors, il n'y a pas de recours, il ne peut pas...

M. Allard: S'il n'est pas responsable, d'après la loi, nous disons que ce n'est pas correct; d'après la loi, il a droit de recours contre le tiers responsable.

M. Saint-Germain: C'est ça. Mais si la loi dit... Comprenez bien ma leçon...

M. Allard: La subrogation n'a rien à voir là-dedans. Ce que nous recommandons au sujet de l'élimination de la subrogation n'a rien à voir là-dedans parce que nous parlons de subrogation entre les assureurs. Cela ne touche pas les assurés. Pour qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas subrogation des assureurs, cela suppose qu'il y en a deux, un de chaque côté. S'il y en a un des deux impliqués dans l'accident qui n'a pas d'assurance, il ne peut pas y avoir de subrogation.

M. Saint-Germain: Alors... Mme Payette: C'est simple. M. Saint-Germain: C'est dire...

M. Lalonde: C'est pourquoi votre fille est muette.

M. Saint-Germain: ... c'est dire que celui... Il y aurait un moyen simple, à mon avis, de le mettre dans la loi, parce qu'en plus de la subrogation qui disparaît, le citoyen n'a un droit de recours que contre son assureur. Si la loi dit ça, par le fait même, par ricochet si vous voulez, vous dites, comme les assureurs l'ont demandé; ils ont dit: Celui qui n'a pas d'assurance ne devrait pas avoir de droit de recours.

M. Allard: C'est ça.

M. Saint-Germain: Alors, en mettant dans la loi deux conditions, pas de subrogation, et en mettant dans la loi qu'un conducteur d'automobile n'a droit de recours que contre son assureur, n'arrive-t-on pas au même résultat que celui que l'Association des assureurs canadiens a demandé?

M. Allard: C'est ça, il faudrait dire dans la loi que la subrogation entre les assureurs est éliminée et, ensuite, il ne faudrait peut-être pas dire qu'il y a seulement une possibilité de recours contre son assureur, parce que, s'il n'y en a pas il n'a pas de recours.

Mais il faudrait dire: II n'y a pas de possibilité de recours contre un tiers quand on ne possède pas l'assurance exigée par la loi.

M. Saint-Germain: C'est du pareil au même.

M. Allard: C'est un peu plus précis. Et maintenant, si on entre...

M. Saint-Germain: On a dit...

M. Lalonde: Chez vous sont bien à part cela?

M. Saint-Germain: Les autres ne semblent pas comprendre, mais je pense qu'on commence à se comprendre.

M. Allard: On s'amuse plus le soir que le jour, en tout cas.

M. Saint-Germain: On a souvent dit: Impossible d'avoir une assurance "no fault", sans faute, au niveau des dommages matériels, parce qu'on obligerait, par le fait même, tous les conducteurs ou les propriétaires d'automobile à s'assurer, à avoir une assurance collision. Est-ce vrai ou faux?

M. Allard: C'est vrai. D'accord? M. Saint-Germain: C'est vrai.

M. Allard: Mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on peut avoir des options à cela. On peut avoir une petite assurance, une moyenne ou une plus grosse. Cela coûte pas cher, plus cher, ou très cher, mais c'est vrai.

M. Saint-Germain: Mais pour quelle raison est-ce vrai?

M. Allard: Je ne comprends pas trop. Vous me demandez pour quelle raison c'est vrai? On dit: En somme, chacun assure ses dommages et paie pour ses dommages, peu importe qui sera responsable de l'accident. Celui qui n'aurait pas du tout d'assurance pour ses propres dommages, dans un régime de "no fault" pour les dommages corporels, celui qui n'aurait pas d'assurance pour ses dommages ne serait jamais indemnisé, même s'il n'est pas responsable. C'est en mettant un cas extrême.

Ou bien, il y a un régime qui ne coûte pas cher, par lequel l'assuré serait remboursé pour autant qu'il n'est pas responsable. D'accord?

En allant à l'autre extrême, avec la prime la plus élevée qui pourrait être payée, on paierait tous les dommages à l'automobile, peu importe qui est responsable, et sans subrogation.

M. Saint-Germain: Si on prend l'article 103 du projet de loi, on dit: Nonobstant...

M. Allard: C'est dans le rapport Gauvin. Alors...

M. Saint-Germain: Si on dit: Nonobstant les dispositions du présent titre, le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son véhicule ne peut être exercé que contre son propre assureur...

M. Allard: D'accord.

M. Saint-Germain: C'est ce que je disais tout à l'heure.

M. Allard: D'accord, il faut qu'il y en ait un. Il faut qu'il ait pris de l'assurance.

M. Saint-Germain: ... si ce recours est régi par la convention d'indemnisation directe visée à l'article 155.

M. Allard: C'est cela.

M. Saint-Germain: C'est bien défini. On dit bien que s'il y a une convention qui est établie à l'article 155, le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre assureur.

M. Allard: C'est cela.

M. Saint-Germain: Alors, si quelqu'un désobéit à la loi et si la convention existe, le gars n'a plus de recours.

M. Allard: Si quelqu'un désobéit à la loi, la convention, on n'en parle plus. Il désobéit à la loi en ne prenant pas d'assurance.

M. Saint-Germain: Un autre sujet. Disons que j'ai...

M. Robitaille: M. le député doit avoir un bien mauvais courtier.

Mme Payette: Voilà une phrase qui fait plaisir à entendre. Il y a de bons et de mauvais courtiers. Hélas! très souvent, la population est dans cet état — et ce n'est pas un reproche que je fais au député de Jacques-Cartier, il vient de faire un effort...

M. Saint-Germain: On a bien ri, mais...

M. Lalonde: Le député de Jacques-Cartier ne manque pas d'assurance.

Mme Payette: Laissez-moi finir, parce que c'était un compliment.

M. Saint-Germain: Je ne dis pas que je n'ai pas raison, à part de cela.

Mme Payette: Vous venez de faire un effort extraordinaire.

M. Saint-Germain: J'aurai certainement l'occasion, avant très longtemps, de discuter du même sujet, privément, et je suis assuré...

Mme Payette: Un cours privé.

M. Saint-Germain: Oui, parce que c'est assez difficile à comprendre pour un profane. J'ai pensé à cela sérieusement...

Mme Payette: II me fait plaisir de vous l'entendre dire, M. le député.

M. Saint-Germain: ... je n'ai jamais trouvé personne, même madame, pour m'expliquer quel était... Cela semble être nouveau, même pour elle. Il faudrait aller au fond des choses. Je crois que c'est très technique. Cela prend quelqu'un qui connaît à fond le contenu d'une police d'assurance et qui connaît à fond la signification juridique d'une telle police et de chaque clause. Ce n'est pas facile.

Une Voix: Vous avez raison.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le député de Pointe-Claire.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire, d'accord.

M. Shaw: M. le Président, premièrement, je veux commencer par admettre que les efforts de Mme le ministre pour trouver les moyens de donner aux citoyens du Québec un meilleur système d'assurance sont évidents. Je suis d'accord sur ce principe, peut-être à l'exception des cas qui impliquent des négligences flagrantes ou criminelles, que les accidents d'automobiles sont la conséquence de l'utilisation des automobiles. C'est cela que la commission Gauvin a constaté, mais ce qui m'inquiète, c'est l'étatisation, pour les raisons suivantes.

Nous vivons dans un système d'entreprise privée qui a déjà démontré, en Amérique du Nord, qu'il était plus efficace qu'un système d'Etat. Je crois, pour ma part, que le rôle du gouvernement est de contrôler et de surveiller le secteur privé au lieu d'essayer de le remplacer. Nous sommes convaincus, comme cela a été dit ce soir et avant par le BAC, que les assureurs peuvent donner ces protections aux consommateurs par un système de "no fault", pas seulement pour les blessures corporelles, mais même pour les dommages matériels avec tous les services pour les sinistres des courtiers d'assurances, des experts. Vous pouvez encore prendre votre assurance par téléphone. Vous pouvez laisser votre automobile chez un garagiste, tout cela à un prix moindre que celui qui est prévu par le gouvernement.

Il y a deux ou trois choses qui sont très importantes, parce que nous avons besoin de faire une comparaison entre un système d'Etat et l'effet d'un système d'Etat sur la base de l'assurance même, non pas seulement concernant l'assurance automobile. C'est évident que, si vous êtes menacés par l'étatisation d'un système d'assurance automobile, d'abord pour les blessures corporelles, cela aura un effet sur l'industrie elle-même au Québec.

Pouvez-vous nous donner quelques renseignements dans ce domaine? Cela représente quel pourcentage de vos affaires? Est-ce que cela va diminuer le nombre de personnes qui sont employées? Est-ce que cela va changer votre méthode d'affaire ou autre chose? Est-ce que cela implique sur l'industrie elle-même un changement ou une diminution?

M. Allard: Je vais essayer de donner une réponse à cette question. Evidemment, je ne suis pas en mesure, ce soir, de répondre au nom de l'industrie. Je peux parler de la Royale du Canada comme telle. Je peux supposer ce qui peut se passer ailleurs, mais je ne peux pas parler avec certitude de ce qui se passe dans l'ensemble de l'industrie.

Il est sûr que le climat d'incertitude qui existe depuis longtemps en ce qui regarde l'assurance automobile au Québec n'est pas de nature à encourager les assureurs à prendre de l'expansion, à faire des investissements, peut-être même pour améliorer le régime actuel.

Pour vous donner un exemple plus concret, on pourrait parler des centres d'estimation des dommages. C'est une question qui touche l'ensemble de l'industrie.

On a établi des centres d'estimation dans d'autres provinces. Il y en a en Ontario, il y en a en Alberta. On continue d'en augmenter le nombre. On avait, l'année dernière, au début de 1976, commencé à faire des plans pour en implanter au Québec. On attendait pendant tout ce temps ce qui arriverait de l'assurance automobile. Il fallait savoir à quoi s'en tenir. On faisait des plans quand même. A un moment donné, évidemment, il a fallu mettre les plans de côté, parce que, comme vous avez dit tantôt, nous nous sentions menacés. A ce moment, nous ne voulions pas faire des investissements pour établir des centres d'estimation. L'industrie ne voulait pas faire cela. Si on avait essayé de songer à le faire faire par des gens à l'extérieur de l'industrie, il ne faut pas penser seulement, quand on parle de centres d'estimation, que c'est l'industrie qui les construirait. Ceux qui existent, actuellement, n'appartiennent pas à l'industrie. Ce sont des centres qui ont été établis par d'autres et qui fonctionnent selon les normes établies par le Bureau d'assurance du Canada. Qu'on parle de l'industrie ou d'autres, on n'était pas en mesure d'établir des centres quand personne ne savait ce qui était pour arriver demain, le mois prochain, dans six mois ou dans un an. C'est un exemple concret — parce que le plan était en marche et on l'a arrêté — de choses qui ne se sont pas faites parce qu'il y avait un climat d'incertitude.

Cela dure depuis longtemps. Ce n'est pas seulement depuis quelques mois. Il y a plusieurs années qu'on ne sait pas ce qui va arriver de l'assurance automobile. Il y a eu le rapport Gauvin. On a attendu cela pendant quelques années. On s'est dit: Gauvin va-t-il recommander que l'industrie soit étatisée? Il n'a pas recommandé cela. Là, on s'est senti rassuré pendant un bout de temps, et ensuite, on a attendu et il n'est rien arrivé Ensuite, on a changé de gouvernement l'année dernière. Là encore, on s'est dit: Qu'est-ce qui nous arrive? A ce moment, on ne peut rien faire qui va engager des capitaux qu'on va peut-être perdre, éventuellement. Cela a aussi un effet sur notre personnel. Je peux dire que, dans l'ensemble de l'industrie, il y a beaucoup de gens qui sont inquiets, principalement dans le secteur des sinistres. Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire demain. Ils ne savent pas s'ils vont continuer d'avoir un emploi, où ils vont travailler, ce qu'ils vont faire, comment ils vont le faire, etc. Ce n'est pas bon.

Par ailleurs, je dois vous dire que la Royale — c'est là que j'en arrive à parler de la Royale elle-même, et non pas de l'ensemble de l'industrie — à ce moment, n'a pris aucune mesure pour faire des changements dans son personnel. On n'a pas l'intention de remercier des gens. On est sûr, d'après ce qu'on connaît des intentions actuelles du gouvernement, qu'on va être capable jusqu'à un certain point, soit de changer nos gens de place et de leur faire faire autre chose. On pense que cela va être ainsi. On espère que cela

va être ainsi. On ne veut pas rendre les gens plus inquiets qu'ils ne le sont. Il n'en reste pas moins que nous et notre personnel pouvons nous inquiéter de la même façon. On ne sait pas ce qui va arriver après. Il y a des gens qui disent: D'accord, c'est le premier pas.

Mme Payette: La réponse du gouvernement est claire là-dessus, sur ce qui va arriver après. Vous m'avez entendu en commission dire que je n'avais aucune raison de douter de la bonne foi des assureurs. Nous avons à jouer ensemble pour un sort meilleur pour le consommateur. Vous m'avez assurée tout le temps, depuis le 15 avril, de votre disponibilité et de votre bonne volonté. Le gouvernement vous a dit que nous n'interviendrons en concurrence que si nous devions constater qu'il y a insatisfaction dans la population par rapport à l'entreprise de l'assurance automobile. S'il n'y en a pas, le geste que nous venons de poser est le seul que nous avons l'intention de poser.

M. Allard: A chaque fois que vous le dites, cela me fait plaisir.

Mme Payette: J'en suis convaincue.

M. Allard: Je veux continuer de vous l'entendre répéter. Vous dites aussi: Tant qu'il n'y aura pas d'insatisfaction. Il faudrait peut-être essayer de s'entendre sur ce que veut dire "insatisfaction". Je sais que les gens dans l'ensemble étaient insatisfaits du coût de l'assurance. On va dire: L'indemnisation, c'était imparfait, tout le monde n'était pas indemnisé. Les victimes responsables ne recevaient rien. Si les victimes responsables ne recevaient rien, c'est peut-être parce que le bien-être social et toutes sortes d'autres organismes ne les aidaient pas. Ce n'est pas parce que l'industrie de l'assurance ne faisait pas son travail. L'industrie de l'assurance le faisait dans le contexte juridique qui existe. Si on veut dire: Si les gens se plaignent, on va être obligé de faire quelque chose, et que les gens continuent de trouver, comme on pense qu'ils vont le faire, que cela coûte cher de s'assurer, et qu'on nous dit: Voyez-vous, les gens se plaignent que cela coûte cher, on va tout étatiser; ce n'est pas rassurant de penser comme cela. Quand on est inquiet, vous devez savoir cela vous aussi, madame...

Mme Payette: M. le Président, la seule chose qu'on se réserve, comme deuxième étape, et cela a été clair aussi, c'est la possibilité d'entrer en concurrence. Si c'est vrai que cela doit coûter cher, nous irons voir nous-mêmes et nous pourrons dire à la population que cela coûte cher. C'est la deuxième étape.

M. Allard: Nous vous suggérons de commencer par la deuxième étape et d'établir une société d'Etat pour entrer en concurrence avec l'entreprise libre, pour voir ce que ça va donner.

Mme Payette: C'est ce qui est prévu pour les dommages matériels, si ça s'avérait nécessaire seulement.

M. Saint-Germain: Est-ce que c'est réversible, ça?

Mme Payette: Non, ce n'est pas...

M. Saint-Germain: Si le régime d'Etat s'avérait inefficace...

M. Shaw: M. le Président, excusez-moi, mais... Mme Payette: Non, ce n'est pas réversible.

M. Saint-Germain: Est-ce qu'on va mettre un régime d'Etat en concurrence avec... Cela devrait l'être, en toute logique.

Mme Payette: Ce n'est pas réversible, M. le Président.

M. Shaw: Excusez-moi, M. le Président, j'ai...

Mme Payette: Excusez-moi, M. le député. Je ne vous avais même pas demandé la permission. J'en suis désolée.

M. Shaw: That is O.K.

M. Allard: Est-ce que j'ai répondu à votre question, M. Shaw?

M. Shaw: Je voudrais continuer. Je crois que, si nous employons la suggestion du système Au-toBAC au Québec, nous aurions le meilleur système d'assurance automobile "no fault" au Canada. Est-ce que c'est votre point de vue?

M. Allard: C'est notre point de vue, non seulement au Canada, mais probablement en Amérique du Nord. Est-ce que M. Robitaille peut...

M. Robitaille: Indéniablement, oui. Aux Etats-Unis les barèmes d'indemnités sont ridiculement bas, alors, oui, on aurait eu le meilleur système en Amérique.

M. Shaw: Au lieu d'avoir un système avec deux têtes proposé par le projet de loi, on ne sait pas si les coûts vont être satisfaisants et on parle de satisfaction de la population... Tous les sondages démontrent maintenant que la population est déjà satisfaite du projet de loi comme il est proposé.

Au lieu d'avoir tous ces problèmes, nous pourrions avoir un système contrôlé et dirigé par le gouvernement, avec sa régie de l'assurance, en concurrence avec le secteur privé, qui nous donnerait le meilleur système en Amérique du Nord, même avec un "no fault" pour les dommages matériels.

M. Allard: Je suis totalement d'accord avec ce que vous dites.

M. Shaw: Une autre chose, parce qu'il y en a beaucoup... On a besoin de dire les effets cachés concernant la question de la menace d'étatisation

de l'assurance, pas seulement automobile. Il y a cette menace que la prochaine étape sera les dommages matériels, le feu, comme c'est même arrivé dans les autres provinces du Canada... On parle maintenant des réserves des compagnies d'assurances au Canada. Est-ce que ça représente un montant formidable?

M. Allard: Quand vous parlez des réserves, vous parlez des investissements ou...

M. Shaw: Des réserves...

M. Allard: Des réserves de toutes sortes qui sont déposées...

M. Shaw: On parle de trente sous par risque de un dollar dans l'assurance automobile. Est-ce vrai ou non?

M. Allard: Est-ce que M. Robitaille veut répondre?

M. Robitaille: Trente sous dans quoi?

M. Shaw: Une réserve de trente sous d'investissement par risque de $1.

M. Allard: C'est plus élevé que ça.

M. Robitaille: S'il y a un risque de $1, il doit y avoir une réserve de $1.

M. Shaw: Oui, mais comme investissement du capital par la compagnie d'assurances. Alors, ça représente, si on parle ici de $54 millions... Une partie de cet argent est investi ici au Québec?

M. Robitaille: Pour l'ensemble des compagnies ou pour La Royale?

M. Shaw: On parle de La Royale.

M. Robitaille: L'ensemble de cela est placé au Québec, oui, certainement.

M. Shaw: Les petites compagnies, qui sont craintives à cause de la situation d'étatisation des assurances, vont faire de la "coinsurance" au lieu... Cet argent sera placé à l'extérieur du Québec.

M. Robitaille: Certainement, oui. M. Allard: Vous parlez de réassurance? M. Robitaille: De réassurance, oui. M. Shaw: Oui.

M. Allard: Pas toujours à l'extérieur du Québec, mais souvent à l'extérieur du Québec.

M. Shaw: Nous avons une compagnie d'assurances qui est la Caisse Populaire Desjardins. Est-ce qu'elle place la majorité de ses assurances ou fonctionne-t-elle selon le système de "reinsurance"?

M. Allard: Nous ne sommes pas en mesure de répondre à ça avec précision, mais ça doit se retrouver dans les renseignements que possède le service des assurances sur toutes les compagnies d'assurances qui oeuvrent au Québec.

M. Robitaille: Individuellement, c'est un renseignement assez confidentiel entre le surintendant des assurances et l'assureur.

M. Shaw: La chose que je voudrais peut-être savoir, c'est si le "pool" de capital, au Québec, va diminuer à cause de l'effet de l'étatisation de l'assurance.

M. Allard: Oui, je pense que, ce que vous voulez dire, c'est que, si le revenu en primes des assureurs diminuait, après un certain temps, bien sûr, leurs investissements diminueraient parce qu'ils posséderaient moins de capitaux à investir. Les capitaux proviennent des primes.

Mme Payette: M. le Président, où pense-t-on que le gouvernement va investir les $385 millions? A l'extérieur du Québec?

M. Shaw: Je vais continuer sur cela, madame.

M. Roy: Avez-vous l'intention d'investir cette somme en totalité?

Mme Payette: Non, mais...

M. Roy: D'abord, il n'y aura pas $385 millions à investir.

Mme Payette: C'est exact, $200 millions à investir à peu près.

M. Roy: Oui, $200 millions la première année, mais au bout de cinq ans?

M. Allard: Nous avons des investissements, à ce moment, qui doivent se chiffrer — la Royale — par $75 millions au Québec. Ce n'est pas le fonds que le gouvernement pourrait constituer éventuellement, nous ne sommes qu'un assureur; alors, cela veut dire que l'ensemble des assureurs a quand même des capitaux importants investis au Québec.

M. Shaw: M. le Président, pour poursuivre cette question, on parle, dans votre mémoire, on dit que le fonds d'indemnisation va être aussi au gouvernement. Est-ce vrai?

M. Allard: C'est prévu dans le projet de loi.

M. Shaw: Alors, même avec un système privé, le fond d'indemnisation va être au gouvernement quand même?

M. Allard: Absolument, c'est ce que nous de-

mandons dans l'industrie depuis plusieurs années, en ce qui regarde le fonds d'indemnisation, que le gouvernement le prenne à sa charge.

Mme Payette: M. le Président, pour l'information de la commission, pourrais-je poser une question? Là, vous êtes d'accord pour étatiser le fonds d'indemnisation?

M. Allard: Non, nous ne parlons pas d'étatisation, nous parlons...

Mme Payette: II s'agit de quoi? Cela ne s'appelle pas étatisation?

M. Allard: Nous avons demandé au gouvernement de prendre le fonds à sa charge, mais je ne pense pas qu'on puisse appeler cela de l'étatisation.

Mme Payette: Quand vous dites ce que vous venez de dire, cela s'appelle comment?

M. Shaw: Je peux peut-être suivre cette idée parce que nous avons la Régie des rentes; Mme le ministre est au courant que cela est une autre forme d'investissement de tous les citoyens du Québec. Nous savons maintenant que nous avons une dette cachée de $5 milliards dans ce domaine. Je suis d'accord avec ces messieurs. Peut-être que c'est bon que le gouvernement contrôle le fonds d'indemnisation, mais on ne sait jamais si la population est mieux servie par le gouvernement avec ces fonds que par l'entreprise privée, parce que nous avons maintenant des preuves avec la Régie des rentes.

Mme Payette: Demandez aux invités pourquoi ils veulent que le gouvernement prenne le fonds d'indemnisation.

M. Allard: II n'y a rien de tellement compliqué là-dedans. C'est que, dans nos primes, ce que nous demandons au public, nous sommes obligés d'y ajouter 4% à 5% pour couvrir les frais du fonds d'indemnisation. C'est l'industrie qui, en somme, se fait critiquer parce qu'il n'y a rien dans le régime actuel qui force les gens à s'assurer, il y a beaucoup de gens qui ne le sont pas. Il faut avoir le fonds d'indemnisation pour payer ceux qui sont victimes d'accidents causés par ces gens. Nous n'avons aucun contrôle, sur ces mesures et, ensuite, nous paraissons exagérés en demandant au public de nous donner, pour chaque $100 de prime, $4 ou $5 pour mettre dans le fonds. Pourquoi les assureurs devraient-ils être obligés d'assumer cela et de paraître surcharger le public? Nous l'avons depuis longtemps.

Mme Payette: Est-ce que ce n'est pas vrai de dire que le fonds d'indemnisation a été "rentable" pour les assureurs pendant un certain temps? Comme il n'y ont pas mis les réserves nécessaires, c'est devenu déficitaire. Est-ce que ce n'est pas une façon de le faire absorber par l'Etat, la proposition que l'Etat prenne le fonds d'indemnisation?

M. Allard: Cela n'a jamais été rentable pour les assureurs. Les réserves adéquates n'ont pas été faites, avec la connaissance et l'assentiment du gouvernement du temps. Ce ne sont pas les assureurs qui ont décidé de ne pas créer des réserves, c'est le gouvernement du temps qui a décidé — parce que cela a été organisé par une loi, ce fonds d'indemnisation — que, pour ne pas surcharger les automobilistes qui prenaient la précaution de s'assurer, il ne fallait pas prévoir des réserves pour l'avenir.

On payait les sinistres au fur et à mesure et on chargeait le coût aux gens qui s'assuraient l'année suivante. Ce n'est pas une décision des assureurs.

M. Shaw: Si je peux continuer, M. le Président, c'est un droit fondamental pour une personne de chercher recours en Cour supérieure si elle n'est pas satisfaite. Alors, avec le système Au-toBAC, vous allez garder le droit de recours.

M. Allard: D'accord. Le régime AutoBAC prévoit qu'environ 85%, de toutes les victimes, responsables ou non, vont être indemnisées selon des barèmes établis à l'avance. A ce moment-là, on prévoyait, en 1974, une indemnité hebdomadaire de $250 qui n'est plus suffisante aujourd'hui. Il faut le reconnaître, même si on n'accepte pas que les $18 000 soient le montant qu'on devrait accepter. C'est peut-être un peu haut, mais peut-être que $250 par semaine, qui donne $15 000... Ce n'est peut-être pas tout à fait assez... En tout cas. Supposons qu'on aurait accepté le projet AutoBAC, on aurait prévu indemniser 85% de toutes les victimes sans qu'il y ait nécessité d'avoir recours aux tribunaux. Les autres 15% qui auraient compris les gens victimes d'un accident assez sérieux pour subir une incapacité de quatre mois ou plus, dans les cas de décès, dans les cas de mutilation, on laissait à ces gens-là la possibilité d'avoir recours aux tribunaux civils, s'ils n'étaient pas responsables évidemment, tandis que dans le régime actuel, ceux qui ne sont pas responsables et qui pourraient subir des accidents sérieux, ne seront indemnisés que partiellement à moins qu'ils ne paient un supplément pour de l'assurance complémentaire.

M. Shaw: Alors, il n'y a pas de niveau comme $18 000 par année avec votre système. Vous avez droit d'aller chercher le montant qui est vraiment raisonnable pour votre situation.

M. Allard: Exactement.

M. Shaw: Alors, comme vous dites, nous allons garder les services de courtiers, nous allons garder le droit de mettre votre auto chez un garagiste après une tempête de neige et téléphoner à votre garagiste sans aller à un centre d'évaluation. Vous allez garder le droit de recours à la cour. Vous êtes indemnisé, même si c'est votre faute, pas seulement pour les dommages corporels, mais pour les dommages matériels. Puis, tout le monde peut être assuré dans ce système. Est-ce que c'est vrai?

M. Allard: Oui. C'est prévu qu'on mettait en place un mécanisme pour fournir de l'assurance à tous ceux qui en avaient besoin.

M. Shaw: Tout cela va être moins dispendieux que le système du gouvernement?

M. Allard: C'est ce que nous croyons. M. Shaw: Alors, je n'ai plus de question.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. A la page 6 de votre mémoire, vous reprenez la position qui avait été clairement indiquée et fortement soutenue par le Bureau d'assurance du Canada, à savoir que vous êtes contre la création d'un monopole d'Etat et que, par conséquent, vous êtes convaincu que l'entreprise privée est tout à fait en mesure d'offrir au public le régime d'assurance dont il a besoin. Inutile de vous dire que je me suis battu toute ma vie contre les cartels et contre les monopoles, et que je ne suis pas prêt aujourd'hui à appuyer un projet de loi qui vise à en créer un. Comme nous avons à faire face à un projet de loi qui impose aux Québécois un régime d'assurance à deux têtes, parce que deux administrations, j'aimerais savoir si vous êtes en mesure d'informer les membres de la commission. Quelles sont les diminutions que vous prévoyez dans vos frais d'administration, en pourcentage, compte tenu du fait que la couverture des dommages corporels ne sera plus assumée par votre compagnie?

M. Allard: Malheureusement je ne pourrais pas vous donner de chiffres là-dessus. D'ailleurs, on a essayé, la semaine dernière, en discutant du mémoire du BAC, de donner des chiffres semblables, mais à ce moment-ci, nous n'en avons pas. Nous prévoyons que si le projet de loi devait être adopté, pendant la période de transition, il va sûrement y avoir des coûts qu'actuellement nous n'avons pas à encourir pendant la période de transition.

Après que ce serait passé, c'est difficile à dire. Je ne sais pas si M. Robitaille...

M. Robitaille: Prenons le cas hypothétique qu'on garderait tous nos clients actuels auxquels nous accorderions une indemnité moindre, parce qu'on ne s'occuperait pas de la partie des blessures, alors la prime de chaque police diminuerait, ça prendrait autant de monde pour s'en occuper chez nous, alors le pourcentage d'administration par rapport aux primes va certainement augmenter dans une certaine proportion.

M. Roy (Fabien): Parce que vous êtes obligé de faire la même émission de primes, maintenir vos dossiers exactement de la même façon.

M. Robitaille: Si, d'un autre côté, on nous permettait de régler les sinistres d'une façon moins compliquée, il y aurait probablement une équivalence de coût qui disparaîtrait.

M. Roy (Fabien): Vous ne prévoyez pas, comme vous l'avez dit — la question a été posée par Mme le ministre, on me le rappellera si nécessaire — de réduction de personnel substantielle avec l'application du nouveau régime en ce qui a trait à vos opérations.

M. Allard: Pas de réduction immédiate, mais en pensant plus loin, il est sûr que nous devrions être en mesure de fonctionner avec moins de monde. Si on prend un volume d'affaires comparable. Si on pense plus loin, au centre d'évaluation, par exemple, c'est certain que ça va nous obliger à réduire notre personnel; par contre, il y aura des gens dans les centres d'évaluation, je ne sais pas d'où ils viendront; mais le but justement de simplifier la procédure devrait amener des réductions de coûts et les réductions de coûts supposent nécessairement des réductions de personnel. Ce n'est pas pour demain, ni après-demain, mais ce n'est peut-être pas si loin.

M. Roy (Fabien): Votre compagnie d'assurance n'offre pas la possibilité ou la liberté aux assurés de pouvoir s'assurer directement auprès de votre compagnie, autrement dit, vous ne faites pas de vente au comptoir, je pense.

M. Allard: Non.

M. Roy (Fabien): Vous faites affaires exclusivement avec les courtiers. Est-ce que vous avez déjà examiné cette possibilité, est-ce que vous l'avez déjà étudiée?

M. Allard: Non, je pense qu'on peut répondre que ça n'a jamais entré dans nos préoccupations. Vous savez, il faut être réaliste; nous faisons nos affaires pas seulement dans la ville de Montréal, pas seulement dans la province de Québec, mais dans tout le Canada. Il y a partout, dans toutes les provinces, beaucoup d'endroits où nous ne serions pas en mesure de nous établir localement pour offrir nos services aux consommateurs. Le moyen le plus économique de le faire, dans les circonstances, c'est par l'intermédiaire de courtiers qui sont payés à commission; alors, leur rémunération dépend des affaires qu'ils produisent. Si, dans un petit village, les possibilités de vente d'assurances ne sont pas fortes, la rémunération va être moins forte. Dans une ville comme Montréal, par exemple, où les quelques compagnies qui font leurs affaires directement sont établies, là, c'est plus facile. Tous les gens peuvent y aller facilement. Mais ça ne serait pas économique pour les mêmes compagnies de s'installer dans tous les petits villages de la province, alors que ça l'est par le système de courtiers qui existe actuellement.

C'est ainsi que nous faisons nos affaires depuis très longtemps, nous n'avons pas l'intention de changer le système. Dans un avenir prévisible, nous continuons de fonctionner de la même fa-

çon, ce qui nous semble être le coût le plus raisonnable possible pour le public.

M. Roy (Fabien): En somme, le travail que les courtiers font à l'heure actuelle, vous seriez obligés de l'assumer vous-mêmes directement aux compagnies?

M. Allard: Exactement.

M. Roy (Fabien): D'ailleurs, si je pose cette question, c'est justement parce que cela a fait l'objet de beaucoup de discussions ici même en commission parlementaire lorsque le fameux rapport Gauvin avait été déposé. Je me souviens qu'il en avait été question avec le BAC et l'Association des courtiers d'assurance. Quant au rôle de courtier, je me permets une opinion personnelle à ce moment-ci. On parle d'éliminer les intermédiaires et d'éliminer les intermédiaires, c'est une grande tentation, une grande propagande qu'on semble faire au niveau gouvernemental. Je pense qu'on oublie une chose: on place l'individu en face de grosses entreprises qui sont extrêmement loin du gouvernement.

Le citoyen se trouve démuni, on n'a qu'à regarder les structures très sophistiquées de l'Etat à l'heure actuelle pour se rendre compte qu'au ministère des Affaires sociales, la plus grande préoccupation a été d'essayer de trouver des formules pour humaniser le système.

Quand on coupe tous les liens et qu'il n'y a à peu près plus de relations personnelles, de contacts humains, dans un système, je pense que ce n'est peut-être pas là prendre le bon moyen pour atteindre l'objectif et l'idéal qu'on se propose, à savoir assurer le meilleur service, un service de qualité, auprès du consommateur québécois.

Je n'aurai pas d'autres questions. Je ne voudrais pas abuser, pour éviter que les autres organismes reviennent demain matin, je vais accepter de me restreindre, d'autant plus que mes collègues ont posé un certain nombre de questions que j'avais notées. Mais j'aimerais quand même...

Mme Payette: C'est surtout, en plus, pour l'information du député de Beauce-Sud, que je crois être informée qu'à la demande de l'Opposition, il n'y aura aucune commission qui siégera demain.

M. Roy (Fabien): Je remercie Mme le ministre, mais je veux dire...

Mme Payette: Je ne peux pas en faire un ordre de la Chambre, mais je crois que c'est ce qui est prévu pour demain.

M. Roy (Fabien): C'est ce qui est prévu pour demain. J'avais un peu été informé à ce sujet. Je remercie quand même le ministre d'attirer l'attention des membres de la commission à ce sujet. Mais afin de permettre à un autre groupe de passer ici ce soir, en commission parlementaire, j'aimerais faire une remarque, suite aux propos de l'honorable ministre.

Je je voudrais pas être spécialiste pour contredire l'honorable ministre, mais lorsqu'il a dit tout à l'heure qu'il voulait rassurer les assureurs et rassurer la population, j'aimerais quand même qu'on réalise une chose au niveau de la commission. Il ne faut pas être dupe non plus. Je ne veux pas dire que Mme le ministre essaie de nous induire en erreur.

Mais je sais par expérience que les ministres changent. J'ai vu plusieurs lois, à l'Assemblée nationale, être adoptées, et avoir de bonnes garanties, avoir de très bonnes garanties et une fois que le ministre avait pris les engagements, c'est un autre ministre qui s'occupait d'appliquer la loi. Cela n'a pas toujours été ce que nous aurions souhaité.

Mme Payette: M. le Président, il faut que j'apporte une correction. Je n'ai pas dit que c'était un engagement du ministre, j'ai dit que c'était un engagement du gouvernement.

M. Roy (Fabien): J'avais entendu exactement les mêmes phrases, M. le Président, exactement les mêmes phrases. Le point sur lequel il ne faut pas être dupe, je pense qu'il faut prévoir maintenant, dès maintenant, que la population du Québec n'acceptera pas tellement longtemps un régime d'assurance à deux têtes. Lorsque le gouvernement voudra modifier le système, quelle sera son attitude? Son attitude va être d'aller chercher le reste. C'est mon opinion personnelle et je crois qu'elle est partagée par un certain nombre. D'autant plus que l'on commence déjà à nous avertir que dès l'an prochain, s'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas très bien, et il est évident que la diminution des primes ne sera pas proportionnelle à celles que le gouvernement va exiger à cause des frais d'administration — tout le monde en conviendra, deux administrations, cela coûte plus cher qu'une. Ceux qui font leur première année en mathématiques le savent. On n'a pas besoin de cours extrêmement compliqué pour savoir cela — on s'apprête à préparer une concurrence éventuelle aux compagnies d'assurances. Si le gouvernement veut retenir cette formule, qu'il la retienne donc maintenant, mais de façon que la population du Québec puisse avoir une couverture globale, à un endroit ou à l'autre. La population du Québec serait en mesure de juger laquelle lui donne le meilleur service, le meilleur rendement et voir quelle sera celle qui, justement, coûtera le moins cher. L'une ou l'autre serait éliminée par elle-même, par la force des choses. Là, le gouvernement serait logique, là on travaillerait dans l'intérêt des Québécois. Je vois très mal le gouvernement assumer la totalité de la responsabilité au niveau des dommages corporels, avoir une compagnie d'Etat qui concurrencerait l'entreprise privée au niveau des dommages matériels, alors que le gouvernement aurait la surveillance de ses concurrents et aurait la surveillance de lui-même.

Mme le ministre a parlé de conflit d'intérêts tantôt, cela en serait un conflit d'intérêts.

Je veux remercier les gens de la compagnie d'assurance la Royale pour l'excellent mémoire qu'ils nous ont présenté et pour la position qu'ils

ont prise, et de s'être mis à la disposition de la commission parlementaire.

En ce qui me concerne, je n'ai plus de questions à poser. De toute façon, je pense que vous êtes à notre disposition si, toutefois, nous voudrions obtenir des informations additionnelles, soit au niveau de la commission ou au niveau personnel.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Merci, M. le Président, compte tenu de l'heure tardive, je vais céder mon tour afin de nous permettre d'entendre l'autre groupe.

Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, malheureusement, vous allez dire que je suis tenace. On a discuté d'une question assez importante, si vous voulez me donner deux ou trois minutes, je vais revenir, si vous voulez bien.

Vous avez le projet de loi devant vous, je suppose.

Si vous prenez l'article 108, on lit: "Nonobstant les dispositions du présent titre, le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre assureur si ce recours est régi par la convention d'indemnisation directe visée dans l'article 155". Je vous ferai remarquer que nous sommes dans ce chapitre, dont le titre parle des dommages matériels: chapitre III. L'indemnisation du dommage matériel, responsabilité civile et régime d'assurance. Il n'est pas question de collision là-dedans du tout.

Qu'est-ce qu'on dit à l'article 155? "La Corporation doit établir une convention d'indemnisation directe relative: 1. à l'indemnisation directe des assurés ayant subi un dommage à leur automobile;"

Cela nous amène à l'article 156 qui dit: "Si une convention d'indemnisation directe reçoit l'assentiment des assureurs autorisés qui perçoivent au moins cinquante pour cent des primes brutes souscrites pour l'assurance automobile au Québec, tout assureur autorisé doit lui donner application, à compter de sa publication, dans la Gazette officielle du Québec, comme si elle faisait partie de la présente loi".

Si on a cette convention d'indemnisation directe à l'article 156, c'est là, si je ne m'abuse, que le BAC a demandé qu'on élimine toute subrogation. Ai-je raison que c'est là que le BAC a demandé de supprimer toute subrogation?

M. Allard: D'accord.

M. Saint-Germain: Nous y voilà. Je crois que Mme le ministre, en ce temps-là, a dit qu'on pouvait interpréter la loi en disant que les assureurs pouvaient, dans cette convention, établir une convention sans subrogation. Ai-je raison? Les as- sureurs ont demandé que la loi soit plus précise et qu'on le mentionne dans la loi. Ai-je raison, qu'on mentionne que les assureurs...

M. Allard: Qu'on mentionne qu'on élimine la subrogation.

Mme Payette: Qu'on abolisse la subrogation.

M. Saint-Germain: ... pourraient abolir le droit de subrogation.

Mme Payette: Cela a en effet été demandé.

M. Saint-Germain: Ceci dit, si on prend l'avis du BAC et si, à l'article 156, on établit une convention d'indemnisation directe sans droit de subrogation, voilà que l'article 103 devient loi. L'article 103 dit bien "le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre assureur". Je reviens à la question que je vous ai posée. Je subis un accident. Je n'ai aucune responsabilité mais j'ai désobéi à la loi et je n'ai pas d'assurance, qu'est-ce qui m'arrive?

M. Allard: Vous aurez recours contre le tiers, mais il n'est pas question de votre assureur, il n'y en a pas.

M. Saint-Germain: La loi me dit bien... Il n'y a plus de recours contre personne ici. La loi dit "le recours du propriétaire", c'est mon recours à moi.

M. Allard: Oui.

M. Saint-Germain: Je ne suis pas responsable de l'accident. C'est mon recours et la loi le dit "le recours du propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre assureur" et je n'en ai pas.

M. Allard: Vous ne pouvez pas l'exercer contre votre assureur.

M. Saint-Germain: Voilà la réponse. La réponse est que, par l'application de la loi telle qu'elle est, le type qui désobéirait à la loi n'ayant pas d'assurance, n'aurait pas droit de recours.

M. Allard: II conserve le recours contre le tiers, l'autre qui est responsable.

M. Saint-Germain: Mais où voyez-vous dans la loi qu'il le conserve? A quel article voyez-vous qu'il conserve son recours contre le propriétaire?

M. Allard: Je ne sais pas où je vais trouver cela. Peut-être que madame...

Mme Payette: 97.

M. Allard: Pardon?

Mme Payette: 97.

M. Allard: 97. "Le propriétaire de l'automobile est responsable...

M. Saint-Germain: Je relis l'article, dans ces conditions. "Nonobstant..." Je l'ai lu. "L'indemnisation directe visée dans l'article 155"... "Néanmoins, en cas de silence de la convention"... Il n'y a plus de silence, la convention a été établie. C'est lorsque la convention est inexistante. "Néanmoins, en cas de silence de la convention d'indemnisation directe et à défaut d'entente entre les assureurs concernés, les règles des articles 97 à 102 s'appliquent relativement à la responsabilité". Ces articles ne s'appliquent plus, parce qu'il y a une entente.

M. Allard: Parce qu'il y a un...?

M. Saint-Germain: Parce qu'il y a une entente.

M. Allard: II n'y a pas d'assurance. Vous n'avez pas d'assureur. Vous ne pouvez pas aller chez votre assureur, vous n'en avez pas.

M. Saint-Germain: Oui, mais on ne peut pas non plus appliquer, de par la teneur de l'article 103, les articles 97 à 102.

M. Allard: Oui, on vous permet de prendre action contre la personne responsable de l'accident.

M. Saint-Germain: On perd moins, pour autant qu'il y a un silence... En cas de silence de la convention des indemnisations directes...

M. Paquette: M. le Président...

M. Saint-Germain: II y a une condition.

M. Paquette: Question de règlement, je m'excuse d'interrompre le député. Cela aide à notre compréhension, mais on a d'autres moyens pour approfondir la loi.

On retient le groupe des physiothérapeutes depuis un bon bout de temps. On avait des tas de questions à poser ici, de ce côté de la table.

Je vous rappelle que je serais en droit de vous demander d'appliquer l'article 161 qui limite les interventions à 20 minutes. Je comprends qu'on a convenu d'être très souple, de laisser dépasser les 20 minutes, d'essayer de se discipliner. Le règlement est tel, cependant, que nos droits d'intervention sont limités à 20 minutes. On en est rendu au moins à 30 minutes avec député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je m'excuse. Peut-être ne me suis-je pas exprimé assez clairement, mais je crois que cette question est excessivement importante.

M. Paquette: Ce n'est pas la seule.

M. Saint-Germain: Cela semble excessivement difficile. Si le ministre veut me donner des explications, qu'elle me donne une explication et je terminerai cela là. Je voudrais avoir une réponse. Je ne parle pas en l'air, je n'invente pas de loi, de police d'assurance. Je lis la loi. Je veux savoir, en pratique, ce que cela veut dire.

Est-ce que j'interprète cet article comme si elle me disait que, si on écoute le BAC et qu'on lit la loi en faisant disparaître la subrogation, les gens qui n'ont pas d'assurance ne pourront pas se faire rémunérer? Je veux un oui ou un non.

M. Allard: Vous n'avez pas à écouter le BAC. Prenez seulement la loi et vous allez avoir la même réponse, peu importe...

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, compte tenu que c'est une question qui relève de l'interprétation de la loi, il y aurait possiblement moyen de prendre des renseignements auprès du ministre.

M. Saint-Germain: Si le ministre voulait répondre, lors de notre prochaine séance, précisément sur ce que je veux dire...

Le Président (M. Boucher): Evidemment, on pourrait passer immédiatement à un autre mémoire.

Mme Payette: M. le Président, je pense que de la part du député de Jacques-Cartier — ce n'est pas de la mauvaise volonté — il y a une difficulté de compréhension. C'est évident que les fonctionnaires qui sont là, sont à la disposition du député s'il veut se faire expliquer plus longuement de quoi il s'agit. Je pense, d'autre part, que la plupart des gens ont compris. Nos invités ont beau tenter d'expliquer, il manque quelque chose. On va très certainement vous aider à...

M. Saint-Germain: Je lis, madame, l'article que vous avez écrit, et c'est la loi que je lis. Je donne un exemple bien précis. Il me semble que ceux qui sont responsables des écritures devraient être capables, dans une seconde, de donner une opinion.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier, il y aura possibilité d'avoir ces explications à la commission parlementaire en deuxième lecture, article par article.

M. Saint-Germain: Ecoutez, on ne devrait pas attendre à ce stade. Si madame veut me répondre à la prochaine...

M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez, je suis certain que Mme le ministre peut très bien répondre. On a eu des discussions avec elle, avec les fonctionnaires. C'est une question très difficile. Ce n'est pas en cinq ou dix minutes supplémentaires qu'on va réussir à éclaircir la question pour tout le monde. Je suggère que cela se fasse d'une autre façon, parce que là, on fait attendre nos invités. A ce compte, personnelle-

ment, j'aurais énormément de questions à poser. On s'est discipliné...

M. Saint-Germain: Je ne veux pas m'entêter, mais si j'ai posé cette question, c'est que j'ai dialogué avec des assureurs. Je dois constater que je ne suis pas seul à me poser cette question et à vouloir éclaircir tout cet imbroglio. Peut-être a-t-il une réponse très simple à me donner? Je pensais que quelqu'un pourrait me la donner. Je termine là-dessus. Je me demande pour quelle raison, madame ne pourrait pas me donner une réponse à la prochaine réunion que nous aurons.

Mme Payette: M. le député, je dois vous dire que les gens qui sont en face de nous vous ont donné les réponses.

M. Saint-Germain: Non, pas cela. Ecoutez, je vous demande si vous pouvez nous promettre de nous donner une réponse lors de la prochaine réunion?

Mme Payette: M. le député, je veux bien vous donner un cours particulier.

M. Saint-Germain: Non, pas particulier, pas du tout, public, à cette table. Je ne veux pas prolonger la discussion, absolument pas.

Je ne veux pas obliger ces messieurs à nous attendre ou à répondre à des questions qui semblent embêtantes. Mais vous, vous devriez être capable de me donner une réponse bien précise là-dessus.

Mme Payette: Oui, M. le député, nous allons vous donner une réponse.

M. Saint-Germain: Est-ce que vous allez me donner une réponse à la prochaine séance?

Mme Payette: Oui, M. le député, vous aurez une réponse.

M. Saint-Germain: Merci, madame. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Alors... M. Fontaine: M. le Président?

Le Président (M. Boucher): Oui?

M. Fontaine: J'aurais deux courtes questions.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: La première à l'honorable ministre. On a demandé tout à l'heure au groupe La Royale de nous dire à partir de quelle analyse sérieuse il pouvait dire que le système privé était moins coûteux que le système public. Moi, je voudrais savoir du ministre, alors qu'elle ne connaît pas tous les coûts du système proposé, à partir de quelle analyse sérieuse elle peut affirmer que son système va coûter 6%?

Mme Payette: Posez donc des questions sérieuses.

M. Fontaine: Ce n'est pas sérieux, ça?

Mme Payette: Non, ce n'est pas sérieux, pas du tout.

M. Fontaine: Ah!

Mme Payette: Quand on peut dire que le régime va coûter $385 millions, c'est qu'on s'appuie sur des études sérieuses. Les chiffres qu'on ne vous donne pas actuellement, c'est qu'on est en train de les compiler. $385 millions, vous les avez dans le livre bleu depuis le 15 avril.

M. Fontaine: Oui, mais déposez vos études sur lesquelles vous vous basez.

Mme Payette: Quand elles seront terminées, je serai heureuse de les déposer, parce qu'elles sont bonnes pour nous.

M. Fontaine: Comment pouvez-vous affirmer que ça va coûter $385 millions alors que vos études ne sont pas terminées?

Mme Payette: Sur les $385 millions, les études sont faites depuis le 15 avril, terminées. Elles s'appuient sur des statistiques de 1974 et 1975. Nous sommes obligés de les revoir à partir des statistiques de 1976.

M. Fontaine: Vos 6% d'administration?

Mme Payette: Ils sont exactement dans les calculs qui ont été faits aussi.

M. Fontaine: Cela, ce n'est pas déposé?

Mme Payette: C'est dans le livre bleu, M. le député, depuis le 15 avril...

M. Fontaine: Oui, mais sur quoi...

Mme Payette: Si quelqu'un l'avait lu, cela aurait été utile.

M. Fontaine: Sur quoi vous basez-vous pour dire ça?

Mme Payette: Sur les études qui ont été faites au niveau des coûts d'administration des régimes d'Etat.

M. Fontaine: Bon! Est-ce que vous allez déposer ces études?

Mme Payette: Vous trouverez les informations dans le livre bleu qui a déjà été déposé.

M. Fontaine: D'accord. Je n'insiste pas là-dessus. Mais il n'y a rien...

Mme Payette: Ce n'est pas ce qu'on appelle insister?

M. Fontaine: II n'y a rien de sérieux dans le livre bleu qui nous indique pourquoi cela va coûter 6%.

Mme Payette: M. le député, l'avez-vous lu, le livre bleu?

M. Fontaine: Oui, je l'ai lu.

Mme Payette: Sur votre serment de député?

M. Fontaine: Sur mon serment d'office, à part ça.

L'autre question que je voulais poser, et celle-là, à nos invités: Vous parlez, à la page 8, de sondages effectués récemment et vous dites qu'il semble indéniable que le public désire conserver le droit de recours devant les tribunaux. Est-ce que vous avez des copies de ces sondages?

M. Allard: Je crois en avoir un ici, qui a été fait par le BAC en juin 1977, qui indiquait que plus de 50% des assurés et ça — en fait, le chiffre était de 52% — étaient en désaccord avec la disparition des droits de recours. C'est un sondage qui a été fait par un groupe de recherche information-publicité. Je ne me souviens pas du nombre de personnes qui ont été consultées, mais il était suffisant pour représenter un échantillonnage valable. Il y en a eu un autre qui a été fait, et je pense qu'il a été mentionné à l'occasion des audiences publiques, par le Club Automobile de Québec, qui donnait des chiffres semblables ou, en tout cas, qui démontrait qu'une majorité de gens préféraient conserver le droit de recours devant les tribunaux.

Mme Payette: Vous reconnaîtrez cependant que le sondage du Club Automobile de Québec et celui dont vous faites état remontent à déjà plusieurs mois.

M. Allard: Celui-ci, juin 1977. Je ne pense pas qu'on puisse dire "plusieurs" mois.

Mme Payette: Si vous connaissiez l'évolution de la pensée québécoise!

M. Allard: D'accord. Ce serait peut-être 60% au lieu de 52% maintenant. Vous avez peut-être raison.

M. Fontaine: Ce sera tout pour l'instant.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre, pour le mot de la fin.

Mme Payette: M. le Président, moi, je suis informée, de mon côté, que le taux d'accidents a baissé en 1976. Est-ce que les assureurs en sont informés aussi?

M. Allard: Les assureurs en sont informés sûrement, parce que je pense que les statistiques auxquelles vous faites allusions sont celles qui proviennent de ce qu'on appelle le livre vert, qui est compilé par le BAC, en fait, pour les surintendants des assurances et disponible à l'ensemble des assureurs. De fait, ces statistiques ont déjà permis à plusieurs assureurs de réviser les taux à partir du mois de juin-juillet. Il y en a d'autres qui l'ont fait plus récemment et il y en a d'autres qui doivent le faire très prochainement. Nous avons constaté la réduction, et si je peux simplement ajouter ça, au moment où on a annoncé ces réductions, on a voulu dire que c'était l'introduction du nouveau projet de loi qui faisait réduire les taux, mais en fait ce sont les statistiques auxquelles vous faites référence qui ont fait réduire le taux.

Mme Payette: J'avais, pour la bonne compréhension de ce qu'on vient de se dire, dit qu'il y avait un certain nombre d'éléments qui faisait baisser les primes: la baisse du taux d'accidents, la concurrence, qui semblait revenue entre les assureurs pour un marché nouveau — et cela, je pense qu'on ne peut pas le nier — et la fermeté du gouvernement dans la réforme proposée.

M. Allard: J'accepte les deux premières raisons.

Mme Payette: Et je vous impose la troisième.

Le Président (M. Boucher): Je remercie M. Allard et ceux qui l'accompagnent, au nom de tous les membres de la commission.

M. Allard: Je vous remercie, M. le Président et Mme le ministre, de votre indulgence et de votre patience.

Le Président (M. Boucher): Nous entendrons maintenant le groupe de la Fédération des physio-thérapeutes en pratique privée du Québec, représentée par M. Rolland Lamarche, président.

Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec

M. Lamarche (Rolland): Je voudrais d'abord, M. le Président, Mme le ministre, messieurs les membres de la commission...

Mme Payette: Je voudrais que vous me permettiez, avant qu'on entende nos invités, de me laisser simplement les remercier. Nous constatons, de notre côté, que la journée a été longue et que vous l'avez finalement faite avec nous. Je vous remercie aussi de votre patience et d'être encore là à cette heure-ci.

M. Lamarche: Je vous remercie.

Je voudrais d'abord vous présenter M. Claude Renaud, qui m'accompagne, membre de l'exécutif de la Fédération des physiothérapeutes.

Je voudrais faire remarquer que parfois, si la journée peut être longue pour vos invités, nous réalisons qu'elle peut l'être pour vous aussi.

Tout simplement pour tenter de bien circonscrire la question de la physiothérapie en pratique privée, je dois d'abord vous présenter notre situation et, par la suite, si vous me le permettez, en venir à l'essence même du mémoire.

En ce qui concerne la question de la physiothérapie, je vais vous expliquer un peu le rôle du physiothérapeute et, peut-être plus particulièrement, vous parler de l'importance de la physiothérapie dans le monde de la santé. Je serai bref, je vous le promets.

Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, il y a un malentendu. Je ne vous signalais pas d'être bref, je vous signalais que j'avais terriblement mal dans le cou.

M. Lamarche: Doit-on terminer tôt?

M. Paquette: Avez-vous besoin d'un physiothérapeute?

Une Voix: Ce ne sont pas des masseurs.

M. Lamarche: Je vous disais que je voulais d'abord situer la physiothérapie dans le monde de la santé, de même que l'importance de la physiothérapie.

Si on prend seulement les statistiques des problèmes de dos à la Commission des accidents du travail l'an dernier, 15% de toutes les réclamations ont été faites pour des problèmes de dos. Si l'intervention d'un physiothérapeute peut être acquise rapidement, beaucoup de ces problèmes peuvent obtenir une guérison quasi complète bien souvent ou, du moins, une amélioration sans trop de séquelles dans la majorité des cas. Ainsi on peut faire gagner aux gens qui sont atteints d'un problème semblable, des journées de travail; on peut aussi leur épargner des souffrances inutiles.

Bref, l'intervention rapide du physiothérapeute pour un problème d'ordre musculo-squelettique peut aider énormément les gens à récupérer rapidement. C'est là l'économie importante en ce qui concerne l'utilisation du physiothérapeute adéquatement.

La fédération que je représente groupe environ 100 membres. 30 cliniques de physiothérapie au Québec sont la propriété de physiothérapeutes de ce groupe. Ces cliniques existent non seulement à Montréal, mais aussi à l'extérieur des centres urbains comme, par exemple, à Magog, Granby, Joliette, Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Pierrefonds dans la banlieue de Montreal et Sorel. Il y a plusieurs autres endroits, à l'extérieur des centres urbains, où il y a des cabinets privés qui appartiennent à des physiothérapeutes.

Je veux aussi vous parler de la formation du physiothérapeute; elle est de niveau universitaire. Il s'agit d'un bac en science de la physiothérapie, qui correspond à 104 crédits universitaires.

C'est un cours qui est donné à la faculté de médecine, dans les écoles qu'on appelle les écoles de réadaptation. Par la suite, la Corporation professionnelle des physiothérapeutes exige un internat de quatre mois pour donner un droit de pratique et ceux qui, parmi nous, le désirent peuvent poursuivre leurs études pour obtenir une maîtrise et un doctorat par la suite. Plusieurs physiothérapeutes ont déjà entrepris des études dans ce domaine.

En ce qui concerne la situation de la pratique privée en physiothérapie, et ceci va toucher de très près les explications qui ont trait au mémoire, je dois d'abord vous parler de la collaboration physiothérapeutes-médecins. Le physiothérapeute est un collaborateur immédiat du médecin, en ce sens que notre formation nous donne une compétence dans le plan et le domaine thérapeutique alors que le médecin, qu'il soit de médecine générale ou de médecine spécialisée, a une compétence sur le plan du diagnostic et de la thérapie bio-chimique, bien souvent.En ce qui concerne la thérapie physique, la physiothérapie, nous considérons que c'est le physiothérapeute qui a le plus de compétence dans ce domaine.

En ce qui concerne la situation de la rémunération des soins en physiothérapie, présentement, les soins sont gratuits dans les hôpitaux, par le biais de l'assurance-hospitalisation du Québec. En ce qui concerne la Régie de l'assurance-maladie du Québec, la situation avec la Commission des accidents du travail et la situation avec les assurances privées, je vais vous décrire brièvement chacun des points. Vous n'êtes pas sans savoir que le dossier de la physiothérapie a marqué, à une époque, l'an dernier, le monde de la presse et il y a eu, en fin de compte des situations où physiothérapeutes et médecins physiatres ont été impliqués, et médecins orthopédistes à l'occasion, et je vais vous décrire ce qui c'est passé exactement en partant du dossier de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

D'abord, aucun régime ne couvrait, en 1970, la physiothérapie, excepté l'assurance-hospitalisation. Avec l'avènement de la Régie de l'assurance-maladie du Québec en 1972, il fut décidé de couvrir la physiothérapie. En fait, on n'a pas appelé cela la physiothérapie à ce moment-là, on a appelé cela traitements physiques dans le régime de l'assurance-santé. Mais l'article 1 de la Régie de l'assurance-maladie du Québec disait: Un médecin ne reçoit des honoraires que pour des actes qu'il pose lui-même ou pour des actes posés en sa présence et auxquels il a participé. C'était ce que disait l'article 1 de la Régie de l'assurance-maladie du Québec tant pour les médecins spécialistes que pour les médecins généralistes. Ce qui s'est passé, c'est que, le 6 novembre 1972, le Dr Jacques Brunet, sous-ministre aux Affaires sociales à ce moment-là, a signé un amendement, l'amendement no 6, permettant aux médecins spécialistes d'être rémunérés pour des actes qu'ils

ne posaient pas eux-mêmes. Cet amendement no 6 ne fut jamais approuvé par un arrêté en conseil ministériel et cet amendement no 6, signé par le Dr Jacques Brunet, fut fait sans l'autorisation de M. Claude Castonguay à l'époque. Je ne veux pas relater de vieux souvenirs, je veux simplement bien vous situer. Si je le dis, c'est que M. Claude Castonguay me l'a dit lors d'une conversation téléphonique l'an dernier. Donc, pendant quatre ans, ce système a existé et a permis à des médecins spécialistes d'obtenir des rémunérations pour des actes posés dans leur clinique par des physio-thérapeutes ou par des techniciens ou par des secrétaires et ceci a permis, finalement, l'installation d'un système privé drôlement complexe et ambigu.

Nous, les physiothérapeutes, qui voulions être dans le milieu privé à ce moment-là, ne pouvions l'être sans concurrencer adéquatement. Alors, notre seule façon de pouvoir concurrencer adéquatement à l'époque, c'était d'obtenir, nous aussi, la gratuité de soins pour nos patients. Pour obtenir la gratuité des soins pour nos patients, il a fallu, tout simplement, s'organiser avec d'autres médecins spécialistes pour finalement pouvoir utiliser, avec leur collaboration, la "castonguette" et enfin se retrouver dans le milieu privé nous aussi et offrir nos soins gratuitement. Ce qui est arrivé, c'est qu'à un moment donné les fonds utilisés pour la physiothérapie furent tellement élevés que le ministre Forget, à l'époque, a décidé de ne plus couvrir la physiothérapie à compter de mars 1975. A compter de mars 1975, les soins de physiothérapie ne devaient plus être couverts; cependant, comme l'article no 1, amendé par l'amendement no 6 en 1972, n'avait jamais eu d'arrêté en conseil, il fallait bien s'organiser pour légaliser cette situation.

Cet amendement no 6 fut donc approuvé par un arrêté en conseil en juin 1975, tout simplement.

Par la suite, on a fait un autre amendement pour remettre en vigueur l'article 1, qui disait que, pour être payé, un médecin devait poser l'acte lui-même ou, du moins, être présent et participer à l'acte. Pour nous, physiothérapeutes, c'était quelque chose d'acquis. En fait, ce qu'on demandait tout simplement au système, c'était de faire en sorte que, si les soins étaient gratuits chez les physiatres, ils le soient aussi dans nos cabinets; mais s'ils n'étaient pas gratuits chez les physiatres, qu'ils ne le soient pas chez nous. Cela nous était égal, parce qu'à concurrence égale, avec les médecins physiatres qui ont des cabinets privés, les physiothérapeutes, on connaît notre compétence, savaient qu'ils étaient capables de soutenir la concurrence dans un système juste et équitable.

Pour nous, cette situation était correcte. Mais ce qui s'est produit, c'est qu'il y a eu des négociations à cette époque, si vous vous souvenez, entre le FMSQ, la FMOQ et le ministère des Affaires sociales. Ce qui nous surprenait, les physiothérapeutes en cabinet privé, c'est que les médecins physiatres continuaient à utiliser la carte d'assurance-maladie pour des soins de physiothérapie. Ceci nous a surpris. On ne savait pas pourquoi on les utilisait, mais, en juin, je parlais de mars tantôt, le ministre a décidé que, rétroactivement à mars, les soins des physiothérapeutes donnés dans leurs cabinets seraient tout simplement couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Nous nous retrouvions encore dans un système de concurrence absolument impossible; des physiothérapeutes ont dû fermer leur cabinet tout simplement, d'autres ont quand même pu continuer leur travail. Par la suite, vous savez ce qui s'est passé au mois de novembre, le ministre Forget a signé une nouvelle entente avec les médecins spécialistes, avec des articles 1 différents pour les omnipraticiens et pour les spécialistes. Je dois vous dire qu'à mon point de vue, l'article 1 qui fut signé lors de la dernière entente avec les médecins spécialistes est encore plus confus que le premier.

Néanmoins, ceci fut fait en pleine campagne électorale et vous connaissez les changements survenus par la suite. Simplement pour poursuivre cet historique, le plus brièvement possible, M. Lazure a pris la relève. Or, M. Lazure est psychiatre. Vous savez que les journalistes, très souvent, ont confondu médecin psychiatre et médecin physia-tre; j'ai donc l'impression que, lorsque c'était écrit dans un journal que le ministre allait casser le party des physiatres, beaucoup de gens voyaient phychiatres; parfois, les journalistes, au lieu d'écrire physiatres écrivaient phychiatres. J'ai donc l'impression que tous les phychiatres qui lisaient attentivement les articles relatant les revenus fabuleux de tous les médecins physiatres et...

Le ministre était véritablement au courant du dossier de la physiothérapie et je sais que plusieurs d'entre vous connaissent bien le dossier, parce que la Corporation professionnelle des physiothérapeutes vous a fait parvenir des détails à ce sujet. Nous fûmes convoqués par M. le ministre à son bureau ici, à Québec, au mois de décembre. Le 10 décembre, lors d'une conférence de presse, M. Lazure a clairement expliqué que les physiothérapeutes avaient été exploités par les physiatres et que le problème, le dossier chaud de la question de la physiothérapie, serait réglé pour le début de janvier 1977. Nous étions contents d'aller rencontrer M. Lazure, parce que, pour une fois, on commençait à croire qu'un médecin pouvait comprendre nos aspirations, particulièrement un ministre; nous y sommes donc allés et il nous a garanti qu'il comprenait très bien notre situation.

Il faut vous expliquer que nous sommes reconnus par le Code des professions, le projet de loi 250, mais que nous jouissons d'un titre réservé et non d'un acte exclusif. Vous connaissez les détails difficiles en ce qui concerne la question de l'acte lui-même décrit au niveau du projet de loi 250, il ne nous accorde pas l'acte exclusif que nous réclamons depuis déjà longtemps.

Ceci simplement pour vous dire qu'au niveau du ministère, nous avions l'impression d'être bien entendus, bien compris. Lors de la conférence de presse en question, le ministre avait dit que ce problème serait réglé. Par la suite, on a quitté le bureau du ministre en croyant que tout ce pro-

blème serait assurément réglé dans les plus brefs délais.

Je vais immédiatement passer au dossier de la Commission des accidents du travail pour revenir un peu et revenir un peu et tout conclure cet historique.

En ce qui concerne la Commission des accidents du travail, vous connaissez la réforme amorcée. M. Robert Sauvé fut nommé président de cette commission aux environs de février 1977. Dès février 1977, la Fédération des physiothéra-peutes en pratique privée du Québec a présenté un mémoire à la Commission des accidents du travail pour complètement expliquer comment nous, physiothérapeutes, on voyait l'incohérence du système. Encore là, au niveau de la CAT, on avait réussi à s'organiser pour avoir une couverture de soins, par l'intermédiaire de médecins spécialistes.

Ce qu'on demandait tout simplement à la CAT, c'était de reconnaître les cliniques privées des physiothérapeutes à un tarif beaucoup moindre que celui qui existait au niveau des physiatres, tout comme c'est fait en Ontario, par exemple, ou comme c'est fait en Colombie-Britannique et dans l'une des deux provinces médianes, la Saskatchewan ou le Manitoba, je ne sais pas laquelle. Ce qu'on demandait, c'est que le physiothérapeute soit payé pour l'acte qu'il pose et que le médecin consultant, spécialiste ou non, soit payé pour sa consultation. C'est ce qu'on demandait. Ce qu'on disait à M. Sauvé, dans ce rapport, c'était que le système était pas mal tout croche en ce qui concerne la physiothérapie et qu'on était là pour offrir des soins aux accidentés, dans l'idéal que je vous ai tracé au début: Organisez-vous pour que les services de physiothérapie, tant dans le milieu hospitalier que dans le milieu privé, soient accessibles rapidement pour le malade.

Pourquoi le fait-on pour les athlètes qui jouent au football ou au hockey et pourquoi devient-on si utile pour ces gens, alors qu'on ne le fera pas pour le simple citoyen qui ne fait pas partie d'un club d'élites.

Vous connaissez certainement l'efficacité de la physiothérapie dans le milieu sportif. Ce n'est pas juste parce que ce sont des gens en forme. Il y a une raison scientifique à la base de cela qui fait que, lorsque l'on intervient rapidement, on obtient des résultats rapides.

Tout ce que je veux vous dire en ce qui concerne la CAT, suite à la présentation de notre mémoire à M. Robert Sauvé, le 1er avril, c'est qu'une décision a été prise. Cette décision du 1er avril, ce fut tout simplement de faire en sorte que les cliniques qui appartiennent à des physiothérapeutes ne soient plus couvertes et pour les cliniques qui appartiennent aux physiatres, cela a continué à être couvert.

On se retrouve encore comme avant, dans un système où c'est gratuit chez les physiatres propriétaires de clinique et ce n'est pas gratuit chez les physiothérapeutes propriétaires de clinique.

En ce qui concerne notre situation pour les deux régimes, le système de l'assurance-maladie et le régime de la CAT, le nouyel article no 1 de la Régie de l'assurance-maladie dit: Le médecin n'est payé que pour des actes qu'il fournit lui-même. Je vous ai parlé de l'article no 1 de l'ancienne entente, mais là, je vous parle de l'entente signée au mois de novembre. Au lieu de dire qu'il "pose" lui-même, on dit qu'il "fournit" lui-même. A savoir: avec ou sans la participation de personnel paramédical, qu'il "fournit" lui-même.

M. Jacques Brunet, avec la collaboration de M. Lazure, a interprété cette entente et une lettre fut envoyée le 22 décembre demandant à M. Martin Laberge et à la Régie de l'assurance-maladie du Québec, de ne plus assumer les coûts de physiothérapie dans les cabinets qui appartiennent à des physiatres, s'ils ne fournissent pas le traitement eux-mêmes. Pour eux, fournir eux-mêmes signifie être auprès du patient et participer au traitement.

C'est une lettre signée par Jacques Brunet, le sous-ministre. M. Lazure connaît la teneur de cette lettre et sait qu'elle fut dirigée à la Régie de l'assurance-maladie du Québec le 22 décembre.

Il y a eu, à ce moment-là aussi, envoyé auprès de M. Martin Laberge et auprès de tous les médecins, un avis à cet effet. Si j'en conclus sur cette question, présentement, nous sommes encore dans une situation où le problème n'est pas réglé, où le système continue, où c'est gratuit chez les physiatres et où ce n'est pas gratuit dans les cabinets qui appartiennent aux physiothérapeutes.

Dans le système des assurances privées qui touche directement la commission aussi, présentement, un accidenté de la route, qui vient dans nos cabinets, reçoit des soins de physiothérapie et ces soins sont remboursés par l'assurance de la partie fautive qui est impliquée dans l'accident.

Donc, un accidenté de la route — par exemple l'accident classique connu que vous mentionniez tantôt, de la personne qui est frappée par derrière et qui subit une entorse cervicale — un patient souffrant d'un problème semblable est dirigé chez nous par un médecin qui a posé un diagnostic. On traite cette personne.

Cette personne, dans nos cabinets, paie les soins elle-même et, à ce moment-là, elle présente ses reçus à l'assurance privée et cette dernière va rembourser cette personne pour l'indemniser sur cette question.

Quant à la question des assurances privées, présentement, le système fournit au patient qui a subi un accident de la route la possibilité d'aller se faire traiter chez le physiothérapeute qu'il veut, la possibilité de se faire traiter dans le milieu qu'il veut, c'est-à-dire que s'il veut aller dans le milieu hospitalier, il y va, s'il veut aller dans une clinique privée, parce que dans sa localité, par exemple, il n'y a pas d'hôpital et il y a une clinique privée, il peut y aller.

Présentement, le citoyen qui a besoin de soins en physiothérapie pour ce qui concerne la question des assurances bénéficie de cette possibilité. Ce qu'on vous dit dans le mémoire, et j'en arrive au point très précis du mémoire concernant l'article no 47, c'est que la régie peut prendre les me-

sures nécessaires et faire les dépenses qu'elle croit opportunes ou convenables pour faciliter aux victimes la reprise du travail, contribuer à leur réadaptation—c'est là où on intervient directement — et atténuer ou faire disparaître toute incapacité résultant d'un dommage corporel.

On se pose des questions, en ce sens que la Commission des accidents du travail, suite aux décisions de M. Lazure — la décision de M. Lazure, c'est de tenter de réintégrer les physiothéra-peutes dans le milieu hospitalier; la Commission des accidents du travail prétend suivre les politiques de M. Lazure — veut, elle aussi, tenter de faire en sorte que les soins pour les cas de CAT soient faits dans le milieu hospitalier. La Commission des accidents du travail ne veut pas couvrir les frais de physiothérapie dans les milieux privés parce que le ministère des Affaires sociales n'a pas cette politique. Simplement, on se pose la question. On croit que le nouveau régime devrait permettre le remboursement de soins pour les cas d'accident de la route dans les cliniques privées qui existent.

Je dois vous avouer qu'on tente quand même de maintenir un tarif qui soit adéquat. On est prêt à le faire en collaboration et on a déjà présenté des mémoires à cet effet au niveau de la CAT. Je sais que c'est un dossier très confus, je m'en excuse. C'est incroyable, le dossier de presse est très volumineux. Je voulais quand même, en quelques minutes, vous situer par rapport aux citoyens et par rapport à la situation que nous vivons présentement qui représente pour nous aussi une insécurité face à l'avenir.

Cela représente un peu le mémoire. S'il y avait des questions, il me ferait grandement plaisir d'y répondre. (Voir annexe).

Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lamarche.

Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, ce sont moins des questions qu'un commentaire sur ce qui vient de nous être rapporté. Je comprends, je pense, bien la situation de nos invités qui se retrouvent depuis plusieurs années en train de discuter de la situation qu'ils devraient occuper à l'intérieur des régimes qui sont déjà prévus.

Vous comprendrez, d'autre part, que je ne puisse m'engager, ce soir, pour ce qui vous concerne. Ce sur quoi je peux m'engager, c'est de demander une consultation à mon collègue, le Dr Lazure et, éventuellement, de revoir avec la régie l'attitude de la Commission des accidents du travail pour ce qui vous concerne. Je prends bonne note de votre demande et il me semble qu'on doit arriver à une sorte de concertation, parce que des décisions un peu incohérentes semblent avoir été prises. Je vais essayer de retracer tout le dossier et de voir ce qui peut être fait.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je remercie les physiothé- rapeutes. Ils ont trouvé ici certainement une façon de décrire à la population et aux autorités la situation dans laquelle ils se trouvent. Est-ce que vous avez bien dit que le Dr Lazure, après cette rencontre au mois de décembre, ne vous a pas donné de réponse, que tout est resté une lettre morte?

M. Lamarche: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

J'ai dit, que, finalement, il y a vraiment eu des actions qui ont été prises. Il y a eu des décisions qui ont été prises. Présentement, après presque un an, la situation continue, bien qu'on ait quand même corrigé les possibilités d'avoir des médecins qui avaient deux, trois ou quatre cliniques.

Je veux vous signaler ici que, s'il y a des abus de la part des médecins, il y en a aussi de la part des physiothérapeutes. Je ne viens pas ici vous dire qu'on a une auréole et que tout est bien. Il y a aussi de la part de quelques physiothérapeutes des abus. Je tiens à le signaler.

Ce que je veux vous dire, c'est que dans un système qui pourrait être bien suivi, bien contrôlé, on pourrait jouer notre rôle adéquatement et donner un bon service à la population. Il y a eu des paroles qui ont été dites, prononcées, il y a des lettres. Ce qu'on nous dit, c'est que chez les médecins physiatres où cela continue d'être gratuit présentement, on n'a pas de preuve que les médecins physiatres ne posent pas les actes eux-mêmes. Il faut vous dire que, de la part des médecins aussi, on va mettre en doute l'interprétation du MAS relativement à l'article 1, parce que fournir lui-même le service, qu'est-ce que cela veut dire? Est-ce que cela veut dire payer une compagnie pour faire le service? Je réalise très bien, quand je vous ai dit tantôt que M. Forget, son article 1, je le trouvais encore plus ambigu que le précédent, ce n'est pas pour rien.

Il reste que M. Lazure s'est clairement engagé à faire en sorte que, si les médecins tentent de contourner l'article 1, il était peut-être même prêt à changer la loi, s'il le faut, et de faire en sorte que le médecin joue son rôle, qu'il soit payé pour sa consultation, qu'il soit payé pour l'acte qu'il pose et que le physiothérapeute soit payé pour l'acte qu'il pose, ou du moins, qu'il n'y ait pas de possibilité de contourner le système, encore une fois.

Il y a eu des paroles qui ont été dites, mais les gestes n'ont pas suivi. Remarquez que nous sommes encore confiants, malgré tout. Je dois vous signaler que, par le passé, nous avions rencontré les gens responsables du temps. On nous avait fait beaucoup de promesses à ce moment et, pendant des années, rien ne s'était déroulé. Nous considérons que c'est un dossier chaud et difficile. Nous en sommes conscients. Nous croyons à la possibilité que, finalement, on devrait arriver à une solution. En fait, ce que je veux tout simplement vous dire, c'est que nous croyons que le ministre des Affaires sociales ne nous a pas dit des paroles en l'air, mais on a hâte que les gestes suivent les paroles.

M. Saint-Germain: Vous savez, avec la coopération médicale ou l'ordre médical... C'est une vieille profession, la médecine, aux traditions bien

établies, qui a un prestige et qui est capable de faire des pressions. Je ne dis pas que ces pressions sont nécessairement négatives; mais négatives ou positives, les positions se font sentir et elles peuvent mettre dans un état d'insécurité bien des hommes en autorité; et ceci, quels que soient les gouvernements, surtout si un groupe de phy-siothérapeutes a peut-être perdu, comme vous l'avez mentionné, un peu de crédibilité. Cela ne nous aide pas comme groupe, si certains thérapeutes ont perdu une certaine crédibilité. De toute façon, puisque vous avez eu cette promesse, il me reste à souhaiter que le ministre comprenne bien votre problème, parce que, pour un homme qui a une profession, un gagne-pain, et qui se voit assis entre deux chaises, comme vous l'êtes, c'est certainement inhumain. Cela place toujours ces citoyens dans des positions excessivement inconfortables. Ce sont toujours des situations injustes pour l'individu qui a à subir ces préjudices. Je vous souhaite bonne chance.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Pointe-Claire.

M. Shaw: Je connais bien votre situation, parce que même dans ma bâtisse, à Montréal, en face du Lakeshore General Hospital, nous avons un centre de physiothérapie qui est presque fermé à cause de la décision d'enlever le droit, même aux médecins qui pratiquent l'orthopédie, pour donner le pouvoir de fournir des soins de physiothérapie aux physiatres, c'est incroyable. Vous savez comme moi que c'était une décision du FMOQ qui a été un pas de leur convention collective. Je peux constater la situation.

Le gouvernement doit faire face à la vérité en ce sens que les services que vous donnez sont très importants dans le domaine des accidents d'automobiles. Pour garder la même qualité dans les services qui sont actuellement rendus à la population par le secteur privé, nous avons besoin d'accepter que la Commission des accidents du travail respecte le fait que vous donniez ces services à la population. Cela, c'est une première étape, parce que, si le projet de loi est accepté comme prévu, c'est important que les Québécois accidentés aient accès au service de physiothérapie.

Mais si on accepte la situation qui existe présentement avec la Commission des accidents du travail, vous savez comme moi que ces services ne sont pas payés, sauf qu'ils sont donnés à l'hôpital ou par un physiatre. Je suis totalement d'accord avec votre situation. Personnellement, je crois que c'est important de proposer à la Commission des affaires sociales et je vais prendre votre position, parce que je suis convaincu que les services des physiothérapeutes doivent être payés.

Je dois vous poser une question en même temps. Vous savez comme moi qu'il n'y a pas d'autres "paramedicals" qui sont payés à l'acte. Est-ce que vous croyez qu'il y a un autre moyen d'avoir un revenu?

M. Lamarche: Je vous remercie d'avoir posé la question. C'est certainement un problème très délicat, cette question de rémunération à l'acte, à la vacation ou à salaire.

Evidemment, comme fédération, en principe, on se doit, et moi comme président, de défendre la question de la rémunération à l'acte, mais je vous dis que, s'il y a moyen d'en arriver à des ententes claires qui permettraient d'avoir nos pratiques privées avec une certaine forme de revenu correspondant au moins à l'échelle de l'hôpital, à l'échelle de la convention collective dans le milieu hospitalier, moyennant évidemment une certaine compensation pour les investissements qui furent et qui seront faits par les physiothérapeutes impliqués personnellement, je serais certainement prêt à étudier très sérieusement un tel genre de possibilité. Je dois vous dire qu'au niveau de notre exécutif, c'est une des questions à l'ordre du jour, non pas de notre prochaine réunion, mais qui est à l'étude pour notre dernière année de mandat.

Je ne vous dis pas que je m'engage sur la question d'une entente; j'ai quand même des membres à qui je dois faire faire de telles remarques, mais je dois vous avouer qu'on est prêt, je le pense bien, à se pencher sur cette question. Ce qu'on demande, c'est de faire en sorte que la population puisse utiliser nos soins, qu'on ne vive pas dans un contexte insécure et qu'on puisse quand même continuer à remplir nos fonctions dans un milieu que nous considérons agréable. Je veux bien que vous me compreniez, à savoir que je n'ai absolument rien contre le système hospitalier comme tel. Ce que je veux vous dire tout simplement, vous le connaissez; je ne sais pas quelle tendance le gouvernement prendra, mais si c'est une tendance socialisante, j'aimerais bien que ce soit socialisant pour tout le monde. Il ne faudrait quand même pas qu'il n'y ait que quelques petits groupes qui soient toujours impliqués dans la question socialisante et que les autres, qui sont plus forts, passent à côté, et il n'y a pas de problème.

Ce que je veux vous dire tout simplement, c'est que le milieu hospitalier et le milieu privé ont leur place. Le milieu privé permet à l'individu d'offrir un meilleur service plus tard s'il le désire, après les heures. Le milieu privé permet à l'individu d'aller chercher les appareils qu'il désire, les appareils qui sortent sur le marché, qui sont les plus récents. Vous allez dire: Le milieu hospitalier pourrait le faire aussi. Je vais vous donner un exemple. L'hôpital Saint-Luc, à Montréal, où le président des physiatres, qui sont des médecins qui ont quand même une compétence et une valeur, n'a même pas encore d'appareil qu'on appelle néodynator, qui est sur le marché depuis au moins une vingtaine d'années. Ce n'est pas concevable qu'un hôpital, avec un centre de physiothérapie comme ça, n'ait pas encore cet appareil. Chez moi, je l'ai, parce que je sais que cet appareil est important; ça me donne des résultats. Je vous donne un exemple entre un milieu privé où vous faites face à une certaine concurrence, vous voulez vous valoriser comme professionnel, vous voulez obtenir des résultats, et face à un milieu hospitalier. Je vous laisse le soin de

réfléchir sur ces idées, mais va-t-on toujours remettre en question la socialisation ou l'orientation capitalisante, appelez cela comme vous le voulez, ou l'orientation privée, devrais-je dire. Je vous donne simplement cette situation, c'est que si, pour nous, il y a moyen d'offrir notre service, notre service soit facilement accessible. C'est ce qu'on désire avant tout.

M. Shaw: Une autre question qui est encore importante. Vous travaillez maintenant sur ordonnance d'un médecin, est-ce vrai?

M. Lamarche: II faut, encore là, sans faire de sémantique, bien clarifier cette situation. Le Dr Roy était ici tantôt, je ne savais pas qu'il était ici; on a souvent parlé, le Dr Roy et plusieurs physiothéra-peutes, de cette question. Je vous remercie de soulever cette question, elle est très importante et très pertinente.

Le médecin omnipraticien — je donne des exemples — a un cours de 117 crédits universitaires à l'Université Laval. Le physiothérapeute a un cours de 104 crédits universitaires à l'Université de Montréal. Je fais le parallèle simplement pour vous situer. Là où il y a une grosse différence dans la durée des études, c'est que les omnipraticiens ont une année et demie d'internat alors que nous n'en avons que quatre mois. Ceux qui le veulent peuvent poursuivre des études par après. Pourquoi vous dis-je cela? C'est que ma compétence me donne la possibilité de bien comprendre mon acte thérapeutique. Quand j'ai un patient devant moi, j'ai assez de "jugeote" et j'ai des confrères qui ont assez étudié, qui ont fait de la recherche, pour me dire: Ce gars-là, pour le ramener au plus vite, cela prend tel genre de thérapie. Ce que je veux dire, c'est que, finalement, on ne traite pas sur ordonnance comme telle, on traite sur référence. On dit au médecin: Posez le diagnostic, vous avez une compétence pour poser le diagnostic, faites la thérapie biochimique, vous avez une compétence en ce qui concerne la prescription des médications". Cela peut se faire en collaboration, remarquez bien, parce qu'il y a possibilité pour n'importe quel patient d'aller chercher des médicaments à la pharmacie, si c'est nécessaire, comme des relaxants musculaires. Vous posez le diagnostic et le physiothérapeute, dans sa compétence thérapeutique pose le traitement. Evidemment, la médecine a de la difficulté à accepter cela, et je me souviens d'avoir discuté de cela avec le Dr Roy. S'il était ici, je le répéterais et je le répéterai devant lui; si jamais l'occasion se représente et si c'est nécessaire. C'est que si le médecin veut aussi être physiothérapeute, qu'il ajoute trois années à ses études. Les gars riraient, c'est entendu, dans le contexte actuel, mais c'est tout de même cela. J'ai trois années d'études sérieuses, approfondies, dans mon domaine. En ce qui concerne le système musculosquelettique, je ne vous donne que l'exemple de l'anatomie de la neurophysiologie. Les physiothérapeutes ont plus de formation là-dedans que les médecins n'en ont. Cela fait mal de constater que des non-médecins dans le monde de la santé sont compétents dans un domaine précis qui s'appelle la musculosquelettique et qui peuvent dire au médecin: Ecoute, dans un cas comme celui-là, c'est de la glace que je vais mettre, je ne mettrai pas de chaleur. Dans un cas comme celui-là, je ne ferai pas de traction. Ce que je veux dire, c'est que nous travaillons sur référence et diagnostic des médecins et non pas sur l'ordonnance détaillée des médecins. Alors, vous allez probablement amener la question légale de la responsabilité. On a des conseillers juridiques à la Fédération professionnelle des physiothérapeutes. Ils nous ont dit: Le physiothérapeute, dans le milieu privé — je dis cela sous réserve, mais c'est l'interprétation que j'ai pu voir, lorsque j'ai lu cette argumentation des conseillers juridiques — quand il décide de poser un acte thérapeutique, que le médecin lui envoie un patient, que ce patient lui est référé par un médecin, est responsable de l'acte thérapeutique qu'il pose.

Si j'ai posé un acte thérapeutique qui n'était pas indiqué, c'est moi qui en suis responsable. Evidemment, il y a là des interprétations difficiles, parce qu'on a un titre réservé, on n'a pas d'acte exclusif. Je vous signale encore, pour votre information, qu'il y a aussi des techniciens en réadaptation au niveau collégial et les médecins physia-tres disent: On n'a pas besoin des physiothérapeutes au niveau universitaire, ce sont des gens superformés. Les techniciens sont aussi bons. Faire un ultra-son, il n'y a rien de bien compliqué là-dedans. Pourquoi vous le faites, c'est là la question. Les médecins physiatres disent: Les physiothérapeutes au niveau universitaire, ce n'est pas nécessaire, les techniciens font bien ce qu'on leur dit de faire, on peut continuer avec eux, on va continuer comme cela et on fera des administrateurs avec les physiothérapeutes. Ils feront de la recherche.

Je vous dis, comme physiothérapeute, que ce sont des cliniciens que cela vous prend. Ce qui est important, ce n'est pas de donner 100 traitements ou 50, c'est d'en donner 10 et que le patient guérisse au maximum. C'est un clinicien, c'est un praticien de la santé dans le domaine musculosquelettique dont on a besoin et, en fait, je pense que, dans cette orientation-là, avec les médecins, particulièrement le Collège des médecins, au niveau du Dr Roy, il y a un peu de conflit. Mais je tiens à vous signaler qu'au niveau de la Fédération des médecins omnipraticiens, au niveau de la Fédération des médecins résidents et internes, on semble très bien s'entendre sur cette orientation, jusqu'à un certain point. On va s'entendre sur cette question.

M. Shaw: Alors, dans le bill 67, les implications, premièrement, c'est que les accidentés doivent avoir accès à vos services et, deuxièmement, c'est évident que, maintenant, les hôpitaux sont surchargés de cas. C'est pour cela qu'il y a des cliniques privées. Même avec ceux qui ont accès aux hôpitaux sans frais, vous avez des patients dans vos bureaux parce qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir des services à l'hôpital. Est-ce que c'est vrai?

M. Lamarche: Si vous me le permettez, il y a deux raisons. Il y a celles que vous mentionnez. Les hôpitaux sont surchargés. Si on exploitait adéquatement le service de physiothérapie d'un hôpital, seulement pour les patients hospitalisés, déjà, les physiothérapeutes seraient débordés. Evidemment, s'il y avait une exploitation adéquate du service. Je suis content que vous souleviez la question, encore une fois, parce que je sais que M. Sauvé va vous répondre, Mme le ministre, de la façon suivante: L'orientation de la CAT, c'est d'ouvrir les hôpitaux le soir. C'est bien beau, il y a des ententes signées. Je pense qu'il s'agit de Sacré-Coeur, l'Hôtel-Dieu et Notre-Dame, et peut-être Saint-Luc. Avec ces ententes signées à ces endroits-là, peut-être qu'on va ouvrir le soir. Mais il ne faut pas se leurrer. Le gars qui est à Saint-Eustache, qui travaille à la General Motors, qui s'est fait mal à l'épaule et qui décide qu'il a besoin de soins de physiothérapie, mais qui ne veut pas manquer sa journée de travail — c'est un cas d'accident de travail, et cela s'applique aussi au Code de la route — ce gars-là fait sa journée et il a besoin de physiothérapie le soir.

M. Sauvé va vous dire: On va ouvrir les hôpitaux le soir. Mais il va arriver que la CAT ou la Régie de l'assurance automobile va payer le taxi de ce gars-là pour le promener de Sainte-Thérèse à Montréal ou à Cartierville, parce que, le soir, c'est ouvert, et les soins vont être gratuits pour lui à l'hôpital. Par contre, on va être obligé de payer son taxi pour le rendre là. Il y a là un système qui ne va pas. Il y a une incohérence. Il y a même une incohérence plus grave. Dans la présente Loi des accidents du travail, on se trouve dans une drôle de situation. L'article 48.8 dit: Aucun honoraire ni aucune dépense pour l'assistance médicale prévu par la présente loi ne peut être réclamé d'un ouvrier qui subit un accident au sens de la présente loi, et nulle action à cette fin n'est reçue par aucune cour de justice. Ce que je veux vous dire, c'est que cela s'applique encore pour la Régie de l'assurance automobile si jamais vous alliez dans le même sens que la politique de la CAT.

Présentement je travaille en face de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Je reçois un patient qui arrive à mon bureau, référé par un médecin avec un diagnostic. C'est un cas d'accident de travail. Le gars marche tout croche, il a de la difficulté à avancer, il va à l'hôpital à côté, et on ne peut pas le recevoir, les services sont débordés.

Selon la loi je ne peux même pas le recevoir non plus pour le traiter, je n'ai pas le droit d'exiger des honoraires. La CAT ne me paye pas pour les traitements, la CAT refuse de le rembourser pour les traitements de physiothérapie qu'il accepterait de payer. En principe, je suis obligé de dire à ce gars-là: Mon vieux, ton mal de dos, endure-le. Je ne le fais, entre nous, je ne le fais pas.

C'est un fait, mon premier rôle est quand même d'aider ce bonhomme. Il reste que, présentement, c'est ce qui existe, on est quasiment coincé, on ne peut même pas rendre le service pour lequel on est compétent. Vous avez la situation, c'est l'article 48.8 qui nous oblige...

Je parlais justement la semaine dernière avec M. Néron de cette question. Il y a une relation entre la chiropractie et la physiothérapie. On travaille à peu près dans les mêmes domaines. Présentement, la CAT a décidé de payer les traitements de chiropractie s'ils sont sur ordonnance ou prescription médicale, toujours en mettant le terme entre guillemets.

J'ai dit à M. Néron: Pourquoi ne faites-vous pas la même chose avec les physiothérapeutes qui ont des cabinets privés? Nous aussi, on a fait des investissements et on est dans le même contexte. Il a dit: Les chiropracticiens sont seulement dans le milieu privé, eux, et vous êtes dans le milieu public. Cela n'arrange rien pour nous qui nous retrouvons dans le milieu privé. Nous aussi, on est là, qu'on le veuille ou non. Nous aussi, on est impliqué. Dans le contexte présent, il y a encore une ambiguïté.

M. Shaw: Une dernière question. Je le trouve aussi intéressant parce que 90% de ceux qui ont des accidents qui impliquent une cassure de l'os ont besoin, idéalement, des services des physiothérapeutes. Maintenant, vous prenez soin de combien d'entre eux, 10%, 15%?

M. Lamarche: Tantôt, vous avez mentionné une raison pour laquelle on avait encore des patients. Il y en a une autre aussi. Le patient qui vient chez nous, il paye $10, $12 ou $15 pour le traitement, alors que c'est gratuit ailleurs. Pourquoi vient-il chez nous?

D'accord, il y en a qui sont quand même couverts par un certain système d'assurance présentement, mais ce n'est pas tout le monde qui a des assurances privées. On voit quand même que le milieu des assurances privées veut couvrir de plus en plus la question de la physiothérapie.

Il vient chez nous parce que je suis obligé de lui donner un très bon service de physiothérapie. Même si c'est gratuit ailleurs, dans les cabinets de certains physiatres... Remarquez que l'argument peut être servi à l'inverse: Si les physiatres étaient là, ils vous diraient qu'ils ont eu des patients venant des cliniques privées chez eux. Remarquez que c'est gratuit chez eux de toute façon. Mais ils pourraient vous donner comme raison que ce n'est pas notre compétence qui les attire. Je vous garantis que j'ai quatre ou cinq patients présentement qui pourraient aller chez desphysiatres où c'est gratuit et qui préfèrent venir chez nous et payer leurs traitements pour obtenir les soins.

Sur le plan des statistiques et du pourcentage des cas de fracture dont vous parlez justement, je regrette, je n'ai pas de réponse précise. Tout ce que je peux vous dire — c'est purement un détail, mais je vous le dis — une fracture doit être traitée dans les plus brefs délais, dès qu'il y a commencement de fusion de l'os.

Ceci peut être fait dans les deux à trois semaines qui suivent la fracture dans le plâtre. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous qui ont vécu l'expérience d'un plâtre, mais l'atrophie d'un muscle, cela vient vite. Si on est capable de commencer

notre thérapie immédiatement lorsque le patient est dans le plâtre et lui enseigner ses exercices en isométrique, on peut obtenir des résultats et peut-être sauver deux ou trois semaines, peut-être quatre semaines, pour ce bonhomme, pour son retour au travail, et sauver énormément de problèmes de douleur.

Ce que je vous dis simplement, c'est que vous avez des physiothérapeutes qui sont là. Il y a une compétence possible encore meilleure que celle que nous avons à aller chercher, et sacrifice! On est là, on vous l'offre, et si la société ne se décide pas à la prendre, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse? Je vais m'en retourner avec mes petites choses et je vais essayer de gagner ma vie, toujours dans le domaine de la physiothérapie. Je réponds à votre question de cette façon.

Le Président (M. Boucher): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aimerais offrir à nos invités toute notre sympathie pour leurs multiples démarches dans le passé. C'est un des premiers dossiers dont j'ai été personnellement saisi après le 15 novembre. Il m'est arrivé d'écrire deux ou trois fois au ministre Lazure pour essayer de régler cela.

Je constate que le problème est réglé en partie, en ce qui concerne les actes posés par les physiatres, mais qu'il reste encore énormément de problèmes à régler. J'aimerais simplement vous poser deux petites questions relatives à la loi 67.

Vous avez combien de cabinets de pratique privée actuellement au Québec et cela touche combien de personnes?

M. Lamarche: II y a présentement 30 cabinets de physiothérapie appartenant à des physiothérapeutes. Je vous donne les statistiques les plus récentes, mais avec une marge d'erreur d'un ou deux en plus ou en moins. Cela peut toucher approximativement, en moyenne, par jour, trente fois de vingt à vingt-cinq patients. Je parle des cabinets en question. Vous multipliez cela par trois jours, supposons, parce qu'il y a des patients qui viennent deux ou trois fois dans une semaine. En multipliant par trois... Je n'ai pas fait les statistiques, je vous les donne de mémoire et approximativement.

M. Paquette: Est-ce que vous pouvez nous dire également quel pourcentage des cas que vous traitez provient d'accidents d'automobiles?

M. Lamarche: J'oserais dire environ 20%, deux cas sur dix.

M. Paquette: D'accord. C'est tout, M. le Président.

Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autres intervenants... M. le député de Champlain.

M. Gagnon: Juste une petite question. Est-ce que j'ai bien compris que vous avez mentionné que, maintenant, les physiatres ne pouvaient pas faire fonctionner plusieurs cliniques en même temps?

C'était le cas, à un moment donné, quand j'ai eu l'occasion d'être soigné par des physiothérapeutes. Est-ce que c'est changé?

M. Lamarche: Ce que les physiatres savent, c'est que le ministère a décidé de régler ce problème. Les physiothérapeutes le savent aussi. Ce que les physiatres savent de l'interprétation du ministère, c'est que le physiatre va accomplir l'acte lui-même. Accomplir l'acte lui-même, cela veut dire participer. Les physiatres ne le font pas, ils ne le font pas du tout; en grosse majorité, ils ne posent pas l'acte.

Par contre, ils savent que, pour poser l'acte, en principe, ils doivent être présents et, comme ils ne peuvent pas être présents à une clinique et à un autre, à ce moment-là, ils ont fait en sorte de se débarrasser d'une clinique, ils n'en ont gardé qu'une. Je sais que, dans certains cas, au lieu d'avoir une clinique à un étage, c'est une clinique à trois étages, mais ils sont présents.

Ce que je veux dire, c'est qu'on a éliminé la question de multiples propriétés en ce qui concerne les cabinets de physiothérapie et de physiatrie, mais, par contre, le système continue toujours et les actes ne sont pas posés et les gens bénéficient de la "castonguette" à ces endroits. Je vous dis que le système roule encore, malgré tout.

M. Gagnon: Vous avez parlé d'une possibilité de traiter de 20 à 25 clients par jour, de malades par jour, ce qui veut dire que, si vous participez à l'acte ou au traitement, c'est le maximum a peu près possible.

M. Lamarche: Si on veut donner un service adéquat, c'est un maximum.

M. Gagnon: Ce qui veut dire que, si vous participez à l'acte ou au traitement, c'est le maximum à peu près possible.

M. Lamarche: Si on veut donner un service adéquat, c'est un maximum, absolument.

M. Gagnon: Ce qui voudrait dire que, selon vous, celui qui traiterait beaucoup plus de patients que cela, on peut avoir des doutes sérieux qu'il ne pose pas l'acte lui-même.

M. Lamarche: Si vous saviez, je ne vous montrerai pas toute la correspondance que j'ai, parce que je ne sais pas combien de fois j'ai écrit à M. Lazure sur cette question. J'ai même suggéré à la Régie de l'assurance-maladie et à la CAT de compter elles-mêmes.

En fait, le chef de cabinet de M. Lazure, dans une lettre, me dit: J'attends toujours vos remarques sur des faits concrets et précis de violation de la loi. Je ne suis pas un système d'enquête. Il faut que je gagne ma vie. Je ne peux pas

commencer à nommer trois ou quatre de mes "chums" et à dire: Va à telle place ou à telle place. Finalement, je pense que la Régie de l'assurance-maladie est là pour faire les enquêtes. Même, dans la brochure publicitaire qu'elle envoie toutes les semaines, à un moment donné, il y a eu un article sur l'efficacité du système d'enquête de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Je vous avoue que je n'en ai pas encore les preuves, que j'ai hâte de les voir et que je vais être content de le dire.

Pour répondre à votre question, c'est exact; à mon point de vue, 20 à 25 patients par physiothé-rapeute par jour, par journée de travail, c'est un maximum, approximativement. Je ne peux pas vous dire si j'en fais 28 dans une journée, parce que j'ai trois patients qui arrivent et qui ont bien mal dans le cou, mais je vous donne un point de vue approximatif.

M. Gagnon: Moi aussi, je souhaite, de toute façon, que le problème se règle le plus tôt possible. Merci.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.

M. Renaud (Claude): Est-ce que je pourrais ajouter quelque chose?

Mme Payette: Vous parlez, vous?

Le Président (M. Boucher): Si vous voulez approcher votre micro, s'il vous plaît!

M. Renaud: Cela fait tellement de fois que je me fais dire cela que... Je voudrais ajouter deux choses: D'abord, présentement, nous avons la possibilité de traiter des accidentés de la route. Si maintenant vous utilisez la même procédure pour les accidentés d'auto que pour les accidentés de travail, on vient de les perdre, premièrement. Donc, ces gens, au lieu de gagner quelque chose, vont perdre quelque chose, selon moi, parce que l'hôpital est plein.

Deuxièmement, si nous demandons de traiter les patients, dites-vous toujours que nous ne sommes pas là pour abuser et traiter le patient sans contrôle. Car nous le savons, nous devons retourner le patient à son médecin qui, lui, contrôle, vérifie et décidera si oui ou non les traitements sont justifiés. Bien entendu, on va donner notre avis, mais il est très important que vous sachiez que nous sommes toujours soumis à un contrôle. Si un jour vous nous donnez la possibilité, si ce n'était que de traiter les cas d'accidents d'auto, il ne pourrait jamais y avoir d'abus, car nous sommes tenus le plus possible de travailler d'après des références médicales et nous devons toujours retourner le patient en vue d'un contrôle. Nous ne sommes pas ici pour venir chercher un abus, mais sachez que nous nous imposons un contrôle. J'ai dit ce que j'avais à dire.

M. Lamarche: Vous me permettez de vous remercier. Je vous remercie tout le monde. Mon simple petit détail, c'est que le système de Medi-caid aux Etats-Unis couvre les traitements de CAT pour les physiothérapeutes. Je vous remercie beaucoup.

Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, simplement pour remercier à nouveau nos invités pour l'information qu'ils nous a apportée. Certains députés étaient parfaitement au courant. Ils ont peut-être perdu trace du dossier, mais je pense que vous venez de le remettre sur la table.

M. Lamarche: Je vous remercie.

Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de la commission, je vous remercie pour la présentation de votre mémoire.

Maintenant, pour l'information des membres de la commission, la commission ne siège pas demain. Elle siégera possiblement mardi. Nous entendrons les mémoires du Garage coopératif de Québec; ensuite, celui du Syndicat des fonctionnaires et celui de la CSN qui demandent, par message, de les recevoir dans le courant de la semaine prochaine. Ce sont les trois mémoires qui restent à entendre.

M. Lalonde: M. le Président, vos dernières paroles indiquent qu'il n'y a pas d'autre mémoire et pas d'autre invité après ceux-là.

Le Président (M. Boucher): Non.

M. Lalonde: Est-ce que, d'après vos informations, ce sera mardi matin ou après l'ouverture de la séance?

Mme Payette: M. le Président, mon souhait serait que ce soit mardi matin. Nous devons attendre un ordre de la Chambre demain.

M. Shaw: M. le Président, est-ce que nous pouvons être renseignés? Je suis membre de la commission qui fera l'étude du projet de loi no 24. J'ai entendu dire que nous allions commencer à entendre des mémoires mardi. Si on commence dans la matinée, ce sera mieux, parce que j'aime bien être ici pour le premier de ces trois...

Mme Payette: M. le Président, à ma connaissance, je crois qu'il sera proposé qu'on siège mardi matin à 10 heures.

M. Shaw: D'accord, parfait.

Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 2)

ANNEXE 1

W.F. Gough M.D.,

2355 Hemmings Road,

Drummondville, P.Q.

J2B-7T5.

September 15th 1977. Secretariat,

Parliamentary Commissions, Room 2, Bldg "A", Parliament Bldgs, Quebec, P.Q. DearSir' Re Bill No. 67 "Automobile Insurance Act".

As a sufferer from arthritis, I find it necessary to leave the province on the onset of the cold weather.

Therefore, although I may not be able to present myself before your committee, I wish you to take notice of my viewpoint, and see that it is presented to the Committee.

My present insurance, which has all coverance, covers me from May 1st to May 1st. However, owing to my absence from the Province during the late autumn and winter months, my insurance, with the exception of "Fire and Theft Insurance", is cancelled from Nov 1st to May 1st, and I receive a rebate, applicable to the next year's insurance.

During the winter months, I take out the battery, place it in the cellar, leave my car in a locked garage, and the car cannot be taken out.

Why then, under Bill No. 67, should I have to pay insurance to the Province of Quebec, for the whole year?

I believe there are many thousands of Quebec residents, particularly the older ones, who leave the Province for the winter. The time varies, but many of them leave for the entire six months.

Why then, do we have to pay insurance for the entire year?

My present policy, which I have had for some fifty years, now makes allowances for the fact that I do not use my car from Nov 1st to May 1st of the succeeding year. Will Bill 67, take this into account and allow people like myself to obtain a rebate of six months, upon placing our cars in an inoperative condition, in a locked garage?

If your committee has not yet given this matter their attention, I beg of you to place my views before the committee, since I am afraid I shall not be here when the hearings are held.

I would remind you that I am a taxpayer, and have been resident in Quebec for fifty years, and have therefore paid more taxes than many of your members, or your P.Q. Parliamentary representation.

Yours truly, W.F. Gough. M.D.

QUEBEC, October 11, 1977.

Mr. W.F. GOUGH, m.d., 2355 Hemmings Road, Drummondville, Que. J2B7T5

Dear Sir:

On behalf of madame Lise Payette, minister of Consumer Affairs, Cooperatives and Financial Institutions, I acknowledge receipt of your letter dated September 15, and we apologize for the delay in answering your letter of August 19.

We can assure you that steps will be taken allowing for temporary suspension of automobile insurance and since control of compulsory insurance is tied to the insurance of licence plates, it is likely that we will request that licence plates be returned on this occasion.

Enclosed is an Automobile Insurance Reform "brochure". Yours truly, Jacques DESMARAIS Executive Assistant

AN N EXE II

Mémoire de la

Corporation professionnelle des médecins du Québec à la Commission parlementaire

sur le Projet de Loi 67 Loi sur l'Assurance automobile

le 30 septembre 1977

Mémoire de la Corporation professionnelle des médecins du Québec

sur le projet de Loi no 67 — Loi sur l'Assurance automobile

La Corporation professionnelle des médecins du Québec a pris connaissance du projet de loi no 67 et son attention a été attirée en particulier sur les articles 63, 64 et 66 de ce projet de loi.

Ce sont là les seuls articles sur lesquels le devoir de la Corporation de protéger le public l'incite à formuler des commentaires.

Article 63

L'article 63 énonce que l'examen médical par le médecin désigné par la Régie doit se faire suivant "les formalités prescrites" c'est-à-dire suivant les formalités prescrites par règlement de la Régie (art.1, par.22).

La Corporation estime très important que ce règlement ne puisse être adopté sans un préavis d'au moins 30 jours publié dans la Gazette Officielle du Québec en reproduisant le texte afin que, le cas échéant, les médecins, la Corporation ou les membres du public puissent formuler des suggestions à son égard. Il semble que ce soit là le sens de l'article 177 du projet de loi. Mais cela n'est pas très clair. En effet on peut très bien interpréter l'article 177 comme ne référant qu'aux règlements dont il s'agit à l'article 176 où on ne retrouve pas celui concernant les formalités des examens médicaux. La Corporation souhaite donc que ce point soit clarifié.

Article 64

Les seconds commentaires de la Corporation portent sur l'article 64. La Corporation estime que la rédaction de ce texte est beaucoup trop large. Il permet à la Régie d'obtenir des informations sur tous les problèmes de santé d'un réclamant, présents ou passés, qu'ils soient reliés ou non à l'accident, qu'ils soient reliés ou non à l'incapacité pour laquelle il réclame.

La Corporation est d'avis que ce texte fait outrage au principe du respect de la vie privée proclamé à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et qu'il n'est nullement besoin d'aller aussi loin pour permettre à la Régie d'apprécier les incapacités ou de les réévaluer. D'ailleurs si cet article était pris à la lettre il obligerait tous les médecins qu'un réclamant a pu consulter lors du déroulement de sa vie jusqu'à l'accident pour lequel il réclame, d'envoyer des rapports à la Régie, ce qui est évidemment confier aux médecins une obligation impossible à remplir. La Corporation recommande donc que la première phrase de cet article 64 soit restreinte aux seules consultations en rapport avec l'accident survenu.

Quant à la seconde phrase la Corporation souhaiterait également la voir restreinte aux seuls rapports médicaux qui peuvent avoir trait à une incapacité antérieure ayant un effet sur l'incapacité réclamée par la victime de l'accident automobile. La Corporation croirait que le meilleur moyen pour atteindre cette fin serait d'assujettir le droit de la Régie d'obtenir "tout autre rapport médical" au consentement du réclamant ou à défaut, à l'autorisation judiciaire.

La Corporation note en passant que la dernière phrase de cet article 64 est ambiguë; grammaticalement elle peut s'interpréter de telle sorte que la Régie puisse obliger un médecin à lui fournir un rapport hospitalier, ce qui bien sûr s'avère une impossibilité juridique: seul un centre hospitalier a la garde des dossiers hospitaliers et un médecin n'a aucun pouvoir en tant que médecin sur la conservation ou sur la transmission d'un tel dossier (Voir article 4.4.11 des règlements édictés en vertu de la Loi sur les Services de santé et les services sociaux).

Article 66

La Corporation préférerait que le mot "faits" à la première ligne de l'article 66 soit remplacé par le mot "fournis" pour être bien certain que cet article couvre tous les rapports transmis par un médecin.

La Corporation croit comprendre que l'article 66 énonce que ni la Régie, ni ses membres, employés, préposés ou fonctionnaires ne doivent révéler les renseignements obtenus par la réception des rapports médicaux concernés. Cependant la Corporation n'a trouvé aucun texte dans le projet de loi

qui précise ce devoir au secret comme le fait, par exemple, l'article 50 de la Loi de l'assurance-maladie (S.Q. 1970 c.37) à l'égard des membres, des fonctionnaires ou des employés de la Régie de l'assurance-maladie.

La Corporation ne peut manquer de souligner, à propos de la protection du caractère confidentiel d'informations, la très grande diversité et dissemblance des textes proposés dans les projets de loi récents. Ainsi l'article 66 du présent projet de loi diffère de l'article 26 du projet de loi no 9 (Loi assurant l'exercice des droits des personnes handicapées) et de l'article 55 du projet de loi no 24 (Loi sur la protection de la jeunesse). Les dissemblances qu'on retrouve dans tous ces textes ne peuvent que donner lieu à des interprétations variées d'une règle que le législateur, nous en sommes certains, veut unique. Aussi recommandons-nous que l'article 66 soit précisé d'une façon semblable à celle que l'on retrouve aux articles 50 et suivants de la loi de l'Assurance-maladie et qu'on assure une uniformisation des textes à cet égard.

Enfin ce même article 66 énonce que les rapports faits par un médecin à la Régie sont confidentiels et "à ce titre, ne peuvent donner lieu à une réclamation en dommages". La Corporation ne comprend pas très bien la portée de ce dernier membre de phrase. Veut-on dire que le médecin qui commettrait une faute professionnelle lors d'un examen médical ne pourrait pas être poursuivi en dommages par la personne qui subit un préjudice à raison de cette faute? Il nous apparaît injustifiable d'empêcher une personne lésée de poursuivre un médecin en dommages devant les Tribunaux civils sous prétexte que la faute a été commise lors d'un rapport adressé à la Régie. Serait-ce la Régie qu'on veut mettre à l'abri des poursuites? A défaut par le projet de loi de préciser l'étendue de l'immunité prévue à l'article 66 et l'identité des personnes qui doivent en bénéficier, la Corporation ne peut, pour l'instant, que recommander l'abrogation de ce membre de phrase.

Ces brefs commentaires sont faits dans l'intérêt public, pour assurer l'aspect confidentiel et la qualité des rapports médicaux et la bonne application de la loi. Nous soumettons respectueusement qu'il est important que cette Commission parlementaire les prenne en bonne considération.

Le Président-Secrétaire général, Augustin Roy, M.D.

Le 30 septembre 1977.

ANNEXE III

Fédération des Physiothérapeutes en pratique privée du Québec

Federation of private practice Physiotherapists of Quebec

La physiothérapie et le projet de loi no 67

Mémoire présenté à

Madame Lise Payette

Ministre

Ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, par

La Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec 217, rue Dufresne

Pont Viau, Laval, Québec. H7G 3X3

OCTOBRE 1977

La Loi no 49 stipule à l'article 2b que la Régie de l'assurance automobile du Québec peut conclure avec la Commission des accidents du travail de Québec un contrat de service aux fins de déléguer à cette dernière certaines fonctions reliées aux demandes d'indemnisation pour dommages corporels qui pourront être présentées en vertu de ce régime.

Le projet de loi no 67 stipule à l'article 46 qu'"Une victime a droit dans tous les cas, sans limite de temps et dans la mesure où ils ne sont pas déjà couverts par un régime de sécurité sociale, au remboursement des frais raisonnables occasionnés par la suite d'un accident pour des soins médicaux et paramédicaux, le transport par ambulance ou autrement en vue de recevoir ces soins, l'achat de prothèses ou d'orthèses et le remplacement de vêtements. La victime a droit aussi au remboursement des autres frais de même nature autorisé par la Régie".

A l'article 47, il est mentionné que "La Régie peut prendre les mesures nécessaires et faire les dépenses qu'elle croit opportunes ou convenables pour faciliter aux victimes la reprise du travail, contribuer à leur réadaptation et atténuer ou faire disparaître toute incapacité résultant d'un dommage corporel".

La Fédération des physiothérapeutes en pratique privée du Québec se doit d'informer le ministre sur la situation de la pratique de la physiothérapie en milieu privé et sur les relations qui existent entre le monde de la physiothérapie et la Commission des accidents du travail du Québec.

Il faut à tout prix signaler ici l'importance des soins de physiothérapie pour les accidentés de la route. L'accessibilité à ces soins rapidement est une nécessité qu'il ne faut pas négliger.

Il est donc important de constater que la politique de la CAT. face à la physiothérapie est de diriger les patients vers le secteur public, c'est-à-dire, les centres hospitaliers et les centres de réadaptation.

Nous considérons que cette politique n'aidera pas véritablement l'accessibilité des soins pour les travailleurs et par surcroit pour les accidentés de la route. Lors de l'audition à la Commission parlementaire, nous pourrons élaborer sur cette question.

Nous tenons finalement à signaler qu'aucun Régime de sécurité sociale autre que l'assurance hospitalisation ne couvre les soins de physiothérapie.

Madame le ministre, il nous paraît important de discuter principalement des quelques points soulevés ici et toute autre question s'y rapportant. Permettez-nous de signaler que présentement les accidentés jouissent par le biais de leur assurance, de la couverture des soins de physiothérapie en milieu privé. Nous savons que la Commission des accidents du travail de Québec devra se soumettre à vos directives même si vos décisions ne correspondent pas à leur point de vue. Nous osons donc espérer vous convaincre de maintenir l'accessibilité à des soins gratuits en ce qui concerne la physiothérapie en milieu privé.

LA FÉDÉRATION DES PHYSIOTHÉRAPEUTES EN PRATIQUE PRIVÉE DU QUÉBEC,

Rolland Lamarche, Président

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