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Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance
automobile
(Dix heures dix minutes)
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et
messieurs!
La commission des consommateurs, coopératives et institutions
financières est de nouveau réunie pour étudier le projet
de loi no 67, Loi sur l'assurance automobile.
Les membres de la commission pour ce matin sont M. Beauséjour
(Iberville); M. Paquette (Rosemont) remplace M. Bisaillon (Sainte-Marie); M.
Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska)
remplace M. Goulet (Bellechasse); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet)
remplace M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue); M. Lefebvre
(Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette
(Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud).
M. Roy (Fabien): Présent.
Le Président (M. Boucher): Je l'attendais. M. Shaw
(Pointe-Claire) remplace M. Russell (Brome-Missisquoi); M. Saint-Germain
(Jacques-Cartier); M. Gravel (Limoilou) remplace M. Vaillancourt
(Jonquière).
A l'ajournement hier, nous en étions au mémoire du groupe
de l'Université de Montréal. Nous n'avions pas terminé.
Les membres avaient exprimé le voeu que ce groupe revienne, ce matin,
pour compléter les questions.
Je demanderais à M. Masse de bien vouloir prendre place.
M. Fontaine: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: ... je voudrais revenir sur une question. Hier, j'ai
fait une certaine intervention concernant les fonctionnaires.
M. Paquette: J'avais la parole, à la clôture. Je
peux bien revenir après mon collègue, mais j'étais au
milieu d'une question.
M. Fontaine: C'est une question de règlement. M.
Paquette: Je n'ai pas d'objection.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rosemont avait la parole. Cependant, c'est une question préliminaire,
que le député de Nicolet-Yamaska voudrait poser.
M. Paquette: Ah bon! d'accord. Très bien!
M. Fontaine: M. le Président, je voudrais revenir sur
l'intervention que j'ai faite, hier, à propos des fonctionnaires.
J'avoue que j'ai peut-être été un peu brusque
vis-à-vis des fonctionnaires qui sont derrière les
ministériels. On peut facilement accepter que les fonctionnaires
interviennent sur des questions techniques et, le cas échéant,
leur réponse apparaît au journal des Débats au nom du
ministre. La présidence doit accepter difficilement qu'un fonctionnaire
puisse intervenir sur la marche de nos travaux. C'était le sens de mon
intervention, hier. J'avoue que j'ai été un peu brusque. Cela m'a
piqué au vif, et je voudrais m'en excuser ce matin.
Mme Payette: M. le Président, je voudrais dire au
député de Nicolet-Yamaska que j'accepte ses excuses.
Effectivement, il avait probablement raison sur le fond de son intervention. Je
vais aller jusque-là aussi. L'exiguïté des lieux
c'est encore ainsi ce matin crée une sorte de familiarité
dans une commission parlementaire, qui ne se produit pas, en
général, quand nous sommes au salon rouge. Je veux bien
reconnaître que ça peut arriver. Le ton de son intervention
était inacceptable. C'est simplement ce que j'ai voulu relever.
Le Président (M. Boucher): Je prends bonne note des
observations du député de Nicolet-Yamaska.
M. le député de Rosemont.
Groupe de recherche en consommation de
l'Université de Montréal (suite)
M. Paquette: M. le Président, hier on était
à discuter de la possibilité de contrôle au niveau des
primes en ce qui concerne les assureurs privés. On en avait presque
terminé là-dessus, mais il y avait une dernière question
que je voulais vous poser. Vous avez dit que les articles du projet de loi
étaient peut-être insuffisants à cet égard.
Pensez-vous qu'on devrait procéder comme dans le domaine des
communications où la compagnie Bell Canada doit se présenter
devant un organisme du gouvernement fédéral pour faire augmenter
ses tarifs? Devrait-on aller jusque là dans le cas de l'assurance,
l'assurance étant un service essentiel, puisqu'on la rend obligatoire
pour tout le monde?
M. Masse (Claude): Ce en quoi nous considérons que le
mécanisme de tarification mis en place est en apparence insuffisant,
c'est dans le cas des mauvais risques. La loi veut s'assurer que la Corporation
des assureurs trouvera un assureur pour couvrir les mauvais risques, mais on ne
dit en aucune façon à quel prix, ou même si le coût
va être raisonnable. Dans ce cas il nous semble que si le surintendant
des assurances, dans ce cas particulier, n'a pas le droit d'intervenir, ce
droit d'obtenir de l'assurance de façon certaine risque d'être
extrêmement théorique.
Sur le fond de la question, il y a finalement deux choix: Ou on laisse
jouer le marché, la compétition entre les assureurs, ou on donne
au surintendant des assurances un pouvoir de tarification, de contrôle
des prix total, ce qui ne nous paraît pas souhaitable pour le moment.
Mais ce qui nous paraît cependant souhaitable, c'est que l'on s'assure
que les règles du marché jouent vraiment, que l'on assure la
publication des tarifs des compagnies d'assurances et que l'on divulgue
clairement, sur la place publique, les règles du jeu aux consommateurs
pour que ceux-ci puissent marchander les primes d'assurances et les assurances
entre les différents compétiteurs. Mais en aucune façon on
ne suggère actuellement d'instaurer un mécanisme lourd avec un
appareil bureaucratique où toutes et chacune des primes d'assurances,
où tous les tarifs seraient contrôlés. Cela nous
apparaît absolument inutile, d'autant plus que dans le cas de ces
mécanismes, comme pour Bell Canada, il s'agit d'organismes
monopolistiques ou quasi monopolistiques, ce qui n'est pas encore le cas,
heureusement, en matière d'assurances.
M. Paquette: D'accord, c'est clair. J'ai une dernière
question concernant la Commission des affaires sociales. Si j'ai bien compris
votre mémoire, vous voudriez voir maintenu le droit d'appel à la
Cour supérieure, mais dans certains cas seulement. Est-ce dans le cas
où la régie se verrait dotée de certains pouvoirs
discrétionnaires? Cela peut paraître plus indiqué
qu'ailleurs.
M. Masse: Nous ne voyons pas pourquoi on limiterait les appels
à la Cour supérieure pour des questions de droit seulement,
même pour la fixation du quantum. C'est peut-être un peu vague dans
notre mémoire à ce sujet-là. On voit un appel complet
à la Cour supérieure, ou la détermination de règles
beaucoup plus strictes sur l'indépendance des assesseurs actuellement de
la commission et la fixation absolue de règles de procédure, pour
protéger les assurés réclamants, pour protéger, par
exemple, leur vie privée et, notamment, le secret professionnel de ceux
qui vont être amenés à comparaître. Je pense qu'on
peut être d'accord pour dire que l'article 25 actuel est tout à
fait insatisfaisant et donne à la commission des pouvoirs tout à
fait exorbitants, lui permet, finalement de faire absolument ce qu'elle veut en
matière de règle de preuve à la commission.
M. Paquette: Pour bien saisir la nature de votre objection, c'est
une discussion très longue qu'on a eue avec les représentants du
Barreau également, si la Commission des affaires sociales devenait, par
exemple, à la limite, un véritable tribunal administratif
où les gens qui y siègent étaient en majorité ou en
partie des juges de la Cour supérieure, donc un tribunal administratif
spécialisé, est-ce que certaines de vos objections tomberaient?
Parce qu'il y a aussi le problème des délais. Vous ne craignez
pas que si l'appel à la Cour supérieure est possible dans tous
les cas, on allonge considérablement les délais de cour et les
frais de cour?
M. Masse: Ma première réaction là-dessus est
une réaction personnelle. Rendons la Cour supérieure plus
accessible, dotée d'une procédure plus rapide, avec des juges
mieux équipés, dans certains cas plus assistés, et on va
régler le problème. Si chaque fois qu'on se pose un
problème de procédure à la Cour supérieure ou aux
instances ordinaires, on leur enlève des juridictions entières,
complètes, par exemple, les tribunaux familiaux, les assurances
automobiles, le tribunal du travail, finalement, on risque de dégrader
le rôle tout à fait essentiel du juge dans la
société. Personnellement, je vois que, si on fait de la
Commission des affaires sociales un organisme qui a le même statut que la
Cour supérieure, qui a les mêmes règles
d'indépendance, pourquoi ne pas remettre la juridiction à la Cour
supérieure?
M. Paquette: Je pensais à la différence de
composition de la Commission des affaires sociales et d'un tribunal comme le
Tribunal du travail, par exemple. Il y a quand même un moyen terme entre
les deux.
M. Masse: II ne fait pas de doute à nos yeux, M. Paquette,
qu'il y a certains domaines...
M. Paquette: Je voulais dire que le principe de
l'indépendance du judiciaire et du législatif est quelque chose
d'extrêmement important. D'autre part, il y a une question
d'efficacité aussi des tribunaux. Il y a peut-être moyen de
combiner les deux préoccupations.
M. Masse: Cela ne nous paraît pas incompatible avec la
juridiction de la Cour supérieure.
M. Paquette: Je vous remercie, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Merci, M. le Président. Je voudrais vous
remercier, M. Masse, de l'intervention que vous avez faite hier.
C'est à cause de la qualité de cette intervention que j'ai
exprimé le souhait que vous reveniez ce matin, non pas que je veuille
repasser tout le témoignage que vous avez rendu à cette
commission, mais c'est simplement pour souligner quelques points et vous poser
quelques questions.
Tout d'abord, je pense que le député de Beauce-Sud l'a
rappelé hier, les principales préoccupations des gouvernements,
si on se rapporte au début de l'examen de cette question par les
gouvernements, la commission Gauvin en est probablement le début,
étaient au niveau de l'efficacité de l'assurance automobile, dans
la mesure où le régime actuel n'assure pas une indemnisation
complète et n'assure pas non plus une indemnisation rapide, et aussi, et
beaucoup, les
coûts. Parce que c'est idéalement possible d'avoir le
régime parfait, mais est-ce que la société serait
prête à payer ce genre de régime d'assurance automobile
parfait, mais qui coûterait cher?
Vous avez dit, je pense, quelque part hier, que le principal but
n'était pas de diminuer les coûts. Je ne veux pas vous chercher
noise là-dessus, je pense que votre préoccupation, comme groupe
de recherche sur la protection des consommateurs, doit élargir la
perspective de toute la question et aller jusqu'à l'efficacité du
service, à la justice du système et même s'étendre
aux coûts sociaux. Je comprendrais davantage que votre principale
préoccupation ne soit que la protection du consommateur, un service plus
juste, plus efficace, plus complet, si, comme dans le cas des vendeurs
itinérants, aucun coût direct n'était attaché au
service que l'on rend au consommateur.
Il y a sûrement un coût indirect quelque part; quand l'Etat
intervient pour protéger le consommateur à l'égard des
vendeurs itinérants, il y a un coût assumé par quelqu'un.
Mais il n'y a pas de coût direct assumé par le
bénéficiaire de qui on exige une prime dont le montant va
dépendre justement du coût du système.
Dans l'assurance automobile, je pense que c'est l'intention du
gouvernement, non pas de financer ce service à même les fonds
publics, mais de le faire financer par les bénéficiaires de ce
service.
Nous ne sommes pas très avancés à la commission
parlementaire sur le coût du projet qu'on nous propose. Le livre bleu,
les projets de loi nous ont permis d'avoir une idée claire
là-dessus. On nous a fait des indications, les journaux en ont fait
état. On nous a dit: Bientôt, on aura une évaluation, vous
saurez comment cela coûtera.
C'est un peu la raison pour laquelle j'aurais souhaité que votre
Groupe de recherche en consommation se penche sur cette question fondamentale.
Ce n'est pas un reproche que je vous fais, mais j'aimerais quand même que
vous me disiez pourquoi vous avez décidé de ne pas le faire.
J'imagine que la question vous est venue à l'esprit. J'aurais d'autant
plus aimé que vous nous donniez votre idée là-dessus;
jusqu'à maintenant, ce sont surtout des groupes intéressés
qui sont venus. Naturellement l'intérêt est la mesure des actes
humains, mais quand même, il est bon, pour une commission comme la
nôtre, qui ne sommes ni experts et qui n'avons une expérience
longue en assurance automobile, de compter sur des témoignages un peu
plus indépendants.
Aussi, à cause de la clarté de vos interventions d'hier,
de la limpidité de vos propos, j'aurais aimé entendre à
peu près le même genre d'intervention sur les coûts. Est-ce
que vous pourriez nous dire pour quelle raison vous ne vous êtes pas
penchés directement sur le coût du système?
M. Masse: M. Lalonde, j'ai deux réactions à votre
propos. La première, c'est de trouveret je le dis en toute
amitié contradictoires un certain nombre de prétentions.
Par exemple, on veut, d'une part, garantir l'indépendance absolue des
assesseurs de la commission ou des juges de la Cour supérieure. On veut
que, devant des cas, des victimes, des gens qui ont des dommages pour le reste
de leurs jours, que les juges puissent, contrairement à la situation
actuelle, leur accorder tout ce à quoi ils ont droit
légalement.
Comment est-il possible, dans ce contexte, sans lier les juges ou les
assesseurs de la commission des affaires sociales ou la régie à
des décisions qu'on prendrait à leur place, à l'avance?...
Comment est-il possible de calculer tous les coûts du régime? Je
vous donne un exemple. C'était là la raison pour laquelle on
déclarait que l'article 45, en matière de dommages à
incidence non directement économique, gagnerait à être
précisé.
Actuellement, la perte d'un oeil, dans des situations extrêmement
douloureuses, peut valoir, théoriquement, au niveau du simple calcul de
la prime pour la douleur, $500, $5000, $3000, $10 000. Le maximum, à
l'article 45, est de $20 000.
Si, dans leurs convictions personnelles, les juges de la Cour
supérieure ou les assesseurs de la commission des affaires sociales ou
les fonctionnaires de la régie, eux, décident d'ouvrir la machine
de ce côté, vous pensez bien que les coûts de l'autre
côté du régime vont être considérablement
étendus.
D'une part, je ne pense pas qu'on puisse défendre en même
temps l'idée de l'indépendance du système pour lequel vous
vous battez et sur lequel on est tout à fait d'accord, et
deuxièmement dire: Donnez-nous tout de suite, deux ans à
l'avance, tous les coûts réels du régime en termes de
cents, de piastres. Cela ne m'apparaît pas possible.
D'un autre côté, si vraiment l'indépendance des
tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires a du sens, la deuxième
réflexion que je veux faire... C'est la raison pour laquelle on a dit
qu'en tant que groupe de recherche universitaire on ne considère pas que
la limitation des coûts soit le facteur essentiel. Comme je disais hier,
bien sûr que cela n'autoriserait personne à multiplier les
coûts par trois ou par quatre, mais, essentiellement, on fait un
régime d'assurance automobile pour apporter une juste compensation aux
victimes d'accidents d'automobiles.
Si vous voulez limiter les coûts, gardez tout simplement le
régime actuel, éliminez les délais de procédure,
enlevez les avocats de la procédure et cela va coûter trois fois
moins peut-être, mais vous ne répondrez pas au besoin social
absolument flagrant, qui est devant nous. En tant qu'individu, si on me demande
quelle est ma première priorité c'est là-dessus que
je me suis montré en désaccord ce n'est pas la limitation
des coûts de façon absolue et prioritaire. Si le régime
existe, c'est pour qu'on donne une compensation, c'est d'abord qu'on donne aux
victimes une juste compensation garantie par un système
d'indépendance de la part des juges. Donc, il ne me paraît pas
possible, de façon extrêmement précise, de définir
actuellement quels sont tous les coûts du
système et, deuxièmement, il ne me paraît pas
possible non plus qu'on puisse dire que le premier objectif, peut-être
que c'est un objectif politique et je le respecte... Mais quant à nous,
c'est l'indemnisation des victimes, ce n'est pas nécessairement la
limitation des coûts.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. Masse. L'impossibilité
que vous considérez de déterminer les coûts, justement pour
conserver l'indépendance des décisions à venir, ne
pourrait-elle pas disparaître si, par exemple, on établissait
ce n'est pas une suggestion, parce qu'à ce moment-là, ce
serait quand même un peu absurde, mais je veux justement apporter
l'argument par l'absurde le maximum? Il y aurait des moyens
d'établir un coût maximal, par exemple. Si vous avez un minimum de
$20 000 pour la perte d'un oeil, ne pouvez-vous pas établir un
coût maximal?
M. Masse: II y a toute la différence entre $500 et $20
000. Cela ne me paraît pas beaucoup plus précis. Encore une fois,
je pense qu'il faut se garder de vouloir je ne défends en aucune
façon le projet de toi là-dessus, ce n'est pas mon
problème prévoir tous les coûts sociaux de ce genre
de régime.
Des dispositions comme le port de la ceinture de sécurité
peuvent diminuer notablement les coûts. Un certain nombre de pratiques,
par exemple de la Régie de l'assurance-maladie qui prendrait en charge
un certain nombre de prothèses qui ne sont pas couvertes, serait une
diminution du régime. Ce n'est qu'indirect. Comme je le disais hier, en
apparence, un régime mixte peut être moins coûteux pour le
gouvernement, mais peut l'être davantage pour les consommateurs. Si un
consommateur a à s'engager un avocat pour comprendre quelque chose dans
le système qui est en place, ou s'il a à se déplacer deux
ou trois fois dans son année pour prendre une police d'assurance
à droite et à gauche, des primes d'assurance
supplémentaire, ou s'il a à perdre une demi-journée de
travail pour le faire, le gouvernement ne paiera pas ces coûts, mais la
société, en général, pourra le faire, de sorte
qu'il ne s'agit peut-être pas de considérations politiques qui
sont faciles à maintenir, mais, dans le fond, notre principale
préoccupation chez nous, c'est de voir le coût social de
l'affaire.
Maintenant, ma prétention, c'est que calculer le coût de
cette affaire, c'est vraiment une étude de deux ans avec des actuaires,
une recherche sur le terrain et plusieurs centaines de milliers de dollars. Je
pense que c'est un montant qu'on peut se dispenser de dépenser à
fonds perdu.
M. Lalonde: Je vous remercie de votre réponse. La raison
pour laquelle je vous pose la question, c'est que nous sommes justement nous,
de la commission parlementaire, appelés à prendre ou, enfin,
à exprimer nos opinions sur l'aspect politique. Non seulement le
coût social, mais le coût économique, est un important
aspect politique. C'est notre devoir de poser ces questions.
J'accueille votre réponse, quand même, comme étant
tout aussi claire que les autres réponses que vous nous avez
données. Ce n'était pas votre priorité. Vous la
considérez comme importante, mais pas comme prioritaire, et vous n'avez
pas les fonds nécessaires non plus pour dépenser quelques
centaines de milliers de dollars et passer deux ans pour faire ce calcul.
Je voudrais vous poser une deuxième question, concernant la
principale remarque que vous avez faite à propos de votre
présentation et que je retrouve dans la transcription des débats
d'hier, à la page R707; vous-même, vous qualifiez votre remarque
comme étant la principale c'est pour cela que je l'ai
mentionnée et qui concerne le droit d'appel. Je pense que les
autres remarques que vous avez faites ou plusieurs des autres remarques ont une
importance qui, je l'espère, sera reconnue par le gouvernement, par les
représentants du gouvernement à cette commission. Vous dites, et
je cite: 'La principale remarque que nous avons à faire à la
commission à l'égard de tout le projet de loi, une des
principales remarques" je m'excuse, vous l'aviez qualifiée
à ce moment "a trait au droit d'appel." Là, vous mettez en
doute la capacité de la Commission des affaires sociales de donner ce
service indépendant à la population.
Vous mentionnez plus particulièrement comme faiblesse, au niveau
de la Commission des affaires sociales, l'absence de règles de preuve et
vous donnez des exemples théoriques. Vous dites: Théoriquement,
la commission pourrait fouiller dans le passé de la victime, s'arroger
des droits que les tribunaux n'ont pas actuellement, peut-être même
aller jusqu'à prononcer une décision sans avoir entendu la
victime à l'encontre de cette règle fondamentale: II faut que les
parties soient entendues.
Est-ce que, si le gouvernement établissait d'autorité des
règles de preuve qui vous satisferaient ou répondraient à
vos interrogations, vous croyez que la commission demeurerait le tribunal
désiré pour décider de ces questions avec tous les
pouvoirs qui sont contenus dans la loi, ou croyez-vous qu'au-delà de
cette absence de règles de preuve il y a aussi des réserves
à apporter concernant les pouvoirs discrétionnaires, des pouvoirs
assez exorbitants, je pense plusieurs l'ont dit de la commission
à l'égard de l'application de cette loi?
M. Masse: A titre d'exemple, M. Lalonde, la seule règle de
procédure actuelle qui s'applique... Encore une fois, je dois vous dire
que je n'ai pas l'expérience personnelle d'un plaidoyer devant la
commission. Je peux laisser ça à mes confrères de la
Commission d'aide juridique qui, eux, semble-t-il, ont beaucoup
d'expérience de ce côté. Je pense qu'ils pourront vous en
parler, peut-être avec plus de pertinence.
L'article 25 de l'ordonnance relative aux règles de preuve et aux
procédures de la commission donne c'est la seule règle, et
vous la connaissez probablement le droit aux commissaires et aux
assesseurs d'accepter tout mode de
preuve qu'elle croit. Donc, en principe, personne d'autre que les
assesseurs ne pourraient se substituer à eux pour juger ils ont
droit de le faire si elle croit mieux servir les fins de la justice,
point final. Ce qui veut dire qu'une personne qui ferait une réclamation
pour un dommage qu'elle dit causé par un accident d'automobile pourrait
se voir questionnée sur sa vie antérieure. Les assesseurs
pourraient théoriquement lui chercher noise pour savoir si elle n'aurait
pas eu, dans son passé ancien ou récent, des accidents familiaux,
congénitaux ou autres. Qu'en est-il aussi du secret professionnel? Qu'en
est-il de l'ensemble des règles qui doivent normalement protéger
tout réclamant, qu'il soit représenté par avocat ou
non?
Je ne dis pas qu'on met en question la bonne foi de la commission
actuelle ni même des assesseurs à titre personnel, mais il y a un
gros doute de ce côté.
Votre question, finalement, c'est: Pour autant qu'on garantisse des
règles de preuve, des règles de procédure et des
règles qui garantissent l'indépendance des assesseurs de la
commission, est-ce que ce serait quand même une bonne chose de garder le
droit d'appel à la Commission des affaires sociales? Notre
mémoire là-dessus est clair: Si ces règles ne sont pas
édictées pour la commission, nous recommandons un appel à
la Cour supérieure; si ces règles sont respectées, nous
croyons que les garanties sont données et, à ce moment-la, il
serait parfaitement valable que la Commission des affaires sociales ait
juridiction.
M. Lalonde: M. Masse, est-ce que le plaidoyer que vous avez fait,
en réponse à une question du député de Rosemont, en
faveur des tribunaux de droit commun, en faveur de la conservation de leur
juridiction fondamentale... A rencontre de cette tendance non pas que ce
gouvernement, mais que des gouvernements, même précédents,
ont eue de gruger sur la juridiction des tribunaux de droit commun, dont la
Cour supérieure est peut-être l'exemple le plus commun
c'est le cas de le dire est-ce que vous ne trouvez pas que ce plaidoyer
vaut?
Quant à moi, je pense qu'il est de plus en plus temps en
fait il n'est jamais trop tard qu'on ait une attention de plus en plus
sérieuse à l'égard du danger de se trouver avec des
tribunaux de droit commun qui ne sont plus des tribunaux de droit commun, qui
sont l'exception, et de se trouver avec une kyrielle de tribunaux, soit
administratifs, avec des pouvoirs quasi judiciaires ou proprement judiciaires
dans certains cas, mais à l'égard desquels les justiciables ne se
retrouvent plus.
Quant à moi et c'est peut-être plus un commentaire
qu'une question que je vous fais je trouve qu'au-delà de votre
préoccupation quant aux règles de la preuve, il y aurait
peut-être lieu, pour le gouvernement, dans ce cas-ci, de penser à
retourner aux tribunaux de droit commun pour décider, au niveau de
l'appel, de l'application de cette loi. Les inconvénients qu'on voit au
système actuel seraient et je pense que vous l'avez
mentionné ou quelqu'un l'a fait hier éliminés dans
une grande partie à cause justement de l'absence de questions sur la
responsabilité. Ceci éliminerait une grande partie des
délais, entre autres, et on pourrait quand même conserver nos
travaux de droit commun qui doivent demeurer, dans l'esprit du citoyen,
l'exemple parfait du tribunal de ceux qui peuvent protéger leurs droits
et les faire respecter. Si vous voulez réagir à cette...
M. Masse: Encore une fois, il ne nous appartient pas comme groupe
de recherche... Je représente techniquement seulement huit
confrères; on travaille sur la question de la protection du consommateur
depuis trois ans de façon quotidienne, mais il ne nous appartient pas de
nous substituer à la décision politique. Ce que j'ai donné
comme commentaire sur la Cour supérieure voulait simplement s'attaquer,
de façon directe ou indirecte, à une tendance que je remarque
personnellement et que les membres de l'équipe remarquent aussi dans
certains cas, qui est chez les fonctionnaires, chez toute personne, tout
juriste qui a des problèmes avec les tribunaux ordinaires, de dire: On
va faire une instance particulière, on va mettre cela dans un casier
spécial. Il se peut très bien qu'en dehors des connaissances
qu'on en a, il y ait des décisions ou des raisons très valables
pour permettre au ministère ou au gouvernement de confier la juridiction
des appels à la Commission des affaires sociales. Si c'est le cas, nous
demandons qu'on garantisse les règles de procédure fondamentales
et la protection fondamentale. Mais notre principal sentiment là-dessus
est le même probablement que le vôtre, et c'est: Pourquoi pas la
Cour supérieure? Dans ce cas, je pense que nos remarques se
rejoignent.
M. Lalonde: Je vous remercie, M. Masse, de votre intervention et
de l'excellent mémoire de votre groupe.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. Je veux appuyer le
député de Marguerite-Bourgeoys parce que moi aussi j'aimerais
vous interroger sur votre mémoire d'hier. Mais premièrement, je
voudrais peut-être vous identifier parce qu'on voit ici que c'est un
Groupe de recherche en consommation de l'Université de Montréal.
Quels sont vos liens avec l'Université de Montréal?
M. Masse: Comme je l'ai dit au début de notre
présentation et c'est une mention que vous trouvez en toute
première page comme tous les membres de l'Université de
Montréal, à titre individuel ou à titre de groupe de
recherche, nous avons le droit de faire une prise de position personnelle. Le
groupe de recherche en consommation de la faculté de droit de
l'Université de Montréal est un groupe de recherche qui a un
statut de groupe universitaire, qui n'est pas un centre de recherche, qui est
rattaché directement au doyen
de la faculté de droit de l'Université de Montréal.
Mais encore une fois, on n'engage en aucune façon et je l'ai dit
hier, je l'ai répété ni les professeurs de la
faculté de droit, à titre individuel, ni même toute autre
personne. Mon statut ici est le même que celui que j'aurais si je venais
en tant qu'individu ou en tant que professeur de l'Université de
Montréal pour défendre un point de vue. Je pourrais très
bien avoir un collègue et j'espère que cela va se produire
qui viendrait, à titre individuel ou représentant quelques
autres de ses confrères, dire exactement le contraire.
C'est une matière que j'enseigne personnellement depuis cinq ans,
la responsabilité automobile, la responsabilité civile aussi.
Dans nos recherches quotidiennes, on est impliqué dans la protection du
consommateur, on a fait un certain nombre de recherches sur le crédit,
sur la publicité, on publie aujourd'hui un manuel de 920 pages sur
l'étiquetage au Canada et au Québec, on est embarqué dans
une collection de dix manuels sur toute la protection du consommateur d'ici
deux ans, on est financé de ce côté par le provincial, le
fédéral et plusieurs fondations privées.
On croit avoir quelque chose à dire. Il nous apparaît
évident que, probablement, vous ne trouverez aucune autre association de
consommateurs ni au Canada ni au Québec pour faire cela. On le
déplore, on déplore qu'il n'y ait pas de consommateurs qui
puissent se regrouper de façon cohérente en association. Il y en
a quelques-unes actuellement au Québec, dans certains cas, fort
valables, elles n'ont pas jugé bon de se présenter ici, cela les
regarde; mais quant à nous, à titre d'individus, de huit
professionnels engagés dans le combat quotidien pour les consommateurs,
on a cru bon de se présenter devant la commission, et encore une fois,
avec toutes les réserves que cela implique.
M. Shaw: Alors, tous vos membres sont professeurs à la
faculté de droit?
M. Masse: Non. Je suis le seul professeur de la faculté de
droit. Le groupe travaille à temps partiel avec un chercheur qui est
professeur à la faculté de droit, qui s'appelle lan Mackie, et un
chargé d'enseignement qui s'appelle Marianne Karpacz, tous les autres
membres du groupe sont ou politicologues et avocats, ou économistes et
avocats, ou avocats seulement. On a presque tous une formation multiple. Ces
chercheurs ne sont pas engagés à titre de professeurs, mais ce
sont des avocats au moins et des chercheurs à temps plein pour le
service des consommateurs.
M. Shaw: Hier, vous avez dit que vous ne représentiez pas
des consommateurs, mais vous avez parlé de recherches. J'accepte que
vous soyez un groupe d'étude, mais quant aux recherches mêmes,
est-ce que vous avez fait des recherches sur la situation entre
l'étatisation de l'assurance automobile et le système
privé, ou est-ce que vous avez fait des recherches en comparaison entre
les sytèmes actuels de "no fault" qui sont en vigueur?
M. Masse: Notre programme de recherche n'a pas compris, de
façon systématique, la rédaction d'un manuel ou de
documents de ce côté-là. Nous tenons des dossiers sur tous
et chacun de l'ensemble des problèmes de consommation. Il y en a 22 ou
25 de répertoriés. Cela va de la qualité des maisons
d'habitation, des roulottes, des services professionnels ce sont des
dossiers extrêmement considérables le crédit,
l'endettement, la vente par colportage. On n'a pas eu de budget encore pour
s'attaquer à ce problème en particulier. Je pense cependant que
le travail de la commission Gauvin a été de telle qualité
qu'il aurait été, à notre avis, inutile de recommencer le
débat pour apporter une information que substantiellement on
possède déjà, sauf l'évaluation de façon
publique et finale d'un coût très hypothétique.
M. Shaw: La raison est que je vois les manchettes qui disent: Un
groupe de recherche de l'Université de Montréal appuie
l'opposition à l'étatisation d'une assurance automobile. Je veux
mettre, en réalité, la situation...
M. Masse: Nous n'avons dit...
M. Shaw: Parce que vous dites, dans votre premier
alinéa...
M. Masse: ... nulle part, M. le député, si vous
nous mettez en cause là-dessus, je dois nous défendre, de
façon très précise, en aucune façon, dans notre
mémoire, ni en présentation hier et vous êtes
témoin jamais nous n'avons dit que nos recherches scientifiques,
là-dessus, avaient démontré le bien-fondé de nos
points de vue. On vient apporter ici une opinion et, dans certains cas, je
pense qu'on peut être d'accord pour dire qu'elle est fondée. Mais
c'est une opinion qui est une opinion de professionnels. Nous n'avons pas fait
de recherche scientifique poussée sur le terrain en aucune façon
là-dessus. Je ne pense pas que ce soit ce que la manchette des journaux,
auxquels vous vous vous référez, dit.
M. Shaw: L'autre chose qui, à mon point de vue, est
très importante, c'est qu'on parle de coût d'assurance automobile;
mais il faut aussi parler des services rendus par les gens qui sont
appelés des intermédiaires, comme les courtiers d'assurances, les
compagnies pour les sinistres, les experts. Croyez-vous, selon l'étude
que vous avez faite l'étude au lieu de recherche du projet
de loi, que les consommateurs vont être protégés comme il
le faut sur la question des services?
M. Masse: M. le député, notre principale
préoccupation et encore là c'est une préoccupation
personnelle des membres du groupe c'est d'éviter que l'on
multiplie les intermédiaires inutiles entre un service et son
pourvoyeur. Dans plusieurs cas, les experts d'assurances actuels je ne
dis pas que c'est la majorité des cas agissent purement et
simplement comme des intermédiaires qui ne donnent pas
véritablement de services. Parce que, d'une part, très
souvent les consommateurs ont l'impression qu'ils ne peuvent pas obtenir
d'assurances autrement et, deuxièmement, ils ne connaissent pas la
situation des assurances. La très grande majorité des
consommateurs, M. le député, et on a fait des enquêtes au
moins là-dessus, sur la méconnaissance des lois des
consommateurs, ignore totalement, non seulement l'application des règles
de droit dans ce domaine, mais comment fonctionne l'assurance.
De ce côté, les consommateurs sont en position de
vulnérabilité totale. Alors, à titre individuel et
à titre de groupe de recherche, nous sommes complètement en
faveur de la conservation et du travail des avocats et du travail des courtiers
lorsqu'il peut être prouvé qu'ils donnent véritablement un
service juste, équitable, valable à un prix raisonnable, aux
consommateurs.
Dans les autres cas, si le législateur a tendance à les
écarter, ce n'est quand même pas nous qui allons nous en plaindre.
D'accord?
M. Shaw: Croyez-vous que les compagnies privées vont payer
les dépenses des estimateurs ou des experts en sinistres ou des
courtiers s'il y a d'autres moyens d'avoir des services aux consommateurs?
Croyez-vous que le système actuel n'a pas plus d'avantages
d'éviter les abus qu'un système étatisé?
M. Masse: Vous parlez du système actuel que l'on vit
maintenant?
M. Shaw: Croyez-vous qu'une compagnie d'assurance va payer un
courtier ou un estimateur ou un expert en sinistres s'il y a d'autres moyens de
donner ces services?
M. Masse: Ecoutez, on vit dans un régime qui parle de
rationalité économique. Lorsqu'un intervenant sur le
marché économique rend un service inutile ou qui peut être
contourné autrement, ordinairement, le marché économique
fait en sorte que son service se termine. C'est d'ailleurs pour ça que
les entrepreneurs au Québec, à tort ou à raison, ferment
des usines en disant que ça n'est plus rentable, on peut se procurer des
services autrement.
Ecoutez, si vous voulez apporter des mesures spéciales pour les
courtiers d'assurance, les avocats et autres, je pense qu'on s'embarque dans un
véritable système d'assistance sociale pour les professionnels.
Personnellement, je respecte beaucoup le travail des professionnels, je pense
qu'il est essentiel, mais on doit leur permettre de travailler où ils
ont une utilité. Si Wawanesa, actuellement ou dans le passé
récent, vend des polices d'assurance aux assurés dans le recours
des courtiers, c'est son choix à elle. Je ne vois quand même pas,
c'est ce que je crois comprendre, que l'on va se défendre sur la place
publique, nous, comme groupe de recherche, pour dire qu'il faut aussi
protéger les courtiers, multiplier les intermédiaires et
compliquer la situation.
M. Shaw: Mais je n'ai jamais vu un système
étatisé qui emploie moins de personnel pour faire le même
travail que le système privé. Est-ce que vous êtes
d'accord? Non? Est-ce que vous croyez que le système actuel, dans
n'importe quel service du gouvernement, utilise ses employés avec plus
d'efficacité que le système privé?
M. Masse: Je pense que, là-dessus, on est au niveau des
préjugés et des prises de position théoriques. On entend
souvent dire qu'une entreprise publique étatique est moins efficace
qu'une entreprise privée. Je pense que cela n'a jamais été
prouvé. L'Hydro-Québec est-elle plus ou moins efficace que
l'ancienne compagnie Shawinigan Power? Ce n'est pas prouvé non plus.
Est-ce qu'elle a plus ou moins d'employés que n'en avait Shawinigan
Power? Ce n'est pas prouvé non plus. Est-ce que Manicouagan 5 aurait
été mieux construite par un entrepreneur privé? Ce n'est
pas prouvé non plus.
Je pense qu'on doit se mettre dans une situation où le
gouvernement et l'Opposition ont un véritable pouvoir de contrôler
les fonctionnaires et de s'arranger pour qu'ils aient une productivité
valable. Mais dire comme ça, sur la place publique: C'est certain,
aussitôt que c'est privé, c'est meilleur que le secteur public, je
pense que c'est une prise de position qu'on ne peut ni prouver dans un sens ni
dans l'autre. Je pense que c'est une question à examiner cas par
cas.
M. Shaw: Je prends note de votre mémoire qui dit:
L'étatisation complète de l'assurance automobile, avec l'addition
d'un régime d'indemnisation, sans égard à la
responsabilité; c'est un principe de fond de votre mémoire.
J'essaie de vous démontrer que, personnellement je connais aussi
beaucoup d'autres personnes qui pensent ainsi je crois que le
système actuel, dans le secteur privé, est plus efficace que
n'importe quel système qui va être établi par l'Etat.
M. Masse: M. le député, je ne veux pas me chicaner
avec vous là-dessus très longtemps, mais comment pouvez-vous,
d'une part, prétendre que le premier objectif du système est de
diminuer les coûts et, d'autre part, prétendre que les coûts
vont être très minimes et que les victimes vont toucher des
compensations adéquates, quand on va multiplier les
intermédiaires, multiplier les compagnies d'assurance qui vont
multiplier les procédures de ce côté? Quand vous parlez du
système actuel, par exemple, le système actuel est parfaitement
odieux parce qu'il coûte très cher inutilement; il est, dans
l'ensemble, à mon sens personnel, parfaitement inefficace.
Si c'est ce système que vous défendez, je dois m'inscrire
en faux tout à fait. La majorité des sommes que donnent les
assurés aux compagnies d'assurance ne leur reviennent pas actuellement.
C'est l'exemple parfait d'un système inefficace.
M. Shaw: Mais si on fait une comparaison avec les autres
provinces qui ont déjà adopté un système
étatique, nous avons la preuve que le système qui était en
place auparavant était plus effi-
cace. C'est une forme de preuve un peu plus scientifique que quelque
chose d'hypothétique, qu'une aventure comme le député de
Beauce-Sud l'a dit hier.
M. Masse: Là-dessus, le système des provinces de
l'Ouest, sauf la Colombie-Britannique à mon avis, irait à
l'encontre de votre déclaration. Concernant le système de la
Colombie-Britannique, il y a eu des preuves de mauvaise gestion, de promesses
électorales non tenues.
Je pense qu'on ne peut pas comparer le système de la
Saskatchewan, où il y a actuellement moins de villes et moins de
concentrations urbaines qu'au Québec, à un système
québécois. On a un climat particulier, on a beaucoup plus
d'étendues d'eau, ce n'est pas comparable.
La réflexion que je peux faire, de façon
générale, à votre prise de position, même si je la
respecte, M. le député, c'est que je considère qu'elle est
trop théorique. Quand on se bat continuellement pour les consommateurs,
on constate que des principes généraux ne sont pas suffisants. Si
vous défendez le système actuel, je dois être totalement en
désaccord avec vous.
M. Shaw: Je ne défends pas le système actuel. Je
défends le système privé. Nous avons des exemples
ailleurs, comme le Michigan qui a un système de " no fault", dont le
coût est moins élevé et dont les services sont plus
efficaces que ceux prévus dans le projet de loi.
M. Masse: A ma connaissance, M. le député, encore
là je me réfère à un dossier que j'ai vu il y a
deux ans, le système du Michigan est beaucoup plus partiel que le
régime proposé par le bill 67.
M. Shaw: Oui.
M. Masse: Je pense qu'on peut difficilement comparer. On pourrait
peut-être s'asseoir, vous et moi, pour comparer les clauses du
système du Michigan par rapport au projet qui est là, mais il
m'apparaît beaucoup moins généreux, donc il entraîne
beaucoup moins de coûts.
M. Shaw: Mais admettez-vous que le système du Michigan est
plus près de l'approche de M. Gauvin, dans son rapport, que celui
prévu par le gouvernement?
M. Masse: II ne m'appartient pas de défendre le rapport
Gauvin. Je n'ai pas fait cette réflexion. Je pense que cela demeure des
comparaisons théoriques. Le système du Michigan s'insère
dans un système de droit, de common law, d'application
particulière. Le rapport Gauvin s'insérait dans une tout autre
société. Je pense qu'on peut difficilement comparer des choses
qui ne se comparent pas.
M. Shaw: Mais vous avez admis que le recours aux cours, pour les
citoyens, devait être gardé dans le système prévu
par le gouvernement?
M. Masse: Les recours aux tribunaux. On ne défend pas
absolument, comme je l'ai dit tout à l'heure, le recours à la
Cour supérieure. Ce qu'on défend, c'est le recours à un
organisme parfaitement indépendant et doté de règles de
preuves qui soient aptes à protéger les consommateurs. C'est tout
ce qu'on prétend.
M. Shaw: Vous n'admettez pas qu'un droit comme celui du Code
civil est le droit principal de chaque personne? Si je suis accidenté et
que je n'accepte pas les données d'un fonctionnaire du gouvernement, je
ne pourrai pas défendre mes droits selon le Code civil, dans les cours
de la province de Québec?
M. Masse: A ma connaissance, M. le député, le
projet de loi sur l'assurance automobile étant une loi supplétive
au Code civil, le Code civil va avoir une application devant la Commission des
affaires sociales, comme il en aurait devant la Cour supérieure. Je
pense que vous confondez le Code de procédure civile et le Code
civil.
M. Shaw: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci. Je n'aurais qu'une question à poser, suite
aux discussions qui viennent d'avoir lieu. Vous avez dit que votre groupe de
recherche avait fait une recherche particulière auprès du
consommateur pour savoir s'il était bien informé. Si j'ai bien
compris, vous avez constaté que le consommateur était très
peu ou très mal informé en ce qui a trait à l'assurance
automobile. Dans les recherches que vous avez faites, est-ce le seul secteur
où il vous a été permis de constater que le consommateur
était peu ou mal informé?
M. Masse: Sur l'ensemble du droit, M. Roy et non M. Fabien
l'ignorance des consommateurs et c'est une ignorance entretenue
par notre système éducationnel depuis des décennies et des
siècles est absolument épouvantable.
C'est aussi vrai pour un droit d'application quotidienne et fondamentale
pour les citoyens qu'est le droit de la protection du consommateur que cela
peut être le cas pour le droit familial ou pour tout outil, le droit, par
exemple, des testaments, pour tout outil fondamental.
A titre d'exemple, la très grande majorité des citoyens,
à ma connaissance, ne sait pas qu'elle peut faire un testament olographe
chez elle, sans que cela lui coûte un sou. Beaucoup de consommateurs
ignorent des règles absolument essentielles sur le marché
commercial. Je pense qu'on sort beaucoup de mémoires de ce
côté-là, non seulement à l'égard du droit de
la consommation, mais à l'égard de tout le droit en
général et des phénomènes économiques de
notre société et du monde médical aussi. On devrait
peut-être brancher nos cours secondaires sur des problèmes plus
impor-
tants que l'érosion des falaises sur l'Atlantique-Sud ou des
choses comme celles-là. Je pense qu'on est resté vastement
élitiste de ce côté-là et, très souvent, la
connaissance, à ma connaissance à moi, même
élémentaire, est restée le fait d'un tout petit groupe
d'élite.
Quand une dame nous téléphone et qu'elle ne sait
même pas que l'âge de la majorité au Québec, c'est 18
ans, je trouve cela épouvantable. C'est un peu comme si on lui disait:
Pour apprendre à vous brosser les dents, allez voir un médecin
spécialisé.
De ce côté, dans le domaine de la consommation comme
ailleurs, l'ignorance crasse dont on est tous coupables, je pense, est
épouvantable.
M.Roy (Fabien): II ne vous a pas été permis de
constater non plus que le citoyen était mieux informé sur les
services gouvernementaux, sur ses droits. Ce que vous dites, en somme, c'est
que vous avez constaté que c'était général, de
portée générale. Cette situation n'est pas causée
par le système d'assurance automobile comme tel.
M. Masse: Absolument pas.
M. Roy (Fabien): D'accord, merci.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je ne voudrais pas
ici défendre le statu quo, bien loin de moi cette pensée, mais
nous pensons que le système proposé pourrait sans doute
être appliqué par l'entreprise privée. Dans cet esprit, je
voudrais vous demander si vous pensez par exemple qu'en éliminant les
courtiers d'assurance et d'autres intermédiaires qui rendent des
services, que les consommateurs vont être mieux renseignés et
mieux protégés face au système proposé, parce
qu'ils auront, à ce moment-là, affaire à des
fonctionnaires.
M. Masse: On ne fait pas la promotion de l'abolition des
courtiers d'assurance nécessairement. Les courtiers d'assurance, en
matière d'assurance-vie, d'assurance-incendie, sur la garantie du revenu
en général, ont un rôle absolument essentiel. Ce n'est pas
là-dessus qu'on en a.
Notre principale priorité, quant à nous, c'est que si les
courtiers d'assurance remplissent leur rôle adéquatement... Et, ce
n'est pas toujours le cas, malheureusement, à notre connaissance.
Très souvent, par exemple, les assurés ignorent le rôle du
courtier. Est-il le mandataire de l'assureur ou leur mandataire à eux?
C'est très complexe. Notre principale préoccupation, c'est de
nous assurer que les assurés aient, lorsqu'ils ont un accident
d'automobile, la meilleure compensation possible.
Si cela passe par un système de courtiers d'assurances, ce qui
n'a pas du tout été prouvé dans le passé, tant
mieux; notre sentiment jusqu'ici, c'est que la seule façon d'assurer une
compensation rapide et efficace aux moindres coûts possibles, c'est de
passer par un système étatique. Là-dessus, je l'ai dit,
notre principale objection au livre bleu qui a été
déposé au printemps, c'est qu'un système mixte est
très compliqué et risque d'engendrer beaucoup de coûts et
nous favorisons un système de "no fault" global, tel que promis
d'ailleurs par le gouvernement, avant les élections, à ma
connaissance, et géré par une régie étatique.
M. Fontaine: Vous admettez que la population est mal
renseignée et elle sera sans doute également mal
renseignée face à la nouvelle loi qui sera adoptée. Qui,
d'après vous, va aider le réclamant à produire sa
réclamation à la Régie de l'assurance automobile?
M. Masse: Dans la situation actuelle, ce que l'on craint, c'est
que le consommateur soit tellement mêlé entre les
différents recours du régime mixte et c'est encore une
fois la principale de nos réserves à ce sujet qu'il va
devoir s'engager absolument un avocat pour y comprendre quelque chose. Je
comprends mal les hauts cris que pousse le Barreau de ce côté. Je
pense qu'il devrait être relativement content d'un projet aussi
compliqué que cela.
M. Fontaine: Oui, mais je pense que si on veut protéger le
public par une loi, il va falloir aider le consommateur à s'organiser
lui-même pour pouvoir faire sa réclamation. Je pense que c'est le
principal but de la loi. Actuellement, avec le système proposé,
cela n'atteint pas ce but.
M. Masse: Comme je vous l'ai dit hier, le projet de loi dans son
ensemble répond à 90% des problèmes qui, à ma
connaissance et à la connaissance du groupe, se posent en matière
d'assurance automobile. Je suis forcé de dire que c'est un choix
politique encore une fois, que s'il faut adopter un régime pour le 1er
janvier prochain et qui sera en vigueur le 1er mars, je pense que c'est le
projet de loi 67 qui doit être adopté et aucun autre, parce
qu'autrement on s'en référerait à d'autres études
du type de la commission Gauvin, d'autres sous-comités et commissions,
et je pense qu'on allongerait indéfiniment le débat sur la place
publique; je pense qu'il y a une décision à prendre maintenant.
Cela fait plus de six ans qu'on se débat sur la place publique
là-dessus. Je pense que les assurés ont assez attendu une
solution à leurs problèmes.
M. Fontaine: Ce que vous dites, en fin de compte, c'est qu'on
pourrait faire mieux, mais, étant donné l'urgence, il faut
prendre cela immédiatement.
M. Masse: Si je comprends bien, M. le député, ce
que vous dites, c'est qu'on devrait écarter complètement le
projet de loi 67. On pense que ce n'est pas nécessairement une
réponse à toutes les objections, mais que c'est tellement bon,
finalement, comme réforme substantielle, que cela doit passer.
M. Roy (Fabien): Mais vous admettez qu'il serait meilleur, si on
me permet une question supplémentaire, que ce serait dans
l'intérêt des citoyens et des assurés que le régime
proposé dans le projet de loi no 67, à quelques modifications
près qui seront adoptées éventuellement, mais que ce
serait plus efficace, moins compliqué pour la population si ce
régime proposé était appliqué par l'entreprise
privée.
M. Masse: Non.
M. Roy (Fabien): C'est un peu ce que vous avez dit hier. Je vous
ai interrogé hier. Plus cela va, moins je comprends.
M. Masse: M. Roy...
M. Shaw: Cela a été corrigé.
Une Voix: II y avait eu une conférence...
M. Masse: Je vous ai répété hier, M. Roy,
à trois reprises...
M. Roy (Fabien): J'ai à relire le journal des
Débats. Vous vous êtes corrigé.
M. Masse: En tout cas, je me suis corrigé après si
je n'avais pas été clair la première fois. Lors de votre
première question, vous avez dit: Supposons que le régime global
étatique ne soit pas acceptable; si vous avez le choix entre un
régime mixte administré partiellement par l'Etat et l'entreprise
privée et un régime global tel que le propose le rapport Gauvin,
adopté par l'entreprise privée, qu'est-ce que vous
préférez? Je vous ai dit qu'à titre personnel, le
régime global me convenait davantage, mais que notre principale
priorité, cela reste un régime étatique global. Ecoutez,
je pense que, là-dessus, on s'entend très bien.
M. Roy (Fabien): Si je me souviens bien, vous avez dit que votre
premier objectif, c'était le régime étatique global, mais,
à la question que je vous ai posée, vous avez répondu
qu'entre le choix du régime proposé actuel qui est un
régime mixte, un régime à deux têtes, il vous
apparaissait préférable, moins compliqué que le
régime soit administré par l'entreprise privée, parce que
vous avez écrit dans votre mémoire, et là, je ne veux pas
citer vos paroles, je prends votre mémoire, à la page 1 : "La
dualité du régime est, selon nous, impraticable comme solution
permanente." C'est écrit, ce n'est pas dit.
M. Masse: Je ne suis pas du tout en contradiction avec cela, M.
Roy. On est tout à fait d'accord.
M. Roy (Fabien): Je ne veux pas faire un débat de
procédure, ni jouer sur les mots, mais hier, j'avais bien compris, et je
relirai le journal des Débats, lorsque vous vous êtes
corrigé ou que vous avez cru vous corriger, que vous avez parlé
d'une autre option. Vous avez été plus loin qu'au début.
En somme, ce que j'ai cru retenir, et on me corrigera si je fais erreur, c'est
que vous proposez un régime complet, un régime étatique,
mais vous tenez, d'abord et avant tout, à un régime complet. Vous
ne tenez pas à un régime à deux têtes.
M. Masse: Parfaitement.
M. Roy (Fabien): Bon. Enfin. Merci.
M. Masse: On est d'accord.
M. Roy (Fabien): On est d'accord sur la deuxième
option.
M. Paquette: Vous devriez écrire le mémoire.
M. Roy (Fabien): On est d'accord sur la deuxième option,
il faut bien s'entendre.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska, est-ce que vous avez terminé?
M. Fontaine: Oui.
Le Président (M. Boucher): M. le député
d'Outremont.
M. Raynauld: M. le Président, je voudrais simplement poser
une ou deux questions supplémentaires. Peut-être qu'avant de
passer à ces deux questions que j'ai à l'esprit... Vous avez bien
dit tout à l'heure, M. Masse, qu'en ce qui vous concernait,
l'étatisation, par opposition à des régimes d'entreprise
privée, n'était pas basée sur de la recherche, mais sur
une opinion. C'est bien cela?
M. Masse: Effectivement.
M. Raynauld: C'est une opinion.
M. Masse: Effectivement, je doute fort, d'ailleurs, que
l'ensemble des témoins qui se présentent en commission
parlementaire ici aient basé leurs opinions sur des recherches de
plusieurs centaines de milliers de dollars pour appuyer ce qu'ils avancent.
M. Raynauld: Non, mais sans penser à des recherches de
centaines de milliers de dollars, il y a beaucoup de gens, depuis de
très nombreuses années, qui ont étudié ces
questions et qui ont des opinions qui sont fondées sur certains
arguments.
M. Masse: C'est également notre cas, M. le
député.
M. Raynauld: Tout à l'heure, vous disiez qu'il
n'était pas possible de choisir et que ce n'était pas comparable,
qu'on ne pouvait pas non plus avoir une opinion raisonnée et faire la
preuve qu'un régime étatique était
préférable à un régime privé, ou qu'un
régime privé était préférable à un
régime
étatique. Donc, je dois conclure que, pour vous, c'est une...
M. Masse: Je n'ai pas dit qu'il n'était pas possible
d'avoir une opinion raisonnée, pas du tout. J'ai dit simplement que,
pour autant qu'on s'en tenait à des épouvantails aussi
géniaux que de dire que l'entreprise publique est moins
compétente que l'entreprise privée, que c'est le régime du
Wyoming ou du Dakota-Sud qui est valable... On peut lancer des affirmations
comme celles-là. Ce que je dis, c'est qu'il va falloir qu'on
s'arrête à comparer argument par argument et point par point.
M. Raynauld: Votre argumentation, ce n'est pas un
épouvantail, lorsque vous dites que c'est l'étatisation
complète qui est préférable.
M. Masse: C'est au moins aussi général, je le
reconnais, que l'affirmation de M. le député.
M. Raynauld: L'autre, c'est un épouvantail, mais la
vôtre, ce n'en est pas un.
M. Masse: Je n'ai jamais dit cela, M. le député.
Vous le savez très bien.
M. Raynauld: Pour traiter de questions plus importantes, il est
évident pour moi que si on augmente les indemnités payées
aux victimes d'accident, les coûts seront plus élevés.
C'est là une évidence. Je voudrais vous demander si, pour la
protection des consommateurs, les coûts aux consommateurs du niveau
général des indemnités vous préoccupent ou non.
M. Masse: Si les coûts aux consommateurs?
M. Raynauld: Oui.
M. Masse: Bien sûr!
M. Raynauld: Les coûts globaux.
M. Masse: Bien sûr, mais comme je le disais tout à
l'heure, ce n'est pas notre première priorité à titre de
choix individuel, puisque si on met un régime d'assurance automobile sur
pied, c'est pour compenser d'abord les victimes. Si on voulait réduire
les coûts au maximum, il est évident vous l'admettrez comme
moi qu'on aurait pas de système. Cela ne coûterait rien du
tout.
M. Raynauld: Mais quand vous défendez les
intérêts des consommateurs, est-ce que vous pouvez
également...
M. Masse: M. Raynauld, je ne défends pas les
intérêts des consommateurs. Je représente l'opinion de huit
spécialistes en protection du consommateur. Nous ne sommes pas
mandatés par les consommateurs pour le faire et nous ne
représentons personne d'autre que nous-mêmes.
M. Raynauld: Non, je ne voulais pas vous faire dire que vous
étiez un groupe d'intérêt. Je sais que vous êtes un
groupe de recherche, et je ne veux pas du tout être désobligeant
à cet égard, comprenez-moi bien. Je voulais simplement essayer de
savoir de vous si on peut, de façon non équivoque, parler
davantage des consommateurs, suivant les recherches que vous avez faites,
simplement à partir du niveau général des
indemnités ou est-ce qu'il ne faut pas aussi tenir compte des
conséquences de ce niveau général des
indemnités?
M. Masse: On est tout à fait d'accord.
M. Raynauld: Bon! Quant au niveau général des
indemnités, selon votre mémoire, il semble être
équitable au niveau où il est fixé par le projet de loi.
Je reconnais également qu'il y a une part d'arbitraire là-dedans,
écrivez-vous.
Pour vous, que signifie "un niveau équitable d'indemnisation des
victimes"? Quant à vous, est-ce assez clair ou si c'est très
vague?
M. Masse: Est-ce que votre exemple pratique, M. le
député, concerne un enfant de huit ans ou une
ménagère de 22 ans ou...
M. Raynauld: Prenez l'exemple que vous voudrez.
M. Masse: Je trouve ça extrêmement théorique
comme question.
M. Raynauld: Vous avez pris l'exemple d'un oeil tout à
l'heure. Continuez...
M. Masse: Je parlais de la douleur. Je ne parle pas du
préjudice économique qui peut résulter de la perte d'un
oeil. Je parle de la douleur, purement et simplement. C'est
l'imprécision de l'article 45.
M. Raynauld: Je pensais que les indemnités étaient
basées sur le préjudice.
M. Masse: Le projet de loi base, M. le député,
comme vous le savez, le préjudice ou la compensation sur deux types de
préjudice: Les pertes économiques et les douleurs,
préjudice esthétique et autres.
Mme Payette: ... à Québec.
M. Raynauld: Oui, mais je pense que la perte du revenu est
très importante dans la fixation des indemnités.
M. Masse: Bien sûr.
M. Raynauld: Bon! A ce moment-là, je pense que mon
problème, c'est de savoir s'il n'y a pas un très fort
élément, là, peut-être ne devrais-je pas dire
arbitraire, mais comment pourrais-je dire? subjectif ou, en tout
cas, un certain... On décide d'un certain niveau sur des bases plus ou
moins fermes pour fixer le niveau général des indemnités.
Evidemment, il y aurait toujours
quelqu'un qui pourrait venir nous dire que le niveau
général des indemnités n'est pas assez élevé
et qu'il faudrait l'augmenter davantage. Si on poursuit cette analyse encore
plus loin, on peut venir à un certain moment où on dit: II
faudrait peut-être un autre critère pour fixer la limite
supérieure qu'on va atteindre dans le niveau des indemnités,
parce que c'est toujours bon de payer des indemnités pour des victimes
d'accident, moi, j'en suis, mais je voudrais essayer de savoir si, pour vous,
il y a quand même une limite quelque part qui est fixée à
ça, qui pourrait intervenir à un certain moment.
M. Masse: Nous avons dit, hier, M. le député, ou
prétendu que le projet de loi fait un excellent choix, et ce n'est pas
le cas du régime actuel lorsqu'il opte d'abord pour la compensation des
préjudices économiques réels. D'accord? Ce doit être
je pense que c'est avec raison le principal objectif d'un projet
de loi. C'est d'autant plus facile de faire ça que ce sera fait sous
forme, pour l'essentiel, de rente ajustable au coût de la vie et
réévaluable, si l'état de santé de la victime se
détériore à la suite d'un accident.
Cependant, le deuxième objectif que l'on doit prendre en
considération, c'est aussi de compenser pour des préjudices qui
ne sont pas directement économiques, en termes de piastres et de cents,
qui se traduisent par une perte de jouissance de la vie.
Par exemple, comme le disait M. le député de
Saint-Jacques, je pense, la perte de la possibilité de jouer au golf ou
au tennis. Il est très difficile, actuellement, en jurisprudence, de
dire ce que cela vaut. La même chose pour la douleur ou le
préjudice esthétique.
Le préjudice esthétique d'une jeune fille de 25 ans, qui
n'est pas mariée, est très différent de celui que je peux
avoir, même pour une blessure semblable. C'est très difficile de
préciser à l'avance, dans tous les cas, quel va être le
montant maximum.
Par exemple, pour une douleur à un oeil, je me souviens qu'un
pilote d'Air Canada avait été compensé par des sommes
extrêmement importantes parce que, de fait, ce type d'accident lui avait
causé des douleurs absolument épouvantables. C'est à
chaque cas, à chaque tribunal de réévaluer, en toute
justice, la situation.
Donc, la réponse à votre question, c'est d'abord la
réparation du préjudice économique et des
préjudices importants qui ne sont pas de portée directement
économique.
M. Raynauld: Vous n'avez pas répondu à ma question,
je me permets de vous le dire. Je voudrais savoir s'il y a un autre principe
qui intervient à certains moments pour limiter le niveau, pour fixer la
limite des indemnités qu'on va fixer sur un plan social?
M. Masse: Théoriquement, non, bien sûr.
Théoriquement, la vie de quelqu'un vaut bien plus que le cercueil dans
lequel la régie peut accepter de le mettre. Théoriquement, il n'y
a pas de maxi- mum ni de minimum. La vie de quelqu'un, ses souffrances, cela
vaut tout et rien en même temps. Votre question était: Y aurait-il
un maximum à fixer et sur quelle base? Je pense que je vous ai
répondu en disant cela doit être d'abord, comme maximum, la perte
économique réelle plus une compensation honnête et valable
pour les autres types d'indemnités. Mais si vous me demandez une
réponse globale pour l'ensemble des cas des victimes au Québec
actuellement, ce serait très difficile de donner une réponse
finale, globale, couvrant tous les cas.
Mme Payette: M. le Président, est-ce que M. le
député me permettrait une question pour clarifier, pour mes
besoins? M. Masse reconnaîtrait-il que la perte d'un oeil pour un
député et la perte d'un oeil pour une personne au foyer, pour une
femme au foyer, comporte la même douleur?
M. Masse: Les tribunaux, actuellement, distinguent selon que la
personne a été consciente après l'accident ou si elle
s'est évanouie. La douleur doit avoir été soutenue
consciemment. Si les deux personnes ont été reconnues
conscientes, on peut dire théoriquement, et c'est un choix politique,
que la douleur est la même.
Mme Payette: Un médecin qui perd son bras et moi qui perds
mon bras, n'a-t-on pas la même douleur au moment où on perd un
bras?
M. Masse: Les préjudice économiques sont
certainement différents puisque, s'il s'agit d'un chirurgien...
Mme Payette: C'est par la suite, en compensation
économique, qu'on rétablit les choses.
M. Masse: Bien sûr.
M. Roy (Fabien): Si on me permet un court commentaire...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy (Fabien): ... à ce que vient de dire l'honorable
ministre, je voudrais dire que j'ai bien apprécié ses remarques.
Avec sa permission, je prendrai une copie de ce qu'elle vient de poser comme
question et je l'enverrai à la Commission des accidents du travail. Vous
n'avez pas d'objection?
Mme Payette: Pas du tout.
M. Roy (Fabien): Parfait, merci.
Mme Payette: Toute amélioration est bonne.
M. Raynauld: Je voudrais poser une autre question. Vous parlez
souvent du système actuel. Dans le système actuel, n'est-il pas
possible, pour quelqu'un, de s'assurer du niveau d'indemnité qu'il
désire?
M. Masse: Bien sûr, mais dans la plupart des cas, c'est
pour un coût assez important et c'est assez aléatoire. Comme
piéton, dans le système actuel, si vous avez un accident, vous
devriez, si vous êtes responsable, être assuré pour vos
pertes de revenu et l'ensemble des dommages qui en découlent. Mais cela
devient un système extrêmement compliqué ou, comme le
disait hier, et vous le savez comme moi, les délais de poursuite pour
prouver la faute de la partie adverse sont très longs et les
procédures aussi.
M. Raynauld: Je n'en suis pas là-dessus, j'en était
tout simplement à ce qu'on mentionne toujours: Le système actuel
ne fait pas ceci, ne fait pas cela. Je voulais tout simplement vous voir
relever le fait qu'il y a dans le système actuel une liberté pour
chacun de s'assurer ou de ne pas s'assurer. Pour un certain niveau
d'indemnité, plus ou moins élevé, plusieurs choisissant de
ne pas s'assurer.
On ne peut pas dire que c'est la faute du système actuel si le
niveau des indemnités n'est pas assez élevé puisque les
gens peuvent choisir le niveau d'indemnité qu'ils veulent bien payer,
s'ils le veulent. Donc, c'est peut-être plus un problème de
répartition des coûts qui est en jeu. Ce n'est pas le fait que le
système ne produise pas, ne donne pas les résultats que l'on
désire.
M. Masse: Bien sûr que toute personne, dans le
système actuel nous sommes tout à fait d'accord
peut s'assurer pour la totalité et l'ensemble de ses risques dans toutes
les situations, sauf que ce n'est pas uniquement que les citoyens ne le veulent
pas, M. le député, c'est souvent qu'ils ne peuvent pas s'assurer.
Ils n'ont pas les moyens économiques pour le faire.
M. Raynauld: C'est à cela que je voulais en arriver
justement. On n'a pas les moyens de s'assurer, alors...
M. Masse: Plusieurs personnes n'ont pas les moyens de s'assurer,
c'est évident.
M. Raynauld: Alors, le problème essentiel n'est-il pas,
dans l'introduction d'un nouveau projet de loi comme celui-ci, et sans me
prononcer sur le fond pour savoir quelles sont mes préférences
personnelles... Est-ce que l'essai de ce système n'est pas d'abord et
avant tout pour répartir les coûts de façon
différente? Est-ce que vous avez étudié l'impact de la
répartition de ces coûts, le fait que ce sont pas les mêmes
personnes qui paient pour les risques, mais qu'on socialise non pas dans
le sens de socialisme les coûts d'indemnisation des victimes
d'accidents?
M. Masse: Vous me demandez si on a effectué des
études spécialisées là-dessus?
M. Raynauld: Oui, par exemple, sur l'impact de la
répartition des revenus. Est-ce que ce sont les plus pauvres qui vont
bénéficier de cela? Est-ce que ce sont les plus riches, les plus
jeunes, les plus vieux?
M. Masse: Comme je vous l'ai dit, M. le député, ma
réponse à votre question est non. Je vous l'ai dit tout à
l'heure.
M. Raynauld: Très bien, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jeanne-Mance.
M. Laberge (Henri): Je voudrais seulement faire une certaine
remarque pour ne pas introduire une fausseté dans l'esprit de la
commission. Quand on dit que le système actuel permet de s'assurer au
niveau que l'on veut, c'est faux. On s'assure au niveau de la
responsabilité civile pour les autres, au niveau que l'on veut, entre
$35 000 $300 000 et $500 000, mais c'est pour les autres. Pour soi, une police
d'assurance-automobile implique automatiquement une clause de mort accidentelle
de $5 000, une indemnité de salaire de $35 par semaine et de $12.50 pour
les dames. Il n'y a rien d'autre qu'on puisse y ajouter.
Si vous le voulez, vous pouvez vous assurer pour l'indemnité de
salaire que vous voulez ou en cas de décès accidentel, pour une
double indemnité. C'est au niveau de l'assurance-vie que rien ne sera
changé. Ceux qui ont les moyens de s'assurer, qui prétendent que
le régime que l'on veut introduire ne les indemnisera pas suffisamment,
aucun droit ne leur sera enlevé de s'assurer pour $1000 par semaine de
salaire en cas d'invalidité, en dehors du système de
l'assurance-automobile.
Le nouveau système d'assurance-automobile qu'on veut introduire
veut surtout indemniser les victimes actuelles qui sont mal
protégées par le système existant.
J'ai trouvé, M. le député d'Outremont, que vous
avez voulu introduire une espèce de confusion en disant que le
système actuel permettait de s'assurer pour le niveau qu'on voulait.
Oui, mais en dehors du système de l'assurance automobile. C'est cela que
je voulais préciser. Il va continuer d'exister.
M. Raynauld: Bien sûr, mais avec cette conséquence
que, si on indemnise davantage les gens, il va falloir que d'autres personnes
paient. C'est cela que je veux faire ressortir. Il va falloir que d'autres
personnes paient.
M. Paquette: Pas nécessairement.
M. Raynauld: Non, pas nécessairement.
M. Paquette: Ce n'est pas le seul facteur. Il y a un paquet
d'autres éléments dans cette loi.
M. Raynauld: Oui, il y a bien d'autres éléments, je
ne fais pas un jugement global.
M. Paquette: II y a une réduction des coûts sur bien
des facteurs, et ce n'est pas forcé.
Le Président (M. Boucher): S'il n'y a pas d'autre
intervenant, je laisserai la parole à Mme le ministre pour le mot de la
fin.
Mme Payette: M. le Président, je pense qu'on peut
remercier M. Masse du travail qu'il a fait sur le projet de loi 67.
J'espère qu'il n'a pas oublié c'est loin
déjà, hier que je lui ai dit qu'on avait retenu un certain
nombre des suggestions qui sont comprises dans le mémoire.
Je voudrais surtout le remercier de sa patience. Les heures ont
été assez longues et on n'a interrogé qu'une seule
personne pendant toutes ces heures. Cela peut paraître un petit peu
fastidieux pour la personne qui subit l'interrogatoire. Alors, je le remercie
particulièrement de sa collaboration.
Le Président (M. Boucher): Alors, au nom de tous les
membres de la commission, je remercie M. Masse ainsi que tous les membres de
son groupe pour la présentation de ce mémoire. Merci
beaucoup.
Nous passons maintenant au mémoire de la Commission des services
juridiques, représentée par M. Jacques Lemaître-Auger. Si
vous voulez prendre place, M. Auger.
Commission des services juridiques
M. Lafontaine (Yves): M. le Président, Mme le ministre,
MM. les députés. Je m'appelle Yves Lafontaine, je suis, depuis
hier, président de la Commission des services juridiques. A ma droite,
Jacques Lemaître-Auger qui est du service de recherche de la Commission
des services juridiques et, à ma gauche, Denis Laberge qui est à
la section civile du bureau de Montréal. Il y a aussi des directeurs
généraux de différentes régions de l'aide juridique
qui sont avec nous ce matin.
J'aimerais, pour être sûr de situer notre mandat, dire au
nom de qui nous parlons, pour pouvoir répondre plus adéquatement
aux questions qui nous seront posées et aussi pour démontrer un
parti pris qu'on a, en partant. Autrement dit, nous ne prétendons pas
être complètement indépendants au niveau des principes,
nous avons plutôt une approche vis-à-vis d'une clientèle
donnée qui est la clientèle de l'aide juridique,
c'est-à-dire des personnes qui n'ont pas les moyens suffisants pour se
payer habituellement les services d'un notaire ou d'un avocat.
Maintenant, il faut aussi, pour se placer dans le contexte, savoir que
nous sommes des avocats salariés. Nous ne sommes pas des avocats qui
travaillons à honoraires, même si le client, chez nous, a le libre
choix entre un avocat praticien privé et aussi un permanent de l'aide
judirique. Nous sommes des permanents de l'aide juridique, nous ne sommes pas
des avocats de pratique privée, même si, pour la plupart, nous
l'avons été antérieurement.
A l'aide juridique, la question du rapport Gau-vin, du "no fault", de
l'indemnisation des victimes d'accident d'automobile est une priorité
déjà depuis le début. D'ailleurs, deux rapports annuels
antérieurs font déjà état de nos
préoccupations à ce sujet-là. C'est pourquoi, en partant,
on peut dire que, pour notre clientèle, c'est assurément un
excellent pas dans une bonne direction. Ce qui nous intéresse, on ne
pourra pas vous faire un grand discours sur la question des coûts, parce
qu'on n'est pas spécialistes là-dedans, on a reçu,
jusqu'à maintenant, à peu près 10 000 personnes qui ont
été prises dans des causes de responsabilité automobile,
à part celles qui sont des assistés sociaux, suite à des
accidents d'automobile, qui ont tout perdu et, par le fait qu'elles
n'étaient pas assurées ou par le fait que même les
compagnies d'assurances ont refusé de les indemniser, ce sont des
personnes qui, la plupart du temps, sont ignorantes de leurs droits qui
existent en vertu même du système actuel. Une des priorités
qu'on essaie d'établir, au moins, c'est de les rendre conscientes de
leurs droits.
On a non seulement des personnes qui viennent nous voir au niveau de la
responsabilité, qu'elles peuvent avoir dans des accidents d'automobile,
à la suite d'une négligence, d'une imprudence, d'une
inhabileté, l'effet d'une flaque glacée, ça peut
être toutes sortes de choses, mais aussi, on représente assez
souvent, devant les différents organismes de l'Etat, y compris la
Commission des affaires sociales, des personnes pour des pensions sociales qui,
assez souvent, sont aussi des victimes d'accident. Cela arrive dans bien des
cas. Autrement dit, notre préoccupation, comme groupe, est de voir
à ce que des personnes défavorisées aient la meilleure
indemnisation possible.
C'est pourquoi si vous nous parlez de montant maximum,
d'assurabilité, en vertu du régime, pour nous, il n'y a pas de
difficulté là-dessus. Nos clients ne gagnent, de toute
façon, jamais plus de $18 000, ils gagnent certainement moins de $18
000. Donc, pour nous, si on regarde l'aspect social pour notre
clientèle, il n'y a pas de difficulté quant aux maximums
fixés dans la loi.
Il est évident que pour nous le régime pour les blessures
corporelles qui est soumis est un régime avec lequel nous sommes
d'accord, parce que c'est un régime qui va indemniser les personnes des
suites de l'accident. C'est un peu comme l'assurance-maladie pour notre
clientèle. Parce que notre clientèle, dans la plupart des cas,
est composé de personnes qui n'étaient pas assurées, parce
qu'elles n'avaient pas les moyens de le faire la plupart du temps, au
coût où c'était rendu.
Vous allez remarquer que notre mémoire est très bref. On
n'a pas voulu reprendre le rapport Gauvin. C'est un rapport qui est long, qui a
amené des études fondamentales et nous n'avons pas les moyens,
nous n'avions pas le temps non plus de le faire.
Tout ce qu'on veut essayer de vous livrer, c'est un peu ce que notre
clientèle ressent à travers les contacts qu'on peut avoir
vis-à-vis d'elle.
Quant à nous, le régime est universel, pour la sorte de
gens qu'on représente, et les indemnités sont raisonnables aussi.
La question des vêtements ne nous inquiète pas, parce qu'on sait
qu'elle est couverte par la présente loi; il n'y a pas de
difficulté là-dessus.
Il y a cependant deux remarques principaleset je rejoins les
remarques que M. Masse a faites dans le courant de la journée d'hier et
aujourd'hui que nous aimerions peut-être discuter avec vous. C'est
l'indemnisation du dommage ma-
tériel et la question du tribunal ayant juridiction pour entendre
les causes qui peuvent découler de l'application du régime
d'indemnité.
Il n'est pas facile de discuter d'indemnisation du dommage
matériel pour notre clientèle. Notre clientèle,
habituellement, n'a pas d'automobile; à ce moment-là, il n'y a
pas de danger pour les dommages matériels. Cela la concerne peu. Ou
bien, notre clientèle a des automobiles qui ne lui appartiennent pas
présentement, parce que, la plupart du temps, elles sont
financées. Elle est, de toute façon, obligée de s'assurer
parce que les compagnies demandent qu'elle soit assurée pour
protéger sa propre propriété. Ou bien elle a ce qu'on
appelle des "minounes", c'est-à-dire de vieilles automobiles qui lui
sont nécessaires, comme à n'importe qui d'autre, soit pour vaquer
à ses occupations et aussi pour se permettre des loisirs bien
légitimes, comme celui de sortir avec la famille les fins de
semaine.
Autrement dit, elle aussi est impliquée dans le domaine du
dommage matériel. La solution que bien humblement, nous proposons... Je
remarque en partant que c'est un choix politique, ce n'est pas nous qui avons
à le faire. Nous venons vous livrer le fruit de nos réflexions,
ce n'est pas à nous de décider de cela... C'est que nous nous
inquiétons du fait, pour nos clients, d'être obligés de
s'assurer pour un montant de $50 000 pour la responsabilité
vis-à-vis d'autrui.
Il devient difficile d'expliquer à des gens, tout d'abord, ce que
c'est que $50 000. En partant, cette notion, pour eux, cela représente
une somme formidable. Ils n'ont jamais vu cela de leur vie et ils ne le verront
jamais. Tu ne t'assures pas pour toi. Tu t'assures pour les conséquences
qu'un geste présumément dommageable pourra avoir vis-à-vis
d'un autre que tu ne choisis pas. Je comprends qu'on ait dit: On va faire une
limite de $50 000, parce que cela peut être une Cadillac, cela peut
être un autobus, cela peut aussi être un gros camion. Je comprends
qu'à ce moment-là on dise que si on maintient le régime de
la responsabilité basée sur la faute, suivant le Code civil,
quant à moi, ce n'est peut-être pas une faute, parce qu'il n'y a
pas d'élément de volonté de causer un préjudice. Si
on maintient cela, c'est normal qu'on oblige les gens à s'assurer et
qu'on les oblige à s'assurer pour $50 000. Les personnes qu'on
représente présentement, on se demande même si elles vont
s'assurer. C'est aussi une question que le BAC se posait, selon la lecture que
nous avons faite du mémoire du BAC, surtout pour $50 000. Pour eux, cela
représente une difficulté. Ils vont se demander l'à-propos
de cela.
Il serait peut-être possible de dire: On va employer le même
régime que pour les blessures corporelles. Je m'explique. L'approche du
projet de loi pour les blessures corporelles, c'est de dire: Un accident
d'automobile, ce n'est presque plus un accident. Cela arrive de toute
façon et chacun peut en avoir. On en a des exemples à tous les
jours dans les journaux, des personnes qui ont des accidents. Autrement dit,
l'automobile est donc devenue une maladie sociale, mais nécessaire.
Donc, on répartit les coûts sociaux de l'utili- sation de
l'automobile surtout vis-à-vis du côté le plus social,
c'est-à-dire l'aspect humain, l'aspect corporel des blessures ou des
dommages subis par les personnes.
Il est bien sûr que je ne pense pas qu'on pourrait dire que des
réparations à une automobile, c'est un coût social. Je ne
pense pas que la société soit à même, dans
l'état actuel, de dire que c'est un coût social, autrement dit,
d'avoir une assurance-indemnisation-réparation d'automobile. Au stade
actuel, selon la perception qu'on peut en avoir, la société n'est
pas rendue à ce point.
Mais il est peut-être possible de dire aussi: II n'y aura pas de
transfert de responsabilité, c'est-à-dire, les
conséquences de tes actes, chacun pourrait les assumer aussi. Autrement
dit, on deviendrait un "no fault" dans le domaine matériel. Mais
là, chacun s'assurerait suivant sa volonté, donc suivant la sorte
d'automobile qu'il posséderait et sa relation, il l'aurait seulement
avec la compagnie qu'il engage.
Autrement dit, l'assuré aurait une relation directe avec la
compagnie et, s'il n'y a pas de subrogation, on est loin des
exagérations, que Gau-vin lui-même a constatées, qui
étaient de gonfler des dommages matériels. Cela faisait rire la
compagnie d'assurances parce qu'elle transférait les coûts
à l'autre compagnie qui, à ce moment-là, augmentait les
primes de son assuré. C'est un cercle vicieux qui se faisait.
C'était une des façons de s'y prendre.
Gauvin dit, dans le fond, que les dommages matériels sont assez
bien couverts. C'est peut-être aussi bien, ce n'est pas nécessaire
d'y aller immédiatement dans ce domaine. D'autres disent qu'il y en a
qui vont ambitionner, parce qu'il y en a qui vont avoir seulement des
égratignures et qui vont passer leur temps à réclamer. Je
me dis que c'est peut-être possible de passer à côté
de tout cela; plutôt que de faire une garantie de réparation,
qu'on laisse simplement les personnes libres de s'assurer pour leurs propres
dommages, qu'il n'y ait pas de responsabilité vis-à-vis d'autrui
et qu'il n'y ait pas de subrogation non plus entre les compagnies.
Peut-être que cela peut aussi aider au coût économique du
régime, parce que c'est quand même une partie assez importante de
la prime qui va dans les réparations pour les dommages matériels.
On dit un des arguments de Gauvin, en tout cas qu'en supprimant
des intermédiaires, le régime coûte moins cher. Les
intermédiaires, on a dit que ce sont des avocats, des courtiers, des
personnes qui s'occupent des sinistres; autrement dit, le dollar investi se
répartit de différentes façons et Gauvin dit qu'il y a une
partie de ce dollar qui va aussi pour les dommages matériels.
Si la réforme peut diminuer les coûts, pourquoi ne
serait-elle pas bonne pour diminuer les coûts du côté des
dommages matériels? D'autant plus qu'il va y avoir une relation directe
entre le vendeur d'assurance et l'acheteur d'assurance. Il y aura donc un
contact qui pourra s'établir. Comme Gauvin le dit, d'ailleurs, dans
l'article qu'il a fait par la suite, il sera peut-être possible aussi que
des personnes s'assurent suivant la sorte d'auto-
mobile qu'elles désirent posséder. A ce moment-là,
cela veut dire que, pour nos clients, peut-être que les primes seraient
beaucoup plus faibles que ce qu'ils paient présentement, parce qu'ils
s'assurent en fonction du véhicule qui appartient à un autre
plutôt que de s'assurer par rapport au véhicule qui peut leur
appartenir.
Je comprends que cela peut sembler théorique, mais c'est un
argument qui a été apporté hier. On a dit que, si on va
vers un "no fault" partiel, c'est parce qu'on ne peut pas changer les habitudes
des gens si rapidement, parce que c'est déjà un principe qui est
ancré, celui que chacun est responsable du dommage causé à
autrui par sa faute, négligence ou imprudence.
Je ne suis pas sûr que ce soit une habitude de par les questions
qui nous sont posées, parce qu'il semble que les gens ne comprennent
même pas ce qui leur arrive dans le régime actuel. Ce serait
peut-être plus facile de dire: Tu seras indemnisé pour tes
dommages matériels si tu es assuré. Si tu n'es pas assuré,
tu ne seras pas indemnisé, tu devras t'arranger toi-même. C'est
peut-être une façon de s'y prendre. Remarquez bien que c'est une
suggestion humblement soumise. Je comprends aussi que c'est du domaine
politique, mais on se dit quand même qu'il faut vous livrer le fruit de
nos réflexions, et c'est une partie de nos réflexions.
Un autre point important, quant à nous, c'est la fameuse question
des tribunaux. Je comprends qu'on en a déjà discuté hier
et encore ce matin. Je m'arrangerai pour être bref.
Nous avons la prétention d'aller souvent devant la Commission des
affaires sociales. D'ailleurs, on est à peu près les seuls
à y aller régulièrement. Il est vrai que la Commission des
affaires sociales est un tribunal spécialisé dans le domaine,
entre autres, des pensions sociales. A titre d'exemple, quand une personne
vient nous voir et qu'elle a droit à l'aide sociale et qu'on la lui
refuse, on va aller en appel devant la Commission des affaires sociales.
Cette pratique nous a aussi mis à même de constater que les
règles de preuves là-bas étaient un peu curieuses, mais
cela se comprend aussi. Autrement dit, il faut faire attention si on fait des
réformes dans ce domaine. Qu'il n'y ait pas de règle de preuve
sacramentelle, on nous dit que c'est pour permettre aux gens de pouvoir
s'exprimer facilement et d'être capables eux-mêmes d'aller porter
leur cause sans être obligés de passer par des
intermédiaires avec du jargon légal. Cela a du bon sens, pour
autant que tu t'occupes de certains domaines assez spécialisés,
par exemple la protection du malade mental; je n'ai aucune objection à
ce que cela aille là. Vous avez deux psychiatres qui vont entendre cette
cause en plus du juge. Que cela prenne un tribunal spécialisé,
cela va de soi.
Les pensions d'aide sociale aussi, il est assez facile pour le client...
Je remercie les juges à la Commission des affaires sociales
d'écouter les clients eux-mêmes s'expliquer de toutes sortes de
façons, sauf que, si on s'en va dans un domaine aussi vaste que
l'indemnisation pour blessures corporelles, parce que la fréquence des
accidents est quand même forte, on se demande s'il ne faudra pas, soit
raffiner ce tribunal, soit s'en aller devant un autre tribunal qui a
déjà des règles de preuve qui ont fait l'objet d'une
attention particulière pendant de nombreuses années.
C'est le choix devant lequel nous nous trouvons. On a vécu, par
exemple, des preuves de ouï-dire, parce que, suivant la Loi de l'aide
sociale, il s'agit de savoir si une personne se fait réellement vivre
par un autre homme ou par une autre femme, et là, il y a une preuve de
commune renommée pour savoir depuis combien de temps les gens vivent
ensemble, etc. C'est seulement là un exemple. On a la preuve par
ouï-dire là-dedans... Assez, qu'il y a des réputations qui
peuvent être ternies simplement par le ouï-dire. Cela nous
inquiète, surtout si on tombe dans un domaine aussi vaste que
celui-là. Pour nous, on est obligé de juger suivant une situation
qui existe présentement. Etant donné la latitude donnée
à la régie dans le projet de loi, nous avons dit: Le tribunal qui
existe présentement et qui donne les meilleures garanties d'être
dégagé de l'appareil gouvernemental nous sommes d'ailleurs
un appareil gouvernemental il semble que ce soit la Cour
supérieure maintenant.
Si on limite dans la loi le côté optionnel que peut prendre
la régie, c'est-à-dire qu'il y a différents articles
où on dit: La régie peut. On pourrait faire une boîte
à la régie et dire: Tu dois dans telle ou telle circonstance.
J'aurais peur, cependant, qu'à ce moment, on perde en
flexibilité, ce qu'il y a déjà là-dedans. Par
contre, on veut aussi une certaine garantie. La garantie, selon nous, pourrait
peut-être aller aux affaires sociales, à la condition qu'aux
affaires sociales, on ait peut-être des règles de preuve, parce
qu'on n'est pas contre un tribunal spécialisé non plus, mais dans
l'état actuel de ce qui existe, quant à nous, c'est la Cour
supérieure présentement, parce qu'à la Cour
supérieure les personnes sont nommées à vie par cet
organisme c'est déjà une différence par rapport aux
assesseurs de l'autre tribunal et les règles de preuve sont plus
strictes. Maintenant, nous, comme avocats à l'aide juridique, cela ne
nous fait rien que ce soit devant un tribunal ou devant l'autre, on va y aller.
Il n'y a pas de problème, on y va déjà. On a
déjà la pratique de ces tribunaux. Sauf qu'on aime bien savoir
quel jeu va se jouer devant un tribunal. Je pense que c'est normal. Avant de
jouer une partie de hockey, il faut savoir de quelle manière on va jouer
et comment on va se déplacer, c'est-à-dire que, dans la plupart
des cas, c'est bon de le savoir.
Il est peut-être possible d'arriver à un aménagement
qui conserve la flexibilité, qui garde aussi l'aspect tribunal
spécialisé, parce que je comprends aussi les réticences
qu'on peut avoir de retourner devant un tribunal qui appliquait des
règles de preuve à la faute, parce qu'on a vu des aberrations. A
un moment donné, tu regardes cela et tu te dis: Cela n'a pas de bon
sens, en être rendu à la distinction de la distinction de la
distinction pour essayer de savoir lequel des deux a glissé sur la
flaque glacée et qui était sur la ligne
blanche le premier. Quand même, je comprends aussi qu'on ne
veuille pas retourner devant un tel tribunal et qu'on dise: II faudrait
peut-être avoir quelque chose de nouveau, quelque chose de
différent. Quant à nous, dans l'état actuel de ce qui
existe, nous préférons la Cour supérieure, cela va de
soi.
Maintenant, il y a aussi une question de volume de causes. Si la Cour
supérieure a retardé, il y avait aussi une question de volume de
causes. La responsabilité, cela va être réglé. Il
n'y aura plus de problème de responsabilité, du moins, je
l'espère. Le quantum des dommages, quant à moi, cela va
être réglé dans la plupart des cas. Donc, il reste
peut-être des questions de fond, des questions de droit qui fixeraient
peut-être certains paramètres en dedans desquels la régie
pourrait exercer sa discrétion. C'est notre souhait. Dans l'état
actuel, c'est ainsi que nous le voyons.
Il y a la fameuse question des rentes aussi où, à un
moment donné, le projet de loi dit: Si vous recevez une rente publique
ou une rente du RREGOP, le Régime de retraite des employés du
gouvernement et des organismes publics, et aussi certains régimes
privés qui seront déterminés par la régie
elle-même, on dit: On devra tenir compte de ces rentes et les enlever de
la rente qui reviendrait suivant le régime d'assurance automobile. Ici,
je parle pour notre clientèle. La clientèle privée ou qui
est capable de se constituer des épargnes, peut se faire un plan de
retraite, à même des immeubles, par exemple, qu'elle va
acheter.
Elle sait que ces immeubles vont conserver une certaine valeur, et elle
aura des loyers, etc. Cette personne, elle, on ne déduira pas cette
rente qu'elle s'est constituée à même des biens qui lui
appartenaient et qu'elle a réussi à épargner. Notre
clientèle n'épargne pas. Notre clientèle vit de
transferts, ni plus ni moins, c'est-à-dire des montants qu'elle va
recevoir parce que la richesse collective s'est augmentée. Pour elle, sa
seule façon d'investir, c'est de l'investissement forcé que
l'Etat est venu chercher sur son salaire et on lui dit: Ce serait bien normal
que ça lui revienne en retour, étant donné que la partie
privée, elle, qui a réussi à se faire des épargnes,
va l'avoir, cette double allocation, ni plus ni moins.
Les autres remarques, disons que ce sont des remarques sur des articles.
Je ne veux pas passer trop de temps dessus. Entre autres, on dit, à
l'article 10: La régie peut, à sa discrétion, verser une
indemnité à une personne autre que la victime lorsqu'elle est
mineure. Cela va de soi. C'est le même article qu'on retrouve aussi dans
d'autres pensions.
Par contre, nous disons qu'il faudrait peut-être que cette
personne ait les mêmes obligations qu'un tuteur. C'est qu'on est à
même de constater chez nous que, quand il y a de l'argent qui circule, il
y a des gens qui sont drôlement intéressés et qui, à
ce moment-là, font que l'argent ne se rend pas toujours à la
personne qui était désignée comme étant le
bénéficiaire éventuel. C'est causé par certaines
circonstances. Peut-être que la nécessité fait le larron,
mais de toute façon, ça se produit. Il faudrait peut-être
intervenir au niveau de la loi pour au moins avoir des sanctions contre des
personnes qui pourraient divertir ces fonds.
L'article 19. On dit que c'est un pouvoir discrétionnaire qu'on
aimerait voir abolir en ce sens que nous disons qu'il faudrait au moins qu'il y
ait l'obligation de la régie de se prononcer.
L'article 72. Quant à nous, c'est un article important, parce que
c'est le genre de discussion que nous avons à subir devant la Commission
actuelle des affaires sociales, parce que quand nous sommes rendus à ce
niveau-là, c'est, la plupart du temps, pour des raisons invoquées
à l'article 72 qui font que, à un moment donné, on
décide qu'une personne n'a plus droit à telle pension pour telle
ou telle raison. Nous disons que ça prendrait certaines garanties au
moins au niveau de l'article 72 pour que ça ne devienne pas
complètement arbitraire, ça.
Le reste, ce sont des amendements mineurs.
Pour résumer notre prétention, nous sommes d'accord avec
le régime proposé et c'est définitivement un grand pas en
avant par rapport à une situation préalable, du moins pour nos
clients. Cela semble évident.
Nous disons qu'il y a peut-être lieu d'améliorer le projet.
Je ne veux pas dire que c'est pour demain, mais par rapport aux dommages
matériels. Nous disons qu'il faudrait aussi regarder avec grand soin la
question du tribunal d'appel, pour voir de quelle façon cela pourrait se
passer.
Quant à nous, c'est évident que si le régime sort,
nous ferons ce que nous avons fait dans le passé, c'est-à-dire
que nous essayerons de l'expliquer à notre clientèle comme,
jusqu'à maintenant, on a essayé de le faire aussi pour d'autres
lois qui s'adressent plus spécifiquement à eux.
Je vous remercie de votre attention.
Le Président (M. Laplante): Merci, messieurs. Mme le
ministre.
Mme Payette: M. le Président, je voudrais assurer les
invités qui sont là que j'ai bien écouté ce qui a
été dit au sujet de la Commission des affaires sociales. C'est un
sujet qui est revenu à plusieurs reprises depuis le début de la
commission parlementaire. C'est un sujet que nous avions, nous,
déjà étudié auparavant. Je pense que c'est
peut-être la première fois cependant que nous avons affaire
à des avocats qui, effectivement, connaissent bien le fonctionnement de
la Commission des affaires sociales, si bien que je prends bonne note de tout
ce que vous avez dit sur le sujet.
Vous avez posé un certain nombre d'objections, au cours de votre
présentation, par rapport à la clientèle que vous servez
et je vous comprends parfaitement de vous sentir plus responsables de cette
clientèle que d'une autre.
Vous demandez pourquoi nous portons l'assurance obligatoire pour
dommages à autrui à une somme de $50 000. Le livre bleu, vous
vous en souviendrez, parlait de $10 000 d'assurance obligatoire. Depuis que le
livre bleu a été présenté, nous avons reçu
un nombre important de représentations de la part de la population et
probablement de la couche que vous connaissez la
mieux, qui nous a suppliés de porter ce montant à au moins
$35 000, qui est l'espèce de chiffre magique, puisqu'on le retrouve dans
le système actuel.
La population a l'impression que, quand on dit $35 000, le
problème est réglé. On a eu beaucoup de
représentations pour que ce soit un minimum de $50 000. Je dois vous
dire qu'on a beaucoup hésité parce que, selon nos calculs,
à $10 000 d'assurance obligatoire, 99,9% je ne voudrais pas que
ce soit un chiffre qu'on trouve dans les journaux parce qu'il n'est pas
officiel des cas d'assurance avec dommages matériels seulement
sont couverts. La moyenne du coût des réparations de dommages
matériels si mes souvenirs sont bons se situe autour de
$875, si bien qu'à $10 000, on estimait, comme il s'agit d'une assurance
obligatoire, qu'on couvrait les besoins de la population à 99,9% sauf
qu'il y a une inquiétude dans la population et nous ne sommes pas
arrivés à corriger cette inquiétude depuis la
présentation du livre bleu, une inquiétude causée par
l'ignorance du fonctionnement du système, au fait que, quand on a
toujours parlé de $35 000, cela apportait une certaine
sécurité à ceux qui l'avaient. On ne comprend pas que les
$35 000 dont il était question comportaient les blessures corporelles et
les dommages matériels et il y a eu, il faut bien le dire, hélas,
une mauvaise publicité faite dans ce sens par certaines personnes
je ne voudrais pas jeter le blâme qui fait qu'on a semé
l'inquiétude et que, où nous avons tenté de soulager la
population de frais qui n'étaient pas nécessaires, nous nous
voyons actuellement dans l'obligation, pour ne pas créer
d'inquiétude supplémentaire, de porter le montant obligatoire
à $50 000.
J'ai dit personnellement que c'était un cadeau que nous faisions
aux compagnies d'assurances, qui n'est pas énorme quand il s'agit d'un
individu puisque la différence entre $10 000 et $50 000, sur la
répartition du risque, est finalement une question de quelques dollars,
mais, sur 2,5 millions ou 3 millions d'assurés, cela commence à
faire un cadeau aux compagnies d'assurances, sauf que je dois vous avouer que,
jusqu'à maintenant, j'ai tellement entendu parler de cette
inquiétude créée par les $10 000 de minimum et les gens ne
semblent pas comprendre, d'ailleurs, qu'il s'agit d'un minimum, même
à $50 000, puisqu'on reçoit encore des demandes pour le porter
à $100 000 ou même $200 000, alors que la population ne comprend
pas qu'elle est libre de s'assurer pour $100 000 ou $200 000 si elle le
désire, mais que nous, on ne sent pas qu'on peut obliger les gens
à s'assurer pour cela. J'espère que vous comprenez bien le
raisonnement qu'on a fait à ce niveau.
Vous avez parlé du "no fault" dans les dommages matériels
également. Je dois vous dire que cela a été un grand souci
pour tous ceux qui ont travaillé sur cette réforme. Il nous est
apparu qu'autant il était possible de faire comprendre à la
population notre intervention dans l'abandon de la responsabilité pour
les dommages corporels vous avez affaire à la population qui
souffre le plus de cette situation actuelle autant il nous paraissait
difficile de contrer la mentalité de responsabilité.
Vous dites: Les gens ne comprennent pas le système actuel, mais,
d'autre part, dès qu'ils ont un accident, la première chose
qu'ils disent, c'est: je ne suis pas responsable. C'est leur première
déclaration quand il y a des dommages matériels et il nous est
apparu que c'était une habitude ancrée qui serait difficile
à contrer, mais j'ai également dit, dans les premiers mois
après la publication du livre bleu, que nous ne renoncions pas
définitivement à l'introduction d'un "no fault " dans les
dommages matériels dans les années qui viennent. Je crois qu'on
va d'abord faire l'essai dans les dommages corporels, expliquer et bien faire
comprendre que c'est la répartition des coûts sur une population
donnée, mais vous disiez tout à l'heure c'est vous qui
l'avez dit; je ne peux pas vous citer mot à mot, mais cela m'a
frappée que la population n'accepterait peut-être pas de
partager la réparation d'une égratignure parce que c'est cela
qu'un "no fault" veut dire, c'est que, collectivement, on assume les
réparations de tout le monde. Autant cela s'accepte socialement, autant,
pour ce que nous considérons encore comme un bien de consommation, la
voiture, cela paraît plus difficile à expliquer dans une
société comme celle que l'on souhaite.
Nous sommes allés jusqu'à dire que nous avions trop
d'automobiles au Québec, que nous avions un parc automobile trop
considérable pour la population que nous avons. Nous avons
été de très mauvais consommateurs d'automobiles, on a
acheté à peu près n'importe quoi, à n'importe quel
prix, on s'est endetté largement pour posséder ce qu'on nous
présentait comme l'essence même du bien-être en
Amérique du Nord. Nous avons la prétention de dire qu'il faut
peut-être une sorte de rééducation à ce niveau qui
va se faire au cours des prochaines années, à partir du pas en
avant que nous faisons maintenant.
Au-delà de cela, vous avez parlé des coûts. Le grand
souci que nous allons avoir, une fois ce projet de loi adopté, ce sera
de nous assurer le meilleur contrôle du coût de la
réparation des dommages matériels. C'est peut-être dans ce
domaine que nous arriverons à être le plus utile pour la
population que vous servez. Ce sont des explications que j'ai eu à
donner à plusieurs reprises.
Je pense qu'on connaît le jeu. On doit avoir la simplicité
d'avouer que, quand il y a un dollar à faire quelque part, en
général, comme on en a besoin, on va le chercher. Comme on a eu
très souvent l'impression d'être leurré par des compagnies
d'assurance, c'est relativement une compensation pour la population de pouvoir
faire augmenter l'évaluation de ses dommages et d'aller chercher le
maximum au moment d'un accident.
On estime que ce n'est pas véritablement un vol que de voler une
compagnie d'assurances, mais au bout du compte on ne vole ni la compagnie
d'assurances, ni qui que ce soit, on se vole soi-même. On a
constaté que la compagnie d'assurances va rechercher, au niveau des
primes, ce qui a été donné en évaluation de
dommages matériels dans les années qui viennent.
Alors, dans ce sens, au moment où nous souhaitons la formation
d'une corporation des assureurs et la construction au Québec de centres
d'évaluation, au moment où nous introduisons la notion
d'indemnisation directe de la part de l'assureur, je crois qu'on fait un pas en
avant important dans les dommages matériels, peut-être moins
spectaculaire que le pas que nous faisons pour les dommages corporels.
Il nous a semblé que la population était plus prête
à accepter l'un, moins préparée à accepter l'autre.
Mais nous n'avons pas l'intention de renoncer à l'idée
éventuelle de l'abandon de la responsabilité pour les dommages
matériels. Ce sont des choses que nous verrons maintenant au fur et
à mesure de l'évolution du régime.
Je vais essayer de reprendre les objections que vous aviez. Quant aux
articles que vous soulignez dans votre mémoire, nous avons
déjà annoncé que nous étions en train de revoir
certains d'entre eux, de les corriger dans certains cas. Si certains ne sont
pas clairs, nous allons faire en sorte qu'ils le soient.
Nous sommes préoccupés par ce qui nous a été
dit au sujet de la situation dans laquelle nous plaçons les personnes
âgées, par exemple. Nous sommes également
préoccupés de la situation d'une rente payée par
l'entreprise privée ou par un organisme d'Etat. Alors, ce sont des
choses que nous sommes en train de revoir actuellement pour en arriver à
une plus grande justice.
Je n'aurai pas beaucoup de questions à vous poser parce qu'il est
évident que le travail que vous faites et le travail que j'ai
essayé de faire, se ressemblent. Je voudrais cependant vous signaler que
là où vous parlez de pouvoirs discrétionnaires pour la
régie, et vous l'avez souligné vous-même, nous
créons un nouvel organisme dans un domaine qui est nouveau pour le
gouvernement. Nous ne sommes pas des assureurs, et je l'ai dit à
plusieurs reprises. Nous sortons de l'assurance une partie qui a toujours
existé, c'est-à-dire la couverture des dommages corporels. Nous
avançons dans un domaine qui est nouveau et nous sentons en même
temps le besoin de bien encadrer la régie, mais, d'autre part, de lui
laisser la possibilité d'innover quand c'est nécessaire pour le
mieux-être du consommateur et de la population.
Alors, nous essayons d'arriver à un juste milieu à
l'intérieur de ce dont nous disposons. Je voudrais que vous sachiez que
c'est un de nos soucis. J'ai bien écouté ce que vous avez dit et
nous allons essayer de voir si on peut mieux baliser les pouvoirs de la
régie, tout en lui laissant la marge de manoeuvre nécessaire pour
appliquer la loi pour que ce soit appliqué correctement.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je tiens à remercier ce groupe d'avocats
pour son mémoire extrêmement intéressant, d'autant plus
qu'il nous donne le point de vue des personnes les moins nanties ou du moins
ils tentent de protéger les intérêts des personnes les
moins nanties dans notre société.
J'aurais aimé que Mme le ministre amende ce droit d'appel sur
lequel vous avez émis vos opinions. Comme vous avez une
expérience pratique de ce droit d'appel à la régie, que
vous avez décrit d'ailleurs, il y aurait lieu de considérer vos
opinions à ce point de vue comme valables et extrêmement
importantes.
On a constaté tout de même et madame vient de nous dire
qu'au niveau du gouvernement, bien peu ont une expérience pratique de
l'application des articles de ce projet de loi.
Il y aurait lieu que les assureurs, les avocats et le groupe que vous
représentez, soient consultés afin que la régie
bénéficie de l'expérience de tous ces gens, car ce sont
les seuls qui ont en ce moment, une expérience pratique dans le domaine
que nous discutons.
Vous avez parlé du droit de subrogation. Les assureurs aussi nous
en ont parlé assez longuement, et je suppose que vous avez pris
connaissance de leur mémoire. Ils ont vu là un moyen de diminuer
d'une façon appréciable les frais d'administration d'un
régime d'assurance.
Ils nous ont bien dit qu'avec l'élimination de ce droit de
subrogation toute une procédure interne disparaîtrait et qu'au
bout de l'année tout ceci s'équilibrerait, en d'autres mots. Ce
qu'une compagnie en particulier irait chercher en droit de subrogation chez ses
compétiteurs, compte tenu des montants qu'elle serait elle-même
exemptée de verser à cause de ce droit de subrogation,
établirait une moyenne équitable et la marge des sommes en plus
ou en moins qu'une compagnie d'assurances pourrait être appelée
à payer serait minime et ne justifierait pas toutes les
procédures et les longues discussions auxquelles donne lieu ce droit de
subrogation.
Est-ce que j'ai bien compris que, d'après vous, ce droit de
subrogation, s'il était éliminé, permettrait à
votre clientèle de voir ses primes en dommages matériels diminuer
dans un régime de libre entreprise? Si on fait disparaître le
droit de subrogation, est-ce que la prime de $50 000 exigée pour
dommages matériels à autrui pourrait être diminuée,
à votre avis?
M. Lafontaine: II est évident que si on permet à
une personne de s'assurer pour la valeur de son automobile, qui serait de $500,
quant à moi, elle va payer des primes moindres que si on l'oblige
à s'assurer pour autrui pour un montant de $50 000. Je pense que
ça va de soi. Je ne me suis pas prononcé, à savoir si
c'est mieux que le régime soit étatisé ou
administré par une compagnie privée. Je n'ai pas
d'intérêt, que ce soit l'un ou l'autre, parce que je suis
obligé de me rapporter à une étude comme celle de Gauvin
et elle dit que c'est une question de 2% ou 3%.
Si vous me poussiez à bout et me demandiez ce qui pourrait
être la meilleure solution, je pourrais peut-être vous dire que ce
serait une fusion des deux systèmes pour permettre aux gens de faire la
comparaison. C'est peut-être la solution
parce qu'à l'aide juridique la personne a le droit d'avoir un
praticien privé ou quelqu'un qui est engagé à temps plein
et qui ne semble pas s'en plaindre.
M. Saint-Germain: On discutait au droit de subrogation pour les
assureurs, dans un régime d'entreprise privée,
c'est-à-dire dédommagements, droits matériels, dans le
cadre du système actuel.
M. Lafontaine: Je comprends que le BAC discute, c'est bien
sûr, à travers l'entreprise privée. Mais il peut arriver
qu'il n'y ait pas de subrogation dans d'autres régimes que les
régimes privés. Je ne me prononce pas là-dessus.
M. Saint-Germain: Le droit d'appel aussi, à mon avis, est
très important dans cette loi. Vous avez mentionné une
série d'articles qui ne sont pas clairs, à votre avis, qui
donneront à la régie une grande latitude ou une grande
liberté d'action et qui pourraient, dans l'interprétation de ces
articles, amener des injustices. J'ai bien l'impression que même si on
clarifiait ces articles et qu'on les rendait plus transparents, si je peux me
servir de ce mot, les dommages corporels subis par une victime sont tellement
complexes, le cas de chaque victime est tellement différent, il y a
tellement de contingences particulières qui peuvent entrer en ligne de
compte qu'on ne pourra sûrement pas, au niveau de la régie, autant
que possible, essayer de standardiser.
Un appel à un tribunal supérieur permet au juge
d'établir une indemnité en relation avec les dommages subis par
la victime, et ceci dans chaque cas en particulier. La standardisation, il y en
a certainement, mais elle est moins importante. Elle est beaucoup moins
importante. Je suis personnellement un peu estomaqué. On va soumettre
les gens à un tel tribunal, avec une loi aussi complexe, lorsque les
gens pourront subir des dommages ou des préjudices extrêmement
importants, non seulement au point de vue financier, mais dans leur vie
personnelle, leur vie matrimoniale, leur vie de famille et ainsi de suite.
On dit qu'aujourd'hui on a une civilisation basée sur
l'automobile. J'accepte qu'il y a des éléments de grande
vérité là-dedans. Laisser à la régie la
grande responsabilité de juger de toute cette loi, pour moi, cela me
fait peur, cela me donne un peu la chair de poule.
Il me semble que, s'il y avait un droit d'appel auprès des
tribunaux supérieurs vous pourrez me répondre
là-dessus et me dire si ce que je dis est fondé; vous avez une
expérience pratique qui serait limité à très
peu de gens... Mais, quel que soit le pourcentage des victimes qui feraient
appel à la Cour supérieure, si ce droit était remis
à la Cour supérieure, le peu de jugements qui se rendraient par
la Cour d'appel serait très important au point de vue de
l'administration de cette loi, parce que, tout de suite, la régie serait
obligée de se rajuster aux décisions rendues, de rajuster
même ses barèmes, ses façons d'indemniser les victimes. Il
y aurait continuellement une adaptation, à la régie, avec le
temps, avec les ex- périences acquises, avec les décisions
rendues par le tribunal. On pourrait, par les décisions des tribunaux,
avoir une preuve concrète de la faiblesse de la loi, et on pourrait
ajuster les barèmes, ajuster les façons de dédommager les
gens relativement aux décisions rendues. Je crois que ce serait
très important.
Est-ce que j'ai raison lorsque je dis cela ou si vous croyez que ma
déclaration devrait être nuancée?
M. Lafontaine: Vous comprenez que c'est difficile de
m'ériger en juge de ce que vous dites. J'ai simplement des
réflexions que je veux livrer à la suite de ce que vous venez de
dire. J'ai compris qu'il y avait deux volets dans ce que vous me disiez. Tout
d'abord, à propos du régime de base, vous dites que ce sont des
montants très importants, ce sont des choses importantes, etc. Pour mon
genre de clientèle, je vous dis que c'est un régime de base qui
est offert dans la loi et, quant à moi, ce régime de base est
suffisant pour notre clientèle et elle va en être bien aise, j'en
suis convaincu, par rapport à la situation antérieure. Sur ce
volet, qu'une personne ait le droit de s'assurer pour un surplus parce qu'elle
croit qu'elle vaut plus que quelqu'un d'autre, je trouve cela absolument
normal. Même si on n'est pas Guy La-fleur, on a le droit de s'assurer
pour plus également et il n'y a rien qui empêche cela. C'est
sûr.
D'un autre côté, sur la question de l'appel, vous livrez
à peu près, en substance, ce qu'on disait tantôt. Ce n'est
pas la question que ce soit le tribunal de la Cour supérieure qui
m'intéresse. Ce qui est important, c'est qu'il y a une certaine
indépendance qu'il faut maintenir. Dans l'état actuel, disons que
les juges de la Cour supérieure sont nommés à vie, tandis
que les assesseurs devant la Commission des affaires sociales sont
nommés pour cinq ans. Habituellement, les termes sont de cinq et dix ans
et, dernièrement, les termes étaient de cinq ans. Les
règles de preuve ne sont pas les mêmes qu'à la Cour
supérieure non plus. C'est bien sûr que, si la Commission des
affaires sociales est un domaine spécialisé, je
préfère toujours passer devant un tribunal qui est
spécialisé, quant à moi. Nous, par la force des choses, on
s'est spécialisé dans des domaines et on aime tous parler avec un
interlocuteur qui comprend ces domaines.
Il est plus facile de s'entendre.
Je respecte aussi la Commission des affaires sociales, qui veut que ce
soit accessible au justiciable, qu'il puisse lui-même aller s'exprimer
sur la façon dont il l'entend sans être obligé de
s'enfar-ger dans du jargon légal ou avec les déguisements qu'on
porte à la Cour supérieure, les toges, les rabats et des choses
semblables. Ce n'est pas nécessaire, selon moi, pour rendre une justice
équitable.
Vous soulignez aussi le fait que si, dans la loi, on met trop de
paramètres et trop de boîtes, on peut en arriver à une
injustice, je suis pleinement d'accord. Il y a un brocard de droit qui dit que,
si on veut pousser la justice au bout, on peut en arriver à une
injustice. Il faut faire attention.
Qu'il y ait une latitude au niveau de la régie
même, autrement dit le premier tribunal qui est ni plus ni moins
le tribunal de la régie, je suis d'accord avec cela.
Vous parlez de l'argument du volume, moi aussi je parle de l'argument du
volume. Si on se rend à la Cour supérieure, je suis convaincu que
cela portera plutôt sur l'interprétation même de la loi. Les
autres cas n'auront peut-être pas intérêt à s'y
rendre. Sur la responsabilité, il n'en est plus question et sur
l'indemnité, quant à moi, ce sera assez rare qu'on va s'y
rendre.
C'est pourquoi, dans l'état actuel, ce que nous proposons, c'est
qu'il y ait un appel possible à la Cour supérieure, non pas parce
que c'est la Cour supérieure. Cela pourrait être un autre tribunal
spécialisé avec les mêmes garanties, et je serais
d'accord.
Si j'ai bien compris tantôt, Mme le ministre a dit: On essaie de
faire un régime particulier, une régie particulière. On
verra. Cette chose va naviguer et on verra à faire des ajustements, je
présume. Le législateur peut quand même aussi modifier sa
propre loi au fur et à mesure. Ce sont les considérations qui me
viennent à l'esprit, suite à ce que vous venez de dire.
M. Saint-Germain: II faudrait, à votre avis, que les
juges, par exemple, soient absolument indépendants de la régie.
Il faudrait qu'ils soient nommés à vie, comme les juges de nos
tribunaux de droit commun le sont.
M. Lafontaine: Jusqu'à maintenant, on a toujours
considéré comme important, pour dégager les tribunaux du
pouvoir exécutif, de nommer des personnes qui jugent à vie, mais
il y a aussi des conséquences néfastes qui découlent de
cela. Il y a des personnes qui sont inamovibles, qui devraient
peut-être...
C'est pourquoi, à ce moment-là, on a présumé
que ce serait peut-être bon d'avoir un conseil de la magistrature qui
deviendrait un intermédiaire pour réussir à
régulariser certaines choses qui pourraient laisser croire qu'il n'y a
pas apparence de justice. C'est aussi nécessaire dans l'administration
de la justice qu'il y ait apparence de justice. C'est ce qu'on reproche un peu
à la Commission des affaires sociales, parce qu'il se peut qu'il n'y ait
pas apparence de justice, étant donné le ouï-dire, entre
autres, qui peut exister et qui semble commun.
M. Saint-Germain: C'est entendu qu'on travaille toujours avec des
hommes. Où il y a des hommes, ça sent l'homme. Qu'on les nomme
à vie, que ce soit au niveau des tribunaux, de l'exécutif ou du
législatif, il y aura toujours des faiblesses humaines. Il appartient au
gouvernement et aux responsables de voir à ce que les faiblesses
humaines soient découvertes le plus possible pour le bien-être de
tous et que les coupables soient punis. Mais cela n'enlève pas, j'ai
bien l'impression...
A mon avis, c'est la base de nos institutions: II doit y avoir une
différence marquée entre les pouvoirs du législatif, de
l'exécutif et de la justice. Je crois que ce système a fait ses
preuves.
Je ne veux pas dire qu'un tribunal administratif ne devrait jamais
exister, mais qu'il reste en concordance avec sa définition de tribunal
administratif. Je crois que cette loi est beaucoup plus que de
l'administration, elle dépasse l'administration. C'est extrêmement
important. Cela touche tout le comportement humain dans la
société. Je crois que, dans ces conditions, la division des
pouvoirs devrait réellement exister. Si elle doit exister à un
endroit donné, c'est bien là.
Ceci dit, vous avez aussi mentionné tout ce qui regarde le
régime des rentes et des pensions. C'est une autre chose que,
personnellement, j'ai bien de la difficulté à expliquer. Si on
prend, par exemple, le Régime de rentes, on se souvient que, lorsque ce
régime a été établi, chaque industrie, à la
suite de négociations avec les syndicats, du moins la grande industrie,
avait son régime de retraite mais, malheureusement, lorsqu'un
employé était congédié ou laissait son emploi pour
en occuper un autre, il n'y avait pas de constance dans ce régime,
puisqu'on remettait à l'employé les montants déjà
versés.
Lorsqu'il recommençait ailleurs pour un autre employeur, il
recommençait à payer ses rentes; ceci a fait que plusieurs
employés, à 65 ans, après avoir travaillé toute
leur vie et avoir payé un régime de retraite toute leur vie,
n'avaient droit à aucun régime de retraite. Alors, le
gouvernement a voulu standardiser un régime où un employé,
quel que soit son employeur, a un versement constant sur son salaire.
L'employeur aussi paie sa cote, mais il bâtit constamment au fur et
à mesure des années la rente à laquelle il a droit. C'est
un régime qui a remplacé, si vous voulez, le régime de la
libre entreprise qui semblait difficilement applicable. La libre entreprise ne
pouvait pas garantir à un employé une rente à 65 ans sans
qu'il ne travaille constamment pour le même employeur.
Voilà qu'à la suite on dit que le régime est
basé sur la perte de revenu, et lorsqu'une victime recevra une
indemnité ou alors si elle a droit à son régime des
rentes, elle perd les avantages de ce régime. Cela me semble être
tout à fait une injustice de saisir, c'est une façon de saisir
une rente par le gouvernement, et une rente qui a été garantie,
non pas par les fonds publics, mais par les montants et des employés et
des employeurs. D'ailleurs, si vous prenez deux personnes qui ont un accident
à 40 ans, un va être dédommagé par la régie
à vie, s'il subit une incapacité totale et permanente, et l'autre
qui continue à oeuvrer va d'ailleurs payer son régime des rentes,
va pouvoir économiser, investir dans une propriété ou dans
quoi que ce soit, et lorsqu'il aura atteint l'âge de 65 ans, il va
recevoir son régime des rentes. Le même type qui, au même
âge, aura un accident, on le dédommage comme perte du revenu et on
lui fait perdre les avantages de son régime des rentes. Je ne vois pas
quelle philosophie peut soustendre une telle façon de procéder.
Je vous ferai plus un commentaire qu'autre chose...
Le Président (M. Laplante): Le député de
Bellechasse. Excusez-moi, cela fait 25 minutes envi-
ron, M. le député de Jacques-Cartier, et d'autres avaient
demandé la parole. S'il y a possibilité de...
M. Saint-Germain: Alors, je vais laisser, dans ce cas, volontiers
la place à mes collègues.
Le Président (M. Laplante): Excusez-moi... Le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais remercier
nos invités pour le mémoire qu'ils nous présentent. Je
pense qu'il apporte des éléments valables, à certains
points de vue, lorsqu'on demande des amendements à certains articles.
Ils ont dit au début du mémoire qu'ils ont traité ou
reçu à leur bureau 10 000 bénéficiaires, à
la suite d'accidents d'automobile. Est-ce que vous pourriez nous dire s'il
s'agit de consultations ou si vous avez agi en tant qu'avocats pour demander
dans quelque domaine que ce soit, en demande pour les
bénéficiaires.
M. Lafontaine: La Loi de l'aide juridique défend à
un permanent de l'aide juridique de représenter un
bénéficiaire en demande lorsque c'est une cause qui est
susceptible de générer des honoraires.
M. Fontaine: D'accord. Dans d'autres domaines, vous dites que
vous êtes allés à la Commission des affaires sociales, vous
êtes allés demander des pensions d'aide sociale. Dans quelle
proportion avez-vous agi pour ces cas? Ou est-ce que ce sont seulement des
consultations que vous avez données?
M. Lafontaine: II ne s'agit pas de consultations. Le client
à l'aide juridique doit d'abord remplir une demande d'aide juridique
pour qu'on puisse juger de son admissibilité financière et aussi
de la vraisemblance de son droit, comme vous le savez d'ailleurs. C'est
à partir des demandes d'aide juridique qu'on comptabilise par ordinateur
les natures des causes que nous recevons. Effectivement, disons qu'au civil il
y a 75 natures de causes différentes que l'on peut retracer par
l'ordinateur. Maintenant, pour 10 000 causes, ce sont autant des mandats qui
ont été remplis par des permanents que par des avocats de
pratique privée, si on n'a pas fait la distinction entre les deux,
à savoir si c'était nous qui les représentions ou non.
Tout simplement, on dit que ce sont des clients qui sont venus à l'aide
juridique, qui ont bénéficié de l'aide juridique dans des
cas où leur responsabilité, suite à un accident
d'automobile, pouvait découler de cet accident.
M. Fontaine: D'accord.
M. Lafontaine: En défense, bien entendu, dans la plupart
des cas.
M. Fontaine: On sait qu'actuellement vous ne pouvez pas, en tant
que permanents à l'aide juridique, occuper en demande, pour
réclamer des montants d'argent. Si la loi était adoptée
telle quelle, est-ce que vous auriez la permission d'occuper en demande pour
aller, par exemple, devant la Commission des affaires sociales?
M. Lafontaine: Je ne peux pas dire. Tout ce que je me rappelle,
c'est qu'il y a un article là-dedans qui dit qu'on n'a pas le droit de
partager avec quelqu'un à même l'indemnité qu'on doit
recevoir, disons, du régime des rentes. On n'a pas fait faire d'analyse
de cet article. A première vue, je serais porté à dire
qu'étant donné qu'on ne peut pas retirer d'honoraires à
même l'indemnité qui revient sous forme de rente, en tout cas, je
présume qu'à ce moment-là ce n'est pas une cause
susceptible de produire des honoraires, ni plus, ni moins, donc, effectivement,
on ne pourrait les prendre à ce moment-là. Mais c'est sous toutes
réserves. C'est la première fois que ça me frappe de cette
façon.
M. Fontaine: A supposer que vous ayez le droit d'occuper en
demande avec la nouvelle loi, est-ce que vous pouvez évaluer les
coûts que ça pourrait occasionner?
M. Lafontaine: Non, je ne peux pas vous dire quels coûts
ça pourrait occasionner. De toute façon, à chaque loi
nouvelle, on essaie de répondre au débit qui est commandé,
mais on ne le sait pas avant. Tout ce qu'on sait, c'est qu'il y a un nombre de
bénéficiaires théoriques dans la province de Québec
et on ne sait pas combien vont venir à l'aide juridique. On ne sait pas
non plus si ce sera pour un service couvert. On ne sait pas non plus quel genre
de praticiens ils vont choisir. Donc, en fait, on est dans un régime
ouvert.
M. Fontaine: Etant donné qu'on évalue, je pense,
à 50 000 les prochaines demandes pour l'année, lorsque la loi
sera adoptée la première année et
étant donné qu'on a dit tout à l'heure que la plupart de
ces gens vont devoir se faire représenter par avocat, soit de la
pratique privée ou de l'aide juridique...
M. Lafontaine: Ce n'est pas moi qui ai dit ça. M.
Fontaine: M. Masse a dit ça tout à l'heure.
Mme Payette: M. le Président, je voudrais faire une
correction. Il ne s'agit pas de 50 000 appels à la Commission des
affaires sociales. Il s'agit de 50 000 accidents avec blessures corporelles
allant de l'égratignure au petit doigt de la main droite jusqu'à
une incapacité complète.
M. Fontaine: C'est ce que je dis, Mme le ministre, sauf qu'on a
dit tout à l'heure qu'étant donné la complexité du
régime, ces 50 000 personnes vont, en grande majorité, devoir
avoir l'assistance de quelqu'un pour se faire aider, soit d'un avocat ou de
quelqu'un d'autre, mais si elles veulent se faire représenter...
M. Paquette: C'est une affirmation gratuite.
M. Fontaine: ... en tout cas, devant la Commission des affaires
sociales, elles vont devoir le faire par l'entremise d'un avocat, parce que je
ne pense pas qu'il y ait personne qui puisse y aller.
A ce moment-là, si on considère que ça va augmenter
les demandes, tant à l'aide juridique que dans la pratique
privée, est-ce que vous avez pensé que vous allez devoir
augmenter votre personnel d'avocats et votre personnel de soutien,
secrétaires, etc.?
M. Lafontaine: Ce que je peux vous répondre, c'est que,
jusqu'à aujourd'hui, on en représente 10000 d'une certaine
façon. Cela implique, la plupart du temps, des procédures qui
peuvent se rendre jusqu'à la Cour suprême, avec tous les
déboursés que ça peut impliquer.
Autrement dit, je ne peux pas calculer les coûts que j'aurais
devant la Commission des affaires sociales ou devant la régie,
même par rapport aux coûts qui existent présentement,
où on est obligé de payer un avocat pendant six ans, parce que la
cause dure six ans. Je ne peux pas vous le dire. Je ne peux certainement pas
vous le dire.
M. Fontaine: D'accord. Changeons de sujet. Mme Payette: M.
le Président... M. Fontaine: Oui.
Mme Payette:... pour l'information du député, 11y a
actuellement 35% des accidentés avec dommages corporels qui ne se
rendent pas au-delà des sept jours de délai de carence, 35% des
accidents ne sont pas assez graves.
M. Shaw: Mais, Mme le ministre, est-ce que cela implique...
Le Président (M. Laplante): Si vous voulez, M. le
député de Pointe-Claire, c'est une information que donnait le
député de Nicolet-Yamaska, vous poserez la question à
nouveau tout à l'heure. Continuez.
M. Fontaine: II y a 35% des gens qui vont avoir un accident
d'automobile où il y aura des dommages corporels et qui ne seront pas
indemnisés.
Mme Payette: Dans la mesure où leurs blessures ne sont pas
graves, une égratignure à un doigt...
M. Fontaine: Vous avez parlé, tout à l'heure, du
fait...
Mme Payette: ... un bleu...
M. Fontaine: ... d'établir un régime de "no fault"
universel. Vous dites, à un moment donné ce n'est pas dans
votre texte mais...
Mme Payette: Elle est trop bonne pour que je la rate. Je disais:
Un bleu sur un bras.
M. Fontaine: Je n'avais pas compris; je m'excuse.
Mme Payette: Ou sur le dos.
M. Paquette: On ne paie pas pour un bleu.
M. Fontaine: C'est de la discrimination.
M. Roy: Est-ce que vous payez seulement pour les rouges?
Mme Payette: II faut que ce soit très très rouge.
Ce n'est pas votre cas!
M. Fontaine: On change de sujet et on redevient un peu plus
sérieux.
Mme Payette: Mon Dieu, ce que cela fait du bien!
M. Fontaine: Oui, avec la chaleur, je pense que cela fait du
bien.
Vous avez parlé d'indemnisation sans égard à la
faute tant pour les dommages corporels que pour les dommages matériels
et, non pas dans votre texte, mais dans votre allocution, tout à
l'heure vous vous demandez si les gens vont s'assurer pour les dommages
matériels. Etant donné que ce sera obligatoire, est-ce qu'on doit
comprendre que les gens ne s'assureront pas et n'utiliseront pas
d'automobile?
M. Lafontaine: Ils vont utiliser l'automobile, mais ils ne
s'assureront pas. Je peux vous dire qu'en pratique cela se produit assez
souvent chez notre clientèle.
M. Fontaine: Comment vont-ils faire? Quand ils vont aller
chercher leur plaque, ils vont être obligés de prouver qu'ils sont
assurés.
M. Lafontaine: Ce n'est pas à moi de donner des trucs,
surtout en commission parlementaire, mais je peux vous dire qu'on peut toujours
s'y prendre d'une certaine façon pour contourner des lois. Il y en a qui
se spécialisent dans cela.
M. Fontaine: On est ici pour trouver des trous dans la loi, alors
si en tant qu'avocat je pense que c'est votre devoir de nous informer
il y a des trous dans la loi, il faudrait les combler. C'est important;
si on garde le fonds d'indemnisation des victimes d'accident automobile, et
s'il y a encore 20% des gens qui ne s'assurent pas, on demeure au même
point.
M. Lafontaine: Oui, mais...
Mme Payette: M. le Président, est-ce que je peux venir
à l'aide de M. le député de Nicolet-Yamaska, sur cette
question?
M. Fontaine: Peut-être à l'aide de notre
invité, parce que...
Mme Payette: Peut-être que nos invités n'oseront
pas, à cause du secteur dans lequel ils oeuvrent actuellement, vous dire
ce que, moi, je suis obligée de vous dire. Il y a au Québec des
gens qui n'ont pas les moyens d'avoir des voitures et qui n'auront pas non plus
les moyens de payer l'assurance qui sera obligatoire. Or, pour certaines
personnes, cela veut dire l'abandon du véhicule. Nous en sommes
conscients et nous assumons cette responsabilité.
M. Lafontaine: C'est pourquoi, dans le régime que nous
proposons ce matin, nous ne sommes pas d'accord pour qu'il y ait une
réparation automatique des dommages causés aux véhicules.
Nous ne croyons pas que ce soit normal dans l'état de la
société actuelle. Nous disons que nous devons abandonner le
principe de la responsabilité dans les dommages matériels,
c'est-à-dire faire payer à un pour des dommages subis par un
autre véhicule appartenant à une autre personne. Nous soutenons
que chacun devrait absorber ses dommages, c'est-à-dire que si je
décide de m'assurer, à ce moment, j'aurai un recours
vis-à-vis de ma compagnie d'assurance et si je décide de ne pas
m'assurer, je n'aurai pas de recours, donc si je perds ma voiture, je perdrai
ma voiture. Nous disons: La compagnie d'assurance n'aura pas non plus de
recours vis-à-vis du tiers qui pourrait être responsable, en vertu
du régime actuel, il ne devrait pas y avoir de subrogation non plus
entre les compagnies d'assurances. Autrement dit, si j'ai des meubles dans ma
maison et que je veux les assurer contre le feu je comprends que cela
peut être un petit voisin qui va venir mettre le feu, mais je peux aussi
m'assurer pour les biens que je possède pour une valeur de $15
000, je vais m'assurer en fonction de ces biens, par contre si j'ai des biens
pour $500, je vais m'assurer en fonction d'une perte de biens de $500.
Je me suis peut-être mal exprimé, mais c'est ma
façon de voir cela.
M. Fontaine: Non, je comprends très bien.
M. Lafontaine: Je dis: Cela pourrait satisfaire nos petites gens
et ils comprendraient ce système. Autrement dit: Tu décides de
t'acheter une automobile. Les seuls moyens que tu as, c'est de t'acheter une
automobile de $300, cela te permet d'avoir des loisirs normaux, comme tout le
monde en a. Je ne suis pas contre une personne qui peut s'acheter une
automobile de $300, sauf que je dis que c'est quasiment immoral que de
l'obliger de s'assurer pour $50 000, au cas où il en frapperait un autre
qui vaut $50 000, surtout quant aux dommages matériels. Pourquoi ne pas
dire: On ne pourra jamais reporter sur un autre le coût de notre
dépense, ce serait à nous de l'assumer? Il y a des compagnies
d'assurances exprès pour les assurer ou l'Etat, cela ne me fait rien.
C'est plutôt le système que nous préconisons. Ce n'est pas
tout à fait un "no fault" ou une indemnisation garantie, c'est une
assurance sur les biens, parce qu'il n'y aura pas de transfert de
responsabilité vis-à-vis d'un tiers qui, lui, viendrait
payer.
M. Fontaine: A ce moment, les coûts seraient
partagés, c'est-à-dire que la personne qui est moins riche et qui
a une automobile de $300 s'assurerait pour son automobile de $300, cela lui
coûterait moins cher et celui qui a une automobile de $18 000 devrait
s'assurer et cela lui coûterait plus cher parce qu'il assure sa propre
automobile.
M. Lafontaine: Cela rejoint un des arguments de Mme le ministre
tantôt. Peut-être que les constructeurs d'automobiles vont dire
tantôt: II va falloir être capable de mettre sur le marché
une automobile qui ne coûtera pas cher à réparer, parce que
les compagnies d'assurances vont être capables de baisser leurs primes
pour tel genre de véhicule.
Cela peut avoir des mesures incitatives. Ce que j'aime surtout, c'est la
relation qu'il va y avoir entre l'assuré et l'assureur. Cela va
être un contact direct entre celui qui fait de l'argent avec l'assurance
et celui qui est censé en bénéficier. Là, on
promène cela entre les mains d'autres personnes qui n'ont pas
intérêt à ce que le coût soit réduit, parce
qu'elles transfèrent ce coût. Donc, qu'on le fasse entre les
parties contractantes. Je m'excuse de m'être enflammé.
Mme Payette: Si on me permet, pour une meilleure information, je
pense qu'à partir du moment où nous avons reconnu, devant le BAC,
en commission parlementaire, que nous envisagions l'abandon de la subrogation,
puisque les assureurs s'y opposent eux-mêmes, ils n'avaient d'ailleurs
même pas besoin que l'article soit amendé pour le faire, puisque
cela s'est déjà fait dans d'autres domaines, je pense qu'on
s'approche assez de la formule qui est maintenant proposée.
M. Fontaine: M. le Président, Mme le ministre a
soulevé une question importante, tout à l'heure, alors qu'elle a
dit qu'il y a une certaine catégorie de gens qui vont devoir renoncer
à se servir d'une automobile personnelle. Est-ce que vous avez fait des
approximations pour savoir combien de gens au Québec vont devoir cesser
d'utiliser leur propre automobile?
Mme Payette: Non, parce qu'il est difficile de savoir, à
l'intérieur des 20% de non-assurés au Québec,
actuellement, quels sont ceux qui ne sont pas assurés parce qu'ils
n'avaient pas les moyens de s'assurer et quels sont ceux qui ne sont pas
assurés parce que les compagnies d'assurances leur refusaient de
l'assurance. Nous savons que c'est autour de 20%. Je pense avoir
expliqué déjà que la raison pour laquelle nous gardons le
fonds d'indemnisation, c'est que, même si une loi était parfaite,
certains citoyens vont tenter d'y échapper. Nous savons, à partir
d'autres exemples venant de New York, par exemple, où l'assurance est
obligatoire, que 6% à 7% de la population arrive à
échapper à l'obligation de s'assurer. Nous estimons que passer de
20% à 6% serait déjà une amélioration, mais nous
visons mieux.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy (Fabien): Sur ce point, j'aimerais bien attirer
l'attention de Mme le ministre, sur la déclaration qu'elle vient de
faire; à mon avis, elle comporte des conséquences assez
sérieuses et le gouvernement devrait se donner la peine de
l'évaluer à son mérite. Je comprends que Mme le ministre
représente une circonscription urbaine, mais j'aimerais bien qu'elle
pense à ceux qui représentent, du côté
ministériel, les circonscriptions rurales dans lesquelles il n'y a pas
de transport en commun, car, pour ces personnes, l'automobile constitue un
service essentiel qui ne peut être remplacé par autre chose. On
sait très bien aujourd'hui, quand on regarde le budget de la province,
quelles sommes annuelles sont consacrées, par le ministère des
Transports, à subventionner les services de transport en commun. Je
représente, comme député, un comté rural, et il y a
également beaucoup de mes collègues, ministériels comme de
l'Opposition, qui représentent des circonscriptions rurales où il
n'y a pas de transport en commun. Si Mme le ministre fait une enquête de
ce côté pour constater les difficultés que les
travailleurs, les petits travailleurs, les bas salariés, ont avec la
Commission d'assurance-chômage à cause de cela et qu'elle retient
qu'on leur fait perdre systématiquement leurs prestations
d'assurance-chômage parce qu'ils n'ont pas les moyens de se
déplacer, je pense que nous touchons un problème social qui
risque de devenir beaucoup plus grave que celui que le ministre veut corriger.
J'aimerais bien attirer l'attention du ministre là-dessus.
Mme Payette: M. le Président, en réponse au
député da Beauce-Sud, je pense avoir déjà fait la
distinction dans mes déclarations, au moment de ma tournée, en
particulier, et après, sur ce que j'ai pu constater. Effectivement, si
l'automobile peut être considérée comme un bien de
consommation simplement dans des secteurs ruraux, dans certains endroits du
Québec, on doit reconnaître qu'il s'agit d'un bien essentiel. Je
pense avoir déjà dit au député de Beauce-Sud et
l'avoir déjà mentionné ici, en commission, que nous
envisageons une tarification spéciale pour les cultivateurs, qui tienne
compte de leur utilisation du véhicule jusqu'à un certain point.
Ce sont des choses qu'on pourra vous donner ici. Encore faut-il connaître
les travaux ne sont pas encore terminés le coût du
régime pour établir une tarification mais nous pensons que la
tarification des cultivateurs sera d'environ et je prends toutes les
précautions nécessaires 75% du coût d'une voiture de
promenade. Au-delà de cela, le député de Beauce-Sud devra
reconnaître, M. le Président, que l'assurance obligatoire ne peut
pas être obligatoire pour la région de Montréal, la
région de Québec et ne pas l'être dans le reste du
Québec.
M. Roy (Fabien): Je comprends très bien, Mme le ministre;
j'aimerais lui dire que le problème de la classe agricole en est un et
le problème que j'ai soulevé en est un autre. J'ai voulu surtout
parler des travailleurs des milieux ruraux, les travailleurs qui sont
concernés par la Loi du salaire minimum, parce qu'il y en a un
très grand nombre pour qui l'automobile n'est pas un bien de
consommation, mais un outil indispensable, alors que, dans les milieux urbains,
le problème est différent.
Je pense que, du côté des propositions qu'on veut faire au
niveau du régime d'assurance automobile, c'est une dimension que le
gouvernement ne doit pas ignorer. Si on fait des difficultés et qu'on
fait en sorte que les gens des milieux ruraux devront subir les effets du
régime plus que les autres, que leurs concitoyens des milieux urbains,
on crée une injustice sociale au nom de la correction d'une autre
injustice sociale. On déplace le problème au lieu de le
régler.
Mme Payette: M. le Président, est-ce que le
député de Beauce-Sud me permettrait une question à mon
tour? J'ai besoin de savoir, à ce moment-ci, s'il est d'accord avec
l'assurance obligatoire.
M. Roy (Fabien): Je suis d'accord avec l'assurance obligatoire,
mais il y a quand même des réserves qui ont été
apportées par les gens qui sont ici ce matin, dont le gouvernement
devrait tenir compte; c'est pour dire à Mme le ministre, à ce
moment-ci, que le régime qui est devant nous actuellement a besoin
encore passablement d'étude.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que je peux reprendre
la parole?
M. Shaw: M. le Président...
M. Roy (Fabien): Oui, je vous la remets.
M. Fontaine: II y a tellement de changement dans la
présidence que...
Le Président (M. Laplante): La parole est encore à
vous.
M. Fontaine: J'espère. M. le député de
Beauce-Sud a pris quelques minutes de mon temps.
Le Président (M. Laplante): Lui avez-vous
prêté ces minutes ou s'il les a prises comme ça...
M. Fontaine: Vous lui avez donné la permission, M. le
Président.
M. Roy (Fabien): ... sans intérêt.
Le Président (M. Laplante): Sans intérêt,
d'accord. Le député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, si on acceptait le
régime proposé par nos invités, c'est-à-dire qu'on
devrait abandonner le système de responsabilité pour dommages
matériels, est-ce que vous pourriez nous dire ce qui arriverait si une
personne du Québec, où il n'y a pas de responsabilité, qui
doit
assurer son propre véhicule, s'en va à l'extérieur
du Québec, où le système de "no fault" n'existe pas?
M. Lafontaine: II est évident que cette personne devrait
s'astreindre au régime qui existe dans ce milieu, autrement dit, la loi
du lieu de l'événement et la loi qui gouverne la
responsabilité qui découle d'un accident. Donc, à ce
moment-là, ce qu'elle pourrait faire, c'est de s'assurer pour cet
événement, si elle le voulait, pour la responsabilité
à autrui.
Mme Payette: Est-ce que le député de
Nicolet-Yamaska me permettrait une information pour qu'il n'ait plus de doute
à ce sujet? Les citoyens québécois voyageant aux
Etats-Unis et au Canada sont entièrement assurés pour leurs
dommages corporels.
Les autres couvertures, ils les trouveront dans une seule police, pas
dans deux ou trois, un seul contrat d'assurance qui comprendra les besoins
essentiels des citoyens en termes de couverture et on pourra, j'imagine, au
niveau des compagnies d'assurance, offrir les bebelles supplémentaires.
Mais ce qu'on considère comme des bebelles supplémentaires, ce
sont vraiment des bebelles supplémentaires et non pas ce qui est
essentiel comme couverture et qui sera automatiquement dans le contrat type de
la compagnie d'assurance.
M. Fontaine: Oui, mais, Mme le ministre, on parle d'un
système imaginaire qu'on propose. On dit...
Mme Payette: C'est moins imaginaire qu'un accident d'automobile
qu'on juge devant la Cour supérieure.
M. Fontaine: Ce que j'essaie de faire comprendre à la
présidence, c'est que nos invités nous proposent un régime
dans lequel il n'y aurait plus de responsabilité en dommages
matériels. A ce moment-là, il faudrait nécessairement
penser au fait qu'une personne qui voyage à l'extérieur du
Québec doit prendre une assurance pour sa responsabilité à
l'extérieur du Québec.
Mme Payette: Si c'était la décision, on trouvera
ça dans un contrat d'assurance qui est obligatoire et que tout le monde
devra avoir.
M. Fontaine: Alors, vous obligeriez tout le monde à
s'assurer pour l'extérieur du Québec, même si ces gens n'y
vont pas.
Mme Payette: Mais c'est déjà dans votre contrat
d'assurance, même si vous n'avez jamais mis les pieds aux Etats-Unis.
M. Fontaine: Oui?
Mme Payette: Quand vous partez aux Etats-Unis, sentez-vous le
besoin d'appeler votre assureur pour faire ajouter quelque chose?
M. Fontaine: Je comprends, mais...
Mme Payette: Etes-vous assuré pour aller aux
Etats-Unis?
M. Fontaine: Je suis assuré présentement.
Mme Payette: Vous, vous le savez que vous êtes
assuré.
M. Fontaine: Mais j'ai décidé de le payer, moi.
Mme Payette: Dites-le aux autres, tout le monde est
assuré.
M. Fontaine: Moi, j'ai décidé de payer mon
assurance, mais il y a des gens qui ne sont pas assurés; là, on
va les obliger à s'assurer...
Mme Payette: C'est exact, l'assurance est obligatoire.
M. Fontaine: ... pour aller à l'extérieur du
pays.
Mme Payette: Cela fera partie du contrat et ce sera dans le
contrat obligatoire.
M. Fontaine: D'accord.
M. Roy (Fabien): A ce moment-là, M. le Président,
je ne veux pas enlever la parole à mon collègue...
Le Président (M. Laplante): A ce moment-là, M. le
député de Beauce-Sud, il faudra s'entendre parce que son temps
est terminé actuellement; si vous voulez en emprunter encore, il va
falloir que vous vous arrangiez tous les deux.
M. Fontaine: Je vous demande pardon, M. le Président,
mais, ici, il n'y a pas de limite de temps, on peut poser des questions quand
on veut. Je ne sais pas si vous avez présidé ailleurs, mais, ici,
il n'y a pas de limite de temps.
Le Président (M. Laplante): Je suis les règlements
du livre.
M. Fontaine: Est-ce que vous voulez me donner votre article, M.
le Président?
Le Président (M. Laplante): C'est vingt minutes, à
l'article...
M. Fontaine: M. le Président, je pense qu'on avait
convenu, à cette table, qu'il n'y avait pas de limite de temps, qu'on
pouvait poser des questions...
M. Paquette: M. le Président, on avait également
convenu d'essayer de se discipliner pour poser nos questions dans un intervalle
de 20 minutes.
M. Fontaine: Je ne pense pas, M. le Président, que vous
puissiez me reprocher d'avoir pris beaucoup de temps à la
commission.
M. Paquette: Mais il est normal que le président avertisse
les députés que cela fait 20 minutes qu'ils parlent.
M. Fontaine: D'accord, M. le Président, vous pouvez
arrêter de chercher.
Mme Payette: II me semble qu'effectivement on doit
reconnaître que, depuis le début des travaux de cette commission,
on a laissé beaucoup de latitude, de part et d'autre, d'un
côté comme de l'autre. Je ne pense pas non plus avoir abusé
de mon temps de parole dans aucune circonstance. On a fonctionné
parfaitement à l'intérieur de cela. Il n'y a pas eu d'abus
jusqu'à maintenant et je ne considère pas personnellement qu'il
s'agit là d'un abus, sauf qu'effectivement on avait tenté
d'être raisonnable les uns envers les autres.
M. Fontaine: D'accord. Il me reste deux questions. En ce qui
concerne l'appel, on pourrait admettre que les règles de preuve,
à la Commission des affaires sociales, devraient être plus
strictes et, à ce moment-là on pourrait, dans la plupart des cas,
obtenir justice. Si on admet ce principe, pourquoi ne pourrait-on pas
également permettre qu'il y ait, en plus de cela, un appel à la
Cour supérieure?
M. Lafontaine: C'est ce que nous préconisons.
M. Fontaine: C'est ce que vous proposez. Mais j'ai cru
comprendre, dans votre allocution, que vous aviez amoindri un peu ces
commentaires en disant que, s'il y avait des règles de pratique
suffisamment sévères à la Commission des affaires
sociales, vous pourriez accepter qu'il n'y ait pas d'appel
supplémentaire.
M. Lafontaine: J'ajoutais aussi qu'il y avait la question
d'indépendance qui me semblait fondamentale. Autrement dit, si on fait
de la commission des appels un tribunal de la Cour supérieure, je
n'aurai pas d'objection non plus. C'est un peu cela que j'ai voulu dire. Je me
suis peut-être mal exprimé.
M. Fontaine: Malgré le fait qu'on pourrait avoir une
certaine indépendance chez les membres de la Commission d'appel des
affaires sociales, étant donné qu'il s'agirait surtout de
questions de droit, j'imagine...
M. Lafontaine: Oui.
M. Fontaine: Je pense qu'il serait essentiel qu'on maintienne
l'appel en Cour supérieure. Si la plupart des cas sont
réglés, bien sûr qu'une infime partie de ces cas-là
seulement iront à la Cour supérieure. Cela permettrait une
justice plus équitable pour tout le monde.
M. Lafontaine: Je suis d'accord avec cette position.
M. Fontaine: Vous mentionnez, à l'article 1 de la page 5,
au paragraphe 11, qu'il faudrait redéfinir la question des dommages
corporels pour englober tous les dommages causés lors et à
l'occasion d'un accident. Est-ce que vous pourriez me dire quelles seraient les
conséquences de cet amendement?
M. Lafontaine: C'est la fameuse question du bon Samaritain, le
transport du blessé, par exemple. Lors de l'accident, des dommages
peuvent être subis et nous voudrions que ce soit mentionné dans la
définition. J'ai cru sentir hier que le ministre était d'accord.
C'est une remarque qu'on a faite et qui, par hasard, était
également dans les remarques de M. Masse hier. Autrement dit, il faut
couvrir le bon Samaritain, c'est-à-dire celui qui va aller donner un
coup de main et qui sera aussi blessé à l'occasion d'un
accident.
Une Voix: Et qui peut aggraver les blessures.
M. Lafontaine: Et qui peut aussi aggraver les blessures de
l'autre. C'est un des drames aux Etats-Unis. Les gens refusent d'aller porter
secours, parce qu'ils disent: On va peut-être être poursuivi, cela
se peut qu'on aggrave les blessures de la personne si on va donner un coup de
main. C'est à cela aussi qu'on voulait penser.
M. Fontaine: Mais je pense qu'il y a un article qui couvre...
M. Lafontaine: Oui, il y a un article qui y ressemble.
M. Fontaine: Je ne me rappelle pas le numéro, mais il y a
un article qui couvre la personne qui va aider une autre personne ou qui est
blessée en aidant une autre personne, à l'occasion d'un accident
d'automobile. Est-ce que cela n'inclut pas cette remarque?
M. Lemaître-Auger (Jacques): Non. Si la personne qui aide
le blessé aggrave les dommages du blessé lui-même, ces
dommages sont-ils actuellement compensés par la loi? Ce ne seront pas
des dommages causés au moment de l'accident, ce seront des dommages
causés après l'accident.
M. Fontaine: Les conséquences de l'accident, d'accord.
M. Lemaître-Auger: Les conséquences de l'accident,
mais après l'accident.
M. Fontaine: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Laplante): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: Merci, M. le Président.
Mme Payette: M. le Président, je veux simplement
mentionner qu'il s'agit de l'article 5.
M. Lafontaine: Oui, en partie. Si vous me permettez, M. le
Président, j'ai une remarque à faire. J'ai oublié de la
faire au début de ma présentation.
Le Président (M. Laplante): Allez-y.
M. Lafontaine: Nous avons reçu une lettre d'un des membres
de la commission chez nous, Me Emile Colas qui demande de se dissocier
publiquement de la position de la commission. Je demanderais que la commission
prenne acte de cela. Me Colas dit qu'il est en accord avec la position du
Barreau et non en accord avec celle de la Commission des services
juridiques.
Le Président (M. Laplante): D'accord.
M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. Je voudrais
d'abord féliciter M. Lafontaine pour les nouvelles fonctions qu'il
assume depuis hier. S'il avait eu l'occasion de se présenter hier, cela
aurait été un jour qui aurait comporté deux grands
événements de sa vie, j'imagine.
M. Lafontaine: Je l'ai su ce matin.
M. Roy (Fabien): Vous l'avez su ce matin. Nous sommes heureux
d'en être informés, presque en même temps que vous.
J'aimerais quand même vous remercier et remercier vos
collaborateurs pour le mémoire que vous présentez devant la
commission parlementaire et pour votre disponibilité.
Dans la première page du mémoire, vous dites que, depuis
les débuts de l'aide juridique, environ 10 000
bénéficiaires ont fait appel à vos services en
matière de responsabilité automobile. Pouvez-vous nous donner un
ordre de grandeur concernant la proportion des réclamations concernant
les dommages corporels et les dommages matériels pour voir un peu dans
quelle proportion le projet de loi proposé peut en quelque sorte
modifier votre travail à ce niveau?
M. Lafontaine: Malheureusement non. Au début, quand on a
créé ces systèmes, on ne prévoyait pas toutes les
questions qu'on pouvait avoir. On avait fait 75 probabilités. Je
comprends que c'est un phénomène qui peut se produire ailleurs
dans d'autres services du gouvernement aussi. Nous n'avons malheureusement pas
pris note de la différence des deux types d'accident. Il faudrait tout
relever, aujourd'hui, pour être capable de faire la
différence.
M. Roy (Fabien): Vous ne possédez aucune statistique
là-dessus.
M. Lafontaine: Malheureusement, non.
M. Roy (Fabien): Peut-on dire, à trois contre un, au
moins, minimum, compte tenu de la propor- tion des personnes qui subissent des
dommages matériels par rapport à celles qui subissent des
dommages corporels, que vous avez à peu près les trois quarts des
dossiers qui peuvent uniquement toucher les dommages matériels?
M. Lafontaine: La seule analyse qui a été faite
là-dessus, c'est le rapport Gauvin et je suis porté à
croire qu'il est peut-être encore vrai aussi, ce rapport. C'est tout ce
que je peux dire.
M. Roy (Fabien): Dans le régime proposé actuel,
comment concevez-vous votre rôle, par rapport au rôle que vous avez
exercé à venir jusqu'à maintenant? Croyez-vous que vous
devrez, en quelque sorte, représenter ceux qui s'adressent aux services
de l'aide juridique auprès de la Commission des affaires sociales?
M. Lafontaine: Je crois qu'effectivement ce serait normal qu'on
fasse des représentations nécessaires pour ces gens. Nous sommes
des avocats. Nous détenons un mandat de nos clients. Nos clients disent:
Nous voudrions faire telle représentation. Nous allons le faire sous
forme légale pour eux.
M. Roy (Fabien): Au niveau de l'aide juridique, on me corrigera
si je fais erreur, mais j'aimerais avoir un peu plus de lumière de ce
côté-là, parce que, comme députés, nous
devons souvent référer des personnes au bureau de l'aide
juridique, et, Dieu sait si nous en référons souvent. Il y a
toujours une restriction pour ce qui concerne les réclamations...
M. Lafontaine: Exact.
M. Roy (Fabien): ... que les gens peuvent faire relativement aux
poursuites dont ils peuvent être l'objet. A ce moment-là, vous
pouvez les représenter au niveau d'une réclamation. Si mes
informations sont exactes, le rôle des avocats des bureaux de l'aide
juridique est assez limité pour ce qui a trait à
représenter ceux qui sont admissibles, selon la loi, lorsqu'il s'agit de
réclamations.
M. Lafontaine: L'article 69 de la Loi de l'aide juridique dit que
le directeur général d'une corporation régionale d'aide
juridique doit refuser l'aide juridique à une personne qui est autrement
admissible; autrement dit, financièrement elle est admissible, elle a
une vraisemblance de droit, lorsque ce client est capable de se trouver un
avocat de pratique privée qui est prêt à faire un accord
quant au pourcentage qu'il va lui charger sur une réclamation. Donc, en
principe, l'aide juridique ne peut prendre, par ses permanents, aucune de
telles réclamations; sauf que le deuxième paragraphe continue en
disant: Lorsque cet avocat succombe, c'est-à-dire celui qui a fait un
arrangement avec le client et qui a été refusé à
l'aide juridique, même si son client était admissible parce qu'il
s'agissait d'une réclamation d'argent, à ce moment, l'aide
juridique pourrait être accordée avec effet rétroactif et
couvrirait les honoraires de cet
avocat de pratique privée. C'est une assurance honoraire pour
l'avocat de pratique privée, mais c'est défendu pour un avocat
d'aide juridique de prendre une telle réclamation.
M. Roy (Fabien): Est-ce que vous croyez qu'il ne devrait pas y
avoir des dispositions dans la loi qui pourraient permettre à des
personnes qui se croiront lésées dans la réclamation
qu'elles feront auprès de la Régie de l'assurance automobile
d'avoir recours aux avocats de l'aide juridique et que la loi permette
justement aux avocats de l'aide juridique de les représenter dans le cas
de cette réclamation?
M. Lafontaine: C'est un peu la question que votre confrère
de Nicolet-Yamaska posait tantôt. Je crois qu'au strict niveau
légal, en prenant l'article tel qu'il existe présentement, ce
serait possible qu'on les représente, étant donné qu'on ne
peut pas faire un accord quant au montant qu'il va recevoir de la régie,
parce qu'il y a un article qui empêche que des personnes autres que la
victime obtiennent quelque chose des suites d'un accident, parce que
présentement, c'est cela la situation. L'avocat vit, et j'ai vécu
aussi, c'est normal, on ne s'est jamais posé de questions
là-dessus, on vit des blessures des clients, comme le médecin vit
des blessures de ses clients lui aussi.
M. Roy (Fabien): Lorsqu'il est poursuivi, beaucoup plus que
lorsqu'il a une réclamation à faire lui-même?
M. Lafontaine: Non, lorsqu'il a une réclamation, l'avocat
lui demande un pourcentage, suivant le montant qu'il obtient pour lui.
M. Roy(Fabien): Non, mais au niveau de l'aide juridique, je parle
strictement au niveau de l'aide juridique...
M. Lafontaine: Chez nous, il n'y a aucun frais. M. Roy
(Fabien): Pardon?
M. Lafontaine: Chez nous, il n'y a aucun frais à
payer.
M. Roy (Fabien): Alors, il devrait y avoir des clarifications et
des précisions dans la loi, de façon à éviter tout
équivoque possible, parce que je vois des difficultés de ce
côté, lorsque des personnes s'adresseront à l'aide
juridique. Il faut être capable de se faire représenter
lorsqu'elles auront des réclamations à faire pour l'application
de la loi. Je me réfère à certains...
Mme Payette: Ils viennent de vous dire non, M. le
député.
M. Roy (Fabien): Oui, mais cela n'a pas été un non
qui a été...
Mme Payette: Reposez la question.
M. Roy (Fabien): Si j'ai bien compris, ce n'est pas un non qui a
été catégorique.
M. Lafontaine: Là, je suis en train de repenser
tranquillement. C'est l'article 45 aussi qui prévoit une
indemnité globale, maximum de $20 000 pour des pertes de jouissance de
la vie, des préjudices esthétiques; sauf que l'autre article,
quant à moi, me semble assez clair. On dit: Tu n'as pas le droit de
participer aux blessures de quelqu'un. Donc, à ce moment, ce ne serait
pas possible de faire un accord avec un praticien privé pour un
pourcentage. Alors on serait capable de les prendre, normalement. Ce serait
peut-être mieux de le clarifier parce qu'il y a aussi l'action
représentative ou de groupe qui va peut-être arriver à un
moment donné. Là, il va peut-être y avoir des
représentations, des personnes qui vont dire: Attendez un peu,
faites-nous des champs réservés. Vous autres, vous ne devriez pas
aller là, vous autres, vous seriez mieux d'aller là. C'est un
autre problème qu'on pourrait peut-être discuter en temps et
lieu.
M. Roy (Fabien): A l'heure actuelle, dans le régime actuel
d'assurance automobile dont tout le monde réclame actuellement des
modifications et des améliorations, dans le régime actuel,
qu'arrive-t-il à une personne qui est victime d'un accident d'automobile
et qui est incapable de travailler et qui est sans ressource?
M. Lafontaine: Au moment de l'accident ou par la suite?
M. Roy (Fabien): Par la suite. M. Lafontaine: Par la
suite.
M. Roy (Fabien): II s'adresse au bureau de l'aide sociale et il
reçoit des prestations et des indemnités de l'aide sociale.
Vis-à-vis de la fixation de l'indemnité, en vertu de la loi qui
est proposée actuellement, comment voyez-vous, quelle est votre opinion
sur la fixation de l'indemnité à laquelle une personne qui
était déjà bénéficiaire de l'aide sociale et
qui devient invalide à la suite d'un accident d'automobile?
Ici, on ne peut plus parler du salaire.
M. Lafontaine: Par rapport au projet actuel ou par rapport
à ce qui existe dans la réalité aujourd'hui?
M. Roy (Fabien): Par rapport au projet actuel.
M. Lafontaine: Par rapport au projet actuel. Est-ce que la
personne a déjà travaillé antérieurement ou non? Je
pense que c'est la première question que la régie va se poser.
Quelles sont ses aptitudes au travail? Il me semble que ce soit un autre
critère que la régie est obligée de considérer.
M. Roy (Fabien): S'il est bien déterminé que depuis
six ans cette personne est en quelque sorte incapable de travailler, à
cause de maladie...
M. Lafontaine: A ce moment-là, elle aurait
l'indemnité minimale prévue par la loi, à moins qu'il y
ait des circonstances... Je ne connais pas l'article par coeur, parce que ce
n'est qu'un projet, encore. Il y a trois, quatre critères. Si les
critères ne sont pas suivis, elle aurait l'indemnité minimale,
soit $80 par semaine, si je me rappelle bien, plus $10 par dépendant
aussi, bien entendu.
Mme Payette: Au pire. Au minimum, il s'agit de $80 par semaine,
plus $10 par enfant dépendant. Je vous ferai remarquer que dans le
système actuel, puisqu'on hésitait au sujet de votre question, il
s'agit toujours de $35 par semaine pour un homme et $12.50 pour une femme.
M. Lafontaine: Quand ils sont assurés. Mme Payette:
Quand ils sont assurés.
M. Lafontaine: Quand ils ne sont pas assurés, c'est...
M. Roy (Fabien): Quand ils sont assurés, ce que le
régime d'assurance automobile actuel paie, dans le minimum d'assurance
dont ils disposent avec, évidemment, une compensation additionnelle qui
peut leur venir de la Loi de l'aide sociale, la loi 26. On m'a dit l'autre
jour, et je suis en train de m'interroger, étant donné que le
gouvernement fédéral paie 50% des prestations d'assistance
sociale, si on n'est pas en train de soulager le budget fédéral
en assumant totalement le coût de cette catégorie de
bénéficiaires.
J'aimerais poser une question sur l'article 71 de la loi: "La
régie peut, en tout temps, rendre une nouvelle décision si elle
est d'avis qu'il s'est produit un changement de situation affectant le droit
d'un réclamant à une indemnité ou pouvant influer sur le
montant de l'indemnité." Voilà une disposition à peu
près identique à celle qu'on retrouve dans la Loi de l'aide
sociale.
M. Lafontaine: Les accidents du travail aussi.
M. Roy (Fabien): Et qu'on retrouve dans la Loi des accidents du
travail. Est-ce que vous avez étudié cet article et est-ce que
vous avez des recommandations spécifiques à nous faire
là-dessus? Parce que ce qui a été dit en commission
parlementaire et ce qui est dans mon esprit très clair, c'est qu'on est
en train de faire, en quelque sorte, des assistés sociaux de
l'automobile.
M. Lafontaine: Disons qu'on faisait des assistés sociaux
de l'automobile. Cela, j'en suis sûr, parce qu'on rencontrait ces gens
dans nos bureaux à tous les jours.
M. Roy (Fabien): Oui, mais on n'en faisait pas dans tous les cas.
Tandis que là, on risque d'en faire dans tous les cas.
M. Lafontaine: Je ne comprends pas. Si on les compense...
M. Roy (Fabien): C'est-à-dire qu'on n'en faisait pas dans
tous les cas, d'après l'ancien système.
M. Lafontaine: Bien non! Ceux qui étaient assurés
c'est bien évident pouvaient s'en tirer, c'est
sûr.
M. Roy (Fabien): Actuellement, dans tous les cas, ceux qui
retireront des prestations, des indemnités en vertu des dommages
corporels seront soumis à cette disposition de la loi.
M. Lafontaine: Oui, mais selon mon interprétation
et c'est là peut-être la beauté du système la
rente va toujours être ajustée par rapport à la
capacité de gains ou de pertes économiques de la personne.
Jusqu'à présent, le juge de la Cour supérieure
décidait, une fois pour toutes, que la capacité de gagner de
telle personne était de X pour le restant de ses jours. Mais
aujourd'hui, non seulement elle sera indexée, mais tu peux revenir
devant la régie et dire: Savez-vous, je pense que vous vous êtes
trompés l'autre fois. Ma perte économique n'est pas seulement de
25%. En fait, c'est de 50%, ma perte économique. Il y a un pouvoir de
révision.
M. Roy (Fabien): D'où les dossiers continuellement ouverts
avec les inspecteurs et les vérificateurs, comme on a dans la Loi de
l'aide sociale actuelle.
M. Lafontaine: Je trouve que ça ressemble davantage
à la Commission des accidents du travail qu'à l'aide sociale.
M. Roy (Fabien): Mais la référence n'est pas
beaucoup supérieure.
M. Lafontaine: Là, disons que je serais mal placé
pour en juger.
Mais, quand même, pour les accidents de travail, par rapport
à ce qui existait antérieurement à la loi des accidents de
travail, je ne sais pas si vous savez dans quel domaine c'était. On
disait que les ouvriers se blessaient volontairement. Je me souviens
très bien; il y a même une clause qui est restée pendant
longtemps dans la loi des accidents de travail, disant que ceux qui se blessent
volontairement n'auraient pas droit à l'indemnité. Comme si les
gens trouvaient cela agréable de se couper quelque chose.
M. Roy (Fabien): Je pense que les blessures volontaires, cela
fait bien longtemps qu'on n'en a pas entendu parler et qu'on n'a pas vu de
dossier de ce genre.
M. Lafontaine: J'espère.
Mme Payette: Je vous ferai remarquer qu'on a parlé de
suicide avec une automobile à cause de la
générosité du régime.
M. Roy (Fabien): Mme le ministre, il faut toujours se
méfier des rumeurs et des qu'en-dira-t-on.
M. Saint-Germain: Le suicide est tellement fondé que les
compagnies d'assurances en tiennent compte dans l'industrie privée.
M. Lafontaine: On peut tenir compte de la maladie, cela va de
soi.
Mme Payette: Et du risque que représentent ceux qui
fument.
Le Président (M. Laplante): Avez-vous d'autres questions,
M. le député de Beauce-Sud?
M. Roy (Fabien): Oui, ce sont deux courts commentaires que je
fais. Vous avez proposé, ce matin, qu'il y ait un conseil de la
magistrature. Je pense que vous nous faites une suggestion extrêmement
valable. En tout cas, je vais vous donner la réponse traditionnelle de
tous les politiciens: Nous en prenons bonne note. Mais, je pense quand
même que cette proposition que vous nous faites ne tombera pas dans des
oreilles de sourds.
J'aimerais également faire un commentaire à ce qu'a dit,
tout à l'heure, Mme le ministre, à la suite des questions de mon
collègue, le député de Nicolet-Yamaska. Elle a dit qu'on
était déjà assuré pour aller aux Etats-Unis et que
les polices d'assurances comportaient évidemment les risques que nous
avions à courir lorsque nous débordions les frontières du
Québec.
Mme Payette: En Nouvelle-Zélande.
M. Roy (Fabien): La Nouvelle-Zélande est une
île.
Mme Payette: Mais, ici, on est obligé de prévoir
que les gens voyagent.
M. Roy (Fabien): Vous aviez un peu copié c'est
vous-même qui nous l'avez dit le régime de la
Nouvelle-Zélande.
Mme Payette: Oui, mais on ne peut pas devenir une île.
M. Roy (Fabien): Alors qu'on ne peut pas devenir une
île.
Mme Payette: C'est cela, on en tient d'ailleurs compte.
M. Roy (Fabien): J'aimerais tout simplement faire le commentaire
suivant: II est exact que nos polices d'assurance nous couvrent pour les
dommages, en cas de responsabilité civile et de responsabilité
civile totale, mais, dans le Québec actuellement, on nous enlève
les blessures corporelles, dans le régime d'assurances, on diminue la
prime d'assurance d'autant, proportionnellement aux risques, non pas
proportionnellement aux risques, mais on diminue la prime d'assurance parce que
ce risque est disparu de la police d'assurance traditionnelle. Ce que
j'aimerais à dire au ministre, ce matin, c'est que ceux qui ont affaire
aux Etats-Unis devront garder ce même risque, n'auront pas de diminution
dans leur prime d'assurance et devront assumer en plus les frais du
régime québécois.
Mme Payette: M. le Président, ils auront peut-être
une baisse de prime quand même à cause de la répartition,
sur 20% de plus de la population, du risque encouru.
M. Roy (Fabien): J'aimerais quand même dire à
l'honorable ministre qu'il y a des gens, dans plusieurs régions du
Québec, notamment dans celle que j'ai l'honneur de représenter
à l'Assemblée nationale, qui sont situés près de la
frontière américaine. C'est vrai pour plusieurs comtés du
Québec, c'est également vrai pour d'autres régions qui
sont très près de l'Ontario. D'accord que la région
métropolitaine peut être moins concernée que les autres,
mais il va falloir qu'on comprenne qu'il n'y a pas que la région
métropolitaine au Québec.
Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, mais je
n'accepte pas qu'on me fasse remarquer que je n'ai pas compris qu'il n'y avait
pas que la région métropolitaine au Québec. On a assez
parlé des régions frontalières et des problèmes que
cela posait! On en a été conscient pendant toute l'étude
de ce dossier. Je pense que le projet de loi reflète justement
l'intérêt particulier qu'on a porté à ces
gens-là.
M. Roy (Fabien): Reflète, mais il n'y a aucune disposition
particulière pour diminuer le coût de leur assurance. Vous vous en
inquiétez, mais de là à passer aux actes, c'est une autre
affaire.
Mme Payette: Vous en serez surpris. M. Roy (Fabien):
Merci.
Le Président (M. Laplante): Je voudrais rendre une
décision concernant un argument du député de
Nicolet-Yamaska. Les articles 119 et 160 me le permettent. Je voudrais aussi
vous dire que je ne suis ici que de passage. Je prends la parole du
député de Nicolet-Yamaska disant que, depuis le début des
audiences, vous n'avez pas été brimé dans votre droit de
parole. Ce même principe qui a cours depuis le début des audiences
va continuer. M. le député de Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. J'ai quelques petites
questions à poser aux avocats de l'aide juridique. Selon votre
expérience, est-ce que la période d'attente à la
Commission des accidents du travail ou à la Commission des affaires
sociales est équivalente à celle de la Cour supérieure du
Québec?
M. Lafontaine: Si vous permettez, je vais demander à M.
Laberge, qui passe la plus grande
partie de son temps devant ces tribunaux, de vous le dire.
M. Laberge (Denis): Je vais vous dire un peu ce qu'est
l'expérience des avocats, à Montréal tout au moins, qui se
présentent régulièrement et très souvent devant la
Commission des Affaires sociales qui siège à Montréal.
Vous savez que la commission est itinérante et qu'elle se
présente dans tous les comtés, dans toutes les régions du
Québec.
Mme Payette: Est-ce que je pourrais demander au témoin
d'approcher le micro un peu, à cause du bruit. Je m'excuse, nous
n'entendons plus rien de notre côté.
M. Laberge (Denis): Je disais que la Commission des affaires
sociales était itinérante et qu'elle siégeait dans toutes
les régions du Québec. A Montréal, elle siège
chaque mois, plusieurs jours par mois.
Pour les délais d'audition, on n'a pas pu, en principe, fixer de
barème, parce que c'est relatif à chaque dossier. Mais ça
peut parfois dépendre des expertises médicales qui sont
très longues avant de parvenir à la commission. La plupart du
temps, on se présente sur des cas d'appel de régie des rentes,
parfois d'aide sociale, quoique c'est beaucoup moins fréquent, parce que
c'est une loi qui est plus simple d'application. Dans le cas des
invalidités accordées par la régie, c'est assez long,
l'audition est assez longue, parce qu'il y a parfois plusieurs examens
médicaux qui sont aussi demandés par le
bénéficiaire.
Alors, c'est certain que dans le cas de l'assurance automobile, le
même problème se reposera parce qu'il y aura des examens
médicaux encore là. C'est certain que ça prendra un
système bien installé où on pourra rapidement obtenir des
examens médicaux.
Le Président (M. Laplante): ... rapidement.
M. Shaw: M. le Président, est-ce que les témoins
reviendront cet après-midi?
Le Président (M. Laplante): C'est ce dont j'allais
m'informer: si les membres de la commission ont encore d'autres questions
à poser, si les témoins veulent revenir après la
période des questions.
M. Paquette: M. le Président, c'est parce que nos
témoins attendent depuis hier et ce serait beaucoup leur demander.
Peut-être qu'ils sont prêts à revenir, mais une autre
solution serait de savoir, ça dépend du nombre de questions qu'on
a encore à poser. De notre côté, on n'en a plus. Je ne sais
pas, de votre côté, il y a peut-être seulement le
député de Pointe-Claire à qui il reste une ou deux
questions. On pourrait peut-être terminer ça.
M. Saint-Germain: Je n'ai plus de questions, on peut prolonger de
cinq ou dix minutes, si c'est le désir de tout le monde.
M. Shaw: J'ai seulement une question au sujet du recours en cour
Supérieure qui est un des principes de leur mémoire. Je
voudrais...
Le Président (M. Laplante): Je voudrais savoir si vous
êtes d'accord pour dix minutes.
Mme Payette: M. le Président, je n'ai pas d'objection
à ce qu'on continue dix minutes et, effectivement, je suis
reconnaissante qu'on tienne compte du fait qu'on a demandé à ce
groupe d'attendre jusqu'à aujourd'hui pour être entendu en
commission.
Le Président (M. Laplante): D'accord, allez-y avec votre
question, M. le député.
M. Shaw: La raison pour laquelle je voudrais continuer est que je
crois qu'un principe qui est fondamental pour tous les citoyens du
Québec est le recours en cour Supérieure, leur droit de recours
contre une décision d'un fonctionnaire du gouvernement.
Une des raisons données pour enlever ce recours est que la
période d'attente pour aller en cour Supérieure peut être
une injustice pour l'individu impliqué.
Je vais vous poser la question une autre fois, parce que cela implique
un principe. J'ai étudié les crédits des Affaires sociales
et nous avons vu le nombre de cas qui sont en attente. C'est incroyable. Je
crois que c'est trois fois le nombre de l'année passée.
Si nous avons une période d'attente aussi longue que cela avec la
Commission des affaires sociales, cela implique qu'il n'y aura pas de justice
pour l'individu, si on emploie un système qui ne marche pas comme il
faut. Pouvez-vous me renseigner?
M. Lafontaine: Si vous le permettez, M. le Président
je sais que je suis en dehors de la "track" tantôt, le
député de Beauce-Sud a dit que j'avais préconisé un
conseil de la magistrature. Je voudrais restituer cela dans son contexte. Ce
que j'ai dit tantôt, c'est que la question d'indépendance des
tribunaux pouvait passer par le fait que les juges soient nommés
à vie, ou, du moins, qu'il y ait une époque de retraite qui soit
fixée. Cela pouvait aussi amener d'autres problèmes relatifs au
fait qu'à un moment donné, certaines personnes pouvaient
être moins efficaces et, à ce moment-là, on avait
prévu qu'il pourrait être possible qu'il y ait un conseil de la
magistrature. Disons que ce n'était pas une suggestion que je faisais de
moi-même. Je n'avais pas de mandat non plus pour la faire au nom de la
commission.
Pour revenir à la question du député de
Pointe-Claire, il y a quand même quelque chose que je trouve souhaitable
qu'on retrouve dans le projet de loi. On peut payer l'indemnité avant
même de passer devant la cour. C'est drôlement
important quant à moi. Autrement dit, la régie n'a pas
intérêt à retarder la cause indûment parce
qu'effectivement, dans la plupart des cas, elle va commencer à payer
l'indemnité immédiatement. Il y a un délai de carence de
sept jours, si j'ai bien compris, et la régie pourrait commencer
à payer immédiatement. C'est ce qui se produit aussi,
présentement, devant la Commission des affaires sociales. Dans bien des
cas, il y a une requête préalable qu'on peut faire et la
Commission des affaires sociales va ordonner aux Affaires sociales de payer la
pension jusqu'à ce que la cause soit entendue.
Disons que je suis d'accord avec vous que c'est un principe de base; une
justice qui est retardée n'est pas une bonne justice, je suis d'accord
avec cela. Si, entre-temps, on amenuise ces conséquences en permettant
de verser une indemnité, je suis d'accord avec cela, d'autant plus que
les articles prévoient que cela ne sera pas récupérable de
la victime si, par la suite, le jugement disait: On a payé sans droit.
Autrement dit, c'est une façon de palier cela. Mais il y a un autre fait
aussi.
M. Shaw: Mais vous n'avez pas répondu à ma
question. Je voulais savoir si la période d'attente est
différente pour la Cour supérieure du Québec. La
période d'attente, c'est la question.
M. Laberge (Denis): II n'y a pas, à la Commission des
affaires sociales actuellement, de délais établis comme en Cour
supérieure où on dit: Un accident d'automobile, c'est trois ans
d'attente, c'est maintenant deux ans. Une action en séparation de corps,
c'est deux ans d'attente sur les rôles. En Commission des affaires
sociales, pour le moment, cela ne marche pas ainsi. On ne peut pas vous
répondre, on ne peut pas vous dire que c'est un délai de six mois
ou de huit mois ou de dix mois pour une cause, sauf qu'il y a beaucoup
d'impondérables, comme je vous le disais tantôt.
Il est certain, pour le bénéfice de votre information, que
s'il y a beaucoup d'appels de causes d'accident d'automobile devant la
commission, cela va créer, comme devant tout autre tribunal, un impact
considérable. Il faudra plus de personnel, plus d'assesseurs, etc.
Pour le moment, on n'entend pas ce genre de cause. On va entendre
bientôt des appels qui viennent de la Commission des accidents du
travail, ce qui est nouveau, comme vous le savez. C'est certain que cela
grossit davantage le travail de la Commission des affaires sociales. C'est un
tribunal administratif à organiser avec toutes ces lois, c'est
certain.
M. Shaw: Cela implique que vous avez seulement 10% de la
population qui sont impliqués dans la Commission des affaires sociales.
Aussitôt qu'on traite d'accidents d'automobile, tous les cas doivent
être réglés il y a une différence d'opinion
par la Commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle
vous avez une période d'attente à la Cour supérieure
maintenant pour les cas d'accidents et que vous avez tant de travail. Est-ce
que cela va changer avec une cour différente?
M. Lafontaine: On parle d'appel. Actuellement, en Cour
supérieure, ce sont les causes au mérite qui sont entendues.
Lorsqu'on parle d'appel, quant à nous, de l'aide juridique, devant la
Cour supérieure, c'est une procédure qui est beaucoup plus
simple, qui est beaucoup plus restreinte. Il y a moins de monde, il y a moins
de témoins, etc.
M. Shaw: Dans un accident, s'il y a des blessures corporelles qui
peuvent impliquer une rente de 30 ans ou de 35 ans, pensez-vous que vous n'avez
pas autant de témoins, de dossiers d'examens médicaux?
M. Laberge (Denis): Je n'ai pas à plaider sur la
responsabilité. Dans un procès, il y a cinq témoins d'un
bord, cinq témoins de l'autre pour prouver que la responsabilité
est celle de l'autre et inversement.
M. Shaw: Réellement, le choix est presque toujours fait
facilement.
M. Laberge (Denis): Non.
M. Shaw: C'est le dommage qui prend du temps.
M. Laberge (Denis): Si vous me permettez, devant la Commission
des affaires sociales, ce que j'aurai à prouver, c'est la perte
économique, la perte physique. Alors, je n'ai pas besoin de
témoin pour démontrer la responsabilité. C'est un
procès, si on peut appeler cela un procès, qui est beaucoup plus
court. L'appel qu'on préconise par la suite devant la Cour
supérieure, encore là, c'est davantage plus court. Ce sont des
procédures qui seront beaucoup moins longues qu'auparavant, parce qu'il
n'y aura plus de responsabilité qui sera discutée.
M. Shaw: Nous avons aussi des accidents qui impliquent des
personnes de l'extérieur du Québec. Un accident qui arrive
à Montréal avec une automobile américaine, qui implique
des blessures corporelles, doit être réglé devant une cour
du Québec qui n'est pas une cour judiciaire, mais une cour quasi
judiciaire. Qu'est-ce que cela va impliquer quant au projet de loi
lui-même?
M. Lafontaine: Pardon? C'est de l'article 8 que vous parlez?
M. Shaw: Oui.
M. Lafontaine: A l'article 8, on dit: Le désaccord entre
la régie et la victime sur la responsabilité de cette
dernière est soumise au tribunal. Vous voulez savoir quel tribunal?
M. Shaw: Oui. Peut-être que le ministre peut...
M. Lafontaine: C'est le tribunal de droit commun, en vertu des
articles 97 à 102.
Mme Payette: C'est exact.
M. Laberge (Denis): C'est la Cour supérieure et la Cour
provinciale qui règlent les actions de moins de $3000.
M. Shaw: M. le Président, je n'ai plus de question.
Le Président (M. Laplante): Dans ce cas, les membres de la
commission vous remercient, messieurs, vous et votre groupe, pour la
présentation de votre mémoire. Les travaux sont
ajournés...
M. Paquette: M. le Président, je m'excuse, avant
l'ajournement, peut-être pour aider nos invités à
patienter, j'aimerais savoir si les deux premiers intervenants, qui ont des
mémoires à titre individuel, vont être
présentés, auquel cas on pourrait prévoir un peu l'ordre
des travaux pour le reste de la journée.
Le Président (M. Laplante): D'abord, en ajournant sine die
cet après-midi... Maintenant, M. W.F. Gough est-il ici? Il n'est pas
ici. Cet après-midi, il y aura M. Renaud, que j'ai rencontré tout
à l'heure. Son mémoire ne contient qu'une feuille. Vu que c'est
déjà une cause devant les tribunaux, il demande seulement que son
mémoire soit inscrit au journal des Débats. Est-ce qu'on a le
consentement?
M. Roy (Fabien): D'accord.
Le Président (M. Laplante): C'est une demande qui sera
répétée probablement cet après-midi, parce que
j'avais déjà ajourné sine die.
M. Roy (Fabien): D'accord.
Le Président (M. Laplante): Merci. (Voir annexe)
M. Paquette: Donc, il nous reste trois mémoires à
entendre.
Le Président (M. Laplante): Oui, monsieur?
M. Allard (Sébastien): Si vous permettez! Nous avons
été convoqués pour 10 heures ce matin.
Le Président (M. Laplante): De quel groupe
êtes-vous, monsieur?
M. Paquette: La Royale...
Le Président (M. Laplante): Monsieur, la Banque Royale,
vous serez...
M. Allard: Non pas la banque, mais l'assurance Royale.
Le Président (M. Laplante): La Royale du Canada... Vous
serez probablement entendus aujourd'hui.
M. Paquette: Probablement à 16 h 30.
Le Président (M. Laplante): C'est certain que vous allez
être entendus aujourd'hui.
M. Allard: C'est certain, aujourd'hui? Le Président (M.
Laplante): Aujourd'hui.
M. Paquette: Probablement à 4 h 30.
Le Président (M. Laplante): Vous allez certainement
l'entendre aujourd'hui.
Une Voix: C'est certain aujourd'hui.
M. Payette (Louis): A quelle heure est-ce que ça
recommence, M. le Président?
Le Président (M. Laplante): Cela recommence après
la période des questions, monsieur...
M. Payette: Vous prévoyez...
Le Président (M. Laplante): ... à
l'Assemblée nationale. On prévoit ça vers 4 h 15 à
peu près.
M. Payette: Merci.
M. Roy: Est-ce que c'est dans votre intention de faire poursuivre
la séance de la commission en soirée?
Le Président (M. Laplante): C'est notre intention de
continuer en soirée. Si on n'est pas malchanceux, tous les groupes
convoqués aujourd'hui vont être entendus.
(Suspension de la séance à 13 h 11)
Reprise de la séance à 16 h 40
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et
messieurs!
La commission des consommateurs, coopéra-tiveset institutions
financières est à nouveau réunie pour continuer
l'étude du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.
Les membres de la commission pour aujourd'hui sont: M. Beauséjour
(Iberville), M. Bisail-lon (Sainte-Marie); M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin
(Sherbrooke); M. Fontaine (Nicolet-Yamaska) remplace M. Goulet (Bellechasse),
M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Paquette
(Rosemont) remplace M. Landry (Fabre); M. Giasson (Montmagny-L'Islet) remplace
M. Larivière (Pon-tiac), M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M.
Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont); M.
Roy (Beauce-Sud); M. Shaw (Pointe-Claire) remplace M. Russell
(Brome-Missisquoi), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Vaillancourt
(Jonquière).
A la suspension de ce matin, nous en étions à la liste des
invités pour aujourd'hui, soit M. W.F. Gough, à titre personnel;
M. Maurice Renaud, à titre personnel; La Royale du Canada, compagnie
d'assurances, représentée par M. Sébastien Allard; La
Corporation professionnelle des médecins du Québec, avec le
porte-parole, M. Augustin Roy, président; la Fédération
des physiothérapeutes en pratique privée du Québec,
représentée par M. Rolland Lamarche, président.
M. Gough peut-il venir déposer son mémoire?
M. W.F. Gough Mme Payette: II n'est pas là.
Le Président (M. Boucher): Quand on a fait l'appel ce
matin M. Gough n'y était pas.
M. Saint-Germain: Excusez-moi, M. le Président, je sais
pertinemment qu'il n'est pas dans nos habitudes d'étudier les
mémoires signés par des gens qui ne se présentent pas
à la commission, mais ce mémoire est simple et il aborde un
problème bien défini. Je me demande si Mme le ministre ne
voudrait pas tout simplement le commenter.
M. Paquette: M. le Président, si je peux me permettre; il
est vrai qu'on n'a pas l'habitude de faire cela pour une bonne raison, c'est
qu'on fait attendre des gens depuis très longtemps déjà.
Le député peut toujours garder ce problème en
réserve lorsque nous allons discuter du projet de loi, article par
article, pour s'assurer qu'on tiendra compte de ce mémoire comme des
autres.
M. Saint-Germain: Je ne veux pas insister, M. le
Président, mais comme je l'ai dit, c'est une question qui semble revenir
assez souvent et à laquelle nous n'avons pas eu, à mon avis, de
réponse précise. J'ai cru que dans quelques mots madame pourrait
nous éclairer bien précisément. Je ne re- viendrai
d'ailleurs pas sur la réponse qu'elle nous donnera.
Mme Payette: M. le Président, par respect pour les gens
qui attendent depuis ce matin, je sais que certains d'entre eux, d'ailleurs,
ont des obligations qui les rappellent à Montréal, on m'a dit
qu'on a même négocié entre les groupes pour que l'un puisse
être entendu avant l'autre, je peux m'engager auprès du
député de Jacques-Cartier à répondre à
l'inquiétude de M. Gough, personnellement, par lettre, s'il y tient.
Comme cette personne n'est pas présente, je crois qu'on devrait tout
simplement mettre ce mémoire de côté.
M. Saint-Germain: Peut-être pourrait-on... Enfin, je ne
voudrais pas continuer. Je ne veux pas, par respect pour nos invités,
faire un débat de procédure là-dessus. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Hier, nous avions adopté
une résolution à l'effet que les mémoires
présentés devant la commission devaient être inscrits au
journal des Débats. Est-ce que le mémoire de M. Gough pourrait
être inscrit au journal des Débats?
Mme Payette: M. le Président, je vous fais une suggestion.
On pourrait, demain, déposer la réponse qui a été
expédiée à ce monsieur, au député, si bien
que vous auriez, à ce moment-là, l'information sans prendre le
temps des invités.
M. Saint-Germain: M. le Président, je remercie...
M. Roy (Fabien):... en remettre une copie aux membres de la
commission, et que ce soit consigné au journal des Débats.
Mme Payette: C'est cela, si vous voulez, la réponse a
déjà été envoyée.
M. Roy (Fabien): Je n'ai pas d'objection. Le Président
(M. Boucher): D'accord.
M. Saint-Germain: M. le Président, je remercie madame de
sa collaboration, (voir annexe)
Le Président (M. Boucher): La deuxième personne
convoquée était M. Maurice Renaud, à titre personnel.
M. Maurice Renaud
Mme Payette: M. le Président, on m'a dit que M. Renaud
était présent, ce matin, à la séance de la
commission. Il avait fait savoir déjà qu'il ne désirait
pas que son mémoire soit lu à haute voix. Il voulait cependant
qu'il soit versé au journal des Débats. Comme le cas dont parle
M. Renaud dans son mémoire est un cas qui actuellement est devant les
tribunaux, nous n'aurions pas pu, de toute façon, interroger cette
personne. Si bien que si la commission est d'accord, nous allons, comme il
l'a demandé, consigner le mémoire au journal des
Débats et considérer qu'il est reçu et entendu par la
commission.
M. Saint-Germain: M. le Président, je ne suis pas avocat,
mais si on ne peut pas discuter le rapport, parce que ce cas est devant la
cour, je me demande si on peut l'inscrire au journal des Débats ou si on
ne doit pas plutôt retenir ces inscriptions pour la même raison que
M. Maurice Renaud ne veut pas en discuter devant cette commission. Il y a
peut-être des avocats, ici, qui pourraient peut-être mieux vous
renseigner que moi, sur cette question.
M. Roy (Fabien): Je ne veux pas faire de débat de
procédure, mais je m'interroge sérieusement, parce que l'article
99, paragraphe 4, malgré toute la bonne volonté et la sympathie
qu'on peut avoir pour telle ou telle personne, nous oblige à certaines
restrictions.
Il est strictement interdit à un député qui a la
parole de parler d'une affaire qui est devant les tribunaux, ou devant un
organisme quasi judiciaire, ou qui est sous enquête. Je m'interroge,
à savoir si on ne crée pas un précédent en faisant
en sorte qu'un mémoire, qui ne peut pas être entendu justement
pour cette raison, puisse être rendu public par le journal des
Débats.
Alors, en ce qui me concerne, j'ai de sérieuses réserves
à ce sujet et, sans en faire un débat de procédure, je
pense que M. Renaud comprendra quand même que nous avons un
règlement qui régit nos travaux et, si on acceptait de le faire,
on risquerait de se retrouver dans un débat de procédure ou une
affaire similaire.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je
serais porté à corroborer les propos du député de
Beauce-Sud. Il est bien évident que de reporter la déposition
d'un témoin dans le journal des Débats équivaut à
un témoignage et cela contrevient, sans aucun doute, à l'article
que vient de citer le député de Beauce-Sud. Je pense qu'il serait
plus prudent. Je suis sûr que M. Renaud va comprendre les raisons de
l'attitude de la commission, si tel est le cas. Il va certainement comprendre
les raisons de la commission.
Mme Payette: M. le Président, je n'ai aucune objection
à ce qu'on en prenne connaissance pour le besoin de l'information de la
commission chacun de son côté et qu'on s'en tienne, pour l'instant
du moins, à ça tout simplement.
Le Président (M. Boucher): De l'avis ou du consentement
des membres de la commission, le mémoire de M. Renaud ne sera pas
inscrit au journal des Débats.
L'organisme suivant serait la Royale du Canada, compagnie d'assurances,
représentée par M. Sébastien Allard.
M. Payette (Louis): M. le Président, si vous me permettez,
la Corporation des médecins qui est également invitée cet
après-midi a seulement quelques commentaires à formuler sur
quelques articles du projet de loi. M. Allard, de La Royale, a bien voulu
accepter que nous passions avant les gens de La Royale. Alors, je demanderais
la permission pour que vous entendiez d'abord la Corporation des
médecins.
Le Président (M. Boucher): Puisqu'il y a eu consentement
de la part de La Royale du Canada, nous demandons immédiatement à
la Corporation professionnelle des médecins du Québec de bien
vouloir prendre place au centre pour présenter son mémoire.
Corporation professionnelle des médecins du
Québec
M. Roy (Augustin): M. le Président, Mme le ministre, MM.
les députés, je voudrais tout d'abord remercier M. Allard et son
groupe de La Royale du Canada de nous avoir donné l'occasion de passer
immédiatement et de présenter un court mémoire sur un
sujet très précis, celui de la confidentialité des
dossiers et du secret professionnel.
M. Saint-Germain: M. le Président, je m'excuse, mais
j'entends difficilement, si vous vouliez tout simplement approcher votre
micro.
M. Roy (Augustin): D'accord. C'est mieux? M. Saint-Germain:
C'est mieux.
M. Roy (Augustin): Je suis Augustin Roy, président de la
Corporation des médecins du Québec. A ma droite, Me Louis
Payette, notre conseiller juridique; à ma gauche, le Dr André
Lapierre. Encore une fois, je remercie La Royale, compagnie d'assurances, de
nous avoir laissé l'occasion de présenter notre mémoire
immédiatement.
Je ne veux pas commencer sans souligner... Chaque fois que je viens ici,
je trouve extrêmement ingrat le rôle du député,
rôle mal connu de notre population, peut-être encore plus ingrat
que celui de gouverner, celui d'écouter la population et, en même
temps, de la diriger.
C'est ce qui fait davantage réfléchir lorsque arrive une
campagne électorale et que, quelquefois, on se fait solliciter pour y
embarquer, quand on connaît un peu le système.
J'aimerais bien que toute les personnes soient au courant du travail
immense qui est abattu à l'Assemblée nationale par les
députés de tous les partis. Evidemment, il n'y a pas de
journalistes pour rapporter mes paroles. Il n'y en a jamais quand c'est le
temps de rapporter de bonnes paroles.
Ceci dit, je veux vous dire qu'on veut profiter de l'occasion... Il y en
a un du Journal de Québec, je suppose. D'accord. Merci, on va vous lire.
Je voudrais profiter de l'occasion qui nous est offerte, pour la
première fois, de parler du secret
professionnel et de la confidentialité des dossiers.
Lorsque la Loi sur les services de santé et les services sociaux
a été discutée ici, en commission parlementaire, au
début des années soixante-dix, loi communément
appelée la loi 65, il n'y avait pas d'articles qui concernaient ce
sujet. Après la commission parlementaire, il y a eu un article,
appelé l'article 7 maintenant, qui a été incorporé
à la loi, mais après les commissions parlementaires, encore une
fois, et on n'a pas eu l'occasion de faire de suggestions sur cet article
extrêmement important, sinon par voie de télégramme.
Depuis ce temps, plusieurs lois et projets de règlement
autorisant ou obligeant un médecin à dévoiler des
informations confidentielles ont été adoptés par
l'Assemblée nationale. Je vais donner quelques exemples.
Déjà, des projets de loi encore en discussion, le projet de loi
no 10 qui, justement, amende la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, actuellement devant vous, en première lecture, qui
permet un accès inconditionnel, de la part des héritiers, au
dossier d'une personne décédée et permet ainsi de
découvrir, au décès d'une personne, toute
l'intimité de celle-ci, et que le législateur a voulu
protéger durant sa vie.
Nous ne faisons qu'attirer votre attention parce que ce projet de loi
est encore devant vous à l'heure actuelle.
Il y a aussi le projet de règlement découlant de la
même loi qui avait été préparé par le
gouvernement précédent, qui n'a pas été
retiré, qui est en train d'être révisé, mais dans
lequel on obligeait les établissements à dévoiler au
ministre, pour chacune des visites faites dans un établissement, social
ou médical, la nature de la demande ou du problème, la nature de
l'acte posé, ceci mettant sur pied l'organisation du fameux dossier
médical ou social cumulatif, avec le code CP-12, dont plusieurs
personnes ont parlé, dossier qui, par ailleurs, existe dans le domaine
scolaire, dans le domaine de l'éducation sur lequel il y a beaucoup de
critiques.
Finalement, les critiques s'étant apaisées, la machine
bureaucratique a quand même été mise en application sans
que les gens ne s'en aperçoivent trop, mais il reste qu'il y a, dans
notre système, actuellement devant vous, des lois qui parlent de cette
question extrêmement importante.
Le projet de loi 9 sur les handicapés permet aussi à
l'Office des handicapés de prendre connaissance des dossiers, nonobstant
toute autre loi. C'est textuel dans un article de cette loi. Le bill 24, que
vous allez discuter prochainement, sur la protection de la jeunesse permet
aussi au Comité de protection de la jeunesse de prendre connaissance de
dossiers. Dans ce cas-là, c'est nonobstant l'article 7 de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux.
Vous avez également le bill 5, modifiant la Loi des accidents du
travail, que vous avez adopté au cours de l'été dans une
formulation qui ressemble un peu à celle qui est suggérée
dans le projet de loi de l'assurance automobile. Vous avez également la
loi des véhicules automobiles qui oblige les médecins à
déclarer les personnes qui sont inaptes à conduire un
véhicule automobile. En- core là, on suggère des
amendements pour demander au médecin d'inclure le diagnostic dans, je
dirais, sa dénonciation au ministère des Transports. Il y a en
plus, aujourd'hui, le projet de loi 67 qui oblige le médecin à
dévoiler le dossier d'une personne qui l'aurait consulté et qui
aurait été la victime d'un accident.
Il y a, par ailleurs, la Charte des droits et libertés de la
personne qui précise des droits d'une personne quant au respect de sa
vie privée et au secret professionnel. Il y a également de
nombreuses réclamations d'aide sociale, d'assurance-chômage,
d'absence pour maladie, de formules prévues dans les conventions
collectives qui obligent la déclaration d'informations confidentielles,
d'un diagnostic de la part d'un médecin, pour avoir droit à des
prestations.
On ne veut pas remettre en cause ici tous et chacun de ces articles,
mais la Commission d'enquête sur la santé et les services sociaux,
présidée par quelqu'un que vous connaissez bien, que je connais
bien et dont je ne veux pas mentionner le nom, parce que j'y suis très
allergique, mentionnait, dans son rapport, le volume 7, le tome I, paragraphe
152: "que notre législation du secret professionnel est remplie de
contradictions".
C'est encore vrai aujourd'hui, même si cela date de quelques
années. Compte tenu de ces lois, des règlements qui en
découlent et des codes de déontologie des professions qui
viennent encore compliquer la chose et que vous avez fait approuver par le
lieutenant-gouverneur en conseil et qui permettent au malade d'avoir un
accès presque inconditionnel à son dossier.
Le dossier médical, tant en cabinet privé qu'à
l'hôpital, n'est pratiquement plus l'instrument de travail permettant au
médecin de bien traiter le malade. Il est en train de devenir un
instrument aux mains des différents organismes chargés
d'administrer des lois.
Cela devient un problème. Les médecins commencent à
se demander ce qu'ils doivent mettre ou ne plus mettre dans les dossiers, parce
que pratiquement tout le monde peut voir les dossiers. Je pense que les gens
vont être quand même sensibles à ce genre
d'argumentation.
Il y a eu quelques exemples récents, cet été,de
malheureux cas dans un hôpital de Montréal et dans une compagnie
de finance où on a trouvé des dossiers dans des poubelles, dans
la rue, des dossiers très confidentiels.
Je pense que chaque individu, ayant droit à sa vie privée,
devrait avoir la possibilité de jouir d'une protection claire et
entière.
Toutes ces fins ont une valeur. Nous ne voulons pas les contester. Nous
désirons seulement insister sur la nécessité d'une
étude approfondie de cette loi concernant le secret professionnel.
Déjà, aux commissions parlementaires antérieures
nous commençons un peu à prendre l'habitude un
monsieur, qui a déjà été ministre des Affaires
sociales, avait dit qu'il y aurait une loi-cadre sur le secret professionnel.
Si je ne m'abuse, je l'ai entendu aussi de la part de M. Choquette, il y a un
certain nombre d'années.
Ce serait un très bon geste de la part du gou-
vernement actuel que de préparer une loi-cadre sur la question de
la confidentialité des dossiers et du secret professionnel.
Déjà, la corporation, il y a quelques années, avait
présenté à M. Claude Forget, ancien ministre des Affaires
sociales, un projet de mémoire sur un centre de statistiques sur la
santé et les services sociaux.
A l'heure actuelle, c'est évident qu'on ne peut plus calculer les
statistiques à la mitaine, à la main. Il faut mettre cela sur
ordinateur, avec tous les problèmes que cela comporte, mais il faut
quand même, à ce moment, avoir des lois qui existent en
contrepartie et qui protègent la population.
Je voudrais seulement rappeler un paragraphe d'un propos de la
commission mentionnée auparavant, le paragraphe 154, qui disait: Dans
les domaines de la santé et des services sociaux où la
préoccupation du praticien est de guérir, de soigner, de
prévenir ou d'assister, le succès même du traitement ou des
services exige que le malade ou l'individu puisse se confier librement au
praticien qu'il consulte sans crainte que les renseignements qu'il lui fournit
soient divulgués. Ce climat de confiance et c'est là que
réside tout le succès ou l'insuccès en médecine
et de sérénité est indispensable à la
réussite du traitement.
Les praticiens se refusent de plus en plus à isoler les
symptômes médicaux du contexte social et humain qui les a
provoqués et quand on parle de médecine globale, c'est de
ça qu'on parle. Le malade ou l'individu doit pouvoir s'ouvrir librement.
Ce serait aller à l'encontre de cet objectif primordial que de forcer le
praticien à trahir le secret. Le bierr public n'en serait nullement
servi. Le secret qui échapperait ainsi à la justice n'aurait, de
toute façon, pas été confié au praticien,
n'eût été la garantie du secret, et c'est justement parce
que le patient s'imagine ou a l'impression que ce qu'il dit va être
gardé secret qu'il dit tout ce qu'il veut dire au médecin; mais
le jour où il saura que ça peut être divulgué
à gauche et à droite, il est possible qu'il ne veuille plus le
dire. Parce que, comme je le disais aux médecins, l'obligation au secret
professionnel et à la confidentialité des dossiers est une
obligation inaliénable et inviolable qui constitue une condition
essentielle de tout exercice de la médecine et elle existe en vue de la
protection du malade. Elle n'existe pas pour le thérapeute. Elle existe
pour le malade. Toute médecine devient impossible à exercer si le
malade n'a pas la garantie totale et absolue que les confidences qu'il fait
à son médecin ne seront pas dévoilées ou
portées à la connaissance de qui que ce soit, à moins que,
dans des conditions très exceptionnelles, il ne le délie,
lui-même, en toute connaissance de cause, du secret professionnel.
Il faut ajouter de plus le développement de l'informatique qui
permet facilement l'élaboration d'un dossier cumulatif j'en ai
glissé un mot et surtout le croisement d'informations venant de
différentes banques de données. Avec le numéro d'assurance
sociale, avec certains codes, ça devient très facile de peser sur
un bouton et d'avoir le dossier d'un individu depuis sa naissance, et
ça, c'est extrêmement important. Vous vous souvenez sans doute
d'un candidat à la vice-présidence des
Etats-Unis qui a dû être éliminé à
cause justement de trouvailles très minimes, très
bénignes, une simple dépression nerveuse dans son dossier
médical. Des études ont constaté que les réseaux de
liaison sont beaucoup plus développés que ne l'imaginent ceux qui
n'ont pas étudié cette question. J'ai pris cette citation dans un
petit volume qui s'appelle "L'Ordinateur et la vie privée".
Les gouvernements sont souvent les plus exposés à
recueillir nécessairement des informations sur les citoyens dans
l'application quotidienne de leurs politiques et de leurs lois. Ils devraient
élaborer des politiques propres à prévenir les abus dans
la cueillette de ces informations.
Ceci étant dit, nous comptons sur la prudence du
législateur pour restreindre au strict nécessaire la divulgation
d'informations confidentielles pour les besoins de la présente loi
à l'étude et nous comptons que la commission parlementaire
tiendra compte des commentaires que nous avons formulés dans le
mémoire que nous lui avons fait parvenir.
Il y a lieu de rappeler que le secret professionnel n'appartient ni au
professionnel, ni au pouvoir exécutif, ni à l'Etat, mais
uniquement au malade. Pour les besoins de la cause, j'apprécierais
énormément qu'au lieu de relire le petit texte de trois pages que
nous vous avons fait parvenir, il soit inséré textuellement au
journal des Débats. Nos commentaires portent sur trois articles, les
articles 63, 64 et 66. Si j'avais cette permission qu'il soit
inséré textuellement au journal des Débats, je pourrais
demander à Me Payette, notre conseiller juridique, de donner quelques
exemples pratiques d'application de ces articles, de façon à
limiter le temps de la discussion.
Le Président (M. Boucher): M. le Président, je
crois que, de l'avis des membres de la commission, il y a eu une entente pour
insérer au journal des Débats tous les mémoires qui
étaient présentés devant la commission. Je pense que ce
fait est acquis.(Voir annexe)
M. Roy (Augustin): Merci, c'est ce que j'avais cru comprendre
tout à l'heure, mais je voulais m'en assurer parce que c'est quand
même important pour la postérité.
Alors, si vous êtes d'accord... Est-ce que Me Payette peut donner
quelques explications supplémentaires?
Mme Payette: M. le Président, je voudrais remercier les
personnes qui se sont donné la peine de venir nous exposer leurs
inquiétudes au sujet de trois articles du projet de loi 67. Si votre
présence ici vous a permis de comprendre les difficultés du
rôle que nous avons à jouer, je dois avouer qu'on devrait toujours
admettre qu'une commission parlementaire est extrêmement utile dans la
mesure où l'information que vous nous apportez sur les articles
mentionnés est une information pertinente au débat que nous avons
présentement.
Je me permettrai de relever ce que vous avez dit au sujet du travail des
députés. Si vous n'y voyez que des inconvénients, il n'y
aura plus d'op-
posants dans les comtés que nous représentons; si bien,
que nous deviendrons tous des permanents.
M. Lalonde: Ne comptez pas sur nous pour cela.
Mme Payette: Je ne sais pas si c'est souhaitable, dans tous les
cas, tout au moins.
M. Roy (Fabien): Mme le ministre n'occupe pas un poste qui a
donné une certaine crédibilité à une permanence
puisqu'elle est la sixième depuis la création de ce
ministère qui est assez récent.
Mme Payette: C'est exact, mais vous savez qu'il est bon qu'il y
ait des changements de temps en temps.
M. Roy (Fabien): C'est ce que nous soutenons.
Mme Payette: Cela s'est révélé vrai.
M. Lalonde: C'est ce que nous espérons.
Mme Payette: M. le Président, pour en revenir à ce
mémoire qui a été présenté, je voudrais
rassurer nos invités quant aux inquiétudes qui ont
été manifestées. D'une part, à l'article 63, nous
avons trouvé extrêmement intéressante la suggestion que
vous nous faites. Je prends bonne note, avec beaucoup d'attention, du contenu
de votre paragraphe sur l'article 63. A l'article 64, cela nous a paru
tellement évident que je pense qu'on ne peut pas faire autre chose,
surtout après vous avoir entendu maintenant, que de dire qu'on est
d'accord avec l'objectif que vous poursuivez dans vos remarques et que nous
allons également en tenir compte.
A l'article 66, qui est longuement détaillé, qui fait une
page et demie dans le mémoire que vous avez présenté, je
dois vous dire que, dès la réception de votre mémoire,
nous avons immédiatement prévu une révision de la
rédaction de l'article 66 et que nous n'avons même pas attendu de
vous rencontrer en commission parlementaire, si bien que cet article est
réétudié présentement, à notre demande,
à la suite de la réception de votre mémoire.
M. le Président, je pense qu'il n'y a pas d'autres
échanges nécessaires pour l'instant, sauf de remercier de
l'attention qu'a portée au projet de loi la Corporation professionnelle
des médecins du Québec et de la remercier de sa
collaboration.
M. Roy (Augustin): Merci, Mme le ministre. J'aimerais
peut-être que Me Payette dise juste un mot sur certains petits points qui
n'ont pas été touchés dans le mémoire, si vous le
voulez bien.
M. Payette: M. le Président, madame et messieurs. Je ne
suis plus très sûr que je doive... Je m'étais
proposé de reprendre cinq points couverts par le mémoire, mais
madame vient d'en couvrir au moins quatre; peut-être devrais-je
m'abstenir de reprendre la discussion et de simplement proposer, s'il y a des
questions à poser, qu'on y réponde.
Mme Payette: Si j'ai couvert quatre points, M. le
Président et qu'il m'en ait échappé un cinquième
dont on vient de me faire part, on peut me signaler le cinquième dont il
est question, parce qu'il y a bien trois articles qui sont soulignés par
votre mémoire.
M. Payette: Oui. Le cinquième est peut-être, madame,
compris dans votre quatrième. L'article 66 pose deux règles,
celle du caractère confidentiel des rapports fournis à la
régie et la seconde qui, à nos yeux est plus obscure, indique
qu'à ce titre, les rapports ne peuvent donner lieu à une
réclamation en dommages. Alors, c'est ce dernier membre de phrase qui
était à mes yeux un cinquième point.
Lorsque vous avez parlé de l'article 66, je ne sais pas si vous
référiez aux deux aspects, l'aspect caractère confidentiel
des informations et aussi à cet autre aspect de l'article 66 qui semble
conférer à quelqu'un une immunité dont on n'a pas
très bien saisi l'étendue. C'était le cinquième
point sur lequel je désirais attirer l'attention des membres de la
commission.
Mme Payette: Comme je l'ai dit, M. le Président,
dès la réception du mémoire, cet article en particulier a
été redonné immédiatement pour être
éclairci, à cause de la pertinence de votre intervention.
M. Payette: Puis-je simplement souligner que certains textes, 64
notamment, semblent s'être inspirés assez largement de l'article
49 de la Loi sur les accidents du travail, mais pris et intercallé dans
un contexte différent, n'a plus tout à fait la même
signification et n'a plus tout à fait non plus les mêmes limites.
C'est ce que nous soulignons dans notre mémoire. Il y a des texte qui,
en soit, sont bons dans une législation, mais qui, incorporés
dans une autre, prennent une dimension tout à fait exorbitante ou
dangereuse. C'est le cas notamment de l'article 64 qui peut être
interprété comme obligeant tout médecin qui a
traité un réclamant, à quelque époque que ce soit,
à fournir des informations et des rapports à la régie. Je
ne pense pas que cela ait été l'intention souhaitée, mais
c'est l'interprétation qui est possible. Quoique l'article 49 de la Loi
des accidents du travail ressemble fort à l'article 64, dans le
contexte, on ne peut pas donner, dans la Loi des accidents du travail, la
même interprétation au texte. C'est ce que nous soulignons dans
notre mémoire, en recommandant que chaque fois qu'on touche au dossier
médical et qu'on en recommande la divulgation, on ait à l'esprit
les textes dans les différentes législations qui traitent de
sujets semblables, pour ne pas qu'on soit aux prises avec des caractères
semi-confidentiels dans une loi, confidentiels stricts dans une autre et
confidentiels tout court dans une troisième.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je remercie la Corporation professionnelle des
médecins de son mémoire. Pertinemment, on pourrait s'attendre que
cette corporation vienne ici nous donner son opinion sur cette
législation. Si je ne m'abuse, il est de votre devoir de protéger
la population et c'est ce que vous faites, il n'y a aucun doute, en venant ici.
Si on doit remercier les gens qui font simplement leur devoir, je vous
remercie.
Je ne reviendrai pas personnellement sur les articles que vous avez
discutés, vous l'avez fait d'une façon bien claire, bien
précise. Mme le ministre semble attacher à votre mémoire
toute l'importance qu'il mérite. J'espère, comme vous, qu'elle
saura apporter des modifications à ces différents articles qui
pourront protéger ce qui reste de privé dans la vie des gens.
Puisque votre profession va jouer un rôle important au niveau de
la régie, ce sont les médecins qui vont établir, par
exemple, les incapacités permanentes, totales, partielles ou
temporaires; je remarque que vous n'avez pas discuté de cette
question.
Est-ce que vous avez voulu le faire ou croyez-vous... En vous posant
cette question, je pense aux barèmes, aux techniques médicales
qui sont établies aujourd'hui pour déterminer le degré
d'incapacité ou les points, comme vous le dites, déterminant
techniquement l'incapacité d'une personne. Est-ce que vous
considérez ces techniques, ou ces diagnostics, comme valables
actuellement?
M. Roy (Augustin): II y a déjà, à l'article
63, un examen qui doit être fait selon les formalités prescrites.
C'est pour ça que nous attirons l'attention sur le fait que nous
aimerions être consultés sur le genre de formules qui seront
préparées et nous offrons notre collaboration à la
régie qui sera appelée à mettre cette loi en application.
Nous collaborons dans le même sens avec la Commission des accidents du
travail. La collaboration est encore plus intime qu'elle ne l'a jamais
été depuis la nomination de M. Robert Sauvé, que nous
avons rencontré récemment. C'est clair que les médecins
doivent s'impliquer davantage dans la société.
Nous faisons notre devoir le mieux possible. Mais il reste que nous
avons offert à la Commission des accidents du travail, par exemple, de
préparer des banques d'experts dans chaque région de la province,
de façon à décentraliser l'administration, en faisant
appel à l'expertise spéciale c'est peut-être un
pléonasme de médecins habilités à se
prononcer dans un domaine très précis, ce qui est très
difficile dans certains cas. Ce ne sont pas tous les médecins qui ont la
préparation adéquate pour devenir, du jour au lendemain, des
experts.
Par ailleurs, nous faisons en sorte que les médecins soient assez
compétents pour remplir les rapports ordinaires qui concernent les
blessures normales que peuvent s'infliger des individus au cours d'accidents
d'automobiles. Nous sommes prêts à offrir toute notre
collaboration à la nouvelle régie dans l'exécution de ses
fonctions et dans la préparation de formules, comme nous le faisons pour
d'autres organismes. Nous comptons par ailleurs que la Commission des accidents
du travail, qui est impliqué dans l'administration de cette loi, va elle
aussi se servir de l'expertise qu'elle a accumulée depuis de très
nombreuses années.
M. Saint-Germain: Est-ce que vous croyez que cette expertise
accumulée depuis de nombreuses années, qui sert aujourd'hui aux
tribunaux de droit commun à fixer, si vous voulez, les
incapacités, est-ce que vous croyez que ces formalités sont
valables actuellement du point de vue médical, j'entends? Est-ce qu'on
peut réussir à déterminer, assez adéquatement ou
assez précisément...
M. Roy (Augustin): Je ne voudrais pas embarquer dans un
débat qui n'est pas pertinent au mémoire que nous
présentons et qui est une question d'opinion, parce que l'expertise est
toujours une question d'opinion.
Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous pouvons vous offrir les
services des médecins les plus compétents dans tous les domaines,
pour voir à la bonne application de la loi. Nous pouvons vous garantir
que leur expertise sera excellente, la meilleure possible. Comme toute
expertise est une question d'opinion, vous pouvez avoir, d'un
côté, quelqu'un qui donne 15% d'incapacité et, d'un autre,
quelqu'un qui donne 20% d'incapacité. Il y aura toujours un quelconque
arbitraire parce que c'est une question personnelle, subjective et, avec toute
la bonne conscience du monde, la meilleure objectivité, vous pouvez
toujours avoir une certaine divergence de pensée.
Mais nous vous assurons que les médecins qui sont choisis comme
experts par différents organismes le font en toute confiance... Il
s'agit à ce moment-là de trouver un organisme ou un tribunal qui
tranche définitivement.
Mme Payette: M. le Président, juste pour mieux
éclairer la commission, les médecins qui sont ici présents
ont bien indiqué, cependant, que, dans le régime proposé
pour l'assurance automobile, il ne s'agit pas d'évaluation en termes de
pourcentage d'incapacité. Est-ce que cela a paru clair, je
l'espère, du moins, à la lecture du projet de loi?
M. Roy (Augustin): D'accord.
Mme Payette: Je pense qu'on évite là ce que vous
venez de souligner et qui existe forcément à la Commission des
accidents du travail, où on doit évaluer en termes de pourcentage
et où on peut avoir deux experts qui disent, dans un cas, 15%; dans
l'autre, 20%.
M. Roy (Augustin): Ce sera aux médecins, aux bureaux et
à leur bureau médical d'établir des modalités
d'application, d'après l'art et la science de la médecine.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je m'excuse, mais je n'ai pas très bien
compris les éclaircissements que madame a donnés.
Mme Payette: M. le Président, il s'agit, dans la
réforme proposée, d'un régime de compensation de pertes
économiques; il semble évident que l'évaluation ne se fait
pas comme au régime de la Commission des accidents du travail qui doit
évaluer, en termes de pourcentage, l'incapacité d'un individu.
Dans notre cas, il s'agit de savoir si la personne blessée est en mesure
de travailler ou non, ce qui semble donner lieu à pas mal moins de
discussions entre spécialistes.
M. Saint-Germain: Mais comment déterminer si une personne
peut travailler ou non, si elle peut remplir ses fonctions ou non s'il n'y a
pas, médicalement, une preuve, si on ne peut pas, médicalement,
fixer un certain degré d'incapacité? La loi dit bien que, si une
personne ne veut pas collaborer avec la régie pour retourner au travail,
si elle a de la mauvaise volonté dans la réadaptation, etc., la
régie peut diminuer ou même lui enlever sa rente.
Mais tout cela devrait être déterminé
médicalement; cela devrait toujours, à mon avis, être les
médecins qui, en dernier lieu, détermineraient si une personne
peut ou ne peut pas, physiquement, travailler et occuper un emploi
précis.
Mme Payette: M. le Président, c'est exactement ce que je
viens de dire. Dans le régime de l'assurance automobile, il n'est pas
nécessaire que le médecin, en plus, établisse le
pourcentage du client de pouvoir ou non retourner au travail. Le médecin
devrait dire si cette personne peut retourner à son emploi ou ne peut
pas retourner à son emploi, tout simplement.
M. Fontaine: M. le Président, juste un
éclaircissement là-dessus.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier, est-ce que vous permettez une question au député
de Nicolet-Yamaska?
M. Saint-Germain: Je n'ai pas d'objection.
M. Fontaine: Comment concilier la réponse du ministre avec
l'article 65 de la loi qui dit que le médecin qui examine une victime
à la demande de la régie doit faire un rapport à la
régie constatant l'état de la victime, sa capacité de
travail, et, dans le cas d'incapacité, la nature de celle-ci?
Mme Payette: II ne s'agit pas du taux dans cet article-là.
Il s'agit de la capacité ou de l'incapacité, tout simplement.
M. Fontaine: Alors, la personne va être indemnisée
si elle n'est pas capable de retourner au travail et, si elle est capable de
retourner au travail, quel que soit le travail, on...
Mme Payette: Mais le médecin est là, justement,
pour dire si la personne, avec la blessure qu'elle a, est capable d'occuper le
poste qu'elle occupait avant. Si elle n'est pas capable, que ce soit à
5%, à 10% ou à 25%, elle ne peut pas occuper son travail; pour
nous, il y a une compensation de perte économique.
M. Lalonde: C'est noir ou blanc. Ce n'est jamais gris.
M. Roy (Fabien): Une perte économique de 100%?
Mme Payette: La perte économique de 90%...
M. Roy (Fabien): Mais celle de 100% prévue par la loi, qui
est 90% selon la formule, cela veut dire une perte économique. Autrement
dit, elle bénéficie du maximum de ce que prévoit la loi.
Si on fait référence...
Mme Payette: La perte économique étant le salaire
qui n'est pas gagné.
M. Roy (Fabien): Dans le cas de la Commission des accidents du
travail et dans le cas des accidents en général, il y a des
incapacités totales et il y a des incapacités partielles. Il y a
une ligne de démarcation qui n'est pas toujours facile. C'est l'objet
d'énormément de problèmes.
Mme Payette: Voilà, et c'est pour cela que je suis en
train d'expliquer que ce régime prête moins à discussion
entre experts, puisqu'il faut tout simplement qu'un médecin nous dise si
la personne peut retourner au travail qu'elle exerçait avant l'accident.
Elle peut ou elle ne peut pas. Le pourcentage n'a rien à voir avec la
compensation économique prévue par le régime.
M. Shaw: Alors, vous mettez totalement sur le dos du
médecin la décision de savoir si l'accidenté peut
retourner au travail ou non?
Mme Payette: Le médecin nous paraît le mieux
qualifié pour établir une décision comme
celle-là.
M. Roy (Fabien): J'aimerais attirer l'attention du
ministre...
M. Lalonde: Est-ce que le ministre est conscient qu'il pourrait
quand même y avoir un cas où un médecin dirait: Cette
personne peut retourner au travail et où un autre dirait: non?
Mme Payette: J'imagine que cela peut arriver, mais cela arrivera
certainement moins souvent que dans les 15% ou 20% des cas qui se produisent
à la Commission des accidents du travail.
M. Saint-Germain: C'est la raison, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Dr Roy.
M. Roy (Augustin): II pourrait peut-être y avoir un
mécanisme en cours à la régie pour arbitrer ces
différences d'opinion, parce que vous avez déjà dans
l'industrie cette différence d'opinion. Vous allez avoir un
médecin de famille qui, sous la pression sociale de la personne, va
parfois lui donner un congé de maladie de deux semaines, par exemple. Le
médecin de l'industrie ou de la compagnie va dire: Vous n'êtes pas
malade ou vous pouvez recommencer dans deux jours. Il doit y avoir un certain
mécanisme d'arbitrage, mais nous sommes totalement d'accord avec
l'interprétation de Mme le ministre. Le médecin détermine
si la personne est capable ou non de retourner au travail. Un médecin
n'est pas un juge et il doit y avoir des mécanismes administratifs qui
fassent en sorte qu'on détermine les degrés d'incapacité
et de paiement; nous faisons notre profession et nous disons que la personne
est trop malade pour travailler ou pour conduire une automobile, mais ce n'est
pas à nous de dire combien elle doit recevoir.
Mme Payette: M. le Président, on comprendra pourquoi nous
tenons tellement à ce que le droit d'appel se fasse devant la Commission
des affaires sociales où les assesseurs seront des médecins et
non pas des juges de la Cour supérieure. Les médecins nous
paraissent mieux préparés pour arbitrer ce genre de
difficulté que des juges de la Cour supérieure.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Roy (Fabien): M. le Président, si on me permet, sur ce
point, je ne voudrais pas alourdir le débat, mais, étant
donné qu'on est sur le sujet...
Le Président (M. Boucher): ... M. le député
de Jacques-Cartier?
M. Saint-Germain: Oui.
M. Roy (Fabien): Je pense qu'on touche là un
problème de fond. A la Commission des accidents du travail je le
note, puisqu'on s'y réfère beaucoup et qu'effectivement il y aura
des ententes qui interviendront incessamment on oblige le médecin
à rendre une décision de portée juridique. Le plus grand
reproche qu'on fait actuellement à la Commission des accidents du
travail, c'est que le médecin rend une décision en fonction de la
condition physique du patient, et le médecin n'a pas à analyser
la profession et le rapport qu'il peut y avoir entre son état physique
et la profession qu'il occupait. C'est justement un des points majeurs qui a
été et qui est encore retenu dans la refonte de la Loi des
accidents du travail. Je comprends qu'on peut avoir, dans certains milieux, un
préjugé défavorable à l'endroit du Barreau. Je ne
nomme personne, mais il faudrait qu'on laisse quand même les
spécialistes de chaque spécialité et les professionnels de
chaque profession jouer leur rôle, parce qu'on risque de s'en- liser et
de se retrouver avec les problèmes qu'on retrouve à la Commission
des accidents du travail et, avant d'aller à la Commission d'appel des
affaires sociales, ils vont aller dans les bureaux de chacun des
députés. C'est là qu'ils vont aller.
M. Saint-Germain: M. le Président...
Le Président (M. Boucher): Un instant, s'il vous
plaît!
M. Saint-Germain: Je le voudrais bien, oui.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier, vous aviez la parole, je crois. Est-ce que vous permettez, sur
le même sujet, qu'interviennent le député de
Jonquière et le député de Pointe-Claire?
M. Saint-Germain: Sur le même sujet...
M. Vaillancourt (Jonquière): C'est bien dommage, mais ce
que vient de dire le député de Beauce-Sud, c'est ce qui se passe
dans le système traditionnel qu'on connaît. Les médecins
ont actuellement devant les tribunaux à émettre une opinion
à savoir si la personne, pour un certain temps, est capable ou non
d'occuper le travail qu'elle occupait au moment de l'accident. Ce qu'on va
demander au médecin, dans le nouveau régime, c'est
exactement...
M. Roy (Fabien): Ce ne sont pas les médecins, ce sont les
juges qui décident.
M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas le
médecin qui décide, le médecin émet son
opinion.
M. Roy (Fabien): Je suis d'accord. Non seulement il donne son
opinion, mais l'opinion qu'il rend a une portée juridique.
M. Vaillancourt (Jonquière): Comme l'opinion que le
médecin rend à la cour à une conséquence juridique,
puisque le juge qui aura à rendre une décision se fondera sur les
rapports médicaux qu'il entendra.
M. Roy (Fabien): II y a une distinction entre les deux.
M. Shaw: Est-ce que je peux vous donner un exemple?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, s'il vous plaît!
M. Shaw: Un accidenté est venu avec une mâchoire
fracturée.
M. Lalonde: Un accident du travail? M. Shaw: Un accident
d'automobile. M. Lalonde: C'est un lutteur.
M. Shaw: II dit: Je ne peux pas travailler, je suis un
camionneur. Je peux lui dire que, même avec sa mâchoire retenue
avec des broches, il peut conduire votre camion. C'est une décision
juridique qui va impliquer de l'argent pour cette personne. Toutefois, je vais
lui dire: Vous devez rester à la maison. C'est un exemple que vous
mettez sur le dos d'un médecin d'avoir à rendre une
décision sur la capacité de travailler d'un homme.
M. Paquette: M. le Président, est-ce que je peux me
permettre une remarque si le député de Jacques-Cartier a encore
la patience d'en permettre une autre?
M. Saint-Germain: Allez-y!
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier, est-ce que vous permettez? M. le député de
Rosemont.
M. Saint-Germain: J'ai la preuve au moins que ma question
était à propos.
M. Paquette: Oui, c'est une bonne question. Je pense que
l'article 65 du projet de loi est très clair. On dit: Le médecin
qui examine une victime, à la demande de la régie donc,
c'est à la demande de la régie va faire un rapport
à la régie constatant l'état de la victime, sa
capacité de travail, et dans le cas d'incapacité, la nature de
celle-ci. C'est clair. Je pense que le médecin fait son rapport à
la régie. La régie prend sa décision. Si la personne
visée n'est pas d'accord, elle peut loger un appel à la
Commission des affaires sociales où il y a, comme président, un
juge, et comme assesseurs, des médecins qui sont compétents pour
juger les rapports qui sont présentés.
M. Shaw: ... peuvent être trois ans après.
M. Paquette: Non, j'ai justement un début de la
réponse.
M. Shaw: Là, tout est guéri. La décision va
être changée. Incroyable!
M. Paquette: Ecoutez, je ne sais pas sur quoi vous vous basez
pour dire que cela va prendre trois ans.
M. Lalonde: Demandez au député de Jacques-Cartier
un peu plus de patience, parce que l'intervention du député de
Rosemont me paraît très pertinente. D'ailleurs, il me semble un
peu en contradiction avec les propos qui ont été tenus je
ne sais pas si c'est le ministre qui le disait à savoir que ce
seraient des médecins qui décideraient. C'est l'impression que
nous avions. Le député de Rosemont dit que l'article 65
prévoit l'émission d'opinions de la part de médecins et
c'est la régie qui décide.
Mme Payette: M. le Président, je pense qu'on essaie de me
faire dire ce que j'ai peut-être dit, mais que je ne voulais pas dire. En
tout cas, ce n'était certainement pas le contenu de mes paroles. Le
médecin me paraît la personne capable de dire à la
régie qu'une personne peut ou ne peut pas travailler.
Le Président (M. Boucher): Alors, Or Roy.
M. Roy (Augustin): Vous avez remarqué que nous n'avons
fait aucune remarque sur l'article 65 dont on parle, parce que nous le trouvons
bien rédigé et parce que c'est un médecin expert qui,
à la demande de la régie, établit le degré de
capacité ou d'incapacité. C'est selon des tables
organisées par la régie que la régie décide, et
s'il y a contestation, appel à la Commission des affaires sociales. Nous
trouvons que cet article est parfaitement bien rédigé. C'est
comme cela que cela doit se faire. Le rôle du médecin traitant,
par ailleurs, est établi à l'article 64. C'est là,
évidemment, que nous faisons certaines recommandations sur la
confidentialité, mais il y a une différence entre le rapport du
médecin traitant et le rapport du médecin expert. C'est assez
important. Le médecin expert, lui, peut tenir compte du travail de
l'individu. Il y a toujours appel de cela devant la Commission des affaires
sociales où il y a des médecins qui vont être des
assesseurs et des juges. Les parties se font entendre. On en arrive à un
règlement d'après les règles établies.
Le Président (M. Boucher): Tout cela étant dit, M.
le député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Vous voyez, docteur, les raisons pour
lesquelles j'ai été, en toute sincérité, un peu
déçu, que toutes ces questions ne soient pas
étudiées dans votre mémoire.
M. Paquette: C'est parce qu'ils sont d'accord.
M. Saint-Germain: Je crois que vous auriez pu nous
éclairer énormément. Vous avez dit que, dans le contexte
actuel, un médecin spécialiste reconnu peut dire: Un tel patient
a 20% d'incapacité partielle permanente. L'autre va dire 15%. Ce sont
deux médecins. Ils agissent comme tels professionnellement. Ils n'ont
pas à juger ou à porter jugement sur leur verdict, si vous
voulez, ou sur leur jugement pour ce qui est de fixer l'incapacité.
C'est le juge qui fait cela. Là, vous parlez de l'assurance automobile
en particulier. Il y a une expertise d'établie au point de vue de la
Commission des accidents du travail. C'est dans le monde de l'industrie
exclusivement. On peut comprendre que certains médecins qui travaillent
au niveau de la Commission des accidents du travail, avec l'expérience
qu'ils ont dans ce domaine donné, puissent atteindre un haut
degré, si vous voulez, de capacité pour dire qu'un tel individu
aurait des risques à travailler dans tel emploi ou pas. Là, vous
faites face à toutes sortes d'occupations. Ce n'est plus
spécialisé. Vous allez avoir, comme médecins, à
rendre des jugements sur toutes sortes d'occupations, même la femme au
foyer, et ainsi de suite.
Certainement, comme vous l'avez dit, tout cela est un peu subjectif,
très difficile pour deux médecins, quelle que soit leur
compétence, d'arriver à des conclusions semblables,
déterminantes et unanimes.
Il va falloir juger parmi les dires d'un certain nombre de
médecins, soit des médecins qui auront examiné un patient
sous l'ordre de la régie, ou soit une victime qui aura elle-même
choisi ses experts.
Vous arrivez avec toutes ces preuves au niveau de la Commission des
affaires sociales. Il n'y a là aucune procédure d'établie.
Du moins, il n'y en a pas dans la loi. Je m'imagine mal le charivari qui va
exister au niveau de la commission, surtout si on fait des médecins des
juges. Je ne pense pas que les médecins soient faits pour juger une
situation donnée. On leur fait faire, à mon avis, un emploi pour
lequel ils n'ont pas été formés, absolument pas. Si ce
médecin, qui est réellement conservateur, comme on dit
traditionnellement, dans l'évaluation des incapacités des gens, a
un mot à dire dans le verdict, on sous-estimera l'invalidité des
gens. Si vous en avez, par contre, un autre qui, lui, est toujours plus
généreux, bien... Et vous n'avez pas de procédure de
preuve d'établie à ce niveau.
Le Président (M. Boucher): Dr Roy.
M. Saint-Germain: Si j'étais médecin, je ne sais
pas, mais il me semble que cela me ferait étudier le problème,
cela me motiverait à aller au fond des choses et à
réellement étudier le problème à ce point de
vue.
Le Président (M. Boucher): Dr Roy.
M. Roy (Augustin): Je suis heureux que M. le député
de Jacques-Cartier décrive aussi bien le rôle extrêmement
difficile et ingrat du médecin; mais ce qu'il dit, le médecin le
fait régulièrement déjà dans sa vie. A tous les
jours, des décisions semblables sont prises. Il n'y a pas de
problème de charivari et de difficulté. Cela se fait
régulièrement déjà. Ce rôle ne sera pas plus
difficile dans le cas d'accident d'automobile qu'il ne l'est dans le cas
d'accident du travail. C'est encore bien plus difficile. C'est là
où c'est très compliqué dans certains cas de maladies
industrielles. Là, ça devient difficile, parce que vous n'avez
pas le rapport pathologique, vous n'avez pas l'autopsie. A l'autopsie, c'est
facile de juger si quelqu'un était malade, son degré
d'incapacité, s'il y avait de l'amiantose ou non. Mais,
évidemment, seulement avec des plaques pulmonaires, des plaques
radiologiques et des biopsies qui ont une certaine imprécision, c'est
très difficile. Mais dans un cas d'orthopédie, l'accident
d'automobile avec une fracture, c'est facile à évaluer. Bien,
c'est facile; c'est difficile. Mais qu'est-ce que vous voulez? C'est notre
fonction. C'est pour cette raison qu'on travaille dix ans pour devenir
spécialiste en orthopédie, en neurochirurgie, etc. Cela se fait
déjà régulièrement.
Evidemment, vous allez toujours avoir des gens insatisfaits des
décisions rendues, parce qu'ils veulent en avoir plus. Vous avez des
gens qui ont mal au dos. Je suis certain que les députés voient
des gens dans leur bureau pour leur dire qu'ils n'ont pas assez une grosse
compensation. Moi aussi, il y en a qui m'appellent et qui ne sont pas d'accord
parce que leur médecin ne leur en a pas donné assez et, parfois,
je fais des vérifications pour voir si c'est vrai ou pas vrai. Quand je
m'adonne à les connaître, j'appelle des voisins pour savoir ce que
fait le jour, monsieur Untel? Il y en a qui sont véritablement malades.
Il y en a, parfois, qui simulent aussi. Il faut prendre ça en
considération.
Moi, je dis que la Commission des accidents du travail, qui a
été extrêmement décriée, a joué un
rôle important. Il y a place pour l'amélioration. Elle se
décentralise; elle s'améliore; elle s'informatise. Mais quand
cela a commencé en 1931, il n'y avait rien. Evidemment, avec le temps,
on a évolué. Les maladies industrielles, le monde occidental
industrialisé vient d'en prendre conscience. Qu'est-ce que vous voulez?
On savait que ça existait. On va en découvrir d'autres, parce que
le Québec vient de s'industrialiser. Il y a quelques années, on
était une province rurale. Ce n'était pas un problème.
Cela ne nous concernait pas. On ne le savait pas. Mais là, il y en a
maintenant. On le sait, on est aux aguets, à l'affût. On va en
découvrir encore. Evidemment, il y a la prévention, et je pense
que le gouvernement prépare actuellement un projet de loi sur la
santé et la sécurité au travail. Tout ça va
s'impliquer là-dedans. Evidemment, l'assurance automobile, on parlait
des coûts ce matin. J'ai entendu ça. Moi, je ne veux pas
m'embarquer là-dedans, la subrogation et la responsabilité, ce
n'est pas mon rôle. Je ne suis pas avocat; je suis seulement
médecin, mais, quand même, je suis conscient, comme citoyen, que
j'ai à payer des taxes, et je pense que les coûts, on va les
réduire par l'éducation, par la diminution des accidents, par le
port de la ceinture de sécurité, dans l'observance des
règlements de circulation, par l'éducation des gens, pour
empêcher les gens de boire et de conduire en état
d'ébriété. C'est ainsi qu'on va réduire les
accidents d'automobiles.
Ces mesures sont prises, en général, pour aider le pauvre
monde, les gens ordinaires. Il y a sûrement place pour une
amélioration dans une loi, mais le principe général est un
bon principe. Je peux vous assurer de la collaboration des médecins pour
l'application de la loi. On va continuer à faire notre travail, à
donner des rapports et travailler avec le plus de diligence possible. On est
conscient qu'il y a déjà eu de mauvaises habitudes de prises dans
le passé à certains endroits et on tente actuellement de faire
prendre conscience aux médecins de l'importance de faire ces rapports
très rapidement en collaboration avec la régie. On estime avoir
la même collaboration de la part des autres organismes gouvernementaux.
De la part des experts, on en fournit déjà des banques d'experts
à la Commission des accidents du travail, on va en fournir à la
régie sur demande. On vous assure de notre collaboration la plus
entière dans l'intérêt du public, nous on n'a rien à
proté-
ger, on veut tout simplement que les lois soient appliquées et
que les gens soient traités honnêtement, en toute justice,
équitablement et que chacun ait droit à ce qu'il
mérite.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je ne veux pas continuer trop longtemps
là-dessus, mais tout de même je voudrais dire qu'actuellement,
dans le contexte actuel, un médecin qui détermine une
incapacité sait pertinemment que sa responsabilité se termine
là, professionnellement et avec grande compétence il doit faire
son travail adéquatement, il établit, disons, à 20% une
incapacité partielle, permanente d'un patient, ses
responsabilités se terminent là. Il sait pertinemment que, devant
la cour, un autre de ses collègues pourra peut-être soutenir un
chiffre plus haut ou plus bas que 20%, mais il n'a rien à faire dans la
décision. La décision n'est plus de sa responsabilité, la
suite de son diagnostic, il n'en est plus responsable, on laisse le juge rendre
son jugement.
Dans le contexte, vu que toujours, avec la régie, ce rapport pour
certains médecins va devenir très important, surtout pour celui
qui va travailler comme assesseur, comme je vous disais, avec des règles
de preuve qui laissent à désirer. Il ne sera plus là
exclusivement comme expert, il va aussi juger ou il va jouer un rôle au
niveau du jugement qui va être rendu. Si ce rôle d'expert
était joué devant un tribunal indépendant de la
régie, de toute façon, un tribunal de la Cour supérieure,
on va dire, il me semble que le médecin serait plus à l'aise que
de travailler au niveau de la décision qui va être rendue.
Le Président (M. Boucher): Dr Roy.
M. Roy (Augustin): M. le député, vous me corrigerez
si je ne lis pas bien, mais ce n'est pas le médecin qui rend la
décision, c'est la régie. Le médecin soumet un rapport.
Evidemment pour être médecin, il faut être très fort
en mathématiques, en physique et en chimie, dans les sciences pures,
mais il ne faut pas nous demander, par ailleurs, d'être des
mathématiciens. On apprend la médecine, on donne une idée
sur le fait que quelqu'un a une incapacité ou non, mais il y a des
tribunaux, des organismes habilités à établi ces
degrés d'incapacité où le médecin sera un expert.
C'est ce qui se passe régulièrement devant les tribunaux. Vous
avez une cause dans laquelle des gens poursuivent pour tel ou tel montant
d'argent. Le juge fait venir des experts de gauche et de droite, vous avez la
poursuite, vous avez la demande, vous avez la défense et ensuite vous
avez une personne qui est le juge qui décide, qui n'est ni avocat, ni
médecin, ni mathématicien, ni agronome, il est juge; il juge
selon les lois et le bon sens quel est le degré, la compensation
à accorder à quelqu'un. Cela peut varier, un juge peut être
plus généreux qu'un autre, vous le voyez, il y a une
évolution de la société également. Nous di- sons:
Ce n'est pas le rôle du médecin de faire cela; pour lui, il s'agit
de faire de la médecine, de soigner les malades et de faire un rapport
sur ce qu'il a fait, le diagnostic, les traitements et l'incapacité ou
non. Quand il vient comme expert, dans les cas où c'est fait à la
demande de la régie, là c'est le médecin expert; selon
l'article 65, ce n'est pas le médecin traitant ordinaire, c'est le
médecin expert. Il dit: Moi, je suis un orthopédiste, je ne fais
que cela, traiter le problème des os, je connais les fractures et je
sais que tel genre de fracture, après avoir fait tel genre d'examen,
donne à peu près tel degré d'incapacité.
Alors, lui donne cela de son côté; un autre va donner son
opinion de son côté et, généralement, vous allez
voir que cela finit par concorder assez bien.
M. Saint-Germain: Quel est le rôle du médecin,
spécifiquement, au niveau de la Commission des affaires sociales,
où il y aura un droit d'appel?
M. Roy (Augustin): Le rôle?
M. Saint-Germain: Du médecin qui va travailler comme
assesseur.
M. Roy (Augustin): Devant la Commission des affaires sociales, il
y a déjà plusieurs divisions de la Commission des affaires
sociales et il y a des divisions dans les choses qui concernent les affaires
médicales; il y a déjà des médecins comme
assesseurs avec un avocat ou un juge. Cela existe déjà.
M. Paquette: Ce ne sont pas les mêmes médecins.
M. Roy (Augustin): II y en a deux. Cela dépend des
circonstances. Il y a plusieurs divisions à la Commission des affaires
sociales. Il y en a où il y a deux médecins plus un avocat, qui
est le président du tribunal, en général, pour assurer la
bonne procédure, mais ce qui va être porté devant la
Commission des affaires sociales, ce n'est pas la décision du
médecin, ce n'est pas le rapport du médecin, c'est la
décision de la régie. C'est une décision qui appartient
à la régie. On dit: Ce n'est pas au médecin de fixer
l'indemnité. Au médecin de faire de la médecine, à
la régie de fixer l'indemnité. Si l'individu n'est pas content de
l'indemnité fixée, il y a une Commission des affaires sociales et
il pourra y avoir des médecins qui seront des assesseurs, qui seront des
membres de la commission. Si c'est une commission de trois, il pourrait y avoir
deux médecins et un avocat qui sera juge et ils entendront les parties.
Ils font comme ils font actuellement dans certains cas, ils prennent une
décision. Je ne sais pas s'il y aura appel ou non, mais,
évidemment, il faut finalement s'entendre, régler et en finir. Le
but de cela aussi, c'est un peu de couper la bureaucratie, les frais, les
lenteurs des tribunaux. Si on veut régler et avoir une justice en
même temps, je pense qu'il faut avoir de bonnes règles de
procédure et marcher.
M. Saint-Germain: J'ai terminé, M. le Président, je
vous remercie.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Merci, M. le Président. Premièrement, Dr
Roy, on a besoin d'établir les circonstances de la validité des
relations entre la Commission des accidents du travail et les médecins.
A votre point de vue, est-ce que les affaires marchent bien maintenant? Est-ce
que les médecins sont satisfaits des relations avec la Commission des
accidents du travail?
M. Roy (Augustin): II y a toujours place à de
l'amélioration dans tous les mondes. Je pense que cela va de mieux en
mieux. Les formules ont été améliorées et la
commission aussi a certains griefs à l'égard des médecins.
Nous en avons discuté. Généralement, je peux vous dire que
les médecins sont satisfaits des rapports avec la commission, mais vous
aurez toujours, évidemment, des exceptions. Généralement,
cela va bien et la commission s'est améliorée
énormément au cours des dernières années, a
amélioré ses formules. Encore là, nous avons fait des
suggestions récentes, mais il faut se rendre compte que c'est un
système très complexe que le système de la Commission des
accidents du travail. C'est un système qui implique et l'employeur et le
syndicat, en plus de l'employé et du médecin, ce qui implique
beaucoup de monde, qui a besoin d'être revu et réorganisé.
Ce n'est pas pour rien qu'il y a une loi actuellement en préparation
pour refondre tout le système. Je ne voudrais pas parler d'autre chose,
mais je voudrais seulement dire que le médecin, quand il est assesseur
à la Commission des affaires sociales, n'agit plus comme médecin
pratiquant à ce moment-là, il ne pratique pas la médecine.
Il rend des décisions administratives en tenant compte de son expertise,
de son expérience comme médecin. Ce sont des décisions
administratives. Il ne pratique pas la médecine, il rend des
décisions administratives en tenant compte de son expertise
professionnelle.
M. Shaw: Dr Roy, je vous ai posé une question.
Mon expérience avec les médecins que je connais
moi-même, ils ne sont pas du tout satisfaits de la Commission des
accidents du travail.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le
député de Pointe-Claire, puis-je vous faire remarquer bien
humblement, que vous devriez parler de la Régie de l'assurance
automobile et de la Loi de l'assurance automobile.
M. Shaw: C'est très important, M. le Président, la
relation est directe, parce qu'on parle maintenant...
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): II ne
faudrait quand même pas que le débat porte sur la performance
passée et à venir de la
Commission des accidents du travail, il doit porter sur la Régie
de l'assurance automobile et sur la loi qui nous occupe. Je vous le fais
remarquer humblement, je pense que vous êtes en dehors du
débat.
M. Shaw: M. le Président...
M. Roy (Fabien): Question de règlement, si le
député de Pointe-Claire me le permet. Etant donné qu'il y
aura entente entre la Régie de l'assurance-automobile et la Commission
des accidents du travail, je comprends que de parler de la performance
passée de la Commission des accidents du travail peut être
discutable, mais je pense que le député de Pointe-Claire parle
actuellement de la performance présente de la Commission des accidents
du travail. Cela nous intéresse et cela m'intéresse.
Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): Pour
autant qu'il y a des relations entre la Commission des accidents du travail et
la loi actuellement en vigueur, il n'y a pas de problème, on peut en
discuter. La performance ou l'attitude passée de la CAT, ce n'est
absolument pas pertinent au débat.
M. Shaw: Je peux vous garantir, M. le Président, que cela
est concerné totalement. On parle dans le projet de loi, à
l'article 64, des rapports. C'est important les rapports. C'est maintenant une
forme de communication entre la Commission des accidents du travail et les
médecins; c'est un grand défi pour beaucoup de médecins.
Est-ce que vous êtes payés maintenant pour le temps qui est
gaspillé à remplir ces formules?
M. Roy (Augustin): Je ne voudrais pas faire le procès de
la Commission des accidents du travail. Récemment nous avons
rencontré le président, et cela a été une des
questions qui a été discutée avec lui,
l'amélioration du fonctionnement de la commission et le fait que les
rapports puissent être remplis avec plus de diligence. C'est pour
ça que nous offrons la collaboration à la régie, pour que
des bons mécanismes soient mis en application dès l'instauration
de la régie. C'est pour ça aussi que nous suggérons
d'être consultés sur les formules qui devront être
prescrites de façon à les rendre les plus aptes possibles, les
plus simples possibles, en même temps que donnant satisfaction à
tout le monde, pour faciliter le travail de la part du médecin et aussi
de la part de la régie.
Si on a cette collaboration entre la régie et les
médecins, comme entre les médecins et la Commission des accidents
du travail, c'est comme ça que tout le monde va être heureux. Il y
a de la place pour amélioration...
M. Shaw: Oui.
M. Roy (Augustin): Je vous le concède, mais je ne veux pas
dire que tout va mal. Je serais bien malhonnête si je disais que tout va
mal. Je pense
que la régie doit partir sur le bon pied. C'est pour ça
que nous offrons notre collaboration et, si on veut nous consulter, on est
ouvert. On offre la collaboration des médecins.
M. Shaw: Pour vous mettre dans les circonstances, on parle de 50
000 accidents par année. Cela représente des rapports pour les
médecins, ça représente un ouvrage qui, vous le savez
comme moi, est pas mal difficile pour les médecins maintenant. Vous
pouvez prendre une heure pour remplir une formule comme il faut, autrement
ça va être retourné à votre bureau pour la remplir
à nouveau pendant une autre demi-heure.
Mais ce n'est pas payé. Est-ce que c'est payé maintenant,
Dr Roy?
M. Roy (Augustin): J'en suis conscient, mais si on veut parler de
négocier des tarifs pour remplir les formules, ce n'est pas mon
rôle de négocier les tarifs pour les médecins. Il faudra en
parler à des organismes...
M. Shaw: J'en parle pour une autre raison. Je veux faire une
comparaison avec le système actuel, soit le rapport des accidents
d'automobile. Vous avez des compagnies de sinistre qui vont vous demander un
rapport sur la condition physique d'un accidenté- Etes-vous payés
pour cela?
M. Roy (Augustin): Oui.
M. Shaw: La qualité du rapport va toujours être
meilleure si vous êtes payés et quand votre temps est pris avec un
revenu.
M. Roy (Augustin): Mais il n'y a rien qui dit, dans la loi, que
le médecin ne sera pas payé, et je ne veux pas en parler parce
que ce n'est pas mon rôle. Mais il n'y a rien qui dit qu'il ne sera pas
payé.
M. Shaw: Est-ce que vous êtes payés par la
Commission des accidents du travail?
M. Roy (Augustin): C'est-à-dire que c'est en discussion
à l'heure actuelle.
M. Shaw: Oui. Mais cela fait un bout de temps que nous
travaillons...
M. Roy (Augustin): En ce qui concerne la régie, cela
pourrait être discuté, mais je vous dis que moi, je ne suis pas
habilité à discuter du paiement des formules. Je concède
que c'est beaucoup de travail. Déjà, les médecins...
M. Shaw: Mais, Dr Roy, on parle de la qualité des
services.
M. Roy (Augustin): Je sais.
M. Shaw: Si ce n'est pas amélioré par un projet de
loi, cela doit être démontré...
M. Vaillancourt (Jonquière): On semble dire que vos
services sont meilleurs lorsque vous êtes payés. Cela semble
être ce que le député de Pointe-Claire veut dire.
M. Shaw: M. le député...
M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que c'est cela que
vous voulez dire? Dites-le directement si c'est ce que vous pensez.
M. Shaw: M. le député, quand vous rendez un
service, vous êtes payé, c'est normal. Même comme
député, ici, vous êtes payé.
Le Président (M. Boucher): S'il vous plaît, à
l'ordre!
Mme Payette: M. le Président, question de
règlement. On a ici trois invités qui sont venus présenter
un mémoire dans lequel ils ont soulevé trois articles du projet
de loi, et j'ai reconnu la validité de leur intervention.
Je me demande s'il n'y a pas actuellement et je demande une
directive à ce sujet presque un abus des invités,
où on les force à parler de négociation éventuelle
avec la Commission des accidents du travail, qui ne nous concerne pas dans
l'étude du projet de loi 67, alors que les invités nous disent
qu'ils ne sont pas habilités à discuter des tarifs
pratiqués par les médecins.
Le Président (M. Boucher: M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je pense que nous avons
devant nous des invités qui sont des spécialistes dans le
domaine. Si les membres de la commission peuvent poser des questions pour
éclairer tous les membres de la commission en rapport avec le projet de
loi, je pense qu'on est en droit de le faire, et c'est notre devoir de le
faire.
Mme Payette: M. le Président, nos invités nous ont
dit tout à l'heure, plus tôt dans cette discussion, qu'ils ne
voulaient pas s'écarter du mémoire qu'ils avaient
présenté. Cela a été souligné. Moi, je
voudrais qu'on leur demande à nouveau s'ils veulent répondre aux
questions qui sont posées maintenant.
M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: La corporation des médecins existe et
est là pour la protection du public. C'est à ce titre qu'on parle
de médecine. Ce sont des gens autorisés et le rôle du
médecin est beaucoup plus complexe que ce que contient le
mémoire.
Nous avons jugé bon, à titre de députés, de
les interroger et de dépasser le contenu du mémoire. Ces
messieurs ont bien voulu répondre. Je
ne vois rien qui soit contre les règlements et je ne vois pas
pourquoi on devrait enlever aux députés la liberté de
questionner ces messieurs en dehors des différents articles qui ont
été énumérés dans le mémoire.
M. Paquette: Sur la question de règlement.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jonquière.
M. Vaillancourt (Jonquière): Question de règlement,
M. le Président. Je suis d'accord avec le député de
Jacques-Cartier qu'on parle de médecine, mais, actuellement, on parle
d'argent. Je pense que nos invités nous ont très clairement dit
qu'ils n'étaient pas habilités à parler de
négociation éventuelle, prochaine, possiblement, avec une
régie qui s'appellerait la régie de l'assurance automobile. On
sait pertinemment que les questions du député de Pointe-Claire
avaient rapport à des questions pécuniaires et non pas à
de la médecine.
M. Saint-Germain: Je comprends très bien. M. Shaw: M. le
Président...
Le Président (M. Boucher): Sur la question de
règlement, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, c'est simplement pour
souligner que je ne pense pas que vous devriez tenir strictement la commission
au contenu du mémoire. Ce serait un mauvais précédent, je
pense. Mais il reste toutefois que, si une question en particulier semble
déborder tellement le débat que les témoins ont dit qu'ils
n'étaient pas habilités à en discuter, d'accord. Je ne
veux pas préjuger de votre décision, mais, à ce
moment-là, je pense qu'une décision de cette nature serait bien
fondée.
Je ne voudrais pas, par exemple, que vous acceptiez l'invitation qui
vous a été faite de nous abstenir, nous, de poser des questions
en dehors du mémoire, mais qui sont à l'intérieur des
fonctions du Dr Roy, que je connais très bien, et je sais très
bien qu'il sait se défendre et sait dire oui quand il connaît la
réponse et non quand il ne la connaît pas.
Le Président (M. Boucher): Sur une question de
règlement, M. le député de Pointe-Claire.
M. Shaw: Je voudrais expliquer comment je suis cette ligne de
conduite. J'essaie de démontrer que nous allons créer une
bureaucratie formidable qui va impliquer les médecins, du travail, et
c'est le consommateur qui va en souffrir, si ce n'est pas fait comme il faut et
s'il n'est pas démontré que ce sera un gros défi pour le
projet de loi, pour le consommateur, pour l'accidenté qui a eu un
accident, de produire les preuves qui se font maintenant facilement avec le
système actuel, à savoir que ce sera démontré
à cette commission parlementaire...
M. Paquette: M. le Président, sur la question de
règlement.
Le Président (M. Boucher): Oui.
M. Paquette: Je me demande ce que le salaire des médecins
a à voir avec ce que vous venez de dire.
M. Shaw: Le salaire d'un médecin...
M. Paquette: Je n'ai pas d'objection à ce qu'on parle de
n'importe quoi. C'est le droit des députés de poser n'importe
quelle question. Je pense qu'il faut prendre l'intervention du ministre comme
une espèce de respect envers nos invités qui ont dit: On est venu
vous parler d'un certain nombre de points. Je suis bien d'accord que vous
essayez de mettre en évidence que la bureaucratie va être
énorme avec le projet de loi, mais qu'est-ce que cela a à voir
avec le salaire des médecins?
M. Shaw: II ne s'agit pas seulement du salaire mais du rapport
qui doit être bien fait, à l'avantage de l'accidenté. C'est
une vérité. Deuxièmement, si vous demandez un rapport bien
fait, et qu'on prend le temps de le faire, cela implique un coût. Le
ministre est-il prêt à dire maintenant que ces rapports seront
payés?
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, je crois que nos invités ont bien mentionné que
pour ce qui est de la question de rémunération des rapports, ce
n'était pas de leur mandat d'en discuter aujourd'hui.
M. Shaw: Je viens de poser la question au ministre.
Le Président (M. Boucher): Si vous posez la question
à Mme le ministre, je vais lui demander si elle veut y
répondre.
Mme Payette: M. le Président, il paraît
évident que le travail fait par les médecins à
l'intérieur du régime proposé sera un travail
rémunéré. Ce n'est pas non plus à moi de
négocier avec les médecins. La régie le fera. Les
personnes qui sont devant nous nous l'ont dit, de façon claire et
précise, et je pense qu'on n'a qu'à lire le mémoire de
l'association qu'elle représente pour comprendre qu'ils ne discuteront,
d'aucune façon du salaire des médecins.
M. Shaw: Alors, est-ce que ce montant est prévu dans les
6% d'administration?
Mme Payette: Les coûts qui sont donnés
présentement comprennent, bien sûr, tous les besoins de la
régie.
M. Roy (Fabien): Est-ce qu'il y a une étude de faite
à ce sujet?
Mme Payette: M. le député de Beauce-Sud, s'il avait
fallu que je vous remette tous les docu-
merits à chaque fois que vous demandez s'il y a une étude,
vous seriez déjà étouffé sous les papiers.
M. Roy (Fabien): M. le Président, je pourrais dire
à Mme le ministre que des papiers, j'en ai déjà vu avant
aujourd'hui et si j'avais eu à être étouffé, cela
ferait longtemps que je serais étouffé.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, est-ce que vous désirez poser une question, parce que c'est
le député de Pointe-Claire qui avait la parole?
M. Roy (Fabien): Je désirerais poser une question sur le
point de règlement qui vient d'être soulevé.
Le Président (M. Boucher): Ce n'est pas un point de
règlement à la question de règlement, c'est
réglé.
M. Roy (Fabien): Non, j'en ferais un point de règlement.
Je comprends que nos invités... On ne veut pas être
désagréable et je ne pense pas qu'il ait aucun des membres de
cette commission qui souhaite... Nous serions tous peines d'être
désagréables à l'endroit de nos invités. Nous avons
devant nous actuellement des représentants du Collège des
médecins. Actuellement, la loi 49 qui a été adoptée
prévoit à l'article 3 des ententes avec la Commission des
accidents de travail, ententes que nous ne connaissons pas et que nous devrions
connaître, parce que cela nous éclairerait et nous
éviterait de poser des questions, mais ententes que nous ne connaissons
pas parce qu'il n'y a pas eu d'ententes. Ce qui m'a fait dire hier que nous
nagions dans le vague, dans l'inconnu. Actuellement, pour l'information des
membres de la commission, il y a des médecins qui ne veulent pas,
lorsqu'il s'agit des cas de la Commission des accidents de travail, fonctionner
dans le système. Ce qu'on veut savoir, c'est si on va être victime
de la même chose, si les assurés du Québec vont être
victimes de la même situation avec le nouveau régime d'assurance
automobile. Je pense que c'est une question extrêmement pertinente qui
nous concerne tous, puisque nous avons des décisions à prendre
à ce sujet.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud, est-ce que vous posez la question à Mme le ministre ou aux
invités?
M. Roy (Fabien): Non, je voulais permettre que le
député de Pointe-Claire, puisque c'était lui qui avait la
parole, puisse continuer à poser ses questions à nos
invités. Si nos invités ne sont pas capables de répondre,
ils seront capables de nous le dire. Si le gouvernement peut nous
répondre, que le gouvernement nous réponde.
Le Président (M. Boucher): M. le docteur Roy, je
pense...
M. Roy (Augustin): M. le Président, lorsqu'une loi ou un
règlement du Québec rend un service obligatoire, il y a un
règlement de la Régie de l'assurance-maladie qui fait en sorte...
je le lis ici: "Toute expertise, tout témoignage ou tout certificat ou
autre formalité, lorsque requis pour les fins de la justice ou par une
personne autre que celle qui a reçu un service assuré, toutefois,
sont considérés comme services assurés les examens
exigés en vertu des lois suivantes: Loi de la protection du malade
mental, Loi de la curatelle publique, Régime des rentes du
Québec, Loi de l'aide sociale, et l'article 507 d'un règlement de
la Loi de l'assurance-maladie". En fait, advenant que la loi soit
adoptée, il faudrait probablement que la régie modifie son
règlement pour y inclure les articles de la Loi de l'assurance
automobile. De cette façon cela deviendrait un service assuré.
Une fois ce service assuré, cela devra faire l'objet de
négociations entre le gouvernement et les fédérations de
médecins, et non entre la Régie de l'assurance automobile et la
Corporation des médecins. Nous ne nous occupons pas des honoraires des
médecins.
M. Fontaine: M. le Président, est-ce que Mme le ministre
pourrait nous dire combien ça coûte actuellement pour avoir une
expertise médicale à la suite d'un accident d'automobile?
Mme Payette: Dans le système actuel? M. Fontaine:
Oui.
Mme Payette: Non, je n'ai pas la réponse. Je pourrai vous
la fournir si vous ne la connaissez pas.
M. Fontaine: Je peux vous la donner. Cela varie entre $150 et
$250.
Mme Payette: Et alors?
M. Shaw: J'ai une autre question pour...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, vous aviez la parole.
M. Shaw: Je crois que nous avons ouvert un peu cette boîte
de vers, mais nous allons continuer d'étudier une autre question, la
question de la confidentialité des dossiers.
Dans le système actuel, nous avons beaucoup de moyens de
contrôler la confidentialité des dossiers. D'après votre
expérience et l'expérience de votre groupe, est-ce que vous
êtes satisfaits concernant la confidentialité des rapports des
médecins? Est-ce que les patients sont protégés comme il
le faut?
M. Roy (Augustin): Non, c'est justement l'objet de notre
mémoire. Nous faisons quelques suggestions. Mme le ministre a dit
qu'elle en tenait compte, qu'elle verrait à ce que des modifications
soient apportées pour assurer la totalité de la
confidentialité des dossiers et du secret professionnel. L'assurance que
nous donne Mme le ministre nous satisfait.
Nous avons, par ailleurs, ajouté au début que nous
verrions d'un très bon oeil un projet de loi-cadre pour assurer, dans
notre société moderne, un contrôle vraiment étanche
du secret professionnel, parce qu'il est de plus en plus galvaudé. Les
gens sont de plus en plus susceptibles de voir leur dossier passer entre les
mains de plusieurs individus, surtout avec l'ère de l'ordinateur.
Mais je pense que, dans la loi actuelle, avec les quelques suggestions
que nous avons faites et l'assurance qu'elles seront prises en
considération, nous sommes satisfaits de ce que le secret professionnel
et la confidentialité des dossiers seront préservés.
Nous croyons que la régie devra nécessairement avoir
à son service des médecins qui, en plus d'être liés
par la loi, sont également liés par notre Code de
déontologie professionnelle, qui est très spécifique quant
au secret professionnel.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, je vous ferai remarquer qu'il est 18 heures, et que nous devons
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. Est-ce que les membres de la
commission sont prêts à continuer ou devrait-on demander aux
invités de revenir à 20 heures?
M. Lalonde: M. le Président, cela dépend des
interventions qui restent. Quant à nous, nous avons terminé.
Le Président (M. Boucher): II resterait le
député de Beauce-Sud.
M. Paquette: Nous aussi nous avons terminé, sauf
peut-être...
M. Roy (Fabien): M. le Président, je vais me limiter, me
discipliner même si j'aurais des questions à poser à nos
invités.. Je pense quand même que les questions qui ont
été posées jusqu'à maintenant ont répondu,
dans l'ensemble, aux questions et à mes préoccupations. Comme il
nous est toujours possible de communiquer avec eux pour une information
additionnelle, je vais simplement m'abstenir de poser des questions pour
permettre à la commission de terminer avant le souper.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. le
député de Beauce-Sud.
M. Roy (Augustin): M. le Président, je ne peux pas
m'empêcher de souligner la générosité du
député de Beauce-Sud qui est un Beauceron, comme moi et, entre
Beaucerons, on se connaît bien.
Le Président (M. Boucher): Merci. Alors...
Mme Payette: M. le Président, si vous le permettez, je
voudrais suggérer au Dr Roy de régler les difficultés
qu'il va y avoir avec le groupe qui a accepté de céder sa
place.
Le Président (M. Boucher): Je remercie le Dr Roy ainsi que
ceux qui l'accompagnent pour le mémoire présenté.
La commission suspend ses travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 03)
Reprise de la séance à 20 h 8
Le Président (M. Boucher): A l'ordre, madame et
messieurs!
A la suspension nous en avions terminé avec le mémoire de
la Corporation professionnelle des médecins du Québec. Il restait
la Royale du Canada, compagnie d'assurance, représentée par M.
Sébastien Allard. Si vous voulez vous approcher, M. Allard.
La Royale du Canada, compagnie d'assurance
M. Allard (Sébastien): Merci, M. le Président. M.
le Président, Mme le ministre, messieurs, vous allez me permettre tout
d'abord de vous présenter notre équipe. Je me nomme
Sébastien Allard, je suis vice-président principal de l'assurance
Royale, responsable des activités au Québec; à ma droite,
M. Jean Robitaille, également vice-président principal, un ancien
résident de la ville de Québec, responsable à ce
moment-là de notre succursale à Québec. Il est maintenant
au siège social à Toronto, responsable de la souscription et des
sinistres pour tout le Canada; à ma gauche, M. Paul Chicoine, directeur
de notre succursale de (a région de Montréal; à
côté de lui, M. Marcel McDuff, responsable des sinistres, des
réclamations comme on dit plus généralement pour le
Québec et enfin M. Jules Daigle, directeur de notre succursale de la
région métropolitaine de Montréal. Ce matin, M.
Bélair, qui est responsable de notre succursale à Québec,
était avec nous, mais il a dû partir cet après-midi.
J'aurais aimé qu'il soit là, vous auriez vu les gens qui dirigent
les activités de la Royale au Québec.
Vous me permettez de lire le mémoire, M. le Président?
Le Président (M. Boucher): Compte tenu de...
M. Allard: J'aimerais le faire, si vous me le permettez. Il n'est
pas tellement long...
Le Président (M. Boucher): II n'est pas tellement
long.
M. Allard: L'Assurance Royale a commencé ses
activités au Québec il y a plus de 125 ans, plus
précisément en 1851. Depuis lors, plusieurs compagnies
d'assurances se sont associées à la Royale. La plupart d'entre
elles ont cessé leurs activités après fusion, de sorte
qu'à l'heure actuelle le groupe ne compte plus, à toutes fins
pratiques, que trois compagnies vraiment actives, à savoir la Royale du
Canada, compagnie d'assurance, la Compagnie d'assurance du Québec et la
Western Assurance Company.
La Compagnie d'assurance du Québec est plus ancienne que la
Royale, ayant été fondée en 1818 ici même dans la
ville de Québec. De fait, elle a été la première
compagnie d'assurances constituée au Québec et la deuxième
au Canada
L'Assurance Royale est de loin le plus important assureur au Canada et
elle se classe deuxième au Québec en volume d'affaires
transigées. En 1976, son chiffre d'affaires s'élevait à
$425 millions au Canada, alors qu'il était de $108 millions au
Québec.
En assurance automobile, la Royale occupait également le
deuxième rang au Québec avec un volume de primes souscrites
dépassant $54 millions. Nous jouons donc un rôle de premier plan
au Québec et nous désirons continuer à le faire à
l'avenir. Nous offrons au public un service dont il a besoin, la protection de
ses biens. Actuellement, environ une centaine d'assureurs oeuvrent au
Québec dans le secteur de l'assurance automobile. Nous travaillons donc
dans un marché concurrentiel qui assure les prix les plus bas.
Nous sommes conscients de nos responsabilités envers les
consommateurs et nous avons la conviction de nous en acquitter honorablement.
Nous croyons nous comporter en bons citoyens. Nos progrès en sont une
preuve indéniable et le très petit nombre de plaintes
portées contre nous au Service des assurances de la province en sont une
autre.
Parmi les initiatives récentes que nous avons prises dans
l'intérêt des assurés et des consommateurs en
général, nous pourrions citer notre service d'information au
consommateur et notre "Plan AIDE".
Dans tous nos bureaux, nous avons mis sur pied un service d'information
au consommateur qui répond aux demandes de renseignements de quelque
provenance que ce soit, non pas seulement de nos assurés, et qui cherche
à aider le consommateur à résoudre ses problèmes
d'assurance, soit au niveau de la protection ou des sinistres.
Quant à notre "Plan AIDE", il offre un moyen de régler
rapidement et à l'amiable, les rares cas de sinistres litigieux en
suggérant l'emploi des services d'un arbitre choisi par notre
assuré lui-même. Le mot "AIDE" vient, en fait, des mots Arbitrage
Impartial Diligent et Equitable.
Même si les actions de la Royale ne sont pas détenues par
des Québécois et si son siège social n'est pas
situé au Québec, nous nous considérons comme une compagnie
intégrée au Québec. Effectivement, c'est ici que nous nous
sommes établis avant d'ouvrir des bureaux ailleurs au Canada et nous
avons, à Montréal, une division administrative responsable des
activités au Québec, qui compte un personnel de près de 25
employés dont un vice-président principal, responsable de ces
activités, et tous les cadres de cette division sont des francophones,
et à une ou deux exceptions près, les autres membres du personnel
sont aussi des francophones.
Nous avons, au Québec, trois succursales importantes dont deux
à Montréal et une ici même, à Québec, ainsi
que trois bureaux régionaux moins considérables que les
succursales, mais qui comptent quand même de 40 à 50
employés chacun. Ces bureaux sont situés à Chicoutimi,
Rimouski et Trois-Rivières.
En tout, notre personnel au Québec se chiffre par 700
employés qui, tous, sauf une quinzaine, sont des francophones. Quant aux
non-francophones, la plupart sont bilingues, à différents
degrés. Le personnel dirigeant de tous les bureaux sans exception, est
entièrement francophone et nous travaillons en français depuis
très longtemps.
Nous souscrivons nos affaires par l'intermédiaire de courtiers
dont la très grande majorité sont des francophones aussi. Les
experts en sinistres dont nous utilisons les services sont également en
majeure partie des francophones.
Evidemment, un très fort pourcentage de nos assurés sont
des francophones et lorsque nous réglons des sinistres, nous versons les
indemnités généralement à des francophones. Lorsque
nous réparons ou remplaçons des biens tels que les
bâtiments, les effets personnels, les automobiles, nous faisons appel
à des entrepreneurs en construction, des réparateurs, des
fournisseurs et autres, francophones, la plupart du temps. Enfin, depuis
longtemps, nous nous efforçons d'investir au Québec des sommes
proportionnelles aux primes que nous y recueillons.
Etant donné que les bénéfices
réalisés, soit sur les activités d'assurance proprement
dites, soit sur les placements, ne représentent qu'un pourcentage
relativement petit des primes que nous gérons, nous pouvons affirmer que
la presque totalité des primes que nous recueillons au Québec
sont remises aux Québécois sous forme d'indemnités,
d'investissements, de salaires, d'avantages sociaux, de commissions aux
courtiers, d'honoraires aux experts en sinistres, d'impôts, de taxes, de
loyers, d'achat de mobilier, de fournitures, de voitures et de services.
Est-il nécessaire d'en dire davantage pour démontrer que
notre apport à l'économie du Québec, en tant qu'assureur,
est considérable?
Nous reconnaissons que les assureurs québécois ont un
rôle important à jouer sur le marché des assurances de la
province, un rôle même prépondérant. Nous acceptons
cela. Nous croyons que nous y avons également notre place. Vous
comprendrez donc pourquoi nous nous intéressons au plus haut point
à la réforme proposée de l'assurance automobile. A part
notre intérêt personnel, nous avons bien à vue les
intérêts de nos assurés, des consommateurs en
général, de nos employés et de nos courtiers.
Dans ce mémoire que nous avons voulu bref, nous n'avons pas
l'intention de présenter une analyse détaillée du projet
de loi 67. D'ailleurs, le Bureau d'assurance du Canada dont nous sommes
membres, l'a fait la semaine dernière. Nous nous bornerons simplement
à faire ressortir quelques points que nous considérons
très importants et que nous voudrions porter plus
particulièrement à l'attention de cette commission.
Mentionnons tout de suite que nous approuvons entièrement le
mémoire du Bureau d'assurance du Canada.
Evidemment, nous nous opposons à toute forme
d'étatisation, même partielle, de nos affaires d'assurance
automobile. Nous sommes convaincus que l'entreprise privée est tout
à fait en mesure d'offrir au public un régime d'assurance qui
répondrait mieux à ses besoins que le régime actuel et
à un coût moindre que le gouvernement ne pourrait le faire,
à condition que le gouvernement consente à lui fournir le
contexte juridique nécessaire. Nous sommes également convaincus
que, dans ce domaine comme dans bien d'autres, le public souhaite conserver la
liberté de choix et que le gouvernement devrait reconnaître ce
fait et ne pas donner suite à son projet de créer un monopole
d'Etat, même limité, comme c'est proposé, aux dommages
corporels. Nous trouverions, par contre, tout à fait acceptable que le
gouvernement entre en concurrence avec l'entreprise privée en
créant une société d'Etat et, pourvu que cette
société ne jouisse d'aucun privilège particulier, nous
sommes assurés que nous pourrions démontrer au public les
avantages incontestables qu'il pourrait retirer à traiter avec
l'entreprise privée plutôt qu'avec l'Etat.
Est-il nécessaire, à ce sujet, de souligner à
nouveau que le comité d'étude sur l'assurance automobile,
généralement désigné sous le nom de comité
Gauvin, n'a pas jugé bon de recommander l'étatisation de
l'assurance automobile, mais qu'il a plutôt reconnu les avantages
qu'offre l'entreprise privée sur un monopole d'Etat, même si le
coût d'un régime géré par l'Etat devait être
un peu inférieur à celui de l'entreprise privée?
Il est aussi remarquable que, de tous les nombreux comités et
commissions qui ont étudié la question de l'assurance automobile
au Canada depuis plusieurs années, aucun n'a recommandé
l'étatisation, même pas dans les provinces où l'assurance
automobile est aujourd'hui étatisée.
Comme alternative au projet du gouvernement, nous continuons d'appuyer
le régime Auto BAC, proposé à la commission parlementaire
des institutions financières chargée d'étudier le rapport
Gauvin à l'automne 1974, en reconnaissant toutefois qu'il y a lieu de
réviser les montants de certaines indemnités pour tenir compte du
contexte actuel. A l'instar du Bureau d'assurance du Canada, nous croyons
encore que le régime AutoBAC demeure la solution immédiate la
plus valable à ce qu'on appelle généralement le
problème de l'assurance automobile. En effet, Auto BAC permettrait
à la vaste majorité, environ 85%, de toutes les victimes
d'accidents d'automobiles, responsables ou non, de recevoir rapidement une
compensation adéquate en cas de dommages corporels.
De plus, le droit de recours devant les tribunaux civils n'étant
pas totalement aboli, les victimes innocentes qui auraient subi des blessures
graves ou pour qui les indemnités de base seraient insuffisantes,
pourraient aussi recevoir une indemnisation adéquate, sans qu'il leur
soit nécessaire de se procurer une assurance complémentaire.
D'après des sondages effectués récemment, il semble
indéniable que le public désire conserver le droit de recours aux
tribunaux, au moins dans les cas les plus graves.
Quant aux dommages matériels aux véhicules, nous croyons
qu'ils devraient être assujettis à un régime
d'indemnisation sans égard à la responsabilité, tout comme
les dommages corporels, tel que recommandé par le Bureau d'assurance du
Canada. En somme, si le principe du "no fault" est valable en ce qui a trait
aux dommages corporels, il devrait l'être aussi dans le cas des dommages
matériels.
Nous voulons insister sur le fait qu'il y a déjà longtemps
que nous préconisons une formule d'indemnisation sans égard
à la responsabilité. En effet, nous en parlions il y a une
quinzaine d'années déjà. En 1968/69, l'industrie de
l'assurance a commencé à offrir dans les polices automobiles une
assurance individuelle qui prévoyait des indemnités en cas de
dommages corporels, indemnités qui étaient payables sans avoir
à déterminer le responsable de l'accident.
En janvier 1972, l'Association canadienne des assureurs, dont nous
étions membres, recommandait au comité Gauvin l'indemnisation
sans égard à la responsabilité.
Fait à souligner, si le régime AutoBAC avait
été adopté en 1974, il aurait apporté une
réduction des coûts de l'assurance. Par contre, le ministre des
Consommateurs, Coopératives et Institutions financières ne
croyait pas que le régime proposé dans le projet de loi no 67
amènerait une réduction immédiate des coûts de
l'assurance. Et, reconnaissons-le, c'est le coût de l'assurance qui a
fait l'objet des critiques les plus vives de la part du public.
A notre avis, le régime proposé prévoit des
indemnités beaucoup trop généreuses en certains cas,
indemnités qui, d'autre part, seraient trop souvent
déterminées d'une façon arbitraire; par conséquent,
nous croyons que le coût du régime sera très
élevé ou, en tout cas, plus élevé que celui du
régime actuel et plus élevé aussi qu'il n'est prévu
dans le libre bleu sur la réforme de l'assurance automobile.
Quant au rôle du courtier d'assurance dans le régime
proposé, il nous semble peu réaliste de croire que le public, qui
a pris l'habitude d'avoir recours aux services des courtiers, cesserait de le
faire avec l'avènement du nouveau régime. Un grand nombre
d'automobilistes continueraient de s'adresser aux courtiers pour
déterminer leurs besoins d'assurance, pour signaler leurs accidents et
être dirigés.
Il nous semble donc que ces services exigent une
rémunération, non prévue dans le régime
proposé, mais reconnue dans le régime actuel.
Par ailleurs, nous sommes entièrement d'accord avec le projet de
loi en ce qui a trait à: 1o, l'obligation pour tous les
automobilistes du Québec de s'assurer contre la responsabilité
civile. Toutefois, nous croyons que le montant minimal obligatoire prévu
de $50 000 est insuffisant, et Mme le ministre nous a dit, cet
après-midi, que c'était un cadeau aux assureurs. Je pourrais
demander qu'elle nous fasse un plus gros cadeau et qu'elle exige que les
automobilistes portent une assurance minimale de $100 000, pas dans
l'intérêt des assureurs, mais de façon qu'ils soient
protégés adéquatement lorsqu'ils seront au moins à
l'extérieur du Québec, parce qu'il n'y a pas lieu de penser
uniquement aux dommages matériels à ce moment-là. Il faut
aussi penser aux blessures corporelles, aux dommages corporels causés
à l'extérieur du Québec; 2o, la création
d'un mécanisme rendant l'assurance automobile accessible à tous
les automobilistes; 3o, la mise sur pied de centres d'estimation de
dommages matériels; 4o, la prise en charge par le
gouvernement du Fonds d'indemnisation des victimes d'accidents
d'automobiles.
Nous appuyons également le programme de sécurité
routière prévu au livre bleu. A ce sujet, qu'il nous soit permis
de rappeler que depuis plusieurs années l'industrie n'a jamais
cessé d'insister sur l'importance de la sécurité
routière à cause, justement, du rôle qu'elle joue dans la
fréquence et le coût des accidents et, par conséquent, dans
le coût de l'assurance automobile. Seuls des lois et règlements
bien conçus et appliqués rigoureusement et
sévèrement parviendront à réduire le nombre, la
gravité et le coût des accidents. D'ailleurs, le ministre
lui-même l'a reconnu et souligné, tant dans le livre bleu qu'en
plusieurs autres occasions depuis qu'il a été chargé de la
responsabilité du dossier de l'assurance automobile.
Quoi qu'il en soit, si le projet de loi no 67 devait être
adopté, nous désirons assurer le gouvernement de notre
collaboration la plus entière dans la mise en application de la loi et,
à cette fin, si la Corporation des assureurs autorisés, dont
traite le titre VI, devait être créée, nous souhaiterions
être invités à faire partie du conseil d'administration
initial si les membres étaient désignés par le
gouvernement.
M. le Président, Mme le ministre, messieurs, je vous remercie
d'abord de nous avoir donné l'occasion de nous présenter devant
vous. Vous auriez pu décider que notre mémoire, étant ce
qu'il est, vous n'aviez pas à nous écouter, vous auriez pu le
lire. Vous nous avez donné cette occasion et nous vous en sommes
reconnaissants.
S'il y a des questions que vous aimeriez nous poser, nous tenterons d'y
répondre, tout en vous disant tout de suite que nous ne voulons pas
faire perdre le temps des membres de la commission en revenant peut-être
sur des sujets qui ont été traités à fond, je
crois, la semaine dernière, à l'occasion de la
présentation du mémoire du Bureau d'assurance du Canada.
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Allard. Mme le
ministre.
Mme Payette: M. le Président, tout d'abord, je voudrais
remercier les représentants de la Royale du Canada d'avoir
été patients puisque les convocations ont été un
peu perturbées. Je sais que vous êtes là depuis hier,
à ma connaissance, je vous en remercie. J'espère que vos affaires
n'en
souffriront pas et que vous n'aurez pas à regretter votre
présence devant les membres de la commission.
A la page 6 de votre mémoire, vous faites une affirmation qui me
frappe à nouveau parce qu'elle m'avait frappée au moment de la
conférence de presse du BAC, il y a déjà fort longtemps,
c'est-à-dire quelques jours après la parution du livre bleu. Vous
affirmez que l'entreprise privée pourrait presque au milieu de
votre page vous êtes tout à fait en mesure, dites-vous,
d'offrir au public un régime d'assurance qui répondrait mieux
à ses besoins que le régime actuel vous parlez de ce qui
existe présentement et à un coût moindre que le
gouvernement ne pourrait le faire. Pouvez-vous me dire, maintenant, parce que
là, c'est loin du 15 avril, à combien vous estimez que
l'entreprise privée pourrait administrer le régime que nous
proposons?
M. Allard: Madame, je ne pourrais pas vous donner de chiffres, je
ne pourrais pas vous faire la démonstration de cela.
Mme Payette: Mais vous l'affirmez.
M. Allard: Vous allez peut-être me dire: Pourquoi le
dites-vous? Je reste convaincu que l'entreprise privée est toujours
capable, dans le même contexte, de faire quelque chose à un
coût inférieur à celui de l'Etat. Quand vous dites que le
projet de loi, le coût du projet de loi, le financement va se monter
à $385 millions, vous arrivez à cela et je ne conteste pas ces
chiffres; probablement sont-ils très exacts, je ne les ai pas
examinés, je ne le sais pas, mais je tiens pour acquis qu'ils sont
précis. Vous arrivez à cela en faisant certaines choses, comme
éliminer, par exemple, les courtiers d'assurances. Je dis: Si vous nous
disiez: Vous allez fonctionner sans les courtiers d'assurance, tout de suite,
nous sommes aussi en mesure de réduire nos coûts, ce qui ne veut
pas dire que nous croyons que ce serait la meilleure façon de faire
fonctionner le régime, pas plus que nous sommes convaincus que le
gouvernement pourrait faire fonctionner le régime d'assurance des
dommages corporels aussi efficacement sans les courtiers qu'il croit qu'il est
capable de le faire.
Je reste convaincu que peu importe ce qui va être fait, à
supposer que le régime est appliqué, et on a exclu les courtiers,
il y a des gens qui vont continuer d'aller voir les courtiers pour se faire
aider; qui vont, advenant une réclamation, aller voir des avocats,
même si on exclut les avocats du régime, pour se faire aider,
parce qu'autrement ils sont seuls devant des bureaux d'Etat. On peut bien dire
qu'on exclut les avocats; on peut examiner ensuite le coût du
régime et dire: Cela coûte beaucoup moins cher qu'avant parce
qu'il n'y a plus de frais d'avocats et on ne tiendra jamais compte de ce que
les gens auront pu dépenser pour avoir des services à
l'extérieur du régime. Même si on fait tout cela, on n'aura
pas éliminé ces coûts-là, on ne les verra pas dans
le coût du régime, mais ils vont exister quand même. Je suis
persuadé que cela va continuer de se faire.
Mme Payette: Mais nonobstant le fait que vous n'avez pas fait
d'analyse du coût du régime que nous présentons, que cela
n'a pas été fait par le BAC, semble-t-il, puisque j'imagine qu'il
en aurait fait part à la commission il y a quelques jours, vous
maintenez que vous pourriez administrer ce régime à un coût
moindre.
M. Allard: Le BAC a dit la même chose la semaine
dernière.
Mme Payette: Mais sans pouvoir non plus faire la
démonstration à partir d'analyses sérieuses.
M. Allard: J'admets que je ne puis pas faire la
démonstration, j'en suis quand même convaincu parce que d'autres
exemples on va me dire: Oui, mais cela, c'était avant
très nombreux ont pu nous démontrer que l'Etat ne peut pas
fonctionner à un coût inférieur à l'entreprise
privée. Il n'y a aucun doute dans mon esprit et je pense que
c'est dans les faits que la concurrence force les gens à faire
des affaires au coût le plus bas possible. Quand il n'y a pas de
concurrence, quand on l'a éliminée comme dans un régime
d'Etat, on n'est pas obligé de surveiller les coûts. C'est
à partir de là que je me sens capable d'affirmer que c'est ce qui
arriverait. Je ne peux pas vous donner les chiffres pour vous le
démontrer.
Mme Payette: Vous avez parlé du rôle du courtier
auprès des assurés et j'imagine qu'une compagnie comme la
vôtre doit traiter avec un nombre assez important de courtiers.
C'est-à-dire que le chiffre d'affaires que vous avez implique qu'il y
ait beaucoup de courtiers comme intermédiaires. Est-ce que vous avez
parfois réfléchi au fait que les courtiers se trouvent
j'utilise le mot parce que je n'en ai peut-être pas un autre plus juste,
et je vais le mettre entre guillemets dans une sorte de "conflit
d'intérêts" entre les compagnies d'assurances et les
assurés?
M. Allard: Pour ma part, je ne crois pas que ce soit le cas d'une
façon générale ou, en tout cas, en ce qui concerne
l'assurance automobile. Je sais que la commission Gauvin a insisté sur
ce point et cela peut être vrai qu'à certains moments il puisse y
avoir des conflits. Je pense quand même qu'il n'y a pas de conflit qui
puisse exister qui soit de nature à préjudicier les droits des
assurés. Le contrat d'assurance est un contrat entre l'assureur et
l'assuré. Le courtier est un intermédiaire qui tantôt
essaie de fournir à son client les assurances dont il a besoin et qui
tantôt fait des choses pour l'assureur si vous voulez, mais...
Mme Payette: Est-ce que ce n'est pas cela, carrément, un
conflit d'intérêts?
M. Allard: ... il me semble qu'il n'y a jamais de cas où
il puisse y avoir un conflit en faisant cela.
Mme Payette: Justement, la définition du rôle du
courtier que vous nous faites, c'est-à-dire de
servir les intérêts de son client qui est l'assuré
appelons-le le consommateur afin de bien nous comprendre et en
même temps de devoir satisfaire les exigences de l'assureur. Vous savez,
on a parlé.
D'ailleurs, je vous en remercie, cela a été utile de nous
informer que La Royale, en 1977, n'avait plus le "package deal". Il
était devenu presque obligatoire pour les courtiers de fournir
l'assurance incendie...
M. Allard: Excusez, si vous me permettez, je n'ai jamais admis
que cela avait existé à la Royale. J'ai dit que ça ne se
faisait pas à La Royale. Je ne suis pas pour dire que cela s'est
déjà fait et que ça ne se fait plus.
Mme Payette: Si ça n'est pas vous, c'est votre
frère...
M. Allard: Parce que cela ne s'est pas fait.
Mme Payette: Si ce n'est pas vous, c'est votre frère qui a
dit: Cela s'est fait en 1975 et en 1976, et ça ne se fait plus en
1977.
M. Allard: II y a d'autres compagnies qui l'ont fait et qui ne
l'ont même pas nié.
Mme Payette: Comme je l'ai dit, je n'affirme pas que c'est vous,
vous avez dit qu'en 1977 vous ne le faisiez pas.
M. Allard: Aujourd'hui, je porte un autre chapeau que la semaine
dernière, c'est celui de La Royale. Je puis vous dire aujourd'hui que
nous n'avons jamais fait ce que vous mentionniez la semaine dernière,
exiger d'avoir les assurances habitation et automobile du même
client.
Mme Payette: Vous savez cependant...
M. Allard: Je ne veux pas qu'il y ait d'équivoque à
ce sujet.
Mme Payette: Vous savez cependant... M. Allard: Oui, cela
s'est fait.
Mme Payette: ... que ça existe, et peut-être qu'au
moment où on se parle ça existe encore pour certaines compagnies.
Est-ce qu'il n'y a pas quelque chose d'un peu odieux pour le courtier de se
trouver aux prises avec cette obligation venant de l'assureur et de devoir,
malgré tout, continuer de défendre le consommateur? Est-ce qu'il
n'y a pas une ambiguïté quant au rôle?
M. Allard: Disons tout de suite que, quand on parle de
défense du consommateur, je ne sais pas en quoi ça consiste. En
somme, le courtier, dans l'assurance automobile nous parlons toujours
d'assurance automobile remplit une formule pour prendre les
détails du véhicule de l'assuré. Il va faire des
recommandations à son assuré. Il va dire, par exemple, une limite
de $35 000, c'est insuffisant, tu devrais avoir $100 000 ou $500 000, tu
devrais assurer ou ne pas assurer la collision. Ton véhicule à
sept ou huit ans, il vaut $300, ça ne vaut pas la peine d'assurer la
collision. Il va faire ce genre de choses qui ne se prêtent pas
généralement à des conflits d'intérêt. Il ne
va pas conseiller son client d'une façon que son assureur n'accepterait
pas. Ensuite, il demande à l'assureur d'émettre la police et
ça se fait.
Quand vous dites qu'il y a des compagnies qui ont fait et qui font
encore ce qu'on appelle du "tight selling" en anglais...
Mme Payette: C'est un terme que je ne connaissais pas.
M. Allard: C'est peut-être vrai que ça se fait
encore, mais même dans ce cas il n'est pas sûr... A notre avis,
ça ne va pas à l'encontre des intérêts du client. Ce
n'est pas démontré que, pour l'assuré ou le consommateur,
ce soit mauvais d'avoir toutes ses assurances chez le même courtier et la
même compagnie, c'est probablement même avantageux.
Mme Payette: Si on l'a choisi, j'imagine que c'est avantageux;
mais de les avoir parce qu'on y est obligé, parce qu'on y est
forcé, sans ça on n'aurait pas d'assurance automobile, ça,
c'est odieux.
M. Allard: Parce qu'on n'aurait pas d'assurance automobile, vous
avez raison. Mais je pense qu'il n'y a pas grand monde qui n'a pas
été capable de se trouver de l'assurance automobile au
Québec, quand on voulait en trouver.
Mme Payette: Je suis obligée de vous dire que le
service...
M. Allard: Bien oui!
Mme Payette: ... des assurances du ministère peut nous
donner un autre son de cloche là-dessus.
M. Allard: Je suis certain que ce que vous me dites, ça
veut dire qu'il y a des gens qui n'étaient pas prêts à
payer ce qu'on exigeait d'eux pour avoir de l'assurance automobile. Je l'ai dit
encore la semaine dernière quand le Bureau d'assurance du Canada a
présenté son mémoire, il y a une distinction à
faire entre ne pas être capable d'obtenir de l'assurance et ne pas
être capable de l'obtenir au prix qu'on veut payer.
Mme Payette: Cela peut aller jusqu'à quoi, une prime
d'assurance automobile, quel est le sommet que ça peut atteindre?
M. Allard: On parle de l'automobile d'un particulier, pas de
l'automobile commerciale.
Cela peut être $2000, le maximum. On a soulevé cette
question la semaine dernière. On prend
quelqu'un âgé de 17 ou 18 ans, qui a peut-être eu
deux ou trois accidents, qui a peut-être une automobile dispendieuse,
parce que même à cet âge, on peut en avoir, etc. Dans ces
circonstances, il peut y avoir des gens et il y en a, de fait, qui payaient des
primes aux environs de $2000.
Mme Payette: Vous dites dans votre mémoire... Et les
premières pages sont intéressantes à cet égard
parce que c'est l'histoire de votre compagnie.
M. Allard: Vous m'excuserez de l'avoir fait.
Mme Payette: Non, je trouve cela intéressant. Je peux
exprimer le regret que le siège social soit à Toronto, même
si c'est né au Québec.
M. Allard: Moi aussi. Mais ce n'est pas récent, cela fait
longtemps qu'il est là.
Mme Payette: Merci. D'autre part, vous avez également
insisté dans votre mémoire sur la bonne réputation de la
Royale, en disant qu'il y a peu de plaintes portées contre vous. Mais
là, je suis obligée de vous demander s'il n'y a pas une sorte de
solidarité entre les compagnies d'assurances? Les plaintes que nous
avons au ministère, bien sûr, elles ne sont pas nommément
adressées à la Royale. Je pense, en plus, que le consommateur
finit par ne plus savoir avec quelle compagnie il est assuré.
C'est une expérience que j'ai faite avec des amis, tout
simplement. Cela n'a pas valeur de test ou de sondage. Mais demandez aux gens
autour de vous: Avec quelle compagnie êtes-vous assurés? Ils vont
vous dire: Je ne me souviens pas, il faudrait que je vérifie sur mon
petit papier rose. Mais ils ne savent pas le nom de la compagnie la plupart du
temps.
Quand on reçoit des plaintes au service des assurances du
ministère, nous, on pense qu'il peut y en avoir qui s'adressent
quelquefois à la Royale, mais à ce moment-là, c'est
collectif et je pense que vous allez reconnaître qu'à certains
moments, cela peut arriver à tout le monde, y compris à une
compagnie comme la vôtre.
M. Allard: De fait, il y en a. De temps à autre, pas
souvent, trois ou quatre fois par année, le service des assurances me
téléphone, à moi, personnellement; tantôt c'est
Québec, mais généralement, c'est Montréal, pour me
mettre au courant et on finit par régler les problèmes.
Mais je fais cette affirmation, parce que c'en est une autre, je la fais
en me basant sur ce que les officiers du service des assurances eux-mêmes
m'ont dit. Ce n'est pas moi qui invente cela, je ne sais pas quels sont les
chiffres. Mais je me renseigne de temps à autre pour savoir ce qui se
passe et ce qui arrive à la Royale. Est-ce que souvent on a des plaintes
contre elle? Cela vient des officiers du service des assurances, d'une
part.
D'autre part, le Bureau d'assurance du Canada maintient, depuis
plusieurs années, un ser- vice de renseignements aux consommateurs. On
invite les gens à s'adresser au Bureau d'assurance du Canada pour des
renseignements, des plaintes contre les assureurs et le Bureau d'assurance du
Canada nous transmet les demandes ou les plaintes du public. C'est très
rare que nous en recevions et, encore là, le Bureau d'assurance du
Canada me dit: On n'en a pas souvent contre la Royale.
Je ne voudrais pas être trop égoïste, il n'y a pas
seulement la Royale contre laquelle on ne fait pas de plaintes souvent. Il y a
également d'autres assureurs. Nous ne sommes pas les seuls. Par contre,
au service des assurances, on l'a sûrement constaté, il y a
d'autres compagnies contre lesquelles on fait des plaintes
fréquemment.
Mme Payette: Après ce message publicitaire, j'aimerais
vous poser une autre question. J'aimerais revenir en arrière sur un
sujet qu'on a abordé avec le BAC. Mais comme vous étiez
présent, je ne me sens pas gênée de le réaborder
avec vous pour une meilleure compréhension.
Le BAC a fait allusion à un des articles du projet de loi dont
j'oublie le numéro, qui parle de la subrogation entre les assureurs,
pour les dommages matériels. Le BAC semblait dire qu'on voulait voir
retirer cet article, ou le voir amender, de telle façon que le droit de
subrogation soit supprimé.
Qu'est-ce qui se produit et là, c'est pour le
bénéfice de tous les membres de la commission chez les
assureurs, au moment où ce droit de subrogation est aboli?
M. Allard: Vous voulez dire ce qui se produira si...
Mme Payette: Voilà. Quel est le fonctionnement de
l'assureur par rapport à l'assuré quand le droit de subrogation
est aboli entre les assureurs?
M. Allard: Je peux peut-être faire appel à mon
confrère, M. McDuff. Je pourrais dire quelque chose là-dessus,
mais M. McDuff est un expert en sinistres. Il pourrait peut-être vous
éclairer un peu mieux que moi.
M. McDuff: Présentement, après paiement, il y a des
ententes entre des assureurs et il y a également une grille de
responsabilité qui s'applique. Nous réglons nos problèmes
entre les deux assureurs, jamais aux dépens de l'assuré, mais
nous oublions totalement le recours dans ce genre d'ententes.
Mme Payette: Un exemple.
M. Allard: Puis-je ajouter quelque chose à cela?
Mme Payette: Oui, parce que là, je suis sûre que,
pour certaines personnes, ce ne serait probablement pas beaucoup plus clair que
la dernière fois et je pense que c'est important qu'on comprenne bien
cela.
M. Allard: Le Bureau d'assurance du Canada a recommandé
que le projet de loi soit amendé de façon à
éliminer la subrogation entre les assureurs. Nous, à la Royale,
recommandons la même chose.
On a entendu des choses, ce matin, par les gens du Service de l'aide
juridique qui coïncident à peu près exactement avec notre
recommandation.
Mme Payette: C'est ce que je voudrais vous entendre
expliciter.
M. Allard: Le régime AutoBAC qu'on avait proposé
précédemment faisait aussi la même chose. Le régime
AutoBAC proposait l'indemnisation sans égard à la
responsabilité, même pour les dommages matériels et on
éliminait la subrogation. On est convaincu qu'en maintenant le droit de
subrogation entre les assureurs, on perd énormément de ce qu'on
gagnerait autrement pour réduire les coûts.
Si on veut maintenir la subrogation, cela veut dire qu'il faut continuer
de déterminer qui est responsable. Même si vous le faites avec une
grille qui pourrait dire, par exemple, que celui qui passe au feu rouge est
responsable, cela va être exactement comme aujourd'hui, il n'y aura
personne qui va avoir passé au feu rouge. Il va falloir essayer de
déterminer cela. On va continuer à rechercher...
Mme Payette: Un meilleur exemple, c'est celui qui frappe en
arrière. Tous tes Québécois le connaissent, ils savent
toujours que c'est celui qui frappe en arrière qui est responsable.
M. Allard: Oui, il pourrait même là y avoir des
exceptions. Il pourrait y avoir celui d'en avant qui a appliqué les
freins trop brusquement.
M. Payette: C'est difficile à prouver.
M. Allard: II y a encore des désaccords et, souvent, des
retards qui sont dus à des choses comme cela. En éliminant la
subrogation, on n'est pas obligé de rechercher le responsable, c'est une
chose. On élimine les coûts qui se rattachent à tout le
fonctionnement comptable et autres qui feraient que chaque assureur finit par
recouvrer ce à quoi il a droit de son confrère et vice versa.
La tarification elle-même sera plus compliquée en
maintenant la subrogation. Comme les gens du Service de l'aide juridique l'on
dit ce matin, celui qui a une voiture qui vaut $300, si on élimine la
subrogation, va assurer la voiture de $300. Il ne se préoccupera pas du
fait qu'il pourrait frapper une Cadillac et être responsable. Cela
revient contre lui. Dans la tarification, si on maintenait la subrogation, nous
serions obligés de tenir compte du fait que la petite Volkswagen de $300
pourrait frapper une grosse voiture et cela va coûter de l'argent.
Pour toutes ces raisons, on voudrait que le droit de subrogation
disparaisse et qu'on dise, dans le projet de loi je sais qu'on pourrait
le faire à l'extérieur, mais pourquoi le faire à
l'extérieur s'il y a moyen de le faire dans la loi? qu'on
élimine complètement le recours entre assureurs.
Mme Payette: C'est qu'on ne voulait pas vraiment vous
déplaire.
M. Allard: Si vous ne voulez pas nous déplaire, changez
cela.
Mme Payette: Voulez-vous me dire, cependant...
M. Allard: Non seulement vous ne nous déplairez pas, mais
vous allez faire quelque chose qui va profiter aux consommateurs. C'est plus
important.
Mme Payette: Voulez-vous, cependant, m'ex-pliquer quel est
l'effet de la supression de la subrogation sur la tarification?
M. Allard: Là, vous allez me perdre.
Mme Payette: Non, il y a certainement quelqu'un avec vous qui
sait cela.
M. Allard: M. Robitaille croit qu'il peut vous donner...
M. Robitaille (Jean): M. le Président, si vous me
permettez. Il est entré dans les moeurs que, lorsqu'on n'est pas
responsable de nos dommages, si c'est l'autre qui nous a frappés, on ne
veut pas que notre prime en soit affectée, parce qu'à travers les
années, on en est venu à un système de tarification au
mérite. Celui qui n'est pas responsable veut protéger sa prime,
il ne veut pas qu'elle soit augmentée, tandis que celui qui est
responsable de l'accident voit sa prime monter à cause de cela. Avec ce
système, on pourrait faire disparaître ce genre de choses, on
pourrait en venir à une tarification beaucoup plus simple, basée
sur la susceptibilité des véhicules aux dommages. Alors, on
répartirait le coût sur une plus grande population, un coût
moyen, de la façon que vous voulez le faire du côté des
blessures corporelles. Pardon?
Mme Payette: C'est-à-dire sur la valeur du
véhicule.
M. Robitaille: C'est cela, oui. On éliminerait la
conception de la responsabilité pour ce qui est arrivé, de la
même façon que vous le faites pour les blessures corporelles. Il
me semble que, si on pense au consommateur et si on veut que tout le
système, dans son ensemble, soit conséquent dans son
idée... parce que, pour un bout de temps surtout, cela va être
assez compliqué pour lui de comprendre cela. Ce serait
peut-être...
Mme Payette: Alors, soyons conséquents de part et d'autre.
A ce moment, comment pouvez-vous m'expliquer que vous demandiez qu'on porte
l'assurance obligatoire à $100 000?
M. Robitaille: Comme M. Allard l'a dit, c'est parce qu'il sera
encore nécessaire de s'assurer lorsqu'on cause des dommages physiques
à un train, par exemple, si on frappe un train, une voie ferrée,
ou bien si on a un accident en dehors des limites du Québec et qu'on
cause des blessures corporelles.
Mme Payette: Est-ce qu'on ne peut pas prévoir dans un
contrat d'assurance, par exemple, une assurance obligatoire de $50 000 au
Québec qui puisse être accrue, si besoin estcela ne nous est
pas encore démontré à $100 000? Parce que
l'assurance obligatoire, ce n'est que le minimum obligatoire. Rien
n'empêche un citoyen d'aller chercher beaucoup plus s'il le
désire. A partir du moment où c'est obligatoire, est-ce qu'il n'y
a pas quelque chose d'odieux de la part du gouvernement de forcer les gens
à $100 000? Est-ce que ce n'est pas, à ce moment le risque
est tellement minime pousser loin l'intervention?
M. Robitaille: Pour autant qu'on soit certain que, si on met cela
à un niveau très bas, ceux qui verront à vendre la
protection au public feront une bonne besogne, donneront au moins aux gens la
chance de choisir une limite plus élevée s'ils veulent bien
payer. Ce qui arrive, c'est que...
Mme Payette: Les cadeaux qu'on demandait tout à l'heure,
je pense que vous êtes probablement les mieux placés pour
comprendre que c'est un cadeau, déjà, de passer de $10 000
à $50 000. Je vous avoue que c'est un cadeau que je n'aime pas vous
faire.
M. Robitaille: C'est un cadeau qui doit être bien
temporaire, parce que ce qu'on reçoit, on doit le débourser,
éventuellement. Si on s'est trompé dans ce que cela vaut... Si on
disait $100 000 au minimum pour tout le monde, ce qu'on devrait charger d'extra
pour la différence entre $50 000 et $100 000, il faudrait que ce soit
une bagatelle, parce qu'on ne serait pas conséquent de dire que cela
n'arrivera pas souvent.
Mme Payette: Puisque vous étiez présents ce matin,
au moment où les gens de l'aide juridique sont venus nous dire que $50
000, c'était beaucoup pour la population qu'ils ont à desservir
et qu'ils souhaitaient une assurance qui soit beaucoup plus près de la
valeur du véhicule, des individus... Les $50 000, c'est si on
démolit une maison, j'imagine. Ce sont les biens matériels autres
que le véhicule. Rendu à $100 000, il faut faire du dommage.
M. Robitaille: Ecoutez, c'est une question de ce que vous croyez
que la population devrait porter. J'ai assisté à plusieurs
réunions du Select Committee à Toronto et je lis les
débats. Ces gens semblent parler d'une protection, au minimum, de un
million de dollars pour tout le monde. C'est leur conception. Ce n'est pas ce
qu'on essaie de leur dire. C'est ce qu'ils pensent. On s'en remet à vous
pour ce genre de choses. Vous êtes supposée refléter...
Mme Payette: Pour les convaicre qu'un million c'est trop, je vais
essayer de le faire. M. le Président...
M. Allard: Je voudrais ajouter quelque chose à cela,
madame, si vous permettez. J'ai tenté de faire une vérification
dans nos bureaux au Québec. Je ne sais pas si cela vous
intéresserait, si cela vous étonnerait peut-être de savoir
que, chez nous, il semble y avoir entre 75% à 80% de nos assurés
qui ont des limites d'au moins $100 000.
Mme Payette: C'est ça. Cela comprenait la protection pour
les dommages corporels également.
M. Allard: Je voudrais aussi mentionner autre chose, parce que
ça m'a piqué un petit peu quand j'ai entendu dire, à deux
reprises, je pense, aujourd'hui, que les contrats d'assurance portaient ce
qu'on appelle, nous, l'assurance individuelle, mais on ne donnait pas
grand-chose. On donnait $5000, $35 par semaine et tout ça. Je
présume que vous savez que ces montants étaient des montants
minimaux qui pouvaient être augmentés. Cela pouvait être
$70, cela pouvait être $105 par semaine, mais les gens n'achetaient que
$35, le minimum. On n'a même pas réussi à convaincre le
gouvernement, au moment où on a introduit cette nouvelle assurance de le
rendre obligatoire. C'est pour démontrer que si vous dites aux gens ou
si vous laissez les gens libres de prendre $50 000 ou $10 000, comme
c'était le cas avant que vous nous fassiez le cadeau, si vous les
laissez libres, la plupart des gens vont prendre $50 000 et ils ne seront pas
protégés suffisamment. Evidemment, pour celui qui n'a rien, ce
n'est pas important. Même s'il était poursuivi, il n'a rien
à perdre.
Mme Payette: Et celui qui a quelque chose, en
général, sait qu'il faut qu'il s'assure pour plus.
M. Allard: Pour celui qui a beaucoup, il va se protéger,
mais il y en a peut-être entre les deux, des gens qui vont n'avoir que
des limites insuffisantes, et pour le peu que ça pourrait coûter
de plus, parce que ça ne coûtera pas une fortune, passer de $50
000 à $100 000. Ce n'est pas avec ce genre de cadeau qu'on va
s'enrichir. Cela vaut peut-être la peine de l'examiner.
Mme Payette: Cela veut dire combien, pas une fortune, quand c'est
vous qui le dites?
M. Allard: Je ne pourrais même pas vous le dire
actuellement. Le pourcentage n'est pas fort; mais avec les changements qui sont
proposés, parce que dans l'état actuel des choses il n'y a pas
seulement les dommages matériels, il y a les dommages corporels aussi.
Là, on réduit aux dommages matériels et on pense aux
dommages corporels à l'extérieur du Québec, cela ne
peut
pas être énorme. Cela pourrait l'être pour des gens
à Hull, par exemple. On a parlé des gens de Hull la semaine
dernière. Mais pour l'ensemble des gens, ça ne
représenterait pas grand-chose. Vous dire combien, je ne le sais pas. Ce
sont quelques dollars.
Mme Payette: M. le Président, moi, j'ai
terminé...
M. Robitaille: Une dizaine de dollars, peut-être, si on
parle en moyenne.
On a essayé un truc au Nouveau-Brunswick l'an dernier, avec la
collaboration du surintendant des assurances. Ils ne voulaient pas augmenter
les bénéfices à $100 par semaine, à $10 000, somme
principale, ou quelque chose comme ça. Ils ont dit: On va vous permettre
d'augmenter les polices automatiquement, d'envoyer ça avec les
renouvellements, avec un avis à l'assuré que s'il ne veut pas le
prendre, qu'il le retourne à la compagnie en signant son nom. On disait:
Cela coûte $8 de plus. Il n'y a jamais rien qui est revenu. Les gens
l'achètent. Ils se rendent compte que c'est là et, s'ils n'en
veulent pas, ils n'ont qu'à le retourner. La loi est en voie
d'être changée au Nouveau-Brunswick pour augmenter les
indemnités à ces niveaux, supposément au
bénéfice de la population du Nouveau-Brunswick.
Mme Payette: M. le Président, j'ai terminé pour
l'instant.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, je tiens à
remercier ces messieurs qui, au nom de la compagnie La Royale du Canada, sont
venus nous faire leurs représentations au sujet du projet de loi que
nous étudions.
J'aimerais, si vous le permettez, revenir sur la perte du droit de
subrogation. Pour un profane, ça semble être assez difficile de
maîtriser réellement cette notion. Pour continuer avec l'exemple
que vous avez donné, vous dites, par exemple, en supposant que moi, je
possède une Volkswagen d'une valeur de $5000 et vous, vous
possédez une Cadillac d'une valeur de $12 000. Bon! Nous avons un
accident. S'il n'y a pas de droit de subrogation, ça veut dire que si je
suis tenu, moi, responsable de 40%, par exemple, d'après la grille
établie, si j'ai une responsabilité de 40%, mon assureur va me
remettre 60% des $5000.
M. Allard: D'accord.
M. Saint-Germain: Votre assureur va vous remettre 40% des $12
000.
M. Allard: D'accord.
M. Saint-Germain: Et le contrat... C'est terminé, la
procédure.
M. Allard: Oui, mais il faut déterminer qui est
responsable après cela, et l'un va percevoir de l'autre assureur, ce qui
suppose des enquêtes pour déterminer les
responsabilités.
M. Saint-Germain: Non, je parle d'un système où il
n'y aurait pas de subrogation.
M. Allard: Si on veut parler d'un système où il n'y
aurait pas de subrogation, on suppose que ce sont des gens qui assureront leurs
propres dommages. Il y en a beaucoup qui assurent leurs propres dommages
actuellement, chez leur assureur, et qui sont indemnisés dès que
leur véhicule est endommagé, peu importe qui est responsable.
Ensuite, c'est la compagnie qui se débat.
M. Saint-Germain: Oui, mais pour prendre un exemple bien simple,
prenons la loi telle qu'elle existe actuellement qui dit qu'on doit
nécessairement avoir $50 000 d'assurances pour dommages à autrui.
Laissons tomber la question de la collision. On n'est assuré ni l'un ni
l'autre pour la collision, on est assuré pour dommages à autrui
sans droit de subrogation. Est-ce que l'exemple que je vous ai donné
tient?
Nous avons un accident, d'après la grille de
responsabilité établie. Les assureurs s'entendent, je suis tenu
responsable de 40%, j'ai 40% de responsabilité dans l'accident. Vous
avez donc 60% de responsabilité dans l'accident. Comme j'ai 60% de
non-responsabilité, mon assureur va me remettre 60% de $5000.
D'accord?
M. Allard: C'est cela. On suppose que vous avez de
l'assurance-responsabilité, mais que vous n'avez pas ce qu'on appelle
l'assurance collision pour vos propres dommages.
M. Saint-Germain: C'est juste.
M. Allard: Alors, nous quand on parle d'éliminer la
subrogation, on tient compte du fait qu'il y a des gens, tous si c'était
possible, mais une bonne partie, qui vont continuer d'assurer leurs propres
dommages. Si vous n'avez pas d'assurances pour vos propres dommages, et que
vous êtes partiellement responsable, votre assureur va payer une partie
et le reste, même si c'est l'autre qui est responsable, vous ne le
recouvrez pas. C'est l'envers de la médaille, si vous voulez.
Dans le régime AutoBAC et dans la proposition Gauvin, on donnait
trois options ce n'était pas les mêmes dans les deux cas
trois options en ce qui regarde les dommages par collision,
c'est-à-dire vos propres dommages.
Une option, dont le montant de la prime était le plus bas
possible, disait: Votre assureur va vous payer entièrement si vous
n'êtes pas responsable. Si vous êtes responsable en partie, votre
assureur va payer en partie.
La deuxième option était plus généreuse et
la troisième voulait que votre assureur paie tous les
dégâts, peu importe qui était responsable et sans
subrogation.
Dans le système qui pourrait être implanté, on
continue de penser qu'il va y avoir des gens qui, dans une proportion de 50% ou
60% et davantage, si c'est possible, vont s'assurer pour leurs propres dommages
parce qu'on élimine la subrogation. Mais si, par exemple, personne
n'était assuré pour ses propres dommages, le système ne
fonctionnerait plus, c'est sûr.
Je ne suis peut-être pas suffisamment clair dans mes explications.
Actuellement vous avez une police qui assure votre responsabilité pour
les autres, d'accord?
M. Saint-Germain: Oui, si vous voulez bien, je veux bien
recommencer.
M. Allard: Qui assure ensuite vos propres dommages...
Mme Payette: M. le Président, juste une seconde. Je pense
que je vais me permettre, à ce moment, de demander au
député de Jacques-Cartier s'il comprend pourquoi, pendant la
tournée qui a duré cinq semaines, à certains moments,
c'est devenu une tournée d'information?
M. Saint-Germain: Oui, surtout à ce point de vue.
M. Lalonde: Qui se continue d'ailleurs.
M. Saint-Germain: La loi ne nous oblige pas à avoir la
collision, elle nous oblige à prendre $50 000 de dommages pour autrui.
On dit qu'à peu près la moitié des conducteurs
d'automobile sont actuellement protégés pour la collision.
D'accord?
M. Allard: Oui.
M. Saint-Germain: Je voulais vous donner un exemple de ces gens
qui ne sont pas actuellement assurés pour collision, mais qui vont
être obligés de prendre ces $50 000 d'assurance. Alors, on peut
croire que cela ne guérira pas la collision. Pour prendre un exemple
plus pratique, je vous dis...
M. Allard: Voulez-vous que je vous fasse la suggestion de prendre
un exemple simple? On va dire que vous n'avez pas d'assurance...
M. Saint-Germain: Je croyais que mon exemple était
simple.
M. Allard: ... collision, que vous êtes impliqué
dans un accident et que l'autre est responsable à 100%.
C'est simple, cela. Dans le régime qui est proposé. Ce que
nous disons, c'est: Nous allons vous payer 100%, mais nous n'essaierons pas de
nous faire rembourser par l'assureur de l'autre qui est responsable à
100%.
M. Saint-Germain: C'est cela.
M. Allard: C'est ce que nous disons et c'est cela qui va
coûter moins cher.
M. Saint-Germain: Oui, mais là il n'y a pas de... Je ne
suis pas assuré pour la collision. C'est bien l'exemple que vous avez
donné. Vous dites: C'est simple.
M. Allard: Oui. Vous n'avez pas d'assurance du tout.
M. Saint-Germain: Alors, on dit la même chose.
M. Allard: Mais si...
M. Saint-Germain: J'ai une Volkswagen, je me soumets à la
loi, je prends $50 000 d'assurance pour dommages à autrui. Je n'ai pas
de collision. Vous avez une Cadillac, vous non plus n'êtes assuré
pour collision, mais vous prenez les $50 000 aussi, comme moi.
M. Allard: D'accord.
M. Saint-Germain: On se frappe dans un accident. Je ne suis pas
responsable du tout. Vous êtes responsable. Alors, mon assureur va me
payer, sans subrogation, mes dommages, et j'aurai un droit de recours contre
mon assureur.
M. Allard: Non, vous n'aurez pas de droit de recours.
M. Saint-Germain: Je vais avoir un droit de recours contre mon
assureur exclusivement.
M. Allard: S'il vous a payé.
M. Saint-Germain: S'il me paie, je n'ai pas besoin de me servir
de mon droit de recours, mais s'il ne veut pas me payer...
M. Allard: S'il ne vous paie pas, vous allez avoir un droit de
recours.
M. Saint-Germain: J'ai tout de même, légalement, un
droit de recours exclusivement contre mon assureur.
M. Lalonde: C'est cela, il vous paie.
M. Allard: Vous avez un droit de recours que vous n'avez pas
besoin d'exercer.
M. Saint-Germain: Si vous le prenez comme cela, mais
légalement j'en ai un.
M. Allard: On a parlé de cela la semaine dernière
et je pense qu'on ne s'est pas tellement bien entendu. Nous disions: Les gens
qui n'auront pas d'assurance...
M. Saint-Germain: Je pense qu'on ne s'entend pas ce soir. Cela me
paraissait plus clair.
M. Allard: On s'entend, mais je ne vois pas pourquoi vous parlez
de votre droit de recours. De fait, vous n'en avez pas de droit de recours
quand vous êtes assuré. Votre assureur vous paie.
M. Saint-Germain: C'est entendu, il me paie. M. Allard: On
a dit, la semaine dernière...
M. Saint-Germain: Alors, on veut dire la même chose, de
toute façon. Ce que je voulais dire, c'est que la responsabilité
des assureurs, tous les assureurs... mon assureur, c'est lui qui me paie et
c'est avec lui que je fais affaires.
M. Allard: C'est cela.
M. Saint-Germain: C'est ce que j'entendais par un droit de
recours.
M. Allard: II vous paie pour autant que vous n'êtes pas
responsable de l'accident.
M. Saint-Germain: C'est juste. Alors, là je ne suis pas
responsable.
M. Allard: Et si vous n'êtes pas responsable, il vous paie
et vous n'avez pas de recours contre lui.
M. Saint-Germain: Non, s'il me paie, je n'en ai plus, c'est
clair. J'admets. Là, vous n'êtes pas payé. Votre assureur
ne vous paie pas.
M. Allard: Non, parce que je suis responsable, à moins que
j'aie des assurances pour mes propres dommages, ce qu'on appelle
l'assurance-collision.
M. Saint-Germain: Oublions cela, on va se compliquer la vie.
C'est bien cela.
Mme Payette: M. le Président, je pense que le
député de Jacques-Cartier serait d'accord avec moi, ce soir, pour
voter une loi afin d'abolir l'assurance automobile.
M. Saint-Germain: Alors, maintenant, en partant de là, si
en plus des dommages à nos automobiles, on fait des dommages à un
tiers.
M. Allard: Des dommages corporels?
M. Saint-Germain: Non, matériels. On a endommagé
une troisième voiture, une propriété, ou une clôture
ou on a brisé un poteau de l'Hydro. Je ne suis pas responsable. Votre
assureur, s'il ne vous paie pas, va tout de même payer
l'Hydro-Québec si on a causé des dommages lors de l'accident.
M. Allard: D'accord, parce que cela continue de demeurer dans le
régime de responsabilité, selon le projet de loi.
M. Saint-Germain: Alors, le régime que le Bureau
d'assurance du Canada a recommandé, cette perte de droit de subrogation
ou l'élimination de la subrogation, vaut autant pour un assuré
qu'il y ait collision ou non. C'est indépendant de la collision, ce
droit. Est-ce qu'il ne concourrait pas à faire baisser les coûts
d'administration des assureurs, indépendemment du fait que leur client
possède une assurance-collision ou non?
M. Allard: Oui, cela concourrait à faire réduire le
coût d'administration. C'est pour cela que nous recommandons d'abolir la
subrogation et en abolissant la subrogation, il faut bien se comprendre. Cela
ne touche pas les assurés. Cela ne touche que les assureurs.
M. Saint-Germain: Je n'ai jamais essayé d'insinuer
que...
M. Allard: Les assurés ne gagnent rien, ne perdent rien,
sauf que le coût de l'assurance pourrait diminuer en éliminant des
frais que nous considérons inutiles.
M. Saint-Germain: Je suis d'accord.
M. Allard: Cela ne change rien à vos droits, ni à
ce que vous allez recevoir ou que vous ne recevrez pas.
M. Saint-Germain: Pour continuer ce même exemple, si je ne
me soumets pas à la loi et si je ne prends pas mon assurance de $50 000,
le même accident arrive, avec, dans la loi, la perte de la subrogation;
n'étant pas assuré, je n'ai plus de recours vis-à-vis d'un
assureur parce que je n'ai pas d'assureur.
M. Allard: Vous avez un recours contre celui qui a causé
vos dommages. C'est ce qu'on a dit la semaine dernière. La loi
prévoit que ceux qui n'auront pas pris d'assurance, bien que la loi
l'exige, conserveront leur droit de recours contre le tiers, alors que ceux qui
en auront pris auront perdu leur droit de recours.
M. Saint-Germain: Mais si, dans la loi...
M. Allard: Alors, quand vous dites que vous n'avez pas pris
d'assurance, que vous êtes impliqué dans un accident où
vous n'êtes aucunement responsable, vous avez recours contre le tiers
responsable.
M. Saint-Germain: Mais, dans la loi, on dit: "Le seul droit de
recours qu'un assuré possède, c'est contre son propre assureur et
sans droit de subrogation de la part de l'assureur". J'ai un accident, je suis
tenu non responsable, mais je n'ai pas d'assurance, je ne me suis pas soumis
à la loi; par le fait même, qu'est-ce qui arrive? Même si je
ne suis pas responsable, je n'ai pas de droit de recours, par la loi, parce que
je n'ai des droits de recours que contre mon assureur et je n'ai pas
d'assureur.
M. Allard: Alors, vous dites que vous avez de l'assurance...
M. Saint-Germain: Non, je n'en ai pas.
M. Allard: Vous avez de l'assurance-responsabilité.
M. Saint-Germain: Je n'en ai pas.
M. Allard: Vous n'avez pas d'assurance-responsabilité,
vous avez enfreint la loi.
M. Saint-Germain: Oui.
M. Allard: C'est l'autre qui est responsable de l'accident, vous
avez un droit de recours contre l'autre.
M. Saint-Germain: Je vous pose cette question: Est-ce que j'ai un
droit de recours ou si je n'en ai pas? C'est dans la loi. Si la loi dit: Le
seul droit de recours qu'un assuré possède, c'est contre son
assureur.
M. Allard: Oui, mais vous n'avez pas d'assurance.
M. Saint-Germain: Alors, je n'ai pas de droit de recours si la
loi dit ça.
M. Allard: Vous avez un droit de recours contre le tiers, mais
non pas... Si vous n'avez pas d'assurance, vous ne pouvez pas avoir un droit de
recours contre votre assureur, il n'y a pas d'assureur.
M. Saint-Germain: C'est ce que je veux soutenir. N'y aurait-il
pas là, en plus, une motivation pour que les gens s'assurent, en plus de
la loi, en plus des amendes? Parce que le type qui va se promener sans payer
une assurance de $50 000 ne pourra jamais se faire payer ses dommages s'il
n'est pas assuré, parce qu'il n'aura pas de droit de recours de par la
loi, parce qu'il a un droit de recours contre son assureur et il n'a pas
d'assureur; en fait, il n'a pas de droit de recours.
M. Allard: D'accord. S'il n'a pas d'assureur, il ne peut pas
recourir à son assureur pour obtenir le remboursement de ses
dommages.
M. Saint-Germain: Alors, il n'y a pas de recours, il ne peut
pas...
M. Allard: S'il n'est pas responsable, d'après la loi,
nous disons que ce n'est pas correct; d'après la loi, il a droit de
recours contre le tiers responsable.
M. Saint-Germain: C'est ça. Mais si la loi dit...
Comprenez bien ma leçon...
M. Allard: La subrogation n'a rien à voir
là-dedans. Ce que nous recommandons au sujet de l'élimination de
la subrogation n'a rien à voir là-dedans parce que nous parlons
de subrogation entre les assureurs. Cela ne touche pas les assurés. Pour
qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas subrogation des assureurs, cela suppose qu'il
y en a deux, un de chaque côté. S'il y en a un des deux
impliqués dans l'accident qui n'a pas d'assurance, il ne peut pas y
avoir de subrogation.
M. Saint-Germain: Alors... Mme Payette: C'est simple.
M. Saint-Germain: C'est dire...
M. Lalonde: C'est pourquoi votre fille est muette.
M. Saint-Germain: ... c'est dire que celui... Il y aurait un
moyen simple, à mon avis, de le mettre dans la loi, parce qu'en plus de
la subrogation qui disparaît, le citoyen n'a un droit de recours que
contre son assureur. Si la loi dit ça, par le fait même, par
ricochet si vous voulez, vous dites, comme les assureurs l'ont demandé;
ils ont dit: Celui qui n'a pas d'assurance ne devrait pas avoir de droit de
recours.
M. Allard: C'est ça.
M. Saint-Germain: Alors, en mettant dans la loi deux conditions,
pas de subrogation, et en mettant dans la loi qu'un conducteur d'automobile n'a
droit de recours que contre son assureur, n'arrive-t-on pas au même
résultat que celui que l'Association des assureurs canadiens a
demandé?
M. Allard: C'est ça, il faudrait dire dans la loi que la
subrogation entre les assureurs est éliminée et, ensuite, il ne
faudrait peut-être pas dire qu'il y a seulement une possibilité de
recours contre son assureur, parce que, s'il n'y en a pas il n'a pas de
recours.
Mais il faudrait dire: II n'y a pas de possibilité de recours
contre un tiers quand on ne possède pas l'assurance exigée par la
loi.
M. Saint-Germain: C'est du pareil au même.
M. Allard: C'est un peu plus précis. Et maintenant, si on
entre...
M. Saint-Germain: On a dit...
M. Lalonde: Chez vous sont bien à part cela?
M. Saint-Germain: Les autres ne semblent pas comprendre, mais je
pense qu'on commence à se comprendre.
M. Allard: On s'amuse plus le soir que le jour, en tout cas.
M. Saint-Germain: On a souvent dit: Impossible d'avoir une
assurance "no fault", sans faute, au niveau des dommages matériels,
parce qu'on obligerait, par le fait même, tous les conducteurs ou les
propriétaires d'automobile à s'assurer, à avoir une
assurance collision. Est-ce vrai ou faux?
M. Allard: C'est vrai. D'accord? M. Saint-Germain: C'est
vrai.
M. Allard: Mais comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on
peut avoir des options à cela. On peut avoir une petite assurance, une
moyenne ou une plus grosse. Cela coûte pas cher, plus cher, ou
très cher, mais c'est vrai.
M. Saint-Germain: Mais pour quelle raison est-ce vrai?
M. Allard: Je ne comprends pas trop. Vous me demandez pour quelle
raison c'est vrai? On dit: En somme, chacun assure ses dommages et paie pour
ses dommages, peu importe qui sera responsable de l'accident. Celui qui
n'aurait pas du tout d'assurance pour ses propres dommages, dans un
régime de "no fault" pour les dommages corporels, celui qui n'aurait pas
d'assurance pour ses dommages ne serait jamais indemnisé, même
s'il n'est pas responsable. C'est en mettant un cas extrême.
Ou bien, il y a un régime qui ne coûte pas cher, par lequel
l'assuré serait remboursé pour autant qu'il n'est pas
responsable. D'accord?
En allant à l'autre extrême, avec la prime la plus
élevée qui pourrait être payée, on paierait tous les
dommages à l'automobile, peu importe qui est responsable, et sans
subrogation.
M. Saint-Germain: Si on prend l'article 103 du projet de loi, on
dit: Nonobstant...
M. Allard: C'est dans le rapport Gauvin. Alors...
M. Saint-Germain: Si on dit: Nonobstant les dispositions du
présent titre, le recours du propriétaire en raison du dommage
subi par son véhicule ne peut être exercé que contre son
propre assureur...
M. Allard: D'accord.
M. Saint-Germain: C'est ce que je disais tout à
l'heure.
M. Allard: D'accord, il faut qu'il y en ait un. Il faut qu'il ait
pris de l'assurance.
M. Saint-Germain: ... si ce recours est régi par la
convention d'indemnisation directe visée à l'article 155.
M. Allard: C'est cela.
M. Saint-Germain: C'est bien défini. On dit bien que s'il
y a une convention qui est établie à l'article 155, le recours du
propriétaire en raison du dommage subi par son automobile ne peut
être exercé que contre son propre assureur.
M. Allard: C'est cela.
M. Saint-Germain: Alors, si quelqu'un désobéit
à la loi et si la convention existe, le gars n'a plus de recours.
M. Allard: Si quelqu'un désobéit à la loi,
la convention, on n'en parle plus. Il désobéit à la loi en
ne prenant pas d'assurance.
M. Saint-Germain: Un autre sujet. Disons que j'ai...
M. Robitaille: M. le député doit avoir un bien
mauvais courtier.
Mme Payette: Voilà une phrase qui fait plaisir à
entendre. Il y a de bons et de mauvais courtiers. Hélas! très
souvent, la population est dans cet état et ce n'est pas un
reproche que je fais au député de Jacques-Cartier, il vient de
faire un effort...
M. Saint-Germain: On a bien ri, mais...
M. Lalonde: Le député de Jacques-Cartier ne manque
pas d'assurance.
Mme Payette: Laissez-moi finir, parce que c'était un
compliment.
M. Saint-Germain: Je ne dis pas que je n'ai pas raison, à
part de cela.
Mme Payette: Vous venez de faire un effort extraordinaire.
M. Saint-Germain: J'aurai certainement l'occasion, avant
très longtemps, de discuter du même sujet, privément, et je
suis assuré...
Mme Payette: Un cours privé.
M. Saint-Germain: Oui, parce que c'est assez difficile à
comprendre pour un profane. J'ai pensé à cela
sérieusement...
Mme Payette: II me fait plaisir de vous l'entendre dire, M. le
député.
M. Saint-Germain: ... je n'ai jamais trouvé personne,
même madame, pour m'expliquer quel était... Cela semble être
nouveau, même pour elle. Il faudrait aller au fond des choses. Je crois
que c'est très technique. Cela prend quelqu'un qui connaît
à fond le contenu d'une police d'assurance et qui connaît à
fond la signification juridique d'une telle police et de chaque clause. Ce
n'est pas facile.
Une Voix: Vous avez raison.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le député de Pointe-Claire.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire, d'accord.
M. Shaw: M. le Président, premièrement, je veux
commencer par admettre que les efforts de Mme le ministre pour trouver les
moyens de donner aux citoyens du Québec un meilleur système
d'assurance sont évidents. Je suis d'accord sur ce principe,
peut-être à l'exception des cas qui impliquent des
négligences flagrantes ou criminelles, que les accidents d'automobiles
sont la conséquence de l'utilisation des automobiles. C'est cela que la
commission Gauvin a constaté, mais ce qui m'inquiète, c'est
l'étatisation, pour les raisons suivantes.
Nous vivons dans un système d'entreprise privée qui a
déjà démontré, en Amérique du Nord, qu'il
était plus efficace qu'un système d'Etat. Je crois, pour ma part,
que le rôle du gouvernement est de contrôler et de surveiller le
secteur privé au lieu d'essayer de le remplacer. Nous sommes convaincus,
comme cela a été dit ce soir et avant par le BAC, que les
assureurs peuvent donner ces protections aux consommateurs par un
système de "no fault", pas seulement pour les blessures corporelles,
mais même pour les dommages matériels avec tous les services pour
les sinistres des courtiers d'assurances, des experts. Vous pouvez encore
prendre votre assurance par téléphone. Vous pouvez laisser votre
automobile chez un garagiste, tout cela à un prix moindre que celui qui
est prévu par le gouvernement.
Il y a deux ou trois choses qui sont très importantes, parce que
nous avons besoin de faire une comparaison entre un système d'Etat et
l'effet d'un système d'Etat sur la base de l'assurance même, non
pas seulement concernant l'assurance automobile. C'est évident que, si
vous êtes menacés par l'étatisation d'un système
d'assurance automobile, d'abord pour les blessures corporelles, cela aura un
effet sur l'industrie elle-même au Québec.
Pouvez-vous nous donner quelques renseignements dans ce domaine? Cela
représente quel pourcentage de vos affaires? Est-ce que cela va diminuer
le nombre de personnes qui sont employées? Est-ce que cela va changer
votre méthode d'affaire ou autre chose? Est-ce que cela implique sur
l'industrie elle-même un changement ou une diminution?
M. Allard: Je vais essayer de donner une réponse à
cette question. Evidemment, je ne suis pas en mesure, ce soir, de
répondre au nom de l'industrie. Je peux parler de la Royale du Canada
comme telle. Je peux supposer ce qui peut se passer ailleurs, mais je ne peux
pas parler avec certitude de ce qui se passe dans l'ensemble de
l'industrie.
Il est sûr que le climat d'incertitude qui existe depuis longtemps
en ce qui regarde l'assurance automobile au Québec n'est pas de nature
à encourager les assureurs à prendre de l'expansion, à
faire des investissements, peut-être même pour améliorer le
régime actuel.
Pour vous donner un exemple plus concret, on pourrait parler des centres
d'estimation des dommages. C'est une question qui touche l'ensemble de
l'industrie.
On a établi des centres d'estimation dans d'autres provinces. Il
y en a en Ontario, il y en a en Alberta. On continue d'en augmenter le nombre.
On avait, l'année dernière, au début de 1976,
commencé à faire des plans pour en implanter au Québec. On
attendait pendant tout ce temps ce qui arriverait de l'assurance automobile. Il
fallait savoir à quoi s'en tenir. On faisait des plans quand même.
A un moment donné, évidemment, il a fallu mettre les plans de
côté, parce que, comme vous avez dit tantôt, nous nous
sentions menacés. A ce moment, nous ne voulions pas faire des
investissements pour établir des centres d'estimation. L'industrie ne
voulait pas faire cela. Si on avait essayé de songer à le faire
faire par des gens à l'extérieur de l'industrie, il ne faut pas
penser seulement, quand on parle de centres d'estimation, que c'est l'industrie
qui les construirait. Ceux qui existent, actuellement, n'appartiennent pas
à l'industrie. Ce sont des centres qui ont été
établis par d'autres et qui fonctionnent selon les normes
établies par le Bureau d'assurance du Canada. Qu'on parle de l'industrie
ou d'autres, on n'était pas en mesure d'établir des centres quand
personne ne savait ce qui était pour arriver demain, le mois prochain,
dans six mois ou dans un an. C'est un exemple concret parce que le plan
était en marche et on l'a arrêté de choses qui ne se
sont pas faites parce qu'il y avait un climat d'incertitude.
Cela dure depuis longtemps. Ce n'est pas seulement depuis quelques mois.
Il y a plusieurs années qu'on ne sait pas ce qui va arriver de
l'assurance automobile. Il y a eu le rapport Gauvin. On a attendu cela pendant
quelques années. On s'est dit: Gauvin va-t-il recommander que
l'industrie soit étatisée? Il n'a pas recommandé cela.
Là, on s'est senti rassuré pendant un bout de temps, et ensuite,
on a attendu et il n'est rien arrivé Ensuite, on a changé de
gouvernement l'année dernière. Là encore, on s'est dit:
Qu'est-ce qui nous arrive? A ce moment, on ne peut rien faire qui va engager
des capitaux qu'on va peut-être perdre, éventuellement. Cela a
aussi un effet sur notre personnel. Je peux dire que, dans l'ensemble de
l'industrie, il y a beaucoup de gens qui sont inquiets, principalement dans le
secteur des sinistres. Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire demain. Ils ne
savent pas s'ils vont continuer d'avoir un emploi, où ils vont
travailler, ce qu'ils vont faire, comment ils vont le faire, etc. Ce n'est pas
bon.
Par ailleurs, je dois vous dire que la Royale c'est là que
j'en arrive à parler de la Royale elle-même, et non pas de
l'ensemble de l'industrie à ce moment, n'a pris aucune mesure
pour faire des changements dans son personnel. On n'a pas l'intention de
remercier des gens. On est sûr, d'après ce qu'on connaît des
intentions actuelles du gouvernement, qu'on va être capable
jusqu'à un certain point, soit de changer nos gens de place et de leur
faire faire autre chose. On pense que cela va être ainsi. On
espère que cela
va être ainsi. On ne veut pas rendre les gens plus inquiets qu'ils
ne le sont. Il n'en reste pas moins que nous et notre personnel pouvons nous
inquiéter de la même façon. On ne sait pas ce qui va
arriver après. Il y a des gens qui disent: D'accord, c'est le premier
pas.
Mme Payette: La réponse du gouvernement est claire
là-dessus, sur ce qui va arriver après. Vous m'avez entendu en
commission dire que je n'avais aucune raison de douter de la bonne foi des
assureurs. Nous avons à jouer ensemble pour un sort meilleur pour le
consommateur. Vous m'avez assurée tout le temps, depuis le 15 avril, de
votre disponibilité et de votre bonne volonté. Le gouvernement
vous a dit que nous n'interviendrons en concurrence que si nous devions
constater qu'il y a insatisfaction dans la population par rapport à
l'entreprise de l'assurance automobile. S'il n'y en a pas, le geste que nous
venons de poser est le seul que nous avons l'intention de poser.
M. Allard: A chaque fois que vous le dites, cela me fait
plaisir.
Mme Payette: J'en suis convaincue.
M. Allard: Je veux continuer de vous l'entendre
répéter. Vous dites aussi: Tant qu'il n'y aura pas
d'insatisfaction. Il faudrait peut-être essayer de s'entendre sur ce que
veut dire "insatisfaction". Je sais que les gens dans l'ensemble étaient
insatisfaits du coût de l'assurance. On va dire: L'indemnisation,
c'était imparfait, tout le monde n'était pas indemnisé.
Les victimes responsables ne recevaient rien. Si les victimes responsables ne
recevaient rien, c'est peut-être parce que le bien-être social et
toutes sortes d'autres organismes ne les aidaient pas. Ce n'est pas parce que
l'industrie de l'assurance ne faisait pas son travail. L'industrie de
l'assurance le faisait dans le contexte juridique qui existe. Si on veut dire:
Si les gens se plaignent, on va être obligé de faire quelque
chose, et que les gens continuent de trouver, comme on pense qu'ils vont le
faire, que cela coûte cher de s'assurer, et qu'on nous dit: Voyez-vous,
les gens se plaignent que cela coûte cher, on va tout étatiser; ce
n'est pas rassurant de penser comme cela. Quand on est inquiet, vous devez
savoir cela vous aussi, madame...
Mme Payette: M. le Président, la seule chose qu'on se
réserve, comme deuxième étape, et cela a été
clair aussi, c'est la possibilité d'entrer en concurrence. Si c'est vrai
que cela doit coûter cher, nous irons voir nous-mêmes et nous
pourrons dire à la population que cela coûte cher. C'est la
deuxième étape.
M. Allard: Nous vous suggérons de commencer par la
deuxième étape et d'établir une société
d'Etat pour entrer en concurrence avec l'entreprise libre, pour voir ce que
ça va donner.
Mme Payette: C'est ce qui est prévu pour les dommages
matériels, si ça s'avérait nécessaire
seulement.
M. Saint-Germain: Est-ce que c'est réversible,
ça?
Mme Payette: Non, ce n'est pas...
M. Saint-Germain: Si le régime d'Etat s'avérait
inefficace...
M. Shaw: M. le Président, excusez-moi, mais... Mme
Payette: Non, ce n'est pas réversible.
M. Saint-Germain: Est-ce qu'on va mettre un régime d'Etat
en concurrence avec... Cela devrait l'être, en toute logique.
Mme Payette: Ce n'est pas réversible, M. le
Président.
M. Shaw: Excusez-moi, M. le Président, j'ai...
Mme Payette: Excusez-moi, M. le député. Je ne vous
avais même pas demandé la permission. J'en suis
désolée.
M. Shaw: That is O.K.
M. Allard: Est-ce que j'ai répondu à votre
question, M. Shaw?
M. Shaw: Je voudrais continuer. Je crois que, si nous employons
la suggestion du système Au-toBAC au Québec, nous aurions le
meilleur système d'assurance automobile "no fault" au Canada. Est-ce que
c'est votre point de vue?
M. Allard: C'est notre point de vue, non seulement au Canada,
mais probablement en Amérique du Nord. Est-ce que M. Robitaille
peut...
M. Robitaille: Indéniablement, oui. Aux Etats-Unis les
barèmes d'indemnités sont ridiculement bas, alors, oui, on aurait
eu le meilleur système en Amérique.
M. Shaw: Au lieu d'avoir un système avec deux têtes
proposé par le projet de loi, on ne sait pas si les coûts vont
être satisfaisants et on parle de satisfaction de la population... Tous
les sondages démontrent maintenant que la population est
déjà satisfaite du projet de loi comme il est proposé.
Au lieu d'avoir tous ces problèmes, nous pourrions avoir un
système contrôlé et dirigé par le gouvernement, avec
sa régie de l'assurance, en concurrence avec le secteur privé,
qui nous donnerait le meilleur système en Amérique du Nord,
même avec un "no fault" pour les dommages matériels.
M. Allard: Je suis totalement d'accord avec ce que vous
dites.
M. Shaw: Une autre chose, parce qu'il y en a beaucoup... On a
besoin de dire les effets cachés concernant la question de la menace
d'étatisation
de l'assurance, pas seulement automobile. Il y a cette menace que la
prochaine étape sera les dommages matériels, le feu, comme c'est
même arrivé dans les autres provinces du Canada... On parle
maintenant des réserves des compagnies d'assurances au Canada. Est-ce
que ça représente un montant formidable?
M. Allard: Quand vous parlez des réserves, vous parlez des
investissements ou...
M. Shaw: Des réserves...
M. Allard: Des réserves de toutes sortes qui sont
déposées...
M. Shaw: On parle de trente sous par risque de un dollar dans
l'assurance automobile. Est-ce vrai ou non?
M. Allard: Est-ce que M. Robitaille veut répondre?
M. Robitaille: Trente sous dans quoi?
M. Shaw: Une réserve de trente sous d'investissement par
risque de $1.
M. Allard: C'est plus élevé que ça.
M. Robitaille: S'il y a un risque de $1, il doit y avoir une
réserve de $1.
M. Shaw: Oui, mais comme investissement du capital par la
compagnie d'assurances. Alors, ça représente, si on parle ici de
$54 millions... Une partie de cet argent est investi ici au Québec?
M. Robitaille: Pour l'ensemble des compagnies ou pour La
Royale?
M. Shaw: On parle de La Royale.
M. Robitaille: L'ensemble de cela est placé au
Québec, oui, certainement.
M. Shaw: Les petites compagnies, qui sont craintives à
cause de la situation d'étatisation des assurances, vont faire de la
"coinsurance" au lieu... Cet argent sera placé à
l'extérieur du Québec.
M. Robitaille: Certainement, oui. M. Allard: Vous parlez
de réassurance? M. Robitaille: De réassurance, oui. M.
Shaw: Oui.
M. Allard: Pas toujours à l'extérieur du
Québec, mais souvent à l'extérieur du Québec.
M. Shaw: Nous avons une compagnie d'assurances qui est la Caisse
Populaire Desjardins. Est-ce qu'elle place la majorité de ses assurances
ou fonctionne-t-elle selon le système de "reinsurance"?
M. Allard: Nous ne sommes pas en mesure de répondre
à ça avec précision, mais ça doit se retrouver dans
les renseignements que possède le service des assurances sur toutes les
compagnies d'assurances qui oeuvrent au Québec.
M. Robitaille: Individuellement, c'est un renseignement assez
confidentiel entre le surintendant des assurances et l'assureur.
M. Shaw: La chose que je voudrais peut-être savoir, c'est
si le "pool" de capital, au Québec, va diminuer à cause de
l'effet de l'étatisation de l'assurance.
M. Allard: Oui, je pense que, ce que vous voulez dire, c'est que,
si le revenu en primes des assureurs diminuait, après un certain temps,
bien sûr, leurs investissements diminueraient parce qu'ils
posséderaient moins de capitaux à investir. Les capitaux
proviennent des primes.
Mme Payette: M. le Président, où pense-t-on que le
gouvernement va investir les $385 millions? A l'extérieur du
Québec?
M. Shaw: Je vais continuer sur cela, madame.
M. Roy: Avez-vous l'intention d'investir cette somme en
totalité?
Mme Payette: Non, mais...
M. Roy: D'abord, il n'y aura pas $385 millions à
investir.
Mme Payette: C'est exact, $200 millions à investir
à peu près.
M. Roy: Oui, $200 millions la première année, mais
au bout de cinq ans?
M. Allard: Nous avons des investissements, à ce moment,
qui doivent se chiffrer la Royale par $75 millions au
Québec. Ce n'est pas le fonds que le gouvernement pourrait constituer
éventuellement, nous ne sommes qu'un assureur; alors, cela veut dire que
l'ensemble des assureurs a quand même des capitaux importants investis au
Québec.
M. Shaw: M. le Président, pour poursuivre cette question,
on parle, dans votre mémoire, on dit que le fonds d'indemnisation va
être aussi au gouvernement. Est-ce vrai?
M. Allard: C'est prévu dans le projet de loi.
M. Shaw: Alors, même avec un système privé,
le fond d'indemnisation va être au gouvernement quand même?
M. Allard: Absolument, c'est ce que nous de-
mandons dans l'industrie depuis plusieurs années, en ce qui
regarde le fonds d'indemnisation, que le gouvernement le prenne à sa
charge.
Mme Payette: M. le Président, pour l'information de la
commission, pourrais-je poser une question? Là, vous êtes d'accord
pour étatiser le fonds d'indemnisation?
M. Allard: Non, nous ne parlons pas d'étatisation, nous
parlons...
Mme Payette: II s'agit de quoi? Cela ne s'appelle pas
étatisation?
M. Allard: Nous avons demandé au gouvernement de prendre
le fonds à sa charge, mais je ne pense pas qu'on puisse appeler cela de
l'étatisation.
Mme Payette: Quand vous dites ce que vous venez de dire, cela
s'appelle comment?
M. Shaw: Je peux peut-être suivre cette idée parce
que nous avons la Régie des rentes; Mme le ministre est au courant que
cela est une autre forme d'investissement de tous les citoyens du
Québec. Nous savons maintenant que nous avons une dette cachée de
$5 milliards dans ce domaine. Je suis d'accord avec ces messieurs.
Peut-être que c'est bon que le gouvernement contrôle le fonds
d'indemnisation, mais on ne sait jamais si la population est mieux servie par
le gouvernement avec ces fonds que par l'entreprise privée, parce que
nous avons maintenant des preuves avec la Régie des rentes.
Mme Payette: Demandez aux invités pourquoi ils veulent que
le gouvernement prenne le fonds d'indemnisation.
M. Allard: II n'y a rien de tellement compliqué
là-dedans. C'est que, dans nos primes, ce que nous demandons au public,
nous sommes obligés d'y ajouter 4% à 5% pour couvrir les frais du
fonds d'indemnisation. C'est l'industrie qui, en somme, se fait critiquer parce
qu'il n'y a rien dans le régime actuel qui force les gens à
s'assurer, il y a beaucoup de gens qui ne le sont pas. Il faut avoir le fonds
d'indemnisation pour payer ceux qui sont victimes d'accidents causés par
ces gens. Nous n'avons aucun contrôle, sur ces mesures et, ensuite, nous
paraissons exagérés en demandant au public de nous donner, pour
chaque $100 de prime, $4 ou $5 pour mettre dans le fonds. Pourquoi les
assureurs devraient-ils être obligés d'assumer cela et de
paraître surcharger le public? Nous l'avons depuis longtemps.
Mme Payette: Est-ce que ce n'est pas vrai de dire que le fonds
d'indemnisation a été "rentable" pour les assureurs pendant un
certain temps? Comme il n'y ont pas mis les réserves nécessaires,
c'est devenu déficitaire. Est-ce que ce n'est pas une façon de le
faire absorber par l'Etat, la proposition que l'Etat prenne le fonds
d'indemnisation?
M. Allard: Cela n'a jamais été rentable pour les
assureurs. Les réserves adéquates n'ont pas été
faites, avec la connaissance et l'assentiment du gouvernement du temps. Ce ne
sont pas les assureurs qui ont décidé de ne pas créer des
réserves, c'est le gouvernement du temps qui a décidé
parce que cela a été organisé par une loi, ce fonds
d'indemnisation que, pour ne pas surcharger les automobilistes qui
prenaient la précaution de s'assurer, il ne fallait pas prévoir
des réserves pour l'avenir.
On payait les sinistres au fur et à mesure et on chargeait le
coût aux gens qui s'assuraient l'année suivante. Ce n'est pas une
décision des assureurs.
M. Shaw: Si je peux continuer, M. le Président, c'est un
droit fondamental pour une personne de chercher recours en Cour
supérieure si elle n'est pas satisfaite. Alors, avec le système
Au-toBAC, vous allez garder le droit de recours.
M. Allard: D'accord. Le régime AutoBAC prévoit
qu'environ 85%, de toutes les victimes, responsables ou non, vont être
indemnisées selon des barèmes établis à l'avance. A
ce moment-là, on prévoyait, en 1974, une indemnité
hebdomadaire de $250 qui n'est plus suffisante aujourd'hui. Il faut le
reconnaître, même si on n'accepte pas que les $18 000 soient le
montant qu'on devrait accepter. C'est peut-être un peu haut, mais
peut-être que $250 par semaine, qui donne $15 000... Ce n'est
peut-être pas tout à fait assez... En tout cas. Supposons qu'on
aurait accepté le projet AutoBAC, on aurait prévu indemniser 85%
de toutes les victimes sans qu'il y ait nécessité d'avoir recours
aux tribunaux. Les autres 15% qui auraient compris les gens victimes d'un
accident assez sérieux pour subir une incapacité de quatre mois
ou plus, dans les cas de décès, dans les cas de mutilation, on
laissait à ces gens-là la possibilité d'avoir recours aux
tribunaux civils, s'ils n'étaient pas responsables évidemment,
tandis que dans le régime actuel, ceux qui ne sont pas responsables et
qui pourraient subir des accidents sérieux, ne seront indemnisés
que partiellement à moins qu'ils ne paient un supplément pour de
l'assurance complémentaire.
M. Shaw: Alors, il n'y a pas de niveau comme $18 000 par
année avec votre système. Vous avez droit d'aller chercher le
montant qui est vraiment raisonnable pour votre situation.
M. Allard: Exactement.
M. Shaw: Alors, comme vous dites, nous allons garder les services
de courtiers, nous allons garder le droit de mettre votre auto chez un
garagiste après une tempête de neige et téléphoner
à votre garagiste sans aller à un centre d'évaluation.
Vous allez garder le droit de recours à la cour. Vous êtes
indemnisé, même si c'est votre faute, pas seulement pour les
dommages corporels, mais pour les dommages matériels. Puis, tout le
monde peut être assuré dans ce système. Est-ce que c'est
vrai?
M. Allard: Oui. C'est prévu qu'on mettait en place un
mécanisme pour fournir de l'assurance à tous ceux qui en avaient
besoin.
M. Shaw: Tout cela va être moins dispendieux que le
système du gouvernement?
M. Allard: C'est ce que nous croyons. M. Shaw: Alors, je
n'ai plus de question.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy (Fabien): Merci, M. le Président. A la page 6 de
votre mémoire, vous reprenez la position qui avait été
clairement indiquée et fortement soutenue par le Bureau d'assurance du
Canada, à savoir que vous êtes contre la création d'un
monopole d'Etat et que, par conséquent, vous êtes convaincu que
l'entreprise privée est tout à fait en mesure d'offrir au public
le régime d'assurance dont il a besoin. Inutile de vous dire que je me
suis battu toute ma vie contre les cartels et contre les monopoles, et que je
ne suis pas prêt aujourd'hui à appuyer un projet de loi qui vise
à en créer un. Comme nous avons à faire face à un
projet de loi qui impose aux Québécois un régime
d'assurance à deux têtes, parce que deux administrations,
j'aimerais savoir si vous êtes en mesure d'informer les membres de la
commission. Quelles sont les diminutions que vous prévoyez dans vos
frais d'administration, en pourcentage, compte tenu du fait que la couverture
des dommages corporels ne sera plus assumée par votre compagnie?
M. Allard: Malheureusement je ne pourrais pas vous donner de
chiffres là-dessus. D'ailleurs, on a essayé, la semaine
dernière, en discutant du mémoire du BAC, de donner des chiffres
semblables, mais à ce moment-ci, nous n'en avons pas. Nous
prévoyons que si le projet de loi devait être adopté,
pendant la période de transition, il va sûrement y avoir des
coûts qu'actuellement nous n'avons pas à encourir pendant la
période de transition.
Après que ce serait passé, c'est difficile à dire.
Je ne sais pas si M. Robitaille...
M. Robitaille: Prenons le cas hypothétique qu'on garderait
tous nos clients actuels auxquels nous accorderions une indemnité
moindre, parce qu'on ne s'occuperait pas de la partie des blessures, alors la
prime de chaque police diminuerait, ça prendrait autant de monde pour
s'en occuper chez nous, alors le pourcentage d'administration par rapport aux
primes va certainement augmenter dans une certaine proportion.
M. Roy (Fabien): Parce que vous êtes obligé de faire
la même émission de primes, maintenir vos dossiers exactement de
la même façon.
M. Robitaille: Si, d'un autre côté, on nous
permettait de régler les sinistres d'une façon moins
compliquée, il y aurait probablement une équivalence de
coût qui disparaîtrait.
M. Roy (Fabien): Vous ne prévoyez pas, comme vous l'avez
dit la question a été posée par Mme le ministre, on
me le rappellera si nécessaire de réduction de personnel
substantielle avec l'application du nouveau régime en ce qui a trait
à vos opérations.
M. Allard: Pas de réduction immédiate, mais en
pensant plus loin, il est sûr que nous devrions être en mesure de
fonctionner avec moins de monde. Si on prend un volume d'affaires comparable.
Si on pense plus loin, au centre d'évaluation, par exemple, c'est
certain que ça va nous obliger à réduire notre personnel;
par contre, il y aura des gens dans les centres d'évaluation, je ne sais
pas d'où ils viendront; mais le but justement de simplifier la
procédure devrait amener des réductions de coûts et les
réductions de coûts supposent nécessairement des
réductions de personnel. Ce n'est pas pour demain, ni
après-demain, mais ce n'est peut-être pas si loin.
M. Roy (Fabien): Votre compagnie d'assurance n'offre pas la
possibilité ou la liberté aux assurés de pouvoir s'assurer
directement auprès de votre compagnie, autrement dit, vous ne faites pas
de vente au comptoir, je pense.
M. Allard: Non.
M. Roy (Fabien): Vous faites affaires exclusivement avec les
courtiers. Est-ce que vous avez déjà examiné cette
possibilité, est-ce que vous l'avez déjà
étudiée?
M. Allard: Non, je pense qu'on peut répondre que ça
n'a jamais entré dans nos préoccupations. Vous savez, il faut
être réaliste; nous faisons nos affaires pas seulement dans la
ville de Montréal, pas seulement dans la province de Québec, mais
dans tout le Canada. Il y a partout, dans toutes les provinces, beaucoup
d'endroits où nous ne serions pas en mesure de nous établir
localement pour offrir nos services aux consommateurs. Le moyen le plus
économique de le faire, dans les circonstances, c'est par
l'intermédiaire de courtiers qui sont payés à commission;
alors, leur rémunération dépend des affaires qu'ils
produisent. Si, dans un petit village, les possibilités de vente
d'assurances ne sont pas fortes, la rémunération va être
moins forte. Dans une ville comme Montréal, par exemple, où les
quelques compagnies qui font leurs affaires directement sont établies,
là, c'est plus facile. Tous les gens peuvent y aller facilement. Mais
ça ne serait pas économique pour les mêmes compagnies de
s'installer dans tous les petits villages de la province, alors que ça
l'est par le système de courtiers qui existe actuellement.
C'est ainsi que nous faisons nos affaires depuis très longtemps,
nous n'avons pas l'intention de changer le système. Dans un avenir
prévisible, nous continuons de fonctionner de la même fa-
çon, ce qui nous semble être le coût le plus
raisonnable possible pour le public.
M. Roy (Fabien): En somme, le travail que les courtiers font
à l'heure actuelle, vous seriez obligés de l'assumer
vous-mêmes directement aux compagnies?
M. Allard: Exactement.
M. Roy (Fabien): D'ailleurs, si je pose cette question, c'est
justement parce que cela a fait l'objet de beaucoup de discussions ici
même en commission parlementaire lorsque le fameux rapport Gauvin avait
été déposé. Je me souviens qu'il en avait
été question avec le BAC et l'Association des courtiers
d'assurance. Quant au rôle de courtier, je me permets une opinion
personnelle à ce moment-ci. On parle d'éliminer les
intermédiaires et d'éliminer les intermédiaires, c'est une
grande tentation, une grande propagande qu'on semble faire au niveau
gouvernemental. Je pense qu'on oublie une chose: on place l'individu en face de
grosses entreprises qui sont extrêmement loin du gouvernement.
Le citoyen se trouve démuni, on n'a qu'à regarder les
structures très sophistiquées de l'Etat à l'heure actuelle
pour se rendre compte qu'au ministère des Affaires sociales, la plus
grande préoccupation a été d'essayer de trouver des
formules pour humaniser le système.
Quand on coupe tous les liens et qu'il n'y a à peu près
plus de relations personnelles, de contacts humains, dans un système, je
pense que ce n'est peut-être pas là prendre le bon moyen pour
atteindre l'objectif et l'idéal qu'on se propose, à savoir
assurer le meilleur service, un service de qualité, auprès du
consommateur québécois.
Je n'aurai pas d'autres questions. Je ne voudrais pas abuser, pour
éviter que les autres organismes reviennent demain matin, je vais
accepter de me restreindre, d'autant plus que mes collègues ont
posé un certain nombre de questions que j'avais notées. Mais
j'aimerais quand même...
Mme Payette: C'est surtout, en plus, pour l'information du
député de Beauce-Sud, que je crois être informée
qu'à la demande de l'Opposition, il n'y aura aucune commission qui
siégera demain.
M. Roy (Fabien): Je remercie Mme le ministre, mais je veux
dire...
Mme Payette: Je ne peux pas en faire un ordre de la Chambre, mais
je crois que c'est ce qui est prévu pour demain.
M. Roy (Fabien): C'est ce qui est prévu pour demain.
J'avais un peu été informé à ce sujet. Je remercie
quand même le ministre d'attirer l'attention des membres de la commission
à ce sujet. Mais afin de permettre à un autre groupe de passer
ici ce soir, en commission parlementaire, j'aimerais faire une remarque, suite
aux propos de l'honorable ministre.
Je je voudrais pas être spécialiste pour contredire
l'honorable ministre, mais lorsqu'il a dit tout à l'heure qu'il voulait
rassurer les assureurs et rassurer la population, j'aimerais quand même
qu'on réalise une chose au niveau de la commission. Il ne faut pas
être dupe non plus. Je ne veux pas dire que Mme le ministre essaie de
nous induire en erreur.
Mais je sais par expérience que les ministres changent. J'ai vu
plusieurs lois, à l'Assemblée nationale, être
adoptées, et avoir de bonnes garanties, avoir de très bonnes
garanties et une fois que le ministre avait pris les engagements, c'est un
autre ministre qui s'occupait d'appliquer la loi. Cela n'a pas toujours
été ce que nous aurions souhaité.
Mme Payette: M. le Président, il faut que j'apporte une
correction. Je n'ai pas dit que c'était un engagement du ministre, j'ai
dit que c'était un engagement du gouvernement.
M. Roy (Fabien): J'avais entendu exactement les mêmes
phrases, M. le Président, exactement les mêmes phrases. Le point
sur lequel il ne faut pas être dupe, je pense qu'il faut prévoir
maintenant, dès maintenant, que la population du Québec
n'acceptera pas tellement longtemps un régime d'assurance à deux
têtes. Lorsque le gouvernement voudra modifier le système, quelle
sera son attitude? Son attitude va être d'aller chercher le reste. C'est
mon opinion personnelle et je crois qu'elle est partagée par un certain
nombre. D'autant plus que l'on commence déjà à nous
avertir que dès l'an prochain, s'il y a quelque chose qui ne fonctionne
pas très bien, et il est évident que la diminution des primes ne
sera pas proportionnelle à celles que le gouvernement va exiger à
cause des frais d'administration tout le monde en conviendra, deux
administrations, cela coûte plus cher qu'une. Ceux qui font leur
première année en mathématiques le savent. On n'a pas
besoin de cours extrêmement compliqué pour savoir cela on
s'apprête à préparer une concurrence éventuelle aux
compagnies d'assurances. Si le gouvernement veut retenir cette formule, qu'il
la retienne donc maintenant, mais de façon que la population du
Québec puisse avoir une couverture globale, à un endroit ou
à l'autre. La population du Québec serait en mesure de juger
laquelle lui donne le meilleur service, le meilleur rendement et voir quelle
sera celle qui, justement, coûtera le moins cher. L'une ou l'autre serait
éliminée par elle-même, par la force des choses. Là,
le gouvernement serait logique, là on travaillerait dans
l'intérêt des Québécois. Je vois très mal le
gouvernement assumer la totalité de la responsabilité au niveau
des dommages corporels, avoir une compagnie d'Etat qui concurrencerait
l'entreprise privée au niveau des dommages matériels, alors que
le gouvernement aurait la surveillance de ses concurrents et aurait la
surveillance de lui-même.
Mme le ministre a parlé de conflit d'intérêts
tantôt, cela en serait un conflit d'intérêts.
Je veux remercier les gens de la compagnie d'assurance la Royale pour
l'excellent mémoire qu'ils nous ont présenté et pour la
position qu'ils
ont prise, et de s'être mis à la disposition de la
commission parlementaire.
En ce qui me concerne, je n'ai plus de questions à poser. De
toute façon, je pense que vous êtes à notre disposition si,
toutefois, nous voudrions obtenir des informations additionnelles, soit au
niveau de la commission ou au niveau personnel.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Champlain.
M. Gagnon: Merci, M. le Président, compte tenu de l'heure
tardive, je vais céder mon tour afin de nous permettre d'entendre
l'autre groupe.
Le Président (M. Boucher): D'accord. M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: M. le Président, malheureusement, vous
allez dire que je suis tenace. On a discuté d'une question assez
importante, si vous voulez me donner deux ou trois minutes, je vais revenir, si
vous voulez bien.
Vous avez le projet de loi devant vous, je suppose.
Si vous prenez l'article 108, on lit: "Nonobstant les dispositions du
présent titre, le recours du propriétaire en raison du dommage
subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre
assureur si ce recours est régi par la convention d'indemnisation
directe visée dans l'article 155". Je vous ferai remarquer que nous
sommes dans ce chapitre, dont le titre parle des dommages matériels:
chapitre III. L'indemnisation du dommage matériel, responsabilité
civile et régime d'assurance. Il n'est pas question de collision
là-dedans du tout.
Qu'est-ce qu'on dit à l'article 155? "La Corporation doit
établir une convention d'indemnisation directe relative: 1. à
l'indemnisation directe des assurés ayant subi un dommage à leur
automobile;"
Cela nous amène à l'article 156 qui dit: "Si une
convention d'indemnisation directe reçoit l'assentiment des assureurs
autorisés qui perçoivent au moins cinquante pour cent des primes
brutes souscrites pour l'assurance automobile au Québec, tout assureur
autorisé doit lui donner application, à compter de sa
publication, dans la Gazette officielle du Québec, comme si elle faisait
partie de la présente loi".
Si on a cette convention d'indemnisation directe à l'article 156,
c'est là, si je ne m'abuse, que le BAC a demandé qu'on
élimine toute subrogation. Ai-je raison que c'est là que le BAC a
demandé de supprimer toute subrogation?
M. Allard: D'accord.
M. Saint-Germain: Nous y voilà. Je crois que Mme le
ministre, en ce temps-là, a dit qu'on pouvait interpréter la loi
en disant que les assureurs pouvaient, dans cette convention, établir
une convention sans subrogation. Ai-je raison? Les as- sureurs ont
demandé que la loi soit plus précise et qu'on le mentionne dans
la loi. Ai-je raison, qu'on mentionne que les assureurs...
M. Allard: Qu'on mentionne qu'on élimine la
subrogation.
Mme Payette: Qu'on abolisse la subrogation.
M. Saint-Germain: ... pourraient abolir le droit de
subrogation.
Mme Payette: Cela a en effet été
demandé.
M. Saint-Germain: Ceci dit, si on prend l'avis du BAC et si,
à l'article 156, on établit une convention d'indemnisation
directe sans droit de subrogation, voilà que l'article 103 devient loi.
L'article 103 dit bien "le recours du propriétaire en raison du dommage
subi par son automobile ne peut être exercé que contre son propre
assureur". Je reviens à la question que je vous ai posée. Je
subis un accident. Je n'ai aucune responsabilité mais j'ai
désobéi à la loi et je n'ai pas d'assurance, qu'est-ce qui
m'arrive?
M. Allard: Vous aurez recours contre le tiers, mais il n'est pas
question de votre assureur, il n'y en a pas.
M. Saint-Germain: La loi me dit bien... Il n'y a plus de recours
contre personne ici. La loi dit "le recours du propriétaire", c'est mon
recours à moi.
M. Allard: Oui.
M. Saint-Germain: Je ne suis pas responsable de l'accident. C'est
mon recours et la loi le dit "le recours du propriétaire en raison du
dommage subi par son automobile ne peut être exercé que contre son
propre assureur" et je n'en ai pas.
M. Allard: Vous ne pouvez pas l'exercer contre votre
assureur.
M. Saint-Germain: Voilà la réponse. La
réponse est que, par l'application de la loi telle qu'elle est, le type
qui désobéirait à la loi n'ayant pas d'assurance, n'aurait
pas droit de recours.
M. Allard: II conserve le recours contre le tiers, l'autre qui
est responsable.
M. Saint-Germain: Mais où voyez-vous dans la loi qu'il le
conserve? A quel article voyez-vous qu'il conserve son recours contre le
propriétaire?
M. Allard: Je ne sais pas où je vais trouver cela.
Peut-être que madame...
Mme Payette: 97.
M. Allard: Pardon?
Mme Payette: 97.
M. Allard: 97. "Le propriétaire de l'automobile est
responsable...
M. Saint-Germain: Je relis l'article, dans ces conditions.
"Nonobstant..." Je l'ai lu. "L'indemnisation directe visée dans
l'article 155"... "Néanmoins, en cas de silence de la convention"... Il
n'y a plus de silence, la convention a été établie. C'est
lorsque la convention est inexistante. "Néanmoins, en cas de silence de
la convention d'indemnisation directe et à défaut d'entente entre
les assureurs concernés, les règles des articles 97 à 102
s'appliquent relativement à la responsabilité". Ces articles ne
s'appliquent plus, parce qu'il y a une entente.
M. Allard: Parce qu'il y a un...?
M. Saint-Germain: Parce qu'il y a une entente.
M. Allard: II n'y a pas d'assurance. Vous n'avez pas d'assureur.
Vous ne pouvez pas aller chez votre assureur, vous n'en avez pas.
M. Saint-Germain: Oui, mais on ne peut pas non plus appliquer, de
par la teneur de l'article 103, les articles 97 à 102.
M. Allard: Oui, on vous permet de prendre action contre la
personne responsable de l'accident.
M. Saint-Germain: On perd moins, pour autant qu'il y a un
silence... En cas de silence de la convention des indemnisations
directes...
M. Paquette: M. le Président...
M. Saint-Germain: II y a une condition.
M. Paquette: Question de règlement, je m'excuse
d'interrompre le député. Cela aide à notre
compréhension, mais on a d'autres moyens pour approfondir la loi.
On retient le groupe des physiothérapeutes depuis un bon bout de
temps. On avait des tas de questions à poser ici, de ce
côté de la table.
Je vous rappelle que je serais en droit de vous demander d'appliquer
l'article 161 qui limite les interventions à 20 minutes. Je comprends
qu'on a convenu d'être très souple, de laisser dépasser les
20 minutes, d'essayer de se discipliner. Le règlement est tel,
cependant, que nos droits d'intervention sont limités à 20
minutes. On en est rendu au moins à 30 minutes avec député
de Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je m'excuse. Peut-être ne me suis-je pas
exprimé assez clairement, mais je crois que cette question est
excessivement importante.
M. Paquette: Ce n'est pas la seule.
M. Saint-Germain: Cela semble excessivement difficile. Si le
ministre veut me donner des explications, qu'elle me donne une explication et
je terminerai cela là. Je voudrais avoir une réponse. Je ne parle
pas en l'air, je n'invente pas de loi, de police d'assurance. Je lis la loi. Je
veux savoir, en pratique, ce que cela veut dire.
Est-ce que j'interprète cet article comme si elle me disait que,
si on écoute le BAC et qu'on lit la loi en faisant disparaître la
subrogation, les gens qui n'ont pas d'assurance ne pourront pas se faire
rémunérer? Je veux un oui ou un non.
M. Allard: Vous n'avez pas à écouter le BAC. Prenez
seulement la loi et vous allez avoir la même réponse, peu
importe...
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier, compte tenu que c'est une question qui relève de
l'interprétation de la loi, il y aurait possiblement moyen de prendre
des renseignements auprès du ministre.
M. Saint-Germain: Si le ministre voulait répondre, lors de
notre prochaine séance, précisément sur ce que je veux
dire...
Le Président (M. Boucher): Evidemment, on pourrait passer
immédiatement à un autre mémoire.
Mme Payette: M. le Président, je pense que de la part du
député de Jacques-Cartier ce n'est pas de la mauvaise
volonté il y a une difficulté de compréhension.
C'est évident que les fonctionnaires qui sont là, sont à
la disposition du député s'il veut se faire expliquer plus
longuement de quoi il s'agit. Je pense, d'autre part, que la plupart des gens
ont compris. Nos invités ont beau tenter d'expliquer, il manque quelque
chose. On va très certainement vous aider à...
M. Saint-Germain: Je lis, madame, l'article que vous avez
écrit, et c'est la loi que je lis. Je donne un exemple bien
précis. Il me semble que ceux qui sont responsables des écritures
devraient être capables, dans une seconde, de donner une opinion.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier, il y aura possibilité d'avoir ces explications à
la commission parlementaire en deuxième lecture, article par
article.
M. Saint-Germain: Ecoutez, on ne devrait pas attendre à ce
stade. Si madame veut me répondre à la prochaine...
M. Paquette: M. le Président, si vous me permettez, je
suis certain que Mme le ministre peut très bien répondre. On a eu
des discussions avec elle, avec les fonctionnaires. C'est une question
très difficile. Ce n'est pas en cinq ou dix minutes
supplémentaires qu'on va réussir à éclaircir la
question pour tout le monde. Je suggère que cela se fasse d'une autre
façon, parce que là, on fait attendre nos invités. A ce
compte, personnelle-
ment, j'aurais énormément de questions à poser. On
s'est discipliné...
M. Saint-Germain: Je ne veux pas m'entêter, mais si j'ai
posé cette question, c'est que j'ai dialogué avec des assureurs.
Je dois constater que je ne suis pas seul à me poser cette question et
à vouloir éclaircir tout cet imbroglio. Peut-être a-t-il
une réponse très simple à me donner? Je pensais que
quelqu'un pourrait me la donner. Je termine là-dessus. Je me demande
pour quelle raison, madame ne pourrait pas me donner une réponse
à la prochaine réunion que nous aurons.
Mme Payette: M. le député, je dois vous dire que
les gens qui sont en face de nous vous ont donné les
réponses.
M. Saint-Germain: Non, pas cela. Ecoutez, je vous demande si vous
pouvez nous promettre de nous donner une réponse lors de la prochaine
réunion?
Mme Payette: M. le député, je veux bien vous donner
un cours particulier.
M. Saint-Germain: Non, pas particulier, pas du tout, public,
à cette table. Je ne veux pas prolonger la discussion, absolument
pas.
Je ne veux pas obliger ces messieurs à nous attendre ou à
répondre à des questions qui semblent embêtantes. Mais
vous, vous devriez être capable de me donner une réponse bien
précise là-dessus.
Mme Payette: Oui, M. le député, nous allons vous
donner une réponse.
M. Saint-Germain: Est-ce que vous allez me donner une
réponse à la prochaine séance?
Mme Payette: Oui, M. le député, vous aurez une
réponse.
M. Saint-Germain: Merci, madame. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Boucher): Alors... M. Fontaine: M.
le Président?
Le Président (M. Boucher): Oui?
M. Fontaine: J'aurais deux courtes questions.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: La première à l'honorable ministre. On
a demandé tout à l'heure au groupe La Royale de nous dire
à partir de quelle analyse sérieuse il pouvait dire que le
système privé était moins coûteux que le
système public. Moi, je voudrais savoir du ministre, alors qu'elle ne
connaît pas tous les coûts du système proposé,
à partir de quelle analyse sérieuse elle peut affirmer que son
système va coûter 6%?
Mme Payette: Posez donc des questions sérieuses.
M. Fontaine: Ce n'est pas sérieux, ça?
Mme Payette: Non, ce n'est pas sérieux, pas du tout.
M. Fontaine: Ah!
Mme Payette: Quand on peut dire que le régime va
coûter $385 millions, c'est qu'on s'appuie sur des études
sérieuses. Les chiffres qu'on ne vous donne pas actuellement, c'est
qu'on est en train de les compiler. $385 millions, vous les avez dans le livre
bleu depuis le 15 avril.
M. Fontaine: Oui, mais déposez vos études sur
lesquelles vous vous basez.
Mme Payette: Quand elles seront terminées, je serai
heureuse de les déposer, parce qu'elles sont bonnes pour nous.
M. Fontaine: Comment pouvez-vous affirmer que ça va
coûter $385 millions alors que vos études ne sont pas
terminées?
Mme Payette: Sur les $385 millions, les études sont faites
depuis le 15 avril, terminées. Elles s'appuient sur des statistiques de
1974 et 1975. Nous sommes obligés de les revoir à partir des
statistiques de 1976.
M. Fontaine: Vos 6% d'administration?
Mme Payette: Ils sont exactement dans les calculs qui ont
été faits aussi.
M. Fontaine: Cela, ce n'est pas déposé?
Mme Payette: C'est dans le livre bleu, M. le
député, depuis le 15 avril...
M. Fontaine: Oui, mais sur quoi...
Mme Payette: Si quelqu'un l'avait lu, cela aurait
été utile.
M. Fontaine: Sur quoi vous basez-vous pour dire ça?
Mme Payette: Sur les études qui ont été
faites au niveau des coûts d'administration des régimes
d'Etat.
M. Fontaine: Bon! Est-ce que vous allez déposer ces
études?
Mme Payette: Vous trouverez les informations dans le livre bleu
qui a déjà été déposé.
M. Fontaine: D'accord. Je n'insiste pas là-dessus. Mais il
n'y a rien...
Mme Payette: Ce n'est pas ce qu'on appelle insister?
M. Fontaine: II n'y a rien de sérieux dans le livre bleu
qui nous indique pourquoi cela va coûter 6%.
Mme Payette: M. le député, l'avez-vous lu, le livre
bleu?
M. Fontaine: Oui, je l'ai lu.
Mme Payette: Sur votre serment de député?
M. Fontaine: Sur mon serment d'office, à part
ça.
L'autre question que je voulais poser, et celle-là, à nos
invités: Vous parlez, à la page 8, de sondages effectués
récemment et vous dites qu'il semble indéniable que le public
désire conserver le droit de recours devant les tribunaux. Est-ce que
vous avez des copies de ces sondages?
M. Allard: Je crois en avoir un ici, qui a été fait
par le BAC en juin 1977, qui indiquait que plus de 50% des assurés et
ça en fait, le chiffre était de 52% étaient
en désaccord avec la disparition des droits de recours. C'est un sondage
qui a été fait par un groupe de recherche
information-publicité. Je ne me souviens pas du nombre de personnes qui
ont été consultées, mais il était suffisant pour
représenter un échantillonnage valable. Il y en a eu un autre qui
a été fait, et je pense qu'il a été
mentionné à l'occasion des audiences publiques, par le Club
Automobile de Québec, qui donnait des chiffres semblables ou, en tout
cas, qui démontrait qu'une majorité de gens
préféraient conserver le droit de recours devant les
tribunaux.
Mme Payette: Vous reconnaîtrez cependant que le sondage du
Club Automobile de Québec et celui dont vous faites état
remontent à déjà plusieurs mois.
M. Allard: Celui-ci, juin 1977. Je ne pense pas qu'on puisse dire
"plusieurs" mois.
Mme Payette: Si vous connaissiez l'évolution de la
pensée québécoise!
M. Allard: D'accord. Ce serait peut-être 60% au lieu de 52%
maintenant. Vous avez peut-être raison.
M. Fontaine: Ce sera tout pour l'instant.
Le Président (M. Boucher): Mme le ministre, pour le mot de
la fin.
Mme Payette: M. le Président, moi, je suis
informée, de mon côté, que le taux d'accidents a
baissé en 1976. Est-ce que les assureurs en sont informés
aussi?
M. Allard: Les assureurs en sont informés sûrement,
parce que je pense que les statistiques auxquelles vous faites allusions sont
celles qui proviennent de ce qu'on appelle le livre vert, qui est
compilé par le BAC, en fait, pour les surintendants des assurances et
disponible à l'ensemble des assureurs. De fait, ces statistiques ont
déjà permis à plusieurs assureurs de réviser les
taux à partir du mois de juin-juillet. Il y en a d'autres qui l'ont fait
plus récemment et il y en a d'autres qui doivent le faire très
prochainement. Nous avons constaté la réduction, et si je peux
simplement ajouter ça, au moment où on a annoncé ces
réductions, on a voulu dire que c'était l'introduction du nouveau
projet de loi qui faisait réduire les taux, mais en fait ce sont les
statistiques auxquelles vous faites référence qui ont fait
réduire le taux.
Mme Payette: J'avais, pour la bonne compréhension de ce
qu'on vient de se dire, dit qu'il y avait un certain nombre
d'éléments qui faisait baisser les primes: la baisse du taux
d'accidents, la concurrence, qui semblait revenue entre les assureurs pour un
marché nouveau et cela, je pense qu'on ne peut pas le nier
et la fermeté du gouvernement dans la réforme
proposée.
M. Allard: J'accepte les deux premières raisons.
Mme Payette: Et je vous impose la troisième.
Le Président (M. Boucher): Je remercie M. Allard et ceux
qui l'accompagnent, au nom de tous les membres de la commission.
M. Allard: Je vous remercie, M. le Président et Mme le
ministre, de votre indulgence et de votre patience.
Le Président (M. Boucher): Nous entendrons maintenant le
groupe de la Fédération des physio-thérapeutes en pratique
privée du Québec, représentée par M. Rolland
Lamarche, président.
Fédération des physiothérapeutes
en pratique privée du Québec
M. Lamarche (Rolland): Je voudrais d'abord, M. le
Président, Mme le ministre, messieurs les membres de la
commission...
Mme Payette: Je voudrais que vous me permettiez, avant qu'on
entende nos invités, de me laisser simplement les remercier. Nous
constatons, de notre côté, que la journée a
été longue et que vous l'avez finalement faite avec nous. Je vous
remercie aussi de votre patience et d'être encore là à
cette heure-ci.
M. Lamarche: Je vous remercie.
Je voudrais d'abord vous présenter M. Claude Renaud, qui
m'accompagne, membre de l'exécutif de la Fédération des
physiothérapeutes.
Je voudrais faire remarquer que parfois, si la journée peut
être longue pour vos invités, nous réalisons qu'elle peut
l'être pour vous aussi.
Tout simplement pour tenter de bien circonscrire la question de la
physiothérapie en pratique privée, je dois d'abord vous
présenter notre situation et, par la suite, si vous me le permettez, en
venir à l'essence même du mémoire.
En ce qui concerne la question de la physiothérapie, je vais vous
expliquer un peu le rôle du physiothérapeute et, peut-être
plus particulièrement, vous parler de l'importance de la
physiothérapie dans le monde de la santé. Je serai bref, je vous
le promets.
Mme Payette: M. le Président, je m'excuse, il y a un
malentendu. Je ne vous signalais pas d'être bref, je vous signalais que
j'avais terriblement mal dans le cou.
M. Lamarche: Doit-on terminer tôt?
M. Paquette: Avez-vous besoin d'un physiothérapeute?
Une Voix: Ce ne sont pas des masseurs.
M. Lamarche: Je vous disais que je voulais d'abord situer la
physiothérapie dans le monde de la santé, de même que
l'importance de la physiothérapie.
Si on prend seulement les statistiques des problèmes de dos
à la Commission des accidents du travail l'an dernier, 15% de toutes les
réclamations ont été faites pour des problèmes de
dos. Si l'intervention d'un physiothérapeute peut être acquise
rapidement, beaucoup de ces problèmes peuvent obtenir une
guérison quasi complète bien souvent ou, du moins, une
amélioration sans trop de séquelles dans la majorité des
cas. Ainsi on peut faire gagner aux gens qui sont atteints d'un problème
semblable, des journées de travail; on peut aussi leur épargner
des souffrances inutiles.
Bref, l'intervention rapide du physiothérapeute pour un
problème d'ordre musculo-squelettique peut aider
énormément les gens à récupérer rapidement.
C'est là l'économie importante en ce qui concerne l'utilisation
du physiothérapeute adéquatement.
La fédération que je représente groupe environ 100
membres. 30 cliniques de physiothérapie au Québec sont la
propriété de physiothérapeutes de ce groupe. Ces cliniques
existent non seulement à Montréal, mais aussi à
l'extérieur des centres urbains comme, par exemple, à Magog,
Granby, Joliette, Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Pierrefonds dans la
banlieue de Montreal et Sorel. Il y a plusieurs autres endroits, à
l'extérieur des centres urbains, où il y a des cabinets
privés qui appartiennent à des physiothérapeutes.
Je veux aussi vous parler de la formation du physiothérapeute;
elle est de niveau universitaire. Il s'agit d'un bac en science de la
physiothérapie, qui correspond à 104 crédits
universitaires.
C'est un cours qui est donné à la faculté de
médecine, dans les écoles qu'on appelle les écoles de
réadaptation. Par la suite, la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes exige un internat de quatre mois pour donner un droit
de pratique et ceux qui, parmi nous, le désirent peuvent poursuivre
leurs études pour obtenir une maîtrise et un doctorat par la
suite. Plusieurs physiothérapeutes ont déjà entrepris des
études dans ce domaine.
En ce qui concerne la situation de la pratique privée en
physiothérapie, et ceci va toucher de très près les
explications qui ont trait au mémoire, je dois d'abord vous parler de la
collaboration physiothérapeutes-médecins. Le
physiothérapeute est un collaborateur immédiat du médecin,
en ce sens que notre formation nous donne une compétence dans le plan et
le domaine thérapeutique alors que le médecin, qu'il soit de
médecine générale ou de médecine
spécialisée, a une compétence sur le plan du diagnostic et
de la thérapie bio-chimique, bien souvent.En ce qui concerne la
thérapie physique, la physiothérapie, nous considérons que
c'est le physiothérapeute qui a le plus de compétence dans ce
domaine.
En ce qui concerne la situation de la rémunération des
soins en physiothérapie, présentement, les soins sont gratuits
dans les hôpitaux, par le biais de l'assurance-hospitalisation du
Québec. En ce qui concerne la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, la situation avec la Commission des accidents du travail et la
situation avec les assurances privées, je vais vous décrire
brièvement chacun des points. Vous n'êtes pas sans savoir que le
dossier de la physiothérapie a marqué, à une
époque, l'an dernier, le monde de la presse et il y a eu, en fin de
compte des situations où physiothérapeutes et médecins
physiatres ont été impliqués, et médecins
orthopédistes à l'occasion, et je vais vous décrire ce qui
c'est passé exactement en partant du dossier de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec.
D'abord, aucun régime ne couvrait, en 1970, la
physiothérapie, excepté l'assurance-hospitalisation. Avec
l'avènement de la Régie de l'assurance-maladie du Québec
en 1972, il fut décidé de couvrir la physiothérapie. En
fait, on n'a pas appelé cela la physiothérapie à ce
moment-là, on a appelé cela traitements physiques dans le
régime de l'assurance-santé. Mais l'article 1 de la Régie
de l'assurance-maladie du Québec disait: Un médecin ne
reçoit des honoraires que pour des actes qu'il pose lui-même ou
pour des actes posés en sa présence et auxquels il a
participé. C'était ce que disait l'article 1 de la Régie
de l'assurance-maladie du Québec tant pour les médecins
spécialistes que pour les médecins généralistes. Ce
qui s'est passé, c'est que, le 6 novembre 1972, le Dr Jacques Brunet,
sous-ministre aux Affaires sociales à ce moment-là, a
signé un amendement, l'amendement no 6, permettant aux médecins
spécialistes d'être rémunérés pour des actes
qu'ils
ne posaient pas eux-mêmes. Cet amendement no 6 ne fut jamais
approuvé par un arrêté en conseil ministériel et cet
amendement no 6, signé par le Dr Jacques Brunet, fut fait sans
l'autorisation de M. Claude Castonguay à l'époque. Je ne veux pas
relater de vieux souvenirs, je veux simplement bien vous situer. Si je le dis,
c'est que M. Claude Castonguay me l'a dit lors d'une conversation
téléphonique l'an dernier. Donc, pendant quatre ans, ce
système a existé et a permis à des médecins
spécialistes d'obtenir des rémunérations pour des actes
posés dans leur clinique par des physio-thérapeutes ou par des
techniciens ou par des secrétaires et ceci a permis, finalement,
l'installation d'un système privé drôlement complexe et
ambigu.
Nous, les physiothérapeutes, qui voulions être dans le
milieu privé à ce moment-là, ne pouvions l'être sans
concurrencer adéquatement. Alors, notre seule façon de pouvoir
concurrencer adéquatement à l'époque, c'était
d'obtenir, nous aussi, la gratuité de soins pour nos patients. Pour
obtenir la gratuité des soins pour nos patients, il a fallu, tout
simplement, s'organiser avec d'autres médecins spécialistes pour
finalement pouvoir utiliser, avec leur collaboration, la "castonguette" et
enfin se retrouver dans le milieu privé nous aussi et offrir nos soins
gratuitement. Ce qui est arrivé, c'est qu'à un moment
donné les fonds utilisés pour la physiothérapie furent
tellement élevés que le ministre Forget, à
l'époque, a décidé de ne plus couvrir la
physiothérapie à compter de mars 1975. A compter de mars 1975,
les soins de physiothérapie ne devaient plus être couverts;
cependant, comme l'article no 1, amendé par l'amendement no 6 en 1972,
n'avait jamais eu d'arrêté en conseil, il fallait bien s'organiser
pour légaliser cette situation.
Cet amendement no 6 fut donc approuvé par un arrêté
en conseil en juin 1975, tout simplement.
Par la suite, on a fait un autre amendement pour remettre en vigueur
l'article 1, qui disait que, pour être payé, un médecin
devait poser l'acte lui-même ou, du moins, être présent et
participer à l'acte. Pour nous, physiothérapeutes, c'était
quelque chose d'acquis. En fait, ce qu'on demandait tout simplement au
système, c'était de faire en sorte que, si les soins
étaient gratuits chez les physiatres, ils le soient aussi dans nos
cabinets; mais s'ils n'étaient pas gratuits chez les physiatres, qu'ils
ne le soient pas chez nous. Cela nous était égal, parce
qu'à concurrence égale, avec les médecins physiatres qui
ont des cabinets privés, les physiothérapeutes, on connaît
notre compétence, savaient qu'ils étaient capables de soutenir la
concurrence dans un système juste et équitable.
Pour nous, cette situation était correcte. Mais ce qui s'est
produit, c'est qu'il y a eu des négociations à cette
époque, si vous vous souvenez, entre le FMSQ, la FMOQ et le
ministère des Affaires sociales. Ce qui nous surprenait, les
physiothérapeutes en cabinet privé, c'est que les médecins
physiatres continuaient à utiliser la carte d'assurance-maladie pour des
soins de physiothérapie. Ceci nous a surpris. On ne savait pas pourquoi
on les utilisait, mais, en juin, je parlais de mars tantôt, le ministre a
décidé que, rétroactivement à mars, les soins des
physiothérapeutes donnés dans leurs cabinets seraient tout
simplement couverts par la Régie de l'assurance-maladie du
Québec.
Nous nous retrouvions encore dans un système de concurrence
absolument impossible; des physiothérapeutes ont dû fermer leur
cabinet tout simplement, d'autres ont quand même pu continuer leur
travail. Par la suite, vous savez ce qui s'est passé au mois de
novembre, le ministre Forget a signé une nouvelle entente avec les
médecins spécialistes, avec des articles 1 différents pour
les omnipraticiens et pour les spécialistes. Je dois vous dire
qu'à mon point de vue, l'article 1 qui fut signé lors de la
dernière entente avec les médecins spécialistes est encore
plus confus que le premier.
Néanmoins, ceci fut fait en pleine campagne électorale et
vous connaissez les changements survenus par la suite. Simplement pour
poursuivre cet historique, le plus brièvement possible, M. Lazure a pris
la relève. Or, M. Lazure est psychiatre. Vous savez que les
journalistes, très souvent, ont confondu médecin psychiatre et
médecin physia-tre; j'ai donc l'impression que, lorsque c'était
écrit dans un journal que le ministre allait casser le party des
physiatres, beaucoup de gens voyaient phychiatres; parfois, les journalistes,
au lieu d'écrire physiatres écrivaient phychiatres. J'ai donc
l'impression que tous les phychiatres qui lisaient attentivement les articles
relatant les revenus fabuleux de tous les médecins physiatres et...
Le ministre était véritablement au courant du dossier de
la physiothérapie et je sais que plusieurs d'entre vous connaissent bien
le dossier, parce que la Corporation professionnelle des
physiothérapeutes vous a fait parvenir des détails à ce
sujet. Nous fûmes convoqués par M. le ministre à son bureau
ici, à Québec, au mois de décembre. Le 10 décembre,
lors d'une conférence de presse, M. Lazure a clairement expliqué
que les physiothérapeutes avaient été exploités par
les physiatres et que le problème, le dossier chaud de la question de la
physiothérapie, serait réglé pour le début de
janvier 1977. Nous étions contents d'aller rencontrer M. Lazure, parce
que, pour une fois, on commençait à croire qu'un médecin
pouvait comprendre nos aspirations, particulièrement un ministre; nous y
sommes donc allés et il nous a garanti qu'il comprenait très bien
notre situation.
Il faut vous expliquer que nous sommes reconnus par le Code des
professions, le projet de loi 250, mais que nous jouissons d'un titre
réservé et non d'un acte exclusif. Vous connaissez les
détails difficiles en ce qui concerne la question de l'acte
lui-même décrit au niveau du projet de loi 250, il ne nous accorde
pas l'acte exclusif que nous réclamons depuis déjà
longtemps.
Ceci simplement pour vous dire qu'au niveau du ministère, nous
avions l'impression d'être bien entendus, bien compris. Lors de la
conférence de presse en question, le ministre avait dit que ce
problème serait réglé. Par la suite, on a quitté le
bureau du ministre en croyant que tout ce pro-
blème serait assurément réglé dans les plus
brefs délais.
Je vais immédiatement passer au dossier de la Commission des
accidents du travail pour revenir un peu et revenir un peu et tout conclure cet
historique.
En ce qui concerne la Commission des accidents du travail, vous
connaissez la réforme amorcée. M. Robert Sauvé fut
nommé président de cette commission aux environs de
février 1977. Dès février 1977, la
Fédération des physiothéra-peutes en pratique
privée du Québec a présenté un mémoire
à la Commission des accidents du travail pour complètement
expliquer comment nous, physiothérapeutes, on voyait
l'incohérence du système. Encore là, au niveau de la CAT,
on avait réussi à s'organiser pour avoir une couverture de soins,
par l'intermédiaire de médecins spécialistes.
Ce qu'on demandait tout simplement à la CAT, c'était de
reconnaître les cliniques privées des physiothérapeutes
à un tarif beaucoup moindre que celui qui existait au niveau des
physiatres, tout comme c'est fait en Ontario, par exemple, ou comme c'est fait
en Colombie-Britannique et dans l'une des deux provinces médianes, la
Saskatchewan ou le Manitoba, je ne sais pas laquelle. Ce qu'on demandait, c'est
que le physiothérapeute soit payé pour l'acte qu'il pose et que
le médecin consultant, spécialiste ou non, soit payé pour
sa consultation. C'est ce qu'on demandait. Ce qu'on disait à M.
Sauvé, dans ce rapport, c'était que le système
était pas mal tout croche en ce qui concerne la physiothérapie et
qu'on était là pour offrir des soins aux accidentés, dans
l'idéal que je vous ai tracé au début: Organisez-vous pour
que les services de physiothérapie, tant dans le milieu hospitalier que
dans le milieu privé, soient accessibles rapidement pour le malade.
Pourquoi le fait-on pour les athlètes qui jouent au football ou
au hockey et pourquoi devient-on si utile pour ces gens, alors qu'on ne le fera
pas pour le simple citoyen qui ne fait pas partie d'un club
d'élites.
Vous connaissez certainement l'efficacité de la
physiothérapie dans le milieu sportif. Ce n'est pas juste parce que ce
sont des gens en forme. Il y a une raison scientifique à la base de cela
qui fait que, lorsque l'on intervient rapidement, on obtient des
résultats rapides.
Tout ce que je veux vous dire en ce qui concerne la CAT, suite à
la présentation de notre mémoire à M. Robert Sauvé,
le 1er avril, c'est qu'une décision a été prise. Cette
décision du 1er avril, ce fut tout simplement de faire en sorte que les
cliniques qui appartiennent à des physiothérapeutes ne soient
plus couvertes et pour les cliniques qui appartiennent aux physiatres, cela a
continué à être couvert.
On se retrouve encore comme avant, dans un système où
c'est gratuit chez les physiatres propriétaires de clinique et ce n'est
pas gratuit chez les physiothérapeutes propriétaires de
clinique.
En ce qui concerne notre situation pour les deux régimes, le
système de l'assurance-maladie et le régime de la CAT, le nouyel
article no 1 de la Régie de l'assurance-maladie dit: Le médecin
n'est payé que pour des actes qu'il fournit lui-même. Je vous ai
parlé de l'article no 1 de l'ancienne entente, mais là, je vous
parle de l'entente signée au mois de novembre. Au lieu de dire qu'il
"pose" lui-même, on dit qu'il "fournit" lui-même. A savoir: avec ou
sans la participation de personnel paramédical, qu'il "fournit"
lui-même.
M. Jacques Brunet, avec la collaboration de M. Lazure, a
interprété cette entente et une lettre fut envoyée le 22
décembre demandant à M. Martin Laberge et à la
Régie de l'assurance-maladie du Québec, de ne plus assumer les
coûts de physiothérapie dans les cabinets qui appartiennent
à des physiatres, s'ils ne fournissent pas le traitement
eux-mêmes. Pour eux, fournir eux-mêmes signifie être
auprès du patient et participer au traitement.
C'est une lettre signée par Jacques Brunet, le sous-ministre. M.
Lazure connaît la teneur de cette lettre et sait qu'elle fut
dirigée à la Régie de l'assurance-maladie du Québec
le 22 décembre.
Il y a eu, à ce moment-là aussi, envoyé
auprès de M. Martin Laberge et auprès de tous les
médecins, un avis à cet effet. Si j'en conclus sur cette
question, présentement, nous sommes encore dans une situation où
le problème n'est pas réglé, où le système
continue, où c'est gratuit chez les physiatres et où ce n'est pas
gratuit dans les cabinets qui appartiennent aux physiothérapeutes.
Dans le système des assurances privées qui touche
directement la commission aussi, présentement, un accidenté de la
route, qui vient dans nos cabinets, reçoit des soins de
physiothérapie et ces soins sont remboursés par l'assurance de la
partie fautive qui est impliquée dans l'accident.
Donc, un accidenté de la route par exemple l'accident
classique connu que vous mentionniez tantôt, de la personne qui est
frappée par derrière et qui subit une entorse cervicale un
patient souffrant d'un problème semblable est dirigé chez nous
par un médecin qui a posé un diagnostic. On traite cette
personne.
Cette personne, dans nos cabinets, paie les soins elle-même et,
à ce moment-là, elle présente ses reçus à
l'assurance privée et cette dernière va rembourser cette personne
pour l'indemniser sur cette question.
Quant à la question des assurances privées,
présentement, le système fournit au patient qui a subi un
accident de la route la possibilité d'aller se faire traiter chez le
physiothérapeute qu'il veut, la possibilité de se faire traiter
dans le milieu qu'il veut, c'est-à-dire que s'il veut aller dans le
milieu hospitalier, il y va, s'il veut aller dans une clinique privée,
parce que dans sa localité, par exemple, il n'y a pas d'hôpital et
il y a une clinique privée, il peut y aller.
Présentement, le citoyen qui a besoin de soins en
physiothérapie pour ce qui concerne la question des assurances
bénéficie de cette possibilité. Ce qu'on vous dit dans le
mémoire, et j'en arrive au point très précis du
mémoire concernant l'article no 47, c'est que la régie peut
prendre les me-
sures nécessaires et faire les dépenses qu'elle croit
opportunes ou convenables pour faciliter aux victimes la reprise du travail,
contribuer à leur réadaptationc'est là où on
intervient directement et atténuer ou faire disparaître
toute incapacité résultant d'un dommage corporel.
On se pose des questions, en ce sens que la Commission des accidents du
travail, suite aux décisions de M. Lazure la décision de
M. Lazure, c'est de tenter de réintégrer les
physiothéra-peutes dans le milieu hospitalier; la Commission des
accidents du travail prétend suivre les politiques de M. Lazure
veut, elle aussi, tenter de faire en sorte que les soins pour les cas de CAT
soient faits dans le milieu hospitalier. La Commission des accidents du travail
ne veut pas couvrir les frais de physiothérapie dans les milieux
privés parce que le ministère des Affaires sociales n'a pas cette
politique. Simplement, on se pose la question. On croit que le nouveau
régime devrait permettre le remboursement de soins pour les cas
d'accident de la route dans les cliniques privées qui existent.
Je dois vous avouer qu'on tente quand même de maintenir un tarif
qui soit adéquat. On est prêt à le faire en collaboration
et on a déjà présenté des mémoires à
cet effet au niveau de la CAT. Je sais que c'est un dossier très confus,
je m'en excuse. C'est incroyable, le dossier de presse est très
volumineux. Je voulais quand même, en quelques minutes, vous situer par
rapport aux citoyens et par rapport à la situation que nous vivons
présentement qui représente pour nous aussi une
insécurité face à l'avenir.
Cela représente un peu le mémoire. S'il y avait des
questions, il me ferait grandement plaisir d'y répondre. (Voir
annexe).
Le Président (M. Boucher): Merci, M. Lamarche.
Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, ce sont moins des questions
qu'un commentaire sur ce qui vient de nous être rapporté. Je
comprends, je pense, bien la situation de nos invités qui se retrouvent
depuis plusieurs années en train de discuter de la situation qu'ils
devraient occuper à l'intérieur des régimes qui sont
déjà prévus.
Vous comprendrez, d'autre part, que je ne puisse m'engager, ce soir,
pour ce qui vous concerne. Ce sur quoi je peux m'engager, c'est de demander une
consultation à mon collègue, le Dr Lazure et,
éventuellement, de revoir avec la régie l'attitude de la
Commission des accidents du travail pour ce qui vous concerne. Je prends bonne
note de votre demande et il me semble qu'on doit arriver à une sorte de
concertation, parce que des décisions un peu incohérentes
semblent avoir été prises. Je vais essayer de retracer tout le
dossier et de voir ce qui peut être fait.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Saint-Germain: Je remercie les physiothé- rapeutes. Ils
ont trouvé ici certainement une façon de décrire à
la population et aux autorités la situation dans laquelle ils se
trouvent. Est-ce que vous avez bien dit que le Dr Lazure, après cette
rencontre au mois de décembre, ne vous a pas donné de
réponse, que tout est resté une lettre morte?
M. Lamarche: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
J'ai dit, que, finalement, il y a vraiment eu des actions qui ont
été prises. Il y a eu des décisions qui ont
été prises. Présentement, après presque un an, la
situation continue, bien qu'on ait quand même corrigé les
possibilités d'avoir des médecins qui avaient deux, trois ou
quatre cliniques.
Je veux vous signaler ici que, s'il y a des abus de la part des
médecins, il y en a aussi de la part des physiothérapeutes. Je ne
viens pas ici vous dire qu'on a une auréole et que tout est bien. Il y a
aussi de la part de quelques physiothérapeutes des abus. Je tiens
à le signaler.
Ce que je veux vous dire, c'est que dans un système qui pourrait
être bien suivi, bien contrôlé, on pourrait jouer notre
rôle adéquatement et donner un bon service à la population.
Il y a eu des paroles qui ont été dites, prononcées, il y
a des lettres. Ce qu'on nous dit, c'est que chez les médecins physiatres
où cela continue d'être gratuit présentement, on n'a pas de
preuve que les médecins physiatres ne posent pas les actes
eux-mêmes. Il faut vous dire que, de la part des médecins aussi,
on va mettre en doute l'interprétation du MAS relativement à
l'article 1, parce que fournir lui-même le service, qu'est-ce que cela
veut dire? Est-ce que cela veut dire payer une compagnie pour faire le service?
Je réalise très bien, quand je vous ai dit tantôt que M.
Forget, son article 1, je le trouvais encore plus ambigu que le
précédent, ce n'est pas pour rien.
Il reste que M. Lazure s'est clairement engagé à faire en
sorte que, si les médecins tentent de contourner l'article 1, il
était peut-être même prêt à changer la loi,
s'il le faut, et de faire en sorte que le médecin joue son rôle,
qu'il soit payé pour sa consultation, qu'il soit payé pour l'acte
qu'il pose et que le physiothérapeute soit payé pour l'acte qu'il
pose, ou du moins, qu'il n'y ait pas de possibilité de contourner le
système, encore une fois.
Il y a eu des paroles qui ont été dites, mais les gestes
n'ont pas suivi. Remarquez que nous sommes encore confiants, malgré
tout. Je dois vous signaler que, par le passé, nous avions
rencontré les gens responsables du temps. On nous avait fait beaucoup de
promesses à ce moment et, pendant des années, rien ne
s'était déroulé. Nous considérons que c'est un
dossier chaud et difficile. Nous en sommes conscients. Nous croyons à la
possibilité que, finalement, on devrait arriver à une solution.
En fait, ce que je veux tout simplement vous dire, c'est que nous croyons que
le ministre des Affaires sociales ne nous a pas dit des paroles en l'air, mais
on a hâte que les gestes suivent les paroles.
M. Saint-Germain: Vous savez, avec la coopération
médicale ou l'ordre médical... C'est une vieille profession, la
médecine, aux traditions bien
établies, qui a un prestige et qui est capable de faire des
pressions. Je ne dis pas que ces pressions sont nécessairement
négatives; mais négatives ou positives, les positions se font
sentir et elles peuvent mettre dans un état d'insécurité
bien des hommes en autorité; et ceci, quels que soient les
gouvernements, surtout si un groupe de phy-siothérapeutes a
peut-être perdu, comme vous l'avez mentionné, un peu de
crédibilité. Cela ne nous aide pas comme groupe, si certains
thérapeutes ont perdu une certaine crédibilité. De toute
façon, puisque vous avez eu cette promesse, il me reste à
souhaiter que le ministre comprenne bien votre problème, parce que, pour
un homme qui a une profession, un gagne-pain, et qui se voit assis entre deux
chaises, comme vous l'êtes, c'est certainement inhumain. Cela place
toujours ces citoyens dans des positions excessivement inconfortables. Ce sont
toujours des situations injustes pour l'individu qui a à subir ces
préjudices. Je vous souhaite bonne chance.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Pointe-Claire.
M. Shaw: Je connais bien votre situation, parce que même
dans ma bâtisse, à Montréal, en face du Lakeshore General
Hospital, nous avons un centre de physiothérapie qui est presque
fermé à cause de la décision d'enlever le droit,
même aux médecins qui pratiquent l'orthopédie, pour donner
le pouvoir de fournir des soins de physiothérapie aux physiatres, c'est
incroyable. Vous savez comme moi que c'était une décision du FMOQ
qui a été un pas de leur convention collective. Je peux constater
la situation.
Le gouvernement doit faire face à la vérité en ce
sens que les services que vous donnez sont très importants dans le
domaine des accidents d'automobiles. Pour garder la même qualité
dans les services qui sont actuellement rendus à la population par le
secteur privé, nous avons besoin d'accepter que la Commission des
accidents du travail respecte le fait que vous donniez ces services à la
population. Cela, c'est une première étape, parce que, si le
projet de loi est accepté comme prévu, c'est important que les
Québécois accidentés aient accès au service de
physiothérapie.
Mais si on accepte la situation qui existe présentement avec la
Commission des accidents du travail, vous savez comme moi que ces services ne
sont pas payés, sauf qu'ils sont donnés à l'hôpital
ou par un physiatre. Je suis totalement d'accord avec votre situation.
Personnellement, je crois que c'est important de proposer à la
Commission des affaires sociales et je vais prendre votre position, parce que
je suis convaincu que les services des physiothérapeutes doivent
être payés.
Je dois vous poser une question en même temps. Vous savez comme
moi qu'il n'y a pas d'autres "paramedicals" qui sont payés à
l'acte. Est-ce que vous croyez qu'il y a un autre moyen d'avoir un revenu?
M. Lamarche: Je vous remercie d'avoir posé la question.
C'est certainement un problème très délicat, cette
question de rémunération à l'acte, à la vacation ou
à salaire.
Evidemment, comme fédération, en principe, on se doit, et
moi comme président, de défendre la question de la
rémunération à l'acte, mais je vous dis que, s'il y a
moyen d'en arriver à des ententes claires qui permettraient d'avoir nos
pratiques privées avec une certaine forme de revenu correspondant au
moins à l'échelle de l'hôpital, à l'échelle
de la convention collective dans le milieu hospitalier, moyennant
évidemment une certaine compensation pour les investissements qui furent
et qui seront faits par les physiothérapeutes impliqués
personnellement, je serais certainement prêt à étudier
très sérieusement un tel genre de possibilité. Je dois
vous dire qu'au niveau de notre exécutif, c'est une des questions
à l'ordre du jour, non pas de notre prochaine réunion, mais qui
est à l'étude pour notre dernière année de
mandat.
Je ne vous dis pas que je m'engage sur la question d'une entente; j'ai
quand même des membres à qui je dois faire faire de telles
remarques, mais je dois vous avouer qu'on est prêt, je le pense bien,
à se pencher sur cette question. Ce qu'on demande, c'est de faire en
sorte que la population puisse utiliser nos soins, qu'on ne vive pas dans un
contexte insécure et qu'on puisse quand même continuer à
remplir nos fonctions dans un milieu que nous considérons
agréable. Je veux bien que vous me compreniez, à savoir que je
n'ai absolument rien contre le système hospitalier comme tel. Ce que je
veux vous dire tout simplement, vous le connaissez; je ne sais pas quelle
tendance le gouvernement prendra, mais si c'est une tendance socialisante,
j'aimerais bien que ce soit socialisant pour tout le monde. Il ne faudrait
quand même pas qu'il n'y ait que quelques petits groupes qui soient
toujours impliqués dans la question socialisante et que les autres, qui
sont plus forts, passent à côté, et il n'y a pas de
problème.
Ce que je veux vous dire tout simplement, c'est que le milieu
hospitalier et le milieu privé ont leur place. Le milieu privé
permet à l'individu d'offrir un meilleur service plus tard s'il le
désire, après les heures. Le milieu privé permet à
l'individu d'aller chercher les appareils qu'il désire, les appareils
qui sortent sur le marché, qui sont les plus récents. Vous allez
dire: Le milieu hospitalier pourrait le faire aussi. Je vais vous donner un
exemple. L'hôpital Saint-Luc, à Montréal, où le
président des physiatres, qui sont des médecins qui ont quand
même une compétence et une valeur, n'a même pas encore
d'appareil qu'on appelle néodynator, qui est sur le marché depuis
au moins une vingtaine d'années. Ce n'est pas concevable qu'un
hôpital, avec un centre de physiothérapie comme ça, n'ait
pas encore cet appareil. Chez moi, je l'ai, parce que je sais que cet appareil
est important; ça me donne des résultats. Je vous donne un
exemple entre un milieu privé où vous faites face à une
certaine concurrence, vous voulez vous valoriser comme professionnel, vous
voulez obtenir des résultats, et face à un milieu hospitalier. Je
vous laisse le soin de
réfléchir sur ces idées, mais va-t-on toujours
remettre en question la socialisation ou l'orientation capitalisante, appelez
cela comme vous le voulez, ou l'orientation privée, devrais-je dire. Je
vous donne simplement cette situation, c'est que si, pour nous, il y a moyen
d'offrir notre service, notre service soit facilement accessible. C'est ce
qu'on désire avant tout.
M. Shaw: Une autre question qui est encore importante. Vous
travaillez maintenant sur ordonnance d'un médecin, est-ce vrai?
M. Lamarche: II faut, encore là, sans faire de
sémantique, bien clarifier cette situation. Le Dr Roy était ici
tantôt, je ne savais pas qu'il était ici; on a souvent
parlé, le Dr Roy et plusieurs physiothéra-peutes, de cette
question. Je vous remercie de soulever cette question, elle est très
importante et très pertinente.
Le médecin omnipraticien je donne des exemples a un
cours de 117 crédits universitaires à l'Université Laval.
Le physiothérapeute a un cours de 104 crédits universitaires
à l'Université de Montréal. Je fais le parallèle
simplement pour vous situer. Là où il y a une grosse
différence dans la durée des études, c'est que les
omnipraticiens ont une année et demie d'internat alors que nous n'en
avons que quatre mois. Ceux qui le veulent peuvent poursuivre des études
par après. Pourquoi vous dis-je cela? C'est que ma compétence me
donne la possibilité de bien comprendre mon acte thérapeutique.
Quand j'ai un patient devant moi, j'ai assez de "jugeote" et j'ai des
confrères qui ont assez étudié, qui ont fait de la
recherche, pour me dire: Ce gars-là, pour le ramener au plus vite, cela
prend tel genre de thérapie. Ce que je veux dire, c'est que, finalement,
on ne traite pas sur ordonnance comme telle, on traite sur
référence. On dit au médecin: Posez le diagnostic, vous
avez une compétence pour poser le diagnostic, faites la thérapie
biochimique, vous avez une compétence en ce qui concerne la prescription
des médications". Cela peut se faire en collaboration, remarquez bien,
parce qu'il y a possibilité pour n'importe quel patient d'aller chercher
des médicaments à la pharmacie, si c'est nécessaire, comme
des relaxants musculaires. Vous posez le diagnostic et le
physiothérapeute, dans sa compétence thérapeutique pose le
traitement. Evidemment, la médecine a de la difficulté à
accepter cela, et je me souviens d'avoir discuté de cela avec le Dr Roy.
S'il était ici, je le répéterais et je le
répéterai devant lui; si jamais l'occasion se représente
et si c'est nécessaire. C'est que si le médecin veut aussi
être physiothérapeute, qu'il ajoute trois années à
ses études. Les gars riraient, c'est entendu, dans le contexte actuel,
mais c'est tout de même cela. J'ai trois années d'études
sérieuses, approfondies, dans mon domaine. En ce qui concerne le
système musculosquelettique, je ne vous donne que l'exemple de
l'anatomie de la neurophysiologie. Les physiothérapeutes ont plus de
formation là-dedans que les médecins n'en ont. Cela fait mal de
constater que des non-médecins dans le monde de la santé sont
compétents dans un domaine précis qui s'appelle la
musculosquelettique et qui peuvent dire au médecin: Ecoute, dans un cas
comme celui-là, c'est de la glace que je vais mettre, je ne mettrai pas
de chaleur. Dans un cas comme celui-là, je ne ferai pas de traction. Ce
que je veux dire, c'est que nous travaillons sur référence et
diagnostic des médecins et non pas sur l'ordonnance
détaillée des médecins. Alors, vous allez probablement
amener la question légale de la responsabilité. On a des
conseillers juridiques à la Fédération professionnelle des
physiothérapeutes. Ils nous ont dit: Le physiothérapeute, dans le
milieu privé je dis cela sous réserve, mais c'est
l'interprétation que j'ai pu voir, lorsque j'ai lu cette argumentation
des conseillers juridiques quand il décide de poser un acte
thérapeutique, que le médecin lui envoie un patient, que ce
patient lui est référé par un médecin, est
responsable de l'acte thérapeutique qu'il pose.
Si j'ai posé un acte thérapeutique qui n'était pas
indiqué, c'est moi qui en suis responsable. Evidemment, il y a là
des interprétations difficiles, parce qu'on a un titre
réservé, on n'a pas d'acte exclusif. Je vous signale encore, pour
votre information, qu'il y a aussi des techniciens en réadaptation au
niveau collégial et les médecins physia-tres disent: On n'a pas
besoin des physiothérapeutes au niveau universitaire, ce sont des gens
superformés. Les techniciens sont aussi bons. Faire un ultra-son, il n'y
a rien de bien compliqué là-dedans. Pourquoi vous le faites,
c'est là la question. Les médecins physiatres disent: Les
physiothérapeutes au niveau universitaire, ce n'est pas
nécessaire, les techniciens font bien ce qu'on leur dit de faire, on
peut continuer avec eux, on va continuer comme cela et on fera des
administrateurs avec les physiothérapeutes. Ils feront de la
recherche.
Je vous dis, comme physiothérapeute, que ce sont des cliniciens
que cela vous prend. Ce qui est important, ce n'est pas de donner 100
traitements ou 50, c'est d'en donner 10 et que le patient guérisse au
maximum. C'est un clinicien, c'est un praticien de la santé dans le
domaine musculosquelettique dont on a besoin et, en fait, je pense que, dans
cette orientation-là, avec les médecins, particulièrement
le Collège des médecins, au niveau du Dr Roy, il y a un peu de
conflit. Mais je tiens à vous signaler qu'au niveau de la
Fédération des médecins omnipraticiens, au niveau de la
Fédération des médecins résidents et internes, on
semble très bien s'entendre sur cette orientation, jusqu'à un
certain point. On va s'entendre sur cette question.
M. Shaw: Alors, dans le bill 67, les implications,
premièrement, c'est que les accidentés doivent avoir accès
à vos services et, deuxièmement, c'est évident que,
maintenant, les hôpitaux sont surchargés de cas. C'est pour cela
qu'il y a des cliniques privées. Même avec ceux qui ont
accès aux hôpitaux sans frais, vous avez des patients dans vos
bureaux parce qu'ils n'ont pas les moyens d'avoir des services à
l'hôpital. Est-ce que c'est vrai?
M. Lamarche: Si vous me le permettez, il y a deux raisons. Il y a
celles que vous mentionnez. Les hôpitaux sont surchargés. Si on
exploitait adéquatement le service de physiothérapie d'un
hôpital, seulement pour les patients hospitalisés,
déjà, les physiothérapeutes seraient
débordés. Evidemment, s'il y avait une exploitation
adéquate du service. Je suis content que vous souleviez la question,
encore une fois, parce que je sais que M. Sauvé va vous répondre,
Mme le ministre, de la façon suivante: L'orientation de la CAT, c'est
d'ouvrir les hôpitaux le soir. C'est bien beau, il y a des ententes
signées. Je pense qu'il s'agit de Sacré-Coeur, l'Hôtel-Dieu
et Notre-Dame, et peut-être Saint-Luc. Avec ces ententes signées
à ces endroits-là, peut-être qu'on va ouvrir le soir. Mais
il ne faut pas se leurrer. Le gars qui est à Saint-Eustache, qui
travaille à la General Motors, qui s'est fait mal à
l'épaule et qui décide qu'il a besoin de soins de
physiothérapie, mais qui ne veut pas manquer sa journée de
travail c'est un cas d'accident de travail, et cela s'applique aussi au
Code de la route ce gars-là fait sa journée et il a besoin
de physiothérapie le soir.
M. Sauvé va vous dire: On va ouvrir les hôpitaux le
soir. Mais il va arriver que la CAT ou la Régie de l'assurance
automobile va payer le taxi de ce gars-là pour le promener de
Sainte-Thérèse à Montréal ou à Cartierville,
parce que, le soir, c'est ouvert, et les soins vont être gratuits pour
lui à l'hôpital. Par contre, on va être obligé de
payer son taxi pour le rendre là. Il y a là un système qui
ne va pas. Il y a une incohérence. Il y a même une
incohérence plus grave. Dans la présente Loi des accidents du
travail, on se trouve dans une drôle de situation. L'article 48.8 dit:
Aucun honoraire ni aucune dépense pour l'assistance médicale
prévu par la présente loi ne peut être
réclamé d'un ouvrier qui subit un accident au sens de la
présente loi, et nulle action à cette fin n'est reçue par
aucune cour de justice. Ce que je veux vous dire, c'est que cela s'applique
encore pour la Régie de l'assurance automobile si jamais vous alliez
dans le même sens que la politique de la CAT.
Présentement je travaille en face de l'Hôtel-Dieu de
Montréal. Je reçois un patient qui arrive à mon bureau,
référé par un médecin avec un diagnostic. C'est un
cas d'accident de travail. Le gars marche tout croche, il a de la
difficulté à avancer, il va à l'hôpital à
côté, et on ne peut pas le recevoir, les services sont
débordés.
Selon la loi je ne peux même pas le recevoir non plus pour le
traiter, je n'ai pas le droit d'exiger des honoraires. La CAT ne me paye pas
pour les traitements, la CAT refuse de le rembourser pour les traitements de
physiothérapie qu'il accepterait de payer. En principe, je suis
obligé de dire à ce gars-là: Mon vieux, ton mal de dos,
endure-le. Je ne le fais, entre nous, je ne le fais pas.
C'est un fait, mon premier rôle est quand même d'aider ce
bonhomme. Il reste que, présentement, c'est ce qui existe, on est
quasiment coincé, on ne peut même pas rendre le service pour
lequel on est compétent. Vous avez la situation, c'est l'article 48.8
qui nous oblige...
Je parlais justement la semaine dernière avec M. Néron de
cette question. Il y a une relation entre la chiropractie et la
physiothérapie. On travaille à peu près dans les
mêmes domaines. Présentement, la CAT a décidé de
payer les traitements de chiropractie s'ils sont sur ordonnance ou prescription
médicale, toujours en mettant le terme entre guillemets.
J'ai dit à M. Néron: Pourquoi ne faites-vous pas la
même chose avec les physiothérapeutes qui ont des cabinets
privés? Nous aussi, on a fait des investissements et on est dans le
même contexte. Il a dit: Les chiropracticiens sont seulement dans le
milieu privé, eux, et vous êtes dans le milieu public. Cela
n'arrange rien pour nous qui nous retrouvons dans le milieu privé. Nous
aussi, on est là, qu'on le veuille ou non. Nous aussi, on est
impliqué. Dans le contexte présent, il y a encore une
ambiguïté.
M. Shaw: Une dernière question. Je le trouve aussi
intéressant parce que 90% de ceux qui ont des accidents qui impliquent
une cassure de l'os ont besoin, idéalement, des services des
physiothérapeutes. Maintenant, vous prenez soin de combien d'entre eux,
10%, 15%?
M. Lamarche: Tantôt, vous avez mentionné une raison
pour laquelle on avait encore des patients. Il y en a une autre aussi. Le
patient qui vient chez nous, il paye $10, $12 ou $15 pour le traitement, alors
que c'est gratuit ailleurs. Pourquoi vient-il chez nous?
D'accord, il y en a qui sont quand même couverts par un certain
système d'assurance présentement, mais ce n'est pas tout le monde
qui a des assurances privées. On voit quand même que le milieu des
assurances privées veut couvrir de plus en plus la question de la
physiothérapie.
Il vient chez nous parce que je suis obligé de lui donner un
très bon service de physiothérapie. Même si c'est gratuit
ailleurs, dans les cabinets de certains physiatres... Remarquez que l'argument
peut être servi à l'inverse: Si les physiatres étaient
là, ils vous diraient qu'ils ont eu des patients venant des cliniques
privées chez eux. Remarquez que c'est gratuit chez eux de toute
façon. Mais ils pourraient vous donner comme raison que ce n'est pas
notre compétence qui les attire. Je vous garantis que j'ai quatre ou
cinq patients présentement qui pourraient aller chez desphysiatres
où c'est gratuit et qui préfèrent venir chez nous et payer
leurs traitements pour obtenir les soins.
Sur le plan des statistiques et du pourcentage des cas de fracture dont
vous parlez justement, je regrette, je n'ai pas de réponse
précise. Tout ce que je peux vous dire c'est purement un
détail, mais je vous le dis une fracture doit être
traitée dans les plus brefs délais, dès qu'il y a
commencement de fusion de l'os.
Ceci peut être fait dans les deux à trois semaines qui
suivent la fracture dans le plâtre. Je ne sais pas s'il y en a parmi vous
qui ont vécu l'expérience d'un plâtre, mais l'atrophie d'un
muscle, cela vient vite. Si on est capable de commencer
notre thérapie immédiatement lorsque le patient est dans
le plâtre et lui enseigner ses exercices en isométrique, on peut
obtenir des résultats et peut-être sauver deux ou trois semaines,
peut-être quatre semaines, pour ce bonhomme, pour son retour au travail,
et sauver énormément de problèmes de douleur.
Ce que je vous dis simplement, c'est que vous avez des
physiothérapeutes qui sont là. Il y a une compétence
possible encore meilleure que celle que nous avons à aller chercher, et
sacrifice! On est là, on vous l'offre, et si la société ne
se décide pas à la prendre, qu'est-ce que vous voulez qu'on
fasse? Je vais m'en retourner avec mes petites choses et je vais essayer de
gagner ma vie, toujours dans le domaine de la physiothérapie. Je
réponds à votre question de cette façon.
Le Président (M. Boucher): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: J'aimerais offrir à nos invités toute
notre sympathie pour leurs multiples démarches dans le passé.
C'est un des premiers dossiers dont j'ai été personnellement
saisi après le 15 novembre. Il m'est arrivé d'écrire deux
ou trois fois au ministre Lazure pour essayer de régler cela.
Je constate que le problème est réglé en partie, en
ce qui concerne les actes posés par les physiatres, mais qu'il reste
encore énormément de problèmes à régler.
J'aimerais simplement vous poser deux petites questions relatives à la
loi 67.
Vous avez combien de cabinets de pratique privée actuellement au
Québec et cela touche combien de personnes?
M. Lamarche: II y a présentement 30 cabinets de
physiothérapie appartenant à des physiothérapeutes. Je
vous donne les statistiques les plus récentes, mais avec une marge
d'erreur d'un ou deux en plus ou en moins. Cela peut toucher approximativement,
en moyenne, par jour, trente fois de vingt à vingt-cinq patients. Je
parle des cabinets en question. Vous multipliez cela par trois jours,
supposons, parce qu'il y a des patients qui viennent deux ou trois fois dans
une semaine. En multipliant par trois... Je n'ai pas fait les statistiques, je
vous les donne de mémoire et approximativement.
M. Paquette: Est-ce que vous pouvez nous dire également
quel pourcentage des cas que vous traitez provient d'accidents
d'automobiles?
M. Lamarche: J'oserais dire environ 20%, deux cas sur dix.
M. Paquette: D'accord. C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Boucher): Comme il n'y a pas d'autres
intervenants... M. le député de Champlain.
M. Gagnon: Juste une petite question. Est-ce que j'ai bien
compris que vous avez mentionné que, maintenant, les physiatres ne
pouvaient pas faire fonctionner plusieurs cliniques en même temps?
C'était le cas, à un moment donné, quand j'ai eu
l'occasion d'être soigné par des physiothérapeutes. Est-ce
que c'est changé?
M. Lamarche: Ce que les physiatres savent, c'est que le
ministère a décidé de régler ce problème.
Les physiothérapeutes le savent aussi. Ce que les physiatres savent de
l'interprétation du ministère, c'est que le physiatre va
accomplir l'acte lui-même. Accomplir l'acte lui-même, cela veut
dire participer. Les physiatres ne le font pas, ils ne le font pas du tout; en
grosse majorité, ils ne posent pas l'acte.
Par contre, ils savent que, pour poser l'acte, en principe, ils doivent
être présents et, comme ils ne peuvent pas être
présents à une clinique et à un autre, à ce
moment-là, ils ont fait en sorte de se débarrasser d'une
clinique, ils n'en ont gardé qu'une. Je sais que, dans certains cas, au
lieu d'avoir une clinique à un étage, c'est une clinique à
trois étages, mais ils sont présents.
Ce que je veux dire, c'est qu'on a éliminé la question de
multiples propriétés en ce qui concerne les cabinets de
physiothérapie et de physiatrie, mais, par contre, le système
continue toujours et les actes ne sont pas posés et les gens
bénéficient de la "castonguette" à ces endroits. Je vous
dis que le système roule encore, malgré tout.
M. Gagnon: Vous avez parlé d'une possibilité de
traiter de 20 à 25 clients par jour, de malades par jour, ce qui veut
dire que, si vous participez à l'acte ou au traitement, c'est le maximum
a peu près possible.
M. Lamarche: Si on veut donner un service adéquat, c'est
un maximum.
M. Gagnon: Ce qui veut dire que, si vous participez à
l'acte ou au traitement, c'est le maximum à peu près
possible.
M. Lamarche: Si on veut donner un service adéquat, c'est
un maximum, absolument.
M. Gagnon: Ce qui voudrait dire que, selon vous, celui qui
traiterait beaucoup plus de patients que cela, on peut avoir des doutes
sérieux qu'il ne pose pas l'acte lui-même.
M. Lamarche: Si vous saviez, je ne vous montrerai pas toute la
correspondance que j'ai, parce que je ne sais pas combien de fois j'ai
écrit à M. Lazure sur cette question. J'ai même
suggéré à la Régie de l'assurance-maladie et
à la CAT de compter elles-mêmes.
En fait, le chef de cabinet de M. Lazure, dans une lettre, me dit:
J'attends toujours vos remarques sur des faits concrets et précis de
violation de la loi. Je ne suis pas un système d'enquête. Il faut
que je gagne ma vie. Je ne peux pas
commencer à nommer trois ou quatre de mes "chums" et à
dire: Va à telle place ou à telle place. Finalement, je pense que
la Régie de l'assurance-maladie est là pour faire les
enquêtes. Même, dans la brochure publicitaire qu'elle envoie toutes
les semaines, à un moment donné, il y a eu un article sur
l'efficacité du système d'enquête de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec. Je vous avoue que je n'en ai pas encore
les preuves, que j'ai hâte de les voir et que je vais être content
de le dire.
Pour répondre à votre question, c'est exact; à mon
point de vue, 20 à 25 patients par physiothé-rapeute par jour,
par journée de travail, c'est un maximum, approximativement. Je ne peux
pas vous dire si j'en fais 28 dans une journée, parce que j'ai trois
patients qui arrivent et qui ont bien mal dans le cou, mais je vous donne un
point de vue approximatif.
M. Gagnon: Moi aussi, je souhaite, de toute façon, que le
problème se règle le plus tôt possible. Merci.
Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.
M. Renaud (Claude): Est-ce que je pourrais ajouter quelque
chose?
Mme Payette: Vous parlez, vous?
Le Président (M. Boucher): Si vous voulez approcher votre
micro, s'il vous plaît!
M. Renaud: Cela fait tellement de fois que je me fais dire cela
que... Je voudrais ajouter deux choses: D'abord, présentement, nous
avons la possibilité de traiter des accidentés de la route. Si
maintenant vous utilisez la même procédure pour les
accidentés d'auto que pour les accidentés de travail, on vient de
les perdre, premièrement. Donc, ces gens, au lieu de gagner quelque
chose, vont perdre quelque chose, selon moi, parce que l'hôpital est
plein.
Deuxièmement, si nous demandons de traiter les patients,
dites-vous toujours que nous ne sommes pas là pour abuser et traiter le
patient sans contrôle. Car nous le savons, nous devons retourner le
patient à son médecin qui, lui, contrôle, vérifie et
décidera si oui ou non les traitements sont justifiés. Bien
entendu, on va donner notre avis, mais il est très important que vous
sachiez que nous sommes toujours soumis à un contrôle. Si un jour
vous nous donnez la possibilité, si ce n'était que de traiter les
cas d'accidents d'auto, il ne pourrait jamais y avoir d'abus, car nous sommes
tenus le plus possible de travailler d'après des
références médicales et nous devons toujours retourner le
patient en vue d'un contrôle. Nous ne sommes pas ici pour venir chercher
un abus, mais sachez que nous nous imposons un contrôle. J'ai dit ce que
j'avais à dire.
M. Lamarche: Vous me permettez de vous remercier. Je vous
remercie tout le monde. Mon simple petit détail, c'est que le
système de Medi-caid aux Etats-Unis couvre les traitements de CAT pour
les physiothérapeutes. Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Boucher): Mme le ministre.
Mme Payette: M. le Président, simplement pour remercier
à nouveau nos invités pour l'information qu'ils nous a
apportée. Certains députés étaient parfaitement au
courant. Ils ont peut-être perdu trace du dossier, mais je pense que vous
venez de le remettre sur la table.
M. Lamarche: Je vous remercie.
Le Président (M. Boucher): Au nom de tous les membres de
la commission, je vous remercie pour la présentation de votre
mémoire.
Maintenant, pour l'information des membres de la commission, la
commission ne siège pas demain. Elle siégera possiblement mardi.
Nous entendrons les mémoires du Garage coopératif de
Québec; ensuite, celui du Syndicat des fonctionnaires et celui de la CSN
qui demandent, par message, de les recevoir dans le courant de la semaine
prochaine. Ce sont les trois mémoires qui restent à entendre.
M. Lalonde: M. le Président, vos dernières paroles
indiquent qu'il n'y a pas d'autre mémoire et pas d'autre invité
après ceux-là.
Le Président (M. Boucher): Non.
M. Lalonde: Est-ce que, d'après vos informations, ce sera
mardi matin ou après l'ouverture de la séance?
Mme Payette: M. le Président, mon souhait serait que ce
soit mardi matin. Nous devons attendre un ordre de la Chambre demain.
M. Shaw: M. le Président, est-ce que nous pouvons
être renseignés? Je suis membre de la commission qui fera
l'étude du projet de loi no 24. J'ai entendu dire que nous allions
commencer à entendre des mémoires mardi. Si on commence dans la
matinée, ce sera mieux, parce que j'aime bien être ici pour le
premier de ces trois...
Mme Payette: M. le Président, à ma connaissance, je
crois qu'il sera proposé qu'on siège mardi matin à 10
heures.
M. Shaw: D'accord, parfait.
Le Président (M. Boucher): La commission ajourne ses
travaux sine die.
(Fin de la séance à 23 h 2)
ANNEXE 1
W.F. Gough M.D.,
2355
Hemmings Road,
Drummondville, P.Q.
J2B-7T5.
September 15th 1977. Secretariat,
Parliamentary Commissions, Room 2, Bldg "A", Parliament Bldgs, Quebec,
P.Q. DearSir' Re Bill No. 67 "Automobile Insurance Act".
As a sufferer from arthritis, I find it necessary to leave the province
on the onset of the cold weather.
Therefore, although I may not be able to present myself before your
committee, I wish you to take notice of my viewpoint, and see that it is
presented to the Committee.
My present insurance, which has all coverance, covers me from May 1st to
May 1st. However, owing to my absence from the Province during the late autumn
and winter months, my insurance, with the exception of "Fire and Theft
Insurance", is cancelled from Nov 1st to May 1st, and I receive a rebate,
applicable to the next year's insurance.
During the winter months, I take out the battery, place it in the
cellar, leave my car in a locked garage, and the car cannot be taken out.
Why then, under Bill No. 67, should I have to pay insurance to the
Province of Quebec, for the whole year?
I believe there are many thousands of Quebec residents, particularly the
older ones, who leave the Province for the winter. The time varies, but many of
them leave for the entire six months.
Why then, do we have to pay insurance for the entire year?
My present policy, which I have had for some fifty years, now makes
allowances for the fact that I do not use my car from Nov 1st to May 1st of the
succeeding year. Will Bill 67, take this into account and allow people like
myself to obtain a rebate of six months, upon placing our cars in an
inoperative condition, in a locked garage?
If your committee has not yet given this matter their attention, I beg
of you to place my views before the committee, since I am afraid I shall not be
here when the hearings are held.
I would remind you that I am a taxpayer, and have been resident in
Quebec for fifty years, and have therefore paid more taxes than many of your
members, or your P.Q. Parliamentary representation.
Yours truly, W.F. Gough. M.D.
QUEBEC, October 11, 1977.
Mr. W.F. GOUGH, m.d., 2355 Hemmings Road, Drummondville, Que. J2B7T5
Dear Sir:
On behalf of madame Lise Payette, minister of Consumer Affairs,
Cooperatives and Financial Institutions, I acknowledge receipt of your letter
dated September 15, and we apologize for the delay in answering your letter of
August 19.
We can assure you that steps will be taken allowing for temporary
suspension of automobile insurance and since control of compulsory insurance is
tied to the insurance of licence plates, it is likely that we will request that
licence plates be returned on this occasion.
Enclosed is an Automobile Insurance Reform "brochure". Yours truly,
Jacques DESMARAIS Executive Assistant
AN N EXE II
Mémoire de la
Corporation professionnelle des médecins du
Québec à la Commission parlementaire
sur le Projet de Loi 67 Loi sur l'Assurance
automobile
le 30 septembre 1977
Mémoire de la Corporation professionnelle des
médecins du Québec
sur le projet de Loi no 67 Loi sur l'Assurance
automobile
La Corporation professionnelle des médecins du Québec a
pris connaissance du projet de loi no 67 et son attention a été
attirée en particulier sur les articles 63, 64 et 66 de ce projet de
loi.
Ce sont là les seuls articles sur lesquels le devoir de la
Corporation de protéger le public l'incite à formuler des
commentaires.
Article 63
L'article 63 énonce que l'examen médical par le
médecin désigné par la Régie doit se faire suivant
"les formalités prescrites" c'est-à-dire suivant les
formalités prescrites par règlement de la Régie (art.1,
par.22).
La Corporation estime très important que ce règlement ne
puisse être adopté sans un préavis d'au moins 30 jours
publié dans la Gazette Officielle du Québec en reproduisant le
texte afin que, le cas échéant, les médecins, la
Corporation ou les membres du public puissent formuler des suggestions à
son égard. Il semble que ce soit là le sens de l'article 177 du
projet de loi. Mais cela n'est pas très clair. En effet on peut
très bien interpréter l'article 177 comme ne
référant qu'aux règlements dont il s'agit à
l'article 176 où on ne retrouve pas celui concernant les
formalités des examens médicaux. La Corporation souhaite donc que
ce point soit clarifié.
Article 64
Les seconds commentaires de la Corporation portent sur l'article 64. La
Corporation estime que la rédaction de ce texte est beaucoup trop large.
Il permet à la Régie d'obtenir des informations sur tous les
problèmes de santé d'un réclamant, présents ou
passés, qu'ils soient reliés ou non à l'accident, qu'ils
soient reliés ou non à l'incapacité pour laquelle il
réclame.
La Corporation est d'avis que ce texte fait outrage au principe du
respect de la vie privée proclamé à l'article 5 de la
Charte des droits et libertés de la personne et qu'il n'est nullement
besoin d'aller aussi loin pour permettre à la Régie
d'apprécier les incapacités ou de les réévaluer.
D'ailleurs si cet article était pris à la lettre il obligerait
tous les médecins qu'un réclamant a pu consulter lors du
déroulement de sa vie jusqu'à l'accident pour lequel il
réclame, d'envoyer des rapports à la Régie, ce qui est
évidemment confier aux médecins une obligation impossible
à remplir. La Corporation recommande donc que la première phrase
de cet article 64 soit restreinte aux seules consultations en rapport avec
l'accident survenu.
Quant à la seconde phrase la Corporation souhaiterait
également la voir restreinte aux seuls rapports médicaux qui
peuvent avoir trait à une incapacité antérieure ayant un
effet sur l'incapacité réclamée par la victime de
l'accident automobile. La Corporation croirait que le meilleur moyen pour
atteindre cette fin serait d'assujettir le droit de la Régie d'obtenir
"tout autre rapport médical" au consentement du réclamant ou
à défaut, à l'autorisation judiciaire.
La Corporation note en passant que la dernière phrase de cet
article 64 est ambiguë; grammaticalement elle peut s'interpréter de
telle sorte que la Régie puisse obliger un médecin à lui
fournir un rapport hospitalier, ce qui bien sûr s'avère une
impossibilité juridique: seul un centre hospitalier a la garde des
dossiers hospitaliers et un médecin n'a aucun pouvoir en tant que
médecin sur la conservation ou sur la transmission d'un tel dossier
(Voir article 4.4.11 des règlements édictés en vertu de la
Loi sur les Services de santé et les services sociaux).
Article 66
La Corporation préférerait que le mot "faits" à la
première ligne de l'article 66 soit remplacé par le mot "fournis"
pour être bien certain que cet article couvre tous les rapports transmis
par un médecin.
La Corporation croit comprendre que l'article 66 énonce que ni la
Régie, ni ses membres, employés, préposés ou
fonctionnaires ne doivent révéler les renseignements obtenus par
la réception des rapports médicaux concernés. Cependant la
Corporation n'a trouvé aucun texte dans le projet de loi
qui précise ce devoir au secret comme le fait, par exemple,
l'article 50 de la Loi de l'assurance-maladie (S.Q. 1970 c.37) à
l'égard des membres, des fonctionnaires ou des employés de la
Régie de l'assurance-maladie.
La Corporation ne peut manquer de souligner, à propos de la
protection du caractère confidentiel d'informations, la très
grande diversité et dissemblance des textes proposés dans les
projets de loi récents. Ainsi l'article 66 du présent projet de
loi diffère de l'article 26 du projet de loi no 9 (Loi assurant
l'exercice des droits des personnes handicapées) et de l'article 55 du
projet de loi no 24 (Loi sur la protection de la jeunesse). Les dissemblances
qu'on retrouve dans tous ces textes ne peuvent que donner lieu à des
interprétations variées d'une règle que le
législateur, nous en sommes certains, veut unique. Aussi
recommandons-nous que l'article 66 soit précisé d'une
façon semblable à celle que l'on retrouve aux articles 50 et
suivants de la loi de l'Assurance-maladie et qu'on assure une uniformisation
des textes à cet égard.
Enfin ce même article 66 énonce que les rapports faits par
un médecin à la Régie sont confidentiels et "à ce
titre, ne peuvent donner lieu à une réclamation en dommages". La
Corporation ne comprend pas très bien la portée de ce dernier
membre de phrase. Veut-on dire que le médecin qui commettrait une faute
professionnelle lors d'un examen médical ne pourrait pas être
poursuivi en dommages par la personne qui subit un préjudice à
raison de cette faute? Il nous apparaît injustifiable d'empêcher
une personne lésée de poursuivre un médecin en dommages
devant les Tribunaux civils sous prétexte que la faute a
été commise lors d'un rapport adressé à la
Régie. Serait-ce la Régie qu'on veut mettre à l'abri des
poursuites? A défaut par le projet de loi de préciser
l'étendue de l'immunité prévue à l'article 66 et
l'identité des personnes qui doivent en bénéficier, la
Corporation ne peut, pour l'instant, que recommander l'abrogation de ce membre
de phrase.
Ces brefs commentaires sont faits dans l'intérêt public,
pour assurer l'aspect confidentiel et la qualité des rapports
médicaux et la bonne application de la loi. Nous soumettons
respectueusement qu'il est important que cette Commission parlementaire les
prenne en bonne considération.
Le Président-Secrétaire général, Augustin
Roy, M.D.
Le 30 septembre 1977.
ANNEXE III
Fédération des Physiothérapeutes
en pratique privée du Québec
Federation of private practice Physiotherapists of
Quebec
La physiothérapie et le projet de loi no
67
Mémoire présenté à
Madame Lise Payette
Ministre
Ministère des Consommateurs, Coopératives et Institutions
financières, par
La Fédération des physiothérapeutes en pratique
privée du Québec 217, rue Dufresne
Pont Viau, Laval, Québec. H7G 3X3
OCTOBRE 1977
La Loi no 49 stipule à l'article 2b que la Régie de
l'assurance automobile du Québec peut conclure avec la Commission des
accidents du travail de Québec un contrat de service aux fins de
déléguer à cette dernière certaines fonctions
reliées aux demandes d'indemnisation pour dommages corporels qui
pourront être présentées en vertu de ce régime.
Le projet de loi no 67 stipule à l'article 46 qu'"Une victime a
droit dans tous les cas, sans limite de temps et dans la mesure où ils
ne sont pas déjà couverts par un régime de
sécurité sociale, au remboursement des frais raisonnables
occasionnés par la suite d'un accident pour des soins médicaux et
paramédicaux, le transport par ambulance ou autrement en vue de recevoir
ces soins, l'achat de prothèses ou d'orthèses et le remplacement
de vêtements. La victime a droit aussi au remboursement des autres frais
de même nature autorisé par la Régie".
A l'article 47, il est mentionné que "La Régie peut
prendre les mesures nécessaires et faire les dépenses qu'elle
croit opportunes ou convenables pour faciliter aux victimes la reprise du
travail, contribuer à leur réadaptation et atténuer ou
faire disparaître toute incapacité résultant d'un dommage
corporel".
La Fédération des physiothérapeutes en pratique
privée du Québec se doit d'informer le ministre sur la situation
de la pratique de la physiothérapie en milieu privé et sur les
relations qui existent entre le monde de la physiothérapie et la
Commission des accidents du travail du Québec.
Il faut à tout prix signaler ici l'importance des soins de
physiothérapie pour les accidentés de la route.
L'accessibilité à ces soins rapidement est une
nécessité qu'il ne faut pas négliger.
Il est donc important de constater que la politique de la CAT. face
à la physiothérapie est de diriger les patients vers le secteur
public, c'est-à-dire, les centres hospitaliers et les centres de
réadaptation.
Nous considérons que cette politique n'aidera pas
véritablement l'accessibilité des soins pour les travailleurs et
par surcroit pour les accidentés de la route. Lors de l'audition
à la Commission parlementaire, nous pourrons élaborer sur cette
question.
Nous tenons finalement à signaler qu'aucun Régime de
sécurité sociale autre que l'assurance hospitalisation ne couvre
les soins de physiothérapie.
Madame le ministre, il nous paraît important de discuter
principalement des quelques points soulevés ici et toute autre question
s'y rapportant. Permettez-nous de signaler que présentement les
accidentés jouissent par le biais de leur assurance, de la couverture
des soins de physiothérapie en milieu privé. Nous savons que la
Commission des accidents du travail de Québec devra se soumettre
à vos directives même si vos décisions ne correspondent pas
à leur point de vue. Nous osons donc espérer vous convaincre de
maintenir l'accessibilité à des soins gratuits en ce qui concerne
la physiothérapie en milieu privé.
LA FÉDÉRATION DES PHYSIOTHÉRAPEUTES EN PRATIQUE
PRIVÉE DU QUÉBEC,
Rolland Lamarche, Président