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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le mercredi 7 décembre 1977 - Vol. 19 N° 275

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures sept minutes)

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, madame, messieurs!

La commission permanente des consommateurs, coopératives et institutions financières reprend l'examen du projet de loi no 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de cette commission sont M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Landry (Fabre) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud); M. Russell (Brome-Missisquoi) remplacé par M. Le Moignan (Gaspé), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Vaillancourt (Jonquière).

Au moment d'ajourner nos débats, hier, nous en étions à l'étude de l'article 3 et la parole était au député de Rosemont. M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président. Mme Payette: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Oui, Mme le ministre?

Indemnités (suite)

Mme Payette: Si le député de Rosemont me le permet, j'aurais une information en réponse à une question du député de Nicolet-Yamaska au sujet des indemnités payées en vertu de l'article 46 et de la décomposition de ces indemnités.

Le Président (M. Bertrand): D'accord.

Mme Payette: Pour l'article 46, on compte, pour les vêtements, $3 millions; pour le transport et les frais de séjour, $4 millions; pour professionnels de la santé, $4 millions; médicaments, prothèses et divers, $5 millions, pour un total de $16 millions.

M. Fontaine: Est-ce qu'on a eu la réponse, à savoir si les bijoux étaient considérés comme des vêtements?

Mme Payette: Pas encore, c'est une question à laquelle on aura une réponse au cours de la journée.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont.

Indemnisation du dommage corporel Dispositions générales (suite)

M. Paquette: M. le Président, j'étais en train d'expliquer, hier, pour quelles raisons il me semblait nécessaire d'avoir une régie publique dans le domaine de l'indemnisation des dommages corporels. J'ai évoqué l'avantage, pour les Québécois, que les quelque $200 millions par année de réserves accumulées pour payer les rentes indexées soient contrôlés par leur instrument collectif plutôt que par un certain nombre de compagnies privées. D'autre part, j'ai expliqué que, pour donner aux victimes d'accidents d'automobiles une protection accrue et garantie dans un régime de base pour l'indemnisation des dommages corporels, et ceci, à un coût moyen ou moindre que celui qui existe actuellement, il était nécessaire de se donner un système sans égard à la responsabilité.

Bien sûr, pour répondre au député de Nicolet-Yamaska, dans un régime sans égard à la responsabilité, on pourrait concevoir un certain nombre de compagnies privées, mais qui devraient offrir essentiellement le même régime de base et le député de Nicolet-Yamaska semble croire que l'existence d'une certaine concurrence qui jouerait à ce moment-là uniquement sur l'efficacité dans les frais d'administration, pourrait avoir un avantage sur une régie publique.

Je lui soulignerais qu'actuellement les compagnies — je comprends que ce n'est pas calculé exactement de la même façon, mais j'attends toujours l'argumentation du député de Beauce-Sud — affectent 34% des primes perçues aux frais d'administration. S'il y avait une régie publique qui prenait 34% des frais, je pense que tout le monde crierait au scandale. Je n'ai pas l'impression que c'est en mettant les compagnies privées... Vous pourrez répliquer après et dire tout ce que vous aurez à dire là-dessus. Entre 34% et 6%, on aura beau contester ces chiffres, et essayer de les faire bouger dans les deux directions pour les rapprocher, on va avoir de la difficulté à faire passer un des chiffres par-dessus l'autre. Je pense que c'est assez clair que dans ce domaine, une régie publique peut fonctionner à un coût moindre que dix compagnies privées puisque la concurrence ne joue pas. On a un régime de base qui est identique.

J'aimerais également dire que je pense que toutes les objections qu'on nous a apportées face à la régie publique tiennent plus de la défense d'une philosophie sociale. On va peut-être penser la même chose des arguments que j'amène aussi, mais je ne pense pas, M. le Président. Je n'ai pas l'intention de défendre l'entreprise publique dans tous les domaines. Par exemple, dans le domaine des petites et moyennes entreprises privées que sont les bureaux de courtage dans le domaine de

l'assurance automobile, je pense qu'ils ont une place et je crois, moi, aux petites entreprises. Cependant, pour établir un régime social coordonné, planifié, qui a une certaine taille, qui nécessite un certain nombre de capitaux, il faut soit se tourner vers d'importantes compagnies multinationales ou, si on veut commencer un peu à prendre le contrôle de l'économie, se tourner vers l'Etat.

D'autre part, M. le Président, j'aimerais rappeler à nos amis d'en face la déclaration du député de Montmagny-L'Islet, lui-même courtier d'assurances, qui disait, concernant cette régie publique, là je cite le journal des Débats: II m'apparaît assez difficile de convaincre l'entreprise privée de procéder, en matière d'indemnisation des victimes de blessures corporelles, sur la base d'un système de "no fault", de non responsabilité, à partir de rentes indexées annuellement. Je ne dis pas que c'est totalement impossible, mais ce serait difficile pour des compagnies d'assurances, dans l'industrie privée. En effet, pour avoir véritablement un système équitable, juste et uniforme pour les réclamants, pour toutes les victimes, il faudrait que les compagnies procèdent elles-mêmes, à partir d'un mécanisme, d'une régie privée.

Je dirais au député de Beauce-Sud qu'on n'aurait peut-être pas un monopole, mais on aurait un cartel d'entreprises privées qui se coordonne avec une régie privée, laquelle aurait des modes uniformes pour déterminer les pertes de capacité ou tout autre événement découlant d'un accident d'automobile, de manière que toutes les victimes de blessures corporelles, suite à un accident d'automobile, soient vraiment indemnisées sur une base égale.

Cette déclaration du député de Montmagny-L'Islet a été faite le 24 août 1977. C'est au journal des Débats.

M. le Président, je pense qu'il va être extrêmement difficile pour les gens d'en face de nous convaincre que les compagnies privées pourraient se donner une telle régie qui serait privée, qui serait nécessaire pour payer des rentes indexées, comme cela semble juste et équitable sur le plan de l'indemnisation, et que cette exigence que nous avons quant à la non-responsabilité implique presque automatiquement une régie publique. Il y a évidemment d'autres facteurs qu'on nous a apportés concernant, par exemple, la bureaucratie. Je ne pense pas qu'avec 725 employés, comme nous l'a dit le président de la régie, M. De Coster, on ait une bureaucratie énorme. On va profiter d'organismes déjà existants et je souhaite que le président de la régie et les courtiers s'entendent de façon que les courtiers aient un rôle à jouer, afin de réduire cette bureaucratie.

Mais je tiens également à affirmer qu'à mon avis la bureaucratie dépend beaucoup plus de la taille des entreprises que du mode de gestion. Dès qu'on a une grosse entreprise, qu'elle soit coopérative, privée ou publique, on a des problèmes au niveau de la bureaucratie. Dans ce domaine, malheureusement, il est difficile de songer à une petite entreprise qui prendrait charge d'un régime de base dans le domaine des blessures corporelles. Cela va être nécessairement quelque chose d'assez gros et il y a moyen de réduire la bureaucratie et d'humaniser.

Dans le domaine de l'éducation, par exemple, on s'apprête à le faire, en décentralisant, en remettant des contrôles aux écoles, en remettant des pouvoirs aux parents, un peu sur le modèle de certains aspects de l'école privée. Il y a moyen de le faire dans ce domaine, il y a moyen de le faire dans d'autres domaines, mais il faut croire à l'entreprise publique. Il faut croire que la bureaucratie n'est pas un mal nécessaire.

J'aimerais dire également que j'ai eu personnellement... Tout le monde a eu des problèmes avec certaines bureaucraties d'entreprises privées. J'ai eu des problèmes avec General Motors en essayant de faire reconnaître des droits sur une garantie que j'avais.

J'allais de place en place et je n'arrivais pas à me faire reconnaître des droits. J'ai exactement le même sentiment lorsque j'essaie de défendre un électeur qui a droit à des prestations d'assistance sociale et qui ne réussit pas à les avoir.

Ce que je dis, c'est que cela dépend de la taille de la compagnie, cela ne dépend pas du mode de gestion. Je dis qu'avec 725 employés, avec des mécanismes relativement simplifiés, avec des indemnités qui vont être payées rapidement et avec la possibilité d'un facteur humain supplémentaire, soit l'introduction des courtiers dans le système — ce que je souhaite vivement—je pense que nous pourrons réduire cette bureaucratie.

D'autre part, on a lancé les hauts cris concernant l'histoiredes$200 millions qui seraient récupérés par une régie publique. J'aimerais donner un exemple qui est celui de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Si on avait laissé les fonds de retraite privés dans des compagnies privées au lieu de les regrouper dans un fonds public, on n'aurait pas cet instrument puissant qui gère près de $4 milliards par année — je pense que c'est de cet ordre — au service des Québécois, et qui a pris le contrôle de certaines banques et d'autres compagnies.

M. le Président, pour toutes ces raisons, je me suis exclamé face à un texte, le rapport Desjardins, je crois, que le député de Beauce-Sud lisait et qui disait: Ceci n'est qu'une étape vers une étatisation complète. J'ai laissé entendre que j'espérais qu'il en soit ainsi. J'aimerais dire que je l'espère, à condition que nous puissions prouver que cette régie publique est efficace.

Je pense que ce régime offre l'avantage de dire: On va avoir une régie publique dans le domaine corporel, là où c'est le plus urgent, là où c'est le plus pressant, là où les besoins sociaux sont les plus évidents et on va voir ce que cela donne. J'ai confiance qu'on va pouvoir l'administrer en deçà des frais de l'entreprise privée. On va pouvoir donner un meilleur service à la population à des coûts moindres. La prime moyenne va baisser. C'est le défi qu'on a à relever en tant que gouvernement. Je pense qu'il faut qu'on se laisse guider par des théories. J'en ai exprimé certains aspects. Il faut que les théories se conforment à la pratique et qu'elles donnent des résultats.

Si les orientations de philosophie sociale

qu'on peut avoir là-dedans ne donnent pas de résultats, je pense qu'on va être bien mal placés pour réaliser les craintes du député de Beauce-Sud qui sont pour moi des espoirs.

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: Je voudrais parler sur l'article 3. Comme il a été dit hier, mais pour le préciser, je pense que cet article comporte deux principes. Le premier, c'est celui d'une régie publique et le deuxième, c'est le principe d'assurance sans égard à la responsabilité.

Je parlerai d'abord contre l'établissement d'une régie d'Etat. Si j'ai le temps, je parlerai peut-être du second principe un peu plus tard.

En premier lieu, je voudrais bien marquer, je voudrais bien affirmer ici que cette régie d'Etat a toutes les caractéristiques d'un monopole. Un monopole, c'est un arrangement suivant lequel il n'y a qu'un seul producteur qui offre un service donné. C'est un arrangement tel que le consommateur perd la liberté de choisir celui qui lui offrira le service en question.

Ce n'est pas nécessaire que ce soit la totalité d'un service donné. Le service en question, quel qu'il soit, du moment qu'il est fourni par un seul producteur, constitue donc un monopole.

Mon métier d'économiste m'a peut-être permis de réfléchir davantage à ce genre de structure de marché. J'ai aussi pris connaissance d'une documentation très abondante qui existe déjà depuis plusieurs centaines d'années. Cela m'a permis également de prendre contact avec des auteurs qui, eux aussi, avaient réfléchi à ces questions.

On peut se poser la question suivante: Quels sont les effets d'un monopole? Je parlerai d'abord du monopole privé et j'indiquerai, par la suite, que le monopole public a à peu près les mêmes caractéristiques.

Le premier effet, qui est fondamental, d'un monopole privé, c'est celui de restreindre la production. Contrairement à ce que les gens pensent, le premier effet d'un monopole, ce n'est pas de créer des profits excessifs, c'est de restreindre la production, de produire à un niveau moins élevé que ce qui serait produit si on était dans un régime de concurrence. Parce qu'on restreint la production, on augmente les coûts de production, même dans un monopole privé. Parce qu'on restreint la production, on augmente effectivement les prix. Parce qu'il y a moins d'offres sur le marché, le prix peut donc être plus élevé qu'autre-ment. Généralement, cette augmentation de prix va se traduire par des profits plus élevés, des profits excessifs dans un monopole privé. Parfois, ces profits ne sont pas aussi élevés qu'on pourrait le penser parce qu'il y a une autre caractéristique du monopole qui est celle d'empêcher les autres d'entrer sur le marché. Dans la mesure où les profits sont tellement élevés, cela incite d'autres personnes à venir sur le marché.

Par conséquent, beaucoup de monopoles vont volontairement restreindre les profits qu'ils vont faire, pour ne pas briser, pour ne pas se faire enlever ce monopole par d'autres entrepreneurs. Parce qu'on restreint le nombre de personnes qui offrent des services ou de la production, on uniformise le produit ou le service en restreignant le nombre de personnes; on a moins de chance d'avoir des services qui vont être définis de façon différente par un autre entrepreneur, puisqu'il n'y en a plus qu'un seul. On dit généralement: Un monopole restreint la liberté de choix sur un plan philosophique, mais restreint la liberté de choix en pratique également parce qu'on n'a pas d'alternative. C'est pour cela qu'on dit que la variété de produits, la variété de services diminue. Enfin, un monopole privé conduit généralement, également, à moins d'innovation et à moins de progrès technique, parce qu'il n'y a pas d'expérimentation à partir d'autres idées que pourraient avoir des entrepreneurs éventuels, mais qui n'existent pas.

Donc, un monopole privé, c'est une structure de marché qui restreint la production, qui fait augmenter les coûts de production. C'est pour cela que, généralement, les économistes vont dire qu'un monopole privé, c'est dommageable par rapport à un régime de concurrence.

Un monopole public a tous les défauts que je viens de mentionner moins un. Un monopole public a tous les défauts, moins le fait que les profits excessifs, dans le cas d'un monopole public, appartiennent à l'Etat, à la collectivité, plutôt qu'à l'entrepreneur privé. Ce monopole public a tous ces défauts, en plus de plusieurs autres défauts quj n'apparaissent pas lorsqu'on examine un monopole privé. Quels sont ces défauts additionnels? Le premier, c'est que, dans un monopole public, le volume de la production ou le volume du service est défini d'une façon complètement arbitraire. Dans le cas que nous avons ici, le régime public qui est proposé, par exemple, dit: Cela va être limité à un revenu de $18 000. Ces $18 000 sont absolument arbitraires. Cela aurait pu être $19 000. Cela aurait pu être $17 000. Cela aurait pu être $20 000. Dans tous les cas de production publique, le volume de production est toujours déterminé de façon arbitraire. Qu'on pense à la musique qui est offerte, c'est arbitraire. Qu'on pense à la culture qu'on veut favoriser, c'est arbitraire. Qu'on pense aux parcs publics, c'est arbitraire. Le niveau de production n'a toujours aucune relation avec une réalité quelconque. L'arbitraire, pour moi, c'est toujours injuste.

Deuxième défaut additionnel, les prix, d'habitude, dans des régies publiques ou des monopoles publics sont souvent maintenus à des niveaux artificiellement bas. C'est dans ce sens, d'ailleurs, que les profits excessifs disparaissent.

On en serait même à penser que ce serait peut-être avantageux que les régies publiques fassent des profits excessifs, mais c'est contraire à la philosophie générale de ceux qui favorisent ces monopoles publics et, par conséquent, on fixe des prix artificiellement bas, avec le résultat qu'on fait accroître la demande des consommateurs pour ces services publics. On fait augmenter la demande, et comme le niveau de production est arbi-

traire, cela conduit toujours à des raretés. Il n'y a rien de plus caractéristique de services publics que la répartition des biens entre les consommateurs qui se fait toujours par les files d'attente, par le rationnement, et là, on a une quantité d'exemples que l'on peut donner de files d'attente et de rationnement. Pensons aux hôpitaux, où les gens peuvent attendre pendant des demi-journées et des journées pour se faire soigner. Pensons à l'éducation, et là, c'est une chose qui m'a renversé, comme député. Vous savez ce que j'ai fait au mois d'août et au mois de septembre? J'ai fait des représentations pour faire entrer des étudiants dans des universités, des corps publics, d'intérêt public. On en est rendu au point qu'il faut faire intervenir des députés pour les faire entrer dans des institutions publiques et on va me dire, à moi, que ça, c'est un régime équitable, que c'est un régime ouvert, que c'est un régime pour la philosophie sociale, pour favoriser le plus grand nombre. Cela, c'est de la blague!

M. Paquette: Qu'est-ce que ça donnerait, une université privée, M. le député?

M. Raynauld: C'est de la blague!

M. Paquette: Oui, pensez à une université privée et pensez aux conséquences.

M. Raynauld: Les $18 000 de revenu... Une Voix:... à prendre.

M. Paquette: On sait tout ça, ne vous en faites pas.

M. Raynauld:... est également... Ce revenu est donc un maximum et, par conséquent, on va faire une répartition en fonction des premiers arrivés, premiers servis. Je demande: Est-ce qu'une répartition comme ça, c'est plus équitable qu'une répartition en fonction de ce que les gens sont prêts à payer pour un service? Est-ce que c'est plus équitable? Je le demande. A mon avis, ce n'est pas plus équitable, c'est pire.

Ensuite, troisième défaut additionnel. Un monopole d'Etat, ça ne se brise pas. Un monopole privé, ça se brise. A peu près tous les monopoles privés dans l'histoire du monde ont été brisés à un moment ou à un autre. Ils ont été brisés par la force, le dynanisme des sociétés dans lesquelles ils étaient, par le dynanisme d'autres entrepreneurs qui ont trouvé un moyen de rogner, de réduire et d'empêcher ce monopole de continuer à s'exercer et à s'appliquer. Dans le cas d'un monopole d'Etat, c'est à peu près impossible de contourner ça. Il y a la force de la loi qui est là, et un monopole d'Etat ne se détruit pas ou se détruit bien difficilement.

Quatrième défaut additionnel: un monopole privé n'est jamais absolument total, absolument complet. Il y a toujours quelqu'un, une imagination quelque part qui va finir par contourner l'affaire, de sorte que, lorsqu'on dit qu'un monopole privé fait augmenter les coûts de production, dans le cas d'un monopole public, les coûts augmentent encore plus.

Cela a toujours été comme ça, il n'y a aucune raison de penser que ce ne sera pas comme cela et toute l'histoire du monde le démontre. La preuve a été faite par neuf que les coûts augmentent encore plus dans un monopole public que dans un monopole privé parce que ce monopole jouit d'une autorité exclusive et souveraine à cause de la loi.

Je vais rendre le député de Rosemont jaloux d'une telle information, lui qui vient de dire que s'il y avait jamais une régie d'Etat qui avait des coûts de production ou des frais administratifs de 36%, ce serait absolument intolérable: je vais lui dire de consulter le rapport annuel de la Régie de l'assurance-récolte du Québec. Savez-vous quels sont les frais d'administration par rapport aux indemnités versées dans le régime de la Régie d'assurance-récolte du Québec? En 1976, c'était trois fois plus que les indemnités versées; en 1977, c'était à peu près le même montant: $2 600 000 pour administrer la régie de l'assurance-récolte du Québec. On a versé en indemnités $2100 000. Cela a coûté $2 600 000 pour administrer et on a payé $2 100 000 et on vient me parler de cette Régie d'assurance-récolte du Québec. Ceci nous montre...

M. Vaillancourt (Jonquière): ... cette régie. Qui a fait cela? C'est une erreur.

M. Paquette: Avez-vous d'autres exemples comme celui-là?

M. Vaillancourt (Jonquière): En quelle année cela a-t-il été fait?

M. Raynauld: ... jusqu'à quels excès peuvent conduire les régies d'Etat. On vient nous dire... et heureusement le député de Rosemont nous dit: II faut y croire. Qu'il y regarde donc, et peut-être qu'à ce moment il va moins croire à la possibilité de réduire la bureaucratie et les frais d'administration. Bien sûr, on me dira que l'assurance-récolte n'est pas la même chose que ce qu'on va faire en assurance automobile. On a toujours dit cela, mais il y a des siècles d'expérience là-dessus qui nous démontrent que ce n'est pas vrai, que ça ne réduit pas les coûts de production, ça les augmente.

M. Paquette: C'est une des rares régies qui soit comme ça. C'est peut-être la seule et il faut s'en occuper.

M. Lalonde: La deuxième, c'est celle que vous faites.

M. Raynauld: Cinquième défaut additionnel des monopoles publics: les produits. J'ai dit tout à l'heure qu'un monopole privé uniformisait les produits et restreignait la variété de choix et la sélection qu'on peut faire des services et des produits. Dans le cas d'un monopole public, il est encore

davantage uniformisé. Pourquoi? — c'est inhérent à une régie d'Etat — C'est que le mécanisme de décision d'une régie d'Etat est nécessairement un mécanisme réglementaire par opposition à des transactions commerciales. Dans une transaction commerciale, il y a toujours la possibilité — ce sont des cas particuliers — de faire une transaction avec un individu différente de celle qui va être faite avec un autre individu. Dans le cas d'une régie d'Etat, c'est impossible. Je pense que ceux qui ont préparé la loi le savent. Entre obligé de recourir à des lois, à des mécanismes réglementaires et à des normes pour être capable de faire verser ces indemnités introduit des contraintes extraordinaires qui font que la liberté est davantage restreinte sur le plan des indemnités à verser.

Sixième défaut additionnel: les monopoles privés font quand même de l'argent et sont donc incités à offrir un meilleur produit et un meilleur service. Même s'il n'y a pas de concurrence, et peut-être parce qu'il n'y a pas de concurrence, ceux qui décident, dans un monopole privé, ont une incitation à être plus efficaces parce qu'ils vont faire davantage d'argent. Dans le cas d'une régie ou d'un monopole d'Etat, cette incitation n'existe pas. Quand elle n'existe pas on peut penser qu'il va y avoir encore moins d'efficacité et que les coûts de production vont monter encore plus.

Septième, défaut additionnel: dans une régie d'Etat, il y a toujours un conflit d'intérêts entre l'Etat producteur et l'Etat régulateur de l'activité, l'Etat qui fait la répartition des ressources en faveur des plus riches ou des plus pauvres. Il y a un conflit d'intérêts qui existe et je suis surpris que des gens qui proposent l'adoption presque généralisée de ce système d'entreprise publique ne s'arrêtent pas un instant aux conséquences que peuvent entraîner les conflits d'intérêts inhérents à des régies d'Etat. Est-ce que l'Etat, lorsqu'il y aura intérêt à se présenter comme producteur, à avoir des services plus efficaces et que ceci vient à l'encontre de ses autres objectifs... Comment va-t-il résoudre ces difficultés? H y a donc un conflit d'intérêts qui n'existe pas dans un monopole privé.

Enfin, huitième point. L'expérience des autres pays. L'expérience de l'histoire a montré partout que ces régimes étatiques, des régimes socialistes au sens propre du terme, ont toujours gaspillé des ressources, ont toujours refusé l'innovation, ont toujours violenté les consommateurs et, finalement, dans ces pays, dans ces régimes — je parle de l'ancien régime où il y avait des choses — cela a sombré dans la décadence lorsqu'ils ont épuisé l'apport des régimes antérieurs ou des régimes des autres pays qui ont pu, pendant un certain temps, laisser croire que ces régimes d'entreprise publique étaient efficaces. On épuise tout le stock, et cela prend un certain nombre d'années, qui avait pu être accumulé de ressources financières, humaines, d'innovation, d'imagination, et on les étouffe complètement au bout d'un certain nombre d'années; on tombe, à mon avis, dans la décadence. Cela a été le sort des anciens régimes. Il a fallu faire une Révolution française pour être capable de détruire ces régimes de monopoles géné- ralisés, et nous reprenons cette même voie où on essaie, encore une fois, de dire: II faut s'opposer à ce régime qui a été extraordinairement dynamique du système capitaliste pour tâcher de s'orienter vers un régime qui a fait ses preuves dans le passé et qui a échoué lamentablement.

Enfin, l'objection classique qui est faite aux entreprises privées, si je puis dire, c'est la philosophie sociale dont le député de Rosemont vient de parler, cette fameuse philosophie sociale. Il y aurait certaines classes de citoyens qui ne pourraient pas se payer les services ou les biens au prix du marché. La réponse à cette objection, c'est une réponse d'une simplicité inouïe. On peut toujours subventionner ceux que l'on veut aider.

Ce n'est pas nécessaire de subventionner les riches par les systèmes qu'on impose, c'est ce qui ne m'entre pas dans la tête; même pour l'assurance automobile, c'est la même chose, on va essayer de réduire les primes. Pour les rendre uniformes, on va se trouver à subventionner des gens qui seraient capables de payer plus cher. Pourquoi on fait ça, est-ce qu'on fait ça pour aider les pauvres? Non, on ne fait pas ça pour aider les pauvres. Si on faisait ça pour aider les pauvres, il suffirait de le faire, de s'adresser aux pauvres, leur donner des subventions, leur payer leur prime d'assurance, s'il le faut. Ce serait encore infiniment supérieur comme système à celui d'une régie d'Etat qui fait payer la même chose à tout le monde, qui va faire payer plus cher aux pauvres.

Ceux que l'on veut aider, on leur fait payer plus cher pour les indemnités qu'ils reçoivent, plutôt que de s'adresser vraiment aux problèmes que l'on a, c'est-à-dire qu'il y a des gens qui ne sont pas capables de payer, très bien, qu'on s'occupe de ces gens-là, c'est une philosophie sociale qui est en faveur des pauvres. Ce n'est pas de faire des régies d'Etat qui vont subventionner autant les riches que les pauvres.

J'en viens maintenant aux arguments particuliers d'hier soir du député de Rosemont, parce qu'on a eu l'avantage d'une déclaration qui a essayé de nous donner certains arguments. On nous a dit: Ce régime va donner une protection accrue, va donner une protection garantie aux gens. Là-dessus, je dirai: Est-ce qu'il serait possible d'être un peu conséquent, rigoureux là-dessus? Ces deux arguments n'ont rien à voir avec la régie d'Etat, le député de Rosemont le sait très bien. La protection accrue, la protection garantie...

M. Paquette: J'ai dit que cela avait des conséquences, par exemple.

M. Raynauld: Le député de Rosemont s'est servi de ça pour prouver qu'une régie d'Etat était nécessaire. Je dis: Protection accrue, protection garantie, c'est causé par le système du "no fault" qui est introduit par le projet de loi, ce à quoi je n'ai pas d'objection, j'y reviendrai tout à l'heure. Mais cela n'a rien à voir avec la régie d'Etat, rien, rien du tout. On pourrait obtenir tous les avantages de cette protection accrue, de cette protection garantie, avec des entreprises privées et l'entre-

prise publique n'a rien à voir avec ça. Régime unique et régime uniforme, en plus.

On a dit: Si on avait un régime unique et uniforme, là, il faudrait avoir une régie publique. Mais qu'est-ce que c'est que cette nouvelle vertu, tout à coup, d'avoir un régime uniforme? Qui veut ça, un régime uniforme? Personne ne veut ça. C'est quoi, ça? Tout à coup, on avance ça comme un grand avantage du nouveau régime. On n'en veut pas de régime uniforme. Ce qu'on veut, c'est avoir une protection accrue et garantie. Mais si je suis prêt, personnellement, à avoir une garantie plus grande, pourquoi est-ce qu'on m'empêcherait de l'avoir? Si des gens qui sont plus pauvres, supposément, ne sont pas capables de se...

M. Paquette: On ne vous en empêche pas.

M. Raynauld: ... payer cette protection accrue et garantie, que l'Etat leur verse des subventions et ils vont être capables de se la payer. Enfin, on dit, la capitalisation des rentes qui doivent servir à l'Etat plutôt que d'être laissées aux entreprises. C'est le dernier argument sur lequel le député est revenu ce matin. Là-dessus, je dois m'inscrire en faux, complètement; un investissement privé, pour moi, ce n'est pas par définition moins utile, même à la société dans laquelle on vit, qu'un investissement public.

En fait, on élargit le secteur public en faisant ça, on change les règles de décision en faveur d'une centralisation accrue du pouvoir économique pour servir des intérêts du souverain plutôt que de défendre les libertés des citoyens. Aux décisions volontaires qu'on prend dans toute transaction commerciale, on substitue un impôt; remarquez l'origine de ce mot, c'est une imposition involontaire qui, par nature, entraîne des réactions négatives chez les gens; qu'on le veuille ou non, parce que c'est involontaire, ça entraîne des réactions négatives et par la suite, ça augmente le degré de complexité de tous les problèmes sociaux que nous avons à résoudre, ça rend les décisions de plus en plus difficiles.

On se surprendra, par la suite, qu'on ait des difficultés, dans les sociétés contemporaines. Accumuler des capitaux dans le domaine public, c'est ne pas regarder plus loin que son nez. C'est faire preuve d'une myopie lamentable, refuser délibérément de considérer les conséquences à longue portée d'une accumulation de décisions comme celles-là, de petites décisions qui, en soi, peuvent ne pas être dommageables, mais qui, à la longue, élargissent le secteur public, réduisent le champ d'activités des agents économiques privés, concentrent le pouvoir en quelques mains et ensuite, on dira que c'est une philosophie sociale avancée. Je pense que c'est une philosophie sociale retardée, sinon retardataire et rétrograde. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: J'ai écouté avec intérêt ce matin mon collègue de Rosemont qui a poursuivi les énoncés qu'il avait commencé à aborder hier soir, avant l'ajournement de nos travaux. Je pense qu'après avoir entendu ce que j'ai entendu, cela confirme nos appréhensions du début. Le projet de loi 67 ne poursuit pas des objectifs sociaux comme tels, ne poursuit pas des objectifs qui visent à rencontrer les plus grandes préoccupations de la population, mais d'abord et avant tout des préoccupations idéologiques, philosophiques.

On cherchait, par tous les moyens possibles — le député de Rosemont l'a dit hier soir — l'Etat a besoin de capitaux pour s'administrer. Si on va chercher $345 millions et que l'on débourse, pendant l'année, de $70 millions à $75 millions, comme on l'a dit hier, il reste $280 millions dont l'Etat peut disposer pour d'autres fins.

M. Paquette: De façon limitée.

M. Roy: Evidemment, cela aide la marge de manoeuvre et cela réduit d'autant le pouvoir d'emprunt, c'est-à-dire l'obligation d'emprunter sur les marchés privés, même sur les marchés étrangers.

Ce qu'on oublie, c'est que ces capitaux privés, qui contribuaient au développement du secteur privé, vont empêcher d'autant le développement du secteur privé et l'Etat aura une autre justification de procéder à une deuxième étape pour aller chercher plus d'argent, pour intervenir lui-même, pour compenser aux déficiences qu'on retrouve dans le secteur privé.

Quand j'ai dit, et je le dis et je le répète encore ce matin, que ce projet de loi ne constitue qu'une étape — j'ai cité le rapport Desjardins hier, je pensais qu'on allait me dire que j'allais peut-être un peu loin, qu'on l'avait mis de côté. Mais la réforme de l'assurance automobile, ce n'est pas autre chose que le rapport Desjardins qui a été présenté le 7 mars 1975 et dont le livre bleu s'est inspiré largement.

Pour ceux qui n'étaient pas ici hier soir, la première étape, trois ans, qu'on lit dans le rapport. Régie d'Etat: dans un premier temps, le gouvernement pourrait créer une régie d'Etat monopolistique chargée d'assurer une couverture de base dans un système de responsabilité sans égard à la faute, en ce qui concerne les blessures corporelles...

Mme Payette: M. le Président, est-ce que le député de Beauce-Sud me permettrait une question?

M. Roy: Oui.

Mme Payette: Est-ce qu'il est bien dans le rapport du juge Desjardins?

M. Roy: C'est le rapport du juge Desjardins, oui.

Mme Payette: D'accord.

M. Roy: ... laissant à l'industrie privée le soin de couvrir les dommages non couverts par le régime de base, en ce qui concerne les blessures corporelles et les dommages matériels, dans un système de responsabilité conventionnel.

Dans un deuxième temps, le gouvernement pourrait prendre en main la couverture des dommages matériels et celle des dommages matériels non couverts par le régime de base. Voici ce qu'on dit dans le régime de base: Les pertes économiques. Le régime de base envisagé par le sous-comité est le même que le régime préconisé par le comité Gauvin, c'est-à-dire un régime de responsabilité sans égard à la faute.

Ce qu'on dit un peu plus loin, dans la deuxième étape, et c'est la raison pour laquelle le gouvernement ne procède pas immédiatement, après trois ans — et je prédis ce matin que dans trois ans, le gouvernement aura tout étatisé dans le secteur de l'assurance automobile — c'est dit dans le rapport du juge Desjardins, alors que l'on aura mis sur pied la société d'Etat et rodé son administration, la tarification, la mise en marché et le règlement des sinistres, que l'on aura mis sur pied un réseau de centres d'évaluation, de contrôle et de récupération des pièces, on pourra passer à une seconde étape qui consistera à confier à la régie d'Etat l'indemnisation des dommages aux automobiles, en vue de réaliser des économies. Les économies, je pourrais l'ajouter entre parenthèses, parce qu'il n'est pas sûr qu'on réalise des économies.

Nous passons à l'étude de ce projet de loi, la première étape de l'étatisation complète du Régime d'assurance automobile; la régie veut se donner et le gouvernement veut donner à la régie le temps voulu pour monter les structures, pour se préparer afin d'avoir tous les mécanismes prêts, de façon à offrir un régime monopolisé, étatique, complet, dans tout le régime d'assurance automobile.

On a parlé tout à l'heure de 34% des coûts du régime actuel contre 6% des coûts pour la régie d'Etat. Je n'ai pas l'intention, je l'ai dit dès le début, de défendre les assureurs privés, les compagnies d'assurances dans ce projet de loi. Mes premières préoccupations sont celles d'offrir un régime d'assurance susceptible de correspondre aux besoins réels de la population, d'avoir le meilleur régime d'indemnisation possible et d'avoir un régime humain.

Quand on vient me comparer 6% du coût d'administration de la régie avec 34% du coût du régime actuel, je pense qu'on veut comparer des pommes avec des carottes, puisque les règles du jeu sont changées, sont complètement changées. La preuve de l'humanisation du régime d'assurance automobile que le gouvernement veut faire n'est pas faite. Lorsqu'on nous a remis le document hier, concernant la Commission des accidents du travail, je pense que l'exemple était extrêmement mauvais pour venir nous parler d'un régime humain, alors que c'est la Commission des accidents du travail qui va être chargée de recueillir les données et de s'occuper de voir, avec les services dont elle dispose, à appliquer le régime d'indemnisation; quand on sait très bien — j'ai de nombreux dossiers — qu'après six mois, qu'après huit mois on n'a même pas encore accusé réception de la demande de la personne.

M. Fontaine: II y en a un qui se promène depuis dix ans.

M. Roy: II y en a un qui se promène depuis dix ans, comme dit le député de Nicolet-Yamaska, devant le parlement. Cela fait trois gouvernements qu'on a depuis.

M. Fontaine: Ce n'est pas parce qu'il y a eu des erreurs avant, qu'on est obligé de continuer.

M. Roy: On viendra nous parler d'un régime humain quand je sais très bien actuellement que les cas des accidents du travail se trouvent dans les bureaux de députés. Vous n'avez qu'à consulter votre caucus pour savoir ce que vos députés en pensent.

On parle, à un moment donné, d'un établissement de décentralisation des bureaux dans les régions. Quand? On dit qu'ils étaient absolument nécessaires. J'ai fait des batailles, conjointement avec le Parti québécois parce qu'il était nécessaire de revoir la Loi de la Commission des accidents du travail, de fond en comble. Quand? Au lieu de moderniser le système pour répondre à des objectifs et à des besoins qui sont urgents depuis longtemps... Quand je dis depuis longtemps, je cite les propos mêmes de mes col lègues du Parti québécois, au moment où nous formions conjointement l'Opposition.

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, avant d'aller plus loin, j'aimerais simplement vous signaler qu'il vous reste une minute dans votre droit de parole de vingt minutes sur l'article 3. A moins d'obtenir un consentement unanime de la commission, je devrai appliquer le règlement tel qu'il est écrit.

M. Roy: Avez-vous tenu compte du temps que j'ai utilisé pour les motions que j'ai présentées également hier?

Le Président (M. Bertrand): Je viens justement de référer à la transcription d'hier, M. le député de Beauce-Sud, pour m'assurer que la décision que je rendais était correcte.

M. Roy: Je me fie à vos savants calculs, M. le Président.

Quand on vient me parler de mesures sociales — je terminerai là-dessus — alors que, dans toutes ces mesures la contribution payée par les citoyens était fonction de leurs revenus, alors que les mesures sociales ont visé à leur donner les mêmes services et que les rentes de la Régie des rentes du Québec sont versées en tenant compte du montant de la cotisation versée, alors que le coût du Régime d'assurance-hospitalisation et de

l'assurance-maladie est en fonction des revenus, les citoyens peu importent...

M. Paquette: II y a un plafond. Dans l'assurance-maladie il y a un plafond.

M. Roy: Avec un plafond, mais peu importent ceux qui n'ont pas de revenus du tout et qui ne paient pas, ils ont droit aux mêmes services d'hospitalisation et aux mêmes services de santé que les citoyens les "mieux" démunis...

M. Vaillancourt (Jonquière): Comme les piétons et les passagers dans l'assurance automobile.

M. Paquette: Dans l'assurance automobile aussi.

M. Roy: Je ne dirai pas les plus démunis. Pour l'assurance automobile, on fait payer une contribution statutaire à tout le monde, mais on donne moins de rentes aux pauvres qu'aux autres. C'est dans le régime gouvernemental. Il n'est pas dit dans le document qu'on nous a déposé que les pauvres allaient payer moins cher de prime d'assurance. Ce n'est pas une mesure sociale que le gouvernement nous apporte, ce n'est qu'un régime d'assurance. Dans le principe de l'assurance-vie, le montant de l'assurance est en fonction de la prime qu'on paie.

Là-dessus, qu'on ne vienne pas me dire qu'on améliore l'ancien régime. C'est exactement le même principe qui est conservé. Alors, il n'y a pas d'amélioration. Il n'y a pas non plus de diminution du coût de l'assurance pour les personnes. Il n'y a pas d'humanisation du service. C'est une loi philosophique. C'est un débat philosophique qui vise tout simplement à faire en sorte que le gouvernement ait plus d'argent dans ses coffres pour pouvoir gouverner, pour pouvoir moins emprunter. On n'ose peut-être pas le dire. Il y a seulement le député de Rosemont qui a osé le souligner devant cette commission parlementaire. Nous ne l'avons entendu dire par personne. Donc, on pourrait même ajouter que c'est, en quelque sorte, une taxation déguisée puisque, effectivement, c'est déjà subventionné. Je disais $30 millions hier, mais c'est $40 millions, parce qu'hier, j'avais oublié la taxe de 2,7% qui est payée par les assureurs et qui constitue une contribution au trésor public de $9 millions par année, à même les assurés, à même les personnes qui sont assurées par l'assurance automobile.

M. le Président, je pense tout simplement, et je terminerai là-dessus, que, peu importe ce que nous allons faire et ce que nous allons tenter de proposer dans ce projet de loi, le gouvernement a fait son lit. Il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire avec ce projet de loi pour essayer de le bonifier, de l'humaniser, puisque c'est un projet de loi philosophique.

M. Paquette: M. le Président, en vertu de 96, j'aimerais simplement dire au député de Beauce-Sud que j'ai parlé des $200 millions. Je n'ai pas dit que ces $200 millions serviraient aux dépenses courantes de l'Etat et que cela amènerait l'Etat à emprunter moins. J'ai dit que c'est de l'argent qui restera entre les mains des Québécois et qui pourrait être investi, avec certaines contraintes, parce qu'il faut s'assurer qu'on puisse payer les rentes, et que les intérêts qui pourraient être faits sur ces montants resteraient entre les mains de Québécois, contrairement à ce qui se passe actuellement avec les entreprises privées. Je n'ai pas dit que cet argent servirait à réduire les emprunts et servirait au financement général de l'Etat. D'autre part, en passant...

M. Raynauld: ... de la Régie de l'assurance-maladie.

M. Paquette: Je termine, M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): A partir de 96, il ne s'agit pas de faire un nouvel énoncé de l'argumentation.

M. Paquette: D'accord. Vous avez raison. Je m'apprêtais à le faire.

Le Président (M. Bertrand): Mme le ministre.

M. Roy: Je m'excuse, mais il y a quand même des choses qui ont été dites. Ce n'est pas ce que j'ai dit et ce que j'ai dit du député de Rosemont. Je n'ai pas dit que le gouvernement allait emprunter moins. Cet argent va être placé à la Caisse de dépôt et placement. Le gouvernement va emprunter là. J'ai dit que cela réduirait ses emprunts a l'extérieur. C'est ce que j'ai dit.

Le Président (M. Bertrand): D'accord. Mme le ministre.

M. Paquette: Je ne sais pas si cela va être à la caisse de dépôt.

M. Roy: A la caisse de dépôt.

Une Voix: Vous ne le savez pas vous non plus.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

Mme Payette: M. le Président, je n'utiliserai pas les vingt minutes. Je voudrais simplement...

Le Président (M. Bertrand): Vous avez un droit illimité de parole, madame.

Mme Payette: Même à cela, vous savez que je n'abuse pas de ce genre de choses. Je voudrais simplement expliquer au député de Beauce-Sud que le juge Desjardins n'a pas fait partie de notre comité de travail. J'ai, cependant, un grand respect pour le juge Desjardins qui a fait, sur l'assurance automobile, une étude consciencieuse qui l'a mené à des rapports qui sont logiques par rapport à l'étude qui a été faite. J'ai également beaucoup de respect pour M. Gauvin et le comité de

travail qui a donné lieu au rapport Gauvin sur l'assurance automobile. Nous nous sommes, comme comité de travail, inspirés de toutes les études qui avaient été faites sur le sujet, aussi bien le rapport Gauvin, le rapport Desjardins que d'autres études qui ont été faites dans d'autres parties du Canada également, sauf, comme je le disais, que le juge Desjardins ne faisait pas partie de notre comité de travail, ce qui ne nous a pas empêchés, comme comité de travail, d'annoncer qu'il y avait différentes étapes de prévues dans la réforme de l'assurance automobile.

En ce qui concerne les dommages corporels, il est annoncé, depuis le début du mois d'avril, que le gouvernement a l'intention, au cours des prochaines années, de voir s'il est possible de prendre en charge, dans le sens de l'intégrité physique de ses citoyens, la couverture de tous les accidents causant des dommages corporels. Cela inclut, au point de départ, les accidents de sport, les accidents de chasse et pêche, les accidents durant les loisirs, noyade suite à un pédalo défectueux, comme cela a été le cas il y a quelques mois au Québec. Il y a une deuxième étape prévue également dans la couverture des dommages matériels qui est la possibilité pour la régie d'Etat d'entrer en concurrence loyale avec l'entreprise privée. Ce sont les deux seules étapes qui sont prévues par le comité de travail du gouvernement sur l'assurance automobile.

Nous n'avons pas suivi le juge Desjardins jusqu'à la fin de son raisonnement. Nous ne l'avons pas fait parce que, comme gouvernement, nous nous sommes refusé à concrétiser la voiture comme un bien essentiel dans la société dans laquelle nous vivons. Nous avons voulu éviter ce piège de l'étatisation de la couverture des dommages matériels qui aurait pu permettre de penser que l'Etat considérait que la voiture était un bien essentiel.

J'ai été amenée, à plusieurs reprises, à définir les biens que nous, comme gouvernement, considérons vraiment essentiels. Il y a la santé, l'éducation et le travail. Si on nous demandait d'en ajouter un, il ne s'agirait pas de la voiture, il s'agirait plutôt de l'habitation qui paraît un besoin criant au Québec.

Le député d'Outremont a fait allusion à la liberté de choix que la concurrence laissait aux consommateurs, et je rattacherai cette explication à la liberté de choix qui fait qu'on se retrouve au Québec avec un parc automobile absolument démesuré par rapport aux besoins que nous avons, la liberté de choix qui induit le consommateur à la consommation, qui le pousse à consommer ces voitures fabriquées ailleurs, pour la plupart, et qu'on doit nécessairement changer tous les deux ou trois ans parce qu'elles ne sont pas faites pour durer plus longtemps. C'est un monde que nous refusons, ce monde de la surconsommation, parce qu'il ne s'agit plus de consommation pure et simple, selon les besoins des citoyens, mais de surconsommation.

M. Raynauld: C'est vous qui décidez cela.

Mme Paquette: Je voudrais également, M. le Président, revenir à une affirmation du député de Beauce-Sud. Il dit que la prime égale pour chacun est injuste. Je voudrais qu'il comprenne bien, une fois pour toutes, qu'il ne s'agit pas d'un impôt sur le revenu des citoyens et que la prime égale pour chacun nous permet d'entrevoir l'indemnisation complète de toutes les victimes, y compris les 30% qui ne sont que piétons et passagers dans le système que nous connaissons. Ces 30% n'auront rien à débourser pour une couverture complète.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Très bien. M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Marguerite-Bourgeoys avait demandé la parole.

M. Lalonde: Je vais laisser le député de Jacques-Cartier faire quelques remarques.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jacques-Cartier, alors.

M.-Saint-Germain: J'ai écouté avec attention la déclaration du ministre, surtout lorsqu'elle a parlé de cette civilisation de consommation. Il est clair, à mon avis, qu'actuellement, dans cette province, dans le monde occidental, on dépense énormément pour les voitures. La publicité et de telles choses font peut-être que certains citoyens s'endettent considérablement et même trop considérablement relativement à ce qu'ils ont comme revenu. Les dépenses, les frais de...

Mme Payette: M. le Président, si le député de Jacques-Cartier me permet une information, la voiture est la première cause d'endettement au Québec.

M. Saint-Germain: Vous avez probablement raison. Mais ceci dit...

M. Raynauld: C'est un bien durable. M. Saint-Germain: ... M. le Président... Une Voix: Tous les biens durables...

M. Saint-Germain: ... je ne vois pas, dans nos structures, un gouvernement, et je vois encore moins un ministre des consommateurs, dire aux gens quand ils doivent acheter une voiture, quand ils ne doivent pas en acheter et quelle marque ils doivent acheter. Je crois que c'est là un droit qui appartient à chaque citoyen. Nos législations, traditionnellement et depuis toujours, dans notre système démocratique, font qu'on considère le citoyen comme une personne adulte, comme une personne responsable et, pour autant qu'elle gagne sa vie par ses efforts et selon nos lois et nos règlements, elle a le droit de disposer de ses revenus comme elle l'entend.

Je me demande, M. le Président, pour qui le ministre se prend si elle croit, dans sa sagesse, selon ce complexe de supériorité qu'elle a et ses façons de voir, que son échelle des valeurs est celle qui est acceptable pour la majorité des citoyens. Je crois qu'elle rêve en couleur. Personnellement, et je crois que je parle au nom de la majorité des consommateurs du Québec, je crois que les gens du Québec et les Québécois ont assez de maturité pour disposer de leurs revenus comme bon leur semble. A un moment donné, si abus il y a, ils s'apercevront eux-mêmes qu'ils font des abus et ils auront assez de capacité d'adaptation et de jugement pour revenir en arrière et s'adapter à l'évolution des temps.

Il y a toujours une limite, M. le Président, à croire que les gens qui sont élus sont d'une classe supérieure, d'une moralité supérieure, d'une intelligence supérieure, d'une sagesse supérieure.

Ils croient, parce qu'ils sont en autorité à un moment, que cette autorité leur permet de dicter à tous les citoyens ce qu'ils pensent, ce qu'ils croient et ce, à tout point de vue.

M. Lalonde: C'est de l'arrogance!

M. Saint-Germain: C'est de l'arrogance, M. le Président, absolument de l'arrogance...

M. Vaillancourt (Jonquière): De l'incertitude.

M. Saint-Germain: Croyez-moi, j'ai bien plus de confiance dans le jugement des citoyens du Québec que j'ai confiance à ce gouvernement. Il fait des bêtises l'une après l'autre et s'il fallait que les citoyens du Québec en fassent autant en si peu de temps, je ne sais pas où on irait, M. le Président.

M. Lalonde: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Nicolet-Yamaska a demandé la parole, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne croyais pas que je perdais mon tour en cédant la parole au député de Jacques-Cartier.

Le Président (M. Bertrand): Vous ne le perdez pas. Tout de suite après vous il y avait le député de Nicolet-Yamaska qui s'était enregistré; quand vous avez cédé votre droit de parole au député de Jacques-Cartier, j'ai compris que vous reprendriez votre droit de parole après le député de Nicolet-Yamaska.

M. Lalonde: Cela va, et là je reconnais la mesure de ma générosité.

Le Président (M. Bertrand): D'accord.

M. Raynauld: M. le Président, il avait enregistré son nom hier soir; vous l'aviez sur votre liste.

M. Paquette: Pauvre petit!

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Outremont, pourquoi dites-vous des choses comme celle-là? J'aurais inscrit le nom du député de Marguerite-Bourgeoys, s'il avait demandé la parole, mais il n'est pas inscrit sur la feuille que j'ai devant moi.

M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. De toute façon je pense que, habituellement, on fait une certaine rotation entre les différents partis politiques et, ce matin, je n'ai pas eu l'occasion de prendre la parole encore.

Avant de débuter mon intervention, je voudrais poser une question au ministre. Il y a des rumeurs qui circulent selon lesquelles certains ministres auraient — concernant la surconsommation dont on a parlé — jusqu'à trois ou quatre voitures. Pourriez-vous nous confirmer cette information?

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est complètement à l'encontre du règlement, M. le Président.

Mme Payette: C'est non seulement à rencontre du règlement, mais c'est tellement niais encore une fois que je ne répondrai pas.

M. Fontaine: Mme le ministre, si c'est niais, arrêtez d'en parler parce que c'est vous qui avez soulevé la question.

M. Paquette: Citez-nous un nom?

M. Fontaine: Citez-nous un nom? Mme le ministre Payette, combien avez-vous d'automobiles?

Mme Payette: Aucune.

M. Fontaine: Aucune automobile à votre nom.

M. Paquette: Vous voyez, vous êtes dans les "patates".

M. Fontaine: Vous n'avez pas d'automobile fournie par l'Etat?

Le Président (M. Bertrand): Article 3.

M. Fontaine: Je reviens sur le fond de la question, on a parlé, hier, de l'ancien système et du système actuel. On a dit que tout le monde était d'accord pour que l'assurance soit obligatoire, et ce depuis longtemps, je pense que tout le monde est d'accord là-dessus. On a dit, également, qu'on était d'accord pour qu'il y ait un système de "no fault" qui soit instauré dans la province de Québec. Un système qui pourrait bénéficier à tout le monde, à la suite d'un accident d'automobile pour qu'il n'y ait pas d'injustice et que toutes les victimes soient indemnisées sur une certaine base à la suite d'un accident.

Cependant, ce qu'on réclame depuis longtemps — et ça il y a plusieurs groupements qui l'ont réclamé — c'est qu'il y ait quand même, pour le surplus du régime proposé, un recours en

responsabilité qui puisse être maintenu et je pense que ce serait légitime si le régime proposé est tellement complet, il y aurait moins de recours et, à ce moment, ça permettrait à tout le monde d'obtenir justice. Ce qu'on réclame également, c'est un droit d'appel à la suite d'un jugement de la régie ou de la commission des affaires sociales pour permettre qu'il n'y ait pas d'injustice dans le système proposé et que, encore une fois, si le système est tellement juste, tellement bon, pourquoi refuser un droit d'appel qui permettrait quelque chose en plus pour s'assurer que le régime proposé n'offre pas d'injustice à qui que ce soit?

On admet que l'ancien système — le système actuel — est injuste à certains égards, mais on se demande si le nouveau système ne le sera pas également parce qu'on sait que la prime qui sera facturée à tous les usagers d'automobile est une prime uniforme pour tous les usagers, mais, que d'un autre côté, l'indemnisation ne se fait pas de la même façon; l'indemnisation va se faire selon les revenus gagnés par les personnes à être indemnisées. On sait qu'il y a des personnes qui gagnent $18 000 et d'autres qui gagnent $5000 ou $6000; ces personnes vont recevoir moins, par contre elles vont payer la même prime. Si c'est cela la justice sociale, il faut se poser des questions.

Il y a également le fait aussi que le piéton responsable d'un accident d'automobile, qui ne participe pas au financement du régime, va être indemnisé aux frais des automobilistes qui, eux, vont payer la prime. Je pense que c'est un autre point dont il faut tenir compte. Concernant maintenant le fait que l'assurance automobile pour dommages corporels, devienne une assurance d'Etat, soit une étatisation, comme je l'ai proposé hier, on pourrait sans doute permettre à la régie de devenir un organisme de contrôle qui serait chargé d'établir la philosophie sociale du gouvernement, de l'Assemblée nationale. Cela permettrait de laisser la direction de l'entreprise, de l'assurance, à l'entreprise privée, afin que l'entreprise privée continue à donner le service personnalisé qu'elle donne actuellement et cela à l'avantage des assurés. On sait qu'actuellement il y a une police uniforme au Québec; la police que les automobilistes paient actuellement au Québec, c'est une police uniforme, qui est édictée par le surintendant des assurances. Il serait possible d'émettre une police uniforme concernant le régime actuel et de demander...

M. Paquette: II est contre cela, mais il ne l'a jamais dit, sauf maintenant.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Fontaine:... aux compagnies d'assurances d'établir cette police, de la mettre en vigueur et de verser les indemnités, tel que prévu dans la Loi de l'assurance automobile. Mme le ministre a abordé tout à l'heure la question de la concurrence loyale en dommages matériels qu'on va établir dans les années à venir; on pourrait également faire de la concurrence loyale en dommages corporels, et je me demande pourquoi le gouvernement n'a pas pensé à cette solution ou ne veut pas l'établir. Si on prétend que la régie d'Etat est tellement efficace, qu'elle instaure son régime en concurrence avec les entreprises privées et on va bien voir qui des deux va remporter le plus de succès.

Concernant la question de la bureaucratie, sujet dont le député de Rosemont a parlé tout à l'heure, il a bien dit que la bureaucratie est d'autant plus grande que l'entreprise est grande. Je suis d'accord avec son affirmation. C'est pourquoi je suis contre la régie d'Etat, parce que, là, la bureaucratie va s'y installer. Mais si on gardait le système d'entreprise privée, étant donné le fait que les entreprises sont beaucoup moins grandes que la régie d'Etat, la bureaucratie est moins grande et elles offrent actuellement un meilleur service, un service plus personnalisé.

M. Paquette: Combien d'employés à la Great-West?

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Fontaine: On peut vous donner un exemple, M. le Président et, encore là, Mme le ministre pourra dire que c'est niaiseux, parce qu'elle aime dire cela assez régulièrement.

Mme Payette: Quand ça l'est, je le dis.

M. Fontaine: Je vous donne l'exemple de ce qui s'est passé hier, à cause de la tempête ici. Tous les employés du gouvernement ont été renvoyés chez eux, tant ici à Québec qu'à Montréal, parce qu'il tombait trois ou quatre grains de neige.

M. Lalonde: On avait peur.

M. Fontaine: L'entreprise privée ne fait pas cela. L'entreprise privée a gardé ses employés et elle les a laissés retourner chez eux après le travail, parce qu'elle s'est aperçue qu'il n'y avait pas de tempête, mais le gouvernement...

Mme Payette: Ça, c'est encore niaiseux, là, ce n'est pas de ma faute. Cela s'adonne comme cela.

M. Fontaine: Ecoutez, il est tombé quatre grains de neige. Je suis parti de mon comté hier et j'ai fait 90 milles à 70 milles l'heure sur la Transcanadienne et puis...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est trop.

M. Fontaine: II n'y a pas de problème. Il n'y avait pas de neige sur la Transcanadienne.

Mme Payette: Est-ce que votre ceinture était attachée?

M. Fontaine: Oui, madame.

M. Raynauld: Quand c'est pour dépenser l'argent des autres, c'est toujours niaiseux.

M. Saint-Germain: Dépenser l'argent des autres, ce n'est pas grave, c'est l'argent des contribuables, ce n'est pas bien grave. Nous avons siégé jusqu'à dix heures, mais c'est nous qui sommes les niaiseux.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Fontaine: On ne nous fera pas croire qu'une régie d'Etat va être mieux administrée que l'entreprise privée, ce n'est pas vrai, et jamais la population ne va pouvoir coller à ce que vous essayez de lui faire croire. Donnez-nous donc la ventilation de vos chiffres pour qu'on sache où vous allez aller chercher ces 6% d'administration et on va s'apercevoir que, dans deux ou trois ans, après que vous aurez découvert vos fous cachés, dont on a commencé à parler hier, on va s'apercevoir que vos 6% sont bien loin.

Ils vont peut-être se rapprocher de l'administration de la Régie de l'assurance-récolte, dont le député d'Outremont a fait mention tout à l'heure. C'est ce que j'avais à dire là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Marguerite-Bourgeoys. Il n'est pas là... M. le député...

M. Saint-Germain: Le voilà, M. le Président. M. le député de Marguerite-Bourgeoys, on vous attend.

Le Président (M. Bertrand): Le député d'Outremont ne pourra pas dire que je n'ai pas fait preuve de magnanimité en attendant quelques secondes pour que le député de Marguerite-Bourgeoys prenne son droit de parole.

M. Lalonde: M. le Président, je m'excuse, je pensais le député de Nicolet-Yamaska un peu plus bavard. J'ai seulement quelques remarques a ce stade-ci, M. le Président. C'est la première fois que je vois le gouvernement étaler ses intentions de façon aussi franche depuis un an. En fait, ie pense qu'il vient de montrer son véritable visage et il n'est pas nécessairement beau.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas gentil, ça.

M. Lalonde: Je parle du visage du gouvernement. Ne prenez pas ça individuellement.

Mme Payette: Pas un visage à deux faces, en tout cas.

M. Lalonde: Si j'ai parlé de visage, c'est parce que je n'ai pas voulu dire autre chose que le gouvernement vient de montrer; elles ne sont pas belles non plus.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, on n'est pas encore rendu au préjudice esthétique.

M. Lalonde: C'était touchant d'entendre le député de Jonquière hier, faire son acte de foi au gouvernement, s'affranchir du Barreau; ça, il faut le faire. Tous les membres du Barreau qui ont le malheur d'être membres du Barreau, tout d'abord — que voulez-vous, ça arrive à des gens comme ça — mais qui veulent quand même faire acte d'honnêteté et d'intégrité, doivent au départ, dire qu'ils sont membres du Barreau, parce que ça nous est arrivé à un moment donné... erreur de jeunesse. Mais au fond, c'est ce bon gouvernement qui est le meilleur. Parce que le ministre avait déjà dit que les membres du Barreau étaient des minables, et il faut quand même être consistant.

Le député de Jonquière l'a fait hier soir, solennellement. D'ailleurs, il l'avait fait dans les journaux, un acte de foi.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne l'ai pas lu. C'est en réponse à M. Bergeron, c'est ça?

M. Lalonde: Oui, c'est ça. Cela aussi, c'est touchant.

Je n'ai pas l'intention de m'affranchir du Barreau, M. le Président. Je vais vous dire que je n'ai aucun intérêt dans l'assurance automobile. Malheureusement, ma pratique de droit est terminée depuis six ans. J'essaie, à la petite journée, de ce temps-là, mais les activités politiques, naturellement, ont priorité. Je n'ai pas eu l'occasion de faire d'assurance automobile dans ma pratique. Ce que j'en sais, c'est comme tout autre député autour de cette table.

C'est à ce titre que je vais essayer de vous dire ce que je pense de l'article 3. J'en sais assez toutefois pour savoir qu'il faut changer le système actuel, qu'il faut le rendre plus juste, qu'il faut raccourcir les délais d'indemnisation, et que l'on doive même, malgré certaines objections de principe que des gens ont exprimées, et qui sont valables, qu'on doive, à cause du phénomène automobile dans notre société moderne, essayer d'éliminer un concept juridique qui est fondamental dans notre droit: la faute, le sens de la responsabilité. J'aime mieux la responsabilité que la faute; la faute c'est quelque chose de plus relatif et de plus négatif.

Je suis d'accord avec cette élimination de la responsabilité, du concept de responsabilité en ce qui concerne les dommages causés par les automobiles, ou à l'occasion d'accidents d'automobiles. Justement, c'est devenu un problème d'appliquer le concept de responsabilité dans nos tribunaux vu le volume des causes et les délais qui s'ensuivent, les injustices quant à l'indemnisation.

L'article 3 élimine la responsabilité et, dans ce sens, je suis d'accord. L'article 3 a deux modalités, toutefois, inacceptables et, quand j'appelle ça modalité, je ne veux pas en appeler de votre décision d'hier.

Disons que c'est une modalité de principe, ou un principe de modalité. Mettez-le comme vous voulez. C'est de faire administrer ce régime par une régie d'Etat, premièrement, et, deuxièmement,

d'empêcher — on le constate en lisant l'article 3 lui-même — d'éliminer toute responsabilité, au-delà même de l'indemnisation prévue par les autres articles. L'article 4 est plus exprès là-dessus, mais je pense qu'on peut inférer de l'article 3 qu'aucune réclamation qui aurait recours au concept juridique de là responsabilité ne pourrait être reçue par nos cours de justice, même au-delà du régime de base.

Je n'ai malheureusement pas le temps d'aller plus avant en ce qui concerne l'entreprise privée par rapport à la régie publique. Je pense que les remarques du député d'Outremont, en particulier, sont extrêmement éloquentes là-dessus. Il est rare qu'on ait eu l'occasion de prendre connaissance de l'expérience des diverses sociétés en ce qui concerne le recours à l'Etat, la prise en charge par l'Etat. Je crois que ce n'est pas ce que veulent les citoyens du Quebec. Je crois, au contraire, que la grande majorité des citoyens veulent conserver, dans la mesure du possible, leur autonomie individuelle, ne veulent pas être pris en charge par l'Etat, sauf lorsqu'il n'y a pas de choix.

On n'a pas fait, dans l'assurance-maladie... Ce n'est pas que le Parti libéral, en soi, soit viscéralement contre toute intervention de l'Etat. On en a plusieurs exemples: l'électricité, on l'a mentionnée hier, la sidérurgie; l'intervention de l'Etat dans les activités professionnelles, c'est une autre réforme du Parti libéral, d'un gouvernement libéral. Il y a aussi l'Office des professions, l'assurance-maladie. Ce sont des initiatives dont certaines sont moins heureuses et dont on a peut-être, après coup, déploré — pas celles que j'ai nommées, mais d'autres initiatives, la Société générale de financement, entre autres — dont on n'a peut-être jamais démontré...

Mme Payette: Vous êtes d'accord avec cela, M. le député d'Outremont?

M. Lalonde: ... la nécessité.

Mme Payette: Je pense que le député d'Outremont...

M. Lalonde: Est-ce que le chef de cabinet du ministre a des interventions à faire?

Mme Payette: Non. Le ministre a une intervention si vous le lui permettez.

M. Lalonde: Je le vois gesticuler en arrière. Est-ce qu'il a des choses à dire?

Mme Payette: Si cela vous dérange, dans cette salle-ci, on pourrait retourner là-bas.

M. Lalonde: Cela ne me dérange pas. Le gouvernement me dérange 24 heures par jour, partout. Que ce soit ici ou ailleurs, cela ne fait pas de différence.

Mme Payette: Vous n'étiez pas conscient des réactions du député d'Outremont pendant que vous parliez, ce que nous, on est en mesure de voir, parce qu'on est en face.

Le Président (M. Bertrand): Restez-en sur les principes et non pas sur les modalités, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je dis que, lorsque l'Etat doit intervenir, lorsqu'il n'y a pas de choix, à ce moment-là, on a prouvé dans le passé que nous n'étions pas viscéralement contre cette intervention. Ce n'est pas une question d'idéologie, comme cela semble l'être pour les gens d'en face.

On n'a pas fait la démonstration que l'Etat doive intervenir comme administrateur de ce régime. L'Etat devait intervenir pour établir un régime plus juste. On verra dans quelle mesure il a réussi quand on étudiera les autres articles. Mais que l'Etat doive intervenir pour l'administrer, la démonstration n'a pas été faite.

Nous allons voir, dans les articles qui suivent, jusqu'à quel point le choix du gouvernement d'éliminer tout recours possible à la responsabilité au-delà du régime de base crée des situations abracadabrantes, anacroniques et, dans plusieurs cas, injustes, socialement injustes. C'est pour éviter ces injustices que j'aurais une motion d'amendement à proposer à l'article 3.

Il s'agirait d'ajouter après le mot "quiconque", qui est le dernier mot de l'article 3, les mots "sauf pour les dommages excédant les indemnités prévues dans la présente loi", exprimant bien clairement que le principe est sauf, naturellement. C'est un régime sans égard à la faute, sans égard à la responsabilité pour les indemnités de base, mais au-delà des indemnités de base, quiconque croit ne pas être indemnisé suffisamment par le régime aura le droit de recourir à la responsabilité, au concept de responsabilité pour l'excédent. Je vous laisse en prendre connaissance, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Sur la recevabilité, je pense que l'amendement que nous propose le député de Marguerite-Bourgeoys va à l'encontre du principe du projet de loi, tel qu'adopté en deuxième lecture, qui établit un système de non-responsabilité totale — je pense que cela fait partie du principe — dans le domaine des dommages corporels.

L'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys aurait tendance à nous ramener un concept de faute au-delà de certaines limites. Je pense que, clairement, cela va à l'encontre du principe, tel que voté en deuxième lecture.

M. Raynauld: Sur la recevabilité, M. le Président. Contrairement à ce que vient de dire le député de Rosemont, je suis persuadé que, dans ce cas-ci, il est impossible d'invoquer le fait que cet amendement contrevient au principe même de la

loi. Il est clair que, quand on affirme un principe comme celui de l'abandon du principe de la responsabilité, il est tout à fait normal et acceptable de vouloir qualifier l'application de ce principe.

Dans ce cas-ci, non seulement on ne contredit pas le principe, mais on laisse le principe de non-responsabilité pour le régime de base. Par conséquent, il est bien clair que cela ne le contredit pas puisqu'on le laisse, mais on propose une modalité qui en limite l'application. C'est, je pense, la définition même d'un amendement: limiter l'application d'un principe général. L'amendement dit qu'on reviendra au principe de responsabilité pour les dommages qui excèdent le régime de base prévu dans la présente loi. Par conséquent, je pense que cet amendement est tout à fait receva-ble. J'en suis vraiment profondément convaincu.

M. Saint-Germain: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, un porte-parole par formation politique. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je pense que l'amendement dont je n'ai pas copie, mais dont j'ai pu prendre connaissance, serait recevable parce que le principe de "no fault", qui a été adopté en deuxième lecture, est, à mon avis, adopté en regard des indemnités qui sont prévues dans le projet de loi. C'est-à-dire qu'on a adopté le "no fault" dans le projet de loi 67 pour les indemnités prévues dans le projet de loi. Il n'y a rien qui nous empêche, actuellement, de modifier cet article pour dire que ce principe de "no fault", prévu dans les articles du projet de loi pour les indemnités prévues, ne s'applique pas en dehors de ces indemnités et que la question de responsabilité, la notion de responsabilité demeure quant au surplus. La philosophie de base, adoptée lors de la deuxième lecture du projet de loi 67, est respectée, le principe n'étant aucunement touché.

M. Paquette: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Non, je m'excuse.

M. Paquette: Non, il n'y a pas moyen.

M. Vaillancourt (Jonquière): On s'en doutait.

M. Paquette: Un gars peut s'essayer.

Le Président (M. Bertrand): Là-dessus, je m'excuse, j'ai pu paraître m'informer auprès du gouvernement de l'attitude qui était la sienne sur l'ensemble de ces principes, je voulais uniquement avoir certains avis purement juridiques du conseiller du gouvernement dans cette matière pour bien comprendre le sens de l'article 4...

Une Voix: ...

Le Président (M. Bertrand): Non, je sais, mais j'ai besoin de m'en inspirer pour rendre une décision sur l'article 3.

M. Fontaine: Chose que vous avez dite hier soir qu'on ne devait pas faire.

Le Président (M. Bertrand): Attention, je pense bien que vous n'empêcherez pas la présidence, pour rendre une décision sur l'article 3, de regarder immédiatement s'il n'y a pas un article qui suit et qui traite spécifiquement de cette question et qui pourrait m'amener à juger que la motion d'amendement présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys est prématurée.

Sur l'article 3, je crois que j'ai bien indiqué hier dans la décision que j'ai rendue sur deux motions d'amendement présentées par le député de Beauce-Sud, que deux principes m'apparaissaient intouchables, dans le cadre de l'étude, article par article, du projet de loi 67. Ces principes sont l'instauration d'un régime public d'assurance automobile, et donc création d'une régie, et deuxièmement, la notion de "no fault" ou d'absence de responsabilité.

Ces deux principes ont été votés en deuxième lecture et ne peuvent faire l'objet d'amendements, sauf que la motion d'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys signifie que pour les indemnités autres que celles prévues dans la présente loi, il pourrait y avoir une notion de responsabilité qui pourrait entrer en ligne de compte.

Or, je considère que dans l'article 3, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'une telle motion d'amendement serait prématurée. Cela n'indique pas, par contre, qu'au moment de l'étude de l'article 4, je pourrais pour autant juger recevable une telle motion d'amendement, parce que non seulement — et là, encore une fois, c'est la raison pour laquelle j'ai demandé quelques avis du conseiller juridique — il y a un principe de non-responsabilité pour le régime public d'assurance automobile, mais ce principe de non-responsabilité est aussi un principe pour l'ensemble de la couverture qu'un individu pourrait prendre et qui serait au-delà des indemnités prévues par le régime public d'assurance automobile.

En d'autres mots, autant il y a un principe qui a été discuté en deuxième lecture et qui touchait à la création, à l'instauration d'un régime public d'assurance automobile, autant il y avait aussi, et je l'ai indiqué au député de Beauce-Sud hier, car il m'a posé la question directement: Est-ce que la notion de non-responsabilité fait aussi partie des principes de la discussion en deuxième lecture? J'ai dit oui. Il s'agissait pour moi de savoir si cette notion de non-responsabilité ne touchait que le régime public ou si elle touchait l'ensemble du régime de l'assurance automobile, pour les indemnités telles qu'elles sont décrites dans le projet de loi no 67, et aussi pour une couverture supplémentaire qu'un individu serait libre de prendre à l'extérieur du régime public d'assurance automobile.

Donc, je rends immédiatement la décision à deux niveaux: au premier niveau, je juge la motion prématurée à l'article 3, mais j'indique immédiatement que même si je ne l'avais pas jugée prématurée à l'article 3 et si elle était soumise à l'article 4, je la jugerais non recevable parce que portant atteinte à un principe qui a été discuté en

deuxième lecture et qui n'affecte pas seulement la couverture publique, mais aussi la couverture privée du régime d'assurance automobile.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président... Le Président (M. Bertrand): Oui.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... sur la motion principale.

Le Président (M. Bertrand): Sur la motion principale, la parole est au député de Marguerite-Bourgeoys. De toute façon, il a maintenant quitté et m'a signifié qu'il ne serait pas de retour à cette séance.

Le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense qu'il me reste cinq minutes. Je vais essayer de faire vite.

Je voudrais tout d'abord relever certaines affirmations du député de Jacques-Cartier quant à la protection des consommateurs. Je suis bien d'accord, M. le Président, et j'aimerais que le député de Jacques-Cartier m'écoute... Je suis bien d'accord, M. le Président, que tous les Québécois devraient être capables de disposer de leur revenu comme ils l'entendent, et je pense que cela fait partie de notre concept de liberté.

D'autre part, M. le Président, je pense qu'il est du devoir de tout gouvernement de protéger les consommateurs qui habitent le pays. C'est pour cela que les gouvernements antérieurs, d'ailleurs, à qui je dois rendre hommage, ont créé un ministère qui s'appelle le ministère, entre autres, des Consommateurs, Coopératives et Institutions financières, mais où l'élément "consommateurs" est d'une importance vitale. C'est pour ça également que les gouvernements antérieurs ont fait une loi qui s'appelle la Loi de la protection du consommateur et que nous avons un office qui s'appelle l'Office de la protection du consommateur avec un président qui occupe cette fonction à temps plein. C'est pour ça également que Mme le ministre a déjà annoncé son intention avouée de s'en aller vers un code complet de protection du consommateur et, d'autre part, c'est également dans cette optique que le gouvernement a déposé, en première lecture, une loi qui s'appelle Loi sur le recours collectif et qui a pour but également de protéger le consommateur.

Je pense que même si tous les consommateurs québécois devaient, en principe, disposer de leur revenu comme ils l'entendent, ces lois n'ont aucunement l'intention de brimer leur liberté, mais, au contraire, de les protéger dans l'exercice de cette faculté qu'est la consommation. Je pense que le député de Jacques-Cartier admettra que la majorité des Québécois est certainement d'accord avec tout gouvernement qui tente de protéger, d'une façon ou d'une autre, soit par le "class action", soit par l'aide juridique, soit par un code du consommateur, soit par un Office de la protection du consommateur, les droits des consommateurs québécois qui habitent le pays.

M. le Président, j'ai été également heureux de constater que deux collègues et confrères, le député de Marguerite-Bourgeoys et le député de Nicolet-Yamaska, se sont, comme moi, affranchis du Barreau et ont fait une profession de foi envers la non-responsabilité, et je comprends également que leur réserve provient surtout de la création...

M. Fontaine: Le Barreau aussi. M. Raynauld: Le Barreau aussi.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je suis encore très heureux de constater que le Barreau l'a fait; donc, nous sommes unanimes — ... et que leur réserve provient de la création de la régie d'Etat et non pas de la conception ou du concept de l'indemnisation sans égard à la faute.

M. Saint-Germain: II y a le droit de recours aussi qui est important.

M. Fontaine: L'appel.

M. Saint-Germain: Le droit d'appel.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, depuis le début on parle beaucoup des indemnités qui seront versées aux victimes, mais ce qu'on oublie de dire, c'est que, dans le système actuel, il y a énormément de gens qui ne sont pas du tout indemnisés, et je voudrais répéter ici une affirmation qui vient du député de Beauce-Sud à l'effet que les gens vont payer une prime égale, mais que, d'autre part, ils ne recevront pas des bénéfices égaux. Je pense que Mme le ministre a très clairement établi tout à l'heure qu'environ 30% de ceux qui en recevront, selon les projections des indemnisations de la Régie de l'assurance automobile, sont des passagers ou des piétons qui n'auront aucun sou à verser en vertu de ce régime et qui seront pourtant protégés. Je pense qu'il est bon de souligner cet élément, qui est extrêmement important.

D'autre part, on a parlé également du coût d'administration du régime de la Régie de l'assurance automobile. M. De Coster, que les amis d'en face connaissent très bien ou, du moins, certains, est un homme sérieux qui, avec l'aide de collaborateurs et de personnes compétentes, a établi, selon des critères qu'il nous a expliqués hier, le coût d'administration du régime à environ 6%. Le député d'Outremont a fait grand état du coût d'administration de la Régie de l'assurance-récolte, et je ne me rappelle pas du pourcentage dont il a fait état à ce moment-là...

M. Raynauld: 300%.

M. Vaillancourt (Jonquière):... mais il faudrait quand même rappeler que la Régie de l'assurance-maladie, selon les derniers chiffres, fonctionne avec un taux d'administration de 6%, que la Régie des rentes du Québec fonctionne avec un coût d'administration d'environ 3% et que la Commission des accidents du travail fonctionne avec un coût d'administration de 8%.

Je pense qu'il est bon de donner quand même ces trois autres exemples pour démontrer — et je ne mets pas en doute les chiffres du député d'Outremont — que la Régie de l'assurance-récolte est peut-être le seul ou l'un des seuls organismes publics à fonctionner à un taux d'administration aussi grand et qu'au moins trois autres, en tout cas...

M. Raynauld: C'est le seul organisme d'assurance.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... nous ont démontré, par le passé, qu'ils pouvaient fonctionner à de meilleurs taux.

En terminant, M. le Président, j'aurais aimé parler du sujet qui a été apporté par l'amendement du député de Marguerite-Bourgeoys, mais comme cet amendement a été déclaré irrecevable, j'en fais donc abstraction. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Bien, M. le député...

M. Vaillancourt (Jonquière): En terminant, M. le Président... Je pense qu'il me reste une minute...

Le Président (M. Bertrand): Je pense qu'il ne vous en reste plus, M. le député de Jonquière, mais, du consentement unanime...

M. Vaillancourt (Jonquière): Une minute, M. le Président, tout simplement pour répondre au député d'Outremont sur la concurrence.

Le Président (M. Bertrand): Seulement si j'ai le consentement unanime, M. le député de Jonquière.

M. Saint-Germain: Oh! vous savez, on n'en est pas à une minute près!

M. Vaillancourt (Jonquière): J'ai ici une annonce qui a paru dans le journal Le Nouvelliste, en date du samedi 3 décembre 1977, de la part de la compagnie Allstate. Au dernier paragraphe de l'annonce en question on lit ceci: "II serait bon de vous rappeler qu'Allstate vous fournira encore, par la suite, un excellent service à des taux très concurrentiels. De fait, rares sont ceux qui, partout au Québec, obtiendront de meilleurs taux de primes pour leur assurance automobile. En d'autres mots, vous serez toujours entre bonnes mains. Avec Allstate, vous êtes entre bonnes mains."

M. le Président, je pense que cette annonce, de la part d'une compagnie d'assurances qui sait que le projet de loi 67 sera éventuellement adopté, prouve que la concurrence existe encore entre les différentes compagnies d'assurances privées en ce qui concerne le dommage matériel et que certaines compagnies se paient même l'initiative d'annonces dans les journaux du Québec.

Une Voix: On n'a jamais dit le contraire.

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que l'article...

M. le député de Rosemont.

M. Paquette: J'aimerais simplement ajouter que, en ce qui concerne le programme d'assurance-récolte, on a fait faire une petite recherche et le député d'Outremont a raison pour l'un des deux programmes d'assurance-récolte, parce qu'il y a deux programmes d'assurance-récolte. L'un concerne les cultures industrielles — celui-là est bien rodé, il est en opération depuis quelque temps — qui fonctionne à des frais d'administration de 13% — c'est quand même pas mal moins que 34% dans l'assurance automobile. Il y a un deuxième programme qui touche les grandes cultures et qui est un programme de $1.4 million, et celui-là opère à 103% — là-dessus vous avez raison. Mais on nous dit que c'est un programme en voie de rodage. Il y a eu des difficultés. On a dû établir un contrôle plus grand à cause de l'accessibilité et ce programme est en train d'être complètement révisé, il sera remplacé par un autre.

Je pense que cet exemple... il ne faudrait pas dire que ce sont les programmes de l'assurance-récolte; il y en a un qui fonctionne à 13% et il y a un autre qui est en train d'être complètement remplacé par autre chose. C'est à peu près le seul exemple, je pense, que le député d'Outremont peut nous donner. Cela montre que dans l'entreprise publique aussi il est possible, quand des programmes fonctionnent mal, de les remplacer. Quand vous avez dit qu'un monopole public ne se brise pas, vous en avez un là qui fonctionne à 103% et que le gouvernement a décidé de remplacer par autre chose parce que ça ne fonctionne pas. Par contre, il y en a un qui fonctionne à 13%.

Il me reste encore un peu de temps, M. le Président. J'aimerais répondre à certains arguments du député d'Outremont concernant les monopoles publics. Il a dit qu'il y avait certains avantages, qu'un monopole public n'avait pas de profits. Il y en a d'autres également que j'avais mentionnés qui étaient une réduction du coût en regard de la concurrence. Par exemple, quand des compagnies privées sont en compétition, comme dans le domaine de l'assurance automobile, elles sont obligées de maintenir du personnel qui va aller chercher les primes et qui va leur permettre d'attirer vers elles les clients. C'est ce que nous ont expliqué les experts en sinistres; ils nous ont dit qu'une bonne partie de leur travail consistait justement à faire de la publicité pour les compagnies d'assurances pour lesquelles ils travaillent.

Il n'y a personne qui nous ait démontré... et c'est justement l'un des problèmes qu'on a: pour le matériel, si on voulait mettre une régie publique, on serait obligé de réduire le personnel. Cela prouve qu'il y a une certaine inefficacité en raison de la concurrence. On peut décider d'en assumer le coût, dans certains cas, mais, dans d'autres cas, ça devient inacceptable.

Lorsqu'il nous parle des files d'attente et du rationnement — il a donné l'exemple de

l'assurance-maladie, je lui donne raison, ça ne fonctionne pas très bien l'assurance-maladie, il y a des réformes à faire de ce côté...

Par contre, j'aimerais qu'il nous dise à quoi correspondent les files d'attente et le rationnement dans le domaine de l'électricité, qui est administrée par une régie d'Etat qui est l'Hydro-Québec. J'aimerais qu'il nous dise ce que veulent dire des files d'attente et le rationnement dans le régime qu'on veut établir dans l'assurance automobile. Je pense que les gens vont avoir un service beaucoup plus grand et vont attendre beaucoup moins longtemps, avec le régime public tel qu'il est là, qu'avec le régime privé qu'on a actuellement. Quand il parle de conflits d'intérêts, que le gouvernement pourrait parfois être mis en conflit d'intérêts, c'est un mot qui n'est absolument pas approprié. Il a parlé d'un conflit d'intérêts entre l'efficacité et l'efficacité gouvernementale qui devrait être améliorée à certains moments et les exigences propres au régime. Justement, il y a avantage à ce que ces divergences qui peuvent survenir soient gérées par la même autorité parce que ce sont tous des objectifs valables et qu'il faut équilibrer.

Je pense qu'on a de meilleures garanties avec une régie d'Etat. Je pourrais reprendre chacun des autres arguments. Je n'ai pas le temps. Finalement, je dirai que, quand le député de Jacques-Cartier dit que les gens ne veulent pas l'étatisation, cela dépend où. Dans le domaine de l'assurance automobile, les gens veulent l'étatisation. J'ai fait une tournée dans mon comté, j'ai fait des assemblées avec des citoyens qui ne sont pas des péquistes, j'en ai fait une la semaine passée et pas une personne ne m'a amené les objections que l'Opposition nous sert. Les gens disent: Ce qu'on a avec les compagnies privées, ce n'est pas un vrai régime d'assurance parce que, quand on a la malchance d'avoir un accident, on le paie trois ans après. Ils ne demandent que cela, la prise en charge par l'Etat dans le domaine de l'assurance automobile.

Alors, M. le Président, également, pour terminer, quand le député de Beauce-Sud nous parle des coûts cachés, des $9 millions qui sont payés en taxes par les compagnies privées, ces $9 millions sont basés sur le volume d'affaires des compagnies. Etant donné que l'assurance sera désormais obligatoire, le chiffre d'affaires des compagnies privées va se maintenir à peu près au niveau actuel et il n'y a pas de coûts cachés du tout. Quant au supposé coût caché lié à la taxe de $0.01 sur l'essence, il est dans le document rendu public par le ministre. Ce n'est pas du tout caché. J'aimerais savoir si l'Opposition a d'autres coûts cachés en tête, mais, jusqu'à maintenant, elle n'a pas réussi à en trouver.

M. Raynauld: $40 millions.

M. Paquette: Les $40 millions sont basés sur les deux facteurs que je viens de mentionner.

M. Raynauld: Un manque à gagner.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! Est-ce que l'article 3 serait adopté?

M. Saint-Germain: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: J'aimerais dire qu'après avoir écouté le député d'Outremont, il nous apparaît tout à fait évident qu'on n'a pas fait la preuve, au niveau du gouvernement, qu'un régime d'Etat serait plus efficace qu'un régime privé.

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, M. le député de Jacques-Cartier, je veux simplement vous indiquer qu'il vous reste deux minutes à votre droit de parole.

M. Saint-Germain: Je n'ai presque pas parlé.

Le Président (M. Bertrand): Hier, de 8 h 40 à 8 h 53 et, ce matin, de 10 h 57 à 11 h 2.

M. Saint-Germain: Vous êtes d'une sévérité, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): On me demande de faire mon travail, j'essaie de le faire le mieux possible.

M. Saint-Germain: Alors, si on reprend, je dis, premièrement, qu'il n'était absolument pas nécessaire d'avoir une régie d'Etat pour rendre, par exemple, l'assurance obligatoire. Ce n'est absolument pas nécessaire d'avoir une régie d'Etat pour avoir un régime de "no fault". Les coûts d'administration qu'on nous a donnés, je suis persuadé qu'ils seront très rapidement dépassés et je reste persuadé qu'en changeant aussi profondément, comme on le fait actuellement, le contexte légal dans lequel évoluent les compagnies privées, elles aussi, si elles avaient été responsables de l'administration de cette loi, auraient pu abaisser leurs frais énormément. Dans les compagnies privées, actuellement, les frais de règlement sont de 13,1%. Il me semble évident qu'en instituant un régime "no fault", du moins pour un régime de base, les frais d'avocat et les frais de règlement baisseraient énormément. Ces frais pourraient baisser, qu'il y ait étatisation ou qu'il n'y en ait pas. D'ailleurs, bien que le ministre se réfère souvent à la commission Gauvin, le régime que nous avons actuellement n'a jamais reçu l'appui du rapport Gauvin. Les études du rapport Gauvin n'ont pas mené à une telle conclusion parce que M. Gauvin, évidemment, dans son rapport, mettait l'étatisation en dernier lieu.

En confiant l'indemnisation des victimes à la Commission des accidents du travail...

M. Paquette: ... soit accepté par le gouvernement.

M. Saint-Germain: ... c'est entendu qu'il y a là... Vu que la Commission des accidents du travail

est déjà formée, qu'elle a déjà de l'expérience, ça va certainement faire baisser les coûts d'administration davantage que si on est obligé de la reformer complètement, comme on va être obligé d'établir la régie de toute pièce.

Mais ça ne diminuera pas nécessairement les coûts pour les citoyens, parce qu'il va y avoir dédoublement. On sait que lorsqu'il y a dommages matériels ou du moins, lorsqu'il y a dommages corporels, habituellement, il y a dommages matériels. Celui qui est victime, dans le contexte actuel ou dans un contexte privé, ferait appel au même assureur pour être dédommagé, tandis qu'avec le système actuel, même si les dommages matériels et corporels sont causés par le même accident, la victime va être obligée de faire appel à une double administration et ça va certainement concourir à augmenter les coûts.

Vous avez aussi les courtiers qui ont 11,3% de la valeur de la prime comme rémunération. C'est entendu qu'actuellement, en les faisant disparaître tout de suite, il apparaît qu'il va y avoir 11,3% de réduction dans l'administration. Mais nécessairement, on va être obligé, si on ne veut pas diminuer la qualité des services rendus aux victimes... Les gens qui rendent ces services actuellement vont être obligés d'être remplacés par d'autres personnes qui rendront les mêmes services.

Si ce n'est pas la régie qui le fait, c'est la victime qui aura la responsabilité d'engager, soit un avocat ou un autre conseiller pour pouvoir obtenir justice dans tout ce dédale de technocrates et de fonctionnaires qu'il va y avoir à la régie. Cela me semble tout à fait évident. D'ailleurs, on l'a senti au gouvernement, parce qu'il y a des pourparlers et on considère qu'il y aurait peut-être avantage à conserver les services des courtiers lors de l'accident.

Le Président (M. Bertrand): Je vous demanderais de conclure, s'il vous plaît.

M. Saint-Germain: Mais il reste qu'il y aura des coûts d'administration attachés au dédoublement de la perception des primes. Cela me semble absolument évident. La régie, en éliminant les courtiers, ne pourra certainement pas diminuer de 11,3% les frais d'administration de son régime. Ensuite, cela n'a pas été tellement dit, mais il me semble évident qu'il y aura un transfert de coûts au point de vue administration, de la régie aux assureurs privés. Si on diminue de 35%, dans une police, le coût de la prime, en enlevant la protection au point de vue dommages corporels, il reste qu'on oblige les assureurs privés actuellement à modifier considérablement leur police, à réimprimer leur police. On les oblige à établir un nouveau plan statistique, il faut nécessairement qu'ils modifient leur système de tarification...

M. Vaillancourt (Jonquière): Question de règlement, M. le Président, je suis parti à environ 11 h 43 et il restait deux minutes au député de Jacques-Cartier, je constate en arrivant à 11 h 48 qu'il a encore la parole.

Le Président (M. Bertrand): J'ai eu la largesse extensible, j'ai demandé au député de Jacques-Cartier de conclure.

M. Saint-Germain: C'est dommage, nous avons laissé au député d'Outremont, de Rosemont la liberté de parler...

Le Président (M. Bertrand): J'ai présumé... M. Vaillancourt (Jonquière): De Jonquière. M. Saint-Germain: De Jonquière.

Le Président (M. Bertrand): J'ai présumé qu'il y aurait consentement unanime pour dépasser de quelques minutes, M. le député de Jacques-Cartier. Mais à ce moment-ci, je vous demanderais de conclure.

M. Saint-Germain: Je vais essayer d'accélérer, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Non, je vous demanderais même de conclure. Et comme je ne parle pas au ministre de l'Education, je pense que vous allez être capable d'y arriver.

M. Saint-Germain: II y a cette taxe de 2% concernant les blessures aussi qu'on fait disparaître au niveau de la régie. Ce sont certainement des revenus de moins que la régie recevra. En plus, on continue de l'imposer à l'industrie privée qui assurera les dommages matériels.

Pour conclure, M. le Président, si j'avais le temps de disséquer les coûts d'administration des compagnies privées, on verrait que, même en ce qui regarde les dommages matériels, en faisant disparaître le droit de subrogation, en ayant la compensation directe, en faisant disparaître cette procédure d'évaluation des dommages, en ayant double emploi — je veux dire que chaque compagnie d'assurances est obligée d'avoir ses propres ajusteurs et ses propres estimateurs — on se rendrait compte qu'on peut faire baisser énormément le coût d'administration des assureurs privés, en changeant le contexte légal dans lequel il évolue présentement, qui est absolument inacceptable.

Les gouvernements passés, quels qu'ils soient, auraient dû modifier le contexte légal et, en plus, établir l'assurance obligatoire beaucoup plus tôt qu'aujourd'hui. Si on ne l'a pas fait, c'est que les gouvernements ont voulu faire comme le gouvernement actuel, prendre le problème globalement, au lieu de... Par exemple on aurait pu, par une simple législation, rendre l'assurance obligatoire à peu de frais et déjà on aurait amélioré le système actuel d'une façon marquée.

Le Président (M. Bertrand): Bien. L'article 3 sera-t-il adopté? M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, évidemment, lorsqu'on tente de découvrir les conséquences de

l'application de l'article 3, on ne peut faire autrement que de réfléchir sur la façon dont la régie va fonctionner et de tenter de prévoir des mécanismes, des moyens, des structures qu'elle devra mettre en place en vue de répondre à l'indemnisation, la plus rapide possible, face aux victimes d'accidents d'automobiles.

J'ai entendu les commentaires de différents députés à cette table au cours de la matinée. Cela va d'un pessimisme très grand d'un côté, à un optimisme des plus émouvants de l'autre côté de cette table. Je crois que la réalité va être différente, qu'elle va probablement se situer au milieu ou vers le centre de ces deux positions, soit un optimisme extrême ou plutôt le défaitisme, devant la possibilité d'une régie publique, ses coûts d'administration et, enfin, tous les éléments qui ont fait l'objet du débat.

J'ai même entendu le député de Jonquière invoquer des exemples: entre autres il a cité la compagnie Allstate. Cette compagnie fondamentalement québécoise, qui fonctionne à partir de capitaux essentiellement québécois, qui fait l'objet de citations de la part du député de Jonquière comme étant le modèle d'une entreprise qui veut s'intégrer, qui développe une publicité face à la mise en application du régime public.

Mme Payette: M. le Président, si le député de Montmagny-L'Islet le permet, je pense que cela n'a pas du tout été cité dans le sens donné par le député de Montmagny-L'Islet. Cela a été cité dans le sens d'une compagnie qui réagit correctement à la réforme et qui sait qu'à compter du 1er mars, il faut qu'elle prévienne sa clientèle du changement. C'est simplement dans ce sens.

M. Giasson: Pourquoi avoir utilisé le nom de la compagnie Allstate...

Mme Payette: Parce que c'est la seule...

M. Giasson: ... lorsqu'on sait fort bien que tous les assureurs au Québec vont travailler de concert avec l'Etat en vue de s'intégrer dans...

Mme Payette: Parce que c'est la seule qui s'est manifestée actuellement dans une publicité faite ouvertement.

M. Giasson: On sait pour quelles raisons. Mme Payette: Oui, c'est bien évident.

M. Giasson: C'était pour tenter, comme elle l'a fait dans le passé...

Mme Payette: Le Bureau des assureurs du Canada devrait peut-être faire cela au lieu de continuer à faire sa fausse publicité, cependant.

M. Saint-Germain: On vit dans une démocratie...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Giasson: Le Bureau de l'assurance du Canada va fonctionner à l'intérieur des lois que la province de Québec va adopter, Mme le ministre.

Mme Payette: Ce qui ne les empêche pas actuellement de dépenser l'argent de leurs clients pour faire une fausse publicité.

M. Saint-Germain: C'est une question d'estimation.

M. Giasson: C'est votre point de vue. Il faudrait encore que je vois toute la publicité faite par le BAC, le Bureau d'assurance du Canada, pour établir si vraiment la publicité est aussi fausse qu'on le dit présentement. En tout cas! Cela m'amusait quand même de voir le député de Jonquière faire appel à une compagnie telle que...

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne faisais pas appel, je donnais l'exemple d'une compagnie.

M. Giasson: Appel à cette compagnie pour développer l'exemple que vous pourriez...

M. Vaillancourt (Jonquière): Je n'y faisais pas appel. C'est un article de journal, c'est une annonce qui a paru dans un journal.

M. Giasson: En tout cas! Il y a également l'optimisme que je trouve très grand du côté des gens d'en face en ce qui a trait au coût d'administration de ce régime. Je dis que le coût d'administration du régime va être largement conditionné par la qualité et la rapidité du service qu'on va donner aux personnes qu'on veut indemniser, aux victimes d'accidents d'automobiles. Surtout, je songe à la remarque qui veut que, globalement et de façon générale, le règlement des indemnités aux victimes soit une affaire de trois ans. C'est encore charrier, quand on y va d'une déclaration aussi générale! Effectivement, le député de Jonquière sait fort bien que le règlement d'un grand nombre de dossiers, dans le passé, s'est fait de gré à gré entre le réclamant, la victime ou le réclamant et le représentant de l'assureur. Ils n'ont pas mis trois ans...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député, s'il vous plaît, avec votre permission! J'ai dit que ce sont les causes qui allaient devant les tribunaux, qui étaient contestées devant un juge, qui prenaient trois ans...

M. Giasson: Ce n'est pas ce que vous avez dit tout à l'heure.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est ce que j'ai dit...

M. Giasson: Ce n'est pas ce que vous avez dit tout à l'heure. Vous êtes en train de préciser, mais tout à l'heure vous avez été beaucoup plus global.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... dans le discours que j'ai fait hier soir, alors que vous n'étiez

pas présent. Habituellement, celles qui se règlent hors cour se règlent dans un délai allant de 10 à 18 mois. Il faut quand même attendre les rapports médicaux. Si la cause va devant la Cour supérieure et qu'on attend d'être sur le rôle pour plaider la cause, cela prend régulièrement, du moins dans le district de Chicoutimi, entre deux ans et trois ans et demi avant que la cause ne soit entendue. Je ne parle pas des règlements hors cour.

M. Giasson: En tout cas, je peux au moins vous donner l'expérience que j'ai vécue en regard des hypothèses qu'on mène sur la rapidité de règlement que la régie pourrait avoir. L'expérience personnelle que j'ai vécue pendant de nombreuses années me permet de déclarer que 50% des réclamations venant de victimes blessées ou ayant subi des dommages corporels à des degrés divers, 50% de ces dossiers se réglaient, selon mon expérience vécue, à l'intérieur de trois mois. Seuls les dossiers où on décidait de faire appel à une expertise juridique, à une réclamation juridique ont connu des règlements longs.

J'ai vu très souvent des dossiers où des avances volontaires ont été payées par les assureurs en attendant que l'expertise médicale puisse déterminer, de façon définitive, la perte de capacité.

M. Vaillancourt (Jonquière): Chapitre B.

M. Giasson: Pardon?

M. Vaillancourt (Jonquière): Chapitre 8.

M. Giasson: Non seulement sur le chapitre B, j'ai vu des opérations de cette nature concernant des règlements en vertu du chapitre A. Le chapitre B, il va de soi que cela peut se régler très rapidement, puisqu'il s'agit d'un paiement volontaire et que le montant maximal permis est plutôt peu élevé. Mais je parle des règlements ou des versements qui ont été faits par des assureurs qui reconnaissaient la responsabilité certaine de leurs clients et qui, en vue d'accommodements, faisaient des avances à la victime qui en réclamait, quitte à lui verser le paiement final ou l'indemnité finale lorsque l'expertise médicale aurait déterminé le montant ou la somme auquelle avait droit cette victime.

C'est pour cela d'ailleurs que je vous indiquais tout à l'heure qu'on va d'un pessimisme vers un grand optimisme sans tenir compte d'une réalité qui a été vécue depuis fort longtemps dans l'indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles.

Je me demande, à moins de bâtir des structures et de mettre des équipes fort importantes qui seront au service des victimes, comment la régie, dans au moins 50% des réclamations ou des paiements d'indemnités pourra être plus rapide que ne l'était l'industrie privée, compte tenu de son mode de fonctionnement qui est connu par celui qui vous parle, également par d'autres personnes.

Je comprends que les représentants du Barreau étaient habitués à voir les dossiers qui faisaient l'objet de réclamations légales pour les victimes. C'étaient surtout les dossiers vus par les avocats. Celui qui travaille à un autre niveau, à l'intérieur de l'industrie de l'assurance, voyait également d'autres dimensions de fonctionnement dans l'industrie privée. J'ai peine à croire, à moins que, comme je l'ai indiqué, la régie ne forme toute une équipe qui va se tenir rapidement à la disposition des victimes d'accidents d'automobiles, qu'elle puisse fonctionner plus rapidement que 50% des dossiers de réclamations ou de dommages corporels qu'on a pu connaître dans le passé.

Si la régie veut également donner ce service le plus rapide, le plus courtois et vraiment être à la disposition des victimes, il faudra qu'elle le prévoie dans l'ensemble de ses coûts de fonctionnement, de ses frais d'administration. Ce sont les raisons pour lesquelles j'ai toujours pensé que lorsqu'on escomptait, qu'on prévoyait un coût moyen de fonctionnement ou de frais d'administration de 6%, nous étions excessivement conservateurs. Cela pourrait peut-être être possible si on réduisait au grand maximum l'équipe qui va fonctionner à l'intérieur de la régie avec les groupes qu'on veut adjoindre à la régie pour contrôler et faire l'évaluation des réclamations des victimes, mais comment est-ce possible à partir du moment où la régie va vouloir vraiment être disponible à l'endroit des victimes et va vouloir faire davantage que ce que pouvait faire l'industrie, non seulement dans l'ensemble des dossiers de réclamations des victimes, mais également dans cette partie de dossiers qui était traitée avec rapidité? Je le dis et sans gêne, c'est grâce à la collaboration, dans l'immense majorité des cas, des courtiers d'assurances qui voulaient vraiment donner un service aux assurés comme aux réclamants, parce que les qualités et l'efficacité d'un courtier d'assurances, j'ai toujours prétendu que cela se prouvait lors de réclamations. Souscrire des risques, c'est l'opération absolument facile pour un courtier. Cet homme devient utile lorsqu'il est en mesure de commencer à donner un service dépendant de la prime que l'assuré avait payée ou des droits que le réclamant pouvait avoir, même si ce n'était pas lui qui avait souscrit la prime auprès de l'assureur.

Personnellement, je suis d'avis que la qualité du service que pourra donner la régie de par l'ensemble des mécanismes ou des structures qu'elle va se donner en vue de répondre aux réclamations provenant des victimes, devra déboucher sur un coût plus élevé que les prévisions très optimistes de 6% qui sont celles du gouvernement présentement. Il m'apparaît, à l'expérience, que nous allons découvrir que, ce service étant de la qualité de ce qu'on veut, ou du moins, de ce qu'on espère, le coût de l'administration de la régie pourrait se situer beaucoup plus près de 10% dans la réalité que les prévisions de 6%.

Je me demande aussi, dans certains cas de réclamations venant des victimes, comment la régie pourrait être plus rapide ou même aussi rapide

que ne l'étaient les services donnés sur beaucoup de réclamations dans le passé. Là encore, s'il y avait possibilité que la régie puisse s'entendre avec la Fédération des courtiers afin de permettre à ceux-ci de s'impliquer d'une manière ou d'une autre, qu'il resterait à déterminer, dans le règlement des sinistres, je crois que ce serait une garantie d'efficacité en matière de rapidité encore plus grande, plutôt que de toujours laisser les victimes se débattre avec leurs problèmes vis-à-vis les fonctionnaires de la régie, même si on peut prêter les meilleures intentions qui soient aux fonctionnaires de cette régie. On nous dit, on nous révèle qu'il y aura possibilité d'utiliser...

M, Saint-Germain: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, mais il est 12 heures. Est-ce qu'on finit à 12 heures ou à 13 heures?

Le Président (M. Bertrand): A 13 heures.

M. Charron: A 13 heures.

M. Saint-Germain: II nous reste une heure.

M. Giasson: On nous dit que les onze bureaux régionaux de la Commission des accidents de travail seront à la disposition des victimes ou de toutes personnes qui seront aux prises avec des droits de réclamation suite à des accidents. Comment peut-on prévoir que dans certaines régions du Québec — et vous accepterez que je pense en fonction de la région que je connais, où je vis, que je connais depuis toujours — il y aura qualité et rapidité de services lorsque les victimes devront s'adresser au bureau le plus près et dans le cas qui nous occupe, le cas que je cite, ce bureau est situé à Québec.

On va nous dire que, dans l'avenir, la Commission des accidents du travail songe à ouvrir de nouveaux bureaux de service. On parle de les multiplier de façon à couvrir le territoire du Québec d'une quarantaine de bureaux de service. Mais, dans beaucoup de régions du Québec, surtout les régions en dehors des centres urbains, je vois déjà le comportement de la très grande majorité des victimes. Première réaction: ces gens-là ne songeront même pas à téléphoner au bureau de service que la Commission des accidents du travail peut avoir dans le secteur le plus rapproché du lieu de résidence de la victime. On va s'adresser immédiatement, comme on le faisait dans le passé, au bureau du courtier, et c'est celui-ci qui devra, s'il a cette attitude de maintenir le meilleur service à l'endroit de son client ou d'un réclamant, établir la communication téléphonique; c'est celui-ci qui devra procéder, dans beaucoup de cas, à compléter les formulaires qui seront nécessaires, d'abord, pour produire une réclamation et qui devra également, à la demande des réclamants et des victimes, qu'ils soient de ses clients ou même des non-clients, compléter d'autres formules, puisqu'il est facile d'imaginer que la Régie de l'assurance automobile, de la même façon que les autres régies publiques que nous connaissons, devra échanger de la correspondance, exiger de l'information additionnelle, avoir plus de précisions, afin de traiter les réclamations de façon convenable et de pourvoir au paiement maximal qu'il est possible d'accorder, compte tenu de l'ensemble d'une réclamation provenant d'une victime.

Mon expérience, encore une fois, m'indique que le courtier d'assurances n'aura pas le choix. S'il veut véritablement continuer d'être au service, d'accorder un véritable service aux réclamants comme à ses clients, ses assurés, il devra intervenir dans le dossier. J'invite le ministre des Consommateurs à revoir, avec le président, le directeur de la régie, M. De Coster, jusqu'où on peut vraiment donner une chance aux courtiers d'assurances, par la fédération qui les représente, de continuer de jouer le rôle que les citoyens... Ce sera un rôle que les citoyens leur demanderont de jouer, même dans l'existence d'une régie publique. On pourra certainement dire, et je crois que le ministre a voulu l'indiquer dans le passé, que les courtiers devront continuer de donner ce service sans exiger aucune rémunération, aucune capitation, pour utiliser l'expression à laquelle a fait référence, M. De Coster. On pourra prétendre que c'est le rôle social, que c'est la responsabilité sociale que les courtiers devront assumer. C'est un point de vue qu'on n'est pas obligé de partager nécessairement.

Je connais suffisamment le monde des courtiers d'assurances pour savoir que la plupart d'entre eux, pour ne pas dire l'immense majorité, acceptent bien de jouer le rôle social qui est le leur, mais leur demander de le jouer à l'infini, sans croire que ces gens-là doivent faire un partage de l'ensemble du temps qu'ils consacrent aux activités professionnelles, c'est demander beaucoup plus à ces gens, qui oeuvrent dans une profession donnée, qu'on pourrait demander à d'autres personnes qui travailleront à l'intérieur du fonctionnement du système, comme fonctionnaire de la régie, comme fonctionnaire de la Commission des accidents du travail ou d'autres organismes auxquels on devra faire appel et qui, eux, à mon humble avis, doivent également apporter leur contribution, leur part sociale au fonctionnement d'un régime public, qui en sera un parmi tant d'autres. Je ne verrais pas pourquoi on serait si exigeant à l'endroit des courtiers d'assurances du Québec, à un degré nettement plus élevé qu'on le serait à l'endroit de tout autre intervenant qui aura à jouer un rôle à l'intérieur du fonctionnement et de l'administration du régime public.

Pour ma part, je conçois que, connaissant les courtiers, ces derniers vont accepter de jouer un rôle et vont y consacrer sûrement une partie de leur temps, et ça, de façon gratuite, en vue d'accommoder et d'aider les gens qui auront à transiger, à négocier avec la Régie de l'assurance automobile. Mais croire qu'on pourra demander de presser le citron à l'infini, leur demander une collaboration qui devra être totale et sans réserve, de façon permanente, de façon constante dans l'avenir, et demander à ces groupes d'individus d'être nettement au-delà de ceux qui seront payés et ré-

munérés à l'intérieur d'un régime de travail et de conditions de travail, je dis que c'est rêver en couleur.

Il en est ainsi de penser qu'on pourra faire faire de "l'angélisme" à des gens qui, évidemment, suite aux pressions du public, auront à intervenir, à faire du travail et à jouer un rôle dans l'administration de la Régie de l'assurance automobile.

M. le Président, est-ce qu'il me reste encore du temps?

Le Président (M. Bertrand): Oui, il vous reste encore deux minutes.

M. Vaillancourt (Jonquière): J'aurais une question à vous poser, M. le député de Montmagny-L'Islet, si vous le permettez, sur votre deux minutes?

M. Giasson: D'accord.

M. Vaillancourt (Jonquière): Vous avez affirmé, tout à l'heure, que votre expérience vous démontrait que, à l'intérieur d'un délai de trois mois, plusieurs causes se réglaient à l'amiable ou hors cour. N'est-il pas exact que les réclamations pour blessures corporelles qui se réglaient à l'intérieur d'un délai de trois mois, ou à peu près, consistaient, dans la plupart des cas, dans des blessures mineures où on pouvait obtenir, très rapidement, un rapport médical ou encore au sujet desquels on n'avait pas besoin, du tout, de rapport médical?

M. Giasson: Oui. Lorsqu'on pense au chapitre B de la police, vous avez raison. C'est que l'industrie de l'assurance a aussi évolué au cours des années. Il fut une époque — lors de mes premières années de pratique — où on n'avait pas cette ouverture, chez les assureurs, en vue d'un règlement rapide, mais, avec les années, par suite du comportement des agents de réclamations et d'un changement d'attitude ou de mentalité chez les assureurs, face à la compétition, il s'est véritablement développé une pratique, un désir de vouloir être plus rapide dans le règlement de certaines réclamations qui, nécessairement, n'impliquaient pas des sommes astronomiques. Je dirais que c'est depuis huit ou dix ans qu'on a réalisé cette ouverture nouvelle de la part de l'ensemble des assureurs du Québec, en vue de régler plus rapidement certaines réclamations. Je dirais même que, plus récemment depuis cinq ans, par suite du comportement et de l'ouverture d'esprit de plusieurs agents de réclamations, experts en sinistres, on a même vu des compagnies s'ouvrir de façon à accepter, face à des réclamations découlant du chapitre A de la police, soit un chapitre de responsabilité, l'idée de verser des remises à des réclamants où il était évident qu'ils avaient le droit de réclamer, compte tenu de la responsabilité de l'automobiliste qui détenait la police.

C'est une évolution des dernières années qui est heureuse, remarquez bien, parce que person- nellement j'ai toujours déploré, comme courtier d'assurances, qu'un certain nombre de dossiers mettent tant de temps à apporter un premier chèque ou une première indemnité à des victimes d'accidents d'automobiles, surtout lorsqu'il s'agissait de victimes ou de réclamants qui se situaient dans la catégorie des citoyens mal nantis et qui avaient nécessairement besoin de toucher une indemnité plus rapide que celui dont les moyens sont supérieurs ou qui a des économies et qui peut, effectivement, se permettre d'attendre une réclamation pour une période de deux, trois ans ou même davantage.

La faiblesse de l'industrie privée s'est toujours située vis-à-vis de ce volume de dossiers où on mettait tant de temps, à cause des délais juridiques, des négociations, de l'attente des rapports médicaux — il y a une foule de raisons à ces choses — où on retardait le paiement, le règlement d'un dossier, à une victime démunie, ne possédant plus de ressources, et surtout ce qui avait parfois comme conséquence de hâter un règlement pour ces victimes en attente d'un règlement parce qu'elles avaient faim, parce qu'elles avaient besoin. C'est ça la faiblesse que j'ai déclarée dans le passé, je l'ai souvent dit, j'en ai discuté avec les assureurs lors de réunions de courtiers d'assurances, c'était la chose à corriger, c'était là le secteur le plus grave dans le fonctionnement du régime qu'on connaissait.

Mme Payette: M. le Président, j'aimerais poser une question au député de Montmagny-L'Islet. Vous avez plaidé en faveur des courtiers — j'ai un grand respect pour vous, je tiens à vous le dire — et je pense qu'on ne peut pas penser un seul instant qu'il y ait, de la part du gouvernement, un refus d'inclure des courtiers dans la réforme. On cherche le moyen et on cherche à quel prix ça peut être fait. Vous n'excluez pas, cependant — du moins je l'espère — les experts en sinistres qui pourraient, effectivement, être des intermédiaires valables entre la régie et la population.

Je voudrais aussi vous poser une question pour mon information. Est-ce qu'il ne vous est pas arrivé de penser que c'était parfois un peu facile de devenir courtier? J'ai été en contact avec certains — je ne veux absolument pas généraliser — qui ne me paraissaient pas prêts à remplir les fonctions qu'ils avaient?

M. Giasson: II en va, Mme le ministre, des courtiers comme des autres groupes de travailleurs...

Mme Payette: Oui, sauf que le service auprès de la population est à ce point important, dans les circonstances, qu'on peut s'interroger sur certains d'entre eux.

M. Giasson: Oui. Vous avez parfaitement raison là-dessus; sur l'ensemble du groupe des courtiers qui travaillent au Québec, on peut s'interroger sur certains membres de la profession, mais vous admettez qu'on peut le faire à l'endroit de

toutes les professions. Vous avez des gens qui ont des diplômes de professionnels, et qui, dans l'application, sont de vraies nouilles. On les a dans les professions et chaque profession fournit son monde...

Mme Payette: Vraiment, et honnêtement...

M. Giasson: Quel que soit le palier d'activité où on est.

Mme Payette: Vraiment et honnêtement, c'est pour me renseigner. Est-ce que vous voyez, vous qui avez une large expérience dans ce domaine, un moyen d'arriver à une meilleure formation des courtiers?

M. Giasson: Oui, déjà depuis quelques années, la formation des courtiers d'assurances au Québec s'est améliorée de façon profonde. Il fut un temps où la qualification nécessaire pour devenir courtier et les examens d'admission à la profession étaient très peu sévères, on demandait peu de ces gens-là. Je reconnais qu'à une époque, c'était vrai ce que vous dites là; mais ceux qui ont adhéré à la fonction de courtier depuis cinq ans, entre autres, ont dû fournir, au départ, des prérequis beaucoup plus exigeants qu'ils ne l'étaient dans le passé. Les examens de qualification sont totalement différents de ce que nous avions il y a quinze ou vingt ans et même davantage. La profession de courtier d'assurances de ce côté a évolué de façon très importante. Ce n'est peut-être pas encore complet. On sait qu'à l'avenir, l'association, je ne parle pas de la fédération, mais l'Association des courtiers d'assurances au Québec veut poser encore plus d'exigences pour l'admission ou l'acceptation d'une personne à qui on va donner une autorisation pour émettre une qualification de courtier d'assurances.

Le mouvement est lancé, il y a de l'élimination qui se fait, des gens quittent la profession pour une raison d'âge; il s'agit de personnes qui avaient adhéré au champ de l'assurance à l'époque où on était très peu exigeant et où on pouvait devenir agent d'assurance au départ, par l'obtention d'un permis du service des assurances qui, je le reconnais, demandait très peu de qualifications, posait peu d'exigences. Mais ces gens-là, avec le temps, quittent la profession, et ceux qui arrivent dans la profession sont certainement des gens beaucoup mieux préparés, des gens qui auront des connaissances techniques, à l'intérieur de la profession, beaucoup plus grandes que celles des gens qui ont adhéré à cette profession il y a 20 ou 25 ans.

Le Président (M. Bertrand): Alors, l'article 3 serait-il adopté?

M. Roy: Avant, il y a une question et je ne sais pas qui pourrait me fournir le renseignement; le député de Jonquière, Mme le ministre ou le député de Montmagny-L'Islet. On a parlé d'un certain nombre de dossiers qui étaient mal réglés et pour lesquels les gens les plus démunis, je connais cer- tains cas personnellement... Est-ce qu'on dispose de statistiques à l'heure actuelle, de ce côté-là, pour nous dire, à peu près, quel est le pourcentage parmi les victimes que ces cas peuvent représenter?

Mme Payette: La seule statistique disponible, c'est le 1% qui se rend jusqu'au jugement final devant les tribunaux. Pour le reste, il n'y a pas de statistique disponible.

M. Roy: Alors, on admet que le pourcentage n'est pas tellement élevé. Cela ne veut pas dire qu'on doive les laisser pour compte, ce n'est pas ce que je veux dire. Je veux établir quand même un ordre de grandeur.

Mme Payette: Je ne suis pas sûre qu'on puisse dire qu'il n'est pas très élevé, puisqu'on ne le connaît pas. Les règlements se font, soit avec des intermédiaires qui sont des avocats, soit directement parfois avec l'évaluateur, soit directement par certaines compagnies quand il s'agit de flottes. Alors, c'est extrêmement difficile de mettre un chiffre là-dessus.

M. Roy: Est-ce que le député de Montmagny-L'Islet, qui a une longue expérience là-dedans, pourrait me donner des chiffres, si on me permet? Concernant le pourcentage des personnes qui sont pauvres et qui subissent les préjudices dont on a fait état tout à l'heure, quel pourcentage est-ce que cela peut représenter par rapport au nombre de victimes? Est-ce qu'on peut donner un ordre de grandeur?

M. Giasson: Je n'ai pas de chiffres précis là-dessus, mais partons d'une hypothèse selon laquelle dans l'ancien régime, qui fonctionne toujours, en vertu de la responsabilité, vous aviez entre 25% et 30% des réclamants qui le faisaient en recourant aux services d'un procureur, parce qu'on voulait aller chercher le maximum possible et qu'on demandait des intervenants pour appuyer la réclamation. A l'intérieur de ces 25% ou 30%, la grande majorité des victimes se situait parmi les pauvres. Qu'est-ce que vous voulez, c'est la même proportion qu'on retrouve, c'est la loi des moyennes, dans ces réclamants qui étaient en attente pendant de longues périodes, c'est la même moyenne ou proportion que l'on peut retrouver à l'intérieur de la société québécoise.

M. Roy: Mais tous ne se rendaient pas devant les tribunaux.

M. Giasson: Non.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est l'infime minorité.

M. Giasson: C'est une minorité. Et même pour ceux qui utilisaient les services d'avocats, souvent, le procureur décidait d'une entente de gré à gré. On ne se rendait pas devant le tribunal. Il y avait

négociation entre l'avocat, le procureur du réclamant et le représentant de la compagnie, habituellement l'agent de réclamation ou même l'avocat de la compagnie, mais surtout l'agent de réclamation. On négociait pour en arriver à une entente de gré à gré.

M. Vaillancourt (Jonquière): Mais pour répondre aussi à M. le député de Beauce-Sud, il est vrai, comme l'a dit le député de Montmagny-L'Islet, que certaines compagnies récemment, dans certains cas, ont avancé à des personnes mal nanties certaines sommes d'argent préalablement à l'entente finale, c'est vrai. D'autre part, dans les 25% ou 30%, si je prends les chiffres du député de Montmagny-L'Islet, qui venaient voir des avocats, l'infime minorité allait devant la Cour supérieure pour plaider sa cause.

Il n'en reste pas moins qu'il faut savoir comment se faisait ce règlement. Bien souvent, je ne dis pas dans la plupart des cas, mais souvent la victime se voyait en face d'une lettre de la compagnie d'assurances qui disait qu'elle envisageait de contester la responsabilité. Inutile de vous dire qu'à ce moment-là le procureur devait aviser son client que si on allait devant les tribunaux la cause serait entendue dans x mois ou à peu près, ce qui décourageait habituellement le client.

De telle sorte que, le député de Montmagny-L'Islet y a fait allusion tout à l'heure, j'avais oublié de le dire, ce n'était pas rare que des victimes acceptent des montants inférieurs aux montants auxquels ils avaient droit et auxquels un jugement leur aurait donné droit pour régler la cause un an et demi ou deux ans avant et ne pas courir le risque du procès. Parce qu'un procès, dans le système de la responsabilité, c'est toujours un risque.

Lorsque la responsabilité est évidente, il n'y a pas de problème; lorsque la responsabilité peut être de 50-50 ou de 60-40, la victime, qui peut assurer les frais de cour si elle perd entièrement la cause, est bien souvent portée, tout en profitant de l'argent deux ans avant, des intérêts sur le capital, si la somme est le moindrement raisonnable, à accepter cette somme inférieure à la somme qu'elle aurait eue si elle avait gagné sa cause. Mais il y a toujours un si, si elle avait gagné sa cause en Cour supérieure.

J'ai vu des victimes d'accident à qui j'ai dit: Si vous gagnez en Cour supérieure le quantum de vos dommages, vous ne pourrez certainement pas avoir moins de X montant, disons $10 000. La victime était prête, souvent, 18 mois avant, à accepter la somme de $7000 en capital parce qu'elle savait que, durant ces deux prochaines années, elle pourrait se servir de ce montant et le placer à X% d'intérêt, mais elle devait quand même donner 15% au procureur, ce qui réduisait son capital de $1000.

Evidemment, le procureur laissait entièrement libre la personne d'accepter ou de refuser. C'était le devoir du procureur de dire à son client: Refusez cette somme, si c'était manifestement déraisonnable, si cela allait à l'encontre des principes de la justice. Mieux vaut aller devant les tribunaux, passer 18 mois plus tard qu'accepter une somme manifestement injuste par rapport au quantum réel des dommages. Il faut dire que cela arrivait.

Mme Payette: ... qui était perdu.

M. Roy: Dans quel pourcentage des cas?

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne voudrais pas donner de statistiques. Je pourrais seulement parler des cas que j'ai vécus et non pas de ceux des autres. Je pourrais vous dire que des règlements à l'amiable entre la partie sans avocat et la compagnie d'assurances, ou entre l'avocat et celui de la compagnie d'assurances, c'est la grande majorité des cas. La question qu'on doit se poser, c'est: Est-ce que, dans tous les cas, les victimes reçoivent exactement ou à peu près la somme d'argent à laquelle elles ont réellement droit en vertu du préjudice subi? C'est une question importante.

Souvent, le risque du procès, une attente trop longue, fait en sorte que les victimes sont portées, et ça les compagnies d'assurances le savent, à accepter des montants inférieurs, là, je ne voudrais pas donner de pourcentage, pour régler la cause, pour ne pas courir le risque de payer des frais de cour à l'avocat de la partie adverse et ne pas courir le risque de tout perdre.

M. Saint-Germain: Ces difficultés...

M. Roy: Je ne peux pas parler d'une expérience comme avocat, je ne suis pas avocat. Mais comme député, depuis huit ans, je peux vous dire que, pour un cas d'assurance automobile mal réglé — les gens viennent de temps en temps à nos bureaux — j'ai dix cas d'accident du travail mal réglés.

M. Vaillancourt (Jonquière): Là, je ne voudrais pas...

M. Roy: C'est l'Etat.

M. Vaillancourt (Jonquière): On parle de...

M. Roy: On veut corriger, mais de ce côté-là...

M. Saint-Germain: La cause de ces difficultés devant les tribunaux ou des discussions entre assureurs et assurés, est-ce que c'est surtout le quantum ou la responsabilité?

M. Vaillancourt (Jonquière): Habituellement, lorsque la responsabilité est évidente.

M. Saint-Germain: Je parle en général.

M. Vaillancourt (Jonquière): En général, je pense que c'est la responsabilité, puisque souvent, en fait, notre système de responsabilité, ce n'est pas nécessairement 100% pour la tierce partie ou 100% pour la victime. Je peux être responsable à 25% du dommage, comme demandeur. La compagnie d'assurances, à ce moment-là, va payer,

proportionnellement parlant. Mais, en ce qui concerne ma compagnie, si moi, je suis assuré, elle sera obligée également de payer l'autre, parce que je serai responsable à X% moi aussi. Cela peut être 60%-40%, cela peut être 75%-25%. De là le risque du procès. Et vous comprendrez que, comme la loi de la moyenne joue, la plupart des demandeurs étant souvent des personnes moyennement nanties... Devant ce risque-là — parce que c'est une question qu'on se faisait poser souvent — si je perds, qu'est-ce que j'aurai à payer? Tu auras à payer les frais judiciaires du procès. Qu'est-ce que pourrait être ce montant? Face à une réclamation de $7000, $8000, $9000, non seulement le gars court le risque de tout perdre, mais, en plus, de se retrouver à payer les frais judiciaires de la partie adverse, ce qui peut représenter souvent plusieurs centaines de dollars, et même atteindre $1000 dans certains cas.

Vous comprendrez que c'est difficile, à ce moment-là, à moins d'avoir une responsabilité évidente...

M. Saint-Germain: Le "no fault" ferait disparaître une bonne partie...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est surtout la responsabilité.

M. Saint-Germain: Le "no fault " fait disparaître une bonne partie ou la majorité de ces inconvénients.

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, mais cette conversation de salon fort intéressante...

M. Roy: M. le Président, ce n'est pas une conversation de salon. C'est très important.

Le Président (M. Bertrand): Je sais. Seulement, elle nous permet de donner une extension à un règlement qui dit bien que les députés qui, jusqu'à maintenant, ont pris la parole là-dessus, ont tous épuisé leur droit de parole.

M. Lalonde: J'ai parlé 20 minutes?

Le Président (M. Bertrand): Qui? Vous?

M. Lalonde: Sur l'article 3?

Le Président (M. Bertrand): Je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas parlé 20 minutes.

M. Lalonde: Non, sûrement pas.

Le Président (M. Bertrand): II est un des seuls, d'ailleurs...

M. Vaillancourt (Jonquière): ... M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Si mon calcul est bon, il lui reste une minute.

M. Lalonde: Pardon?

Le Président (M. Bertrand): Une minute.

M. Lalonde: Une minute seulement. Vous êtes sûr?

M. Paquette: II me semblait que cela avait paru long!

M. Vaillancourt (Jonquière): Je le savais. Je le savais.

Le Président (M. Bertrand): De 11 h 11 à 11 h 30. Vous avez parlé dix-neuf minutes.

M. Vaillancourt (Jonquière): Juste assez pour présenter son amendement.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Montmagny-L' Islet.

M. Giasson: C'est presque un privilège que je vous demande. A la suite des questions que se posait le ministre il y a quelques moments sur la compétence ou le professionnalisme de certains courtiers d'assurances, je lui ai indiqué quelle était ma perception, ma vision là-dessus.

Mais, puisque le député de Jonquière a parlé longuement des modes de règlement de certaines réclamations, ou des discussions qu'il y avait entre procureurs, j'ai découvert également que, dans le monde des avocats, il y a eu des dossiers où le professionnalisme n'était pas trop présent.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, c'est vrai.

M. Giasson: J'ai vu des dizaines, et je pèse mon mot, des dizaines et des dizaines de dossiers, où les avocats, qui représentaient les intérêts d'une victime, ont été fort complaisants dans la négociation avec la compagnie, parce qu'on se faisait donner 15% d'honoraires par la compagnie. Et on se tournait vers son client et on en réclamait 10% ou 15%.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... accepter pour être payés immédiatement.

M. Giasson: Je ne l'affirme pas à peu près. Copie de chèques versés aux avocats...

M. Lalonde:... connaissance personnelle...

M. Vaillancourt (Jonquière): J'espère que M. le député de Marguerite-Bourgeoys me fait confiance.

M. Lalonde: D'autres de ses confrères, je veux dire.

M. Vaillancourt (Jonquière): La bonne foi se présume en vertu du Code civil.

Mme Payette: Sur les 6000 avocats au Québec, tout le monde est au courant, mais personne ne pratique ce genre de cause.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je voudrais souligner autre chose, puisqu'on est entré dans ce domaine-là. La prescription étant d'un an en matière de blessures corporelles, M. le député de Montmagny-L'Islet, vous admettrez — et là, je ne veux pas généraliser au niveau des estimations d'assurances — que, bien souvent — pour ma part, cela m'est arrivé au moins une vingtaine de fois en huit ans — les gens arrivent à mon bureau, convaincus qu'ils ont encore un droit de recours, l'expert lui disant: Vous allez être payé. Ne prenez pas d'avocat pour rien, vous allez être payé. On lui disait cela au bout de neuf mois, ou neuf mois et demi. La personne arrivait à nos bureaux quatorze mois après l'accident et on devait l'informer que, malheureusement, elle n'avait pas de recours.

L'agent de réclamations avait peut-être une promotion au sein de sa compagnie — je ne veux pas faire le procès des compagnies...

M. Giasson: Mais c'est une réalité aussi.

M. Vaillancourt (Jonquière): J'ai des exemples, même dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean, d'estimateurs qui se sont vantés d'avoir cette conduite, de façon volontaire. L'ignorance de la loi n'est pas une excuse, c'est vrai. Mais, lorsqu'on est rendu à faire attendre des personnes pour des chèques et qu'au bout d'un an et un jour, le droit de recours n'existe plus, je pense que cela, c'est...

M. Paquette:... bourrer le monde.

Mme Payette: M. le Président, c'est l'éditorialiste du Devoir qui, dans un article, avait parlé des parasites de l'assurance automobile. Je pense qu'on n'ira pas plus loin, tout simplement. Mais il y en a un peu dans tous les domaines. Il y a certains courtiers qui sont des parasites, il y a certains avocats qui sont des parasites, il y a certains experts en sinistres. Il y en a un peu dans toutes les professions.

M. Roy: II y en a même à l'Assemblée nationale.

Mme Payette: Probablement, M. le député.

M. Lalonde: Bientôt, si on vous laisse faire, tous les citoyens vont être des parasites du gouvernement.

Mme Payette: Pas du tout.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! L'article 3 sera-t-il adopté?

M. Lalonde: Sur division, avec un grand "D". Un vote enregistré.

Le Président (M. Bertrand): Vote enregistré? Très bien.

Sur l'article 3, M. Beauséjour?

M. Beauséjour: Pour.

Le Président (M. Bertrand): M. Bisaillon, M. Gagnon, M. Gosselin?

M. Gosselin: Pour.

Le Président (M. Bertrand): M. Fontaine? Il n'est pas là? M. Laberge. M. Lalonde?

M. Lalonde: Contre.

Le Président (M. Bertrand): M. Paquette?

M. Paquette: Pour.

Le Président (M. Bertrand): M. Giasson?

M. Giasson: Contre.

Le Président (M. Bertrand): M. Lefebvre?

M. Lefebvre: Pour.

Le Président (M. Bertrand): M. Marquis?

M. Marquis: Pour.

Le Président (M. Bertrand): Mme Payette?

Mme Payette: Pour.

Le Président (M. Bertrand): M. Raynauld?

M. Lalonde: Je pense qu'il serait contre.

Le Président (M. Bertrand): Vous le pensez? En cas de doute, je pense qu'on va laisser faire pour l'instant.

M. Lalonde: D'accord.

Le Président (M. Bertrand): M. Roy?

M. Roy: Contre.

Le Président (M. Bertrand): M. Le Moignan?

M. Le Moignan: Contre.

Le Président (M. Bertrand): M. Saint-Germain?

M. Saint-Germain: Contre.

Le Président (M. Bertrand): M. Vaillancourt (Jonquière)?

M. Vaillancourt (Jonquière): Pour.

Le Président (M. Bertrand): Pour: 7— Contre: 5

L'article 3 est adopté. J'appelle l'article 4. Mme le ministre.

Mme Payette: M. le Président, l'article 4 se lit dorénavant comme suit: "Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits, recours et droits d'ac-

tion de quiconque en raison d'un dommage corporel causé par une automobile et nulle action à ce sujet n'est reçue devant une cour de justice. "Sous réserve de l'article 18, lorsqu'un dommage corporel a été causé par une automobile, les compensations ou avantages pécuniaires prévus pour l'indemnisation de ce dommage par la Loi des accidents du travail (Statuts refondus 1964, chapitre 159) ou par la Loi de l'indemnisation des victimes d'actes criminels (1971, chapitre 18) tiennent lieu de tous les droits, recours et droits d'action de quiconque en raison de ce dommage corporel et nulle action à ce sujet n'est reçue devant une cour de justice. "Les dispositions qui précèdent dans le présent article ne s'appliquent pas dans les cas visés dans l'article 17. Rien dans le présent article ne limite le droit d'une victime de réclamer une indemnité en vertu d'un régime privé d'assurance sans égard à la responsabilité de quiconque".

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Lalonde: J'aurais peut-être une question avant le député de Jacques-Cartier. Le ministre pourrait-il nous dire pourquoi il défend cet article? Peut-il nous l'expliquer?

Mme Payette: Le but de l'amendement est d'abolir les recours en responsabilité, y compris les actions subrogatoires à la suite d'un accident d'automobile. Le but de l'amendement: cet article a été reformulé entièrement en tenant compte du procédé utilisé lors de l'adoption de la Loi des accidents du travail.

Nous nous sommes servis des articles 13 et 15 de la Commission des accidents du travail pour formuler un article plus étanche et, dans la mesure du possible, dissuader ceux qui seraient tentés de vérifier l'étanchéité de la loi.

Autrement dit, cet article, qui est capital pour la régie, dit que les accidentés d'automobiles n'ont plus de droit de poursuite en responsabilité devant les tribunaux en échange du droit aux indemnités prévues dans la loi.

De plus, un amendement sera prévu dans les dispositions transitoires pour modifier le Code civil au chapitre sur la responsabilité civile, article 190a. L'article 4 doit s'appliquer également aux accidentés du travail et aux victimes d'actes criminels qui ne doivent pas avoir le droit de poursuite.

Dans le projet de première lecture, cette disposition était comprise dans l'article 18, qui traite de la façon d'indemniser ces victimes. Comme il s'agit d'une disposition fondamentale, elle a été reproduite à l'article 4.

M. Roy: M. le Président, j'aimerais vous demander une directive à ce moment-ci.

Le Président (M. Bertrand): Oui.

M. Roy: Cet article no 4 fait des réserves à l'ar- ticle 18 et également à l'article 17. Les articles 17 et 18 ne sont pas adoptés.

Le Président (M. Bertrand): Exact.

M. Roy: Nous avons des amendements à proposer. Je me demande s'il ne serait pas plus sage de suspendre l'adoption de l'article no 4 et d'y revenir une fois que nous aurons passé à l'article 17 et à l'article 18, étant donné qu'il y a des implications dans ces deux articles. Ce sont un peu les difficultés que j'ai soulignées hier. Si nous avons des amendements à proposer à l'article 17 et si nous avons des amendements à proposer à l'article 18 et que le gouvernement a de nouveaux amendements à apporter à ces articles, cela change la portée de l'article 4.

Le Président (M. Bertrand): S'il y a consentement unanime, vous savez...

M. Vaillancourt (Jonquière): Non, M. le Président, et je voudrais dire pourquoi.

Le Président (M. Bertrand): D'accord.

M. Vaillancourt (Jonquière): Les amendements que veut apporter le député de Beauce-Sud sont, de son aveu même, aux articles 17 et 18. Or, on dit à l'article 4 que le présent alinéa ne s'applique pas dans les cas visés dans l'article 17.

Je pense qu'il y a lieu de procéder à l'étude de l'article 4. Lorsque nous serons rendus à l'article 17, s'il y a des amendements, les amendements vaudront pour l'article 4.

M. Roy: Le gouvernement lui-même a des amendements à l'article 17.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, mais cela ne nous empêche pas d'étudier l'article 4.

M. Roy: Bon. On ne les a pas adoptés les amendements de l'article 17. On ne les a pas adoptés les amendements de l'article 18. Je demande tout simplement qu'on procède de façon normale, de façon intelligente.

M. Paquette: M. le Président, sur la question de règlement.

Le Président (M. Bertrand): Oui.

M. Paquette: Je pense que tout ce que dit l'article 4, c'est qu'il y aura des réserves du genre de celles prévues à l'article 18 et à l'article 17. Lorsqu'on regardera les amendements que vous voulez apporter ou les amendements que le gouvernement apporte aux articles 17 et 18, on aura seulement à se rappeler que c'est en relation avec l'article 4 qu'on les fait. Il me semble que ce serait mettre la charrue devant les boeufs que d'aller aux articles 17 et 18. On sait qu'il faut faire des réserves du genre de celles prévues aux articles 17 et 18. On sait qu'il faut en faire, mais on ne sait pas

encore de quelle nature. On le précisera lorsqu'on sera rendu aux articles 17 et 18.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Oui, je m'excuse, avant, Mme le ministre. Monsieur, d'accord.

Mme Payette: M. le Président, je peux tenter d'expliquer ce en quoi consistent les références qui sont faites aux articles 17 et 18.

M. Roy: Je comprends, mais tout de suite, j'aimerais dire qu'il y a un principe qui prévaut dans l'étude des lois, c'est qu'on ne peut pas présumer d'amendements futurs tant et aussi longtemps que la loi n'a pas été votée, que ce soient des amendements qui viennent du côté gouvernemental, ou des amendements qui peuvent venir du côté de l'Opposition. C'est un principe qui prévaut dans l'examen de nos lois, qui a toujours prévalu et qui prévaut encore aujourd'hui. Alors, on fait des réserves, mais des réserves qui peuvent changer la portée de l'article 4. En ce qui me concerne, je pense que c'est une question de collaboration dont nous avons besoin en ce moment. Je comprends que le gouvernement peut dire ceci: Nous avons la majorité, peu importe ce que l'Opposition pensera, peu importe ce que l'Opposition décidera. On peut prendre cette décision. Même là, on ne peut même pas présumer des intentions du gouvernement. C'est un principe qui a toujours été appliqué sur le plan législatif. C'est la raison pour laquelle quand des articles de loi en viennent à se référer à des articles ultérieurs dans le projet de loi, cela rend l'étude d'une loi difficile. Alors, on n'a pas le droit de présumer des intentions du gouvernement et le gouvernement n'a pas le droit de présumer des intentions à venir de tous les députés de l'Assemblée nationale, même des collègues de l'Opposition. On fait référence à deux articles de loi qui ne sont pas adoptés et pour lesquels on connaît déjà la teneur de certains amendements. Il se peut qu'un amendement soit présenté par le Parti libéral. Il se peut que cet amendement soit considéré par le gouvernement comme un amendement extrêmement valable et qu'on en vienne à l'adopter.

M. Lalonde: M. le Président, sur la question de directives...

Le Président (M. Bertrand): Monsieur n'avait pas terminé de donner ses explications.

Mme Payette: Les références qui sont faites aux articles 17 et 18 ont pour but, en ce qui concerne l'article 17, de ne pas appliquer l'abandon de la responsabilité au cas prévu à l'article 17. A l'article 17, ce sont des exclusions au régime public qui sont prévues et c'est pour faire en sorte que le régime de la responsabilité soit reconduit, c'est-à-dire qu'actuellement ce sont des cas prévus dans le système de responsabilité que l'on connaît présentement. La réserve qui est faite, c'est justement pour reconduire la situation du système de la responsabilité.

Quant à la réserve à l'article 18, c'est qu'à l'article 18 on prévoit de quelle façon l'indemnisation des accidentés du travail, de même que l'indemnisation des victimes d'actes criminels, sera faite. Or, c'est tout simplement pour faire cette réserve. On veut rendre l'article 18 applicable et l'article 17 applicable en son entier.

M. Roy: Je comprends, mais je tiens quand même à dire ceci: L'article 17 n'est pas adopté, peu importe la teneur qu'on peut trouver. Il n'a pas encore été soumis à l'attention de la commission, et l'article 18 non plus. Je ne pourrais pas, si je m'en tiens strictement sur le plan du parlementarisme, me référer aux dispositions des articles 17 et 18. Elles n'existent pas au niveau de la commission, à ce moment, si je pousse le principe plus loin, parce qu'elles n'ont pas été soumises à la commission.

M. Lalonde: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): J'adresse votre demande, M. le député de Beauce-Sud, à l'ensemble des membres de la commission. Est-ce que les membres de la commission accepteraient de...

M. Vaillancourt (Jonquière): J'aimerais entendre le député de Marguerite-Bourgeoys.

Le Président (M. Bertrand): Vous aimeriez entendre le député de Marguerite-Bourgeoys? M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je suis flatté. Je pense que la demande du député de Beauce-Sud a un certain fondement, sauf qu'il va falloir commencer quelque part.

Tout se tient dans ce projet de loi et une fois arrivés à l'article 17, on ne sera pas plus avancé si on a suspendu l'article 4, parce qu'à l'article 4, en fait, on adopte un principe d'abandon de la responsabilité — on peut être d'accord ou non — et ensuite, on dit: Cela ne s'applique pas pour l'article 17. S'il fallait attendre, pour faire référence à un article ultérieur, que cet article soit adopté, on ne saurait plus jamais comment commencer l'étude d'une loi, parce que personne ne sait quelle sera la facture finale de chaque article, étant donné qu'on aura toujours la possibilité de les amender à mesure qu'on avance. Je comprends les préoccupations du député de Beauce-Sud et je me demande jusqu'à quel point on pourrait faire avancer la discussion en suspendant maintenant l'article 4.

Le Président (M. Bertrand): D'ailleurs, si on étudiait l'article 17, M. le député de Beauce-Sud, il est mentionné dans le dernier paragraphe que la responsabilité est déterminée suivant les règles du droit commun dans la mesure où les articles 97 à 102 n'y dérogent pas. On pourrait, de fil en aiguille, remonter...

M. Roy: II faudrait qu'on s'interroge sérieusement sur la rédaction de nos projets de lois, la construction de nos projets de lois.

Mme Payette: ... mieux rédigés.

M. Roy: Hier, j'ai voulu parler d'un article qui apparaissait plus loin. Je trouvais qu'il avait une certaine incidence avec le principe que j'avais soulevé et je ne reviens pas sur la décision que vous avez rendue. Votre décision a été très claire; je l'ai acceptée. Mais je pense que si je peux vous demander une directive, il faudrait quand même, avant l'adoption finale de l'article 4, qu'on puisse peut-être, à un moment donné, s'interroger sur les dispositions des articles 17 et 18. Il ne faudrait pas que la discussion soit limitée.

Le Président (M. Bertrand): Je crois que, dans le cadre de l'étude de l'article 4, il sera possible pour quelqu'un de tenter d'obtenir des informations à l'appui des articles 17 et 18 dans les conséquences qu'ils entraînent pour l'article 4, et non pas dans leur contenu intrinsèque spécifique. Alors, puisqu'il n'y a pas consentement pour suspendre l'étude de l'article 4, nous allons donc l'aborder immédiatement.

M. le député de Jacques-Cartier, vous aviez demandé la parole.

M. Saint-Germain: M. le Président, je crois qu'il y a là, dans cet article, la négation d'un principe depuis longtemps établi, c'est-à-dire le principe du système judiciaire.

Je l'ai dit, M. le Président, dans mon discours de deuxième lecture, mais je crois que je dois le répéter. Il me semble absolument inconcevable que, dans une loi aussi importante, une loi qui a autant d'envergure, on mette de côté le système judiciaire, et je crois personnellement que c'est une tendance qu'ont eue différents gouvernements, une tendance qui peut être très dangereuse dans le temps pour ce qui concerne les libertés individuelles de chaque citoyen.

Il me semble évident, avec l'évolution du monde, devrais-je dire, et des différents systèmes de gouvernement, il me semble de plus en plus évident que seules les sociétés qui respectent l'indépendance du système judiciaire, que seules ces sociétés, dis-je, peuvent permettre à leurs citoyens de jouir d'une liberté individuelle, c'est-à-dire de cette liberté dont nous jouissons ici dans le Québec, comme dans le reste du pays.

Il me semble surtout que, pour cette loi en particulier parce qu'elle dépasse largement la question administrative, elle la dépasse de beaucoup, qu'on enlève aux tribunaux le droit de donner des verdicts pour ce qui regarde l'administration de certaines régies ou de certaines commissions, ceci peut se soutenir, mais il y a ici des principes fondamentaux dans le projet de loi et je crois que, pour que ces principes de liberté soient respectés et constamment respectés, le système judiciaire doit être responsable, avoir sa responsabilité dans l'application de cette loi.

Il me semble évident, pour ce qui regarde l'assurance automobile en particulier, telle que nous la connaissons présentement, qu'il y a eu des critiques justifiées de la part des citoyens et de beaucoup de gens concernés par l'assurance automobile, envers l'administration de nos tribunaux. D'ailleurs nous en avons entendu de ces critiques ce matin et, pour ma part, je crois que, dans l'ensemble, ces critiques sont fondées. Je vous ferai tout de même remarquer, M. le Président, que ces critiques ne s'adressent pas à la qualité des jugements qui ont été rendus par nos cours, elles s'adressent exclusivement à l'inefficacité administrative de nos tribunaux. Je crois que ces inconvénients, qu'on rencontre dans l'administration de la justice, parce qu'un jugement rendu trop tard peut-être, en lui-même, un déni de justice... L'administration de la justice peut être améliorée. Ce n'est certainement pas une façon d'améliorer les choses en mettant simplement le système judiciaire de côté. On sait pertinemment que l'administration de la justice, au Québec, est de la responsabilité du gouvernement provincial. On a un ministre, il a la liberté d'action, il a en main les pouvoirs d'améliorer notre système judiciaire, au niveau administratif, et d'ailleurs, cette amélioration de l'administration de nos tribunaux n'est pas demandée par les citoyens exclusivement en ce qui concerne l'assurance automobile, elle est demandée et exigée en ce qui concerne tout champ d'activité humaine.

Il y a là, M. le Président, une élimination dangereuse et je suis un peu estomaqué, à titre de citoyen, qu'on puisse le faire d'une façon, à mon avis, qui nous prouve que le gouvernement et l'ensemble des députés du gouvernement ne semblent pas sensibilisés à ce point de vue.

C'est une loi qui est excessivement complexe; inutile de dire qu'il sera difficile, pour les victimes, de connaître les droits, les privilèges et la protection que leur donne cette loi. Nous avons étudié cette loi depuis plusieurs mois.

Plusieurs députés l'ont fait et nous découvrons encore tous les jours des éléments qui ne nous avaient pas frappés, qui étaient passés inaperçus ou qui n'avaient pas été constatés. C'est une loi très complexe, beaucoup plus complexe, par exemple, que la Loi des accidents de travail. Pourtant, pour ceux qui sont députés, on sait pertinemment qu'une multitude de citoyens sont obligés de faire appel à nos services pour avoir un service juste de la Commission des accidents du travail. On peut donc s'imaginer comment le profane, comment le citoyen qui n'est pas familier avec cette législation pourra réellement connaître les avantages et les droits que lui procure cette loi. Ceci dit, plusieurs d'entre eux seront tout de suite obligés de faire appel à un avocat et probablement que, dans les causes graves, beaucoup des victimes qui auront subi des préjudices sérieux devront le faire dès qu'elles auront à remplir leur formule qu'elles devront faire parvenir à la régie pour être dédommagées.

On sait pertinemment que ces formules sont souvent mal remplies, surtout lorsqu'elles seront

remplies par les citoyens eux-mêmes et ces citoyens peuvent éprouver des difficultés dès le premier jour. Les citoyens qui auront ces difficultés vont faire la même chose qu'au niveau de la Commission des accidents du travail, ils vont se mettre à faire des appels téléphoniques, et tout ceci va prendre des jours. Il est certain, M. le Président, que nos bureaux de députés vont être remplis de ces victimes qui exigeront notre coopération en vue de voir le dossier évoluer à un rythme convenable. S'ils calculent qu'ils sont mal compensés pour les dommages subis, l'office pourra transmettre à un fonctionnaire l'autorité voulue pour faire une nouvelle étude du dossier. Si la conclusion est la même ou si la victime se croit encore traitée avec injustice, elle fera appel à la régie même et, après la régie, le dernier droit d'appel appartiendra à la commission des affaires sociales. Qui va défendre les citoyens au niveau de la Commission des affaires sociales? Est-ce qu'on acceptera la présence d'un avocat ou non? Probablement qu'on acceptera. On me dit oui. Tant mieux, mais la Commission des affaires sociales n'est pas...

Mme Payette: Je voudrais informer le député de Jacques-Cartier que c'est prévu dans la Loi de la commission des affaires sociales.

M. Saint-Germain: Alors, tant mieux. Mais il reste que toute la procédure... Je ne suis pas avocat, mais je sais pertinemment que, au niveau de nos tribunaux, il y a toute une procédure d'établie: il y a une procédure de preuve, il y a des règlements qui n'existent nécessairement pas au niveau de cette commission.

En plus, cette commission sera formée de gens qui n'auront pas l'indépendance des juges; ils ne seront pas nommés à vie, ils seront nommés par les différents gouvernements pour des mandats limités, leur indépendance sera très relative et, même s'ils rendent justice correctement, bien des citoyens croiront que ces commissaires sont influencés par la régie et ils ne pourront certainement pas donner l'image que justice a été rendue.

Si on veut donner à cette commission les différents facteurs de sécurité au point de vue de la justice, il faudra simplement... On se verra obligé de former un autre tribunal, un tribunal qui aura comme règles celles de nos tribunaux de droit commun et on ne pourra pas s'en défaire. On pourra retomber exactement dans les mêmes lacunes avec beaucoup plus de frais, probablement, et beaucoup plus d'injustice.

Je me demande pour quelle raison le gouvernement veut limiter le droit d'appel, le droit de recours à cette commission; c'est, pour moi, une façon absolument inacceptable de faire les choses. Il n'est pas dit, dans le contexte actuel, qu'au point de vue de l'administration de la justice, au niveau de la Commission des affaires sociales, on ne tombera pas dans les mêmes inconvénients et dans les mêmes difficultés.

Il est inconcevable que l'on laise à la technocratie autant de responsabilités et je crois que les citoyens en général reprocheront à ce gouvernement d'avoir limité leur droit d'appel et leur droit de recours.

Je ne parlerai pas plus longtemps là-dessus, M. le Président, je laisserai à mes collègues l'occasion de prendre la parole.

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que l'article 4 sera adopté?

M. Vaillancourt (Jonquière): Adopté. Le Président (M. Bertrand): Adopté. M. Roy: M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, c'est assez complexe. Sous réserve de l'article 18 — je me réfère un peu à l'article 18 — j'aimerais savoir ce qui arrive dans le cas d'une personne qui est victime d'accident d'automobile alors qu'elle a droit à des indemnités en vertu de la Loi des accidents de travail. Est-ce que la Commission des accidents du travail a droit de revenir contre la personne qui serait responsable de l'accident?

Mme Payette: M. le Président, si vous le permettez. Dans le cas de la Loi des accidents du travail, il y a effectivement un droit de subrogation contre la personne responsable de l'accident, pour autant que cette personne responsable n'est ni l'employeur ni l'ouvrier.

La Loi sur l'assurance automobile abolit le droit de subrogation des organismes contre le responsable, parce qu'on ne tient plus compte de la notion de responsabilité. Dans les seuls cas où la régie elle-même a un droit de subrogation, dans ces cas-là, il sera également permis à des organismes publics, tels la Régie de l'assurance-maladie, la Régie des rentes du Québec, la Commission des accidents du travail, les employeurs qui ne contribuent pas au fonds d'accident mais qui paient eux-mêmes, dans ces cas-là, dans la mesure où la régie conserve un droit de subrogation, ce droit est maintenu pour les organismes publics.

M. Roy: Vous parlez des organismes publics. Cela inclut également la CAT?

Mme Payette: La Commission des accidents du travail.

M. Roy: J'aimerais savoir ce qui arrive dans le cas d'un accident où la personne serait indemnisée en vertu de la Loi des accidents du travail et que la responsabilité serait clairement déterminée à l'encontre de la personne qui a été la cause de l'accident.

Mme Payette: Pour ce qui est de l'indemnisation des dommages corporels, il n'y a plus de re-

cherche de responsabilité. Les seuls cas où il y aura maintien de la recherche de responsabilité, c'est lorsqu'il y aura un accident au Québec impliquant un non-résident, tel que nous le verrons un peu plus loin, à l'article 8. Dans ces seuls cas, dans la mesure où on maintient la responsabilité, on maintient également les droits inhérents au système de la responsabilité, à savoir le droit de subrogation.

M. Giasson: Si je comprends bien, cela serait le cas d'un accident dans lequel un Québécois serait blessé par un automobiliste de l'extérieur, d'une province ou d'un Etat régi encore par le système de la responsabilité civile.

Mme Payette: Ce n'est pas nécessairement, que dans le cas d'un résident d'une autre province ou d'un Etat on tienne compte du système de responsabilité de cet Etat.

Ce qu'on dit, pour les non-résidents, c'est que, lorsqu'ils viennent au Québec et qu'il y a un accident impliquant un non-résident, dans ce cas, c'est le système de la responsabilité qui est maintenu, ce qui veut dire que la régie va indemniser le non-résident dans la mesure où le non-résident n'est pas responsable, tout comme si le régime actuel était maintenu.

Or, pour le non-résident, il n'y a pas d'indemnisation automatique par la loi; il faut donc qu'il y ait une démonstration de sa non-responsabilité pour qu'il soit indemnisé. S'il s'avérait que c'est le non-résident qui est responsable, à ce moment-là, la régie conserve un droit de subrogation pour recouvrer, de ce non-responsable ou de son assureur, toujours dans le cas où c'est un non-résident, pour récupérer les sommes que la régie a été appelée à verser par la faute de ce non-résident.

Autrement dit, on maintient le droit de poursuite ou le droit de recours en responsabilité dans le cas du non-résident, mais toujours contre le non-résident, jamais contre un Québécois, un résident du Québec.

Dans la même mesure, pour répondre à la question du député de Beauce-Sud, les organismes comme la Commission des accidents du travail conservent un droit de subrogation.

M. Roy: Ils le conservent, mais le citoyen du Québec, l'automobiliste du Québec peut-il avoir la certitude et la garantie qu'il n'y aura aucun recours contre lui-même s'il est responsable de l'accident et que c'est prouvé, hors de tout doute, que la personne est responsable?

Mme Payette: On pourrait, par exemple, dans le cas d'un accident impliquant un Québécois et un non-résident... Si le non-résident fait la démonstration, pour pouvoir obtenir les indemnités de la régie, que c'est le Québécois qui est responsable, c'est à peu près le cas qu'on peut soulever où il serait possible qu'un organisme comme la régie ou un autre organisme publique ait un droit de subrogation. Dans ce cas, il ne sera pas permis à la régie de pouvoir récupérer les sommes qu'elle a versées à un non-résident, ceci en vertu des articles 3 et 4, l'article 4 principalement, qui dit qu'il n'y a aucune action qui va être reçue devant une cour de justice.

Pour cela, il a fallu prévoir un amendement pour bien identifier les cas où il sera possible d'avoir un droit de subrogation. C'est l'article 9a qui a été introduit comme amendement.

M. Roy: Qu'est-ce qui arrive — je pose des questions parce que je pense que c'est quand même important qu'on le sache — à un joueur de hockey qui n'est pas un résident du Québec, qui est victime d'un accident, qui se réfère, par exemple, au droit international ou qui va puiser à certaines cours de justice pour être en mesure de réclamer un plus gros montant, parce qu'il ne se satisfait pas des indemnités qui sont prévus dans la Loi sur l'assurance automobile du Québec? Qu'est-ce qui arrive à ce moment-là?

Mme Payette: Nous avons dit tout à l'heure que, dans le cas des non-résidents, ils étaient soumis au système de la responsabilité. Dans la mesure où ils ne sont pas responsables, ils vont pouvoir obtenir les indemnités de la régie, mais pas plus que les indemnités de la régie, c'est-à-dire qu'ils vont pouvoir obtenir jusqu'à $18 000. Tout comme un Québécois serait dans la même situation, un joueur de hockey québécois, par exemple, qui pourrait gagner un salaire beaucoup plus élevé que $18 000 ou une autre personne, qui pourrait gagner un salaire beaucoup plus élevé que $18 000, mais, en vertu du régime qui est prévu, elle n'aura pas droit de recours en responsabilité pour l'excédent des $18 000.

M. Roy: Elle n'a aucun droit de recours. Si elle se réfère à certaines jurisprudences, par exemple, au niveau du droit international, il y a quand même certains principes de droit international. On sait qu'il y a des cours de justice, à un moment donné, qui débordent de beaucoup les cadres de la justice québécoise.

Mme Payette: On connaît à l'avance...

M. Roy: Je parle d'un joueur de hockey. Je pourrais bien prendre une autre personne à qui un accident pourrait causer des pertes de $150 000 ou de $200 000 par année. On pourrait prendre le cas d'un artiste de réputation internationale qui est au Québec et qui, à la suite d'un accident, devient complètement incapable d'exercer sa profession. Il serait plafonné à $18 000. S'il décide, en vertu de certaines ententes, à savoir certaines protections sur le plan international, qu'est-ce qui arrive à ce moment...? Est-ce que la régie s'engage, de façon très claire et sans équivoque, à prendre toute la responsabilité à son compte pour protéger intégralement de façon à être bien sûre que le citoyen du Québec ne pourra pas, autrement dit, faire des réclamations par la suite.

Mme Payette: Ce que la loi dit à ce sujet, c'est que, dans le cas où il y a un non-résident, comme

je l'ai expliqué tout à l'heure, c'est la régie qui va indemniser le non-résident qui n'est pas responsable. On sait...

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, vous n'avez pas terminé. Terminez donc votre réponse.

Mme Payette: Une seule phrase pour dire qu'on sait qu'en droit international privé il y a quand même des difficultés. La jurisprudence en droit international privé est loin d'être claire, est loin d'être absolument étanche. Il peut dépendre de l'endroit où la cause sera portée. Il peut dépendre des interprétations. Il peut dépendre également du courant, des tendances qui sont observées dans des juridictions qui sont anglo-saxonnes, qui ont comme droit le "Common law". Aux Etats-Unis, ce n'est pas du tout la même chose. Alors, il est absolument difficile ou impossible de prévoir tous les cas qui peuvent survenir dans le régime, surtout impliquant un non-résident.

M. Roy: J'aurais d'autres questions à poser là-dessus.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud, vous aurez le droit de parole lorsque nous reviendrons dans une prochaine séance, si l'Assemblée nationale le veut bien, puisque nous ajournerons nos travaux sine die.

(Fin de la séance à 13 h 4)

Reprise de la séance à 17 h 9

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, madame et messieurs les membres de la commission.

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières poursuit l'examen du projet de loi no 67 intitulé Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de cette commission sont: M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke); M. Goulet (Bellechasse) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Landry (Fabre) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lefebvre (Viau); M. Marois (Laporte) remplacé par M. Grégoire (Frontenac); M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud); M. Russell (Brome-Missisquoi), remplacé par M. LeMoignan (Gaspé); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier) et M. Vaillancourt (Jonquière).

Nous en étions à l'étude de l'article 4 et la parole est au député de Jonquière.

M. le député de Jonquière, vous avez la parole sur l'article 4.

M. Vaillancourt (Jonquière): Merci, M. le Président. C'est rare qu'on l'ait aussi rapidement. Quelques mots pour donner suite à des propos tenus par le député de Jacques-Cartier quant aux règles de preuve devant la Commission des affaires sociales. En fait, celui-ci a fait état, ce matin, que les règles de preuve seraient différentes de celles des tribunaux de droit commun. Cela est certes vrai, mais, d'autre part, il ne faut jamais oublier que, devant cette Commission des affaires sociales, il ne sera jamais question de faire la preuve de la responsabilité ou de la faute de l'une ou de l'autre des parties, de telle sorte que, selon les informations que je possède, la Commission des affaires sociales pourra adopter elle-même ses règles de procédure.

D'autre part, il est important de souligner que les avocats pourront être présents devant la Commission des affaires sociales. Cela est très bien ainsi puisqu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que les victimes d'accidents d'automobiles qui iront en appel devant cette commission auront intérêt, je pense, même s'il n'est pas question de responsabilité devant la commission, à faire appel à un avocat pour défendre leurs intérêts.

D'autre part, M. le Président, on a souvent fait allusion, au cours du débat sur la présente loi, de la composition du tribunal. On faisait état surtout du fait que ce ne serait pas un juge que l'on connaît habituellement qui présiderait cette commission. Or, on sait que cette commission sera formée de trois personnes. Selon les informations que je possède, un médecin fera partie de cette commission et il y aura toujours un avocat, c'est-à-dire qu'une personne ayant une formation juridique siégera à ce tribunal ou à cette commission.

II est bien évident que ces personnes, M. le Président, n'ont pas l'indépendance judiciaire qu'ont peut-être les juges de tribunaux de droit commun, mais je pense qu'il est absolument déplacé de douter de leur bonne foi, de leur conscience professionnelle. Ces gens vont simplement juger en vertu de la preuve qui va être faite devant eux. Je pense que les justiciables ou les victimes d'accidents d'automobiles qui se présenteront devant la commission auront toutes les garanties d'obtenir justice, étant représentées par un avocat, ayant un médecin à cette commission et, au moins, l'un des trois membres étant un avocat ayant une formation juridique relative aux règles de preuve.

Je pense, M. le Président, que toutes ces clauses qui sont incluses dans la loi donnent aux victimes toutes les garanties possibles d'obtenir justice devant la Commission des affaires sociales. Ce qu'il reste à souhaiter — et à ce sujet je rejoins le député de Montmagny-L'Islet et je termine mon intervention là-dessus-c'est que, autant que possible, cette Régie d'assurance automobile fasse en sorte, avec son personnel, que le règlement des cas puisse se faire dans les meilleurs délais. Je pense que c'est là un des points les plus importants de la discussion qu'on a actuellement.

Je constate que tous les partis de l'Opposition sont d'accord avec le principe de la non-responsabilité; je constate également, avec bonheur, que le Barreau est également d'accord avec ce principe. Ce qui fait surtout peur aux gens de l'Opposition, c'est la création de la Régie d'assurance automobile. Dans quel délai ça va se faire? Comment ça va se régler? Est-ce que ça va être une bureaucratie extraordinaire? Je pense que c'est le plus grand souhait qu'on puisse faire, mais, selon les renseignements que nous avons, avec 725 personnes dans les bureaux qui vont être régionalisés, décentralisés, je pense que, encore là, on s'est donné toutes les garanties nécessaires pour — malgré le cas de Montmagny-L'Islet, dont les bureaux de la CAT sont situés à Québec — que les gens obtiennent justice dans les meilleurs délais; du moins c'est à souhaiter et je pense que ça doit être l'un des objectifs visés par la régie.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Rosemont.

M. Paquette: M. le Président, je suis étonné des propos du député de Jacques-Cartier; non pas que je trouve anormal qu'un député s'inquiète du maintien de notre système judiciaire, ce avec quoi je suis parfaitement d'accord, mais simplement sur le fait que l'article 4, à mon avis, est tout simplement l'application du principe que nous venons d'adopter à l'article 3, quant a ses conséquences juridiques dans le premier paragraphe.

Le premier paragraphe dit tout simplement que plus personne, au Québec, ne pourrait être poursuivi, dans le cas d'un accident automobile, devant les tribunaux, eu égard à sa responsabilité.

Je pense que c'est une conséquence directe du principe de non-responsabilité et, sauf er- reur — et là, j'aimerais le demander au conseiller juridique du ministre — cet article ne traite pas du droit d'appel possible d'un citoyen qui ne serait pas satisfait des indemnités qui sont accordées par la régie.

Mme Payette: Cet appel est prévu plus loin dans la procédure de réclamation et de paiement, autour de l'article 57 et de l'article 58.

M. Paquette: C'est bien ce que je pensais, M. le Président, et j'aimerais bien que le député de Jacques-Cartier m'écoute. Je pense que le premier paragraphe de l'article 4, c'est tout simplement la conséquence, sur le plan juridique, de la non-responsabilité et tout ce que cela dit, c'est que personne ne pourrait être poursuivi devant les tribunaux quant à sa responsabilité dans un accident d'automobile.

Le deuxième paragraphe, tout ce qu'il fait, c'est qu'il assure à certaines personnes, qui pourraient être indemnisées suivant la Loi des accidents du travail ou la Loi d'indemnisation des victimes d'actes criminels, il permet à certaines personnes d'avoir le plein montant auquel elles auraient droit suivant le régime public d'assurance automobile.

Le troisième paragraphe traite de certaines exclusions normales, par exemple un accident qui arrive durant une course automobile, et le dernier paragraphe laisse une certaine place à l'entreprise privée de prévoir des régimes supplémentaires que les citoyens paieront et dont ils recevront les avantages, mais toujours sans possibilité de poursuivre une personne devant les tribunaux quant à sa responsabilité devant une assurance automobile. C'est tout simplement un article étanche, à mon avis, qui enlève le droit de recours et qui ne traite aucunement du droit d'appel. Cela reste ouvert et ce sera dans les autres articles qu'on discutera de cela. Est-ce que le droit d'appel devrait aller à la Commission des affaires sociales, comme le propose le projet de loi, ou devant les tribunaux? Là, je ne reprendrai pas les arguments du député de Jonquière, je ne pense pas que ce soit nécessaire d'aller devant les tribunaux.

Autrement dit, il ne faut pas nier au législateur la possibilité, par un nouveau régime, qui devient sans égard à la responsabilité, de rendre non nécessaires certains appels en justice. C'est précisément un des gains du régime de faire en sorte que les indemnités soient garanties, indépendantes de la responsabilité des citoyens et, encore une fois, tout ce que fait l'article 4, c'est de préciser les conséquences légales de ce régime de non-responsabilité.

Le Président (M. Vaillancourt Jonquière): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais intervenir très brièvement sur cet article et répéter, si cela peut faire avancer les choses, devant l'attitude résolument hostile du gouvernement à toute modification répétée que nous nous inscrivons en faux contre quelques-uns des principes contenus dans cet article.

Le premier paragraphe de cet article a le défaut majeur d'enlever tout recours en justice à un citoyen québécois. Nous réitérons une fois de plus, M. le Président, qu'il n'est pas nécessaire, pour atteindre une solution socialement juste pour tous les citoyens, d'enlever le droit de recours au système judiciaire. Nous soutenons plutôt le contraire. Ce n'est pas parce que le système judiciaire est actuellement lent que nous allons l'abolir et inclure dans un projet de loi les amendes ou les peines qui vont de pair avec chaque offense. Vouloir procéder ainsi signifierait que l'on ne croit pas à la justice humaine et que l'on se fie à l'arbitraire et au cloisonnement.

Nous sommes proches d'un gouvernement qui dirige avec des ornières. Nous ne croyons pas que le gouvernement ait fait de cette question de recours une question de principe. Rien n'empêche un système public d'assurance des dommages corporels, sans égard à la responsabilité, de prévoir un droit de recours à un tribunal de droit commun. A l'argument qui dit que la procédure actuelle est lente, nous pouvons répéter: Oui, c'est vrai. Améliorez le système judiciaire, instituez même, à la limite, un tribunal judiciaire responsable et spécialisé dans l'audition de causes relevant de l'application de la loi sur l'assurance automobile.

Je pense, de plus, M. le Président, qu'il serait possible de laisser les différents tribunaux administratifs prévus par la loi, appels à la régie et Commission des affaires sociales, accomplir leurs rôles. Toutefois, il nous apparaît nécessaire et juste de laisser un recours à un tribunal judiciaire. L'expérience nous prouve que des jugements des tribunaux administratifs peuvent desservir des citoyens...

M. Paquette: Question de règlement. Je m'excuse, mais je pense que mon intervention précédente avait pour but de ramener le débat sur le sens de l'article 4. Quand on en est rendu à parler d'appels possibles devant les tribunaux, suite aux décisions de la régie, je pense qu'on est totalement à l'extérieur de l'article 4. Ce dont il faut discuter, c'est: Est-ce qu'on accepte, oui ou non, les conséquences légales du principe de non-responsabilité, c'est-à-dire qu'aucune action en justice ne pourra être prise contre aucun citoyen quant à sa responsabilité dans un accident d'automobile?

La question de déterminer si un droit d'appel sera maintenu, soit devant la commission des affaires sociales ou devant les tribunaux, est une autre question qui est traitée dans un article ultérieur.

M. Saint-Germain: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: On peut interpréter cet article 4 à sa façon. Mais je lis bien que lorsqu'on dit que les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits, je crois que c'est un sens très général. Si plus loin, dans le document ou dans la loi, on a voulu parler spécifiquement du droit d'appel aux décisions de la régie, ici rien n'empêche que c'est une rédaction qui est très générale. Je ne suis pas avocat, mais je me demande bien si un juge n'interpréterait pas cet article en particulier, comme voulant dire que les droits de recours, à tous points de vue, sont abolis, parce qu'on dit, en plus: Et nulle action à ce sujet n'est reçue devant une cour de justice.

Je crois qu'on devrait avoir la liberté d'action d'interpréter cet article no 4 dans le sens que le député le fait actuellement, et je ne vois pas pour quelle raison on devrait arrêter son argumentation.

Le Président (M. Vaillancourt, Jonquière): M. le député de Gaspé, je pense être lié, relativement à ce cas, par une décision de la présidence qui, comme vous le savez, est indivisible. Le député de Vanier, qui occupait ce fauteuil ce matin, suite à un amendement du député de Marguerite-Bourgeoys, à l'article 3, l'a déclaré prématuré. Il a déclaré que s'il était présenté à l'article 4, celui-ci serait jugé irrecevable, puisque, selon lui, cela allait à rencontre du principe.

Ce que je vous incite à faire, c'est de parler sur les objets de l'article 4, tout en vous invitant le plus possible à ne pas parler des droits d'appel devant les tribunaux de droit commun, puisque selon une décision de la présidence, antérieurement rendue, cela irait à l'encontre du principe des articles 3 et 4.

M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Mon intervention ne sera pas très longue. Nous nous étions basés sur le fait qu'on mentionnait à cet article 4, ce que le député de Jacques-Cartier vient de lire, ce recours aux tribunaux. Nous pensions que l'un n'empêcherait pas nécessairement l'autre cas d'agir. Je vais continuer simplement.

Je dis simplement que l'expérience nous prouve que les jugements des tribunaux administratifs peuvent desservir des citoyens, qu'on doive largement expliquer la situation des citoyens, avant même que l'on ne modifie une décision. Chaque administration a tendance à se protéger elle-même. Pensons à la Commission des accidents de travail. Ce n'est pas que dans le système judiciaire actuel l'on retrouve des lenteurs. Des dossiers à la CAT sont en suspens depuis des années. Ce n'est pas parce que l'Etat intervient qu'il y a assurance de justice.

Le projet de loi 67 n'amène pas, loin de là, la justice immanente. Si l'on ne peut prévoir une accélération du règlement des réclamations, ce n'est pas nécessairement parce qu'il y aura une meilleure justice, mais bien parce qu'on aura institutionnalisé les indemnités. Dans un sens et dans la majorité des cas, nous pouvons prévoir que le processus actuellement prévu satisfera la grande majorité des réclamants.

En terminant, nous voulons tout simplement que le ministre accepte d'améliorer son projet de loi en permettant le droit de recours et en considérant les indemnités prévues comme étant contestables devant un tribunal judiciaire qui aurait l'avantage de respecter la séparation des pouvoirs si chers à notre démocratie.

Dans cet état d'esprit, je voudrais proposer une motion de sous-amendement à l'article 4. Puis-je vous la lire?

Le Président (M. Bertrand): Ce n'est pas une motion de sous-amendement, c'est une motion d'amendement.

M. Paquette: C'est une motion d'amendement.

M. Le Moignan: Une motion d'amendement, excusez-moi. Je vais la lire et je vous laisse le soin de la juger.

Le Président (M. Bertrand): Bien sûr. D'accord.

M. Le Moignan: Que le premier paragraphe de l'article 4 soit remplacé et se lise ainsi: "Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu d'indemnités de base en raison d'un dommage corporel causé par une automobile. Toute victime insatisfaite du règlement de la réclamation de dommages corporels causés par une automobile peut en appeler selon: a) les processus administratifs d'appel prévus à la présente loi et, en cas de désaccord, avec les jugements de ces tribunaux administratifs. b)un tribunal judiciaire."

Je vous confie ce document, M. le Président.

M. Paquette: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Bertrand): Je vais attendre de le relire.

M. Paquette: D'accord.

M. Vaillancourt (Jonquière): Pourrait-on en avoir une copie?

Le Président (M. Bertrand): Je le relis pour que les membres de la commission puissent l'avoir à l'esprit avant qu'ils ne l'aient entre leurs mains.

Motion d'amendement présentée par le député de Gaspé pour que le premier paragraphe de l'article 4 soit remplacé et se lise ainsi: "Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu d'indemnités de base en raison d'un dommage corporel causé par une automobile. Toute victime insatisfaite du règlement de la réclamation de dommages corporels causés par une automobile peut en appeler selon: a) les processus administratifs d'appel prévus à la présente loi et, en cas de désaccord, avec les jugements de ces tribunaux administratifs. b) à un tribunal judiciaire."

M. le député de Rosemont.

M. Paquette: Sur la recevabilité, je pense que cet amendement est irrecevable pour un certain nombre de raisons. L'amendement change complètement la nature du premier paragraphe.

Le premier paragraphe ne traite pas du droit d'appel concernant des décisions de la régie. Cette question est traitée à l'article 58 du projet de loi, où on mentionne qu'un réclamant, qui se croit lésé par une décision rendue en révision par la régie, peut interjeter l'appel de cette décision à la commission des affaires sociales. C'est donc à cet article que cet amendement devrait se faire, et par conséquent, il est pour le moins prématuré. D'autre part, si cet amendement est prématuré, il a de plus pour effet de supprimer le premier paragraphe dans sa rédaction actuelle, lequel paragraphe est lié au principe du projet de loi, le principe du projet de loi est, en effet, un régime de non-responsabilité dans le domaine des dommages corporels. Si nous supprimions le premier paragraphe pour le remplacer par un nouveau paragraphe, qui est à peu près l'équivalent de l'article 58 modifié du projet de loi, cela veut dire que nous n'aurions plus dans le projet de loi aucun article qui traite des conséquences légales de la non-responsabilité, c'est-à-dire l'impossibilité pour quiconque, par un recours ou un droit d'action, de tenir un citoyen responsable d'un accident d'automobile.

M. le Président, en résumé, cet article, par la suppression du premier paragraphe, va contre le principe du projet de loi, et deuxièmement, il est au moins prématuré, puisque cette question est traitée à l'article 58 du projet de loi, c'est-à-dire que le nouveau paragraphe qui est proposé est traité, fait l'objet de l'article 58 du projet de loi.

Le Président (M. Bertrand): Est-ce qu'il y a des députés de l'Opposition qui veulent se faire entendre sur la recevabilité de cette motion d'amendement?

M. Saint-Germain: M. le Président, je crois que cet amendement est dans l'ordre, comme je le disais tantôt, lorsqu'on dit que l'indemnisation tient lieu de tous les droits, de tous les recours et droits d'actions de quiconque, c'est un terme général. Ce n'est que plus loin dans le projet de loi qu'on mentionne la perte de droit d'appel, spécifiquement en ce qui a trait aux décisions de la commission des affaires sociales.

M. le Président, à chaque fois qu'on semble modifier un principe dans le projet de loi, même si on le limite partiellement, s'il faut toujours revenir à dire qu'on modifie le principe qu'on a accepté en deuxième lecture, je crois que l'Assemblée nationale nous aurait simplement retiré le droit d'étudier en commission ces articles qu'elle considérait de base. Alors, cet amendement, ap-

porté par le député, ne va pas à rencontre du principe, peut le modifier partiellement, mais il faut tout de même admettre que ce que l'Assemblée nationale a accepté en deuxième lecture, c'est le titre de la loi, c'est une loi sur l'assurance automobile. Alors, je crois que, principalement et fondamentalement, l'Assemblée nationale a cru bon d'admettre, majoritairement, qu'il nous fallait apporter une loi sur l'assurance automobile, c'est ça le grand principe de la loi, et tous les articles sont là simplement pour déterminer ce que va être cette loi sur l'assurance automobile. Si l'Assemblée nationale n'avait pas voulu une loi sur l'assurance automobile, nous ne serions pas ici. Elle a voulu une loi à ce sujet et c'est ça, fondamentalement, l'ordre que nous avons reçu de l'Assemblée nationale.

Vous savez, M. le Président, que les principes à ce sujet sont très nombreux, et si on ne peut pas apporter d'amendements en prétendant que les principes sont modifiés, c'est dire que dans les articles les plus importants, il sera absolument impossible, pour l'Opposition, de soumettre à cette commission son point de vue et la façon qu'elle conçoit ce que doit être une assurance automobile dans le meilleur intérêt de la population.

M. Grégoire: M. le Président, sur la recevabilité.

Le Président (M. Bertrand): Non, je m'excuse. Il y a un seul représentant par formation politique sur la recevabilité.

M. Grégoire: Alors, on ne peut pas parler...

Le Président (M. Bertrand): C'est fait au nom du gouvernement.

M. Grégoire: S'il y a une discussion au nom du gouvernement, on ne peut pas exprimer le point de vue qui peut être dissident.

M. Vaillancourt (Jonquière): On ne veut pas de dissidents en commission parlementaire.

M. Lalonde: On n'a pas d'objection, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Je sais, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Grégoire: Est-ce que je peux demander le consentement unanime?

M. Lalonde: Cela peut faciliter...

Le Président (M. Bertrand): De toute façon, le député de...

M. Saint-Germain: Vous avez notre consentement, M. le député.

M. Lalonde: On demandera le vôtre tout à l'heure.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Gaspé peut utiliser son droit de parole sur la recevabilité, comme c'est son droit à titre de représentant de l'Union Nationale.

M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Personnellement, je n'ai pas d'objection à ce que le député de Frontenac...

Le Président (M. Bertrand): Non, mais...

M. Le Moignan: ... mais je veux prendre mon droit de parole tout de suite...

Le Président (M. Bertrand): Prenez-le immédiatement.

M. Grégoire: Mais, M. le Président, seulement une seconde là-dessus.

M. Le Moignan: Ce ne sera pas long.

M. Grégoire: J'ai demandé si j'avais le consentement unanime.

Le Président (M. Bertrand): Cela viendra après, M. le député de Frontenac.

M. Grégoire: Mais s'il ne parlait pas, il clorerait le débat.

Le Président (M. Bertrand): Cela viendra après; nous en discuterons une fois que le député de Gaspé sera intervenu sur la recevabilité de la motion.

M. Grégoire: D'accord.

M. Le Moignan: M. le Président, je voudrais simplement ajouter un mot. C'est qu'il me semble que l'amendement proposé ici ne se réfère pas à un droit d'appel sur la responsabilité, oui ou non, mais bien sur les indemnités attribuées par la régie. C'est dans ce sens-là que nous avons apporté notre amendement.

M. Lalonde: M. le Président, question de règlement.

Le Président (M. Bertrand): Oui, M. le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je m'excuse auprès du député de Gaspé.

M. Le Moignan: J'ai terminé.

M. Lalonde: Je sais que vous avez une sagesse dont vous avez fait preuve jusqu'à maintenant et je crois que la consultation juridique que vous faites actuellement avec l'avocat du ministre est sûrement bien fondée et dans le but de vous éclairer, mais nous n'avons pas le loisir de nous faire écouter en même temps, parce que vous ne lirez pas ce que nous allons dire sur la recevabilité; ce n'est pas comme si vous aviez un délibéré.

Le Président (M. Bertrand): Vous avez raison, M. le député de Marguerite-Bourgeoys, je vais être tout oreilles vers le député de Gaspé et je prendrai, s'il le faut, tantôt, quelques instants pour réfléchir à la décision que j'aurai à rendre.

M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Je n'insisterai pas davantage, M. le Président, je voulais simplement dire que l'amendement proposé ne se réfère pas à un droit d'appel sur la responsabilité, mais c'était plutôt sur les indemnités que la régie aurait à payer. C'est tout ce que je voulais ajouter. Ce n'est pas une question de principe et je termine avec cela.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Frontenac, vous vouliez intervenir sur la recevabilité. Je n'accepterai que s'il y a consentement unanime de la part des membres de la commission.

M. Saint-Germain: Accepté.

M. Paquette: En ce qui me concerne, je n'ai pas d'objection. Je ne veux pas préjuger que mes collègues sont d'accord...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Frontenac, exceptionnellement.

M. Le Moignan: M. le Président, n'y aurait-il pas moyen d'obtenir une photocopie? Les députés se posent des questions.

Le Président (M. Bertrand): C'est que j'avais absolument besoin de cette feuille pour en prendre connaissance; je suspendrai la séance quelques minutes, de toute façon, pour que les membres de la commission puissent en avoir chacun une copie.

M. Grégoire: M. le Président, si l'amendement veut dire qu'une victime d'un accident, ayant reçu le maximum d'indemnisation prévu par la loi, a le droit d'avoir un recours au tribunal, à ce moment, je dirais que ça irait contre le principe et que ce ne serait pas recevable. Si elle veut avoir plus que le maximum prévu des indemnisations, à ce moment, qu'elle ait une assurance additionnelle d'un courtier privé, mais si, dans le cadre des décisions de la Commission des accidents du travail et de la Commission des affaires sociales, elle reçoit 50% du maximum prévu d'indemnisation dans cette loi, à ce moment, je crois qu'elle a le droit d'avoir un appel devant un tribunal qui ne soit pas une commission administrative; non pas parce qu'elle voudra obtenir plus que les indemnisations...

M. Paquette: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, M. le député de Frontenac! Il y a une question de règlement soulevée par M. le député de Rosemont.

M. Paquette: En toute amitié pour mon collè- gue de Frontenac, je tiens à dire qu'il est en train de parler sur le fond et non sur la recevabilité.

M. Grégoire: C'est justement, c'est qu'en spécifiant bien cette distinction dans l'amendement, c'est là qu'on arrive ensuite à discuter sur la recevabilité.

S'il s'agit d'un appel d'une victime qui n'est pas satisfaite du montant reçu dans le cadre des indemnisations prévues, si c'est ce que la motion d'amendement veut dire, je crois qu'il devrait y avoir recours à un tribunal.

Le Président (M. Bertrand): D'accord, mais il ne s'agit pas de parler sur le fond, ici, M. le député de Frontenac; simplement...

M. Grégoire: Je crois que, à ce moment, la motion est recevable, si c'est ce dont il s'agit; je crois que la motion n'est pas assez claire pour le distinguer et, si la motion n'est pas assez claire...

Le Président (M. Bertrand): C'est ce que nous allons décider à l'instant, M. le député de Frontenac.

Je suspends pour un maximum de trois minutes, le temps de faire faire des photocopies et de rendre une décision.

(Suspension de la séance à 17 h 38)

Reprise de la séance à 17 h 43

Le Président (M. Bertrand): J'aurais, avant de rendre la décision, une question à poser au député de Gaspé. Le paragraphe de la motion d'amendement se lit comme suit: "Toute victime insatisfaite du règlement de la réclamation d'un dommage corporel." S'agit-il d'une insatisfaction du règlement de la réclamation d'un dommage corporel sur la base des indemnités que procure le régime public d'assurance automobile?

M. Le Moignan: Oui, bien sûr.

Le Président (M. Bertrand): D'accord. C'est important. Je vous explique pourquoi cet élément technique a son importance. C'est qu'il est possible qu'il y ait aussi des indemnités additionnelles. Si c'était le cas, nous parlons de deux choses en même temps et il serait important de le clarifier. S'il ne s'agit que de l'appel sur la base d'une insatisfaction du règlement de la réclamation d'un dommage corporel à partir du régime public existant en vertu de la loi, c'est une toute autre question.

Premièrement, M. le député de Gaspé, je crois qu'il est fondamental que l'amendement que vous souhaitez apporter au premier paragraphe soit vraiment un amendement qui a pour fonction de modifier des mots dans ce premier paragraphe sans pour autant en attaquer le principe. Je m'explique. Le premier paragraphe n'a pas comme

fonction, sur le plan législatif, de présenter un droit d'appel ou de refuser un droit d'appel quant aux indemnités obtenues en vertu du régime public d'assurance automobile. Il n'a comme seule fonction que de consacrer le principe selon lequel les indemnités sont obtenues par des individus, mais sans égard à la responsabilité et, à ce titre, il ne peut y avoir aucun droit, recours et droit d'action devant une cour de justice sur la question de responsabilité.

Ce n'est donc pas un paragraphe qui a pour fonction de parler d'un appel quant aux indemnités. Donc, l'amendement que vous souhaitez faire au premier paragraphe de l'article 4 a pour effet d'enlever le principe même qui se trouve dans le paragraphe premier de l'article 4. Votre motion d'amendement — et j'en comprends maintenant le sens — veut indiquer que, dans la mesure où des individus qui seraient insatisfaits des indemnités obtenues, sans égard à la responsabilité, sans droit ni recours, ni droit d'action, pourraient tout de même faire appel de ces indemnités auprès d'un tribunal administratif ou auprès d'un tribunal de droit commun.

Dans ces circonstances, je ne peux recevoir votre amendement, parce qu'il tente d'abord d'amender un paragraphe, mais, en changeant complètement le sens de ce paragraphe, et ce n'est pas simplement un amendement sur la forme, c'est vraiment un amendement sur le fond, et ce fond, nous l'avons bien dit lors d'une décision précédente, est inattaquable parce qu'il a déjà été discuté en deuxième lecture.

A ce moment-ci, je juge donc irrecevable votre motion d'amendement mais uniquement, je veux bien l'indiquer, sur la base d'une présentation prématurée à un mauvais moment sur un mauvais paragraphe parce que la motion d'amendement vient alliéner le principe même du premier paragraphe de l'article 4. Dans ce sens, je veux simplement indiquer, M. le député de Gaspé, qu'un tel amendement, je l'indique immédiatement, pourrait tout à fait être recevable dans le cas de la discussion de l'article 57 ou 58 où il est question d'appel concernant un règlement, concernant des indemnités de réclamation dans le cas d'un dommage corporel. Il est question là de tribunal administratif; il pourrait donc être question, au moment d'un amendement, d'un second recours auprès d'un tribunal de droit commun.

Je veux donc bien indiquer qu'autant je la juge prématurée autant je ne la juge pas irrecevable en d'autres temps et d'autres lieux.

M. Le Moignan: M. le Président, si j'ai bien compris, vous interprétez de façon légale ce qui est écrit dans le premier paragraphe de l'article.

Le Président (M. Bertrand): Je suis obligé de donner une interprétation légale du premier paragraphe pour être en mesure de bien saisir si votre amendement a le droit de se situer à ce moment-là. Ce que vous nous présentez, si c'était discuté et voté, nous amènerait à adopter ou à voter un paragraphe qui serait tout à fait de nature diffé- rente de celui qui existe à l'heure actuelle. En d'autres mots, vous demandez que le premier paragraphe soit tout autre que celui qui est là et que nous votions sur un tout autre principe que celui qui est inclus dans le premier paragraphe. Ce sont deux questions totalement différentes l'une de l'autre.

Je dis donc qu'elle est simplement prématurée mais qu'elle n'est pas pour autant irrecevable, ni dans son fond ni dans sa forme, à un autre moment. C'est uniquement ce que je veux indiquer, M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président.

M. Saint-Germain: M. le Président, il devient excessivement difficile de faire étudier par la commission le genre de loi que nous, de l'Opposition, aimerions voir adopter. Vous savez sans doute, M. le Président, parce que nous avons pris une position bien claire à ce sujet lors de la deuxième lecture de ce projet de loi, que l'Opposition officielle voudrait avoir un régime de base fondé sur la non-responsabilité, mais, d'un autre côté, nous voudrions qu'excédant ce régime de base les citoyens ou les victimes conservent ce droit de recours aux tribunaux pour être indemnisés relativement aux blessures corporelles qu'ils auraient reçues et qui dépasseraient amplement ou tout simplement les dommages que le régime peut se permettre légalement de remettre aux victimes.

En ce sens, j'aimerais vous soumettre un amendement: "Que le quatrième alinéa soit remplacé par l'alinéa suivant: La victime d'un accident, qui a droit à l'indemnisation prévue au présent titre, peut bénéficier de celle-ci tout en conservant ses recours pour l'excédent".

Je ne veux pas plaider la recevabilité, mais permettez-moi tout de même de vous...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Jacques-Cartier me permettrait-il une question?

M. Saint-Germain: Oui.

M. Vaillancourt (Jonquière): Pour l'excédent, est-ce que c'est un système de responsabilité ou de non-responsabilité?

M. Lalonde: C'est une modalité... de responsabilité peut-être; il faut lire cela.

M. Saint-Germain: C'est une modalité, on pourrait...

M. Lalonde: De toute évidence, cela serait responsabilité.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est ce que je présumais. Sur la recevabilité, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Cela serait responsabilité, à cause du recours. M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je voudrais tout simplement vous référer à une dé-

cision que vous avez rendue ce matin, suite à une motion d'amendement présentée par le député de Jacques-Cartier, et ce, à l'article 3.

Je n'ai pas le texte de l'amendement proposé à ce moment-là par le député de Marguerite-Bourgeoys — excusez-moi, c'était la motion d'amendement présentée par le député de Marguerite-Bourgeoys — mais je me rappelle qu'à ce moment-là le sens de cette motion était le même que celle que vous avez actuellement devant vous. Vous aviez dit, à ce moment-là, qu'elle était prématurée. Vous avez même ajouté que, si cette motion était présentée à l'article 4, vous la jugeriez irrecevable. Je vous rappelle tout simplement la décision que vous avez rendue ce matin à ce sujet.

M. Lalonde: M. le Président, je n'étais malheureusement pas ici lorsque vous avez disposé de ma motion d'amendement. Je m'étais excusé auprès de vous, devant partir d'urgence. Ce n'est pas parce que les absents ont tort, je ne peux pas évoquer cet adage pour discuter de votre décision.

Je pense, par exemple, que si vous avez dit que ma motion était prématurée et que, si elle était présentée à l'article 4, elle serait irrecevable, c'est peut-être cette dernière partie de votre décision qui aurait été prématurée.

De toute façon...

Le Président (M. Bertrand): ... maturation à l'article 4.

M. Lalonde: II faut bien s'entendre sur ce qu'est le principe. Si le gouvernement pense que tout est principe dans ce projet de loi, on est aussi bien de lever la séance et faire rapport à l'Assemblée nationale. Je sais que votre tâche n'est pas facile. Vous avez toute ma sympathie et le respect des députés de l'Opposition officielle, sans doute, de même que des autres, dans la tâche que vous accomplissez.

Il faut quand même voir aussi que la disparition du concept de responsabilité, c'est le principe qui a été affirmé et, je crois, adopté, à l'article 3. A l'article 4, il s'agit de recours, les droits de recours de celui qui est indemnisé.

Si nous modifions ce droit de recours par une motion d'amendement, si nous désirons modifier ce droit de recours par une motion d'amendement, on peut, à ce moment-là, mais cela devient une modalité, dire que ce recours que nous voulons voir modifié serait fait en fonction des lois en vigueur, c'est-à-dire selon le concept de responsabilité, mais cela devient une modalité de l'article 4, s'il était adopté tel qu'amendé. Ce n'est plus une question de principe. Le principe a été affirmé pour le régime, sans égard à la responsabilité, mais pour le régime seulement, tandis que, quant au droit de recours, c'est au-delà du régime que nous voudrions voir modifier l'article 4 en ce qui concerne les droits de recours seulement, et ajouter au recours de la victime, tel que mentionné à l'article 4, un droit de recours qui tienne compte de la responsabilité. Dans cette mesure, ce n'est pas au principe du tout que nous nous attaquons, nous élargissons en fait l'article 4. Nous conservons le principe selon lequel l'indemnisation tient lieu de tous les droits et recours et nous l'élargissons un peu, c'est tout. Ce n'est pas une question de principe, c'est une question de modalité, à savoir que cet élargissement se ferait en fonction du système de responsabilité.

Dans cette mesure, je pense que c'est une décision importante que vous allez rendre, parce que nous allons aborder de plus en plus d'articles qui vont s'éloigner du principe même, de la moelle du projet de loi pour s'attacher davantage aux modalités de l'application. Je pense qu'on commence à le faire à l'article 4.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Gaspé, avez-vous des commentaires là-dessus?

M. Le Moignan: Non, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense...

Le Président (M. Bertrand): Seulement s'il y a consentement unanime des membres de la commission.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... que c'est extrêmement pertinent. Je suis assuré que M. le député de Marguerite-Bourgeoys va...

M. Lalonde: Si c'est aussi éclairant que tantôt, j'hésite à donner mon consentement.

Le Président (M. Bertrand): II n'est pas question du député de Frontenac, il est question du député de Jonquière.

M. Lalonde: Oui, sûrement. Je suis certain qu'il va faire état d'autant de générosité à notre égard.

M. Grégoire: Je voudrais soulever une question de règlement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Entre confrères.

Le Président (M. Bertrand): Brièvement. M. le député de Frontenac, sur une question de règlement.

M. Grégoire: Lorsqu'un membre de la commission veut parler, doit-il avoir le consentement unanime de tout le monde pour prendre la parole?

Le Président (M. Bertrand): Sur ces questions-là, oui, parce qu'habituellement, d'après nos traditions, M. le député de Frontenac, sur les questions de recevabilité, on permet un seul porte-parole par formation politique.

M. Grégoire: Est-on encore sur la recevabilité? Je pensais que cela avait été réglé et que vous l'aviez déclarée non recevable.

Le Président (M. Bertrand): Non. M. le député de Jonquière, vous avez la parole, brièvement, s'il vous plaîtl

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aimerais tout simplement attirer votre attention sur la formulation de l'article 3 tel que rédigé. J'ai suivi avec attention l'argumentation du député de Marguerite-Bourgeoys. Je voudrais vous dire que l'article 3 pourrait être écrit autrement, et à ce moment, je donnerais raison au député de Marguerite-Bourgeoys. Par exemple, s'il était écrit: La victime d'un dommage corporel causé par une automobile est indemnisée, sans égard à la faute, par la régie, et suivant les dispositions du présent titre. Or, je vous ferais remarquer que c'est l'indemnisation qui est faite par la régie et suivant les dispositions du présent titre, et qu'il y a une virgule après le mot "titre", de telle sorte que nous devons absolument lier les mots "sans égard à la responsabilité de quiconque" aux mots "la victime d'un dommage corporel causé par une automobile". Or, le principe de l'absence de responsabilité est étendu à toute victime d'un dommage corporel. Les mots "indemnisée par la régie et suivant les dispositions du présent titre" ne s'appliquent qu'aux indemnités prévues au titre 1. Autrement dit, l'article aurait été écrit différemment si le législateur avait voulu enlever la responsabilité seulement pour les dommages prévus au titre 1.

M. Saint-Germain: Je ne sais pas si je pourrais, mais il me semble quej'ai en tête un argument...

Le Président (M. Bertrand): S'il y a un consentement unanime, je vais vous entendre, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Ce principe...

Le Président (M. Bertrand): Sur la recevabilité.

M. Saint-Germain: Sur la recevabilité. Ce principe, à l'article 4, a même été modifié par le gouvernement — on l'a vu en deuxième lecture— pour les étrangers voyageant au Québec et pour les Québécois qui voyagent à l'extérieur. Dans l'article 17, on le dit au paragraphe 4, il y a des gens qu'on élimine au point de vue des blessures corporelles, il y a déjà des exceptions qui sont dans la loi même et qu'on a acceptées lors du projet de loi en deuxième lecture. Comment cela se ferait-il? Par quel raisonnement, nous de l'Opposition, au niveau de cette commission, ne pourrions-nous pas modifier, si vous voulez, cette extension ou ces remarques? On ajoute simplement une exception comme il y en a déjà, incluse dans la loi. Cela me semble être tout à fait évident.

Le Président (M. Bertrand): Je vous remercie, messieurs, pour vos remarques. L'énorme difficulté dans un tel projet de loi, et je pense que c'est le cas sans doute pour l'ensemble des projets de loi, mais cela me paraît très clair ici, c'est de bien arriver, au moment où nous faisons l'étude de ce projet de loi, article par article, à s'entendre sur ce qui est principe immuable, à la suite d'une discussion en deuxième lecture à l'Assemblée nationale.

En d'autres mots, jusqu'où va le principe? Où se termine-t-il? Où commencent les modalités et les détails? En d'autres mots, quelle est cette frontière, difficile à définir d'ailleurs, où nous cessons de parler des principes et nous commençons à parler des modalités?

J'ai déjà indiqué, dans une décision rendue il y a quelques jours, à une question que me posait le député de Beauce-Sud... C'était une directive qu'il me demandait, à savoir est-ce que telle chose, c'est au niveau des principes? Est-ce que tel élément, c'est au niveau des principes? Il avait clairement demandé: Est-ce que l'absence de responsabilité, la non-responsabilité, fait aussi partie des principes de la loi telle que votée en deuxième lecture? Je lui ai répondu clairement, à ce moment-là: Oui, M. le député de Beauce-Sud. J'ai dit: Le principe de la loi, tel qu'il m'apparaît avoir été énoncé en deuxième lecture, demandait, proposait à l'Assemblée nationale d'instaurer un régime public d'assurance automobile pour la couverture des dommages corporels, sans égard à la responsabilité, assurance obligatoire, et qu'il y avait, à côté de cela, maintien d'un régime privé d'assurance automobile pour la couverture des dommages matériels. Ce sont, en gros, à peu de choses près, les mots que j'avais utilisés pour résumer ce qui, aux yeux du président, apparaissait être les principes immuables votés en deuxième lecture.

Dans le cas présent qui fait l'objet de cette motion d'amendement, j'admets... Là-dessus, je pense que le député de Jacques-Cartier s'est servi d'un élément qui peut prêter un petit peu à confusion, à savoir qu'à l'article 3, on affirme le principe de la non-responsabilité. Mais — ce n'est pas une critique que je veux adresser aux législateurs, mais, comme président, j'argumente — dans cet article, on s'est trouvé à inclure deux grands principes en même temps. Ceci, pour les fins de la discussion, peut prêter à confusion, puisqu'on pourrait avoir le sentiment que l'un est principe et l'autre est accessoire, alors qu'en réalité, si on s'en remet à une analyse sémantique de cet article 3, on réalise bien qu'effectivement il s'agit de deux principes différents inclus dans un même article.

En d'autres mots, la non-responsabilité n'est pas un principe ou une modalité qui est uniquement attaché à la création d'un régime public d'assurance automobile; c'est aussi un principe en tant que tel qui vaut pour la couverture faite par la régie pour les indemnités de base, mais aussi pour la couverture qui pourrait être celle que des gens accepteraient de prendre à partir d'un supplément d'assurance additionnelle, au niveau du régime privé.

Or, dans ces circonstances, c'est l'article 4 qui nous permet de préciser l'article 3, même si l'article 3, quand on l'analyse dans sa sémantique, m'apparaît suffisamment clair pour dire qu'il y a

vraiment deux principes différents, la création du régime public avec administration par une régie et la non-responsabilité. C'est, je pense, spécifié clairement au dernier paragraphe de l'article 4, où on dit: "Rien dans le présent article ne limite le droit d'une victime de réclamer une indemnité en vertu d'un régime privé d'assurance" — c'est donc une couverture additionnelle, mais là, on répète bien, pour que ce soit très clair — "sans égard à la responsabilité de quiconque." En d'autres mots, on réaffirme, à l'article 4, le principe qui avait déjà été affirmé presque suffisamment à l'article 3. Dans votre motion d'amendement, vous dites: La victime d'un accident qui a droit à l'indemnisation prévue au présent titre peut bénéficier de celle-ci. Vous répétez, en d'autres mots, l'article 4, dernier paragraphe, en y ajoutant cependant l'élément fondamental nouveau qui dit que la personne conserverait ses recours pour l'excédent et vous avez, en réponse à la question, indiqué que, quant à vous, il s'agissait effectivement, à ce moment, de reconnaître la responsabilité des individus au moment où ils exerçaient leur recours pour l'excédent au-delà du régime qui est couvert par la Régie de l'assurance automobile.

Dans ces conditions, je sais que vous comprenez fort bien la situation telle qu'elle se présente pour moi. Je dois vraiment noter que ce que vous demandez par la motion d'amendement, au dernier paragraphe de l'article 4, c'est de revenir sur le principe qui a été voté à l'article 3, répété à l'article 4, pour plus de précision, et qui concerne la non-responsabilité. Dans ces conditions, je ne veux pas me faire mauvais joueur et je pense que le député de Marguerite-Bourgeoys a bien indiqué de quoi il s'agissait. C'est que, dans ces premiers articles, au niveau des dispositions générales, effectivement, — un peu comme au moment du projet de loi 101 — on est vraiment dans des articles qui énoncent, on ne peut plus clairement, les principes de la loi et, effectivement, les modalités vont venir un peu plus tard. Dans les circonstances, M. le député de Jacques-Cartier, je pense avoir expliqué assez clairement pourquoi, même formulé comme il l'est, votre amendement ne peut pas être jugé recevable.

M. Lalonde: M. le Président, il est 18 heures.

Le Président (M. Bertrand): Et même trois minutes.

M. Lalonde: Oui, je ne vous ai pas interrompu.

Le Président (M. Bertrand): J'ajourne les travaux de cette commission jusqu'à demain matin, dix heures.

(Fin de la séance à 18 h 6)

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