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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le jeudi 8 décembre 1977 - Vol. 19 N° 278

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude du projet de loi no 67 — Loi sur l'assurance automobile


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 67 Loi sur l'assurance automobile

(Dix heures quinze minutes)

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, madame, messieurs! La commission permanente des consommateurs, coopératives et institutions financières poursuit l'examen du projet de loi no 67, Loi sur l'assurance-automobile. Les membres de la commission sont M. Beauséjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Goulet (Bellechasse). Bonjour, M. le député de Bellechasse, bienvenue à cette commission parlementaire.

M. Goulet: Je prends la place de M. Russell.

Le Président (M. Bertrand): Non, vous êtes inscrit, M. le député de Bellechasse.

M. Goulet: M. Fontaine, à la place de M. Russell.

Le Président (M. Bertrand): M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Landry (Fabre) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lefebvre (Viau), M. Marois (Laporte), M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud); M. Russell (Brome-Missisquoi) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Vaillancourt (Jonquière).

Nous en étions à l'étude de l'article... Un instant, M. le député de Bellechasse.

Mme Payette: M. le Président, je désirerais, avec votre permission, faire distribuer aux membres de cette commission des copies d'amendements aux articles 21, 22 et 30, tel que cela avait été annoncé, ainsi qu'aux articles 191 à 197.

Le Président (M. Bertrand): Ces amendements peuvent être distribués, mais nous ne les recevrons formellement qu'au moment de l'étude de l'article.

Mme Payette: ... dès que la rédaction sera complétée, je pourrai les distribuer.

Le Président (M. Bertrand): Parfait.

M. Roy: Nous remercions Mme le ministre.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Bellechasse.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce qu'il y aurait lieu, avec le consentement unanime des membres de cette commission, que MM. Gosselin de Sherbrooke et Rancourt de Saint-François soient...

Le Président (M. Bertrand): M. Gosselin de Sherbrooke est déjà inscrit comme membre de cette commission.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. Rancourt.

Le Président (M. Bertrand): Est-ce que M. Rancourt, député de Saint-François, remplacerait M. Marois (Laporte)?

M. Vaillancourt (Jonquière): M. Marois (Laporte).

Le Président (M. Bertrand): Est-ce qu'il y a consentement? Bien. Alors, M. le député de Bellechasse.

Indemnisation du dommage corporel Dispositions générales (suite)

M. Goulet: Merci, M. le Président. Je vois qu'il n'y a pas seulement l'Union Nationale qui a un problème de présence. M. le Président, vous comprendrez que je parlerai au nom de...

Mme Payette: Vous étudiez le projet 69, je suppose...

M. Goulet: ... en l'absence du député de Nicolet-Yamaska qui, malheureusement, a été retenu dans son comté à cause d'un décès. Le texte que je livrerai est le texte que devait vous livrer le député de Nicolet-Yamaska.

Vous avez rendu hier une décision sur une motion présentée par mon collègue de Gaspé prévoyant un droit d'appel à un tribunal judiciaire en cas de désaccord d'une victime avec les décisions des différents tribunaux administratifs, concernant les indemnités à recevoir. Cette décision reposait sur le fait que la motion était prématurée, qu'elle pourrait être présentée lors de l'étude des articles 57 ou 58 et que ladite motion, telle que rédigée, changeait le sens du premier paragraphe de l'article 4 qui établit que l'on ne peut identifier la responsabilité en ayant recours aux tribunaux.

Ceci — nous en sommes conscients — faisant partie du principe du projet de loi, nous acceptons, M. le Président, votre décision. Nous voulons toutefois porter à votre attention une autre dimension de ce premier paragraphe. Tel que rédigé, nous vous soumettons respectueusement qu'il nous serait impossible d'amender les articles 57 ou 58 et de tenter d'y introduire le recours aux tri-

bunaux puisque l'article 4 dit: "Nulle action à ce sujet — retenez bien ce mot — n'est reçue devant une cour de justice".

L'expression "à ce sujet", selon les avis juridiques et sémantiques que nous avons demandés, réfère aux indemnités, ce qui fait que nulle action concernant les indemnités ne peut être reçue devant une cour de justice, rendant ainsi impossible l'amendement éventuel des articles 57 ou 58. C'est donc l'article 4 qu'il faut d'abord amender. Je ne crois pas que le recours ou non à un tribunal judiciaire fasse partie du principe du projet de loi, si on pense à ce recours en fonction du montant de l'indemnité accordée à une victime par la régie ou la Commission des affaires sociales. Ce qu'il faut préserver du principe de l'article 4, c'est l'interdiction de se présenter devant un tribunal pour y trouver un coupable. Ce qu'il nous faut y ajouter, pensons-nous, c'est la possibilité d'ajouter aux articles 57 ou 58, pour un citoyen, de se présenter devant un tribunal judiciaire pour y contester le montant de l'indemnité à être versée.

Idéalement, M. le Président, nous aurions voulu que cet appel porte sur le montant global de l'indemnité sans égard aux sommes maximales prévues par la présente loi. Par esprit de collaboration, parce que nous savons qu'un tel amendement serait rejeté, nous limitons notre demande à réclamer la possibilité d'un recours judiciaire jusqu'à un maximum des montants d'indemnité prévus à la présente loi, montants qu'il nous sera permis, nous l'espérons, de pouvoir modifier.

Plusieurs possibilités s'offrent à nous pour modifier le premier paragraphe. Nous voulons éviter un long débat de procédure où nous pourrions nous embourber pendant de longues heures. A cette fin, je demande au ministre si elle est prête à accepter un amendement au projet de loi. Nous le situerons plus tard dans le projet — amendement qui dirait essentiellement — je n'en fais pas une question de forme, mais de contenu — qu'un citoyen pourrait en appeler devant un tribunal judiciaire pour un montant qui ne dépasserait jamais les indemnités prévues par la loi et ce, après les deux recours aux tribunaux administratifs.

C'est pour cette raison que nous voulons apporter l'amendement suivant, amendement qui se lit comme suit: Que le premier paragraphe de l'article 4 soit modifié et que l'on enlève les mots "à ce sujet" pour les remplacer par les mots "dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre".

Ce que nous voulons, M. le Président, c'est avoir un appel aux tribunaux. Nous l'avons dit il y a quelques minutes. Nous offrons notre collaboration, mais nous n'allons pas jusqu'à dire qu'on ne devrait pas avoir recours aux tribunaux pour le maximum qu'on devrait apporter. Pour la réclamation de base, ça va, mais pour le maximum, nous aimerions que les gens puissent avoir recours aux tribunaux. C'est pourquoi nous apportons cet amendement que notre technicien s'empresse de distribuer. Est-ce que vous avez des coptes de...

Le Président (M. Bertrand): J'en ai une. M. le député de Bellechasse, j'ai bien écouté votre argumentation. Elle m'a plue. Elle m'est apparue tout à fait logique et tout à fait justifiée.

Le seul problème, c'est que votre motion d'amendement ne me paraît pas répondre à l'argumentation que vous avez soutenue. Je m'explique. La partie de la phrase, dans le premier paragraphe, qui se termine par "n'est reçue devant une cour de justice", "nulle action n'est reçue devant une cour de justice" réfère à la notion de responsabilité. C'est de cela qu'il est question.

M. Goulet: Oui. Entre responsabilité minimale et responsabilité maximale, il y a une différence.

Le Président (M. Bertrand): Non, je pense que vous confondez la notion de responsabilité et la notion de couverture.

M. Goulet: D'accord, oui.

Le Président (M. Bertrand): Si vous remplaciez les mots "à ce sujet" par les mots "dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre", lisons la phrase: "Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits, recours et droits d'action de quiconque en raison d'un dommage corporel causé par une automobile et nulle action dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre n'est reçue devant une cour de justice."

A ce moment-là, vous faites porter votre motion d'amendement sur la notion des indemnités et non pas sur la notion du recours en justice, sur la question de la responsabilité.

M. Goulet: M. le Président, permettez-moi de consulter mon collègue de Nicolet-Yamaska qui vient d'arriver.

Le Président (M. Bertrand): D'accord.

M. Goulet: Comme je vous l'ai dit au début de la séance, j'ai livré le message qu'il avait lui-même préparé.

Le Président (M. Bertrand): D'accord.

M. Fontaine: L'amendement que vous proposez ou que vous suggérez serait d'enlever "à ce sujet" pour dire "nulle action dépassant les indemnités prévues au présent titre", les indemnités de base.

Le Président (M. Bertrand): Messieurs, je vais prendre quelques secondes pour...

Nous travaillons en ce moment. Je ne rends pas de décision. Nous essayons de progresser dans la recherche d'une solution convenable. Je comprends très bien ce que vous recherchez. Vous recherchez une définition des mots "à ce sujet" qui vous laisse la possibilité de présenter, au moment venu, aux articles 57 et 58, un amendement qui pourrait signifier que, dans le cadre des

indemnités prévues par la loi, en dehors de l'appel qui est fait, premièrement devant la régie, deuxièmement devant la Commission des affaires sociales, il puisse y en avoir un troisième qui soit fait devant un tribunal de droit commun.

Vous craignez que les mots "à ce sujet", ne définissant pas de façon assez précise s'il s'agit du sujet de la responsabilité ou du sujet des indemnités... Vous demandez que cela soit précisé immédiatement au paragraphe premier de l'article 4 pour que cela ne prête pas à confusion au moment où nous aborderons l'étude des articles 57 et 58.

M. Goulet: Est-ce que je peux rectifier, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand): Je pense, M. le député de Nicolet-Yamaska, que j'ai bien interprété votre idée.

M. Fontaine: C'est exactement cela.

M. Goulet: M. le Président, les indemnités prévues au présent titre... C'est pour cela qu'on dit à ce sujet: Si l'indemnité — vous me permettrez de m'expliquer par un exemple — prévue pour un bras cassé est de $2000, et que la régie décide de donner $1000, on voudrait avoir recours aux tribunaux pour avoir le maximum de l'indemnité prévue. C'est cela.

Le Président (M. Bertrand): C'est cela que j'avais compris, M. le député de Bellechasse, il n'y a pas de problème de ce côté.

M. Goulet: C'est cela que vous aviez compris.

Le Président (M. Bertrand): La seule difficulté, à ce moment, c'est que, écrite comme elle l'est, votre proposition pourrait aussi porter à confusion, comme les mots "à ce sujet" le font, dans le sens suivant. C'est qu'on lirait "nulle action dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre n'est reçue devant une cour de justice, donc toute action ne dépassant pas les indemnités maximales prévues au présent titre peut être reçue devant une cour de justice". Or, le danger, à ce moment, c'est d'être porté à penser que cette nouvelle phraséologie voudrait consacrer en même temps le principe qu'il peut y avoir un recours en responsabilité devant un tribunal avec votre motion d'amendement. La confusion se trouve donc à demeurer. M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aurais peut-être un renseignement à fournir. Je connais le but de l'amendement du député de Bellechasse qui est, en fait, de permettre à une victime qui n'est pas satisfaite des indemnités qu'elle reçoit de la commission — au niveau des indemnités, sans égard à la faute — d'aller devant les tribunaux de droit commun pour obtenir le maximum que lui donne la loi. Si je vous donnais le renseignement que toutes les victimes recevront un montant forfaitaire pour chaque genre de mutilation, de telle sorte que chaque victime recevra toujours le montant forfaitaire prévu à la loi et à l'article 45...

M. Fontaine: Pas seulement pour les mutilations, c'est pour toutes les rentes.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, je parle de blessures...

M. Fontaine: On veut un appel sur n'importe quoi. On ne veut pas un appel seulement sur un cas en particulier.

M. Vaillancourt (Jonquière): On parle de blessures, de préjudices esthétiques, de mutilations, douleurs ou pertes de jouissance de la vie. A l'article 45, la personne recevra toujours... Si c'est prévu, par exemple, $5000 pour la perte de l'oeil gauche, elle ne pourra pas recevoir $4250. Elle va recevoir $5000. A ce moment-là, comment peut-elle aller devant les tribunaux de droit commun pour aller chercher la différence? Il n'y aura pas de différence.

M. Fontaine: Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un appel qui soit fait devant les tribunaux de droit commun pour aller contester les décisions de la régie, parce qu'il y aura des décisions de la régie.

M. Vaillancourt (Jonquière): Dans quels domaines?

M. Fontaine: Dans n'importe quel domaine, sauf celui que vous venez de mentionner.

M. Saint-Germain: Sur le degré d'incapacité.

M. Fontaine: Sur le degré d'incapacité. Sur le retour au travail, par exemple. Si un médecin de la régie dit: Vous êtes apte à retourner au travail, et la personne dit: Non, je ne suis pas apte à retourner au travail. Ce qu'on veut, c'est que la personne ait le droit d'aller en appel devant les tribunaux de droit commun.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est 57 et 58. Mme Payette: C'est 57, 58.

M. Fontaine: Quand on dit, à l'article 4, que nulle action à ce sujet n'est reçue devant une cour de justice, cela empêche ce recours. C'est pour cela que, si vous êtes prêts à considérer le fait qu'il y a un appel devant les tribunaux de droit commun pour contester les décisions de la régie, à ce moment-là, quelle que soit la forme que prendra cet amendement, si vous êtes prêts à en discuter, peut-être que vos conseillers juridiques pourraient aviser à ce sujet et nous donner l'amendement qui pourrait être recevable. Mais ce que nous voulons, c'est faire adopter ce principe. Si vous me dites que vous n'êtes pas d'accord et

que vous ne voulez pas faire entrer ce principe dans la loi, cela ne donne rien d'en discuter.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ai-je bien compris que votre droit d'appel consistait essentiellement en un appel sur le montant des indemnités? Là, vous nous dites que l'appel pourrait consister, par exemple, à faire vérifier une décision de la régie qui déclare que telle personne est inapte à travailler pour trois mois et nous prétendons qu'elle est inapte à travailler pour dix mois. C'est cela?

M. Fontaine: Peut-être que l'exemple du député de Bellechasse n'était pas tout à fait correct, mais...

M. Goulet: M. le Président, si on prend...

Le Président (M. Bertrand): Excusez-moi, M. le député de Bellechasse, le député d'Outrement a demandé la parole, toujours sur cette question qui nous tracasse en ce moment.

M. Raynauld: C'est cela, sur ce problème particulier. Je voudrais essayer d'en parler, mais pas comme un avocat. Le problème que cela pose, c'est que, lorsqu'il n'y a pas d'appel devant les tribunaux, on est obligé dans la loi et on est obligé dans les règlements de faire des règles communes pour un grand nombre de cas. Ce que, je pense, on cherche ici, c'est d'essayer de trouver un truc par lequel on pourra faire des examens au mérite et que ce ne soit pas toujours $5000 pour la perte d'un oeil ou la perte d'un bras, mais qu'il puisse y avoir une certaine flexibilité pour que cela puisse être jugé au mérite. On ne peut pas prévoir, dans une loi et dans des règlements, tous les cas possibles et imaginables.

Dans une soirée, on s'est amusé à essayer d'imaginer des cas et, à tout coup, on disait, ça ne peut pas être prévu comme cela; par exemple, l'arbitraire que peut représenter, nécessairement — pas par mauvaise volonté — le fait d'établir une règle qui dise: A 18 ans, il se passe telle chose; si c'est moins de 18 ans, il se passe autre chose. Il y a plusieurs articles comme celui-là.

Si une femme a moins de 35 ans, c'est telle chose qui s'applique; si elle a plus de 35 ans, c'est telle autre. Vous admettrez que ces 35 ans sont arbitraires. Cela pourrait bien être 34 ans et six mois et, à ce moment, on tomberait dans une catégorie; si c'est 35 ans et deux mois, par hasard ça va être une autre catégorie. Les indemnités vont être bien différentes.

Je pense que ce qu'on essaie de trouver, c'est une façon de juger au mérite certains cas avec une flexibilité qui, nécessairement, sera mise dans la loi. La réponse du gouvernement, là-dessus, c'est qu'un autre mécanisme le prévoit à 56 ou 57, mécanisme interne au gouvernement. La Commission des affaires sociales est interne au gouvernement. A ce moment, on dit: Ce seraient des tribunaux qui pourraient invoquer la jurisprudence, même si la loi a changé, des interprétations ou des jugements qui ont été faits. Il y a une longue juris- prudence qui a été utilisée, qui a été faite. Cela donne davantage confiance aux gens si ce recours existe. C'est dans ce sens qu'on cherche à trouver des choses. Je ne sais pas s'il y a des amendements appropriés, mais je crois que le problème est réel.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, j'avais posé des questions hier, avant l'ajournement de nos travaux, sur des points semblables et je m'aperçois que les mêmes questions sont posées par mes collègues, tant de l'Union Nationale que du Parti libéral. Je suis convaincu qu'il y a également des questions qui se posent à ce sujet chez les membres du Parti québécois.

L'amendement proposé par mon collègue de l'Union Nationale ce matin me semble une disposition qui devrait être contenue dans le projet de loi — je ne suis pas un spécialiste de la rédaction, autrement dit, de la terminologie des amendements — pour permettre aux citoyens et citoyennes qui ne seraient pas satisfaits de la décision de la commission d'appel de pouvoir aller devant les tribunaux de droit commun. Cette disposition n'est pas nouvelle pour le gouvernement puisque, dans le cas de la Commission des accidents du travail, on peut aller devant les tribunaux contester la décision de la Commission des accidents du travail. Cela s'est fait à plusieurs reprises et j'ai plusieurs exemples, dans mes dossiers, de personnes qui ont été devant les tribunaux plaider et contester la décision de la Commission des accidents du travail.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Beauce-Sud, à moins que la loi ait changé, les décisions de la CAT sont finales et sans appel.

Sur bref d'évocation, mais pas sur un appel.

M. Roy: II y a des gens qui sont allés devant les tribunaux de droit commun. De quelle façon ils y sont allés, je ne l'analyserai pas. Je ne ferai pas de discussion ce matin.

M. Vaillancourt (Jonquière): Pas sur un appel.

Le Président (M. Bertrand): Je ne veux pas qu'on commence de...

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas une discussion que je voulais, seulement apporter une précision. Mon confrère est là, il peut...

Le Président (M. Bertrand): ... débat là-dessus. Je demande simplement des précisions pour qu'on puisse satisfaire les gens qui cherchent à proposer des amendements, mais qui ne veulent pas trahir les principes de la loi. M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je n'irai pas chercher les dossiers dans mon bureau parce que ce sont des dossiers privés qui concernent des individus. Mais il y a des

gens qui sont allés devant les tribunaux et la décision de la Commission des accidents du travail... Peu importe de quelle façon on a utilisé le Code de procédure civile, je ne suis pas un spécialiste là-dedans, mais je dis ceci cependant: Ils ont été capables de renverser la décision qui avait été prise par la Commission des accidents du travail et ils ont obtenu une compensation additionnelle. J'aimerais que dans la loi de la régie de l'assurance automobile, les citoyens du Québec puissent avoir les mêmes privilèges et les mêmes dispositions. Il y a suffisamment de spécialistes, non seulement à cette table, mais le ministère dispose de spécialistes pour la rédaction des articles de loi; qu'on permette à des gens de pouvoir intervenir et d'avoir un droit de recours additionnel parce que je trouve inadmissible, et d'ailleurs, cela a été dit devant la commission parlementaire lors des audiences, cela a été dit par le Barreau, cela a été dit par plusieurs organismes qui sont venus devant nous, parce que le gouvernement lui-même qui est propriétaire de la régie...

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, je vous ramène à l'ordre dans un certain sens parce que, ce que vous dites en ce moment, aux yeux de la présidence, c'est tout compris. Je comprends votre argumentation, je comprends ce que vous voulez demander. Vous demandez qu'il y ait un autre appel qui soit rendu possible au-delà de celui qui est fait devant la régie, au-delà de celui qui est fait devant la Commission des affaires sociales. Je l'ai compris. En ce moment, j'ai une décision à rendre sur la recevabilité d'un amendement, d'une motion d'amendement. Telle que cette motion d'amendement est rédigée, elle porte à confusion elle aussi, comme pouvait porter à confusion les mots "à ce sujet" aux yeux de ceux qui ont présenté la motion d'amendement. Tout ce que je veux, c'est amener les membres de la commission à préciser davantage, sur le plan de la formulation, cette motion d'amendement, pour qu'elle puisse être jugée recevable. Je ne veux pas empêcher un débat là-dessus, mais je dois l'empêcher dans la mesure où la motion d'amendement n'apporterait pas d'éclaircissement et au contraire ne tendrait qu'à semer davantage de confusion sur le principe du paragraphe premier de l'article 4. C'est uniquement le sens des propos que nous devons avoir en ce moment. Il ne s'agit pas de mener le débat sur le recours devant un tribunal de droit commun. Ce débat sera mené à un autre moment.

M. Saint-Germain: M. le Président, est-ce que ce serait trop vous demander de me lire l'amendement?

Le Président (M. Bertrand): "Que le premier paragraphe de l'article 4 soit modifié et que l'on enlève les mots "à ce sujet" pour les remplacer par les mots "dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre" Alors, la phrase se lirait comme suit: "Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits, recours et droits d'action de quiconque, en raison d'un dommage corporel causé par une automobile, et nulle action dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre n'est reçue devant un cour de justice". Ma crainte, comme président, à ce moment-ci, au moment où je dois protéger le principe de la non-responsabilité, c'est que votre amendement, s'il était accepté, pourrait laisser sous-entendre, je ne dis pas c'est votre intention, mais il pourrait laisser sous-entendre qu'il n'y a pas de recours en justice pour des indemnités dépassant celles prévues au présent titre, mais qu'il y en a pour les indemnités ne dépassant pas. A ce moment-là, on risquerait de semer la confusion, encore une fois, sur la notion de responsabilité. C'est ce qui est dangereux.

M. Goulet: M. le Président, sur la recevabilité de l'amendement, vous dites que vous comprenez le principe, mais que les mots "à ce sujet" ne sont pas exacts. Il y a le conseiller technique, à la gauche de Mme le ministre, qui veut prendre la parole depuis tout à l'heure, possiblement qu'il pourrait nous éclairer, changer ce mot-là, avoir un mot...

Le Président (M. Bertrand): Je m'excuse, M. le député de Bellechasse, je n'ai pas dit que le mot n'était pas exact. Objectivement, il est exact...

M. Goulet: Je veux dire, qu'il portait à confusion.

Le Président (M. Bertrand):... il est là. Mais je dis que dans votre esprit — c'est le but de votre motion d'amendement — ces mots portent à confusion et pourraient vous empêcher d'amender les articles 57 et 58 pour avoir un troisième appel. Je comprends votre préoccupation. Peut-être pourrions-nous, à ce moment-ci, écouter les avis du conseiller juridique du gouvernement en la matière.

M. Goulet: C'est ce que je propose.

M. Saint-Germain: M. le Président, si vous permettez, j'aurais quelques mots à dire là-dessus.

Le Président (M. Bertrand): Accepteriez-vous, M. le député de Jacques-Cartier... Je pense que l'ensemble des membres aimerait bien entendre le conseiller juridique du gouvernement dire ce qu'il y a dans ces mots "à ce sujet".

M. Saint-Germain: Après, d'accord.

Mme Payette: Voici, M. le Président, l'option qui a été prise par le gouvernement et qui a été traduite dans le texte de loi est la suivante: les demandes d'indemnité, au lieu d'être portées devant un tribunal de droit commun, devront être portées devant la Régie de l'assurance automobile, ceci en vertu de l'article 53 du projet de loi. En tant qu'avocat et participant à l'élaboration de ce texte de loi, nous avons retenu la phraséologie employée dans la Loi des accidents du travail, afin d'éliminer la possibilité que quelqu'un tente de

porter sa demande d'indemnité devant un tribunal de droit commun.

Autrement dit, ce qu'on peut donner comme interprétation aux mots "à ce sujet", dans mon esprit, c'est la suivante: nulle action, en raison d'un dommage corporel causé par une automobile, n'est reçue devant une cour de justice. Alors, les mots "à ce sujet", dans mon esprit, réfèrent à un dommage corporel causé par une automobile.

Aux articles qui vont suivre, 53, 57 et 58, prévoyant la procédure de révision et la procédure d'appel, il est prévu que, pour les décisions qui auront été rendues par la Régie de l'assurance automobile, un mécanisme de révision interne à la Régie de l'assurance automobile est prévu ainsi qu'un mécanisme d'appel à un autre organisme qui n'est pas un tribunal de droit commun, mais qui est la Commission des affaires sociales. Ce mécanisme qu'est la Commission des affaires sociales, évidemment, n'est pas un tribunal de droit commun, mais entendra les appels des décisions rendues par la Régie de l'assurance automobile.

Advenant le cas où un réclamant se sentirait lésé, se sentirait brimé par la décision de la Commission des affaires sociales, au même titre que, par exemple, lorsque le député de Beauce-Sud a fait référence tout à l'heure à des décisions de la Commission des accidents du travail qui pourraient être portées en appel, il y a possibilité qu'il y ait des brefs d'évocation émis contre l'organisme qui a rendu une décision en appel pour réviser ou pour demander que la décision rendue par l'organisme soit révisée.

Je pense que lorsqu'il est prévu, dans l'article 4, une étanchéité pour que l'action ou la demande d'indemnité ne puisse pas être portée devant un tribunal de droit commun, c'était pour faire en sorte que tout le mécanisme qui a été adopté par le gouvernement puisse être bien rendu dans un texte de loi.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jacques-Cartier a demandé la parole.

M. Goulet: D'accord.

M. Saint-Germain: Je crois que notre conseiller dit juste, mais je crois, d'un autre côté, qu'il pèche grandement par omission. Si le gouvernement a mis dans cette loi des principes soi-disant généraux, il n'en reste pas moins que le gouvernement même, dans cette loi, a mis des exceptions, comme à l'article 4 où des gens, pour blessures corporelles, sont en dehors de la loi. Il a mis des exceptions pour les citoyens du Québec qui voyagent à l'extérieur de la province. Il a mis des exceptions pour les étrangers qui voyagent à l'intérieur de la province.

M. le Président, à mon avis, il y a des exceptions à ce principe.

Il s'agit de savoir jusqu'à quel point on peut faire des exceptions. Est-ce qu'il appartient exclusivement au gouvernement de fixer ces exceptions, sans le concours de l'Opposition ou de cette commission? La Chambre a accepté un principe.

Elle ne nous a absolument pas empêchés de retrancher des exceptions ou d'ajouter des exceptions.

D'ailleurs, nous, de l'Opposition officielle, nous ne sommes pas contre le "no fault", comme vous le savez très bien, jusqu'à un montant de $18 000. Nous ne sommes pas contre ce principe. Mais nous voulons qu'après...

M. Vaillancourt (Jonquière): Question de règlement, M. le Président.

M. Saint-Germain: Non, écoutez, tout le monde a eu le droit de parole. Je parle du gros bon sens.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! Il y a une question de règlement. Je vais au moins l'entendre.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, le député de Jacques-Cartier est manifestement en train de parler du fond de la question. Il est rendu sur le principe de la responsabilité. Vous avez une motion devant vous. Elle n'a encore été déclarée ni recevable, ni irrecevable. Vous avez émis de très fortes réserves quant à sa formulation actuelle et quant au but recherché. Vous avez invité les députés à présenter une nouvelle formulation, si la chose était possible.

Je vous demanderais tout d'abord de rappeler au député de Jacques-Cartier de parler de la forme et non pas du fond, et, d'autre part, je vous prierais de rendre une décision sur la recevabilité ou l'irrecevabilité de la motion telle que rédigée, que vous avez devant vous.

M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Sur la recevabilité, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Oui, M. le Président, sur cette même recevabilité. Je crois que mon intervention était tout à fait dans l'ordre. Je dois vous dire que nous, de l'Opposition, à ce moment-ci, nous nous sentons extrêmement frustrés. Nous étudions l'article 4. C'est un article de base. Il a ses limites, il a ses exceptions. On devrait avoir le droit d'en ajouter ou d'en retrancher. C'est un principe qui a été établi, si vous voulez l'interpréter comme cela, mais un principe, c'est un principe qui peut avoir ses modifications et ses exceptions, c'est dans la loi. Comme Opposition au gouvernement, on devrait avoir le droit de faire passer à cette commission, nos points de vue, en faisant les motions qui s'imposent.

Une Voix: M. le Président...

M. Saint-Germain: II y a des principes, dans cette loi, et je peux vous en nommer un autre. Avec les exceptions incluses dans la loi, il y a des gens qui vont être obligés de prendre des assurances de responsabilité civile. Cela me semble

être définitif. Qui va définir, à un moment donné, dans le cas d'un type qui va avoir un accident et qui va tomber sous le coup des exceptions, s'il a, pour se protéger, en plus, une police de responsabilité civile, qui va déterminer, dis-je, si c'est la régie qui va payer ou si c'est sa police d'assurance responsabilité civile? Cela va faire une cause, si on ne s'entend pas. Qui jugera? Le Tribunal de droit commun ou la Commission des affaires sociales?

Ce sont des choses qu'on devrait être à même de discuter et sur lesquelles on devrait pouvoir faire des motions. Cela n'attaque pas le principe de base. Nous sommes pour le principe de base, jusqu'à $18 000, sans responsabilité.

Je vous le dis, je ne veux pas faire de critique, je respecte très bien vos décisions. Mais peut-être qu'il y a là des éléments auxquels vous n'avez pas pensé, et je dois vous dire que l'Opposition trouve frustrant de ne pas pouvoir amener des amendements qui pourraient à ce point de vue améliorer la loi.

M. Fontaine: Sur la recevabilité...

Le Président (M. Bertrand): Non. Dernière intervention. Je vais laisser à ceux qui ont fait la motion d'amendement le soin de... J'en ai assez. Je vais donner un dernier droit de parole au député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Je pense que l'intervention du conseiller technique est très à point, parce qu'elle nous a fait voir exactement ce que vise l'article 4. L'article 4 vise essentiellement à empêcher qu'il y ait un recours devant les tribunaux, pour les indemnités dépassant ce qui est prévu dans la présente loi.

Ce n'est pas un principe de la loi que nous avons voté en deuxième lecture, c'est une modalité d'application de ce principe et c'est exactement notre motion d'amendement.

Ce que nous voulons par l'amendement, c'est qu'une personne puisse, à la suite d'une décision de la Commission d'appel des affaires sociales, avoir un recours devant les tribunaux de droit commun pour contester cette décision concernant les indemnités qui nous seront accordées ou quelque décision que ce soit de la régie.

Je pense qu'on a dit tout à l'heure qu'il y avait un droit de révision de la Cour supérieure à la suite d'un bref d'évocation, mais ce n'est pas un droit d'appel. Par un bref d'évocation, on peut aller devant la Cour supérieure seulement lorsqu'il y a déni de justice. Je pense que ce que nous voulons par notre amendement, c'est qu'il y ait un droit d'appel automatique ou peut-être avec la permission d'un juge ou quelque chose comme cela, quelle que soit la modalité, mais qu'il y ait un droit d'appel comme principe qui soit adopté dans ce projet de loi pour que les justiciables puissent faire réviser les décisions de la Commission des affaires sociales par un juge d'un tribunal de droit commun, un juge indépendant.

Mme Payette: M. le Président, si vous me permettez, seulement pour rectifier une affirma- tion du député de Nicolet-Yamaska. Ce que j'ai dit au sujet de l'interprétation du premier paragraphe... Je ne voudrais pas qu'on tienne pour acquis ce que j'ai dit comme étant une négation du droit de recours pour l'excédent des indemnités prévues au régime. Ce que j'ai dit au sujet du premier paragraphe, c'est qu'aucune action, aucune demande d'indemnité en raison d'un dommage corporel... Il ne s'agit pas des indemnités au-delà de celles prévues par le régime. En fait, au complet, aucune demande d'indemnité ne peut être portée devant un tribunal de droit commun.

M. Fontaine: Mais l'article 4 porte sur les indemnités. Les premiers mots que vous employez sont les indemnités.

Mme Payette: Oui, mais en tout cas...

M. Fontaine: M. le Président, seulement un dernier mot.

Le Président (M. Bertrand): Bien.

M. Fontaine: Je voudrais peut-être apporter une modification pour que vous puissiez recevoir cet amendement. Vous contestez le fait qu'en changeant les mots "à ce sujet", cela puisse apporter une autre confusion. Je pense qu'on pourrait garder les mots "à ce sujet", en ajoutant "dépassant les indemnités prévues au présent titre n'est reçue devant aucune cour de justice".

Cela se lirait: "... et nulle action à ce sujet dépassant les indemnités prévues au présent titre n'est reçue devant aucune cour de justice".

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce qui laisserait supposer — c'est irrecevable et ce n'est pas le but de l'article 4 — qu'une personne qui a un recours pour une indemnité prévue au titre et inférieure aux indemnités prévues pourrait s'adresser aux tribunaux de droit commun, ce qui n'est pas le but visé par l'article. On dit que toute demande d'indemnité, suite à un accident d'automobile où on cause un dommage corporel, est automatiquement adressée à la Régie de l'assurance automobile. C'est cela le but de l'article 4.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Non, je m'excuse.

M. Giasson: Votre décision n'est pas prise?

Le Président (M. Bertrand): Elle est prise, mais je voulais simplement prendre connaissance de cette modification qu'ils comptaient apporter eux-mêmes à leur propre amendement et je voulais mesurer exactement quel en devenait le sens, une fois qu'on acceptait ces mots-là.

Je vais...

Une Voix: Suspendre.

Le Président (M. Bertrand): Non, je ne suspendrai pas. Dans un état de très grand doute,

ayant entendu surtout les commentaires du conseiller juridique à ce sujet, et ayant mesuré à la fois le sens de ce que les parlementaires de l'Opposition voudraient voir aborder dans le projet de loi, c'est-à-dire cette possibilité d'un appel sur les indemnités et non pas sur la responsabilité, étant donné aussi les explications qu'a fournies jusqu'à maintenant le conseiller juridique du gouvernement quant à l'interprétation à donner aux mots "à ce sujet", étant donné que je ne pourrais pas, en toute justice, fermer à ce moment-ci la porte, de façon brutale, empêchant les membres de l'Opposition de manifester un désir, un besoin et me placer dans la situation où, en arrivant aux articles 57 et 58, parce que je n'aurais pas permis un débat sur le sens du premier paragraphe de l'article 4 et que, donc, certains amendements ne pourraient être formulés aux articles 57 et 58, malgré, pour l'instant, les failles de rédaction de la motion d'amendement du député de Nicolet-Yamaska, je vais, dans l'état de doute qui s'empare de moi, en ce moment, sur le sens à donner à ce paragraphe premier, juger recevable la motion d'amendement du député de Nicolet-Yamaska, permettre qu'il y ait débat sur cette motion, et faire en sorte que de ce débat puissent sortir certains éclairages sur le sens à donner à ce paragraphe premier. Je pense qu'en ayant la possibilité de défendre sa motion d'amendement, le député de Nicolet-Yamaska pourra faire valoir ses arguments, et ainsi les membres de la commission pourront trancher en toute connaissance de cause. Sur ce, je permettrai donc que commence le débat sur la motion d'amendement du député de Nicolet-Yamaska. Vous avez la parole, M. le député de Nicolet-Yamaska, sur votre motion d'amendement.

M. Saint-Germain: Est-ce qu'on pourrait avoir une copie, s'il vous plaît?

Une Voix: Est-ce que c'est l'amendement révisé?

Le Président (M. Bertrand): Non, c'est l'amendement premier non révisé.

M. Fontaine: Ce serait "nulle action dépassant les indemnités prévues n'est reçue devant une cour de justice".

M. le Président, le projet de loi 67 tel que proposé dans sa forme actuelle... C'est-à-dire qu'il y a deux mécanismes de décisions qui peuvent être rendues par la Régie d'assurance automobile. A un premier palier, il y a une révision administrative par la régie elle-même pour décider si une personne a droit ou non à une indemnité ou a droit à telle ou telle indemnité. Il y a également le mécanisme d'appel qui s'appelle la Commission des affaires sociales, pour décider également du droit à l'indemnité et des indemnités qui peuvent être versées par cette même régie.

Le Président (M. Bertrand): Je vais être, par contre, très précis. Je n'accepterai pas que dans le débat de fond que nous engageons, nous discu- tions des articles 57 et 58 pour eux-mêmes. Je n'accepterai le débat de fond que dans la mesure où les gens tenteront d'expliquer que, rédigé comme il est, le paragraphe premier pourrait porter un préjudice grave à ceux qui voudraient, au moment des articles 57 et 58, obtenir qu'il y ait un troisième droit d'appel qui se fasse devant un tribunal de droit commun sur les indemnités. Le débat de fond, je ne veux pas le voir porter sur l'importance d'un recours devant un tribunal de droit commun, je veux le voir porter sur la nécessité à l'article 4 de préciser certaines choses pour qu'aux articles 57 et 58, autre chose puisse être discutée. Là-dessus, je serai très sévère.

M. Fontaine: M. le Président, c'est bien sûr que si immédiatement, nous adoptions l'article 4 tel quel, cet article tel qu'il est rédigé et comme il a été expliqué par le conseiller juridique du ministre... Pardon?

Mme Payette: Tel qu'il a été compris.

M. Fontaine: Non, tel qu'il a été expliqué par le conseiller juridique, cela ferme la porte à tout recours devant les tribunaux de droit commun, que ce soit un recours en appel des décisions de la Commission des affaires sociales ou que ce soit un recours en responsabilité pour le surplus des indemnités qui seront versées par la régie; l'article 4 ferme toute porte à un recours devant les tribunaux de droit commun. Ce que nous voulons, par cet amendement, c'est que la porte ne soit pas fermée, pour qu'à l'article 57 nous puissions formuler un amendement qui permettrait ce recours. C'est tout ce que j'ai à dire là-dessus.

Le Président (M. Bertrand): Très bien. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: M. le Président, j'ai l'impression que ce que le représentant de l'Union Nationale veut faire, c'est le contraire de ce que fait l'amendement.

Regardons nulle action — chez nous nulle cela veut dire aucune action — dépassant les indemnités maximales. Si je prends comme exemple les $18 000, cela veut dire qu'au-dessus de ces $18 000 prévus au présent titre, ce serait impossible d'aller devant une cour. Ce qui voudrait dire qu'au-dessous de cela, ce serait possible d'aller devant une cour, mais j'ai l'impression que c'est le contraire qu'on atteindrait. Ce serait au-dessous de $18 000 qu'on pourrait aller devant une cour. En tout cas, j'avais compris l'amendement de l'Opposition d'une toute autre façon que celle-là.

Le Président (M. Bertrand): Le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, ce qui me dépasse dans cet amendement, c'est qu'on veut un appel et qu'on parle d'une action. Tout le monde sait qu'en droit un appel ce n'est pas une action. Je suis très surpris que le député

de Nicolet-Yamaska nous présente un amendement qui se lise: "Nulle action à ce sujet, dépassant les indemnités maximales prévues au présent titre..." alors qu'il sait fort bien, selon toutes les explications qu'il nous a données, que c'est un droit d'appel qu'il veut. Comment peut-il m'expliquer que, voulant un droit d'appel, il garde le terme "action"? On sait qu'une action commence par un bref d'assignation et se termine par une comparution. Il peut y avoir d'autres sortes d'actions, mais un appel n'est pas en soi une action.

Le Président (M. Bertrand): Alors, M. le député d'Outremont.

M. Raynauld:Si je me permets, j'ai l'impression qu'on — comment pourrait-on dire— "s'éjarre".

Mme Payette: Qu'on vasouille...

M. Raynauld: Qu'on vasouille dans la confusion.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est la confusion.

Mme Payette: C'est exact.

M. Raynauld: Je pense que l'amendement qui est proposé dit le contraire de ce que les proposeurs veulent. Je pense que les proposeurs seraient prêts à accepter...

Mme Payette:... les pensées et les intentions.

M. Raynauld: Les pensées, oui... nulle action dépassant les indemnités maximales prévues ni reçues devant une cour de justice. Or, ce sont justement les actions qui pourraient éventuellement dépasser les indemnités maximales prévues qui pourraient aller devant une cour de justice, si nous voulons un régime ou si c'est une façon détournée d'avoir un régime "no fault" partiel.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas cela qui...

Mme Payette: M. le Président, nous voilà éclairés.

M. Raynauld:... à l'intérieur — je ne sais pas si c'est cela, mais de toute façon, c'est comme cela que je pourrais interpréter cet amendement. Si ce n'est pas cela, cela fait juste témoigner de la confusion dans laquelle on est. J'avais pensé que le député de Nicolet-Yamaska, suivant les explications qu'il avait données, était prêt à ne pas forcer une cour de justice à dépasser les indemnités prévues dans la loi, mais qu'à l'intérieur de cela il voulait que ce soit... Ce n'est pas ce que l'amendement dit.

M. Goulet: M. le Président...

M. Raynauld: C'est cela le problème.

M. Goulet: Ce qu'on veut, M. le Président — si vous m'accordez la parole — c'est ne pas aller au-delà des indemnités maximales prévues. On veut que si un juge dit: C'est $12 000 et que le maximum est de $20 000, on veut pouvoir aller chercher, la différence, les $20 000, le maximum. Si le juge a donné $12 000 pour telle indemnité à un bras ou à un oeil et que le maximum prévu est de $20 000, on ne veut pas aller au-delà de $20 000, on veut aller chercher le maximum prévu et avoir le droit de se défendre.

Je conviens avec vous que la formulation est peut-être...

Mme Payette: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: J'admets que la formulation de l'amendement porte à confusion.

Le Président (M. Bertrand): Merci.

M. Fontaine: L'amendement tel que formulé ne vise pas exactement ce qu'on veut comme réclamation.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Nicolet-Yamaska, vous rendriez un service à la commission si vous le retiriez immédiatement.

M. Fontaine: J'y viens, M. le Président. Je viens de prendre connaissance d'un amendement qui serait proposé par le député de Montmagny-L'Islet et qui viserait exactement le but que nous voulons atteindre. Pour l'instant, je voudrais immédiatement retirer la motion d'amendement que j'ai proposée. Nous pourrons discuter de cette même motion.

M. Vaillancourt (Jonquière): Consentement accordé.

M. Roy: Consentement accordé. Vous avez la preuve, ce matin, que l'esprit vivifie et que la lettre tue.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud, nous savions que vous aviez des lettres, mais pas à ce point.

M. Roy: Je n'ai pas compris.

Le Président (M. Bertrand): C'est enregistré au journal des Débats.

M. Roy: Je le lirai.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Montmagny-L' Islet.

M. Giasson: Oui, M. le Président... Mme Payette: Des lettres anonymes.

M. Vaillancourt (Jonquière): Motion retirée, M. le Président?

Le Président (M. Bertrand): Oui, motion d'amendement retirée.

M. Giasson: Motion retirée... J'aurais une autre motion d'amendement qui s'énoncerait comme suit: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant après "une cour de justice"; sauf un recours d'appel devant un tribunal de droit commun sur une question d'appréciation ou de quantum, déterminée par la régie ou par la Commission des affaires sociales, en deçà des indemnités maximales prévues dans le projet de loi."

M. Vaillancourt (Jonquière): Prima facie, c'est beaucoup mieux.

Le Président (M. Bertrand): Puis-je recevoir votre amendement, s'il vous plaît?

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce qu'on pourrait en avoir une copie?

Le Président (M. Bertrand): Cela viendra.

M. Vaillancourt (Jonquière): Pour se prononcer sur la recevabilité, il est parfois important d'avoir copie de la motion.

Le Président (M. Bertrand): Je sais, mais je relis quand même pour que les gens puissent se le mettre dans l'esprit: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le mot "justice", à la sixième ligne, les mots "sauf un recours d'appel devant un tribunal de droit commun sur une question d'appréciation ou de quantum, déterminée par la régie ou la Commission des affaires sociales, en deçà des indemnités maximales prévues dans le projet de loi."

Est-ce que les gens préfèrent avoir copie avant de discuter de la recevabilité?

M. Vaillancourt (Jonquière): II faut essayer de trouver quelque chose, M. le Président!

Le Président (M. Bertrand): Je suspends la séance deux minutes, le temps d'avoir des copies.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

Reprise de la séance à 11 h 10

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, madame et messieurs! Sur la recevabilité de cette motion, y a-t-il un membre du gouvernement qui désirerait se faire entendre? M. le député de Jonquière.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, après avoir étudié très brièvement la motion d'amendement présentée par le député de Montmagny-L'Islet, je pense que celle-ci pose des problèmes juridiques très importants et a des implications également économiques. Je me demande, M. le Président, si l'Opposition, de façon unanime, ne pourrait pas consentir à une suspension ou à un ajournement de nos travaux jusqu'à demain matin, ce qui...

Le Président (M. Bertrand): Je pense que vous voulez suspendre l'étude de l'article 4 et non pas ajourner les travaux de la commission.

M. Vaillancourt (Jonquière): Suspendre l'article pour nous permettre d'étudier les implications juridiques du phénomène Cour supérieure comme tribunal d'appel. La question qui se pose est la suivante: Si la victime n'est pas satisfaite de la décision du tribunal de droit commun, est-ce qu'elle peut après aller et devant la Cour d'appel et devant la Cour suprême du Canada? Je pense que le problème est sérieux et qu'il faut l'étudier.

M. Roy: Vous avez dit la Cour suprême?

M. Vaillancourt (Jonquière): En fait, c'est un problème juridique qui se pose. Si la Cour supérieure est considérée aux fins de cette loi comme un tribunal d'appel, est-ce que la victime pourrait possiblement aller se plaindre de nouveau à la Cour d'appel et par la suite à la Cour Suprême? Le Conseil privé, heureusement, est aboli depuis 1949; sinon on aurait un autre problème. C'est la question qu'on voudrait étudier. Je ne crois pas avoir la compétence personnelle pour donner une réponse à ce sujet.

Le Président (M. Bertrand): Proposez-vous la suspension de l'article 4?

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, la suspension de l'article 4, jusqu'à demain matin; on pourrait le reprendre demain matin.

M. Saint-Germain: M. le Président, nous nous opposons fortement à la suspension de cet article pour la bonne raison que c'est un article de base. Selon les modifications qu'on peut apporter à l'article 4, on peut changer toute la teneur du projet de loi, tous les inconvénients qu'on y trouve. L'article 4 va nous apparaître à peu près à tous les articles qui auront une signification quelconque. Je n'ai pas d'objection à suspendre pour quelques minutes, sur la motion, si vous voulez, mais il faudrait bien continuer. On ne peut pas mettre de côté l'article 4 et continuer à étudier le projet de loi. Cela me semble absolument inconcevable.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que si on est d'accord pour suspendre l'étude de l'amendement, il y aurait lieu également de suspendre l'étude de l'article 4, puisque nous sommes en face d'un amendement qui n'a pas encore été déclaré recevable ou irrecevable. Je

pense qu'on ferait un débat sur une motion principale sans savoir encore si l'amendement va être reçu ou non. Je pense que ce serait logique. Il y a des articles qu'on peut étudier, comme par exemple l'article 5 sur les réputées victimes; on peut étudier cela sans compromettre la possibiilité d'un appel ou non à la Cour supérieure. C'est un problème très particulier que pose l'amendement. Il y a beaucoup d'autres articles qu'on pourrait étudier après.

M. Saint-Germain: Je n'ai pas d'objection de principe à ce que le gouvernement... Bien que je sois réellement surpris — cela fait des mois qu'on étudie ce projet de loi — qu'on ne maîtrise pas l'article 4 ou les données de l'article 4 plus que cela, au niveau du gouvernement. Si on veut suspendre pour quelques minutes, je n'ai pas d'objection, mais on ne peut pas suspendre cet article et continuer l'étude du projet de loi.

M. Roy: M. le Président, sur la suspension, disons que je ne ferai pas une guerre de procédure pour que l'article soit suspendu pour la séance de ce matin, mais j'aimerais bien qu'il soit clairement établi que ce soit le premier article qui pourrait revenir à la discussion dès la prochaine séance. Je m'explique. C'est parce que je ne prétends pas, à la lumière d'une certaine expérience que j'ai acquise au cours des années en commission parlementaire et au cours des études des projets de loi litigieux durant les fins de session, qu'il est possible de repasser tous les articles. Je ne voudrais pas que cet article soit suspendu et qu'on ne puisse en discuter, car je n'ai pas l'impression qu'on puisse voir tous les articles de ce projet de loi avant l'ajournement de nos travaux. La motion de bâillon qui est dans le feuilleton de l'Assemblée nationale est assez spécifique là-dessus et nous donne un bon indice, si je me réfère à l'expérience passée. Je pense qu'il faut s'y référer parce que c'est la même composition, c'est la même teneur des articles que j'ai vus avant le 15 novembre. Alors, je ne voudrais pas que cet article soit mis de côté de façon à être reporté à la fin de l'étude du projet de loi. Je suis prêt à donner mon consentement, mais à condition que ce soit le premier article dont on va discuter cet après-midi ou ce soir.

M. Vaillancourt (Jonquière): La seule différence, c'est qu'on s'engage à étudier cet article en priorité, mais ce qu'on avait demandé, autant que possible, c'est demain matin, 10 heures, pour l'article 4, pour l'amendement.

M. Roy: Demain matin?

M. Vaillancourt (Jonquière): L'article 4, demain matin, si possible.

M. Roy: Demain matin, vous dites? M. Vaillancourt (Jonquière): Oui.

Le Président (M. Bertrand): II est question que la commission siège.

M. Roy: II est question.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Roy: Ce n'est pas décidé.

M. Vaillancourt (Jonquière): Sous réserve, sous réserve.

M. Roy: Sous réserve.

M. Fontaine: Moi non plus, je ne veux pas faire de débat de procédure là-dessus, mais je trouve amusant de voir que le gouvernement ne soit pas prêt à défendre une telle question...

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que vous êtes capable de répondre à la question que j'ai posée?

M. Fontaine: M. le Président...

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que vous êtes capable d'y répondre personnellement?

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Fontaine: M. le Président, depuis la deuxième lecture, à peu près tous les députés de l'Opposition qui ont pris la parole sur le sujet ont dit qu'ils voulaient avoir un appel. Il me semble que, si le gouvernement avait été conscient de ses responsabilités, il aurait fait étudier la question avant ce matin. Je pense également que, sur la recevabilité, il serait possible d'en discuter ce matin et que la décision pourrait être rendue.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je suis convaincu...

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, comme il s'agit d'une motion que je viens de déposer, au-delà des considérations ou des inconnues soulevées par le député de Jonquière, je crois qu'on devrait au moins franchir une première étape qui a une dimension, une relation différente avec les hésitations formulées par le député de Jonquière, soit l'étape de la recevabilité de cette motion; ce sont là deux paliers très différents l'un de l'autre. Je le reconnais et c'est l'évidence même.

J'aimerais savoir, ce matin, à la suite de la motion que j'ai déposée, l'avis ou l'opinion du président de la commission sur la recevabilité de la motion telle que formulée.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): S'il y a consentement unanime, sinon, M. le député de Jon-

quière... Y a-t-il consentement unanime pour qu'il ajoute certains...

Des Voix: D'accord.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, ce que je voudrais faire comprendre au député de Montmagny-L'Islet, c'est que l'avis juridique que nous allons avoir sur l'amendement, d'après moi, a une incidence sur la recevabilité. Parce que je suis convaincu que, si on vous donnait un avis juridique, du moins, je le présume, selon laquelle la victime pourrait, par la suite, aller devant la Cour d'appel et la Cour suprême, vous seriez peut-être prêt à retirer votre amendement, considérant que nous serions rendus devant trois appels possibles, la régie, la Commission des affaires sociales, la Cour supérieure, la Cour d'appel, la Cour suprême du Canada. Je pense que ce serait complètement illogique, il n'y a aucune de nos lois qui prévoit autant d'appels.

Je pense que vous voyez l'importance de cette question, c'est dans le seul et unique but de régler ce problème que nous proposons la suspension de l'article 4. Sinon, je vais faire une motion écrite de suspension en bonne et due forme qui sera dé-battable.

M. Giasson: M. le Président...

Le Président (M. Bertrand): Non, je m'excuse, je vais rendre ma décision à ce moment-ci. Je crois, M. le député de Jonquière, qu'il y a une très nette distinction à faire, à ce moment-ci, sur le plan de la procédure, entre la recevabilité d'une motion d'amendement et la discussion sur la pertinence même de l'amendement dans ce qu'il comporte d'explications qui pourraient être apportées et qui pourraient même remettre en cause la recevabilité. En d'autres mots, je crois que, lorsque vous disiez tout à l'heure que certaines informations pourraient amener le proposeur de la motion à la retirer s'il apprenait que d'autres recours pouvaient être possibles devant un tribunal, type Cour supérieure, Cour d'appel ou Cour suprême, et qu'à ce moment-là il aurait peut-être l'intention de la retirer, puisque ce n'est pas le sens de la motion d'amendement qu'il voudrait apporter, je pense que ce n'est pas à ce moment-là que ces informations doivent être apportées. C'est au moment où la discussion se fait sur la motion d'amendement que vous pourriez y apporter des informations qui l'amèneraient à voter contre sa propre motion d'amendement, s'il jugeait que cette motion d'amendement le mène trop loin dans les procédures d'appel, au-delà du tribunal de droit commun, tel que défini dans la motion d'amendement.

Pour ces raisons, n'ayant rien à reprocher à cette motion d'amendement sur le plan de la forme, n'ayant pas à entrer dans le fond du débat, je dois la juger, à ce moment-ci, recevable. C'est dans le cours du débat que nous pourrons juger de là-propos de voter une telle motion d'amendement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je respecte votre décision, mais puis-je me permettre de vous dire qu'en rendant cette décision, vous venez de permettre à l'Opposition d'atteindre le seul objectif qu'elle avait, c'est-à-dire d'en discuter?

M. Saint-Germain: Est-ce qu'il y a du mal là-dedans?

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jonquière, il est bien clair que, dès lors que je la juge recevable, elle est donc débattue.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est leur seul but.

Le Président (M. Bertrand): Evidemment, dans ce contexte, il peut maintenant y avoir discussion sur la motion d'amendement présentée par le député de Montmagny-L'Islet.

M. le député de Montmagny-L'Islet voulait-il prendre la parole lui-même?

M. Giasson: Je laisse mon collègue...

Le Président (M. Bertrand): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voulais retenir la suggestion qui a été faite par le gouvernement. On pourrait suspendre la discussion de l'amendement lui-même, qui est jugé recevable. Mais cela n'empêche pas du tout de discuter de l'article 4, eu égard à d'autres aspects.

Je suggérerais qu'on continue à discuter de l'article 4, dans la mesure où il y a d'autres points qui vont être soulevés, et qu'on suspende simplement la discussion de cet amendement qui a été jugé recevable. Je pense que c'était une suggestion acceptable de la part du gouvernement. Qu'il nous donne les informations qu'il juge nécessaires pour la bonne compréhension du débat, mais je ne pense pas que cela entraîne nécessairement la suspension de la discussion de tout l'article 4.

Le Président (M. Bertrand): Votre demande, je la comprends très bien, M. le député d'Outremont et je comprends l'état d'esprit dans lequel vous l'amenez. Ce n'est pas une procédure habituelle. S'il y avait, dans l'article 4, vraiment trois ou quatre paragraphes très différents, comme à l'article 1, et que nous acceptions d'en suspendre un et d'en étudier un autre, je comprendrais.

Dans le cas présent, c'est une procédure assez inhabituelle. Je n'accepterais que cela puisse se faire que dans la mesure où il y aurait un consentement unanime de ne pas faire le débat immédiatement sur la motion d'amendement, mais, tout de même, de discuter du reste de l'article 4. Dans des circonstances normales, il faudrait suspendre l'ensemble de l'article 4, avec sa motion d'amendement, et passer à un autre article, quitte à revenir à l'article 4 dans un temps qui pourrait être fixé immédiatement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, vous avez déclaré l'amendement recevable. Je pense que le député d'Outremont a le droit de parler sur l'amendement.

Mme Payette: Oui, M. le Président, la proposition est qu'on puisse suspendre l'article 4 jusqu'à demain matin.

Le Président (M. Bertrand): Ce serait la proposition, à ce moment-là, de suspendre l'article 4 jusqu'à demain matin, sinon d'aborder immédiatement le débat sur l'amendement.

M. Saint-Germain: M. le Président, nous allons continuer le débat, tel que le veut le règlement.

Le Président (M. Bertrand): D'accord. M. le député d'Outremont, là-dessus? M. le député de Montmagny-L'Islet?

M. Raynauld: On discute sur l'amendement?

Le Président (M. Bertrand): Oui, sur l'amendement.

M. Raynauld: Je n'ai pas grand-chose à dire sur l'amendement.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de

Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: M. le Président, si j'ai proposé cet amendement, c'est que, dans mon esprit, il m'apparaît impérieux de permettre à toutes les futures victimes d'accidents d'automobiles d'avoir une possibilité de vérifier le bien-fondé d'une décision rendue par la régie ou par la Commission des affaires sociales, qui est le seul recours possible, tel que prévu et énoncé dans le projet de loi.

Pourquoi? Parce que cela m'apparaît un droit fondamental de tout citoyen québécois qui pourrait juger que ceux qui ont eu à analyser un dossier de réclamation, que ce soit sur le plan de l'évaluation d'une incapacité totale ou partielle, que ce soit pour une incapacité permanente ou temporaire, que ce soit dans l'attribution d'une indemnité face à cette incapacité déterminée, il m'apparaît essentiel de maintenir un droit de recours d'appel au-delà de la décision rendue par la Commission des affaires sociales.

On sait fort bien que l'expérience du passé nous a indiqué que, dans certains cas, en dépit de la qualité des hommes ou des personnes qui travaillent, à titre d'exemple, au niveau de la Commission des affaires sociales, il y a eu des décisions rendues sur des dossiers autres que ceux sur lesquels ces gens seront appelés à se prononcer lorsque la loi sera en vigueur. On peut facilement concevoir que ces gens-là, au niveau de la Commission des affaires sociales, ont pu, même avec la meilleure volonté, errer quelque peu et rendre des décisions qui ne correspondaient pas aux droits réels des personnes qui ont comparu devant cette commission.

Je le dis pour avoir comparu en quelques occasions devant la Commission d'appel des affaires sociales. Dans l'interprétation de décisions rendues à un palier inférieur à la commission, parce que j'avais une connaissance profonde des dossiers pour lesquels je comparaissais devant la Commission des affaires sociales, j'en avais une connaissance pour les avoir analysés, avoir fait de la recherche, avoir examiné tout ce qu'on pouvait découvrir à l'intérieur du dossier, face à une décision rendue par une autorité inférieure à celle de la Commission des affaires sociales.

C'est à partir de ces raisons et de cette connaissance de certains dossiers auxquels j'ai travaillé qu'il m'apparaît essentiel de conserver, en l'indiquant à l'article 4, une possibilité de recours d'appel d'une ou des décisions qui seraient rendues par les deux paliers de décision prévus dans la loi, soit la régie ou la commission.

Je veux le faire sans brimer, j'en ai la conviction, sans outrepasser les principes fondamentaux qu'on a voulu intégrer dans ce projet de loi. Il ne s'agit pas d'un postulat nouveau qui dépasserait ou qui mettrait en doute les grands principes qui ont été énoncés au départ et qui ont reçu une approbation par le vote de deuxième lecture à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je crois qu'il faut absolument examiner sérieusement cette possibilité de recours d'appel au-delà peut-être des implications que cela pourrait représenter face aux objections soulevées par le député de Jonquière.

Le Président (M. Bertrand): Quelqu'un d'autre demande-t-il la parole?

M. le député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: M. le Président, je crois que si cet amendement était accepté par cette commission cela résoudrait énormément de problèmes. Il y a dans ce projet de loi énormément d'articles dont l'interprétation est laissée à la discrétion de la régie et à la discrétion de la Commission des affaires sociales. Qu'on interprète certains articles d'une façon large ou qu'on les interprète d'une façon conservatrice, il y aura pour les victimes un décalage important entre les sommes qui pourraient leur être allouées.

Il y a aussi de nombreux articles qui laissent à la régie un droit d'interprétation extrêmement large. Par exemple, la régie devra déterminer si le degré d'incapacité partielle ou totale, permanente ou passagère des victimes qui sera établi aura un effet déterminant sur les indemnités qu'une telle victime recevra.

Il n'est pas toujours facile de déterminer avec justice le degré d'incapacité. D'ailleurs on sait très bien qu'actuellement, malgré une longue jurisprudence devant nos tribunaux, il y a encore là des difficultés. Ce degré d'incapacité, selon l'emploi, selon l'occupation de la victime, prend aussi un sens tout à fait différent.

Si, par exemple, un pianiste perd un de ses doigts, on pourra déterminer, au niveau de la régie, la même incapacité que celle d'un plombier qui aura perdu le même doigt, mais il reste que,

pour la victime, de par son état même, de par sa profession même, de par son occupation même, la perte d'un doigt pour l'un n'a absolument pas la même signification que la perte d'un doigt pour l'autre. Nécessairement, si on veut établir une loi juste, il faudra que cette différence dans l'évaluation de l'importance de cette blessure se reflète au niveau des indemnités. Sans un recours devant les tribunaux de droit commun, il sera extrêmement difficile pour une telle victime d'avoir justice devant la régie, parce que seuls les tribunaux de droit commun peuvent juger l'indemnité qui est due à une victime d'une façon personnelle.

Un jugement devant un tribunal de droit commun est un jugement qui concerne la situation, l'état, l'occupation ou la blessure subie par une victime donnée. C'est un jugement personnel. Ce n'est pas un jugement qui fait partie, si vous voulez, d'un nivellement. On ne juge pas les gens par groupe, par numéro, par quantum, exclusivement. On juge les torts faits à quelqu'un de victime en victime. C'est là une grande garantie. On devra juger quelle sera la perte économique d'une victime qui est au foyer, qui travaille à temps partiel, qui travaille à un emploi temporaire. On devra juger les dommages lors d'un accident vécu par un étudiant, et même un étudiant qui appartient à une faculté ou à une autre. Voilà d'autres situations qui placeront la régie dans une situation très difficile pour apprécier adéquatement même les revenus des victimes, tel que la loi est rédigée.

Voilà de nouveau une des raisons pour lesquelles les tribunaux de droit commun devraient avoir leur mot à dire, car de nouveau, les tribunaux de droit commun pourront juger les victimes personnellement une à une. Ce sera même, pour la régie, une source de renseignements, parce que la régie, par ce droit d'appel, pourra prendre connaissance des antécédents judiciaires, des jugements antécédents, de la jurisprudence, autrement dit, et elle pourra, à même ces jugements, bonifier et rendre plus justes les indemnités qu'elle doit verser aux victimes. S'il n'y a pas de droit d'appel, comment la régie pourra-t-elle savoir que ces barèmes qu'elle a déterminés, que les sommes qu'elle devra verser aux victimes sont nécessairement justes? Avec les verdicts des tribunaux, elle pourra rajuster son échelle d'indemnisation sur les jugements rendus devant les tribunaux et sur des jugements qui seront rendus d'une façon absolument individuelle.

Il y a un autre facteur très important. La régie sera obligée de doser le vouloir d'une victime de retourner au travail, ou de ne pas y retourner, sa capacité de retourner au travail ou son incapacité. C'est là beaucoup de responsabilités laissées à la régie. Ce sera même dans l'état actuel des connaissances médicales. Il est très difficile pour un médecin, si compétent soit-il, de réellement affirmer, sans aucun doute, qu'une personne peut ou ne peut pas accomplir un tel travail. Qu'est-ce qui arrivera, en fait, actuellement, s'il n'y a pas de droit d'appel? Il y aura, à cause de la teneur de la loi, de sa rédaction, des gens qui voudront, coûte que coûte, retourner au travail et qui seront gran- dement motivés à y retourner, mais il y aura des gens qui, dans des situations données, auront intérêt à recevoir les indemnités et à ne pas travailler. Il y aura aussi de ces gens que la régie trouvera aptes à retourner au travail et des victimes qui, en fait, n'auront pas la santé voulue ou n'auront pas les capacités voulues pour accomplir le travail que la régie exigera d'eux. Là, je crois que c'est s'attaquer à un droit fondamental de tout citoyen.

Par le biais de cette loi, on obligera les gens à travailler si on le juge à propos. C'est, à mon avis, abominable, hormis qu'il y aurait au moins un recours devant les tribunaux de droit commun.

Je pourrais continuer à feuilleter la loi et, à chaque article ou du moins dans de nombreux articles, on verrait qu'on charge la régie et la Commission des affaires sociales de responsabilités pour lesquelles elles ne sont pas préparées. Malgré leur bonne volonté et leur compétence, il sera extrêmement difficile, dans un tel contexte, de rendre justice aux citoyens.

Je crois que, si le gouvernement acceptait cet amendement, il se placerait, vis-à-vis de la population, dans une situation beaucoup plus facile à défendre que la situation dans laquelle il s'est mis avec cette loi. Il est impossible que les victimes, qui perdront et qui n'auront pas de droit d'appel devant les tribunaux, croient réellement qu'elles ont obtenu justice. Il n'y aura même pas apparence de justice, M. le Président. Il y aura d'ailleurs des injustices. Cette loi est juste ou n'est pas juste pour les victimes, mais pourquoi ne pas laisser les tribunaux juger de la justesse des indemnités et des décisions rendues? Car, seuls nos tribunaux de droit commun donneront à la population la preuve que le gouvernement est bien intentionné et qu'il tient, après que ce projet sera devenu loi, à l'améliorer constamment selon les verdicts et les jugements de nos tribunaux.

On n'en sortira d'ailleurs pas. Nos tribunaux existent depuis des siècles. Ils sont partie intégrante de notre constitution. Ils sont libres. On discute souvent des difficultés administratives de nos tribunaux. Si, de ce fait, il y a des injustices qui sont subies par les justiciables... Personne ne doute que nos tribunaux jugent d'une façon indépendante et avec une compétence reconnue. Les critiques que l'on fait vis-à-vis de la justice ne concernent pas la qualité des jugements rendus. Elles concernent beaucoup plus les difficultés administratives de nos tribunaux. Si on a des difficultés au point de vue de l'administration de nos tribunaux, ce n'est pas en essayant de créer, parallèlement, d'autres tribunaux... parce qu'on arrivera nécessairement au même résultat. La seule façon logique, pour le gouvernement, c'est d'améliorer la qualité de l'administration de nos tribunaux de façon que le justiciable soit jugé dans le laps de temps voulu de façon qu'il obtienne justice.

Si on veut que la Commission des accidents du travail donne l'image d'un tribunal indépendant, il faudra nécessairement nommer les juges à vie, rendre les juges ou les commissaires absolument indépendants, non pas simplement en fait,

mais ils devront donner l'image, dans la population, de commissaires absolument indépendants de la volonté du gouvernement. Serait-ce le premier ministre ou qui que ce soit qui les appelle ou qui essaie privément de plaider devant eux?

Il faudrait nécessairement que les commissaires soient absolument indépendants des autorités gouvernementales, soit du Parlement, soit de l'exécutif surtout. Il faudrait qu'il y ait des lois de procédure d'établies et, nécessairement, on en viendra à établir des lois de procédure qui seront pratiquement semblables à celles de nos tribunaux de droit commun.

On en viendra à cela, parce que la Commission des affaires sociales n'aura pas à juger exclusivement les causes ou les appels qui résulteront de cette loi; elle a actuellement d'autres obligations. On la surchargera probablement par tous ces appels — parce qu'il y en aura, M. le Président, croyez-moi — qui naîtront de l'application de cette loi. Elle sera embourbée comme nos tribunaux de droit commun, on aura de la difficulté à établir, par exemple, le degré d'incapacité des victimes, leur motivation à travailler ou à ne pas travailler.

Tous ces gens iront en appel et on s'embourbera de la même façon que nos tribunaux peuvent être embourbés et on tombera exactement dans les mêmes lacunes, avec une exception, c'est que jamais les commissaires ne donneront l'image d'être indépendants de l'exécutif. Comment voulez-vous qu'un type qui est nommé pour trois ans, pour cinq ans, pour dix ans et qui, bien souvent, son mandat terminé, voudra bien continuer à être commissaire soit libre? Tout le monde connaît cela, M. le Président, on a fait de la politique. Est-ce qu'un commissaire qui voit son terme se terminer dans six mois, un an, deux ans, sera un homme libre, un homme qui n'aura aucune motivation, aucun intérêt personnel à ne pas écouter le gouvernement? A mon avis, c'est tout à fait inadmissible.

Le projet de loi est juste ou n'est pas juste pour les victimes, qu'on ne craigne donc pas de laisser le tribunal juger. C'est probablement à ce stade, M. le Président... On sait pertinement que, dans la population, ce projet de loi crée des inquiétudes, on le sait. On le sait au niveau du gouvernement, du caucus, on le sait au niveau du cabinet, et je dis au gouvernement que si un droit d'appel existait devant les tribunaux, il serait beaucoup plus facile à ceux qui sont responsables de cette loi d'arriver devant la population et de dire: Ecoutez, nous avons confiance d'avoir établi une loi juste. Nous avons confiance qu'elle améliorera énormément la situation des victimes d'accidents d'automobiles. Nous l'avons fait avec désintéressement; la preuve, c'est que nous sommes prêts à laisser les tribunaux juger de la qualité de nos décisions, de la qualité de nos indemnisations, etc.

J'y reviens parce que c'est très important. Avec les jugements de nos tribunaux, la régie, le gouvernement pourront se rendre compte jusqu'à quel point cette loi est juste ou injuste, jusqu'à quel point elle pourra être juste pour un certain nombre de citoyens ou un grand nombre de citoyens, jusqu'à quel point elle pourra être injuste pour certaines victimes qui oeuvrent dans des champs d'activité bien spécifiques et bien donnés. Ils pourront se rendre compte jusqu'à quel point ces $18 000, maximum ou minimum, sont importants ou non. Elle aura le portrait de la situation et ce serait un élément important. Nous, de l'Opposition officielle, considérons cet amendement capital. Si cet amendement était accepté, nos appréhensions, en ce qui regarde le projet de loi, seraient diminuées de beaucoup parce que nous verrions, dans ces droits d'appel, une façon de diminuer ou de modifier les barèmes, de modifier les interprétations bien souvent injustes que la régie devra faire.

Je ne dis pas que les gens de la régie sont des gens incapables, mais il est impossible d'interpréter tellement d'articles qui ont un sens tellement large, qui laissent tellement de place à des jugements personnels, qu'il est impossible que les indemnisés soient réellement traités avec justice. Vous avez là un élément fondamental qui pourrait faire ressortir ce qu'il y a de bon dans la loi — parce qu'il y a certainement des choses qui sont bonnes dans cette loi — et qui pourrait ainsi faire ressortir les faiblesses de la loi. Mais pourquoi le gouvernement devrait-il se priver d'une telle source de renseignements? C'est inimaginable, à mon avis, parce qu'il y aurait là une source de renseignements valable qui, de mois en mois, servirait à revenir sur des définitions, à revenir sur le sens de certains articles, à revenir sur la justification de certains quanta, à connaître réellement jusqu'à quel point cette loi est positive pour une grande partie des citoyens, et comment elle peut être négative et injuste pour une grande partie des citoyens. C'est une source de renseignements absolument fantastique qu'on pourrait avoir là.

Alors, je veux bien laisser mes collègues parler là-dessus. J'avais cru, M. le Président, qu'un tel amendement aurait pu être recevable. J'avoue que j'aurais pu feuilleter ce matin le projet de loi et sortir bien d'autres points en faveur de l'acceptation de cet amendement.

Le Président (M. Bertrand): Vous ne voulez pas me faire revenir sur ma décision, M. le député de Jacques-Cartier?

M. Saint-Germain: Non, je vous en prie.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Jonquière a demandé la parole juste avant vous, M. le député de Nicolet-Yamaska. Vous êtes le suivant.

M. Fontaine: Habituellement on ne fait pas le tour?

Le Président (M. Bertrand): Non, pas à ce moment-ci.

M. Roy: Pourquoi?

M. Fontaine: Je pensais que...

Le Président (M. Bertrand): Parce qu'il s'agit d'une motion d'amendement. Je prends les droits de parole tels qu'ils me sont exprimés par les membres, c'est tout.

M. Fontaine: Habituellement, il me semble que sur une motion, on demande aux oppositions de s'exprimer, ensuite, au gouvernement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, est-ce que je...

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Nicolet-Yamaska, je pourrais au contraire vous indiquer que si la motion d'amendement est formulée par le parti de l'Opposition officielle, c'est ensuite au gouvernement à prendre la parole et ensuite aux deux autres partis d'opposition. Je pense que l'une vaut bien l'autre.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aurais cédé volontiers...

Le Président (M. Bertrand): II n'est pas question de vouloir brimer qui que ce soit. M. le député de Jonquière, allez-y, ensuite ce sera M. le député de Nicolet-Yamaska et M. le député de Beauce-Sud.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... mon droit de parole au député de Beauce-Sud, mais je dois être à un autre endroit à midi et c'est pour cette raison que je ne l'ai pas fait.

M. le Président, mes premiers mots seront pour faire remarquer au député de Jacques-Cartier — et j'aimerais qu'il m'écoute — que l'article 58 du projet de loi 67 prévoit qu'un réclamant qui se croit lésé par une décision rendue en révision par la régie, suivant l'article 57, peut interjeter appel de cette décision à la Commission des affaires sociales constituée en vertu de la Loi de la Commission des affaires sociales, qui dispose de l'appel selon ses règles de preuve, de procédure et de pratique. Or, j'aimerais tout d'abord dire, M. le Président, que la Loi de la Commission des affaires sociales 1974, chapitre 39, prévoit que les décisions de la Commission des affaires sociales sont finales et sans appel. De telle sorte, M. le Président, que cette motion — et là je le dis très brièvement — aurait dû être déclarée irrecevable pour le motif que la Commission des affaires sociales, qui a été créée par la Loi de la commission des affaires sociales prévoit elle-même...

M. Saint-Germain: Le président a rendu une décision...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! M. le député de Jacques-Cartier, vous n'aurez même pas besoin de tenir vos propos, je sens bien ce que vous alliez indiquer. Je voudrais aussi indiquer au député de Jonquière qu'à ce moment-ci, il n'est pas question pour lui de revenir sur la décision rendue par la présidence au sujet de la recevabilité de la motion d'amendement. Je lui per- mets d'argumenter, je lui permets de soutenir sa thèse, mais pas de revenir ou de vouloir juger la décision du président.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, loin de moi l'intention de contester ou de venir en appel de vos décisions, mais je pense que pour l'information des membres de l'Opposition, qui ont voté d'ailleurs cette Loi de la Commission des affaires sociales, il était bon de rappeler que c'est cette même loi qui prévoit que les décisions de cette commission sont finales et sans appel.

Je pense qu'il était bon de le souligner et je n'ai aucunement voulu, de près ou de loin, contester votre décision.

Je comprends les objectifs, fort louables en soi, de la motion du député de Montmagny-L'Islet. Cette motion peut amener, pour ceux que l'on veut protéger, c'est-à-dire les victimes, des préjudices considérables. Sur quel sujet pourrait aller en appel une victime si l'amendement était adopté? La première chose qui nous vient à l'idée... Supposons que, pour une blessure précise, la loi prévoit un montant forfaitaire de $5000 et que la personne n'en reçoit que $2000. Elle va devant la Cour Supérieure, prend un avocat et court le risque de perdre sa cause pour la somme de $3000.

Remarquez que la compétence... là, c'est un droit d'appel. Il n'est pas question de $3000 ou plus. Comme on veut donner à la Cour Supérieure un pouvoir d'appel, comme ce n'est pas une action en justice, il n'est pas nécessaire que la différence entre l'offre de la régie et le montant de l'appel soit de $3000 ou moins, en vertu des pouvoirs de la Cour Supérieure. Supposons que cette victime reçoive $2500 ou $3000 mais qu'elle prétende qu'elle aurait dû recevoir $5000. Que doit-elle faire? Elle était représentée par un avocat devant la Commission des affaires sociales. Elle se prend également un avocat pour aller devant le tribunal d'appel, avec évidemment les délais qui sont habituels devant les tribunaux de droit commun. Elle n'est pas sûre de gagner sa cause. Elle n'est pas assurée, cette victime, que la Cour Supérieure, tribunal d'appel, va lui donner raison. Si elle perd, la régie, qui aura pris des procureurs pour se défendre devant le tribunal d'appel, voudra voir ses frais judiciaires payés par la partie qui a perdu devant le tribunal d'appel, comme ça se passe régulièrement. On en a parlé hier, de ça.

Donc, pour une différence de $1500, de $2000 ou de $3000, le justiciable va en appel, se prend un procureur et s'il perd, non seulement ne recevra-t-il pas la différence, puisqu'il n'est aucunement assuré que le tribunal d'appel lui donnera raison, ce qui est possible, on verra tantôt, mais à ce moment-là les frais judiciaires de la partie adverse seront acquittés par la partie défaillante, c'est-à-dire la victime.

M. Giasson: C'est le mode de fonctionnement présent.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui.

M. Fontaine: Le citoyen n'a plus le droit de prendre de décision.

M. Giasson: Chaque citoyen qui va en appel... Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que c'est un détail à ne pas négliger, puisque l'article 45 prévoit que toute...

M. Fontaine: Vous n'avez sûrement pas pris d'actions souvent dans votre vie.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, à l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, mais je n'ai jamais fait payer $800 ou $500 en honoraires à un client pour une cause de $800 ou de $1000, d'accord? Je peux vous le dire, par exemple.

M. Fontaine: Ce n'est pas là la question. Il y a toujours un risque lorsqu'on prend une action à la cour, on ne sait jamais si on va gagner.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre, à l'ordre! Messieurs les avocats!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Nicolet-Yamaska, voulez-vous respecter mon droit de parole, s'il vous plaît?

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! M. Fontaine: Je vais vous répondre.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, l'article 45 de la loi prévoit que la victime qui subit, dans un accident, une blessure, un préjudice esthétique, une mutilation, des douleurs ou une perte de jouissance de la vie, a droit à une indemnité forfaitaire. Nous n'avons aucune raison de penser que ce montant forfaitaire prévu à la loi pour une blessure précise ne sera pas payé. Nous n'avons aucune raison d'en douter, surtout qu'il faut se rappeler que, devant cette Commission des affaires sociales, il y aura toujours un médecin qui fera partie du tribunal, ce qui n'est pas le cas devant le tribunal de droit commun.

En passant, M. le Président, je dois vous dire que les remarques du député de Jacques-Cartier, quant à la présumée non-indépendance des personnes qui composent le personnel de la Commission des affaires sociales, sont totalement déplacées. Certains nous ont même laissé savoir qu'ils se sentaient passablement insultés par de telles remarques. Je ne pense pas que la conscience professionnelle, l'objectivité, l'indépendance et le professionnalisme soient l'apanage de nos seuls juges des tribunaux de droit commun.

M. Saint-Germain: J'aime à me faire juger par les juges et à me faire soigner par les médecins.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense, de toute façon, que le député de Jacques-Cartier n'acceptera jamais de rétracter les propos qu'il a tenus quant à ces personnes qu'il ne connaît pas, pour la plupart.

Mais je dois vous avouer que ces remarques sont totalement déplacées. M. le Président, il y aura toujours un médecin devant la Commission des affaires sociales. Il y en aura cinq devant la cour, mais la victime pourra...

M. Raynauld: ... tant qu'on en veut.

M. Vaillancourt (Jonquière): Mais la victime qui sera représentée par son avocat, M. le député d'Outremont, devant la Commission des affaires sociales...

M. Raynauld: Ne sautez pas dans des affaires comme celles-là.

M. Vaillancourt (Jonquière): ... aura le droit d'assigner son médecin, son propre médecin, devant cette commission.

M. Raynauld: On peut en amener autant qu'on en veut.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est un tribunal administratif, M. le député d'Outremont. Il y a des règles de preuve beaucoup plus...

M. Fontaine: ...

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! M. le député de Jonquière, n'entendez pas les propos.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député d'Outremont sait fort bien, ou devrait savoir, parce qu'il me dit qu'il y a des médecins qui viendraient témoigner devant le tribunal de droit commun, que la victime aura le droit, non seulement de se faire représenter par son avocat, mais de convoquer des témoins. Non seulement le tribunal sera-t-il lui-même composé d'un médecin, mais la victime pourra appeler un, deux ou trois médecins, pour venir appuyer sa thèse, M. le Président. Et la régie, elle aussi, aura des médecins pour appuyer sa thèse.

Et ce tribunal, composé de personnes, je présume — puisque la bonne foi se présume — consciencieuses, objectives, à la suite de la preuve qui sera entendue, rendra une décision.

Mais ce n'est pas seulement devant la Commission des affaires sociales que le médecin intervient pour la première fois, M. le Président. Dans l'article 53 — parce que la Commission des affaires sociales, c'est la troisième étape — le fonctionnaire qui aura à rendre une décision, qui aura à prendre une décision...

M. Giasson: ... régi...

M. Vaillancourt (Jonquière): ... ce fonctionnaire, évidemment, fera appel au médecin de la régie pour prendre cette décision.

Je voudrais vous rappeler le témoignage du Collège des médecins — M. le député de Jacques-Cartier, vous étiez présent — qui est venu témoigner devant la commission parlementaire, plus précisément sur le secret professionnel. A ce moment-là, on a eu l'occasion de poser des questions à ces gens. Il n'a fait aucun doute, et il ne fait aucun doute dans leur esprit qu'il est, pour un médecin moyennement et normalement compétent, comme tous les bons médecins sortant de nos universités, facile de déterminer si la personne est apte ou non apte à retourner au travail. Tenez pour acquis que, dans le système actuel, il n'y a plus de taux d'incapacité. C'est important à comprendre.

Sur quoi avaient lieu les discussions devant les tribunaux de droit commun? Par expérience, je peux vous dire qu'il y a un médecin, ou deux médecins, qui venaient dire: C'est 10%, c'est 12% d'incapacité partielle permanente. Et, en défense, il y avait un, deux ou plusieurs médecins qui venaient dire: C'est 18% et 20%. Ou c'est 10% et 11%. Ou c'est 5% ou 6%. Et le juge, n'ayant aucune connaissance médicale, n'étant aidé, comme assesseur, d'aucun médecin, devait, suivant la preuve faite, rendre une décision juridique et également prendre une décision sur le quantum des dommages, ce qui amenait l'appréciation d'une preuve médicale.

M. le Président, devant la Commission des affaires sociales, il y aura un médecin. Il y aura des avocats. Et il y aura des témoins qui pourront être, et qui seront probablement presque toujours des médecins, soit pour la victime, soit pour la Régie de l'assurance automobile, puisque la responsabilité disparaîtra de notre système, en ce qui concerne les accidents d'automobiles.

Je pense, M. le Président, qu'il est extrêmement important que la population sache que, lorsque le fonctionnaire, en vertu de l'article 53, prendra une décision, il sera aidé, pour la partie médicale de son travail, par un médecin. Je ne pense pas que le député de Jacques-Cartier puisse mettre en doute la conscience professionnelle et l'objectivité des médecins qui pourront travailler pour la régie, même si ceux-ci travailleront pour la régie.

Je pense, M. le Président, que c'est important de savoir cela. Hier, M. le député de Jacques-Cartier se posait des questions, à savoir s'il y aura des avocats devant la Commission des affaires sociales. On l'a dit, et on le répète, il y aura des avocats. Et il y aura des témoins. Et il y aura également des règles de preuve beaucoup plus souples. C'est également important. Je pense que tout le monde connaît, ou à peu près, les règles de preuve qui régissent notre droit commun et qui sont définies dans le Code de procédure civile.

La régie adopte ses propres règles de preuve. Sans présumer que ce sera comme à la Cour des petites créances, avec aussi peu de formalisme, on peut présumer qu'il y aura un juste milieu entre le formalisme assez rigoureux des tribunaux de droit commun et l'absence totale ou presque de formalisme devant la Cour des petites créances où il n'y a pas d'avocat. Devant la Commission des affaires sociales il y aura des avocats.

On pourrait donc aller en appel dans deux cas: pour savoir si on est apte ou non à retourner au travail... Pour cela, il y a déjà un médecin, qui se prononce en vertu de la première étape, et de la deuxième également. Devant la Commission des affaires sociales, la victime est représentée par un avocat et par son médecin qui témoigne. Un médecin forme ou fait partie du tribunal, ce qui est déjà mieux que dans le système actuel.

On peut aller en appel également sur le quantum des dommages. Je voudrais bien faire comprendre à mes amis de l'Opposition tous les préjudices qui pourraient survenir du fait que des gens se rendent en appel pour des montants bien souvent et dans la plupart des cas minimes, puisque l'article 45 prévoit des montants forfaitaires. J'entendais tantôt le député de Jacques-Cartier parler de taux d'incapacité. Va-t-il enfin comprendre, lui qui a suivi, depuis le début, les travaux de cette commission, qu'il n'y a plus de taux d'incapacité? Je me demande si, dans sa lecture du projet de loi 67, le député de Jacques-Cartier s'est rendu jusqu'à l'article 45 qui prévoit des montants forfaitaires. Il n'y a plus de taux d'incapacité. Je pense que c'est important à savoir et c'est important que les gens le sachent, M. le Président.

M. Saint-Germain: De quelle méthode va-t-on se servir pour établir les taux d'incapacité?

M. Vaillancourt (Jonquière): II n'y en aura pas.

M. Saint-Germain: Dans l'étude de l'actuaire, sortez votre document, on parle d'incapacité à longueur de pages. Il n'y a pas de taux d'incapacité. C'est une technique établie.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Saint-Germain: Si vous enlevez cette technique, qu'est-ce qu'il reste pour évaluer l'incapacité d'une personne?

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre! Questions seulement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Enfin, donner un appel devant les tribunaux de droit commun, sous réserve de l'opinion légale qui sera émise et qu'on essaiera de vous donner demain matin, ce serait même là alourdir le système.

L'opposition libérale, qui a adopté la Loi de la Commission des affaires sociales, a fait en sorte que les décisions de cette commission soient finales et sans appel justement pour que les justiciables reçoivent justice dans les délais les plus rapides. Cette même opposition, qui était le gouvernement et qui a adopté cette loi, qui a créé ce tribunal selon cet esprit, vient nous proposer aujourd'hui de modifier la Loi de la Commission des affaires sociales pour faire en sorte que les décisions de la commission aient des appels. En plus,

cela alourdirait le système qu'on veut changer justement parce qu'il est lourd.

Je suis sûr que le député de Jacques-Cartier sait ou se rappelle les motifs profonds qui ont fait en sorte que son gouvernement, à ce moment-là, rende les décisions de la régie ou de la Commission des affaires sociales finales et sans appel. J'ai eu personnellement l'occasion, même si je n'ai jamais plaidé devant la Commission des affaires sociales, de lire certains de ses jugements. Je suis sûr que le député de Nicolet-Yamaska a dû également avoir l'occasion de lire certains de ces jugements. Bien que les personnes en question ne fussent pas des juges nommés par le gouvernement provincial ou fédéral, je puis vous dire qu'elles rendaient des jugements selon l'interprétation de textes de loi qui avaient un fondement juridique irréfutable.

M. Giasson: Ce n'est pas là le problème, c'est dans les faits évoqués.

Le Président (M. Bertrand): A l'ordre!

M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense que c'est important de savoir cela. Le système que l'on propose à ces trois paliers vous le retrouvez presque dans la Loi de l'aide sociale et dans la Loi de l'assurance-chômage.

J'ai eu l'occasion de lire des jugements de la Commission d'appel en ce qui concerne l'assurance-chômage. Les membres de cette Commission d'appel ne sont également pas des juges nommés par nos gouvernements. On avait à se prononcer sur l'interprétation de textes de loi, sur l'interprétation de faits vécus. Je puis vous dire que j'ai toujours été favorablement impressionné par le fondement juridique de ces décisions, alors que, dans le cas qui nous occupe, il n'y aura pas d'interprétation par la Commission des affaires sociales.

Je pense que ce qui doit nous guider en vertu de cet amendement, c'est le bien des justiciables. Dans combien de cas ceux-ci pourront-ils aller en appel? Dans combien de cas, pour des sommes d'argent minimes... Vous savez qu'en vertu de la Commission des affaires sociales et de la loi...

M. Fontaine: ... pour eux.

M. Vaillancourt (Jonquière):... les indemnités, c'est sans égard à la responsabilité. Quand vous serez devant la Cour supérieure, même s'il n'y a pas de responsabilité, est-ce que la Cour supérieure, par pitié, par sympathie, va donner raison nécessairement à la victime? Non. La victime n'ira en appel que si la Commission des affaires sociales a rendu un jugement manifestement injuste, déraisonnable, si la différence entre ce qu'elle prétend avoir droit et ce qu'elle a reçu, est élevée, ce qui implique des sommes de plusieurs milliers de dollars. Vous conviendrez avec moi que la plupart des justiciables ne prendraient pas le risque de se présenter devant la Cour d'appel ou devant le tribunal d'appel qu'on voudrait créer par cette loi pour des sommes de $1000, $1500, $2000 et $2500, alors qu'on sait qu'ils prennent le risque de perdre leur cause et de payer des frais judiciaires en plus de payer, évidemment, leur procureur.

Le Président (M. Bertrand): Je vous demanderais de conclure, M. le député de Jonquière, il vous reste une minute.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, en terminant, je pense que cet amendement du député de Montmagny-L'Islet devrait être rejeté. Du moins, en ce qui me concerne, je vais voter contre cet amendement, parce que j'estime qu'il aurait pour but d'alourdir le système et qu'il n'est pas dans l'intérêt des justiciables. Les procédures actuellement prévues par le projet de loi 67 donnent toutes les garanties que les justiciables obtiendront une indemnisation juste et raisonnable. Il y a actuellement trois étapes de prévues. A chacune de ces étapes, il y a un médecin qui donne son opinion sur des faits qui relèvent de sa compétence professionnelle. Nous avons des avocats présents devant la commission, qui pourront représenter et la victime et la régie. Nous avons également des avocats à cette Commission des affaires sociales. Nous avons des médecins. Je pense que ce qui importe, c'est, non seulement comme le député de Jacques-Cartier le dit, que justice soit rendue, mais que l'apparence d'une justice soit rendue. Je pense que le projet de loi 67, avec les procédés et avec les procédures prévues atteint ces deux objectifs. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Bertrand): Merci. M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Avant que le député de Jonquière ne parte, je voudrais lui dire qu'il a oublié une question, lorsqu'il dit qu'il y a deux endroits où on va pouvoir aller en appel à la Commission des affaires sociales, soit sur le quantum ou sur le droit à la rente ou à une indemnité. Je pense qu'il faut également tenir compte du fait qu'on va pouvoir aller aussi en appel sur la question de l'admissibilité à la loi, le droit de recevoir quelque chose de la loi. Par exemple, si quelqu'un, à la suite d'un accident, fait une demande à la régie, et qu'on lui dit que le véhicule dans lequel il était, n'était pas une automobile, à ce moment, son recours est final. La Commission des affaires sociales va maintenir cette décision et il ne pourra pas aller devant quelque autre tribunal pour demander de réviser cette décision.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense que j'ai déjà eu l'occasion de répondre à cela, qu'il y avait une interruption de prescriptions et que la personne qui voit la régie dire qu'elle n'est pas admissible en vertu de cette loi, peut prendre des procédures en vertu de l'article 1053 du Code civil, tout simplement devant les tribunaux de droit commun, parce qu'il y a interruption de prescriptions.

M. Fontaine: Oui, mais on sait que pour aller devant le tribunal de droit commun, il faut qu'il y ait déni de justice. Il faut prouver le déni de justice pour demander une révision de la Cour supérieure. On sait que c'est très difficile. Ce n'est accepté que dans de rares cas. Ce qu'on vous demande, c'est d'inclure ce droit dans la loi. Ce n'est pas compliqué. Il n'y aura pas des millions de demandes à la suite de ces décisions. Les cas qui vont aller en appel devant la Cour supérieure vont être très restreints. Il faut aussi penser que si ces gens se font conseiller par des avocats, les avocats ont encore une certaine responsabilité professionnelle et ils vont les conseiller dans leur meilleur intérêt.

En deuxième lecture de la loi 67, nous avons adopté trois grands principes qui sont directeurs de cette loi, c'est-à-dire l'obligation pour tous de s'assurer, le "no fault", la non-responsabilité, et la création de la régie qui est l'étatisation d'une partie du domaine de l'assurance. Lorsque nous avons créé la régie, nous avons également discuté de son fonctionnement. Lorsque la loi sera adoptée, si on l'adopte telle quelle, lorsque quelqu'un va vouloir faire une demande à la régie, il va y avoir une décision d'un fonctionnaire qui va déterminer les indemnités auxquelles la personne aura droit à la suite d'un accident d'automobile. Si la personne n'est pas satisfaite de cette décision du fonctionnaire, elle va pouvoir en appeler à la régie, c'est-à-dire au conseil d'administration de la régie qui va pouvoir réviser cette décision. Enfin, si elle n'est pas satisfaite, elle pourra aller devant la Commission des affaires sociales où on a effectivement des avocats qui vont pouvoir représenter les clients.

Mais ce qu'on reproche à la Commission des affaires sociales, ce n'est pas de rendre des décisions qui ne sont pas juridiques, ce qu'on lui reproche c'est de se baser...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Nicolet-Yamaska, me permettriez-vous une question?

M. Fontaine: Oui.

M. Vaillancourt (Jonquière): Corroborez-vous les propos du député de Jacques-Cartier sur la non-conscience professionnelle, la non-indépendance et la non-objectivité...

M. Saint-Germain: M. le Président, question de règlement. On interprète mal mes paroles. Je ne me suis jamais attaqué à la crédibilité ou à la compétence de ceux qui font partie de la Commission des affaires sociales. J'ai dit qu'on leur demandait trop pour le peu de dépendance qu'ils avaient vis-à-vis de la régie, et j'ai dit qu'on les plaçait dans une situation intenable. Ils n'auront même pas l'apparence de cette indépendance qui est la base de l'homme qui a à juger.

Le Président (M. Bertrand): Bien. Le député de Nicolet.

M. Fontaine: M. le Président, je ne veux pas revenir là-dessus pour l'instant, mais je vais y revenir au cours de mon intervention.

Je disais donc que la Commission des affaires sociales prend des décisions qui sont formulées dans une argumentation juridique. Cependant, ce qu'on lui reproche, c'est de se baser sur les documents qui sont au dossier et assez souvent le fonctionnement de cette commission, selon l'expérience que j'en ai, et le député de Montmagny-L'Islet y a fait également allusion tout à l'heure, qui constitue ces dossiers ont, bien sûr, les faits qu'on leur apporte, et assez souvent ils se basent sur ces faits. Et ces faits sont souvent soit incomplets, ou partiellement erronés et c'est là-dessus que les décisions de la Commission des affaires sociales vont pouvoir être contestées surtout.

On va pouvoir aller en appel, à la Commission des affaires sociales, à mon avis, sur trois points, c'est-à-dire sur l'admissibilité à la loi, le quantum, c'est-à-dire le montant des bénéfices de la loi, et le droit à la rente qu'on va pouvoir verser à la suite d'une incapacité permanente. -

Les témoignages des différents organismes qui sont venus à la commission parlementaire — lorsqu'on a entendu les témoignages des gens, surtout celui du Barreau — nous ont bien mis en garde contre le fait que des décisions soient rendues par des fonctionnaires, premièrement, et révisées par d'autres fonctionnaires. Je vais revenir à la question qui a été soulevée tout à l'heure par le député de Jacques-Cartier. Je pense que toute administration a tendance à se protéger elle-même; ce n'est pas mettre la compétence des fonctionnaires en doute que de dire ça, mais je pense que savoir qu'on peut en appeler de leur décision rendra ces mêmes fonctionnaires plus enclins à s'efforcer de rendre des décisions qui seront plus justes et plus équitables. C'est les protéger contre leur propre faiblesse ou les faiblesses du système que de permettre un droit d'appel.

Le droit d'appel est un droit fondamental qui est reconnu dans notre système judiciaire et je pense que la révision de la Cour supérieure, dans ce domaine de l'assurance automobile, pourrait être bénéfique pour tous les justiciables. Les décisions de la Cour supérieure seront rendues par des juges indépendants et je pense que c'est là-dessus qu'il faut insister pour dire qu'il y a nécessité de révision de décisions d'un fonctionnaire, particulièrement dans ce domaine. On comprend qu'il puisse y avoir des organismes quasi judiciaires ou administratifs où il n'y a pas d'appel de leurs décisions, mais, dans ce domaine de l'assurance automobile, où les montants en jeu pourront être assez considérables, il est important qu'il puisse y avoir une révision de ces décisions.

On a eu à faire face à l'expérience de la Commission des accidents du travail depuis plusieurs années, et il y a — en tout cas, mon expérience personnelle me l'a démontré — beaucoup d'injustices actuellement à la Commission des accidents du travail; ça a été admis par plusieurs députés, même du côté ministériel, lorsqu'on a fait

l'étude du projet de loi qui amendait la Loi de la Commission des accidents du travail. Par le fait qu'actuellement, il n'y ait pas de révision des décisions de la Commission des accidents du travail, sauf dans de rares cas où on fait appel au bref d'évocation, il y a des injustices qui se produisent et il serait souhaitable, également dans ce domaine, qu'il y ait aussi un appel.

Que le gouvernement nous dise si, réellement, il veut que cette loi soit une loi juste et, s'il veut que cette loi soit une loi juste — comme il nous l'a dit jusqu'à maintenant — qu'il accepte ce droit d'appel. Je pense que, sur la question de la justice, il n'y a pas de prix qu'on puisse mettre en jeu pour dire qu'on permet cet appel ou qu'on ne le permet pas. Je pense que les gens voudront demander justice, à quelque prix que ce soit. Il n'y a rien de plus frustrant que de penser avoir un droit ou de penser avoir été traité injustement et de ne pas pouvoir exercer ce droit ou exercer un droit d'appel contre une injustice dont on pense être la victime. Je pense qu'il est important que le gouvernement puisse comprendre cela et puisse laisser le citoyen prendre ses propres décisions...

Je ne vois pas pourquoi le gouvernement, dans ce domaine comme dans bien d'autres actuellement, prendrait la décision à la place du citoyen et dirait: Vous allez agir de telle façon et vous n'aurez pas le droit d'aller en appel des décisions. Si cela coûte $50, $100 ou $200 pour avoir le coeur net, je pense que c'est important de laisser le choix au citoyen d'aller jusqu'au bout de son idée et recevoir justice. L'argumentation du député de Jonquière là-dessus, je m'en dissocie parce que je pense qu'il faut quand même se fier au bon jugement de ceux qui ont à administrer la justice au Québec et si les avocats sont là pour protéger également un citoyen, ils vont sûrement conseiller leur client dans le meilleur intérêt de toute la population et à ce moment-là, si la personne n'a pas de droit, l'avocat va lui dire: C'est dommage, mon gars, mais tu n'as pas de droit. Si par contre il pense qu'il a une chance d'aller chercher quelque chose, il va lui donner les chances qu'il peut avoir. Je pense qu'il faut se fier, dans ce domaine, aux conseillers juridiques, aux avocats.

La Commission des affaires sociales va, bien sûr, avoir des médecins qui vont aider à prendre des décisions et qui vont également prendre des décisions. Cela me dépasse qu'il y ait des médecins qui vont pouvoir aller témoigner devant cette commission... Il y a des médecins qui vont témoigner, je suis d'accord, mais il y a un médecin qui va être juge et un médecin qui va être témoin et c'est le médecin qui va être juge qui va prendre la décision. Oui, je suis d'accord, il y a trois juges, mais dont un est médecin. Alors, le médecin qui est juge va prendre la décision et le médecin qui va être témoin va aller témoigner.

M. Vaillancourt (Jonquière): Ce n'est pas le médecin qui va prendre la décision, c'est le tribunal.

M. Fontaine: C'est le tribunal, mais le médecin va faire partie du tribunal qui va prendre la décision.

M. Roy: Est-ce que c'est le pupitre qui va prendre la décision ou si ce sont les gens qui vont être assis derrière?

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est un tribunal, ce n'est pas une personne qui prend la décision, c'est le tribunal.

M. Roy: Si ce n'est pas le pupitre qui prend la décision, cela va être les gens qui vont être derrière le pupitre et là il va y avoir un médecin.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est un tout en soi, un tribunal. On dit: C'est la Cour d'appel qui a rendu une décision et non pas un juge de la Cour d'appel.

Le Président (M. Bertrand): Messieurs, M. le député de Nicolet. A l'ordre!

M. Fontaine: J'imagine mal que le médecin faisant partie du tribunal qui va prendre la décision, ne suivra pas sa propre opinion dans le dossier et va suivre l'opinion d'un autre médecin. J'imagine que, dans plusieurs cas, c'est le médecin qui va faire partie du tribunal qui va l'emporter. Je ne suis pas sûr que cela va toujours être dans l'intérêt du justiciable.

M. Vaillancourt (Jonquière): Mais est-ce que vous admettrez avec moi que c'est au moins aussi valable d'avoir un médecin pour apprécier des connaissances médicales qu'un juge du tribunal de droit commun?

M. Fontaine: Pas dans ce cas-là. Je pense que le juge est en mesure d'apprécier le témoignage d'un médecin qui va témoigner devant lui et de prendre la décision qui s'impose par la suite. Mais de là à faire réviser une décision, un témoignage d'un médecin par un autre médecin, il y a une marge. C'est là, je pense, que peut se faire l'injustice, parce que les deux médecins vont sûrement avoir des opinions contraires et à ce moment-là c'est le médecin qui va faire partie du tribunal qui va prendre la décision.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est le tribunal qui va prendre la décision.

M. Fontaine: De toute façon si on vous donne nos arguments, si vous refusez ce droit d'appel, c'est le gouvernement qui en portera le fardeau devant la population et elle sera la première à le lui reprocher.

Le Président (M. Bertrand): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Merci, M. le Président. Je croyais sincèrement qu'un des objectifs que le gouvernement cherchait à poursuivre dans ce projet de réforme

de l'assurance automobile, c'était de mieux indemniser les victimes.

Je dois dire qu'après tout ce que j'ai entendu, surtout les propos du député de Jonquière ce matin, et ce que j'avais déjà entendu d'ailleurs au cours des séances précédentes, je me pose des questions et je cherche. J'en suis rendu à chercher quel est le véritable objectif que poursuit le gouvernement. On a mis de côté l'objectif qui visait à réduire le coût de l'assurance automobile, on a dit: C'est pour mieux indemniser les victimes. L'Opposition s'unit, fait front commun pour tâcher d'apporter des suggestions, faire des propositions d'amendement en vue de s'assurer qu'effectivement les victimes soient mieux indemnisées. Qu'est-ce qu'on nous répond? On nous répond qu'il y aura un tribunal qui va décider, un tribunal composé d'un avocat, d'un médecin et d'autres personnes que le gouvernement choisit lui-même — qui sont déjà choisies d'ailleurs — qui ne sont pas nommées à vie mais pour des périodes dont le mandat est renouvelable.

Ces personnes, je ne mets pas en doute leurs qualités et leur intégrité. Mais je ne peux pas accepter, je ne peux pas admettre qu'on demande à des médecins de jouer un rôle et qu'on leur confie des fonctions judiciaires ou quasi-judiciaires. L'expérience a démontré à la Commission des accidents du travail, puisqu'on s'y réfère et que le gouvernement a conclu une entente avec la Commission des accidents du travail... Je comprends que Mme le ministre n'a pas une longue expérience dans ce domaine. Si elle avait plusieurs années d'expérience comme employeur, si elle avait été victime d'un accident de travail, si elle avait une longue expérience comme député, elle serait en mesure de corroborer et d'admettre le bien-fondé de nos appréhensions.

Dans les jugements connus et reconnus dont je dispose d'une certaine quantité et si nécessaire, je pourrai les apporter pour donner des exemples pratiques, pertinents, aux membres de la commission afin de les éclairer là-dessus, c'est normal que ça se fasse. Les médecins protègent leurs diagnostics. C'est tellement vrai qu'une personne, récemment, s'est présentée chez un spécialiste, parce qu'elle n'était pas satisfaite du rapport des "experts" de la Commission des accidents du travail, pour avoir un nouveau rapport. Le diagnostic a été envoyé à son médecin de famille. Lorsque le spécialiste a appris que ce rapport pouvait être transmis à la Commission des accidents du travail, il a interdit au médecin de famille d'envoyer ce rapport à qui que ce soit, pour le garder confidentiel dans son bureau, parce qu'il n'est pas intéressé — ce sont ses propres paroles — à perdre son temps et à être contesté devant la Commission des accidents de travail. Les cas sont nombreux.

M. le Président, dans l'industrie de la construction, il y a des lois qui font jouer le rôle de plombier aux plombiers et celui d'électricien aux électriciens.

Mais on ne demande pas aux électriciens d'être plombiers et aux plombiers d'être électriciens.

Je pense, M. le Président, que l'objectif que poursuit le gouvernement est de plus en plus clair. Sa première préoccupation est la masse de fonds qu'il y a dans ce projet de loi et qui va être à la disposition de la Caisse de dépôt et placement. Si c'est la meilleure indemnisation des victimes d'accidents d'automobiles, puisqu'on n'a pas pu trouver des formules qui verraient à baisser les primes d'assurance automobile, on aurait une autre attitude que celle-là du côté gouvernemental.

C'est très décevant, surtout après les propos judicieux qui ont été livrés tout à l'heure tant par le député de Nicolet-Yamaska que par les autres qui se sont succédé, à cette table, ce matin. Ne pas vouloir entendre raison.

L'Etat qui est assureur, décide d'être lui-même le tribunal, juge et partie. Et s'il y a un parti politique que j'ai tellement entendu, en commission parlementaire, à l'Assemblée nationale, depuis qu'il siège ici, depuis 1970, nous faire des leçons et faire des leçons à tout le monde, sur les conflits d'intérêts, de quelle façon place-t-on ce tribunal, propriété du gouvernement, pour décider, pour les victimes d'accidents d'automobiles, ce qui devra leur être donné?

Le député de Montmagny-L'Islet a cité certaines expériences qu'il a eues avec la Commission des affaires sociales. Je confirme les propos qu'il a tenus. J'en ai d'autres. Et les députés qui ont eu l'occasion d'avoir affaire à ces tribunaux, ce genre de tribunaux quasi judiciaires, savent de quoi on parle quand on parle de ces choses.

Au lieu de vouloir libérer le citoyen de la tutelle de l'Etat, ce dont se plaint un certain nombre de collègues, tant ministres que d'autres, on se plaint de la machine gouvernementale et de l'énorme bureaucratie. On est en train de livrer le citoyen aux mains de la tutelle gouvernementale. Et dans le domaine de l'assurance automobile, cela va être comme dans le domaine des accidents de travail, cela va être "Prends cela, toi, et tais-toi." Cela a déjà été dit.

Mme Payette: Cela vous va bien.

M. Roy: Pardon?

Mme Payette: Cela vous va bien.

M. Roy: Non, madame. Je m'excuse. C'est la seule phrase que vous avez dite ce matin en commission parlementaire. Cela ne contribue pas à nous éclairer, à éclairer ceux qui nous regardent et ceux qui nous écoutent.

Mme Payette: De vous écouter cela m'éclaire aussi.

M. Roy: Non, cela ne me va pas bien, parce que justement ce n'est pas de ce genre d'administration que les Québécois veulent. Et ce n'est pas ce genre d'administration qu'ils attendaient du Parti québécois qui se voulait un gouvernement démocratique, administrant en fonction des intérêts de la population, à l'écoute de la population, transparent. Où est la transparence là-dedans?

Cela fait sourire Mme le ministre. Je trouve malheureux tout ce qui a été dit. Le public se pose d'énormes questions de ce côté-là.

On a en face de nous un gouvernement qui veut libérer le citoyen du Québec. Il faut qu'il fasse en sorte de voter une mesure qu'on dit sociale, mais elle ne l'est pas, c'est une mesure socialiste, ce qui est différent. J'ai une autre définition d'une mesure sociale. On refuse ce matin un amendement présenté par l'Opposition pour demander au gouvernement que le citoyen ne soit pas aux prises avec des décisions trop arbitraires, des décisions découlant de la tutelle gouvernementale et des organismes paragouvernementaux. Il me semble qu'il n'y a pas là de mystère et que ce n'est par sorcier. Si le citoyen pouvait avoir un droit de recours qui nous donnerait et qui donnerait à la population du Québec une soupape de sécurité à cause des décisions trop arbitraires qui pourraient venir de la Commission des accidents du travail... Dieu sait qu'il y en a déjà eu. Je le dis, je pèse mes mots et j'en prends la responsabilité. Ce qui se dégage de toute cette attitude du gouvernement, c'est qu'il semble — à mon avis, cela semble de plus en plus clair — que la seule grande préoccupation actuelle soit la grosse masse d'argent qu'il y a derrière tout cela, puisque, effectivement, il va percevoir $345 millions. Les experts qui sont venus ici devant la commission parlementaire ont dit qu'effectivement seulement $70 millions seront déboursés durant l'année et que l'Etat pourra disposer de cette somme pour travailler au développement économique du Québec.

Le gouvernement a un choix à faire. Ou on travaille en fonction de la masse d'argent, il semble que ce soit cela — j'aimerais que le gouvernement me donne des preuves du contraire — ou on travaille dans l'intérêt de la population du Québec et des victimes d'accidents d'automobiles. Si on a réellement cela à coeur, si on a réellement comme mission de vouloir travailler dans l'intérêt de la population du Québec et de donner à ceux qui sont aux prises avec des décisions trop arbitraires la chance d'avoir un droit de recours additionnel, je pense qu'on fera un pas de l'avant vers ce qu'on pourrait appeler une saine démocratie.

Je constate qu'il est 12 h 30. Je proposerais la suspension de nos travaux.

Le Président (M. Bertrand): Ce n'est pas nécessaire, les débats sont ajournés sine die automatiquement.

M. Roy: Je garde mon droit de parole en revenant, c'est pour cela que je le propose.

Le Président (M. Bertrand): Vous ne perdez rien.

(Suspension de la séance à 12 h 30)

Reprise de la séance à 20 h 10

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, madame et messieurs!

La commission des consommateurs, coopératives et institutions financières est réunie pour poursuivre l'étude article par article du projet de loi 67, Loi sur l'assurance automobile.

Les membres de la commission sont M. Beau-séjour (Iberville), M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Gagnon (Champlain), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Goulet (Bellechasse), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys); M. Landry (Fabre) remplacé par M. Paquette (Rosemont); M. Larivière (Pontiac-Témiscamingue) remplacé par M. Giasson (Montmagny-L'Islet); M. Lefebvre (Viau); M. Marois (Laporte) remplacé par M. Rancourt (Saint-François); M. Marquis (Matapédia), Mme Payette (Dorion), M. Raynauld (Outremont), M. Roy (Beauce-Sud); M. Russell (Brome-Missisquoi) remplacé par M. Fontaine (Nicolet-Yamaska); M. Saint-Germain (Jacques-Cartier), M. Vaillancourt (Jonquière).

M. Saint-Germain: M. Larivière est remplacé par M. Giasson, s'il vous plaît.

Le Président (M. Marcoux): Oui, c'est fait. M. Saint-Germain: C'est fait. Merci.

Le Président (M. Marcoux): C'est le député de Beauce-Sud qui avait la parole. Il était en train de parler, si je ne m'abuse, sur un amendement présenté par le député de Montmagny-L'Islet. Il lui restait encore dix minutes de droit de parole.

M. Roy: M. le Président, je vous remercie. Je n'ai pas l'intention de prendre les dix minutes que j'ai à ma disposition, du moins je n'en ai pas l'intention à ce moment-ci, à moins que je sois inspiré en cours de route, mais, après avoir entendu les rumeurs à peine voilées à l'Assemblée nationale cet après-midi, les avis qui ont été donnés, je me demande réellement si cela vaut la peine de se donner tant de mal pour tâcher de travailler à la bonification d'un projet de loi puisqu'il semble que le lit soit fait, que les couvertures de lit soient retenues. Le nombre a été calculé et décidé et c'est irrévocable, au point qu'on a mesuré, je pense bien, la grandeur de la pièce.

Je me demande, à partir de ces intentions, de quelle façon un parlementaire, que ce soit du côté du gouvernement ou du côté de l'Opposition, peut être en mesure d'apporter une collaboration vraiment valable, de façon à s'assurer que le but qu'on recherche et que Mme le ministre recherche, une meilleure indemnisation des victimes d'accidents d'automobile, puisse être atteint.

Je disais donc ce matin que j'ai toujours trouvé extrêmement déplorable qu'on remplace les tribunaux de droit commun par des tribunaux gouvernementaux, par des commissions gouvernementales, des commissions d'appel qui agissent en quelque sorte comme de véritables tribunaux et

qui rendent des décisions qui sont sans appel. Ce qui a fait la force de notre système politique — même s'il y a des faiblesses, tout le monde en conviendra — de notre régime démocratique, cela a été de faire en sorte que le judiciaire soit complètement séparé de l'exécutif et du législatif. Quand on regarde ces tribunaux gouvernementaux, on ne peut pas faire autrement que d'admettre que ces tribunaux sont presque juge et partie en même temps, parce que les deux répondent aux mêmes endroits, au même ministre.

Quand on veut faire jouer à ces organismes les rôles d'assureur et de tribunal en même temps, il est évident que ces gens sont placés dans des situations de conflits d'intérêts. Pour reprendre un peu ce que j'ai dit à midi, s'il y a un parti politique au Québec avec lequel je suis d'accord sur le fait de prendre tous les moyens possibles pour éviter que ceux qui ont des rôles, des responsabilités publiques ne soient pas placés en conflits d'intérêts, c'est bien le parti politique qui formait l'Opposition officielle au temps où nous avons travaillé ensemble dans l'Opposition et, qui, depuis, forme le gouvernement.

Il ne faudrait pas que ce soient seulement des paroles. Il faudrait que cela se traduise en actes. Quand je vois une loi qu'on veut la loi de l'année, une loi à caractère social comme dit Mme le ministre... On veut faire justement une loi sociale pour se préoccuper du sort des victimes d'accidents d'automobiles et on fait en sorte de les placer sous la tutelle de l'Etat en leur disant: Mesdames et messieurs, le petit tribunal du ministère des Affaires sociales rend des décisions et c'est sans appel. Vous devrez faire ce que quelqu'un a déjà dit bien longtemps avant ce soir: Prends cela et tais-toi. Pour employer l'expression qui avait été employée dans le temps, ce n'était pas: Toi, tais-toi, c'était: Toé, tais-toé.

Même si certains milieux peuvent faire certains reproches à nos tribunaux, il n'en demeure pas moins qu'il y a différents paliers de tribunaux. Je pense que mon collègue, le député de Jonquière, pourrait en dire beaucoup plus que moi. Vous avez la Cour suprême, la Cour d'appel et la Cour supérieure. Il n'y a à peu près pas de juges dans les paliers inférieurs de l'administration de la justice qui ne savent pas que le jugement qu'ils vont rendre peut être devant un tribunal supérieur, ce qui incite à la prudence, à prendre toutes les précautions nécessaires pour rendre le meilleur jugement possible. C'est indépendant de l'exécutif, c'est indépendant du législatif.

A partir du moment où vous nommez des individus, quels qu'ils soient, avec la meilleure crédibilité, avec les meilleures intentions possibles et que leur jugement est sans appel — donc, il n'y a personne pour les vérifier par la suite — la population devra s'en contenter, peu importe la façon dont le jugement pourra être appliqué. Si c'est là la façon ou la méthode que veut utiliser le gouvernement en vue de mieux protéger les victimes d'accidents d'automobiles, je voudrais dire à Mme le ministre et au gouvernement qu'on fait fausse route.

Je le dis de façon très sincère et très sérieuse à l'endroit du gouvernement. Je pense que de ce côté-là, le gouvernement aurait non seulement intérêt, mais ce serait son devoir, ce serait le devoir du gouvernement de faire en sorte que les jugements, que les décisions qui sont prises par la Commission des affaires sociales puissent être rappelées devant un tribunal supérieur. Sur le plan strictement politique, pourquoi le gouvernement actuel, parce qu'il semble que c'est sa décision, accepterait-il la responsabilité de porter l'odieux et de faire en sorte que ces gens-là se retrouvent dans les bureaux des députés du côté ministériel, parce qu'eux, ils sont au pouvoir? On pense toujours que le député qui est au pouvoir a plus de pouvoir que le député de l'Opposition, alors que, assez souvent, dans nos bureaux, c'est l'inverse, parce qu'on a plus de latitude, plus de liberté pour s'exprimer, pour parler, pour dénoncer quand c'est nécessaire.

Alors, pour quelle raison courir ce risque d'en supporter l'odieux et obliger les gens à se plier et à s'agenouiller devant les tribunaux gouvernementaux? Je pense que c'est une tendance actuellement, et le gouvernement lui-même... J'ai entendu plusieurs de mes collègues, tant du côté des députés que du côté ministériel, depuis un certain temps — ce serait trop long de vous rappeler les déclarations que ces gens ont faites — mais on a déploré le fait que la machine gouvernementale devenait beaucoup plus présente, "omnipuissante", omniprésente, et que de plus en plus, le simple citoyen est démuni devant ce gigantesque appareil administratif gouvernemental. Je comprends mal qu'on fasse des lois pour alourdir la machine et ainsi soumettre le citoyen davantage.

Or, M. le Président, je terminerai tout simplement là-dessus, en espérant que le gouvernement va réviser ses positions et qu'il permettra à nos concitoyens, citoyens du Québec, citoyens qui ont des droits, citoyens qui désirent maintenir un régime démocratique, citoyens qui désirent garder une certaine liberté, des citoyens qui désirent que leurs droits puissent être entendus... Les cours de justice que nous avons au Québec, les différents paliers de tribunaux que nous avons, ce n'est pas pour la galerie, ce n'est pas pour les apparences, ces gens-là ont un rôle véritable à jouer. Alors, qu'on fasse donc en sorte que ceux que le gouvernement nommera ou que ceux que le gouvernement a nommés actuellement à la Commission des affaires sociales puissent être des personnes qui, elles aussi, aient des comptes à rendre à quelqu'un. J'ai toujours trouvé déplorable, depuis que je siège ici à cette assemblée, de trouver, de plus en plus, dans les structures gouvernementales, des couvertures qui font en sorte qu'il y a de plus en plus de gens qui ont des responsabilités, mais qui n'ont de comptes à rendre à personne et qui n'ont jamais de comptes à rendre à personne. Alors que les parlementaires eux-mêmes, les ministres ont des comptes à rendre, les députés du côté ministériel ont des comptes à rendre comme gouvernement, et les députés de l'Opposition ont

également des comptes à rendre, puisqu'il faut aller solliciter le renouvellement de notre mandat lorsqu'il y a des élections fédérales.

Je m'excuse, j'ai failli faire sursauter mes collègues d'en face...

Mme Payette: C'est un lapsus intéressant. Chassez le naturel il revient au galop. C'est gênant!

M. Roy: Je ne suis pas gêné du tout parce que c'est un lapsus qui est bien involontaire et je pense que mes opinions...

Mme Payette: C'est ça un lapsus, c'est toujours involontaire.

M. Roy: ... sont bien connues là-dessus. Je ne veux pas faire un débat là-dessus parce que ça nous empêcherait de discuter de l'assurance automobile. On aura sûrement l'occasion de reparler de ce sujet. Mais, c'est que le gouvernement est tellement transparent que, à un moment donné, on voit le fédéral à travers, c'est un peu ce qui nous amène à faire des lapsus bien involontaires, M. le Président, mais, encore une fois...

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud, je dois vous informer qu'il vous reste environ 60 secondes.

M. Roy: Merci, M. le Président, j'en prendrai dix pour dire, tout simplement, que le gouvernement devrait réviser ses positions et, si c'est réellement son intention de trouver des formules pour mieux indemniser la population du Québec, qu'il donne donc des outils qui permettront aux citoyens du Québec, victimes d'accidents d'automobiles de se faire entendre.

Le Président (M. Marcoux): Mme.le ministre.

Mme Payette: M. le Président, vous le savez, je n'ai pas fait d'études en droit, sauf que je poursuis lentement mon chemin en faisant des recherches dans ce domaine...

M. Fontaine: Vous auriez de la difficulté à vous faire admettre au Barreau.

Mme Payette: Je pense que, au Barreau, je serai éternellement refusée; ça c'est sûr, même si j'arrivais à faire des études complètes en droit. Cela n'empêche pas que je fais des efforts pour comprendre, vous parlez, si bien que je suis allée, M. le Président, aux renseignements et que j'ai trouvé un certain nombre de documents pour bien expliquer ce qui est contenu dans le projet de loi 67 et les raisons pour lesquelles je voterai contre l'amendement proposé par le député de Montmagny-L'Islet.

J'ai d'abord trouvé, M. le Président, un rapport d'un groupe de travail sur les tribunaux administratifs, les membres de ce comité de travail étant: MM René Dussault, devenu depuis sous-ministre au ministère de la Justice, Patrice Garand, Yves

Ouellette, Gilles Pépin et deux experts consultants: Aimé Lacroix et Paul Robitaille, ce sont des professeurs en droit. Comme vous le voyez, je poursuis lentement mes études. On trouve, dans ce document, une explication sur la notion de tribunal administratif. Le propre d'un tribunal est de rendre justice. C'est donc toujours par analogie avec les organismes qui, par essence, rendent la justice, soit les tribunaux judiciaires de droit commun, que nous utilisons le terme "tribunal".

Avec l'évolution des idées politiques, économiques et sociales et l'évolution du droit, on se rend compte qu'à côté des deux types de justice traditionnelle, la justice civile et la justice pénale, se distingue une troisième justice qui a sa finalité et ses caractéristiques propres, la justice administrative. Dans un Etat moderne, contemporain, il est facile de discerner ces trois types de justice qui ont amené les législateurs à intervenir pour créer des institutions et des régimes juridiques et pro-céduraux différents.

La justice civile, M. le Président, c'est la justice ordinaire, fondamentale, de droit commun. Elle concerne les rapports entre les sujets de droit ordinaire dans l'interprétation et l'application des lois. La justice pénale, c'est celle qui concerne les rapports entre les sujets de droit ordinaire et la puissance publique dans l'interprétation et l'application des lois de nature pénale et répressive. La justice administrative, c'est la justice qui concerne les rapports entre les administrés et l'administration publique dans l'interprétation et l'application des lois administratives.

Cette justice a longtemps été considérée comme partie intégrante de la justice civile, l'administration étant considérée surtout comme un sujet de droit ordinaire lorsqu'elle était assujettie au contrôle des tribunaux. C'est en raison de la prolifération et de l'importance de ces lois dites administratives qu'on en est venu à parler de justice administrative pour la solution du litige soulevé par ces lois. L'expression "loi administrative" peut signifier les lois qui ont pour objet de réglementer un secteur de l'activité économique et sociale, comme surveillance, permis, contrôle; ce seront, par exemple, la loi relative au commerce des alcools, la loi sur le commerce des valeurs mobilières, le Code du travail. Les lois qui ont pour objet d'offrir aux administrés des prestations d'ordre économique et social, ce seront la Loi de l'assurance-maladie, la Loi de l'aide sociale, la Loi de l'assurance-récolte. Les lois qui ont pour objet d'imposer un fardeau ou une charge aux administrés, ce sera le cas des lois fiscales, des lois exigeant une contribution à un régime de sécurité sociale. Les lois qui définissent le statut et le régime juridique des institutions administratives, ce sera le cas des lois municipales, des lois scolaires, des lois des ministères et organismes du gouvernement, des lois relatives aux statuts de la fonction publique.

Il importe ici de faire une distinction entre la justice administrative, les tribunaux administratifs et le droit administratif, car ces notions ne se re-

groupent pas nécessairement. La justice administrative ne concerne que les aspects contentieux du droit administratif, en ce sens que, si toutes les institutions administratives sont appelées à appliquer, voire à interpréter du droit administratif, les tribunaux administratifs ne sont concernés principalement que par le contentieux administratif.

Par ailleurs, il n'y a pas que les tribunaux administratifs qui ont compétence pour régler les litiges dont l'ensemble constitue le contentieux administratif.

Les tribunaux judiciaires et les cours de justice sont aussi, dans une large mesure, les juges de l'administration, soit à la faveur des contrôles judiciaires suivant les recours prévus au Code de procédure civile, soit à la faveur des recours spéciaux prévus dans diverses lois, surtout dans les domaines municipal, scolaire et fiscal. Il y a peu de pays où les trois types de justice, civile, pénale et administrative, sont bien compartimentés et confiés à des institutions différentes. Chez nous, il existe des institutions de juridiction univoque et des institutions de juridiction mixte qui cumulent l'une et l'autre des trois justices ou les trois à la fois.

Les exemples qui vont suivre illustrent cette réalité. La Cour provinciale exerce une juridiction civile ordinaire, une juridiction pénale et une juridiction administrative par voie d'appel ou de recours spéciaux, tel le quo warranto. La Cour Supérieure est dotée, pour sa part, d'une juridiction civile ordinaire, comme tribunal de droit commun, d'une juridiction administrative et même d'une juridiction pénale, contrôle judiciaire de l'excès de juridiction, requêtes en homologation des décisions de certains organismes administratifs, procès de novo en vertu du Code pénal.

La Commission des loyers, comme tribunal administratif, exerce une juridiction administrative par voie d'appel des décisions des administrateurs locaux. Le Tribunal du travail exerce une double juridiction, soit une juridiction administrative, en appel des décisions du commissaire-enquêteur, et une juridiction pénale, en vertu des dispositions pénales du Code du travail.

La Cour des sessions de la paix, enfin, n'exerce qu'une juridiction pénale. La nécessité de bien distinguer entre la justice civile et la justice pénale est admise de plus en plus. Aussi tend-on à créer des institutions spécifiques à juridiction pénale exclusive. A part de très rares exceptions, tel le Tribunal du travail, les tribunaux dits administratifs n'ont pas de juridiction pénale. La distinction entre justice pénale et justice administrative est donc ainsi respectée.

Quant à l'opportunité de distinguer entre justice civile et justice administrative, de vives controverses se soulèvent. Il est cependant manifeste que le législateur québécois, quelles que soient les justifications sur lesquelles il se fonde, multiplie les soi-disant tribunaux administratifs et leur confie certaines fonctions juridictionnelles qu'il retire aux tribunaux de droit commun. Il interdit même les recours contre les décisions des tribunaux dits administratifs aux tribunaux de droit commun et tend à les soustraire à toute forme de surveillance et de contrôle.

Cette dernière attitude a pour fondement le postulat voulant qu'il n'y ait véritablement justice que la justice traditionnelle administrée par les tribunaux ordinaires, les seuls à offrir les vraies protections inhérentes à l'idée de justice. Or, cette justice traditionnelle est lente, d'un fonctionnement lourd et coûteux, et elle est généraliste, en ce sens qu'elle suppose que le juge est expert dans tous les secteurs du droit.

Voilà pourquoi le législateur contemporain crée, sans plan bien défini, mais de façon sûre et certaine, des tribunaux chargés de rendre une justice expéditive au fonctionnement souple et peu coûteux et au sein desquels il tend à faire siéger des spécialistes ou des gens qui doivent le devenir.

La justice administrative répond à des besoins d'ordre concret et pratique. D'une part, l'administration publique ne peut, sous peine de voir son action sérieusement handicapée et son efficacité restreinte, être impliquée dans d'interminables litiges avec les administrés.

Or, s'il fallait que les multiples décisions que prennent les innombrables autorités administratives puissent faire l'objet de litige devant les tribunaux de droit commun, ce serait la fin de l'administration efficace.

D'autre part, le simple administré, dans la très grande majorité des cas, n'est pas de taille à faire des procès à l'administration devant les tribunaux ordinaires.

Enfin, toutes ces lois d'interventions économiques et sociales, qu'il s'agit d'interpréter et d'appliquer, doivent l'être promptement, sinon, toute leur économie en est perturbée. Elles doivent l'être, de ce fait, par des gens spécialisés qui en connaissent à' fond tous les rouages et qui sont aussi familiers avec le secteur particulier de l'activité économique ou sociale régie par ces lois. Ceci implique également que ces organismes doivent fonctionner suivant une procédure beaucoup plus souple et davantage appropriée aux circonstances.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président. Il ne s'agit là, bien sûr, que d'un rapport d'un groupe de travail de quelques professeurs d'université, si bien que je vais m'en référer maintenant à un autre document qui est le livre blanc sur la justice présenté par Me Jérôme Choquette.

On trouve, à la page 120 de ce document, M. le Président, ce qui suit: Les tribunaux administratifs forment une autre catégorie. Il s'agit des organismes à qui le législateur délègue uniquement ou presque, des responsabilités d'adjudication. Ils ont pour mission de prendre des décisions susceptibles d'influer sur les droits et les obligations des citoyens, en se fondant sur des normes objectives fixées dans des lois ou des règlements. Ils exercent donc, dans des secteurs limités de l'administration publique, des fonctions semblables à celles confiées aux cours de justice.

Peuvent être placés dans cette catégorie, le Tribunal du travail, le Tribunal des transports, le

Tribunal de l'expropriation, le Tribunal des professions, la Commission des affaires sociales, le juge des mines, le Bureau de révision prévu par la Loi de l'évaluation foncière, la Commission des loyers.

Plusieurs motifs ont été mis de l'avant pour justifier l'existence d'organismes paraministériels ainsi chargés d'attributions juridictionnelles, besoins d'assujettir le règlement de différends, compte tenu, par exemple, de la clientèle, à des procédures distinctes de celles observées par les cours de justice: simplicité, coût, délai; désir, étant donné le volume possible des litiges, de ne pas encombrer le rôle des tribunaux déjà surchargé; volonté de nommer, au sein de ces organismes, des spécialistes ne possédant pas les qualifications juridiques requises pour siéger sur de véritables cours de justice; besoin de singulariser l'exercice d'une fonction d'adjudication donnée; volonté de s'assurer que le droit en cause d'un caractère technique sera appelé par un juge spécialisé.

Il ne convient pas, dans le but de simplifier apparemment l'administration de la justice au Québec, de recommander tout simplement l'abolition des divers véritables tribunaux administratifs actuellement en existence et de proposer que leur responsabilité soit assumée par la Cour du Québec; ce serait tenir pour acquis, sans avoir fait les études qui permettraient de justifier une politique aussi rigide, que l'existence autonome de chacun des tribunaux administratifs ne serait aucunement justifiée au plan de sa structure, de ses règles de procédure, de l'objet de sa compétence, des besoins des justiciables".

En page 125, on continue en disant: Par ailleurs, force est de reconnaître que le fait de soumettre ces organismes administratifs à un contrôle intégral des tribunaux judiciaires ne serait pas d'une très grande logique. Il est possible, en effet, que l'on pourrait difficilement réconcilier ce contrôle avec les motifs particuliers invoqués pour justifier le maintien de ces organismes".

L'amendement qui est devant nous a pour objet de permettre, au-delà de la décision rendue en appel par la Commission des affaires sociales, un autre appel devant le Tribunal de droit commun. Suivant l'avis des légistes du gouvernement, on ne peut concevoir ces deux catégories d'appels. Ou bien l'appel des décisions de la régie est porté devant la Commission des affaires sociales, ou bien il est porté devant le Tribunal de droit commun.

Le gouvernement a opté pour l'appel devant un tribunal administratif pour des raisons d'efficacité, de cohérence législative avec les lois à caractère social qui prévoient un appel devant la Commission des affaires sociales.

Bien plus, des amendements récents ont été apportés par la Loi no 5, sanctionnée au mois d'août dernier, modifiant, entre autres, la Loi des accidents du travail et celle de la Commission des affaires sociales et ces amendements avaient la même portée que les dispositions contenues dans le projet de loi 67. Il ne me semble pas me souvenir que l'Opposition ait manifesté, à ce moment-là, quelque critique. Donner suite à l'amendement serait donc contraire à la pratique législative cou- rante et contraire également à l'économie générale du projet de loi.

De toute façon, c'est dans le cadre général d'une discussion approfondie sur le tribunal administratif qu'est la Commission des affaires sociales qu'il faudrait examiner cette question d'appel. Je suis bien prête, pour ma part, à en suggérer un examen attentif à mes collègues de la Justice et des Affaires sociales, mais je ne croirais pas opportun ici d'adopter un tel amendement et, de toute façon, sachez que je suis tout à fait d'accord avec le maintien du pouvoir général de surveillance de la Cour supérieure par le biais du bref d'évocation, par exemple.

Ce n'est pas tout, M. le Président, plus près de nous encore — je me reporte au journal des Débats du mardi, 22 octobre 1974 alors qu'une commission parlementaire siégeait pour l'étude du projet de loi 40 qui créait la Commission des affaires sociales. Une réponse de M. Forget, bien connu dans notre Assemblée ici, disait ceci: "C'est même, sans aucun doute, la raison d'être de cette nouvelle commission.

Pour ce qui est des représentations faites par M. Deslières relativement à la possibilité d'en appeler à nouveau d'une décision de la commission d'appel — selon son expression — je dois souligner que, quel que soit le libellé de ce projet de loi, il demeure que la Cour supérieure a un pouvoir général de surveillance de toute espèce d'organisme et de corps public et que, par un bref d'évocation, il est possible de saisir la Cour supérieure des décisions prises par la Commission des affaires sociales, lorsque, par exemple, il peut être prouvé que la décision est entachée de partialité, que les parties n'ont pas été entendues ou qu'il y a une autre irrégularité grave dans les procédures suivies par la commission. Je pense que ce n'est pas strictement nécessaire, ce recours existe déjà".

Le 13 décembre 1974, à l'Assemblée nationale — je me réfère encore au journal des Débats — à une question de M. Bédard, député de Chicoutimi, qui parle d'un appel au ministre, M. Forget répond ceci: "Non, il n'y a pas d'appel au ministre. Il y a, cependant, le bref d'évocation que j'ai déjà mentionné si elle, la commission, outrepasse sa juridiction ou si elle ignore les exigences quant à la procédure normale devant un tribunal". Je pense qu'on a entendu, depuis bien des jours et, dans mon cas, bien des semaines, beaucoup de mal au sujet de la Commission des Affaires sociales. Pour ma part, à la suite des lectures que j'ai pu faire et que je viens de vous transmettre, je voterai contre cet amendement puisque je suis convaincue que la Commission des affaires sociales est parfaitement en mesure de répondre au droit d'appel des citoyens quant au projet de loi 67.

Le Président (M. Marcoux): M. le député d'Outremont.

M. Raynauld: M. le Président, je voudrais, si c'est encore possible, essayer de convaincre le gouvernement d'accepter cet amendement. Je

crois que l'amendement a été fait en toute bonne foi. Il porte sur un problème fondamental de droit, mais mon premier argument sera que ce n'est pas le genre d'amendement qui met en cause l'essentiel du projet de loi qui est présenté. Il s'agit vraiment d'une modalité particulière où le gouvernement pourrait certainement se sentir justifié de modifier sa position sur ce point particulier tout en maintenant l'essentiel, non seulement les principes du projet de loi, mais même sa structure et ses grandes modalités d'application. C'est un premier point qui, je pense, est important, puisque cela nous permet de discuter au mérite, sans être accusés de vouloir sabrer l'ensemble du projet de loi 67. Premier point, cela ne me paraît pas un amendement qui remette en cause un point central dans le projet de loi.

Le deuxième point porte sur la question de fond qui est celle de savoir s'il est bon de confier à des tribunaux administratifs le soin de prendre des décisions sur l'application de la loi 67. J'ai entendu Mme le ministre nous citer des arguments qui portent sur le tribunal administratif en tant que tel. Je voudrais rappeler, à cet égard, je voudrais faire un certain nombre de remarques à cet égard.

La première remarque, c'est qu'il y a une distinction, il me semble, à faire entre les arguments qui sont en faveur d'un tribunal administratif et la possibilité qui est laissée, oui ou non, de faire un appel de ces décisions administratives. Si on entend par tribunal administratif, seulement dans ce cas, la Commission des affaires sociales, je pense, en effet, comme Mme le ministre, qu'il faudrait choisir. Je ne pense pas qu'il soit possible de conserver des décisions qui seraient rendues par la régie, des décisions qui sont appelées et qui sont rendues ensuite par une autre commission, et ensuite, avoir trois, quatre ou cinq recours. Je pense, en effet, qu'il faudrait simplifier le mécanisme.

Dans cette perspective, je pense que si le choix était à faire, si on nous donnait le choix ou si on nous disait qu'on ne peut pas faire autrement, je pense que notre position serait qu'il serait préférable de confier les appels à des cours de droit commun plutôt qu'à la Commission des affaires sociales. Quoi qu'en en soit, ce n'est pas l'objet de l'amendement en question, mais je tiens à préciser ce point. Je ne pense pas que l'on veuille, par l'amendement — en tout cas, ce n'est pas l'objectif que nous poursuivons — multiplier les appels indéfiniment.

Le problème fondamental qui est posé, me semble-t-il, par les tribunaux administratifs, à mon avis — et encore une fois, je ne parle pas comme un juriste, mais comme un citoyen, dans ce cas-ci, tout à fait ordinaire — c'est le problème de conflits d'intérêts. Moi, je trouve extraordinaire qu'alors qu'on va dénoncer les conflits d'intérêts à peu près partout où ils se posent, à chaque fois que l'on pose l'existence d'un conflit d'intérêts au sein de l'Etat, là, cela devient une vertu. On va avoir un organisme qui s'appelle la Régie de l'assurance automobile et qui va prendre des décisions — c'est un organisme gouvernemental — et on va confier les appels de cette régie à d'autres personnes qui font encore partie de l'appareil gouvernemental. Il me semble que si les attaques que l'on fait d'habitude dans ce domaine en disant que les gens sont juges et parties, si elles ne s'appliquent pas dans un cas comme celui-ci, je me demande quand elle s'appliquent. C'est ça qui me semble, à moi, en tout cas, le problème fondamental. Le gouvernement est juge et partie dans cette affaire. Qu'on donne des pouvoirs à la Commission des affaires sociales, que l'on donne des statuts aux membres de cette Commission des affaires sociales, ça fait partie de la Commission des affaires sociales comme source d'appel, c'est un autre organisme administratif faisant partie du même appareil gouvernemental, sans indépendance assurée, sans cette division des pouvoirs qui a demandé des siècles pour être créée, c'est-à-dire les tribunaux, un pouvoir judiciaire, qui, lui, est indépendant du pouvoir législatif, qui est indépendant du pouvoir exécutif. On a mis des siècles à bâtir des organismes et des structures qui assurent — en tout cas, c'est comme ça qu'on l'a perçu — une démocratie élémentaire, une société dans laquelle les citoyens ne sont pas toujours à la merci du même pouvoir politique.

Là, au nom de l'efficacité — j'ai trouvé ça ironique, puisque c'est bien la première fois que j'entends le ministre parler d'efficacité — on dit: Les tribunaux administratifs sont plus efficaces que les cours. Je me demande bien s'il y avait un autre domaine où on ferait passer, dans la perspective de ce gouvernement, l'efficacité avant des principes qui me paraissent, même à moi, plus fondamentaux, des principes d'indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs administratif et politique, problème de liberté des gens, des droits de recours qui sont assurés suivant des générations et des générations maintenant de juristes, de jurisprudence et qui assurent ce minimum de garanties d'assurance dont les citoyens ont besoin pour se sentir en sécurité...

On invoque aussi le problème des frais que les tribunaux ordinaires entraînent. Justement, le gouvernement présente un projet de loi sur le recours collectif où on va imposer aux entreprises de payer des frais judiciaires; mais le gouvernement ne semble pas même avoir pensé une seconde qu'il pourrait peut-être s'appliquer à lui-même le même remède, que peut-être que la Régie de l'assurance automobile devrait payer les frais judiciaires qui seraient occasionnés par des appels devant des cours de droit commun. Si c'est ça l'objection, pourquoi une loi sur le recours collectif ne s'appliquerait qu'à des entreprises, mais ne s'appliquerait pas à des organismes qui prennent des décisions également et qui peuvent être — je ne dis pas tout le temps — dommageables ou qui peuvent être préjudiciables à des citoyens?

Enfin on dit que ce genre d'argument était une critique souvent abusive, soit l'intégrité des membres — on en a parlé cet après-midi — de la Commission des affaires sociales ou des hommes qui sont impliqués dans cette commission. Cette

critique ne devrait pas être retenue. Je pense que personne ne veut mettre en cause l'intégrité, l'honnêteté, l'indépendance d'esprit même, des gens qui peuvent être nommés à ces postes dans les tribunaux administratifs. Là n'est pas le problème du tout. On pourrait dire que, si les gens veulent absolument parler en faveur de la Commission des affaires sociales ou des tribunaux administratifs en général, ceci serait aussi une critique injuste à l'égard des tribunaux ordinaires; on pourrait retourner l'argument de la même façon.

Ce n'est pas cela l'idée. L'idée, c'est que les tribunaux ordinaires sont des tribunaux qui assurent cette indépendance vis-à-vis des grands pouvoirs, des pouvoirs fondamentaux. Si, pendant des siècles, on a pensé qu'il était essentiel d'avoir une division des pouvoirs, je me demande si s'en remettre simplement à une rapidité un peu plus grande dans la façon de faire ou dans la façon de disposer de cas peut être une objection ou un avantage, en tout cas, qui ait le même poids que celui d'affaiblir progressivement, par des mesures de plus en plus nombreuses, l'importance des tribunaux de droit commun qui font partie d'un système judiciaire qui, je pense, est à la base même de nos institutions démocratiques.

Pour me résumer, ce qui est proposé dans cet amendement, c'est donner la possibilité d'en appeler de décision administratives, d'en appeler à travers les organismes qui ont été créés à cet effet. S'il n'est pas possible de donner un appel, personnellement je préférerais que toutes les contestations soient soumises aux tribunaux de droit commun plutôt qu'à la Commission des affaires sociales.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, puisqu'il reste quelques minutes au député d'Outremont, est-ce que celui-ci pourrait me permettre une question?

M. Raynauld: Si je peux répondre.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce qu'il est au courant que, entre le 1er novembre 1970 et le 30 juin 1973, au niveau de l'efficacité, la Commission des affaires sociales a entendu 4174 appels, ce qui est, d'après mon expérience, beaucoup?

M. Fontaine: Ce n'étaient pas des accidents d'automobiles cependant. Ce n'est pas la même chose.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je comprends. Je demande l'opinion du député d'Outremont. La question est adressée au député d'Outremont. Je voudrais avoir son opinion là-dessus.

M. Raynauld: Non, je ne le savais pas; je n'en avais aucune espèce d'idée. Je vais cependant vous dire que des gens m'ont rapporté...

M. Giasson: Si mon collègue me le permettait. De ce nombre de causes entendues, un peu plus de 4000, de l'ensemble de ces causes, le député de Jonquière pourrait-il nous dire combien il y a eu de changements de décisions rendues avant la Commission d'appel des affaires sociales par le conseil de révision?

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, vous comprendrez que je n'ai pas ces statistiques, mais je sais par...

M. Giasson: Ce serait nécessaire.

M. Vaillancourt (Jonquière):... expérience que les tribunaux de droit commun, disons la Cour supérieure, ont habituellement environ cinq causes à entendre par jour inscrites au rôle. On sait également qu'on ne procède pas aux cinq causes inscrites au rôle la même journée puisque souvent la première ou la deuxième cause dure toute la journée.

Je voulais demander ceci au député d'Outremont: Est-ce qu'il considère qu'entendre 4171 appels, en deux ans et dix mois, par rapport à ce qu'on rencontre en Cour supérieure, ce n'est pas là quelque chose d'extrêmement valable?

M. Raynauld: Je ne conteste pas qu'un tribunal administratif puisse être efficace. Cela a justement été l'objet de mon intervention qu'il se peut très bien que les tribunaux administratifs — en tout cas je le conçois facilement—disposent plus rapidement de cas. Ce que j'ai essayé de démontrer — si vous m'avez écouté — c'est que, même si on avait certains de ces avantages, on avait aussi des inconvénients majeurs. On sape progressivement les institutions qu'on a créées depuis très longtemps et qu'on a toujours considérées comme fondamentales, essentielles dans une société démocratique.

Si on transfère de plus en plus de ces choses-là en dehors du système judiciaire habituel, je dis qu'on affaiblit ces institutions et c'est cela qui m'inquiète. Si la réponse à cela est que c'est simplement une question d'efficacité, ma réponse à moi est très simple: Essayons de rendre les cours ordinaires de droit commun plus efficaces. Je ne sais pas quel est le problème. Est-ce que c'est parce qu'il n'y a pas assez de juges? Est-ce que c'est parce que les procédures sont trop longues? Je n'en sais rien, mais je suis certain que si c'est vraiment cela la difficulté, la solution serait davantage d'essayer de rendre plus efficaces les institutions de droit commun plutôt que d'en créer d'autres à côté.

J'ajouterai là-dessus que, quand j'invoque un argument comme celui-là, n'étant pas un juriste de profession et n'étant pas au fait des choses de tous les jours, ce qui me frappe — il y a quand même des connotations dans ma tête, dans mon esprit, que vous trouverez abusives — et ce que j'ai toujours pensé c'est que les tribunaux d'exception étaient le résultat du totalitarisme. Les tribunaux militaires, par exemple, je n'ai jamais considéré cela comme étant des tribunaux particulièrement justes ou assurant une justice. Je préfère des tribunaux de droit commun. C'est bien sûr que c'est

une exagération ce que je vous dis là, mais dans ma tête, je me dis que c'est du même ordre, c'est de la même nature. On crée des tribunaux qu'on est capable de contrôler davantage à l'intérieur d'un système administratif plutôt que de recourir à des institutions toutes faites, qui ont été créées pour assurer, justement, cette indépendance du pouvoir judiciaire et là on invoque, pour cela, des notions d'efficacité.

Je vous dis que cela n'a pas de commune mesure entre l'importance, si j'ai raison, de sauvegarder ces principes fondamentaux de démocratie et d'une société libre et la notion d'efficacité qui, quoique je la trouve très importante en soi, ne fait pas le poids. C'est cela mon problème et je me dis que, si on continue encore longtemps — peut-être que simplement cette décision n'est pas très importante — si on continue pendant des années et des années à invoquer les mêmes raisons d'efficacité et qu'on soustrait, année après année, de plus en plus de compétences du système judiciaire, on va en arriver à un système où il n'y aura plus de distinction entre ce système judiciaire de décision et le pouvoir politique et le pouvoir administratif et, à ce moment-là, je pense que c'est aller dans la mauvaise direction.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska, vous aviez déjà treize minutes environ d'utilisées. Alors, allez-y.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord dire qu'à la suite de conversations privées avec quelques députés du côté ministériel que je ne nommerai pas parce que ce sont des conversations privées, ceux-ci m'ont fait part qu'ils seraient en faveur de cet amendement si on leur disait qu'à l'article 45, par exemple, les indemnités forfaitaires versées pour mutilation, préjudice esthétique, douleurs, perte de jouissance de la vie, n'étaient pas des montants aussi forfaitaires qu'on veut le mentionner dans le projet de loi. C'est-à-dire que les montants versés pourraient varier selon les décisions de la commission. L'article dit: La victime qui subit dans un accident une blessure, un préjudice esthétique, une mutilation, des douleurs ou une perte de jouissance de la vie, a droit à une indemnité forfaitaire dont la somme et les modalités sont prescrites — et cela veut dire prescrites par règlement. Cela veut dire que les modalités de paiement vont être prescrites par règlement, règlement que nous ne connaissons pas, que le ministre ne connait pas non plus, parce qu'on lui a demandé de déposer lesdits règlements et elle nous dit qu'ils ne sont pas prêts. Mais ce qui va arriver par exemple, c'est qu'on va déterminer par règlement dans quel cas on va verser telle ou telle indemnité. Par exemple, on va nous dire, dans le règlement, que si quelqu'un se fait couper un doigt à la suite d'un accident d'automobile, cela va être tel montant qu'il va recevoir. On m'a indiqué, par exemple, que si la personne se fait couper le doigt à la jointure, cela n'est pas un doigt perdu, mais qu'il faut que ce soit coupé — je ne sais pas comment on appelle cela — jusqu'à la main.

Je parle par expérience...

Mme Payette: Le doigt coupé jusqu'au coude.

M. Fontaine: ... même si Mme le ministre veut faire des farces, je parle par expérience.

Mme Payette: Ce ne sont pas des farces. On peut avoir un doigt coupé jusqu'au coude.

M. Fontaine: Actuellement, dans les polices d'assurance, lorsqu'on indique des indemnités comme cela, on indique jusqu'où la coupure doit s'effectuer pour que le paiement puisse être fait. Cela sera sûrement la même chose...

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, question de règlement. Je ne voudrais pas être désagréable envers le député de Nicolet-Yamaska, mais je pense que celui-ci est en train de nous parler de l'article 45 et des pouvoirs de réglementation, alors que nous sommes actuellement sur un amendement du député de Montmagny-L'Islet.

M. Fontaine: C'était une introduction, M. le Président, j'arrive au fait. C'est que les députés en question m'ont dit qu'ils seraient en faveur de l'amendement proposé.

Mme Payette: Vous vous êtes mis un doigt dans l'oeil.

M. Fontaine: Une chance que je les ai tous!

M. Vaillancourt (Jonquière): Combien pour le doigt et combien pour l'oeil?

M. Fontaine: Les députés en question m'ont dit, M. le Président, qu'ils seraient en faveur de cet amendement s'ils s'apercevaient que les paiements qui seraient effectués par la régie pouvaient être modifiés selon des règlements édictés et s'ils pouvaient varier selon chaque individu, selon chaque cas.

Je pense que les règlements devront nécessairement indiquer ces faits et, à ce moment-là, en arrivera à un arbitraire qui sera laissé à la régie et à la Commission des affaires sociales. C'est pour ces raisons, M. le Président, qu'on vous demande, étant donné qu'il y aura de l'arbitraire du côté de la régie et du côté de la Commission des affaires sociales, de permettre un appel à la Cour Supérieure pour réviser ces décisions.

Si, comme nous disent le ministre et les députés ministériels, la loi 67 offre toutes les garanties voulues aux citoyens, aux assurés, pourquoi ne pas permettre que les décisions de la Commission des affaires sociales soient révisées par un vrai tribunal qui offre toutes les garanties d'impartialité?

On a essayé tout à l'heure, je pense, de nous passer un sapin — peut-être à l'approche des fêtes — mais on nous présente le bref d'évocation comme étant un droit d'appel. M. le Président, un bref d'évocation, ce n'est pas un droit d'appel. On a tenté de démontrer à la commission qu'on pouvait aller devant la Cour Supérieure en faisant un bref d'évocation.

Je peux vous dire que, dans ma pratique, qui n'a peut-être pas été tellement longue, à peu près quatre ans, je n'ai jamais eu l'occasion de faire un bref d'évocation. Je pense que, si on demandait au député de Jonquière combien il a réussi à en faire, on pourrait peut-être les compter sur les doigts de notre main, même s'il a pratiqué plus longtemps que moi.

Je voudrais également lui demander combien il a réussi à faire passer de brefs d'évocation.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Cela prendrait le consentement des membres de la commission, parce que...

Mme Payette: II y a une question, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Même s'il y a une question, ça prend le consentement des membres de la commission parce que le député de Jonquière a épuisé son temps de parole.

M. Roy: M. le Président, on est toujours prêt à collaborer pour que la lumière vienne à cette table. Nous l'avons demandée depuis assez longtemps, mon consentement vous est acquis.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que je dois interpréter le consentement du député de Beauce-Sud comme étant un consentement unanime des membres de la commission?

M. Roy: Oui, oui.

Le Président (M. Marcoux): Oui, alors...

M. Raynauld: A condition qu'il nous explique bien toutes les contraintes qui existent pour obtenir des brefs d'évocation.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président...

M. Raynauld: Je ne connais pas ça, mais on me dit qu'il y en a beaucoup.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, ce que j'ai à dire, tout d'abord, c'est que je pense que Mme le ministre n'a pas présenté la procédure d'évocation comme une procédure d'appel. Je pense que c'est très mal interpréter son propos puisque, dans les extraits qu'elle a lus, elle a expliqué...

M. Saint-Germain: Elle a un gros livre.

M. Vaillancourt (Jonquière): De toute façon, je pense, M. le député de Jacques-Cartier, que Mme le ministre n'a jamais prétendu que tout cela sortait d'elle-même, mais ça venait de professeurs d'université et d'experts en la matière...

M. Saint-Germain: J'ai cru que c'était à côté du débat et que ça ne s'appliquait pas du tout là-dedans.

Le Président (M. Marcoux): N'engageons pas un débat sur le sujet.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je pense que tous conviendront que Mme le ministre n'a jamais considéré le bref d'évocation comme un droit d'appel. D'autre part, j'admettrai, sans fausse modestie, au député de Nicolet-Yamaska, que j'ai pris très peu de brefs d'évocation, pour la raison que les principes de justice naturelle sont généralement observés devant les tribunaux administratifs.

Je pense que cette question serait posée à n'importe quel confrère et vous vous rendriez compte que, toutes proportions gardées, avec le nombre de causes que les avocats plaident en général, les brefs d'évocation sont une très infime minorité des procédures qui ont été plaidées par les avocats.

Il s'agit tout simplement d'une procédure extraordinaire, d'une procédure très limitative, donc extraordinaire, un peu le mandamus, le certiorari. J'en ai pris peut-être trois en huit ou neuf ans de pratique.

M. Fontaine: Combien de réussies?

M. Vaillancourt (Jonquière): Deux.

Mais il faut dire que généralement — et je pense que mon confrère, de même que tous les autres, l'admettront — les règles de justice naturelle les plus élémentaires sont toujours respectées devant nos tribunaux. S'il fallait que cela arrive devant la régie, inutile de vous dire qu'un bref d'évocation serait reçu à la Cour supérieure.

M. Fontaine: Je disais cela, parce qu'on semblait dire devant cette commission que les brefs d'évocation couraient les rues et qu'on pouvait obtenir cela n'importe quand. Je pense qu'il faut quand même faire la part des choses.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une garantie pour le justiciable qui voit que les principes de justice élémentaire ne sont pas respectés.

M. Fontaine: Oui, mais il y a d'autres principes que la justice élémentaire.

M. Vaillancourt (Jonquière): Qu'on ne me pose pas de questions, M. le Président, parce que cela m'incite à parler.

Le Président (M. Marcoux): Je dois vous informer, M. le député de Nicolet-Yamaska, qu'il vous reste deux minutes.

M. Fontaine: Merci, M. le Président. Il y a d'autres principes que la justice élémentaire qu'il faut également faire respecter. Je pense que le droit d'appel à la Cour supérieure pourrait garantir ces principes. Ne siégeant qu'en appel des décisions de la Commission des affaires sociales, le nombre de causes serait infiniment restreint.

Je pense qu'à ce moment-là, cela n'alourdira pas le système, les tribunaux vont pouvoir rendre des décisions normales et cela n'alourdira pas le système plus qu'il ne l'est actuellement. De ce côté-là, il y aurait également possibilité d'améliorer le système judiciaire pour pouvoir faire procéder plus rapidement.

On sait que présentement, même dans le système actuel, il n'y a pas plus que 5% des causes d'accidents d'automobiles qui se rendent devant le tribunal. Je pense que, si on adoptait la présente loi 67, il n'y aurait sûrement pas 5% des accidents qui iraient devant la cour. Il y en aurait encore moins que cela, parce qu'il y a déjà un mécanisme d'appel qui s'appelle la Commission des affaires sociales.

Concernant l'efficacité de la Commission des affaires sociales, laissez-moi en douter. Actuellement, la Commission des affaires sociales a une expérience, mais non pas en assurance automobile. Cela va être tout un autre système de preuve qui va devoir être établi devant la Commission des affaires sociales et celle-ci va devenir — ce n'est pas une prédiction que je vous fais, je pense que vous allez en convenir — aussi lourde que n'importe quel tribunal ordinaire.

Le Président (M. Marcoux): Je vous inviterais à conclure.

M. Fontaine: Je conclus, M. le Président, en demandant au gouvernement, au ministre, de bien vouloir reconsidérer sa décision qui est peut-être un peu trop hâtive et se rendre aux arguments de l'Opposition.

En terminant, M. le Président, je voudrais demander le consentement de cette commission pour faire siéger M. Grenier, député de Mégantic-Compton, à la place de M. Goulet.

Le Président (M. Marcoux): En remplacement de M. Goulet (Bellechasse). Est-ce qu'il y a consentement?

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Consentement donné. M. le député d'Iberville.

M. Beauséjour: M. le Président, à plusieurs commissions, on a souvent entendu dire que les procédures devant un tribunal de droit commun, c'était long, qu'il y avait des choses à changer. Je veux bien croire que cela ressemble à plusieurs de nos discussions que nous avons ici, à l'Assemblée nationale, et même en commission.

Je crois qu'ajouter encore des problèmes qui retourneraient à un tribunal de droit commun alourdirait les choses. Quand on dit qu'il y a 5% des causes qui se rendent devant un tribunal de droit commun et que cela prend jusqu'à deux ou trois ans pour être réglé, et qu'il n'y a que 5% des causes, je me demande pourquoi on n'essaie pas de trouver un moyen plus efficace d'en arriver à un règlement.

Quand on parle de tribunaux spécialisés, selon ce que je sais, le droit de recours, une fois que la Commission des affaires sociales a pris une décision... Il n'y a pas de droit de recours durant un tribunal de droit commun. Est-ce qu'il y en aurait devant la Commission des accidents de travail? Je ne crois pas.

M. Fontaine: C'est malheureux.

M. Beauséjour: Est-ce qu'il y en a devant la Régie de l'assurance-maladie? Il n'y en a pas.

M. Roy: Cela ne serait pas mauvais qu'il y en ait.

M. Beauséjour: Si jusqu'ici on dit que les tribunaux de droit commun sont lourds et qu'on veut en ajouter encore, je ne vois pas où sera l'efficacité.

M. Fontaine: Vous venez de lui enlever toute l'assurance automobile, monsieur.

M. Beauséjour: Bien sûr.

M. Fontaine: Ce n'est pas à eux de décider, c'est à nous.

M. Beauséjour: Cela va les soulager peut-être de certaines causes qu'ils ont actuellement. Cela va peut-être aller un peu plus vite.

Une Voix: Cela va désengorger les cours de justice.

M. Beauséjour: Cela va désengorger. J'ai l'impression que cela va être pour le mieux. C'est pourquoi je n'ajouterais pas plus de recours que les deux qu'il y a actuellement pour qu'une bonne fois on en arrive à un règlement quand il s'agit de quelqu'un qui a subi un accident.

Il y a une chose qu'on semble oublier, c'est qu'on est rendu à l'article 4. La Régie de l'assurance automobile et de la Commission des affaires sociales se basent sur des articles qui vont venir après, elles ne se fient pas simplement à leur flair. Il y a des articles qui viennent après et sur lesquels elles doivent se baser. Ce n'est pas simplement sur un jugement qui pourrait venir d'un ministre, ce n'est même pas là, c'est à partir de données qui vont venir après...

Une Voix: Des règlements.

M. Beauséjour:... des règlements et aussi des articles qui touchent le projet de loi sur lequel nous sommes en train de travailler. Je ne sais pas si on va passer au travers d'ici Noël...

M. Fontaine: Je ne le pense pas.

M. Vaillancourt (Jonquière): La bonne foi se présume.

M. Beauséjour: ... en commission, mais une chose est certaine...

M. Fontaine: Pas avec l'avis qu'on a eu en Chambre cet après-midi.

M. Roy: C'est le bill qui va passer à travers nous.

M. Vaillancourt (Jonquière): A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Laberge: Pourvu que ce ne soit pas une automobile.

Une Voix: Vous n'êtes pas président de la commission.

M. Roy: Premier accident.

M. Beauséjour: La Régie de l'assurance automobile doit se baser sur des données qui vont venir après et qui sont déjà les garanties d'une administration et d'une justice... Je crois que cela va être beaucoup plus efficace que d'attendre deux ou trois ans, dans notre système de tribunaux de droit commun qui se perd dans les années et qui ne donne pas plus justice qu'un tribunal spécialisé, puisqu'on aura des personnes qui pourront étudier les causes dans un temps relativement beaucoup plus court. Je me demande si, dans un autre domaine — le député de Beauce-Sud pourra peut-être y penser au sujet de l'agriculture — on ne pourrait pas aussi penser à des tribunaux spécialisés. Ce serait peut-être très bien.

M. Roy: Pour juger qui?

M. Vaillancourt (Jonquière): Les quotas.

Mme Payette: Le fédéral.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une perche.

Mme Payette: Pour juger le fédéral.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant le député de Montmagny-L'Islet. Je ne sais pas si c'est son droit de réplique qu'il veut utiliser.

M. Giasson: Merci, M. le Président. Effectivement je n'ai utilisé que quelques minutes ce matin dans mon argumentation au soutien de la motion que j'avais présentée.

M. Vaillancourt (Jonquière): La forme était parfaite d'ailleurs.

M. Giasson: Votre prédécesseur à cette table avait accepté la recevabilité avec beaucoup d'enthousiasme et de rapidité.

Si j'ai proposé cet amendement, c'est parce que je crois vraiment que toutes les victimes, non pas d'une année ou deux — on présume que ce régime va être instauré et devra durer dans le temps — devraient profiter de l'application la plus poussée de la justice qui soit.

Les intervenants qui m'ont précédé ce soir, comme ce matin, ont invoqué des motifs, qui, pour les uns, se tenaient assez bien, qui, pour d'autres, avaient moins de poids. Le député de Jonquière, entre autres, a fait l'éloge des tribunaux administratifs, mettant particulièrement en évidence le fait que c'était un gouvernement antérieur, le régime libéral au pouvoir, qui avait reconnu le principe et qui avait décidé d'instaurer quelques tribunaux administratifs. Il a cité, entre autres, la constitution de la Commission d'appel des affaires sociales, mais il doit reconnaître qu'il y avait des motifs qui soutenaient cette décision à l'époque.

Qu'est-ce qui a été recherché au moment de créer le tribunal administratif qui s'appelait la Commission d'appel des affaires sociales?

C'était d'abord de reconnaître que la clientèle qui allait s'adresser à ce tribunal, dans un premier temps, les premières causes qui viendraient devant la Commission d'appel des affaires sociales, étaient toujours celles des gens les plus démunis de la société. C'étaient des bénéficiaires d'aide sociale qui devaient comparaître devant la Commission d'appel des affaires sociales, donc des personnes démunies au plan financier. On voulait également, pour cette catégorie de citoyens, avoir une formule d'administration de la justice qui soit beaucoup plus expéditive que celle que nous avions connue traditionnellement. Evidemment, un bénéficiaire de l'aide sociale qui interjette appel sur une décision rendue d'abord par un fonctionnaire, décision qui a été maintenue par le conseil de révision et qui met en cause son droit à recevoir un minimum vital, il n'a pas autre chose, c'est un bénéficiaire d'aide sociale. Là, il était facile de comprendre que, dans le cas d'un tribunal administratif qui, par sa loi constituante, rendait une décision définitive, puisque c'était un tribunal de dernière instance, le législateur de l'époque veuille y donner cette dimension.

Avec le temps, on a remplacé la Commission d'appel des affaires sociales par la Commission des affaires sociales qui continue de recevoir des demandes émanant des bénéficiaires de l'aide sociale, mais auquel tribunal administratif on a élargi le mandat, lui permettant d'entendre ou de rendre des décisions définitives sur des décisions des fonctionnaires de la Régie des rentes du Québec. On avait même pensé élargir encore ce mandat puisqu'il était prévu, dans un temps futur assez prochain, de faire déboucher ce genre de droit d'appel ou de décisions finales par un tribunal administratif. On voulait remettre cela entre les mains de la Commission des affaires sociales et, avec le temps, possiblement d'autres organismes gouvernementaux auraient pu y être dirigés en appel, puisque c'est le tribunal de dernière instance, de dernier recours. On aurait dirigé cela vers la Commission des affaires sociales. C'est important que je vous cite cela, parce que la création de la Commission d'appel des affaires sociales, dans un premier temps, était faite pour répondre à une clientèle qui vraiment n'avait même pas les moyens d'aller en appel devant d'autres tribunaux, parce que c'était les gens les plus démunis.

Je savais, pour avoir appris de mes collègues qui ont une formation juridique, qu'il y avait toujours la possibilité du bref d'évocation comme

dernier et ultime recours, mais le député de Jonquière qui lui, a une formation juridique, sait qu'il n'est pas facile d'obtenir un bref d'évocation, comme il peut être facile d'obtenir un appel devant un tribunal supérieur. Le député de Jonquière sait beaucoup mieux que moi que l'argumentation ou les motifs à invoquer pour obtenir recevabilité d'un bref d'évocation, doivent être exceptionnels. Il faut presque prouver que le tribunal d'une première instance a outrepassé ses pouvoirs, qu'il a vraiment erré dans l'interprétation judiciaire d'une loi ou d'une réglementation ou des événements similaires. Il ne faut pas croire que c'est facile pour le simple justiciable ou la victime d'un accident d'automobile, puisque nous sommes dans ce régime, d'obtenir par son procureur un bref d'évocation. Est-ce que le député de Jonquière reconnaît cela?

M. Vaillancourt (Jonquière): Je l'ai dit tout à l'heure. Ce n'est pas fréquent, c'est exceptionnel, et c'est difficile. C'est parce que cela n'arrive pas souvent, c'est parce que les règles sont généralement observées.

M. Giasson: C'est pourquoi il m'est apparu que nous allions bonifier notre loi, si on devait permettre ce recours en appel devant un tribunal de droit commun pour quelques causes. Quels seraient les gens qui pourraient aller en appel si on acceptait d'inclure cette dimension dans le projet de loi? C'est peut-être un dixième de 1% des victimes d'assurance automobile. Même si ce n'était que pour cette portion si minime, je crois qu'il vaudrait encore la peine qu'on retienne cette dimension et qu'on permette, pour une meilleure application de la justice chez nous, de reconnaître le droit d'appel. C'est dans cet esprit que j'ai formulé mon amendement. Je demeure convaincu que, pour l'application de la justice la plus poussée et afin de permettre les pouvoirs les plus grands possible à l'endroit de justiciables ou de victimes d'accidents d'automobiles, que cette commission pourrait accueillir de façon favorable l'amendement que j'ai proposé.

Le Président (M. Marcoux): II n'y a plus d'intervenant. Est-ce que l'amendement sera adopté?

M. Vaillancourt (Jonquière): Rejeté sur division, M. le Président.

Mme Payette: Rejeté.

Des Voix: Vote!

M. Fontaine: Un instant, M. le Président!

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse. Je n'avais pas vu d'autres intervenants et j'avais appelé le vote.

M. Giasson: M. le Président, si vous permettez, j'ai encore du temps dont je puis disposer.

Le Président (M. Marcoux): Mais, non...

M. Giasson: Oui. C'est simplement pour vous indiquer un cas. Les tribunaux administratifs...

Le Président (M. Marcoux): Non, une minute!

M. Giasson:... sont beaucoup plus récents au Québec...

Le Président (M. Marcoux): Une minute, M. le député de Montmagny-L'Islet! J'avais appelé le vote. Je voudrais savoir s'il y a consentement... Non. Une fois le vote appelé, je vous donne à nouveau le droit de parole...

M. Vaillancourt (Jonquière): II y a consentement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): ... et, à ce moment-là, s'il y a d'autres députés qui le demandent, je serai pris dans un sérieux dilemme. Est-ce qu'il y a consentement pour que le député de Montmagny-L'Islet puisse compléter se pensée?

M. Vaillancourt (Jonquière): II y a consentement, M. le député.

Le Président (M. Marcoux):M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Giasson: Oui, M. le Président, merci! Puis-je vous rappeler les expériences vécues par certains pays d'Europe qui ont vu fonctionner des tribunaux administratifs depuis fort longtemps, bien avant que cela fonctionne au Québec! On a pu apprécier l'application de la justice par les pouvoirs qui étaient accordés à ces tribunaux administratifs et, à l'usage et à l'expérience, même ces pays d'Europe ont créé — quelques pays d'Europe — un tribunal d'appel spécial, limité à recevoir les appels uniquement sur des décisions rendues par des tribunaux administratifs. C'est vous indiquer qu'il y a cette possibilité, en dépit de l'évocation qu'a faite tout à l'heure Mme le ministre en citant des universitaires et en citant l'ancien ministre de la Justice au Québec. Même si j'ai beaucoup d'estime pour cet ancien collègue, il nous a prouvé qu'il peut parfois errer lui aussi.

Mme Payette: Je vous le concède.

M. Giasson: Vous le concédez. Tout ça vous indique...

Mme Payette: Peut-être moins dans le domaine du droit...

M. Giasson: ... que même un tribunal administratif qui a son mérite...

Mme Payette: ... que dans le domaine politique.

M. Giasson: ... en rendant la justice plus ex-péditive, surtout dans le secteur de relations entre l'Etat et les citoyens, peut être encore amélioré, bonifié, puisque des pays d'Europe nous ont

prouvé que l'usage et l'expérience les avaient amenés à décider d'avoir un tribunal de recours sur des décisions rendues par les tribunaux administratifs.

Mme Payette: Je suis en train de demander au président s'il me reste du temps. Je pense que je n'ai pas besoin de demander ça. Cela prendrait peut-être un consentement simplement pour que je vous rappelle une chose...

Une Voix: Article 160, paragraphe 2.

Mme Payette: ... que j'ai vue. Oui, mais je ne veux pas l'utiliser pour rien, c'est ridicule. Je trouve beaucoup de choses ridicules dans nos règlements et tout ça, mais, si le député me le permet, j'ai bien dit tout à l'heure que ce que vous venez de souligner, qu'effectivement des tribunaux administratifs pourraient éventuellement faire appel à un autre tribunal, moi, je suis prête à le suggérer à mes collègues de la Justice et des Affaires sociales. C'est peut-être dans ce sens-là qu'il faut aller. Si ça veut dire la Cour supérieure, la réponse, c'est non. C'est le contenu de ce que je vous ai dit.

M. Giasson: Cela va peut-être prendre la permission du fédéral, parce que, là, on change de pays.

Mme Payette: Ah bon!

Le Président (M. Marcoux): J'avais appelé le vote, mais j'ai cru que le député de Mégantic-Compton voulait se manifester. Comme j'avais appelé le vote formellement, je veux demander le consentement des députés de la commission. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Vaillancourt (Jonquière): Pour entendre le député de Mégantic-Compton, oui.

Le Président (M. Marcoux): Alors, comme il y a consentement, ça me fait plaisir, M. le député de Mégantic-Compton, de vous céder la parole.

M. Grenier: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, bien brièvement, d'intervenir, puisque c'est la première fois que je viens à la commission. Si elle doit se continuer, j'aurai plus de temps pour venir appuyer les efforts de notre député de Nicolet-Yamaska. Bien brièvement, le député de Nicolet-Yamaska donnera les explications à un sous-amendement que j'aimerais apporter, à la sixième ligne de la motion d'amendement, pour enlever les mots "la régie ou". L'amendement se lirait ensuite comme suit: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le mot "justice", à la sixième ligne, les mots "sauf un recours d'appel devant un tribunal de droit commun sur une question d'appréciation ou de quantum déterminé par la Commission des affaires sociales en deçà des indemnités maximales prévues dans le projet de loi".

J'aimerais que vous permettiez au député de Nicolet-Yamaska de faire un peu l'argumentation du sous-amendement...

Le Président (M. Marcoux): Le sous-amendement vise à supprimer quels mots exactement?

M. Grenier: Uniquement les trois mots "la régie ou" à la sixième ligne, je pense... Il prend de l'importance.

Le Président (M. Marcoux): II se lirait comme ceci: "Sauf un recours d'appel devant un tribunal de droit commun, sur une question d'appréciation ou de quantum déterminée par la Commission des affaires sociales, en deça des indemnités maximales prévues par le projet de loi".

M. Grenier: C'est cela. Je demanderais au député de Nicolet-Yamaska, si vous le voulez bien, qu'il fournisse l'argumentation pour ce sous-amendement.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, pour bien se comprendre, j'aimerais que le député de Nicolet-Yamaska nous explique quelle est la différence fondamentale entre l'amendement et le sous-amendement avant qu'on se prononce sur la recevabilité.

M. Fontaine: Oui, M. le Président, je vais l'expliquer immédiatement. C'est qu'il y a trois paliers de décision, selon la Loi de l'assurance automobile, le projet de loi 67. Il y a un premier palier de décision qui est celui du fonctionnaire, un deuxième palier de décision qui est celui du Conseil d'administration de la régie et le troisième palier est la Commission des affaires sociales.

Il me semblerait que l'amendement qui a été apporté par le député de Montmagny-L'Islet permettrait d'aller immédiatement en appel, devant un tribunal de droit commun, à la suite d'une décision de la régie. Or, ce n'est pas ce que nous voulons et je pense que ce n'est pas non plus ce que le député voulait. Ce que nous voulons, c'est qu'il y ait un appel des décisions de la Commission des affaires sociales. C'est la raison pour laquelle je voudrais retrancher les mots "la régie".

Le Président (M. Marcoux): L'amendement est jugé recevable.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, on ne peut pas s'exprimer sur la recevabilité!

M. Giasson: Le sous-amendement.

Le Président (M. Marcoux): Pas l'amendement, le sous-amendement.

M. Fontaine: Le jugement est rendu.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, est-ce que, effectivement, votre décision est rendue?

Le Président (M. Marcoux): Ma décision est rendue, je juge le sous-amendement recevable.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je conteste d'abord votre rapidité d'exécution, puisque...

M. Roy: II ne faudrait pas, pour une fois qu'on est expéditif à cette commission, que vous contestiez la décision.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je sais fort bien que l'intention du député de Montmagny-L'Islet, lorsqu'il a présenté son amendement, était de permettre un droit d'appel, devant les tribunaux de droit commun, des décisions, non pas de la régie, mais de la Commission des affaires sociales...

M. Saint-Germain: Question de règlement, M. le Président. Est-ce que le député parle sur le fond du sous-amendement?

Le Président (M. Marcoux): J'avais bien compris que le député avait commencé à parler sur le fond, mais..

M. Vaillancourt (Jonquière): Non, M. le Président, est-ce qu'il vous est possible...

M. Saint-Germain: Votre décision a été rendue, si je ne m'abuse! On s'est toujours gentiment soumis, M. le Président, à toutes les décisions que le président a rendues. Vous avez rendu une décision, si le député veut parler sur le fond, j'en suis, mais j'espère qu'il ne parle pas sur la recevabilité.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je conteste votre rapidité d'exécution et non pas votre décision.

M. Roy: Cela revient pas mal au même.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, je pense qu'il a été convenu que tous les partis politiques...

Mme Payette: Est-ce qu'il y a un droit d'appel de vos décisions, M. le Président? Je ferais confiance à la Commission des affaires sociales là-dessus.

M. Raynauld: ... hier, avec un autre président, la réponse a été: non.

Le Président (M. Marcoux): Je l'ai peut-être rendue rapidement, mais en tout cas, il m'appa-raissait que, à sa face même, c'était un sous-amendement recevable. Le sous-amendement ne contredisait pas...

M. Vaillancourt (Jonquière): Non, mais il est exactement comme l'amendement, M. le Président.

M. Fontaine: II n'y a que le député de Jonquière qui n'a pas compris, M. le Président.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député sait fort bien qu'on ne va pas en appel devant les tribunaux de droit commun des décisions de la régie, mais de la Commission des affaires sociales.

M. Fontaine: C'était écrit dans l'amendement, que voulez-vous? Ce n'était pas nécessaire...

M. Saint-Germain: II n'y a pas de droit d'appel d'une décision rendue par notre président, M. le Président.

M. Roy: Voyez-vous comme c'est commode un droit d'appel, vous êtes les premier à vous en plaindre.

Mme Payette: Oui, mais ici il n'y en a pas du tout, tandis que nous, on en prévoit trois.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sans en appeler de votre décision et tout en la respectant, mais en ne la partageant pas, je dois vous dire que, lorsque le député de Montmagny-L'Islet — et il me contredira si ce n'est pas cela — a mis les mots "par la régie ou par la Commission des affaires sociales", dans sa motion d'amendement, c'était en relation avec "appréciation du quantum déterminé par la régie". On sait que le quantum, en vertu de la loi, peut être apprécié, à la deuxième étape, par la régie et, en troisième étape, par la Commission des affaires sociales. Mais, lorsqu'il parlait d'un droit d'appel, il ne voulait pas passer de la régie au tribunal de droit commun, mais il voulait passer de la Commission des affaires sociales au tribunal de droit commun.

Je fais mien l'exposé de 20 minutes que j'ai fait ce matin, M. le Président, sur l'amendement du député de Montmagny-L'Islet, puisque j'estime que le sous-amendement du député de Nicolet-Yamaska ou de Mégantic-Compton ne change absolument rien au fond du problème.

M. Giasson: Une rectification peut-être. Dans ma motion, c'est sur une question d'appréciation ou de quantum. Ce n'est pas une appréciation de quantum. C'est une question d'appréciation ou de quantum. Cela peut être l'appréciation au droit à l'indemnisation. Cela peut être l'appréciation d'une incapacité ou d'une invalidité.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le député de Montmagny-L'Islet, me permettez-vous une question? Est-ce que votre amendement n'avait pas pour but de permettre un appel de la décision de la Commission des affaires sociales devant un tribunal de droit commun?

M. Saint-Germain: M. le Président, on n'a pas le droit de revenir sur un débat passé.

M. Vaillancourt (Jonquière): Est-ce que c'est cela? Est-ce que c'était cela, l'esprit de votre amendement? C'est cela, l'esprit du sous-amendement également et c'est dans ce sens que c'était irrecevable. C'est exactement le même amendement.

M. Fontaine: II veut en appeler de votre décision, M. le Président.

M. Saint-Germain: J'avais demandé le droit de parole, M. le Président, sur le sous-amendement.

M. Vaillancourt (Jonquière): Oui, je vais en appel de la décision parce que...

M. Raynauld: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander au député de Jonquière de laisser parler les gens pour qu'ils expliquent ce qu'ils veulent? Je pense que, premièrement, le député de Jonquière n'a pas le droit de contester la décision du président.

M. Vaillancourt (Jonquière): Vous pouvez répéter les discours que vous avez faits tout à l'heure.

M. Raynauld: Qu'il se prononce sur le fond lorsqu'on aura compris exactement la portée du sous-amendement qui est proposé.

Le Président (M. Marcoux): Je me suis peut-être prononcé rapidement, mais j'ai jugé que le sous-amendement était recevable parce qu'il supprimait des membres de phrases, mais ne contredisait pas... Le sous-amendement ne doit pas contredire l'amendement proposé. Dans ce sens-là, je pense que le sous-amendement était recevable. Le sous-amendement peut être battu ou accepté, ce qui ne préjuge en rien de l'amendement, du vote ou de la décision des membres de la commission sur l'amendement.

Mme Payette: M. le Président...

M. Beauséjour: M. le Président, une question de directive.

Mme Payette: Pardon, j'avais demandé la même chose. C'est moins une question de directive, M. le Président, qu'une question de règlement, parce que je voudrais vous signaler que, dans un grand respect de votre décision, M. le Président, je voudrais simplement qu'on m'évite d'avoir à relire ce que j'ai fait une première fois tout à l'heure. Je pense que ce que j'ai lu s'applique parfaitement maintenant, mais j'écouterais avec beaucoup d'attention l'argumentation de l'Opposition sur ce sous-amendement.

Le Président (M. Marcoux): La parole est au député de...

M. Beauséjour: M. le Président, une directive... A la suite de ce qui s'est passé, vous aviez demandé le vote. On a accepté d'une façon una- nime de laisser la parole à un député et à un autre. Est-ce que cela veut dire qu'à l'avenir, si on laisse la parole, c'est possible de faire des amendements?

Le Président (M. Marcoux): C'est justement pourquoi j'ai été très clair. Je n'ai pas pris sur moi de donner la parole au député de Mégantic-Compton qui avait demandé la parole après que j'ai appelé le vote. Il y a eu consentement. Alors, lorsqu'un député a le droit de parole, il a le droit de proposer un sous-amendement lorsqu'il parle sur un amendement.

Mme Payette: Une question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je voudrais terminer ce que j'étais en train de dire. Il y a eu un sous-amendement de proposé que j'ai jugé recevable. Maintenant, normalement, les députés ont droit de parole sur le sous-amendement.

Mme Payette: Une question de règlement, M. le Président. Dans le sens du respect de notre règlement, je pense que tout ce qui s'est passé à ce moment-là a semé la confusion et que les députés de ce côté-ci ont probablement cru que vous aviez appelé le vote, premièrement, et deuxièmement, qu'on demandait le droit de parole pour le député de Mégantic-Compton pour ses 20 minutes, ce qui a amené un consentement, mais je crois qu'il y a eu une certaine confusion.

Une Voix: On aurait dû nous avertir. M. Fontaine: M. le Président.

M. Grenier: Si vous permettez, M. le Président, ce n'est pas la première fois autour de cette table qu'on arrive avec un problème de ce genre-là. On a siégé autour de cette table pendant des mois cet été et c'est tout à fait normal qu'à un moment donné, vous ne voyiez pas à première vue qu'un député veut prendre la parole. J'avais signalé, en levant la main — je ne voulais pas interrompre l'intervenant — que j'avais l'intention de prendre la parole, mais, avant cela, vous aviez constaté qu'il n'y avait pas d'autres députés qui avaient droit de parole. Vous avez demandé le vote pour réaliser après que je demandais un droit de parole. Pendant mon droit de parole, j'ai fait une motion de sous-amendement, ce qui est tout à fait dans l'ordre et qui a été perçu également par le député de Jonquière qui connaît bien la situation.

Le Président (M. Marcoux): Sur la motion de sous-amendement, M. le député de Mégantic-Compton. Sur la question de procédure, je crois que c'est réglé; c'est sur le sous-amendement.

M. Fontaine: C'est moi qui demande la parole.

Le Président (M. Marcoux): D'accord, sur la motion de sous-amendement, M. le député de Nicolet-Yamaska.

M. Fontaine: M. le Président, je ne veux pas faire un débat de cinq heures là-dessus. Simplement, ce que je veux...

M. Vaillancourt (Jonquière): Faites vôtre votre discours de tout à l'heure, ça va être parfait, c'est la même chose.

M. Fontaine: Ecoutez, si vous voulez qu'on fasse un débat, on va en faire un. J'essaie de vous faire comprendre que mon amendement est le simple bon sens. Si on lit la motion telle que rédigée par le député qui l'a proposée, ça permettrait d'aller immédiatement en appel à la Cour Supérieure d'une décision de la régie. Ce n'est pas ça que vous voulez et nous non plus. Ce qu'on veut, c'est qu'il y ait un appel de la décision de la Commission des affaires sociales. C'est pour ça que j'enlève les mots "la régie ou". Vous devriez voter en faveur de cette motion d'amendement, parce que c'est le simple bon sens qui l'exige.

Ce n'est pas compliqué, c'est seulement ça que je veux.

M. Vaillancourt (Jonquière): Vous ne l'aurez pas.

M. Fontaine: Têtu! Comme le ministre!

Mme Payette: On aurait pu vous le dire avant que ce serait non. Cela peut durer des jours.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres députés qui veulent prendre la parole sur la motion de sous-amendement visant à supprimer les trois mots "la régie ou"?

M. Saint-Germain: M. le Président...

M. Fontaine: Si vous étiez conséquents avec vous autres...

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est le même problème de fond.

M. Saint-Germain: Je crois que la déclaration que vient de faire le député de Jonquière a dépassé sa pensée.

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne parlais pas au nom du gouvernement, je parlais en mon nom personnel.

M. Saint-Germain: Même en votre nom personnel, c'est une phrase...

M. Vaillancourt (Jonquière): Je ne parlais pas au nom du gouvernement, je parlais en mon nom personnel.

M. Saint-Germain: C'est une phrase qu'il ne devrait pas dire et je crois que la population lui demandera des comptes. De toute façon, vous n'avez pas à vous expliquer sur la recevabilité. A mon avis, M. le Président, vous avez très bien fait de recevoir ce sous-amendement, parce qu'il était logique et il veut bien dire ce qu'il veut bien dire. De toute façon, je n'abuserai pas de mon droit de parole, mais il faut tout de même constater que l'article 4 est fondamental dans ce projet de loi.

M. Grenier: Ce n'est pas inscrit au journal des Débats, mais on fait des menaces à notre député de Nicolet-Yamaska.

M. Roy: Nous sommes en train d'assister à un règlement hors cour.

M. Grenier: Cela ressemble à un règlement de comptes.

Le Président (M. Marcoux): Je vous proposerais d'écouter à nouveau les propos du député de Jacques-Cartier.

M. Saint-Germain: Je me servirai, M. le Président, de l'occasion qu'on me donne pour dire qu'à mon avis...

Le Président (M. Marcoux): Vous parlez du sous-amendement...

M. Saint-Germain: Je parle du sous-amendement.

Le Président (M. Marcoux): ... visant à supprimer les mots "la régie ou".

M. Saint-Germain: ... Mme le ministre a bien fait de déclarer que même si vous avez accepté ce sous-amendement, elle ne relirait pas les passages de ce volumineux volume qu'elle nous a donné tout à l'heure, parce que je crois sincèrement que cette lecture n'était tout simplement pas en concordance avec le sujet dont nous discutons. Nous avons toujours soutenu que les décisions que la régie ou la Commission des affaires sociales auront à prendre dépassent largement, et très largement, soit en importance ou par le genre, par l'éventail de décisions qu'elles devraient prendre, l'autorité ou le champ d'action qu'on donne habituellement à une commission administrative.

C'est là fondamentalement notre point de vue. Je ne répéterai pas le discours ni l'argumentation que j'ai faits ce matin. Mais il me semble qu'à sa face même, les responsabilités que les membres de la commission auront dépassent largement le mandat qu'on donne à une commission comme celle-ci.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse de vous interrompre, mais je ne suis pas convaincu que vos propos portent sur le sous-amendement.

Mme Payette: Je pourrais vous prêter mes livres, M. le Président.

M. Saint-Germain: Vous auriez dû, M. le Président, m'avertir avant, parce que j'ai terminé.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: Je veux vous rassurer tout de suite, M. le Président, je veux rassurer Mme le ministre aussi, je ne répéterai pas ce que j'ai dit tout à l'heure. J'en aurai d'autres occasions, sûrement.

Dans la motion de sous-amendement, sans vouloir faire un débat de procédure, la motion présentée par le député de Mégantic-Compton, me semble très claire. Dans la motion d'amendement, on disait: La régie ou la Commission des affaires sociales. Il n'a pas été de notre intention, du moins pas la mienne, de proposer que les décisions rendues par la Régie de l'assurance automobile soient portées devant les tribunaux de droit commun.

Ce que nous avons demandé, c'est qu'il y ait une soupape additionnelle qui permettra aux citoyens d'être entendus et de ne pas être soumis à la décision trop arbitraire de la Commission des affaires sociales.

L'amendement du député de Mégantic-Compton a pour effet de limiter le droit de recours une fois que l'instance, qu'on appelle la Commission des affaires sociales, aura été entendue. Pour donner un autre argument à l'appui de cette motion, je vais me référer aux deux documents que Mme le ministre a lus tout à l'heure.

Il y a deux grands éléments qui se dégagent des documents que Mme le ministre a lus: L'efficacité administrative, d'une part, versus le droit de recours du citoyen. Il est évident que les deux documents lus par Mme le ministre, du moins les paragraphes qu'elle nous a cités, favorisent l'efficacité administrative.

Ce que nous soutenons comme principe, c'est le droit de recours du citoyen c'est cela qu'on favorise. Les tribunaux de droit administratif comme la Commission des affaires sociales... Je ne porte pas de jugement à l'endroit de la Commission des affaires sociales, je parle tout simplement de ce genre de tribunal administratif, quel qu'il soit, et je fais abstraction des individus qui composent et forment ces tribunaux.

C'est un principe. Actuellement, ces tribunaux d'administration ont toujours choisi l'efficacité administrative au lieu de s'interroger et d'examiner, comme première préoccupation, le droit de recours du citoyen. C'est à cela que nous en avons et c'est la raison pour laquelle le gouvernement devrait accepter la recommandation qu'on lui fait. Je n'interviendrai plus sur cette question. Il y a quand même d'autres articles à discuter dans ce projet de loi, même si le gouvernement veut absolument aller dans cette direction et décider de l'efficacité administrative au-dessus des droits de recours du citoyen, du droit d'être entendu. Même s'il n'y avait même pas 1%, peut-être même pas un dixième de 1% des causes entendues devant la régie qui pourraient éventuellement être portées devant un tribunal de droit commun, ce qui constitue une infime minorité, je dis qu'il y a une soupape qui m'apparaît essentielle à l'exercice d'une saine démocratie et à la sauvegarde des droits du ci- toyen, si on veut effectivement faire en sorte que ce régime d'assurance automobile vise à améliorer le régime d'indemnisation.

J'appuie le sous-amendement proposé par mon collègue de Mégantic-Compton, en espérant qu'il sera agréé par la commission, afin qu'on puisse passer à un autre article.

Le Président (M. Marcoux): Je vais maintenant appeler au vote le sous-amendement visant à supprimer, dans l'amendement, les mots "la régie ou". Est-ce que le sous-amendement est adopté?

M. Saint-Germain: Vote enregistré.

Le Président (M. Marcoux): M. Beauséjour?

M. Beauséjour: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Bisaillon? M. Gagnon?

M. Gagnon: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Gosselin? M. Grenier (Mégantic-Compton)?

M. Grenier: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Laberge?

M. Laberge: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Lalonde? M. Paquette? M. Giasson?

M. Giasson: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Lefebvre?

M. Lefebvre: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Rancourt? M. Marquis?

M. Marquis: Contre.

Le Président (M. Marcoux): Mme Payette?

Mme Payette: Contre.

Le Président (M. Marcoux): M. Raynauld?

M. Raynauld: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Roy?

M. Roy: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Fontaine?

M. Fontaine: Pour.

Le Président (M. Marcoux): M. Saint-Germain?

M. Saint-Germain: Pour.

Le Président (M. Marcoux): Jonquière? M. Vaillancourt?

M. Vaillancourt (Jonquière): Jonquière est contre et Vaillancourt est contre.

Le Président (M. Marcoux): Le sous-amendement est rejeté.

M. Roy: Le vote, je veux avoir le résultat du vote.

Le Président (M. Marcoux): Contre: 7— Pour: 6

J'appelle l'amendement suivant: "Que le premier alinéa de l'article 4 soit modifié en ajoutant, après le mot "justice" à la sixième ligne, les mots "sauf un recours d'appel devant un tribunal de droit commun sur une question d'appréciation ou de quantum déterminé par la Régie ou la Commission des affaires sociales en deça des indemnités maximales prévues dans le projet de loi.

M. Vaillancourt (Jonquière): Même vote.

Le Président (M. Marcoux): Même vote. L'amendement est rejeté. Nous revenons à l'article 4 tel que modifié.

Mme Payette: Adopté.

M. Saint-Germain: M. le Président...

Une Voix: Ce n'est pas le vote.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que... Mme Payette: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je ne procède jamais à la hâte...

Mme Payette: Vous êtes moins vite. M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): ... quand je ne suis pas certain de mon affaire.

M. Saint-Germain: M. le Président...

Le Président (M. Marcoux): Un instant! Mme Payette:...

Le Président (M. Marcoux): Si j'ai la bonne feuille, oui. La parole était au député de Jacques-Cartier...

Mme Payette: Ce n'est pas une question de feuille.

Le Président (M. Marcoux): ... qui avait déjà treize minutes à son actif dans le débat sur l'article 4. Je crois qu'il lui en reste sept.

M. Saint-Germain: M. le Président, je crois que cet article — d'ailleurs nous avons déjà passé quelques heures à l'étudier — je ne suis absolument pas à la gêne...

Mme Payette: Ce n'est pas pressé.

Une Voix: On en a manqué des bouts nous autres.

M. Saint-Germain:... est un des principaux articles qu'il y a dans ce projet de loi. Tout de suite on voit apparaître une grave injustice pour tous les citoyens qui subiront des dommages qui excéderont le montant déterminé dans la loi. Il me semble absolument impensable qu'on enlève à tous les citoyens qui ont un revenu de $18 000 ou plus tout droit de recours, tout droit d'action. On les limite exclusivement à se prendre une assurance personnelle, s'ils veulent bien le faire, et pas seulement s'ils veulent bien le faire, s'ils peuvent l'obtenir à des taux abordables.

On semble croire que, dans un temps d'inflation comme aujourd'hui, un salaire qui dépasse $18 000 par année est nécessairement un gros revenu. On sait pertinemment que les gens qui gagnent $20 000, $25 000, $30 000 et même $35 000 par année, surtout avec le niveau d'impôt qu'on paie, s'ils ont le moindrement de responsabilités de famille... S'ils gagnent $35 000, ils peuvent vivre convenablement, mais il leur est absolument impossible d'avoir des économies qui leur garantissent une certaine sécurité s'ils perdent, du coup, les revenus que leur donne leur travail.

Dans une société comme la nôtre, les gens qui peuvent vivre sans travailler, soient-ils des descendants de familles à l'aise, très rares sont ceux qui peuvent vivre des économies accumulées par les générations précédentes ou par des économies accumulées par leur propre travail. Il me semble absolument évident que des gens qui gagnent $20 000, $25 000, $30 000 et $35 000 par année ont assurément besoin d'une protection. Il me semble que, si le projet de loi n'est pas modifié et si ces gens ont un accident, cela pourrait être, pour plusieurs, et je dirais même pour la majorité, catastrophique. Ces gens seront obligés de diminuer leur niveau de vie d'une façon plus qu'appréciable, d'une façon exagérée, ce qui pourra leur créer des inconvénients sérieux, non seulement l'éducation des enfants pourra en souffrir, par exemple, mais cela pourra créer des difficultés dans les relations sociales ou les relations humaines qui existent à l'intérieur même d'une famille.

En conséquence, je ferais une motion d'amendement qui se lirait comme suit: Que le quatrième alinéa de l'article 4 soit modifié en remplaçant tous les mots, après le mot "victime", par ce qui suit: D'exercer un recours pour l'excédent de l'indemnité de base.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, est-ce que je pourrais vous demander d'attendre avant que vous rendiez une décision?

Le Président (M. Marcoux): Oui, avec plaisir. Ne soyez pas nerveux! Que le quatrième alinéa de l'article 4 soit modifié en remplaçant tous les mots, après le mot "victime", par ce qui suit: D'exercer un recours pour l'excédent de l'indemnité de base. Un instant!

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, sur la recevabilité, j'ai déjà eu l'occasion de faire une question de règlement sur un amendement semblable, mais rédigé de façon différente, ayant la même essence. Je pense que vous êtes lié, M. le Président, par une décision antérieurement rendue par la présidence, par un autre qui occupait ce fauteuil, et qui avait décidé qu'un amendement qui avait pour but d'établir un système de responsabilité était irrecevable parce qu'allant à l'encon-tre de l'article 3 de la loi 67 qui a été adopté, si je ne m'abuse, hier. Il est manifeste... D'ailleurs, je poserais la question au député de Jacques-Cartier, à savoir si ces recours se faisaient sur une base de responsabilité ou de non-responsabilité, et je serais convaincu qu'il me répondrait: sur une base de responsabilité. Il est manifeste que cela va à rencontre du principe établi à l'article 3, que cette loi a été adoptée en deuxième lecture avec ces principes, que les articles de notre règlement nous empêchent de modifier les principes d'un projet de loi qui a été adopté en deuxième lecture. Je vous réfère plus particulièrement, entre autres, à la décision — et je termine là-dessus — que la présidence a rendue hier matin sur une motion ayant comme conséquence de ramener le système de la responsabilité dans le projet de loi 67.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce qu'il y a d'autres membres d'autres partis qui désirent parler sur la recevabilité?

M. Raynauld: M. le Président, en ce qui concerne le premier argument selon lequel vous êtes lié par une décision antérieure, je vous rappelle que ce n'est vrai que si l'amendement est identique à celui d'hier, ce qui n'a pas été démontré.

Deuxièmement, sur le fond de la recevabilité, je voudrais insister auprès de vous pour vous faire voir que, lorsqu'on limite l'application d'un principe, on ne nie pas l'existence de ce principe. Ce que nous reconnaissons, c'est qu'il y a un principe d'absence de responsabilité pour un régime de base; nous acceptons ce principe de non-responsabilité. Nous en restreignons l'application au régime de base et il est tout à fait exact que l'objet de cet amendement, c'est d'enlever la responsabilité pour l'excédent de ce régime de base.

Je soutiens, et avec une profonde conviction, que de restreindre l'application d'un principe ne contrevient pas au principe, puisque cette loi est remplie — c'est bien normal — de modalités d'application de ce principe. Si, à chaque fois qu'on présente une restriction à l'application d'un principe, ces amendements sont irrecevables, autant arrêter maintenant la discussion puisque tout le projet de loi porte là-dessus. Un projet de loi, ce sont des modalités d'application. Par exemple, on a plusieurs exceptions à l'article 17. On indique, dans la loi, comment ce principe de non-responsabilité va s'appliquer, quelles vont être les indemnités versées. Toutes ces questions sont des questions d'application.

Je soutiens donc qu'un amendement qui vise, encore une fois, à respecter le principe de non-responsabilité pour le régime de base, est un amendement qui vient limiter l'application du principe, mais ne contredit pas ce principe. Je ne vois pas de quelle façon, par quel tour de raisonnement, par quel tour de passe-passe on peut faire croire aux membres de cette commission qu'un amendement qui limite ceci au régime de base puisse être une contradiction avec le principe lui-même.

Le Président (M. Marcoux): Brièvement, sur la recevabilité, parce que...

M. Roy: Sur la recevabilité, j'aurais préféré...

Le Président (M. Marcoux): ... je vais être très bien informé bientôt.

M. Roy:... que l'amendement ait été reçu, tout simplement pour qu'on puisse en disposer et que le gouvernement assume ses responsabilités et que l'Opposition prenne les siennes.

Je vais vous dire pourquoi je suis étonné que, du côté gouvernemental, on en fasse une motion de non-recevabilité.

Cet amendement, qui dit "que le quatrième alinéa de l'article 4 soit modifié en remplaçant tous les mots après le mot "victime" par ce qui suit: d'exercer un recours pour l'exercice de l'indemnité de base"; il ne vient pas changer grand-chose, c'est-à-dire qu'il ne vient pas changer le principe dans le projet de loi; parce que si je me réfère à l'article 7 que nous devrions probablement être appelés à discuter au cours des prochains jours, il est dit ceci: "La victime d'un accident survenu hors du Québec, qui a droit à l'indemnité prévue au présent titre, peut bénéficier de celle-ci tout en conservant ces recours pour l'excédent en vertu de la Loi du lieu de l'accident".

Il y a déjà un droit de recours qui est prévu. Lorsque l'accident survient en dehors du Québec, ça ne change pas le principe de la loi. Il ne faudrait quand même pas s'attaquer à toutes sortes de virgules pour faire des débats de procédure, parce que, à ce moment-là, je ne pense pas qu'on puisse en accuser l'Opposition.

Le gouvernement peut être d'accord ou non, ce qui est son droit strict, avec un amendement proposé par l'Opposition, mais qu'on arrête de discuter pendant des heures autour de la table pour savoir si l'amendement est recevable ou non.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Nicolet-Yamaska, très brièvement, sur la recevabilité.

M. Fontaine: Oui, très brièvement, M. le Président.

L'amendement, tel que proposé, qui se lit comme suit: ... "d'exercer un recours pour l'excédent de l'indemnité de base", permettrait d'exercer un recours devant les tribunaux de droit commun pour l'excédent des indemnités qui sont prévues dans le projet de loi 67. A l'article 3, M. le Président, on dit: "Ce que la régie, selon la loi, devra indemniser." On dit: "La victime d'un dommage corporel causé par une automobile est indemnisée par la régie, et suivant les dispositions du présent titre, sans égard à la responsabilité."

M. le Président, je comprends l'article 3 comme disant que la non-responsabilité, le "no-fault", ce principe de "no fault" qu'on a adopté en deuxième lecture, n'existe que dans la mesure où le présent titre s'applique; pour l'excédent, ce principe ne s'applique pas.

M. le Président, pour ces raisons, je pense que l'amendement, tel que proposé, serait recevable.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aurais une directive à vous demander.

M. Raynauld: M. le Président, le député de Jonquière a déjà parlé sur la recevabilité.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, j'aurais une directive à vous demander, ce n'est pas une question de règlement.

Le Président (M. Marcoux): Je ne peux présumer de ce que le député de Jonquière va me dire. S'il me demande une directive, je suis disposé à l'entendre.

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une question, M. le Président, ce n'est pas une affirmation.

M. Saint-Germain: Est-ce une directive ou une question?

M. Vaillancourt (Jonquière): C'est une question. Habituellement, une directive c'est une adresse au président, c'est une demande.

Le Président (M. Marcoux): Allez-y.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, ne serait-il pas souhaitable, compte tenu que vous devrez lire la décision qu'a rendue le président hier et que nous faisons face au même problème, que nous ajournions tout simplement nos travaux pour vous permettre de rendre une décision éclairée?

Le Président (M. Marcoux): Non, je suis prêt à rendre ma décision. Je crois que, à sa face même, il y a un principe qui est affirmé dans la loi. En ce qui concerne les dommages corporels, c'est le principe de la non-responsabilité pour toute indemnisation, pour tout dommage corporel; l'amendement contrevient à ce principe pour lequel la Chambre s'est déjà prononcée en deuxième lecture. C'est pourquoi je juge l'amendement non recevable.

M. Roy: ... continuons.

Le Président (M. Marcoux): Nous revenons à l'article 4, tel que proposé, de façon modifiée.

Mme Payette: Adopté.

M. Raynauld: Adopté. Tout le projet de loi est adopté, M. le Président. On n'a plus rien à discuter ici.

Mme Payette: Merci, M. le député d'Outremont.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que les membres de la commission...

M. Raynauld: On n'est jamais capable de discuter dans aucun débat, M. le Président. Chaque fois qu'on essaie de faire un débat sur le fond, on refuse les amendements, on les rend non receva-bles quant à la face même. C'est faux. C'est un amendement élémentaire qu'on apporte, une limitation au principe.

Mme Payette: M. le Président, il conteste votre décision.

Le Président (M. Marcoux): M. le député d'Outremont, vous remettez en question la décision du président quand vous dites que chaque fois que vous apportez un amendement sur le fond...

M. Raynauld: ... depuis hier, j'ai demandé et c'est recevable.

Le Président (M. Marcoux): ... le fond a été décidé en deuxième lecture par l'Assemblée nationale et comme président, je suis tenu de respecter les principes qui ont été votés en Assemblée nationale. Est-ce qu'il y a des députés qui veulent se prononcer sur l'article 4 tel que proposé dans sa modification.

M. Saint-Germain: M. le Président... Mme Payette: ... M. le Président.

M. Saint-Germain: ... il m'est difficile de continuer, mais puisqu'il le faut, il le faut. On aurait aimé, par un amendement, dire au gouvernement et dire à la population, quelle était notre politique concernant cette législation. Il y a des principes, M. le Président, inacceptables dans combien d'articles là-dedans. Je me demande bien où le gouvernement veut en venir en nous empêchant de faire le débat qui s'impose surtout sur l'article 4 qui est...

Mme Payette: M. le Président, il conteste votre décision à nouveau.

M. Saint-Germain: Je ne critique pas la décision du président, je dis...

Mme Payette: C'est le président qui a empêché la recevabilité de cet amendement et pas le gouvernement.

M. Saint-Germain: J'ai le droit de parler sur les droits de recours. Tout est dans l'article 4, les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits, recours et droits d'action. Et des principes il y en a plein l'article. Alors, je dis qu'on rend là une injustice pour tous les gens qui gagnent $18 000 et plus. D'autant plus que je crois que le dernier article ici est tout à fait farfelu, il ne donne rien, il n'explique rien et je fais une motion d'amendement pour que le troisième alinéa, pour ce qui regarde l'article 17, de l'article 4, soit retranché. On fera la même motion pour le dernier paragraphe.

M. Vaillancourt (Jonquière): M. le Président, une question de règlement. C'est sur la recevabilité. En vertu de l'article 70 de notre règlement, un amendement ne peut avoir que les objets suivants: retrancher, ajouter des mots ou les remplacer par d'autres.

Il est irrecevable si son effet est d'écarter la question principale sur laquelle il a été proposé et il en est de même d'un sous-amendement par rapport à un amendement.

M. Saint-Germain: Sur la recevabilité, c'est exactement ce que la motion fait, elle enlève du projet de loi un ensemble de mots et c'est le troisième paragraphe, M. le Président, parce que nous le croyons non nécessaire à ce stade de nos travaux et nous voulons que certains éléments qui sont contenus dans l'article 17 soient assurés par ce plan d'assurance. C'est la raison pour laquelle nous voulons que le troisième paragraphe soit re- tranché. Il n'y a là, j'imagine bien, à sa face même, aucun principe. Le gouvernement veut limiter l'application de sa loi et nous voulons l'élargir, tout simplement.

C'est exclusivement une modalité d'application.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que d'autres membres veulent se prononcer sur la recevabilité?

M. Giasson: Sur la recevabilité, au-delà des motifs ou de l'argumentation évoquée par le député de Jonquière, je crois que l'ensemble du contenu de l'article 4 doit être pris comme une entité et le retrait du troisième alinéa ne change aucunement le principe de base que nous retrouvons à l'article 4, principe de base qui se lit surtout au premier alinéa.

Personnellement, j'appuie cette motion, je crois que c'est recevable, parce qu'il y a des dispositions dans l'article 17 et le retrait de cet alinéa 3 a comme référence l'article 17 et il y a des dispositions dans l'article 17 qui m'apparaissent inacceptables. On ne biffe pas la totalité ou l'entité complète de l'article 4, c'est seulement un des alinéas. Il m'apparaît que cet amendement proposé par le député de Jacques-Cartier serait recevable.

Le Président (M. Marcoux): Je constate qu'il est 22 heures et que, selon l'ordre de la Chambre, nous devons terminer nos travaux maintenant. Je me prononcerai sur la recevabilité de l'amendement proposé à l'ouverture de nos travaux, demain matin, 10 heures, à la salle 91-A. La commission ajourne ses travaux à 10 heures, demain matin.

(Fin de la séance à 22 h 1)

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