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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le vendredi 13 novembre 2009 - Vol. 41 N° 8

Interpellation : Les conséquences du jugement de la Cour suprême du Canada invalidant certaines dispositions de la Charte de la langue française


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Table des matières

Journal des débats

(Dix heures une minute)

Le Président (M. Marsan): À l'ordre, s'il vous plaît! Je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir fermer la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Je rappelle le mandat de la commission. La commission est réunie afin de procéder à l'interpellation du député de Borduas adressée à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine sur le sujet suivant: Les conséquences du jugement de la Cour suprême du Canada invalidant certaines dispositions de la Charte de la langue française.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. M. Gautrin (Verdun) remplace M. Bernard (Rouyn-Noranda? Témiscamingue); M. Moreau (Châteauguay) remplace Mme Charbonneau (Mille-Îles); et M. Cloutier (Lac-Saint-Jean) remplace Mme Champagne (Champlain).

Le Président (M. Marsan): Merci. Je vous rappelle brièvement le déroulement d'une séance d'interpellation. Dans un premier temps, le député qui a demandé l'interpellation, le député de Borduas, aura un temps de parole de 10 minutes, suivi de la ministre, qui a également un temps de parole de 10 minutes. Par la suite, des périodes de cinq minutes seront allouées selon la séquence suivante: un député de l'opposition, la ministre, un député du groupe ministériel. J'accorderai par la suite un 10 minutes de conclusion à la ministre, suivi d'un temps équivalent au député de Borduas.

Finalement, le débat ne peut, à moins d'un consentement, dépasser midi, et j'ai l'impression... Deux minutes, c'est ça? Alors, ainsi, comme la séance a débuté à 10 h 2, y a-t-il consentement pour poursuivre nos travaux au-delà de midi, soit 12 h 2? Je comprends que tout le monde est d'accord.

Sur ce, M. le député de Borduas, vous avez la parole pour 10 minutes.

Exposé du sujet

M. Pierre Curzi

M. Curzi: Merci, M. le Président. Permettez-moi, d'abord, de saluer la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française ainsi que ses collègues et de saluer de même mon collègue du comté du Lac-Saint-Jean ? moi, j'ai de la misère avec les comtés.

M. le Président, nous avons demandé cette interpellation avec des buts extrêmement clairs, et je voudrais rappeler les deux buts que nous visons ce matin, lors de cette interpellation. Le but de notre interpellation, c'est de convaincre le gouvernement actuel d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées, d'une part. Évidemment, je vais faire un certain historique et je vais essayer de démontrer clairement ce qui est à peu près clair pour l'ensemble de la société civile actuellement, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'une seule façon de contrer ce jugement de la Cour suprême, de le résoudre, c'est d'appliquer la loi 101, d'une part.

D'autre part, ce dont nous voulons convaincre le gouvernement aussi, c'est d'appliquer la clause dérogatoire, c'est-à-dire d'inclure dans cette loi 101 là la clause dérogatoire, et c'est la raison qui explique la présence de mon collègue du comté de Saint-Jean, dont c'est la spécialité.

Une voix: ...

M. Curzi: Hein?

Une voix: ...

M. Curzi: Lac-Saint-Jean, voilà. C'est assez intéressant de faire un petit historique. Dès qu'on s'intéresse à cette question de la loi n° 104, du jugement qui vient d'être décidé par la Cour suprême, on est appelé à faire un retour historique, et c'est ce que je vais essayer de faire assez brièvement. Quand on regarde l'histoire de la loi... en fait, quand on regarde l'histoire de la langue au Québec et depuis... Dans un certain cas, on remonte jusqu'en 1910, mais, dans le fond, on sait que l'histoire de la langue française débute quelque part autour des années soixante-neuf, essentiellement par ce qu'on appelait à l'époque le bill 63. Et tous ceux de ma génération et bien des gens se souviennent que ce bill-là avait entraîné... On appelait ça «le bill», il faut voir à quel point on a évolué. La loi 63 a entraîné des mouvements de masse, a entraîné des manifestations dont on se souvient tous. Il y avait, à ce moment-là, une très forte mobilisation dès qu'il était question de la langue. Je pense que cette mobilisation-là, elle existe toujours. D'une façon peut-être moins manifeste, mais le souci de la langue au Québec, il est partagé d'une façon incroyable. Est-ce que cette horloge-là indique le temps?

Le Président (M. Marsan): Il vous reste sept minutes.

M. Curzi: Bon sang! Bon, alors, je vais aller très rapidement pour faire l'historique. Écoutez...

Une voix: ...

M. Curzi: Ah! il reste sept minutes. Ah bon! j'ai eu peur parce que, là, je ne comprenais plus rien. Mais, en 1969, il y a eu la loi 63, la Loi pour promouvoir la langue française au Québec. C'était faire du français la langue de travail, la langue dans l'affichage public et faire du français la langue d'usage dans le réseau scolaire. En 1974, on s'en souviendra, la loi 22, la Loi sur la langue officielle, qui a été passée par le gouvernement libéral à ce moment-là, M. Bourassa, qui impose l'usage du français dans l'affichage public. Bon, les entreprises qui veulent communiquer, traiter avec l'État doivent avoir des programmes de francisation, et on se souvient de l'incroyable tourmente dans laquelle cette loi 22 avait plongé le Québec.

En 1977, enfin arrive la Charte de la langue française, la loi 101, et du regretté Camille Laurin, et Camille Laurin avait enfin accouché, avec l'aide des gens qui l'entouraient, d'une loi qui a apporté au Québec une espèce de paix linguistique qui a duré, je dirais, pendant facilement 30 ans. Cette loi-là, cependant, elle a été attaquée de toutes parts, par la Cour suprême principalement. Cette loi-là, elle a été attaquée en 1979 par l'arrêt Blaikie. La Cour suprême rend inopérants les articles 7 à 13 de la Charte de la langue française. Elle a été attaquée surtout en 1982, la Charte canadienne... par la Charte canadienne des droits qui, avec l'article 23 et la clause Canada, venait d'attaquer directement le coeur même de la loi 101. Ça a été attaqué par la Cour suprême, un autre jugement, en 1984. La Cour suprême est encore intervenue à plusieurs autres moments.

On voit que la loi 101, elle a dû être revue à de multiples occasions, en 1983, en 1984, en 1988, la loi 178, en 1992. À chaque fois... Et tous les aspects centraux de la loi 101 ont été attaqués par la Cour suprême et par des gens qui voulaient fondamentalement nous priver d'une volonté manifeste et partagée par l'ensemble des Québécois de faire de la langue française non seulement une langue officielle, mais la langue de l'enseignement, la langue du travail, la langue de l'Administration, la langue de l'affichage. Ces droits fondamentaux là, cette revendication fondamentale, elle est constamment contrainte et attaquée, et c'est dans ce contexte-là que la loi n° 104 est arrivée pour empêcher une autre dérive, c'est-à-dire ce qui avait été, en quelque sorte, négligé pour des raisons sur lesquelles je ne veux pas me prononcer. Mais on avait négligé de colmater une brèche, et cette brèche-là, d'un accord unanime de l'Assemblée nationale, en 2002, on a décidé que la loi n° 104 boucherait cet accès, ces écoles passerelles qui permettaient à des gens d'acheter littéralement le droit à une éducation anglaise par le passage d'une école passerelle. Et, d'une façon unanime, l'Assemblée nationale avait décidé de fermer cette ouverture-là.

Le jugement de la Cour suprême vient donc, à la suite d'un nombre important de jugements, encore une fois, toucher le coeur même de notre volonté démocratique et entièrement partagée non seulement de vivre en français, mais que cette vie en français là s'exprime d'une façon légale dans tous les aspects de notre vie. Donc, ce jugement de la Cour suprême est une attaque directe à notre volonté collective. Et, lorsque l'on examine le jugement et qu'on l'examine avec soin, on se rend compte que le délai qui a été accordé par la Cour suprême, d'un an et un jour, est, en fait, un piège. Et c'est un piège dans lequel on ne veut pas que le gouvernement ? et, quand je parle du gouvernement, dans ce cas-là c'est partagé par tous les partis qui siègent à l'Assemblée ? on ne souhaite pas que le gouvernement soit pris dans ce piège-là qui va le contraindre à essayer de définir des critères totalement inapplicables et qui va amener le gouvernement, l'ensemble des intelligences de tous les fonctionnaires... et le travail que les gens du ministère de l'Éducation puis du ministère de la Justice, du Secrétariat à la langue vont être obligés d'apporter pour tenter de répondre au cas-par-cas. Et c'est ça, c'est ce vers quoi on va si on n'agit pas maintenant, au cas-par-cas, traiter chacune des personnes qui revendiquera d'avoir un parcours scolaire authentique pour obtenir un droit qu'elle devra défrayer, d'acheter un droit à l'éducation anglaise pour cet enfant-là, pour ses frères et ses soeurs et pour l'ensemble de sa descendance. C'est absolument aberrant.

n (10 h 10) n

L'idée d'appliquer la loi 101 serait tout simplement de permettre que l'article 73 s'applique aux écoles non subventionnées. C'est donc dire fermer cette porte de l'accès au système d'éducation en anglais pour les gens qui n'y ont pas droit par l'intermédiaire des écoles privées non subventionnées. C'est donc revenir à l'esprit même de la loi 101 et au consensus général des gens au Québec.

La raison pour laquelle on demande que ce soit fait maintenant, c'est parce que, si le gouvernement veut envoyer un signe clair que c'est maintenant qu'il faut agir, on va s'épargner non seulement une année complète de dérive et de travail inutile, mais en plus on va pouvoir réaffirmer clairement, en quelque sorte, réinstaurer cette paix linguistique que tout le monde recherche. Il est clair que, dans l'application de la loi 101... Et je vais laisser à mon collègue le soin d'expliquer l'ajout ou l'intégration de la clause dérogatoire à l'application de la loi 101, c'est plus son domaine, mais il est clair que, si on agit maintenant, non seulement on agira en accord, les deux partis conjointement, mais en plus on sera en accord avec l'ensemble des groupes de la société civile, non seulement les groupes qui défendent la langue, mais tous les groupes qui défendent carrément la notion de nation québécoise. Et cette notion de nation, elle est absolument partagée. Les syndicats, les spécialistes, les universitaires, les gens qui ont à coeur la langue française, tout le monde est unanime pour dire: Voilà la seule solution réellement applicable maintenant.

Alors, la demande que nous faisons ? et c'est une demande tout à fait... non seulement légitime, mais une demande, je dirais, généreuse ? c'est: Nous souhaitons que le gouvernement décide et nous dise que, dans ses options, actuellement, il envisage clairement d'appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Voilà, M. le Président, à 30 secondes près, la fin de mon discours.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député de Borduas. Je vais maintenant reconnaître la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour 10 minutes. Mme la ministre.

Réponse de la ministre

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Bonjour, monsieur... Merci, M. le Président. Tout d'abord, bonjour à mon collègue député de Borduas et l'équipe qui l'accompagne. Merci également à l'équipe qui m'accompagne ce matin.

Alors, c'est intéressant de discuter pendant ces deux heures de la Charte de la langue française parce que ça nous amène à avoir une discussion de fond. Et je suis très heureuse d'être ici ce matin, nous allons pouvoir prendre note, tenir compte et prendre en note toutes les recommandations et suggestions que l'opposition officielle nous fera ce matin, et ça va nous faire plaisir, évidemment, d'analyser toutes les suggestions.

L'opposition officielle, évidemment, a choisi de présenter sa solution à la problématique soulevée par le jugement de la Cour suprême. Par ailleurs, je suis un peu étonnée... même très étonnée du choix que fait l'opposition officielle aujourd'hui de présenter cette solution de modification de la charte, alors qu'ils prétendent consulter leurs membres sur ce sujet la semaine prochaine. On sait que, la semaine prochaine, l'opposition officielle, le Parti québécois, tient un colloque, et on pose certaines questions aux militants. Donc, ce qu'on perçoit de leur attitude, c'est: Ah bon! on pose des questions aux militants, mais on a déjà la solution. Alors, vous allez... On sait ce qu'on veut faire, mais venez donc discuter avec nous. C'est un petit peu, il me semble, un petit peu bizarre par rapport au comportement qu'un parti doit avoir face à ses militants parce que ce que les militants disent, souvent, c'est important de l'entendre, et d'en prendre note, et de l'analyser.

De notre côté, ainsi que nous l'avons déjà indiqué à maintes reprises, cette question est fort importante, et le gouvernement n'agira pas, comme le Parti québécois, dans la précipitation. Je crois que la réflexion doit précéder l'action, en particulier dans le cas qui nous occupe ici, à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada le 22 octobre dernier. Il faut être studieux, il faut de la rigueur, il faut analyser. Il faut analyser toutes les options qui sont sur la table avec rigueur. Nous prendrons le temps requis pour analyser la situation et nous proposer une solution qui est... ainsi que l'a indiqué le premier ministre, sera le reflet de nos valeurs québécoises, les valeurs que tous le Québécois partagent, et ça inclut au premier rang, bien sûr, la primauté du français dans la société québécoise et pour le peuple québécois. Les équipes du Secrétariat à la politique linguistique, des ministère de la Justice ? je l'ai dit à plusieurs reprises ? ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport avaient déjà entrepris, avant même le jugement, des travaux de réflexion, bien sûr, et ces équipes poursuivent maintenant, à la lumière du jugement... cherchent, à la lumière des conclusions du jugement de la Cour suprême et de cette décision... donc, ils analysent les orientations que mes collègues et moi leur avons données.

Nous voulons étudier tous les scénarios, je l'ai dit à plusieurs reprises, je le répète, et nous opterons, en tant que gouvernement, pour la solution qui sera la meilleure pour les intérêts de la nation québécoise. Je souligne encore que la Cour suprême du Canada a dit que le gouvernement était légitime d'agir dans ce dossier, que des écoles passerelles, évidemment, c'est un subterfuge pour acquérir un droit constitutionnel, c'est un détour, c'est une façon qui... Donc, l'école passerelle est jugée une façon détournée d'aller chercher un droit.

Une solution qui s'inscrira... lorsqu'on arrivera à la solution, qui s'inscrira dans le respect des droits et libertés de la personne. Nous sommes dans une société libre et démocratique. Et on n'a qu'à s'intéresser à ce qui se passe sur la planète pour voir que, lorsque nous vivons dans une société de droit et de liberté et une société démocratique, nous sommes des êtres chanceux. Alors, ce sont des choses aussi qu'il faut respecter, c'est des valeurs qui sont importantes.

Et il faut aussi préserver, évidemment, le caractère essentiel de notre politique linguistique, c'est évident. J'ai, évidemment, un très grand attachement à la langue française, qui est la langue officielle du Québec. Cet attachement découle, évidemment, de mon histoire personnelle, mais aussi découle de la détermination dont ont fait preuve plusieurs générations de Québécois et de Québécoises, mes parents, les vôtres, les vôtres, tous, toutes les personnes qui sont ici et les générations antérieures, depuis plus de 400 ans, pour vivre en français au Québec, et c'est cet héritage, évidemment, que nous voulons... que nous avons que nous allons protéger. Comme l'a déjà dit le premier ministre, notre situation démolinguistique et géopolitique constitue un défi lancé à la loi du nombre et du temps dont découle une responsabilité à la fois morale, historique de promouvoir le français.

Dans son jugement, la plus haute cour du pays a déclaré inconstitutionnels les alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Charte de la langue française, tout comme l'avait fait avant elle la Cour d'appel du Québec dans un jugement daté du 22 août 2007. Nous avons décidé, à la suite du jugement de la Cour d'appel, d'aller devant la Cour suprême du Canada. Les juristes ont travaillé très fort, nous avons plaidé pour le maintien de la loi n° 104. Maintenant, nous avons un jugement qui a invalidé cette loi et nous allons continuer à travailler pour trouver une solution.

Alors, la Cour suprême, cependant, a suspendu l'effet de cette déclaration d'invalidité pour un an à compter de la date du jugement. Mon collègue député de Borduas parle d'un piège. Je vais lui rappeler certaines dates de leur côté aussi parce qu'évidemment il faut analyser aussi... On parle d'histoire, c'est important puis c'est important de rappeler ça, mais on va analyser également tout le contexte de la loi n° 104 et certains travaux, peut-être, d'analyse qu'ils ont, à ce moment-là... Lorsqu'ils ont préparé ce projet de loi là, ils ont sûrement fait des analyses sur différents scénarios, pourquoi tel scénario, pourquoi pas tel autre, et pourquoi on arrive à la loi n° 104.

n (10 h 20) n

Alors, la loi n° 104 ? puis ça, c'est important, les dates, ici, là ? a été sanctionnée de 13 juin 2002. Donc, 13 juin 2002, nous arrivons à la fin de l'année scolaire 2002. Et, lorsqu'on va voir à l'article 49 de loi n° 104 ? c'est l'article qui détermine à quel moment la loi entre en vigueur ? elle entre en vigueur, M. le Président, le 1er octobre 2002. Ils laissent passer, de ce côté-là, ils laissent passer la rentrée scolaire, ils laissent passer les passerelles. La loi est sanctionnée le 13 juin 2002, elle entre en vigueur le 1er octobre 2002. Ça fait, je pense, pas mal d'enfants qui ont obtenu la passerelle à ce moment-là. Ils ont n'ont pas cru bon... Moi, j'aimerais bien qu'on m'explique ça. Il y a certainement une explication, je n'en doute pas, qui sera très, très logique, mais c'est des questions qu'on se pose.

On se pose aussi les questions... Pourquoi, à cette époque, la solution qu'ils proposent... Monsieur rit, bien ça, c'est normal. Pourquoi, cette solution qu'ils proposent ce matin, ils ne l'ont pas utilisée à cette époque-là? Pourquoi, lors de 104, le scénario qu'ils présentent... que notre éminent constitutionnaliste va nous présenter, pourquoi, à ce moment-là, vous ne l'avez pas fait? Aviez-vous des analyses? Aviez-vous des avis juridiques? Aviez-vous des choses qui vous disaient de le faire ou de ne pas le faire? Il y a certainement eu des recherches parce qu'un projet de loi, là, ça ne s'écrit pas sur un coin de table, là. Un projet de loi, ça s'écrit, ça s'analyse, et on regarde tous les tenants et aboutissants. Et même les questions leur étaient posées aussi: Est-ce que vous avez la certitude que ce projet de loi là, le projet n° 104, passe le test de la constitutionnalité? Et on arrivera tout à l'heure avec des éléments très intéressants.

Il me reste une minute seulement. Donc, c'est des questions. Je vous laisse sur ces questions-là. Avez-vous analysé? Si oui, pourquoi vous ne l'avez pas fait? Est-ce que ça a été jugé trop abusif à ce moment-là? Est-ce qu'il y avait des réflexions qui se faisaient? Il me semble qu'il y a des choses, moi, sur l'histoire... Puisque mon collègue de Borduas parle d'histoire, moi aussi, j'aime beaucoup l'histoire, je connais bien, d'ailleurs, mon histoire, j'aimerais bien qu'on m'éclaire. On a besoin, et puis c'est ce qu'ils viennent faire ce matin... Et c'est pour ça que, ce matin, on nous dit de venir ici, puis c'est bon, c'est une bonne chose parce qu'on va avoir une belle, une bonne discussion, ils vont répondre à nos questions parce qu'ils étaient, à ce moment-là, en 2002, en mesure de faire toutes les analyses, toutes les analyses, tout devait être sur la table. Alors, ça va me faire plaisir de continuer tout à l'heure. Merci.

Argumentation

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, Mme la ministre. Nous allons maintenant commencer nos échanges de cinq minutes. Je vous rappelle qu'il y a cinq minutes pour le député de l'opposition, cinq minutes pour la ministre et cinq minutes pour un député du groupe ministériel. Alors, je vais immédiatement reconnaître M. le député du Lac-Saint-Jean.

M. Cloutier: ...député de Lac-Saint-Jean, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): De Lac-Saint-Jean, et le porte-parole en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Cloutier: Exactement.

Le Président (M. Marsan): M. le député, la parole est à vous.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président. Permettez-moi, d'abord, de saluer Mme la ministre de même que le député de Châteauguay, avec qui j'ai la chance de discuter à tous les vendredis maintenant, et le député de Verdun bien sûr, et toute l'équipe qui accompagne la ministre. Mme la ministre, ça va nous faire plaisir de vous répondre... de répondre, pardon, à vos questions que vous avez soulevées. Ça nous fait aussi plaisir de vous présenter, ce matin, deux solutions. On en a déjà présenté une puis, un petit peu plus tard durant l'interpellation, aujourd'hui, on va vous en soumettre une deuxième.

Dans les deux cas, ça nous fera plaisir de les regarder en détail. Mais vous nous avez un peu reproché... Pas un peu, je pense que vous nous avez reproché, dans vos propos, de vous soumettre des solutions, vous avez fait référence au congrès qu'on va avoir la semaine dernière, mais j'aimerais ça relire vos propres propos de mercredi que vous nous avez tenus en Chambre où vous nous avez dit: «Alors, vendredi, nous allons en discuter, puis ça va me faire plaisir [d'entendre] vos solutions.» Alors, aujourd'hui, ce matin, ça nous fait plaisir de vous présenter ces solutions et d'en discuter avec vous.

Je veux juste aussi vous rappeler... Vous dites que le gouvernement n'écrira pas ses solutions sur le coin d'une table, je veux juste vous rappeler, là, que Robert Bourassa... Savez-vous comment de temps il a pris pour répondre avec la loi 178 suite au jugement de la décision de la Cour suprême, M. le Président? Le gouvernement du premier ministre Robert Bourassa a pris sept jours pour répondre au jugement de la Cour suprême, il a répondu... À ce moment-là, il a eu le courage de présenter des amendements à la Charte de la langue française en utilisant la clause «nonobstant».

Ce matin, on a eu la chance, mon collègue de Borduas et moi, de présenter une solution au gouvernement, c'est-à-dire d'étendre l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées mais, en plus, d'y ajouter une protection qui est celle d'utiliser la clause «nonobstant». Puis là peut-être que les gens du gouvernement sont informés, peut-être qu'ils ont déjà eu les avis juridiques en conséquence, mais la raison pour laquelle on vous soumet d'utiliser la clause «nonobstant», c'est simplement parce que Brent Tyler et d'autres ont déjà indiqué que, si le gouvernement du Québec étendait l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées, que cette loi-là allait être contestée devant les tribunaux.

Alors, nous, ce qu'on vous dit, c'est: Il faut prévoir cette situation-là et la régler d'avance. Et une des façons de la régler d'avance, c'est d'appliquer la clause «nonobstant». Alors là, est-ce que vous allez nous répondre: Mais non, la clause «nonobstant» ne peut pas s'appliquer? Bien sûr qu'elle peut s'appliquer. Elle s'applique parce que ce ne serait plus l'article 23 qui serait en cause, mais plutôt probablement le droit à la liberté, semble-t-il, c'est ce que les experts nous disent, article 7 dans le cas de la Charte canadienne ou l'article premier ou 3 de la charte québécoise. Alors là, on pourrait utiliser la clause «nonobstant» pour ces deux avenues-là, ce qui nous permet d'avoir... donc, de corriger la situation, de mettre la ceinture puis de rajouter les brettelles. Parce que les experts nous disent aussi que, si on n'utilisait pas la clause «nonobstant», ce serait contesté, mais ça ne veut pas dire qu'on gagnerait en cour. Alors, pour éviter, là, que les Québécois, là, paient des frais d'avocat puis qu'on s'enlise dans un processus judiciaire qui ne finit plus, nous, ce qu'on suggère au gouvernement du Québec, c'est d'utiliser dès maintenant la clause «nonobstant».

Je mets en garde aussi le gouvernement de dire que nos solutions ont été écrites sur le coin d'une table. Le gouvernement a certainement vu la proposition qui a été soumise par le doyen de la Faculté de droit de l'Université de Sherbrooke, qui est un éminent savant en... particulièrement sur la charte québécoise des droits et libertés, de même que le Pr Jose Woehrling, de l'Université de Montréal, qui, dès 2007, demandait au gouvernement du Québec d'étendre l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées.

Juste rappeler qu'en 1988 Robert Bourassa, là... l'ancien premier ministre, pardon, a eu le courage, a eu le courage d'utiliser la clause «nonobstant» pour régler, une fois pour toutes, la question de l'affichage. Nous, ce qu'on demande au gouvernement du Québec, là, c'est... Pour clore ce débat des écoles passerelles, ça nous apparaît la meilleure solution d'appliquer la clause «nonobstant» et à la Charte canadienne et à la charte québécoise des droits et libertés. Comme je le disais tout à l'heure, le gouvernement de M. Bourassa a réagi avec beaucoup de diligence, je dirais, pour régler la question lorsqu'elle s'est posée en 1988, puis on s'attend exactement à la même chose de la part du gouvernement du Québec. Alors, la meilleure façon, là, de boucler la boucle, de régler le débat, c'est vraiment de procéder en utilisant la clause «nonobstant».

Puis, tout à l'heure, là, au fil de nos discussions, on vous proposera une autre solution qui, elle, s'inscrit plus dans le court, moyen terme. Alors, celle-là, très court terme, on peut la régler une fois pour toutes, puis, tout à l'heure, on discutera d'une autre solution, court, moyen terme, qui, là, serait encore beaucoup plus enveloppante, beaucoup plus globale, qui nous permettrait, on le croit, de régler la question de la protection de la prédominance de la langue française au Québec. Mais de reconnaître ce droit-là à l'Assemblée nationale, on y reviendra.

Le Président (M. Marsan): Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine pour cinq minutes. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. On parle de 1988, et ça m'étonne, de la part d'un éminent constitutionnaliste, de dire qu'il y a eu un agissement en sept jours. Il faut qu'il se rappelle qu'il y avait un vide juridique. On était vis-à-vis un vide juridique, donc il fallait agir. Maintenant, nous avons la loi n° 104. Elle s'applique encore, alors, s'applique encore pour une année. C'est ça, la... On ne peut pas comparer les deux dossiers dans ce dossier-là ce matin.

Moi, je demande encore... Et vous n'avez pas vraiment répondu à ma question: Pourquoi, la solution que vous proposez ce matin, vous ne l'avez pas utilisée lors de 104? Ça m'apparaît clair que vous pouviez analyser cette situation-là, j'imagine. Alors, ça va être intéressant de continuer à vous entendre là-dessus.

Il y a eu beaucoup de commentaires, et on veut faire la démonstration ce matin très clairement devant les gens qui nous écoutent que c'est, évidemment, un sujet où il faut avoir énormément de rigueur. Il y a beaucoup d'opinions aussi qui ont été émises, et on les étudie, on regarde beaucoup de scénarios, et tous les scénarios sont sur la table.

n (10 h 30) n

Et il y a eu plusieurs commentateurs qui ont commenté, évidemment, le jugement depuis qu'il a été rendu par la Cour suprême du Canada. Par exemple, le professeur de droit Stéphane Beaulac, de l'Université de Montréal, estime que la cour a rendu un jugement modéré, lui, de son côté, et il rappelle que le cas-par-cas existe déjà et qu'avec ce jugement il y aura des critères supplémentaires pour orienter un pouvoir supplémentaire des fonctionnaires.

Certains juristes estiment cependant, et ça... que l'approche qualitative visant à évaluer l'admissibilité au cas-par-cas est problématique du fait de son caractère subjectif, qui amène à examiner chaque demande de cas de chaque famille afin de déterminer l'engagement authentique. Ça, nous en sommes très, très conscients. De tels critères sont souvent plus faciles à énoncer sur le plan théorique qu'à appliquer, affirme, de son côté, la constitutionnaliste Eugénie Brouillet, de l'Université Laval, et ça donnerait certainement lieu à de nombreuses contestations.

Mon ancien collègue Benoît Pelletier, qui a enseigné d'ailleurs, député, nous dit que la cour vient de donner une carte routière qui permettrait éventuellement à des immigrants, mais aussi à des francophones dont la langue française est la langue maternelle, d'envoyer leurs enfants à l'école anglaise. On en est... on est tout à fait conscients. La passerelle, d'ailleurs, est reconnue par le juge Lebel. Toutefois, M. Pelletier remarque que la cour n'exclut pas la possibilité que l'expansion limitée des écoles privées non subventionnées de langue anglaise présente éventuellement un danger pour la préservation et l'épanouissement de la langue française au Québec. Si une telle expansion devait se concrétiser, remarque le constitutionnaliste, la cour semble laisser entendre que le gouvernement pourrait alors s'adresser à nouveau aux tribunaux. Donc, voilà une autre option.

Pour sa part, l'avocat Ronald Caza, qui a représenté l'Association des écoles privées du Québec devant la Cour suprême, écrit: «...la Cour suprême confirme le pouvoir de l'Assemblée nationale de régler le problème des écoles qualifiées de "passerelles". [Elle] reconnaît que certaines écoles semblent avoir "été créées dans le [...] but de qualifier artificiellement des enfants pour l'admission dans le système d'éducation anglophone financé par les fonds publics".» Le mot «artificiellement» est tout à fait, à mon avis, approprié.

S'interrogeant dans le quotidien Le Devoir quant à savoir ce que peut faire le gouvernement à la suite du jugement, le Pr André Braën, de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, avance, quant à lui, les deux hypothèses suivantes: «Soucieux de paix linguistique, il réitérera l'importance du français au Québec et donnera suite au jugement en instaurant un processus d'examen au cas- par-cas des demandes ? il me reste quelques secondes ? d'accès à l'école anglaise quitte à en augmenter [sensiblement] le délai. Ou encore, il pourra simplement rendre la Charte de la langue française applicable aux écoles privées non subventionnées. Gageons que, quelle que soit sa décision, elle sera aussitôt contestée...»

Donc, on a plusieurs avis. Il y a des gens qui écrivent, il y a des gens qui étudient ces questions-là. Et c'est pour ça qu'il faut beaucoup, beaucoup de rigueur, et nous allons prendre le temps nécessaire pour analyser vraiment bien la situation. Merci.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Verdun et leader adjoint du gouvernement. M. le député de Verdun, la parole est à vous.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. D'emblée, je suis un des rares parlementaires qui siégeaient déjà en 2002 avec vous, M. le Président, lorsque nous avons passé la loi n° 104. Je voudrais rappeler quelle était la position du chef de l'opposition à l'époque, qui est aujourd'hui le premier ministre du Québec. En aucune façon, nous ne pouvons accepter que l'on fasse indirectement ce qu'on ne permet pas directement. Autrement dit, la position du chef de l'opposition... la position du premier ministre du Québec est extrêmement claire: Il n'est pas question de tolérer et de justifier les passerelles et les mécanismes de contourner la loi. Je pense qu'il faut d'emblée, M. le Président, préciser cette question.

Ceci étant dit ? d'ailleurs, ça a été rappelé, et je pourrais le rappeler à certains de nos collègues ? notre porte-parole à l'époque, qui était Pierre-Étienne Laporte, le député d'Outremont, disait: S'il y a une divergence de vues dans nos formations politiques, cette divergence de vues n'est pas sur les intentions finales ou les intentions ultimes, mais c'est sur les mesures et les dispositions qui sont présentées dans son projet de loi.

Rappelez-vous aussi que, dans le débat, notre collègue Benoît Pelletier, qui était un des enseignants de notre député de Lac-Saint-Jean, le collègue Benoît Pelletier, qui était député de Chapleau, soulevait des interrogations quant à la constitutionnalité des articles qui étaient présentés dans la loi n° 104.

Mme Lemieux, à l'époque, qui était la ministre de la Culture, qui était porteur du dossier, était consciente des risques qu'il y avait mais disait: Voici, nous allons faire un projet de loi et nous allons la tester, voir comment on pourrait tester devant les juges. Il n'est pas inutile de rappeler que, toujours de notre côté, nous nous interrogions sur les mesures, les mesures qui sont présentes à l'intérieur du projet de loi n° 104.

Je voudrais, M. le Président, de signaler à quel point cette inquiétude que nous avions quand nous étions dans l'opposition et qu'on a encore de notre côté, c'est-à-dire de laisser aux juges de pouvoir terminer ou déterminer, en fin de compte, une question aussi importante qui peut diviser notre société. Le député de Jacques-Cartier, qui est toujours le député de Jacques-Cartier, rappelait: «Il y a des fautes importantes dans le projet de loi n° 104. On va laisser ça aux juges, on va laisser ça aux tribunaux, mais je trouve ça malheureux qu'on va procéder [de cette façon-là].» Autrement dit, le député de Jacques-Cartier, déjà, était conscient qu'il pouvait y avoir, à l'intérieur des mesures qui étaient proposées dans la loi n° 104, des articles qui pouvaient être contestés devant les tribunaux.

Aujourd'hui, M. le Président, ils sont contestés. Nous avons donc, de ce côté-ci de la Chambre, à légiférer d'une manière à assurer la pérennité des démarches que l'on veut mettre de l'avant.

Les collègues de l'opposition proposent une mesure, une mesure qui serait, je pense, la première qui vienne à l'esprit, c'est-à-dire d'étendre la loi 101 aux écoles publiques non subventionnées. Je ne fais pas l'insulte, aujourd'hui, M. le Président, de croire que Mme Lemieux, Mme Lemieux qui était une... En dehors d'une femme fougueuse et... Mme Lemieux était une juriste et une femme d'une... une extrêmement bonne juriste et une femme relativement... extrêmement intelligente. Je ne fais pas insulte à Mme Lemieux de ne pas penser qu'elle n'a pas pensé à cette possibilité et que, lorsqu'elle déclarait... Elle déclarait en Chambre, et je vais me permettre de la citer: «On a une jurisprudence, on a une constitution, on en connaît les limites. Moi, je veux bien [...] qu'on mette des articles en se disant: Bien, coudon, on ira devant les tribunaux puis on va s'essayer, mais il y a des réponses qu'on a déjà, et [qu'on] sait déjà que c'est un mur.»

Mais je pose la question. Il me reste peu de temps, M. le Président, mais je veux quand même poser ma question à mes collègues, mes collègues de l'opposition: Ne croyez-vous pas, ne croyez-vous pas, à l'heure actuelle, que Mme Lemieux, qui était de votre parti politique, qui était la ministre de la Culture, Mme Lemieux, pour laquelle j'ai un énorme respect, n'a pas pensé à votre solution initialement? Ne pensez-vous pas qu'elle n'a pas initialement pensé à mettre votre solution, et, si elle ne l'a pas incluse, si ce n'est pas ce qu'elle a mis de l'avant, c'est probablement... ne pensez-vous pas que c'est probablement ce à quoi elle faisait référence dans le débat le 16 mai 2002, lorsqu'elle disait: On a une jurisprudence, on a une constitution, on ne va quand même pas aller se frapper sur un mur pour le plaisir de se frapper sur un mur?

Je vous demande de vous dire... C'est facile aujourd'hui de proposer une telle proposition. Si vous avez derrière vous un argumentaire juridique qui est différent de celui que Mme Lemieux aurait pu avoir, présentez-le-nous. Mais, aujourd'hui, j'ai l'impression que j'attends, j'attends, j'attends vos arguments parce que je crois que, s'ils avaient été présents...

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député.

M. Gautrin: ...Mme Lemieux les aurait présentés.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Verdun. Je vais maintenant reconnaître le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et de langue. M. le député de Borduas.

M. Pierre Curzi

M. Curzi: Merci, M. le Président. Puis je suis content d'avoir à répondre. Je veux prendre la parole parce que je ne suis pas un éminent constitutionnaliste ni un juriste éprouvé, mais il y a un certain nombre de choses que je comprends. La première chose que je comprends, c'est que, lorsque vous avez voté en faveur de la loi n° 104, vous étiez tout à fait conscients que cette loi-là avait pour but de fermer des écoles passerelles. Et selon quel article? Pourquoi? Parce qu'elle jugeait sur la quantité. On disait la quantité de temps, c'est la valeur quantitative qui était incluse dans la loi n° 104. C'est ça qu'il faut comprendre. Et ce qu'il n'y avait pas dans la jurisprudence à ce moment-là, c'est le jugement Solski, qui a fait que la quantité n'a plus été considérée comme étant le seul critère, il a fallu entrer dans la qualité. Bah! on n'a pas... on a beau... Les gens, peut-être, ne nous suivent pas, mais c'est assez clair. Et le jugement de la Cour suprême est basé là-dessus, donc il y a cette chose-là, au moins, que les éminents constitutionnalistes que nous ne sommes pas comprennent. Donc, c'est ça, la réponse à votre question. Là, je suis en train d'en perdre mon français. Donc, voilà.

Et je veux revenir sur l'attitude ou, actuellement, la joute. On a tenté d'avoir une joute qui ne soit pas une joute partisane, mais, en même temps, il faut bien revenir à la première réaction de la ministre responsable de l'application de la Charte, qui, lorsque le jugement est sorti, a dit: Je suis déçue et choquée. Ce qu'on voit ce matin, c'est qu'elle est pas mal moins déçue et pas mal moins choquée. Et ce qu'on va voir dans un an, c'est qu'elle ne sera plus du tout déçue et plus du tout choquée. Le temps qu'on va perdre à essayer d'inventer des solutions inefficaces et inopérantes, ce temps-là est actuellement un temps qui nous met dans la trappe, qui nous cause des problèmes.

n(10 h 40)n

Et, lorsque ce gouvernement-là, en 2002, a unanimement voté, comme opposition, avec nous, il était conscient, donc, de cette clause et il ignorait qu'il y aurait le jugement Solski, d'une part. Et, d'autre part, depuis ce temps-là, on a tous suivi l'évolution de ce dossier, et c'est le gouvernement qui a porté la cause en appel. Ça veut dire que, depuis 2003, depuis qu'on a commencé à contester, parce que c'est en 2003 que la contestation de la loi n° 104 a commencé, depuis ce temps-là, il y a six ans qui s'est écoulé. Je ne peux pas croire qu'un gouvernement qui est en poste depuis cette époque-là, pendant six ans, est incapable actuellement de nous dire quelles sont les solutions que ce gouvernement-là entend mettre en place. Et, nous, ce que nous faisons ce matin, c'est dire: Vous avez beau faire semblant d'acheter du temps, vous êtes en train de nier qu'actuellement il y a une urgence de fermer ce robinet.

Et l'autre aspect qu'il faut comprendre ? et il semble qu'on ne comprenne pas tout à fait ? c'est que la donne change à partir du moment où on applique la loi 101. À partir du moment où on applique la loi 101 et qu'on y inclut la clause dérogatoire, tout à coup nous ne sommes plus soumis aux contestations qui dépendent de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Tout d'un coup, si cette clause-là... si la loi était attaquée ? et elle le serait probablement ? elle le serait sous l'égide de l'article 7 de la Charte canadienne des droits, et c'est en ce sens-là que d'inclure une clause dérogatoire nous protège. Voilà ce que les éminents non-constitutionnalistes comprennent à ce débat-là.

Et c'est assez important de le redire, alors, moi, je dis: Actuellement, nous sommes confrontés à de l'inaction, et j'ai de la misère à imaginer pour quelle raison quelqu'un qui est déçu et choqué d'un jugement ne réagit aussi rapidement. Si c'était fait sur le coin d'une table, il n'y aurait pas des professeurs de droit, Daniel Proulx, Jean-Pierre Proulx, il n'y aurait pas des avis de l'ensemble des gens, des éminents juristes, des éminents sociologues, des éminents démographes, il n'y aurait pas un ensemble de gens qui sont en train de dire: Dépêchez-vous d'adopter cette loi-là, qu'on retrouve au plus tôt l'espèce de... la paix linguistique que nous souhaitons tous. Et, actuellement, on cherche à ne pas faire de partisanerie parce que la question est trop importante pour qu'on abandonne à la partisanerie cette notion aussi fondamentale.

M. le Président, je vais essayer, tantôt, aussi de revenir sur les raisons qui ont fait qu'il y a eu un sentiment d'urgence en 2002. Et ces raisons-là, elles sont numériques. Tout à coup, on s'est rendu compte que, en laissant ouverte la porte de l'accès aux écoles non subventionnées pour obtenir, à ce moment-là, quantitativement, rapidement le droit d'avoir accès à une éducation en anglais, cette porte-là était entrouverte par un nombre de plus en plus grand de personnes, 1 379 en 2002, au moment où nous avons décidé que la loi n° 104 devait être votée unanimement. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député. Je vais maintenant reconnaître la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. La parole est à vous, Mme la ministre.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: M. le Président, on parle de sentiment, sentiment d'urgence. Écoutez, je n'ai toujours pas eu la réponse à ma question de tout à l'heure. Parce que ça m'intéresse énormément. La loi n° 104, je la montre, je l'ai ici, sanctionnée 13 juin 2002, entre en vigueur 1er octobre 2002. Ils ont laissé passer combien d'élèves, là? La rentrée scolaire, c'est...

Une voix: ...

Mme St-Pierre: C'est ça. Mais pourquoi vous ne l'avez pas mis en vigueur le 1er juillet, ou le 24 juin, ou le 14 juin? Pourquoi? Il n'y avait rien qui vous empêchait de mettre cette loi-là en vigueur. Qu'est-ce qui s'est passé? Que se passait-il à ce moment-là? Je vous pose la question, j'aimerais ça... Et il nous faut des réponses. Il faut que nous ayons les analyses que vous aviez en main à cette époque. C'est important de savoir par quel jugement vous avez décidé de ne l'appliquer, la solution que vous... Vous proposez une solution, vous dites que vous l'avez, la solution. Mais vous l'aviez, la solution, en 2002. Vous l'aviez, la solution, en 2002, pourquoi vous ne l'avez pas fait? On vous pose la question, répondez. Vous me faites signe que vous allez répondre, bien, écoute, on va être très heureux de l'entendre parce que, nous, vraiment, c'est là-dessus qu'on se, qu'on se... Puis pas juste là-dessus, là, il y a plein d'autres sujets qu'on va aborder tout à l'heure, des... sur des choses qui ont été dites, déclarées parce qu'évidemment vous avez eu, de votre côté, à analyser, à cette époque-là, cette situation-là qui était importante. Alors, lorsqu'on parle d'urgence, là, on va relativiser les choses.

Il faut aussi travailler, je l'ai dit tout à l'heure, avec rigueur. Il faut... Ça ne veut pas dire qu'on va prendre tout le temps, mais on va prendre le temps d'analyser la situation. Les commentaires que j'ai faits au moment où le jugement est sorti, a été rendu public, la Cour suprême, mon opinion n'a pas changé. Je n'ai pas changé d'opinion, c'est toujours la même réaction. Mais, en législateur responsable, il faut prendre le temps de regarder avec les équipes quelles sont les solutions. La cour nous dit: Vous avez mis un bouchon avec 104, mais sauf que votre solution est trop... elle est trop... aux yeux de la cour, la solution n'est pas la bonne, c'est... Bon. Alors, il faut vraiment empêcher les écoles passerelles. Il faut empêcher la passerelle, il faut empêcher que des parents se servent de cette manière... utilisent cette façon pour avoir accès à l'école anglaise publique subventionnée.

Je vais continuer sur l'analyse que je faisais des différents commentaires qui ont paru dans les journaux parce que ce sont des commentaires intéressants. Puis d'en parler ce matin, ça nous amène aussi à réaliser qu'il y a beaucoup d'opinions qui circulent, et c'est intéressant. Donc, il y a plusieurs éditorialistes et juristes qui ont invoqué la possibilité d'étendre aux écoles privées non subventionnées... ce matin, la langue... de langue anglaise les dispositions relatives à l'admissibilité à l'enseignement en anglais qui s'appliquent présentement aux écoles financées par l'État.

Ainsi, dans un éditorial publié au lendemain du jugement, Mme Marie-Andrée Chouinard, du Devoir, écrivait: «...le gouvernement peut certainement explorer le fait de soumettre lesdites écoles privées non subventionnées aux dispositions de la loi 101.» Bien sûr que c'est analysé. Je le dis et je l'ai dit depuis le début. D'autres ont invoqué la possibilité de demander un amendement constitutionnel pour préserver l'effet recherché de la loi n° 104. Alors, débat constitutionnel. D'autres encore, comme l'avocat Julius Grey, préconisent, selon les propos qui ont été rapportés dans La Presse, la création d'un réseau d'écoles secondaires bilingues à prédominance française afin que tout le monde soit personnellement bilingue. Alors, on connaît, évidemment, le degré de bilinguisme de Me Julius Grey.

Comme on le constate, les opinions et les propositions sont variées et nombreuses, y compris la proposition du Parti québécois. Et, encore une fois, comme je l'ai dit au début, ils s'en vont en colloque la semaine prochaine devant leurs militants, ils demandent à leurs militants: Soyez studieux, travaillez, arrivez avec des... On vous pose des questions, il y a des questions... On vous pose des questions, analysez la situation avec nous, venez nous alimenter. Et, ce matin, on leur dit: Bien, écoutez, pas la peine de venir au colloque, là, on a tout décidé à votre place, alors restez donc chez vous. Donc, on va vraiment analyser ce dossier, c'est un dossier majeur pour nous comme législateurs.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Châteauguay et whip en chef du gouvernement. M. le député, la parole est à vous pour cinq minutes.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci, M. le Président. À mon tour, permettez-moi de saluer la ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, mon collègue le député de Verdun, qui a déjà eu l'occasion de se faire entendre, ainsi que les collègues de Borduas et de Lac-Saint-Jean pour leur participation. Mais mes premiers mots s'adresseraient à la ministre, M. le Président. Elle a raison de dire que les gens du Parti québécois vont rencontrer leurs militants dans une semaine, mais ça ne donnera rien, M. le Président, parce que, traditionnellement, ils ne les écoutent pas.

Ce matin, j'entendais le député de Lac-Saint-Jean nous dire ? et c'est un avocat, un constitutionnaliste ? qu'on devrait introduire la clause «nonobstant». Bien, la clause «nonobstant», dans ce cas-là, au 14e congrès national du Parti québécois, tenu en 2000, il y a eu une résolution qui a été adoptée par les membres. Alors, les délégués présents au congrès national en 2000 ? ça, c'est un communiqué du 7 mai 2000 ? ont adopté une résolution qui se lit comme suit ? je vous passe le début: «Abolir ? notamment, pour ce qui nous intéresse ? l'ensemble des articles de la loi 86 et rétablir tant les dispositions initiales de la Charte de la langue française que la poursuite de ses objectifs fondamentaux en utilisant la clause dérogatoire [où] cela est possible et essentiel.»

n(10 h 50)n

Ça, c'était en 2000. Ils ne les ont pas écoutés. Ils étaient au gouvernement en 2002, lorsque la loi n° 104 a été adoptée, et ces gens-là n'ont absolument rien fait de ce qui était partie du cahier de propositions Un pays pour le monde, M. le Président. Alors, qu'est-ce qu'ils suggèrent ce matin? D'introduire la clause «nonobstant». Ce n'est pas un élément nouveau pour le Parti québécois, mais c'est un élément que le Parti québécois lui-même a rejeté en 2002, lorsqu'ils avaient la possibilité, étant au gouvernement, d'introduire ces dispositions-là dans la loi n° 104 pour protéger le français et assurer que le phénomène des écoles passerelles n'existe pas. Ils ne l'ont pas choisie, ils nous demandent de choisir cette voie-là.

En fait, M. le Président, le débat de ce matin, c'est un des rares débats où, dans une interpellation, on peut faire de façon posée une discussion sur le fond des choses. Et, dans le temps qui nous est imparti, on ne pourra pas vider la question, mais il y a un élément qui est fondamental, c'est qu'il n'y a pas, au Québec, de débat politique sur l'importance de protéger et de promouvoir le français. Il n'y en a pas, de débat. Tout le monde s'entendent pour ça, tout le monde, tous les partis politiques, et je pense que ça fait consensus dans la population. Mais, quand le député de Borduas nous dit qu'il essaie de mettre de côté la partisanerie, il ne réussit pas à le faire parce que, dans son allocution d'introduction, il nous dit que la Cour suprême a attaqué la Charte de la langue française. M. le Président, on vit dans une société de droit ? et certainement que le député de Lac-Saint-Jean me suivra là-dessus, lui qui est un avocat ? les tribunaux n'attaquent pas les lois, les tribunaux appliquent les lois votées par les législateurs, votées démocratiquement par des législateurs élus. Les tribunaux n'attaquent pas les lois, M. le député de Borduas. Et, quand j'entends le député de Lac-Saint-Jean nous dire que ça prendrait du courage politique, ça ne prend pas de courage politique pour protéger ce qui constitue une valeur fondamentale d'un peuple, et le gouvernement du Québec reconnaît que le français constitue l'une des valeurs fondamentales du peuple québécois.

Ce n'est pas une question de courage, c'est une question de bien faire les choses. Et j'emprunte cette citation à mon collègue le député de Verdun, dont l'éloquence est bien connue: Il y a une différence entre l'urgence et la précipitation. Et nous ne tomberons pas dans le piège que nous suggère le Parti québécois de faire encore une fois de façon précipitée des mesures législatives parce que l'objectif à atteindre, qui est reconnu valide ? l'objectif politique de protéger et de promouvoir la langue française est reconnu valide par la décision de la Cour suprême, c'est un des éléments majeurs, et je reviendrai sur les autres ? nous impose l'obligation, comme gouvernement, de prendre le temps requis pour faire en sorte que les mesures qui seront mises de l'avant seront des mesures qui assureront véritablement la protection du français et non pas qui perpétueront les débats judiciaires parce que les débats judiciaires, en ce domaine-là, ne sont pas souhaitables. On veut avoir un élément qui soit un élément rationnel, qui soit un élément rassembleur et qui soit un élément de protection qui sera ultimement reconnu valide.

Alors, je reviendrai sur le jugement parce que ce qu'il faut que les gens qui nous écoutent sachent, c'est se baser sur le texte même du jugement pour voir les éléments importants qu'il a fait ressortir, et je reviendrai là-dessus.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant reconnaître le député de Lac-Saint-Jean.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: D'abord, on va clarifier quelque chose, là, on ne tend pas un piège au gouvernement, comme le député de Châteauguay vient de le dire, on tend plutôt la main au gouvernement en lui suggérant une solution. Ça me fait sourire que ce soit le gouvernement qui nous pose nos questions, parce que, nous, on a le courage, justement, d'arriver avec une solution clés en main et puis on a le courage de défendre notre position, alors que, vous, là, vous trouvez toutes les excuses possibles et imaginables pour essayer d'acheter du temps puis noyer le poisson.

M. le Président, on va faire un peu d'histoire constitutionnelle parce que la question qui est devant nous, là, est au coeur du mouvement souverainiste puis des fédéralistes, puis je pense que ça marque bien la séparation qu'il y a entre le Parti libéral puis le Parti québécois. Juste vous rappeler que, lorsqu'il y a eu le rapatriement de la Constitution, l'article 23 et l'ensemble des dispositions linguistiques ont été volontairement protégés, et on les a volontairement exclus de l'application de la clause «nonobstant». La raison pour laquelle on a fait ça, c'est parce que Pierre Elliott Trudeau jugeait, là, à ce moment-là, dans sa grande sagesse, qu'il avait le monopole de la vérité sur les questions de langue et il a imposé ces dispositions-là. C'est à partir de l'article 23 que la décision de la Cour suprême a été rendue sur le jugement 104 puis c'est à partir de l'article 23, donc, imposé par le gouvernement fédéral qu'on a rendu caduques les dispositions de la loi sur la langue française.

En 1984, on a essayé de corriger l'insulte qui a été le rapatriement de la Constitution par l'accord du lac Meech. M. le Président, je pense que ça vaut la peine de se rappeler que, lorsque les négociations de Meech ont commencé, le coeur de la disposition de Meech, c'était la clause sur la société distincte. La clause de la société distincte venait, entre autres, reconnaître la particularité francophone du Québec, venait, entre autres, reconnaître que le Québec forme une nation francophone et venait reconnaître que des nouveaux pouvoirs ou une nouvelle interprétation de la Constitution devaient s'appliquer en fonction de cette reconnaissance de la société distincte. Mais, lorsqu'on a vu qu'on se dirigeait directement dans un mur, lorsqu'on a vu que, Meech, il y a certaines provinces canadiennes qui n'allaient pas la signer, signer l'accord ? il y avait trois provinces canadiennes ? qu'est-ce qu'on a fait? On a nommé le premier ministre actuel, qui est devenu le rapport Charest, qui a été déposé à quelques jours avant la fin du lac Meech. Et qu'est-ce qu'on retrouve dans ce rapport-là, M. le Président? Alors, le premier ministre actuel, pour rendre l'accord du lac Meech acceptable, avait proposé de diluer l'application de la société distincte, de la clause de la société distincte, en excluant de son application les droits de la personne, et particulièrement la charte des droits et libertés, mais particulièrement les dispositions linguistiques, dont l'article 23, et c'est cet article 23 qui a été utilisé récemment.

Alors, M. le Président, je pense que c'est important de se souvenir ce que Robert Bourassa... pardon, l'ancien premier ministre du Québec, M. Bourassa, la façon dont il avait accueilli les propos... en fait, le rapport du premier ministre actuel, puis ça vaut la peine que je le cite, il avait dit: «Quand on propose un amendement qui dit que l'on ne doit pas tenir compte de la société distincte dans la charte ou qu'elle ne donne absolument aucun autre pouvoir, on réduit encore davantage ce qui était quand même relativement restreint.» Alors, M. Bourassa poursuit: «Tant que le Québec sera aussi incompris par le Canada anglais, une entente sera extrêmement difficile.»

Alors, M. le Président, la question que, nous, on se pose, de ce bord-ci, là: Est-ce qu'en réalité le rapport qui a été rédigé par le premier ministre actuel et qui a été déposé le 23 juin dernier, dont les seuls applaudissements sont venus des trois provinces qui ne voulaient pas signer l'accord du lac Meech, est-ce que ce n'est pas, dans le fond, ce rapport-là qui présente la vraie vision du gouvernement actuel quand vient le temps de défendre les droits du Québec, puis particulièrement la langue française au Québec, M. le Président? Je vais être curieux d'entendre la ministre là-dessus.

Puis je vais revenir pour répondre directement à la question sur pourquoi on n'a pas utilisé la clause «nonobstant» en 2002, là. La réponse est très simple, dans le jugement Solski, la décision de la cour... Le dernier jugement de la Cour suprême est essentiellement basé sur l'affaire Solski, mais c'est dans l'affaire Solski qu'on écarte le test quantitatif, qu'on dit qu'on ne peut pas exclure d'emblée... qu'on ne tiendra pas compte du temps qui est passé dans des écoles non subventionnées. On n'avait pas cet éclairage de la cour en 2002 parce que le jugement a été rendu en 2005. Vous ne pouvez pas demander au législateur de savoir ce que la Cour suprême va vous dire trois ans plus tard.

Puis l'autre chose que j'aimerais ça que la ministre m'explique, si elle nous reproche pourquoi la disposition n'est pas rentrée en vigueur après, comment se fait-il qu'il n'y a pas un député du Parti libéral, à ce moment-là, qui a posé une seule question sur la date d'entrée en vigueur? Puis comment se fait-il qu'il n'y a pas eu une seule question à l'Assemblée nationale pour demander que soit devancée l'application de la nouvelle loi n° 104?

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. La parole est à vous.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Bien, écoutez, sur ce dernier élan, on peut dire qu'ils avaient le pouvoir de la date d'entrée en vigueur, là. Je pense qu'on peut s'entendre là-dessus, là. Alors, c'est clair, les faits sont là, les faits parlent, ils ont laissé passer la rentrée scolaire cette année-là.

On peut voir aussi... Moi, ça m'intrigue beaucoup, la façon dont le Parti québécois traite ses militants. C'est-à-dire on leur dit, je l'ai dit tout à l'heure, je le répète: On va vous consulter, on veut avoir vos opinions, on veut sonder vos coeurs, et, ce matin, ils arrivent, ils ont la solution, c'est pressé, il faut agir avec urgence et... Pourtant, on dit aux militants: Bien, c'est parce qu'on veut savoir ce que vous pensez. Alors donc, soit le député de Borduas a déjà fait son nid à la lecture des éditoriaux et des articles d'opinion, soit il prendra le temps de suivre sa chef et de véritablement consulter les membres de son propre parti sur la question de l'identité et de la langue. Je pense que la chef de l'opposition officielle a vraiment clairement dit qu'elle voulait consulter ses militants, ses membres.

n(11 heures)n

Nous avons tous eu la chance de lire Gérald Larose faire de nombreuses recommandations dans Le Devoir du 29 octobre 2009. Nous avons aussi ces travaux qu'il avait effectués, Le français, une langue pour tout le monde, qui avait été rendu public le 17 août 2001 et dans lequel, d'ailleurs, il propose ? c'est intéressant ? que l'effet pervers qui résulte de l'article 23 de la Charte canadienne, adopté sans l'accord du Québec, soit combattu par tous les moyens disponibles, y compris, le cas échéant, par une modification constitutionnelle soustrayant le Québec à cette disposition. Alors, ils auraient pu les entreprendre, ces discussions-là.

Je reviens encore à M. Larose récemment, et donc voici, pour votre bénéfice, certains parallèles que je voudrais vous soumettre entre ce que propose M. Larose et ce que la chef de l'opposition officielle soumettra à ses membres le 20 novembre prochain dans le Plan pour un Québec souverain: Tout peut changer: mise en place d'une constitution québécoise dans laquelle la Charte de la langue française révisée aura un statut constitutionnel, questions 1 et 4 du plan; faire à nouveau du français la seule langue de l'administration publique, question 6 du plan; créer la citoyenneté québécoise, dont la connaissance du français pour les nouveaux arrivants serait une condition nécessaire, questions 9 et 10 du plan ? on leur demande de vraiment réfléchir; élaborer une stratégie large de francisation des milieux de travail, des petites et moyennes entreprises pour que l'apprentissage par les immigrants d'une troisième langue, l'anglais, ne devienne pas une discrimination; et, ici, ça devient intéressant, étendre au réseau privé et aux cégeps l'application de la loi 101, c'est une question, questions 7 et 8 du plan.

Alors, comment le député peut-il prendre position sur un enjeu aujourd'hui dont il souhaiterait avoir l'avis de ses membres dans une semaine? Il me semble qu'attendre une semaine... Et les membres sont au travail, là, j'en suis convaincue, ce sont des gens qui ont vraiment la réputation d'être studieux. C'est à se demander si l'auteur du Plan pour un Québec souverain n'est pas Mme Marois. Mais c'est peut-être M. Gérald Larose, qui est président du Conseil de la souveraineté du Québec, toutes les affirmations de M. Larose sont devenues des questions dans le plan. Alors, pourquoi des questions, puisque le député de Borduas a déjà répondu? Le plus étonnant, c'est qu'il me dit, d'un côté: Appliquer la charte aux écoles, voilà la solution; de l'autre côté, il demandera à ses membres s'ils sont en accord avec ces modifications à la charte.

«Pour agir en gouvernement souverainiste, le gouvernement du Québec devrait se doter d'une nouvelle ? c'est une citation ? charte québécoise de la langue française [...] débattre des moyens pour contrer le jugement de la Cour suprême [...] et d'aborder la question du choix de la langue d'enseignement au niveau collégial.» Cette proposition est d'autant plus ironique que la chef de l'opposition officielle a déjà donné ses orientations le 27 avril 2008 alors qu'elle annonçait que le PQ élu apporterait des modifications majeures à la Charte de la langue française de façon à créer une nouvelle loi 101 et maintenant elle va consulter ses membres sur les orientations qu'elle a déjà prises.»

Alors, il y a comme quelque chose, là, dans le fil des événements qui nous apparaît un peu... C'est-à-dire, nous, on a vraiment... ça nous étonne, la démarche, ce matin, la démarche. C'est-à-dire ce matin, moi, j'ai des questions à leur poser, comment ils ont travaillé en 2002. Certains débuts de réponse arrivent, mais on pourrait aussi aller encore plus loin de ce côté-là. Il nous reste une heure, on va continuer à poser nos questions et on continue à aller gratter de ce côté-là.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Châteauguay et whip en chef du gouvernement. M. le député, la parole est à vous pour cinq minutes.

M. Pierre Moreau

M. Moreau: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'intervenir après la ministre parce qu'on voit le ton qu'utilise le gouvernement dans ce dossier-là. On peut être déçu, on peut être choqué, mais on peut utiliser un ton qui est rationnel et une approche qui est analytique. J'écoute depuis le début mes deux collègues, pour qui j'ai beaucoup d'estime, mais, le député de Lac-Saint-Jean, le député de Borduas, on se rend compte que ces gens-là sont incapables de mettre de côté l'émotivité lorsqu'il est question du dossier de la langue. Le dossier de la langue n'est pas moins important parce qu'il est traité de façon rationnelle, M. le Président. Et, quand la ministre dit qu'il y a des éléments dans le fil qui manquent dans le raisonnement de nos collègues, un des éléments qui manquent, c'est l'analyse rigoureuse de ce que ce jugement de la Cour suprême nous rappelle.

Premièrement, la Cour suprême vient établir des éléments très fondamentaux et vient encadrer l'application de l'article 23 de la Charte canadienne. La Cour suprême, dans le texte même, indique que, s'il était pris de façon littérale, l'article 23 de la charte empêcherait les provinces de légiférer en matière linguistique. Or, c'est en raison de l'approche et de l'analyse contextuelle faite par la cour qui vient limiter la portée de l'article 23 qu'il reconnaît la compétence constitutionnelle des provinces et le caractère rationnel et justifié pour le Québec d'intervenir.

«L'analyse ? et là je cite au texte le jugement de la Cour suprême qui est rendu par le juge Lebel ? et l'interprétation des droits linguistiques cherchent aussi à prendre en compte la dynamique propre à la situation des langues officielles dans chaque province.» C'est la décision, une décision de la Cour suprême qui a été rendue dans un renvoi sur le Manitoba.

Il rappelle également, le jugement, l'importance de l'arrêt Solski, qui indique que l'approche qui a été faite par l'article 73 de la Charte de la langue française, qu'un enfant ait reçu la majeure partie de son enseignement dans la langue de la minorité pour avoir accès aux écoles publiques et aux écoles privées subventionnées dans cette langue, respectait le droit accordé par l'article 23 de la Charte canadienne. Donc, il dit: Quand le législateur a dit la notion de majeure partie, c'est une notion valide. C'est le plus haut tribunal du pays qui vient le dire. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle, ça, en soi parce que ça vient stabiliser la situation législative au Québec sous cet angle-là.

Le problème, c'est l'approche quantitative. C'est ce que dit la Cour suprême. Et la Cour suprême dit: Écoutez, quand vous avez légiféré dans ce domaine-là, vous ne vous êtes pas posé la question. Or, dans les galées ? et mon collègue de Verdun reviendra là-dessus ? autant le député d'Outremont à l'époque que le député de Chapleau à l'époque ont mis en garde le gouvernement du Parti québécois contre les deux éléments qui font l'objet d'une invalidation par la Cour suprême. La première, c'est votre base juridique; la deuxième, c'est effectivement l'analyse et l'approche contextuelle.

Deuxièmement, alors... parce que ce que la loi n° 104 fait, c'est qu'elle supprime un pan entier du parcours scolaire en raison de la nature ou de l'origine de l'enseignement reçu et ne permet pas l'analyse globale de la situation de l'enfant et de son parcours scolaire que commande l'arrêt Solski. C'est ce que nous dit la Cour suprême. Mais très important d'indiquer ? et là je cite au passage la cour: «Comme notre cour l'a déjà rappelé, le constituant n'a pas voulu, en adoptant l'article 23 ? le gouvernement ? rétablir le principe du libre choix de la langue d'enseignement dans les provinces.» Il vient limiter largement la portée de l'article 23. La cour reconnaît également que «les écoles [...] "passerelles" semblent [...] des institutions créées dans le seul but de qualifier artificiellement les enfants pour l'admission dans le système d'éducation anglophone financé par les fonds publics» et que cette situation-là ne relève pas non plus d'un parcours scolaire authentique.

Mais ce qui est fondamental, M. le Président, c'est le passage qui est au paragraphe 38, et je me permets de le lire: La loi n° 104 comportait deux objectifs principaux: le premier, régler le problème des écoles passerelles; le second, protéger la langue française au Québec et favoriser son épanouissement. Ce que la Cour suprême reconnaît, c'est: «Bien que la législature québécoise doive exécuter ses obligations constitutionnelles relatives aux droits à l'instruction dans la langue de la minorité sur son territoire, la règle fondamentale relative à la langue d'enseignement au Québec demeure.» Alors, «cette règle exprime un choix politique valide». C'est la Cour suprême qui parle et qui ajoute que «l'Assemblée nationale du Québec peut légitimement vouloir faire respecter ce choix, sans dérogations autres que celles qu'imposent les droits linguistiques reconnus par l'article 23...» Cette situation, M. le Président, c'est...

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie...

M. Moreau: ...ce que nous ferons parce que nous avons...

Le Président (M. Marsan): Alors, merci...

M. Moreau: ...une approche qui est rationnelle et non...

Le Président (M. Marsan): ...M. le député de Châteauguay. Je vais maintenant reconnaître le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et de langue. M. le député.

M. Pierre Curzi

M. Curzi: M. le Président, on assiste quand même à un phénomène un peu inquiétant, M. le Président, ce matin, un phénomène qui est bien connu, qui est celui de l'inversion. Actuellement, nous qui sommes de l'opposition, nous apportons une solution, une solution qui est entérinée par la majorité des gens qui réfléchissent sur cette question depuis de nombreuses années. Et ce que nous voyons, c'est que nous voyons le parti qui a actuellement, en principe, le pouvoir nous apporter des objections et utiliser la belle vieille technique de mettre le singe sur l'épaule de l'opposition. C'est absolument invraisemblable de constater ce phénomène-là.

n(11 h 10)n

En fait, actuellement, ce qu'on comprend et ce qu'on décode de la ministre, qui agit comme si elle n'avait pas de pouvoir d'intervention, ce qu'on décode, c'est un malaise profond. Il y a, dans le Parti libéral, actuellement un malaise profond, un malaise profond qui va jusqu'à la tentative du député non seulement de nous lire un jugement que nous avons lu avec beaucoup de soin, mais en plus de nous accuser d'une façon subtile d'être émotifs, alors que, lui, il est si rationnel. Nous sommes totalement rationnels dans cette question-là, parfaitement rationnels. Et c'est sûr que notre rationalité dérange quelqu'un qui est un éminent juriste, mais il y a dans cette attitude-là une démission, et qui est inquiétante, comme le fait de se dire: Il n'y a pas urgence d'agir, nous allons le prendre, le temps de réfléchir. Cette question-là, elle a été réfléchie longuement.

La loi 101 est basée sur une psychanalyse de la société que le Dr Camille Laurin a faite et dont les conséquences ont été de procurer à l'ensemble du Québec une paix linguistique constamment attaquée, je le reconnais, et constamment défendue, mais qui a tenu le coup. Et, lorsque je vois actuellement cette démission-là, oui, je m'inquiète, M. le Président, je m'inquiète lourdement de voir quelle est la compétence actuelle du gouvernement pour gérer sainement une situation comme celle-là. Et, lorsque nous parlons d'urgence, M. le Président, je voudrais citer quelques personnes aussi. Parce que, tantôt, on parlait de Julius Grey. Évidemment, on peut prendre ce qu'on veut dans un texte, mais, moi, j'ai une citation qui dit... En parlant du gouvernement du Québec, Julius Grey dit: «Il pourrait tout simplement obliger les écoles privées à suivre la loi 101, ce qui mettrait fin à tout le problème.» Ça, c'est Julius Grey qui dit ça, une citation de Julius Grey.

Citation de M. Réjean Parent, qui dit: «Jusqu'où devrons-nous aller comme société québécoise dans l'art du compromis? Depuis des années, la primauté du fait français au Québec est mise en danger par les multiples attaques à la Charte de la langue française. Et, aujourd'hui, on nous demande de franchir un nouveau pas. Il faut que cette [situation-là] cesse.» Citation de M. Parent, de la CSQ.

Une citation de qui? De la Fédération des commissions scolaires: «"Le gouvernement du Québec doit fermer la porte définitivement à la faille qui permet de contourner la Charte de la langue française", [demande sa] présidente[...], Josée Bouchard.» J'en ai... Mon Dieu! notre ami André Pratte: «Une décision du tribunal invalidant l'article 73 ? ce qui s'est passé, écoles privées non subventionnées ? aurait des conséquences beaucoup plus néfastes. Le gouvernement du Québec serait alors justifié de limiter l'accès aux écoles privées; en définitive, ce sont les minorités culturelles québécoises qui feraient les frais de la situation.»

J'en ai d'autres, bon, Yves Boisvert... J'ai les... Hélène Buzzetti. Il y en a, il y en a, il y en a tant et plus. Il faut reconnaître que, là, il y a unanimité, et tout le monde est unanime pour dire: Agissons maintenant. Agissons maintenant, n'attendons pas que la situation dégénère. Non seulement cela, mais en plus il faut absolument envoyer un signal clair que cette voie de contournement ne pourra plus s'exercer. Au moment de l'adoption de la loi n° 104, il faut savoir qu'il y avait en croissance... Mais, en l'année 2002, il y avait 1 379 élèves qui utilisaient ce biais pour avoir accès à une éducation en anglais. Si vous pensez qu'il y a 1 379 personnes qui arrivent en deuxième année de l'école publique anglophone et que vous ajoutez ces années-là, disons juste sur huit ans, disons que, pendant huit ans, vous recevez 1 379, on arrive au chiffre inquiétant de 11 000 personnes qui accédaient à un système d'écoles auquel, en principe, ils n'avaient pas droit. Et multipliez ça sur le nombre d'années, et multipliez ça sur la croissance des gens qui utilisaient cette passerelle, et vous voyez à quel point, même au niveau des chiffres, c'est inquiétant. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Borduas. Je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le Président. Pour continuer dans les citations, c'est vrai que, des fois, on cite puis... Alors, ce matin, dans La Presse, un article du député de Borduas, qui cite M. Charles Castonguay, qui est chercheur. Et M. Charles Castonguay, dans un article du 10 novembre, écrit: La réflexion du Parti québécois sur la langue est mal partie. Alors, il aurait pu aussi citer M. Castonguay, qui dit que la réflexion du Parti québécois sur la langue est mal partie.

Donc, c'est intéressant, cette question de la loi n° 104, parce que, il faut le rappeler, la loi n° 104 a été adoptée à l'unanimité. Nous avons reconnu l'importance de l'enjeu. D'ailleurs, j'ai pris plaisir à relire les débats au sujet du projet de loi. Comme la Cour suprême du Canada, tous les parlementaires reconnaissaient le bien-fondé de la démarche derrière le projet de loi n° 104, peu importe l'horizon politique, et ça, c'est toujours important de le rappeler et de le souligner. Mais ce qui m'a frappée, c'est l'insistance d'une mise en garde faite à ce moment-là au Parti québécois. Et on revient toujours aux questions qui étaient posées à ce moment-là, les groupes d'intérêts, comme l'opposition libérale d'alors, avaient souligné le danger qu'une loi de ce genre ne passe pas le test constitutionnel. Alors, tout à l'heure, on nous suggérait la clause dérogatoire, on leur disait: Il est possible que ça ne passe pas le test constitutionnel. Même le Mouvement national des Québécois espérait que la loi ne passe pas le test constitutionnel afin de donner plus d'énergie au mouvement séparatiste, souverainiste, et nourrir son argumentaire. On croirait relire M. Parizeau qui pense qu'il n'y a rien de mieux qu'une bonne chicane avec le fédéral pour stimuler les souverainistes. C'est à se demander si les souverainistes ne se frottent pas les mains quand le Québec perd en Cour suprême sur cette question.

Je rappelle que nous avions aussi perdu en Cour d'appel du Québec. Est-ce la volonté du député de Borduas, aujourd'hui, nous précipiter dans une solution sans analyser la portée? Nous allons analyser toutes les options et prendre une décision responsable. Je m'interroge sincèrement à savoir si le Parti québécois avait des avis juridiques à ce sujet lorsqu'il a présenté la loi. Si c'est le cas, les ministres ont dû en être informés. S'il en avait, le gouvernement du Parti québécois, il nous a engagés de manière délibérée dans un cul-de-sac, et ça se peut que ce soit la conclusion. Nous récoltons aujourd'hui le fruit, puisqu'il avait dû, je le répète, analyser.

M. le Président, le PQ nous dit, par la voix du député de Borduas, qu'il faut appliquer la charte à la présente cause. De l'autre côté, il demande à ses membres s'ils sont en accord avec les modifications. De la même manière, il nous dit qu'il voulait obliger les gens à parler français pour avoir le droit de vote, la citoyenneté du Québec et il voulait que l'on enseigne la géographie, l'histoire nationale du Québec en anglais, il voulait favoriser le bilinguisme et demande par une mesure qu'elle propose aux Québécois de se justifier lorsqu'ils parlent une autre langue, c'est-à-dire, s'ils veulent aller au cégep en anglais, il faudrait qu'ils fassent la preuve qu'ils sont bilingues.

Donc, on a parlé de couper les vivres aussi. Ils ont refusé d'adopter le budget qui augmentait les budgets de l'Office québécois de la langue française et les budgets en langue. Ils ont refusé d'adopter ce budget où on donnait des ressources financières, des ressources humaines supplémentaires. Ils ont, en 1995, on s'en souvient, ils ont coupé 5 millions de dollars dans le dossier de la langue. Donc, pas étonnant que le député de Borduas se soit senti isolé l'année dernière, lors du Rendez-vous des gens d'affaires ? à Montréal ? et des partenaires socioéconomiques. Le PQ garde une vision à la pièce des enjeux linguistiques et est pris avec un biais partisan sur cette question. Ses constants changements de stratégie et d'orientation ne font pas sérieux, M. le Président. Ce n'est pas sérieux de demander, de poser des questions...

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Excusez. Oui.

M. Cloutier: La ministre nous impute clairement des motifs. Elle dit que notre travail n'est pas sérieux, elle dit qu'on se réjouit des défaites de la Cour suprême du Canada. M. le Président, je vous invite à rappeler la ministre à l'ordre.

Le Président (M. Marsan): Non, je voudrais simplement rappeler à tous les députés que nous sommes en interpellation et que je fais un appel à la prudence dans tout ce qui est affirmé. Et je compte sur la collaboration de tous. Alors, Mme la ministre, vous avez la parole.

Mme St-Pierre: Donc, M. le Président, j'ai fait des citations ici qui viennent de la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi n° 104, qui a été par la suite... Et c'est des commentaires qui étaient faits, même la ministre de l'époque, Mme Diane Lemieux, reconnaissait que ça pouvait être contesté et elle avait sûrement des gens qui l'avaient renseigné à ce sujet-là.

n(11 h 20)n

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Verdun et leader adjoint du gouvernement. M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je vous remercie. Et il y a un point sur lequel je vais être d'accord avec le député de Borduas, il y a urgence. Soyons-en conscients de part et d'autre, ici, on reconnaît qu'il y a urgence d'agir dans ce dossier. Après le jugement, on a un an pour le faire, mais il y a urgence de fermer les passerelles et de faire en sorte qu'on puisse contourner une loi d'une manière indirecte par rapport à ce qui est la loi fondamentale ici, au Québec. Donc, il y a urgence, il n'y a pas nécessairement précipitation. Donc, il faut qu'on le fasse avec intelligence et qu'on le fasse calmement, premièrement.

Deuxièmement, je ne mettrai pas rien dans la bouche de mes deux collègues d'en face, je citerai simplement... Et je ne pense pas que c'est dans ce sens-là qu'ils proposent leurs propositions aujourd'hui, je rappellerai néanmoins que notre collègue Benoît Pelletier, à l'époque, qui était député de Chapleau, s'était déjà questionné sur la constitutionnalité de la loi n° 104 et, lorsqu'on lui disait: Bon, on va aller devant les tribunaux, c'était la réponse que la ministre faisait... il avait dit: Cela dit, on en vient à se demander qu'est-ce que vraiment le Québec gagnerait à se faire dire non, qu'est-ce que le Québec gagnerait à se frapper à un mur, est-ce que, politiquement, à moins que cela ne serve la cause ultime de défendre la souveraineté du Québec... Je ne mets pas ces mots-là, je ne mets pas ces mots-là, actuellement, dans la bouche et dans les intentions d'aucun de mes collègues, je rappellerai simplement qu'il y a une possibilité de dérive que nous ne voulons pas... que nous ne pensons pas que vous prenez et que nous ne voulons pas prendre, M. le Président.

Maintenant, le collègue de Borduas et le collègue de Lac-Saint-Jean ont une proposition à faire. Ils ont une proposition qui est probablement la plus simple à laquelle on pourrait penser. Parce que j'imagine qu'ils y ont déjà pensé avant. J'accepte que c'était avant le jugement Solski, je connais aussi comme vous, j'ai fait mes devoirs avant cette interpellation. Je me permets néanmoins de retourner qu'il faut un certain nombre d'études et d'avis juridiques pour pouvoir même aller dans votre direction sans avoir une garantie qu'on ne va pas non plus encore se faire dire non à la Cour suprême, même si vous utilisez la clause «nonobstant». Je ne voudrais pas rentrer actuellement sur la portée complète de l'article 7, le fait, quand même, de soulever une clause «nonobstant» sur l'article 7 et sur le sens même de l'article 1, à savoir est-ce que c'est valable dans une société juste et raisonnable. C'est des analyses que les juristes doivent faire à l'heure actuelle, et il y a d'autres solutions actuellement que la ministre étudie. Le gouvernement est à l'étude, le gouvernement est au travail, mais nous ne voulons pas aller dans la précipitation parce que, sur cette question, qui est une question importante ? et faisons attention, c'est une question importante ? on veut faire en sorte que les mesures que nous mettrons de l'avant aient une certaine forme de pérennité, c'est-à-dire qu'elles durent et qu'elles soient en mesure de résister aux cours et aux appels qui seraient mis de l'avant.

Vous comprenez bien que cette question, qui est malheureusement... On l'a soulevée en 2002, elle recrée... Chaque fois qu'on réaborde et qu'on retouche à la loi 101, on remet en question l'équilibre fragile, l'équilibre fragile qu'on a sur la paix linguistique, et nous n'avons pas l'intention, M. le député de Borduas, actuellement d'avoir une solution qui sera remise en question dans trois ans ou dans quatre ans. La ministre vous a répondu tout à l'heure, et le gouvernement, dans son ensemble, travaille dans cette direction-là d'avoir une solution à ce problème. Et je vous... accepte d'emblée qu'il y a urgence. On se comprend? N'essayez pas de me convaincre qu'il y a urgence, il y a urgence que nous agissions. Mais nous ne voulons pas agir rapidement, en précipitation, pour mettre de l'avant des solutions qui ne tiendront pas devant les cours, M. le Président. Et c'est ce que l'on fait actuellement, et il y a un certain nombre d'analyses qui doivent être faites, de points de vue juridiques, d'analyses à partir de la charte qui doivent être faites, et on ne peut pas brutalement de trouver la solution miracle, c'est celle-là. M. le Président, c'est un sujet complexe sur le plan juridique, et on ne peut pas dire: Bon, on va le faire en précipitation.

Les trois ministres, que ce soit la ministre de la Justice, la ministre de la Culture et de la Condition féminine et la ministre de l'Immigration, sont au travail ensemble. Et, bon Dieu! on va vous proposer une solution, mais laissez-nous nous assurer, à l'heure actuelle, que la solution tienne devant les cours. Vous ne voudriez quand même pas qu'on se retrouve à nouveau devant une proposition qui soit infirmée par les cours dans deux ans ou dans trois ans.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député de Verdun. On m'indique que les deux députés de l'opposition vont séparer la dernière interpellation de cinq minutes. Alors, je vais d'abord reconnaître le député de Lac-Saint-Jean et porte-parole en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Alexandre Cloutier

M. Cloutier: Merci, M. le Président. D'abord, je rappelle que M. Bourassa avait pris sept jours pour répondre à la décision de la Cour suprême sur une autre question, effectivement, mais sur une question qui traitait de la Charte de la langue française.

M. le Président, pour être très clair avec le député de Verdun, là, lorsqu'on utilise la clause «nonobstant», il n'y a pas de contestation en cour possible en vertu des articles qui sont identifiés. Donc, l'article de la raisonnabilité, là, le test de la raisonnabilité dont vous faites mention, à l'article 1, ne s'applique pas parce qu'on a déjà exclu la possibilité d'invoquer la Charte des droits et libertés. C'est à ça qu'elle sert, la clause «nonobstant», c'est une protection qui est béton.

L'autre chose, M. le Président, ça me ferait plaisir de vendre une carte du Parti québécois à la ministre si jamais elle veut venir participer à nos débats de la fin de semaine prochaine. Nous, on a déjà nos solutions qui sont claires et précises, qu'on vous a présentées. Puis l'autre chose, j'aimerais ça que la ministre... Tout à l'heure, elle a cité, là, les propos... En fait, elle a fait référence à des amendements constitutionnels, je veux juste lui rappeler, on a eu un débat ensemble sur le projet de loi égalité hommes-femmes, et, à ce moment-là, le Parti québécois avait proposé d'inscrire la primauté du français dans la charte québécoise des droits et libertés. Je serais curieux de l'entendre aussi là-dessus parce que, vous savez, si jamais on faisait ça, ça entrerait en ligne de compte lors du test de la raisonnabilité, puis j'aimerais ça que la ministre nous explique comment ça se fait qu'elle, comme ministre responsable de la Charte de la langue française... à ce moment-là, le gouvernement a tout mis en oeuvre, a vraiment tout mis en oeuvre pour plaider l'irrecevabilité de notre proposition, alors qu'évidemment, là, on était en plein débat sur les accommodements raisonnables, et le Parti québécois avait proposé d'inscrire les trois valeurs? Puis, si on avait inscrit la primauté du français dans la charte québécoise, à ce moment-là ça aurait eu un impact positif sur les droits de l'Assemblée nationale de protéger la langue française, particulièrement vrai lors de l'application du test de la raisonnabilité, dont le député de Verdun nous a fait mention tout à l'heure.

Alors, aussi, M. le Président, je ferais extrêmement attention. Tout à l'heure, la ministre nous dit: Ah! le député de Borduas prend des citations, cite un, mais ne prend pas l'ensemble de son oeuvre. Lorsque je cite Eugénie Brouillet, je ferais aussi attention parce que Mme Brouillet, dans une entrevue qu'elle a accordée au Devoir, propose d'emblée d'étendre l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées. Puis, de toute façon, là, aujourd'hui, là, ce qu'on aurait souhaité de la part du gouvernement du Québec, là... On est ici pour savoir si le Parti libéral du Québec est d'accord avec nous, à savoir d'étendre l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées et d'utiliser la clause «nonobstant».

Puis là je vais faire un retour en arrière, en 2002, si on avait utilisé la clause «nonobstant», est-ce que le Parti libéral du Québec aurait voté pour? Est-ce que vous auriez été en faveur d'utiliser cette clause-là? Parce qu'honnêtement, nous, on ne l'a pas vu, là, comme proposition, mais est-ce que vous auriez été pour? Puis, de toute façon, on prend le débat à partir d'où il est présentement aujourd'hui, là, la question que je vous ai posée, est-ce que, oui ou non, vous êtes pour d'utiliser la clause «nonobstant», qui vient régler une fois pour toutes cette question-là de la brèche? Oui, ça règle la question parce qu'on ne peut pas la contester, M. le Président, en fonction des chartes, parce qu'on a laissé la souplesse au législateur, on a laissé la souveraineté au législateur, on a dit: Dans certains scénarios, il pourrait arriver des cas où les assemblées législatives décideront de garder entièrement leur pleine souveraineté pour agir comme ils le jugent à propos. Alors, tout, là, le test de la raisonnabilité, dont le député de Verdun nous a fait part tout à l'heure, il est complètement écarté. C'est à ça, c'est l'essence de la clause «nonobstant». Alors, nous, on a eu le courage, aujourd'hui, d'arriver avec une proposition très claire. J'ai fait référence aussi à l'amendement à la charte pour inscrire la primauté de la langue française. Nous, on vous l'a proposé l'année dernière, mais ils étaient contre. Alors, un autre amendement qui serait possible, puis vous y avez fait référence tout à l'heure, vous avez dit: Il serait peut-être intéressant... ou du moins, dans les solutions qui ont été soumises, on regarde aussi l'amendement constitutionnel. Est-ce que vous avez lancé ça parce que, bon, c'était une série de citations dans lesquelles vous vous êtes lancée ou c'est vraiment une éventualité que vous envisagez réellement? Est-ce que vous envisagez réellement un amendement constitutionnel qui viendrait, par exemple, inscrire la primauté la langue française et le devoir de l'Assemblée nationale de promouvoir la langue française, comme, par exemple, certains l'avaient proposé, dont Léon Dion, lors des débats de Meech?

Est-ce que vous êtes pour, par exemple, inscrire que l'Assemblée nationale devrait avoir tous les pouvoirs en matière de langue? Est-ce que vous êtes pour? Est-ce que c'est quelque chose que vous envisagez? Si vous croyez réellement à la primauté de la langue française, vous ne croyez pas que ce serait peut-être à l'Assemblée nationale de traiter de ces questions-là? Est-ce que vous envisagez ces solutions-là? Merci, M. le Président.

n(11 h 30)n

Le Président (M. Marsan): Oui. Je vous remercie, M. le député de Lac-Saint-Jean. Vous comprendrez que tout le temps a été utilisé de la part de l'opposition officielle, je vais maintenant reconnaître Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. J'avais compris que le bloc de cinq minutes était divisé entre vous deux, puis ce n'est pas grave... Donc, sur la question de la clause dérogatoire, écoutez, tous les scénarios sont sur la table et tous les scénarios sont analysés. Nous avons la ferme intention de trouver une solution pour empêcher ces écoles... cette façon de faire pour avoir accès à l'école anglaise publique subventionnée.

Sur la question de la clause dérogatoire, on ne m'a toujours pas expliqué l'analyse fine, juridique, tous les tenants, aboutissants et tout ce qui pourrait découler de l'utilisation de la clause dérogatoire. On peut peut-être faire un petit peu d'histoire aussi encore ce matin, continuer, c'est intéressant. La clause dérogatoire a été utilisée en 1988 pour la loi 178, et il y a eu, à ce moment-là, une plainte qui a été déposée au Comité des droits de l'homme des Nations unies en 1989. La décision a été défavorable, du Comité des droits de l'homme, en 1993, et le comité a conclu que la loi 178 contrevenait à l'article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques. On va peut-être me dire qu'il s'agit ici de droit interne dans notre cas, mais il reste que le Québec est fier de sa réputation sur la scène internationale, on ne veut pas retomber dans ce genre de problème.

Nous voulons une solution juridique solide, et c'est ce à quoi nous nous employons, M. le Président. Eux, ce matin, ils viennent mettre la charrue devant les boeufs. Ils disent qu'ils ont des solutions et ils vont consulter leurs membres, ils posent des questions à leurs membres la semaine prochaine. J'aimerais bien comprendre leur façon de faire ce matin. Je pense qu'on est en mesure de voir qu'ici, de notre côté, nous travaillons sérieusement, nous analysons la situation, nous allons prendre le temps pour agir en législateurs responsables. Nous avons une responsabilité, c'est un enjeu majeur. Et ils n'ont pas le monopole de la défense de la langue française, M. le Président, surtout lorsqu'on voit qu'il y a eu dans le passé des coupures assez... des compressions assez importantes dans les budgets qui étaient accordés pour la défense, la protection, la valorisation du français. Alors, je ne sais pas si vous pouvez faire des calculs, mais imaginez-vous, en dollars de 2009, 5 millions, ce que ça représente. Moi, je pense qu'on est dans beaucoup de millions.

Et, sur un plan plus large, sur la question des gestes qui ont été posés par le gouvernement, l'augmentation des ressources financières, l'augmentation des ressources humaines, les campagnes de publicité, l'appui aussi aux syndicats, l'augmentation des budgets, des enveloppes qui sont données aux syndicats pour aider et continuer à faire progresser le français dans les milieux de travail. Et aussi les mesures de ma collègue Mme la ministre de l'Immigration sont vraiment importantes en amont, on demande et on veut que les immigrants comprennent et aient une connaissance du français avant d'arriver ici. On leur fait comprendre que nous vivons dans une société ou un endroit où la langue officielle, c'est le français, s'ils viennent épouser le Québec, il faut qu'ils épousent le français. Et chiffre intéressant ici, la proportion d'immigrants qui connaissaient le français à leur arrivée était de 59,2 % au second trimestre de 2008, et, avec les mesures que nous avons mises en place, le second trimestre de 2009, on est à 64,7 %. Il y a un progrès qui est fait, il y a des progrès. Nous allons continuer. Nous allons continuer de travailler très, très fort, c'est notre volonté, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Verdun et leader adjoint du gouvernement pour la dernière partie de notre interpellation. M. le député.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Je voudrais reprendre le débat où l'a laissé mon collègue de Lac-Saint-Jean lorsqu'il a plaidé avec beaucoup de compétence ? je ne nie pas sa compétence ? l'importance de la clause dérogatoire.

Le problème de la clause dérogatoire ? et je comprends exactement la portée de la clause dérogatoire ? c'est qu'elle n'a pas une pérennité dans le temps. C'est-à-dire qu'elle est limitée dans le temps et que régulièrement, tous les cinq ans, on est obligés de reprendre le débat, et de remettre ça, et de revenir à chaque fois, et que l'utilisation de la clause dérogatoire, comme l'a rappelé à l'instant la ministre, peut parfois poser des questions sur... auprès des juridictions supérieures internationales.

Alors là, la recherche qui est faite actuellement ? et, franchement, le mot «pérennité» est important dans ma bouche actuellement ? c'est d'avoir une mesure qui soit en... possiblement, qui puisse... une mesure qui puisse contrer cette situation qui est totalement inacceptable. Et donc, entre nous, de part et d'autre, il n'y a pas personne qui autour de cette table, ici, qui ne pense pas que cette situation doive faire en sorte qu'on puisse utiliser et s'acheter un droit constitutionnel, que ça puisse être acceptable, c'est fon-da-men-tale-ment inacceptable. Mettons ça d'accord, hein, on s'entend? Autour de cette question, moi, je ne laisse même pas aucun doute de notre côté.

Mais, ceci étant dit, la recherche qui est faite actuellement par le groupe interministériel qui est formé des trois ministres, Éducation, Condition féminine et responsable de la Charte de la langue française, et ministère de la Justice, c'est d'essayer de trouver une solution qui, à la fois, tienne la route face aux tribunaux et face aux tribunaux supérieurs, et je comprends... Je ne reviendra pas ici de vous lire des éléments du jugement de la Cour suprême ni du jugement Solski, vous l'avez lu, nous l'avons lu, nous l'avons interprété, etc., mais vous comprenez bien, à l'heure actuelle, ce qu'est l'objectif du gouvernement.

Et vous avez mis de l'avant une solution qui peut être une solution, mais une solution qui fait rappel à la clause «nonobstant». Et la réticence que l'on a de faire appel à la clause «nonobstant», ce n'est pas quelque chose dont on mange tous les jours en disant: On va limiter la portée, la portée de la charte. C'est-à-dire la recherche qui est faite actuellement par le gouvernement et par le groupe interministériel, c'est de trouver une solution qui tienne la route devant les chartes, tienne la route devant la Cour suprême et qui ne nous oblige pas à revenir régulièrement à soit reconduire une clause dérogatoire, déroger à un article de la charte, particulièrement un article, l'article 7, qui est quand même un article fondamental. Je m'excuse, mes collègues, sur ça, j'imagine qu'il n'y a aucun doute de votre part. Mais, déjà, déroger à l'article 7 de la charte posait un problème.

Alors là, le travail qui est fait, et qui est fait avec énormément de sérieux, mais sans aller vers la préoccupation, c'est d'essayer de vous proposer et de proposer à cette Chambre une solution qui tienne, qui ait un caractère de pérennité, qui tienne la route sur le plan juridique, particulièrement face à la Cour suprême, mais qui soit en mesure de répondre au problème extrêmement sérieux que vous soulevez aujourd'hui, mais dont nous sommes totalement conscients. On est parfaitement conscients aussi de ce cette situation-là, et ne croyez pas que, de notre côté, il y a une volonté de laisser pourrir le sujet. Enfin, du moins, de mon intervention personnelle, il n'y a aucune volonté, actuellement, de laisser traîner cette question.

n(11 h 40)n

Mais, quand on dit: Il y a urgence, ça ne veut pas dire qu'on doit prendre la première solution devant nous. Il s'agit d'y aller en réfléchissant, d'être en mesure de mettre de l'avant et de vous proposer une solution qui tienne la route, M. le Président. C'est ce que fait le gouvernement. Vous nous en avez proposé une, elle est... d'après moi, elle comporte... elle a un intérêt, je ne nie pas son intérêt, mais elle comporte une faiblesse, et la faiblesse, évidemment, de nécessiter de recourir à une clause dérogatoire. Et vous êtes conscients qu'il y a cette faiblesse-là. On est en train, nous, de notre côté, d'essayer de vous proposer et de mettre de l'avant des solutions qui n'ont pas cette même faiblesse, M. le Président. Qu'est-ce que sera les sujets? Tout est sur la table. Mais soyez assurés ? et je terminerai là-dessus ? M. le député de Borduas et M. le député de Lac-Saint-Jean, soyez assurés que, de notre côté, nous sommes aussi conscients que vous de l'urgence d'agir et que nous avons aussi, comme vous, la volonté d'arriver à une solution dans les délais les meilleurs, mais une solution qui aura un caractère de pérennité.

Conclusions

Le Président (M. Marsan): Merci, M. le député de Verdun. Nous sommes maintenant à l'étape des conclusions. Et, en vertu de notre règlement, j'accorderai un 10 minutes de conclusion, d'abord, à Mme la ministre, suivi d'un temps équivalent au député de Borduas. Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, la parole est à vous pour votre conclusion.

Mme Christine St-Pierre

Mme St-Pierre: Alors, tout d'abord, M. le Président, je veux remercier toute l'équipe qui m'accompagne ce matin. Je veux remercier l'opposition officielle pour la richesse des débats. Je veux vous remercier pour votre travail et votre calme, qui fait en sorte que tout se passe bien et dans l'ordre.

Alors, M. le Président, la langue française est au coeur de l'identité québécoise et de sa spécificité en Amérique du Nord. Elle constitue notre bien collectif le plus précieux. Notre gouvernement est profondément attaché à sa promotion et à son rayonnement au Québec, d'abord au Canada... Québec d'abord, au Canada ensuite, ainsi que dans les Amériques et dans la francophonie. La langue française appartient à tous ceux et celles qui l'ont reçue en héritage comme langue maternelle. Elle appartient également à tous ceux et celles qui l'adoptent, qui en font usage ou qui veulent l'apprendre et la parler lorsqu'ils s'établissent au Québec.

Comme individu, l'attachement à la langue française se manifeste par son utilisation courante comme moyen d'expression et par un souci d'en bien maîtriser les règles. Comme société, l'attachement au français s'exprime par une volonté collective de se donner un cadre officiel visant à en assurer la qualité et le rayonnement.

Dans le contexte géopolitique et démolinguistique que nous connaissons, qui est celui de l'Amérique du Nord où domine l'anglais, cette Assemblée, qui représente l'ensemble des Québécois et des Québécoises, a légiféré à plusieurs reprises pour accorder une protection spéciale au français en vue d'en assurer sa pérennité. C'est ainsi que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis 40 ans ont pris des mesures pour soutenir le français. Le postulat fondamental qui anime la politique linguistique québécoise est simple: Si le français doit prospérer et s'épanouir sur le continent nord-américain, cela ne peut se faire qu'en lui donnant le maximum de chances et de protection au Québec, seul territoire où il est la langue de la majorité de la population. À cet égard, il faut qu'au Québec le français demeure un instrument de communication public utile pour tous et qu'il soit la langue commune servant naturellement de moyen de communication public entre les Québécois et les Québécoises de toutes langues et de toutes origines.

Dans un avis récent publié en 2008 portant sur le français, langue de cohésion sociale, le Conseil supérieur de la langue française écrivait, aux pages sept et huit, et je cite: «...la politique linguistique québécoise a permis de faire des progrès remarquables depuis 40 ans. Personne ne le conteste. Toutefois, les multiples situations dont il faut rendre compte pour englober l'ensemble de la situation linguistique font en sorte qu'il est difficile d'avoir une vue globale et tranchée et que le portrait fourmille de facettes souvent positives, mais aussi négatives.» Fin de la citation. Le conseil résumait en ces termes les effets positifs des efforts entrepris depuis plus de 40 ans.

Et je cite de nouveau: «Si on s'attarde aux grandes tendances sociologiques, il apparaît clairement que les efforts entrepris ont permis: d'éliminer quasiment complètement les inégalités socioéconomiques entre francophones et anglophones; aux francophones à travailler en français ? en 2006, on parle de 90 % des francophones dans la région métropolitaine de Montréal, et c'est selon le recensement de 2006; d'éduquer en français à l'enseignement précollégial au moins 80 % des élèves allophones, alors que la proportion était inversée dans les années soixante-dix; de renverser les grandes tendances favorables à l'anglais: globalement, les transferts linguistiques vers le français chez les immigrants allophones atteignent dorénavant 58 % ? il faut poursuivre cette tendance ? et la tendance est à la hausse au fil des recensements.» Il faut poursuivre cet effort, il faut «consolider le visage français du Québec ? prépondérance du français dans l'affichage». Il faut «améliorer la langue de service, même s'il y a encore trop souvent des accrocs ponctuels».

Cette langue de service s'est améliorée, et il faut continuer le travail. Ces tendances positives résultant de la politique linguistique que met en lumière le Conseil supérieur de la langue française n'empêchent pas ce dernier de souligner également l'existence de zones d'ombre qui soulèvent des difficultés particulières. À ce propos, le conseil affirme que, dans certains domaines, le chemin parcouru est encore largement insuffisant et appelle à l'action.

Il poursuit en soulignant que ? et je cite à nouveau ?  «la progression du français semble avoir atteint un plateau: la francisation des immigrants anglotropes stagne autour de 15 % à 20 % depuis 30 ans; l'usage du français comme langue de travail sur l'île de Montréal par les immigrants allophones n'a pas progressé depuis 30 ans; l'usage du français dans les communications publiques par les allophones dans la région métropolitaine de recensement de Montréal l'emporte [...] légèrement sur l'anglais, mais semble rester stable depuis 10 ans».

Donc, comme le député de Borduas l'exprimait récemment dans un article, beaucoup de francophones ont quitté l'île de Montréal et s'établissent dans la banlieue. Donc, il faut trouver des mesures aussi pour ramener les francophones sur l'île de Montréal pour espérer renverser aussi cette situation par l'apport des francophones qui trouveraient qu'ils pourraient davantage revenir... Je ne dis pas que le député de Borduas devrait transférer son comté à Montréal, mais enfin il y a un effort à faire de ce côté-là, nous en sommes très, très conscients.

Les parents qui immigrent ici et leurs enfants vont à l'école française, et nous voulons maintenir cette situation. Et les passerelles, ce n'est pas acceptable, nous l'avons tous reconnu ici, unanimement, à l'Assemblée nationale. Notre gouvernement est conscient que les grands constats qui ont été faits par le Conseil supérieur de la langue... conscient de ces constats, et c'est pourquoi, au cours des deux dernières années, nous avons consenti des efforts considérables pour mettre en place des mesures destinées à la francisation des personnes et des entreprises, particulièrement dans la région de Montréal. Jamais le gouvernement du Québec n'a autant investi pour la francisation, et j'ai déjà parlé dans mes interventions précédentes des mesures que nous avons employées à Montréal, Le français, notre affaire à tous, la stratégie d'intervention pour Montréal. Toutefois, qu'il me soit ici permis d'évoquer les mesures mises de l'avant aussi par ma collègue de l'Immigration ? j'ai fait référence tout à l'heure sur l'augmentation des immigrants qui arrivent... le pourcentage qui arrivent ici, qui ont déjà une connaissance du français ? la ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles afin de franciser davantage les personnes qui émigrent au Québec et qui viennent participer à notre développement.

Il y a des services aussi qui ont été mis en place afin de répondre aux besoins des personnes immigrantes qui apprennent le français. Il faut les accompagner, ces personnes-là. Enfant, apprendre une autre langue, c'est plus facile. Mais adulte, c'est plus difficile, donc des cours de français en ligne, formule avec un tuteur et autoformation, des cours spécialisés à temps complet de niveau plus avancé en français écrit, communication orale et, enfin, du matériel pédagogique pour des cours dans le domaine du génie.

Bibliothèque et Archives nationales a toute une section que l'on peut consulter. On a des outils pour apprendre le français et on peut aller de façon individuelle à la bibliothèque, d'ailleurs, qui connaît un succès énorme dans sa fréquentation. Donc, il y a de nombreux outils, il faut maintenir ces outils.

Entre 2008 et 2009, 2 012 personnes se sont inscrites à la francisation en ligne, alors que la cible du ministère de l'Immigration était de 1 500 pour l'ensemble des nouveaux cours mis en oeuvre durant l'année. Ce projet de francisation en ligne a d'ailleurs remporté, en mars 2009, le Mérite du français dans les technologies de l'information décerné par l'Office québécois de la langue française.

n(11 h 50)n

La proportion d'immigrants, comme je le disais tout à l'heure, déclarant connaître le français au moment de leur arrivée au Québec s'établit à 60,7 % au deuxième trimestre de 2009 comparativement à 59,2 % au même trimestre en 2008. Pour les six premiers mois de cette année, la proportion s'élève à 64,5 %, alors qu'elle était 59,8 % pour la même période l'année dernière. Ces données sont tirées du Bulletin statistique sur l'immigration permanente au Québec, pour ceux qui aimeraient et celles qui aimeraient connaître la source de ces statistiques.

Pour revenir à 104, M. le Président, nous sommes au travail, nous analysons la situation, nous travaillons ensemble, et j'invite aussi l'opposition officielle à travailler avec nous dans ce dossier. C'est l'intérêt de tous les Québécois de se donner la main et de faire en sorte qu'on puisse trouver la solution qui convienne. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Merci, Mme la ministre. Je vais maintenant reconnaître le député de Borduas et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'éducation et de langue pour sa conclusion, d'une durée de 10 minutes. M. le député de Borduas, la parole est à vous.

M. Pierre Curzi

M. Curzi: Merci, M. le Président. Bien, je suis heureux d'entendre que la ministre souhaite qu'on collabore, mais vraiment, ce matin, en apportant cette solution, je crois que c'est ce que nous avons fait d'une façon très claire.

Mais je suis heureux aussi d'entendre le député de Verdun parler de la pérennité. Effectivement, ce que nous cherchons tous, c'est qu'il y ait pérennité dans ce cas-là. Et nous sommes extrêmement conscients, et je comprends que, de votre part, de la part du gouvernement, sur la table, il y a actuellement, considérées comme étant des options éventuelles, d'une part, l'application de la loi 101 aux écoles non subventionnées, d'autre part, vous imaginez aussi... vous examinez la possibilité d'inclure la clause dérogatoire en sachant pertinemment que, oui, c'est une clause dérogatoire qu'il faudra renouveler à tous les cinq ans. Et nous en sommes conscients, et, en ce sens-là, elle ne répond pas aux critères de la pérennité. Si on voulait être certains d'avoir le critère de la pérennité, il faut aussi envisager ? et j'imagine que vous l'envisagez, puisque vous en parlez ? le fait d'avoir un amendement constitutionnel qui nous permettrait de clore définitivement toute attaque à la loi sur la langue.

Parce qu'actuellement le gouvernement est confronté, dans le fond, à... Quels sont les choix du gouvernement? Il y a trois choix. Il y a ne rien faire, hein, ce qui est inimaginable, intolérable, et, bon, vous l'avez dit et redit, on est tous d'accord là-dessus. Il y a appliquer la loi 101, ce que vous envisagez mais que vous n'êtes pas prêts à annoncer ce matin, ni même dans votre intention. Et il y a la troisième voie qui est celle d'appliquer le jugement de la Cour suprême. Appliquer le jugement de la Cour suprême, vous le savez pertinemment que, quelles que soient les modalités, nous nous retrouverons forcément confrontés à deux problèmes, un problème éthique et un problème aussi d'application de ces règlements-là, puisque ça veut dire, qu'on le veuille ou pas, que ce sera du cas-par-cas et que le traitement de ces cas-par-cas entraînera inévitablement des contestations. Là, on est très loin d'avoir progressé dans la paix linguistique et on est très loin d'avoir progressé dans la pérennité d'une solution. Donc, nous en sommes là pour le moment.

Mais, en même temps, la ministre m'a ouvert la porte et, je dirais, dressé la table sur l'urgence d'agir, qu'est-ce qui fait que nous sommes si pressés d'agir. Et je considère que les solutions qu'on présente sont mûres, et elles peuvent être facilement étayées, surtout quand il y a des comités qui réunissent l'Éducation, la Justice, donc il y a là un groupe d'experts de compétence qui, rapidement, pourraient nous donner des avis qui rendraient cette solution-là immédiatement applicable.

Mais l'urgence d'agir, elle se situe beaucoup et surtout dans l'inquiétude fondamentale que nous avons actuellement sur la situation linguistique, et particulièrement dans la région de Montréal, et particulièrement dans la région métropolitaine. Ce constat-là aussi, il est partagé par les deux partis, autant le Parti libéral que le Parti québécois. La différence qu'il y a ? et elle est fondamentale ? c'est que nous n'établissons pas le même diagnostic. On peut tout faire dire aux chiffres. Actuellement, cependant, oui, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres, mais, actuellement, l'inquiétude de la population, à 90 %, elle a un souci de l'état de la langue, particulièrement à Montréal. Pourquoi ce souci? Parce que nous sentons qu'il y a des pertes. D'où viennent-elles, ces pertes? Elles viennent des nombres. Il y a, d'une part, le fait que nous avons perdu à peu près 200 000 francophones qui ont quitté l'île au cours des 20 dernières années. La situation présente, pour la première fois, le nombre de locuteurs francophones, de gens qui ont le français comme langue maternelle, est sous la barre des 50 %, ce qui fait que, du côté de ceux qui ont soit la langue maternelle anglaise... on parle de 400 000 personnes dont la langue maternelle est l'anglais et de 620 000 personnes dont la langue est autre.

Ces allophones se divisent en deux parties. Une première partie intègre la culture anglophone. Et on se comprend bien, il s'agit de culture anglophone. Parmi ceux-là, plein de gens parlent le français, mais ils intègrent la culture anglophone. Et l'autre partie, l'autre 300 000 devraient plus ou moins intégrer la partie francophone, mais on n'est pas certain. Donc, actuellement, sur l'île de Montréal, il y a des gens qui ont choisi une culture qui n'est pas la culture de la majorité du Québec. Et ce que nous voulons, c'est attirer ces gens-là dans notre culture francophone. Pourquoi voulons-nous le faire et avons-nous le sentiment qu'il faut agir d'une façon urgente? Parce que nos seuils d'immigration sont très élevés. Nos seuils d'immigration vont attirer sur l'île de Montréal 500 000 personnes, environ, dans les 10 prochaines années.

Ce que nous savons de l'immigration, c'est que 90 % des travailleurs immigrants que nous choisissons vont vivre sur l'île de Montréal. Et, à ce moment-là, l'attirance vers une culture ou l'autre culture devient fondamentale. Et la possibilité d'intégrer et pas seulement de franciser, d'intégrer les travailleurs que nous voulons avoir, et dont nous avons besoin, et dont nous souhaitons la présence, la nécessité que ces personnes qui vont arriver s'intègrent à notre culture, elle est fondamentale. Et comment réussir à intégrer lorsque, sur l'île de Montréal, si on regarde ces chiffres-là, on constate qu'il n'y a pas deux locuteurs francophones pour un locuteur anglophone? Le problème est majeur et il est au-delà d'une bataille purement linguistique. Il est actuellement: Comment allons-nous nous assurer que nous réussissons à intégrer des gens qui viennent chez nous et qui veulent à juste titre y vivre, s'y établir et avoir des enfants, et que leurs enfants aient un avenir glorieux?

Bien sûr, la loi 101 doit être renforcée parce que, dans les conditions qui vont faire que les gens qui viennent seront intégrés, il faut qu'ils puissent résolument travailler en français, il faut que, résolument, la langue de l'Administration, ce soit le français, il faut que, résolument, il y ait primauté de l'affichage francophone. Ce sont des signes majeurs pour dire à ceux qui viennent et à ceux qui sont là: Nous sommes une population majoritairement francophone, notre langue est le français, et nous voulons vous inclure absolument dans notre culture. Nous voulons que vous fassiez ce choix-là, il est fondamental pour nous, c'est une condition de notre survie et de notre épanouissement. C'est dans ce contexte-là.

Et la langue d'enseignement joue considérablement, puisque, d'une part, il y a cette brèche qui vient d'être réouverte et aussi il y a le problème important du nombre de francophones et d'allophones qui, après avoir fait des études en français au primaire et au secondaire, choisissent d'aller vers le système d'enseignement anglophone. Ce sont des préoccupations majeures. Personne ne peut faire semblant qu'il n'y a pas là toutes les conditions pour qu'on agrandisse une fracture que personne ne souhaite. Et cette fracture-là, elle n'est pas purement linguistique, elle est de l'ordre des valeurs incarnées par une culture aussi admirable que la culture anglophone et aussi essentielle que la culture francophone.

Il n'y a pas de jugement de valeur sur le fait que deux cultures se partagent un espace, il y a juste une revendication fondamentale que la culture francophone soit la culture qui habite l'espace dans lequel nous vivons et nous voulons que nos enfants et que nos descendants s'épanouissent. Et, pour s'assurer que nos enfants puissent s'épanouir dans une culture francophone, cela signifie que nous devons poser un ensemble de gestes, adopter un ensemble de mesures qui soient des mesures cohérentes, qui soient des mesures courageuses et qu'il est urgemment temps d'adopter maintenant.

Vous avez le pouvoir, vous avez la responsabilité de poser l'ensemble de ces gestes-là si nous voulons nous assurer que le Québec ait un futur à la lumière de son passé, un futur et un avenir qui soit fidèle à son passé et à tout son épanouissement. Et c'est dans ce contexte-là que nous demandons encore une fois que le gouvernement, qui en a le pouvoir maintenant, adopte rapidement la loi 101 et l'applique au système... aux écoles privées non subventionnées, et qu'il y intègre d'une façon claire la clause dérogatoire, ce qui serait un geste de votre part extrêmement important pour bien marquer que vous tenez à cette langue autant que nous y tenons et que l'ensemble des Québécois y tiennent. Voilà, M. le Président, qui conclut mon intervention.

n(12 heures)n

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie, M. le député. Et à mon tour de vous remercier, vous remercier, Mme la ministre, les députés ministériels, les députés de l'opposition officielle, les gens qui vous accompagnent. Je voudrais remercier notre secrétaire, Mme Stéphanie Boutin, les techniciens audio et vidéo. Je voudrais remercier également ceux qui font les transcriptions de nos débats, les pages et, enfin, tous nos téléspectateurs.

Sur ce, la Commission de la culture et de l'éducation ayant accompli son mandat, j'ajourne les travaux au mardi 17 novembre 2009. Merci et bon retour.

(Fin de la séance à 12 h 1)


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