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Version finale

39e législature, 1re session
(13 janvier 2009 au 22 février 2011)

Le mardi 8 février 2011 - Vol. 41 N° 50

Consultation générale et auditions publiques sur le projet de loi n° 82 - Loi sur le patrimoine culturel


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Table des matières

Journal des débats

(Quinze heures cinquante-cinq minutes)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre s'il vous plaît. Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Le mandat de la commission est de tenir des auditions publiques dans le cadre de la consultation générale sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.

Mme la secrétaire, est-ce qu'il y a des remplacements?

La Secrétaire: Oui, M. le Président. Mme Poirier (Hochelaga-Maisonneuve) remplace Mme Richard (Marguerite-D'Youville) et M. Turcotte (Saint-Jean) remplace M. Robert (Prévost).

Le Président (M. Marsan): Et il me fait plaisir de vous indiquer que nous recevons aujourd'hui l'Assemblée des évêques catholiques du Québec, le Conseil du patrimoine religieux du Québec, la Société du patrimoine politique du Québec de même que le Québec inc. 9109-4631. Alors c'est notre agenda jusqu'à 9 h 30 ce soir.

Avant de laisser la parole à nos invités, je vais donner la parole à Mme la ministre pour le dépôt d'un document. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci. Merci, M. le président. Je veux saluer nos invités, saluer les collègues de l'Assemblée nationale. C'est à la suite d'une demande de l'opposition concernant la structure organisationnelle du ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Alors, c'est une demande de renseignement de l'opposition officielle. J'ai un document ici à déposer et nous avons des copies du document pour... mais enfin il y a plusieurs copies qu'on ajoute au dépôt.

Document déposé

Le Président (M. Marsan): Alors je vous remercie beaucoup.

Auditions (suite)

Nous allons maintenant écouter la présentation qui nous est faite par l'Assemblée des évêques catholiques du Québec et qui nous est représentée pas Mgr Louis Dicaire. Mgr Dicaire, je vais vous demander de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous livrer votre position sur ce sujet important.

Assemblée des évêques catholiques
du Québec (AECQ)

M. Dicaire (Louis): Bien, merci, M. le Président. Avec moi, Mme Carolyne Tanguay et M. Germain Tremblay, qui sont tous les deux membres de notre comité pour les biens patrimoniaux ou culturels. Ces personnes pourront m'aider à répondre à vos questions dans un moment.

Dans un premier temps, je pense qu'on peut dire, au nom des membres du Comité sur le patrimoine religieux de l'Assemblée des évêques du Québec, qu'on est heureux de constater la volonté du gouvernement de revoir et de rajeunir sa Loi sur les biens culturels parce que vous n'ignorez pas l'intérêt de l'Église, particulièrement de l'Église catholique, pour le patrimoine religieux, tant le patrimoine bâti que le patrimoine aussi immatériel. Et, comme en font foi nos interventions de l'année 2005 et de l'année 2008, que ce soit au niveau des diocèses, au niveau des paroisses et même des communautés religieuses, on peut dire que toutes les communautés chrétiennes ont toujours eu à coeur d'entretenir, de conserver et de développer leur patrimoine, et de grandes sommes d'argent ont été investies dans l'entretien et la restauration des édifices.

Un peu en souriant, on se dit... les gens nous disent toujours que l'Église est riche. Oui, c'est vrai qu'elle l'est, d'une certaine façon, riche. Elle est riche de son patrimoine. Au plan financier, c'est pas mal... c'est une autre chanson. Mais, de fait, ce que l'on voit de l'église, c'est souvent son côté plus visible, plus accrocheur, qui représente des années, et des années, et des années de travail, souvent laborieux, de la part des gens qui ont voulu se donner, dans chacun des milieux, un lieu pour célébrer, mais aussi pour socialiser. Et, de fait, c'est cet héritage que nous essayons d'entretenir le mieux possible et de promouvoir aussi le mieux possible pour qu'il demeure au milieu de notre société vraiment comme pas seulement le souvenir des grandes années de la foi catholique au Québec, mais vraiment comme le témoignage des racines qui nous permettent de vivre encore aujourd'hui, et c'est essentiellement un des rôles principaux de notre patrimoine religieux.

**(16 heures)**

Et, de fait, les édifices religieux au Québec ne sont pas le bien exclusif de ceux qui les fréquentent pour le culte, mais c'est comme un héritage de famille. Les biens de l'Église profitent à l'ensemble de la société, ne serait-ce que comme le témoignage des valeurs qui les ont fait naître. Et, de fait, je pense que vous pouvez trouver des témoignages de cela vraiment à l'intérieur des deux mémoires précédents, celui de 2005 et de 2008, où nos grandes valeurs ont été exprimées, l'attachement pour le patrimoine, ce que nous définissons comme patrimoine religieux à conserver. Là, on trouve, dans ces deux documents-là qui ont précédé le bref mémoire qu'on présente aujourd'hui, vraiment... De fait, ça manifeste l'intérêt soutenu des catholiques, et particulièrement des évêques catholiques, au Québec, pour le patrimoine.

De fait, au fil de nos lectures, on a remarqué que plusieurs des propositions que nous avions déjà faites par le passé, soit en 2005 ou en 2008 et même avant, ça a été retenu par le ministère d'une façon ou d'une autre. Et, là-dessus, on peut se réjouir de voir qu'il y a des aspects de collaboration qui sont déjà amorcés. Et c'est dans ce sens-là que nous souhaitons vraiment être des collaborateurs avec le gouvernement pour essayer pas simplement de sauver le patrimoine, mais vraiment de l'entretenir et de le laisser prendre toute sa place au milieu de notre société comme un bien de société.

Et, de fait, à la lecture du projet de loi n° 82, nous nous reprenons à souhaiter l'établissement d'un partenariat solide avec l'autorité civile, quelle soit municipale, provinciale, de manière à ce que, les édifices religieux dont la valeur est reconnue, que cette valeur soit signalée, protégée et aménagée dans un véritable projet social intégré vraiment à l'ensemble de notre projet de société.

De fait, quelques aspects positifs qu'on a retenus du projet de loi. Déjà, dès l'article premier, on note l'élargissement de la notion de patrimoine. Et ça, de fait, ce n'est pas banal que le patrimoine culturel est constitué de personnes, de lieux et d'événements historiques ou de documents, d'immeubles, d'objets et de sites patrimoniaux, de paysages culturels patrimoniaux et de patrimoine immatériel. En fait, ça fait un vaste éventail, et je pense que c'est très sage d' avoir intégré ces différents domaines du patrimoine.

Et aussi la création d'un conseil du patrimoine culturel du Québec, ça nous semble tout aussi positif, comme l'établissement de plans de conservation qui suggère des mécanismes de concertation. Tout cela vraiment ouvre sur des partenariats et des collaborations, particulièrement avec les responsables municipaux. Ce sont des aspects qui nous paraissent particulièrement positifs.

D'autre part, certaine points nous posent questions. Ce ne sont pas forcément des problèmes, mais c'est au moins des questions que ça a soulevées chez nous. D'abord, sur les possibilités réelles de réaliser les objectifs du projet de loi. L'article premier encore une fois annonce clairement que «la présente loi a pour objet de favoriser la connaissance, la protection, la mise en valeur et la transmission du patrimoine culturel». Mais les moyens pour réaliser cet idéal ne nous apparaissent pas clairement. Il y a beaucoup d'obligations faites au municipalités et aux propriétaires de biens patrimoniaux, et le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine ne semble pas disposer des crédits nécessaires pour appuyer toutes ces intentions. Ça reste la question... pour nous, la question reste ouverte.

Autre chose, protéger et mettre en valeur va incomber pour une bonne part aux municipalités et aux propriétaires actuels, mais c'est de plus en plus évident que les possibilités financières de ces deux niveaux sont limitées. Et déjà on sent des insuffisances même pour l'entretien quotidien, et cela nous inquiète aussi. Ça pose la question de savoir qui, à l'avenir, pourra se charger pas seulement des travaux de restauration, mais encore de l'entretien régulier des biens patrimoniaux. Deuxième question.

Une troisième. Par ce projet de loi, le gouvernement du Québec semble s'en remettre en grande partie aux bons soins des municipalités, lesquelles, on le voit à l'usage, ne jouissent pas toutes de larges ressources financières et bien souvent manquent aussi de ressources humaines. Et, là-dessus, ça pose une interrogation assez grave, à savoir qu'est-ce qu'il arrivera du patrimoine dont ces petites... particulièrement les petites municipalités auront à prendre charge. Et puis les pénalités prévues apparaissent peut-être comme des menaces plutôt que des incitatifs. Mais ça, c'est peut-être une question simplement de formulation, on pourra y revenir.

Dans un autre ordre d'idées, le patrimoine bâti de l'Église catholique reste plus important que le seul patrimoine classé. La classification devrait, pour nous, demeurer seulement un outil pour déterminer l'accessibilité aux subventions mais ne pas devenir le seul critère d'évaluation du patrimoine religieux parce que celui-ci dépasse largement les limites actuelles de la classification. On pense ici à l'ensemble des immeubles religieux construits après 1945. Plusieurs de ces édifices possèdent une valeur architecturale certaine, et il vaut la peine d'en assurer l'entretien, sous peine de les voir devenir à terme un fardeau pour la société. Là, il y a un dilemme qu'on aimerait qu'il puisse trouver sa place dans la loi qu'on présente maintenant.

Aussi, la notion de classification nous paraît complexe, pas toujours claire parce que, si, par exemple, un immeuble doit présenter un intérêt, le projet de loi ne qualifie pas cet intérêt. Il pourrait s'agir d'un degré faible, moyen, élevé ou remarquable, mais il n'y a pas d'indication sur la manière vraiment de donner une cote plus précise. Alors, ça, je pense que ça reste à éclaircir au niveau de la loi.

Et présentement un édifice religieux classé peut avoir accès au Fonds du patrimoine religieux mais pas au Fonds du patrimoine. Une église qui n'est pas classée n'a accès à aucun fonds. Or, dans le cas où l'édifice devient candidat au classement, c'est-à-dire au moment où un avis d'intention est émis, une période d'au moins un an est allouée pour permettre l'exécution de diverses consultations et formalités, et ce délai peut être prolongé jusqu'à deux ans. Durant cette période, il n'y a rien de prévu pour soutenir financièrement le propriétaire qui, dans bien des cas, ne peut plus subvenir par lui-même à l'entretien de ce bien en question. Voilà sur les questions qu'on se pose.

Il nous reste quatre propositions pour terminer, si vous permettez. Nous pensons qu'il serait pertinent de créer un fonds de fonctionnement pour les églises à valeur patrimoniale, qu'elles soient classées ou non. Ce fonds pourra subvenir aux besoins quotidiens et permettre, en partenariat avec l'État, une réflexion dégagée du sentiment d'urgence au moment où il devient nécessaire de proposer de nouvelles utilisations. Cela n'est jamais prévu, et pourtant la charge d'un édifice patrimonial devient énorme, surtout quand une communauté chrétienne, par exemple, ne peut plus subvenir aux besoins de son édifice et que l'édifice mérite d'être conservé ou entretenu, il y a un trou à ce niveau qui mériterait d'être comblé.

Je pense aussi qu'il faut donner aux municipalités les moyens d'établir de véritables partenariats avec les propriétaires et de remplir leur rôle prévu par la loi en regard du patrimoine, notamment du patrimoine religieux. À cet effet, cette note du patrimoine religieux, je me permets une petite parenthèse pour déplorer que l'on n'ait pas retenu la suggestion de créer une section spécifique sur le patrimoine religieux ou de définir spécifiquement ou tenir compte spécifiquement du patrimoine religieux dans le projet de loi. On peut le regretter, mais je vous en fais part.

Il faut revoir aussi la question des pénalités, là, vraiment dans une perspective d'incitatif à promouvoir le patrimoine et non pas comme une charge qui paraîtra vite disproportionnée.

Puis enfin on propose de réserver, parmi les 12 postes prévus au Conseil du patrimoine culturel du Québec, un siège spécifiquement pour le patrimoine religieux. Voilà.

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie beaucoup...

M. Dicaire (Louis): Merci de votre attention.

Le Président (M. Marsan): ...Mgr Dicaire. Nous allons immédiatement débuter la période des échanges et nous allons séparer le reste du temps, il reste à peu près un peu plus de 20 minutes de chaque côté. Alors, je vais reconnaître Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. La parole est à vous, madame.

**(16 h 10)**

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Nous reprenons cette commission parlementaire, alors je veux saluer tout le monde qui est avec moi ici, les députés et votre équipe, M. le Président, alors c'est un plaisir de vous revoir. Et il y a aussi nos téléspectateurs qui suivent nos travaux avec beaucoup, beaucoup d'intérêt, j'en suis persuadée, parce que c'est un sujet qui est fort important, la question du patrimoine culturel.

Sur votre dernière remarque concernant le patrimoine religieux, je pense que ce qui a été décidé, c'est de ne pas dire spécifiquement «patrimoine religieux». Mais on sait que le patrimoine religieux, il est omniprésent dans la question du patrimoine culturel au Québec. Je pense qu'on ne peut pas penser patrimoine, au Québec, sans penser, sans avoir en tête, à certains moments... ou enfin tout ce que le patrimoine religieux représente pour l'histoire du Québec. Alors, on va retrouver du patrimoine religieux dans le patrimoine immatériel, probablement peut-être un jour dans le patrimoine... dans un paysage patrimonial et évidemment dans des objets, des immeubles, et tout cela. Donc, je pense que, dans toutes les catégories que nous avons, nous avons évidemment -- c'est très... c'est inclusif -- nous avons le patrimoine religieux, et la définition englobe, à mon avis, évidemment très bien le patrimoine religieux.

Je voudrais vous parler au départ de la question de la classification. Je pense que, sur la question de la classification, il faut être assez précis sur les mots. Le Fonds du patrimoine religieux, qui a été créé en 1995, comme vous le savez, a donné des cotes, là, et ce n'est pas une classification proprement dite. La classification, c'est la protection que le ministère accorde. Alors, il y a la classification, la citation, puis on va ajouter d'autres catégories pour rendre ça un peu plus simple, mais aussi faire en sorte que nous ayons ces catégories.

Dans le cas des églises, bien, ce sont des cotes. Et, évidemment, quand le Fonds du patrimoine religieux prend ses décisions, avec tous les projets qui sont devant lui, bien, il va accorder une priorité à la cote A, puis ensuite c'est B, C, D, etc. Je pense que vous connaissez ça plus que moi encore parce que vous êtes dans ce dossier-là depuis plus longtemps. Mais c'est la façon de procéder. Depuis 1995 -- c'est un fonds qui a été créé en 1995 -- il y a beaucoup d'argent qui a été investi, on parle de 265 millions de dollars à partir du fonds. Ensuite, la population, c'est-à-dire les gens aussi ont contribué. Parce que la subvention peut aller jusqu'à 70 %; dans certains cas, c'est 50 % s'il y a une certaine richesse foncière.

Votre idée... C'est sûr que l'argent, c'est le nerf de la guerre, là, on s'entend là-dessus. Mais évidemment le gouvernement a un budget, puis on a plusieurs missions: la mission éducative, la mission sociale, la mission des questions de santé. Et, je voudrais savoir, quand vous nous parlez d'un fonds de fonctionnement... Parce qu'on a fait des calculs, nous. Les frais de fonctionnement seraient environ 250 millions annuellement. Ça nous prendrait environ 250 millions si on assumait le fonctionnement de tout ce qu'il y a d'églises, là, d'églises au Québec. Donc, si on regarde... Enfin, ça représente beaucoup d'argent pour l'Église, donc, je le comprends, pour... Mais 10 % de cela, ce serait 25 millions; 25 % serait 60 millions; 50 %...

Est-ce que vous avez réfléchi sur comment on pourrait mettre des sous dans la tirelire, cette grosse tirelire? Est-ce qu'il y aurait un mode qui serait, pour la population, acceptable, de dire: Oui, on accepte de contribuer? Et de quelle manière on devrait le faire pour aussi ne pas nuire aux autres missions de l'État? Parce que certaines personnes vont peut-être vous dire: Bien, entre choisir des lits dans un CHSLD puis aider à chauffer une église, je pense qu'on va choisir le CHSLD. Il y a des gens qui vont peut-être vous répondre cela. Alors, quelle serait la formule pour vraiment alimenter ce fonds et faire en sorte qu'on puisse répondre à cette préoccupation que l'on comprend très bien que vous avez, qui est très légitime?

M. Dicaire (Louis): Oui. Bien, je ne peux pas imaginer la formule, c'est-à-dire que je pense qu'on peut travailler sur plusieurs axes en même temps. Généralement, quand... J'ai un exemple précis en tête, c'est la petite paroisse Saint-Michel-Archange, dans mon diocèse, où on découvre que l'église a un besoin urgent d'être réparée, il y a une fissure dans le clocher qui menace tout l'ensemble, et les paroissiens découvrent qu'ils n'ont vraiment pas les moyens à eux tout seuls de faire quelque chose pour l'église. C'est un partenariat avec la municipalité finalement qui a sauvé la mise de cette église, en se disant... Mais même le conseil municipal a accepté le fait qu'enlever l'église, jeter le clocher par terre, notre village n'a plus de personnalité. Alors, ils ont reconnu l'apport essentiel de ce clocher et ils ont organisé, sur une période de cinq ans, des activités lucratives justement pour permettre de restaurer ce qui pouvait être restauré de cette église-là. C'est une voie.

Dans d'autres milieux, on a essayé de demander aux gens: Êtes-vous prêt à mettre 100 $ par année comme contribution à la restauration de l'église pendant deux ou cinq ans? Dans certains milieux, on ne répond pas, ou 10 % de la population va répondre. Puis ce n'est pas toujours oui. Alors, vous voyez, c'est difficile de trouver la formule.

Le Président (M. Marsan): M. Tremblay.

M. Tremblay (Germain): C'est difficile de répondre directement à votre question: Combien? On a été audacieux mais pas trop quand même. Tout d'abord, il faut repréciser que cette première proposition là concerne les églises à valeur patrimoniale. On aurait pu aussi écrire «les grandes nefs». On parle donc de ces grandes églises qui sont encore ouvertes au culte, qui appartiennent encore à l'église mais qui ont une valeur et un caractère patrimonial historique touristique reconnu. Donc, ce n'est pas pour l'ensemble des églises qu'est faite la proposition, donc on pourrait baisser un peu le chiffre que vous nous avez donné.

Deuxièmement, on ne veut pas que le gouvernement ou que l'État paie la totalité de cela. On a besoin d'une aide. Donc, une aide, ça pourrait être négocié, on pourrait parler de diverses proportions, mais c'est ce dont on aurait besoin. On en avait, de l'aide, on en a déjà eu, de l'aide de l'État, ou tout au moins d'une branche de l'État, lorsqu'Hydro-Québec, par exemple, avait un tarif privilégié pour le BT. C'était une aide importante qu'on a perdue, on sait pourquoi, la discussion a été faite, etc. Mais ce type d'aide là, qui ne venait pas directement du gouvernement mais de l'État quand même, était très appréciable. Bon. On l'a perdu, on a pleuré sur nos oignons, maintenant on est passé à autre chose. Mais ça nous aidait vraiment.

Et ce qu'on ne veut pas, lorsqu'on dit qu'on cherche un partenariat puis c'est de l'aide, c'est qu'on ne veut pas être disqualifiés dès le départ par rapport à la responsabilité que nous avons et que nous aurons encore par rapport à nos édifices religieux. On est encore capables, pour plusieurs de ces édifices-là, d'en prendre soin. On cherche des formules. Mgr Dicaire donnait un exemple tout à l'heure qui est une formule très intéressante. On se dit qu'il est peut-être pensable... c'est peut-être trop osé de croire cela, mais il est peut-être pensable de croire que l'État pourrait, avec nous, discuter d'un fonds comme celui-là.

Bien entendu, si on prend la logique que c'est plus intéressant pour l'ensemble de la population, c'est plus acceptable de donner l'argent pour les hôpitaux et l'éducation, mais, à ce moment-là, on va tout couper sauf la santé et l'éducation. On sait qu'il y a d'autres besoins, qu'il y a d'autres intérêts. Il faudrait en discuter. Et, nous, on le voit dans un projet social global. On a la prétention de croire qu'il est encore plus avantageux et plus payant, pour les édifices patrimoniaux, là, importants, c'est encore plus intéressant de les garder ouverts pour la mission et la vocation pour lesquelles ils ont été construits, plutôt que de les transformer que ce soit en centres sociaux, en condominiums ou autres choses, historiquement parlant, ou par rapport au patrimoine ou le tourisme, et les pratiquants, les croyants gardent aussi leurs temples ouverts. Il serait même possible de les garder ouverts peut-être un peu plus. Voilà. C'est cette approche-là que nous avons.

**(16 h 20)**

Mme St-Pierre: Oui. J'ai vu ça aussi que vous parliez même que vous n'étiez pas contre, mais que vous trouviez qu'il ne fallait pas toujours nécessairement changer les églises en centres culturels ou... Mais la question demeure la même. Vous dites: Créez un fonds. Tout le monde est pour la vertu, sauf que, le fonds, il faut prendre l'argent quelque part. Et comment on pourrait arriver à... Bon. Vous trouvez le chiffre de 250 millions un peu gros, mais, si vous me dites: Ah, ce seraient toutes les plus belles églises du Québec, bien, le petit village dans le fin fond du fin fond, il trouve que sa petite église est bien, bien belle, lui aussi, puis... Alors, il y a ça aussi. Donc, je pense que, si on allait vers ça, il faudrait avoir une formule qui satisfasse tout le monde.

Aussi, dans le projet de loi, pour la transformation d'édifice, on se donne un pouvoir habilitant qui pourrait peut-être éventuellement être la formule suivante, c'est-à-dire, pour l'émission d'un permis, il y aurait un montant d'argent qui serait demandé, et cet argent-là reviendrait dans un fonds.

Et, je regardais, en fin de semaine, dans les journaux, à Montréal, un édifice qui est en transformation, un édifice de condos qui est en transformation à l'Université de Montréal, qui avait appartenu à des religieuses, les condos vont se vendre entre 795 000 $ et 12 millions de dollars. Ça fait que, quand tu paies 12 millions de dollars pour un condo, tu as peut-être le moyen de payer un petit permis pour aller dans le fonds... Voyez-vous, il faut être imaginatif, il faut...

Et c'est vrai qu'il ne faut pas tout changer les vocations, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais il faut qu'on réussisse à avoir une formule pour faire face à tout ça. Et le défi qu'on a devant nous, c'est cela. Alors, vraiment, je dis que, oui, le gouvernement a une responsabilité, l'Église a une responsabilité, mais la population aussi. Quand M. le monseigneur disait: On fait une demande pour 100 $ par année, puis que le monde envoie même des lettres de bêtises, c'est épouvantable. Je veux dire, ça n'a pas de bon sens, de même dire que 100 $, c'est trop puis on... Qu'on n'envoie rien, on peut se dire: Bon, bien... Mais envoyer une lettre en disant que... pas d'allure, c'est impoli, là. Je n'ai pas été élevée de même, moi. Alors...

Le Président (M. Marsan): M. Tremblay.

M. Tremblay (Germain): Oui, si vous me permettez, juste pour répondre à ce que vous venez de dire: deux choses. D'abord, bien sûr, on aurait pu tenter de faire l'exercice de trouver quelles seraient les façons de créer ce fonds-là. Dans le peu de temps qui nous était imparti pour préparer le mémoire, on n'a pas pu aller jusqu'au bout de l'exercice. On lance l'idée, on ose le faire sans même avoir de chiffres, mais il me semble que l'exercice peut se poursuivre, et on pourrait éventuellement trouver des solutions.

Mme St-Pierre: Le dialogue peut se poursuivre, mais ce n'est pas d'hier qu'on est sur ce projet-là. On a fait une grande consultation. J'ai rencontré d'ailleurs dans cette consultation mon ancien professeur de philosophie, Mgr Gaumond, que vous saluerez de ma part, qui a été le meilleur enseignant que j'ai eu dans ma vie. Et on a fait une consultation, on a eu le livre vert, on a fait une consultation. Il y avait eu même une commission parlementaire avant sur le patrimoine religieux. On réfléchit depuis longtemps. Et la prise de conscience, il faut qu'elle soit vraiment collective...

M. Tremblay (Germain): La deuxième chose que je voulais ajouter, juste pour répondre à votre propos tout à l'heure, en disant: Oui, mais la petite église dans un village... Notre proposition parle d'églises à valeur patrimoniale. Donc, ce n'est pas parce qu'elle n'est pas classée, ou même qu'elle est classée D ou E, que, pour le village, ça n'a pas une valeur patrimoniale importante. Dans certains coins, c'est peut-être la seule grande valeur patrimoniale existante. Donc, on n'y va pas selon la classification actuelle, ou quoi que ce soit, mais on parle de valeurs patrimoniales qui seraient à déterminer, bien entendu, là. Là encore, on n'a pas été au bout de l'exercice, manque de temps.

Mme St-Pierre: Je vous invite à continuer la réflexion avec nous puis d'essayer de voir comment on pourrait y arriver. Mais je peux vous dire qu'on a toute une équipe, ici, au ministère puis Commission des biens culturels, on a des gens qui évidemment se penchent sur cette question-là. Le Fonds du patrimoine religieux a quand même été, je pense, une excellente décision. Le Fonds du patrimoine culturel créé par ma prédécesseure a été aussi quelque chose de bien parce que le patrimoine religieux y a accès également. On a l'oratoire Saint-Joseph à Montréal, on a quand même mis 7 millions de dollars dans l'oratoire Saint-Joseph. Il y en a, de l'argent qui circule, là. Parce qu'il ne faut pas non plus laisser les gens sous l'impression qu'il n'y a pas un sous qui circule pour ce qui est du patrimoine religieux au Québec. Ce n'est pas vrai.

M. Tremblay (Germain): ...l'impression qu'on croit que ce n'est pas le cas non plus. On fait un pas... on tente de faire un pas de plus en reconnaissant ce qui se fait déjà, bien entendu.

Mme St-Pierre: En tout respect, moi, je vous dis, continuez à... On est très ouverts à ce qu'il y ait une réflexion là-dessus, mais il faut qu'on trouve une formule qui soit acceptable aux gens, aux Québécois, aux payeurs de taxes, qui contribuent déjà. Mais, vous avez raison, on fait face à un défi énorme, on le sait, on le voit, on est assez... On a des yeux, nous aussi, puis on voit qu'il y a des choses qui doivent... sur lesquelles on doit réfléchir et comment, comme Québécois, on veut faire en sorte que ce soit protégé. Monseigneur, je pense que vous avez quelque chose à ajouter?

M. Dicaire (Louis): Oui, je voulais simplement vous dire que vous pouvez compter sur notre collaboration.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, je ne sais pas s'il reste du temps, peut-être que mes collègues ont des questions.

Le Président (M. Marsan): Absolument. M. le député de Charlesbourg.

M. Pigeon: Merci, M. le Président. Bonjour, Monseigneur, bonjour aux personnes qui vous accompagnent. Le projet de loi parle de patrimoine et introduit la notion de patrimoine immatériel. Et, puisque vous représentez l'Église, bien, évidemment, cette notion-là, j'imagine, est très importante pour vous. Et je me demandais comment vous voyez, là, le rôle du projet de loi puis comment le projet de loi introduit cette notion-là, quelle importance ça a pour vous. Puis est-ce que vous avez des suggestions, remarques ou commentaires à faire à ce sujet-là, qui est quand même un élément clé du patrimoine?

M. Dicaire (Louis): Oui. Pour nous, ça reste un élément à approfondir parce que c'est une notion nouvelle pour nous, la question du patrimoine immatériel. Et, de fait, on s'en rend compte, que, si la technique de la ceinture fléchée -- j'ai entendu cet exemple, là, à un moment donné -- si ça peut devenir candidat au patrimoine immatériel, bien, je regarde, dans les habitudes de vie de nos communautés chrétiennes, il y a plein de sections comme ça. Je reste dans la couture, les religieuses qui étaient dentellières, dont les techniques se perdent actuellement, je pense qu'on pourrait investiguer de ce côté-là pour ouvrir des portes, en tout cas...

Mme St-Pierre: ...

M. Dicaire (Louis): Pardon?

Mme St-Pierre: Je vais changer d'exemple.

M. Dicaire (Louis): Ah! C'est vous qui nous l'avez soufflé?

M. Pigeon: Non, mais je vous remercie, là, de votre réponse. Mais, moi, je me posais la question aussi: Est-ce que la notion de patrimoine immatériel va aussi loin que les réflexions plus profondes que peut faire l'Église sur comment les gens doivent mener leur vie, etc.? Je voulais juste savoir si vous aviez fait une réflexion là-dessus en ce qui a trait, là, à la notion de patrimoine immatériel et tout ce que peut véhiculer, là, l'Église, quand même, depuis des siècles?

M. Dicaire (Louis): Oui, bien, si vous faites allusion à la mission de l'Église qui est de faire connaître Jésus-Christ puis d'inviter les gens à pratiquer les moeurs évangéliques, oui, ça reste là-dedans, mais c'est difficile de faire saisir actuellement que cela aussi fait partie de notre patrimoine. Et c'est un défi pour l'Église, là, actuellement, et on s'emploie, à divers niveaux, particulièrement en catéchisant les enfants, à vraiment les initier à cette vie chrétienne. Mais là on est vraiment dans le patrimoine immatériel, là, carrément.

Et, avec la collaboration des parents, je pense qu'on réalise que, l'église, ce n'est pas seulement qu'un truc de pierre et de brique, mais c'est vraiment un style de vie, c'est une appartenance à une communauté, et cela n'est pas tangible, effectivement, matériellement. C'est pour ça que j'aime bien cette notion de patrimoine immatériel.

Le Président (M. Marsan): M. Tremblay, vous voulez compléter?

M. Tremblay (Germain): ...compléter, on pourrait penser aussi à la liturgie, qui est un patrimoine en tant que tel, qui a une histoire, qui a une âme. C'est le coeur de l'activité chrétienne pratiquante dominicale et même en semaine. Il y a là quelque chose d'important, oui, bien sûr.

Et, pour répondre à votre question qui est à savoir comment est-ce qu'on réagit par rapport à ça, moi, je me dis: Pour que ça existe, il faut que ça soit nommé, et ça l'est dans le projet de loi, donc bravo.

M. Pigeon: Donc, moi, j'ai vu, là, que le ministère avait donné un contrat à la chaire de recherche du Canada en patrimoine ethnologique, là, pour faire un inventaire du patrimoine immatériel religieux, là. J'imagine que vous êtes au courant de ça. Et, moi, c'est ça, la question que je me posais, c'est: Est-ce qu'on doit aller beaucoup plus loin? Et j'imagine que l'Église, de toute façon, voit comme sa mission... si on dit que la liturgie, ça fait partie du patrimoine immatériel, bien sûr, la mission de l'Église, et là vous l'assumez pleinement, et là ce n'est plus une question, je dirais, gouvernementale ou de loi, à ce moment-là.

M. Dicaire (Louis): ...on joue sur... on est sur deux niveaux, là, de fait. Mais on serait prêts tout à fait à collaborer avec cette commission pour faire un inventaire de ce patrimoine immatériel. Je suis volontaire.

Le Président (M. Marsan): Ça va?

M. Pigeon: Merci. Moi, ça va, merci.

Le Président (M. Marsan): Ceci termine notre première période d'échange avec le parti ministériel. Je vais maintenant reconnaître M. le député de Drummond, qui est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communication. M. le député.

**(16 h 30)**

M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs dames. Mon collègue de Charlesbourg a ouvert un débat d'une importance considérable et peut-être insurmontable. S'il est une institution dont les traits culturels pouvant s'inscrire dans le patrimoine sont documentés, transposés sur des supports qui sont déjà d'emblée en mesure de traverser le temps, c'est bien l'Église. L'Église a codifié, écrit, de temps immémoriaux, l'essentiel des éléments de sa culture propre, transmissibles par le biais du patrimoine. Non pas qu'il n'y en a pas, il y a forcément, dans tout sujet de conversation, dans tout sujet d'intérêt, des éléments qui sont immatériels, qui sont les mécanismes ayant mené à l'apparition d'un phénomène donné. Mais ça démontre, je pense, la nécessité de travailler davantage sur la notion de patrimoine immatériel, dont la définition, dans le projet de loi, ne mentionne même pas, à ce stade-ci, que c'est, par définition, des éléments qui ne sont pas disposés sur un support physique. Et c'est le premier élément qui devrait définir un élément de patrimoine immatériel. Et donc l'ampleur de la réflexion me semble un défi considérable parce qu'il faudra baliser. Et l'ensemble des questions que votre mémoire soulève demande aussi des balises.

Ma question sera très, je dirais, concrète, et je comprendrai que vous n'ayez pas les chiffres de façon très précise. L'ensemble des immeubles religieux, des églises du Québec et des presbytères qui y sont attenants, bon, c'est un nombre que j'avoue ne pas connaître, mais j'imagine que vous en avez un aperçu. Il y en a un certain pourcentage qui n'est plus déjà à vocation religieuse. Il y a un certain pourcentage qui déjà a été cédé ou auquel l'Église a simplement renoncé sous différentes formules. J'aimerais avoir une idée de ce qui a été retenu ou non retenu. Quelle partie du parc de l'Église a déjà été cédée ou à laquelle l'Église a déjà renoncé? Est-ce qu'on a ces chiffres-là?

M. Dicaire (Louis): Je ne pense pas que nous ayons des chiffres pour l'ensemble du Québec. Mais je peux vous dire que, dans le diocèse de Saint-Jean--Longueuil, on a eu 19 paroisses qui ont été ou regroupées ou fermées, et ça suppose la réaffectation d'une ou plusieurs églises. Je prends, par exemple, dans la ville de Saint-Jean, il y avait 11 églises et il en reste sept. Alors, certaines ont été réaffectées complètement à des... Mais ce sont des chiffres qui varient d'un endroit à l'autre. Toutes les villes du diocèse de Saint-Jean--Longueuil n'ont pas 11 églises au point de départ. Parfois, c'est deux, parfois trois. Sur les deux ou trois...

Qu'est-ce qui fait qu'on est obligé de sacrifier une église, à un moment donné? Généralement, on regarde, premièrement, la vitalité de la communauté qui l'habite, sa viabilité aussi au plan financier, au plan administratif. Quand les marguilliers viennent nous trouver au diocèse puis disent: Bien là, pour les prochaines élections de marguilliers, là, on ne trouve pas deux nouveaux pour remplacer, là, ça en prend six, bien là, si on n'en trouve pas deux encore, il y a quelque chose qui ne marche pas, là, dans l'administration de cette fabrique-là. Alors, ce sont des éléments comme ça qui nous permettent de conclure, avec l'accord, l'assentiment des paroissiens présents, si on peut continuer en faisant un effort ou si on doit fermer et qu'est-ce qu'on doit faire avec l'église.

Ce qu'on doit faire avec l'église, c'est, premièrement, la céder, dans notre esprit, c'est la céder à une autre dénomination chrétienne, si ça ne marche pas... s'il n'y a personne, à une entreprise communautaire, une bibliothèque, culturelle, imaginons ce qu'on voudra et, finalement, en désespoir de cause, du logement social, pas des condominiums de luxe, là, comme il a été question, là. Pour nous, là, les édifices religieux, on en dispose de cette manière.

M. Blanchet: Je veux être très certain que l'esprit de mon intervention soit clair. Je comprends la difficulté à laquelle l'Église, au sens temporel du terme, est confrontée dans la gestion de ce parc qui est lourd à entretenir et je comprends aussi, à l'autre extrémité, la situation des citoyens de petites communautés rurales ou de communautés situées à l'intérieur des agglomérations urbaines où il y a une espèce de tension qui se crée à cet égard-là. Et, dans la réflexion, je me suis posé une question fort simple et je me suis même dit... et j'ai consulté un peu. J'ai dit: Voici une question simpliste. On m'a dit: Elle n'est pas simpliste parce que la réponse n'est pas claire. À qui appartient une église?

M. Dicaire (Louis): En régime catholique, à propos de la... en s'appuyant sur la Loi des fabriques, qui est exclusive au Québec, et en s'appuyant sur les principes du Code de droit canonique, qui est le système légal interne à l'Église, un édifice... la paroisse possède... c'est-à-dire la fabrique, au sens précis du terme, c'est-à-dire l'assemblée des marguilliers avec son curé, c'est le groupe propriétaire de l'église, du presbytère ou des dépendances.

M. Blanchet: ...la loi établit un nombre considérable de juridictions que l'évêque et le diocèse se réservent. Si j'étais responsable d'un immeuble assujetti à toutes ces restrictions, j'aurais grand mal à m'en considérer propriétaire parce qu'il y a beaucoup de choses... Écoute, la fabrique ne peut essentiellement que suivre les directives du diocèse.

M. Dicaire (Louis): En fait, il faut voir ça plutôt dans le sens d'un partenariat qui protège et les marguilliers et l'évêque. D'un côté, l'évêque ne peut pas décider unilatéralement de faire quelque chose avec... de vendre une église, par exemple, il doit passer à... obtenir lui-même l'assentiment du conseil de fabrique et des paroissiens, l'assemblée des paroissiens. Pour les grandes questions, on convoque l'assemblée des paroissiens, et c'est soumis vraiment à cette assemblée. D'un autre côté, le groupe des marguilliers... la fabrique ne peut pas disposer d'elle-même de l'édifice sans l'accord de l'évêque, de sorte que les deux interventions s'équilibrent et se protègent l'une l'autre d'écarts trop grands.

M. Blanchet: Et je mettrais un troisième joueur pour que vous me précisiez. Donc, l'autorité, la juridiction... Puis encore là ce n'est même pas l'ombre d'un reproche. On ne réécrit pas l'histoire. Le Québec s'est construit comme il s'est construit, et il y a un héritage qui vient avec ça. Donc, la juridiction est essentiellement celle du diocèse. Techniquement, on dit que la fabrique est propriétaire de l'immeuble. Qui a payé l'immeuble?

M. Dicaire (Louis): Ce sont les gens qui l'ont voulu, c'est-à-dire que c'est à partir de leurs dons qu'on a pu construire l'église...

M. Blanchet: ..les citoyens de la communauté.

M. Dicaire (Louis): Ils n'ont pas acheté l'église. Ils ont donné un montant d'argent pour qu'elle soit construite.

M. Blanchet: Mais toute la dynamique s'active au moment où l'enjeu de l'avenir d'une église donnée dans une communauté donnée est soulevé. Le diocèse a l'autorité, la fabrique a la propriété, la population a la légitimité, si je puis l'exprimer ainsi, et parfois il pourrait y avoir des désaccords. Évidemment, il y a l'exemple qui a été assez fortement présenté dans l'actualité, qui est celui de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, où, avant de céder l'immeuble, l'Église voulait en sortir l'objet de valeur qui est l'orgue, pour lequel il y aurait eu un acquéreur. Donc, dans cette situation précise, l'Église disait: Je vends ce qui a de la valeur et -- disons-le crûment -- pour ne pas avoir à entretenir le reste, je le cède.

Et je comprends très bien la réalité économique de ça mais, dans la perspective du citoyen, de la communauté, c'est un peu difficile. Et il y a un certain nombre de cas répertoriés à travers le Québec qui sont moins dramatiques mais où les communautés veulent garder ce seul élément, ou presque seul élément de patrimoine architectural de leurs communautés, lieu de rassemblement, et veulent pouvoir le conserver. Et là toute la question dont vous discutiez avec Mme la ministre tout à l'heure, qui va payer, pour quoi, est là.

Mais la question est: Comment peut-on arbitrer le fait que l'Église veut choisir quels immeubles elle garde et sur la base de quels critères obtenir du financement pour la restauration ou la préservation patrimoniale des églises qu'elle souhaite garder, céder ou aliéner? Les autres dont la responsabilité retombe... soit qu'elles vont être cédées, abandonnées ou soit que les communautés vont devoir se réveiller le lendemain matin sans financement spécifique et essayer de se les approprier? Comment fait-on cet arbitrage-là pour ne pas que ça penche un peu trop en faveur du financement que l'Église demande?

M. Dicaire (Louis): C'est essentiellement en travaillant avec les gens, avec la population, avec d'abord les gens qui sont là dans la communauté, c'est d'abord eux les premiers concernés, et ensuite aussi avec le milieu. Et c'est là que ça se joue, hein, à chaque fois, et c'est au cas par cas. On ne décide pas, d'un bureau d'évêque ou de directeur général de diocèse, on ne décide pas, dans un bureau: Bon, bien, telle église, on ferme; telle église, on ouvre; telle église, on finance. Ce n'est pas comme ça que ça marche.

**(16 h 40)**

M. Blanchet: Est-ce qu'au contraire la loi, outre être précédée d'une politique... mais on en a déjà parlé. Mais est-ce qu'au contraire la loi ne devrait pas prévoir le mécanisme par lequel les citoyens, qui ultimement ont payé pour l'immeuble, auraient l'option, la capacité de s'approprier le lieu, le cas échéant, plutôt effectivement que d'y aller dans un cas par cas qui est tributaire de la bonne foi, ou du tempérament, ou de l'historique de chacun des cas?

M. Dicaire (Louis): Je pense qu'actuellement, là, on est au niveau de travailler au cas par cas. J'ai encore très frais à la mémoire l'exemple d'un milieu, un petit milieu dans Saint-Jean--Longueuil, très rural, où il a fallu se départir de l'église qui vraiment n'était plus fonctionnelle pour nous. Ça a pris quatre ans de négociation avec le milieu pour arriver à un compromis qui satisfasse tout le monde. Et, ô joie, on a sauvé l'église, parce qu'elle est en train d'être transformée en centre communautaire. C'est un cas. Mais il faut être patient, là. C'est-à-dire qu'on ne peut pas penser actuellement régler d'office, ou de haut, ou de loin chaque problème. Il faut vraiment être proche du milieu, dans le milieu pour arriver à quelque chose.

M. Blanchet: Je suis conscient qu'il faut que les gens du milieu soient très impliqués dans le processus...

M. Dicaire (Louis): Il faut qu'ils s'impliquent, bien sûr.

M. Blanchet: Je doute de la possibilité que l'État s'en remette à la bonne volonté des intervenants qui régleront leurs affaires cas par cas. Parce qu'effectivement c'est cas par cas. Dans ma circonscription, Saint-Edmond-de-Grantham étudie la possibilité de garder l'église ou de faire un centre communautaire. À L'Avenir, ils ont réussi à transformer ça en centre communautaire. Saint-Lucien est en train d'étudier. Il y a un ensemble de cas. Mais je pense qu'il y a souvent suffisamment de détresse dans les communautés pour qu'une loi sur le patrimoine, qui, d'ailleurs, pour moi... Pour moi, il y a un éléphant dans le salon, là. Le mot «religieux» n'étant pas dans la loi, pour moi, c'est assez fascinant compte tenu du pourcentage de notre patrimoine, du volume qui est à caractère religieux. Notre histoire étant ce qu'elle est, je pense qu'il faut que la loi intervienne. Mon collègue de Saint-Jean avait par contre une question. Je veux lui laisser un...

Le Président (M. Marsan): Oui, mais auparavant, M. Tremblay voulait faire une intervention.

M. Tremblay (Germain): Très rapidement. Qu'on le veuille ou non, qu'on aime ça ou non, qu'on voudrait que ce soit autrement ou non, les églises dans les paroisses sont la propriété des fabriques de paroisse. On est dans un État de droit, les propriétaires ont des droits et des responsabilités. Ces droits et ces responsabilités-là sont pratiquées par les fabriques de paroisse, par les marguilliers, par les curés, par les paroissiens.

Souvent, on a de beaux résultats, il y a de beaux projets. C'est souvent les projets qui vont un peu plus mal ou qui sont un peu plus croches qui ressortent dans les médias et qu'on connaît davantage. Mais, qu'on le veuille ou non, on demeure propriétaires. Et, comme Mgr Dicaire le disait, la plupart du temps, les démarches que nous faisons sont faites de façon sérieuse, efficace, en consultation.

On veut tellement le faire qu'il y a quelques années, avec le ministère de la Culture, la plupart des diocèses ont signé une entente disant que, bon, déjà on consultait les paroissiens, allons plus loin, on va mettre dans le coup tous les autres citoyens, qui ne sont pas nécessairement paroissiens ou pratiquants mais qui auraient quelque chose à dire, qui auraient un intérêt ou quoi que ce soit. Donc, on va jusque-là malgré le fait qu'on soit propriétaires, qu'on ait des droits, on essaie d'exercer nos responsabilités le plus civilement... le mieux possible.

Le Président (M. Marsan): Je vais maintenant céder la parole à M. le...

Une voix: ...

Le Président (M. Marsan): Oui? Juste en terminant.

M. Blanchet: Oui. C'était trop intéressant. Si je prends les propos que vous teniez au pied de la lettre, ça veut dire que chacune des fabriques au Québec peuvent, demain matin, considérer qu'elles vont librement disposer de l'immeuble dont elles sont propriétaires.

M. Tremblay (Germain): Ils auraient peut-être la tentation de le faire, pour certains, mais moralement ils ne pourraient pas le faire parce qu'il y a beaucoup trop de choses dont il faut tenir compte avant d'y arriver. Et d'ailleurs l'histoire nous le montre, l'histoire récente, c'est qu'il y a eu quelques cas où peut-être que le propriétaire avait cette tentation-là, mais ça a été rapidement bloqué ou modifié parce que les paroissiens ou les citoyens ont réagi pour différentes raisons. Donc, oui, peut-être que la tentation pourrait être là, mais, dans la pratique, ça ne se fait pas souvent.

Le Président (M. Marsan): Merci. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Jean.

M. Turcotte: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais vous poser une question. On a beaucoup parlé des églises. On a parlé un peu des presbytères. J'aimerais vous parler de la question des cimetières. Ça fait aussi partie de notre patrimoine. Dans ma circonscription, à Saint-Jean, Mgr Dicaire, vous êtes sûrement aussi au courant même si ce n'est pas un cimetière catholique, mais, dans le cas de l'église St. James, à côté, le cimetière, les pierres qui ont... notamment la pierre tombale du premier maire de la ville de Saint-Jean-sur-Richelieu, de la mère et de la deuxième femme du père de Félix-Gabriel Marchand, qui a été premier ministre du Québec, ont été déplacées, endommagées et mises à d'autres endroits dans d'autres cimetières qui n'ont aucun lien. Et ces décisions-là sont prises souvent...

Dans le cas de l'Église catholique, je comprends que les diocèses ont quand même un sens... C'est beaucoup plus près. Dans notre cas, Saint-Jean--Longueuil, certaines personnes vont dire que Saint-Jean est plus important parce que nous avons la cathédrale, et c'est là que l'évêque devrait siéger aussi. Mais ça, c'est un autre débat.

Mais, dans le cas d'autres religions, protestante, anglicane, baptiste ou autre, des fois les décisions se prennent à l'extérieur. Dans le cas de St. James, ça s'est pris à Chambly, mais, dans d'autres cas, ça peut se prendre même en Ontario, à l'extérieur du Québec, parce que l'évêque est ailleurs. Donc, qu'est-ce qu'on fait pour nos communautés qui, pour eux, le cimetière, oui, c'est un lieu où on a enterré des morts, mais c'est aussi un lieu d'histoire? Puis c'est notre histoire à nous, de notre collectivité. Qu'est-ce qu'on peut faire pour s'assurer de la préservation de nos cimetières?

M. Dicaire (Louis): C'est une excellente question. C'est une question à laquelle on travaille énormément du côté catholique. Maintenant, pour les anglicans et le cas particulier du cimetière dont vous me parlez, je ne sais pas quel est le mécanisme de conservation de l'Église anglicane, là, je ne sais pas qu'est-ce qu'ils ont mis sur pied.

M. Turcotte: Ils vont la vendre. Ils veulent la vendre.

M. Dicaire (Louis): Mais ça pose un problème, de fait, du respect dû aux défunts. Et, de fait, pour nous, quand on est appelés à déplacer des emplacements funéraires, on prend énormément de précautions. Mais actuellement il y a aussi le fait que l'industrie funéraire nous échappe beaucoup, hein? C'est-à-dire qu'il y a des cimetières privés littéralement, les grandes compagnies en entretiennent. En général, ils le font bien, des gens comme Urgel Bourgie, ou Darche, ou je ne sais pas... À peu près toutes les compagnies ont des columbariums ou des trucs comme ça. Ça, c'est assez bien surveillé. Mais, pour les vieux cimetières comme celui des anglicans à Saint-Jean, là, je n'ai vraiment pas d'idée.

Le Président (M. Marsan): M. Tremblay.

M. Tremblay (Germain): Oui. On peut difficilement parler pour les autres confessions religieuses, mais, pour les catholiques, on a beaucoup d'outils pour prendre soin de nos cimetières. Il y a une loi sur les compagnies de cimetières, il y a l'Association des cimetières catholiques romains. On vient de publier, il y a quelques semaines, quelques mois à peine, un guide de gestion des cimetières paroissiaux catholiques justement pour permettre à chacun des milieux, à chacune des paroisses de pouvoir gérer leur cimetière le mieux possible, de pouvoir le conserver très longtemps, de pouvoir prévoir les coûts d'entretien et de réparation pour 50, 75, 100 ans à venir. On prend ça en main de façon très sérieuse. Et, pour nous, le cimetière n'est pas quelque chose de mineur, ou d'à côté, ou d'à part. Quand on parle de notre patrimoine, bien sûr c'est l'église qui est le plus visible, mais ce qui est enterré six pieds sous terre et ce qui le recouvre est tout aussi important, et, nous, on s'est donné les outils qu'il fallait pour pouvoir en prendre soin. Mais, pour ce qui est des autres confessions religieuses, il serait un peu téméraire de notre part, là, de parler en leur nom puisqu'elles ne sont pas là.

M. Dicaire (Louis): Pour l'Église catholique, il y a deux lieux sacrés absolument, l'église et le cimetière.

M. Turcotte: Si je comprends bien, là, dans la loi, si on ajoute le patrimoine religieux par rapport aux églises, bien il va falloir aussi avoir en tête la question des cimetières, qui est aussi importante, selon vous, que l'église?

M. Dicaire (Louis): Bien, pour nous, ça fait partie de l'espace sacré.

M. Turcotte: C'est ça.

M. Dicaire (Louis): Et ça, c'est pour ça que vous voyez... généralement, les cimetières catholiques sont bien tenus, bien entretenus et actuellement en progrès, là. Je regarde les deux plus connus de la région de Montréal, je vois les cimetières ici de Québec, c'est vraiment des chefs d'oeuvre d'entretien.

Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors, je vous remercie. Je veux remercier Mgr Dicaire, Mme Tanguay et M. Tremblay pour nous avoir donné le point de vue de l'Assemblée des évêques catholiques du Québec.

Et je vais suspendre quelques instants. Nous allons demander au groupe représentant le Conseil du patrimoine religieux du Québec de se présenter à notre table. Je suspends pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 16 h 50)

 

(Reprise à 16 h 53)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il me fait plaisir d'accueillir, au nom du Conseil du patrimoine religieux du Québec, M. Michel Lavoie, qui est le président. Et je vais demander à M. Lavoie de nous présenter les gens qui vous accompagnent et de débuter votre présentation sur le projet de loi pour une période d'environ 15 minutes. M. Lavoie.

Conseil du patrimoine
religieux du Québec

M. Lavoie (Michel): Bonjour, vous tous, Mme la ministre, et mesdames et messieurs qui vous accompagnent. À ma droite, nous avons le président du Conseil du patrimoine... le directeur général du Conseil du patrimoine religieux, Jocelyn Groulx, et le trésorier, membre du conseil d'administration, à ma gauche, Jean-François Royal.

Donc, le Conseil du patrimoine religieux du Québec partage la définition du patrimoine religieux énoncée par la Commission des biens culturels du Québec. Sont considérés comme faisant partie du patrimoine religieux, les biens immobiliers, mobiliers ou archivistiques qui appartiennent ou qui ont appartenu à une église, à une tradition étant représentée soit par une fabrique, une communauté religieuse, diocèse ou autres et qui ont également une valeur patrimoniale.

Bien que, dans le cadre de l'aide financière à la restauration du patrimoine religieux, le conseil ait centré son action sur les édifices religieux encore utilisés à des fins religieuses, ses préoccupations englobent l'ensemble du patrimoine religieux et notamment les éléments de ce patrimoine qui ne sont plus utilisés. Le Conseil du patrimoine religieux du Québec inclut dans sa définition du patrimoine religieux non seulement les lieux de culte, mais aussi les évêchés, presbytères, couvents, monastères, les cimetières, les croix de chemin, les oeuvres d'art, mobilier, orgues, vitraux, les vêtements et les objets liturgiques, des livres rares et des archives.

Le Conseil du patrimoine religieux du Québec reconnaît enfin que le patrimoine religieux fait partie de l'ensemble plus vaste que constitue le patrimoine québécois et qu'il ne peut en être dissocié, pas plus que du paysage naturel, du village ou du site urbain dont il fait partie ni de la société dont il est issu et qu'il marque de son empreinte.

Aux yeux du conseil, le patrimoine religieux québécois apparaît comme un patrimoine fondateur si nous considérons que la préoccupation religieuse et les établissements religieux ont été présents dès l'origine de la société québécoise. Dans l'ensemble de notre patrimoine culturel, il est le plus universel, le plus diversifié et le plus riche. Il est également le plus visible et le plus répandu sur le territoire -- on a fait allusion tout à l'heure. Il constitue un élément important de notre identité et une expression majeure de la culture québécoise.

Le Conseil du patrimoine religieux du Québec estime que l'importance de ce patrimoine repose sur cinq grands critères, soit l'intérêt architectural, l'intérêt artistique, l'intérêt historique, l'intérêt identitaire et l'intérêt paysager.

L'ensemble des lieux de culte patrimoniaux du Québec présentent un intérêt architectural à l'échelle internationale. La rareté et l'ancienneté de certains lieux de culte leur confèrent une valeur exceptionnelle. L'ensemble des lieux de culte patrimoniaux présentent un intérêt historique parce que, dans leur diversité architecturale et par les documents archivistiques qui relatent ses activités en ces lieux et qui y sont encore conservés, ils témoignent de près de 350 ans d'histoire religieuse, sociale et culturelle du Québec.

Les églises, presbytères, couvents et monastères constituent des ensemble créés par nos meilleurs artistes. La qualité des aménagements intérieurs, des peintures, des sculptures, du mobilier, des vitraux, des tissus et des grandes orgues produites localement de même que les archives puis les documents, ce qui témoigne de la vie au quotidien, et les ouvrages qu'ils ont inspirés contribuent à cette valeur artistique et à cette manifestation humaine qui font du lieu de culte patrimonial une oeuvre d'art totale qui a su se fondre dans la vie de tous les jours. Qui plus est, les lieux de culte témoignent aussi bien souvent de savoir-faire artisanaux aujourd'hui menacés et dont la perte constitue un appauvrissement du patrimoine. Les églises sont une composante majeure des paysages ruraux et urbains québécois. C'est autour d'elles que se sont développés les villages et les quartiers urbains. Encore aujourd'hui, leurs clochers jouent un rôle de repères géographiques.

Le Conseil du patrimoine religieux est une organisation à but non lucratif qui oeuvre à l'échelle du Québec. Il a pour mission de soutenir et de promouvoir la conservation et la mise en valeur du patrimoine religieux québécois. Le conseil se compose de 12 tables de concertation régionales réunissant architectes, historiens de l'art, professeurs d'art et experts en art sacré, représentants laïques ou cléricaux ainsi que des représentants du ministère. Le conseil a également créé différents comités spécialisés: le comité des oeuvres d'art, le comité des orgues et le comité des archives. Cette formule est très originale et probablement unique au monde.

Quelques mots tout simplement sur l'historique. Mme St-Pierre en a parlé un petit peu au début des auditions. Donc, la fondation, en 1995, a été créée, et, aujourd'hui, depuis 2007, on a changé la raison sociale pour le Conseil du patrimoine religieux du Québec. Donc, en 2003, il y a eu une première phase, la réalisation d'un inventaire des lieux de culte du Québec. La phase 1 de ce projet a permis d'inventorier 2 751 édifices cultuels ouverts ou fermés au culte. En 2004, la phase 2 de l'inventaire des lieux de culte portait sur l'évaluation patrimoniale et la classification régionale, les A, B, C, les cotes dont on a parlé un peu plus tôt, de près de 1 600 édifices qui ont été inventoriés, construits avant 1945. Et, au niveau du Conseil du patrimoine religieux, différents colloques ont été organisés au cours des années également, colloques de portée nationale et internationale.

**(17 heures)**

Après 15 ans d'activités, la formule originale instaurée par le gouvernement du Québec et le Conseil du patrimoine religieux du Québec apparaît bénéfique. En effet, l'aide gouvernementale consentie jusqu'à présent a produit des retombées de plusieurs ordres: un développement des connaissances de notre patrimoine religieux, que ce soit en matière d'architecture, de biens mobiliers et/ou d'oeuvres d'art; une forte création d'emplois et, par conséquent, des retombées fiscales accrues; des faibles coûts de gestion du programme administré par le conseil avec les tables de concertation régionales; une contribution au paysage et à l'attrait touristique des villes et villages du Québec; la transmission des savoir-faire et le maintien de corps de métiers traditionnels autrement menacés.

Nous pouvons considérer que l'aide publique à la restauration du patrimoine religieux est un investissement dans l'économie des régions, notamment au chapitre de l'emploi et du tourisme. À l'échelle du Québec, des milliers d'emplois directs et indirects ont été créés grâce aux sommes investies par le ministère. En outre, la participation gouvernementale a entraîné des investissements privés de l'ordre de 115 millions de dollars.

Et j'en arrive à la Loi sur le patrimoine culturel. Le Québec possède depuis 1922 une loi qui lui permet de classer les monuments et les objets ayant une valeur historique ou artistique importante pour notre société. Avec le temps, la notion de monument s'est grandement élargie et la nécessité d'étendre le concept à un ensemble de bâtiments s'est imposée. L'actualisation et l'élargissement de la définition du patrimoine incluent des notions telles que le paysage et le patrimoine immatériel, ce qui constitue une avancée majeure. Ainsi, le projet de loi définit le patrimoine culturel comme englobant non seulement les documents, les immeubles, les objets et les sites patrimoniaux, mais également les paysages culturels patrimoniaux, le patrimoine immatériel et les personnages, lieux et événements historiques.

Les fonctions actuelles de la Commission des biens culturels sont des fonctions de conseil, de gestion, d'étude et de recherche. Pour la plupart des intervenants, il est difficile de faire la distinction entre le rôle du ministère et celui de la commission. La révision de la loi permet de revoir le rôle de la commission dans le sens d'un renforcement réel et concret de la fonction consultative. Ainsi, le projet de loi institue le Conseil du patrimoine culturel du Québec ayant notamment pour fonction de tenir des consultations publiques sur les projets de déclaration de sites patrimoniaux par le gouvernement et sur toute question que le ministre pourrait lui adresser. À l'instar des questions environnementales, celles soulevées dans le monde du patrimoine sont souvent délicates, et il apparaît essentiel que le Conseil du patrimoine culturel du Québec puisse tenir des audiences publiques sur l'attribution de statut sur des grands projets susceptibles de venir modifier les équilibres patrimoniaux des sites et des arrondissements ou encore sur la détermination des aires de protection des biens classés.

Le Conseil du patrimoine culturel du Québec devrait pouvoir bénéficier, selon le cas, du soutien de professionnels et d'institutions spécialisées dans diverses disciplines afin de fournir un avis juste et éclairé. De même, il devrait pouvoir jouer un rôle proactif en soutenant les conseils locaux du patrimoine, en leur facilitant l'accès à des experts reconnus dans les différentes disciplines nécessaires à l'évaluation d'un dossier. Dans cette optique, en ce qui a trait spécifiquement à la question du patrimoine religieux du Québec, qui constitue une préoccupation majeure de l'État québécois, le Conseil du patrimoine religieux du Québec est d'avis que la nouvelle loi devrait encourager et faciliter l'arrimage entre le Conseil du patrimoine religieux du Québec, ses tables régionales ainsi que ses comités spécialisés et le nouveau Conseil du patrimoine culturel du Québec dans tout ce qui concerne le processus d'évaluation du patrimoine menant à sa désignation, son classement, sa déclaration, à sa protection ou à sa disposition.

Pour répondre aux besoins de conservation du patrimoine culturel, il apparaît clair que le classement ou la citation de meubles ou de biens, quoiqu'ils soient utiles, ne suffisent pas. La sauvegarde du patrimoine culturel relève essentiellement de mesures financières récurrentes. En ce sens, le ministère devrait prendre des engagements financiers à long terme, permettant de répondre aux besoins identifiés dans le cadre d'une planification pluriannuelle.

Malgré tout le travail accompli au cours des 15 dernières années, la problématique du patrimoine religieux demeure préoccupante. La baisse de la pratique religieuse a diminué au cours des ans, et les propriétaires n'ont souvent plus les moyens d'assumer seuls l'entretien de leurs lieux de culte. Le Québec fait face à un nombre important d'édifices religieux excédentaires, une tendance qui va s'accentuer au cours des prochaines années. La fermeture des lieux de culte tout autant que la décroissance de la pratique religieuse n'est pas un phénomène récent. Toutefois, cette situation a commencé à prendre de l'ampleur au cours des années soixante-dix et elle touche les différentes traditions religieuses. Les compilations que le conseil a effectuées auprès des différentes traditions religieuses nous révèlent que, depuis la fin des années 1950, il y a eu plus de 500 fermetures de lieux de culte. Cette compilation recense les nombreuses églises qui ont changé de propriétaire mais qui servent toujours au culte, les lieux de culte reconvertis en d'autres fonctions ainsi que les bâtiments fermés ou démolis.

En matière de protection du patrimoine religieux, le Conseil du patrimoine est limité à contribuer à la restauration du patrimoine par l'octroi de subventions du ministère. Devant le nombre croissant de bâtiments religieux protégés en vertu de la loi et qui deviendront excédentaires, le Conseil du patrimoine devrait également soutenir, par l'octroi de subventions, des études de faisabilité pour déterminer de nouvelles options dans l'utilisation des bâtiments religieux. Le conseil pourrait également offrir, en plus de l'expertise dans la restauration et la mise en valeur de biens religieux patrimoniaux, des services d'accompagnement pour soutenir les organismes locaux dans leurs démarches de prise en charge ou de reconversion d'un lieu de culte, d'où l'importance également d'aborder la question du patrimoine artistique et des archives lors de la transformation d'un lieu afin d'en préserver la mémoire et de permettre d'apprécier et d'interpréter le patrimoine immobilier.

Si, dans le passé, des pertes irremplaçables ont pu se produire pour les patrimoines artistiques et archivistiques, nous pouvons compter sur l'expertise actuelle. La sensibilisation et la conscientisation constantes des propriétaires et des partenaires peuvent être garantes d'un cheminement fort intéressant et vraisemblablement unique en matière de préservation et de transmission du patrimoine culturel. Mais il n'en demeure pas moins que des archives liées au développement en matière de santé, d'éducation et de services sociaux pourraient être dispersées ici ou à l'étranger, voire détruites si un soutien accru n'est pas offert et si une concertation et une recherche de solutions concrètes ne se réalisent pas.

Le lieu, le patrimoine artistique, le patrimoine archivistique, le patrimoine immatériel et le patrimoine paysager sont des éléments formant un tout qui, dans la complémentarité de ces éléments -- dont nous ne saurions négliger l'un plus que l'autre -- participe à la constitution de la mémoire des collectivités rurales, urbaines et des quartiers. Ce patrimoine culturel que nous voudrons que la collectivité s'approprie constituera un élément important pour encourager et faciliter un dialogue harmonieux dans le développement de la société.

En conclusion, le Conseil du patrimoine religieux du Québec appuie la démarche de révision de la Loi sur les biens culturels entreprise par la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et l'assure de son soutien et de sa collaboration. Depuis 1995, le conseil et le ministère travaillent conjointement à la préservation du patrimoine religieux québécois. Le mémoire présenté par le Conseil du patrimoine religieux s'inscrit donc dans cet esprit et vise à rappeler l'importance du patrimoine religieux québécois dans la future loi sur le patrimoine culturel.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Lavoie, président du Conseil du patrimoine religieux du Québec. Nous allons immédiatement débuter notre période d'échange, et je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci, M. Lavoie, merci d'être parmi nous aujourd'hui. Et je dois dire que ça va faire bientôt quatre ans que je suis ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Alors, on a eu plusieurs échanges au cours de ces quatre années, et ça a été toujours très agréable de travailler avec vous. Alors, merci de vous pencher sur notre projet de loi, je pense que c'était essentiel que vous le fassiez, et aussi de nous éclairer sur le travail que votre organisme fait, parce que c'est quand même assez remarquable, ce que le Conseil du patrimoine religieux fait, depuis 1995, dans l'analyse des dossiers et la façon dont vous tentez d'être le plus équitables possible, parce que vous avez beaucoup de demandes. On annonce environ une centaine de projets par année. C'est quand même beaucoup. Mais malheureusement il y a des gens qui... il y a des projets qui ne sont pas retenus, mais ils reviennent l'année d'après puis des fois ils sont retenus.

Dans le rôle du conseil, vous nous parlez qu'il pourrait y avoir des rôles comme, par exemple, de l'expertise en restauration. C'est un rôle que vous aimeriez vous voir jouer également? Parce que vous ne faites pas... vous ne jouez pas ce rôle-là. Vous analysez les projets puis ensuite, bon, bien, les fabriques ou enfin ceux qui s'occupent du projet s'organisent avec l'expertise. C'est ça?

M. Groulx (Jocelyn): On a un rôle dans l'analyse des dossiers pour les recommandations qui sont faites au ministère, mais également dans le suivi des subventions. Et, dans le suivi des subventions, il y a un accompagnement qui est fait auprès des différents bénéficiaires des subventions. Que ce soit au niveau des appels d'offres, au niveau des plans et devis, on les conseille justement dans toutes ces démarches-là. Donc, il y a tout un suivi qui est fait auprès déjà des bénéficiaires des subventions.

**(17 h 10)**

Mme St-Pierre: Mais est-ce que vous voudriez que ce rôle-là soit accru, un rôle d'expertise plus vaste, plus large? Est-ce que c'est ça que je dois comprendre de votre intervention?

M. Groulx (Jocelyn): Oui. On vise un rôle plus vaste justement dans l'expertise autour justement de la restauration et de l'accompagnement qu'on peut offrir, là, aux différentes fabriques, aux différentes communautés religieuses.

Mme St-Pierre: M. Lavoie, vous avez parlé de patrimoine artistique. Est-ce que c'est un thème que vous aimeriez voir dans le projet de loi? Est-ce que vous aimeriez le voir... le retrouver dans le projet de loi, le patrimoine artistique? Et, si c'est le cas, vous le définiriez comment, le patrimoine artistique? Parce qu'il y a quand même une forme d'art dans le patrimoine, dans... L'art est là, de toute manière...

M. Lavoie (Michel): On a un spécialiste d'un musée ici. Je vais laisser le choix à Jean-François de répondre.

Le Président (M. Marsan): M. Royal.

M. Royal (Jean-François): En fait, la définition du patrimoine artistique, c'est que souvent le... malheureusement, on arrête la définition du patrimoine religieux à seulement que les bâtiments et très peu à ce qu'il y a à l'intérieur. Plusieurs projets d'inventaire sont en cours actuellement dans la province, mais souvent on s'attarde à ce qui est la coquille, l'enveloppe. Tantôt, on parlait des cimetières, on parle des églises, mais très peu, dans le cas d'un débat d'une fermeture d'église, on va s'intéresser à son contenu, et on va s'intéresser surtout au contenant.

Et donc, la nouvelle loi, il serait préférable et même très souhaitable que ça soit une des préoccupations fondamentales lorsqu'il y a un excédentaire d'église ou une fermeture d'église, ou de monastère, ou de couvent, que ce patrimoine artistique là soit pris en cause et soit pris en compte dans ce qui arrive avec, là, dans sa répartition, dans son élagage.

Il est arrivé quelques cas où des ventes de tableaux, des ventes de pièces se sont produites, et bien souvent même les musées l'apprennent par la suite, et le cas est déjà réglé. Donc, je pense que c'est un patrimoine qui doit être considéré, et non pas seulement que l'enveloppe ou la coquille extérieure.

Mme St-Pierre: Donc, ce que vous voulez dire, c'est, lorsqu'il y a fermeture ou changement de vocation -- parlons d'un changement de vocation -- ce qu'il y a à l'intérieur se retrouve dans... Est-ce que ça se retrouve dans une vente... Si l'église n'est pas citée ou classée, là, est-ce que ça se retrouve dans une vente de garage?

M. Royal (Jean-François): Parfois dans une vente de garage.

Mme St-Pierre: Alors, vous souhaiteriez qu'on ait un mécanisme où, s'il y a une fermeture, enfin, ou un changement de vocation, qu'il y ait un mécanisme où... Est-ce que ça serait dans la loi ou ça serait le Conseil du patrimoine qui devrait s'occuper de ça pour aller regarder ce qu'il y a dans l'église et empêcher que ça se retrouve dans une vente de garage?

M. Royal (Jean-François): Ça pourrait être et dans la loi et un rôle du Conseil du patrimoine religieux de s'occuper... d'être mandaté pour conseiller, et justement s'assurer qu'il n'y ait pas des ventes de feu qui soient faites ou réalisées à travers les différentes cessions, et éviter qu'on se retrouve dans les journaux avec certains cas, là. On en a un actuellement, avec Oka, là, dans, en fait, un bas-relief et...

Mme St-Pierre: C'est parce que vous ne parlez pas de la même chose. Celui d'Oka, les pièces sont classées. Alors, il y a une protection, elles ne peuvent pas sortir du Québec. Mais, moi, ce dont je vous parle, c'est lorsqu'il n'y a pas de classement du contenu et que l'église est changée en bibliothèque, par exemple. Est-ce que ce qui se retrouve dans l'église se retrouve comme ça chez les antiquaires ou... Comment ça marche?

M. Royal (Jean-François): En fait, parfois oui. Parfois, les biens qui se retrouvent dans les églises... Écoutez, je vais ne citer qu'un cas, là, dans le coin de chez nous, là: des tableaux qui se sont retrouvés à Sainte-Eulalie, qui proviennent d'une église à Trois-Rivières, donc, et l'acheteur du bien a acheté l'église et son contenu, le monastère et son contenu et a disposé par la suite du contenu comme bon lui semblait. Et ce sont des pièces qui, ma foi, m'auraient bien intéressé comme directeur de musée, chez nous. Donc, oui, de...

Mme St-Pierre: ...qui peuvent sortir du Québec.

M. Royal (Jean-François): Bien là, oui, pourraient effectivement sortir du Québec. Donc, de s'assurer d'avoir un rôle conseil, mais de s'assurer que, si l'église est transformée en bibliothèque, il y ait une harmonisation, et il peut y avoir une très belle cohabitation entre le patrimoine artistique et la bibliothèque, mais aussi de s'assurer, si c'est transformé en condominiums, que ces pièces-là soient... qu'on s'assure qu'il n'y ait pas une perte de trésors.

Mme St-Pierre: Qu'elles soient, à tout le moins, inventoriées puis qu'on sache où les pièces s'en vont.

M. Royal (Jean-François): Oui.

Mme St-Pierre: Quand vous parlez des archives, M. Lavoie, vous avez mentionné dans votre intervention ce qu'il y a comme archives, documents, là encore, qu'est-ce qu'on fait avec... Si l'église n'est pas classée ou s'il n'y a pas de protection prévue déjà dans la loi, qu'est-ce qu'on fait avec ces documents-là? Est-ce que la fabrique ou le diocèse les envoie à Bibliothèque et Archives nationales ou... Qu'est-ce qui arrive avec ça?

M. Lavoie (Michel): Au niveau... De façon générale... Je ne parle pas pour tous les diocèses, là, je ne sais pas trop comment ça fonctionne au niveau de... Mais, pour plusieurs diocèses, les archives des paroisses sont récupérées au niveau du diocèse.

Mme St-Pierre: Donc, le diocèse a son propre système de protection et de...

M. Lavoie (Michel): Oui. Oui, pour les archives.

Mme St-Pierre: Ça, ce n'est pas perdu, là. Ça ne se retrouve pas...

M. Lavoie (Michel): Non. Non, ce n'est pas perdu en autant que la paroisse n'en dispose pas elle-même, là. Il y a des fois, là, quand il y a une fermeture rapide, là, il peut y avoir élimination rapide de certains documents également. On n'a pas toujours... On n'est pas toujours là pour surveiller ces documents-là, ces archives-là, si vous voulez.

Mme St-Pierre: Vous avez entendu tout à l'heure les gens qui vous ont précédé parler, bon, d'un fonds de fonctionnement et comment est-ce qu'on pourrait y arriver. On émet l'idée du fonds, mais on n'est pas très... on n'a pas beaucoup de solutions pour comment mettre de l'argent dans le fonds, là, comment est-ce qu'on pourrait y arriver. Est-ce que, vous qui vous penchez sur ces questions-là depuis longtemps, vous avez trouvé des idées qui pourraient être... faire en sorte que les Québécois l'accepteraient et qu'on pourrait dire: Bien, écoutez, c'est pour le bien commun? Comment est-ce qu'on pourrait y arriver de...

On a créé le Fonds du patrimoine culturel. Je pense que ça, c'est une très bonne chose, mais... le Fonds du patrimoine religieux. Mais le Fonds du patrimoine culturel vient de la taxe sur le tabac, une partie de la taxe sur le tabac qui servait à payer la dette olympique. Ma prédécesseure, Mme la ministre de l'Éducation, à ce moment-là, elle était ministre de la Culture, a imaginé de maintenir cette taxe-là et de la transférer vers le Fonds du patrimoine culturel, une partie à tout le moins. Et est-ce qu'il y a des choses... Comment on pourrait arriver à aller chercher de l'argent pour aider encore plus votre mission?

M. Lavoie (Michel): Là, vous parlez du fonds de fonctionnement qu'on parlait tantôt pour les églises à valeur patrimoniale, là, entre autres ce qu'on lisait dans les journaux ce matin, payer le chauffage, et ainsi de suite. Bon, disons que c'est un point de vue parmi d'autres, là, que les évêques ont émis tout à l'heure dans leur mémoire. Je n'ai pas d'opinion d'arrêtée là-dessus, sur le fonds de fonctionnement. C'est plus au niveau de la restauration, pour le moment, nous autres, sur laquelle on s'arrête, essayer de sauver des églises à valeur patrimoniale, tout particulièrement celles qui sont classées A, B et C. Donc, sur le fonctionnement, c'est des gros sous, comme vous l'avez mentionné tantôt et puis, si vous avez lancé le chiffre de 250 millions, vous êtes partie de quelque chose à la base, là. Je ne sais pas sur quoi vous vous êtes basée.

Par contre, on a soulevé un point tout à l'heure que j'ai trouvé très intéressant, et puis c'est Hydro-Québec. Il y a quelques années, nos églises bénéficiaient du tarif BT, et, dans l'espace de quelques années, deux années et quelques mois, bien, on les a éliminées complètement de ce tarif-là. Donc, c'était une économie énorme. Et, je pense, actuellement, où le mazout est rendu à 0,90 $ le litre, pour chauffer des églises, alors que, si on avait le tarif BT, ça aiderait énormément. C'est la moitié prix, pour ne pas dire le tiers, des fois. Donc, avec le prix du mazout cet hiver, on peut s'attendre qu'au printemps il y a plusieurs églises qui vont avoir passé un hiver très déficitaire. Et, si on avait toujours le tarif BT... D'ailleurs, Mme St-Pierre, j'ai eu l'occasion de vous en parler quand on s'est rencontrés, il y a un certain temps, de ce tarif-là, que ça n'aurait jamais dû disparaître. Donc, s'il y a une chose qui devrait revenir pour le fonds de fonctionnement, c'est peut-être un des premiers éléments que je verrais. Je ne sais pas si ça répond un petit peu à votre question, Mme St-Pierre?

**(17 h 20)**

Mme St-Pierre: Oui, puis soyez assurés que j'ai transmis le message, mais... c'est moi qui dirige Hydro-Québec.

M. Lavoie (Michel): Je comprends.

Mme St-Pierre: C'est clair qu'on a un enjeu, on a un défi sur la question de notre patrimoine religieux au Québec. Est-ce que vous seriez, vous, en faveur, dans le projet de loi, comme le mentionnaient les évêques, qu'on retrouve le terme «patrimoine religieux» ou si, pour vous, les définitions que nous avons incluent vraiment l'ensemble de ce que nous avons comme patrimoine culturel au Québec?

M. Lavoie (Michel): Définitivement, il faut retrouver le patrimoine religieux comme tel, définitivement, dans la loi.

Mme St-Pierre: Et vous voudriez le voir comment? Est-ce que ça serait «patrimoine religieux»? Parce qu'on peut retrouver du patrimoine religieux dans le patrimoine paysager, on peut... dans un paysage patrimonial, on pourrait trouver du patrimoine religieux dans l'immatériel. Le patrimoine religieux, on le retrouve partout, finalement. On ne peut pas penser, comme je le disais tout à l'heure, on ne peut pas penser au patrimoine culturel au Québec sans penser au patrimoine religieux, c'est la première chose qui nous vient en tête. Mais vous voyez vraiment que, selon vous, il faudrait qu'il y ait une définition, enfin, qu'on retrouve le terme «patrimoine religieux»?

M. Lavoie (Michel): Oui, définitivement, «patrimoine religieux» dans son sens le plus large, comme je l'ai dit au début, là, qui regroupe non pas seulement les églises, les évêchés, presbytères, et ainsi de suite, comme les cimetières, dont on a parlé, et les croix de chemin. Croix de chemin, ça fait partie du patrimoine religieux aussi, il y a de l'histoire autour de ça. Les vêtements et puis les objets liturgiques, comme on a eu l'occasion de vous parler à un moment donné, il y a des vêtements liturgiques qui sont des oeuvres d'art, qui dorment dans des garde-robes actuellement, qui ont été faits... Ça a été tissé à la main. C'est quand même des artistes qui ont fait ça. C'est du patrimoine, ça aussi, là.

Mme St-Pierre: ...l'inventaire qui est en cours peut au moins inventorier ces éléments-là. Parce qu'il y a un inventaire du patrimoine religieux qui est... mobilier.

M. Lavoie (Michel): Oui. Oui.

M. Groulx (Jocelyn): On travaille avec la Société des musées québécois à l'inventaire du patrimoine religieux mobilier. On est à la deuxième année, et puis c'est un projet qui... un chantier national qui se déroule très bien. Et donc on souhaite continuer encore pendant quelques années, parce qu'évidemment, au nombre de bâtiments, de lieux de culte, on a du travail pour encore quelques années.

Mme St-Pierre: M. le Président, je n'ai pas d'autre question. Peut-être que mes collègues ont des questions à poser.

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, je vais reconnaître Mme la députée de Trois-Rivières. La parole est à vous.

Mme St-Amand: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, comme c'est la première journée de la commission, vous me permettrez de saluer Mme la ministre, mes collègues, vous-même, toute l'équipe, les collègues aussi de l'opposition.

On a parlé tantôt des cimetières, et, je vais vous dire, ça m'interroge. Puis tantôt vous avez parlé des... J'ai eu connaissance, moi, des objets de Trois-Rivières qui sont partis, là. Je m'interroge, parce qu'évidemment il n'y a pas de budget sans fonds puis c'est une priorité de pouvoir préserver notre patrimoine religieux. On a parlé tantôt des cimetières. Je voudrais avoir votre opinion par rapport à ça. Est-ce que ça ne devrait pas être pris en charge... Bon. On sait qu'il y a des cimetières qui appartiennent à des fabriques, il y en a d'autres, c'est des gestionnaires, il y en a d'autres... Bon. Est-ce que ça devrait... Parce que tantôt, monseigneur l'a dit très clairement, hein, c'est indissociable, l'église et le cimetière, ça va ensemble. Je me questionne par rapport à ça. Est-ce que, dans la conservation du patrimoine, est-ce que c'est quelque chose qu'on doit... C'est quoi, votre opinion par rapport à ça?

M. Lavoie (Michel): Moi, je pense que, les cimetières, ça fait partie du patrimoine. Il y a de l'histoire dans les cimetières aussi. Quand on se promène dans un cimetière et puis qu'on regarde sur les épitaphes, ça rappelle: untel a été maire, untel a fait telle chose, et ainsi de suite. Il y a beaucoup d'histoire dans un cimetière. Moi, je pense qu'on ne peut pas séparer cimetière...

D'abord, quand vous dites... Un cimetière catholique romain est la propriété d'une fabrique au point de départ ou d'une corporation de cimetières qui relève quand même d'une fabrique. Et vous avez la loi sur les cimetières catholiques romains qui existe quand même au Québec aussi, là. Donc, ces cimetières-là, il y a quelqu'un pour les gérer et s'en occuper. Donc, on ne peut pas dissocier ça de l'église. C'est définitif, là.

Mme St-Amand: Donc, pour vous, il faut que ce soit contenu... il faut que ça fasse partie du patrimoine.

M. Lavoie (Michel): Définitivement. Pour nous, ce qui fait partie du patrimoine, je vous l'ai énuméré au début. Même des croix de chemin, des archives, tout ça, pour nous autres, ça fait partie du patrimoine.

Mme St-Amand: Excellent. Ça répond à ma question, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Ça va? Alors...

M. Royal (Jean-François): ...peut-être ajouter, si vous permettez.

Le Président (M. Marsan): Oui, oui, M. Royal.

M. Royal (Jean-François): En fait, vous savez, il faut peut-être essayer d'éviter de voir aussi la loi en vase clos. J'ai l'impression qu'une loi de cette envergure, c'est un choix de société aussi qu'on fait. Et d'être en mesure de mettre de l'argent pour faire de la restauration, c'est bien, mais aussi il faut sensibiliser la population québécoise à son patrimoine, et ça, ça commence dans les écoles, ça commence par des campagnes de sensibilisation à ce qu'on possède et ce que l'on a, ça commence dans les musées à intéresser les gens à venir et à prendre soin aussi de leur patrimoine. Vous cherchez des solutions monétaires. Oui, c'est vrai que l'argent, c'est le nerf de la guerre, mais, si, en même temps, on réussit à développer comme choix de société un sentiment d'appartenance à ce patrimoine-là, inévitablement les campagnes de sensibilisation vont être un peu plus faciles. Mais c'est un travail de très, très, très longue haleine. Mais il faut commencer un jour.

Le Président (M. Marsan): Merci. Alors, nous allons poursuivre, et je vais céder la parole au député de Drummond, porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communication. M. le député.

M. Blanchet: Bien le bonjour, messieurs. Il y a une réflexion intéressante à faire sur la notion de patrimoine artistique parce que les arts sont l'expression de l'ensemble d'une culture, donc peut-être la principale expression. Je me permettrais une nuance. Il est exact à bien des égards que le patrimoine religieux est le plus abondant, le plus présent, le plus visible, le plus toutes sortes de choses. Je le mettrais après la langue, par contre, si vous me le permettez. Je pense que la langue française est davantage tout ça, mais que le patrimoine religieux a quand même un rôle extraordinairement important.

J'apprécie beaucoup aussi, à la lecture du mémoire, la perspective que vous donnez et l'élargissement dans la définition des objets qui devraient en faire partie, tout comme je salue votre commentaire, monsieur, à l'effet que c'est un choix de société, et un choix de société doit venir avec les moyens. Ce n'est pas le meilleur moment dans l'histoire du Québec pour dire: Il nous faut des moyens, mais, si le choix de société est fait, éventuellement il faut faire autre chose que d'envoyer la balle d'une institution à une autre.

Avant que certains de ces items-là... Je vous donne un exemple rapide. Je suis allé à Boston l'année dernière, et il y a des cimetières très anciens, qui datent d'aussi loin que le début du XVIIe siècle. C'est très impressionnant de voir une pierre tombale très rustre de cette époque-là. Mais le cimetière est ouvert, les gens circulent, les enfants grimpent sur des pierres tombales trois et quatre fois centenaires, sans aucune forme de protection et avec pour seule forme de pédagogie -- parce que le patrimoine n'a de sens que s'il est diffusé, que s'il est démocratisé -- sans aucune autre forme d'information que des bénévoles qui distribuent une espèce de petit cartable, à l'entrée, aux gens, que les gens redonnent en sortant. Bien, ça serait bien qu'on fasse un choix de société qui nous évite ce genre de situation assez déplorable à l'oeil de n'importe quel historien, de n'importe quel muséologue ou n'importe quel anthropologue.

Cela dit, pour éviter que ces choses-là arrivent, est-ce que vous ne pensez pas que la loi devrait prévoir d'emblée, et pas seulement dans le cas des objets, aussi dans le cas des immeubles, un mécanisme de prévention ou un mécanisme de recul dès qu'il y a une volonté d'aliénation d'un item, quel qu'il soit? Si un item a une valeur patrimoniale, si une église, un monastère est pour être cédé, qu'il y ait une période, qu'il y ait, dans ces cas-là, minimalement un inventaire de fait, prévu à même la loi, pour nous assurer qu'il n'y aura pas ce genre d'objets échappés, s'en allant à peu près n'importe où dans de très mauvaises conditions de préservation?

M. Royal (Jean-François): Tout à fait. Écoutez, on est conscients aussi qu'on ne pourra pas tout sauvegarder et que ce n'est pas tout qui mérite d'être sauvegardé. Il y a des choix à faire, et, même à ce niveau-là, il y a aussi des choix à effectuer. Mais, tout à fait, minimalement... Bon, je pense qu'il y a eu aussi, on en parlait tantôt, une signature, là, une entente sur une espèce de moratoire: quand il y a une vente d'église, on doit se donner un délai. Mais je pense que ça devrait être prescrit dans cette loi, ça devrait être un mécanisme automatique pour justement éviter qu'on touche à ces symboles identitaires. Là, on parle d'églises, c'est facilement identifiable, mais presbytères, des couvents, monastères, croix de chemin, etc., là. Donc, tout à fait.

**(17 h 30)**

M. Blanchet: Dans un autre ordre d'idées, évitons le côté plus conflictuel de la chose, ne devrait-il pas y avoir aussi un mécanisme de diagnostic, d'anticipation? Le cas d'Oka étant évidemment, parce qu'il est dans les médias, assez spectaculaire. Comment peut-on imaginer, anticiper, et est-ce que vous êtes outillés ou disposés à procéder à un exercice qui permettrait de voir venir ces coups-là, de voir venir des situations qui dégénèrent et où une petite organisation locale qui est la fabrique et qui n'a pas l'articulation, la connaissance de tous les programmes, de bonne foi, dise: Oui, on est dans le trouble, et donc la machine de l'État peut s'avérer un peu vindicative dans sa réaction? Est-ce qu'il n'y a pas une manière d'anticiper ces situations-là?

M. Lavoie (Michel): Oui. Ce n'est pas évident de voir venir tous ces coups-là non plus, on n'est pas toujours prévenus, là. Je demanderais peut-être à Jocelyn de répondre, là.

M. Groulx (Jocelyn): C'est vrai que ce n'est pas toujours évident de voir venir tous les coups. En même temps, il y en a certains qu'on est capables de prévoir, en fait, en étant en contact avec les milieux. On a des tables de concertation, on est beaucoup en lien avec des fabriques, avec des communautés religieuses. Écoutez, je pense que c'est quelque chose sur lequel il va falloir se pencher pour ne pas toujours jouer aux pompiers, là, justement, dans ces situations comme ça. Il va falloir être en mesure d'avoir un rôle plus préventif -- dans le mémoire, on parlait d'études de faisabilité -- d'être en mesure de prévoir l'avenir.

C'est sûr qu'il y a des... on ne sera pas en mesure de tout conserver, on l'a dit. Mais en même temps on a fait des évaluations patrimoniales, on est capables de, aujourd'hui, cibler vraiment les bâtiments, les objets qui ont une plus grande valeur. Attaquons-nous justement à cette tranche-là du plus patrimonial et rencontrons les propriétaires, allons voir les diocèses, allons voir les intervenants du milieu, les mairies, les conseils régionaux et entamons un dialogue pour justement essayer, c'est ça, de prévoir l'avenir.

M. Blanchet: J'imagine qu'un inventaire plus exhaustif, mais l'encadrement théorique de cet inventaire-là est d'emblée très complexe: Où est-ce que ça commence? Où est-ce que ça arrête? Tout n'est pas à préserver. Et la loi crée deux notions qui ne seront pas simples à gérer, celle de paysage patrimonial et celle de patrimoine immatériel; c'est infini. Par nature, c'est quantitativement infini comme notions. Mais j'imagine que l'inventaire peut permettre de faire ça.

Or, il y en a eu un, et, dans le cas de l'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus, le résultat de la répertoriation de cette église-là a fait objet de débats par la suite, encore récemment. Puisque vous avez certainement... vous êtes sûrement familiers avec l'inventaire, le répertoire en question, où est-ce que ça a accroché, le mécanisme de sélection ou de répertoire, d'attribution de cote aux églises pour qu'on arrive à une situation comme celle du Très-Saint-Nom-de-Jésus, où c'est manifestement conflictuel?

M. Groulx (Jocelyn): Écoutez, l'inventaire a été fait de façon très rigoureuse. L'église du Très-Saint-Nom-de-Jésus est admissible depuis plusieurs années aux subventions du Conseil du patrimoine religieux. L'état de situation de cette église-là au niveau financier nous amène aujourd'hui à des... amène la fabrique et le diocèse à des décisions importantes. Mais ce n'est pas parce que le ministère et le conseil ne pouvaient pas, au cours des dernières années, financer sa restauration, donc. Et, comme je vous dis, l'inventaire a été fait de façon rigoureuse. Ce n'est pas un exercice facile, hein, bien entendu, mais le tout a été fait selon les règles de l'art.

M. Blanchet: Si l'État choisissait de donner une forme d'attention, d'intérêt, de reconnaissance à des communautés qui localement veulent préserver leur église, laquelle église n'aurait d'emblée pas un intérêt patrimonial, historique, architectural singulier mais un intérêt local... Votre champ d'intérêt, c'est évidemment le patrimoine religieux dès qu'on lui attribue une certaine valeur patrimoniale par nature. Mais, si votre rôle est élargi, comme vous semblez le souhaiter, est-ce que vous pouvez vous transformer en cette espèce d'ange gardien des petites communautés locales qui vont avoir besoin de soutien pour préserver une église tout à fait banale à nos yeux mais qui ne l'est pas aux leurs?

M. Lavoie (Michel): Vous dites bien: Tout à fait banale à nos yeux mais qui ne l'est pas au niveau de la population locale. Quand on arrive en milieu rural, je n'oserais jamais dire aux paroissiens et aux gens de la municipalité que leur église ne fait pas partie de leur patrimoine. Moi, je ne suis pas sûr de quelle façon je ressortirais de la paroisse. Donc, quelle que soit l'église, c'est un patrimoine pour les gens du milieux parce que, comme on l'a dit dans le mémoire, le clocher, c'est l'identité du village. Quand on arrive dans un village, qu'est-ce qui nous dit qu'on est rendu dans un village? C'est quand on voit un clocher. Enlevez le clocher, vous allez voir quelques maisons supplémentaires, mais vous ne savez plus où vous êtes rendu.

Donc, si je prends notre diocèse, on a fermé des églises, mais les églises sont demeurées telles quelles avec un partenariat municipalité-fabrique. Donc, à ce moment-là, l'identité est encore là dans le milieu. Mais élargir notre rôle, comme vous dites, s'attaquer aux églises D et E, on n'a pas de problème avec ça, c'est... D'ailleurs on le souhaite aussi, d'apporter un support à ces églises-là... à ces fabriques-là.

M. Blanchet: Donc, vous croyez que la loi devrait mener... peut-être pas contenir, parce que je comprends qu'il y a une limite à ce que l'exercice législatif doit faire, mais la loi devrait mener à une forme de reconnaissance qui ne soit pas le A, B, C conventionnel de ces églises avec une valeur communautaire significative qui pourrait avoir une forme de soutien au bénéfice de la communauté? Parce qu'il y en a aussi qui tombent doucement en ruines, là. Elles n'ont pas toutes été reprises par la communauté. Et il y en a dont les coûts de restauration augmentent de plusieurs dizaines de milliers de dollars par année parce qu'on attend, puis on attend, puis qu'on n'a pas la ressource. Donc, il y a une intervention relativement urgente. Donc, est-ce que vous pensez que la loi devrait mener à une reconnaissance de ça, avec, bien sûr, dans ce cas-ci aussi, pas seulement l'État, là, mais une forme de soutien financier?

M. Lavoie (Michel): Et puis, comme on disait au début, il ne faut pas penser non plus qu'on va pouvoir toutes les sauver. Il y a certaines communautés qui devront se résigner à voir disparaître leur église. C'est impossible de penser de toutes les sauver. Maintenant, c'est sûr, à toutes les fois qu'on retarde les travaux d'une année à l'autre, grosso modo il faut calculer 5 % d'augmentation dans les coûts. Donc, les projets qu'on présente au ministère et puis qui ne sont pas retenus dans l'année courante, qu'on reporte à l'année suivante, pour le propriétaire, c'est évident, c'est 5 % de plus qu'il faut qu'il aille se chercher. Donc, ça finit que, si on retarde un projet de cinq ans, bien c'est 25 %, là, à un moment donné, que ça va coûter de plus. Et il y a 30 % qu'on exige quand même de la part du milieu, et ce 30 % là, laissez-moi vous dire que ça devient un essoufflement dans le milieu, aussi, actuellement.

M. Blanchet: Donc, il y a une relative urgence à...

M. Lavoie (Michel): Oui.

M. Blanchet: ...à se faire une tête, là.

M. Lavoie (Michel): Oui.

M. Blanchet: Dites-moi, -- je comprendrai que vous n'en connaissiez pas le détail, moi, je ne sais même pas si ça existe -- existe-t-il une étude quelconque ayant été faite, qui nous dirait ce que rapporte à l'État en termes de retombées chaque dollar investi dans la préservation du patrimoine religieux?

M. Lavoie (Michel): Pas que l'on sache.

Une voix: Pas à notre connaissance, non.

M. Blanchet: Ça serait un bon point de départ, hein? Bien, je vous remercie. Mon collègue...

Le Président (M. Marsan): Oui. Alors, M. le député de Saint-Jean, la parole est à vous.

M. Turcotte: Merci, M. le Président. J'aimerais vous entendre sur la question -- tantôt vous en avez parlé -- des objets qui sont dans une communauté et qui, par des force occultes mais qu'on se doute d'où est-ce qu'elles viennent, sont sortis de leur communauté pour être transmis dans d'autres communautés. On sait que, dans le projet de loi actuel, il y a un article qui dit qu'on doit aviser la ministre pour déménager un objet à l'extérieur du Québec.

Une voix: ...

M. Turcotte: Un objet classé, effectivement. Dans le cas d'une municipalité près de ma circonscription, dans le cas de Lacolle, on a un orgue qui est classé par le ministère et qui risque de sortir de la municipalité en question pour être vendu à des intérêts hors municipalité. Dans ce cas-là, on en a parlé un peu, là, mais il faut être conscient que, cet orgue-là ou tout autre objet, dans les faits, les citoyens, ou les pratiquants, ou les résidents de cette communauté-là se sentent très interpellés par cet objet-là parce qu'en bout de ligne c'est par la dîme, ou la quête, ou la collecte dans leur fabrique qu'ils ont payé ou construit ces objets-là, que ce soit une statue, un orgue ou autre.

Donc, est-ce que vous... Comment vous voyez ça, vous? Est-ce qu'on pourrait ajouter à la loi une demande à la ministre, avant de déménager un objet d'une municipalité ou d'une communauté, d'aviser la ministre pour qu'il y ait un échange avec la communauté, là, soit la ville ou la fabrique en question?

M. Royal (Jean-François): En fait, tantôt, votre collègue a mentionné un élément qui me semble assez essentiel et important, c'est-à-dire la participation citoyenne. Dans une communauté où une église peut être... -- et je vais revenir brièvement aux églises -- mais une église classée D ou E, qui peut paraître banale à nos yeux mais où on a une participation citoyenne active et une volonté de la communauté de sauver l'église, et non pas seulement qu'une volonté morale mais aussi monétaire, je pense que, oui, il y aurait intérêt à s'attarder à ces cas-là. Même chose, je pense, pour des orgues ou des pièces un peu plus imposantes, ce qu'on appelle du mobilier moins mobile, là, en fait. Il faut... Oui, c'est vrai, la dîme a payé, à travers le temps, cet objet-là, mais, si les citoyens ne l'entendent plus jouer et ne s'en servent plus, à quoi ça sert de rester dans une église quand l'objet ne sert plus? Donc, ça prend aussi une participation citoyenne. Et je reviens à mon choix de société de tantôt, il faut aussi imposer... ou du moins intéresser les gens à leur patrimoine, à ce qu'ils ont, et c'est aussi sortir des sous de leurs poches.

**(17 h 40)**

M. Turcotte: Dans le cas qu'on parle, je comprends que vous ne connaissez pas cet exemple-là...

M. Royal (Jean-François): Non.

M. Turcotte: ...je peux le connaître un peu plus que vous, mais, pour votre information, dans ce cas-là, la municipalité est intéressée à devenir... à la prendre en charge. Et eux ce qu'ils demandent, au fond -- puis je veux vous entendre là-dessus -- c'est: Est-ce que la municipalité, dans le cas où la fabrique... l'orgue n'appartient plus à la fabrique, il appartient à un privé autre qu'une communauté religieuse, est-ce que, dans ce cas-là, quand l'objet est classé, il devrait y avoir aussi un échange avec la communauté? Parce que le propriétaire va demander l'autorisation à la ministre pour le sortir hors Québec. Et, dans le cas d'une municipalité à l'extérieur, dans une autre ville du Québec, est-ce qu'il pourrait y avoir aussi ce genre de demande là, pour un déménagement permanent, on s'entend, là? C'est sûr que, dans le cas d'une toile ou une statue, si c'est pour une exposition temporaire, à un musée, ça, on peut comprendre, mais, quand c'est... Et on s'entend qu'une église, déménager ça, ça, on le voit, mais une toile ou une statue, on peut dissimuler ça assez facilement dans une minivan, là.

M. Royal (Jean-François): Bien, écoutez, je ne sais pas si la ministre aime la paperasse à ce point. Mais je pense que, quand c'est un bien qui sort du Québec, oui, je pense que le processus est essentiel et intéressant. Si le bien reste au Québec et que le bien est classé bien national québécois, l'idée de la loi est là, hein, que le bien reste au Québec, je pense qu'à ce moment-là c'est peut-être aux citoyens et à la communauté à faire pression auprès du propriétaire pour que l'objet reste dans la ville où il est. Mais, bon, si Mme la ministre aime recevoir des lettres, on peut peut-être lui en envoyer à ce niveau-là. Je ne pense pas que ce soit nécessaire quand ça reste au Québec.

Le Président (M. Marsan): Oui. M. le député de Drummond.

M. Blanchet: Dans cet esprit-là, informellement, entre vous, passionnés de patrimoine, avez-vous eu une réaction lorsque que vous avez pris connaissance du projet de sortir une orgue Casavant conçue pour une nef en particulier et qu'on veuille l'extraire de là et la transporter ailleurs puisqu'elle a été conçue pour cet endroit-là? Est-ce qu'il y a une altération de la valeur patrimoniale du patrimoine dans cet exercice d'enlever -- comment dire? -- l'organe du corps?

M. Lavoie (Michel): Vous voulez savoir si ça nous laisse indifférents ou pas?

M. Blanchet: Genre.

M. Lavoie (Michel): Ça ne nous laisse pas indifférents, mais on n'a pas tellement de pouvoir là-dessus, nous autres non plus.

M. Royal (Jean-François): Vous savez, dans le monde des musées, on préfère toujours que l'objet reste in situ et demeure soit dans sa localité d'origine ou dans son lieu d'origine où il a été utilisé. Mais, si, pour des besoins de préservation et de sauvegarde, on doit le sortir, inévitablement on le sort, et on pense à l'objet avant tout. Mais, oui, ça nous fait de quoi, mais on dort pareil la fin de semaine.

M. Blanchet: Les archéologues et les anthropologues ont aussi cette tendance à vouloir que les objets restent là où ils ont évolué. Je vous remercie, M. le Président, moi, ça va bien.

Le Président (M. Marsan): Bien, je vous remercie. Alors, merci, M. Lavoie, M. Groulx, M. Royal, de nous avoir donné la position du Conseil du patrimoine religieux du Québec sur le projet de loi.

Nous allons maintenant suspendre pour la durée du souper, du repas. Et vous pouvez laisser vos effets ici, on m'indique que les portes seront barrées. Alors, je suspends jusqu'à 7 h 30. Merci.

(Suspension de la séance à 17 h 44)

 

(Reprise à 19 h 32)

Le Président (M. Marsan): Alors, à l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs téléphones cellulaires.

Nous allons poursuivre sans plus tarder les auditions publiques sur le projet de loi n° 82, Loi sur le patrimoine culturel.

Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de la Société du patrimoine politique du Québec, représentés par M. André Gaulin, qui est un de nos anciens collègues, M. Matthias Rioux, un autre de nos anciens collègues, et M. Marc Beaudoin, historien. Alors, M. Gaulin, vous avez la parole pour une période d'environ 15 minutes.

Société du patrimoine
politique du Québec (SOPOQ)

M. Gaulin (André): Merci, M. le Président. Mme la ministre, Mmes et MM. les députés, je voudrais simplement vous remercier d'avoir accepté de nous entendre. Comme vous voyez, la Société du patrimoine politique recrute des députés, des anciens députés. Donc, on vous invite pour plus tard. Je veux céder la parole, au départ, à M. Rioux, le jeune doctorant, ancien ministre.

M. Rioux (Matthias): Merci, M. le Président. Je suis très heureux de prendre la parole ici, aujourd'hui, pour défendre un peu la mémoire collective des parlementaires. Notre démocratie est représentative, on la chérit, on en parle beaucoup. Elle a ses défauts, mais elle a ses énormes qualités. Le système politique représentatif hérité des XVIIIe et XIXe siècles, ça nous rappelle des souvenirs extraordinaires. Ça nous rappelle d'abord les Lumières, ça nous rappelle Jean-Jacques Rousseau, ça nous rappelle Hobbes, ça nous rappelle Locke, ça nous rappelle Benjamin Constant, des hommes qui, à leur façon, ont aidé avec une vigueur incroyable l'importance de la gouvernance politique émanant du peuple.

Évidemment, notre démocratie, depuis plusieurs années, a relevé des défis, mais il lui en reste d'autres à relever. En effet, l'abstentionnisme croissant, le cynisme ambiant, la méfiance d'une partie de la population à l'endroit des élus et des gouvernements a engendré la démobilisation à l'endroit du pouvoir politique, et tout cela constitue une menace. Si on n'y prend pas garde, ce trésor précieux qui est la démocratie peut finir par être édulcoré et -- je dis le mot -- banalisé.

J'aimerais, M. le Président, vous mettre en évidence un certain nombre de choses. D'abord, on est victimes, en démocratie, de bien des erreurs de parcours. L'individualisme exacerbé, par exemple, qui sévit et qui fait partie de l'air du temps est, bien entendu, une des causes de cette désaffection. Mais il faut également constater le manque flagrant, notamment chez les plus jeunes, de la connaissance du fonctionnement des institutions démocratiques.

Je participais, l'autre jour, avec un groupe d'étudiants universitaires à un forum, un colloque ici, organisé à l'Assemblée nationale, sur les institutions. Et c'étaient pourtant des étudiants universitaires, et j'ai été complètement abasourdi de constater le peu de connaissances qu'ont les jeunes -- là, je parle de jeunes de 25 ans, certains de 30 ans -- une méconnaissance presque totale des institutions qui nous gouvernent. Alors, ça donne un coup de fouet à la SOPOQ et ça donne un coup de fouet à ses dirigeants de dire: Oui, ne ratons aucune occasion de faire avancer la cause de l'État démocratique, de la société de droit.

En fait, la connaissance de l'histoire et la connaissance du patrimoine politique, ça fait partie de ce que je pourrais appeler la culture, la culture au sens large. Pour certains, c'est la culture première; pour d'autres, c'est la culture seconde. Souvenez-vous de Fernand Dumont lorsqu'il parlait de la culture. La culture, c'est notre voisinage, c'est notre village de naissance, c'est notre parlure régionale, c'est tout ça. Puis la culture savante, l'histoire, ça, c'est la culture seconde, celle que nous allons chercher dans les universités et celle que les parlementaires acquièrent ici même, dans cette Assemblée. Un député qui siège ici pendant quelques années quitte l'Assemblée nationale avec une culture savante. De là la nécessité pour lui de mettre ce bagage énorme au service de ses concitoyens.

Il est aussi nécessaire de réaffirmer que le patrimoine québécois, matériel comme immatériel, est fondamental. Et le projet de loi qui est sur la table, j'aime mieux vous le dire tout de suite, on est en accord avec, essentiellement, on est en accord. Cependant, il y a des petits éléments qu'on va discuter ensemble et qu'on va vous suggérer en cours de route. Mais, pour répondre aux nouveaux défis qui sont devant nous, faire en sorte que la démocratie reste vivante, en bonne santé, on doit faire face à des réalités considérables. Et un des éléments fondamentaux de tout ça, c'est la mémoire. Et le patrimoine politique est là pour servir la mémoire de la démocratie.

Alors, M. le Président, moi, je vais céder la parole à mon collègue et je reviendrai en conclusion.

Le Président (M. Marsan): Merci, M. Rioux. M. Gaulin.

M. Gaulin (André): Je n'aurai pas toute la passion de mon collègue Matthias, je vais me contenter de lire des extraits les plus importants de notre mémoire, rappeler succinctement, au départ, les rapports entre culture politique et patrimoine, ce qu'au fond vient de faire Matthias, l'élargissement de la notion de patrimoine surtout depuis 1970, depuis 1990 et particulièrement depuis le début du nouveau millénaire. On nous donne d'ailleurs cet élargissement du patrimoine qui va vers le patrimoine, y incluant le patrimoine matériel et immatériel. Et là vous avez une définition, dans la page 2 de notre mémoire, que vous avez eu sûrement l'occasion de lire et de relire, étant à cette commission.

Évidemment, cette nécessaire sauvegarde du patrimoine a besoin de l'appui soutenu des différents acteurs impliqués, comme le rappelait la directrice de l'UNESCO en 2003. La citation est là, vous pouvez la voir. La notion de bien commun est ici au coeur de cette perspective. En effet, à titre d'héritage légué par les générations précédentes et transmis aux générations suivantes, le patrimoine culturel, matériel comme immatériel, relève du bien public et commun qu'il est nécessaire de protéger et de faire valoir. Au même titre que Jean-Paul Desbiens disait que la langue appartenait au bien commun en 1960, aujourd'hui on dit que le patrimoine matériel et immatériel appartient au bien public et commun.

**(19 h 40)**

Ce nécessaire dialogue et ce récent élargissement de la notion de patrimoine doivent permettre de faire une place au patrimoine politique. Alors, il s'avère que le politique ne se réduit pas à la simple expression de la gérance d'un État, mais qu'il est plutôt le révélateur de l'ethos, de l'âme, de la passion, de l'identité d'une collectivité. Ainsi, le politique englobe les systèmes de représentation qui commandent la façon dont une époque, un pays ou des groupes sociaux conduisent leur action et envisagent leur avenir. Ces représentations résultent d'un travail permanent de réflexion de la société sur elle-même, ce qui rejoint pleinement la définition de l'UNESCO.

Étant donné que le politique est le lieu où s'élabore la distribution du pouvoir, on se trouve collectivement dans l'obligation d'étudier les déterminations guidant cette dévolution, mais il est également de notre devoir de conserver les documents et les traces de ce débat -- qui se perdent très souvent, qui se sont perdus -- car il s'agit d'un patrimoine matériel et immatériel qui nous permet de mieux saisir les enjeux passés et présents. Selon l'historien Sirinelli, les perceptions, les sensibilités, les comportements individuels ou collectifs qui s'expriment à travers le politique doivent être étudiés comme faisant partie de la culture au sens anthropologique que lui donne Fernand Dumont, d'où cette définition de «culture politique» comme «l'ensemble des représentations qui soudent un groupe humain sur le plan politique, c'est-à-dire une vision du monde partagée, une [lecture commune] du passé, une projection de l'avenir vécue ensemble».

Cette culture politique a également son histoire ainsi que son patrimoine. Ainsi, le patrimoine politique matériel, avec ses lieux symboliques du pouvoir et ses objets, ne doit pas occulter son fondement même, qui est la pensée politique. Ce patrimoine politique immatériel, des réunions aux manifestations, des discours aux élections, des sensibilités idéologiques aux slogans, doit être conservé, mis en valeur et transmis aux nouvelles générations afin de mieux cerner l'évolution du rapport des citoyens à la cité. C'est ce que fait la Société du patrimoine politique depuis huit ans, et en particulier par son président, qui malheureusement ne peut pas être avec nous aujourd'hui, M. Denis Monière, qui est professeur à l'Université de Montréal, et par son université, d'ailleurs il y a eu une contribution importante donnée par cette institution à la SOPPOQ, tout en comptant également sur l'Assemblée nationale et sur l'Amicale des anciens parlementaires.

L'action de la SOPPOQ, en quelques années, donc, est exemplaire. Le huitième opus des Entretiens Pierre-Bédard -- et on vient de voir le monument, la statue de Pierre Bédard justement, qui est une des actions qu'a faites la SOPPOQ avec l'Assemblée nationale -- père des... fondateur des partis politiques, alors on a consacré un certain nombre d'entretiens appelés Entretiens Pierre-Bédard, par exemple, à Hector Fabre et aux relations France-Québec. On avait fait des entretiens sur la commission Tremblay, sur l'Expo 67, des grands moments de la vie politique.

Par ailleurs, la société a mis sur pied un comité qui a pour mandat de mettre en valeur les maisons des premiers ministres québécois et de développer une politique de la commémoration. On ne fait pas ce qu'Ottawa fait, par exemple. La société a publié les discours des trois premiers ministres Taschereau, Godbout et Duplessis -- on a maintenant les textes, c'est très important. La société organise aussi régulièrement des séminaires qui rassemblent des professionnels des milieux archivistiques, universitaires et politiques et des gens du milieu de l'histoire. Mon collègue Marc en est un exemple frappant aujourd'hui.

La SOPOQ a créé aussi un portail Internet qui a pour mission de conserver sur support numérique les documents de toute forme produits par les acteurs politiques, ce qui permet de protéger les objets et les documents et ce qui permet un accès démocratique.

Alors, sur le projet d'encyclopédie dont il est question, considérant la carence d'une analyse... encyclopédie politique du patrimoine politique, considérant la carence d'une analyse sur la réalité patrimoniale de notre héritage démocratique et l'absence de lieux publics de réflexion et de discussion aussi bien que d'information pour le citoyen, les membres du comité jugent que l'encyclopédie du patrimoine politique du Québec comblerait un grand vide.

Cette encyclopédie offrirait un outil multimédia, dynamique, participatif et interactif de qualité universitaire pour diffusion grand public sur Internet; ce en quoi elle se distingue d'autres portails Internet favorisant une participation non contrôlée et qui, partant, n'est pas toujours fiable. Ici, au contraire, les articles, dont la longueur varie entre 1 000 et 2 000 mots, seraient rédigés par des spécialistes, appuyés sur une abondante documentation archivistique et multimédia, mettant ainsi en valeur la principale caractéristique de l'encyclopédie. Il y a, à ce moment-là, une interaction avec les usagers.

Les thèmes développés seraient accessibles selon les trois grandes branches désignant l'agir politique: le patrimoine matériel; le patrimoine immatériel, c'est-à-dire les institutions, les débats, les idéologies, les revues, les journaux; et le patrimoine humain, les personnes, les familles politiques, les groupes. Ainsi, par exemple, la bataille des plaines d'Abraham pourrait être analysée suivant son entrée matérielle, armes, lieux de la bataille; immatérielle, affrontement entre la France et l'Angleterre; et humaine, Wolfe, Montcalm, soldats et Amérindiens, population canadienne. L'encyclopédie jouerait un rôle pédagogique, viserait un grand public, mettrait l'accent sur la qualité scientifique des informations.

Alors, j'en saute des bouts, M. le Président, pour entrer dans votre horaire, dans notre horaire.

Le projet de loi n° 82 sur le patrimoine culturel. Jusqu'à il y a encore quelques années, la notion de patrimoine culturel ne recouvrait que son aspect matériel: bâti, objets artistiques ayant une valeur exceptionnelle, traces de culture seconde ou élitiste. Or, le travail sur la mémoire, dont parlait mon collègue Matthias tout à l'heure, qui a été effectué depuis valorise un patrimoine qui tend à inclure également tout ce qui peut être représentatif d'une époque, d'une culture particulière. Nous devons cet élargissement en partie à l'apparition d'un courant historiographique s'intéressant notamment aux classes sociales, au quotidien, aux structures socioéconomiques mais aussi à un accroissement du rôle de l'État dans les années 1960, partout en Occident, où l'inventaire, le classement, la restauration et la mise en valeur du patrimoine sont partie... -- il faudrait corriger ici, il y a une faute -- sont partie prenante de la constitution d'une culture nationale.

En somme, désormais, tous les secteurs de la vie sociale sont susceptibles d'être objet de patrimoine. Ceci inclut également le patrimoine immatériel, ce que le projet de loi n° 82 définit comme -- je cite -- «les savoir-faire, les connaissances, les expressions, les pratiques et les représentations fondés sur la tradition qu'une communauté ou un groupe reconnaît comme faisant partie de son patrimoine culturel et dont la connaissance, la sauvegarde, la transmission ou la mise en valeur présente un intérêt public». Nous ne pouvons cependant que regretter l'absence de précision de cette définition qui, reprenant mot pour mot celle de l'UNESCO, ne donne pas plus qu'elle de moyens concrets permettant de protéger tel ou tel objet patrimonial.

**(19 h 50)**

Ouverture a été faite également aux autres peuples et groupes minoritaires qui sont partie prenante de l'évolution de la société québécoise. En accordant un certain rôle aux... un rôle certain, pardon, aux nations autochtones dans la désignation de leur patrimoine, le projet de loi n° 82 participe de cette nouvelle définition du patrimoine. Dans ce travail d'élargissement, l'État a joué et joue encore un rôle très important. Comme le dit le Pr Fernand Harvey -- je cite -- «le patrimoine n'est pas une donnée statique ni un objet défini une fois pour toutes. Il est le résultat d'une production sociale basée sur un travail d'interprétation qui vient donner un sens au passé en fonction des préoccupations des acteurs sociaux du présent.» C'est un patrimoine en devenir dans ce sens-là aussi. L'État joue donc non seulement un rôle de médiateur, mais aussi de définisseur, participant directement à la construction mémorielle du Québec en fonction de la recherche du bien commun.

Le projet de loi n° 82 offre ainsi au ministre une grande latitude dans la définition du patrimoine puisqu'il peut désormais... qu'elle peut désormais «accorder des subventions dans le but de favoriser la connaissance, la protection, la transmission ou la mise en valeur des paysages culturels patrimoniaux, des biens patrimoniaux ou des biens situés dans un site patrimonial classé, déclaré ou cité et de favoriser la connaissance des éléments du patrimoine immatériel».

Ce rôle est désormais renforcé par la mise sur pied du Conseil du patrimoine culturel, dont les membres sont nommés par le gouvernement et qui a une fonction essentiellement consultative. Cependant, son mandat reste peu clair et non décisionnel, ce que nous regrettons. Nous pensons également qu'il est important pour l'application de la loi que vous proposez que l'État québécois s'implique activement dans la protection et la mise en valeur du patrimoine, comme cela se fait dans de nombreux pays, dont le Canada, les États-Unis, la France et l'Angleterre.

Nombre d'articles de la loi se concentrent sur les dispositions relatives au bâti reconnu patrimonial ainsi que sur la possibilité de faire connaître comme patrimoine un lieu ou un paysage, mais tout en délégant aux municipalités un pouvoir qui ne correspond pas avec l'idée que nous nous faisons d'une loi générale sur le patrimoine. L'État doit pouvoir apporter une cohérence dans ses définitions et ses engagements et ne pas se départir de ses responsabilités en faisant assumer ce rôle par des communautés qui n'ont pas nécessairement -- en tout respect pour les instances locales et régionales -- l'expertise et la vision d'ensemble nécessaires et encore moins les moyens financiers. J'achève, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): C'est ça.

M. Gaulin (André): Alors, il est question ensuite de la numérisation -- je vais juste résumer cette page -- la numérisation, qui va permettre justement l'accès au patrimoine, la digitalisation, qui va rendre ce patrimoine présent et permettre un rapport interactif. Nous arrivons aux recommandations, que nous faisons rapidement.

M. Rioux (Matthias): Alors, M. le Président, je vais demander la clémence de la présidence pour essayer de résumer très succinctement nos recommandations.

Élargir le concept, je l'ai dit tout à l'heure, je n'y reviens pas. On en est ravis que le concept soit élargi et qu'il y ait maintenant une vision plus large qui se dessine à l'horizon. Et ça, ça nous rassure beaucoup parce qu'il n'est pas seulement question de protéger un patrimoine textuel, mais il est également question de protéger un patrimoine discursif, la parole. Les politiciens, les législateurs parlent, il faut conserver leur patrimoine discursif.

Élaborer une politique de la commémoration, mon collègue l'a évoqué tout à l'heure, je n'y reviens pas, juste pour dire, par exemple, qu'annuellement on pourrait faire un inventaire des commémorations qui devraient avoir lieu chaque année dans les municipalités et dans les villes du Québec et on pourrait célébrer la mémoire... On a célébré récemment, par exemple -- j'ai trouvé ça merveilleux -- les 50 ans de la Révolution tranquille. Si le député de Lévis était ici ce soir, je lui dirais: On célèbre Lévis, mais, si on pourrait célébrer le chevalier de Lévis, ça serait intéressant aussi. On pourrait joindre l'utile à l'agréable.

Et j'aimerais, M. le Président, par ailleurs... La Commission de la capitale nationale doit désormais assumer l'entretien des sépultures. Cette politique de commémoration devrait être appuyée financièrement par le gouvernement et appuyer les organisations locales. C'est très important, parce qu'à mon sens, à l'heure où les sociétés gestionnaires de cimetières au Québec font peu de cas des sépultures des personnalités, c'est assez décevant. Et j'aimerais qu'on prenne en compte cette réalité-là: venir en aide à ceux qui laissent aller un patrimoine semblable qui est quand même... fait partie de notre mémoire.

Qu'en conjonction avec la Commission de la capitale nationale responsable de ce dossier, le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition contribue financièrement sur une base annuelle à l'identification et à la mise en valeur des maisons des anciens premiers ministres. Elles ne sont pas légion, ces maisons, et j'aimerais qu'on y attache une importance parce que ça aussi, ça fait partie de notre patrimoine. Certaines de ces maisons pourraient servir comme centres d'interprétation de la vie démocratique, ce serait merveilleux, soit au plan national soit au plan local.

Et finalement, pour assurer l'accessibilité, la pérennité et la diversité des ressources patrimoniales, nous proposons que le nouveau Fonds renouvelable pour la protection du patrimoine culturel soutienne des projets de mise en valeur du patrimoine par l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et des communications et qu'il injecte les crédits conséquents pour assurer la numérisation des archives papier. Alors, voilà, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): Je vous remercie beaucoup. Je vous remercie. Nous allons immédiatement entreprendre la discussion. Et je vais céder la parole à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Merci beaucoup. Ça a été un plaisir de vous entendre. Je pense que vous touchez un sujet qui nous intéresse évidemment beaucoup parce que c'est une passion, la politique et, pour plusieurs d'entre nous, on est venus au monde un peu dedans parce que, si on aime la vie politique, c'est parce que peut-être que nos parents nous ont influencés ou qu'on a entendu, quand on était jeunes, des conversations qui nous stimulaient sur le plan politique et ça nous a influencés plus tard. Vous saluerez M. Denis Monière de notre part. Et merci pour cette présentation.

J'ai quelques questions à vous poser. Vous avez terminé votre présentation en parlant des gestes de commémoration qui devraient être posés. Comment le voyez-vous, exactement? Est-ce qu'il devrait y avoir, pour chaque événement significatif ou... Parce qu'il y en a, quand même, des gestes de commémoration qui se posent au Québec. Est-ce qu'il y a quelque chose qui... Est-ce qu'on devrait commémorer quelque chose à tous les jours ou... Comment est-ce qu'on ferait la liste de ce qui est important de ce qui l'est moins là?

Le Président (M. Marsan): M. Beaudoin.

Une voix: Marc Beaudoin a travaillé ça pour la SOPPOQ.

Mme St-Pierre: Ah bon! On ne vous a pas entendu, vous, alors allez-y.

M. Beaudoin (Marc): Bien, oui. Merci. Écoutez, en fait, l'exemple qu'on propose, ça a été un exemple qui se fait déjà en France. Il y a un groupe d'universitaires, de scientifiques qui, année après année, proposent un certain nombre d'événements qui, à leurs yeux, devraient être commémorés de façon nationale ou plus régionalement.

Nous autres, la proposition qu'on fait est à l'effet de travailler sur des échéanciers, des tranches de 25 ans qui nous permettent de ne pas épuiser la réserve d'anniversaires à souligner, et de quantifier, et de valider, et surtout de mettre en valeur des événements qui sont marquants.

Juste pour vous donner un exemple, en 2012, on va pouvoir souligner les débuts de la rébellion de 1837. ...on a souligné les... et on va souligner, cette année, les 50 ans du ministère de la Culture. On peut...

Mme St-Pierre: Je suis tout à fait au courant.

M. Beaudoin (Marc): Hein? Donc, vous voyez, ce sont des exemples qui pourraient être intéressants à la fois pour les communautés locales et même pour le niveau national de souligner des événements... Les municipalités le font déjà. On a l'exemple de Lévis qui cette année, bon, souligne trois anniversaires en même temps. Bon.

Mme St-Pierre: Est-ce que vous voyez ça que ce serait comme votre organisme finalement qui pourrait être chargé de faire cette... de prendre cette décision-là ou de décider ou si ça devrait revenir au ministère de la Culture? Parce que je vois mal... Parce que, dans notre loi, on a quand même le registre et inventaire du patrimoine culturel, il y a quand même des choses qui vont se faire. Sur le plan de la protection des archives, on sait qu'Archives nationales reçoit les archives des députés et des ministres lorsqu'ils quittent leur vie politique. Ici, à l'Assemblée nationale, il y a quand même des archives importantes. Il y a des choses quand même, on ne jette pas tout dans les déchiqueteuses, là, il y a plein de choses qui sont protégées. Alors, est-ce que vous voyez un rôle particulier pour votre organisme dans ce genre d'événements là?

**(20 heures)**

M. Beaudoin (Marc): Pour ce qui est de la commémoration comme telle... Parce que, bon, ce qui concerne tout le volet que vous avez très bien souligné, la mécanique est assez bien rodée maintenant, de conservation des archives des hommes politiques et des femmes politiques qui... Ça, de ce côté-là, je pense que c'est bien balisé. Et ça travaille très bien présentement. Je suis membre du Comité des archives de l'Amicale des anciens parlementaires et je peux voir le travail qui se produit à ce moment-là, et c'est très bien.

Ce qu'on veut souligner au niveau de l'aspect commémoration, c'est simplement de... On le sait que présentement, individuellement, dans chacun des milieux, il y a des gens qui se font un petit peu ce devoir-là. À la Société du patrimoine politique, notre objectif, c'était de peut-être centraliser de façon plus nationale avec les vrais événements politiques plus marquants, peut-être moins de la petite histoire locale, les sociétés d'histoire sont là pour s'en charger, mais, d'une façon plus large, d'une façon plus transcendante, disons, on pourrait arriver à faire des propositions qui pourraient être soumises au ministère. Est-ce que ce serait le ministère qui pourrait devenir le gérant du résultat? Ça, c'est des choses à voir. La Société du patrimoine politique, avec les moyens qu'elle a, essaie de le mettre sur pied. Ce n'est pas évident, parce que réunir une équipe de spécialistes qui doivent faire le départage des différents événements, ce n'est pas évident. Il y a beaucoup, beaucoup de politique là-dedans aussi. On se comprend.

Mme St-Pierre: Oui, oui. C'est ça. J'allais vous poser la question. Parce qu'à un moment donné il faudrait des gens qui soient complètement au-dessus de la mêlée. Parce qu'on a vu ce qui s'est passé avec les plaines d'Abraham, ça a été un peu... Il y a du monde, là, qui font...

M. Beaudoin (Marc): Oui, oui. Au moins, il faudrait quand même en parler.

Mme St-Pierre: Oui, mais je trouve ça intéressant...

M. Beaudoin (Marc): Voilà. C'est la différence qu'il faut faire. Puis on dit souvent, il y a... Les gens sont prêts à souligner les victoires, mais pas les défaites, mais il faut aussi souligner les faits historiques tels qu'ils se sont produits et non pas l'interprétation qu'on en fait. Il y a ça aussi qu'il faut regarder.

Mme St-Pierre: Tout à fait. J'aime bien vous entendre dire cela.

Le Président (M. Marsan): M. Gaulin, vous voulez intervenir?

Mme St-Pierre: Oui. Rapidement, parce que j'ai d'autres questions.

M. Gaulin (André): Je voulais ajouter que nous serions très ouverts à une collaboration, en tant que SOPPOQ, avec le ministère de la Culture et des Communications, surtout si on nous facilite des moyens d'aller chercher, de regrouper des gens compétents et d'une certaine neutralité pour ce faire. Mais ce type de commémorations peut éventuellement être conflictuel. C'est plus facile de rappeler certains événements que d'autres. On a parlé des plaines d'Abraham. Quand on a rappelé la Révolution française, quelqu'un a écrit des lettres à Robespierre aussi, on sentait que, même à 200 ans de distance, la France était toujours... avait toujours un certain partage entre royalistes et démocrates. Récemment, en France, à propos de Céline, il y a eu un débat là-dessus, alors on l'a fait: Est-ce qu'on doit refuser de célébrer la mémoire de Céline parce qu'il a été favorable aux nazis? Alors...

Mme St-Pierre: Mais c'est sûr que ça peut amener à des débats puis on n'aura pas le temps de rentrer là-dessus... là-dedans ce soir. Je pense, entre autres, au Moulin à paroles qui a lu le manifeste du FLQ. C'était assez choquant pour moi, comme ministre de la Culture, parce qu'il y a quand même, dans ces événements-là, un ancien ministre de la Culture qui a été assassiné, là. Il faut le dire comme ça, là. Alors, ça peut amener des débats. Donc, il faudrait trouver une solution où on aurait un organisme qui serait vraiment avec des gens qui ont la tête à la bonne place pour décider des événements qui sont commémorés.

Moi, quand j'ai été aux États-Unis, j'avais vu, dans des conventions américaines, conventions politiques, des gens des musées, du Smithsonian qui ramassaient sur le parquet des conventions des macarons, des choses pour... Ici, il me semble que... Enfin, je n'ai pas vu ça ici. Des gens du Smithsonian qui ramassaient des éléments, pour évidemment mettre aux archives des événements, qu'ils avaient trouvés sur le plancher de la convention pour rappeler l'événement qui venait de se produire, alors je trouvais ça fort intéressant. Il y a plein de choses qu'on peut évidemment aller chercher comme ça, aller chercher des éléments qui vont vraiment comme rappeler une histoire ou un événement.

Moi, je voudrais vous amener sur un dossier qui... Le drapeau du Québec. Est-ce que, pour vous, le drapeau du Québec, c'est un élément patrimonial?

M. Gaulin (André): C'est un élément vivant. Il y a une partie patrimoniale de ce drapeau-là. Je ne sais pas, moi, le drapeau du Québec, si c'est patrimonial, c'est celui qui a été donné par René Chaloult et qui est bien conservé, d'ailleurs.

Mme St-Pierre: C'est l'objet, ce n'est pas... C'est l'objet.

M. Gaulin (André): C'est ça. C'est le premier objet. Le drapeau du Québec patrimonial, ça pourrait être le Carillon--Sacré-Coeur, le Carillon--Sacré-Coeur de 1910 par je ne sais plus quel abbé -- peut-être que Marc le sait de mémoire -- mais avec le Sacré-Coeur au centre, etc., un drapeau qui n'a pas été retenu. Mais tout ça part du drapeau de Champlain aussi, en blanc et bleu, avec simplement croix et carrés à ce moment-là. Alors, mais le drapeau, les drapeaux qui sont devant nous sont plus que des choses patrimoniales, ce sont des symboles actuels, vivants...

Une voix: Des symboles nationaux.

M. Gaulin (André): Des symboles nationaux, oui, binationaux ici, et des symboles qui sont toujours en devenir.

Mme St-Pierre: Donc, si je comprends bien, c'est vraiment quelque chose qui doit être au-dessus de la partisanerie politique?

M. Gaulin (André): Oui, tout à fait.

Mme St-Pierre: Alors, lorsque c'est le temps...

M. Gaulin (André): Puis le drapeau n'est pas un objet partisan, le drapeau est à tous les Québécois et à tous les Canadiens, peu importe celui... ou le drapeau français est à tous les Français.

Mme St-Pierre: Et, lorsqu'un parti politique décide de vendre le drapeau du Québec, est-ce que vous trouvez que c'est acceptable?

M. Gaulin (André): Bien, c'est aussi acceptable que le parti politique qui les donne.

Mme St-Pierre: Ah bon, O.K.

M. Gaulin (André): Je veux dire, drapeau pour drapeau, là...

Mme St-Pierre: C'est un objet qui peut se vendre par un parti politique.

M. Gaulin (André): C'est un objet qui peut se vendre parce que c'est un objet qui coûte, alors on peut toujours le vendre. De toute manière, je pense que les députés peuvent en donner un certain nombre de... peuvent donner un certain nombre de drapeaux. Après, on doit les vendre, quitte à les vendre moins cher. Mais c'est un produit...

M. Rioux (Matthias): Mais vendre le drapeau pour le hisser dans son village, dans sa ville, sur sa rue, c'est une marchandisation qui, à mon avis, est acceptable.

Mme St-Pierre: O.K. J'aimerais vous entendre maintenant sur la notion de... sur les sépultures. Est-ce qu'il y a quelque chose... Vous parlez des sépultures des personnes qui ont été importantes pour l'histoire du Québec. Comment on devrait... comment ça devrait être géré, cette question-là?

M. Gaulin (André): Bien, je regarde, on a fait... Tout à l'heure, mon collègue Matthias faisait allusion à Lévis. On avait une belle occasion là d'élever un monument à Lévis. C'est quand même un grand, un grand militaire qui entre autres a fait la bataille de Sainte-Foy. Et, pour la petite histoire, c'était même un ami de James Murray, hein? Mais c'est un grand militaire, on aurait pu lui élever un drapeau... un monument. Il y a un seul monument à Lévis, il est sur la façade de l'Assemblée nationale. C'était une belle occasion, il y avait un triple anniversaire.

On a une partie des statues... la statuaire sur le site de l'Assemblée nationale est surtout politique, mais, quand on traverse le boulevard ici, on pourrait instaurer une statuaire culturelle, parce que Garneau attend déjà ses commensaux, là. On pourrait mettre d'autres grands littéraires. Ça pourrait être Jacques Ferron, qui serait sûrement moins conflictuel que Gaston Miron, si on voulait mettre Gaston Miron là, qui est un grand poète aussi.

Mme St-Pierre: Oui.

M. Gaulin (André): Oui, je pense que...

M. Beaudoin (Marc): Pour répondre aussi à un autre volet de la question de Mme la ministre en ce qui concerne les cimetières, parce qu'il y a une préoccupation qui est énorme parce que les cimetières sont à la fois le lieu de sépulture de personnages de notre histoire locale, la plupart du temps, mais aussi nationale, et aussi des lieux de dépôt d'oeuvres d'art qui sont pillées et qui... parce qu'elles ont le malheur d'être en bronze et que le bronze, selon les périodes, devient oeuvre d'art à vendre ou oeuvre d'art a faire fondre, c'est un problème, et donc il y a vraiment un travail... Évidemment, on ne peut pas demander que tout le monde devienne des protecteurs, mais chaque société d'histoire dans chacune des régions s'est déjà donnée ce mandat-là, elles n'attendent qu'un coup de pouce du ministère à l'effet de les appuyer dans leur démarche pour la protection de ce patrimoine très matériel, mais très volatile aussi, ne serait-ce que parce qu'un cimetière, c'est tellement facile d'entrer la nuit et de démolir.

Et en plus, bien, on le soulignait dans le mémoire de la Société du patrimoine politique, c'est que les corporations qui gèrent ces cimetières-là, pour des raisons tout à fait normales qui sont acceptables selon les lois actuelles qui régissent ces cimetières-là, récupèrent les terrains des anciennes familles, qui souvent sont dispersées, n'existent plus, pour faire de la place aux nouveaux, mais c'est le patrimoine des fondateurs de ces villages-là, de ces villes-là qui disparaissent d'un seul coup.

Il y aurait peut-être moyen de travailler avec les corporations des cimetières à l'effet d'au moins prévoir une espèce de monument commémoratif où on -- à la limite, c'est une idée -- pourrait regrouper peut-être les pierres tombales de ces familles-là, qui nous permettrait au moins de garder la trace et non pas d'envoyer ça carrément à la dompe.

**(20 h 10)**

Mme St-Pierre: Bien non...

M. Beaudoin (Marc): Ça pourrait être une solution à regarder.

Mme St-Pierre: Je pense qu'il ne reste que quelques secondes. Donc, si je comprends bien votre intervention, tout comme on l'a fait antérieurement cet après-midi, on a parlé de patrimoine religieux cet après-midi, donc on devrait... On nous a dit qu'on devrait retrouver dans notre projet de loi le terme «patrimoine religieux». Ce que vous nous dites finalement aussi, c'est qu'il faut retrouver le terme «patrimoine politique»?

M. Beaudoin (Marc): Absolument.

Mme St-Pierre: Parce que «patrimoine culturel», à votre avis, ce n'est pas encore assez précis, il faut vraiment aller de façon plus précise dans le projet de loi. C'est ça?

M. Gaulin (André): Tout à fait, nous vous en saurons gré.

Mme St-Pierre: Parfait. Alors, je n'ai pas d'autres questions.

Le Président (M. Marsan): Merci.

Mme St-Pierre: Je ne sais pas s'il reste du temps pour mes collègues?

Le Président (M. Marsan): Non, c'est terminé, Mme la ministre.

Mme St-Pierre: Non? Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Alors, cette première partie de nos échanges est terminée. Je vais maintenant céder la parole au député de Drummond, qui est porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communication. M. le député.

M. Blanchet: Bonsoir, messieurs. Pendant un fugace moment, vous m'avez fait croire qu'après un certain temps l'action politique pouvait s'élever au-dessus de la partisanerie, mais la ministre m'a rapidement ramené sur terre. J'espère encore que les institutions valent beaucoup.

J'entends, dans votre propos, en particulier dans la présentation, la reconnaissance des institutions politiques, la connaissance des institutions politiques comme outil, comme moyen pour ramener un grand nombre de personnes qui ont un peu déserté l'intérêt qu'on souhaiterait qu'elles aient à l'endroit de ça. Et vous avez parlé... et vous faites des recommandations relativement à la commémoration. Personnellement, ayant vu qu'on a échappé la commémoration du drapeau en janvier, j'offre toute ma collaboration pour la commémoration du début de la révolution des Patriotes. Ça pourrait être intéressant qu'on en parle, là, parce que c'est un morceau important de notre histoire.

Une division du Mouvement national des Québécois, le Centre de recherche sur le Québec, a fait une étude sur les commémorations, sur une politique des commémorations qui a été publiée il y a quelques semaines, qui a eu malheureusement assez peu d'échos, mais dont j'ai eu la chance de prendre connaissance. Est-ce que c'est quelque chose qui s'est fait en parallèle? Avez-vous participé à cet exercice-là ou commenté cet exercice-là? Parce que c'est une politique de la commémoration qui m'est apparue passablement complète.

M. Rioux (Matthias): Je sais que la publication a eu lieu. Je n'ai pas pris connaissance du document, mais ce que je peux vous dire, c'est que ça ne peut pas laisser un organisme comme le nôtre indifférent, ce n'est pas possible. On va regarder ça attentivement et, s'il y a lieu de faire quelque chose rapidement et de rendre... je ne sais pas, et d'enrichir notre démarche dans le domaine, on le fera certainement. Mais je n'ai pas pris connaissance du document, mais je sais qu'il a été publié.

M. Blanchet: O.K.

M. Rioux (Matthias): Mais je suis très heureux que vous le mentionniez.

M. Blanchet: Sur un angle un peu plus théorique, les institutions font partie de la culture, elles sont un élément de la culture au sens le plus large, au sens le plus ethnologique du terme. Et donc, lorsque vous référez à la culture politique, notamment sous l'angle du patrimoine immatériel, sur le coup, j'avoue que j'étais un peu perplexe. Mais, bon, la question oratoire de ça, là, je saisis davantage, mais je souhaiterais comprendre mieux la distinction que vous faites, outre la variable immatérielle, entre le patrimoine politique et l'histoire à proprement parler, où on l'insère normalement.

M. Gaulin (André): Le patrimoine immatériel, ce sont les savoirs, ce sont les idéologies, comme on disait, c'est... Le politique, il prend effet et cause dans le quotidien, alors que le patrimoine, la question patrimoniale sur des objets, etc., je ne saurais...

M. Blanchet: Et je comprends, vous voulez dire que le patrimoine politique est quelque chose qui est toujours actif et vivant, tandis que l'histoire, par définition, on la situe.

M. Gaulin (André): Bien, l'histoire reste vivante aussi. La preuve, c'est qu'elle est interprétée constamment...

M. Blanchet: Elle s'écrit...

M. Gaulin (André): ...des nouveaux livres apparaissent, on refait autrement la lecture qui avait été faite. Mais enfin l'historien pourrait davantage parler que moi ici, là.

M. Beaudoin (Marc): Oui, On fait effectivement autrement la lecture du même document selon les générations, selon les écoles de pensée, selon la manière d'analyser les documents et selon les découvertes qui complètent l'information de la lecture d'un document d'archives. C'est ça, l'histoire. C'est ça, le travail de l'historien, qui est lui-même tributaire de son environnement, de son milieu culturel et de sa façon dans laquelle il a oeuvré et même étudié.

L'aspect du patrimoine politique se fait d'abord et avant tout par les traces que laisse l'activité politique dans une société. La manière qu'on a actuellement de faire du parlementarisme au Québec au XXIe siècle est très différente de vos prédécesseurs parlementaires au XIXe siècle. Ils le faisaient à partir des moyens de l'époque avec les systèmes électoraux de l'époque. On se battait pour aller voter à l'époque. Ça fait partie aussi de ce patrimoine politique là, il faut le savoir, il faut le comprendre. Donc, c'est cette évolution-là, c'est ce cheminement-là qui fait qu'on comprend d'où on vient, comment le travail du parlementaire se fait et comment maintenant on peut vivre.

Et, je serais porté à vous dire, actuellement vous voyez les événements qui se passent en Égypte, où on voit un peuple qui décide que, bon, il veut prendre en main sa destinée, nous autres, on a la chance d'avoir un parlementarisme qui nous permet, avec les moyens du bord, avec les limites que nos institutions donnent, de progresser d'une manière différente. Mais c'est ça, notre patrimoine politique, c'est ce qui fait notre différence entre les Égyptiens et nous. Et c'est ça qui nous permet d'évoluer. Et c'est ce patrimoine-là qu'il faut qu'on conserve de façon à ce qu'on puisse permettre aux futures générations de comprendre ce qu'on a fait à ce moment-ci.

**(20 h 20)**

M. Rioux (Matthias): Je voudrais illustrer ça par un exemple concret. Quand on parle d'Alexandre Taschereau, d'Adélard Godbout et de Maurice Duplessis, la première réaction que nous avons, c'est de juger ces hommes à partir des oeuvres, qu'est-ce qu'ils ont fait, qu'est-ce qui a marqué la carrière d'Adélard Godbout. Mais, quand tu retournes à la lecture des discours de ces hommes politiques, tu as l'impression très nette de découvrir d'autres personnages. Ce langage de Maurice Duplessis ou d'Adélard Godbout... D'ailleurs, c'étaient des orateurs, c'étaient des gens qui improvisaient, c'étaient des plaideurs redoutables. Mais, quand on parle de ces politiciens, tout de suite on s'accroche...

Bon. C'est quoi? Qu'est-ce qu'il a fait, Duplessis? La double taxation, quand il est tombé en guerre avec Louis Saint-Laurent? C'est pas mal plus que ça, Duplessis. Mais qu'est-ce qui a marqué son époque? C'est souvent les oeuvres. Mais, quand on étudie les discours de ces gens-là, c'est fabuleux. On dirait que c'est une relecture. Et c'est là que le patrimoine devient précieux. Puis on en a raté, là, des choses de ces hommes-là. Tout n'était pas là, hein? On a récupéré tant bien que mal des discours importants. Mais, le discours de Maurice Duplessis à Châteauguay, lorsqu'ils ont inauguré le barrage hydroélectrique de Châteauguay, ce n'est plus le même Duplessis. Tu avais l'impression d'entendre un entrepreneur qui voyait le Québec immense, une dimension du Québec... Tu lis ça puis tu dis: Aïe!, ce n'est pas Duplessis qui a dit ça. Eh oui! La vision d'un homme de progrès, alors qu'on sait que Duplessis était un conservateur. C'est formidable. C'est ça, la beauté du patrimoine.

Et aujourd'hui tu as un patrimoine visuel, mais aussi tu as un patrimoine discursif qu'il faut conserver, c'est des biens précieux. C'est les bâtisseurs. Moi, j'ai hâte qu'on fasse quelque chose sur un des grands orateurs que nous avons eus au Québec, M. Lesage. Jean Lesage, c'était fabuleux d'entendre Jean Lesage. J'ai cette chance d'avoir l'âge qui m'a permis de l'entendre.

Mais j'ai entendu Duplessis aussi, qui est venu dans la maison chez moi, en Gaspésie, dire à mon père: Délard, ta femme est communiste. Mon père ne savait pas qu'est-ce que ça voulait dire, «communiste». Mon père était pêcheur. Duplessis, qui s'occupait des détails. Et, moi, savez-vous ce que ça m'a mis dans la tête comme politologue plus tard? Je me suis dit: Comment le premier ministre du Québec pouvait-il savoir qu'une mère de famille de neuf enfants avait la carte de membre du CCF? Parce que ma mère pensait que ce que faisait la CCF, la Confederation... la Canadian Confederation of Farmers, le bienfait que ça apportait dans l'Ouest canadien, ma mère disait: Ça va être bon pour les cultivateurs de la Gaspésie. Quand il n'y a plus de poisson à pêcher, il faut bien...

Le Président (M. Marsan): ...

M. Rioux (Matthias): ...cultiver la terre.

Le Président (M. Marsan): Oui. Je vous remercie, M. Rioux. Je pense que...

M. Rioux (Matthias): Alors, tout ça pour vous dire...

Le Président (M. Marsan): M. Rioux, juste un instant.

M. Rioux (Matthias): ...que le patrimoine...

Le Président (M. Marsan): C'est ça.

M. Rioux (Matthias): ...c'est formidable.

Le Président (M. Marsan): Merci. Mais je sais que notre collègue a l'intention de poser une autre question.

M. Blanchet: Rapidement. J'imagine que vous avez lu avec beaucoup de plaisir le livre d'Éric Bédard sur les réformistes.

Une voix: ...

M. Blanchet: Petite nuance sur une chose qui a été dite tout à l'heure. Sur la question de la bataille des plaines d'Abraham, le débat ne s'est pas fait sur le fait que ce soit souligné mais bien sur le fait que ce soit célébré. Et l'essentiel du débat, c'était une célébration qui heurtait un certain nombre de personnes. Juste un petit détail que je voulais amener, ne serait-ce que par respect pour ces gens.

Dites-moi, sur une base beaucoup plus concrète, vous parlez du respect pour les anciens chefs politiques, et j'imagine que vous avez fait des représentations ou que vous vous êtes un peu intéressés à la question de l'état de la maison de René Lévesque devant laquelle une plaque commémorative a été disposée mais qui est laissée présentement, à toutes fins pratiques, à l'abandon ou au bon vouloir d'un propriétaire qui n'a aucune considération pour la valeur patrimoniale de cette résidence. J'imagine que ça vous heurte de façon significative.

M. Gaulin (André): On essaie de vivre sereinement, il y aurait beaucoup de choses qui nous heurteraient dans nos sociétés. En fait, l'attention que nous portons à la maison... ou aux maisons des anciens premiers ministres, M. Lévesque et les autres, n'est pas exemplaire. Il y a très peu de maisons signalées. D'ailleurs, il faut les signaler en fonction soit de la naissance, soit... Par exemple, la maison de Duplessis, c'est la maison où il a vécu la plus grande partie de sa vie, et la maison de Taschereau, c'est la maison où il a exercé son pouvoir. Il s'agit de définir ça.

Mais il faut que le gouvernement accepte d'y mettre... les gouvernements, peu importe qui il est, le gouvernement du Québec accepte d'y mettre le prix de ce que ça coûte, et ça, ça passe... normalement, c'est une mission dévolue à la Commission de la capitale nationale. Commission de la capitale nationale, si ma mémoire est bonne, on donne moins d'argent, au Québec, pour la Commission de la capitale nationale du Québec que pour la Commission de la capitale nationale qui est à Ottawa. Alors, c'est ça qu'il faudrait voir. Mais pourquoi est-ce qu'à Ottawa on peut s'occuper correctement des maisons des anciens premiers ministres et qu'on ne peut pas le faire au Québec?

M. Blanchet: Dans le même esprit -- c'est peut-être moi, parce que, moi, personnellement, ça me heurte beaucoup -- n'est-il pas étonnant que le Québec ne fasse davantage d'efforts pour récupérer les documents historiques de grande importance -- ça a fait les médias -- les carnets de voyage de Cavelier de La Salle, de Pierre Le Moyne d'Iberville, qui sont des morceaux historiques et politiques de première importance qui ont été acquis, indépendamment de la façon, quoiqu'elle est douteuse, par des institutions américaines et que le gouvernement du Québec renonce à ne serait-ce que demander la restitution des documents en question? Est-ce que ce n'est pas choquant dans un contexte où on devrait avoir une sensibilité patrimoniale?

M. Gaulin (André): Ça peut être choquant, mais c'est toujours compliqué aussi. Avec la numérisation aujourd'hui... C'est sûr que c'est des biens qui nous appartiennent, mais il y a des biens d'Égypte qui sont en France, que Napoléon a rapportés. C'est toujours un peu compliqué, ça. On peut... Il faut au moins tenter, il faut au moins essayer de faire l'effort de récupérer des choses qui sont à nous mais avec les moyens qu'on peut avoir aussi et puis l'argent que ça coûte et en considérant, comme dans un budget de famille...

Un budget d'État aussi, c'est un peu ça, c'est pour ça d'ailleurs qu'on disait ne pas dépenser... ne pas faire des dépenses courantes avec une hypothèque, hein? Alors, un État doit choisir les moyens... avec l'argent qu'il a, les choses qu'il doit faire, protéger le patrimoine religieux, protéger un édifice comme celui-ci, qui coûte quand même beaucoup de sous à longueur d'année et qui est un des plus beaux que le Québec possède, ou aller essayer de récupérer des papiers importants, des papiers valeureux qui sont aux États-Unis... C'est toujours une question de jugement aussi politique.

M. Blanchet: ...volonté, je suppose, mais je vous soumettrai humblement...

M. Gaulin (André): De volonté, bien sûr.

M. Blanchet: ...qu'il n'existe pas un archéologue qui ne préférerait pas avoir l'oeuvre, l'objet, l'artéfact original en main qu'une copie dont il... puisqu'il aurait été dépossédé après. Par contre, je vais céder... j'ai un collègue historien, je pense, qui trépigne.

Le Président (M. Marsan): M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, en terminant. Notre temps est presque écoulé.

M. Lemay: En terminant. Déjà? Bon. Alors, messieurs, vous faites un travail extraordinaire. On est, d'après moi, 100 ans en retard en ce qui concerne le plan d'action que vous avez... C'est gigantesque, ce que vous avez déposé, là. Le meilleur exemple aussi, M. le Président, c'est que, dans les gens que nous recevons dans cette commission parlementaire, j'ai regardé, à moins que je me trompe là, il n'y a pas une chaire universitaire en histoire qui vient nous rencontrer. Où sont-ils, que font... Peut-être qu'ils sont venus avant, mais en tout cas je ne l'ai pas vu ici, là.

Mais tout ça pour dire, tout ça pour dire, M. le Président, tout ça pour dire que je présume que vos ressources pour faire l'encyclopédie... C'est un travail gigantesque, là, que vous vous êtes donné. J'imagine que vos ressources sont assez limitées merci pour le faire, hein, vos...

Une voix: ...

M. Lemay: Et c'est tout simplement pour souligner, M. le Président, qu'on a vu tout le débat qui est arrivé sur l'enseignement de l'histoire au secondaire, on a vu une étude qu'il n'y a plus d'enseignement d'histoire du Québec au collégial, on a vu que c'est la même chose, il n'y a plus d'enseignement de géographie au collégial. Bref, on se demande, M. le Président, qui va faire de la géographie et de l'histoire au Québec si ce n'est pas le ministère de l'Éducation. Bref, quelles ressources avez-vous pour faire votre encyclopédie, qui est, je le répète, là, un travail gigantesque, quelles ressources avez-vous pour faire ça et quel temps vous vous donnez à peu près pour réussir à arriver à vos objectifs?

Le Président (M. Marsan): S'il vous plaît, en terminant.

M. Gaulin (André): Oui. Les gens sont bénévoles, et il faudra avoir recours à des sources de financement. Je pourrais vous donner comme exemple une autre encyclopédie qui existe actuellement. Je suis en train de rédiger l'article sur Félix Leclerc pour cette encyclopédie-là, là. C'est l'Encyclopédie du patrimoine, tout court, une encyclopédie électronique. Et, avec les comités, comme vous le dites, M. le député, il y a beaucoup de travail là-dedans et il faudra aller chercher des subventions pour pouvoir le faire de manière dont on disait, que ça devrait être sérieux, vérifié, avec des sources sûres et une numérisation qui va permettre l'accès à...

Le Président (M. Marsan): Alors, je vous remercie, M. Gaulin, M. Rioux, M. Beaudoin, merci de nous avoir donné la position de la Société du patrimoine politique du Québec.

J'inviterais maintenant les représentants de Québec inc. à venir se présenter à notre table.

Je vais suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 29)

 

(Reprise à 20 h 33)

Le Président (M. Marsan): Alors, nous reprenons nos travaux. Il nous fait plaisir d'accueillir les représentants de Québec inc.

Et je vais demander à son président, M. Didier Épars, de nous présenter les gens qui vous accompagnent. Et vous avez une période d'environ 15 minutes pour nous faire connaître votre position sur le projet de loi n° 82. M. Épars.

9109-4631 Québec inc.

M. Épars (Didier): Bonjour, Mme la ministre, élus membres de l'Assemblée nationale, chers concitoyens, merci de nous recevoir. Nous avons un exposé qui dure exactement 15 min 20 s, on s'est minuté. Alors, le temps nous est compté, commençons.

Je m'appelle Didier Épars, je suis né en Suisse et je suis arrivé au Québec en 1977. En 1985, j'ai rejoint la flotte Cap d'Espoir, un organisme montréalais spécialisé en réinsertion sociale. L'organisation m'a permis de découvrir le Saint-Laurent en compagnie de 3 500 jeunes Québécois. Je suis propriétaire de la dernière goélette du Saint-Laurent, la Grosse-Île, elle est restaurée entièrement.

M. Gélinas (Yves): Et, moi, je m'appelle Yves Gélinas. Je navigue à voiles depuis 50 ans. J'ai appris dans le fleuve Saint-Laurent, sur des bateaux de bois, avec des voiles en coton. J'ai navigué la voile aussi dans le monde entier et j'ai pu prendre conscience de l'immense richesse que constitue notre Saint-Laurent et son intérêt patrimonial. Alors, nous souhaitons que ce patrimoine maritime vive et redevienne ce qu'il a déjà été, c'est-à-dire un moteur économique régional, et qu'il suscite à nouveau l'admiration de tous.

M. Épars (Didier): En 2009, après plusieurs années d'observation de notre travail de restauration de la goélette Grosse-Île, l'Association européenne du patrimoine maritime, l'European Maritime Heritage, nous a invités à rejoindre ses rangs. J'étais présent à son septième congrès, tenu à Seixal, au Portugal, en septembre 2010. 180 représentants de 20 nationalités différentes y ont posé la question suivante: Sommes-nous capables de transmettre le patrimoine maritime existant aux générations futures?

La France est devenue un des leaders européens de la préservation du patrimoine maritime, et nous trouvons les solutions qu'elle a adoptées fort intéressantes. En deux décennies, celles-ci ont produit des résultats spectaculaires. Nous proposons de nous inspirer de ces solutions. L'amiral Georges Prud'homme, ancien directeur du Musée de la marine à Paris, vice-président de la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, nous a fait parvenir le témoignage qu'il désire nous livrer. Yves Gélinas va nous en lire un résumé.

M. Gélinas (Yves):Le patrimoine maritime, un devoir de mémoire. Condensé d'un texte de l'amiral Georges Prud'homme. Le patrimoine maritime est une notion relativement récente. Les éléments faisant partie du patrimoine maritime, reconnu par l'UNESCO et l'Europe, sont spécifiquement: les infrastructures ayant une histoire particulière ou participant d'une manière active au paysage maritime; des bateaux préservés, voire reconstruits, ces bateaux peuvent ainsi symboliser un type de construction particulière ou un type de navire disparu; des techniques ou traditions qui sont préservées sur les navires-écoles ou dans les chantiers navals bois; des animaux emblématiques du monde marin ou des végétaux et leur exploitation sur le littoral.

En Europe, l'association du patrimoine maritime européen, nommée aussi European Maritime Heritage, est une association regroupant les propriétaires privés de bateaux d'intérêt patrimonial, les musées maritimes ainsi que toutes les organisations liées au patrimoine maritime en Europe. L'EMH est le principal représentant du patrimoine maritime européen et le principal interlocuteur des autorités politiques de l'Europe.

En France, le plus important acteur français dans la protection du patrimoine maritime et fluvial national est la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, qui, elle, est abritée par la Fondation du patrimoine. Cette Fondation du patrimoine a pour but essentiel de sauvegarder et de valoriser le patrimoine rural non protégé par l'État. Tous les types de patrimoine de proximité sont éligibles à l'action de la fondation. Cette fondation a vocation d'abriter des fondations particulières, comme par exemple la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, celle-ci plus spécialement chargée de la sauvegarde et de la valorisation du patrimoine maritime et fluvial français.

La Fondation du patrimoine maritime et fluvial a été reconnue comme l'interlocuteur privilégié du gouvernement français et comme la seule organisation chargée de labelliser les bateaux d'intérêt patrimonial. Du fait de son lien avec la Fondation du patrimoine, elle peut lancer des souscriptions pour les travaux de restauration ou de rénovation des bateaux avec défiscalisation des dons financiers à hauteur de 66% du don.

Cette fondation a quatre caractéristiques. Elle laisse à des spécialistes désignés par le gouvernement le soin de définir ce qui est patrimonial et de le sélectionner. Elle ne demande aucun financement à l'État, sauf un budget modique de financement. Elle peut lancer des souscriptions auprès des sociétés privées en échange d'une réduction de leurs taxes. Elle peut contraindre les ports privés à regrouper en leur sein les bateaux traditionnels pour qu'ils soient visibles. Un faible investissement de l'État permet donc, grâce à la Fondation du patrimoine maritime et fluvial, d'avoir un formidable bras de levier sur le social, le culturel et l'économique, ce qui constitue un excellent retour sur l'investissement.

Présentation des réalisations. L'EMH organise ou parraine chaque année 500 manifestations et rassemblements de voiliers traditionnels soit pendant les Journées européennes du patrimoine soit tout au long de l'année, manifestations qui attirent en Europe un public estimé à 20 millions de spectateurs.

**(20 h 40)**

La France, de son côté, avait pris un certain retard, mais ce retard a été rapidement comblé. 400 voiliers traditionnels s'étaient rassemblés à Douarnenez en 1986 et ont été admirés par 10 000 spectateurs. 22 ans plus tard, en 2008, près de 800 000 spectateurs payants venaient admirer plus de 5 000 embarcations et voiliers traditionnels dans la rade de Brest. À Rouen, en 2008, 9 millions de spectateurs se sont pressés sur les quais et le long de la Seine pour admirer une cinquantaine de grands voiliers. La journée du 14 juillet seulement, plus de 2 millions de spectateurs étaient présents pour les voir parader entre Rouen et Le Havre.

Examinons les résultats obtenus.

Aspect social. L'EMH estime que les 12 000 bateaux dont elle est responsable permettent la réinsertion sociale de nombreux jeunes désocialisés. Cette réinsertion s'effectue tant par des travaux d'entretien et de restauration dans les chantiers qu'au travers d'entraînements à la mer.

En France, l'impact des grandes manifestations maritimes a profondément modifié le paysage littoral. Les différents concours lancés par la revue Le Chasse-Marée, les incitations à restaurer et valoriser le patrimoine existant ou les répliques, les incitations financières attribuées à la suite de la labellisation de 370 bateaux d'intérêt patrimonial ont permis de ressusciter des chantiers navals qui avaient fermé.

Aspect culturel. L'action de l'EMH a permis une prise de conscience par les Européens de leurs racines maritimes ainsi que l'émergence d'une identité commune au-delà de leur histoire nationale faite de conflits. La redécouverte du patrimoine maritime a été un levier important de développement du tourisme dans les différentes régions européennes. Les efforts déployés par des équipes de passionnés ont permis de sauver de la destruction et de l'oubli des bateaux de tout type et de toute taille ainsi que de revitaliser des paysages et des sites culturels et d'entraîner l'explosion du tourisme culturel sur le littoral français.

Enfin, aspect économique. Pour l'EMH, les 20 millions de spectateurs participant aux manifestations maritimes génèrent une recette estimée à 500 millions d'euros pour le tourisme local. Les 12 000 bateaux traditionnels dépensent en moyenne 25 000 euros annuellement pour leur entretien et leur navigation, soit un apport financier de 250 millions d'euros pour les industries nautiques et les entreprises de ravitaillement.

Enfin, dans le cadre des embarquements des équipages sous la forme de location, les 12 000 bateaux traditionnels engrangent une masse financière estimée à 100 millions d'euros. Les 200 000 visiteurs journaliers aux manifestations de Brest dépensent plus de 1,5 million d'euros uniquement pour assister à la manifestation, sans compter leurs dépenses annexes. Les Voiles de la Liberté, à Rouen, drainent une masse financière estimée à plus de 180 millions d'euros.

Ce texte était signé par l'amiral Georges Prud'homme.

M. Épars (Didier): Merci, Yves. Pouvons-nous, au Québec, nous priver d'une telle ressource économique et culturelle? Nous devrions créer une nouvelle entité, une fondation de patrimoine, par exemple, et modifier la nouvelle loi de façon significative pour permettre la survivance de plusieurs patrimoines que le ministère ne peut actuellement combler. À l'exemple de la France, nous devons éloigner la protection du patrimoine de la sphère politique.

Le patrimoine maritime et particulièrement les bateaux ont fait l'objet de nombreuses études pour finalement ne rien protéger, ou si peu, et très mal. Depuis la destruction de la Bluenose II en décembre dernier, il ne reste que deux goélettes québécoises, la Grosse-Île et la Mont Saint-Louis, ainsi qu'une goélette de la côte Est. Ce sont les seules goélettes canadiennes historiques restantes sur plusieurs milliers de goélettes existantes au cours du siècle dernier.

Combien de gens ont afflué sur les quais du port de Montréal, en septembre dernier, pour admirer le Bounty, Unicorn, Pride of Baltimore? Combien de personnes sont venues, en 2008, voir le Belem? Mais, comme ces navires n'étaient pas canadiens, personne n'a eu le droit de naviguer à leur bord. Le public était au rendez-vous pour fêter le patrimoine des autres. Combien viendront honorer notre propre patrimoine maritime? Les régions du Québec n'ont pas les moyens de se priver de cet actif, car ce patrimoine est à nous tous. À l'occasion du quatrième centenaire de Québec, qui aurait dû célébrer le fleuve et la mer, on a fait ce choix incompréhensible d'oublier notre patrimoine et d'occulter un des thèmes les plus rassembleurs de notre courte-pointe culturelle, notre patrimoine maritime.

M. Gélinas (Yves): Car ce patrimoine est à nous tous. Il est une composante essentielle de notre héritage matériel et immatériel. Il est inscrit dans nos paysages, gravé dans nos collectivités et trace le chemin vers notre mémoire.

M. Épars (Didier): Ce patrimoine est à nous tous. C'est celui du chemin qui marche, celui des nations amérindiennes et inuites qui occupaient cette immense territoire grâce à l'ingéniosité de leur batellerie: canots d'écorce, kayaks, umiaks, rabaskas.

M. Gélinas (Yves): Ce patrimoine est à nous tous, celui d'une colonie française qui a utilisé son génie maritime pour occuper ce territoire et s'y installer.

M. Épars (Didier): Le premier pilote, Abraham Martin, le maître de port, Testu de la Richardière, l'hydrographe, Louis Jolliet ont tenté de comprendre ce fleuve sous la protection de troupes au nom évocateur: les compagnies franches de la Marine.

M. Gélinas (Yves): Ce patrimoine est à nous tous, il faut le protéger. Ces noms ont encore des résonances profondes: les précurseurs, Jacques Cartier, Pierre Dugua de Mons, Samuel de Champlain, Paul Chomedey, sieur de Maisonneuve; les corsaires, Robert de Beauchêne, Pierre Le Moyne d'Iberville; les capitaines, Louis Antoine de Bougainville, Joseph-Elzéar Bernier; les écrivains, Faucher de Saint-Maurice, Damase Potvin.

M. Épars (Didier): Ce patrimoine est à nous tous, il faut le protéger. C'est une science au service des marins, des pêcheurs, des coureurs des bois, des corsaires, des pirates, des conteurs, des écrivains, des cinéastes.

M. Gélinas (Yves): Ce patrimoine est à nous tous, il faut le restaurer. Celui d'une colonie britannique dont la première loi constituante est le droit maritime. Ainsi, pour et par la mer, les frères Kirke, William Phipps, James Cook, Horatio Nelson, tous ont vu et marqué Québec.

M. Épars (Didier): Ce patrimoine est à nous tous, et nous avons le devoir de le transmettre à nos enfants. Celui d'un pays avec des bâtisseurs de génie, des navigateurs intrépides: Samuel Cunard, fondateur de la célèbre ligne Cunard Line; Donald McKay, constructeur des fameux clippers; John Molson, constructeur du premier vapeur à relier Québec à Montréal.

M. Gélinas (Yves): Des milliers de navires sont nés à Québec, dû au savoir-faire des Amérindiens, des Canadiens français, à l'entrepreneurhip écossais et britannique et à la vaillance irlandaise.

M. Épars (Didier): Navires que l'on retrouvera dans le monde entier sur les routes de Chine, d'Australie, d'Amérique. Nous avons construit une part importante de la flotte d'un empire sur lequel le soleil ne se couchait jamais.

M. Gélinas (Yves): On pourrait citer plus de 2 500 noms de navires de plus de 100 tonneaux construits en un siècle. En 1840, on trouvait à Québec la plus grande concentration de chantiers maritimes au monde. Maintenant, plus rien. Et pourtant ce patrimoine est à nous tous, nous avons le devoir de le transmettre à nos enfants.

M. Épars (Didier): Occulter notre patrimoine maritime, c'est oublier pourquoi et comment nous sommes ici, c'est nier l'histoire de notre réussite, de notre commerce, nier le levier de nos développements.

M. Gélinas (Yves): C'est oublier comment sont nés le Groupe Desgagnés, le Groupe Fednav, le Groupe Océan, le chantier maritime Davie, Arrimage Saint-Laurent, le Groupe maritime Verreault, la Corporation des pilotes du Saint-Laurent.

M. Épars (Didier): Tout est là. Il faut juste mettre en pratique la devise que le Québec s'est donnée: Je me souviens.

M. Gélinas (Yves): Pour la suite du monde, comme avait dit un certain Pierre Perrault.

M. Épars (Didier): Nous sommes prêts à répondre à vos questions.

Le Président (M. Marsan): Alors, M. Gélinas, M. Épars, merci beaucoup pour votre présentation, ce témoignage. Nous allons débuter nos échanges, et je vais tout de suite demander à la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine de prendre la parole.

**(20 h 50)**

Mme St-Pierre: Merci, M. le Président. Alors, merci d'être parmi nous ce soir. On voit que vous développez pour le patrimoine maritime une véritable passion. Ce que je retiens de votre commentaire, c'est que le projet de loi devrait inclure également, noir sur blanc, la notion de patrimoine maritime. On nous a parlé tout à l'heure du patrimoine politique, auparavant on nous a parlé du patrimoine religieux. Mais une loi, vous le savez sans doute, doit être plutôt générale, et on pense que la notion de patrimoine culturel inclut ces notions de patrimoine religieux, de patrimoine politique, de patrimoine maritime. Vous souhaitez vraiment qu'on inclue dans la loi la notion de patrimoine maritime? C'est bien ça que... Vous voulez le voir noir sur blanc?

M. Épars (Didier): Oui, on aimerait le voir noir sur blanc parce que c'est un patrimoine extrêmement particulier. Et, comme je le dis, malheureusement, dans la loi, un bateau, c'est un bien meuble, alors que, dans les faits, c'est un bien immobilier nomade, O.K., donc, qui a son propre système d'hypothèque, qui a son...

Vous savez qu'un navire qui répond aux normes Solas, en 2012, O.K. -- les normes Solas sont applicables parce que le Canada est signataire des normes IMO -- eh bien, on doit avoir une station d'épuration à bord, un système d'égouts, un système d'eau potable, une cuisine, un hébergement, des cloisons étanches, un système d'incendie, un système... Nous sommes une ville vivante. Et, comme nous sommes un bateau du patrimoine, nous avons encore d'autres obstacles à rencontrer à ce niveau-là, c'est que nous devons inclure des services modernes dans un bien ancien. Alors, nous avons besoin d'une protection particulière dans la loi parce que nous ne sommes pas une statue ou un tableau.

Mme St-Pierre: Oui. Vous parlez des tableaux... vous parlez des bateaux, mais il y a aussi toute... il y a plein de choses qui peuvent regrouper le patrimoine maritime, les techniques de pêche. Moi, mon père a pêché l'anguille, alors j'ai vu ça quand j'étais jeune. Puis c'est les installations portuaires, les phares, les savoir-faire, alors tout ça, c'est inclus dans le patrimoine maritime.

Je voudrais noter aussi que quand même... C'est sûr qu'à vos yeux ce n'est pas suffisant, mais il y a quand même des choses importantes qui se font avec le ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine. Prenons, par exemple, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, il y a le Musée de la mer, et on a annoncé tout récemment un investissement majeur de 2,2 millions de dollars avec le gouvernement fédéral, 2,8 millions, pour un projet de 5,1. C'est majeur. Et, quand je suis allée faire l'annonce, je peux vous dire que les gens étaient très contents parce qu'ils attendaient cette annonce depuis 1984. Alors, ils étaient très heureux de voir que nous allions restaurer et agrandir le musée. Il y a le musée de L'Islet aussi, L'Islet-sur-mer, le musée qui est le Musée maritime du Québec qui, là aussi, on a annoncé un investissement important. Vous m'entendez mal, M. Gélinas, hein? Voulez-vous que je parle plus fort?

M. Gélinas (Yves): Ça va...

Mme St-Pierre: Oui? Alors, on a annoncé un investissement important là pour un projet de 1,6 million. Donc, je veux juste simplement vraiment dire qu'il y a quand même des choses qui se font pour parler aux Québécois de leur histoire sur le patrimoine maritime, le patrimoine marin.

Une question sur... Vous parlez de la création d'un fonds. Vous dites: Ça coûterait... ça serait une contribution très faible de l'État, un investissement très faible de l'État, mais vous dites que les dons seraient déductibles de taxes, d'impôts. Donc, il y a quand même une contribution de l'État.

M. Gélinas (Yves): J'aimerais, si vous me permettez, revenir sur ce que vous venez de dire. Il y a eu bien sûr plusieurs millions de dollars qui ont été investis dans les immeubles, dans l'immobilier, dans les musées à terre, malheureusement. Par exemple, à Paspébiac, il y avait un musée qui illustrait la pêche sur le banc de Paspébiac. Devant ce musée, il y avait deux gaspésiennes, qui sont un type de navire qui était construit ici, en face, à Lévis, dessiné par l'architecte de marine américain Howard Chapelle avec la collaboration de Gustave Guay, qui nous a quittés il y a quelques années, qui vivait ici, à Québec. Il y avait deux gaspésiennes devant le musée. On a dépensé des millions pour reconstruire le musée. Les gaspésiennes, on n'a même pas pensé mettre un toit au-dessus de ces navires-là, avec le résultat que ces navires n'existent plus. Ils ont été démolis il y a un an. On a rapatrié quelques pièces d'étrave, des tambours, deux quilles, etc., qui sont revenus au chantier de Davie, la petite Davie, où ils ont été construits, à Lévis, ici. Mais on a laissé perdre ces navires-là qui étaient des exemples vivants de notre patrimoine, tout en dépensant des millions dans des musées à terre, mais il n'y avait aucune conscience de l'importance aussi des navires.

M. Épars (Didier): Je voulais juste répondre à votre question, Mme la ministre. C'est sûr qu'il y a toujours un patrimoine qui a une défiscalisation, il y a toujours une partie de l'argent qui serait revenue normalement à l'État, qui va à ce moment-là au patrimoine, c'est évident, si ce n'est que ça ne va pas chercher directement dans le budget, par exemple, de fonctionnement du ministère de la Culture.

Mme St-Pierre: Alors, M. le Président, moi, j'ai vraiment compris le...

Le Président (M. Marsan): Le message.

Mme St-Pierre: ...le point de messieurs. Et le message, c'est de dire que, bon, la notion de patrimoine maritime devrait être incluse noir sur blanc dans le projet de loi. Je n'ai, pour ma part, pas d'autre question. Je ne sais pas si mes collègues en ont. Pour ma part, ça va, c'est complet pour moi. Merci. Merci beaucoup.

Le Président (M. Marsan): Alors, nous allons poursuivre nos échanges, et je vais céder la parole à M. le député de Drummond, porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications. M. le député.

M. Blanchet: Merci, M. le Président. Bonsoir, messieurs. Nous voilà fort loin du patrimoine religieux, nous voilà fort loin du patrimoine religieux, qui a beaucoup meublé nos discussions et l'actualité. Même que j'ai l'impression qu'on participe à un exercice qui dit: Réveillez-vous, il y a ça aussi. Et c'est extrêmement intéressant, l'imagerie et la passion que vous y mettez, c'est assez remarquable.

Les questions vont être assez générales parce que j'ai l'impression qu'on part de loin. Est-ce que vous pouvez quantifier un peu de ces extraordinaires navires qui ont été construits ici en grand nombre, bénéficiant de la proximité des matériaux? Il en reste combien auxquels le citoyen a accès?

M. Épars (Didier): Actuellement, les originaux, il en reste, au Québec, deux, c'est-à-dire la goélette de M. Éloi Perron, à l'Île-aux-Coudres, qu'il préserve tout seul, d'ailleurs, sans aide aucune depuis 1972, et la goélette Grosse-Île, qui a été refaite selon la Charte de Barcelone, à l'identique entièrement, et qui est malheureusement, sans aide financière, sur le port de Québec actuellement.

À part ça, il reste, au Canada, encore l'Archie F. MacKenzie, qu'on appelle Marie-Clarisse II, O.K., qui actuellement est dans un état un peu difficile puisqu'elle ne rencontre plus les critères de Transports Canada pour le transport sous passagers. Alors, on a fait... Il y a la St. Roch, à Vancouver, aussi, qui est un navire historique, on pourrait dire, du type goélette. Au Musée maritime de Charlevoix, il reste aussi un tiers d'une construction qui était le Feu Follet de l'Île d'Orléans, et qui a commencé à être refaite par M. Savard, et qui est complètement abandonnée depuis qu'elle est la propriété du musée. Voilà, c'est l'inventaire actuel.

M. Blanchet: Si je vous comprends bien, et je trouve ça extrêmement intéressant, vous souhaitez que des ressources... Bon, déjà les ressources qui sont mises dans les musées maritimes à terre seraient insuffisantes, mais là vous dites: Prenez au moins une part de ces ressources-là ou mettez des ressources sur des infrastructures en mer, ramenez le citoyen intéressé par ce qui est maritime sur des navires. Mais, dites-moi, pour construire ou restaurer des navires, est-ce que nous avons ici, au Québec, compte tenu du peu de cas encore existants, est-ce que nous avons l'expertise pour le faire?

**(21 heures)**

M. Épars (Didier): Alors, l'expertise a énormément disparue, effectivement. Il reste encore deux charpentiers de... pas de la grande tradition, mais des gens qui ont fait leurs classes avec des gens de la grande tradition et sont capables de le perpétuer, M. Jean-Pierre Fournel, par exemple, et M. Pouliot. Alors, effectivement, nous avons encore là deux individus qui sont tout à fait capables... Je me permets aussi de dire que j'ai la connaissance pour diriger un chantier comme ça. Alors...

Et ce qui est important, c'est que ce sont des objets de patrimoine, de réinsertion sociale, c'est des acteurs économiques. Un bateau comme la goélette Grosse-Île aurait des retombées économiques de 2,2 millions dans son milieu, par saison. Alors, il faut, pour ça, répondre aux normes de Transports Canada. Alors, c'est pour ça qu'on demande de le protéger d'une façon particulière dans la loi, parce qu'il faut que ça réponde à... C'est un objet de transport, ce n'est pas juste un artefact ou un... Alors, voilà. C'est la difficulté qu'il faut répondre aux normes SOLAS, aux normes IMO, et il faut le faire d'une façon professionnelle.

M. Gélinas (Yves): Il existe de nombreuses goélettes sur la côte du Maine qui gagnent très bien leur vie, et qui rapportent des... qui génèrent des profits annuellement, et qui sont extrêmement rentables. Didier Épars a fait l'acquisition de la dernière goélette à quille du Saint-Laurent. C'est la dernière goélette bâtie ici qui soit en état de naviguer. Malheureusement... Et Didier l'a reconstruite avec une rigueur considérable, en respectant toutes les normes, les normes les plus rigoureuses, en collaboration avec le ministère des Transports du Canada, pour qu'elle soit autorisée à transporter des passagers. Malheureusement, il a manqué un peu de fonds. Après avoir investi près de 1 million de dollars d'argent privé, il a manqué un peu de fonds et il ne peut pas trouver le complément qui lui permettrait de mettre un moteur dans la goélette, et de la mettre à l'eau, et de compléter son armement pour qu'elle puisse transporter des passagers. Et, depuis 2003, cette goélette est sur le quai à Québec et elle pourrit tranquillement.

M. Épars (Didier): J'aimerais surtout dire que, si on prend l'exemple du Canot 19 du musée maritime de L'Islet, si on prend... c'est des embarcations vivantes, qui sont porteurs d'un patrimoine exceptionnel, d'un savoir-faire, c'était l'apothéose du savoir industriel, à la fin du XIXe siècle, O.K.? J'aimerais aussi, on n'en a pas parlé, mais, moi, j'aimerais qu'on protège la cale sèche Imbeau, hein, la cale sèche de Tadoussac, O.K., ça fait partie de notre patrimoine maritime. Quand on voit la loi, on ne sait pas comment on pourra protéger ça. O.K.? Tous nos lieux maritimes ont été transformés, sur nos rives, en stationnements. M. le député de Lévis, qui est... il a un bijou sur son territoire, qui est l'ancien chantier A.C. Davie, un héritage fantastique, la première cale... le premier berceau pour sortir des navires au Canada. C'est laissé à l'abandon sur nos rives. Alors, c'est un moteur économique, c'est... Voilà, le message est là.

M. Blanchet: Je l'entends bien. Je reviens sur une notion qui a été abordée par beaucoup de gens à date. On dit à peu près tout, et n'importe quoi, et un peu le reste quand on parle de patrimoine immatériel. Vous en avez un exemple très concret, là, parole d'ethnologue, là. La compétence que vous avez ne peut pas être transcrite sur un texte. Il n'y a qu'une façon, c'est l'observation et la captation par voie audiovisuelle de l'essentiel de la technique que vous pouvez transmettre. C'est un cas patent de patrimoine immatériel à capter et à saisir, parce que le danger me semble réel. Ça, c'était plus une observation qu'une question, mais je...

Les musées ou les cas qu'on a au Québec ne sont pas d'une rentabilité évidente pour peut-être raison géographique, raison de notoriété ou autre. Et vous parlez des cas sur la côte du Maine qui sont extrêmement rentables. Et, bon, l'imaginaire se laisse facilement porter par des gens qui vont vouloir aller voir ça. Qu'est-ce qui expliquerait que ça ne le soit pas ici? Et y a-t-il des cas, des tests qui ont été faits qui ont déjà marché et qui vous permettraient de dire: Oui, oui, on va reproduire ce modèle-là localement et on va avoir un succès qui va se justifier en termes de retombées?

M. Épars (Didier): Bien, à Québec 2008, le Notre-Dame-des-Flots était là. C'est un navire que je connais très, très bien, j'ai fait des milliers de milles nautiques avec la fondation Cap-d'Espoir à son bord. J'ai juste envoyé un mail sur mon réseau puis j'ai booké quatre sorties complètes sur le Notre-Dame-des-Flots -- d'une façon illégale parce qu'il était sous drapeau français, O.K., mais, comme on n'a pas perçu d'argent, c'est correct -- nous avons rempli le bateau. Et je ne l'ai pas fait plus pour ne pas indisposer les croisiéristes de Québec. O.K.? Parce que, dans le fond, ils voyaient des gens monter sur le bateau étranger et je ne voulais pas... Je voulais juste faire la démonstration que, devant Québec, nous avons fait deux heures de voile avec des gens de toutes catégories, O.K., qui ont un plaisir infini, O.K., à se rappeler comment la navigation se faisait au XIXe siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale... jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, à voile sur le golfe Saint-Laurent.

M. Gélinas (Yves): On se souvient du succès phénoménal, inattendu qu'a eu l'événement Les Grands Voiliers sur les quais, en septembre dernier. Il y avait cinq grands voiliers qui sont venus à Montréal. Ils étaient allés faire une régate dans les Grands Lacs, et, à leur passage en redescendant le Saint-Laurent, on les a interceptés et on les a accueillis à Montréal. Il y a eu plus de un demi-million de personnes pendant cette fin de semaine là sur les quais. L'organisation a invité plein de marins qui étaient là à parler de leurs aventures, etc. J'y étais et je dois dire que, cette fin de semaine là, enfin ça ne veut rien dire, mais j'ai vendu plus de 600 $ de bouquins et puis de DVD du film que j'ai fait pendant mon voyage autour du monde. Ça démontre qu'il y a un intérêt considérable.

Mais il y a un effet d'entraînement. Et actuellement tout l'aspect maritime, tout l'aspect nautique traditionnellement a été laissé à une autre culture, à la culture fédérale, parce que c'était le fédéral qui s'occupait des ports et des quais, et les Québécois ont recommencé à... Quand j'ai commencé à naviguer dans le fleuve, il y a 50 ans, on était les premiers à descendre en bas de Québec, en fait, en bas du Saguenay, et on rencontrait des gens là-bas qui avaient gagné leur vie en pêchant à la voile, et les gens nous disaient: Vous ne montez jamais ça, ces voiles-là, vous autres? Et l'autre à côté disait: Es-tu fou, toi, si le vent pogne, elles vont percer. Ces gens-là qui avaient gagné leur vie en navigant à la voile, la culture de la tradition maritime s'était complètement perdue parce que... depuis l'apparition des moteurs effectivement et de la voile, ces traditions-là s'étaient perdues. Mais, si on les fait revivre, elles revivront et elles seront extrêmement profitables et rentables.

Le Président (M. Marsan): Oui, M. le député de Sainte-Marie--Saint-Jacques, vous voulez intervenir, je pense.

M. Lemay: Est-ce qu'il reste du temps un petit peu, là, M. le Président?

Le Président (M. Marsan): Oui.

M. Lemay: Ah bon, O.K. Quel luxe! Messieurs, bonsoir et bienvenue. Alors, tout à l'heure, vous nous avez entendus, on disait qu'on est cent ans en retard pour l'histoire politique, donc encore plus pour l'histoire maritime. J'y étais, comme d'autres de mes collègues, la fameuse fin de semaine, à Montréal, parce que le Vieux-Port est dans ma circonscription, à Montréal. C'était magnifique, les bateaux, c'est des oeuvres d'art, ce n'est pas... Et effectivement il y a une passion, une passion des gens face à ces magnifiques, magnifiques bateaux.

Deux commentaires très rapides. La ministre, tout à l'heure, faisait des commentaires sur le Moulin à paroles. M. le Président, dès qu'on parle d'histoire et commémoration, il y a des débats partout à travers le monde. Donc, si la ministre veut éviter l'histoire et les débats, je pense que ça va être difficile parce que, que ce soit en France, aux États-Unis, en Allemagne, dès qu'il y a une commémoration, il y a des débats politiques, les politiciens s'en mêlent. Bon, les politiciens se mêlent de tout et emmêlent tout, que ce soit ici ou ailleurs, M. le Président. Donc, je ne pense pas que ça doit être un empêchement de fêter quoi que ce soit.

Je reviens rapidement à ce que je disais tout à l'heure. L'Assemblée nationale est en consultations publiques. Il y a des groupes comme le vôtre, et je le dis respectueusement, qui n'ont pas des gros moyens, hein, pour déposer un mémoire, et tout. Et, pendant ce temps-là, je le répète, M. le Président, il y a cinq universités qui ont des départements d'histoire, qui ont des départements rattachés à l'histoire et qui ne sont pas là, et, moi, là, ça m'interpelle, M. le Président. On est en train de... C'est une loi fondamentale, la Loi sur le patrimoine, et nos universités...

Il y a des groupes qui viennent, des groupes très souvent amateurs avec pas beaucoup de moyens. Les départements universitaires en histoire, c'est des millions de dollars publics, M. le Président, publics, puis ils ne sont pas là. Leur Assemblée nationale est en train de rénover la Loi du patrimoine, 300 articles, et les départements universitaires en histoire ne sont pas là. Pourquoi, M. le Président? Parce que ça ne les intéresse pas. Ça ne les intéresse pas. Et je trouve ça triste, M. le Président. Je ferme la parenthèse. Désolé, quand on a un peu de temps, il faut passer nos messages.

**(21 h 10)**

M. Épars (Didier): À ma connaissance, je voulais juste dire que nous sommes les seuls, malgré l'existence de cinq musées maritimes, à avoir déposé un mémoire sur le patrimoine maritime.

M. Lemay: Oui. Mais le fait que les universités, dont c'est le travail de réfléchir à ces choses et à éclairer les élus du peuple, ne viennent pas en commission parlementaire, moi, ça me dépasse. Il y en a probablement d'autres qui auraient affaire à être ici. Mais, que les universités ne soient pas là, moi, ça me dépasse complètement.

Ceci étant dit, vous soumettez quelque chose d'intéressant, une espèce de BAPE patrimonial pour justement dépolitiser les questions. Pouvez-vous, très sommairement...

M. Épars (Didier): Je pense...

M. Lemay: Je ne sais pas comment de temps il reste, M. le Président, mais...

M. Épars (Didier): Sommairement...

M. Lemay: Comment vous voyez ça, un...

M. Épars (Didier): Dans la loi...

M. Lemay: Je trouve l'idée intéressante...

M. Épars (Didier): ...dans le livre vert, il était presque déjà dit qu'on voulait un BAPE. Et pourquoi on veut un BAPE? C'est parce que, moi, je comprends qu'un gouvernement est élu pour ses positions économiques, ses positions sociales, mais le patrimoine, ce n'est pas une position politique. Est-ce que La Joconde est une position politique? Non, ce n'est pas...

Alors, je pense qu'actuellement il n'y a aucune transparence dans le comité de sélection des biens patrimoniaux. Nous aimerions un peu de transparence, ça nous permettrait déjà juste de savoir pourquoi notre dossier a été censuré complètement. Ce serait bien. Nous ne voulons pas que d'autres vivent ce que nous avons vécu, c'est-à-dire demander pourquoi notre bien n'était pas classé et de se faire donner un document caviardé de A à Z. Alors, c'est quand même...

Je pense que, dans la culture, dans la protection du patrimoine, ce n'est pas un enjeu politique, c'est un enjeu collectif du bien, à tout le monde, à tous les Québécois, quelles que soient leurs valeurs, leur sens, leur religion, leur nationalité, peu importe, c'est d'autres critères qui doivent s'appliquer. Et la transparence d'un BAPE oblige les choses à être publiques.

M. Lemay: M. le Président, par exemple, si je poursuis votre raisonnement, ce serait le... appelons le BAPE pour les fins de la discussion, ce seraient eux qui décréteraient, disons, un monument national. Avez-vous réfléchi...

M. Épars (Didier): Je pense que le ministère aurait toujours le dernier mot...

M. Lemay: Oui.

M. Épars (Didier): ...mais au moins l'analyse serait publique.

M. Lemay: Et dépolitisée.

M. Épars (Didier): Et dépolitisée. Et tout le monde... Et c'est pour ça que nous demandons que, sur la commission aussi... nous avons demandé que le ministère ne nomme pas 12 personnes, que le ministère en nomme une partie et que l'autre moitié soit nommée par des intervenants significatifs, comme le Conseil des monuments et sites historiques du Québec, afin d'avoir une juste représentation du politique et de la communauté culturelle à l'intérieur de l'organisme qui conseille Mme la ministre.

M. Lemay: Dernière question, M. le Président, merci beaucoup. Est-ce que vous avez des exemples de ce type d'organisme à travers le monde? Je pense que vous parliez de la France tout à l'heure.

M. Épars (Didier): Si on prend le document en entier que j'ai déposé, de l'amiral Prud'homme, qui fait plusieurs pages que nous avons essayé -- on s'excuse, c'était un peu long -- de synthétiser, la France a fait ce chemin-là, elle a sorti... Elle a fait une fondation du patrimoine qui abrite plusieurs autres fondations. Et ça permet aux gens concernés, aux passionnés, à ceux qui vivent d'un patrimoine... Alors, les moulins seraient protégés, les fontaines, nommez le patrimoine, il y aurait une action. Tandis qu'actuellement il n'y a qu'une seule action, c'est celle que le gouvernement en place désire mettre en place pour sa politique culturelle. Alors, le patrimoine, ce n'est pas la... La langue en fait partie parce qu'il y a des dictionnaires complets sur le patrimoine linguistique maritime, mais ce que je veux dire, c'est... Le patrimoine comme tel, le patrimoine profond qui appartient à tout le monde n'est pas un enjeu politique. Donc, notre demande est de le dépolitiser.

M. Lemay: Merci. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marsan): M. Gélinas, M. Épars, merci beaucoup pour nous avoir fait connaître votre point de vue.

Et, sur ce, la commission ajourne ses travaux au mercredi 9 février 2011, après les affaires courantes, afin de poursuivre ce mandat. Merci et bonne fin de journée.

(Fin de la séance à 21 h 14)

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