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Version finale

41e législature, 1re session
(20 mai 2014 au 23 août 2018)

Le jeudi 17 mars 2016 - Vol. 44 N° 37

Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire


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Table des matières

Auditions (suite)

Fondation Paul-Gérin-Lajoie (Fondation PGL)

Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP)

Intervenants

Mme Filomena Rotiroti, présidente

M. Sébastien Proulx

M. Alexandre Cloutier

M. Jean-François Roberge 

*          M. François Gérin-Lajoie, Fondation PGL

*          M. Paul Gérin-Lajoie, idem

*          M. Michel Nadeau, IGOPP

*          Témoins interrogés par les membres de la commission

Journal des débats

(Onze heures vingt-huit minutes)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, bon matin à tous. À l'ordre, s'il vous plaît! Ayant constaté le quorum, je déclare la séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte. Je demande à toutes les personnes dans la salle de bien vouloir éteindre la sonnerie de leurs appareils électroniques.

La commission est réunie afin de poursuivre les consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 86, Loi modifiant l'organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l'école des lieux de décision et d'assurer la présence des parents au sein de l'instance décisionnelle de la commission scolaire.

M. le secrétaire, y a-t-il des remplacements?

Le Secrétaire : Oui, Mme la Présidente. Mme Hivon (Joliette) est remplacée par Mme Léger (Pointe-aux-Trembles) et Mme Samson (d'Iberville) est remplacée par M. Charette (Deux-Montagnes).

Auditions (suite)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Nous entendrons cet avant-midi les organismes suivants : la Fondation Paul Gérin-Lajoie — et merci d'être là, M. Gérin-Lajoie, c'est un honneur pour nous de vous recevoir en commission ce matin — et l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques.

Alors, je vous rappelle que vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation, et par la suite on passera à une période d'échange entre les élus. Alors, la parole est à vous.

Fondation Paul-Gérin-Lajoie (Fondation PGL)

M. Gérin-Lajoie (François) : Merci, Mme la Présidente. Aujourd'hui, c'est jour de budget, alors, pour des questions d'économie au niveau du temps, je vais lire le texte assez rapidement. Je vais donner une chance à mon père de pouvoir l'écouter une dernière fois avant de pouvoir recevoir vos questions. Alors, si vous voulez, je commence tout de suite. Parlant d'économie, on va l'appeler PGL, ça va aller plus vite aussi.

Les recommandations de PGL au ministre de l'Éducation, donc, elles portent sur sept points : la composition du conseil scolaire, le mode d'élection des conseillers, la participation des parents, l'allègement des processus de reddition de comptes, l'autonomie professionnelle des enseignants, l'enseignement privé et une vision de l'éducation qui en fait une priorité nationale.

• (11 h 30) •

Alors, la première recommandation, composition d'un nouveau conseil scolaire. Donc, je demande qu'on ajoute au conseil scolaire un représentant des ordres d'enseignement postsecondaire. On a prévu une place pour un représentant des employeurs. Fort bien, puisque les commissions scolaires ont des programmes de formation professionnelle pour les jeunes comme pour les adultes. Cependant, la majorité des diplômés de l'enseignement secondaire poursuit ses études au collégial. Elle ne s'insère pas immédiatement après l'obtention de son diplôme d'études secondaires sur le marché du travail. De plus, les commissions scolaires et les collèges ont intérêt à se coordonner en formation professionnelle et technique. La présence d'un représentant du postsecondaire, de préférence du milieu collégial, au sein du conseil scolaire pourrait contribuer à une meilleure articulation entre les ordres d'enseignement primaire, secondaire et postsecondaire et entre la formation professionnelle et la formation technique. C'est d'ailleurs une des raisons qui justifient qu'il n'y ait qu'un ministère de l'Éducation apte à assurer un véritable continuum de formation professionnelle et technique. On sait que, depuis ce temps-là, ça a changé.

Le mode d'élection des conseillers scolaires. Je propose que les représentants de la communauté soient élus au suffrage universel. Justificatif : je crois que le projet de loi déséquilibre la gouvernance de l'éducation, on accorde trop de pouvoir aux parents. Je me demande si on ne renverse pas ainsi trop radicalement un ordre fondé sur les principes d'une démocratie représentative, où les commissaires sont élus à titre de citoyens par l'ensemble des citoyens, à un ordre fondé sur les principes d'une démocratie d'usagers, ici les parents, fondé sur la participation intéressée de ces derniers.

Il y a une différence importante entre ces deux types de démocratie. La première induit clairement chez les personnes élues une responsabilité à l'égard de l'ensemble de leurs commettants. En effet, un élu doit avoir à coeur les valeurs et les intérêts de l'ensemble de ses électeurs. Cette préoccupation fait de lui un acteur légitime de l'élaboration du bien commun. Il y a un lien, en théorie, fort démocratique... un lien, excusez-moi, qui unit l'élu à ses électeurs et qui rend légitime sa participation à la délibération démocratique et à la construction du bien commun. Dans le cas de la démocratie participative, les personnes qui décident de participer ont un lien plus large à l'ensemble des citoyens, soit elles appartiennent à un groupe particulier, soit elles sont des usagers d'un service, dont la participation est certes des plus utiles, puisqu'elle assure le système prenant en compte leurs besoins particuliers. Mais les usagers défendent leurs intérêts d'abord et avant tout. Ils confrontent le système pour qu'il réponde à leurs demandes. C'est ainsi qu'ils ne prennent pas toujours en compte les contraintes de l'action collective qu'ils associent souvent au système.

Il me semble que la responsabilité à l'égard du bien commun, et le sentiment de cette responsabilité, entre les deux catégories d'acteurs n'est pas identique. Le commissaire d'école élu au suffrage universel est responsable du bien commun éducatif pour tous les citoyens du territoire desservi par la commission scolaire, alors que le parent qui participe à cette instance demeure un parent soucieux du bien de son enfant. Il s'intéresse aux besoins de l'ensemble dans la mesure où le bien des enfants converge ou coïncide.

B. Que cette élection soit concomitante à celle des conseillers municipaux. Justificatif : l'expérience de provinces canadiennes comme l'Ontario et certains États américains doit nous inspirer. Dans ces contextes, le suffrage universel fonctionne. Pourquoi ne pas s'inspirer de leurs bonnes pratiques en toute bonne foi?

Trois, la participation des parents. Elle doit être soutenue par le ministère, les commissions scolaires et les fédérations de parents. Une formation est nécessaire. On pourrait s'inspirer d'expériences de pays qui ont mis sur pied des écoles de parents afin que ceux-ci apprennent à participer aux instances de gouvernance éducative.

La loi prévoit que le parent élu conseiller scolaire doit renoncer à participer au conseil d'établissement de l'école de son enfant. Il n'y a pas lieu d'obliger les parents à choisir entre le conseil d'établissement de l'école et le conseil scolaire. Justificatif : la recherche en éducation indique que la participation des parents varie selon les milieux socioéconomiques et culturels, selon les offres d'enseignement et selon le style de vie des parents. C'est ainsi que, dans certains milieux, il s'avère difficile de faire participer les parents à la gouverne de l'école : exigences élevées du travail et de la carrière, manque de temps, distance culturelle par rapport à l'école, autres priorités, etc. Aussi, il y a un saut important entre participer à un conseil d'établissement et participer à l'assemblée des conseillers, anciennement conseil des commissaires. C'est souvent la première instance qui attire des parents, pour les raisons mentionnées précédemment. Le passage à l'assemblée des conseillers, surtout s'il implique le renoncement du conseil d'établissement, mérite d'être promu et soutenu.

Quatre, l'allègement des processus de reddition de comptes. Je demande au ministre d'alléger les processus de reddition de comptes des commissions scolaires et des établissements. Justificatif : les cadres et les directions se plaignent du poids des nombreuses redditions de compte qui accaparent temps, ressources et énergie. Selon certains, le nombre de redditions de compte s'élèverait à 90 annuellement, et elles seraient souvent reliées à des budgets dédiés. Le rapport Champoux-Lesage, adoptant une perspective d'intégration et de simplification de la reddition de compte, a recommandé d'alléger considérablement ces processus de contractualisation entre le ministère et les commissions scolaires. Si l'imputabilité des résultats est essentielle et si l'on souhaite la plus grande transparence des processus, il importe néanmoins de laisser aux commissions scolaires et aux établissements une marge de manoeuvre dans le choix de l'agencement des moyens, marge de manoeuvre que le régime actuel de contractualisation restreint. Il faut aussi simplifier les formats de redditions de compte. On songe, par exemple, au gabarit de rapports annuels qu'il faudrait rendre utile à la fois au ministère et à population.

L'autonomie professionnelle des enseignants. Je demande au ministre de respecter l'autonomie professionnelle des enseignants et, à cette fin, de conserver la distinction des pouvoirs du conseil d'établissement entre des pouvoirs d'approbation dans la loi approuvée et des pouvoirs d'adoption adoptés dans la loi. Justificatif : la loi constitutive des conseils d'établissement différencie les pouvoirs du conseil en deux catégories, que traduisent les deux verbes «approuver» et «adopter». Cette distinction voulait respecter l'autonomie professionnelle des enseignants. Il faut maintenir un équilibre entre le droit de regard des parents et l'autonomie professionnelle des enseignants et de l'équipe-école. Les parents doivent se comporter comme des partenaires à part entière, pas comme des patrons ayant autorité sur la direction et les enseignants, notamment en matière de pédagogie.

L'enseignement privé, maintenant. Je demande au ministre de s'assurer que l'enseignement privé dit d'intérêt public et donc subventionné assume sa part de responsabilités dans la poursuite des finalités que doit porter l'ensemble du système éducatif : accueil et francisation des élèves issus de l'immigration, égalité des chances, intégration des enfants en difficulté, et formation professionnelle, et que la saine émulation entre les institutions privées et les institutions publiques ne se traduise pas par la croissance des inégalités et la détérioration des écoles publiques, comme cela semble être le cas dans certaines grandes villes. À cet égard, le gouvernement devrait se doter d'indicateurs permettant de connaître et de suivre dans le temps la contribution du secteur privé à l'effort collectif en éducation, notamment à propos des finalités plus haut mentionnées : accueil et francisation des élèves issus de l'immigration, égalité des chances, intégration des jeunes en difficulté, et formation professionnelle. Aussi, il devrait être en mesure de suivre l'évolution des écarts de réussite entre le secteur public et le secteur privé, là où la concurrence est très forte.

Un enseignement privé dit d'intérêt public doit faire sa part. Justificatif : si les parents ont le droit de choisir l'éducation qui convient à leurs enfants, l'enseignement privé a néanmoins des responsabilités citoyennes, du moins les établissements privés que l'État reconnaît comme d'intérêt public et qu'il subventionne. C'est dire : pour que l'État le soutienne, cet enseignement doit contribuer au bien commun. Le rapport Parent souhaitait qu'il soit complémentaire au public bien davantage que son concurrent. Dans le contexte actuel où l'école publique doit accueillir une grande diversité d'élèves selon leurs capacités et leurs origines culturelles, leurs milieux socioéconomiques, il importe que l'enseignement privé fasse sa part dans la prise en compte de cette diversité. En effet, c'est tout le système éducatif du Québec qui doit assurer l'égalité des chances, l'intégration des jeunes et des adultes issus de l'immigration, la scolarisation des élèves handicapés ou en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, ainsi que la qualification de chacun, pas uniquement l'école publique. Les Québécois ne veulent pas d'une école à deux vitesses.

Finalement, une vision de l'éducation qui en fait une priorité nationale. Je recommande au ministre de fonder la gouvernance révisée par le projet de loi n° 86 sur une vision de l'éducation qui conjugue la spécificité culturelle du Québec, son appartenance à l'Amérique et au monde, et qu'il le projette dans le XXIe siècle avec confiance et énergie. Justificatif : au-delà de l'équilibre des pouvoirs, les défis éducatifs actuels sont tels qu'ils exigent l'attention pleine et entière de celles et ceux qui ont la responsabilité de l'avenir des jeunes et du Québec. Le Québec a besoin d'une vision de l'éducation qui conjugue sa spécificité culturelle, son appartenance à l'Amérique et au monde, et qui le projette avec confiance et énergie dans l'univers planétaire du XXIe siècle. Une telle vision doit animer la gouvernance, qui en définitive n'est que de l'ordre des moyens. Sur ce plan, il y a un important travail à faire pour mobiliser l'ensemble des citoyens autour d'une vision claire et généreuse de l'éducation et pour que celle-ci redevienne une véritable priorité nationale. Une telle vision doit être enthousiasmante, ce qui veut dire désormais prendre en compte l'innovation et l'entrepreneuriat éducatif à l'école pour parvenir à réduire les phénomènes de décrochage, à libérer la créativité et à faire émerger des personnes entreprenantes, innovantes, et des entrepreneurs engagés pour un avenir et des économies viables. L'école communautaire entrepreneuriale en est un exemple.

L'école doit être un lieu de sens maillé à son environnement de vie. Agir seul n'a jamais été la solution, et cela l'est encore moins aujourd'hui. Une communauté éducative de notre temps comprend des parents qui participent au projet éducatif de leur école et qu'ils soient le coeur, j'ai bien dit «le coeur», de la gestion des établissements d'enseignement. Il s'agit là d'une véritable participation citoyenne à l'édification de l'école. Cela est tout à fait réalisable par des hommes et des femmes de bonne volonté. Nous avons déjà beaucoup fait dans notre histoire, nous pouvons le faire à nouveau. Aujourd'hui comme jamais, j'en suis certain, l'école est le lieu d'espoir. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Gérin-Lajoie. Alors, on va passer du côté... à la période d'échange entre les élus, et je vais passer à côté... du gouvernement. Je cède la parole à M. le ministre, pour une période de 16 minutes, s'il vous plaît.

• (11 h 40) •

M. Proulx : Merci beaucoup, Mme la Présidente. M. Gérin-Lajoie, vous avez appelé votre père «PGL» tout à l'heure, moi, j'ai envie de vous dire «M. le ministre». Je suis très heureux de vous voir ici aujourd'hui. Je pense que c'est un bonheur qui est partagé par l'ensemble des parlementaires et les gens qui sont ici. C'est une très belle occasion pour nous d'avoir à échanger avec vous et de partager vos connaissances, vos expériences, et également de se rappeler que vous avez été un des artisans, et un artisan... l'artisan de ce grand projet là qui est l'éducation au Québec. J'ai deux jeunes enfants, moi, de huit et 10 ans, et mon fils, ce matin, lorsque je lui disais que j'étais pour vous rencontrer, d'abord souhaitait que je vous dise qu'il a bien réussi... en tout cas, il avait eu d'excellents résultats à votre dictée, il en était très heureux. Et, l'autre chose, j'ai pris la peine un peu de lui lire votre curriculum politique, et c'est toujours... Moi, je trouve toujours très intéressant de voir nos jeunes enfants connaître, d'abord, qui sont nos bâtisseurs et être en mesure d'apprécier ce qui a été fait. Parce qu'ils le réalisent, ils le voient. Ils ne comprennent pas tout encore, ils ne connaissent pas toutes les difficultés qu'on vit aujourd'hui à vouloir parfois améliorer les choses, parfois à changer les choses, mais moi, je suis toujours très impressionné de... et très heureux d'être capable de leur raconter ce que d'autres ont fait avant nous. Alors, merci d'être ici aujourd'hui et merci de partager votre savoir et vos opinions.

Le projet de loi n° 86, et nous sommes en consultations — vous avez déjà mené des travaux comme ceux-là — c'est une occasion pour nous d'écouter et d'entendre ce que les gens ont à dire. Moi, c'est comme ça que j'ai travaillé depuis le début, depuis que je suis ici, dans ce poste-là, et c'est ce que j'entends faire encore aujourd'hui.

Vous dites dans votre mémoire qu'il y a une tension qui existe entre le rôle et la responsabilité de chacun, les citoyens, les parents et le personnel scolaire. Ça a capté mon attention, parce que je le constate, je vois que, lorsqu'on essaie de positionner les rôles et responsabilités de chacun, elle existe effectivement, cette tension-là, mais qu'on est capables de la canaliser, ou de les canaliser, pour travailler ensemble, comme ça a été fait et comme nous pourrons, j'en suis convaincu, le faire encore. Est-ce que vous pourriez nous expliquer, justement, pour vous, qu'est-ce que c'est, cette tension-là, et comment les différents groupes cohabitent, les intérêts, mais les groupes cohabitent, là, dans... quand vous avez créé le ministère de l'Éducation, mais encore aujourd'hui, selon votre expérience?

M. Gérin-Lajoie (François) : Peut-être juste résumer la question, parce que...

M. Proulx : Oui. Alors, je...

M. Gérin-Lajoie (François) : Oui, puis parler un petit peu plus fort, parce qu'il en a manqué...

M. Proulx : C'est moi, et je m'en excuse. Je vous demandais... Il y a différents groupes qui interagissent dans notre système d'éducation : les citoyens, les parents, les enseignants, le personnel scolaire, là, dans son ensemble. Vous dites dans votre mémoire : Il y a des tensions entre ces différents groupes là, et je comprends que notre défi, c'est d'être capables de canaliser ça et de faire travailler tout le monde à la réussite. Est-ce que vous pourriez m'expliquer ce que vous vouliez dire au moment où vous l'avez écrit?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Bien, évidemment, le fait qu'il existe des tensions naturelles entre les différents groupes qui participent à la marche du ministère de l'Éducation et de l'éducation en général, c'est normal, et il importe que non seulement le ministre, mais son personnel participe à l'établissement d'un équilibre entre les diverses forces qui peuvent apparaître centrifuges à certains moments mais qui en définitive contribuent toutes à la formation d'une politique générale.

M. Proulx : Vous dites dans votre mémoire que... À propos de la composition du conseil scolaire, vous dites : «Le législateur ne commet pas une hérésie en composant ainsi le conseil scolaire. Il contribue à l'équilibre dont je parlais plus haut.» Vous expliquez, là, l'idée ou les idées de vouloir diversifier ou d'amener des catégories d'acteurs différentes au sein du conseil scolaire. J'aimerais ça vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous voyez? Est-ce que vous voyez là des ajouts ou une modification positive à ce qui a été créé il y a de nombreuses années et ce qui est encore aujourd'hui la norme en matière de conseil scolaire?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : As-tu compris?

M. Gérin-Lajoie (François) : Oui, oui. Dans le nouveau règlement et le nouveau conseil scolaire, qu'est-ce que tu vois comme élément qui est porteur versus ce qu'il y avait avant, puis qu'est-ce qui ne l'est pas?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Je m'excuse, là, d'avoir un peu de difficulté à entendre comme il faut.

M. Proulx : ...pardonné.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Alors, mon fils François complète un peu ce que vous avez dit.

M. Gérin-Lajoie (François) : Au niveau du conseil scolaire, qu'est-ce que tu vois qui est nouveau puis qui est enrichissant versus ce qui était là avant?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : La composition du conseil scolaire n'est pas beaucoup modifiée par rapport à ce qu'elle était auparavant. Mais, dans le projet de loi n° 86, le conseil scolaire devient plus représentatif de l'ensemble des divers éléments qui contribuent à l'évolution du système d'éducation.

M. Gérin-Lajoie (François) : Est-ce que le poids des différents intervenants au niveau du conseil scolaire... Est-ce que tu y vois des problèmes? Vois-tu des dangers? Vois-tu certaines choses que tu aimes moins?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Non, je pense que l'ensemble des éléments du conseil scolaire, tel que proposé, avec certaines additions que je mentionne dans le texte, est de nature à favoriser un fonctionnement efficace du système des commissions, des conseils scolaires.

M. Proulx : Peut-être, pour vous permettre de l'exprimer comme vous le sentez, j'ai envie de vous poser la question suivante : Qu'est-ce que vous aimeriez nous dire sur le projet de loi n° 86, qui n'est pas écrit dans votre mémoire, ou qui bonifie, ou qui vient expliquer des choses que vous avez dites? On a le temps qui est devant nous, on a la chance d'avoir le premier ministre de l'Éducation, la chance d'avoir le père de notre système, alors prenez le temps qu'il faut, et, si vous avez des choses à dire et sur le projet de loi et sur comment vous pensez qu'on peut améliorer la réussite scolaire en posant des gestes législatifs, structurants, réglementaires, en ayant des discussions avec nos partenaires, le temps est à vous, M. le ministre.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Bien, d'abord, je prends pour acquis que le projet de loi énonce un esprit très favorable à la participation des divers éléments qui composent, en somme, le fonctionnement du système éducatif. Et je pense qu'il y a des améliorations possibles en favorisant une participation d'éléments qui ne sont pas mentionnés dans le rapport, tels que...

M. Proulx : Est-ce que vous auriez un exemple, par exemple, de ce qui pourrait... qui devrait être modifié? De ces éléments-là, vous dites : Le projet a un objectif, il y a des choses qui doivent être modifiées. Puis je pense que tous les parlementaires le savent, et les gens qui nous écoutent le savent aussi, il y aura du travail qui sera fait par les parlementaires, il y aura des améliorations de proposées. Si vous aviez à nous donner des pistes de solution pour améliorer notre projet et maintenir la mission...

• (11 h 50) •

M. Gérin-Lajoie (Paul) : J'ai essayé, par le mémoire et le sommaire qu'on a devant nous, de préciser la façon dont le projet de loi pourrait être amélioré. J'ai mis à la préparation de ce document beaucoup d'attention, j'ai mesuré mes mots le plus possible, parce qu'il faut tenir compte de toutes sortes de susceptibilités, de participations. Alors, je pense que...

M. Gérin-Lajoie (François) : Est-ce que je peux te lancer sur certaines pistes, hein? Comme j'ai travaillé pas mal le dossier avec lui, je vais lui lancer quelques pistes, comme peut-être... hein?

M. Proulx : Vous avez votre propre micro, hein? Tout à fait.

M. Gérin-Lajoie (François) : O.K., c'est ça.

M. Proulx : Vous êtes le bienvenu.

M. Gérin-Lajoie (François) : Alors, peut-être, la première chose qui est mentionnée dans son document, c'est cette question de continuité au niveau du système éducatif. Et une des choses que tu suggérais, c'était justement l'apport de quelqu'un qui viendrait des études postsecondaires pour compléter le conseil. Alors, peut-être que ça, tu aimerais en parler un petit peu.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Oui, ça, c'est en ce qui concerne la composition du conseil scolaire. Je pense qu'il est important d'ajouter une présence et une participation des éléments postsecondaires qui sont appelés à jouer un grand rôle dans le fonctionnement du système d'éducation. Et c'est pour ça qu'en 1960 et 1963 on proposait d'avoir un seul ministère de l'Éducation qui fasse appel à la participation de toutes les composantes du système d'éducation. Avec les années, le gouvernement a jugé à propos de scinder les fonctions ministérielles, les fonctions d'administration de gouvernance en général en faisant un élément séparé de l'enseignement supérieur, de l'enseignement universitaire. Et parfois, même souvent, au cours de l'évolution, il y a eu une tendance à constituer de façon distincte l'enseignement professionnel, l'enseignement technique, de façon à ce qu'il soit la responsabilité d'un groupe de gouvernance distinct.

À l'époque et, je pense, encore aujourd'hui, il était important de réunir dans le fonctionnement du système d'éducation toutes les composantes du système d'éducation, donc y compris l'enseignement technique et professionnel, y compris l'enseignement supérieur universitaire, de façon à ce que les... je ne dirai pas les intérêts mais les éléments qui participent à l'organisation totale d'un système d'éducation qui profite, ne l'oublions pas, non seulement aux jeunes, mais aux adultes également.

Ça, c'est un élément qui s'est ajouté au cours des années, et j'ai eu l'occasion même de voir personnellement l'importance de l'enseignement, de la formation des adultes. Je me souviens, par exemple, de situations où des électeurs, même favorables à la réforme en général et à l'action que le gouvernement entreprenait, dire... même pas le... J'imagine que les fonctionnaires de ton ministère voulaient être délicats à l'égard du ministre, et ils mettaient la chose sur le dos des fonctionnaires, les fonctionnaires paient des sommes importantes pour aider des personnes âgées souvent de 60 ans et plus pour participer au système d'éducation. Alors, ça me donnait l'occasion d'expliquer que le système d'éducation est là, selon l'expression qu'on emploie davantage aujourd'hui... l'importance de l'éducation tout au long de la vie.

M. Proulx : Merci beaucoup. C'est malheureusement tout le temps que nous avons, puis je veux permettre aux collègues de vous poser également des questions. Je veux vous remercier pour votre témoignage, je veux vous remercier pour votre mémoire, qui dénote l'équilibre. Je pense que c'est ce que vous avez tenté de démontrer, c'est que, qu'il y ait ou non des modifications, des réformes, des changements, et qu'on vise tous quand même l'amélioration, il faut toujours avoir un équilibre et dans les intérêts et dans les tensions, mais entre les groupes qui doivent travailler tous ensemble. Alors, merci, c'est un moment dont on va se souvenir. Merci de votre passage en commission. De mon côté, je laisse la parole à mes collègues. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. le ministre. On va passer du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean pour une période de 10 minutes.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Alors, mes propos vont aller essentiellement dans le même sens que ceux qui ont été exprimés par le ministre : d'abord, de la reconnaissance...

Une voix : ...

M. Cloutier : Oui, je vais parler plus fort. Alors, je voulais d'abord être reconnaissant pour votre immense contribution pour le Québec. Je sais qu'on a peu de temps, mais je veux absolument souligner la source d'inspiration que vous êtes pour tellement de Québécois. Récemment, Léo Bureau-Blouin recevait la bourse Rhodes, et ça nous a rappelé tous les Québécois qui l'avaient reçue. Vous avez certainement... Vous avez probablement été parmi les premiers à recevoir ce prestigieux prix, peut-être même le premier, je ne le sais pas. Peut-être pourrez-vous nous le dire. Mais vous avez une feuille de route qui est vraiment exceptionnelle. Vous avez marqué à la fois le réseau de l'éducation mais aussi le réseau des relations internationales. Vous êtes un constitutionnaliste, un homme de droit, mais, je pense, d'abord et avant tout un homme de coeur et un homme qui a construit le Québec et qui avait laissé un legs immense.

Alors, je voulais vous dire que, moi personnellement, vous avez été et vous êtes toujours une source d'inspiration, puis je veux vous remercier pour toute votre implication, ainsi que votre fondation, puis évidemment la suite qui est prise par tout le travail qui est fait par la fondation Gérin-Lajoie. Alors, bref, j'ai envie de vous dire simplement merci, et c'est un immense privilège de vous avoir avec nous aujourd'hui sur cette commission parlementaire qui vise, dans le fond, à revoir toute l'organisation scolaire, primaire et secondaire.

Ceci étant dit, je reçois vos commentaires, et essentiellement un des enjeux porte sur la démocratie scolaire, le processus électoral. Ce que vous invitez à faire ou les indications que vous recommandez aux législateurs, c'est de maintenir l'élection et de concilier avec les élections municipales. À votre point de vue, là réside la solution. C'est bien ça?

• (12 heures) •

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Oui. Je considère que c'est très important, en fait, de conjuguer les élections scolaires et municipales. On sait, on répète à tout vent que les gens ne manifestent pas grand intérêt aux élections scolaires, si on en juge par le pourcentage de participation des électeurs à ce secteur de l'administration publique. Alors, j'entends dire parfois que le milieu municipal est opposé à la conjonction des élections scolaires et municipales. Mais ça ne me paraît pas être une raison valable, le gouvernement est là pour prendre des décisions qui ne plaisent pas, peut-être, à absolument tout le monde mais qui sont dans l'intérêt public. Et, à cet égard, je pense que la conjonction des élections municipales et scolaires serait de nature à assurer une plus grande participation du public, des parents et des autres aux élections scolaires en participant aux élections municipales. Cette conjonction a été un succès aux États-Unis, dans plusieurs États, dans d'autres provinces canadiennes, et je ne vois pas pourquoi le Québec tiendrait à faire bande à part en refusant cette conjonction de nature à favoriser une plus grande participation.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui. Allez-y.

M. Gérin-Lajoie (François) : Dans les discussions qu'on a eues régulièrement ensemble, bon, l'idée du suffrage universel au niveau des représentants des communautés, le fait de faire ça probablement avec les municipalités crée un rapprochement, crée effectivement une connexion entre le monde municipal et les écoles. Et je pense que c'est très sain, si on regarde ce qui peut être fait dans les années à venir, que l'école soit... comme on l'a dit, chez nous, on le prône beaucoup, à la fondation, que l'école soit en plein centre de l'activité scolaire, oui, mais qu'elle soit aussi en plein centre de l'activité communautaire, c'est important pour nous. Et, dans ce sens-là, on trouve qu'il y a une belle jonction, une belle connexion à faire au niveau du municipal et du scolaire.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Il vous reste quatre minutes, M. le député.

M. Cloutier : Très bien. Je vous remercie. À la fin de votre mémoire, vous faites... vous partagez une réflexion sur la relation entre l'école privée et l'école publique. Vous nous rappelez qu'à l'époque les choix de société qui avaient été faits, c'est que l'école privée devait être complémentaire à l'offre de l'école publique et non pas en compétition l'une avec l'autre. Maintenant, est-ce que vous avez l'impression que l'école privée joue entièrement son rôle pour la diplomation de nos jeunes, particulièrement les jeunes en difficulté? Et qu'est-ce que vous nous suggérez, comme législateurs, pour améliorer cette complémentarité de service?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Mais évidemment une situation comme celle à laquelle vous référez est toujours en mouvement et susceptible d'amélioration, donc il n'y a rien de parfait. Le réseau des écoles privées au Québec, de façon générale, joue bien son rôle. J'ai eu l'occasion de le constater moi-même dans ma famille, dans mes connaissances, non seulement par des études plus théoriques, si je peux dire. Alors, il est important d'assurer cette jonction.

M. Cloutier : Mais je ne me trompe pas en disant que, dans votre mémoire, je pense que vous faites référence... je pense que vous nous indiquez que l'école privée devrait être plus représentative dans ses élèves, devrait accueillir davantage d'élèves en difficulté. Est-ce que je vais trop loin dans l'interprétation ou c'est bien ça que vous voulez dire?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Non, cette affirmation est vraie, mais qu'il faut toujours exprimer avec mesure. Parce que, dans l'ensemble, je l'ai dit, l'école privée joue assez bien son rôle auprès des diverses clientèles qui se présentent. Je sais que les collèges privés accueillent et prennent des moyens pour accueillir des jeunes en difficulté, des jeunes issus des milieux de l'immigration, qui éprouvent généralement des difficultés à s'intégrer. Alors, à cet égard-là, les collèges privés, les écoles privées jouent un rôle très important. Est-il susceptible d'amélioration? Comme je viens de dire, tout est susceptible d'amélioration dans le détail, mais il faut bien être en garde contre la tentation qu'on peut avoir parfois de vouloir balayer des choses utiles sous prétexte d'obvier à cette difficulté.

M. Cloutier : Juste profiter de votre présence pour vous poser une question un peu plus générale : Si vous aviez un conseil à donner au gouvernement du Québec en éducation ou... Si vous aviez un choix à faire ou une priorité, quelle serait-elle, que ce soit le financement, l'universitaire, l'accessibilité, peu importe? Selon vous, là, le besoin le plus criant au Québec en matière d'éducation, ce serait quoi?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Je pense qu'il n'y a pas de réponse sensée à une question d'une telle envergure.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il est trop sage pour te donner une réponse!

M. Cloutier : Un homme politique, j'ai aussi dit.

La Présidente (Mme Rotiroti) : C'est la sagesse, c'est la sagesse qui fait ça. C'est la sagesse.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Mon mémoire donne un tableau des améliorations qui devraient être apportées au système, surtout en relation avec le projet de loi n° 86. Il est difficile de pointer un point particulier, mais je pense que je serais tenté de m'arrêter à la dernière recommandation, où je recommande modestement au ministre, au gouvernement, aux parlementaires de développer une vision de l'éducation qui conjugue la spécificité culturelle du Québec, bien sûr, ce à quoi on pense toujours en premier, et son appartenance à l'Amérique et au monde. Il ne faut jamais oublier que le Québec auquel on est bien attachés et dont on veut faire la promotion ne doit jamais être envisagé de façon isolée par rapport à l'Amérique dans laquelle nous vivons. Et, quand je dis l'Amérique, ce n'est pas dans le sens où les Américains l'emploient, à mon avis abusivement, mais c'est toute l'Amérique, du Nord, du Centre, du Sud, à laquelle je pense, cette Amérique qui nous porte également à envisager l'ensemble du monde dans lequel le Québec doit s'insérer, et la façon dont le Québec doit traiter son système d'éducation, doit traiter les questions d'amélioration à y apporter ne doit jamais s'isoler de la place du Québec dans les Amériques et dans le monde entier. Alors, ce seraient même...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. Gérin-Lajoie.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : ...mes observations de clôture.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. On va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition. Pour une période de six minutes, M. le député de Chambly.

• (12 h 10) •

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Je vais parler avec force, je m'excuse d'avance au technicien de son. Je vais sortir cette voix de prof qui me permettait de me faire entendre à l'autre bout de la cour d'école.

Il y a une vingtaine d'années, j'étais à l'université puis j'étudiais le réseau scolaire. Vous étiez là pendant ma pratique. À chaque année avec mes élèves, on faisait la fameuse Dictée PGL, vous étiez là. Et aujourd'hui j'ai cette chance comme parlementaire d'échanger avec vous, donc c'est un grand honneur. Je vous remercie de vous être déplacé puis de participer encore aux débats.

Maintenant, je veux entrer dans le vif du sujet. Je vais aussi m'attarder, comme mon collègue, à la section sur l'enseignement privé que vous avez développée, vous avez dit : Les parents ont le droit de choisir. Plus loin, vous dites : Il importe que l'enseignement privé fasse sa part dans la prise en compte de la diversité. Et vous terminez cette section-là en disant : Un enseignement privé doit faire sa part, les Québécois ne veulent pas d'une école à deux vitesses. Je partage ce constat-là.

En parlant aux acteurs du réseau privé, ils nous disent : On ne sélectionne presque plus les élèves en fonction de leurs résultats ou des difficultés, ça a eu lieu, mais, à la grandeur du Québec, c'est de plus en plus rare. Par contre, ils nous disent : Les élèves EHDAA, quand ils vont au public, ils ont un financement supplémentaire, quand ils vont au privé, ils ont le financement de base.

Je pose la question : Est-ce que de dire que ce financement supplémentaire pourrait aider les EHDAA... devrait suivre les enfants, peu importe qu'ils aillent au public ou au privé, de manière à permettre au privé de jouer son rôle?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Bien, le privé, de par sa définition même, compte... fonctionne avec des ressources financières additionnelles à celles qu'on retrouve dans le réseau public. Et je pense que cela est une justification de l'appellation de «système d'écoles privées» et qu'il faut continuer cette distinction tout en s'assurant, et je pense ici à l'État, en s'assurant que les écoles privées jouent leur rôle complémentaire par rapport aux écoles publiques.

M. Roberge : Je vous remercie. Vous mentionnez dans le mémoire une autre section... vous craignez un peu que les nouveaux conseils scolaires soient des comités d'usagers et que, donc, les parents sur ce comité d'usagers perdent peut-être le bien public de vue pour faire valoir, peut-être, les intérêts de leurs enfants. Je lis cette inquiétude-là.

Pourtant, le nouveau conseil scolaire, avec six parents sur 16, propose de laisser à peu près 38 % des postes aux parents. Puis, quand on regarde les commissions scolaires actuelles, on se rencontre qu'il y a souvent plus que 38 % des commissaires qui sont, de toute façon, des parents. Alors, pourquoi est-ce que les parents commissaires seraient plus neutres que les parents du conseil scolaire?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Je ne sais pas si je saisis très bien la question, mais les parents ont une présence à exercer dans les conseils scolaires, tout comme les autres membres de la société civile.

M. Roberge : D'accord.

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Alors, je ne sais pas si vous aimeriez que je complète, là, en traitant de points particuliers, mais, dans l'ensemble, je trouve important...

M. Gérin-Lajoie (François) : Non, mais je... Oui, juste qu'au niveau de la proportionnalité des conseils scolaires aujourd'hui, comme il y a déjà au niveau des commissaires des parents d'élèves, il dit qu'aujourd'hui avec... Anciennement, dans les conseils scolaires, il y avait déjà, dans certains cas, un plus haut pourcentage de parents qui étaient déjà là. Alors, versus ce qu'on propose aujourd'hui à 38 %, alors la question, c'est à savoir : Est-ce qu'il y a vraiment mal dans la demeure ou est-ce qu'il y a moyen de vivre de cette façon-là?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Je pense que les pourcentages qu'on constate aujourd'hui sont relativement satisfaisants.

M. Roberge : Très bien. Et il reste...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Il vous reste une minute, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Une minute. Ah! c'est bien. Je vais trouver la dernière page que je voulais regarder. Voilà. À la fin du mémoire, vous dites : «...il y a un important travail à faire pour mobiliser l'ensemble des citoyens autour d'une vision claire et généreuse de l'éducation [...] pour que celle-ci redevienne une véritable priorité nationale.» Donc, il y a un constat ici qui dit que l'éducation n'est pas en ce moment une priorité nationale. Qu'est-ce qui vous amène à dire qu'en ce moment, en regardant les faits, le gouvernement ne considère pas l'éducation comme une priorité nationale?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Bon, bien, il ne s'agit pas seulement de gouvernement, mais de l'opinion publique. Quand je pense à l'état de l'opinion publique aujourd'hui par comparaison à ce qu'il était dans les années 60, il y a une grande différence. À ce moment-là, il y avait vraiment une mobilisation de l'opinion publique en faveur de l'éducation, au point que, dans le budget de l'État, l'éducation était vraiment en tête de liste. Aujourd'hui, on sait que la santé a pris la place prédominante en termes budgétaires. Tout le monde sera d'accord pour dire qu'il est important de financer les questions de santé comme on le fait, et en améliorant, le cas échéant, mais je pense que cette place prédominante, en termes budgétaires, qui a été perdue par l'éducation au profit de la santé peut être corrigée dans une certaine mesure, surtout par un état général de l'opinion publique. Je pense que, quand on s'arrête à la lecture des médias et qu'on écoute les opinions qui s'expriment, l'éducation n'est pas toujours en tête de liste, et, à cet égard, je pense que le gouvernement, que le ministère de l'Éducation en particulier, doit jouer un rôle important pour stimuler l'intérêt public à l'égard du système d'éducation en expliquant comment.

Personnellement, ça nous ramène à la question des élections scolaires. J'ai trouvé, depuis plusieurs années, que les commissions scolaires n'affectent pas en termes budgétaires l'importance qu'il faut à l'animation du public et de l'opinion publique en matière d'éducation. Je pense, entre autres, que la baisse du taux de participation aux élections scolaires est en partie, est en partie significative, due au fait que les électeurs scolaires, que le public n'est pas suffisamment informé des enjeux qui se présentent en matière d'éducation. Les gens ne vont pas aux élections scolaires parce qu'ils ne sentent pas qu'il y a des enjeux qui les touchent, qui touchent leurs enfants, qui touchent les enfants en général.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Gérin-Lajoie.

M. Gérin-Lajoie (François) : La période est terminée. Peut-être qu'il pourrait répondre sur la question du boursier Rhodes. Étais-tu le premier boursier Rhodes au Québec?

M. Gérin-Lajoie (Paul) : Il y en a eu avant.

Des voix : Ha, ha, ha!

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup. Alors, merci beaucoup, MM. Gérin-Lajoie, et merci, c'est vraiment un honneur et un plaisir de vous recevoir ce matin en commission parlementaire.

Alors, je vais suspendre quelques minutes pour que... afin que le prochain groupe pourrait prendre place. Merci.

(Suspension de la séance à 12 h 20)

(Reprise à 12 h 28)

La Présidente (Mme Rotiroti) : Alors, rebonjour. Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques. Alors, M. Nadeau, je vous souhaite la bienvenue. Vous disposez de 10 minutes pour faire votre présentation. Et par la suite on va passer à une période d'échange entre les élus. Alors, je vous cède la parole tout de suite. Allez-y. La parole est à vous.

Institut sur la gouvernance d'organisations
privées et publiques (IGOPP)

M. Nadeau (Michel) : Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Mmes, MM. les parlementaires, M. le ministre, alors merci de donner à l'Institut sur la gouvernance l'occasion de se faire entendre sur ce sujet. Vous savez que notre organisme existe depuis 12 ans. C'est un OBNL qui ne fait qu'une chose dans la vie : s'intéresser à la gouvernance. La gouvernance, encore une fois, ce n'est pas la gestion d'une organisation, c'est la supervision de la gestion, alors s'assurer que l'organisation atteint bien ses buts.

Donc, le projet de loi nous intéresse au plus haut point, le projet de loi n° 86, et nous avons regardé attentivement ce projet de loi là en demandant la question de base : Le mandat du conseil scolaire, à quoi va... Ça sert à quoi, un conseil scolaire? On est dans un concept de gouvernance partagée : le ministre décide de certaines choses, la commission scolaire décide de d'autres choses, et l'établissement décide de certains éléments. Donc, c'est ce qu'on appelle la gouvernance partagée parce que chacun a un rôle à jouer.

Mais, dans le cas présent, il faut se demander la question de base : Que va décider... Le conseil scolaire, après l'adoption du projet de loi n° 86, va décider de quoi? Je vais essayer, dans une première partie, d'essayer de répondre à cette question-là.

• (12 h 30) •

Ce qui est bizarre, c'est que, dans le projet de loi, on a changé l'ordre des priorités. Auparavant, on disait : Le rôle de la commission scolaire traditionnelle, c'était de gérer les affaires scolaires et ensuite de promouvoir l'école publique. Là, on a changé ça. On a dit, à l'article de la nouvelle loi : Le premier travail d'une commission scolaire, c'est de promouvoir et valoriser l'éducation publique sur son territoire. Promotion de l'école publique, je n'en ai rien contre, mais ensuite elle a également pour mission de veiller à la gestion efficace et efficiente. Donc, c'est un organisme de promotion d'abord et ensuite de gestion efficace et efficiente. Alors, ça, c'est une première constatation. Pourquoi on a changé cet ordre de priorité?

Donc, se pose ainsi la question : Il va décider de quoi? Le conseil scolaire, après l'adoption de la loi n° 86, va décider de quoi? Il y a une ambiguïté dans la loi actuellement, on ne dit pas c'est quoi, les champs de compétence du conseil scolaire. Il va décider de quoi? Actuellement, les commissions scolaires, ils décident un petit peu : Bon, bien, on va construire une bibliothèque ici, les services parascolaires, ça va être là, on va mettre des soins, de la psychopédagogie à un tel endroit. Donc, le gros des décisions est pris par Québec, les relations de travail avec les enseignants, etc., mais la commission scolaire a des budgets, là, sur les services aux étudiants, les services à la population scolaire. Alors donc, il y a une petite marge de manoeuvre. Donc, comment cette petite marge de manoeuvre va être gérée? C'est ambigu.

Ce qui est étonnant, c'est que, dans le chapitre sur la commission scolaire, 207 à 235 de la loi, on dit 43 fois — je les ai comptées — 43 fois, ce que le ministre et ce que le ministère dit à la commission scolaire de faire. Qu'est-ce qui reste à la commission scolaire de faire? Chose certaine, elle va perdre, avec ce projet de loi, le fun qu'ils avaient, les commissaires d'école, à décider des petits budgets : une bibliothèque ici puis une bibliothèque par là, c'est fini ça. C'est fini parce que, là, il y a un comité de répartition des ressources. On dit aux D.G., là, c'est un peu comme le président du Conseil du trésor, il dit aux ministres : Amusez-vous, là! Partagez-vous le budget, là, discriminatoire, faites des deals entre vous autres, puis faites-nous une proposition, puis nous, on va entériner ça, parce qu'évidemment vous avez l'information. C'est quoi, cette histoire de dépouiller une des dernières activités qu'avait la commission scolaire où ils avaient un petit peu de plaisir à gérer des budgets de quelques centaines de milliers de dollars?

Alors qu'une commission scolaire, rappelons-nous, c'est des centaines d'effectifs d'enseignants, c'est des budgets de plusieurs centaines de millions de dollars, c'est un parc immobilier important, 80, 90 bâtiments, une flotte d'autobus scolaires, c'est une grosse organisation matérielle qu'il faut gérer, et là on leur dit : Bon, bien, là, la seule marge de manoeuvre que vous aviez, on vous l'enlève. On vous l'enlève et on donne ça aux comités de répartition des ressources. Vous aviez encore un petit dernier plaisir, là, c'était de congédier le D.G. parce qu'il ne fait pas la job. Ça, non!, Ça aussi, le ministre dit, là : Non, non, non! C'est fini, ça! Moi, je vais revoir, là... Vous êtes 16 élus de la population, mais je trouve que vous avez manqué de jugement, vous avez manqué de jugement, vous avez congédié un pauvre D.G. Il reste en place, plein salaire, et puis, là, vous allez... Non, non, moi, je revois votre décision, je ne vous fais pas confiance, vous êtes juste des gens du peuple, et puis tout ça. Non, non, non, moi, je le maintiens en place, et puis vous allez le garder, votre D.G. Puis, si vous n'êtes pas contents, sortez! C'est ça, je pense, l'intervention du ministre lors du renvoi d'un directeur général.

Donc, la question de base qui se pose : Quel est le pouvoir... Qu'est-ce qu'il reste de pouvoirs? Je dis aux gens : Arrêtez de perdre votre temps! Si vous voulez décider de quelque chose, allez ailleurs que sur un conseil scolaire. Je ne sais pas, peut-être que la télévision ne vous plaît plus le mardi soir, vous ne pouvez plus sentir votre conjoint, vous alliez sur une commission scolaire pour vous occuper, mais vous décidiez de petits enjeux. C'est fini! C'est fini, ça. Vous n'aurez plus de budget à gérer, votre rapport avec le D.G., c'est fini.

Alors, dans ce contexte-là, moi, la première question : La commission scolaire décide de quoi? Qu'est-ce que va décider... Quelle est la marge de manoeuvre? Promouvoir l'école publique, j'en suis pour l'école publique, je suis tout à fait d'accord avec l'école publique, mais quelle est la marge de manoeuvre, quel est le corridor, dans cette gouvernance partagée, qu'on laisse aux conseils scolaires dans le projet de loi n° 86? Répondez-moi : Il va décider de quoi? On veut attirer des gens, M. Gérin-Lajoie l'a mentionné, les enjeux n'excitent pas la population, les gens ne se présentent pas pour aller siéger sur un conseil scolaire. Ils ont raison : ils ne décident de rien. Pourquoi, moi, j'irais perdre mon temps à exécuter... à surveiller l'exécution des directives des fonctionnaires de Québec? C'est ça, la job d'un fonctionnaire : s'assurer que l'exécution des normes formulées par le ministère de l'Éducation est bien réaliste. Alors donc, la première clause, je pense, la première question à répondre dans ce projet de loi là, c'est évidemment la notion de... Le conseil scolaire va décider de quoi? On veut avoir des gens motivés au conseil scolaire. Vous leur dites : Pour que vous intéressiez un organisme, il faut savoir vous allez décider de quoi. Et ça, c'est la première question.

La deuxième partie de mon intervention, c'est le processus de nomination des conseillers scolaires, des commissaires d'école. Le gouvernement du Québec, il y a six ou sept ans, en décembre 2006, a adopté la Loi sur la gouvernance des sociétés d'État. Je pense que c'est une contribution considérable que M. Charest, et son équipe, a faite alors en donnant des principes de gouvernance. Auparavant, la gouvernance, c'était un club, tout le monde se mettait ensemble, chacun venait pousser, défendait des intérêts. À l'hôpital, il y avait les médecins, les pharmaciens, les dentistes, les infirmières, les sages-femmes, tout le monde venait défendre son intérêt. Puis là le bien commun émergeait avec l'Esprit-Saint, là, au-dessus de tous ces intérêts. On s'est aperçus que ce modèle-là ne marchait pas, on s'est dit : On va nommer une majorité de gens indépendants, autonomes, des gens qui n'ont pas d'intérêt à pousser dans l'organisme en question. Et c'est comme ça, c'est ce qui a prévalu dans la réforme de la santé, le projet de loi... la loi n° 10 : on a une majorité de gens indépendants.

Mais ce n'est pas suffisant, d'être indépendant, il faut aussi être légitime et crédible. Donc, légitime, évidemment c'est le processus électoral, c'est le processus de désignation. Alors donc, les personnes élues par le suffrage universel, on a vu... Bon, je crois que le suffrage universel apporte des... permet à des gens qui s'intéressent à la chose publique de contribuer. Mais, encore une fois, est-ce que ces gens-là ont l'expertise, les connaissances, la volonté, l'équipement pour vraiment gérer une organisation qui est quand même relativement importante? La bonne volonté ne suffit plus aujourd'hui dans un contexte d'environnement extrêmement complexe. Donc, je crois que, si jamais on poursuivait l'aventure du suffrage universel — et on va certainement le poursuivre dans le domaine des commissions scolaires anglophones — là il faut que l'utilisation d'outils électroniques... avec ou sans les élections municipales... mais je crois que ceux-ci vont certainement favoriser une participation plus grande des élus.

Mais, encore une fois, je crois que la question la plus importante, c'est la crédibilité du conseil scolaire. Je regarde la liste des 16 commissaires puis je dis : Wow! Ça, c'est des gens qui sont capables gérer 250 millions. Ils sont capables de gérer 1 200 professeurs, ils sont capables de gérer une organisation.

Donc, dans ce contexte-là, quelles sont les habilités, les compétences que devraient posséder les membres du conseil scolaire? C'est quoi, le profil d'expérience de ces gens-là? Donc, c'est important pour le conseil scolaire d'avoir un profil collectif d'expérience. Dans le cas de la santé, on l'a fait, un profil collectif d'expérience, un engagement préalable de... chacun dit : Je vais mettre le temps.

Je pense que les parents sont légitimes, ont leur place. Ils ont été négligés dans la réforme précédente, ils occupaient le strapontin comme observateurs. Il faut que les parents... Mais les parents... L'école n'est pas que la chose des parents. Les parents, c'est 30 % des contribuables au Québec, il faut que 100 % des contribuables soient là, c'est l'argent...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci...

M. Nadeau (Marc) : ...de la population, finalement.

La Présidente (Mme Rotiroti) : En terminant, M. Nadeau. Vous avez quelques secondes.

M. Nadeau (Michel) : O.K. Alors, je termine, Mme la Présidente...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Oui.

M. Nadeau (Michel) : ...en disant qu'il faut une majorité de membres du conseil légitimes, crédibles et indépendants. Donc, des membres de l'externe... les membres de l'interne n'ont absolument pas leur place. Dans tous les modèles de gouvernance, on ne fait plus la place aux employés. Les employés ont leur place, on les consulte, on les respecte, mais je pense que la bonne gouvernance, c'est... Puis, encore une fois, pas de directeurs d'établissement, qui vont pousser pour leurs établissements respectifs.

Donc, une majorité de membres externes. Ce que nous proposons, c'est quatre parents, quatre membres élus au suffrage universel et huit personnes qui ont l'expertise, la compétence, qui complètent les huit autres pour assurer comme ça une bonne gouvernance du conseil scolaire qui naîtrait suite au projet de loi n° 86. Merci, Mme la Présidente.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Nadeau. Alors, on va passer à la période d'échange entre les élus. Et, M. le ministre, vous avez 12 minutes.

• (12 h 40) •

M. Proulx : Merci, M. Nadeau, de votre présentation énergique. Très heureux d'avoir l'occasion de vous entendre. J'ai eu l'occasion, malheureusement trop rapidement, là, pour la première fois, de lire votre mémoire, ce que je vais refaire, bien évidemment, à tête plus reposée. J'aurais aimé vous entendre plus longuement sur votre conclusion, hein? Vous avez parlé de votre proposition pour le conseil scolaire, j'aurais aimé ça vous entendre nous expliquer davantage, bon, pourquoi le choix que vous faites, mais surtout quel est l'équilibre, là, que vous souhaitez voir représenté dans ce conseil-là. Ça sera la première question, puis ensuite on pourra parler, dans le fond, de pouvoirs et responsabilités, puis de l'espace de décision qu'on doit retrouver dans une gouvernance, mais éventuellement aussi dans une décentralisation de gouvernance.

M. Nadeau (Michel) : Oui, décentralisation dont on parle depuis 50 ans...

M. Proulx : Oui!

M. Nadeau (Michel) : ...dont M. Gérin-Lajoie rêvait et qui n'a jamais, jamais été réalisée. La santé et l'éducation au Québec demeurent concentrées dans des bureaux ici, sur le chemin Sainte-Foy.

Or donc, l'équilibre que l'on voit, nous, c'est quatre membres élus par les comités de parents. Actuellement, je crois que les parents ont un rôle, nécessairement, à jouer. Le parent, à mon avis, son rôle est très important au niveau du conseil d'établissement, avec le personnel enseignant, et ceci est très important. Mais je crois qu'encore une fois... Là, on a six parents, plus il y a cinq autres membres, cinq autres membres qui vont être désignés par les comités de parents. Donc, ça fait 11 membres désignés par les comités de parents, là, dans le projet de loi n° 86. Ce n'est pas six, comme on a dit tout à l'heure, c'est 11 membres. Évidemment, il y en a cinq qui auront des profils de domicile, et etc., mais, encore une fois, pour nous, c'est trop.

Alors donc, quatre membres élus par les comités de parents, qui proviendraient de différents niveaux d'enseignement ou du secteur des élèves handicapés, en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Donc, pour nous, c'est cette diversité de l'expérience parentale qui pourrait être très, très bien utile au niveau du conseil scolaire.

Évidemment, il y a des gens qui veulent participer via le suffrage universel. Les études et notre expérience... Nous avons fait beaucoup d'exercices de gouvernance avec des conseils scolaires, notamment des conseils scolaires anglophones, avec le député ici présent, David, et, je vous dis, il y a de très bons commissaires. Mais, il y en a d'autres, la qualité était moyenne, la volonté de participer... Or donc, c'est pour ça que nous, on dit que, l'avenue du suffrage universel, quatre sièges seraient suffisants, et puis ces sièges pourraient représenter différents territoires, pour les conseils scolaires qui ont un grand territoire, pour s'assurer d'une représentation régionale ou ethnique, culturelle du territoire. Or donc, ceci pourrait être très important.

Finalement, les huit membres, la moitié des membres du nouveau... bien, ils seraient choisis selon le profil d'expertise établi pour s'assurer... Ça prend quoi, l'équipe de rêve, pour gérer un conseil scolaire? Ça prend quelqu'un qui s'y connaît en finance, quelqu'un qui s'y connaît en droit, quelqu'un qui s'y connaît en immobilier, peut-être le transport scolaire. Or donc, des personnes qui ont une expertise dans le domaine pédagogique, psychopédagogique, le décrochage scolaire, tous des enjeux à partir desquels... santé mentale, même, qu'on a abordée dans le domaine de l'éducation. Mais, encore une fois, il ne faudrait pas dire : Ça prend un représentant en santé mentale. C'est une erreur qu'on a faite en éducation. On dirait : En général, ça prend des gens qui auraient à peu près ce profil-là, mais il ne faut pas attacher une personne, dire : Toi, tu représentes les handicapés, là. Non, non, la personne a un jugement, une intelligence, elle n'est pas juste spécialiste des handicapés.

Donc, un profil d'expertise, de compétence que l'on établit et, à partir de ça... Le premier conseil, c'est le ministre qui le désignerait, après un premier appel à tous, comme l'a fait le ministre de l'Éducation l'an passé. Et puis, après ça, il y aurait un comité de gouvernance qui s'assurerait d'aller chercher dans la communauté, en consultant les organismes responsables, de l'expertise. Il faut faire confiance aux citoyens, mais en disant, là : Si vous acceptez de siéger sur un conseil, vous allez faire les efforts par la formation. Ça va être obligatoire, la formation, comme les échevins maintenant, ils doivent suivre un cours. Il faut arrêter d'envoyer des gens, sur des conseils, qui ne savent pas c'est quoi, la gouvernance. Il faut assurer par trois, quatre jours de formation... pour dire aux gens : Regardez, là, vous allez... C'est ça, votre rôle, comme conseiller scolaire. Vous avez du pouvoir, on vous a donné un pouvoir, vous savez qu'est-ce que vous décidez. Maintenant, on va vous aider, vous équiper à prendre de bonnes décisions.

La Présidente (Mme Rotiroti) : M. le ministre.

M. Proulx : Est-ce que, dans le cadre de votre réflexion, vous avez pris en compte l'aspect constitutionnel de tout ça?

M. Nadeau (Michel) : Évidemment, la question des commissions scolaires anglophones nous préoccupe beaucoup. C'est pour ça que nous, on s'était dit que l'élimination complète du suffrage universel ne serait pas une bonne solution. Puis, encore une fois, la formule, on a beaucoup travaillé avec Mme Courchesne, il y a quelques années, sur cette question de participation via le processus. Mais, encore une fois, pourquoi aller voter sur quelque chose qui finalement ne décide de rien? C'est quoi, les enjeux? Mon conseil scolaire, il décide de quoi? Pourquoi j'irais perdre mon temps un beau dimanche après-midi à aller à votre scrutin? Si, évidemment, je vote pour le municipal en même temps, bien là, je vais peut-être y aller.

Mais, là où moi, je pense qu'en 2016 le monde virtuel... Le monde est virtuel et global, et ça, c'est une nouvelle réalité. Comme disait M. Gérin-Lajoie, il ne faut pas s'isoler, le Québec est mondial et virtuel maintenant. Il faut que ça se passe en électronique, il faut que le vote électronique devienne de plus en plus important, et je pense que le système scolaire pourrait être innovateur. En Colombie-Britannique, on a fait des tests là-dessus, et ça fonctionne très bien. Donc, je pense qu'il faut... et certains États américains également. Il faut innover de ce côté-là pour assurer une bonne participation pour au moins ces quatre conseillers scolaires désignés par le suffrage universel.

M. Proulx : Dans votre mémoire, vous parlez de la légitimité, de la crédibilité, de l'indépendance des administrateurs, je mets tout ça ensemble. Selon vous, est-ce qu'il y a moyen de concilier ces trois caractéristiques-là dans une instance scolaire, dans le cadre du projet de loi n° 86?

M. Nadeau (Michel) : Oui, c'est possible. Je pense que... Évidemment, on peut dire... Vous allez me demander c'est quoi, la motivation, pourquoi moi, j'irais sur un conseil scolaire. Évidemment, mon petit génie va à l'école, alors là, évidemment, je vais aller sur le conseil d'établissement puis, s'il y a un professeur qui ose hausser le timbre de voix devant ma petite fille, ma fille de neuf ans, ou un autre, là, je vais lui faire la job, là, hein, je vais défendre ma fille. Puis évidemment, quand ma fille va passer au secondaire, bien, qu'elle se débrouille, ou au cégep, je lâche... C'est de la gouvernance à court terme, c'est de la gouvernance intéressée.

Or donc, évidemment, je simplifie, là, mais je crois qu'il est important... il est possible... Il y a une bonne volonté, on le voit dans les caisses populaires, on le voit dans des instances décisionnelles au Québec, il y a une bonne volonté d'avoir des gens qui sont prêts à prendre de la place, mais à la condition qu'on leur donne des pouvoirs. On va attirer des gens d'affaires, on va attirer des retraités, on va attirer des professeurs en exercice ou à la retraite à la condition de leur dire : Vous allez décider de ceci puis vous allez être dans une équipe de gens compétents, légitimes et intéressants.

Mais là, si vous êtes là, puis c'est d'une platitude, d'un ennui, le D.G. a toute l'information puis la joue serré, les commissaires ne font que du «rubber-stamping», que d'approuver des décisions extrêmement secondaires, bien là, pourquoi j'irais perdre mon temps? Moi, j'aime mieux aller dans un... Nous, la gouvernance, c'est notre pain et beurre, les gens vont là où ils décident de quelque chose. Mais, si vous êtes... si vous avez, comme le projet de loi l'annonce, un conseil scolaire où vous n'avez rien à décider, bien, surprenez-vous pas que vous n'aurez pas de gens indépendants, légitimes et crédibles, vous allez avoir des gens qui veulent occuper leur soirée à quelque chose, point. Souvent, ce qu'on vous demande : Vérifiez si les normes scolaires décidées par le ministère sont bien respectées, vous êtes les agents de surveillance des décisions du ministère, puis là, si vous voyez qu'il y a des dépassements, vous levez le drapeau.

M. Proulx : Est-ce que, selon vous... J'ai deux questions, il ne reste que quelques minutes, la première, c'est : Est-ce que, selon vous, la gouvernance actuelle répond à vos souhaits?

• (12 h 50) •

M. Nadeau (Michel) : Non, pas du tout, je pense qu'elle doit être bonifiée. La gouvernance actuelle doit être remaniée parce qu'encore une fois elle met toute la grande place... il n'y a pas de membre coopté. Nous croyons beaucoup à la cooptation, que des gens du conseil vont aller chercher dans leur communauté, s'ils ont un profil d'expertise... il va aller chercher les gens capables. Mais là on s'en remet uniquement au suffrage universel, puis qui donne des résultats, de bons résultats dans certains cas, il y a des commissaires que je respecte et avec beaucoup d'admiration, mais, dans beaucoup de cas, je vais vous dire, je suis très déçu. Si j'avais une organisation avec 250 millions de dollars puis 900 employés, je ne suis pas certain que je choisirais ces personnes-là pour aller au conseil d'administration et préciser le projet éducatif, de voir l'avenir avec ces personnes-là, qui ont été élues très souvent par acclamation à travers un processus électoral anémique, disons.

M. Proulx : Vous avez dit tout à l'heure... ce sera très court, puis vous avez dit tout à l'heure : Il n'y a jamais eu de réelle décentralisation. Pour vous, la décentralisation efficace, celle qui pourrait fonctionner en matière d'organisation scolaire, c'est quoi?

M. Nadeau (Michel) : La décentralisation efficace, c'est ce qu'on appelle le gouvernement stratégique. Vous, vous dites : Je suis ministre de l'Éducation et, vous, la commission scolaire des Samares ou Marie-Victorin, je vous donne un objectif : vous avez... par rapport à votre taux historique de décrochage scolaire, vous devez augmenter de 3 % le succès. Vous avez certains indicateurs. Maintenant, gérez ça. Gérez vos budgets. Occupez-vous de vos budgets. Évidemment, vous ne pourrez pas payer n'importe comment, là, il y a des conventions collectives à l'échelle du Québec, mais on va vous donner la marge de manoeuvre. Mais moi, je suis le ministre. J'ai le respect populaire. J'ai eu l'assentiment démocratique de la population du Québec. Je dois m'assurer qu'il y a une évolution de l'ensemble des 72 ou autres commissions scolaires. Donc, je vous donne tel mandat. Livrez la marchandise. Sinon, bien, votre budget, là, je me souviens.

Alors donc, c'est ça, la gouvernance stratégique. C'est : vous êtes un donneur d'ordre, de mandat, vous dites : Vous avez à améliorer la performance. Mais vous devez donner des moyens. Là, évidemment, vos fonctionnaires vont dire : Aïe! M. le ministre, nous, on aime ça intervenir dans les moyens. On a du fun là-dedans. Là, c'est là qu'est le courage du ministre, dire à ses fonctionnaires : Vous allez laisser ces gens-là décider. On va peut-être avoir des retombées à l'Assemblée nationale de temps en temps, parce qu'il y a un groupe de gnochons qui auront fait quelque chose de pas correct quelque part, mais il faut vivre avec ça. Vous connaissez très bien, M. le ministre, la vie politique.

M. Proulx : On comprend ça. Merci.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci beaucoup, M. Nadeau. Alors, on va passer du côté de l'opposition officielle, et je cède la parole à M. le député de Lac-Saint-Jean pour huit minutes.

M. Cloutier : Merci, Mme la Présidente. Alors, merci pour votre présentation. Ça pourrait alimenter notre période de questions par contre si ces gnochons-là prenaient de mauvaises décisions. Est-ce que vous pensez que le conseil scolaire, dans l'état actuel des choses, a suffisamment de pouvoirs?

M. Nadeau (Michel) : Bien, je vous demanderais : Dites-moi donc... Je parle souvent avec des D.G. et puis, les D.G., je leur dis : Le conseil, il décide quoi chez vous? Puis là j'ai un grand sourire. Et on travaille... M. Thibeault, le directeur général de l'Association des directeurs généraux, c'est un homme extraordinaire, mais là... Puis évidemment, eux autres, là, je ne voudrais pas faire de jeu de mots sur le pot de biscuits, mais c'est évident qu'ils vont, après que... Le comité des ressources, évidemment, ils vont avoir du plaisir, ces gens-là. C'est eux qui vont... Ce qu'ils devaient endurer, les commissaires d'école puis le partage, là... C'étaient des élus qui avaient reçu une certaine sanction démocratique qui décidaient : La bibliothèque, elle va être là, là tel établissement. Là, c'est entre eux : Toi, tu feras la bibliothèque, moi, je prends les services psychopédagogiques. Alors donc, ils vont se partager la petite marge de manoeuvre qu'avaient les commissaires.

M. Cloutier : Mais ma question était sur le modèle actuel, qui existe présentement. Est-ce que vous avez l'impression que le conseil scolaire, tel qu'il existe, et non pas tel qu'il est proposé...

M. Nadeau (Michel) : Bien, les commissions... Le conseil scolaire, moi, je pense qu'on devrait renforcer la qualité des commissaires à travers un processus de cooptation, un processus de... une place plus grande des parents. Je pense que le conseil scolaire pourrait être renforcé par beaucoup de formation et, deuxièmement, par préciser le mandat. La loi ne dit pas il sert à quoi. Allez voir l'article 202 à 227. J'ai essayé, moi, de voir ça veut dire quoi, de gérer efficacement. «La commission scolaire a pour mission d'organiser, au bénéfice des personnes relevant[...], les services éducatifs prévus par la présente loi et [...] les régimes pédagogiques [prévus] par le gouvernement.» Donc, le gouvernement prévoit tout. Vous appliquez les normes. À 43 occasions, dans les pouvoirs, entre 207 et 235, vous appliquez les normes du gouvernement. Alors, dites-moi, il décide de quoi, le conseil scolaire?

M. Cloutier : Et vous être en train de dire que, pour attirer les gens de qualité, il faudrait aussi donner davantage de pouvoirs au...

M. Nadeau (Michel) : Bien oui. C'est le domaine... comme dans le domaine de la santé, dans les domaines... Il faut que les gens décident quelque chose. Dans une caisse populaire, bien, tu décides peut-être des problèmes de crédit, de membership, l'utilisation de la ristourne, là. Tu as un petit peu de satisfaction de dire : Telle subvention, on la donne à ci, telle subvention, on la donne à ça. Vous siégez sur des comités, vous avez vu une expérience où vous avez décidé de quelque chose. Puis ça, évidemment, les gens vous font la cour pour décider du bon bord. Mais ça, je pense qu'il faudrait que... La commission scolaire décide de pas grand-chose actuellement, puis, avec le projet de loi n° 86, elle ne décidera de rien.

M. Cloutier : O.K. On entend bien ce que vous dites. Vous avez fait souvent référence au modèle de la santé puis vous dites : L'important, c'est que les gens soient aussi indépendants. Mais, dans le modèle de la santé, c'est exactement l'inverse : tout est décidé par le bureau du ministre. Il ne me semble pas que c'est un exemple à suivre.

M. Nadeau (Michel) : Bien là, vous avez le modèle sur papier et le modèle de la pratique. C'est évident qu'à l'origine du projet de loi n° 10 il y avait une volonté de la gouvernance stratégique. Nous avons travaillé avec le Dr Barrette à plusieurs... cette notion de dire : Je définis les priorités, et vous autres, vous, les CISSS et les CIUSSS, vous allez décider de quelque chose, notamment le P.D.G. Or donc, c'est important d'avoir l'autorité sur le P.D.G..

Bon, bien là, évidemment, je dis : Il y a une période de mise en place. Je ne dirais pas que les démons sont revenus habiter le Dr Barrette et l'ont contaminé, mais il devra faire attention pour qu'à un moment il délègue, parce qu'autrement les... Nous, on s'est battus, on a fait des gros efforts pour désigner des gens sur les conseils d'administration des CISSS et des CIUSSS, mais là ces gens-là disent : Le P.D.G. nous dit qu'il relève du ministre maintenant. Bien là, si toi, tu ne peux pas congédier... Tu es chef d'une entreprise, chef d'une caisse, chef d'un OBNL, ta première volonté, c'est dire : Le P.D.G., là, si tu veux renouveler ton mandat, là, il faut que tu fasses les affaires comme il faut. Mais là, si tu n'as pas d'autorité sur ton P.D.G... Puis c'est la même chose, on décide de quoi?

La démocratie citoyenne, c'est important. Les pays scandinaves, ceux qui marchent bien, c'est ceux qui ont décentralisé. Puis ça, nous, on invoque toujours le modèle scandinave parce que la décision est faite... prise à la base. Tu contrôles des coûts quand tu es proche du terrain, mais, quand tu es dans un grand immeuble sur le chemin Sainte-Foy, tu ne décides pas de grand-chose.

M. Cloutier : On est d'accord. Dans le modèle que vous nous proposez, vous dites qu'on devrait créer une espèce de groupe d'experts pour l'identification des bonnes personnes pour siéger. Comment vous voyez ça, cette création-là de groupe...

M. Nadeau (Michel) : Bien, ce n'est pas de la chimie nucléaire, mais c'est de voir dans un... au début, pour lancer la nouvelle approche, là, dire : Bon, bien là, les conseils scolaires devraient avoir des expertises dans tel, tel, tel domaine. On va aller chercher des gens en finances, comptabilité, les budgets, là, quelqu'un en gestion de crise, là, pour voir s'il y a une crise à un moment donné dans un établissement. Or donc, vous avez un profil d'expertise souhaitable. Le droit, ça prend un avocat, comme partout ailleurs, et puis finances, et tout. Et là vous déterminez les champs d'expertise. Après ça, chaque commission scolaire va adapter selon ses besoins. Supposons qu'on dit : On veut construire deux, trois écoles dans notre conseil scolaire, bien là, faire venir un architecte ou un ingénieur pour sept, huit ans, bien, ça ne sera pas mauvais pour surveiller la construction et les travaux. Évidemment, il y a beaucoup qui relève du ministère, mais au moins le conseil scolaire aurait quelqu'un qui connaît ça, la construction d'immeuble et d'établissement scolaire au niveau local.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Une minute, M. le député.

M. Cloutier : Peut-être juste une dernière question sur l'indépendance. Vous avez dit : Il y a des groupes qui sont venus nous rencontrer pour avoir une place au sein du conseil scolaire en disant que pas juste les enseignants devraient être représentés, mais les directions d'établissement également. Il y a le personnel de soutien également qui a fait la même demande. Vous en pensez quoi, de ça?

M. Nadeau (Michel) : Nous, on est contre. On est contre. On pense que, les directeurs d'établissement, il y a beaucoup d'établissements... Il y a un D.G. au conseil scolaire. Lui, il sait ce qui se passe dans les établissements. Là, vous avez le D.G. qui va dire : Il n'y a pas de problème dans les établissements, puis là les deux D.G. d'établissement vont dire : Ah! non, non, il y a des gros problèmes. Le conseil écoute qui? Il croit qui? Non, il faut que les D.G. d'établissement... Puis évidemment ils sont en conflit d'intérêts. Si on décide de construire une bibliothèque, je veux que... c'est dans mon établissement, c'est normal, c'est dans mon établissement, puis ne fermez pas ça parce que, quand vous allez passer vos dossiers, je vais m'en souvenir. Or donc, dans ce contexte-là, les D.G. d'établissement, à notre avis, n'ont pas leur place.

Et c'est la même chose pour le personnel. Je pense que... Je ne vois pas pourquoi les employés, professionnels ou enseignants participeraient. On le voit, les problèmes que ça crée dans les cégeps. On travaille beaucoup avec les cégeps. Et là un étudiant dit : Bon, bien là, moi, je trouve que 80 000 $ pour notre directeur de mon école, c'est bien trop. Alors là, un instant...

• (13 heures) •

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci. Merci, Nadeau. On va passer du côté du deuxième groupe de l'opposition, et vous avez cinq minutes, M. le député de Chambly.

M. Roberge : Merci, Mme la Présidente. Merci pour votre présentation très imagée. Petite question pour vous. Vous êtes très dur sur le modèle actuel, donc on comprend que ça prend du changement, si je suis votre ligne de pensée, mais vous êtes aussi très dur sur le projet de loi n° 86. C'est comme si on remplaçait un néon brûlé par une lumière DEL brûlée : on n'avance pas, il ne fait pas plus clair. Je vais vous poser la question différemment, juste... après ça, on bâtira nos conseils d'administration. Le modèle actuel est-il, d'après vous, trop décentralisé aux écoles, trop centralisé aux commissions scolaires, au niveau du ministre? La masse critique de pouvoir actuel, est-ce qu'elle est à la bonne place en ce moment, avant l'adoption du projet de loi?

M. Nadeau (Michel) : Non, elle est à 90 % dans les bureaux du ministère, chez les fonctionnaires, 10 % au niveau des établissements, puis la commission scolaire, 1 % ou 2 %, là, mais je le verrais comme ça. Moi, c'est le ministère, ce sont les fonctionnaires qui décident d'à peu près tout.

M. Roberge : O.K. Et, en ce moment, vous dites 90 %-10 % puis à peu près rien, et votre... Si on reprend le même langage, ce serait quoi, votre répartition en pourcentage, là, ayant le ministère, la commission scolaire ou l'école?

M. Nadeau (Michel) : Bien, je pense que les établissements devraient décider de certaines choses parce qu'ils sont proches des besoins des élèves. Et puis la relation entre enseignants et parents est très importante.

Donc, il y a des choix budgétaires. Là, c'est ridicule, les budgets des conseils d'établissement, c'est quelques centaines, quelques milliers de dollars, des fois. Alors, je pense que les parents... le conseil d'établissement devrait avoir un peu plus de pouvoirs, mais surtout la commission scolaire, c'est-à-dire de moduler. Je pense que, dans certaines régions du Québec ou dans les communautés anglophones, il y a des réalités qui sont différentes et que ce n'est pas aux fonctionnaires de Québec de déterminer les choix pédagogiques, les choix qu'on doit faire au niveau local. On devrait avoir... Au moins 25 % des décisions devraient être le choix d'ouvrir certains services. Évidemment, supposons qu'on voudrait établir une école et puis qu'à cinq kilomètres, dans la commission scolaire voisine, il y a la même école, bien là, il faudrait qu'il y ait quelqu'un qui mette ses culottes puis qui dise... Ce qu'on n'a pas fait dans le cas des universités où on a je ne sais pas combien de facultés de musique, là, parce que le gouvernement n'a pas dit : Aïe! Les écoles de musique, il y en a assez, là.

Donc, ça, je pense que le gouvernement devrait se garder un droit d'intervention pour des choix budgétaires. Mais le conseil scolaire doit avoir une priorité, doit avoir le sentiment de... Bon, les journées pédagogiques, est-ce qu'on offre du transport scolaire? Moi, comme parent, je dis : Aïe! Les journées pédagogiques, je veux que l'autobus vienne chercher mon enfant. Mais, comme contribuable, bien là, je dis : Les parents qui envoient leur enfant à l'école les jours de régime pédagogique, qu'ils aillent donc le reconduire, là, on va sauver ça un peu. Alors donc, il y a des choix à faire.

M. Roberge : O.K. Donc, évidemment, ça prend une gouvernance régionale. Vous ne remettez pas ce palier-là en question, je suis bien d'accord avec ça. Mais donc, dans le fond, le pouvoir, là, si on veut faire ça, vous en enlèveriez au troisième étage, là, dans le ministère, pour en envoyer davantage à l'école, les écoles plus autonomes, et au palier régional. C'est ce que je comprends.

M. Nadeau (Michel) : C'est ça, au palier local, des établissements.

M. Roberge : Local et régional. Parce qu'en ce moment, dans les conseils d'établissement, vous dites : Dans le fond, c'est un peu des hobbys, là, c'est : à la place de faire de l'origami, on va aller siéger sur le conseil d'établissement.

M. Nadeau (Michel) : Oui, oui.

M. Roberge : Il faut renforcer la prise de décision.

M. Nadeau (Michel) : Oui. Les conseils d'établissement, évidemment les parents sont là, les enseignants sont là, puis on discute beaucoup de questions touchant les enfants. Mais je pense qu'encore une fois je crois à l'intelligence et au bon jugement des parents et des enseignants, et je pense qu'ils devraient être capables de gérer de petits budgets concernant les activités parascolaires, concernant les besoins de l'établissement, et ça, je crois que le conseil d'établissement devrait avoir un peu plus de pouvoirs.

M. Roberge : ...c'est que beaucoup de gens...

La Présidente (Mme Rotiroti) : Quelques secondes, M. le député.

M. Roberge : ...voient le profil des gens qui sont actuellement sur le conseil d'établissement puis ils disent : On ne peut pas donner plus de pouvoirs aux écoles parce que les gens actuels ne pourraient pas prendre plus de décisions. Alors, ce que vous dites, c'est que, si on change le mandat, on va changer le profil des gens qui s'impliquent.

M. Nadeau (Michel) : Oui, on va changer le profil des gens qui s'impliquent parce qu'ils auront des décisions à prendre. Mais encore une fois j'insiste sur la formation. Si j'avais un message à laisser ce matin, là, si on veut avoir une gouvernance efficace... Les Québécois sont de bonne foi. Ça fait 50 ans qu'on se bat pour gérer nos institutions, mais là il faut apprendre maintenant comment tu es le boss du boss. La gouvernance, c'est la supervision de la gestion. On a eu des M.B.A., on a eu des... on a bâti des sociétés d'État au Québec, mais là, maintenant, nos gestionnaires sont-u bons? C'est ça qu'il faut décider. C'est ça, la gouvernance. C'est ça, le rôle d'un conseil d'administration. C'est d'orienter les gestionnaires et de lui dire : Avance, puis, si tu ne fais pas la job, out, puis, si tu fais la job, bravo, des fleurs puis du chocolat.

La Présidente (Mme Rotiroti) : Merci, M. Nadeau. Alors, merci beaucoup pour votre présence ce matin.

Et je suspends les travaux... j'ajourne les travaux à mardi 22 mars, à 9 h 45, où la commission poursuivra son mandat. Merci.

(Fin de la séance à 13 h 6)

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