(Neuf heures quarante-six minutes)
La Présidente (Mme Thériault) : À
l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la séance
de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de poursuivre les
auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du
Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des remplacements?
La Secrétaire : Oui, Mme la
Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent), par M. Barrette (La Pinière);
Mme St-Pierre (Acadie), par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee);
Mme Dorion (Taschereau), par Mme Ghazal (Mercier); et Mme Hivon
(Joliette), par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
Auditions (suite)
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Chambre des notaires
du Québec, suivie par la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et le Syndicat
de la fonction publique et parapublique du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue
aux représentants de la Chambre des notaires. Je vous rappelle que vous avez
10 minutes pour votre exposé. Par la suite, nous procéderons à la période
d'échange, tout d'abord, avec le ministre et, par la suite, avec les députés
des oppositions. Donc, Mme Potvin, je vous cède la parole et présentez-nous la
personne qui vous accompagne.
Chambre des notaires du Québec (CNQ)
Mme Potvin
(Hélène) : Parfait. Alors, merci beaucoup. Bonjour à tous. Alors donc,
je vous présente Me Michel Vermette, qui est notaire émérite, et qui a
agi comme expert dans ce dossier, et a participé à la rédaction du mémoire, et
moi-même, Hélène Potvin, donc je suis notaire et présidente de la Chambre des
notaires du Québec.
Alors, Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes,
MM. les députés, au nom de la Chambre des notaires du Québec, je vous remercie
d'avoir invité notre ordre professionnel à participer aux consultations
particulières portant sur le projet de loi n° 96. La chambre estime qu'en
déposant le projet de loi n° 96 le ministre de la Justice et de la Langue
française prend les moyens nécessaires pour freiner le déclin de la langue
française au Québec, situation qui a été évoquée plus tôt dans le cadre des
présentes consultations particulières. En conséquence, la chambre appuie, de
façon générale, cette pièce législative importante pour l'avenir du français au
Québec.
Les notaires participent à l'évolution de la
société québécoise depuis plus de quatre siècles. La Chambre des notaires a donc toujours défendu le caractère
distinct et l'identité nationale du Québec. La langue française constituant
la pierre d'assise de cette identité nationale, il va sans dire que la chambre
a souvent pris position pour une plus grande protection et valorisation du
français, notamment lors des travaux sur le projet de loi n° 14 en 2013.
Nos recommandations et nos observations
porteront principalement sur deux volets : le droit professionnel et le
droit des contrats. Ces dernières sont émises, je tiens à le préciser, dans
l'objectif d'atteindre un équilibre entre la protection du français et la
sauvegarde des droits individuels qui s'exercent à travers notre système de
justice, notamment dans la pratique quotidienne des notaires.
Afin d'atteindre ces objectifs de protection et
de valorisation du français, le projet de loi n° 96 comporte plusieurs
dispositions ayant un impact considérable sur le droit professionnel. Ainsi, la
chambre voit d'un bon oeil ces dispositions qui, globalement, visent à améliorer
les compétences en français des professionnels en donnant les outils
nécessaires aux instances des ordres pour y parvenir. On pense, par exemple, à
la possibilité d'imposer des stages et des cours de perfectionnement aux
membres n'ayant pas une connaissance suffisante du français pour l'exercice de
leurs fonctions.
La nouvelle marge de manoeuvre qu'offre le
projet de loi aux ordres professionnels trouve particulièrement écho au sein de
la pratique notariale. En effet, en raison de son statut d'officier public et
parce qu'il est délégataire d'une parcelle des pouvoirs de l'État, le notaire
exerce une charge publique. Dans l'exercice de ses fonctions, il va sans dire
qu'une très grande connaissance de la langue officielle du Québec est
nécessaire, notamment dans la rédaction d'actes authentiques et afin de bien
informer les parties de leurs droits et leurs obligations pour qu'elles
puissent donner un consentement éclairé.
• (9 h 50) •
La chambre accueille très positivement la
modification de l'article 35 de la charte, qui permettra désormais à notre ordre professionnel de faire la preuve qu'un
candidat à l'exercice de la profession ne détient pas les connaissances suffisantes de la langue française pour
exercer le notariat. La modification proposée par le projet de loi constitue
une avancée importante dans ce domaine, et la Chambre des notaires s'en
réjouit.
Par ailleurs, et considérant l'importance du
français dans l'exercice de la profession notariale et le fait que les notaires
assument une charge publique, la chambre aimerait obtenir la discrétion
nécessaire pour établir ses propres critères et modalités de vérification, tout
comme c'est déjà le cas pour les organismes de l'administration. De cette
façon, l'ordre, en collaboration avec l'Office des professions du Québec,
l'Office québécois de la langue française et le commissaire aux admissions,
pourrait véritablement s'assurer de la bonne maîtrise de la langue française
par ses membres.
La chambre soutient qu'une grande maîtrise du
français est indispensable à l'exercice de la profession de notaire. Toutefois,
la chambre se questionne si le fait de ne pas maintenir une connaissance
suffisante de la langue officielle par un professionnel devrait être considéré
comme étant un acte dérogatoire à la dignité de la profession.
En effet, bien qu'elle comprenne l'objectif visé
par cet article, la chambre croit que le moyen de l'atteindre passe plutôt par
des mesures d'accompagnement qui auraient l'effet concret d'améliorer la
maîtrise du français par le professionnel plutôt que par des mesures
coercitives et punitives qui, selon nous, n'atteindraient pas les résultats
escomptés.
Le p.l. n° 96 vient aussi modifier l'article 32
de la charte afin d'obliger les ordres professionnels à utiliser uniquement le
français dans leurs communications orales et écrites aux membres. Pour votre information,
la chambre remplit déjà cette exigence en communiquant exclusivement en
français dans les documents d'information destinés à nos membres. Le
législateur a délégué aux ordres professionnels des pouvoirs de limiter
l'exercice ou d'imposer des mesures envers leurs membres pour la protection du
public. Lorsqu'une instance de l'ordre agit dans ce cadre, la décision rendue
doit pouvoir encore être rédigée en anglais, si nécessaire, si le membre est
plus à l'aise dans cette langue. En effet, le professionnel doit être en mesure
de bien comprendre les motifs de la décision rendue. Il en va ici du respect,
de principes de justice naturelle, un des fondements de notre système
juridique. Il serait donc important que les modifications projetées à l'article 32
de la charte ne soient pas interprétées comme limitant les principes de justice
naturelle.
Enfin, et
pour clore nos commentaires sur le droit professionnel, la chambre
rappelle le caractère fondamental du secret professionnel du notaire et
tient à s'assurer que le p.l. n° 96 ne viendra en aucun temps le
compromettre.
La seconde partie de notre mémoire porte sur
l'impact qu'auront les dispositions du p.l. n° 96 sur le droit des contrats au Québec. Ainsi, la chambre a
analysé le projet de loi sous la loupe des notaires praticiens afin de
déterminer de quelle façon il modifiera les pratiques en cours. Ce
faisant, nous avons constaté que certains articles du projet de loi allaient nécessairement
se buter à des réalités juridiques s'ils demeurent inchangés.
La chambre estime que sa recommandation la plus importante
à ce sujet concerne la publicité des droits. En effet, les notaires doivent
quotidiennement publier des droits au Registre foncier, le plus souvent, dans
le cadre de transactions immobilières.
Or, le p.l. n° 96 vient modifier le
droit actuel en mentionnant que les réquisitions d'inscription, ce qui est
publié au registre, doivent être rédigées exclusivement en français. De plus,
ces réquisitions doivent être présentées, accompagnées
de documents qui, s'ils sont rédigés dans une langue autre que le français,
doivent en plus être accompagnés d'une traduction vidimée au Québec.
La mise en oeuvre de ces modifications
entraînera inévitablement des impacts majeurs, non seulement dans la pratique des notaires, mais aussi pour leurs
clients, et même pour le bon déroulement des transactions immobilières,
partout au Québec.
Pour bien comprendre les problématiques
anticipées, prenons l'exemple d'une vente d'immeuble. Cette vente doit être
inscrite au Registre foncier pour que les droits qu'elle contient produisent
tous ces effets, notamment pour être opposables aux tiers, c'est-à-dire faire
en sorte que personne ne puisse venir contester le type de propriété de l'acheteur. La publication d'une vente
immobilière est donc une étape capitale dans le cheminement d'une transaction
immobilière au Québec.
Or, le projet de loi vient mentionner que la
réquisition d'inscription d'un droit immobilier doit être rédigée exclusivement
en français. Cette situation entraîne des problèmes importants. Tout d'abord,
l'acte de vente qui est rédigé en anglais ne pourra être publié tel quel au Registre
foncier. Le notaire devra rédiger en plus un sommaire en français de l'acte et
l'accompagner d'une copie et d'une traduction en français. Par conséquent, il y
aurait dépôt de trois documents au lieu d'un
seul, comme c'est le cas aujourd'hui. Cela entraînera inévitablement des coûts supplémentaires pour les parties pour la préparation du sommaire par le
notaire, ainsi que pour la traduction de l'acte.
Un autre problème est la traduction vidimée de
l'acte notarié devant être déposée au Registre foncier. Cette traduction ne pourra pas être équivalente à une
copie conforme de l'acte authentique, laquelle doit être une reproduction
fidèle du contenu de l'acte et ne peut être
délivrée que par le notaire. Sa valeur ne pouvant être authentique, la personne
qui consulterait cette traduction au Registre foncier ne pourrait prétendre
consulter une copie conforme à l'original.
L'autre problème concerne les délais de
publication. Actuellement, le délai pour la transmission de l'acte au Registre
foncier est très rapide, souvent dans les heures suivant la clôture de l'acte.
Avec les changements proposés, les délais pour la traduction de l'acte et la
préparation du sommaire s'ajouteront, créant ainsi une augmentation
substantielle du délai pour le dépôt à la publication. Ces délais ont des
conséquences importantes.
Tout d'abord, le notaire doit attendre que
l'acte soit publié pour remettre l'argent au client. Donc, le vendeur devra peut-être
attendre plusieurs jours pour obtenir l'argent de la vente de sa maison.
Sachant que le vendeur utilise souvent l'argent du prix de vente de sa maison
pour financer l'achat d'une autre résidence, les délais en question retarderont
en cascade les transactions immobilières subséquentes.
Considérant
les conséquences importantes de ces modifications, la chambre recommande donc
au législateur de retirer les articles 124, 125, 126 et 196 du projet de
loi et de ne pas intervenir en matière de publicité des droits.
En terminant, la
chambre rappelle qu'elle demeure disponible afin de travailler étroitement avec
l'ensemble des parties prenantes dans ce dossier et soyez assuré, M. le
ministre, de notre entière collaboration pour la suite des travaux entourant le
projet de loi n° 96. Alors, je vous remercie de votre attention.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, Me Potvin. Donc, vous avez
pris une trentaine de secondes supplémentaires qui seront retranchées,
offertes gracieusement par le ministre. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Je souhaite vous souhaiter une bonne semaine,
Mme la Présidente, qui sera chargée. Me Potvin, Me Vermette,
bonjour. Merci de votre présence en commission parlementaire.
Vous l'avez dit
d'entrée de jeu et vous le dites dans votre mémoire, la Chambre des notaires et
les notaires, depuis 400 ans, au
Québec, en Amérique du Nord, ce sont des gens qui, continuellement, ont tenu la
présence du français dans les documents officiels, hein? On se souvient,
au fil des années, qui était présent, qui est resté sur le territoire québécois
suite à la guerre de la Conquête, notamment les notaires. Et c'est ce qui a
permis d'assurer, notamment, une histoire, un historique à la nation
québécoise.
Cette identité
particulière là, vous en faites mention, vous dites : Nous sommes pour le
caractère distinct du Québec, et notamment,
ce caractère distinct du Québec passe par la langue française. Vous faites
référence également, dans votre mémoire, à votre déception suite à
l'accord du lac Meech, la non-ratification. Et vous dites : La chambre a
toujours pris une position qui se dit nationaliste pour faire en sorte de
défendre la langue française. Et donc, vous comprenez
toute l'importance de protéger la langue publique, la langue commune, la langue
officielle du Québec, à la fois dans ce que constitue le Québec au sein,
notamment, de la fédération canadienne, mais aussi au sein des documents
officiels. Donc, est-ce que je résume bien votre propos?
Mme Potvin
(Hélène) : Tout à fait. Tout à fait. La Chambre des notaires... vous
savez, les notaires font partie de la spécificité du droit civil. Donc, nous
sommes la seule province au Canada où le droit civil est présent. Alors... et les notaires font partie intégrante du
concept de droit civil. Donc, effectivement, nous avons toujours... nous
nous sommes sentis vraiment partie de cette
société distincte là et nous en faisons la promotion depuis, effectivement,
le début de la colonie.
• (10 heures) •
M.
Jolin-Barrette : O.K. Un notaire, là, si je ne me trompe pas, c'est un
officier public, hein? Puis vous avez un rôle particulier aussi, dans ce que le
notaire fait, ça a un caractère officiel aussi dans les documents que vous faites.
Donc, souvent, la publication ou les actes que vous faites sont à caractère
public et officiel. Donc, moi, je vois un petit peu un lien avec la langue
officielle du Québec. Comment vous voyez ça?
Mme Potvin
(Hélène) : Mais, écoutez, le notaire, comme vous dites, est un
officier public, donc tire ses pouvoirs de l'État en rendant authentiques les
documents, donc ayant... ce qui permet d'avoir une valeur aussi forte qu'un
document qui émane du gouvernement. Alors, pour nous, c'est important,
effectivement, que le notaire puisse encore mieux maîtriser la langue française
pour jouer son rôle, jouer encore mieux son rôle d'officier public et vraiment
de protéger et de valoriser la langue française.
M.
Jolin-Barrette : Donc, dans certains cas, un document authentique fait
par le notaire, c'est l'équivalent d'un document de l'État. Ça a le même
caractère exécutoire et fondamental?
Mme Potvin
(Hélène) : Tout à fait.
M.
Jolin-Barrette : O.K. J'aimerais ça qu'on aborde la question de
l'article 35 du projet de loi relativement aux ordres professionnels. Et
actuellement, la façon dont la Charte de la langue française était effectuée,
il y avait une présomption irréfragable de la connaissance du français pour les
membres, avec certains critères.
Bon, qu'est-ce que ça
signifie, une «présomption irréfragable»? Pour les non-initiés, c'est une
présomption qui ne peut pas être repoussée.
Donc, autant dire que le ciel est bleu puis l'enfer est rouge, si on résume ça
comme ça.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : C'est une blague, c'est une blague.
Une voix :
...
M.
Jolin-Barrette : Pas tant que ça, là, mais je vous taquine. Je vous
taquine.
Une voix :
...
M. Jolin-Barrette :
Alors, Mme la Présidente, un peu de sérieux.
Des voix : Ha, ha, ha!
La
Présidente (Mme Thériault) : C'est vous qui avez déclenché ça, M. le
ministre.
M.
Jolin-Barrette : Je sais que ça fait plaisir au député de
La Pinière. Alors, ma question plus fondamentale, le fait d'enlever la
présomption irréfragable, ça va permettre aux ordres professionnels de vérifier
véritablement et de s'assurer du maintien de
la connaissance de leurs membres de pouvoir s'exprimer et de travailler en
français. Pourquoi c'est important pour la Chambre des notaires?
Mme Potvin
(Hélène) : Présentement, le texte actuel, comme vous l'avez si bien
expliqué, donc, démontrait une présomption
où, dès qu'on a un secondaire III... Donc, on a étudié en français, on a
un secondaire III, nous sommes réputés avoir la connaissance
requise de la langue française.
Donc, pour nous, les
modifications, ça va nous permettre de démontrer que ce n'est pas le cas, même
si on a ces études-là. Donc, on est capable de démontrer que ce n'est pas le
cas et on va pouvoir imposer des cours de perfectionnement, des cours
complémentaires, donc, pour améliorer la qualité du français du notaire. Donc,
ça, c'est très, très bien.
Et nous, on va plus
loin en demandant que l'on puisse établir, nous-mêmes, nos critères et les
modalités, en collaboration avec les autres instances, pour vraiment, vraiment
ajouter des compétences supplémentaires au notaire, parce que le français, pour
les notaires, c'est un instrument de travail très important. Donc, on utilise
le français pour démontrer la volonté des parties, pour l'exprimer, pour la
préciser, pour la nuancer. Donc, l'importance d'une très, très bonne
connaissance est très importante. Alors donc, nous, on voit d'un très, très bon
oeil, comme je le disais en entrée de jeu, cette modification-là, mais on
aimerait quand même avoir des outils supplémentaires pour pouvoir s'assurer que
nos membres ont une connaissance et une maîtrise importante de la langue française.
M. Jolin-Barrette : Je veux qu'on reste sur ce sujet-là, parce que, si on l'image, là,
dans le fond, les notaires, dans un premier temps, c'est des officiers
publics, mais également... et ils sont membres de l'ordre professionnel, donc
de la Chambre des notaires. Quelle est l'importance pour un professionnel, pour
un membre d'un ordre professionnel, d'être capable de communiquer avec un
client, avec un citoyen ou une citoyenne québécoise en français? Pourquoi cette
importance-là d'avoir une obligation pour les membres des ordres professionnels
d'être capables, tout au long de leur carrière, de communiquer avec le public
en français?
Mme Potvin
(Hélène) : Écoutez, le notaire vient... travaille avec, il vient expliquer,
il doit s'assurer d'avoir un consentement des parties, donc d'être bien capable
d'expliquer les droits, les obligations à ses clients. Donc, c'est vraiment fondamental
qu'il puisse s'exprimer, donc, tant à l'oral qu'à l'écrit, alors avec un français
qui lui permette vraiment de bien comprendre, de bien expliquer la situation et
de bien recevoir le consentement des parties qui sont impliquées dans ces
transactions.
M.
Jolin-Barrette : Et là, dans votre proposition de mémoire, vous
proposez d'avoir des pouvoirs supplémentaires plus loin que ce qui est prévu
dans le projet de loi n° 96. Pourquoi? Est-ce qu'au cours des années, vous avez constaté certaines situations? Pourquoi
est-ce que vous voulez qu'on renforce le projet de loi sur ce volet-là?
Mme Potvin
(Hélène) : Effectivement, nos inspecteurs nous rapportent que
certaines... qu'il existe certaines problématiques chez nos membres, donc une
qualité qui n'est pas toujours à la hauteur de ce qu'on pourrait s'attendre. Et
on a aussi... on a mis en annexe, là, certaines statistiques à notre mémoire
qui vient démontrer qu'il peut y avoir des lacunes auprès de certains membres.
Donc, c'est pour
cette raison-là qu'on aimerait avoir des outils supplémentaires pour pouvoir
hausser, si c'est nécessaire, les
compétences par rapport à d'autres ordres professionnels qui n'auraient pas les
mêmes besoins que nous.
M.
Jolin-Barrette : O.K. Vous avez abordé, tout à l'heure, en fin de
discussion, les effets du projet de loi, notamment sur les transactions
immobilières et sur l'inscription au Registre foncier.
Je vais vous donner
un cas d'exemple. Je souhaite acquérir une propriété au centre-ville de
Montréal. La propriété que je souhaite acquérir, c'est une copropriété dans une
tour à condo. L'ensemble du développement immobilier s'est fait en anglais.
J'arrive chez le notaire, le vendeur veut que la... Dans le fond, j'arrive chez
le notaire, mais la transaction, bien, le projet de contrat d'acte de vente est
en anglais, la déclaration de copropriété en anglais. Est-ce que, dans un État
de langue française comme le Québec, on ne devrait pas faire en sorte que le
citoyen puisse avoir accès à ces documents-là en français au niveau de la
déclaration de copropriété, au niveau de l'acte de vente également, sans qu'il
y ait un débalancement entre les parties? Parce que, vous savez, le marché
immobilier peut être en effervescence.
Alors, je vais vous
vendre en anglais la déclaration de copropriété, et même les citoyens peuvent
ne pas comprendre ce qui est indiqué dans la déclaration de copropriété. Et,
au-delà de ça, lorsque je consulte le Registre foncier actuellement, la
publication peut être uniquement en anglais. Et là le citoyen qui va sur un
registre de l'État, donc le Registre
foncier, constate que des documents officiels qui affirment justement la chaîne
de titre et la possession aux yeux des tiers est uniquement dans une
autre langue que la langue officielle. Vous ne trouvez pas là qu'il y a un
enjeu, pour les Québécois et Québécoises, de pouvoir comprendre, de pouvoir
connaître et de pouvoir prendre les décisions éclairées à ce niveau-là?
Mme
Potvin (Hélène) : Dans l'exemple que vous évoquez, c'est certain qu'il
ne pourra pas avoir... ça ne corrigera pas
le passé. Donc, si vous achetez aujourd'hui un immeuble dans une tour à condo,
les documents, s'ils sont déjà en
anglais, vont rester en anglais. Donc, ce que vous pourriez exiger,
effectivement, c'est la copie de votre contrat en français.
Par contre, nous, ce
qu'on travaille surtout, ce qu'on recommande surtout, c'est de ne pas toucher à
la publicité des droits, donc ne pas... parce que ça va vraiment causer des
problèmes au niveau des délais et des coûts comme je l'expliquais sommairement.
Alors, c'est certain que, pour nous, il y a peut-être d'autres façons de faire,
mais nous, on recommande vraiment, pour
l'instant, de ne pas toucher à le... aux articles, pardon, sur la publicité des
droits.
M. Jolin-Barrette : Ça, je comprends sur la mécanique, mais, sur le fond... Je veux vous entendre sur le fond. Quand
j'achète un condo à Montréal, est-ce que la déclaration de copropriété qui
devrait m'être soumise et l'acte de vente... que j'aie la possibilité de
contracter en français?
• (10 h 10) •
Mme Potvin
(Hélène) : Écoutez, je vous laisse le soin de faire... de débattre là-dessus.
Et puis nous, on... je crois que ce n'est pas notre rôle, à la Chambre des
notaires, de déterminer si tous les actes devraient être en français.
M.
Jolin-Barrette : Juste une dernière question avant de céder la parole.
Pensez-vous que ça arrive, dans certains bureaux de notaires, particulièrement
à Montréal, qu'il y a une déclaration de copropriété en anglais, un acte de vente en anglais, puis que la personne ne
comprend pas tous les tenants et aboutissants de la déclaration de copropriété
parce que la personne qui fait l'acquisition de la copropriété divise, elle ne
parle pas anglais? Pensez-vous que ça arrive, ça, des gens unilingues
francophones qui achètent un condo puis qui ne comprennent pas ce qui est écrit
dans la déclaration de copropriété?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, en théorie, le rôle du notaire est d'expliquer les
contrats, de s'assurer que la personne connaît bien les obligations, les
restrictions qui sont dans la déclaration de copropriété. Alors, j'ose croire
que la personne comprend bien ce qu'elle signe avant de signer les contrats.
M.
Jolin-Barrette : Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, il
vous reste un peu plus de trois minutes à l'échange.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Me Potvin, Me Vermette,
merci beaucoup d'être ici avec nous ce matin, merci de votre présentation.
Vous disiez
d'ailleurs, le notaire comme officier public, le notaire comme ayant une
délégation parcellaire, dans le fond, de l'État, en quelque sorte. Vous avez
utilisé ces mots-là. Vous-mêmes, à l'ordre... à la Chambre des notaires, vous
faites preuve d'exemplarité dans vos communications avec vos membres.
J'aimerais peut-être
revenir, justement, sur l'idée du Registre foncier qui est assez essentiel en
droit immobilier, là, vous en conviendrez, également la publicité des droits.
C'est quand même une portion de l'État, il y a des documents officiels qui sont
publiés là. Vous parlez de délais, de coûts supplémentaires en lien avec,
notamment, peut-être une traduction de ces éléments-là. Mais justement, dans la
foulée d'exemplarité que, justement, la Chambre des notaires se donne et a voulu se donner depuis le début de la
colonie, on en parlait, ça ne serait pas nécessairement... Ne serait-ce
pas un pas, justement, à faire également au Registre foncier, qu'il y ait la
possibilité que ce soit aussi en français, au-delà des coûts et des délais?
Mme Potvin
(Hélène) : Mais, écoutez, il faut... Nous, on a rédigé notre mémoire
sous la loupe des notaires praticiens.
Alors, effectivement, ce qu'on va constater, c'est une augmentation des coûts.
Il va y avoir nécessairement,
donc, une problématique dans les
transactions en cascades où on va devoir préparer... prendre du temps pour
préparer un sommaire de l'acte, préparer une traduction du français.
Alors
donc, comment ça va se passer dans la réalité sur le terrain? Alors, c'est sûr
qu'il y a des conséquences, il y a des conséquences économiques et il y
a des conséquences également à... Ce qu'on souhaite, c'est que tous les
citoyens soient traités également aussi. Donc, il ne faudra pas oublier que le
notaire va devoir expliquer à son client qui souhaite faire un contrat
anglophone qu'il aura des délais supplémentaires et des coûts supplémentaires.
Alors, ça peut être problématique au niveau de la mise en oeuvre, là, du projet
de loi.
M. Lévesque
(Chapleau) : Au-delà de ça, au-delà du client, il y a aussi... On peut
consulter le Registre foncier? Il est possible... La population en général peut
consulter le Registre foncier? Oui. O.K. et donc...
La Présidente (Mme
Thériault) : Je m'excuse, M. le ministre a un questionnement, M. le
député.
M.
Jolin-Barrette : Sur cette question-là... parce que vous dites,
Me Potvin, que ça va être plus compliqué puis
c'est plus complexe. Je comprends que ça va être plus complexe pour le notaire
parce qu'il va avoir plus d'actes à rédiger,
sauf que, pour le public, le fait que les actes soient en français, ça va être
pas mal plus simple de comprendre.
Est-ce que je comprends que, pour le notaire, ça
complexifie les délais, ça complexifie le travail qu'il va avoir à faire, mais,
pour le public, il va avoir accès en français, désormais, aux copies?
Mme Potvin
(Hélène) : Oui. Il va y avoir, effectivement, un délai supplémentaire,
mais effectivement les documents seront en français pour ceux qui sont plus à
l'aise en français. Mais il y a quand même des Québécois qui sont plus à l'aise
dans la langue anglaise, donc qui doivent aussi avoir accès à ces documents-là
dans leur langue si eux-mêmes sont parties à l'acte.
M.
Jolin-Barrette : Effectivement, et le projet de loi n'empêche pas que ceux-ci aient accès à des
documents en anglais dans leur langue
et qu'ils puissent signer leur copie, leur transaction, leur contrat dans leur
langue, en anglais.
Mme Potvin (Hélène) : Oui. Il ne
faut pas oublier aussi que la traduction française, donc, ne pourra pas nécessairement
être faite par le notaire. Donc, il va peut-être falloir prendre un tiers et,
si le contrat a une centaine de pages, bien, il faut quand même calculer
qu'il va y avoir des délais et des coûts.
La
Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. Donc, Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est à vous pour votre
11 min 20 s.
Mme David : Merci beaucoup. Vous
avez passé du beau ciel bleu du ministre à peut-être, je n'espère pas, l'enfer
de mes questions, et ça ne sera pas l'enfer parce que j'ai beaucoup apprécié
votre mémoire. Je l'ai trouvé fort intéressant.
J'ai, moi aussi, évidemment, appris un nouveau
mot, le mot «irréfragable» qui veut dire, dans le fond, qu'on ne peut pas
contredire, c'est irrécusable. Puis là je me demandais si ça ne revenait pas à
votre proposition d'enlever le mot «réputé», parce qu'en droit c'est un mot extrêmement
puissant, et donc «irrécusable», «irréfutable», etc., on ne peut pas contredire
par «présumer». Donc, ça me semble quelque chose de très important parce que
vous parlez beaucoup de l'importance du français. Ça peut être... En fait, non,
vous parlez de l'importance de très bien maîtriser la langue de votre client.
Dans le fond, c'est ça que vous dites, parce que ça peut être très bien
maîtrisé, la langue anglaise, si vous avez
un client anglais. D'ailleurs, je vais revenir là-dessus tout à l'heure. Mais parlons d'une majorité qui sont probablement vos clients
francophones, j'ai beaucoup aimé votre introduction sur la qualité du français.
Alors, une fois qu'on a dit ça, vous dites effectivement :
Admettons que la qualité du français n'est pas au niveau que ça devrait être
parce que vous jouez constamment avec le détail des mots dans les contrats, là,
dans... Et je n'ai pas fait souvent affaire avec un notaire, mais les quelques
fois, effectivement, il faut que vous soyez très, très pertinents. Et donc, si je
comprends bien, vous n'aimez pas le mot «réputé», il est enlevé dans la
suggestion du projet de loi, mais vous, vous mettriez «présumé», alors que le ministre
enlève complètement cette référence-là.
Alors, expliquez-moi pourquoi vous voudriez
remettre le mot «présumé», qui est moins lourd en termes de conséquences et qui
vous permet, et là je réponds à votre place, de pouvoir aller au maintien
de la langue. Parce que ce n'est pas tout, une fois... c'était ça, le projet de
loi actuel, tu es réputé un jour, tu es donc francisé toujours. C'est ça que ça
veut dire. Là, vous voulez «présumé», puis on va aller vérifier.
Alors, j'ai
deux questions, ça va aller plus vite. C'est : Pourquoi
«présumé»? Parlez-nous de ça. Et deuxièmement,
comment... Vous êtes un ordre professionnel dont la qualité du français est
très importante, la qualité de la langue, donc il n'y a rien qui est dit. J'ai
demandé à la présidente de l'OQLF, ce n'est pas encore clair, la réponse.
Comment vous allez maintenir le niveau de français, cinq ans, 10 ans,
15 ans, 25 ans, 30 ans après? Comment vous voyez ça?
Mme Potvin (Hélène) : Alors, vous
avez... Merci pour votre question. Effectivement, vous avez raison, donc, le projet de loi utilise le mot «doit».
Alors donc, juste pour souci de cohérence avec les lois qui sont en vigueur,
on suggère d'utiliser «présumé», donc, qui
effectivement, comme vous le disiez, là, constitue une preuve qui peut être
contredite. Alors donc, on va s'assurer
comme ça qu'on peut démontrer le contraire pour démontrer qu'un de nos membres
n'a pas les connaissances requises. Alors, je crois que ça, vous aviez bien,
bien résumé.
Quant à l'autre question qui était de...
Mme David : Maintenir.
Mme Potvin (Hélène) : ...maintenir,
oui, pardon. Alors donc, nos membres font l'objet d'inspections à des
fréquences régulières. Alors, nous, nos inspecteurs vont dans les bureaux de
notaires, vérifient les dossiers, vérifient les
contrats, vérifient si les règles sont respectées. Alors donc, il y aura un
volet où l'inspecteur pourra vérifier la qualité du français, donc, avec
des outils qu'il aura pour le vérifier. Et donc nous, c'est qu'on veut avoir...
donc être capables de dire, même si un notaire est notaire... est membre de
l'ordre depuis 10 ans, donc il ne maîtrise pas suffisamment le français,
et qu'on puisse maintenant l'obliger à suivre des cours de perfectionnement.
Mme David : Donc, vous êtes plus
précise que la présidente de l'OQLF. Et moi, j'ai été inspectrice de mon ordre
dans un temps ancien, et vous me confirmez que c'est l'inspecteur, qui est toujours
un membre de l'ordre, un notaire nommé inspecteur pour un an,
deux ans, trois ans, qui va avoir la compétence pour évaluer la
compétence langagière. Moi, j'aurais été bien mal prise d'évaluer la compétence
langagière de mes collègues.
Mme Potvin (Hélène) : Bien, c'est-à-dire
qu'on va développer des outils avec l'OQLF et l'Office des professions pour effectivement
avoir des outils qui seront justes, qui seront équitables et qui pourront être
expliqués facilement aux notaires. Et il y a le volet... il n'y a pas simplement
les inspecteurs aussi, il ne faut pas oublier qu'on a nos candidats à la profession, donc qui ne sont pas
avec les inspecteurs, donc qui vont faire l'objet d'autres vérifications
au départ.
Mme David : J'ai hâte de voir ça,
pour tous les ordres professionnels, de transformer les inspecteurs en
évaluateurs de langage. J'ai vraiment hâte.
• (10 h 20) •
Mme Potvin (Hélène) : Ce n'est pas
notre intention, mais il faut y avoir des outils précis.
Mme David : ...il va falloir
maintenir la compétence, que vous en fassiez la démonstration, alors ça va être
de toute beauté.
Maintenant, si la personne refuse de... le
notaire refuse de prendre un client pour cause de langue, et vous dites à quel point la langue est importante,
c'est... et ça, moi, quand je l'ai lu, j'ai trouvé ça très, très sévère l'article 35.1,
que ça devient un acte dérogatoire à la dignité de la profession.
Vous en parlez, page 26, vous dites :
«La chambre note aussi qu'un manquement au premier alinéa de
l'article 35.1 devient également un acte dérogatoire.» Est-ce qu'on sait
ce que c'est, ça, l'acte dérogatoire à la dignité de la profession? C'est la
collusion, la corruption, c'est l'abus de pouvoir, relation sexuelle avec un
patient, etc. C'est énorme. Ça ne peut pas
être plus grave comme geste. Donc, ça serait ça dont serait accusé le notaire
qui refuse de donner un service dans sa langue, dans une autre langue,
en français. Or, vous dites que la compétence en français est extrêmement importante pour le rapport avec un client. Si le notaire
est anglophone et que son client est francophone, et qu'il est inquiet,
et qu'il dit : Non, je pense que c'est trop sophistiqué, je vais te
référer à un collègue francophone, il peut être accusé d'acte dérogatoire, si
je comprends bien.
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, c'est pour ça que nous, on suggère de ne pas mettre
cette disposition-là dans cette...
Mme David :
...mais vous êtes d'accord avec ma façon de le présenter, de dire : Ça
pourrait être une accusation d'acte dérogatoire, et donc vous allez
aller vers votre syndic, puis là la machine s'enclenche à l'accusation, là.
Mme Potvin (Hélène) : Nous, ce qu'on
trouve, c'est que ça ne viendra pas améliorer le français. Même si on a une
amende, même si on a une suspension, ça ne viendra pas corriger le problème.
Alors, c'est pour ça qu'on veut vraiment travailler sur les mesures
d'accompagnement, de perfectionnement du membre pour que ça soit vraiment
positif, qu'il s'améliore et qu'on vienne vraiment régler son problème et
non...
Mme David : Excusez-moi, parce qu'on
n'a pas trop de temps, je vais passer la parole à mon collègue. Je peux
conclure que la référence au Code des professions, à l'article je ne sais plus
quoi, mais qui est mentionné à l'article 35.1 du projet de loi, est nettement
excessif et disproportionné par rapport à l'accusation — je
n'aime pas ce mot-là trop, trop — mais à l'accusation de préférer référer
un collègue.
Mme Potvin (Hélène) : Surtout que
nous, on ne trouve pas que ça va atteindre les résultats qu'on souhaite. C'est
dans ce sens-là.
Mme David : Merci beaucoup. Mon
collègue.
La
Présidente (Mme Thériault) :
M. le collègue de D'Arcy-McGee, vous avez à peine trois minutes, question,
réponse.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, Mes Potvin et Vermette, pour votre présentation, et pour
votre rappel de votre rôle en tant qu'officier public d'exemplarité. C'est
noté, et compris, et très important.
Vous parlez, aux pages 26 jusqu'à 30 de
votre mémoire, des pouvoirs d'inspection, d'enquête de l'Office québécois de la
langue française, et je vous cite à la fin : «Bref, devant les termes de
l'article 175 — qui
a trait à ça — il
y a lieu de se poser la question de savoir si un inspecteur ou un enquêteur de
l'OQLF pourrait exiger d'un syndic d'un
ordre professionnel la communication d'un renseignement ou d'un document
contenu à son dossier d'enquête sachant que toute atteinte à la
confidentialité de ce dossier pourrait nuire à l'objectif de la protection du
public, soit le mandat premier de tout ordre professionnel.»
Ce qui m'amène à deux questions. Dans un premier
temps, de votre avis professionnel, cette disposition, si ce n'était pas à
l'abri des deux chartes des droits et libertés par l'imposition proposée mur à
mur de la clause dérogatoire, est-ce que, de votre avis, cet article serait
très vulnérable aux contestations judiciaires? Et dans un deuxième temps, est-ce
que, de votre avis, ces pouvoirs, en quelque part exceptionnels, s'avèrent
nécessaires?
Mme Potvin (Hélène) : Je rappelais
d'emblée que le secret professionnel du notaire est un enjeu très, très
important. Donc, nous sommes un ardent défenseur, à la Chambre des notaires, du
secret professionnel pour que le public, le client du notaire, puisse vraiment
expliquer toutes les informations, lui donner toutes les informations en
sachant que cette information-là est protégée.
La même chose du côté de notre syndic, on veut
que la population, les clients puissent vraiment bien exprimer et tout dévoiler
au syndic sans faire l'objet de... sans être obligés... sans avoir peur,
finalement, que les informations soient dévoilées. Alors
donc, c'est une préoccupation que nous avons, comment ces droits-là des
inspecteurs, des enquêteurs seront mis en oeuvre sur le terrain, donc quel
est... dans quel cadre ils vont le demander. Alors, c'est dans ce cadre-là, nos
préoccupations.
M. Birnbaum : Et, de votre lecture,
est-ce que l'imposition de la clause dérogatoire serait nécessaire pour
protéger cet article tel qu'il est rédigé actuellement?
La Présidente (Mme Thériault) : En
20 secondes.
Mme Potvin (Hélène) : Écoutez, on va
laisser, je pense, les spécialistes des chartes s'exprimer là-dessus.
La Présidente (Mme Thériault) : Ça
va? Merci. Donc, nous allons aller maintenant du côté de la députée de Mercier.
Vous avez 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci pour votre
présentation. Moi aussi, je m'intéresse à la question du secret professionnel
des notaires que... vous dites qu'en fait le sort du secret professionnel, qui
est très important, est remis en question par les dispositions qui donnent des
pouvoirs d'inspection à l'OQLF. J'aimerais que vous en parliez un peu plus.
Puis comment est-ce que vous voyez le rôle de l'OQLF avec les notaires?
M. Vermette (Michel) : Bien, je
pense que, comme l'a dit la présidente, il ne faut pas oublier que des
constitutionnalistes se pencheront probablement là-dessus, mais c'est qu'on
voulait poser des questions. Est-ce que vraiment... La Chambre a investi
beaucoup, et il y a eu deux litiges importants qui ont été jusqu'en Cour
suprême, avec la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada et
la Chambre elle-même. Il y a des décisions de 2015
et 2016 qui ont été rendues en matière de secret professionnel. Et ici on se
demande si, nonobstant l'article 214, là, qui disons... que met de
côté ou déroge à la charte canadienne et à la charte québécoise, on se demande,
si l'article 7 qui parle de justice fondamentale, l'article 8 qui
traite des fouilles, des perquisitions et des saisies abusives, si, à un moment
donné, nonobstant la prise de position dans le projet de loi n° 96, des
gens ne pourraient pas prétendre que ces droits fondamentaux ou ce droit
fondamental qu'est le secret professionnel n'est pas antérieur aux chartes et
qu'à ce moment-là, en vertu d'une... on a appelé ça une constitution non
écrite, là, il y aurait, à ce moment-là, risque que, nonobstant l'article 214,
les dispositions qui traitent, 174 et 175, là, qui traitent de la possibilité
pour l'Office des professions d'accéder aux dossiers des notaires, etc., soient
jugées inconstitutionnelles? C'est plus des questions qu'on pose. On a des inquiétudes à ce niveau-là et, à ce moment-là, on voulait quand même sensibiliser, vous
sensibiliser tous à ces réflexions qu'on a eues sur le sujet.
Mme Ghazal : Je comprends donc qu'il
y a un risque, mais vous ne dites pas que vous seriez contre totalement. C'est
juste qu'il y a un risque, atteinte aux droits de la charte des droits et
libertés.
M.
Vermette (Michel) : Puis,
comme l'a mentionné la présidente, il
y a aussi un arrêt important,
Pharmascience, qu'on a cité, là, qui
traite des pouvoirs des syndics d'aller chez les notaires, où... dans le cas,
c'étaient des pharmaciens, et il y a toujours, à ce moment-là, ce
pouvoir du syndic sur lequel on se pose des questions.
Mme Ghazal : Très bien. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Je dois mettre fin à l'échange. Donc, je vais du côté du député de Matane-Matapédia
pour votre 2 min 50 s.
M. Bérubé : Bonjour. Vous êtes ici
pour plaider pour vos membres qui n'ont pas une connaissance suffisante du
français. Nous, au Parti québécois, on considère que les officiers de l'État
doivent fournir des services publics aux citoyens en français et de ne pas le
faire, c'est grave. C'est notre prétention, c'est même une conviction assez
sincère, je peux vous le dire. Ma question : Combien de vos membres sont
unilingues anglais et n'ont pas une connaissance suffisante du français?
Mme Potvin (Hélène) : Alors, on n'a
pas de statistiques, parce que, nous, il y a une présomption, donc ils sont tout
de suite réputés connaître le français. Alors donc, on n'a pas à le mesurer.
• (10 h 30) •
M. Bérubé : C'est assez incroyable.
Vous me permettrez d'être étonné que vous veniez faire une telle présentation
sans connaître l'état des lieux. Est-ce que votre mémoire sert à défendre
cinq membres, 10 membres, et c'est pour ça qu'on devrait changer la
loi présentée par le gouvernement? Ça m'apparaît, pour le moins, insuffisant.
Et j'aurais aimé avoir des statistiques, parce que, quand on veut changer une
loi ou quand on veut présenter des amendements, ça doit s'appuyer sur quelque
chose d'assez significatif.
Vous avez parlé tantôt de règles pour
accompagner les notaires. Le Québec, sa langue officielle c'est le français
depuis un bon moment. La loi 101 a été adoptée en 1977. Qu'est-ce que ça
va prendre de plus pour convaincre les
notaires qui pratiquent au Québec d'avoir une connaissance suffisante du
français? Je suis non seulement surpris, mais je suis étonné, puis voire
même irrité d'apprendre ça.
Mme Potvin (Hélène) : Je
vous rappelle que la Chambre des notaires n'est pas là pour défendre ses
membres, mais défend la protection du public. Alors donc, les notaires
sont... fournissent des services à des clients et la chambre vient...
M. Bérubé :
...bien d'accord. Alors, à ce moment-là, je préférerais qu'un citoyen, un
client vienne nous dire qu'il veut être servi en anglais, que la Chambre des
notaires ait à le faire. C'est ma perception.
Sur votre site
Internet, présentement, vous relayez des offres d'emploi où on demande une
connaissance avancée de l'anglais oral et écrit. Quand je vois ça, je me dis
que c'est une discrimination à l'embauche dans certains cas. Est-ce que vous
avez une réflexion là-dessus aussi?
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, il faut que certains emplois, donc, on ait une
connaissance suffisante de l'anglais pour communiquer avec les membres. Je ne
sais à quelle annonce que vous faites référence.
M. Bérubé :
Je ne veux pas accabler le cabinet que je viens de voir, mais je peux vous en
sortir plusieurs sur votre site Internet, et vous avez choisi de les partager.
Alors, ça fait partie de ce qui existe présentement comme offres d'emploi au Québec. Alors, un notaire
diplômé au Québec qui n'aurait pas une connaissance avancée de l'anglais
oral et écrit serait discriminé à l'embauche chez un de vos membres.
Mme Potvin
(Hélène) : Mais ça dépend c'est quoi ses fonctions, là. Alors, je ne
peux pas vous répondre.
M. Bérubé :
Un notaire qui pratique au Québec.
Mme Potvin
(Hélène) : Bien, vous savez, les notaires pratiquent dans différentes
régions avec différentes clientèles. Certains ont des clientèles très
internationales. Alors donc, il y a toutes sortes de situations.
M. Bérubé :
...on ne retiendra pas vos propositions.
La Présidente (Mme
Thériault) : Il n'y a plus de temps à l'échange. Donc, Me Potvin,
Me Vermette, merci de votre participation en commission parlementaire.
Nous allons suspendre
quelques instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à
10 h 32)
(Reprise à 10 h 37)
La Présidente (Mme
Thériault) : Nous reprenons nos travaux. Donc, nous recevons maintenant
la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal,
donc Mme Marie-Anne Alepin, la présidente générale. Donc, vous avez une
dizaine de minutes pour nous faire votre présentation, donc, si vous
voulez nous présenter la personne qui vous accompagne, et la parole est à vous.
Société Saint-Jean-Baptiste de
Montréal (SSJBM)
Mme Alepin (Marie-Anne) : Merci
beaucoup. Mme la Présidente, M. le ministre, Mmes
et MM. les députés, bonjour et
merci de nous avoir invitées ici, à la commission, pour témoigner sur le projet
de loi n° 96. Je m'appelle Marie-Anne Alepin, je suis présidente générale
de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, et je suis également comédienne,
productrice et réalisatrice. Et je suis accompagnée de Anne Michèle Meggs,
membre également du Conseil général de la
Société Saint-Jean-Baptiste. Elle a été directrice de la planification au ministère de l'Immigration du Québec, et directrice de recherche à l'OQLF, et
directrice de cabinet du ministre des Affaires francophones de l'Ontario.
Alors, le mémoire que
nous vous déposons intègre notre perspective historique et contemporaine. Comme
vous savez, notre organisation existe depuis
1834. La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal ne jaugera pas la valeur
de ce projet de loi seulement à l'aune de ses propres ambitions, mais avec un
objectif plus large, celui d'assurer la pérennité de la langue française en
Amérique.
Avant de débuter,
nous aimerions saluer le travail colossal accompli dans ce projet de loi par le
ministre Jolin-Barrette et son équipe, qui compose de grandes avancées, comme
la création d'un poste de commissaire à la langue française qui va relever
directement de l'Assemblée nationale ou la création d'un ministère de la langue
française. Cependant, vous comprendrez que notre rôle à nous, ici, n'est pas de
venir souligner nécessairement tous les points forts, mais de tenter de vous
convaincre que le projet de loi est encore insuffisant pour garantir la
pérennité de la langue française.
La langue française
est ce qui nous rassemble. Et je pense qu'il est juste de dire que nous avons
tous ici le même objectif, hein : défendre et préserver la
vitalité et la pérennité de la langue
française. C'est un très bon point de
départ, je trouve.
• (10 h 40) •
En 1977,
grâce au travail de Camille Laurin et de ses collègues, le gouvernement du Québec adopte une politique ambitieuse en matière
de droits linguistiques, de langue de législation, d'administration, de
travail, d'enseignement, j'en passe. La Charte de la langue française fait alors du français
la seule langue commune du Québec, mais, au fil des années, comme vous le savez, de nombreuses contestations judiciaires
sont venues l'affaiblir. Mais son plus grand ennemi demeure encore
l'attrait que l'anglais exerce de plus en plus comme langue d'ascension
sociale, un attrait qui ne cesse de s'accroître avec la mondialisation.
L'environnement linguistique
québécois s'anglicise à vitesse grand V, et c'est devenu perceptible au jour le
jour par les citoyens. Ne pelletons pas, s'il vous plaît, le problème dans la
cour de la prochaine génération. Transmettons-leur plutôt l'amour que nous
portons à notre langue. Ce serait là le plus beau des cadeaux à leur offrir.
Pensons aussi à nos petits-enfants, qui, si les choses continuent ainsi, en
arriveront à ne plus comprendre un fichtre mot en français, car ils seront bien
plus d'angle de «talker» en anglais.
Le processus est déjà
enclenché. Il n'y a qu'à écouter nos adolescents pour constater l'emprise qu'a
l'anglais sur leur vocabulaire. C'est indéniable. Si nous voulons respecter également
nos ancêtres, qui se sont battus pour défendre le français, si nous voulons
nous respecter nous-mêmes, nous devons sans plus tarder lui redonner toute l'importance
qu'il mérite, et, pour ça, il faut travailler tous et toutes en équipe.
Pour contrer ce
recul, il est possible que le gouvernement doive nous ébranler, et ça prend
parfois des petites révolutions pour faire de grands changements. Il ne faut
pas penser en termes de politiques à court terme, et nous constatons, oui,
qu'il y a de belles avancées dans le projet de loi.
Par
contre, plusieurs mesures d'exception viennent saper tout ça. Ainsi, nous avons
entendu ici, à la commission, que certains craignaient que la paix
linguistique des dernières années ne soit ébranlée par ce projet de loi.
Pendant cette paix, l'anglais faisait toute
une remontée. J'ai aussi entendu en commission que la loi est consensuelle.
Nous vous demandons officiellement de
faire plutôt la meilleure loi possible, et oser un peu plus, par exemple,
étendre les dispositifs de la Charte de la langue française aux cégeps.
Est-ce que la
situation du français au Québec est raisonnable? À Montréal, vous connaissez
tous et toutes la réponse. Nous croyons
alors qu'une réforme dite raisonnable, comme le mentionnait notre premier
ministre... je ne pense pas que c'est raisonnable. Nous sommes tous
capables de faire mieux. Une réforme de notre Charte de la langue française, c'est un moment crucial pour travailler tous ensemble sur la pérennité du français,
et c'est à vous, les décideurs, de faire ce que doit.
Dans
ce mémoire, nous revenons brièvement sur quelques mémoires que nous avons déjà
produits pour l'Assemblée nationale.
C'est troublant, parce qu'en les relisant, nous avons constaté que nous aurions
pu vous remettre, aujourd'hui, quelques-uns de ces mêmes mémoires, à
quelques passages près, tellement la situation est demeurée inchangée, et les
mêmes problèmes sont soulevés.
Nous vous proposons aujourd'hui
plusieurs recommandations. Nous avons aussi beaucoup de questions, mais la
Société Saint-Jean-Baptiste se porte volontaire pour poursuivre le débat avec
vous, parce qu'on le sait qu'en 45 minutes on va seulement effleurer.
Donc, nous souhaitons
une politique linguistique plus large afin d'inclure d'autres aspects qui ne
font pas partie de cette loi.
Camille Laurin disait à l'époque que la loi qu'il a présentée n'était
qu'un départ et que ça prenait d'autres mesures pour pallier au recul du
français.
C'est
un projet de loi ambitieux, et les progrès sont réels en matière
de langue du travail, de langue de la justice, de langue de l'administration
ou des organismes publics, mais nous avons néanmoins certaines préoccupations
et avons des réserves, quelques réserves, au sujet des initiatives qui touchent
la francisation.
Enfin, la société
propose principalement au gouvernement du Québec d'aller plus loin dans trois
secteurs pour assurer la pérennité de notre nation en matière d'immigration, de
langue d'enseignement et de culture.
Nous savons tous
qu'un meilleur contrôle en immigration serait l'idéal pour protéger la langue
française, et, pour nous, le gouvernement ne se sert pas suffisamment des
pouvoirs existants dans ce domaine. Il est, en effet, plus important de
sélectionner en grande majorité des individus maîtrisant déjà le français que
de débattre de volume et de catégories.
Nous expliquons dans
notre mémoire que l'État doit être plus vigilant et exercer davantage le contrôle
sur l'immigration temporaire. Par exemple,
le projet de loi n° 96 ne doit plus permettre aux personnes détenant un
permis de séjour temporaire de
contourner l'esprit de la loi 101 et d'envoyer leurs enfants dans les
écoles anglophones publiques.
Nous demandons aussi
que les dispositions similaires à celles de la loi 101 soient appliquées
au cégep. Et aussi le surfinancement des institutions universitaires
anglophones nous apparaît également incompatible avec les objectifs affichés du
projet de loi n° 96.
Nous
disons également que le gouvernement doit investir massivement en matière de
promotion de la culture. Nous aurons
beau un jour avoir la plus belle loi du monde et avoir un succès avec sa mise
en application, nous sommes peu nombreux en Amérique du Nord à parler le
français, et il est fort difficile de se mesurer à la culture anglophone
américaine dominante. Il faut investir en culture, oui, mais il faudra bien
éventuellement contrôler les ondes sur notre territoire. Le problème du respect
des quotas dans les radios d'ici est loin d'être nouveau, vous le savez. Nous
sommes heureux de constater que vous introduisez, dans le projet de loi, le
fait que la musique en français devrait être prioritaire dans les lieux qui
relèvent de l'administration. Mais qu'en est-il des lieux publics comme les
centres commerciaux, par exemple?
Pour terminer, nous
ne pourrons jamais, mais jamais nous accomplir collectivement tant que nos élus
seront soumis à la supervision et à la gouvernance d'une autre nation. Il y a un
gouvernement de trop. Si nous étions vraiment maîtres chez nous, on ne serait
pas tous ici à discuter de virgules ou de changement de mots pour préciser un
article de loi afin de préserver la langue officielle de notre nation. Il me
semble que le rêve de toute nation est d'être libre et indépendante. Je suis
certaine qu'il y en a quand même plusieurs ici qui rêvent de voir un Québec
maître de son destin.
Nous croyons que les
mesures annoncées dans le projet de loi n° 96, bien qu'appréciables, sont
insuffisantes et nous réaffirmons que l'indépendance du Québec incarne une voie
viable et pérenne en ce qui a trait à la protection du français sur notre
territoire.
Et je voudrais terminer par ces quelques lignes
puisqu'il me reste une minute : Et c'est en renforçant notre amour de la
langue française, en la valorisant, en la parlant mieux, en l'écrivant mieux,
et surtout en s'occupant de l'inacceptable
pourcentage de 53 %
d'analphabètes au Québec que nous consoliderons notre société en français.
Merci pour votre attention.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci, Mme Alepin, pour votre
présentation. Sans plus tarder, je vais aller au bloc d'échange avec le
ministre. Vous avez 17 minutes, M. le ministre.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente, Mme Alepin, Mme Meggs. Bonjour, merci d'être en commission
parlementaire aujourd'hui et de venir présenter le mémoire de la Société
Saint-Jean-Baptiste.
Écoutez, on est au début de la deuxième semaine
et, bon, on a entendu plusieurs témoignages la semaine dernière. Et notamment, on a eu l'OQLF qui a publié une étude l'an
passé, je crois, ou cette année, il y en a eu plusieurs, notamment sur
le fait d'exiger à l'embauche la connaissance d'une autre langue, dans une
proportion, à Montréal, de 63 %. On a eu également des gens qui sont venus
nous dire que, bien, la langue maternelle à la maison déclinait. On a eu le
démographe Sabourin qui est venu, on a parlé également de l'exemplarité de
l'État, et le groupe qui vous suit va certainement nous en parler également.
D'un autre
côté, on a certains groupes qui ont de la difficulté ou, en fait, qui nous
disent : Le déclin du français, ce n'est pas avéré, on n'a pas de
démonstration, ou ça n'existe pas. Alors, comment vous réagissez à cela, de se faire
dire que c'est peut-être un mythe, le déclin du français au Québec, et ce n'est
pas démontré?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien, je
vais répondre à votre question, après, je vais passer la parole à ma collègue.
Bien, le déclin est perceptible vraiment chez M., Mme Tout-le-monde. Je veux dire, tout le monde a vu l'enquête, le bureau d'enquête du Journal de
Montréal, par exemple. Je veux dire, c'est perceptible quand on va à Montréal.
Je veux dire, on se fait servir une fois sur deux en anglais, il y en a beaucoup
qui ne parlent pas français.
Mais ce qui est pire dans tout ça, c'est que, si
on regarde même la dernière étude de l'OQLF, je pense, c'est la quinquennale,
qui est sur la culture, et qui est sur les jeunes, à savoir qu'est-ce qu'ils
consomment comme culture, est-ce que c'est
en français, est-ce que c'est en anglais, il y a un schisme énorme. Je n'ai pas
les chiffres, je pourrais aller vous
les trouver, là, le temps que quelqu'un d'autre discute, mais il y a un schisme
énorme. Il y a un désintérêt déjà en partant. Donc, qu'on dise que le
français ne recule pas, c'est plutôt ça qui est un mythe.
• (10 h 50) •
Mme Meggs (Anne Michèle) : Moi, le
point que la société essaie de faire passer, c'est qu'une politique efficace se
base sur les recherches scientifiques, pas sur les anecdotes. C'est bien
tentant, là, les anecdotes peuvent être très utiles pour expliquer les
résultats d'une recherche, mais on a chacun notre histoire personnelle, et des
amis qu'on a, puis des situations qu'on a vues. Baser une politique publique
là-dessus est moins utile.
Ce que
j'ajouterais, c'est qu'en plus la recherche scientifique pour... avoir la
confiance de l'État et la confiance dans la recherche, d'être autonome.
Donc, on mentionne dans notre rapport, un peu comme M. Sabourin et, je
pense, même M. Lacroix, là, que ce ne serait pas mauvais que la fonction
de la recherche soit sous la responsabilité, disons, du commissaire. L'office,
on l'explique dans le mémoire, là... C'est bien tentant, là, quand on relève
d'un ministre et d'un cabinet, là, de vouloir plaire le ministre et le cabinet.
Ça va, c'est en partie la fonction de l'administration, mais ce n'est pas tout
ce que l'administration a à faire.
Et le dernier point que je ferais, c'est que,
malheureusement, on le mentionne un peu aussi dans le mémoire, les données de
l'immigration et de linguistique, la plupart sont dépendantes du fédéral. On a
des... Le recensement est fédéral. Dans la constitution, c'est fédéral, et ça
veut dire qu'ils posent des questions en fonction des politiques fédérales. On ne peut pas... c'est très difficile de faire ajouter des questions que nous
autres, on aimerait peut-être savoir, comme... plutôt que le transfert
linguistique de première génération, le transfert linguistique de deuxième
génération. Ça pourrait être intéressant, mais ce n'est pas une statistique que
StatCan va sortir régulièrement.
Donc, ça, c'est un problème et c'est clair que
les éléments, là, que vous avez souligné, comme l'exigence de l'anglais à
l'embauche... Écoutez, il y a bien des employeurs qui n'exigent même pas le
français à l'embauche, mais beaucoup
d'immigrants temporaires en particulier, là, qui arrivent puis il n'y a aucune
exigence linguistique, on le souligne aussi. Et donc c'est une
obligation, pour les fins d'inclusion, que ce soit des personnes qui ne parlent
ni le français ni l'anglais ou que ce soit pour inclure tous et toutes les
Québécoises et tous les Québécois, peu importe la langue d'origine, y inclut l'anglais, de participer
pleinement à la société québécoise dans la langue commune. Donc, c'est un peu
l'approche que la société aborde.
M. Jolin-Barrette : Peut-être une
question et une sous-question, là, Mme Meggs, là, en lien de ce que vous venez
de dire. Dans le fond, les indicateurs linguistiques, ce qui est important pour
la société, c'est l'indépendance, notamment,
rattachée aux indicateurs linguistiques. Donc, vous nous invitez à envoyer la
recherche sur ces indicateurs-là du côté du commissaire à la langue.
Actuellement, ce qu'on a prévu, c'est que les indicateurs allaient être
développés avec l'approbation du commissaire
à la langue. Donc, ça allait être l'OQLF qui allait mener la recherche, mais
que ça allait être conjointement
décidé avec le commissaire à la langue. Donc, vous nous invitez à envoyer ça au
commissaire à la langue.
J'aimerais ça vous
entendre, parce que vous dites : Dans les dossiers linguistiques, le fait
que ça relève de l'OQLF, bien, l'administration, le politique et le cabinet
peuvent s'en mêler. Est-ce que vous pouvez détailler davantage là-dessus? Parce
que, publiquement, on l'a étayé. Il y a des études de l'OQLF qui ont été
cachées pendant des années et des années. C'est ma collègue la ministre de la
Culture actuelle qui a rendu publiques ces études-là. Est-ce que vous avez une
expérience? Vous avez travaillé à l'OQLF à l'époque. Pouvez-vous nous en parler
de ça?
Mme Meggs
(Anne Michèle) : Mais pas à cette époque-là, mais plus récemment. Ce
n'est pas les indicateurs comme tels,
ce n'est pas des résultats comme tels, c'est l'interprétation des résultats. Et
la tendance, souvent, c'était de... quand on a vu et préparé un rapport,
que soit regardé si les résultats n'étaient pas aussi positifs qu'on aurait
voulu ou si on... que, bon, bien, est-ce que vous avez analysé ceci? Allez
chercher un échantillonnage de ça.
C'est de cette manière-là qu'ils essayaient de tirer
des études, les résultats voulus, et c'est beaucoup de travail de retravailler et retravailler des études pour essayer qu'elles
soient un peu moins négatives. Disons, là, les choses, les vraies
affaires. Et donc ce n'est pas strictement de quels indicateurs, ce qui est
très important, puis on n'en a quasiment pas en francisation du tout, et ça,
c'est très complexe, mais les indicateurs qui sont utilisés par le fédéral et
même le... et on est pris avec le recensement, même l'ISQ est pris avec le
recensement.
M.
Jolin-Barrette : Dans le projet de loi, ce qu'on fait, c'est qu'à l'article 145 on vient confier une
responsabilité à l'Institut de la statistique du Québec d'aider le suivi de la
situation linguistique du Québec, dont les indicateurs de l'usage du français
dans la sphère publique par la population québécoise. Mais je comprends que
vous voulez qu'on confie davantage de rôles à l'institut du Québec en matière
de français.
Je vais juste vous poser une question sur un
autre sujet, parce que, par la suite, je vais laisser le député de
Sainte-Rose... du temps au député de Sainte-Rose. C'est sur la question des
séjours temporaires, là. Dans votre mémoire, là, vous nous invitez...
Actuellement, ce que la Charte de la langue française fait, c'est qu'on peut
envoyer les enfants à l'école anglaise avec renouvellement, donc il n'y a pas
de limite. Ce qu'on fait avec le projet de loi, c'est que, pour les travailleurs étrangers temporaires, on met une
limite de trois ans, et, par la suite, ils doivent intégrer le
réseau francophone. Vous, vous nous invitez à retirer cette disposition-là puis
à dire : Tous les temporaires, les enfants doivent aller à l'école en
français.
Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui.
Bien, c'est l'esprit de la charte originale que les personnes qui arrivent
ici... Et on le fait parce qu'on regarde les tendances en matière d'immigration
temporaire, et les tendances sont importantes, très importantes. Quand la
charte a été élaborée au début, temporaire, c'était temporaire.
Maintenant, tout est mis en place pour
encourager les temporaires de rester, mais leur arrivée, les conditions d'embauche, et tout ça, sont faites
essentiellement... Les conditions de tous ces programmes d'immigration
temporaire relèvent du fédéral. On pourrait faire un peu plus, on
suggère certaines suggestions, mais la question... Et on l'a remarqué que, pour
la plupart des temporaires dans le projet de loi n° 96, ils ne pourraient
pas renouveler après trois ans. Ça, on l'a remarqué, sauf que, si un
enfant s'inscrit à partir de deuxième année primaire, forcément, il va avoir
fait la majeure partie de son primaire au Québec. Et dès que ses parents
deviennent citoyens ou l'enfant... normalement, tu sais, ils deviennent ayants
droit et ils vont pouvoir envoyer ses... toute sa progéniture dans les écoles
anglaises. Même le...
Il y a un point intéressant dans notre mémoire,
où on avait indiqué que la Société Saint-Jean-Baptiste, à cette table-ci, en
1977, là, avait même des réserves sur l'idée en soi de permettre des enfants,
quelque enfant que ce soit, à continuer dans les... à s'inscrire dans les
écoles anglaises, disant qu'on va le tolérer comme mesure temporaire sujette à
révision, si ces dispositions nuisent en quoi que ce soit au développement et
au rayonnement du français au Québec ou à l'intégration de la minorité
anglophone à la vie communautaire du Québec. Donc, l'objectif, dès ce
moment-là, de la société était d'intégrer tout le monde, y inclus les
anglophones.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je...
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Oui, Mme Alepin.
M. Jolin-Barrette : Je vais
peut-être céder la parole. Allez-y.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, Mme Alepin, allez-y.
Mme Alepin (Marie-Anne) : Juste
rajouter. J'aime ça aussi poser des questions à savoir est-ce que c'est normal,
quand on a des nouveaux Québécois qui arrivent ou, en fait, des immigrants qui
arrivent, puis ils s'en vont... C'est des francophones, mais ils préfèrent envoyer leurs enfants à Montréal
dans une école en anglais, pour apprendre l'anglais. Mais après, ce qui se passe aussi, c'est qu'on développe la
culture. Et puis vous savez comment c'est difficile, en ce moment, par
rapport à notre positionnement en Amérique du Nord.
Donc, ça développe tout une nouvelle perspective
où ces personnes-là s'en vont directement dans la culture anglophone. Donc,
moi, je pense, quand on les accueille, il faut les accueillir aussi avec notre
langue commune.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, M. le député de Sainte-Rose, il vous reste 4 min 45 s à
l'échange.
• (11 heures) •
M. Skeete :
Merci beaucoup, Mme la Présidente. Merci beaucoup pour votre présence aujourd'hui.
Je suis assez ravi d'entendre le mot «cadeau» quand on parle de la langue
française. J'ai perdu ma mère très jeune, puis le plus beau cadeau qu'elle m'a fait, c'est la langue française. Alors, assez d'accord avec vous. Ça me permet non seulement de m'épanouir au Québec mais ça permet aussi une compréhension plus
subtile de la culture québécoise qu'on perd si on n'est pas adéquatement...
on ne baigne pas adéquatement dans la langue.
J'aimerais vous
entendre parce que vous avez piqué ma curiosité, un peu comme le ministre, sur
le commissaire indépendant. On le sait, là, le... En tout cas, une des plus
grosses demande que je reçois, moi, en tant que
responsable de la communauté d'expression anglaise, c'est de dépolitiser la langue.
Je vous entends un peu dans le même
écho, là, de dire : Enlevons la politique de ça et arrivons à des vraies données par des
personnes indépendantes. Vous avez parlé aussi de statistiques qui
viennent du recensement fédéral, assez intéressant aussi. C'est comme si on
s'approprie une partie de l'immigration, on s'approprie une partie de la
culture au Québec, une représentation à l'étranger. Ça fait que le Québec, déjà,
prend beaucoup de place, mais ce que j'entends de vous, c'est que peut-être
qu'il faudrait prendre une place aussi, côté statistiques, de se donner ce
pouvoir-là de poser les questions qu'on veut.
Mais, pour nous
ramener dans la réalité d'aujourd'hui, le gouvernement fédéral se sert beaucoup
de ce qu'on appelle «première langue officielle parlée», le fameux p.l.o.p. Et
il y a des chercheurs qui tentent de nous dire que le français n'est pas en
déclin, qui utilisent cette donnée-là pour dire : Bien, non, en fait, ce
n'est pas une variable. Je serais curieux de vous entendre là-dessus.
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Oui. C'est complexe, le domaine des données linguistiques.
Mais c'est un peu le propos de la société par rapport à des données
indépendantes, et le fait que le recensement de n'importe quelle nation va
contenir des questions qui vont leur permettre de mieux avoir des informations
utiles pour le type de politique publique qu'ils veulent mettre en place. Et la
politique publique du gouvernement canadien est l'anglais et le français et, surtout,
tu sais, des services en français à l'extérieur du Québec, et anglais ici,
donc. Et, puisque la population francophone hors Québec est en diminution, et
ils veulent quand même justifier des services en français au Canada anglais,
ils gonflent, dans un sens, avec cet indicateur-là... Tant mieux pour nos
collègues, là, ou nos compatriotes francophones hors Québec, mais ça veut dire
qu'ils incluent plusieurs différentes réponses, à différentes questions, dans
un même... pour créer un indicateur composite, qu'on dirait qu'ils gonflent les
chiffres, dans un sens... bien, gonflent... tu sais, c'est-à-dire que ça sert,
c'est utile pour eux autres, là, de leur point de vue de leur politique
publique. Mais c'est... Et il est important que le Québec soit capable de poser
les questions qui sont pertinentes pour notre politique linguistique.
M. Skeete :
Si je comprends bien, le gouvernement fédéral, dans le but d'assurer une
vitalité communautaire de la langue française extra Québec, pose des questions
qui ont comme effet d'augmenter le nombre... ou, du moins, de favoriser
l'inclusion d'un plus grand nombre de personnes de la minorité francophone.
C'est quoi, l'impact de ça, au Québec?
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Bien, ça fait la même chose pour la minorité anglophone.
M. Skeete :
Je comprends.
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Bien, elles sont équitables. C'est une politique
symétrique, bien, jusqu'à tout récemment, là, où apparemment qu'ils ont voulu
bouger...
M. Skeete :
Bien, ça, c'est un bon point, parce que vous dites que cette question-là vient
d'une philosophie d'égalité symétrique des langues. Là, on reconnaît un
changement...
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Québec et hors Québec.
M. Skeete :
Oui, et là on reconnaît un changement, de la part du gouvernement fédéral, où
est-ce qu'on reconnaît l'asymétrie.
Mme Meggs (Anne
Michèle) : On verra. Bien, il y a eu des élections entre-temps. Là, le
projet de loi est tombé. On verra. Et même
avec le projet de loi qu'ils avaient, ça n'a pas été mis en place. On ne sait
pas qu'est-ce que ça va donner. Ça me surprendrait bien gros, parce
que...
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement,
désolée.
M. Skeete :
Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Thériault) : Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys,
pour votre bloc de 11 min 20 s.
Mme David :
Merci beaucoup. Bonjour, mesdames, bienvenue, pour une ixième fois, sûrement.
Ce n'est pas la première fois que vous venez, dans une commission
parlementaire, parler de langue, en particulier.
En 2002, il y a eu la fameuse loi n° 104,
sous le PQ, qui a remanié, justement, ces fameux pouvoirs de faire de la
recherche, et que c'est passé du Conseil supérieur de la langue française à
l'OQLF, qui a pris encore plus de pouvoirs. J'en ai parlé
souvent, à l'étude des crédits, avec le ministre. Et puis là le conseil
supérieur a dépéri, dépéri, dépéri. Finalement, il est transféré au
commissaire. Mais on ne touche toujours pas à l'OQLF pour le pouvoir de la
recherche, et, pour moi, c'est comme une sorte de point d'interrogation.
Faire de la
recherche, vous le savez, hein, faire de la recherche, ça veut dire connaître
les outils de recherche, connaître les indicateurs. Moi, j'aurais pensé, parce
qu'on prône, depuis longtemps, la création d'un commissaire à la langue française... moi, je me serais imaginé,
automatiquement, que la recherche allait là, ça... Un centre de recherche,
faire de la recherche, là, vous le savez, ce n'est pas rien, ça prend beaucoup,
beaucoup de compétences.
Alors, moi, je me
demandais si... parce que vous avez dit : Ça devrait aller au Commissaire
à la langue française. J'aurais le goût de poser la question au ministre, mais,
comme je ne peux pas, je vous la pose à vous : Pourquoi vous pensez que ça
reste encore à l'OQLF, en plus d'étendre les pouvoirs à plein, plein de choses,
pour l'opérationnalisation des mesures du p.l. n° 96?
Mais la recherche, c'est comme un autre volet.
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Je voudrais juste répondre en une phrase. Bien,
justement, pour garantir la pérennité et la vitalité de la langue française, il
ne faut pas que ça reste au sein d'un parti politique. Il faut dépasser tout
ça, il ne faut pas qu'il y ait d'emprise et de mainmise. Mais je vous...
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Oui, non, c'est... Écoutez, le projet de loi fait énormément
de changements dans beaucoup de différents domaines. Est-ce que c'est un
élément qui n'a pas été priorisé? Je ne peux pas répondre pour le ministre.
Mais ce que je dirais, c'est que soit le commissaire ou même l'ISQ est quand
même sous le ministre des Finances. Je ne pense pas que c'est le cas avec Statistique
Canada, je pense que ça relève du Parlement. Et donc, l'objectif, c'est de...
Ceci étant dit, je
pourrais ajouter, là, qu'il y a beaucoup de données qui, peu importe l'instance
qui va s'en servir, viennent des données
administratives, donc toutes les données sur la sélection et... sélection,
voire les admissions, mais ça, c'est... sélection des immigrants, ça
vient des données administratives. Les écoles, toutes nos données sur
l'enseignement, et tout ça, en général, on peut mieux se fier sur ça. Et
l'instance qui va être responsable de la recherche va être dépendante quand
même des données qui viennent de différents ministères.
Mme David :
On se comprend, on se comprend. Mais, enfin, l'idée du commissaire... Il y
avait une autre idée aussi que nous avions
soumise dans nos 27 propositions, c'est que l'OQLF... et vous faites
référence à la dépendance-indépendance... on proposait un conseil
d'administration. Il n'y a pas de conseil d'administration à l'OQLF. Quelque chose qui rend plus de
transparence, d'imputabilité, qui se sépare un peu du gouvernement. Avez-vous
une opinion là-dessus?
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Je pense que la société serait d'accord que... tout ce
qu'on peut faire pour rendre les fonctions de l'office le plus indépendant
possible. On mentionne dans notre rapport aussi, là, la question des plaintes, parce que les plaintes et même les
enquêtes pourraient arriver auprès des entreprises qui sont névralgiques.
Et, tu sais, on essaie de donner une
subvention pour encourager un certain secteur, mais l'office découvre que ce
secteur ne rencontre pas ses exigences linguistiques, ça devient plus
délicat. Ça fait que c'est tout ce qui peut être fait. Si c'est meilleur, un
autre type de gouvernance pour l'office, ça pourrait être une partie de
solution.
Mme David :
Merci beaucoup. Aussi, encore dans nos 27 propositions, on propose deux
choses, on propose... parce que je sais, je connais votre opinion sur le
collégial, et là où vous voudriez que le ministre aille, et qu'il a dit qu'il
n'irait pas. Alors, vivons avec ces déclarations et celles du premier ministre
et disons que nous proposons qu'il y ait trois cours suivis en français. Là, je
pense à l'interaction, fort intéressante, dans votre mémoire, langue et culture. Alors, la langue, ce n'est pas
que fonctionnel, c'est la culture aussi, et, si les cégépiens qui fréquentent
les collèges anglophones pouvaient suivre des cours, en français, d'histoire du
Québec, sociologie, etc., dans ce qu'on appelle les humanités... Est-ce que
vous avez une opinion sur le fait de suivre trois cours en français, toutes langues confondues, anglophones, allophones,
francophones, et aussi de faire des stages d'immersion dans des milieux
francophones?
• (11 h 10) •
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Moi, j'aurais envie de répondre par : Bien, peut-être
que le gouvernement pourrait aussi changer d'idée, parce que ça fait quand même...
bien, la semaine dernière, on est à la deuxième semaine... on entend quand même
de plus en plus de gens qui disent que, bien, ce serait peut-être la solution
pour garantir la pérennité de notre langue française, justement, d'étendre les dispositions de la loi 101 aux
cégeps. Mais pour...
Mme David :
Excusez-moi, mais ma question n'est pas celle-là. Moi, ma question,
c'est donner des cours en français dans...
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Oui, oui, je comprends, mais c'était par rapport à... parce
que vous dites : puisqu'il l'a déjà décidé. Bien, peut-être que ça peut
changer. Bien, moi, des cours en français pour quiconque, moi, personnellement...
Nous, on ne s'est pas prononcés sur ça, à la société, mais moi, je dirais, moi,
je ne suis pas contre. Mais, par contre,
quelqu'un qui a déjà tous ses acquis en français, reprendre
d'autres cours en français, je ne sais pas... Il faudrait...
Mme Meggs (Anne
Michèle) : Moi, j'ajouterais juste que je trouve que c'est curieux jusqu'à
quel point on veut mettre plus de français dans les établissements anglophones,
quand des établissements francophones suffiraient à la tâche.
Mme
David : C'est votre point de vue. Je vais passer la parole, si
vous voulez bien, à mon collègue de La Pinière.
La Présidente (Mme Thériault) : La Pinière,
parfait. M. le député de La Pinière, il vous reste
4 min 40 s.
M. Barrette : Merci. Dans votre
mémoire, vous... J'ai été un peu surpris, je dois vous avouer. À la
page 16 de votre mémoire, vous considérez que l'existence de services à la
communauté anglophone accélère l'anglicisation et vous prônez... ce n'est pas exactement
comme ça comme vous le dites, mais ça revient à ça, qu'il faudrait s'assurer
que tous les dispensateurs de services parlent français. Vous allez aussi loin
que de suggérer que la tenue de dossiers se fasse exclusivement en français.
Vous avez dit aussi dans votre présentation que vous prôniez la prise de
décision basée sur des données les plus scientifiques possible, sur des études.
Alors, première question : En quoi
l'existence de services de santé à la communauté anglophone vient angliciser le
Québec?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien, en
fait, c'est juste qu'il ne faudrait juste pas que les droits, en fait, des
services de santé en... Vous parlez des droits de santé, là, on parlait?
M. Barrette : Oui, oui, les deux...
Mme Alepin (Marie-Anne) : O.K. Bien,
en fait...
M. Barrette : Deuxième, troisième
paragraphes de votre page 16, là.
Mme Alepin (Marie-Anne) : Oui, c'est
ça. En fait, tout simplement dire : Bien, le droit des services de santé
en anglais ne doit pas juste être un prétexte, en fait, pour angliciser le
milieu de travail pour tout le personnel de la santé et le personnel de
soutien. C'était tout simplement pour vous dire qu'il y comme une espèce de
confusion avec... Bon, on sait qu'il y a le renforcement des exemplarités, les
conformités, là, pour... C'est des aspects positifs pour la langue de la santé,
mais, si c'est appelé à interagir avec la loi des services de santé et des
services sociaux, qui prévoit le droit à des services en anglais, je veux dire,
comment ça va se faire? Nous, en fait, ce qu'on dit, c'est qu'on souhaite que
tout le monde puisse recevoir des services en français sans qu'il ait à le
demander.
M. Barrette : Ça, je pense qu'on est
tous d'accord là-dessus, là, puis ça, il n'y a pas de doute, et je pense...
puis je dois vous dire très franchement, je pense que, du côté de la communauté
anglophone, ils sont d'accord avec ça. Je ne
pense pas que, dans la communauté anglophone, dans le territoire de santé où
ils ont des services garantis, ce serait même... ça leur effleurerait
l'esprit de ne pas donner l'accès de services en français. C'est ma perception
de la communauté anglophone. Mais aujourd'hui, là, est-ce que vous considérez
qu'il y a un problème?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien, il
faut clarifier, en fait, comment ça va se passer, ce processus-là, je veux
dire, comment ça va coexister.
M. Barrette : Et ce qui existe actuellement,
est-ce que vous considérez que ça doit changer?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien, évidemment.
M. Barrette : Dans quel sens?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien, on
parle des soins de santé, le service...
M. Barrette : Oui, juste le... je
parle juste... Le sujet que j'adresse... auquel je m'adresse, je m'excuse,
parce que ça ne se dit pas en français, là, le sujet que j'apporte, là, c'est simplement
le fait qu'il y a, au Québec, un secteur de la santé qui est garanti, dans certaines
conditions, à la communauté anglophone. Est-ce que ça, actuellement, vous
considérez que ça doit changer? Et, si oui, dans quel sens?
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Écoutez, ce
qui doit changer, c'est la façon de faire. Nous, ce qu'on demande... En fait,
c'est à vous de nous trouver les solutions, comment faire pour faire que la
coexistence va bien se faire.
M. Barrette : Mais elle se fait
bien. Vous ne trouvez pas qu'elle se fait bien actuellement?
Mme Alepin (Marie-Anne) : Bien non.
M. Barrette : Dans quel sens?
Mme
Alepin (Marie-Anne) : Pas en ce moment. Je veux dire, il y a des gens
qui peuvent encore se faire servir en anglais. Je veux dire, ce n'est pas
normal, au Québec. On ne va pas rentrer dans les petites anecdotes, mais, je
veux dire, ce n'est pas normal. Donc, justement, c'est pour ça que nous, ce
qu'on demande, c'est de clarifier vraiment l'application des nouvelles
dispositions afin de garantir les services de soins de santé en français, sans
que quiconque ait à le demander, même chose pour les dossiers médicaux.
M. Barrette :
C'est-à-dire, pour les... Écoutez, moi, mon vécu, là, et mon expérience, et ce
que je constate dans le réseau, c'est que vous allez du côté anglophone et vous
allez pouvoir recevoir des services en français. Et là, si vous considérez que
ce n'est pas le cas, bien, j'aimerais qu'on me donne des données, là, moi,
personnellement. Parce qu'il arrive, à un moment donné, là, où vont s'opposer
les règles actuelles, qui garantissent à la communauté anglophone des services
dans leur langue dans certaines circonstances. On a préservé ça à date. Moi, je
pense qu'il faut continuer à préserver ça, ce qui ne veut pas dire qu'un
francophone qui arrive à l'Hôpital Royal Victoria, maintenant qui est le CUSM, ça ne veut pas dire qu'il ne se fera pas
soigner en français. Ça, c'est une première chose. Moi, je pense qu'il
faut préserver ça. Je vous demande votre opinion.
La Présidente
(Mme Thériault) : ...juste devoir...
M. Barrette :
Deuxièmement, les dossiers en français, est-ce que c'est vraiment faisable?
La
Présidente (Mme Thériault) : Je suis vraiment désolée, M. le
député de La Pinière, je n'ai plus de temps.
M. Barrette :
Je suis désolé moi aussi, Mme la Présidente.
La Présidente
(Mme Thériault) : Plus de temps. Donc, on va aller à la députée
de Mercier. Mme la députée de Mercier, pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal :
Merci. Merci beaucoup pour votre présentation et votre présence.
J'ai
envie de vous parler de culture. Vous proposez, à la recommandation n° 26, de créer un conseil québécois de la radiodiffusion et des
télécommunications, donc un CQRT, pour remplacer le CRTC. À Québec solidaire,
dans notre programme, on a une demande historique, et on la fait toujours,
c'est celle de rapatrier toutes les compétences du fédéral en communication et
en culture et aussi de créer un organisme comme celui-là. Évidemment, vous
l'avez dit, le meilleur moyen, c'est de faire l'indépendance pour protéger le
français. À Québec solidaire, nous sommes, évidemment, d'accord avec ça. Mais
pour ce qui est du rapatriement des compétences, la CAQ n'a rien fait, à date,
par rapport à ça.
Selon
vous, qu'est-ce que ça prendrait pour qu'on puisse créer un tel organisme et
qu'on puisse avoir... contrôler nos ondes sur notre territoire?
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Bien, en fait, moi, je ne suis pas juriste, mais pour
contrôler nos ondes, premièrement, ça va passer par l'indépendance, je veux
dire, être maîtres de toutes nos lois. Et après, ça devient aussi
international, là, se disputer les ondes. Donc, je n'ai pas de... Moi, je n'ai
pas la solution, mais si quelqu'un ici a une solution...
Mme Ghazal :
Mais, en créant le CRTQ, on n'a pas besoin d'attendre de faire l'indépendance,
en attendant.
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Bien, c'est sûr, sauf que, premièrement, si on peut
déjà... si le gouvernement peut déjà s'assurer que le CRTC... en fait, non, si
le gouvernement peut déjà s'assurer qu'il y a déjà un respect des quotas... En ce moment, vous le savez, il y a déjà
des façons de détourner les quotas. On met la musique en anglais bien, bien, bien tard le soir. Comme ça, on remplit déjà
les normes du CRTC. Mais concrètement, pour moi, c'est complètement
insensé que ce soit une autre entité qui vienne contrôler nos ondes sur notre
territoire, mais...
Mme Ghazal :
Mais ça prendrait de la volonté politique pour rapatrier ces pouvoirs-là, au
moins, de travailler là-dessus, comme on le fait dans d'autres sujets.
Vous dites... Tu sais, vous parlez de radio, télévision, la musique, et tout ça. Les jeunes, ils ne sont plus sur cette
plateforme-là. Qu'est-ce qu'on doit faire pour aller les rejoindre? Par exemple,
une politique de découvrabilité? Parce qu'ils sont sur d'autres plateformes.
Mme Alepin
(Marie-Anne) : Bien, en fait, là, c'est sûr que... Moi, je pense qu'il
faut faire vraiment une grosse relance pour vraiment valoriser la culture en
français, par une campagne de type Consommons la culture québécoise
francophone — d'ailleurs,
c'est une des recommandations — puis la rendre plus attrayante. Parce
que, bon, ça, ça ne va pas nécessairement passer par le projet de loi
n° 96, mais il faut rendre cette langue attrayante, parce qu'elle se bute
contre la langue, la culture anglophone qui nous entoure — elle
est merveilleuse, mais ce n'est juste pas la
nôtre — puis les
jeunes, de plus en plus, vont s'y intéresser. Je veux dire, tout est là, je
veux dire, les chiffres aussi, les
données sont là, il y a les Netflix de ce monde, il y a... Tout est là, c'est
tellement facile, sur le bout du téléphone.
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. On a
déjà dépassé d'une quinzaine de secondes. M. le député de Matane-Matapédia,
pour votre temps, 2 min 50 s aussi.
M.
Bérubé : Merci. Bienvenue, mesdames. C'est une vénérable institution
qu'est la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal.
Parlons d'immigration. Je me souviens qu'en 2018
le premier ministre, en campagne électorale, avait dit cette phrase-choc
suivante : il craignait que nos petits-enfants ne parlent pas français. Il
a dit ça, il se plaignait que le gouvernement de son prédécesseur, Philippe
Couillard, n'en avait pas fait assez pour s'assurer que les immigrants parlent français. Or, trois ans plus tard, ce
gouvernement ne donne aucune cible quant à la francisation des immigrants.
Ce n'est même pas dans le projet de loi. Le
gouvernement de la CAQ a choisi d'occulter cette question-là. Aucune cible,
aucune volonté de rendre obligatoire la connaissance du français. Quand vous
dites, dans votre intervention, que vous
croyez que ça n'ira pas assez loin, vous avez raison. Mais le gouvernement
entend ce message-là et il a décidé de ne pas bouger sur l'immigration, de
façon notable. Alors, j'aimerais que vous puissiez revenir sur cet enjeu-là
fondamental.
Quand j'ai lu également, dans la même
intervention, 2018, que la ministre maintenant responsable de la Métropole
disait qu'elle n'était pas inquiète pour l'avenir du français à Montréal...
Peut-être, dans sa circonscription de Pointe-aux-Trembles, présentement, mais
quiconque habite à Montréal ou visite Montréal peut constater que ce n'est pas
le cas. Le français est menacé à Montréal, et à Laval, et ailleurs. Alors, sur
l'immigration, pourquoi est-il si nécessaire de connaître le français à
l'arrivée?
• (11 h 20) •
Mme Meggs
(Anne Michèle) : Ce qu'on fait ressortir dans le mémoire, c'est
l'anglicisation de l'immigration qui arrive, que ce soit permanent ou
temporaire. Et donc tous les oeufs sont mis dans le panier de la francisation,
et on n'a aucune donnée qui indique, malheureusement, si à prendre un cours ou
même prendre... faire un test de linguistique, ça va donner un transfert
linguistique. Ce n'est pas...
M. Bérubé : Il vaut mieux contrôler
à l'arrivée. Et le Québec a le droit de faire le choix politique d'accepter
l'immigration francophone?
Mme Meggs (Anne Michèle) : Oui,
permanent. Mais temporaire, il n'y a pas d'exigence linguistique.
M. Bérubé : Bien, nous, on le
demande, en tout cas.
Mme Meggs (Anne Michèle) : Non, pas
le Québec, pas le temporaire. C'est-à-dire qu'on le demande quand ils veulent
devenir permanents,mais quand ils arrivent... et ils sont ici pendant
plusieurs années avant de demander la résidence permanente et ils vivent,
souvent, beaucoup en anglais.
M. Bérubé : Ce que je veux vous
dire, c'est que nous, au Parti québécois, on le demande que ça se passe en français.
On l'a demandé, le ministre a entendu ça, on le demande à nouveau. Je veux
dire, il y a tout le temps des bonnes raisons... Puis à l'époque, vous savez,
c'était pour des diplomates qu'on avait fait ça. C'était une mesure un peu à
part pour ça. Toute l'immigration devrait se faire en français au Québec, c'est
un choix. Si on ne fait pas ce choix-là, bien, on n'assure pas l'avenir du français,
selon moi, on choisit une érosion.
Mme
Thériault : Et je dois mettre fin à l'échange sur ces
paroles, M. le député de Matapédia,
Matane-Matapédia. Merci, Mme Alepin et Mme Meggs, de votre passage en
commission parlementaire.
Nous allons
maintenant suspendre quelques instants... (panne de son) ...au prochain groupe
de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 22)
(Reprise à 11 h 29)
La Présidente (Mme Thériault) :
Bonjour. Donc, nous reprenons nos travaux. Et nous recevons maintenant le
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, M. Christian
Daigle, le président général. Vous allez faire la présentation, vous avez à peu
près une dizaine de minutes. Je vais vous demander de nous présenter la personne
qui vous accompagne, et, par la suite, les échanges avec les parlementaires, en
commençant par le ministre, vont se faire. Donc, la parole est à vous,
bienvenue au Parlement.
Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec
(SFPQ)
M.
Daigle (Christian) :
Parfait. Merci, Mme la Présidente. Alors, je m'appelle Christian Daigle,
président général du Syndicat de la fonction publique et parapublique du
Québec. Je suis accompagné par M. Louis-Joseph Saucier, conseiller au
service de la recherche et spécialiste au niveau de la langue française dans
notre organisation.
• (11 h 30) •
Alors, Mme la Présidente, MM. et Mmes les
députés, M. le ministre, le français est fragile dans notre coin de pays, en Amérique
du Nord même, je pourrais dire. Les projections de l'Office québécois de la
langue française, c'est qu'entre 2016 et 2036, la proportion de francophones,
pour la langue parlée, pourrait passer de 82 % à environ 75 %.
Plusieurs volets sont importants pour protéger le français au Québec : la
langue de l'enseignement, la langue de
travail, la langue du commerce, mais l'exemplarité de l'État est essentielle et
centrale pour ce faire. C'est la langue commune au
Québec. Le mémoire du SFPQ porte sur cette question, sur l'exemplarité de
l'État. Nous en faisons une bataille, au
SFPQ, depuis plusieurs années. Nous sommes un acteur de premier plan dans ce
dossier et avec différents partenaires
également à travers l'ensemble de la société québécoise. En représentant des
dizaines de milliers de travailleurs et de travailleuses au sein de l'appareil d'État qui donnent des services
au quotidien aux citoyens et citoyennes du Québec, le SFPQ veut
notamment protéger leur droit de travailler en français.
Le constat général : c'est l'unilinguisme
qui a été annoncé, mais on se retrouve plutôt avec un bilinguisme de fait. Le
français est notre langue officielle depuis 1974, la loi 101, adoptée en 1977,
avec son préambule qui nous fait mention qu'on est résolus à faire du français
la langue de l'État. Mais, dans les faits, ce n'est pas l'unilinguisme autour
de notre langue officielle qui s'est instauré dans l'administration publique,
mais un bilinguisme institutionnel. En 2019,
après des pressions politiques, au niveau du SFPQ, pour demander un portrait
des pratiques linguistiques de l'administration,
le Conseil supérieur de la langue française a publié une étude qui a révélé que
34 % des ministères et organismes de l'administration n'avaient
toujours pas procédé à l'adoption d'une politique linguistique. Bref, pas de
directive claire pour les pratiques linguistiques.
L'étude du Conseil supérieur de la langue
française et notre étude, notre propre étude au niveau du SFPQ, ont également
révélé que les ministères n'avaient soit pas de politique, soit qu'elle n'était
pas appliquée, et même que les employés n'étaient pas ou peu au courant du fait
français et de la pratique qui devait être instaurée à travers chaque ministère
et organisme.
Il existe aussi des problèmes avec les exigences
linguistiques autour des embauches et des promotions au sein même de l'appareil
public. Trop souvent, la connaissance de l'anglais est nécessaire pour obtenir
une promotion pour nos membres. Ça devient un frein à ces gens-là, alors que,
dans les faits, il n'est pas nécessaire d'avoir une connaissance de l'anglais à
un tel niveau. En juin, les résultats d'une vérification ponctuelle de la
Commission de la fonction publique l'ont clairement démontré. Les
recommandations portaient sur la nécessité d'exiger l'utilisation de l'anglais,
mais n'avaient pas cette prétention-là dans les faits. Dans l'enquête du SFPQ,
18 % des gens questionnés ont répondu que les promotions liées à leur
emploi étaient réservées aux personnes bilingues, alors que l'intention ne devait pas y être. Être unilingue francophone ne
devrait pourtant pas être pris comme un handicap pour une progression de
carrière dans notre fonction publique.
Comment nous accueillons maintenant le projet de
loi n° 96 au niveau de l'exemplarité de l'État? À
première vue, le projet de loi n° 96 semble enfin
faire la part belle à l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation du
français, mais il y a une faille majeure, et on y reviendra un petit peu plus
tard. Dans les notes explicatives du projet de loi, on dit : «donne ainsi à l'administration le devoir d'utiliser le
français de façon exemplaire et exclusive, sous réserve de certaines exceptions», et c'est là que, pour nous, il y a un
problème. Toutefois, le SFPQ recommande d'adopter les dispositions du
projet de loi pour jeter les bases de l'utilisation exclusive du français dans
l'administration, tant à l'oral qu'à l'écrit, dans un périmètre un peu élargi
de l'administration, et également pour les services publics et les
sous-traitants.
Afin que l'unilinguisme en français prenne forme
et soit soutenu par des institutions, le SFPQ recommande d'adopter les
dispositions du projet de loi pour l'instauration d'une politique linguistique
de l'État, pour la création d'un ministère
de la langue française, pour la création d'un poste de commissaire à la langue
française, pour accroître le champ d'action de l'Office québécois de la
langue française à la mise en oeuvre des programmes de conformité de
l'administration.
Le SFPQ recommande également d'adopter les
dispositions pour l'utilisation exclusive du français par le personnel de l'administration dans leurs
communications au sein de l'État, pour la reddition de comptes obligatoire des
organismes de l'administration pour qu'ils dénombrent le nombre de postes où la
connaissance d'une autre langue est attendue, pour favoriser les possibilités
de recours, pour tous les travailleurs et travailleuses du Québec, contre les
exigences linguistiques indues de la part de leur employeur.
Le SFPQ est également favorable à certaines
exceptions légitimes à l'unilinguisme français de l'État, entre autres, pour
les autochtones, en établissant, au sein de l'État, un service d'interprétariat
pour les langues autochtones dans les services publics de l'administration, pour
les ayants droit à l'enseignement en anglais, pour les nouvelles personnes
arrivantes, en allongeant le sursis prévu à deux ans, plutôt que six mois, et
en établissant au sein de l'État un service
d'interprétariat de plusieurs langues pour faciliter leur accès aux services
publics et leur intégration dans la société québécoise, finalement, en matière
de santé et sécurité publique, et pour faciliter les relations internationales
également.
Là où le bât blesse et où que nous pensons que
le projet de loi pourrait faire du surplace pendant plusieurs décennies, c'est
avec le deuxième alinéa de l'article 22.2, qui se veut une faille béante dans
l'exemplarité de l'État. Le projet de loi n° 96 prévoit toutefois de créer un autre statut d'ayants droit pour une multitude
de personnes qui ne font pas partie
des ayants droit à l'enseignement en anglais, communautés historiques
anglophones, des peuples autochtones ou des nouveaux arrivants, et qui
pourraient réclamer des services gouvernementaux en anglais toute leur vie avec
tous les organismes publics avec lesquels
ils ont déjà correspondu en anglais. C'est le SFPQ qui a vu en premier cette
problématique dans le projet de loi.
Et, autrement dit, pour une personne établie au
Québec depuis 10 ans, elle pourrait avoir communiqué en anglais avec un
maximum de ministères et d'organismes publics, et ça lui donnerait le droit à
un laissez-passer pour une vaste palette de services gouvernementaux en anglais
aussi longtemps qu'elle le souhaiterait. Malgré les effets d'annonce autour du projet
de loi sur l'exemplarité de l'État, cette clause d'antériorité viendrait donc,
dans les faits et pour l'essentiel, cimenter le bilinguisme de l'État québécois
pour des décennies.
Le recours
aux services gouvernementaux en anglais est une pratique très répandue au Québec.
À titre comparatif, selon les dernières statistiques, 7,5 % de la
population du Québec avait l'anglais comme langue maternelle, tandis que 10,4 % des
élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire étaient admissible à
l'enseignement en anglais. En réponse à notre demande d'accès pour
connaître les conséquences possibles de 22.2, Retraite Québec nous a indiqué que la proportion des citoyens qui ont l'anglais
comme langue de correspondance est de 15,4 %; à la RAMQ, 30,2 %.
En plus, en s'appliquant indépendamment d'un
organisme à l'autre, on viendrait créer une hydre où certains organismes
devraient gérer des cas d'autorisation aux services en anglais qui ne seraient
pas les mêmes que dans d'autres organismes.
Un beau fouillis au niveau gouvernemental de même que pour les citoyens qui
auraient des droits dans certains ministères, mais pas dans d'autres.
Prenons l'exemple d'une personne qui arrive, Régie de l'assurance maladie du Québec, elle a communiqué en anglais,
elle a un droit. Plus tard, elle arrive à sa pension, mais la Régie des rentes n'a jamais communiqué avec elle, donc elle
serait due pour être servie en français dans cet autre ministère. Pour nous,
c'est incompatible.
Devant les difficultés d'application sur le
droit du deuxième alinéa s'étendant d'un organisme à l'autre par des registres
communs ou de toute autre manière, on irait même jusqu'à accroître
l'anglicisation de l'administration publique.
Nous proposons donc d'amender le projet de loi pour retirer la clause
d'antériorité ou de restreindre sa portée. Nous ne faisons pas juste que
critiquer, nous avons des solutions.
Il pourrait y avoir une clause de temporisation
de trois ans avant de passer aux services en français. Il pourrait également y
avoir une exception pour les personnes âgées. Pendant ces trois ans, on
pourrait faciliter l'accès de ces personnes à des programmes de francisation, à
des services d'interprétariat dans plusieurs autres langues que l'anglais, à
des modalités de procuration auprès d'un ou des mandataires. Ainsi, pour
faciliter leurs communications avec les services publics, nous aurions
différentes solutions. De meilleures avenues sont possibles que de simplement
reconduire pour des décennies les erreurs du passé. Cet amendement au projet de
loi est absolument essentiel si l'on veut mettre en oeuvre sérieusement
l'exemplarité de l'État par ce projet de loi.
Après l'entrée en vigueur de la loi, il faudra
également s'assurer que le ministère de la Langue française consulte le SFPQ avant d'approuver les directives
soumises par les ministères et organismes pour établir dans quelles
circonstances ils peuvent déroger à l'unilinguisme du français. Il faudra
également s'assurer que l'ensemble des employés
soient adéquatement informés quant à la portée des différents articles du projet de loi. Enfin, si on veut donner un véritable coup de barre et qu'on veut démontrer notre sérieux avec ce
projet de loi, il faut adopter ces principes, sauf l'article 22.2 qui
doit être remanié. Sur ce, je vous remercie de votre attention et de votre
écoute.
• (11 h 40) •
Mme
Thériault : Merci, M.
Daigle. Donc, sans plus tarder nous allons passer au premier bloc d'échange
avec M. le ministre. La parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la
Présidente. M. Daigle, M. Saucier, merci d'être présents en commission
parlementaire, et je tiens à souligner la qualité du mémoire du SFPQ et aussi,
au fil des années, votre cohérence en faveur de la défense de la langue
française. Je crois que, comme employés de l'État, à juste titre, vous avez, au
fil des années, été cohérents avec vos positions et démontré l'importance,
également, pour l'État québécois aussi d'être un vecteur, un, de préservation, de protection de la langue, mais également
de promotion. Alors, pour ça, je tiens à souligner la qualité de votre
travail et vous féliciter également pour le mémoire.
Vous l'avez abordé un peu au début de votre
intervention, en termes de bilinguisme institutionnel, donc, bon, il y a eu
l'étude du Conseil supérieur de la langue française qui est sortie en... je
pense, septembre, octobre 2019, quand j'arrivais comme ministre de la Langue
française. Vous avez réalisé un sondage auprès de vos membres. Ce qui ressort beaucoup de ça, c'est que, bon, la
politique linguistique, elle n'est pas connue, elle n'est pas appliquée, les
employés de l'État ne sont pas au courant, les gestionnaires ne font pas de
suivi par rapport à ça. Dans le fond, c'est un peu laissé à la va-comme-je-te-
pousse au sein de l'État québécois.
On se retrouve dans des situations également où
c'est les employés de l'État qui sont un peu les arbitres de quand est-ce que
j'utilise le français ou quand est-ce que j'utilise une autre loi. Il y a eu
une approche au sein de l'État, je pense que vous décrivez, qui est très... une
approche client. Donc, les gestionnaires disent : Bien, c'est une
clientèle, donc vous utilisez la langue de la clientèle sans se soucier de la
politique linguistique, tout ça.
Je voudrais qu'on revienne, là, sur ce bilan-là,
là, parce que moi, c'est quelque chose qui me préoccupe grandement, puis c'est pour ça que je souhaite rendre l'État exemplaire.
Donc, votre constat, il est à l'effet qu'on doit agir.
M.
Daigle (Christian) : Tout à fait. L'État est le plus gros employeur au
Québec. Nous devons être exemplaires, nous sommes même la
porte d'entrée pour toute personne qui arrive de l'extérieur aussi. Donc,
l'exemplarité de l'État est nécessaire dans ces circonstances-là, et nos gens
sont trop souvent laissés à eux-mêmes. Vous l'avez dit, M. le ministre, c'est
les gens souvent qui doivent se dire : Bien, est-ce que j'applique, je
n'applique pas, comment est-ce que ça
fonctionne, même lorsqu'il y a des politiques qui sont claires, même au niveau
de la Régie de l'assurance maladie du Québec, où est-ce qu'on disait
qu'on allait garder un statut langue deux, langue anglophone pour un certain
temps, et qu'on devait changer par la suite. Dans les faits, la personne ne
change jamais son statut de langue.
Alors, pour nous, on n'a pas le
choix d'être exemplaires et d'aller vraiment au maximum de ce qu'on peut
faire et de ce qu'on doit faire. Nous sommes l'unicité francophone en Amérique
du Nord, et on doit le demeurer. Et, pour ça, on doit se donner des moyens qui
sont clairs pour nous là-dessus. Il faut que les gens soient au courant.
Souvent, comme vous le disiez également, c'est
selon la volonté, des fois, du ministre, ou du ministère plutôt, ou des employeurs, des gestionnaires, à
savoir est-ce qu'on va informer les employés des politiques
linguistiques qu'il peut y avoir. Pour nous, on ne peut pas continuer
comme ça. Nos gens ne sont pas des personnes qui sont décisionnelles. C'est des
gens qui sont là pour exécuter. Puis ce n'est pas péjoratif, ce que je dis.
C'est des personnes qui ont à exécuter des tâches, qui le
font très bien. Mais, pour ça, ça prend d'avoir des directives qui sont
claires... qui sont claires également.
Alors, ce qu'on
espère avec le projet de loi, c'est une mise en oeuvre de la part du gouvernement
à travers tous les ministères et organismes pour que ce soit connu et qu'on
applique cette exemplarité-là du français dans les services publics.
M. Jolin-Barrette :
Et c'est l'objectif. C'est pour ça qu'on amène une politique linguistique de l'État
qui va être développée par le ministère de la langue française et qui va être
appliquée à l'ensemble des ministères et des organismes. Alors, je crois
comprendre de votre mémoire que vous êtes en accord avec la politique
linguistique, le fait qu'il y ait un ministère de la langue française, le fait qu'il
y ait un commissaire à la langue française. Vous êtes en accord également avec
le renforcement de l'article 46 également dans la Charte de la langue
française, mais vous avez un bémol, puis vous l'avez exprimé tout à l'heure, relativement
aux dispositions sur la clause d'antériorité qu'on est venu insérer.
J'aimerais ça qu'on
ait une discussion plus approfondie sur ce volet-là, parce qu'actuellement
quelqu'un qui appelle au sein du gouvernement du Québec peut théoriquement se
faire servir dans une autre langue que le français. Il n'y a pas vraiment de balise. Bah! Il y a une politique linguistique
gouvernementale, mais, des fois, elle n'est même pas là. Nous-mêmes, au sein du ministère de la Justice, on est en train
de la réviser parce qu'il y a des lacunes également. Parlez-nous de cet
élément-là, parce que l'objectif est de faire en sorte que l'État soit
exemplaire, mais de faire aussi en sorte de pouvoir préserver les droits de la
communauté anglophone, des ayants droit. Alors, explicitez-nous ça, là, votre
bémol-là, sur le projet... la proposition de projet que nous avons.
M. Daigle
(Christian) : C'est que l'article 22, le deuxième alinéa
de 22.2 ne s'adresse pas à ces groupes-là qui ont droit d'être servis en
anglais, qui ont historiquement un droit qui est prévu. Ça s'adresse aux
personnes, les nouveaux arrivants qui arrivent au Québec et qui, de par la
nature et de par, souvent, l'approche client que nous, nous dénonçons... même
la nature même de ces termes-là, ce n'est pas une approche client. Si je suis
un client, c'est que j'ai le choix d'aller à un endroit ou à un autre.
Excusez-moi de diverger un petit peu, là, mais j'ai le droit d'aller à un
endroit ou à un autre pour aller me faire servir. Je peux aller dans un garage,
je peux aller dans un autre garage. Je vais
être un client pour eux autres. Je peux aller à une compagnie d'assurance ou
une autre compagnie d'assurance.
Au niveau des
services gouvernementaux, nous servons tous les citoyens. Nous sommes la seule
porte d'entrée. Donc, ce n'est pas des clients qu'on sert, c'est des citoyens.
On a adopté l'approche client pour des raisons de justifier la numérisation ou
le décomptage du nombre de dossiers traités. Alors, pour nous, ce qu'on doit
faire, c'est de traiter avec des citoyens. Ces citoyens-là sur lesquels on a
donné un droit d'être servi en anglais à travers les années sont des personnes
qui arrivent au Québec, qui, souvent, l'anglais ou le français ne sont même pas
leur langue de départ, et on les met en
anglais pour faciliter la chose. Alors, ces gens-là devraient avoir eu des
cours de francisation qui, malheureusement, se sont perdus avec le
temps, qu'on devrait réinstaurer. Ces gens-là auraient dû s'intégrer à la société
québécoise car, en venant ici, ils savaient que c'était une société qui était francophone.
Donc, ce qu'on veut, nous, c'est ramener ce droit-là et ce service-là en français
qui doit se faire, parce que les gens sont... doivent, à ce moment-là dans
certains endroits, être servis dans la langue également quand on arrive.
Je viens du ministère
de l'Aide sociale, plus particulièrement du centre du recouvrement, et,
lorsqu'on avait des gens qui parlaient russe, qui parlaient espagnol, moi-même,
je parlais en anglais, bien, on donnait des dossiers dans ces langues-là, alors
que ce n'est pas ça qui est prévu présentement, ce n'est pas ça qui devrait se
faire. Mais, pour faciliter le travail, pour avoir une approche plus proche de
ces gens-là, bien, on demandait aux gens d'utiliser la langue. J'avais un...
excusez-moi l'anglicisme, ça fait bizarre... un «caseload», j'avais un
inventaire d'environ 3 000 à
5 000 dossiers uniquement en anglais. Je travaillais 100 % du temps en anglais. Le seul temps que je
parlais français, c'était pendant mes pauses ou l'heure du dîner. Ce
n'est pas normal, selon moi, parce que ces gens-là ne sont pas des gens qui
étaient historiquement avec un droit. C'est ça, la différence.
M.
Jolin-Barrette : M. Saucier, allez-y.
M.
Saucier (Louis-Joseph) :
Puis, en complétant ce que dit notre cher président du SFPQ, là où le bât
blesse, avec, justement, l'exception telle qu'elle est tournée, avec le
deuxième alinéa de 22.2, c'est que ce ne serait pas un nouveau statut d'ayant
droit pour les ayants droit en enseignement anglais, pour lesquels on est déjà
favorables à l'extension de leurs droits à celui des services gouvernementaux
de façon plus large. Ce ne serait pas non plus un droit pour les nouveaux
arrivants, alors qu'il y a déjà une disposition qui le prévoit, puis d'ailleurs
où on propose même d'allonger le sursis à deux ans et de l'accompagner par des
services d'interprétariat dans d'autres langues, d'ailleurs, que l'anglais. Ce ne serait pas non plus des gens qui
peuvent bénéficier de l'exception en tant qu'autochtone, là où d'ailleurs aussi on propose d'ajouter des
modalités de services d'interprétariat, d'instaurer un service d'interprétariat
au gouvernement du Québec dans des langues autochtones.
Non, ce serait pour
reconduire, toute la vie durant, à un droit, un autre statut d'ayant droit aux
services en anglais, ce qui correspondrait un peu à reconduire, malheureusement,
les erreurs du passé que de s'être confiné aux services en anglais dès que
c'était un peu difficile d'offrir des services en français, alors que nous, on
n'arrive pas les mains vides, on a des propositions qui sont plus porteuses en
ce sens-là.
M.
Jolin-Barrette : J'ai deux
questions, avant de céder la parole à mes collègues, particulièrement sur ce
point-là. Vous nous dites, pour les nouveaux arrivants... Actuellement,
ce qu'on a prévu dans le projet de loi pour l'accueil, c'est une période transitoire de six mois où
l'État pourrait accueillir dans une autre langue que le français. Donc, ça ne
veut pas nécessairement dire en anglais, ça veut dire... ça peut être en
mandarin, ça peut être en portugais. Mais tout le monde nous dit :
Assurez-vous, dès le départ, de bien intégrer en français les personnes
immigrantes.
Alors, le fait
d'étendre de six mois à deux ans, comme vous le proposez, ce n'est
pas un peu contradictoire sur l'intégration
des personnes immigrantes, si déjà l'État continue de communiquer pour une
période de deux ans, ce qui est quand même assez long, dans une
autre langue que le français?
M. Saucier
(Louis-Joseph) : Sous cet aspect-là, ce qu'on dit, c'est... Quand on
dit six mois, c'est à partir du moment où est-ce que la personne arrive au Québec.
Le temps de s'établir, le temps de se trouver un travail, le temps de prendre
des cours de francisation, en dedans de six mois, je trouve que c'est très
rapide pour s'intégrer à une nouvelle société. Souvent, les gens vont venir
d'un endroit peut-être qui n'est pas comparable à l'ensemble de la société québécoise.
Donc, il faut s'acclimater également un peu à l'environnement et à la culture
aussi. C'est pour ça que nous, on prévoyait qu'un deux ans serait une bonne
transition à ce moment-ci.
M.
Jolin-Barrette : Juste une sous-question là-dessus, dans les autres
États dans le monde, là, qui reçoivent de
l'immigration, là, c'est plutôt rare qu'on va parler dans la langue... dans une
langue autre aux personnes immigrantes, alors qu'ils intègrent un État
national?
• (11 h 50) •
M. Saucier
(Louis-Joseph) : C'est possible. On n'a pas fait d'études à ce
niveau-là, mais nous, ce qu'on pense, c'est
que ça va permettre aux gens de se sentir peut-être mieux accueillis à ce
moment-là. Donc, on espère pouvoir, justement, aider un petit plus loin,
puis je vais laisser mon collègue peut-être compléter rapidement sur la
réponse.
M.
Daigle (Christian) : Puis sur le fait que l'État puisse
s'adresser dans d'autres langues que la langue officielle, effectivement, ce sont des exceptions. Mais nous, le SFPQ,
on s'est montrés favorables à plusieurs exceptions puis on propose même
des modalités pour que ce soit plus riche, mais que ça ne tombe pas nécessairement...
ou que ça ne tombe pas que dans l'ornière de l'anglicisation étatique. Mais, par
contre, autant où, oui, on est favorables à certaines
exceptions, autant on croit que 22.2, deuxième alinéa, devrait être amendé
pour ne pas reconduire, par contre,
une anglicisation de l'administration pour des décennies à venir tout en
mettant en oeuvre ce qui pourrait être un aménagement
linguistique tout à
fait exemplaire, qu'on souhaiterait
voir dans d'autres provinces et dans d'autres États.
M.
Jolin-Barrette : Dernière question rapide avant de céder la parole.
Vous, justement, sur 22.2, vous dites : Bien, écoutez, ça devrait être une
clause d'antériorité qui prend fin après trois ans, donc une disposition
transitoire, une crépusculaire trois ans et ça prend fin, et une exception pour
les personnes âgées. Je voudrais vous demander : qu'est-ce qu'une personne
âgée? Parce que moi, ma fille de quatre ans, elle trouve que je suis âgé. Donc,
c'est quoi, une personne âgée?
M. Daigle
(Christian) : On ne veut pas vous dire aujourd'hui que c'est
65 ans, c'est 70 ans. Ça, à partir du moment où est-ce que vous
accepterez de modifier 22.2, on pourra en rejaser, si vous le souhaitez. Parce
qu'on sait qu'à 65 ans il y a des gens qui sont encore très actifs. Il y a
des gens qui prennent leur retraite puis qui retournent aux études. Il y a des
gens qui, à 75 ans, sont encore très actifs également. Pour nous, c'est de
dire : Les gens qui ont atteint un certain âge, mais, tu sais, qu'on voit
que c'est plus difficile, bien, on pourrait, à ce moment-là, avoir une
bienveillance pour ces personnes-là.
On ne voulait pas les
laisser avec une clause de trois ans et ne plus avoir rien après, donc, que ces
gens-là vivent une certaine insécurité à l'aube d'une période où est-ce que
c'est la vieillesse qui avance un petit peu plus... un peu plus vite. Donc, on
n'a pas voulu statuer sur l'âge à ce moment-là. Et ça, on laisse... On pourra
en discuter, si vous le souhaitez, puis on va être très ouverts, à ce
moment-là, à regarder les possibilités là-dedans. Mais ce qu'on voulait, c'est
de permettre à tout le monde d'être quand même... d'avoir un suivi quand même
décent parce qu'elles ont été servies en anglais pendant la majeure partie de
leur vie, malheureusement. Mais cette fois-ci, on ne veut pas juste non plus
couper les ponts. On veut quand même avoir un degré de suivi quand même avec
ces gens-là.
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. M. le député de Saint-Jean,
vous avez un peu moins de quatre minutes pour faire votre intervention.
M. Lemieux :
Merci. Oui, merci beaucoup, Mme la Présidente. MM. Daigle et Saucier,
bonjour. Ce n'est pas le festival de la flagornerie, là, mais le ministre vous
a félicité sur votre mémoire, sur le fond. Permettez-moi de vous féliciter sur la forme, parce que vous avez
fait quelque chose dans la présentation qui m'a gardé, pas malheureusement,
mais qui m'a forcé à rester jusqu'à la fin avec votre titre, Pour
l'exemplarité de l'État. À une clause près d'une nette avancée.
La
22.2, deuxième alinéa, arrive à la 26e page. Je l'ai lu, votre mémoire, au
moins jusque-là, parce qu'effectivement c'est une question passionnante
et surtout rendu où on est dans la conversation avec le ministre. Mais juste
avant d'aller sur le fond, «une nette
avancée»... «Avancée», c'est vraiment un mot clé ici, dans les consultations
sur le projet de loi n° 96. Le gouvernement parle de modéré,
plusieurs arrivent en parlant d'avancée. Personne ne parle de recul ou, en tout
cas, très peu, là. Alors, ça, c'est la bonne nouvelle.
Ce
que j'entends dans ce que vous dites au sujet de 22.2, alinéa deux, c'est que,
pour vous, c'est comme une clause grand-père pour un statut particulier pour
une certaine... Là, il ne faut pas que j'utilise le mot «clientèle», là, parce
que ça ne fait pas partie de ça. La clause de temporisation, expliquez-moi ça.
Ça fonctionnerait comment?
M. Daigle
(Christian) : Bien, ce trois ans-là serait un trois ans
d'encadrement. Ces gens-là n'ont vraiment probablement
jamais suivi de cours de francisation.
Ils sont arrivés, ils se sont fait offrir des services en anglais, malheureusement, et ça a perduré à travers le temps. Donc, ces gens n'ont pas eu besoin
d'aller plus loin, peut-être, dans leur apprentissage du français.
Alors,
ce qu'on demande, justement, c'est d'avoir un accompagnement pour ces gens-là
avec des cours de francisation durant ces trois années-là, d'avoir droit
également aussi peut-être à, comme on disait tantôt, un groupe, mettons, ou à un service d'interprétariat, si jamais
c'est une autre langue que l'anglais qui est leur maternelle, pour les aider
à naviguer à travers tous ces services
publics là. Parce qu'on comprend que différents ministères,
différents services avec différents intervenants, c'est plus difficile,
parfois.
M. Lemieux :
Je reviens... Malheureusement, c'est ce qui m'intéressait. Alors, même si vous
en avez discuté avec le ministre,
je reviens sur le six mois, deux ans, parce
que je voudrais introduire là-dedans,
dans la réflexion, la partie de services d'interprétation. Ça, c'est quelque
chose, si je le comprends bien, qui vous déçoit, dans la mesure où on est tombé
par défaut vers l'anglais, parce que c'était une langue commune du nouvel
arrivant et que... Puis là on ne parle pas des ayants droit, là, on parle des
nouveaux Québécois.
Le
service d'interprétation, est-ce que c'est trop ambitieux de se dire qu'on va réussir
à parler dans la langue de ce nouvel
arrivant dans la plupart des cas ou dans la majorité des cas? Est-ce que
ça, ça ne serait pas une avancée de plus?
M. Daigle (Christian) : Nous, on pense que oui, c'est quelque chose de super intéressant puis qui est vraiment une plus-value pour
l'ensemble de la société québécoise. Déjà, au lieu que les gens se tournent vers
l'anglais en arrivant, parce que c'est une langue qui est souvent plus
facile à apprendre pour un nouvel arrivant qui ne maîtrise ni le français, ni
l'anglais, bien, à ce moment-là, avec un service d'interprétariat, elle aurait
un service dans sa langue. De plus, retombée également positive, c'est qu'on
vient offrir un emploi à des gens qui ont la maîtrise de cette langue-là, qui
vont souvent faire partie de ces communautés-là et qui vont pouvoir aider leurs
concitoyens. On va pouvoir les intégrer à travers la fonction publique québécoise
également, où elles pourront, par la suite, avoir des promotions, avoir un
changement puis elles pourront découvrir l'administration publique, qui souvent
fait défaut dans l'administration publique. On a peu de gens de différents...
M.
Lemieux : Vous parlez à un
gars qui a travaillé longtemps à Radio-Canada, où il y avait un Radio-Canada
International qui est devenu une peau de
chagrin, qu'on ne sait même plus où il se trouve dans la bâtisse. Là, je
comprends l'idée. Sans devenir une tour de Babel, est-ce que,
réalistement, sans investir la moitié de notre budget là-dessus, on est
capable, avec le monde qu'on a puis le monde qu'on aurait, est-ce qu'on est
capable d'aller vers là?
M. Daigle (Christian) : Ah mon Dieu! oui. Les gens, les jeunes d'aujourd'hui maîtrisent deux langues, trois langues assez facilement. On est
capables. Pour la jeune génération, je pense, qui parle une autre langue à la
maison et qui parle le français à l'école, ou qui se sont développés en
français, on est capables facilement de mettre ça en place avec une... quelques
dizaines de personnes.
M. Lemieux :
...on peut vous dire merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci pour votre réponse. Je dois mettre fin à l'échange.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour votre
11 min 30 s... 20 s.
Mme David :
Merci beaucoup. Bonjour, MM. Daigle et Saucier. Mémoire effectivement très
intéressant, qui pose plusieurs
questions, et je vais vous faire part de mon... de littéralement de mon vertige, mais je l'ai depuis longtemps, mais vous êtes l'occasion rêvée, c'est la question
de l'accès à la francisation. Tout repose là-dessus : nouveaux
arrivants, clauses de... comment vous l'appelez, de... la transition de
trois ans.
On va franciser ces
gens-là que ça fait 30 ans, disons, qu'ils parlent russe et un peu anglais
chez eux, etc. En ce moment, ça prend trois
mois pour avoir accès à la francisation en Montérégie, c'est un exemple, là,
pour... trois mois. On parle de six mois... c'était ma question, moi
aussi, le ministre est allé sur les deux sujets dont je voulais traiter, et donc
aller à deux ans. Moi, mon vertige, c'est... ça va prendre, j'allais dire une
corvée mais je n'aime pas le mot parce que
c'est péjoratif, appelons ça une mission nationale de francisation, mais une
vraie mission, comme la vaccination en
ce moment, partout au Québec, là. Ça va nous prendre un Daniel Paré de la
francisation qui est partout, pour toutes sortes de clientèles, on se
comprend, là, parce que, partout dans le projet de loi, c'est la prémisse de
base pour tous les articles de loi.
Alors, je ne le sais
pas comment vous voyez ça. J'ai été surprise de vos chiffres, 15 % de
Retraite Québec, 15,4 % qui demandent d'avoir une correspondance en
anglais ou de parler anglais. Il y a d'autres chiffres autour de ça. Par
contre, vous dites : Laissez-leur deux ans au moins pour les nouveaux
arrivants. Comment on va y arriver, s'il n'y a pas une mission nationale de
francisation?
M. Daigle (Christian) : C'est certain que le
gouvernement doit se doter ou se redoter de services de francisation dignes de ce nom, à l'intérieur de
l'ensemble des régions du Québec également aussi, pas juste à Montréal, pas
juste à Québec. L'intégration des
nouveaux arrivants doit se faire à la grandeur de la province, et ces services
de francisation également doivent se faire à la grandeur de la province.
Le deux ans va permettre d'avoir
peut-être un certain délai comme on connaît présentement pour y avoir accès, mais, par la suite, va permettre de
s'intégrer à ces gens-là de mieux en mieux à travers leur nouveau milieu de
vie, que ce soit en région ou dans les grands centres urbains, va éviter
également d'envoyer quelqu'un en région, pensant qu'il va pouvoir s'établir,
mais devant le fait que la personne ne parle pas beaucoup la langue française,
va devoir retourner vers un milieu où elle a des compatriotes peut-être, qui
sont plus présents à ce moment-là. Donc, on ne veut pas justement ça, on veut
pouvoir... on veut que les gens puissent s'épanouir sur l'ensemble du
territoire québécois et on veut pouvoir y arriver, justement.
C'est pour ça que la clause de
deux ans, pour nous, permet d'avoir un suivi avec ces personnes-là aussi, et
pas de dire : On vous prend pendant six mois puis, au bout de six mois,
après ça, on vous laisse à vous-mêmes. Donc,
d'avoir un suivi de deux ans permet de pouvoir suivre la personne, de pouvoir
l'aider à bien s'intégrer à travers ces deux années-là, parce qu'on ne
pense pas qu'en six mois on puisse y arriver.
• (12 heures)
Mme
David : O.K. Là, l'autre aspect de mon vertige, c'est qui va
enseigner? Il y a une pénurie d'enseignants, elle est déjà
documentée, la pénurie d'enseignants de français langue seconde. J'ai vraiment
un vertige, partout en région, et,
quand on dit... trois mois, 90 jours, trois mois d'attente en
Montérégie. Mais où est-ce que le ministre va trouver tous ces
enseignants-là de français? Il va falloir les payer, il va falloir qu'ils
soient partout. Je vous dis, c'est la base même de la survie du français au
Québec, là, c'est l'enseignement du français.
M. Daigle (Christian) :
Effectivement, il peut y avoir certaines difficultés. Avec les nouvelles
technologies, par contre, on peut peut-être trouver une façon de donner ce
service-là. Pas obligé d'avoir quelqu'un dans chaque ville, chaque village ou
chaque endroit où les personnes vont s'implanter, à partir du moment où est-ce
qu'on a un côté numérique qui va être
développé sur le territoire québécois, les nouvelles technologies. La pandémie
aura peut-être eu ça de bon qu'elle va pouvoir avoir permis de
développer cette technologie-là et nous permettre d'avoir peut-être un
enseignement à distance aussi pour certaines personnes. Ça s'est développé avec
les dernières années. Nous, on pense qu'il y
a peut-être un intérêt à regarder cette façon-là de faire pour intégrer les
gens, autant au niveau technologique qu'avec également la langue
française.
Mme David : C'est plus difficile
pour les nouveaux arrivants, mais peut-être qu'on peut faire des miracles.
Il y a un mot que vous avez prononcé que j'aime
beaucoup, beaucoup : bienveillance. Bienveillance pour des gens qui,
peut-être, depuis 30 ans, 35 ans, reçoivent des correspondances en
anglais, même s'ils sont originaires de Serbie, de Russie, de plein de
différentes régions dans le monde. Bienveillance aussi pour les personnes
âgées. Alors, le ministre a peut-être juste 34 ans, je lui ai déjà dit que
je pouvais être sa mère, donc ça vous donne... et donc la bienveillance pour
les personnes âgées.
La question est bonne : À quel âge on est
âgé? Moi, je suis très, très jeune, il n'y a pas de problème. Mais vous avez
raison, il ne faut pas non plus traumatiser les gens. Et il y a la question du
droit... des ayants droit qui sont d'origine anglophone, et qui ont toujours eu
ça, et qui vont continuer à l'avoir. Mais comment on va opérationnaliser cette
bienveillance, c'est quelque chose, quand même, d'intéressant. Bien que vous
dites : On va y mettre le temps, on va y mettre des cours de
francisation... ça, ça veut dire sortir des gens, peut-être, de leur univers.
Ils n'ont jamais pensé qu'un jour ils suivraient des cours de francisation.
C'est un changement de paradigme important.
M. Daigle (Christian) :
Oui, tout à fait. Pour les cours de francisation pour les gens, ce ne seraient
pas des gens qui seraient visés, mettons, par une clause où est-ce qu'à cause
de l'âge elles pourraient conserver l'anglais, à ce moment-là, bien que, si
elles souhaitent être actives et reprendre des cours de francisation pour se débrouiller
un petit peu plus, pas de problème. Mais ce qu'on vise avec ces gens-là, c'est
de pouvoir, justement, les accompagner dans une langue qui, malheureusement, a
été l'anglais tout au long de leur présence au Québec.
Donc, ces gens-là, oui, on veut les protéger
quand même, parce que ça fait un gros changement dans leur vie, peut-être, d'avoir à correspondre en français avec l'État québécois. Mais pour les autres
personnes, on espère, justement, pouvoir faire cette transition-là à
travers les trois années qui nous permettraient d'y arriver. Puis je sens
que mon collègue veut intervenir également sur le sujet.
M. Saucier (Louis-Joseph) : Juste
pour ajouter un petit détail, là, une sous-proposition de plus, là, qu'on fait
en substitution à la clause d'antériorité qui est proposée, pour l'instant,
dans le projet de loi, c'est qu'outre la clause de temporisation, c'est-à-dire, là... c'est, disons, trois ans, outre les
services d'interprétariat dans d'autres langues aussi, pendant... aussi
le fait que des gens puissent commencer à se familiariser davantage avec le français,
il y aurait aussi d'offrir des modalités accrues, ou des modalités tout court,
de procuration, pour soutenir les gens qui ont... en soutien à ces personnes-là, pour l'accès à leurs services publics, c'est-à-dire ce serait d'offrir des modalités où certains mandataires, des personnes
dans leur entourage, pourraient les aider dans leurs démarches auprès de l'administration
publique.
Mme David : Ce qui existe probablement
déjà de facto, là, que c'est l'enfant qui appelle. Je passerais la parole à mon
collègue de D'Arcy-McGee.
La Présidente (Mme
Thériault) : M. le député, vous avez quatre minutes au bloc d'échange.
M.
Birnbaum : Merci, Mme la Présidente. Merci, MM. Daigle et Saucier, pour votre
exposé, très intéressant. Écoutez, est-ce que je suis pour
comprendre, et, si oui, j'espère l'appui des témoignages, des données, qu'il y
a une épidémie de services de dispensés en
anglais en santé, en éducation, partout aux instances gouvernementales, qu'il y a une crise de bilinguisme institutionnel au sein
de l'octroi des services en anglais, et en région, ainsi qu'à Montréal?
M.
Daigle (Christian) :
Présentement, la facilité que les
gens ont, lorsqu'ils arrivent au Québec, c'est d'avoir une langue anglaise qui est inscrite à leur dossier, plutôt qu'une
langue française. Par la suite, on ne change pas celle-ci à travers le temps, et c'est là que les services
se perpétuent en anglais. Également, à travers l'ensemble de l'administration québécoise, il y a des
demandes pour une connaissance de l'anglais sur les affichages de postes, sur
les postes en promotion, également, à l'interne, qui n'ont aucun lien
avec le poste qui est demandé.
Donc, à partir du moment où est-ce qu'on
inscrit, même dans notre C.V., qu'on parle une autre langue, on peut être
appelé, par l'employeur, à l'utiliser. Donc, quelqu'un qui arrive puis qui dit
qu'il parle anglais, qu'il parle espagnol, qu'il parle russe peut être appelé à
l'utiliser s'il l'a indiqué dans son curriculum.
M. Birnbaum : Si je peux...
Évidemment, le droit de travailler en français est une pierre angulaire de nos
efforts collectifs, on va en convenir. Est-ce que vous avez les données à l'appui,
comme je dis, sur l'étendue de l'octroi des services en anglais actuellement?
M. Daigle (Christian) :
Présentement, je n'ai pas ces données-là avec moi. Je ne sais pas si... Bien,
on avait fait l'étude, mais je n'ai pas les chiffres exacts. Je vais peut-être
passer la parole à mon collègue.
M. Saucier (Louis-Joseph) : Je vous
inviterais à regarder de plus près, par exemple, l'étude qui a été publiée, en
2019, par le Conseil supérieur de la langue française, étude qui, d'ailleurs,
avait été produite dans la foulée d'une proposition d'un ministre précédent — c'est
le ministre Fortin — qui
était dans les suites, beaucoup, de représentations qu'on avait faites et qui,
pour une fois, établissait certains portraits des pratiques linguistiques dans
l'administration publique et, surtout, dans la fonction publique et
parapublique du Québec, où notamment, chiffres à l'appui, il était démontré que... bien, notamment, que 56 % des
membres du personnel ignorent l'existence de documents administratifs
sur l'usage des langues dans leur organisation.
M. Birnbaum : Pour bien comprendre,
quand vous parlez de 22, et un comité historique des ayants droit pour les
services en anglais, proposez-vous que la personne arrive à l'hôpital
quelconque avec son certificat d'éligibilité à l'accès à l'école anglaise avant
d'être servie à l'urgence? Est-ce qu'on écarte la réalité... Vous parlez
louablement des communautés autochtones. Vous n'êtes pas sans savoir qu'il y en
a plein, de communautés autochtones, où le monde est plus à l'aise en anglais
qu'en français. Est-ce que c'est des ayants droit? Est-ce que la personne ici
depuis 40 ans, qui parle anglais à la maison, doit montrer son accès à
l'école anglaise avant de se prévaloir des services? Comment ça fonctionnerait,
tout ça?
La Présidente (Mme Thériault) :
46 secondes.
M. Daigle (Christian) :
Bien, notre syndicat représente les services publics. On n'est pas dans le
domaine de la santé ni dans le domaine de l'éducation. Sur les modalités
d'application dans ces services-là, dans les services publics au niveau de la
santé puis de l'éducation, je ne pourrais pas vous dire comment ou c'est quoi,
la meilleure pratique qui serait à mettre en place. Pour nous, au niveau des
services publics, les gens, d'habitude, quand ils nous appellent, ils ont déjà
un dossier d'ouvert dans le ministère ou l'organisme, donc c'est plus facile de
voir, avec un statut qui serait indiqué au dossier, si la personne est un ayant
droit.
M. Birnbaum : Mais je persiste avec
la question. Alors, on va écarter les hôpitaux. On va parler des services dont
vous avez toute une implication. C'est quoi qui se passe au moment d'une
demande d'être servi? Il y a un questionnaire? Il faut que ce soit inscrit au
dossier? Comment ça marche?
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je vais vous demander de répondre en 10 secondes seulement.
M. Birnbaum : Ah! je m'excuse, bon.
La Présidente (Mme Thériault) :
10 secondes, désolée.
M. Daigle (Christian) :
Bien, la personne, lorsqu'elle se présente, si je prends mon exemple personnel,
elle donnait son numéro de dossier, et là le
dossier affichait à l'écran, puis, à ce moment-là, il y a un code qui
apparaissait sur le niveau de langue. Alors, c'est de même qu'on
l'identifiait.
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait. Ça met fin à l'échange. Merci. Donc, Mme la députée de Mercier, c'est
à votre tour.
Mme Ghazal :
Merci beaucoup, messieurs, pour votre présentation. Par rapport aux services
d'interprétariat, moi, je trouve ça superintéressant parce que, dans le fond,
ça favorise l'utilisation d'une autre langue, de la langue maternelle de la
personne, au lieu de la laisser parler en anglais, puis, après ça, ça continue.
Donc, c'est vraiment bien, puis je suis certaine... comme quand vous répondiez
que c'est possible de le faire si on a cette volonté-là, parce que, si on la
laisse aller à l'anglais, ça peut rester longtemps comme ça.
Puis par rapport à la clause grand-père, selon
vous, est-ce que cette clause-là, dans le projet de loi, maintient un
bilinguisme institutionnel au Québec?
• (12 h 10) •
M. Daigle (Christian) :
...tout à fait, et c'est pour ça qu'on se doit de l'enlever. Les gens ont été
servis en anglais, malheureusement, et ce droit-là va être perpétué pendant des
décennies et des décennies, et ce ne sera pas possible de l'enlever par la
suite, là. On a commis une erreur, à l'époque, en ne changeant pas leur code de
langue, en ne les intégrant pas à travers la société québécoise francophone.
Donc, on se doit de corriger le tout avec ce projet
de loi là. Puis, pour nous, de ne pas faire ça, c'est... l'ensemble des
pratiques vont être à adapter tout le temps en fonction des personnes, qui vont
changer. Cette personne-là, qui était une personne qui n'a pas un droit, ce
n'est pas un ayant droit historique, lorsqu'elle va être transférée dans un
autre ministère, on dit même que le code ne changera pas. Donc, comment faire
pour que la personne même s'y retrouve? Elle va arriver au niveau de la Régie
des rentes du Québec puis elle n'aura jamais traité avec la Régie des rentes.
Alors là, elle va être traitée en français, mais, quand elle va rappeler la Régie
de l'assurance maladie, elle va être traitée en anglais, à ce moment-là. La
personne ne s'y retrouvera pas elle-même. Alors, pour nous, c'est une
incongruité d'aller vers ça.
Mme Ghazal : En faisant attention
pour les exceptions... les personnes âgées, mais d'autres situations
exceptionnelles qui pourraient être définies dans la loi ou...
M. Daigle (Christian) :
Oui, oui, oui, ça, on n'a aucun problème, aux personnes qui ont droit à des
services dans une autre langue que le français, de maintenir ces droits-là. Il
n'y a pas de problème.
Mme Ghazal : Pour le deux ans, au
lieu du six mois, est-ce que, tu sais, vous le faites parce que c'est
important, parce que vous pensez à la population, de façon générale, les gens
qui viennent, ça va être difficile, ou vous le faites parce que vos membres,
quand ils transigent avec la population, ils sentent qu'il y a ce besoin-là?
M. Daigle (Christian) :
On est les services publics, on est la première ligne. Les gens qu'on représente,
ce n'est pas des professionnels, ce n'est pas des gens qui sont des
professeurs. C'est les gens qui répondent aux gens «day to day», en bon français,
au jour le jour, lorsque la personne, elle arrive puis elle appelle. C'est un
préposé aux renseignements, c'est un agent de secrétariat, c'est un agent de
bureau, c'est un ouvrier. Donc, c'est des gens qui sont vraiment à la base même
des services publics, et ces gens-là ont les services publics à coeur. Pour ces
gens-là, on voit que l'accompagnement est important aussi. On a beaucoup de gens, des travailleurs sociaux, qui viennent
dans différents emplois. On a des gens, vraiment, qui sont là pour
accompagner ces personnes-là dans les services publics et, pour nous, on pense que l'important, justement, d'accompagner un
certain temps va démontrer l'intérêt qu'on porte à l'individu également,
plutôt que de le prendre pour six mois seulement.
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois mettre fin à l'échange. M. le député de Matane-Matapédia, c'est à vous.
M. Bérubé : Merci. Bonjour,
messieurs. Le gouvernement du Québec a fait de l'exemplarité de l'État une des
pierres d'assise de son projet de loi. Or, la Commission
de la fonction publique a dévoilé les résultats d'une vérification portant sur les
exigences linguistiques dans les offres d'emploi de ce gouvernement dans la période allant du 1er septembre 2019 au
30 septembre 2020. Probablement que vous connaissez ce rapport.
Qui nous indique quoi, essentiellement? Le
constat : «Concernant la justification de l'exigence de la langue anglaise
dans la nécessité de l'accomplissement des tâches exigées pour l'emploi,
plusieurs non-conformités ont été relevées»,
écrit la commission. «Sur 14 processus d'embauche vérifiés, 12 — 86 % — ne respectent pas la loi.» Donc, ça,
c'est l'exemplarité de l'État, du gouvernement actuel. J'aimerais vous entendre
sur ce rapport et sur les efforts supplémentaires
que le gouvernement actuel devrait faire avant d'exiger, dans un projet de loi,
l'exemplarité de l'État.
M. Daigle
(Christian) : La première difficulté vient du fait que les
directives ne sont pas appliquées, les directives ne sont pas claires ou ne
sont pas connues. Donc, dans un premier temps, si, lorsqu'il y a affichage, on
s'informait des modalités et on établissait également le registre des emplois
nécessitant la connaissance d'une autre langue que le français, à ce moment-là,
on serait capables, je pense, d'avoir un meilleur portrait de la situation, ce
qui n'est pas le cas présentement.
Et, en plus, en changeant même les règles,
présentement, au niveau de l'embauche, au niveau des listes de déclaration
d'aptitudes et tout le processus d'embauche, on laisse à chaque ministère, à
chaque, même, direction, une certaine latitude pour émettre eux-mêmes ou partir
eux-mêmes le processus d'embauche, ce qui est complètement aberrant, parce que,
là, on va multiplier les portes d'entrée pour des emplois ou des demandes
d'emploi qui seraient non-conformes, à ce moment-là, avec l'exigence du
français et de l'anglais.
M. Bérubé :
Donc, dans le projet de loi, ça devrait être très clair qu'il y a une politique
unique qui s'applique à l'ensemble des ministères et organisations, que ce soit
très clair et qu'on puisse suivre les règles pour arriver à l'objectif qu'on
respecte l'esprit de la loi, on respecte les règles. Donc, je présume que c'est
quelque chose qui vous intéresse beaucoup. Je vous ai entendu depuis tout à
l'heure, vous allez suivre ça avec beaucoup d'intérêt. Mais, comme je n'avais
pas entendu le ministre en parler, suite à un article, d'ailleurs, qui est paru
il n'y a pas tellement longtemps, qui s'appelle Un couac pour la CAQ,
j'ai dit : Bien, c'est l'occasion d'en parler avec vous. Alors, je vous
prends à témoin pour en parler.
Des citoyens qui ont déjà eu un service en
anglais, puis là c'est une brèche que vous indiquez dans votre mémoire, pourraient
continuer à en avoir parce qu'une fois ils ont eu recours à un service de
l'État en anglais. C'est quand même incroyable, là. Quelqu'un, par exemple, qui
se définit comme anglophone, à tort, mais disons que c'est... il est... il se
considère comme un anglophone, une fois, il aurait eu un service, puis c'est
inscrit à quelque part qu'il peut continuer
de recevoir des services en anglais du gouvernement du Québec. C'est bien ça?
Et c'est la brèche que vous voulez qu'on...
La Présidente (Mme Thériault) : En
10 secondes.
M. Daigle
(Christian) : Tout à fait. Et une des choses qui est difficile
également, c'est d'établir quel service il a reçu en anglais, parce que l'État
ne garde pas nécessairement, après des années, les documentations, les lettres
qui sont envoyées. Donc, là encore, on aurait vraiment de la difficulté à
identifier nous-mêmes ceux qui ont déjà reçu une correspondance en anglais.
Donc, il faut vraiment colmater cette brèche-là en l'enlevant du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, malheureusement... J'ai déjà donné un petit peu plus de
temps. Donc, M. Daigle, M. Saucier, merci beaucoup de votre passage
en commission parlementaire.
Et nous allons suspendre les travaux jusqu'après
les affaires courantes. Merci.
(Suspension de la séance à 12 h 15)
(Reprise à 15 h 26)
La
Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission
de la culture et de l'éducation reprend ses travaux.
Nous
poursuivons les auditions publiques dans le cadre des consultations particulières sur le projet
de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Cet après-midi,
nous entendrons Québec Community Groups Network, la Fondation Lionel-Groulx, l'Assemblée des premières nations
Québec-Labrador et M. Charles Castonguay, auteur et mathématicien.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la bienvenue
aux représentants de Québec Community Groups Network. La parole est à vous,
Mme Jennings. Vous avez 10 minutes à votre disposition.
Québec Community Groups Network (QCGN)
Mme Jennings (Marlene) : Merci, Mme Thériault, Mme Guillemette, Mmes et MM. les députés. Je suis très
heureuse d'être ici aujourd'hui. Je m'appelle Marlene Jennings. Je suis la
présidente de Québec Community Groups Network,
le QCGN. Il s'agit d'un organisme à
but non lucratif qui a pour but d'assurer le développement, de soutenir
et d'améliorer la vitalité des communautés minoritaires d'expression anglaise
du Québec.
Je suis
aujourd'hui accompagnée de M. Clifford Lincoln, ancien ministre et
ancien député à l'Assemblée nationale, de notre conseillère juridique, Me Marion Sandilands, et de l'avocate
Pearl Eliadis, spécialisée dans des questions de droits de la
personne.
Bill 96 proposes the most
extensive overhaul of Québec's
legal order since the Quiet Revolution. It would fundamentally alter the
structure of the State. It proposes to upend 14 years of human rights
protection. It seeks to fundamentally
transform how Québec is governed. It would have a significant impact on the relationship
between Canada and Québec, the lives of all Quebeckers
and the type of society we wish to build together.
Plus tôt ce mois-ci, le
QCGN a tenu une consultation communautaire parallèle. Pendant cinq jours, nous avons entendu les présentations de
50 personnes. Des juristes, des universitaires, des éducateurs, des
entrepreneurs et des chefs d'entreprise, ainsi que des représentants du
secteur de la santé et des services sociaux, du milieu des arts, des groupes de
défense des droits des femmes et de communautés sous-représentées nous ont fait
une présentation.
The QCGN, and indeed most in
our community, favor promoting and protecting the French language in Québec and throughout Canada, but we are convinced
there are more effective and inclusive ways to achieve this goal than
those outlined in Bill 96.
Le gouvernement a sauté
une étape cruciale. Il a omis de rassembler les Québécois afin d'identifier les
défis, d'établir une distinction entre les mythes et la réalité et, ce qui est
le plus important, d'établir un consensus quant à la meilleure voie d'avenir.
Il y a trois
enjeux fondamentaux que nous souhaitons mettre en lumière. Premièrement, la
modification constitutionnelle. Le projet de loi n° 96
propose de modifier unilatéralement la Loi constitutionnelle de 1867. Les implications pour la minorité québécoise d'expression
anglaise ne sont pas claires. Toutefois, une telle modification ne serait pas anodine. Même le ministre de la
Justice, M. Jolin-Barrette, a, à certaines occasions, déclaré que la
modification proposée aurait une incidence sur le plan constitutionnel.
Given
recent Government's immigration policies, Law 21 and this bill, the
picture that emerges is that the Québec nation does not include everyone who
lives in Québec.
• (15 h 30) •
Nous devons
comprendre les implications d'une telle modification constitutionnelle
révolutionnaire. C'est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement de
soumettre à la Cour d'appel du Québec une question de renvoi sur la constitutionnalité
et sur la signification de cette modification.
Deuxièmement, la
création d'une zone où la charte ne s'applique pas. Le projet de loi n° 96
constitue la dérogation la plus importante des chartes des droits de la
personne de l'histoire du Québec et du Canada.
Québec
Charter of Human Rights and Freedoms was arguably the crowning jewel of the
Quiet Revolution. Premier René Lévesque was so proud of 1983 version of the
Charter that he mailed a copy to every single household in Québec.
Les
chartes des droits protègent les personnes contre les abus de l'État.
Toutefois, avec la loi n° 21 et le projet de loi n° 96, le gouvernement a tourné
le dos à une fière tradition québécoise des défenses des droits de la personne.
Avec le projet de loi n° 96, il serait plus difficile, sinon impossible,
de contester quelque violation des droits en raison de la suspension des
chartes de droits de la personne. Le gouvernement est en train de créer un
Québec où la charte ne s'applique pas.
Ce projet de loi
d'une grande portée a une incidence sur plusieurs secteurs d'activité. Si l'on
viole des droits qui seraient autrement protégés, les tribunaux ne pourront pas
se pencher sur ces violations ni, le cas échéant, remédier à la situation au
titre des chartes canadienne ou québécoise.
Comme
nous l'avons demandé dans une lettre ouverte adressée au ministre
Jolin-Barrette la semaine dernière : Pourquoi la protection de la
langue française nécessite-t-elle la suspension sans réserve des droits de la
personne? Notre conclusion est qu'il n'y a rien qui le justifiait. C'est
pourquoi nous demandons de laisser de côté le recours à la disposition
dérogatoire.
Third, who is an English-speaking
Quebecker? Bill 96
attempts to limit services in English to citizens eligible to attend English schools. This,
apparently, is the Government's attempt to identify a historic
anglophone community. Unfortunately, eligibility to
attend school in English is not in any way linked to the language of the
student or the parent. Rather, it is linked to the language of instruction
received by the parents.
Cela
n'a rien à voir avec l'auto-identification de la communauté. Ce concept révoque
le droit à l'accès à des services en anglais
pour environ 300 000 à 500 000 Québécois d'expression anglaise.
En conséquence, le QCGN maintient que le droit de communiquer et de
recevoir des services en anglais ne devrait jamais être fondé sur
l'admissibilité à l'enseignement en anglais.
We
have a host of other concerns. We oppose provisions that would increase the
powers of the «Office de la langue
française» particularly that it be in power to conduct searches and seizures
without a judicial warrant. In addition, the provisions in the bill
would also make it more challenging to do business in Québec. In the time of
global competition for investment, why erect new barriers?
En
conclusion, la déclaration de principe du QCGN engage notre organisme à
respecter le français en tant que langue officielle du Québec, et nous serons
prêts à engager avec le gouvernement pour atteindre un tel objectif.
We
need a better and unified path forward then that which is offered by
Bill 96. Once again, we urge the Government to withdraw
the bill and launch a public consultation to determine how all Quebeckers can come together to
promote the use of French.
Le
projet de loi n° 96 ne reflète pas le Québec moderne inclusif que les
membres de notre communauté ont contribué à
bâtir. Clifford Lincoln, que j'invite à prononcer le mot de la fin, est
d'ailleurs l'un de nos bâtisseurs de ponts. Clifford, je vous cède la
parole maintenant.
M. Lincoln
(Clifford) : Mme la Présidente, le français est une partie
importante de mon héritage culturel. Et, en fait, le français est la première
langue que j'ai parlé sur les genoux de ma mère. Tout ce qui peut faire avancer
le français, tout ce qui peut promouvoir le français, j'en suis et j'en suis
d'emblée.
Ce que je reproche au
projet de loi n° 96, c'est la façon qu'il est arrivé, une façon
coercitive, une façon négative qui divise. Et, Mme la Présidente, j'ai passé,
et j'en suis fier, neuf ans et demi à l'Assemblée nationale. Pendant que j'y
étais, durant mon parcours à l'opposition, j'avais participé à une commission
pour la révision de la loi 101, présidée par Gérald Godin, et
Camille Laurin y assistait régulièrement, et Gérald Godin nous avait
incités à trouver des solutions de part et
d'autre, des solutions honorables qui mèneraient à un consensus, et cela, nous
l'avions réalisé. Plusieurs années avant, plusieurs années auparavant,
l'Assemblée nationale avait réussi...
La Présidente (Mme
Thériault) : Et malheureusement... et malheureusement, M. Lincoln, je
suis désolée, je suis la gardienne du temps.
Vous avez dépassé les 10 minutes, donc je dois mettre fin à votre
présentation et laisser le ministre débuter les échanges avec vous pour
une période de 17 minutes. M. le ministre, la parole est à vous.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. Mme Jennings,
Mme Sandilands, M. Lincoln, Mme Eliadis, merci d'être à la commission
parlementaire aujourd'hui avec votre groupe
D'entrée de
jeu, je tiens à rappeler que la nation québécoise, elle est plurielle. Elle
inclut l'ensemble des Québécois et des Québécoises au Québec, incluant
les communautés d'expression anglaise. Le français au Québec est la langue commune, c'est la langue
officielle du Québec. Vous savez, le Québec a toujours respecté et continuera
de respecter les institutions anglophones,
que ça soit dans le réseau de la santé, dans le réseau de l'éducation, que ça
soit dans le cadre des services publics également que la communauté anglophone
pourra recevoir et continuera de recevoir dans sa langue.
So,
I want to reassure the English-speaking community, as I made before when I
tabled that bill, Bill 96, that bill is for inclusion, to include every
Quebecker born in Québec, that everybody is part of the society. And I want to say to the English-speaking community again,
nothing changes for the services, for the health services, for the institutions,
English institutions, or schools for higher education. So, that's really
important to say that, because I heard a lot of things about that, and I'm sad
toward them, because we all work together to be sure that the official language
is French and to protect that language, but we don't take away any rights to
anybody in that bill. And I want to be clear, and I will always be clear on
that for all the commission.
Donc,
j'ai pris connaissance de votre mémoire, et il y a certains éléments dans le
mémoire qui me laissent sceptique, disons. À la page 25, à la
page 36, le QCGN indique que l'affirmation du français menace les droits
de la personne et est dangereux. À la
page 13, on dit que l'affirmation du français va nuire à l'économie du
Québec. À la page 11, à
la page 20, on dit que l'affirmation du français est un geste d'exclusion.
Écoutez, quand je lis
ça dans un mémoire, je trouve ça problématique. Il y a eu les consultations également
que vous avez tenues, et on peut qualifier
certains propos d'individus qui ont participé à vos consultations... On pourrait qualifier ça de dérapage quand on parle de
Gestapo en lien avec le projet de loi, quand on dit que l'affirmation du français
causera des décès, des morts, comme M. Chambers l'a dit. Je trouve que, malheureusement, ce sont des propos exagérés,
et plutôt que de travailler ensemble à construire un
consensus qui va faire en sorte de permettre de renforcer le français dans le respect des droits de la communauté
anglophone, on se retrouve dans une situation où, manifestement, on attise certaines difficultés
qui n'ont pas lieu d'être.
Alors, je voudrais
vous céder la parole pour voir comment est-ce que vous recevez ça.
• (15 h 40) •
Mme Jennings
(Marlene) : Premièrement, M. le ministre, je suis heureuse, au nom...
et là je parle au nom de toute la communauté
d'expression anglaise au Québec, de vous entendre dire formellement que tous les Québécois, peu importe leurs origines, peu
importe leur langue maternelle, font partie de la nation québécoise, heureuse.
C'est la première fois de ma vie que
j'entends ça depuis que le premier ministre René Lévesque l'a déclaré, que tout
le monde qui était au Québec faisait
partie de la nation québécoise. Depuis ce temps-là, je ne l'ai pas entendu,
alors je vous remercie infiniment.
Deuxièmement, les
affirmations que vous venez de faire au sujet de notre mémoire, en citant
certaines pages, ne sont pas exactes. Nulle part, surtout pas à les pages que
vous avez citées, dites... le QCGN, que l'affirmation du français met en péril
les droits de la minorité linguistique anglophone, nulle part. On dit que le
projet de loi, dans plusieurs de ses aspects, met en péril ou pourront mettre
en péril... Et je vous donne un exemple très simple. Au niveau de la santé et
la sécurité sociale, nulle part, dans 96, est dit, édicté que l'article 15
de la loi sur la santé et les services
sociaux prime sur le projet de loi n° 96. Et, dans le projet
de loi n° 96, on indique que seulement les personnes ayant le certificat
d'éligibilité à l'instruction en anglais pourront avoir la communication écrite
du gouvernement.
Donc, quelqu'un qui
est assujetti à avoir une intervention chirurgicale doit signer des documents,
doit recevoir des informations sur la portée de cette intervention chirurgicale, le diagnostic, les
sous-effets secondaires possibles et tout, et selon notre lecture
légale, juridique de votre projet de loi, seulement les personnes ayant
l'éligibilité, l'admissibilité à l'instruction en anglais pourront recevoir la
documentation de cet hôpital, ou d'une clinique, ou de l'Urgences-Santé par
écrit en anglais. Si j'ai tort, j'aimerais bien avoir tort. Montrez-moi l'article
dans le projet de loi n° 86 qui dit que ce n'est pas
ça, que toute personne qui demande le service, qui demande le document en
français d'un hôpital, d'une clinique, de l'Urgences-Santé peut le recevoir en
anglais simplement sur la foi de sa demande. Dites-moi où c'est édicté dans le projet
de loi n° 96.
M.
Jolin-Barrette : Alors, le projet de loi n° 96
indique que le projet de loi n° 96 prime sur les lois
postérieures, donc ce qui signifie que la loi sur la santé et les services
sociaux, notamment l'article 15 que vous avez édicté, est antérieure, et
donc il n'y a rien qui change à ce niveau-là relativement aux soins de santé.
Et ça, je l'ai dit dès le départ, et c'est important de le souligner.
Alors, je crois qu'il
faut dire les choses comme elles le sont, pour les membres de la communauté
anglophone du Québec, il n'y a absolument rien qui change, et je l'ai dit au
moment où j'ai déposé le projet de loi et je pense qu'il faut le réaffirmer. Lorsqu'on
voit qu'il y a certaines affirmations importantes qui sont faites dans votre
mémoire, qui semblent attiser certaines craintes qui ne sont pas fondées, je
crois que vous avez une responsabilité également là-dedans de rassurer vos
membres de votre organisation pour dire véritablement ce qui est indiqué dans
le projet de loi.
Sur un autre sujet,
sur la question du déclin du français, l'OQLF a publié des études. Il y a plusieurs
personnes qui sont venues ici, à l'Assemblée nationale, qui ont témoigné du déclin
du français. Le Parlement fédéral aussi semble reconnaître le déclin du
français, avec le gouvernement fédéral qui a déposé le projet de loi, par le
biais de Mme Joly, qui est mort au feuilleton. Est-ce que vous
reconnaissez, en tant qu'organisation, le déclin du français au Québec?
Mme Jennings
(Marlene) : Excellente question, M. le ministre. Évidemment, il y a
deux conversations différentes actuelles et elles utilisent toutes les deux les
mêmes termes. Premièrement, comme l'a souligné l'Office québécois de la langue française
dans le document intitulé, Scénario de protection de certaines
caractéristiques linguistiques de la population du Québec
(2011 à 2036), il souligne... l'office souligne que, si on utilise le terme
ou la mesure francophone «langue maternelle», oui, il y a
un déclin, il y a un déclin du nombre de francophones dont la langue maternelle
est le français. Et je dois avouer que la situation, selon les démographes, est
la même pour la communauté d'expression anglaise. Il y a un déclin du nombre
d'anglophones dont la langue maternelle est l'anglais. Si on parle sur l'usage
du français, selon l'office, il y a eu une augmentation. Et si on regarde... je
ne peux pas parler au niveau des
anglophones, mais il y a une augmentation
du pourcentage des gens qui parlent, qui utilisent le français au Québec.
Donc, moi, ma
question à vous, c'est : Quelle de ces deux mesures est-ce que la loi n° 96 veut s'attaquer? Est-ce que c'est pour augmenter
l'usage du français ou est-ce que c'est pour augmenter le nombre de
francophones dont la langue maternelle est
le français? Et laquelle des deux? Parce que, normalement, ce n'est pas les
mêmes conditions, pas les mêmes mesures que nous allons prendre pour
s'attaquer à l'un ou à l'autre. Alors...
M.
Jolin-Barrette : Mais juste sur le fond de la question, là...
Mme Jennings
(Marlene) : Est-ce que le fond de la question...
M.
Jolin-Barrette : ...est-ce que vous reconnaissez qu'il y a un déclin
du français au Québec et à Montréal? Parce
que je comprends que vous pouvez me citer certaines études, certaines autres,
mais ce n'est pas une question de sémantique, là. Est-ce que le français
décline, oui ou non?
Mme Jennings
(Marlene) : Pour vous, c'est quoi, une question de sémantique? La question
que je vous demande : Est-ce que vous
parlez d'un déclin de l'usage du français? Si c'est le cas, selon l'Office
québécois de la langue française,
non. Si vous parlez d'un déclin du nombre de francophones dont la langue
maternelle est le français, la
réponse est aussi claire, c'est oui, et c'est l'effet de l'immigration.
Nous croyons, le QCGN
et notre communauté d'expression anglaise, croyons au fond de notre coeur qu'on
a un devoir de promouvoir, et de protéger, et de défendre le français comme langue
officielle et langue commune au Québec. Et on demande, on tend la main au gouvernement pour dire : Embarquez avec nous sur cette grande aventure parce qu'on a des idées. C'est notre communauté qui a accueilli tout le concept des écoles
d'immersion française. C'est notre
communauté qui a fait l'effort d'apprendre le français. Nos jeunes sont plus bilingues que
n'importe... que le groupe majoritaire francophone du même âge, 15 à
30 ans.
Écoutez, ce n'est pas
notre communauté qui est fâchée contre le français. C'est nous qui ont resté.
On a resté, on a bâti des familles, on a élargi notre connaissance du français,
on l'a approfondie. On veut que le français soit protégé et on veut promouvoir
le français. D'ailleurs, c'est pour ça qu'à l'extérieur du Québec on a
intervenu sur le côté des communautés et organismes francophones hors Québec
dans leur contestation judiciaire sur des lois et règlements adoptés par des gouvernements provinciaux. C'est nous
qui étaient à leurs côtés pour défendre le français.
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette :
Je vous remercie, Mme Jennings. Je vais céder la parole à mon collègue de
Sainte-Rose. Alors, merci pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. M. le député de Sainte-Rose,
3 min 30 s à votre échange
M. Skeete :
Merci. Je vais être bref parce que le temps s'est écoulé. Je voudrais savoir,
dans les 624 pages de votre mémoire, quelle est la différence entre votre
opinion et ceux que vous collectez à l'intérieur de votre rapport.
Mme Jennings
(Marlene) : Je ne comprends pas votre question.
M. Skeete :
Bien, en fait, il y a différents points de vue de différents groupes que vous
insérez dans votre mémoire. Est-ce que vous acceptez d'emblée les conclusions
de tous les groupes quand vous soumettez ce rapport-là pour considération ou
vous les mettez à titre d'annexe? C'est-tu l'opinion du QCGN? C'est-tu
l'opinion de certains groupes? C'est-tu l'opinion de la communauté d'expression
anglaise? C'est l'opinion de qui au juste?
Mme Jennings
(Marlene) : L'opinion du QCGN est énoncée dans notre mémoire. Les annexes
sont les présentations que le QCGN a reçues lors de nos consultations
communautaires publiques parallèles à celle à laquelle on participe aujourd'hui.
Et compte tenu que beaucoup de ces personnes, sinon toutes ces personnes et organismes
n'ont pas eu la chance de présenter leur point de vue devant cette commission,
on a promis de le mettre en annexe pour que votre commission parlementaire
puisse en prendre connaissance.
M.
Skeete : Mon temps est
limité, alors je vais vous bousculer un
petit peu. Est-ce que
le QCGN est d'accord avec le
passage de la loi 101 en 1977? Est-ce que le QCGN accepte que cette loi-là
était nécessaire pour la survie du français en Amérique du Nord?
Mme Jennings
(Marlene) : Le QCGN est un défenseur de la langue française. On croit
que la loi 101 a eu des bons impacts.
M. Skeete : Je veux juste rapidement,
là... Est-ce que c'est oui ou non? Parce qu'il y a plein de défenseurs de la
langue française sur la planète, mais ils ne sont pas tous pour le projet de
loi 101. Ma question : Est-ce que le QCGN est d'accord avec la
loi 101?
Mme Jennings
(Marlene) : Oui, le QCGN est en accord avec la loi 101 dans le
sens qu'on pense que ça a eu des effets positifs et on pense que ça n'a pas été
utilisé à 100 %. Et on pose la question : Pourquoi 96, compte tenu
qu'il y a plein de choses dans la loi 101 qui ne sont même pas utilisées?
M. Skeete : Donc, pourquoi d'abord
le QCGN, s'il accepte les notions de la loi 101, serait pour permettre, par exemple, la scolarité de personnes venant de
la Grande-Bretagne, l'Australie, l'Inde dans le réseau public scolaire
où à titre d'anglophones... ou de recevoir des documents en anglais? Pourquoi
le QCGN, s'il accepte la loi 101, ne veut pas une intégration en français
des nouveaux arrivants au Québec?
La Présidente (Mme Thériault) : Vous
avez 30 secondes pour répondre à la question, Mme Jennings.
Mme Jennings (Marlene) : Je
regrette, je n'ai pas compris la question.
M. Skeete : En fait, si on est
d'accord avec la loi 101, on est d'accord pour dire que les allophones
doivent se faire scolariser en français. Bien sûr, ça exclut les Québécois
d'expression anglaise, mais les allophones, eux, qui viennent d'un autre pays,
issus de l'immigration, doivent suivre un parcours en français. Vous, vous
prétendez que des autres personnes qui ne sont pas issues de la communauté
doivent recevoir des documents, des communications en français. J'essaie de
comprendre, elle est où, la ligne pour le QCGN.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et vous allez devoir échanger en dehors
des micros. Désolée, Mme Jennings, je n'ai plus de temps. On est
10 secondes de trop. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, la parole est
à vous.
Mme Jennings (Marlene) :
...répondre.
La Présidente (Mme Thériault) : Non,
je dois passer la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Si elle
veut utiliser son temps pour la réponse, c'est à elle, c'est à sa discrétion.
Désolée.
Mme
David : Merci beaucoup,
Mme la Présidente. Bonjour, mesdames. M. Lincoln, enchantée de
vous avoir ici pour discuter de cet important projet de loi.
J'aimerais revenir sur votre position, justement,
sur la langue officielle du Québec, le français. Vous avez dit à plusieurs
reprises que c'était la langue, justement, officielle, mais il y a quelque
chose qui semble vous énerver, vous inquiéter beaucoup dans l'article 90.2
qui dit que le français est la seule langue officielle du Québec. Et vous vous
inquiétez en vous disant : Est-ce que ça modifie la portée de l'article 133
de la Loi constitutionnelle de 1867 qui prévoit l'emploi du français et de
l'anglais à l'Assemblée législative et dans les tribunaux du Québec, à la
page 20 de votre mémoire?
Alors, je me demandais si vous pouviez élaborer
un peu sur les enjeux que vous voyez d'inclure cette disposition dans la
section du Québec de la Loi constitutionnelle. Et, deuxième volet, si on
apportait une précision à l'égard de
l'article 159 du projet de loi concernant l'article 133 de la Loi
constitutionnelle, est-ce que ça vous rassurerait?
Mme Jennings (Marlene) : Je vais
demander à Me Sandilands de répondre à votre question.
La Présidente (Mme Thériault) :
...vous demander d'enlever le masque pour qu'on vous entende bien. Oui,
allez-y.
Mme
Sandilands (Marion) : Très
bien. Pour votre première question, l'inquiétude... principe d'interprétation
constitutionnelle qui dit qu'il faut interpréter un article de la Constitution
à la lumière d'autres articles de la Constitution. Alors, si on voit un nouvel
article dans la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit que la langue officielle
du Québec est le français, est la seule langue officielle, et on voit aussi l'article 133
qui dit qu'on peut utiliser l'anglais et le français dans l'Assemblée nationale
et les tribunaux, et on se demande : Est-ce qu'il y a... Comment est-ce
que les tribunaux vont interpréter ces deux articles ensemble? Et c'est pour ça
que nous demandons un renvoi à la cour
d'arrêt du Québec, pour clarifier. Ça, c'est une des questions qu'on
veut clarifier. Et je m'excuse, je n'ai pas bien compris votre deuxième
question.
Mme David : Bien, si on incluait, justement,
une précision à l'article 159, en disant : en tout respect de l'article 133...
Autrement dit, si on avait ce genre d'amendement, est-ce que ça vous
rassurerait?
Mme Sandilands (Marion) : Ça serait peut-être
quelque chose à discuter, mais ça ne résout pas toutes les questions qu'on avait au sujet de la modification
constitutionnelle. Alors, on demanderait encore le renvoi quand même.
Mme David : O.K. Merci. Par rapport
aux pouvoirs d'enquête et de surveillance, je sais que vous êtes bien inquiets de ça. Vous n'êtes pas les seuls, ça a
été discuté dans d'autres forums, avec d'autres... d'autres invités, d'autres
témoins, et c'est beaucoup par rapport à
l'OQLF qui n'a pas d'autorisation judiciaire préalable à demander pour procéder
à une inspection. Et vous vous inquiétez beaucoup
qu'il y ait une disposition de dérogation sur cette... particulièrement en lien avec ces pouvoirs-là.
Alors, si on ajoutait une
précision qui viendrait baliser le pouvoir d'enquête de l'OQLF, est-ce que,
selon vous, cette problématique du pouvoir d'enquête que vous soulevez dans votre mémoire
serait toujours aussi problématique?
Mme Jennings (Marlene) : Je
crois que le QCGN et moi en particulier ne pourrons pas répondre de façon
définitive à votre question sans avoir vu au préalable c'est quoi, l'exemption
ou les contraintes qu'un amendement portera à l'article 174 et autres du
projet de loi n° 96. On ne peut pas répondre sans voir l'amendement.
Mais, Mme David, ce projet de loi doit soit
être retiré complètement, et le gouvernement doit mener une consultation auprès
de tous les Québécois dans tous les secteurs d'activité, un. Et, deuxièmement,
sur l'utilisation de la clause dérogatoire et l'amendement constitutionnel
unilatéral, on vous prie de convaincre le gouvernement de faire le renvoi, de retirer ce projet de loi et de faire
un renvoi à la Cour d'appel du Québec pour, justement, avoir la clarté sur
toutes ces questions où on n'a même pas
consensus chez la communauté juridique, les experts constitutionnels. Il n'y a
même pas une unanimité là-dessus.
Mme
David : Vous dites d'ailleurs, c'est votre première
recommandation : retirez entièrement le projet de loi. Là, vous référez surtout aux articles
constitutionnels et aux dispositions de dérogation. Est-ce qu'il y a d'autres
choses qui justifieraient de retirer complètement le projet de loi?
Mme Jennings (Marlene) : Je vais
demander à mon collègue Clifford Lincoln de répondre à cette question.
M. Lincoln (Clifford) :
Mme David, moi, je pense qu'au départ... pardon...
Une voix : ...
La Présidente (Mme Thériault) :
Allez-y.
M. Lincoln (Clifford) : Vous
m'entendez?
La Présidente (Mme Thériault) : Oui.
M. Lincoln (Clifford) : Vous
m'entendez, Mme David?
Mme David : Je vous entends très
bien. Excusez-moi, M. Lincoln.
• (16 heures) •
M. Lincoln (Clifford) : Oui. Je
voulais dire qu'au départ, si vous prenez comme principe qu'on met de côté les
deux chartes canadiennes et du Québec, c'est que certainement le gouvernement
doit croire qu'il y a beaucoup de problèmes
avec plusieurs articles qui ne tiendraient pas le coup devant l'épreuve du 6.
Autrement, pourquoi introduire, de façon préventive, les deux... la clause
dérogatoire sur les deux chartes? Si le ministre, par exemple, pense que sa loi
est tout à fait juste et claire, pourquoi est-ce qu'il introduit la clause
dérogatoire? Au départ, ça nullifie tout l'effet de la loi elle-même,
parce qu'aucun citoyen ne peut aujourd'hui aller contester des clauses qu'il
pense négatives ou conflictuelles. Au départ, la loi est protégée par le fait
même que les chartes sont mises de côté. Si le ministre est tellement clair de
sa loi, pourquoi est-ce qu'il a inclus la clause dérogatoire sur les deux
chartes de façon préventive? C'est à lui à nous expliquer cela.
Mme David : ...beaucoup, M. Lincoln.
Je vais passer la parole à mon collègue de D'Arcy-McGee.
La
Présidente (Mme Thériault) : Parfait. M. le député, vous avez quatre
minutes pour terminer le bloc d'échange.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, Mme Jennings, surtout, M. Lincoln,
plaisir de vous revoir à l'Assemblée nationale, Me Eliadis et Me Sandilands. Je
veux, dans un premier temps, reconnaître vos efforts pour offrir l'opportunité
à la communauté d'expression anglaise au Québec de contribuer pleinement à ces
audiences. Vous l'avez mentionné vous-mêmes que seulement quatre groupes ont
été choisis par le côté ministériel pour participer. Alors, c'est un exercice
tout à fait légitime et nécessaire.
Je veux revenir à votre discussion, on en a
parlé un petit peu, à la page 37, 38, 39, sur le consensus qui existe,
depuis 35 ans, en ce qui a trait aux services de santé et services sociaux
en anglais. Malgré les assurances... pas trop de précisions, mais les
assurances du ministre, vous n'avez pas l'air d'être satisfaits que ce
consensus ne serait pas mis, en quelque part, en péril. Vous énumérez sept
préoccupations là-dessus et vous suivez par des recommandations très claires,
il me semble, qui, une fois respectées par le ministre, en quelque part,
donneraient l'heure juste, à ces protestations, qu'il n'y a aucun risque. Je
vous invite à élaborer sur ce consensus actuel sur l'accès aux services de
santé et services sociaux en anglais.
Mme Jennings (Marlene) : Nous ne
sommes pas convaincus, ni le QCGN, ni les groupes et les personnes qui se sont
présentés devant nos consultations communautaires parallèles, nous ne sommes
pas convaincus par les déclarations du ministre Jolin-Barrette que le projet de
loi n° 96 n'aurait aucune incidence sur les droits d'accès en anglais aux
services de santé et services sociaux. Et on a des experts, autant de la loi de
la santé et services sociaux que de la loi sur... la loi 101, et ces personnes
ne sont pas claires si nos droits seront existants et avec la même ampleur
qu'on a aujourd'hui, une fois la loi n° 96 adoptée.
Donc, on demande au gouvernement d'inclure... Si
la loi n° 96 n'est pas retirée dans son entier, on
demande que le gouvernement inclue une clause d'exclusion explicite pour ce
droit d'accès aux services de santé et des services sociaux en anglais dans le projet
de loi n° 96 lui-même.
M. Birnbaum : Bon, avec le temps
qu'il reste, j'aimerais vous inviter à parler du rôle antérieur, présent et
futur de la communauté québécoise de langue anglaise dans le rayonnement, la
protection et le renforcement du français, ainsi que les établissements qui s'y
attachent, McGill, les hôpitaux identifiés avec la communauté de langue
anglaise. J'ai posé la même question à quelques-uns des témoins, et donc deux
anciens ministres du gouvernement, et on
aurait dit que je parlais des tortues en voie d'extinction des
îles Galápagos. Je me demande si vous aurez quelque chose à nous dire sur
le rôle de la communauté d'expression anglaise dans le rayonnement de notre
langue commune.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et vous avez 15 secondes pour le
faire, Mme Jennings, sinon, je vais devoir mettre fin à l'échange.
15 secondes.
Mme Jennings (Marlene) : Alors, ce
que je vais faire, c'est que... merci beaucoup pour la question. Nous allons
répondre par écrit à votre question, pour s'assurer que tout le monde, au
comité, le reçoive. Merci.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci beaucoup. Ça met fin au bloc
d'échange avec l'opposition officielle. Je vais maintenant du côté de la
députée de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, mesdames et monsieur, pour votre présence.
Vous avez dit que vous appuyez la loi 101.
Maintenant, vous savez que la loi 101, aujourd'hui, ne ressemble plus du
tout à ce qu'elle était en 1977. Elle a été totalement charcutée par toutes les
cours, Cour supérieure, suprême et d'appel. Ça a occasionné plusieurs reculs dans
cette loi-là.
Maintenant, je comprends que vous êtes contre la
clause de dérogation sur toutes les dispositions du projet de loi n° 96, mais, si le ministre, par exemple, disait que cette
clause de... la clause dérogatoire s'appliquait sur quelques articles, pour
s'assurer qu'elle ne soit pas enlevée, plus tard, par des poursuites, est-ce
que vous serez d'accord avec ça ou vous êtes
contre l'utilisation de cette clause, peu importe que ce soit pour l'ensemble
ou pour quelques articles?
Mme Jennings (Marlene) : Nous
croyons que la clause dérogatoire devrait être utilisée, à la limite, une fois
que le judiciaire, qui est le troisième pilier de notre système légal,
juridique au Québec... L'exécutif, le législatif et le judiciaire, chacun a son
rôle à jouer, et le judiciaire est là, justement, pour faire le jugement si une
clause d'une loi déroge à un droit fondamental garanti soit dans la charte
québécoise des droits et libertés de la personne, soit dans la Charte
canadienne des droits et libertés, et, si c'est le cas échéant, recommande ou
édicte c'est quoi, la solution, c'est quoi, le remède. Mais je demanderais à ma
collègue Me Eliadis, parce qu'elle est un expert.
Mme Ghazal : Parce que j'ai peu de
temps, j'ai très, très peu de temps pour aller plus loin... Donc, vous ne
reconnaissez pas la légitimité de l'Assemblée nationale, ici, des élus de
protéger les droits collectifs?
Mme Eliadis (Pearl) : Mme la
députée, si je peux interrompre très brièvement, c'est très clair dans toute
société démocratique et libérale — petit «l», bien sûr — qu'effectivement
le judiciaire a un rôle fondamental à jouer avec la législature et que le
judiciaire est là pour protéger les droits en lien avec ce que la législature
fait. C'est «Politics 101», vous le savez très bien, et c'est très clair que,
dans ce projet de loi, on est en train d'éliminer le rôle des juges de protéger
les Québécois et les Québécoises. Merci.
Mme Ghazal : ...l'Assemblée
nationale, ici, les élus n'ont pas la légitimité de protéger les droits
collectifs, parce qu'il y a les droits individuels qui sont fondamentaux?
La Présidente (Mme Thériault) : Et
je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. On a encore dépassé un petit peu. Donc, sans plus tarder, on va aller
du côté du député de Matane-Matapédia, vous aussi, pour vos
2 min 50 s.
M.
Bérubé : Merci.
Lorsqu'on vous a posé la question si vous reconnaissez que le français est en
déclin, vous avez refusé de répondre
directement à une question pourtant toute simple. Je vous en pose une
autre : Est-ce que vous considérez que l'anglais est en déclin au
Québec?
Mme Jennings (Marlene) : Non, on ne
l'a jamais prétendu. Ce qu'on prétend... Et sinon, ce qu'on prétend, c'est que la vitalité de la communauté
d'expression anglaise au Québec est en danger, est en péril et que nous sommes
vulnérables.
• (16 h 10) •
M. Bérubé : Merci. Donc, l'anglais
n'est pas menacé au Québec. C'est ce que vous m'avez dit, non?
Mme Jennings (Marlene) : Mais, avec
96, ça pourrait l'être.
M. Bérubé :
Vraiment? Bon, on avance... ou pas. Vous avez conduit un sondage auprès de vos
membres à savoir s'ils étaient en accord
avec le fait d'inclure que le Québec est une nation dans la partie québécoise
de la Constitution canadienne.
Vos membres ont répondu à près de 60 % non. Donc, vous portez ce
mandat-là. Je vous avoue que ça va être
difficile d'avoir un consensus là-dessus. Nous-mêmes, on n'est pas tout à fait
en accord avec le ministre, pas pour les mêmes raisons que vous. On
considère que ça ne va pas assez loin.
Souvent, on prend à témoin René Lévesque. C'est
toujours intéressant de le placer dans une conversation en disant : René Lévesque a fait ci et ça. Quand
René Lévesque et Camille Laurin, en 1977, ont fait adopter la loi 101, il
a fallu beaucoup de courage. Il y a eu de l'opposition de la communauté
anglophone, d'organisations antérieures à la vôtre, qui ont tout fait pour ne pas que ça arrive, et les accusations qu'on a
retrouvées au cours des dernières semaines, ils les ont vécues, à
l'époque.
Alors, je ne sais pas sur quelle base on va
trouver un consensus, mais moi, je considère que le français est menacé au
Québec, et, si on est sérieux dans ce qu'on entreprend, on prend des mesures
pour aller de l'avant. Mais je ne sais pas
qu'est-ce qui va vous satisfaire. Vous demandez de retirer un projet de loi.
Moi, j'aimerais le bonifier, parce qu'il
ne va pas assez loin. Soyons clairs, il n'y a rien, de mesures supplémentaires
de la langue, qui va vous satisfaire, sinon des mesures cosmétiques.
Mme Jennings (Marlene) : Est-ce que
je peux répondre?
La Présidente (Mme Thériault) :
...30 secondes pour le faire.
Mme
Jennings (Marlene) :
Premièrement, le sondage dont vous parlez, je n'ai aucune connaissance...
Personne, à QCGN, ne sait de quoi vous parlez quand vous dites que nous
avons fait un sondage...
M.
Bérubé : ...site
Internet.
Mme
Jennings (Marlene) : ...dans
le... vous avez mentionné. Deuxièmement, nous sommes pour la protection et la promotion
du français. Et je vais vous dire une chose, ceux qui étaient
en opposition à la loi 101, dans les années 80 et le début des
années 90, sont... ils ont pris la 401. Nous qui sommes restés ici, nous sommes
restés parce qu'on chérit le Québec, on se considère comme Québécois et Québécoises
pleines et entières...
La
Présidente (Mme Thériault) :
Merci, Mme Jennings. Je dois mettre fin aux échanges. Je suis la gardienne
du temps, vous le savez. Je ne veux pas paraître impolie, mais malheureusement,
je dois mettre fin. Je vous remercie pour votre passage en commission
parlementaire, mesdames, monsieur.
Et nous
allons suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de prendre place. Merci beaucoup.
(Suspension de la séance à 16 h 12)
(Reprise à 16 h 19)
La Présidente (Mme Thériault) : Nous
poursuivons nos travaux et nous recevons maintenant la Fondation Lionel-Groulx,
avec son président, M. Jacques Girard. M. le président, si vous voulez
nous présenter la personne qui vous accompagne et procéder à votre exposé
d'environ 10 minutes. Et, par la suite, ce sera les échanges avec les
parlementaires. La parole est à vous.
Fondation Lionel-Groulx
M. Girard
(Jacques) : Alors, Mme la Présidente de la commission, je suis accompagnée de Mme Myriam D'Arcy,
qui est notre directrice générale. Je voudrais saluer, tout d'abord, après vous
avoir saluée nous-mêmes, le ministre M. Jolin-Barrette, saluer également Mmes
et MM. les députés, et vous dire, d'entrée de jeu, qu'il me fait grand plaisir
de présenter les observations et
recommandations de la fondation sur le projet de loi n° 96 sur le
français, langue officielle et commune du Québec.
Comme vous le savez sans doute, la fondation a
été créée par l'historien Lionel Groulx et ses amis en 1956. Sa mission est d'oeuvrer au développement et au
rayonnement de la nation québécoise par la promotion de son histoire, de sa langue et de sa culture. Elle travaille donc
sans relâche à la promotion et à la défense de la langue française ainsi qu'au
rayonnement de la culture québécoise. À cet égard, elle réclame, depuis de
nombreuses années, le renforcement de
la Charte de la langue française et fait état de l'urgence de lui joindre une
politique de développement culturel, qui en serait le prolongement tout
naturel.
• (16 h 20) •
D'emblée, nous nous réjouissons du dépôt de
l'actuel projet de loi n° 96 et nous saluons la volonté affirmée du gouvernement de modifier la Loi
constitutionnelle de 1867 afin d'y reconnaître la nation québécoise, dont la
langue officielle et commune est le français.
Si nous
saluons le projet de loi, nous considérons cependant que certaines mesures qui
y sont prévues auraient avantage à être renforcées pour assurer l'essentielle protection
du français et soutenir sa promotion efficace dans toutes les sphères de la société québécoise car malheureusement la
loi 101 n'a pas mis fin à la dynamique d'anglicisation du Québec, contrairement
aux espoirs à l'époque de son adoption. On doit d'ailleurs déplorer une baisse
historique sans précédent de la proportion
de personnes ayant le français comme langue maternelle, et les projections pour
2036 sont encore plus sombres. C'est certainement ce qui a motivé le
gouvernement à légiférer pour endiguer cette érosion, une décision que nous
approuvons totalement.
La fondation a choisi de formuler ses
recommandations relativement à deux grands projets du projet de loi, à savoir
les enjeux linguistiques dans les institutions d'enseignement postsecondaire et
l'exemplarité de l'État.
Plus de 40 ans après l'adoption de la
loi 101, nous faisons le constat que la période charnière où les Québécois choisissent leur univers linguistique
pour étudier, travailler et vivre est celle passée dans le réseau collégial.
Tout ou presque se joue lors de ces quelques années. Or, malheureusement, comme
le mentionnent les démographes Sabourin, Dupont et Bélanger, des données
confirment que la fréquentation du cégep anglais s'avère, de fait, un choix
anglicisant. D'ailleurs, près de trois quarts des enfants de la loi 101
ayant reçu une formation collégiale en anglais projettent de travailler en
anglais, et seulement 8 % d'entre eux s'attendent à travailler en
français. Bien que ces allophones aient reçu une formation en français au
primaire et au secondaire, c'est la formation collégiale qui les oriente vers
l'univers linguistique de leur milieu de travail.
Les statistiques ne sont pas plus encourageantes
du côté des francophones titulaires d'un diplôme collégial d'un cégep
anglophone. Seulement 19 % d'entre eux s'attendent à travailler en
français. Ce constat accrédite la thèse selon laquelle on ne s'inscrit pas dans
un cégep anglophone pour apprendre l'anglais, mais plutôt pour intégrer le
monde anglo-saxon nord-américain.
Face à cette situation inquiétante, nous
considérons que le gel de places proposé par le gouvernement n'est pas
suffisant pour endiguer l'anglicisation. Nous demandons donc de limiter l'accès
aux cégeps anglophones aux ayants droit, comme c'est le cas pour l'accès aux institutions
d'enseignement primaire et secondaire. Il s'agit d'une mesure forte, qui enverra un message clair à tous les Québécois
et qui liera les gouvernements à venir. Notons d'ailleurs que cette mesure reçoit l'appui de plus de 58 %
des Québécois, selon un sondage du printemps dernier.
En tant qu'observatrice attentive de l'évolution
de la société québécoise, la fondation a constaté l'existence d'un grave déséquilibre entre le poids
démographique des différents groupes linguistiques et le financement des
institutions d'enseignement, un fossé qui tend à se creuser. La
communauté anglophone historique représente environ 8,1 % de la population
du Québec. Elle jouit des droits et des institutions que toute société
démocratique qui se respecte doit mettre à la disposition d'une minorité.
Cependant, on peut se demander si ces citoyens québécois anglophones ne
devraient pas avoir accès à une proportion de 8,1 % du budget pour
financer leurs infrastructures et leurs institutions, comme les cégeps et les
universités de langue anglaise.
Poser la question non pas pour opérer un
changement brusque dans les façons de faire, mais pour lancer ce qu'il nous
paraît essentiel, une réflexion collective, et ouvrir un débat de société, que
nous considérons nécessaire. Si les concepteurs de la loi 101 avaient
attendu, en 1977, de faire l'unanimité pour agir, rien ne se serait fait, alors
qu'aujourd'hui même ses plus farouches détracteurs de l'époque conviennent
qu'elle a eu des effets positifs non négligeables pour la protection du français
et de la vie collective au Québec.
La réflexion sur le financement en fonction du
poids démographique s'impose donc car les Québécois financent le réseau
collégial anglophone à hauteur de 19 % et le réseau univers anglophone à
hauteur de 22 %. C'est plus de deux fois et demie leur représentation
démographique. Loin de nous l'idée d'asphyxier un réseau anglophone de qualité, mais nous en appelons à un
rééquilibrage du financement, de façon à mieux soutenir les institutions
d'enseignement supérieur de langue française.
Évidemment, le réseau anglais n'est pas
fréquenté que par des anglophones et des allophones. Cependant, il est financé
dans une proportion équivalente au poids démographique de ces deux communautés.
De la part d'un État qui souhaite intégrer les
allophones au Québec français, cette statistique est troublante et
contradictoire. C'est comme si le gouvernement incitait les allophones à
rejoindre le réseau anglophone dès le collégial, tout en leur demandant
d'intégrer le Québec français.
Notre recommandation est donc que le
gouvernement lance un chantier de réflexion sur l'évolution du financement des
institutions postsecondaires en relation avec le poids démographique, d'une
part, de la population francophone et allophone du Québec et, d'autre part, de
la communauté anglophone historique, ceux que l'on appelle les
ayants droit. Dans le même esprit, nous demandons l'application d'un
moratoire sur le financement des projets d'expansion du collège Dawson et
de l'Université McGill jusqu'à la conclusion de cette réflexion de fond.
Dans un autre ordre d'idées, la fondation est
très préoccupée par l'hégémonie de l'anglais dans la culture scientifique et
considère que le Québec doit mener, en concertation avec tous les partenaires
concernés à travers la francophonie, notamment, bien sûr, les universités et
les centres de recherche, une vaste réflexion sur la présence du français comme langue de la recherche, de la
science, du savoir et de l'enseignement supérieur. Il n'y a pas de réponse
simple à un enjeu de cette ampleur, mais nous considérons que c'est en prenant
l'initiative de se concerter avec la francophonie qu'il sera possible de
trouver des pistes de solution porteuses.
À cet égard, j'aimerais souligner avec plaisir
la nomination récente du Scientifique en chef du Québec, M. Rémi Quirion, au poste de président
de l'International Network for Government Science Advice. À cette occasion...
La
Présidente (Mme Thériault) : Et je vais devoir, malheureusement,
vous interrompre, puisque nous n'avons plus de temps de présentation. On a déjà
dépassé de presque une minute. Donc, je vais, sans plus tarder, céder la
parole à M. le ministre.
• (16 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Girard,
Mme D'Arcy, merci beaucoup pour la présentation de votre mémoire.
Je tiens à vous féliciter pour la qualité et la vision du mémoire qui a été
développé par la Fondation Lionel-Groulx. Et je tiens à souligner également,
M. Girard, vous avez été sous-ministre à l'Éducation, à une certaine époque, vous avez travaillé dans le
milieu des affaires, notamment, bien, vous avez travaillé à Télé-Québec, je crois, Québecor, également
à Montréal International. Alors, je pense que, dans le milieu, vous savez de
quoi vous parlez puis vous avez vu l'évolution de la société également au cours
des années. Puis je crois également que, sur votre conseil d'administration, il
y a l'historien Éric Bédard qui est là, le sociologue Jacques Beauchemin aussi.
Donc, je pense que la Fondation Lionel-Groulx jouit d'une bonne crédibilité.
D'entrée de jeu, je voudrais qu'on discute de
l'évolution du français, et vous l'avez abordée un petit peu tout à l'heure,
sur la question collégiale. M. Rocher est venu la semaine dernière, il
nous a dit : Écoutez, nous avons commis une erreur d'avoir oublié... mais,
pas d'avoir oublié, mais de ne pas avoir inclus le réseau collégial à
l'application des dispositions de la Charte de la langue française, et, avoir
su, on l'aurait fait. C'est ce qu'il nous a dit la semaine dernière.
Qu'est-ce qui explique, selon vous, qu'au cours
des 44 dernières années, aucun gouvernement successif n'a imposé la
loi 101 aux cégeps?
M. Girard (Jacques) : Bien, je pense
que l'évolution s'est faite tout doucement, comme ça arrive dans toute société.
La prise de conscience du problème auquel on fait face en n'imposant pas, aux
cégeps, la loi 101, cette prise de conscience s'est faite progressivement,
et elle devient de plus en plus évidente, particulièrement, j'en suis bien
conscient, dans la grande région métropolitaine.
Et, à cet égard, je voudrais souligner que je me
réjouis que vous-même et votre gouvernement aient pris conscience de la
situation et soient déterminés à la corriger. J'ai eu le plaisir d'écouter
M. Rocher. Je le connais bien et je dois dire que je partage tout à fait
son point de vue. L'évolution des dernières années fait en sorte, à mon avis et
de l'avis de la fondation, que nous n'avons pas d'autre choix. Pourquoi est-ce
qu'on ne l'a pas fait avant? C'est une bien bonne question. Mais je répète ce
que j'ai dit tantôt, parfois, on met du temps à constater ce qui existe et à
prendre des mesures nécessaires pour corriger la situation. Ce qui m'amène à
dire qu'on ne devrait jamais baisser la garde et être toujours conscients de
l'évolution qui se fait dans notre société.
M. Jolin-Barrette : Et, pour vous,
les dispositions du projet de loi n° 96 sur les
cégeps, le fait de mettre un plafond et de freiner la progression, ce n'est pas
suffisant?
M. Girard (Jacques) : Bien, c'est déjà
un bon premier pas. Je pense que... mais je pense...
La Présidente (Mme Thériault) : On a
un petit problème technique.
Nous allons suspendre quelques instants pour
s'assurer que vous puissiez répondre à la question et qu'on puisse l'entendre.
Désolée.
(Suspension de la séance à 16 h 33)
(Reprise à 16 h 35)
La Présidente (Mme Thériault) : Nous
reprenons nos travaux. Ce sont des petits pépins qui arrivent avec la technologie.
Donc, M. Girard, on va vous demander de reprendre votre réponse, s'il vous
plaît.
M. Girard (Jacques) : Alors, ce qui
s'est passé au cours des 44 dernières années est important. Qu'à l'époque
on n'ait pas jugé nécessaire de faire en sorte que la loi 101 s'applique aux
cégeps, c'est en raison du fait qu'on était dans une situation différente. L'évolution
des dernières années a démontré hors de tout doute qu'il nous fallait revoir la
situation.
On constate en particulier, ce qui n'était pas nécessairement
le cas à l'époque, que les années passées au cégep par les jeunes Québécois
sont des années déterminantes par rapport au choix de la langue qu'ils vont
faire, de la langue dans laquelle ils vont travailler, de la langue dans
laquelle ils vont consommer des produits culturels. Et il devient évident que,
s'ils décident d'aller au cégep anglophone, bien, leur choix est fait, comme je
le disais dans mon introduction, et ils s'attendent tout naturellement à
travailler en anglais. Ils ont des amis anglophones, ils ont vécu dans un
milieu où la culture était davantage branchée sur la réalité nord-américaine
que sur la réalité québécoise.
Je pense qu'il ne faut jamais baisser la garde
et que c'est un exemple de ce qu'on ne devrait pas faire. Et de tarder aussi longtemps,
à mon avis, a été malheureux. Mais je salue le courage de ce gouvernement et de
vous-même, M. le ministre, une fois la prise de conscience faite, d'avoir
décidé de passer à l'action.
M. Jolin-Barrette : Merci pour
votre commentaire.
Un autre
aspect que vous abordez dans vos recommandations, c'est sur l'aspect culturel,
et on a eu des intervenants
qui sont venus nous en parler également. J'aimerais vous entendre sur ce
point-là précisément. Vous abordez la question de la convergence culturelle,
qui inclurait le rapatriement au Québec de pouvoirs en matière de culture et de
communication.
Quelle est l'importance
pour la nation québécoise de ce volet-là de convergence culturelle? Et quelle
forme ça doit prendre? Est-ce que ça doit être inscrit dans la Charte de la
langue française? Est-ce que ça doit être des politiques? Comment voyez-vous
ça? Quelle est l'importance d'encadrer ce volet-là?
M. Girard (Jacques) : Je pense
que c'est d'une importance capitale. D'ailleurs, à l'époque de la loi 101,
on avait assorti la promulgation de la loi dans les mois qui ont suivi d'une politique
culturelle. Mais j'aimerais, sur cette question, si vous me permettez, M. le
ministre, passer la parole à notre directrice générale.
Mme D'Arcy
(Myriam) : Bonjour, M. le ministre. Bonjour, Mme la Présidente de la commission et les députés.
Alors, nous proposons une politique de développement
culturel qui serait un projet de loi distinct du projet de loi n° 96.
Rappelons que la loi 101 et la loi n° 96... le projet
de loi n° 96 visent à préserver les droits des Québécois francophones et
allophones à vivre en français en délimitant les endroits et les moments où l'utilisation
d'une langue autre que le français est acceptable. Ça fait en sorte que ces
lois sont... appréhendent le français comme un outil de communication, alors
que la langue française au Québec ne peut exister sans culture, sans que la
culture québécoise qui lui donne corps.
Donc, nous proposons d'élaborer une politique de
développement culturel qui viendrait mettre de l'avant le lien étroit entre la culture et la langue. Cette politique
pourrait s'attaquer aux carences linguistiques du système d'éducation, de l'économie, de la politique d'immigration, développer une politique
de développement... une stratégie, pardon, de développement numérique.
Et cette politique
de développement culturel pourrait... en éducation,
pourrait toucher, par exemple, l'adoption
d'un corpus commun de grandes oeuvres de la
littérature québécoise dans les écoles primaires et secondaires, comme
l'a judicieusement proposé la Commission de la relève de la CAQ.
En culture, ça pourrait vouloir dire rapatrier
tous nos pouvoirs en matière de culture auprès du gouvernement fédéral,
ce qui nous permettrait de financer adéquatement la culture en fonction de nos priorités.
Ça voudrait dire aussi la création d'un CRTC québécois qui permettrait
de définir clairement et plus globalement notre politique culturelle et réglementer nos activités de radiodiffusion et
de télécommunication. D'ailleurs, c'est une proposition qui est reprise
par le Parti libéral du Québec, et nous saluons cette proposition-là.
Et, en immigration, ça voudrait dire, en plus
des cours de francisation, une politique de développement culturel pourrait
vouloir dire aussi des cours d'histoire, des cours d'intégration à la culture québécoise,
où on bonifie, en fait, la francisation par la culture et l'histoire. Voilà.
• (16 h 40) •
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie. Je vais céder la parole à mes collègues qui souhaitent également vous
poser des questions. Merci pour votre passage en commission parlementaire.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Donc, je vois M. le député de Saint-Jean. Il vous reste huit minutes à
l'échange.
M. Lemieux : Oui, et le député de Chapleau...
désolé, j'ai deux affaires à enlever, voilà, écouteurs, masques. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Le député
de Chapleau va me suivre, mais je
voulais converser quelques minutes avec M. Girard et
Mme D'Arcy. Bonjour, messieurs, dames.
D'abord, il faut que je vous dise que le rôle de
député en arrière du ministre est bien ingrat, parce que, des fois, on a la même idée, mais les félicitations
que je vais vous faire par rapport — c'est la deuxième fois aujourd'hui, ça
devient une manie — par rapport à votre mémoire, c'est que ça se
lit presque comme un roman, vous racontez l'histoire. Suggestion... Non,
mais c'est vrai, c'est... Le mémoire est captivant de ce point de vue là.
Mais c'est dans ce que vous avez dit tout à
l'heure au sujet de la recherche scientifique et de la publication scientifique sur laquelle je voulais vous amener
un tout petit peu, parce que vous avez déjà abordé le lien de la culture
avec le ministre, et c'est vrai que c'est fondamental, mais, pour la recherche
scientifique, c'est plus compliqué parce que la publication scientifique...
puis vous étiez en train de dire que le Scientifique en chef avait été nommé...
puis là on est obligés d'arrêter, puis je voudrais entendre ce que vous aviez a
dire et comment vous voyez la suite des choses pour la recherche scientifique
québécoise en français dans une recherche scientifique anglophone dominante
partout sur la planète.
M. Girard (Jacques) : La première
chose, je pense qu'il faut une action concertée avec les autres gouvernements
francophones. Ça pourrait être un bel objet de politique de la part de l'Agence
universitaire de la Francophonie. Et je vous
cite ce que j'allais faire tantôt, ce que M. Quirion a dit au moment où il
prenait ses fonctions, il a dit ceci, «que la littérature et la culture
scientifique à l'heure actuelle ont une approche très anglo-saxonne qui
n'est pas nécessairement bien comprise dans d'autres cultures ou d'autres
langues. Ce sera donc un de mes principaux objectifs,
faire davantage de place en science pour les pays de la francophonie, entre autres», disait-il. Fin de la citation.
Ça me paraît extrêmement intéressant, voir une
première personne qui va s'en occuper, mais je pense que le gouvernement
devrait plus largement lancer un chantier de réflexion avec les universités,
des centres de recherche, mais aussi les autres pays francophones.
M. Lemieux : Parce que
vraisemblablement, même si c'est notre langue commune quand on veut parler au
reste de la planète sur une base scientifique, mais quand on veut être lu par
le reste des scientifiques de la planète, il y a quand
même un code à respecter. De la même façon, qu'on écrive un roman ou qu'on
écrive un mémoire de maîtrise, ça a beau être intéressant dans le roman, ce
n'est pas comme ça que ça s'écrit dans un mémoire de maîtrise. Donc, forcément, il y a des façons d'aborder le
sujet de la recherche scientifique et de sa publication, et ce n'est pas
simple.
Ce qui m'amène à ma
dernière question, et une petite réponse, s'il vous plaît, puis le député de
Chapleau va suivre. Quand vous parlez du monde anglo-saxon, quand on parle de
recherche scientifique, on a tendance à se voir un peu comme des Gaulois, le Québec puis le reste de la planète. En
fait, les pressions qu'on subit, quand vous parlez de culture, puis vous étiez en train de parler des
cégeps, à ce moment-là, avec le ministre au sujet de la culture dans laquelle
il s'anglicise, c'est vrai partout sur la planète, ça, jusqu'à un certain
point, M. Girard, non?
M. Girard
(Jacques) : C'est tout à fait vrai sur l'ensemble de la planète. Le
problème que l'on souligne dans les universités québécoises ou dans les cégeps
québécois existe en France, existe en Belgique, existe dans les pays d'Afrique.
Il y a une domination, à l'heure actuelle, particulièrement des États-Unis. On
sait les sommes qu'ils consacrent à la recherche. Donc, il faut en prendre
conscience et voir, de façon très réaliste et pragmatique, ce que l'on peut
faire.
M. Lemieux :
Merci, M. Girard. Merci, Mme la Présidente. Le député de Chapleau va
suivre.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui. Il vous reste quatre minutes, M. le député de
Chapleau.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci beaucoup, Mme la Présidente. Bien apprécié.
M. Girard, Mme D'Arcy, merci beaucoup de votre présentation. C'est un
plaisir de vous accueillir, là, cet après-midi.
Vous avez parlé,
donc, de politique de développement culturel. On a eu plusieurs intervenants
qui sont venus nous entretenir notamment sur
l'idée de culture de convergence, un peu, qui se veut un modèle différent du
multiculturalisme canadien qui serait appliqué ici, au Québec.
J'aimerais savoir si vous avez un peu énuméré ce que contiendrait la politique
culturelle. Est-ce que ça s'inscrit également dans cette vision-là de la
culture de convergence québécoise, donc que les nouveaux arrivants viennent,
apportent avec eux leur bagage, mais également se joignent à la majorité
francophone? Est-ce que c'est ce dont vous parlez en termes de politique de
développement culturel?
M. Girard
(Jacques) : Oui, et je pense que pour ce qui est des cas précis ou des
mesures précises, plutôt avant, Mme D'Arcy a donné des exemples, elle peut
peut-être en ajouter d'autres, si elle le souhaite. Mais c'est tout à fait dans
l'esprit que vous avez mentionné qu'on le propose ou qu'on propose cette
convergence.
M. Lévesque
(Chapleau) : D'accord. Oui?
Mme D'Arcy
(Myriam) : Je vais juste... dans le fond, l'idée, c'est de parachever
le modèle québécois d'intégration et de vivre ensemble au moyen de la langue et
de la culture. Donc, c'est l'inverse du multiculturalisme. La convergence
culturelle affirme l'existence d'un noyau culturel qui n'attend qu'à être
enrichi et nourri par diverses communautés qui communiquent par l'entremise de
leurs différences, bien sûr, mais autour d'un socle commun, d'un noyau culturel
qui est celui de la majorité historique francophone présente depuis
400 ans au Québec. À cette communauté s'ajoutent évidemment ceux qui
arrivent, et puis ensemble on construit la suite.
M. Lévesque
(Chapleau) : Merci. Vous avez parlé également de financement, vous
avez mis ça en lien avec le poids démographique, notamment de la communauté anglophone,
du moins d'expression anglaise. Pouvez-vous peut-être nous en dire davantage? Vous avez dit, bon, de
façon modérée et proportionnelle dans le temps, une réduction des financements.
Ce serait quoi, pour vous, cet avènement, en fait, en quelque sorte?
M. Girard
(Jacques) : Bon, il est sûr qu'on doit d'abord être conscient du fait
que l'on finance, de façon très généreuse, le réseau des cégeps anglophones et
le réseau des universités. Il est aussi sûr qu'il y a... Comment je le dirais?
J'allais dire un sous-financement, mais le mot est trop fort, mais que les institutions
francophones ont un besoin d'argent additionnel.
Et je pense qu'il est
tout à fait normal qu'ayant constaté des faits, on parle de réalités, il faut
se demander si c'est juste de financer dans cette proportion les institutions
anglophones par rapport aux institutions francophones. Mais on se veut très
pragmatiques, et ce qu'on suggère, c'est précisément de regarder encore une
fois le problème bien en face et, avec tous
les intervenants, d'élaborer une politique de financement qui corresponde
davantage à une juste proportion pour les francophones et les
anglophones.
M.
Lévesque (Chapleau) : Et donc ce serait dans le temps qu'il y aurait
un changement en termes de financement. C'est bien ça?
M. Girard
(Jacques) : Ce serait dans le temps. Je pense qu'on ne peut pas
imposer un tel changement du jour au lendemain. Je pense qu'il y a des périodes
de transition qui sont essentielles, mais je pense qu'on ne peut pas admettre que la situation actuelle continue d'exister. Une fois qu'on a
pris conscience du problème, je
pense encore une fois qu'on doit intervenir en consultant tous les
intéressés.
M.
Lévesque (Chapleau) : Maintenant, une autre question en lien avec la
Constitution. Vous avez dit... le changement constitutionnel proposé au projet
de loi, vous avez dit être en faveur de cela. Qu'est-ce qui, selon vous, là...
qu'est-ce que ça ajoute? Qu'est-ce que ça apporte à la nation québécoise, ce
changement-là?
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je m'excuse, M. le député.
M. Lévesque
(Chapleau) : Excusez-moi. J'étais emporté. Merci.
La Présidente (Mme
Thériault) : Malheureusement, il n'y a plus de temps. Désolée. Je vais
maintenant du côté de la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, la
parole est à vous pour 11 min 30 s.
Mme
David : Merci, Mme la Présidente. M. Girard, Mme D'Arcy,
bonjour. M. Girard, vous avez été président de l'Association des
diplômés de l'Université de Montréal?
M. Girard
(Jacques) : Je le suis toujours.
Mme David :
Vous l'êtes toujours, en plus. Donc, vous n'avez pas fait comme moi, vous
n'avez pas quitté l'Université de Montréal.
Écoutez, comme vous allez
beaucoup sur le terrain de la recherche et du financement des institutions postsecondaires, je vais justement vous amener sur
le terrain du financement. Vous avez en plus été, comme moi,
sous-ministre à l'Enseignement supérieur, donc on a des points en commun,
M. Girard. Et, étant donné que j'ai été aussi vice-rectrice, j'en connais
quand même un bon petit bout. Et je m'excuse d'être un peu technique avec les
gens qui nous écoutent sur le financement et les modèles de financement.
Et vous savez que ce
sont des financements réseau, réseau universitaire. Les codes CLARDER, ça doit
vous dire quelque chose. J'ai transformé ça
en CAFF, mais ce n'est pas important. L'idée, c'est que le revenu, le
financement des universités va aux types de cours qui sont enseignés.
Alors, il n'y a pas un code de financement de génie à l'Université McGill qui
est différent de l'École polytechnique et il n'y a pas... ou de l'ETS, ou
autre. C'est le même financement pour un programme donné, quelle que soit la
langue d'enseignement. Ça, je pense que vous le savez.
• (16 h 50) •
M. Girard
(Jacques) : Oui, oui, je le sais, on en est conscients, et c'est pour
ça qu'on...
Mme David :
Quand vous dites que le financement est inéquitable, le financement est
totalement équitable d'une université à
l'autre. En médecine, un étudiant en médecine de McGill est financé de la même
façon, l'université, que la médecine à l'Université de Sherbrooke. Si on
s'entend là-dessus, on va continuer notre discussion.
Vous dites donc que
ces institutions postsecondaires, et je pense à McGill et Concordia, parce que
vous osez ce que d'autres n'ont pas fait, aller même au niveau universitaire,
vous dites : Ça devrait être définancé. Définancer, pour un financement réseau,
ça veut dire, donc, diminuer le nombre d'étudiants. Il n'y a pas d'autre façon,
au poids démographique... Vous dites même, dans votre mémoire et oralement, ça
veut dire, disons, diminuer à 8,9 % le financement des étudiants dits
anglophones ayant droit d'aller à l'université anglophone. Et 92 % ou 91,2 %
seraient financés comment, le reste des étudiants?
M. Girard (Jacques) : Alors, vous et moi savons que la formule de financement qui s'applique
aux universités est l'objet de discussions chaque année, qu'au-delà de
ce que vous avez mentionné, il y a des exceptions, il y a des subventions
additionnelles.
Je suis d'accord avec
vous sur le fait que c'est financé à partir du nombre d'étudiants et c'est la
raison pour laquelle recommander de passer, immédiatement, pour reprendre ce
que vous venez de dire, à 8,5 %, ça ne nous paraissait pas réaliste. Je
pense qu'on peut, par ailleurs, s'interroger sur le fait qu'ayant la population
anglophone que nous avons, on peut s'interroger sur le niveau de financement,
d'autant plus, et vous le savez très bien, ayant été vice-rectrice à l'université, que les universités francophones ont
besoin d'argent additionnel, que ce soient l'Université de Montréal,
l'Université Laval ou les différents... l'Université de Sherbrooke, les
différents campus de l'Université du Québec. Et je pense que ça vaut la peine,
donc, de regarder la situation bien en face. Ce n'est pas la...
Mme David :
Si on va au poids démographique, ça veut dire que McGill passerait de
40 000 étudiants à 4 000 étudiants.
M. Girard
(Jacques) : Oui, et quand vous le dites comme ça, ça apparaît tout à
fait irresponsable. C'est donc la raison pour laquelle on propose un chantier.
Je pense qu'il n'y a pas là... on ne se sentait pas, en tout cas, capable. C'est la responsabilité du gouvernement
de proposer des chiffres de façon définitive, de bousculer l'écosystème
tel qu'il existe. Mais prenant conscience d'un problème et peut-être bien d'un
surfinancement du côté anglophone, il faut regarder la situation bien en face,
s'interroger et tenter de trouver la meilleure solution qui rende justice à
tous les intervenants.
Mme David :
Mais comme l'argent ne pousse pas dans les arbres, c'est bien évident que
l'Université McGill et Concordia deviendraient, ainsi que les collèges
anglophones, totalement privatisés. Il n'y a pas d'autre solution. Alors, ça m'inquiète, moi, au plus haut point, qui
suit une ardente défenderesse de l'accessibilité aux études supérieures.
Je
vais vous amener sur la recherche puisque vous connaissez bien l'UdeM. Vous
connaissez évidemment très bien Robert Lacroix, ex-recteur et qui a été à la
fondation de CIRANO, vous connaissez Pavel Hamet très, très bien, vous
connaissez l'IRIC, l'Institut de recherche en immunologie et cancérologie de
l'Université de Montréal, vous connaissez Jean-Claude Tardif, chercheur en
cardiologie, vous connaissez Jean-Lucien Rouleau, ex-doyen de la Faculté de
médecin et un des plus grands chercheurs en cardiologie, vous connaissez Gilles
Brassard qui a presque reçu un prix Nobel et
qui a obtenu le plus grand prix mondial jamais donné en physique, qui est le
prix Wolf, en 2018.
Ils ont quoi en
commun, tous ces gens-là? Ils sont francophones et ils publient dans toutes les
langues. Alors, ils publient évidemment en anglais, mais ils publient aussi en
français. Et quand je vous entends dire que la recherche doit, devrait se faire
ne français et publiée en français, que seraient devenus ces grandes stars
mondiales qui ont fait avancer la science? Pavel Hamet, là, c'est un immense
atout dans le domaine de la recherche vasculaire, et tous les autres, on
pourrait les nommer et, en temps de COVID, on a cherché le vaccin puis on beaucoup,
à un moment donné, parlé de chercheurs québécois. Je ne comprends pas votre
idée de publier uniquement en français. C'est... Si la lingua franca était
espagnole, est-ce que vous auriez la même opinion?
M. Girard
(Jacques) : Écoutez, si vous permettez, Mme David, nous n'avons
jamais dit qu'il fallait publier uniquement en français, que la recherche devait se faire uniquement
en français. Nous sommes parfaitement conscients de la situation qui existe,
mais, avec M. Quirion, là, dont j'ai cité les mots, il nous semble qu'il y
a un effort à faire pour faire en sorte, précisément, que l'on redonne au français une place qu'il a perdue. Les Espagnols
peuvent en dire tout autant, les gens d'autres langues peuvent en dire tout
autant, il y a une domination de la langue anglo-saxonne...
de langue anglaise, pardon.
On le constate, on ne
veut pas que les gens cessent de publier en anglais, mais on se demande ce que
l'on peut faire entre francophones pour assurer une meilleure place au
français. Il ne s'agit pas d'éliminer l'anglais, je sais fort bien... Vous avez
parlé de l'IRIC en particulier, j'ai un fils qui y travaille, je sais très exactement
comment ça se passe. Alors donc, je vais
être très précis là-dessus, là, ce n'est pas une interdiction de publier en
anglais que l'on propose, ce serait tout à fait irréaliste. Je suis
d'accord avec vous.
Mme David :
Mais quand, par exemple, vous proposez de rédiger les thèses de doctorat en
français, bien, maintenant, ce sont très majoritairement des thèses par articles,
particulièrement des thèses qui sont faites dans des centres de recherche en santé comme l'IRIC. Alors, comme ce sont des thèses par articles, il y a au moins deux articles
sur trois qui sont en anglais puisqu'il faut que ce soit publié dans des revues
de très haut niveau.
Alors, comment faire
pour... c'est une quadrature du cercle. Là où je suis d'accord avec vous, c'est
que la recherche en français est très
importante aussi puis la valorisation du français. J'ai été membre du conseil
d'administration de l'AUF, j'en connais un bout, on a fondé le G3 des
universités francophones. Oui, il y a des choses à faire, mais il ne faut pas
laisser les gens sous l'impression que c'est... de dire que c'est dangereux,
que c'est mauvais de publier dans une langue
autre que le français. Mais, en même temps, on n'aurait pas ces stars que j'ai
nommées s'il n'y avait pas eu une reconnaissance, et elle est à
l'échelle mondiale. Parce qu'au Québec on voit grand puis on veut être reconnus
à l'échelle mondiale. Et on a d'extraordinaires chercheurs qui sont reconnus,
mais ils n'auraient pas pu être reconnus juste en français.
M. Girard
(Jacques) : Et je répète, on ne propose pas qu'ils ne puissent pas
faire de la recherche en anglais, qu'ils ne
puissent pas publier en anglais. Je le dis et le redis, c'est irréaliste. Tout
ce qu'on demande, c'est une concertation et une volonté de faire en
sorte qu'on donne, dans la mesure du possible, une place plus grande au
français. Et je pense qu'il y a des
intervenants dans d'autres pays qui sont d'accord avec ça. Et, comme vous le
savez aussi bien, sinon mieux que
moi, les universités... je pense que toutes les universités francophones se
sont donné une politique à l'égard de l'utilisation de la langue
française. Ce qu'on demande, c'est d'aller...
Mme
David : Merci, puis on va les
renforcer. C'était une de mes suggestions. Est-ce que le député de D'Arcy-McGee...
il reste un peu de temps?
La Présidente (Mme
Thériault) : Une petite question, une question-réponse,
1 min 15 s.
M. Birnbaum :
Bon, c'est quand même... j'essaie de comprendre votre échange avec ma collègue.
Est-ce que vous, donc, retirerez votre recommandation n° 5, n° 6,
compte tenu que vous venez de dire que l'impact sur le financement, à McGill,
par exemple, serait de 40 000 $... 4 000 $? Alors, vous
renvoyez la balle au gouvernement de décider quoi faire. Alors, votre
recommandation, est-ce que ça tient toujours?
M. Girard
(Jacques) : Bien, notre recommandation tient dans la mesure où sa
formulation est très claire : lancer un chantier de réflexion sur
l'évolution du financement des institutions postsecondaires en relation avec le
poids démographique, d'une part, de la
population francophone et anglophone du Québec et, d'autre part, de la
communauté anglophone historique. On ne peut pas... la proposition est
claire, c'est ce que l'on demande, et on demande un moratoire dans le même
temps.
Et
là je profiterai de l'occasion pour dire que la générosité du Québec à l'égard
de ces institutions anglophones est largement supérieure à tout ce qu'on
retrouve ailleurs au Canada pour ce qui est des francophones. Alors, je n'ai
aucune honte à proposer qu'on étudie la répartition.
• (17 heures) •
La Présidente (Mme
Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange. Je vais regarder
maintenant la députée de Mercier, pour vos 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci beaucoup
pour votre mémoire et votre présentation. C'était très intéressant.
Par rapport à la question du système d'éducation
supérieure, moi, je suis contente, je me réjouis de vos recommandations 2 et 3, parce qu'à Québec solidaire, dans notre
programme aussi, on propose de revoir graduellement le financement des
réseaux d'enseignement supérieur francophones et anglophones pour qu'ils
représentent le poids démographique de chacune des deux communautés. C'est la
même chose aussi pour le collège Dawson et l'Université McGill, et ça, il faut
le faire tout de suite. Puis vous avez raison, le financement, c'est par tête
de pipe. Si, à un moment donné, il n'y a
plus personne qui va à l'université... aux universités francophones, puis tout
le monde converge vers les
universités anglophones, on ne peut pas dire que c'est équitable. Donc, il
faudrait revoir le financement, ça, c'est sûr et certain.
J'avais une question plus précise, puis vous en
avez parlé un peu, sur la convergence culturelle, à la page 16. La
définition que je vois ici ressemble beaucoup au modèle d'intégration dont le
Québec s'est toujours réclamé, sans le
mettre dans une politique officielle, qui est l'interculturalisme. Mais vous,
vous appelez ça «convergence culturelle». Je l'entends de plus en plus.
D'autres vont appeler ça «culture de convergence», la culture vers laquelle
tous les Québécois vont converger. Qu'est-ce
qui se passe avec l'interculturalisme? Ce n'est pas exactement la même
définition?
M. Girard
(Jacques) : Oh! je pense que
l'utilisation des mots... Écoutez, personnellement, en tout cas,
l'interculturalisme me conviendrait tout aussi bien que la convergence
culturelle.
Mme Ghazal : Je comprends très bien.
Donc, on s'entend, parce que vous n'êtes pas le premier, j'ai eu la discussion
avec d'autres, puis je suis contente que vous dites que l'interculturalisme,
qui n'a jamais été mis dans une politique officielle au Québec... même si on en
parlait tout le temps, tellement que des gens mélangeaient ça aussi avec le
multiculturalisme, puis on disait que c'était la même chose, puis on rejetait
les deux modèles, alors qu'on ne l'a jamais vraiment, vraiment adopté, un
système propre à nous. Donc, je suis très, très heureuse de vous entendre.
M. Girard (Jacques) : Bien... Et je
pense surtout qu'il y a urgence à se donner une politique culturelle...
Mme Ghazal : Et culturelle.
M. Girard (Jacques) : ...qui aille
dans le sens de la convergence ou de l'interculturalisme.
Mme Ghazal : Très bien, merci.
La Présidente (Mme Thériault) : Ça
va? Merci. M. le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé : Oui. M.
Girard, Mme D'Arcy, un plaisir d'échanger avec vous. J'ai entendu le ministre
dire de très bonnes choses sur votre organisation, sur vous, M. Girard. Je
pourrais en dire autant de Mme D'Arcy, que je connais depuis des années. Il ne
reste maintenant qu'à suivre vos recommandations, si on a une telle estime de
vos propos et de votre crédibilité, notamment sur la fréquentation en français
des cégeps. Vous savez que, des quatre formations politiques qui sont ici, la
seule qui en fait la promotion, c'est le Parti québécois, la seule formation
politique qui assume ce choix, qui fait le choix éclairé de poser un jalon supplémentaire.
Nous avons évolué en ce sens-là. Ce n'était pas ma position ni celle de ma formation
politique il y a quelques années à peine, mais il y a une nécessité.
Et, quand j'entends Guy Rocher nous dire qu'on
est rendus là, quand j'entends Christian Dufour nous dire cela, quand je vous
entends dire ça, je trouve qu'on est en bonne compagnie et qu'on fait une analyse
partagée que, si ce gouvernement veut faire preuve de courage, et qu'il cesse de dire que ça prend un
consensus... parce qu'il n'y en aura pas, de consensus. Si vous
avez entendu le groupe précédent, vous allez voir qu'il n'y en aura pas, ce
sera toujours trop. Alors, moi, je suis d'avis qu'il faut poser des gestes
courageux, qui vont être durables, qui vont nous survivre et qui vont assurer,
au français, une vitalité. Alors, moi, j'en pose quatre, et vous choisirez sur
lequel vous voulez rebondir, qui montrent ce courage-là, soit le cégep en français...
en fait, pas «soit», ça, plus une immigration francophone à l'entrée, et mettre
fin au financement, déjà annoncé, des projets respectifs de Dawson et de McGill
avec le Royal Vic.
Alors, ça, c'est quatre indicateurs, quant à moi,
du courage du gouvernement. À date, il n'en coche aucun. Si vous aviez un des
quatre, là, sur lequel vous voulez appuyer, ce serait lequel?
M. Girard (Jacques) : Je
commencerais par le cégep, je pense, étant donné ce que vous avez lu dans notre
rapport, étant donné l'évolution qu'on a connue au cours des dernières années.
Et je pense d'ailleurs que nous ne sommes pas les seuls à vouloir l'application
de la loi 101 aux cégeps. Il y a eu beaucoup d'intervenants, devant la
commission, qui sont allés dans ce sens. Et je pense que c'est un geste fort,
un geste que l'on doit poser.
Et je rappelle qu'au moment où la loi 101 a
été déposée il y a eu une levée de boucliers, mais après, les gens ont tous
reconnu que cette loi... tous, du côté anglophone, du côté fédéral, de tous les
côtés, que cette loi était essentielle et qu'elle avait amené une stabilité de
notre vie commune en société. Je pense qu'il en va de même de la recommandation que l'on fait pour les cégeps. Il va y avoir
des réactions, il peut y avoir des réactions violentes, ce que je ne souhaite
pas...
La
Présidente (Mme Thériault) : ...ceci met fin à l'échange. Merci,
M. Girard, merci, Mme D'Arcy, d'avoir accepté de venir nous
rencontrer en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants pour
permettre à l'autre groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 17 h 06)
(Reprise à 17 h 21)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous poursuivons nos travaux et nous recevons maintenant l'Assemblée des premières nations Québec, Labrador. Nous avons avec nous, à l'Assemblée nationale, le chef John Martin, qui est chef de la communauté micmaque de
Gesgapegiag et chef porteur du dossier de l'éducation, ainsi qu'en visioconférence
le chef Ghislain Picard, qui est le chef des Premières Nations Québec,
Labrador. Bienvenue parmi nous. M. le chef Martin, la parole est à vous.
Assemblée des premières nations du
Québec et du Labrador (APNQL)
M. Martin
(John) :
[Interprétation] Merci. Bonsoir à tous les membres ici présents. Je m'appelle John
Martin. Je suis le chef des Micmacs
de Gesgapegiag, une communauté micmaque située en Gaspésie, au Gespe'gewa'gi du Nord, le septième district de
notre terre natale micmaque. Gespe'gewa'gi fait partie des terres et cours
d'eau traditionnels non cédés où vit le peuple micmac depuis des temps
immémoriaux. J'ai aussi le plaisir d'être porteur du dossier de l'éducation au
nom des chefs de l'Assemblée des premières nations Québec-Labrador.
En tant qu'enseignant de formation, je peux
affirmer sans hésiter que ma plus grande passion est la réussite éducative des
enfants des Premières Nations. Je crois sincèrement que l'éducation est le
catalyseur de la transmission de nos
valeurs, de nos langues et de notre culture, mais aussi du bien-être et de la
prospérité de nos peuples. Cependant, à la lumière des circonstances qui
m'ont amené jusqu'ici, je peux aussi dire que la réussite scolaire des enfants
de Premières Nations est en péril, entravée par des barrières multiples,
systématiques et assimilationnistes.
Bien que je parle et comprenne le français, ce
n'est ni ma langue maternelle ni ma langue seconde, c'est une langue étrangère.
Les langues des Premières Nations ont vu le jour ici, sur des terres relevant
de la souveraineté autochtone. On s'est attaqué pendant longtemps à notre
peuple pour avoir parlé notre langue dans vos écoles. On nous a confinés dans
des réserves, dans la pauvreté, où les normes en matière de qualité de vie
étaient tout autres. Et maintenant, votre projet de loi n° 96 est utilisé
pour empêcher nos enfants de poursuivre leur parcours scolaire jusqu'à la fin.
Depuis un bon moment déjà, cette loi linguistique est la cause directe de
l'abandon scolaire et du départ de nos
enfants, ce qui réduit considérablement leur capacité de bien gagner leur vie.
Voilà ce à quoi de nombreux enfants des Premières Nations doivent faire
face, jour après jour, lorsqu'ils exercent leur droit humain fondamental à
l'éducation, un droit inscrit dans le droit international et la loi
constitutionnelle.
Aujourd'hui, comme c'était le cas il y a
40 ans, les enfants des Premières Nations au Québec sont aux prises avec
les barrières systémiques de la Charte de la langue française, qui exige que
les élèves soient instruits en français ou qu'ils obtiennent des crédits en
langue française au secondaire et au collégial. La charte s'applique à
l'éducation des enfants des Premières Nations sans tenir compte de leur langue
maternelle et en faisant fi du droit inhérent et constitutionnel à l'autonomie gouvernementale
et à l'autodétermination. L'éducation est un élément essentiel à l'autonomie gouvernementale,
qui ne peut tout simplement pas être écarté du revers de la main ou relégué au
second plan par une législation
provinciale, quel que soit le lieu où les enfants des Premières Nations reçoivent cette éducation.
Et la Charte de la langue française et le projet
de la loi n° 96 violent les droits à l'éducation des
enfants des Premières Nations. La moitié des
enfants des Premières Nations fréquentent une école à l'extérieur de leurs
communautés, et nombre d'entre eux passent entre les mailles du filet.
L'imposition de l'application de la charte au cheminement scolaire des enfants
des Premières Nations dévalorise et marginalise les langues et cultures des
Premières Nations pour renforcer l'idée selon laquelle la langue et la culture
des colonisateurs sont supérieures et ont une plus grande valeur. Par
conséquent, la langue se perd, et les objectifs de colonisation et d'assimilation
sont atteints. Et pourtant, il a été démontré, encore et encore, que ce fossé
linguistique ne fait rien pour stimuler les élèves, a un impact négatif sur
leur estime de soi, fragilise leurs liens culturels et communautaires et crée
une culture d'assimilationnisme et de monolinguisme.
Il a pour effet d'exacerber la tendance au décrochage scolaire et les écarts
socioéconomiques, en plus de menacer nos langues et notre culture.
Vous imposez
aux Premières Nations des contraintes systémiques et psychologiques
destructrices. Votre loi inflige des effets systémiques et psychologiques
dévastateurs sur les enfants des Premières Nations en refusant de reconnaître
les barrières systémiques qui continuent d'entraver leur réussite éducative.
Je n'ai aucun doute que vous êtes tous
convaincus de l'importance de l'éducation. L'éducation est le facteur
déterminant de la mobilité sociale, de la santé et du développement
communautaire. Je vous demande de penser à ceci :
en élaborant ces lois, ne continuez-vous pas à adopter la même mentalité à
l'égard des Premières Nations? L'accès à l'éducation devrait être, pour
nos enfants, la voie vers la réalisation de leurs rêves, et non un moyen de les
ancrer dans le
désespoir et la pauvreté. Ces barrières systématiques, associées à des facteurs
historiques, tels que les traumatismes intergénérationnels causés par
des années passées dans le système des pensionnats pour autochtones, ont des
effets néfastes pour la réussite scolaire
des enfants des Premières Nations. Vous tous, ici présents, avez le pouvoir de
changer le cours des choses.
Vous tous, qui faites
partie de cette Assemblée des représentants du Québec, ouvrez votre esprit.
Nous sommes à deux jours du 30 septembre, une journée destinée à se
remémorer tous ces enfants qui ont perdu la vie dans les pensionnats pour
autochtones et ceux qui ont survécu aussi. Souvenez-vous, l'intention était de
tuer l'indien chez l'enfant. Interrogez-vous
sur la Charte de la langue française et le projet de la loi n° 96 qui vous occupe. N'ont-ils pas les mêmes effets pervers sur
les enfants des Premières Nations? Cette journée sert à nous rappeler des
gestes posés contre nos peuples, contre nos enfants, afin que jamais ils ne se
reproduisent. Cette journée est aussi un rappel pour vous, les décideurs, afin
que vous ne répétiez pas les torts causés à nos enfants et à notre peuple.
J'ai fréquenté ces
pensionnats, où nous nous faisions battre pour avoir parlé notre langue. Je
vous demande à vous, décideurs de cette
Assemblée : ne faites pas cela à notre peuple, à nos enfants. Laissez nos
enfants des Premières Nations réaliser leur rêve d'une vie meilleure.
Laissez-les poursuivre leurs études au Québec afin qu'ils puissent apporter leur contribution, et à leurs
communautés, et au Québec. Je vous remercie et je prie le Créateur afin qu'il
vous aide à agir dans l'intérêt de nos enfants. [Fin de
l'interprétation]
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Chef Picard, il reste 2 min 37 s à la
présentation. Par contre, la
députée de Marguerite-Bourgeoys me dit que, si vous avez besoin de quelques
petites minutes supplémentaires, une ou deux, vous pouvez les prendre sur son
temps. Allez-y.
• (17 h 30) •
M. Picard
(Ghislain) :
[Interprétation] Bonjour. Je vous remercie de me
donner du temps et je vous salue tous. Je
m'appelle Ghislain Picard. Et je
remercie aussi Lino, qui provient de la même communauté
que moi, de Pessamit. Encore une fois, on vous remercie de nous donner
du temps pour parler de la loi n° 96... que vous
voulez défendre la langue française. Et je remercie les interprètes, parce que
c'est très important, ce que nous amenons aujourd'hui, c'est ce que nous
voulions vous faire part aujourd'hui.
Vous ne serez pas
surpris, si je vous dis que je suis tout à fait d'accord avec les propos du
chef, sur ce qu'il vient de dire, et je suis
derrière lui. Il se souvient de tout ce qu'on a subi lorsqu'on
parle de toutes les réglementations qui ont touché nos communautés et nos
enfants, puis ce n'est pas la première... ce n'est pas nouveau, ça fait
longtemps que ça dure. Les Innus, ça fait plusieurs années qu'ils
essaient de défendre leur culture, leur langue et leurs droits ancestraux, mais
ils sont tout le temps face à un mur lorsqu'on parle de ces situations-là. On
nous a toujours... on a toujours essayé de nous intégrer comme des blancs.
Lorsqu'on parle des enfants, on a vu ce qui s'est passé, puis nos enfants... les parents, il y a beaucoup de
problèmes avec les problèmes qu'ils connaissent concernant leur langue, leur
identité... leur langue et leur...
Il y a deux semaines,
l'APNQL est intervenue devant la Cour d'appel du Québec dans le cadre du renvoi
relatif à la Loi concernant les enfants, les
jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, la
loi C-92, pour défendre sa
position... que cette loi fédérale est valide. Il va sans dire que la position
de la province est inconciliable avec la nôtre... comparativement à
nous, ce qu'on pense de cette loi. Pour rajouter à cela, il y a maintenant le
projet de loi n° 96 avec lequel la province souhaite modifier
unilatéralement la loi sans prendre en compte les enjeux des Premières Nations.
Le projet de loi n° 96 vise un objectif en lui-même noble, et c'est qui
m'amène aujourd'hui devant votre groupe de parlementaires. [Fin de
l'interprétation]
Nos droits
ancestraux, protégés par le paragraphe 35.1° de la Loi constitutionnelle
de 1982, comportent des droits linguistiques. Et l'article 13 de la
Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones vient ajouter que ces droits linguistiques comprennent
le droit des Premières Nations de revivifier, d'utiliser, de développer et de transmettre aux générations futures leur langue.
C'est de nos droits dont on parle et c'est notre survie culturelle qui est jeu.
La suprématie d'une
nation sur les autres ne fait pas partie des valeurs mises de l'avant par les
chefs de l'APNQL. Pour eux, une grande nation digne et fière se définit d'abord
par le respect des autres. On a le droit d'être en désaccord, on n'a pas le
droit de contraindre, d'imposer, de se placer au-dessus des autres. Dans ses
gestes quotidiens, l'actuel gouvernement de la province de Québec nie
l'existence des droits les plus fondamentaux des Premières Nations. Le chef Martin a très bien exprimé cette position. Au
nom des prérogatives qu'il s'attribue lui-même, il impose ses lois, ses
vues, aujourd'hui en matière linguistique, hier ou demain sur les enjeux
territoriaux, toujours de façon unilatérale
en s'attribuant une autorité que les Premières Nations, en tout respect, n'ont
jamais reconnue et ne sont pas prêtes à reconnaître parce qu'elle est,
selon nous, sans autre fondement que des lois coloniales et caduques.
Les Premières Nations
se présentent devant votre groupe de parlementaires avec des propositions, des
adaptations basées sur le respect mutuel, visant en particulier à corriger
l'impact négatif de mesures imposées par votre
cadre juridique actuel et qui créent, depuis des années, des dommages
importants amplement décrits dans le document de positionnement
politique que nous vous proposons.
En terminant,
l'APNQL, je tiens à le rappeler devant vous aujourd'hui, invite les
parlementaires québécois à une rencontre
entre votre Assemblée et la nôtre sous forme d'une commission
parlementaire spéciale dédiée aux relations entre nous, au rétablissement du respect entre nos formes de gouvernance
aussi distinctes que respectivement valables. [Interprétation] Je
vous remercie, vous tous. [Fin de l'interprétation] Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, on retranchera trois minutes du temps de la députée de
Marguerite-Bourgeoys. C'est le temps qui a été pris en supplémentaire pour la
présentation. Sans plus tarder, je vais aller du côté de M. le ministre.
La parole est à vous pour votre bloc de 17 minutes.
M.
Jolin-Barrette : Merci, Mme la Présidente. M. Picard,
M. Martin, M. Gros-Louis, bonjour, bienvenue à l'Assemblée nationale.
Merci pour votre présence et la présentation de votre mémoire.
D'entrée de jeu, je
dois dire que je suis assez d'accord avec vous sur le fait que chaque nation
devrait avoir la possibilité de protéger sa langue. Vous faisiez référence,
M. Martin, tout à l'heure, aux langues ancestrales, le droit de pouvoir maîtriser et apprendre sa langue, et je
pense que c'est fondamental de valoriser toutes les langues, notamment les
langues autochtones, parce que c'est ce qui fait en sorte... qui amène la
vitalité des différentes nations. Et globalement, à chaque fois qu'une langue s'éteint, à chaque
fois qu'une langue disparaît ou à chaque fois que le nombre de locuteurs
de la langue diminue, c'est déplorable et c'est dramatique, parce que c'est ce
qui fait, et là-dessus je suis d'accord avec
vous, c'est ce qui fait l'âme d'une nation, l'identité d'un peuple. Alors, il
faut avoir des mesures pour favoriser la vivacité de ces différentes
langues.
Donc, plus
précisément je comprends que votre souhait est de faire en sorte notamment que
les enfants, vos enfants de vos différentes
nations puissent apprendre leur langue de leur communauté, puissent la maîtriser. Essentiellement, c'est le souhait, qui est tout à fait légitime,
de faire en sorte d'obtenir cette connaissance et le fait que les différentes
nations puissent utiliser leurs langues. Est-ce que je me trompe? Je ne sais
pas si M. Martin ou M. Picard...
M. Martin
(John) : Je pense que oui. La langue ne se vit pas dans un vacuum. C'est
des communautés, des cultures, des valeurs qui sont attachées à ces langues.
Et, pour nous, on se trouve dans une situation où on ne peut pas retourner
ailleurs pour aller chercher une langue qui est perdue. Donc, c'est important
que nos langues soient valorisées, qu'elles soient reconnues, pas seulement
avoir le droit de parler, d'écrire et de se communiquer. La langue est
inhérente à nous, à nos cultures, et c'est important que le système qui est là présentement,
qui empêche nos jeunes de progresser au niveau de l'éducation, les jeunes qui
représentent notre futur, qui représentent notre développement, fasse face à
des obstacles ou... les résultats, c'est le décrochage, et ils ne poursuivent
plus d'études, puis ils s'en vont ailleurs. Leur langue est dévalorisée aussi
bien que leur culture.
Donc, c'est important
que les systèmes publics soient en support des initiatives qu'on propose. C'est
important pour la valorisation. Tout le monde le sait, comme j'ai dit dans la
présentation, quand on crée des obstacles au niveau de la langue, de
l'apprentissage, c'est très difficile pour un jeune de faire du progrès. C'est
quelque chose qu'on vit, nos étudiants vivent à tous les jours. Ça fait
40 ans que ma communauté et d'autres communautés, on fait face à des décrocheurs,
du monde qui ont tout simplement laissé les études ou s'en vont ailleurs suite
à leur résultat de la charte française. Pas d'accommodement à ce niveau-là.
Pourtant, c'est assez
simple, au niveau des Premières Nations, de faire des accommodements pour
assurer que pas seulement notre langue, que
notre culture et notre façon de faire est reconnue et est respectée, et de
comprendre aussi que la langue, pour
nous, c'est notre vie, et c'est notre continuité. La perte de la langue, pour
nous, éventuellement, on se trouve complètement assimilés et perdus. Il
y a cette loi-là que vous avez en place... s'en va dans ce sens-là, dans une vieille tradition très coloniale. Je
pense que c'est important d'avoir une ouverture d'esprit pour... en ce qui
concerne les Premières Nations.
• (17 h 40) •
M.
Jolin-Barrette : Alors, sur ce point-là, le gouvernement du Québec est
très... je veux bien cerner l'enjeu, parce que vous dites ou... parce que
manifestement, l'enjeu, il est sur la Charte de la langue française, donc la
loi qui a été adoptée en 1977, parce que le projet de loi que j'ai déposé, le
projet de loi n° 96, c'est le statu quo par rapport à la situation
actuelle. Et tous les droits rattachés aux nations autochtones sont garantis,
et même à l'époque, c'est... la loi 101 a fait en sorte de venir inscrire...
c'était le premier État au Canada à venir reconnaître le statut particulier des nations autochtones. Mais ce que je comprends de votre propos notamment,
c'est le fait que vous souhaitez que les jeunes de vos communautés
puissent étudier, grandir et vivre dans leur langue, donc dans leur langue de
leur nation.
Essentiellement,
quand vous dites : La langue, c'est la communauté, c'est la culture, c'est
l'identification, je suis d'accord avec
vous. Donc, comment est-ce que l'État
québécois peut vous aider, par rapport aux langues autochtones, à maintenir, à développer et à avoir
l'apprentissage des langues autochtones?
M. Martin (John) : Mister, the
answers aren't here, in terms of how the Québec Government can
assist us in terms of correcting the situation. Because, like I said, for 40 years, we have
been dealing with the situation of our students dropping out of high schools, leaving high schools simply because
they can't finish their credits, not being able to go to the university in Québec because they can't be at their credits here.
And what I'm saying is that needs to
be recognized. We provide solutions, options where it would be possible for the Government
here to allow our students to get their credits, provide a ... language credit
program, whatever. But I think the solutions are there in terms of being able
to move forward and improve, improve your law without taking absolutely nothing away from Québec or the French language.
In the situation that you're playing right now, where Québec is in a difficult situation vis-à-vis North America, you should be a lot more
understanding of our situation.
Our languages are precarious, they are disappearing. And that road, we know
where it goes. And you, the Québec Government here,
alright, can do something about that. We bring propositions to the table that
are very realistic, very simple, which would allow our students, First Nations'
students to be able to get the credits that
they need to graduate. There are also issues of professionals in the
communities that don't receive recognition.
All
of that is in here, in this document here, right here. The answers are all there. And I tell you, you
should take a serious read and look at it, because it takes absolutely nothing away from Québec, it does not take anything away from the Québec language. But it does allow us to flourish in Québec and become contributors to Québec, just like our communities. That is our hope, this is why we are here.
We are here to talk to you and tell you what we have
been experiencing in our communities for decades. And when I hear people saying
that there is nothing that is going to change, well, that tells me that the
same colonialist mindset that created the residential schools and the same
mindset that is there, which allows native women in this land to be abused, and
mistreated, and murdered is going to continue. Things have to change.
You
can protect your French language very well. We have nothing against that. We
support that. We think it's a good thing to
do considering your situation in North America, but consider our situation. We cannot go back to France if we lose our language.
We
have the solutions here, in front of you, in this document. Take the time to
read them, look at them, study them all, because they're taking nothing away from any «Québécois», or
any French-speaking citizen in Québec, or the Québec
Government, for that matter. In fact, it probably would put us in a very good
relationship to dialog and move forward together and build together, rather
than have to struggle and fight all the time.
M.
Jolin-Barrette : Dans votre mémoire, essentiellement, une des propositions
est de faire en sorte, dans le fond, que la loi 101 ou la Charte de la langue française ne s'applique pas. Parce que je suis d'accord
avec vous sur l'objectif que les membres des différentes nations puissent
maîtriser, apprendre et vivre dans leur langue, mais essentiellement, je comprends que le régime linguistique ne doit pas être
appliqué.
Dans
le fond, ce que vous souhaitez, c'est avoir le choix, pour l'ensemble des
membres des nations autochtones, d'aller
à l'école en anglais au niveau des études supérieures, au secondaire, notamment.
Parce que l'enjeu, il est à l'effet que dans les communautés, parfois,
le primaire, ça se fait dans la langue de la communauté, mais, par la suite,
que l'école est en français. Or, idéalement, puis vous me corrigerez si je me
trompe, idéalement, ce serait d'avoir la possibilité de pouvoir étudier tout le
temps dans votre langue, donc dans la langue autochtone.
M. Martin (John) : It is much more
than that. It is much more than that. When we're looking at primary education in our community, that's something
that is entirely under our control. When we go to the public school system and
students wish to graduate from high school, they cannot get their high school
leaving. Probably 80% of the time, 90% of
the time, students have great difficulty with that, and a significant number of
them are dropping out because of that particular law. And that has a
direct impact on the leadership
that we will have tomorrow, on the development of our community, on the
development of our culture and sustaining ourselves as a people. It's that
simple.
If
we did not have to deal with this law that's there, that's preventing them from
getting their high school leaving in Québec. Maybe we'd have more lawyers, we'd have more doctors, we'd have
more business people. Everybody knows, if you're going to have good government
in a community, you require educated people, you need people to pursue their studies to higher education. So, that's tied directly, directly to that. I mean, our language is our language, we own that. That's ours. Like this is
far more than that. Language does not live in a vacuum, and that's what
we need to remember.
The
solutions we propose are very simple, very straight forward. If you actually
took the time to read the solutions that we are proposing, it makes it possible
for our students to continue on graduate from high school and continue school in Québec, you know. But right now, the way the law is,
we're being excluded. We're being excluded from getting access to these institutions and pursuing. It reduces the percentage of
students that go to schools in Québec universities quite significantly, and that's having a direct impact
on us, on our people, and our communities.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il reste deux minutes, M. le ministre.
M. Jolin-Barrette :
Merci pour la présentation de votre mémoire. Je vais céder la parole à mes
collègues. Merci beaucoup.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et je vois M. le député de Saint-Jean, à peine... votre échange, M. le député, question, réponse, deux
minutes.
• (17 h 50) •
M. Lemieux :
Merci beaucoup. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Décidément, toutes les langues sont sujet de
passion et d'échanges passionnés, mais, en même temps, de raison. Et je ne sais pas si vous vous en rendez compte, mais
on vient de faire l'histoire, aujourd'hui, jusqu'à un certain point, en tout cas dans cet immeuble
et dans cette salle, parce qu'on avait trois interprètes dans trois
langues.
La dernière fois que
je suis passé au Parlement des Territoires du Nord-Ouest à Yellowknife, il y
avait huit ou neuf petites cabines de traduction comme ça pour les parlementaires,
les députés des Territoires du Nord-Ouest autour de la table, et ça fait longtemps.
Je ne sais pas où ils sont rendus, mais je pense qu'aujourd'hui on vient de faire un bon bout de chemin. Je regarde le chef
Picard du coin de l'oeil. J'écoutais, je buvais les paroles du chef Martin
dans son petit paradis de Gesgapegiag, niché dans le fond de la baie entre
New Richmond puis Maria. À force de se parler on va de plus en plus se
comprendre et, avec ce qu'on vient de faire aujourd'hui, j'espère, s'entendre. Merci
beaucoup, chef. Merci, M. Picard.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci, M. le député de Saint-Jean. Le chef
Picard nous signale qu'il aurait aimé s'adresser à nous. Il reste encore une
quarantaine de secondes. Allez-y, chef Picard.
M. Picard (Ghislain) : Non, en
fait, je voulais surtout contribuer à la discussion un peu plus tôt. Je
remercie, M. le député, pour ses commentaires. Et peut-être parce que le
ministre nous a ramenés 50 ans en arrière, et 50 ans en arrière, effectivement, il y avait la loi 101, et un des
gestes causés... parce qu'à ce moment-là aussi c'était un cadre juridique, en
quelque sorte, imposé. Il y a eu une réaction très vive du côté de nos
communautés, notamment une cohorte d'étudiants de la communauté de Kahnawake
qui sont sortis de leur école secondaire pour bâtir leur propre école dans la
communauté, qui existe toujours aujourd'hui.
Mais,
au-delà de tout ça, je pense qu'il faut relever l'importance de la démarche
dans son sens le plus global... Je pense qu'il y a une relation fondamentale
ici qui fait défaut, et c'est aussi ça qu'on veut mettre en évidence,
parce que, d'un côté, sur un autre champ, le
Québec, finalement, plaide que le gouvernement canadien ne consulte pas assez.
Et finalement, c'est
ce qu'on vous met sous la dent aujourd'hui, en marge de l'étude du projet de
loi n° 96, c'est que... bon, on est où? On est... On se retrouve un peu
devant vous aujourd'hui... un peu dans une situation, un peu, de compromis. On
accepte les règles de vos commissions, de vos institutions, mais sachez qu'on
souhaiterait vivement qu'il y ait un espace
beaucoup plus approprié à la relation que vous vantez vous-mêmes, la relation
de nation à nation, et ce n'est pas ce qu'on constate aujourd'hui.
Je
pense qu'il y a des éléments importants, oui, qui touchent l'histoire, qu'il
est utile d'utiliser comme référence, mais
il y a le contexte d'aujourd'hui aussi qui doit s'appliquer. Donc, je pense
qu'à l'intérieur des 50 minutes que nous avons aujourd'hui, il n'y
aura pas moyen, là, de vider cette question-là, parce qu'elle est extrêmement
fondamentale d'abord, mais contient
également beaucoup, beaucoup d'éléments, je pense, qui méritent notre attention
et la vôtre, surtout.
La
Présidente (Mme Thériault) : Et, chef Picard, je dois passer la
parole maintenant à la députée de Marguerite-Bourgeoys. Donc, Mme la
députée, il vous reste 8 min 20 s à votre intervention.
Mme David :
Merci beaucoup. Chef Martin, chef Picard, merci beaucoup d'être ici pour avoir
ce très, très important échange sur la question des Premières Nations et
particulièrement dans le secteur de l'éducation. Et vous le prenez sous
l'angle, comme vous le dites, M. Picard, sous l'angle, en ce moment, de
l'éducation, mais ça pourrait être beaucoup plus large que ça. Mais, à travers
l'angle du projet de loi n° 96, bien, ça fait parler de minorités
linguistiques. Le Québec a une minorité... est une minorité linguistique
francophone, on le dit souvent, dans la mer anglophone nord-américaine, mais
vous vous réclamez de la même minorité linguistique et de la protection de vos
nombreuses langues des Premières Nations. Il n'y en a pas qu'une, il y en a
plusieurs.
Et je salue donc la
commission ici, je salue les traducteurs de nous permettre d'avoir, justement,
cet accès et vous donner accès dans les
langues dans lesquelles vous voulez et vous devez vous exprimer pour réclamer,
dans le fond, un immense chantier, c'est ce que j'entends aujourd'hui, non
seulement sur le projet de loi
n° 96, mais sur l'éducation.
Pour avoir été à
l'enseignement supérieur, pour avoir visité... avoir assisté à des graduations
à Kiuna, au centre d'études collégiales, qui
est une merveille... mais il devrait y avoir des Kiuna, plusieurs, plusieurs à
travers le Québec. Mais vous nous
dites aussi : Mais depuis 40 ans... la loi 101 ne s'appliquait
pas plus il y a 40 ans que maintenant, mais maintenant il faut en
parler.
Je
voudrais vous entendre encore plus, parce que, oui, j'ai lu le mémoire, et chef
Martin a raison de dire qu'il y a beaucoup,
beaucoup de recommandations. C'est un chantier sur le régime, par exemple,
d'études collégiales. Il faudrait changer des choses. C'est à la ministre
de l'Enseignement supérieur que vous devriez parler, et entreprendre ce
chantier, ça inclut évidemment par le biais de la langue, mais je sais que le
ministre... le futur ministre de la Langue française,
de son ministère, aura un mot important à dire, mais la ministre aussi de
l'Enseignement supérieur, le ministre
de l'Éducation aussi, probablement.
Alors, qu'est-ce que
vous nous conseillez à partir de maintenant, si on veut écouter vos
recommandations?
La Présidente (Mme
Thériault) : Chef Picard, il vous reste 5 min 30 s, à
peu près, à l'échange.
M. Picard
(Ghislain) : ...oui, merci
beaucoup pour la question. Je laisserais le soin au chef Martin de compléter,
s'il le souhaite.
En fait, quand je dis
que c'est très, très fondamental... vous me parlez d'éducation, mais c'est
beaucoup plus large que ça. Et c'est pour ça que j'ai pris soin de terminer mon
commentaire, un peu plus tôt, avec la nécessité qu'il y ait un forum approprié. Sinon, on est condamnés, nous, de notre côté,
à faire des apparitions ponctuelles, comme on le fait aujourd'hui, pour
traiter d'un dossier extrêmement urgent. Et je comprends ici que c'est en
dehors de votre confort habituel, hein, parce que vous êtes une commission
parlementaire qui traite d'un dossier en particulier, dans ce cas-ci, le projet
de loi n° 96. Mais, en même temps, est-ce qu'on a la capacité, est-ce que
vous avez la capacité de créer cet espace-là
qui nous permettrait... qui permettrait à chaque nation de vraiment se
prononcer sur l'éducation, sur le projet
de loi n° 96 et sur une foule
d'autres sujets qui minent actuellement la relation qu'on souhaite harmonieuse
de part et d'autre?
Et c'est pour ça que
nous avons transmis une lettre au premier ministre l'invitant à créer cette commission
spéciale, une commission parlementaire
spéciale qui a d'ailleurs vu le jour en 1983 sous M. le premier
ministre de l'époque, feu René Lévesque, et qui a donné lieu à la
reconnaissance que le ministre citait un peu plus tôt, d'un certain nombre de droits incluant le droit à nos langues. Donc,
ça, c'est... on recule 50 ans en arrière. Y a-t-il moyen d'actualiser tout
ça? Et pour moi, bien, le Québec en sortirait grandi de pouvoir
finalement passer une commande précise pour mettre à jour une relation, là, qui
mérite d'être mise à jour.
La Présidente (Mme
Thériault) : Vous voulez ajouter? Oui, allez-y.
M. Martin (John) : Yes.
I'm just listening to Chief Picard, and he had a question about the capacity. I
don't believe it's about capacity, I think it's about the Government's desire
and the will. I think you have the capacity to be able to do it, there is no question about it. It's about the desire and
the will to work with First Nations towards a solution, here, you know,
and mutual respect, you know. I think that's something that needs to be
remembered and I think that what the Regional Chief is proposing is certainly
an honourable proposal and it should be followed through on.
But
I think it's not a question of capacity, again, I just wanted to make that point,
it's about the will and the desire to work with First Nations, to build the
future and work together.
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci. Il vous reste deux minutes.
• (18 heures) •
Mme David :
Quand, M. le chef Picard, vous parlez justement du fait que c'est beaucoup
plus large que la question de l'éducation... mais vous dites quand même dans
vos recommandations, la recommandation n° 3, qu'étant donné les
modifications ou certaines dispositions constitutionnelles, vous auriez aimé évidemment
faire un dialogue de gouvernement à
gouvernement. Et vous vous inquiétez, peut-être, de certaines parties du projet de loi n° 96 concernant des modifications
constitutionnelles. Ça, c'est intimement lié au projet de loi n° 96, donc
ça ne peut pas attendre un dialogue plus large sur l'ensemble des enjeux.
Alors, qu'est-ce que
vous proposez pour cette partie-là, qui traite de modifications
constitutionnelles?
M.
Picard (Ghislain) : Bien, écoutez, on a déjà fait appel au gouvernement
là-dessus. Je crois que, sans égard aux positions qui vous ont été transmises jusqu'à
maintenant, qui vous ont été partagées et celles qui viendront pour la suite,
parce qu'on est conscients que c'est un dossier qui interpelle beaucoup de
monde, hein, au-delà des Premières Nations, mais on insiste toujours sur le
fait qu'on n'est pas un groupe de pression, ici. On représente des nations, des gouvernements avec un statut
qu'ils considèrent comme étant aussi valable que le vôtre, finalement. Et ce
qu'on souhaite, c'est que... d'abord,
qu'ils puissent... Il aurait pu y avoir une consultation en amont, hein,
pour essayer de vérifier ou de valider
certaines positions que le gouvernement croit savoir sur le positionnement des différentes
communautés.
L'exemple que je me
permets d'ajouter à mon commentaire, c'est sur la question de l'ordre des professions,
par exemple, et il y a une limite importante par rapport à cette capacité-là au
sein même de nos nations, et il y a une crainte que finalement le projet de loi,
dans sa finalité, puisse peut-être ajouter des barrières à certaines personnes
qui sont issues de différentes nations qui utilisent l'anglais comme seconde
langue ou, des fois, comme première langue et qui pourraient voir peut-être
s'ériger des barrières leur empêchant de... peut-être de pratiquer au-delà de
leur communauté. Donc, ça, c'est un aspect important qui mérite très certainement
d'écoute...
La Présidente (Mme
Thériault) : Merci.
M.
Picard (Ghislain) : ...et c'est pour ça que je dis qu'il y a
une réalité qui est la nôtre, qui n'est pas celle des autres groupes et qui
mérite très certainement un espace approprié, une écoute appropriée.
La Présidente (Mme
Thériault) : Oui. Merci, M. Picard. Je dois maintenant aller du côté
de la députée de Mercier, 2 min 50 s.
Mme Ghazal :
Merci. Merci beaucoup pour votre présence, chef Martin, chef Picard, et vous
pouvez être sûrs qu'on va considérer le mémoire que vous avez déposé.
J'aimerais savoir...
Vous avez parlé, monsieur... chef Picard, de la création d'une commission
spéciale parlementaire pour les autochtones, et vous avez même... vous en avez
parlé depuis le mois de juin, où vous invitiez tous les élus à y répondre, et
je voulais savoir : Est-ce que vous avez eu une réponse de la part du
gouvernement?
M.
Picard (Ghislain) : Bien, à l'exception d'un commentaire au
niveau ministériel, la lettre qui a été transmise à la fin de l'été au premier
ministre est toujours sans réponse, et pour nous, là, c'est important. Encore
une fois, je me permets d'insister. Bon, on a un gouvernement qui parle... On a
une table politique, hein, et je pense que je ne vous apprends rien, à...
Mme Ghazal :
Oui, puis je peux vous dire qu'on appuie...
M.
Picard (Ghislain) : ...à tout le monde, là, il y a une table politique
qui est en marche. Mais, au-delà de ça, le gouvernement parle aussi d'ententes
plus particulières avec chaque nation, et, pour moi, ça prend un espace pour
pouvoir en parler, parce que la nation attikamek a peut-être des priorités que
la nation algonquine n'a pas. Et pour moi,
là, c'est vraiment pour mettre en évidence un peu, je dirais, les lacunes dans
ce que tout le monde souhaite, là, une relation
positive, et harmonieuse, et productive avec chaque nation. Donc, on est toujours
sans réponse à votre question.
Mme Ghazal :
Tout à fait, et j'espère que tous les élus vont appuyer... Bof! il y a comme un
délai. J'espère que tous les élus aussi vont appuyer cette demande. Et, vu
qu'on parle de langues autochtones, comment est-ce que cette commission spéciale parlementaire autochtone pourrait aider à
protéger et à reconnaître les langues autochtones?
La Présidente (Mme Thériault) : Là,
je vais vous demander un tour de force, M. Picard.
M. Picard (Ghislain) : Là, écoutez, il y a... les défis sont divers.
Il y a une grande diversité dans nos communautés, des langues qui sont
en situation très précaire plus que d'autres, et, pour moi, il y a cette
diversité-là qui mérite d'être bien comprise, d'être mieux connue. Et il en
revient aux différents dirigeants des communautés, là, de proposer des solutions
en ce sens, et pour moi, là, les questions qui sont liées au projet de loi
n° 96 pourraient très bien être un sujet qui mériterait cet espace-là.
Mme Ghazal :
Très bien. Merci beaucoup. Merci.
Mme Thériault :
Merci. Donc, on va aller du côté du député de Matane-Matapédia. M. le député.
M. Bérubé :
Merci, chef Picard, chef Martin. Alors, chef Martin, je suis le député de Matane-Matapédia,
deux noms micmacs, «Matane» qui veut dire «vivier de castors», et «Matapédia»,
«jonction de deux rivières», et ma circonscription est juste en face, de
l'autre côté du fleuve, là, celle de Pessamit. Alors, je me sens en territoire
connu.
Écoutez, j'ai écouté
avec attention surtout le chef Martin, sur le cursus scolaire, et ce que j'ai
besoin de comprendre... Bien sûr, on a lu le mémoire, et puis on va continuer
de lire, puis, si vous le permettez, on va rester en contact. Mais quelles
libertés manque-t-il à votre nation dans le domaine scolaire? Par exemple, au
primaire et au secondaire, ça se passe en
langue micmaque. Mais qu'est-ce qui manque qui vous permettrait d'atteindre les
objectifs de réussite scolaire, de réussite sociale, de mobilité
sociale?
Très concrètement,
qu'est-ce qu'on pourrait faire pour améliorer ça? Parce que, pour moi, ce que
vous proposez, ce n'est pas une menace au français, même que notre statut de
minoritaires, vous l'avez dit, en Amérique du Nord devrait nous inciter
davantage à échanger ensemble sur ce statut-là et à devenir des alliés. Alors,
si vous aviez une mesure en particulier à exposer, ce serait laquelle?
Mme Thériault :
Et je voudrais vous demander, peu importe qui répond, que ce soit le chef
Martin ou le chef Picard, de le faire en 1 min 30 s avant de
suspendre les travaux. Chef Martin.
M. Martin (John) : Thank you for the question. As I pointed out in my presentation,
we do have a significant number of students across Québec that attend the provincial school
system. In our communities, we control the issue of
education, but the issue that we're dealing with, with the French language law,
the charter and the current bill that's being looked at, C-96, has to do with
the completion and success.
When
our students, especially, I think, from the English-speaking communities hit
high school, at the upper levels of high school, they begin to encounter the
problem of being able to succeed in French. So, quite often, what happens is
that... the high school level is that they do not get the credits that they
require to be able to get their high school leaving and do not... therefore,
cannot get their high school certificate from graduation to be able to proceed
on to institutions of higher learning in Québec. So, quite often, what they do
is quit.
I
think the solution has been proposed here, in the document. Again, I show you
this document here. There is a lot of answers in here responding specifically
to your question, because of what can be done.
La
Présidente (Mme Thériault) : Merci. Merci, chef Martin, merci, chef
Picard, merci, M. Gros-Louis, pour votre passage en commission
parlementaire.
Nous
allons donc suspendre nos travaux, permettre au prochain intervenant de pouvoir
prendre place. Merci d'être venus parler avec nous. Nous suspendons les
travaux. Merci.
(Suspension de la séance à
18 h 08)
(Reprise à 18 h 16)
La Présidente (Mme
Thériault) : Donc, nous reprenons les travaux de la commission et,
comme dernier intervenant de cette journée fort chargée, nous recevons
M. Charles Castonguay, qui est auteur et mathématicien.
M. Castonguay, vous avez la parole pour une dizaine de minutes. Par la
suite, il y aura des échanges avec les parlementaires, en débutant par le ministre.
La parole est à vous. Bienvenue au Parlement.
M. Charles Castonguay
M. Castonguay
(Charles) : Merci, Mme la Présidente. Je vous remercie de votre
invitation à exprimer mon avis sur le projet de loi n° 96. Je tâcherai d'y
répondre avec le souci de rigueur que l'on attend d'un mathématicien. Depuis bientôt 50 ans, je suis de près
l'évolution de la situation linguistique au Québec. J'ai résumé mes observations à ce sujet dans mon livre Le français en chute libre,
qui est paru l'hiver dernier.
Depuis le début des
années 2000, la chute spectaculaire du poids de la population de langue
française au Québec s'accompagne d'une stabilisation inédite et même d'une
progression tranquille du poids de celle de langue anglaise. Le rapport de
force entre le français et l'anglais ne cesse, par conséquent, de se
détériorer. Autrement dit, l'anglicisation du Québec est en marche.
Tout comme la loi 101, le projet de loi n° 96 vise à faire du français la langue commune au Québec.
Cependant, au contraire de la loi 101 dans sa version d'origine, le projet
de loi n° 96 n'est pas susceptible d'atteindre cet objectif. La
loi 101 comptait de nombreuses mesures contraignantes qui, prises
ensemble, promettaient de faire vraiment du français la langue commune. Elle imposait l'école française pour les
enfants des futurs immigrants, l'école française pour les enfants des futurs
migrants en provenance de l'Ontario et d'ailleurs au Canada, l'école française
pour les enfants des francophones de souche, l'affichage commercial en
français seulement, et j'en passe. Par comparaison, l'économie générale du
projet de loi n° 96 tombe à plat. Le rôle exemplaire
qu'il assigne à l'administration ne s'appuie
sur aucune combinaison de mesures contraignantes qui imposerait l'usage du
français comme langue commune dans la vie de tous les jours. Les simples
soldats de l'État se retrouveront fin seuls en première ligne à gérer la langue
de communication avec leurs clients. Libre à
peser de tout son poids, l'inertie de l'anglais en tant que langue commune
du Canada, sinon du monde entier, fera le reste.
Que le projet de loi n° 96
n'ait pas les moyens de ses ambitions ressort clairement de la persistance
coriace de la supériorité de l'anglais comme langue d'assimilation.
• (18 h 20) •
En déposant le projet de loi actuel, son auteur
a fixé 90 % comme cible pour la part du français dans l'assimilation des
allophones. C'est parfaitement bien visé. C'est la part de l'assimilation des
allophones qui doit revenir au français, si
l'on veut stabiliser le rapport de force entre le français et l'anglais au
Québec. Toutefois, il est tout aussi impératif de mettre fin, en même
temps, à l'anglicisation des francophones eux-mêmes, actuellement en plein
essor sur l'île de Montréal. Le projet de loi n° 96
ne permettra d'atteindre ni l'une ni l'autre de ces cibles.
Avant la
loi 101, la part du français dans l'assimilation des allophones n'était ni
de 0 %, ni de 10 %, ni de 20 %, comme l'ont avancé divers intervenants. Elle était, selon le recensement
de 1971, de 27 %, assez appréciable. En 2016, elle s'élevait à
55 %. Cela représente au total une hausse de 28 points de
pourcentage. Dans mon livre, j'ai démontré qu'au moins 18 de ces points
s'expliquent par des modifications apportées au questionnaire du recensement d'abord
en 1991, oui, et
encore en 2001, et par l'arrivée successive de cohortes d'immigrants
allophones qui étaient en majorité
francotropes et qui d'ailleurs avaient souvent adopté le français comme langue
d'usage avant même d'immigrer au Québec. La loi 101, en propre, n'aurait donc
fait progresser la part du français dans l'assimilation des allophones que de
10 points tout au plus. Par comparaison, il est évident que le projet de
loi n° 96 n'offre rien de comparable aux dispositions
scolaires de la loi 101 et qui permettrait de combler les 35 points qui
manquent pour atteindre le 90 %.
Quant à
l'anglicisation des francophones, sa dernière hausse, entre 2011 et 2016, a
annulé à peu près totalement le progrès, durant la même période, du français comme langue
d'assimilation des allophones. Autrement
dit, l'anglicisation des francophones
compromet maintenant le rattrapage qu'opérait, depuis 1971, le français sur
l'anglais sur le plan du gain global que tirent chacune des deux langues du phénomène
d'assimilation. C'est ainsi que le Québec a dépassé maintenant le point de
bascule. En 2016, le taux d'anglicisation des jeunes adultes francophones sur
l'île de Montréal avait atteint 6 %. Le même taux était autour de
20 % dans chacune des municipalités à majorité anglophone de l'île de même
que dans chacune des municipalités à majorité anglophone de l'Outaouais. Il n'y
a rien, dans le projet de loi n° 96, qui serait
susceptible de mettre fin à cette anglicisation des francophones.
J'aimerais avancer quelques mesures à envisager
éventuellement. J'ai démontré au cours de mes recherches que les dispositions scolaires de la loi 101 sont
les seules à avoir fait progresser de façon significative le français comme
langue d'assimilation des allophones. Au vu de ce mince progrès d'au plus
10 points de pourcentage et des 35 points qu'il reste à combler et au
vu de l'assimilation croissante des francophones à l'anglais, étendre la loi
101 aux études collégiales est incontournable. C'est aussi insuffisant pour
renverser l'anglicisation du Québec qui est en marche depuis le début des
années 2000.
Autrement dit, pour donner au français un élan
décisif dans l'assimilation des allophones et pour mettre fin réellement à
l'anglicisation des francophones à Montréal et dans l'Outaouais, le principe de
précaution commande également d'étendre la loi 101 au baccalauréat. La
recherche à cet égard est concluante, la langue des études pertinentes à
l'exercice d'un métier ou d'une profession a un lien indéniable avec la langue
utilisée par la suite sur le marché du travail. Celle-ci, à son tour, a un lien indéniable avec
la langue d'usage à la maison, et le nombre total d'années d'études en français
est en corrélation positive avec son emploi subséquent, tant comme langue de
travail que comme langue d'usage au foyer.
Concrétiser le statut du français comme langue
commune en réinstaurant le français comme unique langue d'affichage paraît également
indispensable. Rien dans le projet de loi n° 96 n'oblige des nouveaux
arrivants adultes qui ignorent le français à leur arrivée à l'apprendre et à
l'utiliser dans leur vie quotidienne. Au contraire, l'affichage instauré à
l'origine par la loi 101 faisait de l'apprentissage et de l'utilisation du
français une obligation pratique de tous les
jours. De façon plus puissante et immédiate que toute autre mesure, il faisait
une promotion de tous les instants de l'usage du français comme langue commune
des Québécois, y compris entre francophones et anglophones de souche.
Je vous remercie de votre attention.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup, M. Castonguay. Donc, sans plus tarder, nous allons aller
du côté du ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci, Mme
la Présidente. Bonjour, M. Castonguay. Merci d'être présent aux travaux de
la commission.
Vous êtes quelqu'un qui a participé au débat
linguistique depuis plusieurs années. Je pense même que vous avez déjà
contribué en 1974, lors du... en fait...
M. Castonguay (Charles) :
...22.
M. Jolin-Barrette :
22, qui a fait de la loi... de la langue française la langue officielle du
Québec. Donc, on va donner ça à mes amis d'en face.
M. Castonguay (Charles) : Sur
papier.
M. Jolin-Barrette : Sur papier.
Vous avez bien raison de me reprendre. Vous avez bien raison de me reprendre.
Vous avez travaillé notamment sur, bon, les
indicateurs linguistiques, les tendances, et, au niveau, là, du transfert
linguistique, je crois que c'est vous qui avez développé cet indicateur-là pour
faire en sorte qu'on assure la vitalité du français, là. On dit qu'il faudrait
tendre vers 90 % de taux de transfert linguistique. C'est exact?
M. Castonguay (Charles) : Oui. Ça ne
vient pas de moi, ça vient plutôt de Jacques Henripin, dans un livre publié en
1974, L'immigration et le déséquilibre linguistique, publié par le ministère
de Commerce, etc., du Canada à l'époque.
Et, pour ce qui est de l'intérêt pour
l'assimilation linguistique, je vous signale que «transfert linguistique» est
un anglicisme. Il faudrait parler de «substitution linguistique», en bon français.
Un transfert, c'est un «shift», c'est quelque chose qui se déplace. La langue
ne se déplace pas. L'anglais est très ambigu, ce qui le rend très intéressant
comme langue, mais le français est bien précis, comme vous le savez comme
juriste.
C'est plutôt la commission BB qui est à
l'origine de l'intérêt pour la langue parlée à la maison comme langue
principale au moment du recensement, et c'est par la suite que Statistique
Canada a proposé... a posé la question sur la langue d'usage à la maison pour
la première fois en 1971. Et après, il suffisait de... Je ne suis pas le
premier à faire l'analyse de ça, le premier était Richard J. Joy.
M. Jolin-Barrette : Mais, pour
atteindre cette substitution linguistique, je dois comprendre de vos propos que
le projet de loi n° 96 ne nous permet pas d'aller atteindre, selon votre
opinion, cette substitution linguistique.
Qu'est-ce que ça prendrait? Vous avez parlé tout
à l'heure d'imposer la loi 101 jusqu'au baccalauréat. Des intervenants avant vous sont venus nous
dire : jusqu'au cégep. Vous, vous allez plus loin, vous dites :
jusqu'au baccalauréat. Est-ce que cette mesure-là serait suffisante ou
qu'est-ce qu'il faudrait rajouter pour atteindre cet objectif-là?
• (18 h 30) •
M. Castonguay (Charles) : Non, il
faudrait un faisceau de mesures contraignantes, comme ça existait dans la
version d'origine de la loi 101, qui ensemble interagiraient de manière à
orienter le Québec vers le français, langue commune. L'objectif du français,
langue commune, qui a été proposé par la commission Gendron d'ailleurs en 1972,
c'est incontournable, c'est ce qu'il faut
faire. Il faut faire en sorte que pendant... comme c'était le cas pendant deux
ou trois ans après l'adoption de la loi 101.
Spontanément, en se rencontrant, on s'adressait
la parole en français, y compris entre anglophones. J'ai été témoin, moi...
Bien, je suis un anglophone moi-même de souche, d'Ontario, et j'ai des amis
anglophones du Québec, et on s'en parlait, on était des chercheurs et on se
disait : Regardez-moi ça, c'est devenu ce qu'on appelle en anglais le «default
language of communication». C'est la langue auquel on a recours quand les deux
personnes en question, ou les trois, ou quatre, ils ne parlent pas... ils n'ont
pas tous la même langue maternelle. Ça, c'est vraiment la clé, faire en sorte
que ça vienne comme ça, spontanément. Et c'était en marche pendant cette brève
période de temps, que j'appelle l'embellie, et qui a pris fin avec le référendum
de 1980 et le coup de force constitutionnel de 1982.
Alors, je crois que les objectifs sont bien
judicieux, le 90 %. J'ajouterais le 0 % d'anglicisation nette des
francophones, parce qu'il faut quand même qu'il y en ait un peu,
d'anglicisation des francophones, mais il faut qu'il y ait aussi de la
francisation des anglophones, de manière à ce que ça s'annule, que ça se
neutralise. Il ne faut pas que ce soit comme maintenant, à Montréal et dans
l'Outaouais, c'est-à-dire un plus grand nombre de francophones optent pour l'adoption
de l'anglais comme langue d'usage à la maison, que d'anglophones qui suivent le
chemin inverse. C'est normal, hein, qu'il y ait du ping-pong comme ça.
C'est fascinant, d'ailleurs, de faire la
recherche là-dessus. On constate que les anglophones, au Québec, qui se
francisent, la moitié ont le français comme origine ethnique. Alors, vous me
regardez et vous pensez que je suis un
francophone. Jamais de la vie. Je n'ai jamais parlé le français à la maison
jusqu'à l'âge de 24 ans, consécutivement à un coup de foudre. Cherchez la femme, comme on dit dans ma langue
maternelle. Mais, voilà, je pense que les objectifs sont clairs, ils ont
été articulés par Henripin, qui était le doyen de la démographie québécoise, il
y a très longtemps. Et j'ai suivi le mouvement de l'assimilation linguistique
au Québec, à l'extérieur du Québec, en Ontario, dans ma région natale, Ottawa,
en Acadie, et, une fois que s'est mise en branle l'anglicisation des
francophones, on n'a réussi nulle part, au Canada, de renverser la tendance.
À Ottawa, quand j'étais... Bien, quand j'étais
petit, il n'y avait pas de données, mais quand j'avais 31 ans, le taux
d'anglicisation net de la population de langue maternelle française était de
17 %, malgré la Loi sur les langues officielles du Canada, et tout ce que
ça a pu apporter, comme possibilités, pour employer le français comme langue de
travail à la fonction publique canadienne, et tout ça. C'était beau sur papier,
ça demeure beau sur papier. Mme Joly
nous promet qu'on va réellement créer l'égalité des deux langues officielles du
Canada. Oui, Mme Joly, mais ça fait un demi-siècle depuis ça,
depuis que vous avez adopté la loi de 1969, et vous n'avez pas réussi encore.
Et avec vos... Pensez-vous qu'avec vos petites modifications...
Là, je ne suis
pas devant cette commission-là, là, j'espère être invité. Mais il n'y a rien...
il n'y a rien, ça ne change pas le... le fusil ne change pas d'épaule.
Ils essaient encore la même recette, et ça ne marche pas, la preuve est faite. C'est 34 % aujourd'hui, c'est-à-dire en 2016, le taux d'anglicisation des francophones net,
dans la ville d'Ottawa, et 40 % chez les jeunes adultes, et c'est
là où on voit l'avenir. Quand le mouvement est là, en hausse, chez les jeunes adultes, comme c'est le cas, à l'heure actuelle,
sur l'île de Montréal, vous pouvez mettre votre main au feu qu'au recensement de 2021, dont on connaîtra les
résultats l'été prochain, eh bien, ça va continuer à monter. C'est comme ça.
Alors, il y a une
dynamique. C'est vrai que j'ai été le pionnier — excusez-moi si je
parle beaucoup —
de cette façon d'envisager l'assimilation par groupes d'âge et de reconnaître
que c'est parmi les jeunes qui annonce qu'est-ce que ça va être quand ils vont
avoir l'âge d'élever des enfants. S'ils ont passé à l'anglais, langue d'usage à
la maison, ils vont transmettre l'anglais comme langue maternelle à leurs
enfants. Et ce sont les locuteurs natifs d'une langue, de par le monde, qui
assurent la pérennité de cette langue. Ce n'est pas ceux qui s'en servent comme
langue seconde, ce sont les locuteurs natifs. Ce n'est pas moi qui le dis,
c'est Nicholas Ostler, dans ses publications, un historien des langues. Il a
étudié le perse, il a étudié l'araméen, le copte, plein de grandes langues, le
latin et le... Et même, les langues, hein, elles ont des... il y a un mouvement
ascendant, puis ensuite, ça décline puis... C'est vrai. C'est comme la nature,
c'est en mouvement continuel.
M. Jolin-Barrette : Peut-être vous poser une question avant de céder la parole à mes collègues.
Il y a plusieurs mesures, dans le projet de loi n° 96, là, bon, langue de travail, langue normale des
études, langue commune. Notamment,
on fait le constat qu'à Montréal il y a plusieurs enjeux.
Pouvez-vous nous
parler du constat de Montréal? Et je reviens à ma première question. Vous
m'avez dit : C'était une série de mesures, la loi 101, à l'époque.
Là, on met une série de mesures, mais je crois comprendre que vous trouvez que
ce n'est pas suffisant pour inverser la tendance. Alors, quelles sont les
mesures... et quelle est la situation à Montréal? Est-ce qu'on est à un point
de rupture? Est-ce que c'est dramatique?
M. Castonguay
(Charles) : Oui, c'est dramatique. Je pense qu'on a perdu le contrôle,
si on ne l'a jamais eu.
Pour ce qui est des
mesures visant la langue de travail, c'est bien beau d'abaisser le nombre
d'employés, dans une entreprise, qu'on vise avec nos mesures de francisation de
langue de travail, mais les entreprises de 100 employés et plus étaient visées
vraiment de manière centrale, principale, par la loi 101. Les mesures étaient
là. Je présume que les mesures étaient
appliquées, il y avait des syndicats qui étaient impliqués là-dedans, ils
étaient... il y avait de l'action. Ça voulait changer les choses.
Début des années
2000, l'OQLF a publié une étude, par Virginie Moffet et deux autres chercheurs,
intitulée La langue de travail dans les
grandes entreprises à Montréal.
Ils ont constaté que la langue commune de communication entre les
employés de langue maternelle française et de langue maternelle anglaise...
Non, ce n'était pas seulement à Montréal, c'était dans l'ensemble du Québec.
Alors, pour l'ensemble du Québec, les résultats étaient les suivants. La langue
commune employée entre deux personnes de langues différentes, anglaise et
française, était... 40 % du temps, le répondant disait... bien, il
utilisait le plus souvent le français, 40 % du temps, le répondant disait
qu'il utilisait le plus souvent l'anglais dans ses communications avec ses
supérieurs, ses subalternes, ses pairs de langue anglaise, et l'autre 20 %, c'étaient les deux, à parts
égales. Ça, c'était dans l'ensemble du Québec. Ça, ça veut dire qu'à Montréal
c'était probablement quelque chose
comme 30 % français, 50 % anglais puis 20 % bilingue, ou quelque
chose de cet ordre-là.
Alors, même la loi
101, avec les mesures que vous allez probablement vouloir répercuter pour les entreprises
de 25 employés et plus, ou peut-être
que vous allez modifier le seuil... mais sachez que déjà, au début des années
2000, donc 25 ans ou plus après l'adoption
de la loi 101, ce n'était pas fait encore. La langue commune de travail n'était
pas devenue le français dans les grandes entreprises visées, en tout
premier lieu, par la loi 101.
Alors, je ne peux pas
qu'être sceptique devant des propositions de faire du français la langue de
travail tout en permettant le libre choix de la langue d'enseignement au
collège et à l'université. Ça ne va pas de soi. Ça ne va pas de soi. Je l'ai
dit d'ailleurs à Mme David quand elle était à la direction de Québec solidaire,
je lui ai supplié de rester en contact avec moi, parce que je faisais de la
recherche sur ces interactions-là. Jamais eu d'autres réponses.
Mais c'est impossible
de franciser la langue de travail si vous ne francisez pas la langue dans
laquelle le jeune se prépare à travailler. Et c'est au cégep et c'est à
l'université que les professionnels, ou les travailleurs, ou les... ils se font à l'anglais langue d'usage,
langue commune, pardon, ils se font à l'utilisation de l'anglais comme langue
commune quand ils fréquentent le cégep anglais, quand ils fréquentent
l'université anglaise. Tout leur vocabulaire est là, tous les réflexes sont là.
Les réseaux qui se sont faits pendant ces études-là vont leur profiter
énormément par après, dans leur vie active, et ça y est. Ce n'est pas vrai...
ce n'est pas vrai qu'on peut fréquenter le cégep anglais sans aucun... sans que
ça déteigne.
• (18 h 40) •
Vous savez, il y a eu
une recherche par Karine Vieux-Fort. Elle a eu un doctorat avec cette recherche
à l'Université Laval, ici, à Québec. Ça a
fait les manchettes dans le journal La
Presse. Elle avait interrogé un
échantillon de 47 étudiants...
pardon, diplômés de cégeps anglais, francophones, donc langue maternelle,
diplômés de cégeps anglais. Ça a fait
les manchettes, et ça a été retentissant, et probablement que l'idée court que,
bon, fréquenter le cégep anglais, fréquenter l'université anglaise,
ça... Non. J'ai regardé sa thèse de doctorat, 500 pages, j'ai regardé
surtout la partie méthodologie. Parmi les 47 étudiants, 20 étudiaient
ici, à Québec, au collège Champlain. Les 27 autres étudiaient ailleurs au
Québec. Mais ce n'est déjà pas un... c'est un drôle d'échantillon, et, en fait,
son échantillon a été élaboré par la méthode
qu'on appelle, dans ma langue maternelle, de «snowball». On connaît quelqu'un
qui connaît quelqu'un qui est allé au cégep anglais, qui est un
francophone, est-ce que cette personne serait intéressée peut-être à participer
à la recherche comme sujet, là, pour interviewer. Ça passe... Elle a pris des
mois pour constituer son échantillon. Ça n'a rien à voir avec un échantillon
aléatoire, comme celui, par exemple, employé par Mme Moffet dans son étude
sur la langue de travail dans les grandes entreprises. Ça ne vaut rien sur le
plan scientifique, mais ça fait les manchettes.
Alors,
je ne sais pas quoi vous dire de plus. Il faut d'autres mesures contraignantes
pour vous aider à réaliser cet objectif de faire du français la langue commune
de travail. Et ce n'est pas tout le monde, évidemment, qui vont au cégep, ce n'est pas tout le monde qui vont à
l'université. On a fait déjà le maximum, avec la loi 101, en ce qui
concerne... ou, en tout cas, on a
fait le maximum que la Cour suprême nous a permis de faire, avec les contraintes
touchant la scolarité en français, la scolarisation obligatoire en
français. Bien, il y en a beaucoup, hein, qui ne font pas leur cégep ou qui laissent tomber après un an ou deux, ils ne
complètent pas leurs diplômes. Il faut quelque chose aussi pour rassembler
ces gens-là autour de la même... pour faire société avec tout le monde, pas
juste ceux qui vont au cégep, ceux qui vont à l'université.
L'affichage en
français, c'était quelque chose, et, je vous jure, ça faisait en sorte que deux
anglophones, c'était comme des francophones hors Québec qui se rencontrent,
d'accord? Ils se parlent en anglais, puis ensuite, au détour d'un petit accent,
on découvre que l'autre, il est francophone. Alors là, ça se met... Ah! you're
a friend, you're a frog, aren't you? Puis l'autre dit oui. Puis comme Biz a dit
dans un sketch, ça continue à parler en anglais. Mais...
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Et je dois mettre fin à l'échange... on
a dépassé le temps.
M. Castonguay
(Charles) : Je m'excuse.
La Présidente
(Mme Thériault) : Il n'y a pas de problème.
M. Castonguay
(Charles) : Je n'ai pas souvent l'occasion de parler.
La Présidente
(Mme Thériault) : Bien, il n'y a pas de problème. C'est mon rôle
d'être la gardienne du temps ici. Donc, sans plus tarder, on va aller du côté
de la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David :
Merci beaucoup. Bonjour, M. Castonguay.
M. Castonguay
(Charles) : ...que je voulais dire.
Mme David :
Oui, mais on a beaucoup et on a eu souvent cette discussion-là sur les cégeps,
ne vous inquiétez pas. Je ne sais pas si c'est vous ou moi qui l'avons
le mieux influencé, vous lui demanderez.
Comme on n'avait pas
de mémoire, je suis allée dans vos articles récents. Vous publiez beaucoup dans
L'Aut'Journal, alors on voit, évidemment... et on sait quelles
sont les orientations, et le 19 mai, vous avez un article, vous en avez un
autre le 14 juin, où, dans les deux cas, vous êtes assez direct, c'est le
moins qu'on puisse dire, dont, entre autres, pour parler de la thèse de
Karine Vieux-Fort, dont vous venez de parler, où vous dites carrément que
cette thèse est sans intérêt. Bon, après ça, vous parlez de quelqu'un
qui n'est pas réputé très, très fédéraliste, Jean-Benoît Nadeau, qui est un journaliste extrêmement rigoureux du Devoir — en fait, je ne suis pas sûre que c'est votre
opinion, mais c'est la mienne — et qui... vous dites : «Chroniqueur
occasionnel au Devoir, Jean-Benoît Nadeau se moque aussi des déclinistes
sur le site de L'Actualité. Le
4 mars, il y travestit mon livre Le français en chute libre en un
unique constat simpliste, soit que le français recule comme langue
maternelle.» Bon, vous parlez donc de fabulation, etc.
Et,
au mois de juin, vous n'êtes pas tellement plus, je dirais, de bonne humeur,
là, vous commentez Francine
Pelletier, qui est une journaliste
aussi au Devoir, et vous dites : «Dans Le Devoir du
19 mai, Francine Pelletier s'est empressée, elle aussi, de dire
n'importe quoi. Pour faire ressortir la faible envergure du projet de loi n°
96, elle amplifie grossièrement la réussite de la loi 101 auprès des
allophones.» Bon.
Et, après ça,
quatrième personne que, je pense, vous aimez bien critiquer et qui est le
spécialiste de la statistique linguistique à Statistique Canada, Jean-Pierre
Corbeil : «Jean-Pierre Corbeil, de Statistique Canada, ajoute à la
confusion. Il multiplie, dans les mêmes pages, le 3 juin, toutes sortes de
considérations douteuses dans le but de détourner notre attention de
l'assimilation au profit d'une vague "orientation linguistique",
faite d'un ramassis de comportements, voire de simples aptitudes linguistiques
au travail, à l'école et dans on ne sait combien d'autres domaines d'activité
publique. Or, l'adoption du français ou de l'anglais comme langue usuelle au
foyer constitue déjà l'indicateur
d'orientation linguistique par excellence — ça, je
pense, c'est votre mantra — il convient de ne pas
s'en laisser distraire.»
Donc, voilà quatre
personnes qui me semblent, quand même, avoir un peu voix au chapitre, que vous
ne trouvez pas du tout pertinentes, mais ça traite toujours d'un sujet, je
sais, qui vous tient très à coeur, la langue parlée à la maison. Parce que vous
dites : Ça, c'est l'indicateur qui est l'indicateur, justement,
d'orientation linguistique par excellence,
la langue usuelle au foyer. Je ne comprends toujours pas, moi, l'importance de
cet indicateur-là et pourquoi, tous les autres, vous dites que c'est un simple
ramassis de comportements. La langue de l'espace public est quand même une langue importante, la langue du travail,
c'est important. Alors, expliquez-moi un petit peu ça, puis après, je
passerai la parole à mon collègue.
M. Castonguay
(Charles) : ...vous en avez posées plusieurs, et je n'ai
malheureusement, pas pris des notes j'étais trop estomaqué. Bon,
M. Nadeau, si vous voulez parler de M. Nadeau, bon, lui, il trouve
qu'au Canada, à l'extérieur du Québec il y a
2 700 000 francophones. Ils appellent ça des francophones, mais
ce sont des gens qui disent, au recensement, qu'ils sont capables de
soutenir une conversation en français.
Statistique
Canada a fait un test, en 1988, de
cette fameuse question : Cette personne est-elle capable de soutenir
une question en français ou en anglais? C'est très mou comme question. Parmi
les Five Eyes, comme on les appelle, c'est-à-dire la Nouvelle-Zélande,
l'Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Canada, on a les pires
questions sur la connaissance des langues.
En Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni, etc., ils cherchent à
savoir : «bien», «un peu»,
«passionnément», «pas du tout», une gamme de compétences, comme ça, à certains
niveaux. Statistique Canada refuse obstinément de changer sa question depuis
qu'on a commencé à critiquer cette question.
Excusez-moi,
je vais citer le principal responsable des données linguistiques à Statistique
Canada, John Kralt, dans le temps qu'on ne nommait pas continuellement
des francophones de service à la tête de cet organisme-là... de ce domaine-là.
Je m'excuse, je ne mâche pas mes mots. Je n'ai pas de temps à perdre. Et c'est
pour ça que j'écris des chroniques, parce qu'on a beau publier des livres, des
articles scientifiques, etc., dans les revues internationales, et tout ça, ça ne filtre pas, ça arrive... on n'en
parle pas. Les chroniques aussi, c'est souvent des choses... des bouteilles à
l'eau, des bouteilles à la mer. On fait ce qu'on peut.
Mais John Kralt a qualifié ces statistiques-là,
en 1977, dans un rapport, de «primitive, at best», au mieux, primaires, ces informations sur la compétence
linguistique. Quand j'étais à l'OQLF, sur le premier Comité de suivi de la
situation linguistique au Québec, entre 2003 et 2008, j'ai demandé au directeur
de la recherche de faire le maximum pour qu'on fasse des pressions sur
Statistique Canada d'améliorer sa question sur la connaissance du français. Ce
n'est pas un référendum, là. «Are you a good Canadian? Can you speak French?
Can you speak English?» C'est les premières questions, maintenant, qu'on pose
dans le volet Langues du recensement, et c'est les questions les plus molles. Ce qui est important : langue
maternelle, langue principale parlée à la maison. Ça, c'est un comportement
dominant ou même exclusif. C'est bien loin d'autre chose.
• (18 h 50) •
Kralt avait raison de dire que c'était
«primitive, at best», parce qu'il y a eu assez de critiques, au sujet de cette question-là, que Statistique Canada a essayé
une autre question : Est-ce que cette personne est capable... en 1988,
a testé la question suivante : Cette
personne est-elle capable de soutenir une conversation assez longue sur divers
sujets en français et en anglais? Bien là, le nombre d'anglophones, à
l'extérieur du Québec, qui se sont dits compétents en français a diminué de
moitié. Alors, entre être capable de soutenir une conversation, «whatever that
means», et une conversation assez longue sur divers sujets, il y a un monde.
M. Nadeau,
c'est un euphoriste ou, je ne sais pas, un jovialiste. Je ne sais pas s'il veut
m'appeler quelque chose comme un
décliniste. Moi, je le traiterais de ces épithètes-là. Et il fait toujours,
là : Ah! il va y avoir 750 000 francophones dans le monde, selon l'Organisation internationale
de la Francophonie. Mais cette fameuse Organisation internationale de la
Francophonie compte comme francophones, cette organisation aussi, toutes les
personnes qui disent qu'ils sont capables de soutenir une conversation en
français au Canada. C'est pire encore aux États-Unis. M. Nadeau compte comme
francophones, aux États-Unis, tous ceux qui sont d'origine française ou
partiellement d'origine française, aux
recensements. Et là, moi, je suis d'origine française, je ne parlais pas
un mot de français à la maison et je l'ai appris à l'école.
Mais ce n'est pas la même chose. Mais là...
Mme David : Je voudrais laisser du
temps à mon collègue parce que...
M. Castonguay (Charles) : Oui, mais
j'ai plein d'autres choses à vous dire.
Mme David : Oui, mais c'est parce
que...
La Présidente (Mme Thériault) :
Bien, c'est ça, c'est parce que...
M. Castonguay (Charles) : Vous aviez
une question...
Mme David : Il faut que ce soit un
peu équitable.
M. Castonguay (Charles) : Ce n'est
pas moi, madame, qui mets l'accent sur la langue parlée le plus souvent à la
maison, c'est la Commission Laurendeau-Dunton. Je vous propose de relire ce
livre, surtout le premier, sur les langues officielles. Je l'ai lu plusieurs
fois.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. Castonguay...
M. Castonguay (Charles) :
Excusez-moi, madame.
La Présidente (Mme Thériault) :
...c'est important de favoriser le plus d'échanges.
M. Castonguay (Charles) :
Excusez-moi, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) : Il
n'y a pas de problème. Je veux simplement vous signifier qu'il reste
3 min 6 s à la question et la réponse pour terminer le bloc avec
l'opposition officielle. M. le député.
M. Birnbaum : Merci, Mme la
Présidente. Merci, M. Castonguay, pour votre exposé. Premièrement, je me permets de vous rappeler que le doyen des
démographes, Jacques Henripin, dans ses dernières années, privilégiait des
moyens très inclusifs pour promouvoir le
français. Ses pensées ont bien évolué. Je constate aussi... Je ne partage pas,
mais je
comprends, à quelque part, votre pessimisme quand vous venez de dire que même
les gens qui maîtrisent le français langue seconde ne vont pas trop
aider à la pérennité de notre langue. Alors, ce serait intéressant de savoir
comment on va assurer un certain pourcentage de Québécois de langue maternelle
francophone en pérennité.
Mais ma question, ma
question : Est-ce que vous faites abstraction totale de la possibilité, de
la réalité, de ma connaissance, des nouveaux arrivants, j'ose dire, des
Québécois d'expression anglaise, de la réalité qu'ils sont tellement attirés à
notre belle langue commune qu'ils sont souvent très motivés de participer au
rayonnement et le renforcement de notre
langue française? Est-ce que ça entre, premièrement, dans votre perception des
choses, et, si oui, dans vos calculs démographiques?
M. Castonguay (Charles) : Je n'ai pas trop bien compris votre question, je
regrette. Si vous préférez, on peut se parler en anglais.
M.
Birnbaum : Il ne me reste pas grand temps. Je vous invite à
l'interpréter comme vous voulez. Il me semble que c'était clair.
M. Castonguay
(Charles) : Je répète, je n'ai pas très bien compris la question.
M.
Birnbaum : Ah bon! Je vous invite de me dire, bien, si vous acceptez
la possibilité et si ça entre dans vos calculs que les nouveaux arrivants,
toutes langues confondues, ainsi que les Québécois de langue anglaise, sont
souvent tellement en amour et passionnés par notre langue commune, le
français, qu'ils veulent contribuer à la francisation du Québec.
M. Castonguay
(Charles) : Moi, là, je suis ce que vous décrivez, hein, je suis un
migrant de l'Ontario de langue maternelle
française... anglaise. Ma mère ne me parlait pas en français, elle était
d'origine allemande. Mon père était
dangereusement bilingue, il ne m'a jamais parlé en français. Ma grand-mère, qui
s'appelait «mémère», je l'appelais «mémère», on se parlait anglais. Il y
a 20 ans, j'ai compris que «mémère», ce n'était pas son nom, c'était
Brigit-Ann. Elle était Irlandaise. Mais j'étais aussi anglo que ça.
Je contribue, au
maximum de mes moyens, à ce que vous dites, le rayonnement du français comme
langue commune. Alors, c'est sûr que je fais
entrer ça en ligne de compte, mais je ne veux pas... I don't want to make a mountain out of a molehill. Ce n'est pas nécessairement le
comportement dominant.
Le
Président (M. Lemieux) : M. Castonguay, la période d'échange avec l'opposition
officielle est terminée. On passe maintenant à la députée de Mercier pour
2 min 50 s.
Mme Ghazal :
Oui. Bonjour, M. Castonguay. Merci pour votre présentation puis votre passion
qu'on sent très, très, très profonde. Écoutez, je vais continuer sur le même
sujet, la langue parlée à la maison. C'est utilisé depuis 1971, il y a beaucoup
de personnes, depuis très longtemps, qui disent que c'est l'indicateur le plus important
et le plus déterminant. Mais n'est-il pas temps d'en ajouter d'autres?
Vous
avez parlé des questions de Statistique
Canada qui sont molles. Il y a eu
le démographe Patrick Sabourin qui est venu. Je lui ai posé la question,
parce que, lui aussi, il tenait à la langue parlée à la maison, mais il disait
que les autres indicateurs, bien, ils ne sont
pas suffisants pour nous permettre de voir quelqu'un qui parle une autre
langue à la maison, à l'extérieur, dans sa vie, à l'extérieur, de façon
générale, s'il parle le français. On n'est pas capables de le savoir, parce
qu'on n'a pas les données. Et justement, donner un mandat à Statistique Québec,
l'OQLF, avec des bonnes questions... Évidemment, ils ne font pas le
recensement, mais des bonnes études...
Là, il va y avoir le commissaire
à la langue française. Il n'est pas temps d'augmenter puis d'élargir notre
vision et les données qu'on a, pour peut-être être un petit peu moins
pessimiste que vous? Mais je dis ça, mais même la langue parlée au travail, on
le sait qu'elle a baissé aussi, là. La situation n'est pas bonne dans la langue
d'usage parlée à l'extérieur de la maison.
M. Castonguay
(Charles) : Oui, l'OQLF aurait dû jouer un rôle majeur dans la
recherche sur la situation linguistique, sous tous ses aspects, dès 2002, dès
la réforme de la loi 101, à cette époque-là, dès qu'il a reçu la responsabilité
et le mandat de faire rapport, à tous les cinq ans, sur les comportements et
les attitudes, les attitudes linguistiques. Je regrette que l'office n'ait pas
fait son travail. Quand j'ai quitté mes cinq ans, je leur ai dit :
Écoutez, faites une enquête, à tous les cinq ans, sur la compétence
linguistique de tout un chacun en français et en anglais, s'il vous plaît,
au Québec. On n'a pas d'informations adéquates. Statistique Canada ne veut pas
le faire, ne veut pas le faire, alors, s'il vous plaît, faites-le.
Faites des enquêtes sur le français langue commune.
La
précédente personne qui m'a posé des questions, c'était... bon, ça
concerne... Oui, je connais des anglophones. On se parle, des fois, en français.
On parle en anglais, autrement, je suis en train de perdre mon anglais, tellement
que je parle français.
Non, c'est vrai. J'ai même un accent en anglais, à cette heure. Quand je
m'écoute interviewé en anglais,
c'est affreux, j'ai un accent franco, et j'ai un accent anglo en français.
Alors, je suis fait, hein?
Mme Ghazal :
...qu'on fait pour le futur?
M. Castonguay
(Charles) : Mais c'est à l'OQLF de faire ça. Et je vous ai cité la
seule étude que je connaisse que l'OQLF a jamais
faite, c'était sur la langue commune de travail dans les grandes entreprises au
Québec, question névralgique, donc. Mais pourquoi ils n'en ont pas fait
d'autres?
Le
Président (M. Lemieux) : Je vous en prie, M. Castonguay.
Merci beaucoup, Mme la députée de Mercier. Il reste un intervenant aux
échanges, c'est le député de Matane-Matapédia, pour 2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci.
M. Castonguay, c'est un plaisir de vous accueillir. On évoque souvent la
science ces temps-ci. Bien, on a la science devant nous, et c'est une
démonstration éloquente, sur toute votre carrière, de ce qu'il faut considérer,
et merci de venir nous livrer ça. Je pourrais aussi vous faire une revue de
presse de vos études, ce serait éloquent. Je ne le ferai pas. Je vous dirai,
comme vous, que je n'ai pas de temps à perdre, moi non plus. Je suis un
indépendantiste, mais, au-delà de ça, il y a la question linguistique. Le temps
nous est compté.
Deux mesures sont fondamentales :
l'immigration francophone, ce que vous évoquez, notamment, et la fréquentation
du cégep en français. Si le gouvernement choisit de ne pas aller de l'avant,
c'est qu'il a fait un autre choix politique. Ces mesures-là ne le rendront pas
populaire. Ce n'est pas pour ça qu'on fait ça. On fait ça parce que c'est
nécessaire, si on y croit vraiment. Si on ne le fait pas, c'est qu'on se
dit : on va avoir l'air de s'occuper de la langue, mais on ne va pas trop
causer de problèmes, on n'aura pas trop de vent qui va souffler. Moi, je ne
suis pas de cette école-là. Ce que je dis depuis le début de cette commission
ne nous rendra pas populaires au Parti québécois, mais c'est nécessaire. Et je
veux saluer votre courage de le dire depuis longtemps, et vous êtes entendu de
plusieurs personnes, notamment de moi.
Alors, je m'arrête là et j'aimerais vous
entendre parler de la nécessité d'avoir une immigration où le français est
important à l'arrivée, comme facteur déterminant.
• (19 heures) •
M. Castonguay (Charles) :
Excellente question. Parmi les immigrants qui nous arrivent, anglophones et
allophones, et qui ignorent le français à l'arrivée, une enquête de Statistique
Canada a confirmé que, longtemps après être arrivés, la plupart de ceux qui
ignoraient le français à l'arrivée l'ignoraient encore. Quand je dis
«longtemps», je veux dire 10 ans après l'arrivée et quand je dis «beaucoup»,
c'étaient... les deux tiers de ceux qui l'ignoraient à l'arrivée, l'ignoraient
encore. Alors, ça, c'est la majorité. Ce n'est pas nécessairement participer à
faire du français la langue commune. C'est une ignorance, je dirais, coriace,
du français, et c'est très important, je pense, de s'occuper de cela. Et je crois que l'affichage en français
s'adressait à ces gens-là. Ils étaient obligés de décoder : C'est quoi,
cette affaire-là? C'est quoi ça? Où
je vais? Comment je fais ci? Comment je... Qu'est-ce qu'ils
veulent? Ainsi de suite, c'est très important.
Maintenant, est-ce qu'on doit exiger des
nouveaux arrivants une connaissance préalable du français? Et on a donné des points supplémentaires déjà
dans la sélection, mais, d'après ce que je comprends de ce qui arrive à l'immigration, et du contrôle, et du degré de sélection des immigrants par le
Québec... excusez-moi encore, je vais m'excuser...
Le Président (M.
Lemieux) : En terminant, rapidement, s'il vous plaît, M. Castonguay.
M.
Castonguay (Charles) : ...ma
langue maternelle, «the shit has hit the fan» parce qu'on est devant maintenant
des mécanismes d'arrivée à la citoyenneté, à la... statut d'immigrant et
ensuite citoyenneté, des mécanismes qui privilégient les travailleurs
temporaires et les étudiants temporaires...
Le Président (M.
Lemieux) : Et c'est terminé, monsieur...
M. Castonguay (Charles) : ...qui ne
connaissent pas nécessairement, et ainsi de suite. Alors, on a un énorme
problème, là.
Le Président (M. Lemieux) : M. Castonguay, quand je vous ai dit en
terminant, c'est parce que c'était terminé.
Merci beaucoup,
M. Castonguay, d'avoir participé à nos travaux de la Commission de la
culture et de l'éducation, qui va reprendre demain, après cet ajournement, son
étude... ses consultations sur le projet de loi n° 96, demain, mercredi
29 septembre, après les affaires courantes. Bonne soirée, collègues.
(Fin de la séance à 19 h 02)