Journal des débats de la Commission de la culture et de l’éducation
Version préliminaire
42e législature, 1re session
(27 novembre 2018 au 13 octobre 2021)
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Le
mardi 5 octobre 2021
-
Vol. 45 N° 99
Consultations particulières et auditions publiques sur le projet de loi n° 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français
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9 h 30 (version non révisée)
(Neuf heures quarante-sept minutes)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, ayant constaté le quorum, je déclare la
séance de la Commission de la culture et de l'éducation ouverte.
La commission est réunie afin de
poursuivre les auditions publiques dans le cadre des consultations
particulières sur le projet de loi n° 96, la loi sur les
langues officielles et communes du Québec, le français.
Mme la secrétaire, y a-t-il des
remplacements?
La Secrétaire
: Oui, Mme
la Présidente. Mme IsaBelle (Huntingdon) sera remplacée par M. Lévesque
(Chapleau); Mme Rizqy (Saint-Laurent) par M. Barrette (La Pinière); Mme St-Pierre
(Acadie) par M. Birnbaum (D'Arcy-McGee); Mme Dorion (Taschereau) par Mme Ghazal
(Mercier); et Mme Hivon (Joliette) par M. Bérubé (Matane-Matapédia).
La Présidente (Mme Thériault) :
Parfait, merci. Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération des cégeps,
M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'Université de Montréal, et
la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc, sans plus tarder, je
souhaite la bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps,
M. Bernard Tremblay...
La Présidente (Mme Thériault) :
...parfait, merci.
Donc, cet avant-midi, nous entendrons la Fédération
des cégeps, M. Daniel Turp, qui est professeur émérite de l'Université de
Montréal, et la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Donc, sans plus tarder, je souhaite la
bienvenue aux représentants de la Fédération des cégeps, M. Bernard Tremblay et
M. Sylvain Lambert. Donc, bienvenue à l'Assemblée nationale. Vous connaissez
nos règles, vous êtes des habitués, vous avez 10 minutes pour faire votre présentation,
par la suite, il y aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à
vous.
M. Tremblay (Bernard) : Merci,
Mme la Présidente. Mmes, MM., donc, les députés, bonjour. Je suis Bernard
Tremblay, président directeur de la Fédération des cégeps. Je suis accompagné
de M. Sylvain Lambert, qui est le président de notre conseil des directions
générales et directeur général du cégep Édouard-Montpetit. Je tiens évidemment,
tout d'abord, à vous remercier de nous avoir invités, et nous sommes ici, vous
l'aurez compris, pour vous présenter le point de vue des 48 collèges publics du
Québec, les cégeps.
D'entrée de jeu, je mentionne nos
principales préoccupations, j'y reviendrai, mais pour être sûr de me pas
manquer de temps, j'insiste sur le fait que nous adhérons au projet de loi n° 96, qui prévoit une évolution coordonnée du
développement des collèges francophones et anglophones. Toutefois, nous sommes
inquiets de l'effet de certaines mesures proposées et nous souhaitons que ces
mesures puissent être révisées dans un délai de trois à cinq ans. De même, nous
croyons que le projet de loi devrait comporter un pouvoir particulier
permettant au ministre de l'Enseignement supérieur d'adopter des mesures
d'exception au besoin. Nous sommes aussi inquiets des pouvoirs concurrents des
ministres de la Langue et de l'Enseignement supérieur. Finalement, nous nous
opposons à l'introduction d'une deuxième épreuve de langue pour certains
étudiants du réseau collégial.
Maintenant, avant d'y aller avec nos
recommandations, je me permettrai quelques remarques générales. D'abord, il faut
rappeler que les 48 cégeps évoluent dans des réalités régionales différentes,
ce qui peut les amener à présenter la même pluralité d'opinions sur la question
de la langue que l'ensemble de la population québécoise. En tant que membres
d'un réseau, les cégeps ont donc recherché les zones de consensus afin de
s'exprimer de manière solidaire sur le projet de loi n° 96.
• (9 h 50) •
Le réseau collégial public se sent
concerné au premier chef par les questions linguistiques. Il reconnaît que le
français est toujours menacé, au Québec, et que sa situation exige une
vigilance constante. Comme ils sont bien ancrés dans leurs milieux, les cégeps
remarquent aussi que les préoccupations liées à la continuité du fait français
au Québec se manifestent de façon particulière sur l'île de Montréal. Il faut
cependant réitérer que tous les cégeps, anglophones et francophones, sont
engagés dans les efforts visant à assurer la vitalité de la langue commune et
la qualité de la langue écrite et parlée par les personnes qu'ils forment.
Sur l'essence même du projet de loi, vous
ne serez pas surpris de nous entendre exprimer notre soulagement de voir le
gouvernement maintenir le libre-choix comme principe général en matière
d'enseignement supérieur. Il faut parfois encore le rappeler, les cégeps font
partie de l'enseignement supérieur. Nous l'avons répété au fil des ans, les
cégeps ne font pas partie des menaces au rayonnement de la culture québécoise
et à la vitalité de la langue officielle du Québec.
À cet égard, nous croyons qu'au-delà du
projet de loi certaines questions se posent. Quelles sont les motivations qui
poussent une certaine partie de la jeunesse dont l'anglais n'est pas la langue
maternelle maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais? Quels sont
les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français?
Comment favoriser le développement de milieux inclusifs et attractifs pour les
Québécoises et les Québécois de toute origine où ils pourront développer leur
goût pour le français et la...
M. Tremblay (Bernard) : …les
motivations qui poussent une certaine partie de la jeunesse dont l'anglais
n'est pas la langue maternelle à vouloir poursuivre ses études en anglais?
Quels sont les éléments qui assureraient auprès des jeunes le prestige du français?
Comment favoriser le développement de milieux inclusifs et attractifs pour les
Québécoises et les Québécois de toute origine où ils pourront développer leur
goût pour le français et la culture québécoise? À ce sujet, je vous invite à
visionner le documentaire Les Québécois de la loi 101, diffusé sur RDI il
y a quelques années. Il permet de pousser plus loin, selon nous, notre
réflexion collective.
Je voudrais maintenant commenter, donc,
certaines mesures du projet de loi, en commençant par la création du ministère
de la Langue française. Si nous saluons le geste symbolique que représente la
création de ce ministère, nous sommes inquiets de le voir partager autant de
responsabilités avec le ministère de l'Enseignement supérieur. Même si notre
réseau a fréquemment démontré son agilité, l'ajout constant de mesures
ministérielles d'autorisation et de contrôle engendre déjà des délais et des
retards dans la réponse des cégeps aux besoins de la société. Il sera
impossible au réseau collégial de maintenir son agilité en devant attendre la
concertation de deux ministères, qui, parfois, se traduit par Les
12 travaux d'Astérix, vous savez à quoi je fais référence. C'est
pourquoi nous recommandons que les responsabilités du ministère de la Langue
française, dans le domaine de l'enseignement supérieur, se limitent à la
formulation de recommandations.
Par ailleurs, le projet de loi met de
l'avant des balises au développement futur de la fréquentation des cégeps
anglophones pour assurer un développement mieux coordonné du réseau collégial.
C'est une approche que nous appuyons. Les cégeps anglophones eux-mêmes ne
s'opposent pas à la détermination de l'encadrement de leur effectif. Ce qui
soulève des questions, c'est la mécanique qui sous-tend la mise en oeuvre de ce
principe.
En lien avec la détermination des
effectifs, par exemple, il est important de se rappeler que la gestion du
nombre d'étudiantes et d'étudiants qui fréquentent un collège ne relève pas
d'une science exacte. Elle est influencée par de nombreux facteurs comme le
cheminement et la poursuite des études par les étudiantes et étudiants des
années précédentes. Avec leurs 133 programmes techniques et leurs neuf
parcours préuniversitaires, les cégeps doivent préparer leur rentrée de
l'automne dès l'hiver précédent en fonction d'un processus qui est complexe.
C'est pourquoi nous recommandons de prévoir que l'exercice de détermination des
effectifs totaux particuliers se déroule sur une base pluriannuelle et non tous
les ans, comme le prévoit le projet de loi, et que les établissements soient
informés au moins une année scolaire complète à l'avance de tout changement à
leur effectif total particulier. En raison de la complexité de la gestion
des admissions, également, il nous apparaît judicieux de prévoir un processus
de révision des balises prévues dans le projet de loi pour les analyser en
fonction du comportement réel de la population étudiante. Il faut notamment
prendre en considération la diversité des réalités linguistiques régionales sur
notre territoire. Les cégeps anglophones de l'extérieur de Montréal présentent
un profil bien différent de celui des collègues, donc, de la métropole, par
exemple. Nous recommandons donc que le projet de loi prévoie un examen des
dispositions législatives prévues à l'éventuel article 88.0.4 de la Charte
de la langue française par la commission parlementaire de l'Assemblée nationale
compétente en la matière entre trois et cinq ans après l'entrée en vigueur de
la loi.
M. Lambert (Sylvain) : Alors…
la suite. Par ailleurs, dès le moment où on balise le développement des
effectifs des cégeps anglophones, la question de la répartition des effectifs
entre les cégeps anglophones et les établissements…
M. Tremblay (Bernard) : ...de
la Charte de la langue française par la commission parlementaire de l'Assemblée
nationale compétente en la matière entre trois et cinq ans après l'entrée en
vigueur de la loi.
M. Lambert (Sylvain) : Je
prends la suite. Par ailleurs, dès le moment où on balise le développement des
effectifs des cégeps anglophones, la question de la répartition des effectifs
entre les cégeps anglophones et les établissements anglophones privés agréés
aux fins de subvention devient centrale. Pour éviter que la loi vienne rompre
le fragile équilibre entre le privé et le public, nous recommandons de donner
préséance aux établissements publics et de préciser que la proportion des
effectifs totaux particuliers des établissements anglophones privés agréés aux
fins de subvention sur l'ensemble des effectifs totaux particuliers de tous les
établissements anglophones ne doit pas excéder la proportion qu'elle
représentait à l'automne 2019.
Il faut aussi faire en sorte que les
cégeps francophones déjà autorisés à offrir certains programmes en anglais
puissent continuer de le faire bien évidemment, tout comme on doit conserver la
capacité d'adapter l'offre des cégeps francophones à la situation précise d'un
programme ou des besoins de main-d'oeuvre dans un secteur particulier.
En cas de dépassement de l'effectif
déterminé, le projet de loi prévoit par ailleurs des conséquences sur le
montant des subventions allouées dans le cas de l'effectif des établissements
anglophones et de l'effectif d'étudiantes et d'étudiants se voyant offrir de
l'enseignement en anglais dans les établissements francophones. En raison,
encore une fois, de la complexité de la gestion des admissions, nous pensons
qu'une marge de manoeuvre doit être prévue en basant les mécanismes des
conséquences financières sur une moyenne pluriannuelle par exemple.
Nous croyons aussi que la responsabilité
de recommander un règlement qui établit le montant à retrancher de la
subvention des établissements, disons, fautifs donnée au ministère de la Langue
française doit être précédée d'une concertation avec le ministère de
l'Enseignement supérieur et les établissements eux-mêmes. Ce règlement pourrait
faire en sorte qu'un cégep en arrive à refuser des étudiantes et des étudiants
dans des domaines en forte demande en contexte de pénurie de main-d'oeuvre.
Nous suggérons donc que le projet de loi prévoie un pouvoir discrétionnaire
pour le ministre de l'Enseignement supérieur dans les cas où un collège devrait
refuser un nombre restreint d'étudiantes et d'étudiants dans un programme
répondant à d'importants besoins de main-d'oeuvre .
Par ailleurs, nous nous opposons aux
dispositions du projet de loi qui prévoient l'inscription dans la Charte de la
langue française de l'obligation pour certains étudiants de cégep à se
soumettre à une épreuve destinée à évaluer sa connaissance du français. Imposer
deux épreuves à une partie de la population étudiante est à nos yeux
inéquitable. Même si nous jugeons essentiel le maintien, le développement des
compétences en français pour les étudiants qui fréquentent un établissement
anglophone, cette approche nous semble inadéquate. Ce n'est pas la voie à
suivre pour nous. Nous souhaitons donc que cette mesure soit retirée du projet
de loi.
Enfin, puisqu'il est question de l'épreuve
uniforme de français, nous recommandons la mise sur pied d'un chantier avec le
ministère de l'Enseignement supérieur pour avoir l'intention et la nature de
cette épreuve.
En terminant, la Fédération des cégeps tient
à souligner qu'elle croit au rôle stratégique des cégeps pour assurer la
promotion de la culture québécoise et de la langue française. Une vaste
campagne d'activités culturelles réalisée tant dans les cégeps anglophones que
francophones serait de nature à susciter cette adhésion essentielle des jeunes
à ce qui distingue la nation québécoise, et contribuerait à assurer la vitalité
du français au Québec, et à promouvoir sa culture riche et unique. Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons
aller avec les échanges avec le...
M. Lambert (Sylvain) : …à
susciter cette adhésion essentielle des jeunes à ce qui distingue la nation québécoise,
et contribuerait à assurer la vitalité du français au Québec, et à promouvoir
sa culture riche et unique. Merci beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci beaucoup pour votre présentation. Donc, sans plus tarder, nous allons
aller avec les échanges avec le ministre. M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Bon début de semaine. M. Tremblay, M. Lambert,
bonjour. Merci d'être présents en commission parlementaire.
Écoutez, d'entrée de jeu, à la lecture de
votre mémoire, je peux constater que la Fédération des cégeps est d'accord qu'il
y a un enjeu avec la langue française au Québec et qu'il y a nécessité pour
tous les acteurs de la société de mettre davantage de l'avant des mesures qui
vont promouvoir, protéger la langue française incluant le réseau collégial. Dans
le fond, le réseau collégial public est parti de la solution.
M. Tremblay (Bernard) : Oui. Je
pense que ce qu'on salue, c'est d'abord le fait que le projet de loi couvre
différents secteurs d'activité. Il y a eu beaucoup de débats autour des cégeps,
effectivement, mais je pense que, parfois, c'est l'arbre qui cache la forêt. Et
derrière ça, évidemment, il faut se rendre compte qu'il y a des enjeux surtout
dans le contexte du marché du travail, il y a des enjeux par rapport à nos institutions,
il y a des enjeux, oui, aussi par rapport à la langue d'enseignement, mais que
c'est vraiment une multitude d'actions qui vont permettre de réaliser
l'objectif d'assurer la vitalité du français.
M. Jolin-Barrette : Dans le projet
de loi n° 96, ce qu'on propose, c'est notamment un plafonnement, dans le
fond, des places dans le réseau collégial actuel dans le secteur anglophone
avec une limitation de la croissance également du réseau collégial anglophone.
Donc, est-ce que la Fédération des cégeps est d'accord avec cette proposition-là?
M. Tremblay (Bernard) : La
fédération est d'accord avec l'idée qu'il y a un développement coordonné des
cégeps. On le fait déjà de façon générale pour les 48 établissements. Vous
savez, c'est un réseau qui travaille vraiment en collégialité, c'est le cas de
le dire. Et donc on a déjà ce souci-là. Présentement, vous voyez, on se prépare
à l'arrivée d'un nombre important d'étudiants au Québec. Ces étudiants-là ne
seront pas répartis dans l'ensemble du territoire, mais on travaille de façon
concertée pour voir comment notre réseau peut se développer de façon
intelligente.
Et donc face à l'enjeu de la vitalité du
français, que cette approche-là puisse être aussi appliquée dans une
coordination des cégeps, du développement des cégeps anglophones et
francophones. Effectivement, on est d'accord avec le principe et on a un souci
plus dans la mécanique, comme on le dit dans notre mémoire.
M. Jolin-Barrette : Mais
est-ce que je dois déduire de vos propos que, depuis 1995, dans le fond, il n'y
a pas eu de développement coordonné, dans le fond, du développement des cégeps
du côté anglophone versus le côté francophone? Parce qu'on voit depuis 1995 que
la courbe s'accélère au niveau des places dans les établissements collégiaux
anglophones et la grande popularité de ceux-ci, notamment, chez les
francophones, et notamment, chez les allophones pour les études aussi.
• (10 heures) •
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
moi, je vous dirais, surtout, les cégeps sont le reflet du contexte et du
contexte social dans lequel elles vivent. Moi, je me rappelle qu'il n'y a pas
si longtemps qu'on reprochait l'Université McGill de ne pas accueillir assez
d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la pression sur McGill pour
diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et d'augmenter sa part
d'étudiants…
10 h (version non révisée)
M. Tremblay (Bernard) :
...du contexte et du contexte social dans lequel elles vivent. Moi, je me
rappelle, il n'y a pas si longtemps, qu'on reprochait à l'Université McGill de
ne pas accueillir assez d'étudiants québécois. Bien, le jour où on met de la
pression sur McGill pour diminuer son acceptation d'étudiants internationaux et
d'augmenter sa part d'étudiant québécois, bien, il faut se poser la
question : Quel effet ça a sur les cégeps? Alors, à cette époque-là, ça ne
semblait pas être un problème, et donc effectivement, le prisme dans le
développement du réseau, il n'était pas dans une dualité
francophone-anglophone. Aujourd'hui, on prend conscience que ça a un impact et qu'il
y a une inquiétude à avoir. Et, moi, je répète que, cette inquiétude-là, on
devrait surtout l'avoir en lien avec une adhésion, je dirais, à la culture
québécoise.
Hein, vous avez reçu Guy Rocher, il
n'y a pas longtemps. On a des conversations assez régulièrement avec
M. Rocher évidemment, et il rappelle que, la protection du français, c'est
évidemment un vecteur pour protéger notre culture, et à mon avis il y a un
enjeu qui est beaucoup plus large donc que simplement la langue d'enseignement.
M. Jolin-Barrette : Mais
donc M. Rocher disait également, premièrement, que c'était une erreur, en
77, de ne pas avoir étendu la loi 101 aux cégeps. Mais, deuxièmement,
également, il y a eu plusieurs intervenants qui sont venus puis ils ont
dit : Mais, écoutez, quand vous êtes rendus à l'âge d'étudier au cégep, au
collégial, donc 16... pardon, 17, 18, 19, 20 — il y en a qui font un
doctorat au cégep puis ça se poursuit dans la vingtaine aussi — bien,
c'est là qu'on vient d'imprégner de la culture. Donc, le fait d'étudier en
français, ça va avoir un effet également culturel. Et notamment lorsqu'on parle
des personnes allophones, des nouveaux arrivants, le fait d'étudier au
collégial en français, ça va être le temps d'avoir une adhésion à la culture
québécoise qui se distingue notamment par sa langue officielle. Donc, le fait
de baigner dans un environnement francophone, ça a une portée culturelle aussi.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui, tout à fait, monsieur. Et ça, je pense que ce... comment dire, ce
propos-là, il se vaut évidemment, et ce n'est pas pour rien qu'on a un débat au
Québec présentement. Mais, nous, on est profondément convaincus qu'à 16, 17,
18, 19 ans, comme vous le dites, ce qui est le plus important, c'est de
générer un sentiment d'appartenance, un intérêt pour la culture québécoise, et
ça, ça ne vient pas simplement avec le fait d'être étudiant dans un cégep
francophone, ça vient avec des mesures plus profondes, ça vient avec un accès à
la culture. C'est pour ça que, nous, on propose au-delà du projet de loi. On
pense qu'on a une opportunité en or, au Québec, de miser sur... avec en plus
une pandémie qui se termine, qui a été très dure pour le milieu culturel, miser
sur les lieux de diffusion que sont les cégeps pour faire en sorte que nos
étudiants francophones et anglophones et allophones baignent dans la culture
québécoise et qu'ils aient donc peut-être un plus grand intérêt à poursuivre
cet intérêt-là ou cette connaissance-là, je dirais, de la culture québécoise. À
défaut de quoi, le simple fait de leur demander d'étudier en français ne
générera pas moins d'intérêt pour Netflix et pour Facebook.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Une question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de
votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les
collèges privés subventionnés dans la répartition des places...
M. Tremblay (Bernard) : …de
leur demander d'étudier en français ne générera pas moins d'intérêt pour
Netflix et pour Facebook.
M. Jolin-Barrette : O.K. Une
question sur les cégeps publics que vous représentez. À la page 12 de
votre mémoire, là, vous dites que les cégeps devraient avoir préséance sur les
collèges privés subventionnés dans la répartition des places. Donc, pour
illustrer, exemple, dans le réseau collégial anglophone, là : vous avez
Dawson qui est 100 % public, 100 % de financement public, vous avez
Marianapolis, de l'autre côté, qui est privé subventionné à hauteur je pense de
60 %. Donc, ce que vous proposez, dans le fond, c'est dans le cadre de la
répartition des places s'il y avait des places à répartir du niveau collégial
anglophone, vous diriez : Bien, il faut les envoyer à Dawson
prioritairement avant de les envoyer à Marianapolis.
M. Tremblay (Bernard) :
Écoutez, vous prenez deux établissements en particulier. Je dirais dans une
réflexion où on n'aura pas le choix de coordonner donc les places dans les
collèges francophones et les collèges anglophones, que dans le cadre de la
répartition entre les collèges anglophones, on ait le souci de privilégier le
réseau public nous semble essentiel. C'est quand même particulier, hein, au
Québec, il faut se le dire, d'avoir trois réseaux d'éducation, là : un
réseau public, un réseau que vous qualifiez de privé mais qu'on pourrait qualifier
de semi-public et un réseau entièrement privé non subventionné. Pour un petit
État comme le nôtre, il y a une charge et il y a des conséquences à avoir une
multitude de réseaux d'éducation, c'est la même chose au primaire, secondaire.
Et donc, nous, c'est sûr qu'on vous dit on doit prioriser le réseau public, là,
pour la suite des choses.
M. Lambert (Sylvain) : …au
fond, le privé subventionné n'est pas soumis à des devis, là, donc, ce qui
n'est pas le cas pour tout le réseau public. Donc, il y a déjà là une iniquité
qui est historique, là, mais je pense qu'il y a quelque chose qu'on peut peut-être
régler là, dans le cadre de la loi actuelle.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
donc, ça signifie qu'un semi-privé peut grossir de la façon dont il veut.
M. Lambert (Sylvain) : Avec
les règles actuelles, oui.
M. Jolin-Barrette : Avec les
règles du projet de loi n° 96, il va être assujetti.
M. Lambert (Sylvain) : Bien,
c'est ce que j'en comprends.
M. Jolin-Barrette : Oui.
Donc, les seuls qui ne sont pas assujettis, c'est les privés privés au niveau
collégial.
M. Lambert (Sylvain) : Exact.
M. Jolin-Barrette : Est-ce
que la Fédération des cégeps considère que les privés privés devraient être
assujettis au projet de loi n° 96?
M. Tremblay (Bernard) : La
fédération pense qu'on est mûr pour une réflexion sur l'ensemble de l'offre de
formation collégiale, et ça inclut les privés non subventionnés, donc d'être
capable de revoir les règles auxquelles chacun des réseaux y sont soumis et
s'assurer évidemment qu'on regarde l'avenir avec un développement, encore une
fois, coordonné.
M. Jolin-Barrette : Sur la
question, là, du rôle du ministère de la Langue française, vous dites, sous
réserve, là, ça se peut que ça soit moi, le ministre de la Langue française,
vous dites : Bien, écoutez, à plusieurs endroits, il y a une opération
conjointe entre le ministère de l'Éducation supérieure, de la Recherche, de
l'Innovation, des Études supérieures et le ministère de la Langue française.
Puis là, vous dites : Attention, il ne faut pas que le ministre de la
Langue française se mêle et ça devrait juste être des recommandations, tout ça.
Là, vous amenez des arguments de lourdeur administrative, tout ça. Moi, je vous
dirais, quand je regarde ça puis quand on a construit le projet de loi, si on
est…
M. Jolin-Barrette : ...et le ministère
de la Langue française. Là, vous dites : Attention! Il ne faut pas que le
ministre de la Langue française se mêle, et ça devrait juste être des
recommandations, tout ça. Là, vous amenez des arguments de lourdeur
administrative, tout ça.
Moi, je vous dirais, quand je regarde ça
puis quand on a construit le projet de loi, si on est rendu là, peut-être que
le ministère de l'Enseignement supérieur n'a pas fait ce qu'il avait à faire
pour protéger la langue française et peut-être qu'il n'avait pas les garde-fous
nécessaires. Comment ça se fait que, dans le réseau collégial, les devis n'ont
pas été respectés? Comment ça se fait que ça a explosé au fil des années? Le
ministère de l'Enseignement supérieur avait la possibilité de dire : Bien,
c'est le devis qui s'applique, puis je fais respecter mon devis. Mais ça n'a
pas été fait. Vous ne pensez pas opportun qu'il y ait deux ministres qui vont
travailler en collaboration ensemble pour s'assurer qu'il y ait un poids et un
contrepoids, notamment, si jamais il y avait augmentation du devis en matière
de places en langue anglaise, que le ministre de la Langue française soit
interpelé par rapport à ça?
M. Tremblay (Bernard) : Pour
nous, dans notre perspective, effectivement, il doit être interpelé. La
question, c'est lorsqu'il y a des autorisations qui doivent être conjointes, on
arrive à un niveau, je dirais, de complexité plus élevée. Alors, c'est pour ça
que le fait de parler d'une recommandation, pour nous, assure cette
coordination-là entre les deux ministres, sans avoir nécessairement la lourdeur
administrative qui est inhérente au fait d'avoir deux ministères qui se
parlent. Parce qu'il y a deux ministres, mais il y a aussi deux ministères, en
conséquence, qui vont se parler. Et on le sait d'expérience que plus on
ajoute des acteurs du côté gouvernemental, plus on se retrouve avec des délais
qui... Encore une fois, il faut se rappeler, on est... nous sommes des maisons
d'enseignement avec des calendriers à respecter qui sont très serrés pour être
en mesure d'offrir des services à la population. Et malheureusement la logique
administrative gouvernementale ne tient pas compte de ces calendriers-là. Et on
a beau le répéter de façon constante, cette réalité-là d'une année qui commence
au mois d'août, une session qui finit en décembre, avec toutes les
considérations d'organisation qui viennent avec ça, c'est immatériel et ça
reste une vue de l'esprit pour beaucoup de fonctionnaires, et donc on est
inquiets des conséquences d'une multiplication des règles administratives.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
suis d'accord avec vous, il y a sûrement des améliorations à apporter au niveau
de la rapidité et de l'efficacité de l'administration publique québécoise. Mais
l'objectif, dans le cadre du projet de loi, et ça, je crois que vous le
partagez, c'est la protection de la langue française et surtout de faire en
sorte que la langue normale des études demeure le français et soit, à l'avenir,
également, le français.
Alors, l'expérience nous a démontré que
peut-être qu'il y avait certains enjeux au ministère de l'Enseignement
supérieur. Et donc moi, je trouve que c'est prudent, sur un point de vue
gouvernemental, d'impliquer le ministre de la Langue française, parce que la
réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au ministère de l'Enseignement
supérieur il y a eu des enjeux au cours des dernières années, et ça n'a pas été
contrôlé. Puis je comprends, pour les clientèles qui font affaire avec leur
ministère propre, c'est beaucoup plus simple de faire affaire avec la
clientèle, directement. Mais...
M. Jolin-Barrette : ...parce
que la réalité, et les chiffres le démontrent, c'est qu'au ministère de
l'Enseignement supérieur, il y a eu des enjeux au cours des dernières années et
ça n'a pas été contrôlé. Puis je comprends, pour les clientèles qui font
affaire avec leur ministère propre, c'est beaucoup plus simple de faire affaire
avec la clientèle directement. Mais j'émettrais un bémol puis je vous
exprimerais mon désaccord avec ce que vous proposez, parce qu'il m'apparaît
fondamental qu'en termes d'exemplarité de l'État, le ministre de la Langue française,
le ministère Langue française soient impliqués. Parce que c'est ça, dans le
fond, tout le monde dit : Ce n'est pas moi, c'est l'autre qui va s'en
occuper de l'exemplarité de l'État, ce n'est pas moi, c'est... tu sais... vous
savez?
• (10 h 10) •
Puis l'État québécois au sens large, ça
inclut plusieurs choses, ça inclut les ministères, les organismes, les
hôpitaux, ça inclut les établissements d'enseignement, ça inclut les
municipalités. Puis tous les pouvoirs de l'État aussi doivent être incarnés
puis donner l'exemple : la justice, les pouvoirs régaliens, tout ça.
Alors, tout ça doit être pris en compte pour faire en sorte que tout le monde
pousse dans la même direction. Mais c'est une responsabilité qui est
collective, et pour ça, comme société, on doit se donner des garde-fous, parce
que malheureusement il arrive à certains moments où il y a des choses qui se
passent puis que le déclin du français va toujours être un sujet très, très
sensible et on doit toujours être vigilants.
Peut-être une dernière question avant de
céder la parole à mes collègues. Vous avez dit dans une entrevue,
M. Tremblay, que j'ai des témoignages de directions générales de cégeps
anglophones qui me disent : «Le français des anglophones qui ont fréquenté
des commissions scolaires anglophones au Québec est épouvantable. Ils ne
parlent pas français ou à peu près pas.» Qu'est-ce que ça nous dit sur le
niveau d'enseignement du français dans nos institutions publiques anglophones?
M. Tremblay (Bernard) : Vous
posez la question, j'ai le goût presque de vous la retourner en disant :
Je pense qu'il y a un enjeu, effectivement. Et, vous savez, moi, je suis toujours — peut-être
que là je ne l'ai pas été assez — prudent sur le fait de donner
l'impression que je fais porter le blâme sur d'autres, mais je pense que notre
système d'éducation, hein, il débute à la petite enfance puis il se termine au
postdoctorat et qu'on forme un tout, et qu'on est des acteurs, les cégeps, à
travers ce grand ensemble, et qu'effectivement, sans donner l'impression qu'on
veut faire porter le blâme sur d'autres, qu'il faut que d'autres aussi se
questionnent sur le rôle qu'ils exercent dans le système d'éducation, que ce
soit par rapport à l'apprentissage du français ou l'apprentissage... comme
langue seconde ou comme langue principale.
Alors, je veux faire attention, comme je
disais, pour ne pas avoir l'air de dire : Bien, c'est de leur faute,
ou : Que d'autres s'en occupent, mais en même temps, on ne peut pas non
plus être les seuls à s'en occuper. Quand on entend ces témoignages-là, bien,
on se dit : Il y a certainement un effort à faire. Le projet de loi quand
même ouvre la porte à donner des services, bon, aux anglophones pour qu'ils
acquièrent un meilleur français. Je pense que c'est un geste qui est très
positif et je pense que c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec
en tenant pour acquis que, bien, évidemment, les anglophones, à partir de
moment où la société est surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense
qu'ils le sont beaucoup, mais visiblement, il y a encore peut-être, là, des
efforts à faire avec certains d'entre eux.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je vous remercie pour votre passage en commission parlementaire...
M. Tremblay (Bernard) : …que
c'est un petit peu un angle mort qu'on a eu au Québec en tenant pour acquis
que, bien, évidemment, les anglophones, à partir du moment où la société est
surtout française, bien, vont se bilinguiser. Je pense qu'ils le sont beaucoup,
mais visiblement, il y a encore peut-être, là, des efforts à faire avec certains
d'entre eux.
M. Jolin-Barrette : Parfait.
Je vous remercie pour votre passage en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, ce sera M. le député de Chapleau, deux minutes.
M. Lévesque (Chapleau) : Excellent.
Donc, le petit deux minutes qui me reste, Merci, M. Tremblay,
M. Lambert. Bien heureux de vous voir aujourd'hui. Merci d'être là, votre
présentation.
Vous avez piqué ma curiosité, d'entrée de
jeu, vous nous avez posé quelques questions. J'aurais envie de vous entendre
sur ces questions-là également, là. Vous avez parlé d'une réflexion collective,
vous nous avez même parlé d'un certain reportage, vous avez dit : Bon, pourquoi
les jeunes, certains francophones, certains allophones vont choisir justement
le milieu plus anglophone? Pourquoi, dans le fond, le prestige du français? Pourquoi
la culture québécoise n'attire plus ou n'attire plus autant ces jeunes-là?
J'aimerais vous entendre là-dessus. Qu'est-ce que vous avez, de par votre
expérience à ces questions-là, à nous dire?
M. Tremblay (Bernard) : J'ai
le goût de vous dire, le documentaire auquel je fais référence met en lumière
que des jeunes, donc, qui sont nés ici ou qui sont arrivés jeunes, qui ont fait
leur parcours dans le réseau francophone à cause de la loi 101 demeurent
un peu ambiguë par rapport à leur attachement au Québec ou même ont le
sentiment qui ne peuvent pas se considérer comme Québécois. Alors, je pense que
c'est des questions profondes parce que…
M. Lévesque (Chapleau) : …
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
je ne suis pas en mesure de vous répondre.
M. Lévesque (Chapleau) : O.K.
M. Tremblay (Bernard) : C'est
un constat qui était fait dans le documentaire, et je pense que c'est important
qu'on se pose la question. C'est une chose d'obliger un parcours, je ne dis pas
qu'il faut revenir sur l'obligation du parcours primaire, secondaire, je pense
que c'est tout à fait, évidemment, adéquat, mais de simplement poursuivre cette
mesure-là aux cégeps en pensant que ça sera… ça garantira une adhésion à la
culture québécoise, je pense que là on fait fausse route, surtout à l'âge clé
de 17, 18, 19 ans. Il faut plutôt créer, selon nous, un goût pour la
culture québécoise.
M. Lévesque (Chapleau) : Qu'est-ce
qu'on pourrait faire de plus?
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
c'est pour ça que, nous, on propose qu'il y ait des… qu'on déploie une vaste
campagne d'activités culturelles dans les cégeps. Les cégeps sont des lieux
idéals de diffusion. On en fait, je ne dis pas qu'on n'en fait pas, mais on
pourrait en faire tellement plus. Et plus les jeunes seraient en contact avec
la culture québécoise, et plus peut-être que ça fera contrepoids à la culture
anglo-saxonne qui est omniprésente, et qui est toute-puissante, et qui a des
capacités que, nous, on n'a pas en termes de diffusion.
Une voix
: Merci
beaucoup.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mettre fin, merci, à l'échange. Donc, sans plus tarder, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
La parole est à vous.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Bonjour, messieurs, M. Lambert, bonjour, M. Tremblay.
Sylvain Lambert est le D.G. d'un des plus gros cégeps du Québec francophone. Un
fleuron, je dirais, cégep Édouard-Montpetit, pour ne pas le nommer, qui possède
une école d'aérotechnique, école nationale, une des quelques rares écoles
nationales dont il faut protéger la compétence et qui a des projets formidables,
comme les cliniques de santé offertes au grand public. Ce sont des choses que
le public ne connaît pas assez, qui sont des liens, entre autres, avec le ministère
de la Santé qui sont extraordinaires. Et je me demande si vous n'avez pas, même
une IPS dans votre…
Mme David : ...il faut protéger
la compétence et qui a des projets formidables, comme des cliniques de santé
offertes au grand public. Ce sont des choses que le public ne connaît pas
assez, qui sont des liens, entre autres, avec le ministère de la Santé, qui
sont extraordinaires. Et je me demande si vous n'avez pas, même, une IPS dans
votre clinique, une super infirmière. Ça dit le niveau de sophistication de
services aux citoyens que les cégeps offrent, dont le cégep Édouard-Montpetit
en est probablement un des meilleurs exemples. Alors, je voulais souligner
qu'on a des formidables cégeps, dont des énormes cégeps francophones.
Maintenant, pour aller un peu dans le sens
des questions du ministre, moi, je voudrais savoir, à la page 2... vous faites
d'ailleurs un beau plaidoyer pour la culture, la culture francophone, et vous
dites que les collègues anglophones contribuent pleinement à la société
québécoise, jouent un rôle important dans l'acquisition de compétences
langagières en français. Qu'est-ce qu'on pourrait faire de mieux, de plus dans
les cégeps anglophones? Nous avons déposé une proposition de donner trois
cours, non pas de français, là, en français dans les cégeps anglophones.
Pensons en dehors de la boîte. Est-ce que vous avez des idées en dehors de la
boîte, justement, comme on dit, pour permettre aux cégeps anglophones
d'intégrer plus la culture québécoise, soit anglophone et francophone?
M. Tremblay (Bernard) :
Bien, j'ai le goût de vous dire, vous savez, dans les cégeps anglophones, on
fait une semaine du français. Pourquoi on se limite à une semaine du français?
C'est souvent une question de moyens, hein, mais ils sont les premiers à nous
dire : Mais on pourrait faire des semaines du français à toutes les
semaines. Alors, on pourrait, encore une fois, utiliser les espaces de
diffusion, les salles de spectacles qu'on a dans tous nos cégeps pour déployer
des tournées, que ce soit de théâtre, de...
Mme David : Je vous
arrête, M. Tremblay, parce que vous êtes aussi verbal que moi.
Des voix: Ha, ha,
ha!
Mme David : Et puis donc
pourquoi pas des mesures structurantes? Je pense que savez ce que je veux dire.
On va aller dans le RREC, là, on va aller dans le Règlement sur le régime
d'études collégiales. Oui, vous allez me dire, c'est donc compliqué, mais vous
le dites, dans votre mémoire : Il va falloir le changer, «anyway», le
régime, pour... en français, etc.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui. En fait, je ne dis pas que le programme de formation est immuable, au
contraire, il doit évoluer, mais cette révision-là, vous le savez, vous avez
été ministre de l'Enseignement supérieur, c'est un exercice qui est exigeant,
qui doit se faire de façon concertée avec les parties prenantes, avec nos organisations
syndicales, parce que c'est lourd de conséquences, entre autres, au niveau de
l'organisation du travail. Ça peut se faire, mais là, de simplement... dans le
cadre d'un projet de loi sur la langue, de simplement traiter d'un aspect, à
notre avis, il y a un risque sur l'espèce d'équilibre. Vous savez, il n'y a pas
si longtemps, on a parlé d'un cours d'histoire au cégep. Tout le monde était d'accord
sur le principe. Quand on a voulu l'introduire, on a réalisé la complexité de
la chose.
Mme David : Je sais que
tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer
l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir
le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de
vous et ce que je pense qui va arriver, c'est un vaste chantier...
M. Tremblay (Bernard) :
...cégep. Tout le monde était d'accord sur le principe. Quand on a voulu
l'introduire, on a réalisé la complexité de la chose.
Mme David : Je sais que
tout ça est compliqué, mais je pense que, de toute façon, pour changer
l'épreuve uniforme de français dans les collèges anglophones, on va le rouvrir
le régime d'études collégiales. Donc, tant qu'à le rouvrir, ce que j'entends de
vous et ce que je pense qu'il va arriver, c'est un vaste chantier. Un vaste
chantier que vous appelez aussi par rapport aux questions du ministre, un vaste
chantier peut-être sur le rôle des collèges privés, la question de l'épreuve
uniforme de français. Etl'admission pluriannuelle, je vais y revenir, je trouve
ça extrêmement intéressant.
Je veux aller sur une question qui, pour
le commun des mortels, va peut-être être un peu technique. Je la trouve super
importante, et vous êtes la seule... le seul groupe à l'aborder, les CCTT,
centres collégiaux de transfert de technologies. Le ministre de l'Économie est
très, très entiché de ça avec raison. On en avait annoncé une dizaine de plus,
vous vous souvenez, en 2018. Alors, c'est très important. Maintenant, vous
dites, et sincèrement je n'avais pas allumé sur cette question-là, vous
dites : Attention! attention! on confond ici formation de la main-d'oeuvre
et formation continue. Je veux absolument vous entendre sur les dangers de
l'article qui traite de ça dans le p. l. n° 96 parce
que vous avez peur de ne plus pouvoir donner de la formation de la
main-d'oeuvre — Dieu sait qu'on a besoin de formation — en
anglais pour des groupes particuliers parce que les CCTT travaillent avec des
entreprises.
M. Tremblay (Bernard) :
Oui. Alors, nos centres de recherche, donc les CCTT, effectivement ont un
mandat qui est complémentaire au mandat des cégeps, hein, donc de recherche,
mais aussi d'accompagnement puis de soutien donc aux entreprises, surtout sur
le volet effectivement de la formation, et effectivement de la façon dont
l'article en question est rédigé, ça laisse une certaine ambiguïté. Et donc,
nous, on pense qu'il faut s'assurer évidemment que nos CCTT qui, dans certains
cas, font de la recherche à l'international avec des partenaires partout à
travers le monde, dans certains cas évidemment en anglais parce que
malheureusement la recherche se fait gouvernement en anglais, bien, il faut
encore qu'ils aient cette capacité-là et il faut qu'ils aient la capacité de
faire justement leur... de déployer leurs activités au Québec auprès des
entreprises sans... en fonction de leur, comment dire, de leur spécialité.
Alors, je pense que, sur ce volet-là, il y a une considération d'écriture de
l'article, là.
• (10 h 20) •
Mme David : D'écriture
parce qu'il y a aussi des liens avec des universités qui soient au Québec ou en
dehors du Québec.
M. Tremblay (Bernard) :
Tout à fait.
Mme David : Ils ont droit
de postuler à des fonds de recherche avec, par exemple, soit une université
anglophone, francophone ou même de l'extérieur du Québec. Comme vous l'avez
bien dit, c'est l'enseignement supérieur. Là, on parle de recherche, on parle
de professeurs qui ont des doctorats, on parle de liens avec l'École
polytechnique, par exemple, qui donne... qui va même à l'École d'aérotechnique.
Là, je fais un lien avec le cégep Édouard-Montpetit. Mais, des fois, ça peut...
il peut y avoir des choses, des demandes de subvention, des publications qui se
font en anglais. Alors, je vais alerter le… je serai vigilante sur cette question-là.
Une autre question que je vais être très
vigilante, et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium de
cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve
ça très important de...
Mme David : …des publications
qui se font en anglais. Alors, je vais alerter le… je serai vigilante sur cette
question-là.
Une autre question que je vais être très
vigilante, et vous ne serez pas les seuls, il y a un groupe de consortium de
cégeps anglophones qui viennent cet après-midi parler du pluriannuel. Je trouve
ça très important de pouvoir prévoir au moins trois ans d'avance, quand on sait
la complexité des admissions, quand on sait la complexité d'un réseau
d'enseignement comme le réseau collégial. Je voudrais que vous insistiez, que
vous élaboriez sur cette question.
M. Lambert (Sylvain) : Bien,
je peux la prendre, celle-là. Je pense que c'est absolument essentiel, pour
être dans un cégep, comme vous l'avez si bien souligné, la question de
l'admission, elle est extrêmement sensible et complexe. Et à partir du moment
où on dit, je ne sais pas : Les étudiants commencent à se comporter
autrement, décident de lâcher en plus grand nombre ou de rester en plus grand
nombre, on n'a plus de marge de manoeuvre. Alors, si on est trouvés fautifs
parce qu'une année x on se retrouve avec une population anglophone, là, je
pense aux cégeps anglophones, plus importante, bien, il faut donner le temps à
l'institution de se corriger, là. Je pense que c'est assez essentiel. On est
dans de la mécanique, n'empêche que cette mécanique-là, elle est extrêmement
importante, là, pour assurer que c'est applicable, ne serait-ce que ça. Sinon,
on va se retrouver toujours en litige, à dire : Bien là, on a dépassé
cette année, puis avec des explications, puis ça va devenir complexe. Alors, je
pense que si on se donne sur un certain nombre d'années, puis après ça, bien,
on peut corriger puis diminuer le nombre d'admissions, tout dépendant, là, de
la tangente que prend la courbe d'admissions.
Mme David : C'est tellement
évident que j'ose croire que notre ministre de la Langue française qui pilote
le projet va accepter cet amendement. Parce que c'est impossible de faire ça
année après année. Là, vous seriez déjà rendus dans l'année prochaine alors que
vous n'avez même pas fini le décompte de la première année. Moi, je le sais,
c'est carrément mission impossible. Alors, je pense qu'il y a peut-être une ministre
de l'Enseignement supérieur qui devra lui parler. Il y en a une ex, mais il y
en a une, actuelle, aussi. Donc, on se mettra ensemble pour convaincre le
ministre que c'est un amendement extrêmement important.
Maintenant, je vais revenir sur l'épreuve
uniforme de français. Là, moi-même, je pense que j'étais un peu mêlée. Vous
êtes sous l'impression, si j'ai bien compris, que l'étudiant francophone ou
allophone qui fréquente un cégep anglophone va avoir deux épreuves à passer.
Moi, je n'avais pas compris ça. J'avais compris que la francophone, que tu sois
à n'importe quel cégep anglophone, remplace l'anglophone, pas l'épreuve
d'anglais à la fin. Est-ce que je me trompe?
M. Tremblay (Bernard) : Nous,
c'est notre compréhension du projet de loi. Alors, c'est, je pense, aussi pour
ça qu'on est ici, pour clarifier si c'est une mauvaise compréhension. Mais il
reste quand même que s'il y a, donc, une épreuve distincte dans les collèges
anglophones, distincte pour les étudiants francophones, allophones et les
étudiants anglophones, il y a… l'épreuve en elle-même, elle est… comment dire,
elle s'appuie quand même sur le programme de formation. Alors, il y a...
Mme David : Ça, ça va, je vais
aller vers ça.
M. Tremblay (Bernard) : Parfait.
Mme David : Tout le monde le
dit. Sauf que…
M. Lambert (Sylvain) : ...anglophone
distincte pour les étudiants francophones, allophones et les étudiants anglophones.
L'épreuve en elle-même, elle est, comment dire, elle s'appuie quand même sur le
programme de formation. Alors, il y a...
Mme David : Ça, ça va, je vais
aller vers ça.
M. Lambert (Sylvain) :
Parfait.
Mme David : Tout le monde le
dit. Sauf que, est-ce que vous pensez qu'ils vont être soumis à deux épreuves
uniformes?
M. Lambert (Sylvain) : Oui.
Mme David : C'est votre
compréhension.
M. Lambert (Sylvain) : Oui,
c'est notre compréhension.
Mme David : Donc, l'épreuve de
l'EUF, qu'on appelle communément, l'épreuve uniforme de français, mais aussi
l'épreuve d'anglais, donc il faudrait qu'il ait suivi les cours qui mènent à
l'épreuve d'anglais puis les cours, quatre cours, on le dit, qui mènent à
l'épreuve de français. Moi, peut-être dans ma grande naïveté, j'avais pensé
qu'un remplaçait l'autre. Alors, vous soulevez quelque chose d'extrêmement
important.
Moi, je pense que l'esprit du projet de
loi, puis là le ministre me contredira si je me trompe, ce n'est pas de faire
passer l'épreuve uniforme d'anglais aux francophones et allophones, c'est de
faire passer seulement l'épreuve uniforme de français. Je suis convaincue que
dans sa tête il n'en passe pas d'épreuve uniforme d'anglais. Ça serait
contradictoire avec tout l'esprit du projet de loi. Je peux me tromper. Je peux
me tromper. Mais, si c'est le cas, alors deux épreuves, c'est quelque chose.
En plus, on revient à notre régime... le
Règlement sur le régime des études collégiales, ça veut dire qu'on change le
régime. C'est impossible d'avoir deux préparations extrêmement inégales :
cégeps francophones ultrapréparés, cégeps anglophones pas préparés, puis avec
deux épreuves en plus, selon votre lecture.
M. Tremblay (Bernard) : Et
deux conséquences possibles : dans certains cas, évidemment, ça aura un
impact sur le taux de réussite, mais dans d'autres cas, moi, je serais inquiet
que ça puisse encore plus valoriser les cégeps anglophones. S'il y a deux
épreuves de langue, ça veut dire qu'il y a un superdiplôme. Il y a un diplôme
francophone puis il y a un diplôme anglophone qui, lui, est un diplôme... un
superdiplôme puisqu'il... d'une certaine façon, l'étudiant qui sort de ce
parcours-là, s'il est francophone, aurait une double compétence, là, vraiment reconnue.
Mme David : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Ça complète l'échange. Donc, nous allons maintenant du côté de la députée
de Mercier pour votre 2 min 50 s.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci, messieurs, pour votre présentation. Le projet de loi amène
le contingentement, là, dans les cégeps anglophones, et ce que je comprends,
c'est : anglophones publics et subventionnés. Je comprends que vous, vous
êtes d'accord avec ça.
M. Lambert (Sylvain) : Le contingentement?
Mme Ghazal : Oui.
M. Lambert (Sylvain) : Oui,
oui, on est d'accord pour qu'il y ait un contrôle, oui, du développement de la
population étudiante au sein des cégeps anglophones.
Mme Ghazal : Parfait. Je
voulais juste être sûre que vous le disiez. Et la recommandation n° 5,
ce que vous proposez, j'essaie juste de voir, dans le fond, si vous êtes d'accord.
C'est ce que le projet de loi propose, mais dans la recommandation n° 5, vous dites qu'il faudrait les inclure aussi, faire le
contingentement dans les cégeps anglophones privés, mais c'est déjà le cas. Peut-être
que je ne la comprends pas.
M. Tremblay (Bernard) : Oui.
Mais en fait, c'est qu'on forme un tout. Quand on regarde donc les collèges
anglophones, on forme tout en tenant compte des collèges publics et des
collèges privés subventionnés. Et donc l'enjeu qui demeure c'est la répartition
entre ces deux groupes-là à l'intérieur du tout. Alors, nous, on
dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et il faut s'assurer que
le réseau privé n'ait pas...
M. Tremblay (Bernard) : …on
regarde donc les collèges anglophones, on forme un tout en tenant compte des
collèges publics et des collèges privés subventionnés. Et donc, l'enjeu qui
demeure, c'est la répartition entre ces deux groupes là à l'intérieur du
tout. Alors, nous, on dit : Bien, il faut privilégier le réseau public et
il faut s'assurer que le réseau privé n'ait pas une proportion plus grande dans
le futur que la proportion qu'il a présentement.
Mme Ghazal : O.K. O.K. Je
comprends. O.K. Et par rapport aux collèges privés, privés privés, là,
c'est-à-dire non subventionnés, est-ce que vous considérez qu'ils contribuent à
l'anglicisation à Montréal? Avec tout ce qu'on a entendu, les étudiants
étrangers.
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
écoutez, c'est sûr que quand on regarde la part des étudiants internationaux au
Québec, dans les établissements d'enseignement, la très grande majorité sont
dans les universités. Dans le cas des cégeps, et ça me donne l'occasion de le
rappeler, dans le cas des cégeps publics, on parle de 85 % de ces
étudiants-là qui sont en région et qui sont issus donc de pays francophones en
très, très grande majorité. Et donc, on ne parle pas, ici, là, de… on parle
souvent des cégeps qui accueillent donc des étudiants internationaux
anglophones, c'est un petit nombre par rapport à l'ensemble des étudiants qu'on
retrouve dans le réseau public, c'est plutôt dans le réseau non subventionné
qu'on retrouve ces étudiants-là.
Mme Ghazal : Donc, vous
n'inclurez pas non plus le contingentement, pour les non subventionnés.
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
les non subventionnés, ils sont dans une autre logique, mais nous, on appelle
quand même à une réflexion globale en tenant compte de ce groupe-là. Mais
effectivement, c'est, un peu, je pense, dans notre angle mort et je pense qu'il
faut le nommer.
Mme Ghazal : Puis, pour
l'épreuve uniforme de français, la FEQ était venue puis nous a dit que c'était
réactionnaire, qu'il ne fallait pas le faire, que ça contribuait peut-être à
l'échec. Vous, ce que vous dites dans votre recommandation, c'est plutôt qu'il
faut un chantier, donc vous trouvez que c'est quand même une bonne idée que les
francophones, allophones qui sont dans les cégeps anglais puissent avoir une
telle maîtrise, c'est une bonne idée, ce n'est pas une bonne idée? Du français?
M. Tremblay (Bernard) : Non,
non, c'est ça. Nous, ce qu'on dit, c'est on pense que, dans ce projet de loi
là, c'est peut-être prématuré, si on n'a pas fait le chantier en question, de déjà
déterminer que ce sera la mesure qu'on va appliquer.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange. Donc, M. le député de Matane-Matapédia,
pour votre temps vous aussi.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue en commission. Donc, je comprends que votre organisation
représente à la fois le collège anglophone Dawson, qui compte
8 000 étudiants, et le cégep de Matane, dans ma circonscription, qui
en compte 800, c'est bien ça?
M. Tremblay (Bernard) : Tout à
fait.
M. Bérubé : Donc, ça implique
des arbitrages, hein, dans les positions. Écoutez, vous vous désolez qu'il n'y
ait pas suffisamment d'appartenance à la société québécoise et au français mais
votre organisation refuse d'en faire plus, c'est-à-dire refuse d'identifier que
la fréquentation du cégep en anglais contribue à cela. Et j'ai quelques
statistiques pour vous.
• (10 h 30) •
Nous, on est d'avis que la fréquentation
des cégeps en anglais est étroitement liée à l'anglicisation de la langue
d'usage publique, de la langue de travail, de la langue de consommation
culturelle : 4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent
principalement le français à la maison comparativement à 35,1 % des
allophones inscrits au cégep français, 72,9 % des francophones inscrits au
cégep anglais utilisent…
10 h 30 (version non révisée)
M.
Bérubé
:
...anglicisation de la langue d'usage public, de la langue de travail, la
langue de consommation culturelle. 4,4 % des allophones inscrits au cégep
anglais utilisent principalement le français à la maison, comparativement à
35,1 % des allophones inscrits au cégep français. 72,9 % des francophones
inscrits au cégep anglais utilisent principalement le français à la maison,
comparativement à 99 % de ceux inscrits au cégep français.
Quand je vous livre ces chiffres-là et que
je soumets humblement que de poursuivre son cursus scolaire, ça a un impact sur
la socialisation, sur l'orientation professionnelle, sur la langue d'usage,
c'est n'est pas un enjeu qui vous touche, vous préférez le libre choix pour
l'ensemble de vos membres, quels qu'ils soient?
M. Tremblay (Bernard) : On
aurait... comment dire, on a clairement affirmé notre préoccupation pour la
vitalité du français, on est clairement sensibles, évidemment, à des chiffres
comme ceux-là, qui, bon, évidemment, pourraient être questionnés. Mais au-delà
de ça, la conviction que nous avons, c'est que quand on arrive avec des jeunes
adultes et qu'ils ont ce souhait-là, travaillons plutôt pour leur montrer l'importance,
évidemment, du français, et travaillons surtout pour qu'ils ne se sentent pas
obligés d'apprendre l'anglais pour travailler. Alors, si l'enjeu, c'est le
milieu de travail, bien agissons sur le milieu de travail. Si l'enjeu, c'est
qu'à l'université, même à l'UQAM, tu dois... tu as des livres de référence qui
sont en anglais, bien, travaillons là-dessus.
M.
Bérubé
: On
est en profond désaccord, parce que ce n'est pas à l'État québécois, qui vous
finance, à subventionner l'assimilation québécoise. Et ça, je sais que vous le
comprenez, mais je sais qui vous représentez, et vous ne pourriez pas arriver
avec une proposition autre. Alors, vous avez une responsabilité, lorsque vous
êtes financé par le public, de s'assurer d'une cohérence. Et les chiffres que
je vous soumets indiquent clairement que ça contribue à une socialisation.
Je vous soumets d'autres chiffres. Depuis
1995, la part des étudiants collégiaux qui fréquentent les cégeps en anglais et
leur pendant privé subventionné, c'est passé de 14,9% à 19 %, progression
du quart. Alors, quand le ministre propose de contingenter, ce n'est pas
suffisant. Vous vous réjouissez de cette modération, mais ce n'est pas
suffisant pour renverser le déclin. Alors, je vous soumets ça bien humblement,
il me semble que... je n'avais pas énormément d'attentes, compte tenu des
arbitrages que vous avez à faire, mais vous passez complètement à côté.
M. Tremblay (Bernard) : Bien,
moi, je me permettrai aussi de vous soumettre humblement le fait que...
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange, malheureusement. Désolée. Donc, merci pour
votre passage en commission parlementaire. Nous allons suspendre quelques
instants pour permettre au prochain groupe de prendre place. Merci.
(Suspension de la séance à 10 h 32)
(Reprise à 10 h 37)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous allons poursuivre nos travaux. Et nous
recevons ce matin le Pr Daniel Turp, qui est professeur émérite à l'Université
de Montréal, mais qui est aussi l'ancien député de de Mercier avec qui j'ai eu
le plaisir de siéger au tout début de mon arrivée ici. Donc, bienvenue à l'Assemblée
nationale. On a deux députés de Mercier, la semaine passée, c'était deux
députés de Chapleau, deux professeurs qui viennent parler avec nous également
du projet de loi. Donc, ça fait toujours plaisir de voir des anciens collègues
participer à la vie démocratique encore en exprimant des opinions. Donc,
bienvenue à l'Assemblée, ex-collègue. La parole est à vous. Vous avez
10 minutes pour faire votre exposé et vous savez que, comme présidente, je
vais tenir le temps comme vous le faisiez à l'époque où vous étiez là.
M. Turp (Daniel) : Je compte
sur vous, Mme la Présidente, pour m'arrêter quand il faudra m'arrêter, et je
sais qu'il y aura des questions, des échanges qui permettront d'aller un peu
plus loin. J'ai déposé un mémoire il y a quelques heures et que vous aurez peut-être
l'occasion de voir ou que vous avez déjà vu.
Mmes et MM. membres de la Commission de la
culture et de l'éducation, j'aimerais d'abord saluer votre présidente, la députée
d'Anjou—Louis-Riel, avec laquelle j'ai eu le plaisir de siéger pendant
plusieurs années en cette Assemblée nationale, et que je félicite d'avoir été,
et qui sera jusqu'à la dissolution de la présente législature, si j'ai bien
compris, et pour reprendre le serment qu'elle a prononcé en conformité avec la
Loi sur l'Assemblée nationale, comme vous et moi l'avons fait à quelques
reprises, loyale envers le peuple du Québec et qui a exercé, exercera pour une
année encore, moins quelques jours, ses fonctions avec, et je cite encore cette
Loi de l'Assemblée nationale, «avec honnêteté et justice dans le respect...
M. Turp (Daniel) : …l'avons
fait à quelques reprises, loyale envers le peuple du Québec, et qui a exercé,
exercera pour une année encore, moins quelques jours, ses fonctions, et je cite
encore cette loi de l'Assemblée nationale : «avec honnêtement et justice
dans le respect de la constitution du Québec.» Et c'est donc de cette
constitution du Québec dont j'aimerais vous parler aujourd'hui, en commentant
l'article 159 du projet de loi sur la langue officielle et commune, le
français, le projet de loi n° 96, qui fait l'objet des présentes
consultations particulières.
• (10 h 40) •
Je vais présenter les observations sur la
validité constitutionnelle de l'enchâssement du statut de nation québécoise,
dont la Loi constitutionnelle, en premier lieu. Et je me pencherai ensuite sur
la portée concrète d'un tel enchâssement. Et, si le temps me le permet, en
conclusion, je proposerai quelques ajouts à cet article 159, suggérer que
le temps est venu de légiférer pour que le français devienne la langue normale
et habituelle de l'enseignement collégial. Et argurer, enfin, pour que les
langues autochtones soient reconnues comme les langues premières du Québec.
Alors, j'espère que j'aurai le temps de passer à ces trois dernières questions.
Si ce n'est pas le cas, bien, vous aurez l'occasion peut-être de poser des questions
à ce sujet-là.
Mais sur la validité constitutionnelle de
l'enchâssement du statut de nation québécoise dans la Loi constitutionnelle de
1867, cette question fait, vous le constatez, l'objet de vifs débats. J'ai
rendu publique, ce matin, une note de recherche de l'IRAI, de l'institut de
recherche sur l'autodétermination du Québec, les indépendances nationales, où
je fais avec Maxime Laporte une étude vraiment très poussée de cette question
de la validité constitutionnelle de cet enchâssement du statut de nation
québécoise et du statut de langue officielle et commune du français au Québec.
Et il y a un certain nombre de questions auxquelles nous répondons, s'agissant
de cette validité, mais il y a une question que je veux aborder
particulièrement avec vous, qui est celle où on doit se poser la question s'il
y a des limites à amender la constitution provinciale, qui est incluse dans le
chapitre V de la Loi constitutionnelle de 1867. C'est une question qui a été
abordée dans une grande décision de la Cour suprême du Canada, dans l'affaire
SEFPO et Ontario, Procureur général, où on a exprimé un certain nombre de
limites. On a rappelé qu'on ne peut pas modifier la charge de lieutenant-gouverneur.
On a laissé entendre qu'on ne pouvait pas non plus modifier des articles
relatifs à l'usage du français ou de l'anglais dans une province.
Et c'est cette dernière question là qui
fait l'objet vraiment de débats. Et, à ce sujet-là, ma position, en ce qui me
concerne, veut que les deux articles, 90Q.1, 90Q.2, n'affecteront pas
l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867…
M. Turp (Daniel) : …là, qui
fait l'objet vraiment de débats. Et à ce sujet-là, ma position, en ce qui me
concerne, veut que les deux articles, 90Q.1, 90Q.2, n'affecteront pas l'article
133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et ne porteront pas atteinte à la
constitutionnalité de ces articles.
À mon avis, on ne pourrait pas conclure
dans ce sens, même quand on lit l'affaire Procureur général du Québec c.
Blaikie, parce que le projet de loi n° 96 a été conçu comme ne portant pas
atteinte à l'article 33. Et donc on ne peut pas prétendre que ces deux
déclarations qu'on retrouverait dans les articles 90Q.1, 90Q.2 portent
atteintes à l'article 133. Le ministre, de toute évidence, a voulu préserver
l'intégrité de l'article 33, 133 en présentant les dispositions du projet de
loi n° 96.
Il y a une autre limite qui a été énoncée
par la Cour suprême dans l'affaire SEFPO, c'est celui qu'on ne pourrait pas
faire des bouleversements constitutionnels majeurs en adoptant des modifications
à la constitution provinciale du Québec. On ne pourrait pas, par exemple,
introduire des institutions politiques étrangères et incompatibles avec le système
canadien, nous dit la Cour suprême.
Mais là, et encore une fois, avec égard
pour l'opinion contraire, puis il y en a eu, écoutez, les dispositions portant
sur la nation québécoise et la langue française ne créent pas des
bouleversements majeurs et ne créent pas de bouleversements majeurs, parce que
la Chambre des communes du Canada, elle-même, reconnut l'existence de la nation
québécoise dans une motion. Et la Chambre des communes a récemment, à
l'instigation du Bloc québécois, reconnut, je vous le rappelle, à 281 voix
contre deux, une motion convenant que l'article 45 confère au Québec et
aux provinces la compétence de modifier sa constitution dans le cas du Québec,
et d'y inclure que «les Québécois forment une nation», que «le français est la
seule langue officielle du Québec» et «qu'il est aussi la langue commune de la
nation québécoise», reprenant en cela le libellé même des articles 90Q.1 et Q.2
qu'on veut inclure dans la Loi constitutionnelle de 1867.
Alors donc on peut difficilement prétendre
que c'est des bouleversements majeurs. Quant à la Chambre des communes
elle-même, on a reconnu l'existence de la nation québécoise et qu'on a reconnu
le français comme étant la seule langue officielle du Québec.
Mais là après la validité, l'importance,
c'est d'essayer de voir qu'elle est la portée concrète du statut de «nation
québécoise» dans la Loi constitutionnelle de 1867. Je vous en dis quelques
mots, vous pourrez lire tout ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire.
Mais à mon avis, et contrairement par exemple à Benoît Pelletier, mon collègue
l'ancien député de Chapleau, moi, je ne crois pas que ç'a des effets seulement…
M. Turp (Daniel) : …la Loi
constitutionnelle de 1867, je vous en dis quelques mots, vous pourrez lire tout
ce que je dis dans les arguments dans mon mémoire. Mais à mon avis, et
contrairement par exemple à Benoît Pelletier, mon collègue l'ancien député de Chapleau,
moi, je ne crois pas que ça a des effets seulement symboliques, en tout cas, je
ne sais pas ce que Benoît vous a dit mais il a écrit qu'il croyait qu'il
s'agissait essentiellement des effets symboliques. Moi, je crois, et on pourra
en discuter davantage, que ces deux articles là vont avoir une suprématie
législative. Quand on lit ensemble, tu sais, l'article 52, l'annexe, la
Loi constitutionnelle de 1867 faisant partie de cette annexe, il est évident
que ces deux nouveaux articles vont avoir une suprématie législative et
que, donc, on pourra, sur la base de ces articles même déclarer inopérantes des
règles de droit qui sont contraires au statut de nation québécoise ou qui sont
contraires à l'idée que le Québec ou que la langue française est la langue
officielle et commune du Québec.
Et ce n'est pas rien, si cette
interprétation est retenue, je pense qu'elle est bonne, parce que par exemple,
et ce serait à mon avis la chose la plus majeure que constitueraient ces deux
modifications constitutionnelles, bien, on ne pourrait pas, on ne pourrait plus
vouloir que le Québec soit une province bilingue, on ne pourrait plus faire en
sorte qu'une des langues officielles du Québec serait l'anglais. Et là, pour
l'avenir, ça nous protège contre les gouvernements ou des parlements qui
voudraient bilinguiser le Québec parce que si l'on faisait cela, ce serait
inconstitutionnel, ce serait contraire à un article de la Loi constitutionnelle
de 1867 qui enchâsse et qui donne une suprématie législative à cet article-là.
Il y a d'autres effets très concrets.
D'ailleurs, M. le ministre, vous avez dit, vous, que vous croyez que ça
avait des effets concrets, que ce n'est pas seulement symbolique, je le crois
aussi. Parce que, lorsqu'il s'agira d'interpréter le partage des compétences
législatives, lorsqu'il s'agira d'interpréter le contenu par exemple des droits
et libertés de la charte canadienne, lorsqu'il s'agira d'appliquer la clause de
limitation de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés,
les deux articles 90Q.1 et 90Q.2 pourront jouer un rôle significatif dans
l'interprétation du contenu des lois constitutionnelles et l'interprétation ou
l'application de la clause de limitation de l'article premier de la charte
canadienne.
Alors, en conclusion, puisqu'il me reste
1 minute, Mme la Présidente, je suggère de faire quelques ajouts,
M. le ministre, MM. et Mmes les députés. Moi, j'aimerais bien qu'on réfère
au droit à l'autodétermination du Québec dans un article 90Q.1, paragraphe
2°. Je pense qu'il serait utile, comme l'a suggéré Guillaume Rousseau,
d'ajouter un article 80Q.3 qui affirme le fait que le Québec, que l'État
du Québec est laïque, et pourquoi ne pas enchâsser dans la Constitution du
Canada le fait que Québec soit la capitale nationale du Québec puisqu'on y
parlera de la nation québécoise.
J'ai un développement…
M. Turp (Daniel) :
...comme l'a suggéré Guillaume Rousseau, d'ajouter un article 83 qui
affirme le fait que le Québec... que l'État du Québec laïc et pourquoi pas
enchâsser, dans la Constitution du Canada, le fait que Québec soit la capitale nationale
du Québec puisqu'on y parlera de la nation québécoise.
J'ai un développement sur les collèges. Je
répondrai volontiers à vos questions là-dessus, mais je me permets de
terminer... on parle beaucoup et avec raison de la situation des nations
autochtones, et je crois que le Québec est mûr pour dire qu'au Québec il y a la
langue officielle et commune qui est le français, mais qu'on devrait
reconnaitre l'importance des langues autochtones et les qualifier de langues
premières. Et je crois que ça a été une proposition qui a été faite à Ottawa,
qu'on n'a pas retenue, un jour, et on devrait la retenir ici au Québec.
Alors, je suis très content d'avoir été
là, Mme la Présidente, dans la salle Pauline-Marois qui un jour, quand elle
était cheffe, m'a même permis de déposer, dans cette Assemblée, un projet de
constitution québécoise, le projet de loi n° 196, en 2007, parce que je
rêve toujours du jour où le Québec aura sa propre constitution. Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Merci, M. Turp. Donc, sans plus
tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. M. Turp, bonjour, merci d'être présent en
commission parlementaire.
Écoutez, quelques questions un petit peu
plus techniques pour commencer parce qu'on a eu quelques constitutionnalistes
qui sont venus avant vous témoigner, et du même avis que vous. Il y a le
Pr Taillon de l'Université Laval, le Pr Rousseau de l'Université de Sherbrooke,
le Pr Pelletier également de l'Université d'Ottawa qui sont d'accord avec
le fait qu'il est permis, il est légal de modifier la Constitution du Québec en
vertu de la formule d'amendement qui est prévue à l'article 45 de Loi
constitutionnelle de 1982, mais qui se retrouvait à l'article 91, je
crois, de la Loi constitutionnelle de 1867. Donc, à l'époque, c'était permis,
dès le départ, dès 1867, de modifier la Constitution du Québec.
Le Pr Leclair, la semaine dernière,
qui était de l'Université de Montréal, pour lui, ce n'est pas possible de faire
ça, puis tout ça. Mais je comprends que le courant majoritaire des
constitutionnalistes au Québec, c'est le fait de dire que c'est possible de
procéder de la façon dont nous procédons. Et même Justice Canada, par le biais
du ministre de la Justice fédéral Lametti, a reconnu ça. Donc, vous êtes
d'accord avec moi que c'est légal et c'est permis de fonctionner de la façon
dont on fonctionne.
• (10 h 50) •
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. J'ai lu les objections de mon collègue Jean Leclair, là. Était-il
votre professeur? Moi, je ne l'ai pas été. Je n'ai pas eu le plaisir d'avoir
été votre professeur à l'Université de Montréal. Ce n'est pas très convaincant.
Et même André Binette, hein, vous avez vu, vous l'avez entendu même
André Binette, je n'ai pas très bien compris parce que c'est tellement
évident qu'on peut modifier cette constitution provinciale que... Il y a aussi
Maxime St-Hilaire, mon collègue de l'Université de Sherbrooke, qui a fait
une argumentation de nature un peu textuelle. Mais si le ministre de la Justice
d'Ottawa et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on
devrait les croire.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Juste pratico-pratique, là, la formule d'amendement, 41, 42, 43, 44...
M. Turp (Daniel) : ...fait une
argumentation de nature un peu textuelle. Mais si le ministre de la Justice d'Ottawa
et le premier ministre Trudeau affirment que cela est possible, on devrait les
croire.
M. Jolin-Barrette : Juste
pratico-pratique, là, la formule d'amendement, 41, 42, 43, 44, 45, dans la Loi constitutionnelle
de 1982, lorsque le législateur fédéral, le constituant fédéral décide de faire
ça, en 1982, il vient mettre concrètement une disposition qui vient dire :
Les provinces peuvent modifier leur Constitution. Donc, généralement, en droit,
là, lorsque le législateur ou le constituant écrit quelque chose, on se fie au
texte. La base première pour interpréter un texte, pour dire ce qu'il est
possible de faire ou non, dans notre droit, c'est ce qui est écrit, ce n'est
pas ce que les professeurs d'université, par la suite, viennent dire : Ah!
bien, cette formule-là, elle est écrite, mais ce n'est pas ça qu'il faut
regarder, il faut regarder tout le reste. La base première, en droit,
normalement, c'est le texte écrit.
M. Turp (Daniel) : Bien sûr.
Puis c'est son interprétation. Les publicistes ont le droit de contribuer à
l'interprétation d'un texte. Mais dans ce cas-ci, vraiment, je voudrais essayer
de comprendre et d'être convaincu par l'argumentation des collègues qui
laissent entendre qu'on ne peut pas vraiment ajouter ce que vous voulez
ajouter, mais je ne suis pas convaincu du tout, parce qu'il y a cette
combinaison de la lecture de l'article 52, le paragraphe deux, là, tu sais, qui
dit que la Loi constitutionnelle de 1867 fait partie de la Constitution du
Canada. Cette Constitution du Canada permet aux provinces de modifier leurs
propres Constitutions, et la constitution provinciale du Québec est dans le chapitre
V de la Loi constitutionnelle de 1867.
Donc, on peut modifier, on peut changer,
on peut le faire de façon implicite, comme on l'a fait pour le conseil
législatif et le nom de cette Assemblée, et on peut le faire de façon
explicite. C'est ça, peut-être, qui dérange, là, parce que c'est la première
fois qu'on le fait de façon explicite et qu'on invoque ce pouvoir de l'article
45 pour ajouter quelque chose dans notre propre Constitution, qui est dans la
Constitution du Canada.
M. Jolin-Barrette : Hum-hum.
Et vous avez commencé votre allocution en faisant référence à la députée
d'Anjou—Louis-Riel, qui a prêté son serment, et que nous avons prêté, et qui
fait référence à la constitution du Québec. Et donc la constitution du Québec,
elle existe, en soi, actuellement. Elle n'est pas écrite, elle n'est pas
regroupée dans un... elle n'est pas codifiée dans... qu'un seul document, mais
il y a une partie de la constitution du Québec qui existe. Elle se retrouve en
partie dans la Loi constitutionnelle de 1867, mais elle se retrouve aussi dans
les lois de l'Assemblée nationale. Donc, vous, ce que vous proposez, c'est de
mettre tout ça ensemble, de se doter d'une Constitution. Et même, cette
constitution-là pourrait être inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1867
par le biais de l'article 45 et se retrouver aux articles 90 et suivants.
M. Turp (Daniel) : Oui. On
pourrait faire ce choix-là. Peut-être ce n'est pas le choix que je ferais, moi,
de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée nationale qui
s'appellerait «constitution québécoise» dans la Loi constitutionnelle de 1867,
d'autant qu'il y a d'autres...
M. Jolin-Barrette : ...la Loi
constitutionnelle de 1867 par le biais de l'article 45 et se retrouver aux
articles 90 et suivants.
M. Turp (Daniel) : Oui, on
pourrait faire ce choix-là. Puis peut-être ce n'est pas le choix que je ferais,
moi, de vraiment, tu sais, importer ou exporter une loi de l'Assemblée
nationale qui s'appellerait «constitution québécoise» dans la Loi constitutionnelle
de 1867, d'autant qu'il y a d'autres lois constitutionnelles canadiennes, là,
mais on pourrait en principe le faire.
Et, vous savez, juste une petite anecdote
amusante, dans la Loi sur l'Assemblée nationale, l'annexe, le serment qu'on a
fait, mentionne la constitution du Québec avec un petit c minuscule. Puis, un
jour, il y a un citoyen qui a fait une demande d'accès à l'information puis il
voulait voir la constitution du Québec. Et la Commission d'accès à
l'information a dû lui trouver une réponse puis elle lui a dit : Écoutez,
la constitution du Québec à laquelle il est fait référence dans la Loi sur l'Assemblée
nationale, c'est la constitution matérielle du Québec.
Et, comme vous l'avez dit, M. le ministre,
c'est des dispositions de certaines lois qui sont de nature constitutionnelle,
comme notre charte des droits et libertés, qui est même quasi
constitutionnelle, la Loi sur la laïcité de l'État maintenant qui est quasi
constitutionnelle, la Charte de la langue française qui sera quasi
constitutionnelle, si vous adoptez le projet de loi n° 96, mais des règles
de common law, des conventions constitutionnelles, et ce qui est dans la
partie 5 de la Loi constitutionnelle de 1867 qui concerne le Québec. Tout
ça, c'est la constitution, avec un petit c minuscule, matérielle du Québec.
Moi, je voudrais qu'on ait une constitution formelle.
M. Jolin-Barrette : O.K.,
c'est bien noté. Je fais un petit détour, avant de revenir à l'article 159
de la loi, par les dispositions de souveraineté parlementaire ou les
dispositions dites de dérogation que nous utilisons dans le projet de loi
n° 96. Quelle est votre opinion sur le fait que le législateur québécois
met dans le projet de loi n° 96 des dispositions de souveraineté parlementaire?
M. Turp (Daniel) : Moi, je
suis d'accord, parce que c'est un exercice de souveraineté parlementaire qui a
comme but, à la lumière de l'histoire, de l'histoire aussi judiciaire du Canada
et où la Cour suprême du Canada a vraiment décidé de mettre à l'écart ce que
l'on considère comme étant des droits collectifs de la nation québécoise, de
décider des choses comme faire du français la langue officielle et commune du
Québec ou choisir que le Québec soit un État laïc.
La souveraineté parlementaire finalement
donne le dernier mot, vous donne le dernier mot, donne le dernier mot à ce
Parlement, et inclure une clause de dérogation, comme cela est permis, qui est
presque une condition d'existence de la fédération telle qu'elle a été
repensée, reconçue en 1982, c'est un exercice tout à fait légitime. Et moi, ce
qui me fait toujours peur lorsqu'on ne met pas de clause de dérogation, c'est
la façon dont neuf juges de la Cour suprême, dont six qui ne sont pas du
Québec, vont décider autre chose et des choses très différentes de ce que
voulait décider notre Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette : Et
lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire
vos propos...
M. Turp (Daniel) : …lorsqu'on
ne met pas de clause de dérogation, c'est la façon dont neuf juges de la Cour
suprême, dont six qui ne sont pas du Québec, vont décider autre chose et des
choses très différentes de ce que voulait décider notre Assemblée nationale.
M. Jolin-Barrette : Et,
lorsque vous faites référence à notre Assemblée nationale, pour bien traduire
vos propos, quelle est l'importance, dans certains dossiers fondamentaux pour
la nation québécoise, qu'il revienne aux élus de la nation, qui ont été élus
par des élections, qui ont une légitimité démocratique, de décider quels seront
les paramètres relatifs à la nation québécoise?
M. Turp (Daniel) : Écoutez, je
crois que notre Assemblée nationale est formée dans le temps par un certain
nombre de députés, d'un parti, de plusieurs partis qui peuvent ensemble décider
d'exercer leur souveraineté parlementaire. Et, si on décide que cette
souveraineté n'a pas été exercée de façon correcte, légitime, il y a une autre
élection, il y a quelque chose qui va permettre à un peuple de sanctionner un
Parlement qui aura peut-être, selon certains, abusé de son utilisation du
pouvoir de dérogation qui est inscrit dans notre constitution. Moi, je ne suis
pas gêné de l'idée d'utiliser la clause de dérogation quand il s'agit d'assurer
un équilibre entre les droits collectifs de la nation québécoise et les droits
individuels des citoyens et citoyennes du Québec.
M. Jolin-Barrette : … cette
question-là, pour vous, ça existe, les droits collectifs?
M. Turp (Daniel) : Bien sûr.
Mais, au premier chef, le droit du peuple québécois à disposer de lui-même
enchâssé dans l'article premier, dans la Loi sur l'exercice des droits
fondamentaux et des prérogatives
du peuple québécois et de l'État du Québec, que
j'aimerais d'ailleurs inclure dans votre article 159.
M. Jolin-Barrette : Pourquoi
est-ce qu'on reçoit beaucoup de critiques ou pourquoi il y a beaucoup de gens,
notamment dans le milieu juridique, qui disent… qui nient l'existence des
droits collectifs de la nation québécoise? Pourquoi ce ne sont que les droits
individuels qui sont valorisés dans notre système judiciaire, dans notre
système politique, depuis 1982?
M. Turp (Daniel) : Je pense
que… on est à une ère de prérogative des droits individuels. On semble ne jurer
que par les droits individuels, alors que, vous savez quand on a des débats sur
le droit à l'autodétermination, on dit que ce droit est tellement important
parce que c'est par ce droit collectif qu'on va assurer le respect des droits
individuels. Si on ne respecte pas les peuples, on ne peut pas respecter les
individus qui appartiennent à ces peuples.
• (11 heures) •
Mais, non, ce n'est pas à la mode de… les
droits collectifs. Les droits individuels le sont, mais c'est tellement
complémentaire. Et moi, je trouve, là, vous avez eu des débats là-dessus,
qu'une nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que si
elle respecte par ailleurs les droits individuels ou les droits collectifs des
minorités, de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations
autochtones du Québec. Et je crois que là-dessus, même…
11 h (version non révisée)
M. Turp (Daniel) : ...qu'une
nation qui exerce son droit collectif ne sera fière d'elle-même que si elle
respecte, par ailleurs, les droits individuels ou les droits collectifs des
minorités, de la minorité nationale anglophone au Québec et des nations autochtones
du Québec. Et je crois que là-dessus, même si le Québec n'a pas un dossier
parfait, le Québec est quand même un exemple au monde de respect des droits des
minorités et même des droits collectifs des nations autochtones, bien qu'on
pourrait en faire bien davantage pour respecter de tels droits.
M. Jolin-Barrette : Et en
termes de droit international, là, est-ce qu'on considère que dans d'autres
États... parce qu'on parle beaucoup du Québec, puis les droits de la nation québécoise,
puis parfois c'est contesté, par rapport aux droits individuels, mais dans les
autres États dans le monde, est-ce que les nations sont titulaires de droits
collectifs? Comment ça s'opérationnalise dans les autres États? Il y a-tu juste
au Québec où c'est contesté? Est-ce qu'il y a d'autres États dans le monde qui
affirment les droits collectifs de leurs nations respectives?
M. Turp (Daniel) : Cette bonne
question, on y répond. Maxime Laporte et moi, on a fait une étude, vous allez
voir, il y a même une archéologie juridique de la nation québécoise et du
peuple québécois. On est allé examiner, dans toutes les dispositions législatives
adoptées depuis la Conquête, les références aux mots «peuple québécois» et aux
mots «nation québécoise». Et il y a un chapitre aussi qui porte sur la reconnaissance
des nations et peuples en droit constitutionnel comparé. Et on a constaté qu'il
y a un certain nombre de constitutions nationales qui reconnaissent des
nations, qui reconnaissent des peuples, qui reconnaissent des droits collectifs
à des peuples. Ce n'est pas aussi important qu'on le croyait, en termes de
reconnaissance, mais il y en a.
Et là le débat, c'est de mettre un droit
collectif dans la Constitution du Canada, parce que, même si on n'ajoutait pas
la disposition sur le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes... la nation
québécoise a le droit ou est titulaire du droit à disposer d'elle-même, je
pense que la référence à la nation, dans 90-Q1, comporte implicitement la
question du fait que le Québec est titulaire de son droit à disposer de
lui-même. Qu'il s'est battu pour faire reconnaître, que lui a reconnu la Cour
suprême du Canada dans son Renvoi sur la sécession. Et je vous rappelle aussi
que, récemment, le 9 avril 2021, la Cour d'appel du Québec a consacré la
validité constitutionnelle du droit du peuple québécois à disposer de lui-même,
ce qui est vraiment quelque chose d'assez important.
M. Jolin-Barrette : Peut-être
une dernière question avant de céder la parole, rapidement. Je reviens à
l'article 159 du projet de loi, avec les dispositions de 90-Q1, 90-Q2. Donc,
pour vous, ça va avoir de véritables effets juridiques, ces dispositions-là, le
fait de les inscrire dans la Constitution.
M. Turp (Daniel) : Tout à fait.
Et des effets importants. Et je crois que c'est vrai que c'est les tribunaux
qui vont décider des effets qui vont leur être donnés, mais n'oubliez pas
qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement qui va
vouloir donner des effets. Et un jour, si on conteste...
M. Turp (Daniel) : …tout à fait.
Et est des effets importants. Et je crois que c'est vrai que c'est les
tribunaux qu'ils vont décider des effets qu'ils vont leur être donnés, mais
n'oubliez pas qu'avant les tribunaux il y a le Parlement puis il y a le gouvernement
qui va vouloir donner des effets. Et un jour, si on conteste ces
dispositions-là, bien là, les tribunaux vont trancher. Mais un tribunal qui
veut respecter la constitution, tel qu'elle sera amendée, devra donner des
effets à ces dispositions-là. C'est des déclarations, des dispositions
déclaratoires qui vont avoir une importance majeure et un effet sur la Constitution
du Canada.
C'est pour cela qu'en définitive j'appuie
ce projet parce qu'il va nous amener ailleurs, il va nous faire avancer au plan
constitutionnel, pas avancer là où je veux nécessairement, parce que, moi, je
suis encore un indépendantiste qui veut une constitution québécoise d'un État
indépendant un jour, mais je crois que ce projet de loi fait avancer de façon
significative le Québec.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, pour le prochain intervenant, ce sera le député de Sainte-Rose, et
vous avez aussi deux minutes avant la fin de l'échange.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue. Mes questions vont être assez brèves et en succession.
Je reçois beaucoup de feed-back de la communauté d'expression anglais pour
laquelle je suis le porte-parole pour le gouvernement du Québec, et j'aimerais
vous entendre, vous n'avez parlé un peu dans votre introduction pour dire que
la section 133 s'applique toujours, et donc il n'y a pas de droit, là, qui sont
perdu pour la communauté, l'historique de la communauté anglaise, j'aimerais
vous entendre un peu plus sur la manière que le projet de loi n° 96 va
avoir un impact sur, mettons, la façon qu'on donne les soins de santé aux
anglophones ou l'accès à la justice des anglophones, tel que s'est écrit
actuellement.
M. Turp (Daniel) : Bien,
écoutez, l'article 133, il faut bien le lire, là, c'est la langue de la
législation et de la justice et la langue devant les tribunaux. Le projet de
loi, lorsqu'il s'agit de la langue de la législation et de la justice, la
langue devant les tribunaux, est tout à fait conforme à l'article 133. On ne
porte pas atteinte à cet article-là. Il ne peut pas être lu, le projet de loi,
comme portant atteinte à l'article 133.
Sur les autres droits des personnes
appartenant à la communauté d'expression anglaise du Québec, comme la Charte de
la langue française les désigne d'ailleurs dans le préambule, bien là, c'est
une question aussi d'interprétation de la portée des nouvelles dispositions de
la loi. Moi, je les ai lus et je ne crois pas que ça porte atteinte aux droits
de la communauté anglophone. Je crois que ça consacre des droits qui existaient
et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des droits des
personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du Québec. Ça,
je pense que c'est vrai, je pense que c'est une…
M. Turp (Daniel) : ...droit qui
existait, et ça, peut-être, change un peu la donne lorsqu'il s'agit des droits
des personnes qui ne sont pas de la minorité historique anglophone du Québec.
Ça, je pense que c'est vrai, je pense que c'est un objectif du projet de loi.
La Présidente (Mme Thériault) :
...fin à l'échange, malheureusement. Deux minutes, c'est très rapide. Donc, Mme
la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez sept minutes...
11 min 20 s, pardon.
Mme David : O.K. Merci beaucoup.
Pr Turp, cher collègue de la même université...
M. Turp (Daniel) : Mme la
vice-rectrice.
Mme David : Oui. ...j'ai
l'impression que... je me sens dans un colloque de constitutionnalistes ou dans
deux équipes de hockey. Dans une équipe, il y a vous, Pr Rousseau, tous
des professeurs, Pr Taillon, Pr Pelletier. Dans l'autre — mais
le hockey, c'est plus que quatre, hein, c'est six, mais ce n'est pas grave, une
petite équipe de hockey, quatre d'un bord puis quatre de l'autre — alors
Pr St-Hilaire, que vous avez critiqué, Pr Leclair, Pr Binette,
puis Pr Cyr qui s'en vient cet après-midi.
M. Turp (Daniel) : Oui, c'est
vrai.
Mme David : Vous l'avez
oublié. Donc, pour moi, ça fait quatre contre quatre, donc a deux belles
équipes de constitutionnalistes, comme dans un colloque d'ailleurs. Si on pense
que la politique est rude des fois dans les échanges, il faudrait qu'ils
aillent voir des colloques justement d'intellectuels, qu'ils soient
constitutionnalistes ou psychanalystes comme j'étais ou d'autres, ça peut
frapper très fort. Et donc, moi, je ne vois pas de majorité d'un bord ou de
l'autre, je vois des visions différentes, et c'est normal, et c'est intéressant
dans une société.
Maintenant, moi, je n'ai pas lu votre
mémoire parce qu'il vient d'arriver. Et je ne suis pas une constitutionnaliste,
mais je commence à avoir lu un gros bout là-dessus. Et je constate qu'il y a
donc loin d'une unanimité, il y a presque égalité dans une approche puis une
autre approche par rapport à la question justement, un, de la portée de ce
fameux article 159, sur la question de la réserve de l'article 133,
sous réserve de l'article 133. Certains disent, on le verra cet
après-midi, on l'a vu avec Pr Leclair, on l'a fait avec Pr Pelletier,
bon, ils ont tous des opinions sur l'article 133 en disant... et le
collègue de Laval, Sainte-Rose, enfin, je ne peux pas vous nommer...
Une voix
: ...
Mme David : ...Sainte-Rose, je
suis désolée, allait vers ça. Donc là il faut absolument que vous nous disiez
si ça serait pour vous, parce que je n'ai pas lu votre mémoire donc je n'ai pas
de verbatim, «sous réserve de l'article 33», qu'on pourrait vivre avec la
question justement de l'introduction constitutionnelle de seule la langue
française est la langue officielle du Québec ou le Q-2, là. Alors, certains
disent, et Hugo Cyr complète son mémoire — je ne sais pas si vous
l'avez lu — de cet après-midi — probablement pas parce
qu'il n'est pas encore publié — qu'à la limite, «sous réserve de»
pourrait un peu faire la job, comme on dit, pour peut-être bien protéger. Ça,
c'est ma première question.
M. Turp (Daniel) : Bien,
c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon dans son article avec
M. Cauchon, et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi,
je suis d'avis...
Mme David : …qu'à la limite,
«sous réserve de» pourrait, un peu, faire la job, comme on dit pour peut-être
bien protéger. Ça, c'est ma première question.
M. Turp (Daniel) : Bien,
c'était aussi l'opinion de Patrick Taillon, dans son article avec
M. Cauchon. Et je crois comprendre qu'il a changé de vue là-dessus. Moi,
je suis d'avis que ce n'est pas nécessaire de mettre «sous réserve de
l'article 133», ce n'est pas nécessaire.
Mme David : Est-ce que c'est
parce que c'est tellement limpide, ça? C'est ce que dit Benoît Pelletier :
c'est tellement limpide et implicite qu'on n'a pas besoin de le mettre mais de
le mettre pourrait rassurer les gens qui peuvent être inquiets.
M. Turp (Daniel) : Non, moi,
je ne trouve pas que c'est nécessaire pour rassurer. Et je pense que vos
travaux… et n'oubliez pas, vous êtes les constituants, votre ministre vous a
donné l'occasion, c'est vous qui tranchez, ce n'est pas moi, ce n'est pas Benoît
Pelletier, c'est vous, le constituant maintenant. C'est rare qu'on est le
constituant. Vous êtes un des premiers… assemblée constituante qui amende la
Loi constitutionnelle de 1867. Et à mon avis, un tribunal, même la Cour suprême
n'a pas besoin de ce «sous réserve de l'article 133» pour appliquer
l'article 133, tel qu'il est, sans utiliser les articles, 90Q.2 en
particulier, pour diminuer la portée des droits des personnes appartenant à la
minorité qui leur sont conférés par l'article 133.
• (11 h 10) •
Mme David : Alors, ce sera à
nous de décider si on est rassurants ou pas.
M. Turp (Daniel) : Oui, oui,
je pense que ça vous appartient.
Mme David : O.K., la portée,
maintenant. Là, on revient au débat du 22 mai, La Presse, samedi
matin, j'en parle souvent mais c'était là que j'ai comme vu le «clash», un
autre parce qu'il y en a plusieurs, sur la question du supralégislatif versus
une loi simple. Alors, vous, vous êtes de la théorie… Je pense le ministre
disait : Il va y avoir une grande portée à ça. Et encore Benoît Pelletier
qui acceptait… de répondre aux journalistes, parce que ce n'est pas tous les
professeurs nécessairement qui se commettent comme ça, publiquement, mais il
l'a fait, on doit saluer, qui disait : Non, c'est une loi simple donc les
conséquences ne seront pas très grandes au niveau de la Constitution générale,
etc. Alors, on revient à cette mise en évidence de deux positions, et vous, je
comprends que vous êtes du côté de la suprématie législative, donc du
supralégislatif plutôt que la loi simple.
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. Avec tout le respect que je dois pour Benoît Pelletier et les beaux
souvenirs des débats que j'ai eus avec le député de Chapleau dans cette
Assemblée, et les plus beaux moments en fait de ma vie parlementaire l'ont été
avec Benoît, un constitutionnaliste que je… beaucoup de respect, je ne suis pas
d'accord avec lui sur cette question-là. Parce que ce n'est pas parce que c'est
une loi ordinaire, celle que vous allez adopter aujourd'hui, qu'elle n'a pas de
caractère supralégislatif à cause de la lecture qu'on doit faire de
l'article 52 de l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en
vertu de l'article 45.
Mme David : Oui. Mais une loi
simple, là, c'est que nous, on revient au pouvoir en 2022, là, on peut changer
la loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec, voilà.
M. Turp (Daniel) : Bien sûr et
parce que le pouvoir constituant s'exerce dans ce cas-ci par une loi de
l'Assemblée nationale…
M. Turp (Daniel) : ...de
l'annexe et du pouvoir constituant qui vous appartient en vertu de l'article 45.
Mme David : Oui. Mais une
loi simple, c'est que, nous, on revient pouvoir en 2022, là, on peut changer la
loi parce que c'est une loi simple du gouvernement du Québec.
M. Turp (Daniel) : Bien
sûr.
Mme David : Voilà.
M. Turp (Daniel) : Et parce
que le pouvoir constituant s'exerce, dans ce cas-ci, par une loi de l'Assemblée
nationale.
Mme David : Tout à fait.
Donc, c'est dans ce sens-là qu'elle n'est pas nécessairement supra... elle ne
demande pas le changement constitutionnel non plus du 750 ou de l'unanimité
comme les enjeux du lac Meech.
M. Turp (Daniel) : Non.
Mais parce que, justement, l'exercice de ce pouvoir constituant qui vous
appartient est distinct des autres modes d'amendement constitutionnel.
Mme David : O.K.
M. Turp (Daniel) : Le 750
ou l'unanimité, ou la modification bilatérale. Il vous appartient de modifier
la Constitution, et quand vous la... du Québec, provinciale du Québec, et,
quand vous le faites, vous lui donnez une suprématie législative.
Mme David : Je vais aller
sur la dérogation mur à mur, vous dites que vous êtes d'accord. Ça aussi, ce
sont presque des débats théoriques, droits collectifs, droits individuels. Le
Pr Taillon a dit quelque chose qui était une faille, là, dans la réflexion
ou une entrée intéressante, une réflexion, et il a dit qu'il faudrait exclure
la dérogation pour, entre autres, les fouilles et les saisies, et les perquisitions,
pouvoirs donnés à l'OQLF qui sont en dérogation et sans mandat, donc absolument
rien ne peut venir contester ça. Il a dit : Ça serait probablement
nécessaire pour ça de lever la dérogation. Pourquoi le mur-à-mur? Pourquoi
absolument tout ou rien? On ne peut pas en exclure des bouts qui vraiment
porteraient atteinte aux droits et libertés individuels. Puis là, ce n'est pas
une question anglophone-francophone, là.
M. Turp (Daniel) : Non,
non, non.
Mme David : Le droit des
individus.
M. Turp (Daniel) : Tout à
fait. J'ajouterais que mon collègue Pierre Trudel que j'aime beaucoup et
qu'on lit, hein, deux fois par semaine...
Mme David : Qu'on lit
beaucoup, oui.
M. Turp (Daniel) :
...dans sa chronique, il a aussi suggéré...
Mme David : Mais il n'est
pas venu ici, alors je ne l'ai pas nommé évidemment.
M. Turp (Daniel) :
...suggéré que c'est allé trop loin. Mais, à mon avis, non, on ne va pas trop
loin. Puis je vais vous dire très franchement, là, la raison pour laquelle je
crois qu'on ne doit pas exclure, faire une liste d'articles exclus des chartes
canadienne et québécoise, là. C'est parce qu'à la fin c'est la Cour suprême qui
va décider, et la Cour suprême du Canada peut trouver le moyen de déclarer
inconstitutionnels des articles de cette loi, de la Charte de la langue
française en invoquant d'autres articles de la charte canadienne. Pourquoi
finalement? Pour faire prévaloir, tu sais, que cette idée que le Canada est
bilingue, que le Québec devrait l'être, que le Canada est multiculturel, que le
Québec devrait l'être. C'est la Cour suprême du... qui en définitive détient
cette compétence si on ne la prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une
compétence fondée sur des articles de la charte canadienne.
Mme David : Donc, vous
êtes prêt à… parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas non
plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la Cour
suprême doit être forcément biaisée du côté du multiculturalisme...
M. Turp (Daniel) : …si on ne la
prive pas du pouvoir, tu sais, d'exercer une compétence fondée sur les articles
de la charte canadienne.
Mme David : Donc, vous êtes
prêt à… parce que je connais vos positions, vous ne vous en cachez pas non
plus, bon, puis que la Cour suprême, elle est indépendantiste, puis que la Cour
suprême doit être forcément biaisée du côté du multiculturalisme, etc., juges
nommés par le fédéral. Mais, quand même, vous êtes en train de dire que ça,
doit avoir cet argument-là, primauté sur les droits et libertés individuels en
regard de fouilles, de perquisitions, etc. Que… donc, personne ne pourra
contester, s'il y a fouille excessive.
M. Turp (Daniel) : Oui, on
pourrait le contester sur la base du droit administratif québécois. Il y a des
recours qui sont permis, il y a des demandes de contrôle judiciaire, il y a des
mandamus, il y a des injonctions. Et moi, je ne présume pas que notre
administration publique, appliquant la Charte de la langue française, va abuser
de ses pouvoirs, je ne le présume pas. Et je crois qu'il y a d'autres recours
que de recours constitutionnels fondés sur la charte canadienne qui vont
permettre aux gens de préserver leurs droits.
Mme David : Donc, parce que
vous dites qu'il y a d'autres recours, que vous êtes prêt à brimer les droits
et libertés en disant : Ils vont pouvoir prendre un autre chemin si jamais,
parce que le législateur doit tout prévoir, si jamais il y avait abus. C'est ça
que vous dites? Pas besoin d'avoir...
M. Turp (Daniel) : Non, parce
que moi, je ne permets pas de brimer des droits.
Mme David : Mais c'est ça,
mais tout d'un coup...
M. Turp (Daniel) : Non, non,
je ne permets pas de brimer des droits. Je considère que le dernier mot sur
cette question vous appartient, elle n'appartient pas à neuf juges de la Cour
suprême, d'interpréter la charte d'une façon qui pourra mettre en cause ce que
notre Charte de la langue française dit sur ces questions.
Mme David : Donc, vous nous
recommandez que, pour les articles de fouille, etc., nous trouvions, les
législateurs, un moyen d'éviter les abus et d'éviter que les droits et libertés
soient atteints, c'est ça que vous dites.
M. Turp (Daniel) : Je vous
recommande de constater que notre québécois, notre droit administratif permettra
d'éviter que des abus soient commis sur ces questions de perquisition en application
de la Charte de la langue française.
Mme David : Donc, il va
falloir nous trouver, dans votre sagesse, les articles ou je ne sais pas quoi,
le chemin à parcourir qui est autre que... Parce qu'il n'y a pas de mandat, qui
est une façon, un mandat d'aller chercher est-ce que c'est pour une bonne
raison qu'on fait ça, ou alors, avec la charte des droits et libertés, de
pouvoir porter plainte, de pouvoir... Il va falloir trouver d'autres façons si
le ministre ne bouge pas là-dessus.
Vous avez un point en commun avec
M. Pelletier, vous rêvez d'une constitution du Québec.
M. Turp (Daniel) : Et vous
aussi d'ailleurs, parce que vous avez été rapportée comme disant ça, là,
maintenant. J'étais très content d'ailleurs, Mme la députée de
Marguerite-Bourgeoys, parce que vous savez qui a été un des premiers à proposer
qu'il y ait une constitution québécoise? M. Gérin-Lajoie, le regretté
Gérin-Lajoie, en 1967.
Mme David : Oui, mais demandée
par Jean Lesage...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je vais devoir mettre fin à l'échange. Donc, Mme la députée de Mercier, à
vous de vous adresser à l'ex-député de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et de
vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau, j'ai
une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de Mercier.
M. Turp (Daniel) : Je le sais,
c'est Amir qui avait fait ça.
Mme Ghazal : Oui. Exact...
La Présidente (Mme Thériault) :
...l'échange. Donc, Mme la députée de Mercier, à vous de vous adresser à
l'ex-député de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente, de le souligner. Un grand, grand plaisir de vous rencontrer et de
vous écouter. Puis vous ne savez probablement pas, mais, dans mon bureau, j'ai
une photo de vous, comme j'ai une photo de tous les anciens députés de Mercier.
M. Turp (Daniel) : Je le sais,
c'est Amir qui avait fait ça.
Mme Ghazal : Oui. Exact. J'ai
complété.
M. Turp (Daniel) : Amir, mon
successeur et celui auquel vous... et pour lequel j'ai un grand respect aussi.
Mme Ghazal : Oui. Oui. Et lui
aussi pour vous. Est-ce que... J'ai peu de temps, donc je vais y aller rapidement.
Pensez-vous qu'on peut, avec l'article 45, mettre une disposition pour éliminer
le serment à la Reine? Mon collègue le député de Jean-Lesage avait déposé le projet
de loi n° 192 nous disait que c'était con d'être obligé comme député de
faire ce serment. Je suis sûr que c'était la même chose pour vous. Est-ce que
c'est quelque chose de possible, puis on pourra en profiter pendant... en
travaillant sur le p.l. n° 96?
M. Turp (Daniel) : Je ne
crois pas. Malheureusement je pense qu'on ne peut pas aller là. Et j'aimerais
bien, en effet, qu'on n'ait qu'à prêter ce serment au peuple et à la Constitution
du Québec, mais je crois que c'est.... Ce n'est pas quelque chose qui est visé
par l'article 45, parce que c'est ailleurs dans la Constitution.
Mme Ghazal : Il faudrait
aller ailleurs. Puis là on n'a pas le droit. J'aurais une autre question parce
que vous dites que ces dispositions-là, de dire qu'on est une nation, la langue
française comme une... officielle, c'est supralégislatif. Est-ce qu'on n'est
pas en train de légitimer cette constitution canadienne qu'on n'a pas signée,
de conforter les fédéralistes? Vous êtes toujours souverainistes, j'en suis
convaincue. Est-ce qu'on n'est pas en train de faire ça? J'avais posé la
question aussi à M. le professeur Patrick Taillon, puis j'aimerais vous
entendre là-dessus.
M. Turp (Daniel) : En
tout cas, Benoît Pelletier, mon collègue, l'ancien député de Chapleau, dit dans
son article dans Le Devoir qu'on ne légitime pas la Constitution de
1982. Puis effectivement on ne la légitime pas. Parce qu'on pourrait aussi
dire, parce qu'on ne l'a pas signée, même si elle nous est imposée puis elle
s'applique à nous, tu sais, ce pouvoir était dans l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867. Alors donc, on avait le pouvoir d'une constitution
qui ne nous a pas été imposée de la même façon que la Constitution de 1982. Et
je crois qu'on pourrait même penser qu'il y a une convention constitutionnelle
qui nous permet de nous doter de notre propre constitution, de modifier les
dispositions de la Constitution de 1867, donc, sans reconnaître la légitimité
de la Loi constitutionnelle de 1982.
• (11 h 20) •
Parce que, vous savez, c'est là le
problème. On modifie la Loi constitutionnelle de 1867, mais la Loi
constitutionnelle de 1982 demeure illégitime. Elle nous est imposée. Et ça, il
ne faut jamais oublier de le dire et de le rappeler, au plan historique, cette
condition, nous ne l'avons jamais acceptée quels que soient les gouvernements,
de quelle couleur qu'ils aient été, elle s'applique à nous parce que neuf juges
de la Cour suprême ont décidé qu'elle s'appliquait à nous.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, M. le député de Matane, votre tour.
M.
Bérubé
:
Merci, Mme la Présidente. Je suis heureux à mon tour de retrouver mon ancien
collègue, Me Turp. Cher Daniel, le gouvernement fait le choix politique de
modifier la partie québécoise de la...
M. Turp (Daniel) : ...décidé
qu'elle s'appliquait à nous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, M. le député de Matane, votre tour.
M.
Bérubé
: Merci,
Mme la Présidente. Je suis heureux à mon tour de retrouver mon ancien collègue,
Me Turp, cher Daniel.
Le gouvernement a fait le choix politique
de modifier la partie québécoise de la Constitution canadienne, qu'on n'a
jamais signée, et que j'espère qu'on ne signera jamais, dans les conditions.
Mais je suis indépendantiste, alors peu me chaut ces questions-là. Comme il est
question de la langue ici, est-ce que, selon vous, cette modification aura un
quelconque impact sur le déclin avéré de la langue française au Québec?
M. Turp (Daniel) : Ce n'est
pas l'article en lui-même qui peut avoir ce déclin. C'est les mesures que vous
adopterez. C'est les mesures qui portent sur la langue de l'éducation, la
langue de travail, puis sur l'audace qu'aura cette Assemblée lorsqu'il s'agit
des mesures qui visent à protéger et promouvoir la langue française et trouver
des moyens de mettre fin à ce déclin.
Ce qui me permet, M. le député de Matane,
de vous dire ce que je pense des cégeps. Je vais vous le dire parce que...
M.
Bérubé
:
Bien, allez-y.
M. Turp (Daniel) : ...quand
j'ai quitté cette Assemblée, quand j'ai quitté cette Assemblée en 2008, quand
mon ami Amir Khadir a gagné ses élections de Mercier, et les électeurs m'ont
donné congé, je suis retourné à l'Université de Montréal, je suis retourné dans
ma faculté de droit, dans la faculté de droit du ministre, et j'ai vu quelque
chose, j'ai entendu quelque chose qui me bouleversait, que mes étudiants de ma
faculté de droit parlaient anglais, dans ma faculté, dans les murs de ma faculté,
où on croise sur le mur les photos de Pierre Elliott Trudeau, Bernard Landry et
tous ces anciens premiers ministres qui étaient des diplômés de ma faculté de
droit, où les étudiants francophones parlaient en anglais avec les étudiants
anglophones et allophones.
La langue anglaise est comme devenue une
langue de communication de mes étudiants à la Faculté de droit de l'Université
de Montréal. Et ce n'est pas étranger au fait qu'il y a des étudiants de Dawson
qui débarquent dans ma faculté de droit. Ils me l'ont dit, ils me l'ont dit,
ces étudiants.
M.
Bérubé
:
Bien, Me Turp, c'est des choix politiques, ça aussi, de continuer de
financer un projet libéral, que je trouve aberrant, du financement de Dawson,
que le gouvernement de la CAQ poursuit. Je veux dire, il n'y a pas de
différence entre les deux sur plus que des symboles, sur des choix politiques
de financement, et moi, je le regrette. Et je suis d'avis que le ministre devra
un jour s'expliquer. Pourquoi il est solidaire de ce choix-là de son gouvernement
de faire en sorte qu'un collège de 8 000 étudiants à Montréal
poursuive sa progression, ait des ressources supplémentaires? C'est un choix
politique très fort, et ni le premier ministre ne veut trop l'expliquer ni le
ministre. Et ça, à lui seul, ce choix politique là plombe toute velléité de
faire du français une langue importante et de prestige à Montréal. C'est mon
opinion.
Je ne sais pas s'il vous reste du temps
pour rajouter...
M. Turp (Daniel) : Je vous
laisse faire vos débats avec le ministre, M. le député de Matane. Mais moi,
j'ai rédigé un article très simple...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement...
M. Turp (Daniel) : …qui
remplace les articles 88.0.2 à 88.13…
M.
Bérubé
: Nous
l'avons... Nous l'avons, Me Turp.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement… Malheureusement, collègues…
M. Turp (Daniel) : …parce que
c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en 1977, on
devrait le faire en 2021.
La Présidente (Mme Thériault) :
…je dois mettre fin au débat.
M.
Bérubé
:
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais que vous avez toujours la fougue d'antan...
M. Turp (Daniel) : …mais, moi,
j'ai rédigé un article très simple…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois malheureusement…
M. Turp (Daniel) : …qui
remplace les articles 88.0.2 et 88.13, parce que…
M.
Bérubé
: Nous
l'avons, M. le député, nous l'avons, Me Turp.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement… Malheureusement, collègues…
M. Turp (Daniel) : …parce que
c'est important. M. Rocher vous l'a dit, on aurait dû faire ça en 1977, on
devrait le faire en 2021.
La Présidente (Mme Thériault) :
…je dois mettre fin au débat.
M.
Bérubé
:
Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je reconnais que vous avez toujours la fougue d'antan, M. Turp. Mais, malheureusement,
je dois mettre fin…
M. Turp (Daniel) : Oui. Je ne
vous entendais pas, là, je……
La Présidente (Mme Thériault) :
…au débat. Donc, je vous remercie de votre présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre quelques instants pour permettre à l'autre groupe de
prendre place en visioconférence. Merci.
(Suspension de la séance à 11 h 24)
11 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 11 h 32)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, nous reprenons nos auditions. Et nous
recevons présentement la Fédération des chambres de commerce du Québec. Donc,
M. Milliard, je vais vous demander de vous présenter, présenter les personnes
qui vous accompagnent et de nous présenter votre mémoire. Par la suite, il y
aura des échanges avec les parlementaires. La parole est à vous.
M. Milliard (Charles) :
Excellent. Alors, merci, Mme la Présidente. Donc, je me présente, Charles
Milliard, P.D.G. de la FCCQ. Je suis accompagné d'Alexandre Gagnon, vice-président
travail et capital humain à la fédération. Je vous remercie de nous donner
l'occasion de comparaître devant vous ne serait-ce que virtuellement afin de
commenter, donc, l'important projet de loi n° 60...
96, pardon, qui est assurément une des pièces législatives phare, là, de la
présente session parlementaire et peut-être même de la prochaine, si j'ai bien
compris.
Alors, pour fin de mémoire, la fédération
est un regroupement à la fois, donc...
M. Milliard (Charles) :
...donner l'occasion de comparaître devant vous, ne serait-ce que
virtuellement, afin de commenter, donc, l'important projet de loi n° 60... 96, pardon, qui est assurément une des pièces
législatives phare, là, de la présente session parlementaire et peut-être même
de la prochaine, si j'ai bien compris.
Alors, pour fin de mémoire, la fédération
est un regroupement à la fois, donc, d'une fédération de chambres de commerce,
plus de 130 chambres, 1 200 membres corporatifs qui représentent
plus de 50 000 entreprises partout au Québec.
Nous sommes aujourd'hui ensemble en
octobre 2021 et nous discutons d'un projet de loi à l'Assemblée nationale du
Québec en français. Je pense que quiconque qui s'intéresse un peu à l'histoire
de l'Amérique et du Canada reconnaîtra que ce simple fait, qui peut sembler aujourd'hui
banal, est le fruit d'efforts incommensurables de protection et promotion de
notre langue par les générations qui nous ont précédées.
Tout particulièrement, depuis maintenant
44 ans, depuis 1977, la valorisation de notre capital francophone est
devenue un actif inaliénable et indiscutable qui nous permet d'affirmer notre
identité linguistique partout dans le monde et principalement sur le continent
américain.
Aujourd'hui, le projet de loi n° 96
vient rappeler l'importance de préserver l'usage de notre langue dans les
différents milieux de travail. Et c'est pour cette raison que la fédération,
moi et Alexandre particulièrement ce matin sommes fiers d'appuyer les
objectifs.
Cette position est par ailleurs soutenue
par le réseau de chambres de commerce au Québec ainsi que par les entreprises
qui sont membres de la fédération, qui nous ont indiqué, lors d'un récent coup
de sonde au printemps dernier, leur soutien à 70 %, plus de 70 % au
projet de loi actuel, évidemment, dans les détails qui étaient alors
disponibles.
Je profite d'ailleurs de l'occasion pour
dire que la fédération collabore avec l'OQLF sur plusieurs projets depuis de
nombreuses années et que nous sommes engagés dans une série d'initiatives avec
le ministère des Relations internationales et de la Francophonie pour
promouvoir la francophonie économique, oui, canadienne, qui est importante
aussi, mais aussi internationale. Nous sommes d'ailleurs... Je profite de
l'occasion pour dire que nous sommes heureux de voir que le développement d'une
diplomatie économique francophone forte fait partie des priorités du gouvernement
actuel.
Malgré ce fort appui, il faut quand même
appeler un chat un chat. Certains articles suscitent des inquiétudes et un
certain nombre de non-dits au sein de nos membres qui ont été nombreux à nous
en faire part. Alors, on fait le choix aujourd'hui de porter... d'attirer votre
attention de façon constructive sur quelques éléments précis, qui sont parfois
techniques, mais qui nous apparaissent importants pour assurer le succès du
projet de loi.
Alors, premièrement, je pense qu'on doit absolument
reconnaître tous ensemble que le projet de loi n° 96 créera nécessairement
une hausse du fardeau administratif des entreprises, entre autres dans les
pratiques de ressources humaines. Alors, attention, ici, l'idée n'est pas de
dire que ce fardeau est insurmontable, mais plutôt qu'il s'ajoute à une
multitude d'autres complexités administratives qui sont prévues dans plusieurs
projets de loi adoptés récemment. Je fais un petit coucou ici, entre autres, au
projet de loi n° 59. Certaines mesures du projet de loi gagneraient à être
simplifiées, selon nous, afin de trouver écho dans les pratiques réelles du
marché du travail.
Alors, clairement, pour nous, un devoir,
justement, de clarté s'impose parce que, plus qu'une simple manifestation d'une
volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre dans nos
milieux respectifs.
Par exemple, les modifications proposées à
l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la
définition des fameux «moyens raisonnables» que les entreprises devront prendre
avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que le français. Le caractère
vague de...
M. Milliard (Charles) : …d'une
volonté politique, ce projet de loi doit vraiment pouvoir vivre dans nos
milieux respectifs.
Par exemple, les modifications proposées à
l'article 36 du projet de loi soulèvent d'importantes questions quant à la
définition des fameux moyens raisonnables que les entreprises devront prendre
avant d'exiger la maîtrise d'une langue autre que le français. Le caractère
vague de cet article provoque quand même un certain questionnement chez nos
membres, parce que ceux-ci ne comprennent pas à ce jour comment ils pourront
être convaincus de répondre convenablement aux exigences, notamment comment la
CNESST et l'OQLF prendront en considération les changements fréquents des
opérations d'une même entreprise, mais aussi l'évolution nécessairement
changeante des besoins linguistiques pour un département ou un poste donné.
Alors, conséquemment, nous pressons le gouvernement d'élaborer un guide et de
prévoir un règlement qui va qualifier les moyens explicites et très tangibles
de respecter ces obligations.
Maintenant, quelques commentaires au sujet
des enjeux de contestation. Alors, au niveau de l'article 37, nous tenons à saluer
l'ajout, par le gouvernement, de balises qui concernent les moyens de
contestation en privilégiant notamment le processus de médiation. Cependant,
certaines lacunes de ces processus mériteraient d'être corrigées, selon nous,
afin de rendre une justice plus équitable et plus efficace, particulièrement en
référence à l'article 47.3 qui prévoit la défense des travailleurs non
syndiqués par la CNESST. Alors, notre expérience à la fédération, en lien avec
les contestations relevant des normes du travail, nous amène à proposer que le projet
de loi précise explicitement que la CNESST puisse refuser de représenter un
travailleur dont la cause ne semble pas du tout fondée en fait et en droit.
Également, nous recommandons au gouvernement de prévoir que le Tribunal
administratif du travail puisse rejeter une cause sur dossier lorsqu'une
plainte, encore une fois, est manifestement non fondée en fait et en droit.
Ces ajouts visent simplement à assurer que
les ressources de la CNESST, qui seront d'ailleurs largement utilisées dans les
prochaines années, et du tribunal soient utilisées à bon escient et protègent,
entre autres, les petits entrepreneurs, les petits employeurs de recours qui
peuvent être considérés comme abusifs. De plus, nous vous demandons de porter
attention à la confusion qui est provoquée par l'article 39 du projet de loi,
celui-ci fait fi des processus usuels qui sont proposés par le Code du travail,
quant au devoir, entre autres, de représentation des syndicats. Pour… la
fédération recommande que le projet de loi fasse référence au processus de
règlement qui est prévu au Code du travail, puisque celui-ci est réputé faire
partie de toute convention collective au Québec. Cela permettrait donc de… Vous
m'entendez toujours?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, il y a eu une petite coupure : Cela permettrait donc de…
M. Milliard (Charles) :
…d'assurer une cohérence donc dans les processus de grief et les mécanismes de
protection des travailleurs syndiqués. Je poursuis?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Milliard (Charles) : Ça
va? Parfait. Alors, un autre sujet de préoccupation pour nos membres porte sur
les pouvoirs de l'OQLF et de Francisation Québec, nous nous inquiétons des
conséquences de l'article 80 du projet de loi qui octroie des… aux comités de
francisation. En attribuant ces obligations aux comités, cet article vient
diluer la responsabilité de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et,
selon nous, ne sert personne. Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous
recommandons que l'article 80 du projet…
M. Milliard (Charles) :
…conséquences de l'article 80 du projet de loi qui octroie des… au comité de
francisation. En attribuant ces obligations au comité, cet article vient diluer
la responsabilité de l'employeur, ce qui peut mener à des conflits et, selon
nous, ne sert personne. Alors, afin d'éviter ce genre de situation, nous recommandons
que l'article 80 du projet de loi soit modifié afin de reconnaître le rôle
consultatif du comité de francisation, et vienne ainsi confirmer la
responsabilité finale et aussi, on le reconnaît, l'imputabilité finale de
l'employeur.
• (11 h 40) •
Au sujet des services d'apprentissage du
français et du certificat de francisation, la FCCQ se questionne quant au
manque de balises de l'article 89, cette fois-ci, qui vise la participation
volontaire des entreprises à une offre de Francisation Québec qui demeure, par
ailleurs, un peu floue à ce moment-ci. Alors, nous demandons que le projet de
loi définisse les obligations spécifiques des employeurs, et qu'il soit prévu
que Francisation Québec ait l'obligation d'offrir des formations au moment et
dans les… dans les moyens, pardon, les moins conflictuels avec les opérations
et les aspects financiers de l'entreprise. De plus, nous désirons souligner
l'absence dans le projet de loi de recours légaux pour un processus de
contestation d'un employeur qui se voit refuser ou retirer un certificat de
francisation. Alors, à cette fin, pour pallier à ce qui nous apparaît comme un
manque, nous recommandons de prévoir un processus de contestation, de refus ou
de retrait d'un certificat de francisation à une entreprise.
La dernière partie de notre analyse porte
sur l'obligation de l'administration de communiquer en français, alors je vous
propose de débuter ici par le dossier des personnes immigrantes. Il faut
vraiment se parler aujourd'hui de la limite fixée à six mois pour les services
gouvernementaux offerts aux personnes immigrantes dans une autre langue. Cette
limitation, honnêtement, nous semble problématique et souvent irréaliste,
particulièrement pour les travailleurs étrangers temporaires et les réfugiés.
Les derniers mois ont révélé comment le processus est incroyablement complexe
pour les candidats à l'immigration déjà au Québec, et on pense qu'ils n'ont pas
besoin de cet obstacle supplémentaire selon nous à ce stade-ci. Nous croyons
que le délai devrait plutôt être de deux ans, durée normale de la plupart des
permis de travail temporaire, et aussi une période qui permet une acquisition
de compétences suffisantes en français.
Par ailleurs, nous sommes aussi… dernier
point, nous sommes aussi préoccupés par les contrats de dérivés de gré à gré et
les clauses types, plutôt technique, mais très important, l'article 44 du
projet de loi touche selon nous les fondations mêmes des pratiques
commerciales. À titre d'exemple, les sociétés qui ont recours aux produits dérivés,
tels que des contrats, donc des dérivés de gré à gré, seront grandement
pénalisés par cette disposition. Nous désirons porter à votre attention le fait
que ces contrats sont souvent très volumineux, comprennent des clauses types
qui ont été normalisées pour la plupart, oui, en anglais, afin d'en assurer la
conformité ainsi que l'uniformité dans les pays qui l'utilisent. Alors, il nous
apparaît vraiment contre-productif et très coûteux pour une société qui
entretient des relations commerciales internationales de devoir présenter un
contrat traduit en français dans un premier temps, pour que celui-ci soit par
la suite abandonné afin de maintenir la version normalisée dans une autre
langue que le français, encore une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment,
plusieurs de nos membres recommandent que les modifications apportées à
l'article 44 du projet de loi ne s'appliquent pas à un contrat de gré à gré
dans lequel… potentiel pouvait être librement discuté entre les parties.
En conclusion, nous sommes optimistes que
les présents travaux de la commission…
M. Milliard (Charles) :
...la version normalisée dans une autre dans une autre langue que le français, encore
une fois, qui est souvent l'anglais. Conséquemment, plusieurs de nos membres
recommandent que les modifications apportées à l'article 44 du projet de
loi ne s'appliquent pas à un contrat de gré à gré dans lequel... être librement
discutés entre les parties.
En conclusion, nous sommes optimistes que
les présents travaux de la commission permettront de prendre en considération
les préoccupations de nos membres et qu'on atterrira tous ensemble avec un projet
de loi, comme on le souhaite, qui sera cohérent, agile et pérenne. Alors, ça
sera un plaisir d'échanger avec vous. Merci de votre attention.
La Présidente
(Mme Thériault) : Parfait. Merci, M. Milliard. Je vais vous
demander de nous transmettre vos notes de présentation parce qu'il est arrivé à
quelques reprises où il manquait juste un ou deux petits mots. Donc, pour être
bien sûr qu'on n'a pas manqué l'essence de vos propos, dont vers la fin. Donc,
sans plus tarder, je...
M. Milliard (Charles) :
Avec plaisir.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Sans plus tarder, je vais aller avec
l'échange avec le ministre. M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Bienvenue à l'Assemblée
nationale. Merci pour votre contribution aux travaux de la commission et à la présentation
aujourd'hui de votre mémoire de la Fédération des chambres de commerce du
Québec.
D'entrée de jeu, vous l'avez dit, je tiens
à souligner, là, 70 % de vos membres indiquent être favorables au projet
de loi n° 96 et également d'appuyer l'assujettissement des entreprises à
la Charte de la langue française au niveau des entreprises de 25 à 49.
Ce que ça signifie, hein, parce que vous,
vous représentez la Fédération des chambres de commerce, ça veut dire les
membres dans toutes les régions du Québec qui se disent : Bien, nous,
comme employeurs, hein, des petites, des moyennes, des grandes entreprises, on
est membres de la Fédération des chambres de commerce et on appuie le projet de
loi parce qu'on est du patronat et on veut faire notre part. Alors, ça, je
trouve ça rafraîchissant puis je trouve également que c'est un bon indicateur
de dire qu'au Québec il y a des choses qu'il faut changer.
Et souvent... et je le dis avec beaucoup
d'égards, parfois, on ne veut pas que ça change nécessairement parce que ça
fonctionne d'une certaine façon. Et je suis sensible à vos arguments
d'alourdissement du fardeau administratif.
Mais, dans ce cas-ci, vous dites :
Nous, on est favorables au projet de loi. Nos membres sont favorables. Faites
attention au fardeau administratif. Mais globalement on est favorables.
M. Milliard (Charles) :
Un excellent résumé... de mentionner.
M. Jolin-Barrette :
Bien.
M. Milliard (Charles) :
...et je pense, une belle évolution aussi à plusieurs égards... décennie. On
est tout à fait en faveur de l'esprit de la loi. Ce qu'on vous soumet, c'est
des petits détails opérationnels, qui ne sont pas des détails, mais qui le sont
dans le cadre de certains articles du projet de loi.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Je voudrais vous poser une question, parce qu'on a eu beaucoup d'intervenants
qui nous ont dit : Écoutez, le facteur culturel devrait être pris en
considération. Dans la Charte de la langue française, on indique un des
facteurs d'intégration. Puis, je pense, ce qui concerne beaucoup vos membres, notamment, dans les débats actuels, c'est la pénurie de main-d'oeuvre.
Et notamment pour les nouveaux arrivants, ou souhaite que, lorsque l'État
québécois, lorsque vos membres, les entreprises font des démarches, notamment
pour accueillir des personnes immigrantes ou accueillir des travailleurs
temporaires, bien, c'est qu'ils demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés
puis qu'ils contribuent, qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec.
Mais, pour ça, généralement, ça prend une...
M. Jolin-Barrette :
...arrivants, on souhaite que, lorsque l'État québécois, lorsque vos membres,
les entreprises font des démarches, notamment pour accueillir des personnes
immigrantes, pour accueillir des travailleurs temporaires, bien, c'est qu'ils
demeurent dans l'entreprise qui les a recrutés puis qu'ils contribuent et
qu'ils s'installent dans toutes les régions du Québec. Mais pour ça, généralement,
ça prend une adhésion en français, à un apprentissage du français, mais une
adhésion aussi aux valeurs québécoises, à la culture québécoise aussi.
Puis je ne suis pas sans savoir que vos
membres, dans les différentes régions à l'extérieur de Montréal, ont des
difficultés de recrutement puis ont de la difficulté à retenir les
travailleurs. Alors, est-ce que le fait de jumeler la langue avec la culture,
ça pourrait être une avenue intéressante pour vos membres, pour les entreprises,
pour dire : Bien, pour être pleinement intégré, il faut adhérer aux deux?
M. Milliard (Charles) :
Excellente question. Je vais laisser Alexandre compléter, mais je vous dirais
que, selon moi, personnellement, ça va effectivement de pair. C'est important
quand on veut faire une meilleure régionalisation d'immigration, justement, d'amener
l'ensemble du contexte de vie pour une nouvelle personne dans une région du Québec
qui, souvent, sont méconnus, parce que souvent le manque d'intérêt pour la
régionalisation d'immigration, c'est une méconnaissance de ce qui est
disponible. Bien là on a un programme avec le ministère du Travail qui
s'appelle Un emploi en sol québécois, qui vise justement à améliorer la
connexion entre les employeurs et les personnes immigrantes. Et, justement,
dans la bonification du programme, cette année, on fait des cellules de codéveloppement
sur la gestion de la diversité culturelle en entreprise. Alors, justement, ça
va permettre aux employeurs qui, peut-être, ont une certaine méconnaissance,
une certaine ignorance, des possibilités de l'immigration en région de
s'améliorer.
Alors, moi, je suis tout à fait preneur de
votre commentaire que ça peut et ça doit vivre ensemble. Maintenant, dans quel
laps de temps on demande aux personnes immigrantes de s'acclimater ou, je ne
sais pas quel verbe utiliser, à cette réalité-là? Entre autres, quand on parle
de communication avec le gouvernement, six mois, moi, ça m'apparaît complètement
irréaliste, mais c'est un des éléments qu'on apporte ce matin. Alexandre, je ne
sais pas si tu as d'autres commentaires?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, certainement. Évidemment, un des facteurs
les plus importants dans l'intégration des personnes immigrantes, c'est
l'emploi. Et on le valorise et on essaie de faciliter cette intégration-là par
l'emploi, mais ce n'est pas le seul. Donc, le meilleur moyen d'intégrer et
d'apprendre la culture, d'apprendre la langue de son peuple d'accueil,
nommément le Québec, bien, c'est en vivant le français, en vivant le Québec,
donc, particulièrement les régions. Donc, c'est en investissant dans les
milieux de vie et en s'assurant qu'il y a une prise en charge des milieux de
vie également de ces personnes-là qu'on va y arriver avec cette
francisation-là, on va leur apprendre à vivre en français au quotidien. Donc,
il faut faire attention également à ne pas tout mettre le fardeau sur les
épaules de l'employeur, il n'est pas le seul responsable de cette
francisation-là et de l'adoption de la culture québécoise non plus, là.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous, ce n'est pas uniquement votre responsabilité,
la responsabilité des employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État
doit faire son bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96, mais je suis heureux d'entendre qu'également les
employeurs veulent participer. Puis je trouve que c'est logique aussi parce
que, dans les différentes régions du Québec...
M. Jolin-Barrette : …O.K.
Bien, écoutez, je suis d'accord avec vous. Ce n'est pas uniquement votre responsabilité,
la responsabilité des employeurs, c'est une responsabilité partagée. L'État
doit faire son bout de chemin, ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi n° 96,
mais je suis heureux d'entendre qu'également les employeurs veulent participer.
Puis je trouve que c'est logique aussi parce que, dans les différentes régions
du Québec, hein, on a besoin de travailleurs, on veut retenir les gens en
région. Et donc nécessairement, pour faire ça, bien, il faut qu'il y ait une
adhésion. Vous dites «des milieux de vie inclusifs», bien, c'est fondamental.
Là où on a un différend, c'est sur le
délai. Vous, vous dites six mois, c'est complètement irréaliste. Or, le
projet de loi, ce qu'il fait, c'est qu'il dit : Dès le départ, les
nouveaux arrivants sont accueillis en français, donc ça fait partie de
l'exemplarité de l'État. Donc, le principe de base, c'est en français, comme
dans n'importe quel État dans le monde où c'est la langue nationale qui est
généralement… c'est la langue de service de l'État. Ce qu'on dit, c'est que,
pendant six mois, pour l'accueil, il y a certaines exceptions. On a mis de
l'avant des programmes de francisation, on a augmenté les allocations, tout ça,
mais c'est vrai, c'est difficile apprendre une nouvelle langue. Mais comment
est-ce qu'on va faire si, avec votre proposition, on laisse deux ans?
C'est déjà difficile de retenir des travailleurs étrangers en région. Et si on
veut qu'ils s'intègrent en région, bien, c'est en français que ça se passe.
Mais si à la moindre occasion, durant le délai que vous proposez, tout peut se
dérouler en anglais, notamment avec l'État québécois, comment est-ce que la
personne va être incitée à s'intégrer en français? À un moment donné, si on
veut faire en sorte que cesse le 80 % d'immigration à Montréal puis amener
les gens en région, il va falloir prendre des mesures pour dire : On
conserve les personnes immigrantes en région puis…
Quand j'étais ministre de l'Immigration,
un des commentaires que je recevais le plus souvent c'était de dire :
Bien, les gens, malgré tous les efforts qui sont faits par les communautés
d'accueil pour faire des activités, pour intégrer les enfants, pour intégrer
les parents, les gens, ils se sentent seuls en région. Ce qui est important,
c'est de créer des liens. Puis, écoutez, ce n'est pas facile, là, vous partez
de votre pays, vous ne connaissez personne. Vous arrivez dans un nouvel État
avec une langue différente. Ces gens-là, ils sont courageux, là, puis ils
viennent travailler puis ils veulent le meilleur pour leurs enfants. Mais on a
une responsabilité collective comme État, mais aussi dans les différentes
communautés, les villes, les entreprises, tout ça. Il faut que tout le monde se
mette ensemble pour faire que l'accueil se passe le mieux possible. Parce que,
je ne sais pas, moi, j'irais dans un autre État, je ne connais pas la langue,
je n'ai pas d'amis, je n'ai pas de famille. C'est extrêmement difficile ce
qu'ils vivent, mais il ne faut pas non plus les pousser vers le bilinguisme
pour dire : Bien, c'est en anglais. Puis là, ça va les pousser vers
Montréal aussi. Comment vous recevez ça
• (11 h 50) •
M. Milliard (Charles) : Bien,
vous… peut-être surpris qu'on n'est pas si éloignés que ça, là, vous et nous,
par rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un
déménage, exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on offrait le programme Un
emploi en sol québécois, je peux vous garantir que la vie en français, cette
personne-là va la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme
Saint-Georges de Beauce.
Le point où je ne suis pas d'accord avec
vous, c'est… vous dites, si à la moindre…
M. Milliard (Charles) : …par
rapport à vos commentaires. La différence, c'est que, si quelqu'un déménage,
exemple, à Saint-Georges de Beauce, où on a fait le programme Un emploi en sol
québécois, je peux vous garantir que, la vie en français, cette personne-là va
la vivre, parce que ça coule de source, là, dans une ville comme Saint-Georges
de Beauce.
Le point où je ne suis pas d'accord avec
vous, c'est… vous dites : Si à la moindre occasion on permet de s'exprimer
dans une autre langue… Moi, des communications officielles du gouvernement,
soit des choses structurantes par rapport à mon statut de vie au Canada, par
rapport à la santé et aux services sociaux qui me sont offerts, ce n'est pas la
moindre occasion. C'est des choses qui sont hyperstructurantes pour ces
personnes-là. Et je pense que ça serait beaucoup plus sécurisant et réaliste
qu'il y ait des mesures facilitatrices de communication. Parce que le reste de
la journée à Saint-Georges de Beauce, encore une fois, dans mon exemple, ça va
se passer en français.
M. Jolin-Barrette : O.K.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux ajouter…
M. Jolin-Barrette : Oui,
allez-y.
M. Gagnon (Alexandre) :
Si vous me permettez… Au niveau du deux ans, on se base sur vos critères au
niveau de l'admissibilité au niveau de la résidence permanente. Lorsqu'il y a
eu des changements au programme d'immigration, on est venus donner d'ici deux
ans. Si vous êtes temporaire, si vous voulez passer au processus d'immigration
permanente, vous allez devoir démontrer que vous maîtrisez un niveau…
suffisamment le français, mais après deux ans. Et déjà on vous trouvait…
plusieurs secteurs vous trouvaient quand même ambitieux dans cette demande-là,
mais ça a été adopté, ça a été mis en place, et puis on va de l'avant.
Mais ça va être difficile, exemple, pour
un employé qui rentre temporaire, par exemple, et qui vient travailler au Québec.
On dit : Mettons-le dans une classe de francisation pendant six mois
intensifs. Vous aurez raison, peut-être qu'on va réussir à faire quelque chose.
Mais l'employeur qui va chercher un travailleur à l'étranger, évidemment, a un
besoin, un impératif de productivité, il veut le faire travailler également.
Donc, on pense que six mois à temps partiel, une journée par semaine, par
exemple, de francisation… peut-être n'atteindra pas le niveau 7, là, de
maîtrise de français, qui est demandé dans certains programmes gouvernementaux.
Donc, c'est là qu'on demande un peu de cohérence avec les programmes
d'immigration, avec les principes d'immigration permanente, afin d'atteindre
ces statuts qui sont exigés.
Et puis, si vous me permettez une petite
seconde… La CNESST, notamment, c'est un exemple, donne de la formation puis de
l'information quant à leurs droits au niveau des normes du travail, pour ces
travailleurs-là. Donc, ils ont développé une panoplie d'offres de service, notamment
en espagnol, notamment dans diverses langues, afin de pouvoir les informer sur
leurs droits, sur leurs recours en lien avec leur emploi. Donc, ça viendrait peut-être
limiter leur accès à ces informations-là.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
suis désolé de vous reprendre, M. Gagnon, mais il y a déjà des exceptions
dans le projet de loi en ce qui concerne la santé et la sécurité des individus.
Donc, à ce moment-là, il y a déjà une exception dans le projet de loi.
Et ce qui est intéressant, c'est que vous
faites référence à la réforme du PEQ, que je connais un petit peu, et là vous
dites : Écoutez, ça prend de la cohérence entre les réformes que vous
faites, tout ça, mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du
PEQ, c'est le Programme de l'expérience québécoise. Oui, il y a un
niveau 7 pour passer à travers ce programme d'immigration là, mais ce
n'est pas l'unique programme d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut
donner la réalité. Si la personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme
temporaire et elle souhaite passer par le véhicule…
M. Jolin-Barrette : …tout ça,
mais vous oubliez de dire que, dans le fond, la réforme du PEQ c'est le
programme d'expérience québécoise, oui, il y a un niveau 7 pour passer à
travers ce programme d'immigration là, mais ce n'est pas l'unique programme
d'immigration qui existe au Québec. Alors, il faut donner la réalité. Si la
personne immigrante, ici, elle est sélectionnée comme temporaire et elle
souhaite passer par le véhicule d'expérience de travailleur qualifié, et
d'obtenir son CSQ à travers le PEQ et d'être sélectionné, effectivement ça
prend un niveau 7, mais il y a un autre volet également qui s'appelle
Arrima aussi. Donc, il y a différents programmes d'immigration. Alors, c'est
faux de dire que tout le monde doit avoir un niveau 7. Et là, après ça, on
pourrait se parler de la procédure de… quel programme est-ce qu'on choisi et de
la capacité d'accueil au Québec en fonction d'Arrima et en fonction du
programme d'expérience québécoise. Là, c'est intéressant parce que lorsqu'on a
fait la réforme du PEQ, le monde nous ont dit : Ne touchez pas au PEQ.
Puis on veut conserver le PEQ. Mais vous souhaitez avoir des travailleurs qui
n'ont pas de maîtrise nécessairement de niveau 7. Alors là, on pourrait
les passer par Arrima. Mais le fait qu'il y ait une levée de boucliers sur le
PEQ fait en sorte qu'on n'a pas pu utiliser Arrima d'une façon optimale aussi.
Alors, à un moment donné, je vous dirais : La chèvre et le chou ou la
laitière, la ferme, le beurre? À un moment donné il faut faire des choix.
Alors, je trouve ça toujours intéressant de pouvoir discuter des réformes qu'on
a faites en matière d'immigration, mais mon souci, pour moi, c'est de faire en
sorte que les personnes immigrantes qu'on accueille au Québec puissent venir au
Québec, grandir au Québec en français dans toutes les régions du Québec. Et ça
je suis d'accord avec vous sur ce point-là.
Peut-être dernière question relativement
au marché du travail. Pour vous, là, et vous le dites à la page 5 de votre
mémoire : Maintenant, les employeurs disent, exemple à Montréal, vos
membres : Nous, là, on embauche tout le monde peu importe qu'il ait une connaissance
ou non de la langue anglaise parce qu'on a des besoins de main-d'oeuvre
maintenant. Le Conseil du patronat nous disait un petit
peu le contraire parce qu'il disait : Bon, il y a une exigence autre que
la langue anglaise. Les études nous démontrent également que sur l'île de
Montréal on exige une autre langue que le français. C'est quoi le juste
portrait, là, de vos membres? Est-ce qu'ils embauchent même s'ils n'ont pas
connaissance d'une autre langue que le français sur l'île de Montréal?
M. Milliard (Charles) : Tu
peux y aller, Alexandre?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit dans notre
mémoire ce n'est pas qu'il n'y a personne qui embauche avec des exigences
d'anglais. Ce qu'on dit c'est qu'un employeur qui viendrait ajouter une exigence
de connaissance de l'anglais alors que ce n'est pas strictement nécessaire dans
une situation de pénurie de main-d'oeuvre et de rareté de main-d'oeuvre comme
on a aujourd'hui qu'on va connaître pour les prochaines années, il se tire dans
le pied. Donc, il connaîtra des enjeux de rareté de main-d'oeuvre qui vont être
à l'avantage de ses concurrents puisqu'eux vont aller chercher les employés qui
ne maîtrisent que le français. Il va réussir à trouver des bons mécanismes afin
de minimiser l'usage de l'anglais et l'exigence de l'anglais auprès des
employeurs. Donc, c'est plus à ce niveau-là qu'on avait des préoccupations.
Qu'on vient dire, on vient tirer un petit peu sur… mettre des obligations
supplémentaires, alors que la loi du juste marché vient déjà corriger un peu
cette situation-là également.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le
député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des questions…
M. Gagnon
(Alexandre) : ...des préoccupations qu'on vient dire... on
vient tirer un petit peu sur... mettre des obligations supplémentaires, alors
que la loi du juste marché vient déjà corriger un peu cette situation-là, également.
M. Jolin-Barrette : Bien, je
vous remercie pour votre présence en commission parlementaire. Je crois que le
député de Saint-Jérôme souhaite vous poser des questions. Merci beaucoup pour
votre présence.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. Donc, M. le député de Saint-Jérôme, vous avez 2 min 15 s à
peu près.
M. Chassin :D'accord. Merci, Mme la Présidente. M. Milliard, M. Gagnon,
merci de votre présentation. Je voudrais vous poser une question, peut-être, d'abord,
générale, puis, après ça, une question un peu plus spécifique. Dans les chambres
de commerce membres de la fédération, voire dans les entreprises membres des chambres
de commerce, est-ce qu'il y a déjà une habitude de collaboration avec l'OQLF?
Est-ce que vous pouvez nous parler un petit peu de ce qui, déjà, existe, là,
sur le terrain, en matière d'accompagnement de l'OQLF puis comment vous
l'évaluez?
M. Milliard (Charles) : Bien,
Alexandre... expliquer effectivement qu'est-ce qu'il en est, mais je profite de
votre présence, M. le député, pour mentionner, quand on parle de fardeau
administratif, vous et moi, on est bien placés pour savoir qu'est-ce qu'il en
est, avec les travaux qui ont cours, en ce moment, sur l'allégement
réglementaire. Quand on pense, entre autres, à l'ajout du projet de loi n° 59, je pense que vous êtes bien placé pour comprendre un
peu le point de vue qu'on peut avoir en termes de fardeau.
M. Chassin :
Là-dessus, on se comprend.
M. Milliard (Charles) : Oui.
On se comprend là-dessus. Mais, Alexandre, je te laisse aller...
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui. Effectivement, la FCCQ est impliquée avec
l'OQLF, que ça soit dans la promotion, évidemment, du français... dans le cadre
de notre concours les Mercuriades, on remet un mérite du français auprès des
entreprises qui se sont démarquées afin de favoriser l'adhésion du français.
Actuellement, l'OQLF a mis en place un service d'accompagnement pour les plus
petites PME. Notamment, on peut penser, en prévision du projet de loi n° 96, afin de faciliter cette transition-là, on encourage
et on fait la promotion au sein de notre réseau, les chambres de commerce de
partout au Québec font des partenariats avec l'OQLF depuis des années afin de
mettre de l'avant les bonnes pratiques. Donc, au niveau de la conscientisation,
évidemment, on est très impliqués, on a un bon support de l'OQLF...
M. Chassin :
Est-ce qu'on pourrait dire, à ce moment-là, que cette habitude de collaboration
avec l'OQLF explique, dans le fond, la position que vous avez de dire :
Bien, dans la loi, il y a un article, ce dont on s'inquiète, c'est davantage de
son application, d'où l'idée de requérir, par exemple, des guides des bonnes
pratiques puis un certain accompagnement, que vous constatez déjà auprès de
l'OQLF? Pas tant, donc, de modifier l'article, mais de l'appliquer, de sa mise
en oeuvre concrète, de manière accompagnante et facilitante.
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, le projet de loi,
actuellement, ce qui est décrit, c'est qu'il va y avoir un service de
francisation qui va être offert volontairement aux entreprises. Le contenu de
ce service de francisation là, il n'est pas décrit, nulle part, donc on ne sait
pas qu'est-ce qui va être exigé de l'employeur, quelles sont les balises de
cette contrainte législative. Parce que ça a beau être écrit «volontaire», les
conséquences de ne pas s'y plier sont extrêmement importantes, donc...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, malheureusement.
M. Chassin :
...projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.
• (12 heures) •
La Présidente (Mme Thériault) :
C'est très rapide, deux minutes...
12 h (version non révisée)
Une voix
: …il n'est pas
décrit nulle part. Donc, on ne sait pas qu'est-ce qui va être exigé de
l'employeur, quelles sont les balises de cette contrainte législative, parce
que ça a beau être écrit «volontaire», les conséquences de ne pas s'y plier
sont extrêmement importantes. Donc…
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin malheureusement…
M. Chassin :
…le projet de loi, disons. Merci, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
…c'est très rapide deux minutes. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci, Mme la
Présidente. M. Milliard, M. Gagnon, bonjour. Écoutez, votre échange, avec le ministre,
était fort intéressant sur le deux ans, six mois, je pense que vous, vous
proposez deux ans, de permettre au nouvel arrivant puis, bon, là, le ministre
tient aux six mois. Et j'ai l'impression que vous avez, tous les deux, raison,
en fait, c'est ça qui va être fort intéressant à regarder, on fera de la
médiation, je m'offre, parce qu'entre le six mois et le deux ans, il y a peut-être
quelque chose d'intermédiaire puis il y a peut-être des situations particulières
aussi. Mais c'est évident, et vous n'êtes pas les seuls à être venus le dire et
je pense que vous ne serez pas les derniers à dire que six mois pour franciser
quelqu'un, il a beau habiter à Saint-Georges-de-Beauce, là, c'est quand même
très difficile, d'autant qu'un organisme en francisation est venu dire :
Écoutez, ça ne se fait pas, le lendemain de son occupation de logement, s'il
arrive en octobre, ça peut aller en janvier, le cours de francisation, et ça ne
veut pas dire qu'il va pouvoir être à temps plein, parce qu'il faut qu'il
travaille pour gagner sa vie, pour payer ledit logement.
Donc, j'ai l'impression qu'il va falloir
trouver un juste milieu qui répond à la fois aux angoisses ministérielles de
dire : Bien là, ils vont s'habituer à parler anglais, ce qui peut être
peut-être une prétention sur laquelle il faut se pencher, mais, en même temps,
bien, six mois, bien, c'est à une vitesse absolument rapide. Mais je vais aller
tout de suite, moi, au fameux article 36 qui est le non moins fameux article 46
sur l'exigence d'une langue autre que le français à l'embauche. Vous en parlez
dès le début et vous dites que c'est un fardeau administratif important. On
sait que, justement, en 2013, c'est sur des considérations comme celles-là, le
fardeau administratif, que la CAQ n'a pas voulu appuyer à l'époque, le projet
de loi n° 14, qui était le projet de loi de Mme De Courcy,
souvenez-vous, sur la langue française.
Donc, le fardeau administratif, on le
sait, le gouvernement y est très sensible, et vous, vous venez nous dire :
Attention, l'article 36 va impliquer un lourd fardeau administratif pour
démontrer le respect du critère qu'on a fait toutes les conditions nécessaires
pour ne pas avoir à exiger une langue autre que le français. Il y a le mot
«réputé» que j'ai appris, parce que j'ai fait un cours de droit en accéléré
pour préparer ce projet de loi là, il est marqué «un employeur est réputé ne
pas avoir pris tous les moyens raisonnables si» ta, ta, ta, trois conditions
qui, elles-mêmes ne sont pas très claires, et vous le dites, vous, clairement
que les conditions ne sont pas très claires. Et donc comment on fait la
démonstration qu'on a analysé les besoins linguistiques réels? Ce n'est pas
objectif…
Mme David : …pris tous les
moyens raisonnables, si ta, ta, ta, trois conditions qui, elles-mêmes, ne
sont pas très claires, et vous le dites, vous, clairement, que les conditions
ne sont pas très claires. Et donc, comment on fait la démonstration qu'on a
analysé les besoins linguistiques réels? Ce n'est pas objectif, ça. Comment
démontrera-t-il qu'il a restreint au maximum le nombre de postes exigeant une
deuxième langue? Alors, vous posez très bien les questions, vous dites :
Ça va être très difficile à répondre. Mais en langage législatif, le mot
«réputé» est beaucoup plus puissant en termes de fardeau que le mot «présumé».
Alors, je veux vous entendre sur votre inconfort par rapport à ce fardeau
administratif et par rapport à cet article 36 en particulier.
M. Milliard (Charles) : La
mention que vous faites du mot «réputé», je pense que c'est le mot-clé dans
votre intervention, justement. C'est que le terme est beaucoup plus puissant,
donc la conséquence est puissante, mais le chemin pour s'y rendre est très
sinueux et pas nécessairement asphalté, en ce moment, donc c'est ce qui
inquiète les gens.
Il faut comprendre que nous, notre
travail, c'est de parler des récriminations ou des inquiétudes de nos membres.
Mais mettez-vous à la place d'un entrepreneur en ce moment, c'est… comme on
dit, il faut se lever de bonne heure pour dire publiquement qu'on est contre ce
projet de loi là ou contre certains éléments parce que ça peut être mal perçu.
Alors que, comme je vous dis, une très grande majorité des milieux d'affaires sont
en faveur du concept.
Mais il y a des entrepreneurs qui nous
appellent qui sont un peu mal à l'aise de poser la question publiquement. Parce
qu'ils se demandent comment on va faire avec nos départements de ressources
humaines pour non seulement s'assurer de rencontrer ces exigences-là, et un
coup qu'elles sont rencontrées, quand la situation dans le milieu de travail va
évoluer, comment on repasse par-dessus ça, et qu'on refait une analyse
sempiternelle, et éternelle, alors c'est ça qui inquiète les gens. Et j'aime
penser que les travaux d'une commission parlementaire, ça sert à préciser des
intentions, justement, alors j'espère que dans le cadre des travaux, ça va
devenir plus clair pour les directions de ressources humaines comment arriver à
être réputées avoir fait le travail en ce moment.
Mme David : Donc, vous nous
relancer la balle en disant : On est inquiet, des entrepreneurs n'oseront
pas le dire publiquement, vous, vous les représentez. Vous êtes, grosso modo,
d'accord pour la loi mais, mais, mais gros bémol, attention, nos membres
peuvent être très inquiets de l'applicabilité de cet article 35. C'est ça
qu'on doit comprendre à cause, entre autres, du mot «réputé» dont j'ai appris
le poids légal extrêmement lourd. Quand on est réputé, on ne peut plus bien,
bien se défendre. Mais comment on peut se défendre contre des conditions qui
sont difficilement mesurables? Alors, est-ce que je traduis bien votre
inquiétude?
M. Milliard (Charles) : Oui.
Alexandre, est-ce que… si ça te va, oui?
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, bien sûr. En fait, ce qu'on dit c'est qu'un
employeur, même de bonne foi et qui prend toutes les démarches pour respecter
les exigences qui sont à l'article 36, en raison du caractère un peu flou
de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est admis, qu'est-ce qui est
acceptable, pourrait se retrouver avec une plainte et tout de même se faire
dire qu'il n'a pas respecté l'essence de la loi. Donc, on peut penser, par
exemple…
M. Gagnon
(Alexandre) : ...les exigences qui sont à l'article 36, en
raison du caractère un peu flou de qu'est-ce qui est correct, qu'est-ce qui est
admis, qu'est-ce qui est acceptable, pourrait se retrouver avec une plainte et
tout de même se faire dire qu'il n'a pas respecté l'essence de la loi.
Donc, on peut penser, par exemple, moi,
j'ai besoin pour un poste de travail d'avoir deux personnes sur 10 qui
maîtrisent l'anglais. Mais est-ce que j'ai le droit de présumer et de prendre
pour acquis dans ma gestion des risques que peut-être que dans ces deux
travailleurs-là, il y en a un qui va être malade, il y en a un qui va partir en
vacances, il y en a un qui va quitter l'entreprise? Donc, finalement, est-ce
que j'ai le droit de dire : Je vais en avoir besoin de trois ou je vais en
avoir de quatre pour suppléer à ces situations-là de surplus de travail ou non
ou de départ impromptu?
Donc, c'est là qu'un employeur va... C'est
ce qu'on écrit dans le mémoire, on dit : Il va être obligé de laver plus
blanc que blanc afin d'éviter de se placer dans une situation inconfortable.
Mme David : Donc, selon
vous, il faudrait qu'on retravaille sérieusement cet article-là.
M. Gagnon
(Alexandre) : En fait, ce qu'on vient dire, c'est : Venez
confirmer, donner le pouvoir réglementaire de venir... ou qui va venir... plus
de précisions quant à l'application terrain de ces articles-là. Donc, votre
loi...
Mme David : O.K., mais...
M. Gagnon
(Alexandre) : ...est bonne, mais il faut le préciser.
Mme David : Mais les
règlements, on ne les passe pas pendant qu'on passe la loi, ça vient après,
d'habitude. Alors, voilà le grand truc quand on est ministre.
Je vais aller à l'article 44. Alors,
l'article 44, ce n'est pas le plus simple et sexy, mais ça a l'air bien
important. Et j'ai appris des choses, puis on veut toujours apprendre dans la
vie, alors, qu'est-ce que c'est que le secteur des dérivés.
Alors, on est dans votre champ de
compétence, pas dans le mien, mais vous avez quand même des inquiétudes :
«Il nous apparaît contre-productif pour une société qui entretient des
relations d'affaires à l'étranger de devoir présenter un contrat traduit en
français, dans un premier temps, pour que celui-ci soit par la suite abandonné
afin de maintenir une version normalisée dans une langue autre que le
français», etc.
Alors, qu'est-ce que ça pourrait être, les
conséquences, justement, pour vos entreprises, si cet article-là était adopté
tel quel? Parce que, quand même, ça a l'air, ça aussi, d'être une lourdeur
administrative supplémentaire.
M. Milliard (Charles) :
Juste avant de laisser la parole à Alexandre, je veux vous dire que c'est la...
vous avez... dans votre temps de parole, vous avez adressé les deux principales
récriminations qu'on a en ce moment, donc préciser l'article 36 et
démontrer l'ampleur des enjeux de l'article 44, c'est vraiment les deux
choses qu'on entend... Alexandre, est-ce que tu veux parler de...
M. Gagnon
(Alexandre) : Oui, très rapidement. Les produits dérivés, ça va
être des produits financiers un peu spéciaux, là, qui sont régis notamment avec
les bourses, avec les institutions financières. Donc, ces produits-là,
considérant que l'employé de la banque en question ou l'entreprise financière,
est au Québec, mais s'il fait des transactions informatiques, exemple, avec la
bourse de New York, donc, le contrat va avoir été réputé avoir été signé au
Québec, parce qu'au moment où il était dans son ordinateur, il était au Québec.
Donc, le contrat va devoir être en français, mais la bourse de New York, on va
leur présenter un contrat...
M. Gagnon
(Alexandre) : …l'entreprise financière est au
Québec, même s'il fait des transactions informatiques, exemple avec la Bourse
de New York, donc le contrat va avoir été réputé avoir été signé au Québec,
parce qu'au moment qu'il était devant son ordinateur, il était au Québec. Donc,
le contrat va devoir être en français, mais la Bourse de New York, on va leur
présenter un contrat en anglais, un contrat qui a été élaboré par des normes
internationales au niveau des produits dérivés avec des contrats très touffus,
très élaborés, avec des normes très strictes. Donc, de venir traduire ça dans
un français va probablement les rendre très inconfortables, mais avec… en leur
disant qu'ils risquent d'avoir des enjeux législatifs avec ça, avec des
exigences par rapport à ça. On s'est fait dire par plusieurs de nos membres, de
dire, bien : Est-ce que je serais avantagé plutôt de… pour rassurer nos
partenaires commerciaux, de faire faire ces transactions-là par des employés
qui seraient en Ontario, par exemple, pour faciliter cette transaction-là, donc
ce n'est pas quelque chose qu'on vise, pas quelque chose qu'on veut non plus de
nos membres, ce n'est pas ce qu'ils veulent, mais la complexité supplémentaire,
notamment dans un contexte où on… le contrat en lui-même est élaboré par des
normes internationales qui ont été malheureusement faites uniquement en
anglais, bien, on vient complexifier de façon très importante des situations
bipartites où il y a un des interlocuteurs, on ne peut pas lui exiger une
connaissance du français, là.
• (12 h 10) •
Mme David : Je
vous cite : «Cela forcerait les sociétés québécoises à payer plus cher
pour ce type de contrat. Les éléments suivants subiront une hausse des
coûts : taux de change, taux d'intérêt, coût des matières premières et
prix des marchandises.» Est-ce que ça pourrait avoir une pression à la hausse,
donc, sur le prix de certains services ou de marchandises pour les
consommateurs ?
M. Gagnon
(Alexandre) : Bien, le…
M. Milliard (Charles) : Bien
sûr. Réponse courte, c'est ce que l'ensemble des membres qui nous alertés sur
ce point-là nous mentionnent. Et non seulement contre-productif, mais risque
d'inflation des coûts que vous avez mentionnés.
Mme David : Et la réponse
longue?
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, c'est que oui,
effectivement, il va y avoir une hausse des coûts, du moment qu'on a une
complexité administrative supplémentaire, ça vient nous, mais j'aimerais vous…
même vous amener, le gouvernement, dans les notions au niveau de
l'administration publique, vient se donner une certaine dérogation de certaines
exemptions dans les contrats lorsqu'ils font affaire avec une organisation
internationale où le français n'est pas la langue de base. Donc, ils
disent : Dans ces circonstances-là, on permet que le contrat soit en
anglais ou dans une autre langue que le français. Cette exception-là ne
s'applique pas actuellement aux employeurs, aux partenaires privés, là, dans
l'essence du p.l. n° 96 actuellement.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ceci met fin à l'échange. Donc, nous allons aller du côté de la députée de
Mercier.
Mme Ghazal : Merci, merci beaucoup
pour votre présentation. Moi, je voudrais vous amener sur votre recommandation
7. Vous semblez très inquiet du fait que la francisation en entreprise ou les
services d'apprentissage de français entrent en contradiction avec les
opérations d'une entreprise, l'efficacité et tout ça. Vous savez, il y a des
entreprises aujourd'hui, c'est même perçu comme un avantage concurrentiel en
cette période de pénurie de la…
Mme Ghazal : ...la recommandation 7.
Vous me semblez très inquiet du fait que la francisation en entreprise ou les
services d'apprentissage de français entrent en contradiction avec les
opérations d'une entreprise, l'efficacité et tout ça. Vous savez, il y a des
entreprises, aujourd'hui, c'est même perçu comme un avantage concurrentiel en
cette période de pénurie de la main-d'oeuvre, qui offrent de façon volontaire
des formations en français sur les heures de travail. Et j'essaie de comprendre
votre inquiétude par rapport à ça. Est-ce que vous qui allez payez, etc.?
On le sait, c'est la façon la plus
efficace pour les gens d'apprendre le français, que ça se fasse pendant les
heures de travail et non pas les soirs les fins de semaine quand les gens ont
une famille. C'est la même chose aussi avec la formation de la main-d'oeuvre,
il y a une loi qui oblige les employeurs à en faire une. La francisation, ça
devrait être la même chose.
Est-ce que vous ne pensez pas que vous
avez même un rôle auprès de vos membres et auprès des entreprises à les
sensibiliser sur l'importance, contrairement aux idées préconçues que, ah!
bien, les employés, ça va être moins efficace, ce n'est pas bon pour mes
opérations? Au contraire, c'est une bonne chose de former les entreprises,
notamment en francisation, sur les heures de travail. Est-ce que vous avez un
rôle là-dessus, et pour même le promouvoir?
M. Milliard (Charles) : Oui,
on est tout à fait d'accord avec ce que vous dites. Puis on l'a mentionné avec
M. le ministre tout à l'heure, on reconnaît la responsabilité des employeurs
pour favoriser la francisation des employés.
Mme Ghazal : ...le milieu des
affaires dit tout le temps qu'il est d'accord avec le français, mais quand il
s'agit de poser des gestes, de faire des actions, de mettre un peu d'argent,
ah! là ce n'est plus votre responsabilité.
M. Milliard (Charles) : Bien
là, la vie est beaucoup plus compliquée que ça, Mme la députée, là. Mais je
pense que...
Mme Ghazal : Ah! bien,
expliquez-moi la vie, monsieur.
M. Milliard (Charles) : Je
n'ai pas cette prétention-là. Ce que j'essaie d'expliquer, c'est qu'il y a une
différence entre prendre une mesure de façon volontaire puis avoir un avantage
compétitif — comme vous l'avez mentionné, oui, certains le
font — et d'avoir une certaine imposition qui vient du gouvernement
via Francisation Québec quand on ne comprend pas encore les règles du jeu.
Alors, la question vient plus d'un manque de détails. Alors, il ne faut pas
penser qu'on est contre qu'il y ait des formations sur les heures de travail ou
qu'il y ait des coûts qui soient défrayés par les employeurs, mais on ne peut
pas vous donner un chèque en blanc, dire qu'on est absolument emballés quand on
ne comprend pas exactement qu'est-ce qu'il en retourne de cet article-là. C'est
tout simplement ça.
Mme Ghazal : Puis vu que vous
êtes pour, est-ce que vous êtes pour que même la loi du 1 % de la
formation de la main-d'oeuvre, probablement qu'à l'époque, quand elle a été
instaurée, il y avait des gens du milieu des affaires qui disaient des
mauvaises choses pour leur entreprise. Aujourd'hui, c'est rendu une chose
commune. Est-ce que vous seriez d'accord qu'on augmente ce pourcentage-là et
qu'on y ajoute la francisation par exemple?
M. Gagnon
(Alexandre) : Si je peux me permettre, en fait, la majorité...
vous n'êtes pas sans savoir peut-être qu'on est une organisation qui demande à
réviser la loi du 1 %, évidemment pas dans le sens peut-être que vous le
proposez. La majorité des organisations internationales ont changé leur modèle
parce que ça amenait des organisations à investir le strict minimum.
Aujourd'hui, les entreprises qui sont assujetties investissent 1 %, celles
qui ne sont pas, investissent, 2 %, 3 %, 4 %. Donc, on en fait
un exercice comptable, là.
Mme Ghazal : Donc,
d'augmenter…
Mme Thériault
: Et je
dois mettre fin à l'échange malheureusement.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Matane-Matapédia...
M. Gagnon
(Alexandre) : …ont changé leur modèle parce que ça amenait des
organisations à investir le strict minimum. Aujourd'hui, les entreprises qui
sont assujetties investissent 1 %, celles qui ne le sont pas investissent
2 %, 3 %, 4 %. Donc…
Mme Thériault
: Et je
dois mettre…
M. Gagnon
(Alexandre) : …on en fait un exercice comptable, là.
Mme Ghazal : Donc,
d'augmenter…
Mme Thériault
: Et je
dois mettre fin à l'échange malheureusement.
Mme Ghazal : Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Matane-Matapédia, pour le dernier échange de notre avant-midi.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Bienvenue dans cette commission. Les chambres de commerce
réclament — je dirais, à hauts cris — davantage
d'immigrants, davantage de main-d'oeuvre. Nous, on pose une condition
importante, et je vous en fais part. Nous exigeons une connaissance du français
de la part de tous les immigrants économiques et nous souhaitons qu'on ajuste
nos seuils en fonction de notre capacité d'accueil et d'intégration, et
plusieurs autres mesures qu'on a aussi à la hauteur des défis qui sont, quant à
nous, incontournables.
Donc, sur ce premier élément, êtes-vous
d'accord que, pour la réussite de chacune de ces aventures au Québec, de vie
professionnelle en socialisation, on doit exiger le français avant l'arrivée?
M. Gagnon
(Alexandre) : …
M. Bérubé : Pardon?
M. Gagnon (Alexandre) :
Oui, excusez-moi. En fait, non, par le simple fait qu'on se limite dans le type
d'immigrants dans lequel on peut aller sélectionner et dans lequel on peut
faire affaire. Donc, parfois, il y a des expertises très pointues qui sont nécessaires
dans nos milieux de travail, malheureusement, et on met… on favorise puis on
est pour le recours à des exercices de francisation importants. On est pour, on
pousse ça, puis on en fait de la valorisation depuis plusieurs années.
M. Bérubé : D'accord.
M. Gagnon
(Alexandre) : Et pour… Si vous me permettez, pour la capacité
d'intégration, on est pour… On est évidemment… On est d'accord avec vous, mais
on est encore en attente de savoir comment on va calculer cette capacité
d'intégration là, donc qui est tant discutée depuis certaines années au Québec.
M. Bérubé : D'accord. J'ai une
idée là-dessus, moi, puis je vous en fais part, à travers trois mesures. D'abord,
l'idée de régionaliser l'immigration, l'objectif minimal de 50 % en
donnant la priorité aux immigrants qui s'engagent à s'installer en région, et
s'assurer qu'il y a des incitatifs à y demeurer. Et bonifier l'aide financière
offerte aux candidats à l'immigration qui prennent des cours de français avant
leur arrivée au Québec.
Nous sommes d'avis qu'une façon de valider
l'intégration, c'est qu'elle se fasse en français. Et tant mieux si elle se
fait dans le monde du travail, mais le Québec, ce n'est pas l'Ontario, ce n'est
pas la même société. Et ça appelle toutes les organisations, y compris la
vôtre, à avoir une sensibilité beaucoup plus grande à l'égard de notre destin
collectif.
M. Gagnon
(Alexandre) : On est d'accord sur plusieurs points que vous
dites. En fait, au niveau de la meilleure façon… puis de régionaliser, c'est de
mettre en lien avec les employeurs en région, le plus rapidement possible, dès
qu'ils sont déjà à l'étranger. La majorité des besoins de main-d'oeuvre sont à
l'extérieur de Montréal, donc si on a réussi à les mettre en lien, naturellement,
avec l'emploi, on va réussir à régionaliser.
Au niveau de l'aide de francisation avant
l'arrivée, évidemment, nous, on veut que l'immigrant soit le plus près possible
à intégrer son emploi, à exercer son métier, en français autant que possible,
le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à mettre ça en place, et
c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs années. Donc, on
a cette ouverture, que vous réclamez, on l'a cette ouverture-là au sein des
employeurs.
M. Bérubé : Parce que vos
membres sont, dans toutes les régions du Québec, notamment chez nous, je peux…
M. Gagnon
(Alexandre) : ...d'emploi à exercer son métier en français
autant que possible, le plus rapidement possible. Ça, on vous encourage à
mettre ça en place et c'est d'ailleurs quelque chose qu'on favorise depuis plusieurs
années. Donc, on a cette ouverture que vous réclamez, on l'a cette ouverture-là
au sein des employeurs.
M. Bérubé : Parce que vos
membres sont dans toutes les régions du Québec, notamment chez nous. Et je peux
vous dire une chose, non seulement on a besoin de main-d'oeuvre nous aussi,
mais on est capables de bien intégrer l'immigration et faire en sorte que ça se
passe bien, que ce soit une réussite à tous égards et on y gagne tous. Et des
gens heureux, c'est aussi des travailleurs qui sont fiers, qui sont heureux. Il
ne faut pas sous-estimer cet enjeu-là, d'être fiers d'être Québécois, d'être
fiers d'être au Québec, d'apprécier les opportunités que ça nous apporte. Et la
moindre des choses, c'est de respecter notre langue nationale...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange...
M. Bérubé : ...de l'apprendre
et de vivre en français.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, merci beaucoup, MM. Milliard et Gagnon pour votre présence en commission
parlementaire ce matin. Donc, je vous remercie pour vos précieux conseils. Et
nous allons maintenant suspendre les travaux jusqu'après la période des
affaires courantes. Merci. Bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 19)
15 h 30 (version non révisée)
(Reprise à 15 h 36)
La Présidente (Mme Thériault) :
À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Commission de la culture et de l'éducation
reprend ses travaux. Nous poursuivons les auditions publiques dans le cadre des
consultations particulières sur le projet de loi n° 96,
Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français.
Et cet après-midi, nous entendrons la
ville de Montréal, le Consortium des cégeps, collèges et universités
d'expression anglaise du Québec, le Mouvement Québec français et M. Hugo Cyr,
professeur et spécialiste en droit constitutionnel de l'Université du Québec à
Montréal.
Donc, je vais souhaiter la bienvenue aux
représentants de la ville de Montréal. Donc, Mme la mairesse, la parole est à
vous, présentez la personne qui vous accompagne, vous avez 10 minutes pour
faire votre présentation. Bienvenue.
Mme Plante (Valérie) :
Parfait. Merci beaucoup, Mme la Présidente. Donc, oui, je suis accompagnée par
ma collègue, Cathy Wong. Alors, je me lance tout de suite, le temps est
compté. Alors, évidemment, je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui
dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 96,
parce que la ville de Montréal est une alliée et un partenaire de premier plan
du gouvernement du Québec dans la valorisation de la langue française.
D'emblée, je souhaite réitérer qu'en tant que mairesse de Montréal j'appuie le
projet n° 96. Je crois qu'avec cette réforme le gouvernement
du Québec pose un geste fort pour assurer le rayonnement de la langue française,
qui est notre langue commune.
L'usage du français comme langue de
travail au sein de nos institutions publiques, ce qui est mis de l'avant dans
la réforme présentée par le gouvernement, est un objectif que nous partageons
et que nous priorisons, à la ville de Montréal. En tant que plus grande ville
francophone d'Amérique, Montréal... et sera une alliée de la loi 101 et de sa
réforme. Notre administration a consacré beaucoup d'efforts afin de promouvoir
la langue française, une volonté qui s'est concrétisée par l'adoption, en mars
dernier, du tout premier Plan d'action en matière de valorisation de la langue
française de l'histoire de la ville de Montréal, ainsi que par la nomination de
la toute première responsable à la langue française du comité exécutif de la
ville de Montréal, Mme Cathy Wong.
Les administrations municipales qui nous
ont précédés auraient dû poser des gestes plus forts et il y a bien longtemps.
Malheureusement, elles ont préféré ne pas intervenir dans le débat, elles ont
préféré laisser cette responsabilité au gouvernement du Québec. Et notre équipe
a répondu à l'appel en travaillant d'arrache-pied pendant notre mandat pour
créer un plan d'action ambitieux qui redonnera toutes ses lettres de noblesse à
la langue française, la langue commune de Montréal et du Québec. Nous avons
réfléchi profondément à la place qu'a et que devrait avoir la langue française
dans notre ville. Nous nous sommes également assurés que notre... notre
démarche, pardon, était ouverte et inclusive. Autrement dit, notre démarche
prend en considération les droits linguistiques de la communauté anglophone et
ceux des nations autochtones. Notre approche en est une de collaboration.
Alors, je laisse maintenant la parole à ma collègue, Mme Cathy Wong.
Mme Wong (Cathy) : Merci
beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très
importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères
de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et
la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs
des milieux postsecondaires francophones et anglophones...
Mme Wong (Cathy) : ...merci
beaucoup, Mme la mairesse. Alors, bien sûr, dans cette approche qui était très
importante pour nous, nous avons consulté des gens issus de différentes sphères
de la société, le milieu des affaires, des groupes engagés dans la promotion et
la défense de la langue française. On a également parlé avec plusieurs acteurs
des milieux postsecondaires francophones et anglophones. Et on est très fiers
du résultat de tout ce travail qui se retrouve aujourd'hui dans notre plan
d'action en matière de valorisation de la langue française. Ce plan d'action
contient 25 actions fortes qui vont faire en sorte d'augmenter la
promotion et le rayonnement de la langue française à Montréal.
• (15 h 40) •
Et donc permettez-moi de profiter de cette
tribune aujourd'hui pour exposer quelques actions fortes de notre
administration en matière de valorisation de la langue française. Premièrement,
bien, vous l'avez sûrement lu, nous avons obtenu l'ensemble des certificats de
francisation dans la ville centre ainsi que de tous ces arrondissements. Le
dernier, Pierrefonds-Roxboro, est en voie d'obtention. C'est une première en
plus de 15 ans, et la ville se doit d'être exemplaire, et nous en sommes fiers.
Et, dans les prochains jours, bien, nous
allons procéder à l'embauche de la toute première commissaire à la langue
française de la ville de Montréal. Cette personne va faire le suivi de tous les
gestes que posera la ville de Montréal pour valoriser la langue française et va
s'assurer que la ville adopte les meilleures pratiques à l'intérieur de ses
murs concernant l'usage du français.
On a également annoncé ce matin la
création du premier comité de suivi du plan d'action en matière de valorisation
de la langue française à la ville de Montréal. Ce dernier sera présidé par
Mme Louise Harel, ancienne députée d'Hochelaga-Maisonneuve et ministre
sous différents gouvernements, qui a passé sa vie à travailler pour le
mieux-être de ses concitoyens en plus de travailler activement pour la langue
française. Et donc ce comité va aussi s'assurer que la métropole fasse toujours
mieux en matière de valorisation et de promotion de la langue française.
Nous avons également créé un prix de
reconnaissance qui va souligner la contribution d'une personne ou d'une organisation
montréalaise à la vitalité, au rayonnement et à la promotion du français comme
langue commune à Montréal.
Et donc, comme vous pouvez le constater,
la ville de Montréal, dans le respect des pouvoirs qui lui sont conférés, agit
concrètement pour promouvoir le français dans son développement économique, ses
relations internationales, le rayonnement de sa culture et de son développement
social. Et nous appliquons cette vision à Montréal comme dans toutes nos
relations externes au niveau national et international.
La Présidente (Mme Thériault) :
Mme la mairesse.
Une voix : Votre micro.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui, je vais vous demander de recommencer, on ne vous a pas entendue.
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup. Oui, bien sûr. Je disais : Merci, Cathy. Alors, le projet de loi
qui est devant nous réitère clairement que le français, c'est notre langue
commune et celle de l'intégration au Québec. Soulignons également qu'il prend
en compte, comme je le disais, les droits des minorités anglophones et des
nations autochtones. Nous avons ainsi adopté, à la ville de Montréal, une
stratégie de réconciliation avec les peuples autochtones en 2020. Les
exceptions qui sont prévues dans ce projet de loi pour prendre en considération
les droits des peuples autochtones sont donc appréciées.
Montréal est également le choix de
résidence des deux tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la
population active de la métropole provient de l'immigration. Nous sommes
convaincus que le français, la langue française est un liant entre les diverses
communautés qui composent la riche mixité...
Mme Plante (Valérie) : …autochtones
sont donc appréciés. Montréal est également le choix de résidence des deux
tiers de l'immigration du Québec. De plus, 40 % de la population active de
la métropole provient de l'immigration.
Nous sommes convaincus que le français, la
langue française est un liant entre les diverses communautés qui composent la
riche mixité culturelle de Montréal. Cette langue commune fait notre fierté,
elle nous distingue aussi bien à l'échelle nationale qu'internationale.
Pour assurer sa valorisation à long terme,
il est essentiel de mobiliser toutes les communautés. C'est la mission que la
ville de Montréal s'est donnée.
Nous jouons ici un rôle crucial dans
l'intégration des nouveaux arrivants et dans leur apprentissage du français,
mais nous croyons que le rôle de la ville de Montréal peut encore être plus
déterminant que maintenant avec un soutien accru du gouvernement du Québec.
Actuellement, nous multiplions les actions
en promotion du français auprès des personnes nouvellement arrivées grâce à
notre Bureau d'intégration des nouveaux arrivants de Montréal qui s'appelle le
BINAM et à travers également ses partenaires, notamment les cégeps et les
universités.
Nous sommes convaincus que tous les
nouveaux arrivants désirent ardemment s'intégrer à leur société d'accueil. Ils
comprennent très bien que l'apprentissage du français est un outil essentiel
pour accélérer leur intégration. C'est donc un de nos rôles, comme société
d'accueil, de les accompagner dans cet apprentissage de la langue française.
C'est pourquoi nous appuyons la mise en place d'un guichet unique québécois qui
va aider les nouveaux arrivants à apprendre le français et ainsi contribuer
pleinement à la vie en société.
Nous accueillons également de façon très
favorable la création d'un ministère dédié à la francisation ainsi que la
création d'un poste de commissaire. Il relève de l'évidence que les objectifs
du gouvernement du Québec, en termes de francisation des personnes immigrantes,
ne pourront être pleinement atteints sans une participation active de la ville
de Montréal. Et, comme l'UMQ l'a si bien dit, nous croyons que les
municipalités doivent être exemplaires en matière de langue française autant
dans leur communication orale que dans leur communication écrite.
Mais certaines dispositions du projet de
loi soulèvent pour nous des questionnements par rapport à leur mise en
application. Pensons notamment à la disposition dans la loi qui impose aux
villes de communiquer uniquement en français avec les nouveaux arrivants une
fois que ceux-ci habitent au Québec depuis plus de six mois.
Cette disposition comporte des défis.
Comme vous le savez, la ville de Montréal offre de nombreux services directs
aux citoyens. La ligne téléphonique 311 gère une bonne partie de ces demandes.
Les téléphonistes qui y travaillent reçoivent des milliers d'appels de façon
quotidienne. L'éventail des demandes que nous y recevons est très large. Ils
peuvent être de nature informative, pratico-pratique ou financière, mais il
arrive également que ces demandes soient urgentes et qu'elles nécessitent une
réaction immédiate, par exemple, un bris d'aqueduc qui inonde des maisons
environnantes, un arbre qui menace de tomber ou encore un avis d'ébullition
d'eau qui a été mis à la population.
Comment pouvons-nous répondre à nos
citoyens dans de tels cas urgents tout en respectant entièrement et à chaque
fois la loi? Il est alors difficile, voire impossible, de confirmer, preuve à
l'appui, si la personne qui appelle au 311 peut, pour obtenir de l'aide
urgente, est au Québec depuis moins ou plus de…
Mme Plante (Valérie) :
...à la population. Comment pouvons-nous répondre à nos citoyens dans de tels
cas urgents tout en respectant entièrement et à chaque fois la loi, qu'il est
alors, difficile voire impossible de confirmer preuve à l'appui si la personne
qui appelle au 311 peut, pour obtenir de l'aide urgente, est au Québec depuis
moins ou plus de six mois, alors, si elle est... si elle est, oui ou non,
exclue d'un champ d'application de la loi. Comme gouvernement de proximité,
nous nous assurons d'offrir des services de façon équitable, qui répondent aux
besoins de toute notre population, surtout en situation d'urgence. C'est pour
cette raison que nous vous recommandons d'ajouter le service 311 aux
exclusions de la loi.
Ceci étant dit, sachez que, dans toutes
les communications de la ville, la ville s'exprime déjà en français avec les citoyens
et les citoyennes ainsi qu'avec ses partenaires. Comme vous le voyez, la ville
espère pouvoir travailler avec le gouvernement du Québec lors des consultations
en vue de l'adoption de la politique linguistique. Nous pourrons ensuite
moduler nos directives linguistiques à partir de la loi finale.
Enfin, permettez-moi de vous parler d'un
important vecteur d'intégration pour les nouveaux arrivants et qui est, bien
sûr, l'accès à l'emploi. C'est pourquoi plusieurs mesures de notre plan
d'action visent la communauté d'affaires en collaboration avec différents
partenaires comme PME Montréal, les chambres de commerce et les sociétés de
développement commercial. Nous devons encourager nos entreprises, nos PME et
nos commerces à faire du français la langue du commerce à Montréal. Les
organismes d'accompagnement peuvent travailler ensemble pour s'assurer que les
entreprises se créent et se développent en français, que des cours de
francisation soient donnés aux employés ou pour aider une petite entreprise à
franciser ses processus et ses documents de travail.
Finalement, une langue qui est riche, elle
est... Bien, elle est riche quand elle est vivante, quand elle s'écrit, elle se
parle et se chante.
La Présidente
(Mme Thériault) : Et c'est...
Mme Plante (Valérie) : La
promotion de la langue française... Ah! J'ai terminé?
La Présidente
(Mme Thériault) : Oui.
Mme Plante (Valérie) :
Alors, permettez-moi seulement de vous dire que nous allons continuer à
souhaiter à ce que la fête nationale soit diffusée ici à Montréal, qui est un
spectacle qui est rassembleur et qui permet à tous les Montréalais, et
Montréalaises, et tous les Québécois de fêter ensemble le Québec et la langue
française, notre langue commune.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Merci, Mme la mairesse. M. le ministre,
la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette :
Merci, Mme la Présidente. Mme la mairesse, Mme Plante, Mme Wong,
bonjour.
Mme Plante (Valérie) :
Bonjour.
M. Jolin-Barrette :
Merci de participer aux travaux de la commission. Vous me permettrez
particulièrement de saluer Mme Wong parce que je sais que vous ne vous
représentez pas aux élections. Alors, merci pour ces années dans le cadre du
service public. Alors, je vous souhaite le meilleur pour la suite. Écoutez, je
suis heureux d'entendre le point de vue de la ville de Montréal parce que la
ville de Montréal, c'est un acteur central dans la promotion et dans la défense
du français. Et je pense que votre témoignage aujourd'hui en commission fait
foi de la prise de conscience que vous... que les élus de la ville de Montréal,
que la ville de Montréal, au cours des dernières années, ont eue, du fait que
vous ne niez pas le problème, qu'il y a un enjeu linguistique sur l'île de
Montréal, qui excède les frontières de la ville de Montréal. Et vous avez
décidé, bon, de mettre de l'avant plusieurs...
M. Jolin-Barrette : …que les
élus de la ville de Montréal, que la ville de Montréal, au cours des dernières
années, ont eue du fait que vous ne niez pas le problème qu'il y a un enjeu
linguistique sur l'île de Montréal qui excède les frontières de la ville de
Montréal, et vous avez décidé, bon, de mettre de l'avant plusieurs actions pour
redresser la situation, et, notamment, je me souviens, je crois, au printemps
dernier, vous aviez signé, Mme la mairesse, le front commun pour que la loi 101
puisse s'étendre aux entreprises de juridiction fédérale. Pourquoi est-ce que
c'est important que la Charte de la langue française s'applique aux entreprises
de juridiction fédérale?
Mme Plante (Valérie) : Bien,
écoutez, comme on le mentionnait pendant… d'entrée de jeu, et je tiens à le
réitérer, la ville de Montréal, de par sa posture unique, c'est-à-dire terre
d'accueil, mais également terre où il se brasse beaucoup d'affaires, on a beaucoup
de sièges sociaux, donc il y a ici une grande vitalité tant culturelle et
économique, la notion même d'exemplarité, pour moi, elle est importante, elle
est importante pour la ville. Et, vous l'avez dit vous-même, il y avait… disons
que les… certains éléments en lien avec l'exemplarité de la ville de Montréal
faisaient défaut, et, lorsqu'on s'est saisis de la question, on s'est
dit : O.K., on avance, on… vraiment, on trouve des solutions.
Alors, pour ce qui est des entreprises… ou
plutôt, excusez-moi, pour le gouvernement fédéral, je pense que la notion
d'exemplarité doit également s'appliquer comme pour le gouvernement du Québec, évidemment.
Ensuite, c'est de voir comment… On dit souvent que le diable est dans les
détails. Quels sont les moyens qui sont mis à disposition? Je pense que c'est
important de le considérer. Mais, au final, si on veut que la langue française
soit notre langue commune, il faut encourager bien sûr le secteur, comme je le
disais, économique et autre, mais il faut pouvoir aussi faire preuve
d'exemplarité au niveau des institutions publiques.
Mme Wong.
Mme Wong (Cathy) : Je n'ai
rien à ajouter…
• (15 h 50) •
M. Jolin-Barrette : O.K.
Donc, je comprends de votre réponse, Mme la mairesse, que vous êtes d'accord
avec nous qu'il faut étendre la loi 101 aux entreprises de juridiction
fédérale. Et, notamment, je vous dirais, vous savez, Montréal, c'est le moteur
économique du Québec aussi, et, vous l'avez dit tout à l'heure, 80 % des personnes
immigrantes choisissent de s'établir dans la grande région de Montréal, et,
pour l'intégration des personnes immigrantes, c'est fondamental qu'elles
puissent s'intégrer en français à la société québécoise, et ce qu'on dit
souvent, c'est que les deux facteurs d'intégration les plus importants, c'est
le marché du travail et la connaissance de la langue.
On a vu au cours des dernières années les
études qui ont été publiées, notamment sur l'île de Montréal… l'OQLF, au niveau
notamment des municipalités de l'île de Montréal, les arrondissements également
qui exigeaient la connaissance d'une autre langue que le français dans une
forte proportion, plus de 50 %; on a vu également le fait que parfois
c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal. Alors,
il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour dire :
Bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal. Bon. Dans le projet
de loi n° 96, on y va sur la question de l'affichage,
on revient…
M. Jolin-Barrette : ...dans
une forte proportion, plus de 50 %. On a vu également le fait que,
parfois, c'est difficile d'avoir des services en anglais sur l'île de Montréal.
Alors, il y a un travail à faire, une prise de conscience collective pour dire,
bien, il faut améliorer le visage linguistique de Montréal.
Bon, dans le projet de loi n° 96,
on y va sur la question de l'affichage, on revient à la nette prédominance. Ça
va avoir un impact sur le visage francophone de Montréal. Mais sur la question
de l'intégration en français des personnes immigrantes, vous nous dites dans...
c'est une de vos recommandations dans le mémoire : Bien, écoutez, six
mois, c'est trop court, il faudrait augmenter. Dans les exemples que vous avez
donnés tout à l'heure, vous disiez : Bien, écoutez, s'il y a un avis
d'ébullition d'eau, s'il y a une question de danger, de santé et de sécurité...
Je vous rassure tout de suite, ces mesures-là sont déjà prévues par des
exclusions, nommément, dans le projet de loi n° 96.
Alors, là-dessus, il n'y a pas d'inquiétude à avoir.
Mais sur la question de l'intégration, et
on a eu ce débat-là ce matin avec un autre invité, relativement au délai, le
principe de base du projet de loi n° 96, c'est de
dire : Chaque personne immigrante, on l'accueille, dès le départ, en
français. C'est le principe général. Il y a une exception, qu'on peut aller
jusqu'à six mois pour communiquer avec lui dans une autre langue que le
français. Mais qu'est-ce qui arrive si on fait comme vous le proposez, puis on
étend ce six mois là à une durée plus grande? Pour inciter les gens à adopter
le français comme langue...
Parce que je pense que c'est notre défi le
plus grand à Montréal, de dire : On s'intègre en français sur l'île de
Montréal. Or, on voit que les tendances linguistiques sont difficiles sur l'île
de Montréal. L'adhésion à la langue anglaise, il est très, très fort, alors si
on ne réussit pas à mettre des mesures, comme je le propose dans le projet de
loi n° 96, comment est-ce qu'on va réussir clairement
à inviter les nouveaux arrivants à choisir le français?
Mme Plante (Valérie) : Bien,
tout d'abord, permettez-moi, M. le ministre, peut-être certains éléments... je
pense que... pour toutes celles et ceux qui nous écoutent en ce moment.
Évidemment, je suis ici comme mairesse de la ville de Montréal, et, comme on le
sait, Montréal comporte 19 arrondissements. Il y en a seulement un,
arrondissement, qui a un statut bilingue. Par contre, sur l'île de Montréal, il
y a 16 autres villes liées, comme on les appelle, des villes avec leurs champs
de compétence et leur statut. Donc, la ville de Montréal n'a pas juridiction
sur ces villes-là. Et sur ces 16 villes liées qui sont sur l'île de Montréal,
13 ont un statut bilingue. Alors, pourquoi je vous dis ça? Parce que, pour moi,
c'est quand même important que chacun prenne ses responsabilités en fonction de
son cadre légal et de son statut.
Peut-être un autre élément aussi où je me
permets, M. le ministre... Vous avez parlé de la statistique comme quoi
50 % des arrondissements et des municipalités de Montréal affichent des
postes requérant l'anglais. C'est important de savoir que ce n'est pas un poste
sur deux qui demande de l'anglais. On parle ici d'une municipalité sur deux.
Alors, si on calcule le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les
13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance.
Et pour vous dire à quel point, pour nous,
c'est important, à la ville de Montréal, sur les 5 000 embauches en 2019
seulement, sur 5 000 embauches, il y a eu seulement 180 postes qui ont
demandé...
Mme Plante (Valérie) : …alors,
si on la calcule, le nombre de municipalités, là, il y a Montréal plus les
13 autres. Alors, je veux quand même faire une petite nuance. Et pour vous
dire à quel point, pour nous, c'est important, à la ville de Montréal, sur les
5 000 embauches, en 2019 seulement, sur 5 000 embauches, il
y a eu seulement 180 postes qui ont demandé la compréhension ou un niveau
d'anglais. Alors, je tiens à le mentionner parce que, bien sûr, il y a toujours
matière à amélioration, mais, vous le savez, on disait : Le diable est
dans les détails, les chiffres sont importants.
Maintenant, pour ce qui est… je serais
très heureuse, je sais que c'est une période de questions à mon égard, mais
quand vous dites que, dans le projet de loi, au niveau du… il y a des mesures
qui sont prises concernant… vous m'excuserez, là, je pense que vous faisiez
référence au 311.
M. Jolin-Barrette :
…sécurité. La santé et la sécurité.
Mme Plante (Valérie) : Oui,
c'est ça, je le sais, voilà. Exactement. Je pense que ma seule nuance, ce
serait de dire que pour le 9-1-1, c'est très clair, quand on fait le 9-1-1,
c'est une urgence. La précision que je veux amener et la préoccupation que
j'amène, c'est qu'est-ce qu'on fait lorsque… le 311 peut parler autant de
collectes de déchets jusqu'à un avis d'ébulation… d'ébullition, excusez-moi.
Donc, c'est juste un spectre très large, et on veut juste s'assurer que, quand
il y a une question qui touche la sécurité publique, la sécurité civile, on
puisse agir rapidement. Et donc comment est-ce que ça va s'appliquer ou comment
on va pouvoir s'assurer de respecter la loi? Parce que c'est notre souhait.
Finalement, pour ce qui est de la période,
vous comprendrez bien que c'est au gouvernement du Québec de décider quelle est
la période, comment dire, un peu tampon où une personne, un nouvel arrivant
doit apprendre le français. Moi, ce que j'ai surtout envie de vous dire, M. le
ministre, c'est que je veux surtout m'assurer que personne n'est exclu et,
comme je disais, je suis convaincue que tous les immigrants veulent apprendre
le français, parce que c'est… ils savent que c'est un outil essentiel pour
pouvoir participer à la vie en société.
Mais ce que je trouverais dommage, c'est
qu'un six mois strict, sans équivoque, en vienne à mettre des personnes de
côté. Et là je nous amène au 311. Qu'est-ce qui se passe le jour où, le
lendemain du six mois, la personne nous appelle parce qu'il y a un événement
urgent? Qu'est-ce qu'on répond? Qu'est-ce que l'on fait? Et comment est-ce que
ça s'applique? Donc, c'est vraiment dans cet ordre-là. Je comprends vos
préoccupations. On a le même objectif. Mais je pense qu'il faut se donner de la
flexibilité, et c'est ce que la ville de Montréal demande, d'une certaine manière,
concernant, en tout cas, le 311. Mme Wong, je ne sais pas si vous voulez
ajouter quelque chose?
M. Jolin-Barrette : Et donc,
au risque de me répéter, dans le fond, la politique linguistique de l'État,
donc, couvre les ministères, les organismes, incluant les municipalités. Et là,
suite à l'adoption de la politique linguistique, il y aura des directives qui
vont être données par la ville, et notamment certaines exceptions. Donc, les
cas que vous soulevez, notamment au 311, pourront être couverts. Donc, en
termes de prévisibilité pour la ville, tout ça va permettre d'établir
clairement les situations auxquelles vous faites référence, et on pourra les
travailler ensemble notamment pour être sûr que, pour les citoyens, ce soit
très clair.
Je veux juste qu'on revienne sur…
M. Jolin-Barrette :
…pourront être couverts. Donc, en termes de prévisibilité pour la ville, tout
ça va permettre d'établir clairement les situations auxquelles vous faites
référence, et on pourra les travailler ensemble notamment pour être sûrs que,
pour les citoyens, ce soit très clair.
Je veux juste qu'on revienne sur le
fait... Vous dites : Il ne faut pas exclure personne. Je suis très d'accord
avec vous, et surtout l'importance que nous avons d'intégrer, au Québec, particulièrement
à Montréal, en français, les personnes immigrantes.
Parce que, vous savez, il y a d'autres
études également qui sont sorties où on dit : Sur l'île de Montréal, 63 %
des entreprises exigent une langue autre que le français. Alors, ça, c'est un
drôle de message parce que c'est comme on dit aux personnes immigrantes qui
viennent au Québec, qui viennent à Montréal, on leur dit : Venez, vous
êtes dans un État de langue française. La langue officielle de la ville de
Montréal, c'est le français. La langue officielle du Québec, c'est le français.
Mais par contre, si vous voulez travailler, si vous voulez intégrer le marché
du travail, il faut que vous parliez une autre langue.
Alors, déjà là, il y a un enjeu. Il faut
faire en sorte que les Québécois et les Québécoises puissent travailler en
français dans la langue commune. Donc, le message sociétal qu'on doit envoyer,
c'est très clair, de dire : Bien, écoutez, partout au Québec, incluant
Montréal, ça se passe en français.
Puis on n'est pas dogmatiques, là. S'il y
a des postes qui requièrent la connaissance d'une autre langue que le français,
l'employeur, en vertu de 46, va pouvoir le demander, mais ça ne doit pas être
systématique. Donc, il faut mettre fin au bilinguisme institutionnel.
Ça m'amène à vous poser la question. On a
entendu certains candidats à la mairie dire qu'ils souhaitaient que la ville de
Montréal devienne bilingue et devienne multiculturelle. Est-ce que... Qu'est-ce
que vous pensez de ces affirmations-là?
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup, M. le ministre. Et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez
dit concernant le français comme langue commune de travail et la langue
d'affaires. Et c'est dans cet esprit que, quand on dit qu'on a beaucoup de
véhicules très efficaces à la ville de Montréal, PME Montréal, les chambres de
commerce, vraiment, pour être des acteurs clés de... j'aurais envie de dire,
pour pouvoir propager ou faire de la francisation, mais de faire vraiment de la
langue française notre langue commune, là, de travail. Alors, je partage votre
objectif.
Mais, écoutez, je suis, comme vous pouvez
l'imaginer, avec les efforts qui ont été déployés par notre administration pour
la valorisation de la langue française au cours des derniers mois, tout à fait
en désaccord avec une position comme celle d'un candidat à la mairie actuel. Je
pense qu'on doit plutôt travailler ensemble.
Encore une fois, le projet de loi, pour
moi, fait... respecte les droits inscrits dans la Charte canadienne concernant
les anglophones et les... pardon, les personnes des communautés autochtones.
Et, pour moi, ça, je pense que c'est important, mais c'est déjà prévu dans la
loi.
• (16 heures) •
Mais il faut venir valoriser, toujours
mettre plus de l'avant la langue française en se donnant les moyens, en se
donnant les outils pour être fédérateurs, pour créer de l'adhésion. Moi, c'est
beaucoup ça sur lequel je mise à Montréal, créer un sentiment d'appartenance.
J'aime dire que le français doit devenir notre liant social, notre colle. Et ça
l'est quand même beaucoup, j'ai envie de vous dire, parce qu'on s'en est
préoccupés. Ceci dit...
16 h (version non révisée)
Mme Plante (Valérie) : …en se
donnant les moyens, on se donnant les outils pour être fédérateurs, pour créer
de l'adhésion. Moi, c'est beaucoup ça sur lequel je mise à Montréal. Créer un
sentiment d'appartenance. J'aime dire que le français doit devenir notre liant
social, notre colle. Et ça l'est quand même beaucoup j'ai envie de vous dire
parce qu'on s'en est préoccupé. Ceci dit, le… on sait qu'il y a 94 % des
Québécois qui déclarent être capables, vraiment, de soutenir une conversation
en français. On doit se baser là-dessus puis aller encore plus loin pour que ça
devienne, comme on disait, notre langue de travail, notre langue quotidienne,
et puis bien intégrer les nouveaux arrivants.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie…
Mme Wong (Cathy) : Si je peux
me permettre… en complément de réponse, M. le ministre, vous avez parlé du
multiculturalisme auquel faisait référence un autre candidat à la mairie. Si
vous regardez le plan d'action de la langue française que nous avons mis de
l'avant. Ce plan d'action montréalais est réellement dans une perspective
d'interculturalisme où dans les trois axes que nous présentons le troisième axe
porte spécifiquement sur la question d'intégration des nouveaux arrivants dans
la langue française. Et dans les différents projets que nous avons menés dans
la dernière année avec le BINAM notamment, le bureau d'intégration des nouveaux
arrivants, plusieurs de ces projets se sont faits en lien avec des projets en
langue française de francisation. Et donc, notre approche a toujours été celle
de l'interculturalisme où pour nous, l'intégration doit se faire dans la langue
commune. Et où on fait le pont entre non seulement le BINAM qui a un rôle à
jouer dans l'intégration des nouveaux arrivants en français, mais également
lorsqu'on parle de l'importance du rayonnement et de la promotion de la langue
française, mais que ça se fasse également dans l'intégration des nouveaux
arrivants. Alors, ces ponts-là, ils se font de façon très naturelle dans
l'ensemble de nos approches en lien avec la question de l'intégration des
nouveaux arrivants et de l'interculturalisme. Et c'est vraiment la vision que
nous souhaitons mettre de l'avant à travers notre plan d'action sur la langue
française. La commissaire à la langue française qui va rentrer en fonction
bientôt dans les prochaines semaines portera également à travers son mandat, le
mandat de faire rayonner la langue française, mais non seulement à travers, je
veux dire, des… à travers la culture, l'économie, mais surtout auprès des
nouveaux arrivants. Et donc c'est dans une perspective d'interculturalisme que
cette personne pourra le faire également.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie à vous deux pour votre présence en commission parlementaire. C'est
fort apprécié. J'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions.
Merci beaucoup.
Mme Plante (Valérie) : Merci à
vous.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. M. le député de Chapleau, un peu moins de deux minutes, question,
réponse.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Mme la mairesse, Me Wong, bonjour. Merci
de votre présentation. Donc, rapidement, peut-être sur le plan dont vous nous
faisiez mention, là. Le lien que vous faites, donc, avec l'idée, là, le plan…
l'interculturalisme c'est-à-dire, pardon, et le lien avec la langue, mais aussi
la culture québécoise. Donc, vous avez parlé d'intégration par la langue, mais
est-ce que vous incluez également la notion de culture québécoise dans
l'interculturalisme à Montréal? Justement, je pense qu'il y a quand même un volet
qui essentiel, qui est important. Peut-être, nous éclairer sur ce plan-là
également.
Mme Wong (Cathy) : Merci pour
question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je vais essayer
de… minutes. Alors, bien sûr, ce plan se divise en trois sections. La
première parle de l'exemplarité, de la conformité de la ville. La deuxième
section parle de la valorisation…
M. Lévesque (Chapleau) :
...c'est quand même un volet qui est essentiel, qui est important, peut-être
nous éclairer sur ce plan-là également.
Mme Wong (Cathy) : Merci
pour votre question. Je pourrais vous en parler pendant des heures, mais je
vais essayer de... ça en une minute.
Alors, bien sûr, ce plan se divise en
trois sections. La première parle de l'exemplarité et de la conformité de la
ville. La deuxième section parle de la valorisation, alors toutes les actions
que la ville de Montréal mène en lien avec la culture, avec le développement
économique. Et la troisième portion porte sur la question de l'intégration autant
au niveau des nouveaux arrivants que des étudiants internationaux, par exemple.
Et donc, oui, la réponse à votre question
rapidement, c'est oui, absolument, il y a un lien qui est nécessaire, et nous,
à la ville de Montréal à travers nos maisons de la culture, par exemple, à
travers nos bibliothèques, nous avons un rôle extrêmement important de faire
rayonner la langue française. Et on sait que ce sont des lieux très importants
pour les nouveaux arrivants, les bibliothèques et les maisons de la culture, et
donc il y a plusieurs actions dans ce sens-là dans notre plan d'action.
Mme la mairesse l'a mentionné dans son
discours également en lien avec la Saint-Jean-Baptiste, le désir de diffuser ce
spectacle à chaque année parce qu'on sait que c'est un moment fort d'identité,
mais de fierté pour les nouveaux arrivants. Alors, vous allez retrouver, dans
notre plan, là, vraiment cette vision interculturelle de l'intégration des
nouveaux arrivants.
M. Lévesque (Chapleau) :
Merci beaucoup, fort intéressant.
Mme Wong (Cathy) : Merci.
La Présidente
(Mme Thériault) : Merci. Nous allons maintenant du côté de la
députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Bonjour, Mme la mairesse, Mme Plante.
Mme Wong, enchantée de vous rencontrer aujourd'hui.
Écoutez, j'aurais voulu, mais je ne vous
demanderai pas de réponse, Mme Wong, parce qu'ici on est beaucoup dans la
différence entre trois concepts, mais je vous dis juste ça comme ça pour dire
que c'est beaucoup déposé dans... parce qu'il y certains interlocuteurs qui, au
lieu de parler du multiculturalisme... évidemment, on en parle, mais
négativement la plupart du temps, l'interculturalisme, mais le nouveau concept,
la convergence culturelle, qui n'est pas nouveau, qui existe depuis plusieurs
années, mais qui revient, je dirais, dans plusieurs des mémoires de gens qui
pensent que ça serait une meilleure façon.
Alors, juste pour vous dire
qu'effectivement c'est... tout ça, c'est très intéressant, de dire :
Est-ce qu'on fait de l'interculturalisme ou de la convergence culturelle? Mais
je pense qu'on peut résumer en disant qu'on veut beaucoup, beaucoup favoriser
l'intégration des nouveaux arrivants à la culture québécoise. Alors, là-dessus,
je ne veux justement pas vous poser la question parce qu'on ferait un grand
débat de concepts pendant les quelques minutes que j'ai.
Mais vous avez déposé un plan
effectivement, et je vais vous amener sur une chose en particulier pour
commencer, la question de l'enseignement supérieur parce que d'abord ça
m'intéresse et parce qu'en 2017, quelques mois probablement avant votre
élection, Mme Plante, Mme la mairesse, j'avais eu l'occasion de souligner
quelque chose d'exceptionnel avec votre prédécesseur, qui était le fait que
Montréal avait été nommée première ville au monde, ce n'est pas rien, là, de
quoi... ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde en
termes d'appréciation, par les étudiants internationaux, de la ville dans
laquelle ils étudient, ils et elles étudient. C'était... moi, je trouvais que
c'était exceptionnel comme...
Mme David : …le fait que Montréal
avait été nommée première ville au monde — ce n'est pas rien, là, de
quoi. Ça n'arrive pas tous les jours qu'on est première ville au monde — en
termes d'appréciation par les étudiants internationaux de la ville dans
laquelle ils étudient, ils et elles étudient.
Moi, je trouvais que c'était exceptionnel
comme reconnaissance, je le trouve encore. Ça n'a pas nécessairement été le cas
après, parce qu'il y a beaucoup de villes, hein, où étudient les étudiants
internationaux, mais tout ça pour dire que Montréal était la ville la plus
appréciée au monde. Et, quand on voit ça, c'est parce que la qualité des
universités, le fait qu'il y a des universités anglophones, des universités
francophones, et il y a tous les collèges qui font partis de l'enseignement
supérieur.
Alors, à ce moment-là, il y avait été
créé, si je ne me trompe pas, un bureau de l'enseignement supérieur où il
était… qui était en plan, mais je pense qu'il a été créé. Pour moi, la question
des étudiants internationaux présents à Montréal, la question des étudiants qui
ne sont pas nécessairement francophones de souche, comme on dit, est une
question centrale à la question de Montréal qui est l'épicentre, je dirais, de
la raison pour laquelle on est réunis ici, c'est-à-dire le projet de loi
n° 96 sur la langue française. Montréal, là, c'est l'épicentre. Et dans
l'épicentre, il y a cette formidable atout que constituent les étudiants
internationaux. Moi, je trouve qu'on en fait pas assez, et c'est un euphémisme
quand je dis ça, on n'en fait vraiment pas beaucoup pour franciser les
étudiants internationaux.
Alors, je veux avoir votre avis là-dessus,
je veux savoir si le bureau existe encore, je veux savoir si vous y croyez et
si vous êtes capable de travailler plus avec les collèges, les universités pour
dire, un, restez ici, deux, on va vous apprendre le français pendant que vous
étudiez, et puis vous allez apprécier puis vous allez pouvoir répondre en
français sur la rue Sainte-Catherine quand vous avez… quand vous travaillez
dans les petits commerces.
Mme Plante (Valérie) : Alors,
merci beaucoup pour votre question. C'est intéressant, parce que la vision que
notre équipe a pour faire en sorte que Montréal continue d'être une ville très
compétitive à travers le monde, en compétition avec d'autres grandes villes,
c'est sa capacité à attirer des talents, à attirer des étudiants qui non
seulement font vivre l'économie pendant qu'ils sont ici, mais qui deviennent
aussi… qui viennent combler les besoins au niveau de la main-d'oeuvre. Et les
grandes villes du futur vont être en compétition directe, elles le sont déjà,
pour la main-d'oeuvre qui est disponible, et on la veut de qualité pour créer
de bons emplois également.
Donc, cette question-là est au coeur de
notre vision : Comment on positionne Montréal par rapport aux autres
villes du monde? Et la question, justement, de comment est-ce qu'on attire des
étudiants? Bien oui, ça passe par des établissements postsecondaires de très
grandes qualités. Et bien que je dois vous rassurer, Mme la députée, que
Montréal est toujours en tête au niveau de sa qualité, la qualité,
l'appréciation des étudiants à travers le monde. Bien sûr, la COVID a eu un
impact, là, c'est évident, mais la reprise est somme toute très, très
importante, puis on tire très bien notre épingle du jeu.
Donc, le travail qui est fait avec les
universités et les établissements postsecondaires est fondamental…
Mme Plante (Valérie) : …au
niveau de sa qualité, l'appréciation des étudiants à travers le monde. Bien
sûr, la COVID a eu un impact, là, ça, c'est évident, mais la reprise est somme
toute très, très importante puis on tire très bien notre épingle du jeu.
Donc, le travail qui est fait avec les
universités et les établissements postsecondaires est fondamental. Et dans
notre plan d'action, dont ma collègue Mme Wong parlait, on a fait une
place de choix, justement, ce travail de collaboration qui est déjà bien
enclenché. Les universités sont des partenaires avec qui nous travaillons pour
s'assurer que, quand un étudiant arrive ici, puisse non seulement étudier, ça,
c'est pour ça qu'il est venu ici, mais on veut qu'il y ait une intégration.
Parce que si on réussit très rapidement à intégrer via le français des
étudiants étrangers, bien, il y a des bonnes chances qu'ils restent à Montréal
parce qu'ils se rendent compte qu'à Montréal, la qualité de vie est
exceptionnelle, c'est somme toute très abordable puis il y a des opportunités
de carrières vraiment intéressantes.
• (16 h 10) •
Alors, le français est un élément clé et
le travail qu'on a fait avec les universités, jusqu'à maintenant, c'est des
projets aussi simples que… simples mais très efficaces au niveau de la culture.
Quand une personne rencontre le français via par exemple la culture, est-ce que
c'est de découvrir des spectacles, de voir des expositions, d'être vraiment mis
devant notre magnifique culture montréalaise et québécoise, il y a quelque
chose qui se passe. Donc, il y a énormément de projets de cet ordre-là. Et dans
notre plan d'action, cette place importante à la collaboration avec les
universités, elle est présente.
Pour ce qui est du bureau, le bureau
n'existe pas, mais les collaborations, elles, oui.
Mme David : Justement, on va
voir des collèges, tout à l'heure, on l'a même entendu, les collèges
anglophones seraient prêts à faire plus pour la francisation de leurs étudiants
qui ne maîtrisent pas suffisamment le français. Il y a des universités
anglophones, vous le savez, qui sont très près du centre-ville, sinon carrément
dans le centre-ville, et qui ont des étudiants internationaux mais des
universités francophones aussi avec des étudiants de partout dans le monde.
C'est une main-d'oeuvre exceptionnelle. Vous l'avez dit, ce sont des gens qui
peuvent rester, passer leur vie, tomber en amour, avoir un travail, être
bilingues, être trilingues. Mais nous, on a proposé qu'il y ait des antennes du
ministère de l'Immigration sur tous les campus, sur tous les campus, pour
offrir gratuitement les cours de français, ce qui n'existe pas actuellement.
Oui, il va y avoir des cours maintenant en principe accessibles avec le projet
de loi, mais comment la ville de Montréal peut faire plus pour s'assurer que
ces étudiants-là soient francisés? À part des choses plus générales, là.
Mme Plante (Valérie) : Bien,
tout d'abord, j'aimerais, quand même, juste… en termes de cadre de gouvernance,
la ville de Montréal, bien sûr, s'occupe de, comment dire, au niveau de sa
fonction publique, hein, plus grand employeur de la région métropolitaine de
Montréal, et les collaborations qu'on fait, soit avec le milieu des affaires ou
encore avec l'université, sont absolument primordiales.
Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est
qu'on fait déjà beaucoup mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions.
Je considère que Montréal, via ses différentes collaborations… en fait, c'est…
Mme Plante (Valérie) : ...et
les collaborations qu'on fait soit avec le milieu des affaires ou encore avec l'université
sont absolument primordiales.
Moi, ce que j'ai envie de vous dire, c'est
qu'on fait déjà beaucoup, mais on a besoin d'avoir les moyens de nos ambitions.
Je considère que Montréal, via ses différentes collaborations... en fait, c'est
des liens qui sont déjà très forts, on peut aller tellement plus loin. Là où
c'est difficile, c'est qu'on n'a pas nécessairement les ressources pour le
faire. Je vais laisser bien sûr au gouvernement du Québec décider quelle serait
la meilleure façon d'implanter, par exemple, des antennes, par exemple, si
c'était une volonté du gouvernement. Je respecte vraiment la juridiction du gouvernement
d'agir dans l'application de la loi.
Mais ce que je peux vous garantir, c'est
que l'expertise qu'il y a à la ville de Montréal, les liens qu'on a avec le
milieu communautaire, avec les premiers arrivants, avec les... comme je disais,
avec le milieu des affaires, l'écosystème, puis là... c'est très large quand on
parle du milieu économique, mais également le milieu d'enseignement. Donc, je
pourrais vous donner une quantité de programmes qui existent déjà, de voir
comment on peut les bonifier, mais c'est efficace. Et la force de Montréal,
c'est... une grande ville, mais à échelle humaine, et donc ces collaborations-là
sont tout à fait possibles, et on est au centre. La ville de Montréal est comme
un peu un pivot, mais il faut nous utiliser davantage. Mme Wong.
Mme Wong (Cathy) : Oui, je me
permettais d'ajouter avec deux exemples concrets, là, sur lesquels nous avons
échangé avec les universités anglophones au centre-ville. Le premier est en
lien avec la possibilité pour des étudiants internationaux qui arrivent à Montréal
de découvrir la culture québécoise en leur offrant un accès à cette culture québécoise
là, parce que, bien, ces étudiants vivent dans un microcosme, hein, sont comme
dans une bulle au centre-ville. Et ces étudiants, puis c'est ça que les universités
nous ont dit, ils souhaitent avoir accès à cette culture-là, mais une culture
qui est davantage accessible, qui est davantage vulgarisée et qui leur
permettra de découvrir la culture francophone et québécoise.
Et donc on réfléchissait justement avec
eux de la possibilité de développer ce parcours-là avec les universités pour
offrir aux étudiants cette possibilité de découvrir la culture québécoise dans
leurs premières années à Montréal et qui pourrait favoriser justement la francisation,
la compréhension. En fait, ce que les étudiants nous disent, c'est : On a
envie d'apprendre le français à l'extérieur des classes, on veut rencontrer des
gens, on veut assister à des spectacles et découvrir cette culture. Donc, ça,
c'est un exemple tout simple dans lequel on pourrait travailler et où on
souhaitait justement collaborer davantage avec les universités.
Dans un deuxième temps, lorsqu'on parle de
rétention des étudiants universitaires à Montréal, beaucoup d'entre eux, notamment
à la ville de Montréal, souhaitent trouver un travail, un emploi, et souvent
c'est leur premier emploi, hein, lorsqu'ils graduent de l'université. Et, bien,
nous, nous avons des exigences en lien avec la langue française, ce qui fait en
sorte que, bien, parfois, au niveau de l'embauche, bien, certains de ces
étudiants n'ont pas accès à... en fait, c'est plus difficile pour eux d'avoir
accès à certains emplois.
Et donc on avait réfléchi, par exemple, à
cette possibilité-là de créer des stages, à créer des types d'emplois qui
permettraient la francisation des étudiants anglophones ou internationaux qui
souhaitent travailler au sein de l'administration publique et qui pourraient, à
travers cette opportunité d'emploi là, bien, découvrir...
Mme Wong (Cathy) : ...donc, on
avait réfléchi, par exemple, à cette possibilité-là de créer des stages, à
créer des types d'emplois qui permettraient la francisation des étudiants anglophones
ou internationaux qui souhaitent travailler au sein de l'administration
publique et qui pourraient, à travers cette opportunité d'emploi là, bien,
découvrir, apprendre la langue française. Et donc ça serait un programme, comme
un programme de parrainage, qui permettrait à des étudiants anglophones ou
internationaux de parfaire son français tout au long de ses premiers mois de travail
comme employé de la ville, alors des programmes comme on en fait pour les
nouveaux arrivants par exemple, mais cette fois-ci davantage... en fait,
davantage spécifiques aux étudiants internationaux, de l'international ou
anglophones.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Merci. Ça met fin à l'échange avec la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Donc, Mme la députée de Mercier pour vos 2 min 55 s.
Mme Ghazal : Merci. Merci, Mme
la Présidente. Mme Plante, Mme Wong, merci beaucoup pour votre
présentation. Vous avez raison de souligner que la ville de Montréal a souffert
pendant longtemps d'inaction en matière de protection de... pas de
l'environnement, mais de la langue française, et je suis contente de vous
entendre parler des actions que vous avez mises en place et tout ça. Donc,
c'est très, très important.
Puis vous en parlez un peu, il y a
beaucoup de choses qui peuvent être difficiles à mettre en application,
notamment les communications orales. Votre site Internet aussi affiche en
anglais. Je me rappelle, dans le mémoire de Mmes Louise Harel et Louise
Beaudoin, elles disaient que, pour la ville de Montréal, le projet de loi
n° 96 est une révolution.
Donc, je voulais savoir, qu'est-ce que
vous avez... est-ce que vous sentez que vous avez les ressources suffisantes
pour mettre en place les dispositions qui sont dans le projet de loi
n° 96. Vous disiez que vous aviez besoin d'outils et tout ça. Peut-être
plus précisément, est-ce que c'est quelque chose de faisable ou si ça va
prendre beaucoup, beaucoup, beaucoup de ressources de la part du gouvernement
du Québec pour vous aider?
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup pour la question. Elle est très, très pertinente, parce que je le
disais en introduction, pour réussir cette stratégie, cette réforme de la
loi 101, qu'on salue, il faut vraiment que la ville de Montréal soit
positionnée, il faut qu'on nous donne vraiment le moyen de prendre notre envol,
mais vraiment de contribuer à cette stratégie. C'est vraiment comme ça je le
vois.
Évidemment, le fait que nous allons nommer
dans les prochains jours une commissaire qui pourra travailler de concert avec
un ou une éventuel commissaire au sein du gouvernement du Québec sur la
question de la langue française va aider.
Mais définitivement, Mme la députée, je
souhaite ardemment que les ressources financières... Je sais qu'il y a des
ressources financières qui ont été données à des organismes pas plus tôt qu'en
début de semaine. D'ailleurs, on s'en réjouit, hein, des organismes
communautaires qui font des merveilles sur le terrain, qui travaillent sur la
ligne vraiment, là, ils rencontrent les gens, ils font un travail de médiation
culturelle incroyable, et amènent, favorisent l'intégration. Mais la ville de
Montréal, et bien sûr ça se déploie dans différentes actions, mais ce qui est
mis dans ce plan d'action là, c'est du sérieux, ça a été bien colligé, et on
souhaite que le gouvernement du Québec dise : Montréal, on veut travailler
ensemble, on est derrière vous, aidez-nous à accomplir ce grand objectif.
Mme Ghazal : J'ai peu de
temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, il en faudrait plus. Il y
a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui… aussi les
fonctionnaires...
Mme Plante (Valérie) : …dans
différentes actions, mais ce qui est mis dans ce plan d'action là, c'est du
sérieux, ça a été bien colligé, et on souhaite que le gouvernement du Québec
dise : Montréal, on veut travailler ensemble, on est derrière vous,
aidez-nous à accomplir ce grand objectif.
Mme Ghazal : J'ai peu de
temps. Donc, je comprends que ce n'est pas suffisant, là, il en faudrait plus.
Il y a eu le Syndicat de la fonction publique du Québec qui… aussi les
fonctionnaires du Québec communiquent directement avec des citoyens au lieu
que… Pour le fameux six mois, au lieu de commencer à communiquer avec eux
et elles tout de suite en anglais en pensant que, nécessairement, s'ils ne
parlent pas français, ils parlent anglais, ils ont proposé que le gouvernement
du Québec mette en place un service d'interprétariat dans la langue d'origine
de ces personnes jusqu'à ce qu'elles apprennent le français et après ça, on
communique avec elles en français. Là, c'est six mois, mais on pourra
avoir des discussions pour revoir cette… prolonger un peu cette période-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin…
Mme Ghazal : Est-ce que vous…
intéressés à ce qu'il y ait le même service à la Ville de Montréal?
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin, donc juste un «oui» ou un «non» parce que je dois céder
la parole à un autre député. Oui, non?
Mme Ghazal : Merci.
Mme Plante (Valérie) : Ah!
oui…
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui? D'accord. Merci.
Mme Plante (Valérie) : …
La Présidente (Mme Thériault) :
On va dire «oui». Parfait. M. le député de Matane, 2 min 50 s.
Désolée, hein, je suis la gardienne du temps. Désolée.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Mme Plante, Mme Wong, soyez les bienvenues. Montréal est
une ville de la langue française. C'est à l'article 1 de la charte. Ça, on
doit toujours l'avoir en tête. On est en campagne électorale municipale et moi,
je suis d'avis qu'on devrait avoir un grand débat sur Montréal, ville
francophone, entre les candidats à la mairie. Ça ne semble pas être votre cas,
Mme la mairesse.
Ce qui m'intrigue, c'est que vous avez dit
dans un balado, qui s'appelle Corner Booth, une question qui est posée
par l'animateur qui dit que c'est la dernière chose… on devrait parler, vous
avez répondu «absolutly». Je suis un peu étonné que vous ne vouliez pas en
faire un enjeu.
Je ne vais pas plus loin parce que c'est
l'élection municipale, mais vous avez dit d'autres choses qui m'intriguent
encore plus. Sur la langue de service, vous avez indiqué que l'ensemble des
citoyens, quelles que soient leurs langues, devraient avoir des services qui
sont accessibles, le plus de services possible en anglais pour accommoder. Ça
pourrait être en italien, ça pourrait être en une autre langue. Donc, j'ai de
la misère à concilier les ambitions que vous avez dans votre plan versus le
propos que vous tenez, dans ce cas-ci en anglais, il y a quelques jours à
peine. Pouvez-vous donner des éclaircissements?
• (16 h 20) •
Mme Plante (Valérie) : Oui,
tout à fait. Je vois mal le contexte de la campagne électorale dans cette
position, mais permettez-moi de vous dire que, depuis le début, ce que je dis
devant la communauté francophone est la même chose que je dis devant la
communauté anglophone, c'est-à-dire, quand je vous parle de la difficulté
d'appliquer… ou du moins, des problématiques liées à l'application de la loi
actuelle pour le 311. Dans des cas d'urgence, pour moi, ça, c'est important et
c'est pour ça que je suis devant vous, en toute franchise…
M. Bérubé : …question.
Mme Plante (Valérie) : …pour
vous parler de cette problématique-là. Donc, moi, c'est exactement…
M. Bérubé : Ce n'est pas de
ça…
Mme Plante (Valérie) : Bien,
M. Bérubé, je m'excuse, vous avez posé…
M. Bérubé : J'ai la
transcription que je fournirai…
Mme Plante (Valérie) :
…question, je vous réponds. Bien, écoutez…
M. Bérubé : Je fournirai la
transcription à la commission. Ceci étant dit, vous…
Mme Plante (Valérie) : Dans
tous les cas… Bien, je n'ai pas fini ma réponse, donc…
M. Bérubé : J'ai
deux minutes, madame. J'ai deux minutes, madame, mais…
Mme Plante (Valérie) : Bien,
vous me posez une question à développement pour un deux minutes. Permettez-moi
de douter de...
M.
Bérubé
:
D'accord, je vais en poser qui se répondent par oui ou non. Très bien.
Mme Plante (Valérie) : Bien,
je ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi longue que
la première, en un «oui» ou un «non»...
M.
Bérubé
: Non,
elle est très courte.
Mme Plante (Valérie) : ...mais
allez-y, M. Bérubé.
M.
Bérubé
: Vous
avez le député, devant vous, qui est responsable de la fameuse motion «Bonjour!
Hi!»…
M.
Bérubé
:
...j'ai deux minutes, madame... mais...
Mme Plante (Valérie) : Bien,
vous me posez une question à développement pour un deux minutes. Permettez-mois
de douter de...
M.
Bérubé
: D'accord,
je vais en poser qui se répondent par oui ou non. Très bien.
Mme Plante (Valérie) : Bien, je
ne pense pas pouvoir répondre à votre question, si elle est aussi longue que la
première, en un oui ou un non...
M.
Bérubé
: Non,
elle est très courte.
Mme Plante (Valérie) : ...mais
allez-y, M. Bérubé.
M.
Bérubé
: Vous
avez le député, devant vous, qui est responsable de la fameuse motion «Bonjour!
Hi!», et la volonté, c'était de démontrer que, dans la langue de service à Montréal,
la langue de la vente au détail, il y avait un problème. J'espère que Montréal
voit ça de façon très sérieuse. Je vous demande de faire preuve de votre
influence auprès d'une organisation que je connais bien, qui s'appelle Tourisme
Montréal, qui a des liens très étroits avec la ville de Montréal, avec le gouvernement
du Québec, pour que le mot-clic qui est utilisé pour définir Montréal à travers
les réseaux sociaux soit autre chose que #MTLmoments, ce qu'on retrouve depuis
des années. Je vous avoue que ça m'agace beaucoup. C'est ce genre de détail qui
n'en est pas un.
Alors, il y a une relation très
privilégiée avec la ville de Montréal. Moi, j'aimerais bien que les gens qui
viennent à Osheaga et ailleurs utilisent un autre mot-clic. Ça fait partie de l'identité
qu'on veut donner à Montréal. #MTLmoments, je trouve que ça ne rend pas le
service...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et malheureusement, je dois mettre fin à cette période d'échange. Je suis
désolée, Mme la mairesse.
Mme Plante (Valérie) : ...qui
n'était pas une question, mais je vous souhaite une belle fin de journée, M.
Bérubé.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je vous souhaite également une belle fin de journée.
Nous allons suspendre nos travaux quelques
instants...
Mme Plante (Valérie) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
...merci, il n'y a pas de problème... pour permettre aux autres participants de
prendre place. Merci de votre passage en commission.
(Suspension de la séance à 16 h 22)
(Reprise à 16 h 30)
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous reprenons donc nos travaux et nous recevons le Consortium des cégeps,
collèges et universités d'expression anglaise du Québec et ça sera M. John
McMahon, qui est vice-président du consortium, qui fera la présentation. M.
McMahon, mesdames, messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes,
après ça je devrai couper votre présentation. Allez-y.
M. McMahon (John) : Merci.
Bonjour à tous…
16 h 30 (version non révisée)
La Présidente
(Mme Thériault) : ...collèges et universités d'expression
anglaise du Québec. Et ce sera M. John McMahon, qui est vice-président du
consortium, qui nous fera la présentation. M. McMahon, mesdames,
messieurs, bienvenue. La parole est à vous pour 10 minutes. Après ça, je devrai
couper votre présentation. Allez-y.
M. McMahon (John) :
Merci. Bonjour à tous et toutes. Merci de nous recevoir. Nous sommes ici aujourd'hui
en tant que membres du Consortium des cégeps, collèges et universités
d'expression anglaise du Québec. Toutefois, nous tenons à préciser que ce mémoire
ne reflète que la préoccupation du English College steering committee, un regroupement
de collèges anglophones qui, depuis plus de 25 ans, s'est réuni régulièrement
pour discuter de dossiers d'intérêt commun. Ce comité est composé des collèges
Champlain, Dawson, Heritage, John Abbott, Marianopolis et Vanier.
Mon nom est John McMahon, coprésident du
consortium et du English College steering committee et directeur général du
Vanier College. L'équipe qui est avec moi aujourd'hui comprend John Halpin,
directeur général du cégep John Abbott, Diane Gauvin, directrice générale du
collège Dawson, etRichard Filion, ex-directeur général au collège Dawson et conseiller au
dossier.
Compte tenu du temps limité pour cette présentation
et du fait que les collèges anglophones ont été principale cible de critiques
dans le... et lors d'auditions, le consortium a convenu que ce mémoire
reflétera la position des collèges. Nous ne parlerons donc pas de préoccupations
que les universités pourraient ou non avoir par rapport à ce projet de loi.
Cela dit, il vaut la peine de souligner
que la mise sur pied du consortium, une nouvelle alliance collaborative de neuf
institutions postsecondaires au Québec, soit de six collègues de English
College steering committee, avec les universités Bishop's, Concordia et McGill,
a été motivée par la nécessité d'entreprendre des recherches sur...
disproportionnée de diplômés d'expression anglaise et de remédier à ce problème
avec des actions concrètes. Ce consortium se donne comme mission de soutenir la
rétention, l'emploi et la réussite des diplômés de nos collèges et universités parce
que nous croyons au Québec et à son avenir.
Je me tourne maintenant vers ma collègue
du collège Dawson pour la poursuite de cette présentation.
Mme Gauvin (Diane) : Mme
la Présidente, M. le ministre, distingués membres de cette commission, les
établissements que nous représentons font depuis maintenant plus de 50 ans
partie intégrant de l'écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces
années, nos collèges ont été animés par une mission éducative qui s'est
résolument voulue au service de la société québécoise...
Mme Gauvin (Diane) :
…distingués membres de cette commission, les établissements que nous
représentons font depuis maintenant plus de 50 ans partie intégrante de
l'écosystème d'enseignement collégial. Tout au long de ces années, nos collèges
ont été animés par une mission éducative qui s'est résolument voulue au service
de la société québécoise. L'exercice de notre mission s'est toujours effectué
en ayant à l'esprit l'importance de l'apprentissage et de l'usage du français
dans la formation de nos étudiants. Cette préoccupation s'est traduite au fil
des ans non seulement à travers des cours de français, langue seconde, mais
aussi par la mise en place de nombreuses mesures de soutien à l'apprentissage
de cette langue et une offre d'activités visant à la fois l'exposition à la
culture québécoise et à la socialisation en français.
Nous sommes préoccupés par le fait que ce
projet de loi ait été, en partie du moins, élaboré en fonction d'une prémisse
voulant que nos collèges soient des facteurs d'anglicisation du Québec. Nous
contestons cette allégation. Bien sûr, nous aidons des jeunes Québécois à mieux
connaître la langue anglaise et, oui, nous les aider à développer des
compétences qui pourront leur être bénéfiques dans leur cheminement
professionnel, et aussi les ouvrir à d'autres cultures et à d'autres modalités
d'appréhender le monde. Mais aussi par la mixité des mots linguistiques de nos
populations, nous aidons à parfaire la connaissance du français chez ceux pour
qui ce n'est pas la langue maternelle. Nous aidons à une meilleure
compréhension de l'autre et nous les aidons à intégrer la société québécoise.
Malheureusement, on nous a enfermés dans
un narratif dans lequel on nous fait jouer le rôle de vilains, un narratif dans
lequel s'opère un glissement subtil de la notion de bilinguisation à celle
d'anglicisation. Nous ne nions pas l'importance de protéger et de promouvoir le
français, bien au contraire. Nous reconnaissons la nécessité de protéger et de
valoriser le statut du français au Québec, et nous adhérons à l'idée de faire
du français la langue commune et la langue de l'intégration, et de sensibiliser
à l'importance de cette langue et de la culture québécoise comme liant de notre
société. Nous sommes prêts à en faire plus, si on nous en donne les moyens.
Maintenant, abordons les dispositions du projet
de loi qui nous concerne, tout d'abord, au sujet de la fixation de l'effectif.
En ce qui a trait aux dispositions particulières de l'enseignement collégial,
les stipulations apparaissant aux articles 88.0.4 et suivants, concernant
la fixation de l'effectif étudiant dans nos établissements, sont lourdes de
conséquences. La ministre de l'Enseignement supérieur a fait connaître en juin
dernier l'effectif attribué à chacun des établissements collégiaux publics de
la grande région de Montréal. Ces effectifs doivent faire l'objet d'une
réévaluation annuelle considérant la hausse démographique anticipée. Selon les
documents présentés à ces effets par les officiers du MEES, les orientations
fixant ces effectifs totaux pour nos établissements s'appuient sur le projet de
loi n° 96, notamment l'alinéa 88.0.4. Donc, en principe, cet effectif
vaudrait pour l'automne 2021 et pourrait faire l'objet, à l'instar des autres
établissements collégiaux de la région de Montréal, d'une réévaluation annuelle
suivant les données observables. Or, il s'avère que cette détermination pour
les cégeps anglophones sera effective pour une période de 10 ans jusqu'en
2029. (Interruption) Pardon. De deux choses l'une : ou bien on respecte
l'esprit…
Mme Gauvin (Diane) : …et
pourrait faire l'objet, à l'instar des autres établissements collégiaux de la
région de Montréal, d'une réévaluation annuelle suivant les données
observables. Or, il s'avère que cette détermination pour les cégeps anglophones
sera effective pour une période de 10 ans jusqu'en 2029. (Interruption)
Pardon. De deux choses l'une : ou bien on respecte l'esprit du projet de
loi et l'effectif total peut alors être révisé chaque année, comme l'indique
les dispositions 88.0.4, ou bien on ne les respecte pas, ou on fonctionne
selon les orientations présentées dans le projet de loi, incluant la
possibilité d'accroissement prévue paragraphe 2° de l'article 88.0.4,
ou on ne le fait pas. Comme nous le recommandons dans notre mémoire, nous
demandons donc que la fixation des effectifs totale attribuée par le ministre
de l'Enseignement supérieur se fasse pour une période de trois ans, soit
jusqu'à l'automne 2024, et que cet effectif soit révisé au terme de cette
période et qu'en conséquence l'application des pénalités financières
déterminées au projet de loi soit différée jusqu'au terme de cette période.
Maintenant, pour ce qui est de l'article 4,
l'article 4 vient établir qu'une personne qui a reçu l'enseignement en
anglais au primaire, secondaire et collégial doit avoir acquis les compétences
suffisantes pour utiliser le français comme langue commune afin de pouvoir
interagir, s'épanouir au sein de la société québécoise et participer à son développement.
Cet énoncé, réitéré dans l'article 62 du projet de loi, les
articles 88.10 et 88.12, louable dans son intention, pose le défi
d'identifier quelles sont ces compétences suffisantes et surtout soulève
l'enjeu d'en distribuer la responsabilité entre les différents ordres
d'enseignement. Quel sera l'égard… Pardon. Quel sera à cet égard le mandat de
l'instruction obligatoire? Est-il légitime de penser qu'à la sortie de l'école
secondaire tout élève recevant son diplôme a atteint ces compétences? Quel rôle
devra alors échoir à l'ordre collégial en pareille instance?
Venons-en à l'article 88.0.12 du projet
de loi, sur lequel nous entretenons de fortes réserves. Pour évaluer la
connaissance du français des non-ayants droit, le projet de loi préconise
l'imposition d'une épreuve terminale de français dont le contenu serait le même
pour les étudiants ayant reçu l'enseignement collégial donné en anglais et en français.
Cette proposition recèle plusieurs difficultés. Signalons que le cursus
collégial est fort différent en ce qui a trait à l'enseignement du français
selon le secteur. Au secteur français, on parle de quatre cours de langue et
littérature, totalisant 240 heures, tandis qu'au secteur anglais on retrouve
deux cours de français, langue seconde, totalisant 90 heures. D'envisager
administrer une épreuve uniforme dont le contenu est le même, indépendamment du
secteur dans lequel l'étudiant a fait ses études collégiales, est proprement
inquiétant. Cela reviendrait à procéder à une même mesure d'évaluation pour des
objets d'apprentissage radicalement différents. Il y a là manifestement quelque
chose de profondément inéquitable. Nous demandons donc que la
disposition 88.0.12, apparaissant à l'article 58 du projet de loi
n° 96, soit retirée.
Pour ce qui est de la priorisation des
ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de
leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos
collèges soulèvent un certain nombre…
Mme Gauvin (Diane) : … Nous
demandons donc que la disposition 88.0.12 apparaissant à l'article 58 du projet
de loi n° 96 soit retirée.
Pour ce qui est de la priorisation des
ayants droit, la détermination des ayants droit et la volonté du législateur de
leur donner une certaine forme de priorité dans le processus d'admission de nos
collèges soulèvent un certain nombre d'enjeux. D'abord, qui sont ces ayants
droit? En outre, l'introduction d'un critère sociolinguistique pour l'admission
dans les collèges vient interférer avec le critère normalement utilisé pour
donner accès à l'enseignement supérieur, celui de la qualité du dossier
académique. Pour combiner ces deux critères dans une approche équilibrée visant
à préserver les chances de réussite de nos étudiants, il faudra tenir maintes
discussions afin de bien calibrer l'utilisation de ces deux facteurs. Notre
troisième recommandation consiste donc à demander que l'entrée en vigueur des
mesures visant à prioriser les ayants droit soit repoussée à l'automne 2024. En
conséquence, nous souhaitons l'établissement d'une période de transition de
trois ans afin de prendre la juste mesure de l'impact des dispositions du projet
de loi n° 96 une fois adopté. Nous souhaitons ainsi…
aux propos tenus par la ministre McCann, qui nous a dit plus d'une fois en juin
dernier qu'on saura prendre le temps de bien faire les choses.
Merci beaucoup.
• (16 h 40) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Pile dans votre 10 minutes. Donc, sans plus tarder, nous allons aller à
la période d'échange avec… M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. McMahon, M. Halpin, Mme Gauvin… Je crois que c'est M. Filion,
hein, qui n'est pas là. Oui, M. Filion. Bonjour. Écoutez, merci de participer
aux travaux de la commission parlementaire. D'entrée de jeu, là, je comprends
que vous exprimez les points de vue également de l'Université McGill, de l'Université
Concordia et de l'Université Bishop's, qui sont membres du Consortium des
cégeps, collèges et universités d'expression anglaise du Québec. C'est bien ça?
M. McMahon (John) : Oui.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Écoutez, dans un premier temps, est-ce que vous êtes d'accord avec la
limitation qu'on propose au niveau du collégial, le plafond qu'on vient insérer
dans le cadre du projet de loi?
M. McMahon (John) : Oui. Mais,
certainement, il y a une distinction à faire, parce qu'en février, les trois
collèges de Montréal ont dit : Avec une limitation pour nous autres, pour
les trois collèges dans l'île de Montréal, oui, on sera d'accord avec ça, la
limitation. Mais c'est différent pour les autres collèges, dans les régions,
anglophones comme Heritage College, comme certains campus de Champlain. Ce
n'est pas «one size fits all». Mais, pour les trois grands collèges de
Montréal, on sera d'accord avec une limitation de notre devis, on n'a aucun,
aucun désir pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.
M. Jolin-Barrette : Et ça, je
comprends que c'est pour toujours. Donc…
M. McMahon (John) : ...de Montréal
sont d'accord avec une limitation de notre devis. On n'a aucun, aucun désir
pour «enlargement» des trois collèges dans l'île de Montréal.
M. Jolin-Barrette : Et
ça, je comprends que c'est pour toujours? Donc, vous êtes à l'aise qu'on limite
ça à 17 %.
Une voix
: Non.
M. McMahon (John) :
«Toujours» c'est un mot... La recommandation pour le futur immédiat, oui, mais
la recommandation, c'est pour regarder ça pas en 10 ans, mais peut-être en
deux, trois ans et regarder la réalité de la situation à ce moment-là pour
avoir une politique qui est vraiment répondre au le besoin courant.
M. Jolin-Barrette : Le
besoin courant. Supposons qu'on prend votre hypothèse, là, qu'on reviserait ça
dans deux, trois ans, là. Supposons qu'il y aurait des places à ajouter, là,
sur l'île de Montréal, là, la Fédération des cégeps, ce matin, là, est venue
nous suggérer que si jamais il y avait des places à ajouter dans les
établissements collégiaux anglophones, on devrait prioriser les cégeps qui
sont... qui sont publics, financés à 100 % par l'État. Est-ce que vos êtes
du même avis, qu'on donne davantage de places à Dawson qu'à Marianopolis?
M. McMahon (John) : Oui.
Mais comme M. Tremblay a dit ce matin, la Fédération des cégeps, c'est
vraiment une fédération de 48 cégeps publics. Nous sommes cinq cégeps publics
anglophones, mais on travaille très, très fort, très bien avec nos collègues
francophones dans la Fédération des cégeps. Mais ça, c'est les cinq cégeps
publics. Notre organisation de «English college steering committee», c'est bien
compris avec Marianopolis, un collège privé subventionné. La position des
collèges privés, certainement, avec respect, on peut «agree to disagree», mais
le collège privé a une autre position. On respecte ça, mais nous sommes
complètement d'accord avec la Fédération des cégeps concernant les cégeps
publics.
M. Jolin-Barrette : O.K.
Sur la question du déclin du français, là, il y a plusieurs auteurs qui disent
que le fait qu'il y ait une progression supplémentaire dans le réseau collégial
anglophone, ça fait en sorte que ça a un impact sur le français en général au
Québec. Vous émettez des doutes, là, par rapport à ça, là, à la page 3 de
votre mémoire, là. Vous émettez des doutes relativement au fait que, lorsqu'on
fréquente un établissement collégial anglophone, on risque de tendre davantage
vers la culture anglo-saxonne, qu'on... également, qu'il y a un facteur
d'anglicisation.
M. McMahon (John) : On va
travailler... vraiment comme une «tag team». Et je... demande mon collègue M.
Halpin à répondre.
M. Halpin (John) : Je pense
que, M. le ministre, c'est important de, premièrement...
M. Jolin-Barrette : …qu'également
qu'on… qu'il y ait un facteur d'anglicisation.
M. McMahon (John) : On va
travailler à… vraiment comme une… et je demande mon collègue, M. Halpin.
M. Halpin (John) : Je pense
que, M. le ministre, c'est important de, premièrement, par rapport au déclin du
français, pour nous, c'est clair que, quand on a 7 millions de
francophones habitant dans un continent avec 330 millions d'anglophones,
c'est clair que, pour nous, il y a une grosse pression sur le français. Et,
comme vous avez dit, ce matin, avec Bernard Tremblay : Il y a un enjeu
pour le français, et nous devons tous travailler ensemble pour promouvoir le
français. Donc, de notre point de vue, c'est clair qu'il y a du travail à
faire, et on est prêts à le faire. Nous sommes quand même étonnés dans le projet
de loi n° 96 qu'il n'y a rien dans le projet de loi pour améliorer le
français de nos étudiants anglophones. Nous sommes présentement limités par les
règlements, règlement des études collégiales, à 90 heures d'enseignement,
français, langue seconde. Nous voulons en faire plus, mais c'est les lois de
notre ministère qui nous en empêche. C'est clair que…
M. Jolin-Barrette : …Combien
d'heures vous voudriez dans le cursus?
M. Halpin (John) : Ça, c'est quelque
chose qui… ce matin… Parce que, pour augmenter les cours de français, ça va
prendre du courage, parce que ça implique des changements au cursus de
formation générale et aux règles, et il va avoir des effets sur les conventions
collectives. Donc, c'est clair que ça va prendre un dossier là-dessus et une
concertation, mais est-ce qu'on est ouverts à en faire plus? Oui, mais il faut
prendre le temps de digérer comment le faire de la bonne façon, comme notre ministre
nous… Il faut prendre le temps de bien le faire.
M. Jolin-Barrette : O.K. Mais
juste pour être clair, là, juste savoir, là, parce que, moi, je dois quitter la
commission tout à l'heure, là, à la fin de la journée, puis je veux juste être
sûr de votre position. Donc, pour Champlain, pour Dawson, pour Heritage, pour
John-Abbott, pour Marianopolis et pour Vanier, vous me dites : M. le
ministre, s'il vous plaît, faites changer le règlement sur les études
collégiales et augmenter dans le cursus pour les cégeps anglophones le nombre
de cours de français. Donc, c'est ce que vous souhaitez? Je vous demande à
combien de cours?
M. Halpin (John) : On est absolument
ouverts à le faire. Si on rajoute deux cours, ça peut avoir un impact sur 100 à
200 emplois, donc ce n'est pas quelque chose qui se fait sans parler au
syndicat, ce n'est pas quelque chose qui se fait sans réviser la formation
générale. Si vous savez l'historique, il y a eu un rapport préparé il y a quelques
années qui parlait de faire un changement à la formation générale, le rapport
Demers. Il y a très peu des recommandations qui sont sorties du rapport Demers
qui ont été implantées justement parce que ça prend du temps et ça prend du
courage à changer le cursus…
M. Halpin (John) : ...il y a
quelques années, qui parlait de faire un changement à la formation... le rapport
Demers. Il y a très peu des recommandations qui sont sorties du rapport Demers
qui ont été implantées justement parce que ça prend du temps et ça prend du
courage de changer le cursus de l'éducation collégiale.
M. Jolin-Barrette : O.K., mais
je vais vous reposer ma question, là, puis je comprends qu'il y a les
syndicats, il y a des emplois puis tout ça, puis, ça, on va s'occuper de ça
parallèlement, mais là on est sur la question de la langue, là, l'importance
pour les étudiants qui vont dans vos établissements collégiaux d'avoir une
bonne maîtrise de la langue française. Vous savez qu'on impose l'épreuve
uniforme de français. Puis vous avez de fortes réserves, vous dites que ça va
entraîner des difficultés, c'est inquiétant, c'est inéquitable, vous dites que
c'est incongru, il n'y a pas de valeur ajoutée rocambolesque. Bon, je ne suis
pas d'accord avec ça dans votre mémoire, mais je vous demande clairement,
là : Combien de cours ça prendrait, combien d'heures de cours ça
prendrait, en fonction des six cégeps anglophones, pour que les étudiants qui
étudient dans vos établissements d'enseignement collégiaux aient une bonne
maîtrise de la langue française?
M. Halpin (John) : Je vais me
permettre une réponse rapide, et puis Diane va continuer. Il faut comprendre
que, depuis 1995, les collègues travaillent avec un programme de compétences.
Bien, comme on dit dans notre mémoire, il faut définir la compétence qu'on veut
atteindre et, après ça, on pourra définir les heures de cours que ça prend. Donc...
et c'est plus un travail de longue haleine parce qu'il faut... c'est quoi, là,
quelle compétence qu'on veut atteindre et, après ça, on décidera combien de
cours. Si on se base sur ce qu'il se passe dans...
M. Jolin-Barrette : Bien,
moi, je vous dirais une chose, l'épreuve uniforme de français, là, est dans le
projet de loi, puis tous vos étudiants collégiaux, allophones et francophones
qui sont dans vos établissements d'enseignement, afin de pouvoir diplômer puis
d'avoir leur D.E.C., il va falloir qu'ils passent l'épreuve uniforme. Ça fait
que ça serait le temps d'y penser pour nous dire combien de cours vous voulez
pour faire en sorte que vos étudiants puissent diplômer adéquatement dans le
cadre de leur parcours scolaire.
Je vous soumets ça, je vais céder la
parole à mes collègues, notamment le député de Sainte-Rose qui veut poser des
questions, mais je vous invite à y réfléchir sérieusement sur le nombre de
cours que ça va nécessiter.
• (16 h 50) •
La Présidente (Mme Thériault) :
Est-ce que vous complétez la réponse, Mme Gauvin?
Mme Gauvin (Diane) : Bien,
juste pour vous dire que, quand on regarde pour s'assurer que les étudiants
maîtrisent bien le français, je pense qu'il faut regarder primaire, secondaire,
collégial. Il faudrait que ça s'harmonise.
Et ensuite, bien, pour répondre plus
précisément à votre question, ce n'est pas nécessairement ce que je souhaite.
Par contre, les prérequis pour écrire l'examen... l'épreuve uniforme de français,
c'est d'avoir fait trois cours de littérature en français. Donc, ce n'est pas
la réponse, ce n'est pas nécessairement ce que je recommande, mais ça serait...
c'est le prérequis pour écrire l'épreuve uniforme.
M. Jolin-Barrette : Je vous
remercie pour votre présence en commission parlementaire.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, on va maintenant su côté du député de Sainte-Rose, et vous avez
6 min 15 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre présence
en commission. Very nice to see you again, Mr. McMahon,
we have the chance to speak before the tabling of the bill. I'm very happy that
we have the chance to talk today...
La Présidente (Mme Thériault) :
…Merci. Donc, on va maintenant du côté du député de Sainte-Rose. Et vous avez
6 min 15 s.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente. Permettez-moi de vous saluer et de vous remercier de votre présence
en commission. Very nice to see you again, Mr. McMahon,
we have the chance to speak before the tabling of the bill, I'm very happy that
we have the chance to talk today. The Minister spoke about the ability and the
desire of the college system to do more, to move the needle so to speak in
terms of the English-Quebeckers'
ability to be more proficient in French, what I'm hearing today is an openness
to explore that possibility. I want to thank you for that openness.
I was wondering what are
your thoughts with regards to the dispositions of the bill that will give
English-speaking Quebeckers
first kick at the can when it comes to admission's processes. What are your
views in there? Because I'm reading in your memoire that you guys have some
concerns about that. Is it a logistical how-do-I-go-about-doing-that-type of
concern or is it a principle
we-don't-think-that-anybody-should-be-cutting-a-line-type of concern?
M. McMahon
(John) : …
M. Halpin (John) : Je pense
que premièrement, nous ne sommes pas des institutions anglophones, nous sommes
des collèges qui servent tous les Québécois et qui offrent une éducation en
anglais. C'est important, cette différence-là. Quand on a reçu nos lettres
patentes, c'était pour offrir l'enseignement collégial, il n'y avait aucune
référence à la langue.
La ministre McCann, récemment, a lancé un
grand chantier et des millions de dollars d'investissement sur la réussite
académique. Donner l'admission en sciences à un ayant droit avec une moyenne
générale au secondaire de 65 pour qu'il soit ultérieurement refusé à l'entrée,
université, n'est pas une définition de la réussite, d'après nous.
Par contre, nous allons toujours
travailler très fort pour trouver des voies de passage aux étudiants
anglophones, mais comme nous disons dans le mémoire, il faut trouver la bonne
façon de le faire pour standardiser les admissions, et donc nous demandons
trois ans pour définir la bonne approche.
M. Skeete : Si vous me
permettez, j'aimerais justement rajouter sur ce point-là, parce que, moi, je
reçois de nombreuses plaintes de la communauté d'expression anglaise, de
Québécois qui veulent accéder un réseau qui est fait et fabriqué pour eux, où
est-ce qu'ils peuvent être enseignés en anglais. Et ils me disent :
M. Skeete, avec une moyenne de 85, je n'arrive pas à rentrer en sciences
humaines. Pour moi, pour un Québécois d'expression anglaise qui a fréquenté vos
institutions, ça veut dire que, moi, je n'aurais pas pu être admis, ça veut dire
que, moi, je n'aurais pas pu poursuivre, par la suite, à faire mon université,
par la suite ma maîtrise.
Donc, êtes-vous concerné par le fait qu'il
y a des Québécois d'expression anglaise, avec un choix limité d'institutions,
où est-ce qu'on offre des cours en anglais, ne peuvent pas accéder au réseau
parce qu'il y a un contingentement de francophones qui veulent venir à vos
institutions, et par le choix même, il y a une sélection à la hausse des
moyennes pour ces gens-là? Je comprends que vous ne voulez pas réduire la
qualité, là, puis vous contrôlez…
M. Skeete : ...d'institutions
où est-ce qu'on offre des cours en anglais ne peuvent pas accéder au réseau
parce qu'il y a un contingentement de francophones qui veulent venir à vos
institutions et par le choix même il y a une sélection à la hausse des moyennes
pour ces gens-là?
Je comprends que vous ne voulez pas
réduire la qualité, là, puis vous contrôlez les mesures que vous voulez mettre
en place pour ça, mais est-ce que vous trouvez ça normal qu'un Québécois
d'expression anglaise avec une moyenne soi-disant élevée ne réussit pas à être
admis à l'intérieur de vos institutions parce qu'il y a cette compétition-là
avec la majorité francophone?
M. McMahon
(John) : Of course, we're concerned by that as
you and I spoke about back in the Spring. That's always been a concern. We do
not need a law in order for us to be concerned with that. It has been … really
in the last 15 years where it has been more a
concern than any other. And one was in 2009, 2010, 2011, and the other just
recently.
The issue is where
institution of higher learning, so there are going to be programs that are very
competitive. As my colleague had already mentioned, we serve all students. We
don't discriminate on a basis of language. We accept students who are
francophone, allophone, anglophone. The reality is that some programs in our
colleges had become very difficult to get into, and we're very conscious of
that. We're are working together as the English Colleges Students Committee to
address that issue. As we said before in this…
M. Skeete : If I may, and my time is limited, and I don't mean to cut you off.
But I just want to follow up on something that you said because I think… you say
that a law is not needed, but English-speaking high schools throughout Québec have been raising this as a red flag
for years, and the situation
only has gotten worse. So, I'm wondering if it's not a bill that you're
proposing that would make a difference in helping English-speaking Quebeckers access their network. What else can we do to move the
needle here? Because it's a real issue. We have quality students who simply
cannot get into CEGEPs.
M. McMahon
(John) : As I said, we don't need. However, if there is a bill, and
I'm presuming that this, the projet de loi, will continue, our recommendation
is because it is a complex subject, that time is needed for our colleges to
adopt a policy that balances access and excellence. That's what our
recommendation is. Are you willing to accept that recommendation now that we're
in a agreement that something needs to be done and to give us the time, as a
college network of English colleges, to have a policy in place that responds
well to not only the English community, but the Québécois community that we've
been serving for more thant 50 years?
M. Skeete : Your concerns are duely noted, and I would agree. I would'nt want a
situation that was described by
your colleague where average or sub average students are accessing simply on
the basis of language certain highly restrictive programs. That's not the
illusion that we… that's not the vision that we have with this bill. But what
we do have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking
Quebeckers who have the inability to access their own network. So, there's at
some point have to be a discussion. I think, what I'm confident is that each
institution will have the ability with the autonomy…
M. Skeete : ...that's not the vision that we have with this bill. But what we
do have is a very serious problem of disenfranchisement of English-speaking Quebeckers who have the inability to access
their own network. So, there's at some point have to be a discussion. I think,
what I'm confident is that each institution will have the ability with the
autonomy that they have within their charter to come up with a plan that suits
their needs, and we're optimistic that we're going to be able to help students access their network.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à l'échange.
M. Skeete : Merci, Mme la
Présidente.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je regarde maintenant Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Merci beaucoup, Mme
la Présidente. Merci à vous tous d'être là. Je trouve la conversation extrêmement
intéressante et importante. Autant le ministre que le député de Sainte-Rose, je
trouve que là on est dans le... Sainte-Rose, hein? Décidément, je vais... Rose,
comme votre foulard... votre mouchoir. Donc, très, très important, on est au
coeur des questions qui touchent le réseau collégial. Et Dieu sait que vous le
mettez bien en évidence, tout n'est pas si simple dans un réseau d'éducation.
Alors, la Fédération des cégeps nous
rappelle que, juste changer le cours d'histoire ou changer le programme de
sciences de la nature ou de sciences humaines, vous nous avez rappelé le
rapport Demers, que j'avais oublié, mais qui est tellement important, qui
proposait beaucoup, beaucoup de changements. Mais, de toute façon, dans ce projet
de loi, si nous sommes face à des changements, je le disais ce matin à la fédé,
qui vont exiger l'ouverture du Règlement sur le régime des études collégiales, je
pense que c'est incontournable.
Et pour ouvrir ça, évidemment, je sais que
ce n'est pas nécessairement facile pour le ministre de la Langue française,
surtout que c'est un autre ministre qui va rouvrir ce régime, c'est un petit
peu long. Est-ce que c'est trop long? La réponse, c'est oui. Vous l'avez
condamné depuis des années. Moi-même, je trouvais ça épouvantablement long de
réviser un programme, des années que ça prend. Là, je ne pense pas que le
ministre, éventuellement, de la Langue française trouve ça intéressant
d'attendre plusieurs années.
Vous demandez trois ans. Mais moi, je vais
répéter la question des deux, et du ministre et du député de Sainte-Rose, vous
êtes ouverts à beaucoup de choses. Vous dites : Nous sommes ouverts. Je
vous cite à la page 6. «On se serait attendu, au contraire, que des
mesures spécifiques visant à consolider la maîtrise du français auprès de cette
catégorie d'étudiants — donc les ayants droit — soient
mises de l'avant. Le projet de loi ne contient rien à cet égard.» Vous ouvrez
grande la porte pour dire : Nous voulons faire plus. Vous avez même
dit : Donnez-nous les moyens, et je trouve ça fort intéressant,
donnez-nous les moyens. Vous avez dit : Nous sommes prêts à en faire si
l'on nous en donne les moyens.
• (17 heures) •
Le ministre vous a demandé, mais le
ministre, il parle encore de cours de français. Moi, je parle de cours en
français. Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en» que le mot
«de», parce qu'«en français», ça veut dire oui, changement, ouverture du régime
d'études collégiales. Mais, de toute façon, pour l'épreuve uniforme de
français, vous allez êtes obligés de le rouvrir.
Donc, qu'est-ce que vous...
17 h (version non révisée)
Mme David : Moi, je parle
de cours en français. Peut-être que c'est encore plus exigeant, le mot «en»
plutôt que le mot «de», parce qu'«en français» ça veut dire oui, changement,
ouverture du régime d'études collégiales, mais de toute façon, pour l'épreuve
uniforme de français, vous allez êtes obligés de le réouvrir. Donc, qu'est-ce
que vous voulez faire, qu'est-ce que vous pensez qui pourrait être intéressant?
Notre proposition, oui, le régime, il va falloir le réouvrir. La proposition du
ministre des cours de français, dites-nous… moi, je pense qu'on peut penser en
dehors de la boîte, on va être obligés de sortir de la boîte de toute façon, de
la boîte de ce régime d'études collégiales actuel.
M. Halpin (John) : Merci,
Mme la députée. Je pense qu'on a offert dans… au cours des années plusieurs… si
on prend, par exemple, un programme qui existe déjà… trois collèges ici, on
envoie des étudiants à Gaspé pour une session d'études, là, session d'immersion
pour aider, premièrement, les espaces qu'il y a dans les cégeps de région, puis
en plus pour aider nos étudiants anglophones à une immersion dans un
environnement en région. Il me semble qu'on pourrait en faire beaucoup plus de
ce côté-là, prenez l'opportunité et puis le financement requis pour aider à nos
étudiants, les étudiants des grands centres d'aller en région, mais il faut que
ça soit fait d'une façon où c'est attractif, on parle beaucoup d'attractivité
de ce temps-ci, il faut que ça soit attractif à nos étudiants. Si…
Mme David : Oui. Je vous
entends bien, M. Halpin, c'est vrai ce que vous dites, mais ça, c'est
encore de la promotion, offrir des stages, mais tant que ça ne sera pas dans un
régime d'études collégiales, dans la formation générale ou dans la formation
complémentaire, avec des obligations de x heures, soit de stage en français,
d'immersion en français ou des cours en français, ou admettons des cours de français,
bien, les étudiants ne le feront pas nécessairement. Il va falloir avoir une
mesure, que j'appelais ce matin, avec la fédé, structurante, pour pouvoir
atteindre, justement, une belle immersion je dirais, même intracollèges,
intracollégiale, que ça soit à Dawson, à Vanier, à n'importe quel collège, à
John-Abbott, que les étudiants anglophones et francophones puissent parler français
entre eux, qu'ils puissent faire des travaux en français. Comment vous
pouvez-voir ça, là, sans les envoyer nécessairement en Gaspésie?
M. Halpin (John) : On a déjà
plusieurs échanges... programmes de même qui sont pilotés, si on prend en exemple
de Vanier—Saint-Laurent, si on prend l'exemple... nous autres, on a des
échanges avec le cégep Gérald-Godin depuis quelques années, où ils font une session
d'un bord et de l'autre. Ils restent encore chez eux. Ils ne sont pas
obligés... ils prennent l'autobus dans l'autre sens pour aller à Gérald-Godin.
Donc, il y a plusieurs programmes de même.
Comme vous avez dit, c'est un travail de
longue haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à
faire ce travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions
collectives, ça implique des changements par rapport au... que vous avez dit.
Donc, c'est clair que...
M. Halpin (John) : ...donc, il
y plusieurs programmes de même. Comme vous avez dit, c'est un travail de longue
haleine pour rajouter des cours au cursus, mais nous sommes ouverts à faire ce
travail-là. Mais ça implique du changement aux conventions collectives, ça
implique des changements au RREC, que vous avez dit, donc c'est clair que c'est
du gros travail. Est-ce qu'on est ouverts à le faire? Absolument.
Puis je crois que mon collègue Richard
Fillion voulait en rajouter.
(Interruption)
M. Filion (Richard) : Excusez.
Vous m'entendez, oui?
Mme David : Oui.
M. Filion (Richard) : Vous
m'entendez?
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui.
M. Filion (Richard) : Bon,
juste très brièvement, là, la vraie question : Qu'est-ce qu'on fait avec
les étudiants du Québec pour qu'ils puissent acquérir la maîtrise des deux
langues secondes, pour les francophones, l'anglais, pour les anglophones, le
français? Il y a très certainement nécessité de réfléchir à la manière de
modifier la façon dont on offre l'enseignement collégial pour permettre à ces
deux catégories d'étudiants d'avoir accès à des formations qui sont
qualifiantes dans les deux langues, le français et l'anglais.
Je vais dire que, pour avoir vécu
16 ans au Collège Dawson, et on le dit dans notre mémoire, la mixité
démolinguistique favorise l'échange entre les deux communautés et permet aux
jeunes anglophones de se familiariser avec le français, et je pense que si on
ampute cette possibilité-là, on ne rend service à personne.
Mme David : Je vais aller sur
l'épreuve uniforme de français justement. Je sais que vous dites que ça va être
à peu près inapplicable, mais admettons que loi passe, il va falloir
l'appliquer. Ça fait qu'à partir du moment où il va falloir l'appliquer, il
faut que nous, les législateurs, nous puissions le rendre minimalement
réaliste. Or, vous faites la démonstration hors de tout doute, je trouve, que
pour l'instant, si on n'apporte pas de précisions et d'amendements, c'est irréaliste.
Donc, il va falloir y penser. Il va
falloir y penser avec le ministère de l'Enseignement supérieur, avec la
ministre de l'Enseignement supérieur,240 heures versus 290 heures,
une ou deux épreuves, ce n'est pas clair pour moi, si vous fréquentez le cégep
anglophone, si l'étudiant a et l'épreuve uniforme de français et l'examen...
l'épreuve uniforme d'anglais, si on veut, à la fin de son collégial. Prenons
pour acquis, là, qu'admettons que cet article de loi là est adopté, combien de
temps vous pensez et quelles étapes vont devoir être franchies pour arriver à
quelque chose qui soit réaliste?
Mme Gauvin (Diane) : Bien, peut-être
simplement dire que pour pouvoir répondre à la... pouvoir écrire l'examen, il
faut avoir fait les cours de littérature en français. À moins que la ministre
change les prérequis, mais pour l'instant, les prérequis, il faut avoir fait
les cours de littérature. Donc, nos étudiants ne se qualifient pas pour
écrire... pour pouvoir faire l'examen de l'épreuve uniforme. C'est là le
problème. Alors, si la loi ne change pas ou le maintien de l'épreuve
uniforme...
Mme Gauvin (Diane) : ...et pour
l'instant, les prérequis, il faut avoir fait les cours de littérature. Donc,
nos étudiants ne se qualifient pas pour écrire... pour pouvoir faire l'examen
d'épreuve uniforme, c'est là le problème.
Alors, si la loi ne change pas ou le
maintien de l'épreuve uniforme… on se retrouve avec un problème énorme, et là
il faudra que nos étudiants ou non-ayants droit puissent suivre ces cours de littérature.
Et puis, ça, ce n'est pas un simple changement. C'est énorme, ça a un impact
financier important, il y a des emplois qui vont être touchés. Donc, c'est
assez majeur comme... Donc, ça va prendre des années, là, je veux dire, je ne
pourrais pas vous dire... Mais c'est la seule façon où nos étudiants pourront
faire le même examen de français.
Mme David : Vous demandez, et
je comprends, une période de transition pour mettre ça sur pied. Parce
qu'évidemment les gens sont souvent un peu frileux face au changement, mais des
fois, on réussit à faire des changements. Ça peut être pour le mieux, des fois,
ce n'est pas pour le mieux. Mais vous dites : C'est impossible à réaliser,
un, sans quatre cours de langue et littérature, pour les mettre au même
niveau que les étudiants qui fréquentent un cégep francophone, et ça va prendre
une période d'implantation parce que ça va... C'est comme un LEGO, là, on tire
sur un morceau puis c'est tout l'échafaudage qui peut être mis en péril. Donc,
vous demandez une période de transition d'au moins trois ans.
Vous demandez... Moi, je trouve ça
formidable. On est rendu à, effectivement… pour les effectifs, pour les
effectifs de croissance ou non, on a trois chiffres qui circulent, effectifs
annuels dans le projet de loi du ministre. La fédération suggère
trois ans, pluriannuel, que vous sachiez d'avance et la ministre McCann a
parlé d'un gel de 10 ans. Donc, on a trois chiffres qui
circulent : un an, trois ans, 10 ans, deux ministres
puis des suggestions du réseau collégial. Alors, on en est où, d'après vous?
Puis quel serait l'horizon? Parce que vous parlez, vous aussi, de pluriannuel,
vous avez parlé, tout à l'heure… le ministre a demandé : Combien de temps
vous resteriez comme vous êtes là? Vous avez dit : Deux ans.
Admettons que c'est cinq ans, ou… mais ça va prendre du pluriannuel, si je
comprends bien.
La Présidente (Mme Thériault) :
À peu près 30 secondes pour répondre.
M. McMahon (John) : Bien,
c'est comme tous les autres sujets, c'est bien complexe, vous le savez. C'est
nécessaire à avoir une consultation très forte avec le ministère de l'Éducation
supérieure, avec la personne qui va continuer à écrire ce projet de loi parce
que maintenant, nous avons l'impression qu'il n'y a aucune consultation. Parce
que ce n'est vraiment pas réalistique à faire des choses dans le projet de loi
qui est écrit maintenant. Et c'est pour ça… travailler ensemble pour assurer
que la loi éventuellement réponde bien à nos besoins
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange. Donc, Mme la
députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci, merci
beaucoup pour votre présentation, madame et messieurs. Vous dites, dans votre
mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur d'anglicisation…
M. McMahon (John) : …nos
besoins.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous remercier, M. McMahon, pour cet échange. Donc,
Mme la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Oui. Merci. Merci
beaucoup pour votre présentation, mesdames et messieurs. Vous dites, dans votre
mémoire, que les cégeps anglophones ne sont pas un facteur d'anglicisation à
Montréal, là, ou au Québec. Puis là vous expliquez pour quelles raisons, vous
nommez une étude sur le choix des jeunes d'aller en anglais, des jeunes
francophones et allophones. J'aimerais savoir, est-ce que vous avez une réflexion
sur les cégeps privés non subventionnés? Ils sont peut-être… c'est peut-être
peu nombreux, mais ils sont en plein essor. Est-ce que ces cégeps-là pourraient
être un facteur d'anglicisation? Et est-ce que vous pensez que leurs effectifs
devraient être aussi limités, comme ça l'est avec le projet de loi n° 96
pour les cégeps anglophones publics et privés subventionnés? Oui.
• (17 h 10) •
M. Filion (Richard) : Vous
avez absolument raison de cibler les collèges privés non subventionnés, madame,
et je pense que, comme dans tout développement d'un cursus collégial, qu'on
soit subventionnés, non subventionnés, publics, il doit y avoir des parties de
la formation qui permettent à ces étrangers, parce que c'est principalement les
étrangers qui vont dans les collèges subventionnés, des cours de français, des
cours de familiarisation avec la société québécoise. Ça devrait être
obligatoire, et c'est une voie qui pourrait être explorée avec beaucoup de
succès.
Mme Ghazal : …qu'il faudrait
aussi limiter leurs effectifs, ces cégeps non subventionnés?
M. Filion (Richard) : Écoutez,
c'est difficile parce qu'ils sont non subventionnés. Alors, c'est un peu leur
pain et leur beurre que d'avoir des étudiants qui sont prêts à payer le gros
montant, le fort montant pour avoir accès à des formations collégiales
qualifiantes. Alors, comment… je pense…
Mme Ghazal : Mais au-delà des
modalités, parce que le gouvernement pourrait peut-être, je ne sais pas par
quel mécanisme, imposer ça, peut-être pas dans le projet de loi n° 96.
Vous, vous êtes d'accord avec le principe?
M. Filion (Richard) : Oui, et
le gouvernement a toute latitude d'autoriser ou non la prestation d'un collège
privé non subventionné.
Mme Ghazal : Puis j'essaie
juste de comprendre, vous dites : Il faudrait seulement, par exemple, le
contingentement, l'évaluer au bout de trois ans. Mais j'essaie de comprendre,
parce qu'en fait on facilite l'entrée dans les cégeps anglophones des ayants
droit anglophones. Ce n'est pas quelque chose qui devrait être perçu de façon
positive par vous, pourquoi est-ce que vous dites : Seulement trois ans?
C'est sûr qu'au bout de trois ans on va trouver qu'il y en a beaucoup plus, des
ayants droit qui vont dans les cégeps anglophones. Donc, ça devrait être une
bonne chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous
inviter à communiquer ensemble après la commission. M. le député de Matane, la
parole est à vous.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue, bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres,
il y a le collège Dawson, vous m'avez souvent entendu en parler…
Mme Ghazal : …devrait être une
bonne chose.
La Présidente (Mme Thériault) :
Malheureusement, il ne reste pas de temps pour la réponse. Donc, je vais vous
inviter à communiquer ensemble après la commission.
M. le député de Matane, la parole est à
vous.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Je vous salue. Bienvenue dans cette commission. Parmi vos membres,
il y a le collège Dawson. Vous m'avez souvent entendu en parler.
J'apparais probablement souvent dans votre revue de presse. Ce n'est pas sans
raison. Je trouve que le gouvernement du Québec répond beaucoup plus rapidement
quand c'est votre collège que quand c'est le cégep de Matane, mais c'est une
perception.
Vous dites en page 3 de votre
mémoire, vous posez la question suivante : Est-ce que la fréquentation
d'un collège offrant de l'enseignement en anglais pour une période, somme
toute, relativement courte dans la vie d'un individu favorise l'adoption d'une
pratique linguistique favorisant l'anglais? Bien, elle est là la question. Et
moi j'ai des éléments de réponse pour vous. La fréquentation des cégeps en
anglais est étroitement liée à l'anglicisation de la langue d'usage public, de
langue de travail, de la langue de consommation culturelle. Pourquoi?
4,4 % des allophones inscrits au cégep anglais utilisent principalement le
français à la maison comparativement à 35,1 des allophones inscrits au cégep
français. 72,9 % des francophones inscrits au cégep anglais utilisent
principalement le français à la maison et c'est 99 % pour ceux inscrits au
cégep en français. Ça fait une différence. À cet âge, cette langue de
socialisation, cette langue qui nous prépare à la vie professionnelle va
nécessairement marquer le parcours si ça se fait en anglais. Évidemment, dans
les règles actuelles c'est le libre choix, mais je vous suggère que le
gouvernement du Québec avec les fonds publics, lui, n'a pas à financer notre
assimilation ou le déclin du français. Alors, à votre réponse, quand je vous
soumets ces chiffres-là est-ce que vous êtes d'accord que ça a un impact la
fréquentation du cégep, notamment chez les allophones?
M. Halpin (John) : Comme nous
disons dans notre mémoire, une étude de l'Université Laval nous démontre
très bien avec des discussions avec 35 étudiants qui ont fait leur
parcours dans les cégeps anglophones qu'ils n'ont pas perdu leur lien à leur
culture québécoise. Si… on peut au moins, aussi…
M. Bérubé : Si vous me
permettez. L'échantillon, comment ont été sélectionnés les 35? Moi, je n'en
sais rien, mais je sais qu'il y a un expert qui est venu nous dire que ça ne
reposait pas sur grand-chose de scientifique, là.
M. Halpin (John) : Nous autres
on est en éducation et si quelqu'un reçoit un doctorat de
l'Université Laval, je pense qu'on va accepter que l'Université Laval
reconnaît que le travail a été bien fait…
M. Bérubé : C'est un argument
d'autorité selon vous?
M. Halpin (John) : Si vous
voulez un autre argument vous devriez regarder tous les autres, les membres de
l'Assemblée nationale, et combien d'eux ont fait leur parcours à Concordia, à
McGill, à Harvard, au London School of Economics. Trouvez de tous ces membres
de l'Assemblée nationale, est-ce qu'ils ont perdu leur…
La Présidente (Mme Thériault) :
Désolé. Je dois mettre fin à l'audition. Donc, merci, madame et messieurs, de
votre présence en commission parlementaire. Nous allons suspendre les travaux
pour permettre au prochain intervenant de venir…
M. Halpin (John) : ...l'Assemblée
nationale. Est-ce qu'ils ont perdu leur...
La Présidente
(Mme Thériault) : Je dois... Désolée, je dois mettre fin... Je
dois mettre fin à l'audition. Donc, merci, madame et messieurs, de votre
présence en commission parlementaire.
Nous allons suspendre les travaux pour
permettre au prochain intervenant de venir nous rejoindre. Merci.
Des voix
: Merci.
Une voix
: Au revoir.
(Suspension de la séance à 17 h 15)
(Reprise à 17 h 18)
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, nous reprenons nos travaux, et nous recevons M. Maxime Laporte, qui est
le président de Mouvement Québec français. M. Laporte, 10 minutes
pour faire votre présentation, la parole vous appartient.
M. Laporte (Maxime) :Mme la Présidente, M. le ministre, chers membres de la commission, c'est un honneur pour moi d'être ici,
bien, alors même si je ne suis pas exactement ici, mais
disons que je suis là, là.
Vous savez, Mme la
Présidente, comme président du Mouvement Québec français, je me fais
souvent poser cette question : C'est quoi, le problème? C'est quoi, le
problème de la langue au Québec et au Canada? On dira que le problème du
français, c'est qu'il régresse, c'est le fait que son statut, sa vitalité démographique
régressent et qu'ils continueront à régresser, à l'évidence, à la lumière des
projections démographiques, et que cette régression s'observe quelle que soit
l'indicateur ou la méthode qu'on utilise ou presque, enfin, les quelques-uns
qui prétendent le contraire nous mystifient, disons-le. Mais ça, ce n'est pas
le problème, c'est le constat.
Alors, quel est donc le problème à la
source de ce constat? Pour nous, il est évident qu'il s'agit d'un problème
politique, un problème qu'on connaît bien depuis 258 ans, sept mois,
25 jours très exactement, et plus longtemps encore, un problème qu'on
connaît bien parce qu'on y vit, on y habite, sans jamais l'avoir
démocratiquement voulu.
• (17 h 20) •
Ce problème, nous, en fait, dans le
mémoire, on a pris le temps d'y revenir, de le décrire, chose qui est peut-être
rare de nos jours, mais n'en déplaise aux esprits oublieux qui font des airs
quand on ose relater, au fond, les causes profondes à l'origine des
conséquences qui sont aujourd'hui au menu de cette commission, cet exercice
nous paraissait nécessaire, et il s'inspire directement d'ailleurs de Camille
Laurin, qui, dans son livre blanc, commence précisément par relater le récit de
nos défaites et de nos déchéances par la fausse conciliation, pour citer Henri
Bourassa.
C'est ce problème-là, ce problème
structurel, qui fait qu'en dépit de nos plus glorieuses victoires ou
demi-victoires du passé, le fait est que nous échouons sur l'essentiel,
l'essentiel étant le minimum, et le minimum étant d'assurer la vitalité
démographique du français dans la durée. C'est-à-dire que, comme l'a indiqué
Guy Rocher dans cette même commission, le Québec va rétrécir de plus en plus au
sein du Canada.
Pour autant, n'allez pas croire que... (panne
de son) ...qu'on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que
tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du
fait...
M. Laporte (Maxime) : …le Québec
va rétrécir de plus en plus au sein du Canada.
Pour autant, n'allez pas croire que…
(panne de son) …on a fait dans le mémoire, notre but serait de faire croire que
tout fut de tout temps absolument noir pour ce qui est du cheminement du fait français
en ce pays. Bien sûr, des embellies, il y en a eu, des réussites aussi, des
rencontres fécondes même. On aura même réussi à faire pousser des petites
écoles françaises jusqu'au fin fond du Yukon.
Alors, en ce sens, c'est vrai, après tout,
pour citer René Lévesque, on n'est pas dans un goulag. Mais, si le Canada n'est
pas un goulag, il n'en est pas moins notre tombe, et là je cite le très libéral
et très canadien Wilfrid Laurier, et fut-elle agrémentée d'ornements dorés, une
tombe demeure une tombe. Parce que c'est pour nous une évidence, le problème de
la langue chez nous, ça résulte avant toute chose d'un problème politique, et
ce problème a pour nom Canada.
Bien entendu, le processus d'anglicisation
au Québec peut toujours s'expliquer par une foule d'autres déterminants, parmi
lesquels on notera les mutations démographiques, l'hégémonie culturelle
anglo-américaine, mais ces phénomènes, quand on y songe, sont loin d'être
spécifiques à la réalité québécoise. Alors, vous savez, parmi les sociétés
riches, en Occident et au-delà, qui, un peu comme nous, vivent à l'ombre de
l'empire américain, il n'y en a pas une seule qui ne soit pas confrontée
aujourd'hui à ces défis-là, et pour autant on n'en voit aucune s'angliciser
collectivement à la manière du Québec. Il n'y a qu'ici où, par exemple, on
assiste impuissants à la captation par l'anglosphère de près de la moitié des
substitutions linguistiques des allophones. Il n'y a qu'ici où l'aliénation
linguistique à la langue anglaise, le fait d'être bilingue avec soi-même, pour
paraphraser Gaston Miron, fait figure de norme établie et indiscutable
apparemment.
À bien y penser, oui, les facteurs
migratoires, culturels, économiques, si aggravants soient-ils en ce qui nous
concerne, sont importants, mais ils n'en sont pas moins secondaires en
comparaison du problème primordial qui est celui que nous décrivons, ce
problème primordial pouvant se traduire par ce que le grand historien Maurice
Séguin a jadis théorisé comme étant une oppression essentielle.
Alors, en étant réduit à une simple partie
de l'ensemble canadien, condamné à la minorisation, une minorisation
institutionnalisée, le Québec se trouve systématiquement entravé, subordonné
dans son agir. La déliquescence du français, c'est le prix à payer, au fond,
pour l'inachèvement de notre décolonisation. Alors, pour citer encore une fois
René Lévesque, dans une société normale, la langue, elle se parle toute seule,
la langue. Alors, voilà. La situation du Québec n'est pas celle d'une société…
M. Laporte (Maxime) :
...c'est le prix à payer, au fond, pour l'inachèvement de notre décolonisation.
Alors, pour citer encore une fois René Lévesque, dans une société normale, la
langue, elle se parle toute seule, la langue. Alors, voilà. La situation du
Québec n'est pas celle d'une société politiquement normale, et c'est bien là
tout l'enjeu. Mme la Présidente, combien il me reste de temps?
La Présidente
(Mme Thériault) : ...
M. Laporte (Maxime) :
Alors, je viens de parler du problème. Je m'attaque maintenant à la question
des objectifs qui devraient animer notre résistance à ce problème.
L'objectif à atteindre qui permettrait vraiment
de régler la plupart de nos problèmes à la source réside assurément dans
l'accession à la normalité, c'est-à-dire à l'indépendance. Mais, comme notre
cher premier ministre, que je salue au passage, semble avoir oublié ses rêves
de jeunesse, comme disait Bourgault, je dois ici me contenter de parler des
objectifs de la résistance provinciale, pour ainsi dire, même si, pour ma part,
à titre personnel, c'est loin d'être mon choix.
Comme disait un grand esprit : Qui
n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre. Ces paroles lumineuses,
bien, c'est des paroles qui sont attribuées au grand Sun Tzu, et évidemment ce
sont des paroles qui tombent sous le sens. En effet, il n'y a rien de plus
élémentaire que ça. Et pourtant, lorsque vient le temps de sauver l'avenir du français
chez nous, un bon nombre de nos dirigeants semblent étrangement oublier ce sage
conseil.
Contrairement à la plupart des politiques
publiques du gouvernement du Québec qui, elles, font état de cibles claires, question
de saine gouvernance, de reddition de comptes, c'est comme si, sur l'enjeu
particulier du français, de la vitalité du français, bien, on avait des
capitaines de vaisseau qui naviguent plutôt à l'aveugle, sans cap précis et
même dans un océan de bonnes intentions, ça, il n'y a pas de doute là-dessus.
Mais, bien sûr, on peut quand même déduire
du projet sous étude un objectif... qui, à l'évidence, est le même que celui
qu'avait jadis formulé le père de la loi 101, c'est-à-dire faire du français
la langue commune, la langue officielle, la langue normale, habituelle au
Québec. Cette idée en elle-même, elle vaut son pesant d'or puisqu'en effet ce
n'est bien qu'en... aménageant, pardon, un espace linguistique normal que le
Québec français va pouvoir s'épanouir normalement. Mais, à la lumière de ce que
je viens d'effleurer quant au problème primordial qui est le nôtre, on sait à
quel point la notion de normalité s'avère difficilement pensable dans notre
contexte provincial.
Qu'à cela ne tienne, ces cibles
qualitatives, faire du français la langue commune, normale, habituelle,
officielle, etc., ces cibles qualitatives peuvent aisément se traduire sous forme
quantitative, étant posé que le corollaire de la vitalité institutionnelle du
français au Québec, c'est sa vitalité démographique. Le moindre de ces
objectifs, qui serait mesurable, quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à
compter de la présente décennie suivant l'adoption de ce projet de loi la
vitalité démographique globale...
M. Laporte (Maxime) : ...que
le corollaire de la vitalité institutionnelle du français au Québec, c'est sa
vitalité démographique. Le moindre de ces objectifs serait mesurable,
quantifiable, voudrait, par exemple, qu'à compter de la présente décennie,
suivant l'adoption de ce projet de loi, la vitalité démographique globale du
français comme langue d'usage cesse de régresser relativement à l'anglais, donc
en excluant les langues tierces, et mieux encore, que cette vitalité croisse.
Donc, il s'agirait, par exemple, qu'au recensement de 2026, cet indicateur se
retrouve au même niveau qu'il était 10 ans plus tôt, en 2016, voire qu'il
progresse de quelques dixièmes de point. Il y a d'autres approches.
Charles Castonguay évidemment insiste beaucoup sur le phénomène de
l'assimilation nette... pardon, de la part du français dans l'assimilation
nette des nouveaux arrivants, des nouveaux immigrants allophones pour être plus
précis. On pourrait se dire que, pour ceux qui arriveront d'ici 2026, alors
qu'on puisse passer de 55 % à 90 %, conformément à ce qu'a déjà
déclaré M. le ministre lui-même.
Aussi, bon, il y a la question, ma foi,
assez impérative qui est celle de l'anglicisation nette ou de la
suranglicisation nette des francophones dans l'île de Montréal qu'il faudrait
ramener à zéro, c'est la moindre des choses, et surtout chez les jeunes
francophones.
Alors, je pense que de telles cibles, il y
en a d'autres, je ne prétends pas détenir la vérité, mais de telles cibles
n'ont rien d'arbitraire. Après tout, je ne vois pas comment on peut accepter de
se faire les complices objectifs, que ce soit par négligence ou passivement,
activement, surtout passivement, les complices objectifs de la minorisation du
français, de la déchéance de son statut. Je veux dire par là qu'assurer
l'avenir de la langue française au Québec ça relève d'une obligation de
résultat...
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois vous interrompre.
M. Laporte (Maxime) : ...même
de garantie, pas d'une obligation de moyens et encore moins une obligation
morale.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. Donc, sans plus tarder, M. le ministre, la parole est à vous.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. M. Laporte, bonjour. Merci de participer aux travaux de
la commission. Je vous entendais, dans votre mémoire tantôt, vous disiez :
Nous échouons, hein? Vous êtes très dur avec la situation du français
collectivement. Alors, je note chez vous et chez le Mouvement Québec français
l'importance et l'urgence d'agir face au déclin du français.
Pour vous, ce déclin du français là, il
est avéré, pour moi aussi. Comment est-ce que vous qualifiez le fait que
certaines personnes qu'on a entendues ici en commission parlementaire ou dans
la société civile mettent en doute qu'au Québec il y a un déclin du français?
• (17 h 30) •
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que ces gens-là ont tout faux. Je pense qu'ils nous mystifient. Je pense
qu'il y a un consensus scientifique évident quant au fait du déclin de la
vitalité démographique du français. Le français régresse, il régresse partout
au Canada. Les communautés franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs
d'année en année. C'est assez dramatique...
17 h 30 (version non révisée)
M. Laporte (Maxime) :
…scientifique évident quant au fait du déclin de la vitalité démographique du
français. Le français régresse, il régresse partout au Canada. Les communautés
franco-canadiennes, acadiennes perdent des joueurs d'année en année. C'est
assez dramatique. Et, au fond, les tendances lourdes sont là. Le poids du
français au Canada, en général, le poids du Québec au Canada, son poids
politique, enfin, tous les indicateurs en général indiquent une telle
régression. Et d'ailleurs j'oserais même dire qu'à peu près peu importe
l'indicateur qu'on choisit, il y aura une régression. Si on choisit la… en la
comparant à il y a 20 ans, il y aura une régression. Si… bon, peut-être
que pour l'indicateur de la connaissance du français, il n'y en a pas, il y a à
peu près 94,5 % des gens au Québec qui disent, de manière
autodéclaratoire, connaître le français, mais ça, on le sait bien que c'est une
donnée passablement… (panne de son) …la connaissance d'une langue ne détermine
en rien sa vitalité.
M. le ministre, j'aimerais peut-être, si
vous permettez, compléter un peu ma réflexion sur la question des objectifs,
étant, je pense, évacuer les objections à la réalité avérée du déclin du
français. Vous savez, on a beaucoup insisté sur cette question de ces
objectifs, je vous salue, je salue que vous ayez mentionné cet objectif…
l'apport du français dans l'assignation nette des nouveaux… des allophones,
pardon, de 55 %, environ, à 90 %. En effet, c'est en principe la
moindre des choses pour assurer le maintien dans la durée du groupe linguistique
francophone.
Mais, comme il n'y a pas eu de livre blanc
au soutien du projet de loi et comme il n'y a pas… au fond, ce projet, cette
politique ne contient pas nécessairement de garantie explicite. Alors, on a
réfléchi ces derniers temps à une proposition que, je crois, est assez
originale. Cette proposition consiste à ce qu'on instaure un mécanisme
parlementaire de révision périodique décennale de la Charte de la langue
française et de l'ensemble du corpus législatif afférent au statut de la langue.
Dans la mesure où le Commissaire à la langue officielle constate, dans un
rapport suivant immédiatement la publication de données de recensement…
constate que, depuis 10 ans, le français, la vitalité démographique du
français a continué à régresser ou encore qu'on a… ou que l'anglicisation nette
des francophones dans l'île de Montréal est supérieure à zéro, par exemple. Il
y a d'autres indicateurs, encore une fois, on ne prétend pas détenir la vérité,
mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à attendre un autre 40, 45 ans
avant de se réveiller.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est une
suggestion appropriée. Donc…
M. Laporte (Maxime) : ...est
supérieure à zéro, par exemple. Il y a d'autres indicateurs, encore une fois,
on ne prétend pas détenir la vérité, mais l'idée, ce serait qu'on n'ait pas à
attendre un autre 40, 45 ans avant de se réveiller.
M. Jolin-Barrette : Alors, je
pense que c'est une suggestion qui est une bonne suggestion, c'est une
suggestion appropriée. Donc, ce que je comprends de votre suggestion, c'est
qu'il y ait un mécanisme parlementaire de révision, à tout le moins, de l'état
du français. Donc, moi, je trouve que… On va prendre votre suggestion en
réserve et on va l'analyser. Je pense que ça pourrait être une solution
intéressante, justement, pour qu'on soit toujours vigilants, hein, sur la
question du français.
Revenons sur la question du projet de loi
n° 96. Il y a plusieurs mesures dans le projet de loi qui étaient
demandées par le biais de Partenaires pour un Québec français. Est-ce que le
Mouvement Québec français est… reconnaît qu'il y a des avancées significatives
dans le projet de loi n° 96?
M. Laporte (Maxime) : Alors,
bien sûr, nous reconnaissons qu'il y a des avancées significatives dans le
projet de loi n° 96. Au plan quantitatif, c'est assez remarquable, au plan
qualitatif, à bien des égards, aussi ce l'est. En effet, plusieurs des
propositions contenues dans la plateforme des Partenaires pour un Québec
français, qui est une table de concertation de syndicats et de groupes de la
société civile, qui est coordonnée par le Mouvement Québec français. Plusieurs
de ces propositions ont été retenues, même si je dois préciser, pour dissiper
toute confusion, qu'il faut distinguer les PQF du MQF puisque les
deux organismes, comme chacun des membres de cette table, donc n'ont pas
la même plateforme, c'est-à-dire, c'est une base de travail minimale, si vous
voulez.
Mais en revanche, vous savez, dans une réunion,
dans une rencontre à laquelle nous participions, vous et moi, ou enfin, le
ministre et moi, Mme la Présidente, vous m'aviez demandé quels étaient les
chevaux de bataille à mobiliser pour cette grande lutte. Je vous avais répondu
qu'en fait c'est toute l'écurie, c'est toute la cavalerie qu'il faut mobiliser.
Et je pense qu'il faut applaudir le fait que vous ayez su en mobiliser un bon
nombre — et ça, c'est remarquable — mais il y en a certains
qui n'ont pas été mobilisés, comme on le sait. Charles Castonguay,
Frédéric Lacroix et d'autres ont démontré que les mesures les plus
structurantes pour le renforcement de la langue, au fil du temps, ont été,
d'une part, celles qui concernent la sélection, l'immigration et, d'autre part,
les mesures scolaires de la loi 101.
Les cours de francisation, évidemment,
c'est fondamental. Nous-mêmes, on en fait de la francisation en tant
qu'organisme de la société civile, il n'y a pas de doute, c'est incontournable.
Mais premièrement, je répète que… (panne de son) …pas sa vitalité, c'est-à-dire
le fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas de données probantes
quant aux incidences structurantes, au plan démographique…
M. Laporte (Maxime) : …la
francisation en tant qu'organisme de la société civile, il n'y a pas de doute,
c'est incontournable. Mais premièrement, je répète que… (panne de son) …pas sa
vitalité, c'est-à-dire le fait qu'elle soit vécue. Deuxièmement, il n'y a pas
de données probantes quant aux incidences structurantes, au plan démographique,
de l'apprentissage du français par les allophones même si on peut poser
l'hypothèse qu'il y a un certain effet, mais enfin les données sont trop rares
là-dessus.
Pour ce qui est de la langue de travail,
rapidement, bon, Charles Castonguay faisait encore une fois remarquer que,
suivant une étude de Virginie Moffet et autres dans les années 2000, dans
les grandes entreprises de 100 employés et plus qui sont assujetties aux
dispositions de la loi 101 en matière de francisation, on avait observé
que l'anglais était bien souvent une langue commune en fait. Il suffit qu'un
anglophone soit présent dans une réunion ou encore autour de la machine à café
pour que la langue commune, qui est la langue, au fond, qu'utilisent différents
locuteurs entre eux, que la langue commune soit l'anglais, donc même dans des
entreprises, des grandes entreprises qui sont assujetties à la loi 101.
Donc, au fond… bon.
Et finalement, il y a l'exemplarité de
l'État, et à ce titre, vous aurez remarqué, dans notre mémoire, et ça, ce n'est
pas une surprise pour vous, que malgré toute notre reconnaissance des avancées
je dirais presque spectaculaires à ce chapitre, félicitation, il y a lieu
d'aller plus loin, notamment de laisser tomber les exceptions des articles
22.1, 22.2 si je ne m'abuse, si ma mémoire est bonne.
M. Jolin-Barrette : Donc,
j'ai des collègues qui souhaitent vous poser des questions, M. Laporte, mais
essentiellement, ce que je retiens, c'est que vous trouvez que c'est une
avancée qui est tout de même spectaculaire, mais vous souhaitez qu'on aille
plus loin sur différents points, notamment sur la langue des services dans le
domaine de la santé. Ça, je l'ai dit très clairement, on va toujours conserver la
possibilité pour les Québécois d'expression anglaise de pouvoir recevoir des
soins de santé dans leur langue. On a très clairement indiqué que ça ne
touchait pas… le projet de loi n° 96 ne touchait pas l'article 15 de la
Loi sur la santé et les services sociaux, je voulais vous le réitérer. Pour ce
qui est du reste, je prends note de différentes suggestions, on va les
analyser, et je vous remercie pour votre présence en commission parlementaire
et donc je cède la parole à mes collègues, Mme la Présidente. Merci.
La Présidente (Mme Thériault) :
Oui. On m'indique que c'est M. le député de Chapleau. Il vous reste 7 minutes
15 secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : Merci
beaucoup, Mme la Présidente. Ça se peut également que le collègue de Saint-Jean
se joigne à moi pour la suite. Bonjour, M. Laporte, merci beaucoup de votre
présentation, merci d'être ici ou là, là, bon, c'est selon. Vous avez un
langage, un langage assez imagé, là, vous avez dit : On échoue, là, sur le
minimum, notamment à assurer la survie et la vitalité de la langue française,
vous avez parlé également de… le Canada n'est pas le goulag, mais sera
assurément notre tombe. Également, être bilingue avec soi-même…
M. Lévesque (Chapleau) :
...bon, c'est selon.
Vous avez un langage assez imagé, là. Vous
avez dit : On échoue, là, sur le minimum, notamment assurer la survie et
la vitalité de la langue française. Vous avez parlé également de : Le Canada
n'est pas le goulag, mais sera assurément notre tombe. Également : Être
bilingue avec soi-même, mobiliser l'ensemble de la cavalerie. Assez intéressant.
• (17 h 40) •
Vous avez parlé donc des objectifs, faire
du français la langue commune, faire du français la langue normale. J'aimerais peut-être
revenir sur certaines pistes de solution qui sont dans le projet de loi
n° 96. Vous avez également parlé d'avoir un mécanisme de révision de la
loi lorsqu'un drapeau est levé par le commissaire. Donc, allons-y sur le commissaire.
J'imagine que c'est une mesure qui... sur la langue française, c'est-à-dire,
c'est une mesure que vous voyez d'un oeil très favorable, l'instauration d'un commissaire,
peut-être également le renforcement à l'OQLF et également Francisation Québec,
qui va venir également appuyer la francisation. Ce sont peut-être des mesures
qui sont intéressantes. Est-ce que vous... Est-ce que c'est ce que vous
préconisez?
M. Laporte (Maxime) :
Pour ce qui est du commissaire, je pense avoir été parmi les premiers, du moins
dans l'ère actuelle, là, à proposer la création d'une telle charge, un tel
poste. Pour revenir sur les propos du ministre, qui sont cohérents avec ce que
vous venez de mentionner, bon, j'ai employé l'adjectif «spectaculaire» tantôt,
mais je tiens à préciser que tout est relatif, c'est-à-dire qu'après deux
décennies de gouvernance libérale et de laisser-aller sur la langue… désolé si
ça fait ciller les oreilles des membres libéraux de cette commission, mais au
fond je dirais que la barre n'était pas si haute que ça pour satisfaire un peu
l'appétit en ce qui a trait au renforcement du statut de la langue. Mais, vous
savez, pour une langue qui en quelque sorte meurt de soif, pour continuer…
bien, on ne saurait se contenter de lui offrir une telle grosse miche de pain,
vous savez, parce qu'à vrai dire on continue à sécher dans ce beau désert nommé
«Canada». Vous savez aussi, au Mouvement Québec français, qu'on tient à
célébrer la langue et à… par nos écrits et puis dans nos interventions, parce
qu'aussi, vivre en français, c'est célébrer l'amour de la langue.
Mais donc, vous avez énuméré différentes
mesures qui sont prévues au projet de loi n° 96 que
nous accueillons favorablement, pour plusieurs. Mais, encore une fois, et comme
le soulignait Charles Castonguay, pour qui j'ai le plus grand respect, on ne
peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec,
sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où
la langue de l'apprentissage du…
M. Laporte (Maxime) : …on ne
peut pas penser que la langue commune, notamment celle du travail au Québec,
sera consolidée, c'est-à-dire la langue commune, le français, dans la mesure où
la langue de l'apprentissage du travail, de l'apprentissage de la vie, de
l'entrée dans la vie adulte, n'est pas suffisamment le français. En ce sens, le
professeur Marc Chevrier a très justement parlé du français au Québec comme
d'une langue à statut infantile, c'est-à-dire que cette langue, c'est bon pour
l'enfance, pour le primaire, pour le secondaire, la maternelle, mais, dès lors
que viennent les vraies affaires, dès lors qu'on arrive dans la vie adulte,
qu'on gagne en responsabilités, qu'on souhaite s'épanouir, qu'on souhaite se
réaliser, alors c'est l'anglais qui, quoi qu'on dise, continue à jouir d'un
véritable prestige au Québec. Ce n'est pas normal.
M. Lévesque (Chapleau) :
D'accord. Et au-delà de cette solution-là, là, qui est préconisée par d'autres
intervenants qui sont venus en commission, est-ce que vous voyez d'autres
pistes de solutions qui pourraient bonifier le projet de loi n° 96,
au-delà de ce qui est proposé?
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que notre mémoire renferme au moins peut-être une cinquantaine de
propositions…
M. Lévesque (Chapleau) : Mais
que vous voudriez nous parler ici, là.
M. Laporte (Maxime) : …un peu
dans tous les… Bien, c'est parce qu'il y en a dans tous les aspects du
problème, donc, par exemple, j'ai souligné qu'au fond, les principaux enjeux
structurants quant au statut et à la vitalité de la langue, ça a été observé
que c'était la question de la sélection, de la composition de l'immigration, la
composition linguistique de l'immigration, puis aussi les mesures scolaires,
mesures scolaires, application de la loi 101 au cégep. Vous savez, le Mouvement
Québec français, on s'est fait aller là-dessus depuis, quoi, une décennie et
demie. Au début, c'était une position qui était assez marginale, elle est
désormais appuyée, si je ne m'abuse, par une majorité de francophones au
Québec, voire peut-être par une majorité de répondants selon le dernier
sondage, je crois, Léger, qui a été fait à cet égard-là, comme quoi il y a une
prise de conscience. Alors, en matière d'immigration, il faut que le gouvernement
du Québec reprenne le contrôle. C'est sûr qu'on prône le rapatriement, depuis
longtemps, de toute compétence en matière d'immigration, voyant par exemple
que, suivant les travaux d'Anne Michèle Meggs, bon, la situation des immigrants
temporaires qui, d'après elle, selon ses données, sont au nombre de
160 000 au 31 décembre 2019, ça fait que… c'est sûr que, dans ce
contexte-là, faire du français la langue commune, la langue d'attraction, la
langue d'intégration devient de plus en plus ardu, surtout qu'il y a la
possibilité pour les élèves à statut temporaire d'aller à l'école publique
anglaise, et peut-être, sait-on, à la suite d'une autre décision judiciaire de
la part des tribunaux canadiens…
M. Laporte (Maxime) :
...devient de plus en plus ardu, surtout qu'il y a la possibilité pour les
élèves à statut temporaire d'aller à l'école publique anglaise et peut-être
s'étend à la suite d'une autre décision judiciaire de la part des tribunaux
canadiens. Peut-être que cette fréquentation, ce cheminement se traduira par ce
qu'on appelle un parcours authentique. Je ne trouve pas ça prudent, je pense
que le principe de précaution implique qu'on abandonne ces dispositions-là.
Puis, vous savez, quand on va... quand on immigre ou quand on se rend dans la
plupart des pays dans le monde, à ma connaissance, je réside depuis un an en
Angleterre, vous savez, on ne peut pas aller fréquenter une école publique a
fortiori qui a pour langue une autre langue que la langue nationale, dans la
plupart des cas.
M. Lévesque (Chapleau) : Il
reste du temps, Mme la Présidente?
La Présidente (Mme Thériault) :
À peine cinq secondes.
M. Lévesque (Chapleau) : Bien,
je vous remercie de votre passage en commission. Merci, Mme la Présidente.
M. Laporte (Maxime) : Je vous
en prie.
La Présidente (Mme Thériault) :
Merci. On va aller du côté de l'opposition officielle, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme David : Bonjour,
M. Laporte. Ici la libérale Hélène David, mais je suis enchantée d'avoir
un échange avec vous, on en a eu plusieurs. Alors, je trouve ça très
sympathique. Ce que j'aurais trouvé encore plus sympathique, c'est d'avoir le
mémoire un peu avant parce que la moitié de vos 42 pages sont évidemment
des pages très intéressantes, pas nécessairement directement pertinentes au projet
de loi n° 96, mais c'est vraiment des références...
votre lecture de l'histoire, mais quand même une lecture de l'histoire qui peut
être fort intéressante à lire. Alors, j'ai hâte de le lire, mais, malheureusement,
je ne peux pas beaucoup me référer à votre mémoire ainsi qu'à vos 42 recommandations,
parce qu'il y en a 42, mais heureusement elles sont des reprises de beaucoup de
recommandations qu'on a eues en amont de votre présence.
Donc, j'imagine que vous êtes d'accord
avec plusieurs de vos compatriotes qui sont venus avant proposer toutes sortes
de choses liées au projet de loi n° 96. Mais j'aurais
aimé vous entendre beaucoup plus sur le projet de loi n° 96,
mais je ne peux pas commenter vos 20 premières pages parce que je ne les
ai pas lues. Il y a des magnifiques titres, photos, etc., mais il y a un
titre... il y a quand même un titre formidable à la page 21, sur lequel je
veux vous entendre, qui s'appelle du tripotage aux fesses des données. Je
voudrais que vous m'expliquiez, parce que je n'ai pas pu lire ce qu'il va avec,
je sais que vous parlez des données, mais d'où... pourquoi ce titre aussi
parlant, du tripotage aux fesses — tripoter des fesses, on sait un
peu ce que ça veut dire, mais je trouve ça un peu osé pour un mémoire sur la
langue, la langue française — du tripotage aux fesses des données?
M. Laporte (Maxime) : Oh, je
ne voudrais pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je récuse cette espèce
de relativisme historique qui...
Mme David : ...pour un mémoire
sur la langue, la langue française, du tripotage aux fesses des données.
M. Laporte (Maxime) :
Ah! Je ne pourrai pas vous choquer, Mme la députée. D'abord, je... Je récuse
cette espèce de relativisme historique qui voudrait dire qu'au fond toute
perspective sur l'histoire du Québec, et ce, depuis la conquête et au-delà se
vaudrait plus ou moins. Je pense qu'à tout le moins depuis les travaux le
Lionel Groulx puis l'abandon de la thèse de la conquête providentielle, je
pense qu'il y a un certain consensus sur le fait que ces événements historiques
ont été, ma foi, fort structurants pour nous amener à la condition politique
qui est la nôtre aujourd'hui, quelle que soit par ailleurs notre orientation
politique. Au moins, en passant, je dois dire que de voir... Je vous ai lancé
des pierres, mais de voir le Parti libéral appuyer des motions au côté des
autres partis puis qu'il s'en dégage une certaine unanimité au moins sur les
principes, c'est une avancée, considérant qu'à l'époque votre formation
politique s'était opposée au projet de loi n° 101. Mais ça, on dira que c'est
une histoire, peut-être, une interprétation parmi d'autres.
Mais donc le tripotage des données... Le
tripotage des données, eh bien, c'est-à-dire qu'Ottawa ne s'est jamais gêné
pour tripoter, oui, le chiffres, peut-être pas les fesses des chiffres si ça
vous gêne, mais disons les chiffres dans le but plus ou moins avoué de
camoufler le déclin du français. C'est un comportement politique qui a quand
même été largement commenté et documenté. Et il est arrivé qu'on modifie
intempestivement la nature ou l'ordre des questions posées dans le formulaire
de recensement. Aussi il y a belle lurette qu'on a cessé de mandater des agents
pour réaliser des entrevues à grande échelle avec les répondants.
• (17 h 50) •
Donc, de nos jours, bon, à peu près toutes
les... toutes les données, je crois, colligées résultent de réponses purement
autodéclaratoires. On a élargi sans cesse, par exemple, les RMR, dont celle de
Montréal, ce qui fait que ce référent géographique se révèle passablement peu
utile. Il vaut mieux s'intéresser à la situation dans l'île de Montréal, là,
pour ceux que ça intéresse. On considère que c'est des interventions indues,
même malhonnêtes dans certains cas, voire immorales dans le processus scientifique,
qui nuisent à la lisibilité de l'évolution des données à travers le temps.
Et donc c'est sans surprise que la
population en général, et même nos journalistes sont nombreux à se laisser
prendre au piège. C'est pour ça que, moi, je loue beaucoup le travail des
Charles Castonguay de ce monde parce qu'il replonge dans les données brutes et
s'assure que la lisibilité des données au fil du temps soit adéquate.
Mme David : Vous avez
parlé tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez
dit tout à l'heure éloquemment, l'hégémonie, vos avez parlé de l'hégémonie
culturelle anglo-américaine qui n'est pas nécessairement...
M. Laporte (Maxime) : …des
données, au fil du temps, soit adéquate.
Mme David : Vous avez parlé
tout à l'heure, parce que je prends beaucoup à partir de ce que vous avez dit
tout à l'heure éloquemment, l'hégémonie… vous avez parlé de l'hégémonie
culturelle anglo-américaine, qui n'est pas nécessairement uniquement au Québec
ni à Montréal, une hégémonie, par définition, c'est assez large, culturelle
anglo-américaine, on combat cela comment quand on est au Québec?
M. Laporte (Maxime) : Alors,
encore une fois, mon propos, c'est de dire que tant à ce qui a trait à cette
hégémonie ou à cet impérialisme culturel étasunien qu'aux phénomènes
migratoires, ce sont à peu près des constantes en Occident et au-delà. Et pour
autant, ce ne sont pas toutes les sociétés, à l'extérieur évidemment du giron
du monde anglo-saxon, ce ne sont pas toutes les sociétés qui s'anglicisent. Le
Québec s'anglicise. Le Québec s'anglicise, bien sûr que c'est en partie, à
l'évidence, en raison de ces phénomènes, la difficulté d'intégrer évidemment
les allophones, nouveaux immigrants, en raison aussi de cet impérialisme
culturel américain, qui ne concerne pas juste la culture au sens des arts, du
théâtre, de la littérature, de la musique, mais aussi de la façon de penser, la
culture politique. Mais ces phénomènes, au fond, sont aggravés par un problème
sous-jacent que d'autres sociétés, la plupart des sociétés dans le monde, avec
lequel la plupart des sociétés dans le monde n'ont pas à composer, qui est
celui d'être annexé à un ensemble qui, au fond, participe du déclin de la
langue nationale.
Et puis c'est pour ça qu'on insiste là-dessus,
et je sais que c'est peut-être désagréable pour les fédéralistes, mais moi, je
pense que c'est important de ne pas se voiler la face, parce que, si vous
voulez mon avis, à moins qu'on instaure le processus de révision… que nous
proposons, ce projet de loi, cet exercice est peut-être l'exercice de la
dernière chance pour ce qui est de sauver l'avenir du français. Et ça, ça veut
dire que c'est peut-être aussi la dernière chance pour le camp fédéraliste de
montrer à la population que c'est possible de garantir l'avenir du français
dans le cadre canadien. Le projet de loi, pour nous, est décevant, le projet de
loi, comme plusieurs l'ont mentionné, ne permet pas d'atteindre les objectifs
minimaux pour ce qui est d'assurer la vitalité démographique du français dans
la durée, donc pour nous il y a fort à parier qu'en effet, tout ce que je viens
de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez simple : Ou
bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.
Mme David : Alors, vous avez
dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français, c'est
célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez que vos…
M. Laporte (Maxime) : ...je
viens de dire se réalise. Et alors, au fond, la question sera assez simple. Ou
bien on en sort, ou bien on s'y laisse enterrer.
Mme David : Alors, vous avez
dit une phrase intéressante, je vous cite : «Vivre en français, c'est
célébrer l'amour de la langue.» Est-ce que vous trouvez que vos compatriotes,
nos compatriotes, les francophones du Québec protègent suffisamment la langue
française et ont l'amour de cette langue?
M. Laporte (Maxime) : Oui,
puisque, évidemment, si vous voulez, je fais un peu, dans ce mémoire, la
photographie, le film, si vous voulez, de nos victoires, qui attestent précisément
de cette fierté et de cette volonté de survivre, cette volonté de persister
dans l'être. Je pense que c'est Spinoza, O.K. Bien sûr que cela émet... ce film
a un négatif, comme en photographie, ce film a un négatif qui est le récit...
pas juste le récit, mais la réalité de nos déchéances, de nos défaites, comme
le disait si bien Henri Bourassa. En tout cas, lui, il disait ça pour ce qui
est de la période qui commence à partir de la Confédération.
D'une certaine façon, cette altérité nous
a poussés à développer des réflexes extraordinaires, que l'on dira de
survivance. Moi, j'aime mieux la vie que la survie, j'aime mieux
l'épanouissement que la survie. Mais en effet, ces réflexes sont remarquables.
Mais je termine en disant que le peuple québécois est un peuple comme tous les
autres. C'est anormal qu'on lui impose de se battre à tout instant pour se
faire respecter dans son pays et dans sa langue.
Mme David : Je vais vous
arrêter pour vous dire... Quand vous dites que nous avons beaucoup de réflexes
pour se protéger, et tout ça, c'est le réflexe, autour de la machine à café,
autour d'une table, quand il y a un anglophone, vous l'avez dit tout à l'heure,
et tout le monde se met à parler anglais. Ce sont les francophones qui se
mettent à parler anglais. Ce n'est pas un réflexe de protection.
M. Laporte (Maxime) : Écoutez,
bien sûr, tout le monde est responsable de l'avenir du français. Comme disait
Bourgault aussi, la langue, là, ce n'est pas un instrument de communication
comme tous les autres. Ce n'est pas comme l'ordinateur avec lequel je vous
parle en ce moment ou, je ne sais pas trop, le téléphone que j'ai ici. C'est un
instrument de communication qui est incarné, qui est lié à la vie, à l'être
qu'on est. Donc, bien sûr que défendre la langue, c'est défendre l'être que
nous sommes, bon.
Mais si tout le monde est responsable de
l'avenir de la langue, en revanche, il y a des gens dans cette société, des
gens privilégiés, des élites qui ont une responsabilité accrue du fait de leur
rôle dans la société. Et à ce titre, je pense que l'histoire... c'est eux que
l'histoire va juger, comme si, par exemple, d'ici 2060, grosso modo, on perd
l'île de Montréal, on perd au sens où le français s'y folklorise comme langue
commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vais maintenant aller du côté de la...
M. Laporte (Maxime) : ...c'est
eux que l'histoire va juger. Comme si, par exemple, d'ici 2060, grosso modo, on
perd l'île de Montréal, on perd au sens où le français s'y folklorise comme
langue commune.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, je vais maintenant aller du côté de la députée de Mercier.
Mme Ghazal : Merci, Mme la
Présidente. Merci beaucoup, M. Laporte, pour votre présentation, votre
mémoire.
Je voudrais aller sur les changements dans
la Constitution, d'écrire nation et culture... pas culture, mais langue commune
et officielle. Vous accueillez ça favorablement, vous dites que c'est une bonne
chose. Quoique ça a été bien accueilli par les fédéralistes, donc il y a
peut-être anguille sous roche. Mais vous trouvez que c'est bien et même, dans
vos recommandations, vous faites des ajouts dans la Constitution canadienne.
J'aimerais savoir... Parce que vous êtes
indépendantiste, comme moi, comme le parti qu'on représente, et c'est la
meilleure façon de protéger la langue française au Québec, c'est de faire
l'indépendance. En faisant des ajouts dans la Constitution de 1867, est-ce
qu'on n'est pas en train de la légitimiser?
M. Laporte (Maxime) : Vous
savez, ce régime, on le légitime chaque fois qu'on va voter au fédéral, a
fortiori peut-être lorsqu'on compte d'appuyer un parti fédéraliste. On le
légitime chaque fois qu'on paie des impôts. Ce régime, en fait, on le légitime
du seul fait d'accepter d'y être sans s'y opposer.
Mais ce que je voulais dire, c'est que,
bon, et je l'ai mentionné, il y a, au fond, deux dimensions propres au combat
indépendantiste. Il y a le combat de la reconquête, au fond, de l'indépendance,
de l'émancipation puis il y a le combat de la résistance. Le combat du
français, évidemment, est fondamental dans cet esprit-là puisque, si on ne se
bat pas, si on ne mène pas ce combat de résistance pour le français, alors
l'autre dimension du combat, le combat d'émancipation politique tombe. Alors,
c'est un travail de résistance.
Et puis, comme des grands révolutionnaires
que nous admirons, vous et moi, que ce soit Mandela, Gandhi, etc., vous savez,
ces gens se sont battus à la fois à l'intérieur du régime et, si vous voulez,
en dehors du régime, c'est-à-dire qu'ils ont formé des critiques dans le régime
et du régime, même si moi, je préfère de loin la critique du régime.
• (18 heures) •
Mme Ghazal : Vous dites :
En attendant, s'il y a ce moyen-là, pourquoi pas, pour faire respecter notre
langue commune et pour les Québécois, donc. Je comprends, mais est-ce que...
Parce que les Québécois, on dirait qu'on a besoin de quelque chose pour nous
conforter au lieu de faire la révolution, si je peux dire. Ce n'est pas un
moyen de conforter? Je veux dire, quand même, les Québécois fédéralistes
trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne va pas encore... Ça va enlever
cette résistance-là ou cette volonté de faire l'indépendance. Ça n'a pas ce
risque-là selon vous...
18 h (version non révisée)
Mme Ghazal : …si je peux dire.
Ce n'est pas un moyen de conforter? Je veux dire, quand même, les Québécois
fédéralistes trouvent que c'est une bonne chose, et ça ne va pas encore… Ça va
enlever cette résistance-là ou cette volonté de faire l'indépendance. Ça n'a
pas ce risque-là, selon vous?
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à l'échange. Désolée, Mme la députée, votre question était
un petit peu longue et, il n'y a plus de place pour la réponse.
Mme Ghazal : Je sais.
La Présidente (Mme Thériault) :
M. le député de Matane, la parole est à vous, 2 min 50 s.
M. Bérubé : Merci, Mme la
Présidente. Me Laporte, un plaisir de vous retrouver. Vous vous souvenez,
on a eu des échanges avant ce projet de loi là et vous disiez : Le gouvernement
pourrait bien nous étonner. Il m'a étonné à certains égards; il m'a déçu sur
l'essentiel.
D'abord, l'idée que ce projet de loi doit
être consensuel, ça ne m'apparaît pas un critère important. Il faut faire ce
qui est nécessaire, et là je vous rejoins totalement. Ça passe notamment par
les objectifs quant à l'immigration francophone. Ça passe par une volonté que
le cégep ne soit pas une brisure dans le cursus français, notamment à un âge où
c'est le parcours professionnel, c'est la socialisation avec les adultes. Ça,
c'est deux enjeux importants. Donc, nous, on est d'avis que le projet de
loi ne va pas renverser le déclin. Est-ce également votre opinion?
M. Laporte (Maxime) : Ah!
oui, oui. C'est ce que je me suis tué à dire ces 40 dernières minutes,
bien sûr. Juste, si vous voulez, je pense, ça va vous intéresser aussi, que je réponde
très rapidement à votre collègue. Vous savez, je viens de publier une étude à…
en fait, en tant qu'avocat, sur la dimension constitutionnelle de la
reconnaissance formelle de la nation québécoise
M. Bérubé : J'ai peu de temps,
hein?
M. Laporte (Maxime) : Bon,
vous savez, il faut se fixer des objectifs réalistes dans l'espace et dans le
temps, je ne sais pas encore… On ne peut pas imaginer, dans la situation
actuelle que l'indépendance va se réaliser demain matin…
M. Bérubé : Me Laporte,
je n'ai que 2 min 30 s. J'aimerais mieux que ça soit sur mes
questions…
M. Laporte (Maxime) : Ah bon!
Bien, allez-y. Désolé.
M. Bérubé : Bien, écoutez, moi
je crois partager avec vous que c'est maintenant ou jamais. C'est là que ça
doit se passer. Si on ne le fait pas… L'objectif du gouvernement, disons-le,
brisons le tabou, il faut que ça ait l'air nationaliste puis que ça soit
consensuel. Moi, je ne vais pas juger de la force du projet de loi si le parti
libéral vote pour. Je vais juger si ce n'est pas une mesure populaire mais qui
est nécessaire pour renverser le français. Mais c'est un peu votre propos
aussi.
M. Laporte (Maxime) : Absolument,
le consensus… J'ai entendu, je pense, le député de La Pinière a insisté
là-dessus, sur cette idée de consensus. Je regrette, mais le Parti libéral a
très souvent gouverné en faisant parfaitement fi des consensus et fi, surtout,
des consensus nationaux.
M. Bérubé : Croyez-vous?
Alors, moi, je pense qu'il ne faut pas viser le consensus. Il faut viser la
nécessité… Et j'implore les observateurs de ce projet de loi là qui sont au
gouvernement du Québec, d'abord, qu'ils admirent la volonté du ministre et
qu'ils soient aussi convaincus qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin.
Je ne veux pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là.
Reste à convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des
ministres.
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que vous avez bien résumé la situation.
M. Bérubé : Et quand
Guy Rocher et Christian Dufour sont dans le même camp, c'est assez
large.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et ça met fin…
M.
Bérubé
:
...gouvernement du Québec, d'abord qu'il admire la volonté du ministre et qu'il
soit aussi convaincu qu'il l'est de la nécessité d'aller plus loin. Je ne veux
pas le gêner, mais je sais qu'il est très sensible à ces enjeux-là. Reste à
convaincre le premier ministre et ses collègues du Conseil des ministres.
M. Laporte (Maxime) : Je
pense que vous avez bien résumé la situation.
M.
Bérubé
:
Et quand Guy Rocher et Christian Dufour sont dans le même camp...
La Présidente
(Mme Thériault) : Et ça met fin... Et ça met fin à cet échange.
Ça met fin à cet échange. Donc, merci beaucoup, M. Laporte de votre
passage en commission parlementaire. Nous allons suspendre les travaux quelques
instants pour permettre au dernier groupe de prendre place.
(Suspension de la séance à 18 h 3)
(Reprise à 18 h 6)
La Présidente
(Mme Thériault) : Donc, nous poursuivons nos travaux. Et nous
recevons M. Hugo Cyr qui est professeur et spécialiste en droit constitutionnel
à l'Université du Québec à Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous
faire la présentation. Bienvenue à l'Assemblée virtuelle. Et la parole est à
vous.
M. Cyr (Hugo) : Bien, tout
d'abord je tiens à vous remercier. Je tiens à remercier la commission pour cet
accueil. Je suis tout d'abord très heureux que l'on tente de mettre...
La Présidente (Mme Thériault) :
…du Québec à Montréal. Donc, vous avez 10 minutes pour nous faire la
présentation. Bienvenue à l'Assemblée virtuelle, et la parole est à vous.
M. Cyr (Hugo) : Bien, tout
d'abord je tiens à vous remercier, je tiens à remercier la commission pour cet
accueil. Je suis tout d'abord très heureux que l'on tente de mettre fin à un
long hiver constitutionnel et donc c'est avec beaucoup de plaisir que je reçois
ce projet de loi et que je l'ai analysé. Mon témoignage se veut sans
complaisance ni malveillance, mon objectif, c'est de s'assurer d'offrir à
l'Assemblée nationale des outils techniques pour qu'elle puisse accomplir ses
objectifs, c'est-à-dire mon témoignage va aller dans le sens de limiter le plus
possible les risques d'invalidation potentielle de son projet de loi une fois
qu'il sera adopté. Donc, mon témoignage portera essentiellement sur l'article
159 du projet de loi, celui qui prévoit que la Loi constitutionnelle de 1867
est modifiée par l'insertion, après l'article 90, de ce qui suit,
caractéristique fondamentale du Québec, 90 Q1 : «Les Québécoises et les
Québécois forment une nation.» 90 Q2 : «Le français est la seule langue
officielle du Québec, il est aussi la langue commune de la nation québécoise.»
Je vais y aller tout de suite avec mes
conclusions, et puis ensuite on pourra discuter. En fait, il y a deux…
conclusions subsidiaires, si vous n'acceptiez pas les conclusions principales.
Donc, mes deux premières conclusions, c'est que, pour enchâsser les deux
premières dispositions de l'article 159, comme elles traitent de l'usage du français
et de l'anglais, la formule ou la procédure de modification constitutionnelle
applicable serait la procédure bilatérale de l'article 43. Donc, il faudrait à
la fois une résolution de l'Assemblée nationale, mais aussi de la Chambre des
communes, le Sénat, on pourra en discuter, il y a des enjeux techniques qu'on
peut peut-être passer outre, mais une proclamation du gouverneur général. Et il
faudrait modifier légèrement le texte pour prévoir, et là vous verrez dans mon
mémoire les spécificités que je vous suggère, là, pour vous assurer que le projet
de loi ne soit pas invalidé. En suivant ce mécanisme-là, on s'assurerait que
les dispositions en question auraient un effet supralégislatif, ça veut dire
qu'ils seraient protégés contre une invalidation par la Charte canadienne, et
aussi, ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une simple loi
par la suite. Donc, c'est un enchâssement, à ce moment-là, de la disposition…
M. Cyr (Hugo) : …veut dire
qu'il serait protégé contre une invalidation par la charte canadienne — et,
aussi, ces dispositions-là ne pourraient plus être modifiées par une simple loi
par la suite. Donc, c'est un enchâssement à ce moment-là de la disposition.
• (18 h 10) •
Subsidiairement, si, pour des raisons
quelconques, l'Assemblée nationale ne souhaite ou ne peut pas faire adopter son
projet avec… de concert avec les autorités fédérales, à ce moment-là, il y a
une possibilité d'adopter une version de cet article-là sous l'article 45, donc
de manière unilatérale, par une simple loi. Par contre, le produit ne sera pas
protégé contre une application de la charte canadienne et il pourra être
modifié par la suite par une simple loi par le législateur subséquent. Si on
allait dans cette voie-là, il faudrait tout d'abord retirer la tentative
d'inscrire ces dispositions-là dans l'article 90 de la Loi constitutionnelle de
1867, parce que seule une proclamation du gouverneur général est capable de
venir modifier le texte de la Constitution du Canada. Et, deuxièmement, il
faudrait indiquer que le tout est sous réserve de l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867 et de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de
1982, parce qu'il y a des possibilités que la disposition soit interprétée
comme étant dérogatoire à ces deux articles là, et, comme la formule de
l'article 45 ne permet pas de modifier ni 133, ni 19, ce serait une façon de
s'assurer que l'amendement, la modification ne soit pas invalidée. Maintenant,
certains pourraient dire que la disposition qui est prévue à l'article 159 en
elle-même peut laisser planer des doutes sur 133 et 19. Par contre, il est
possible qu'à la lumière du reste de la loi, on interprète ces dispositions-là
comme signifiant qu'elles viennent limiter la liberté de choix des parties,
incluant les personnes morales, de plaider et de produire des actes de
procédure en français ou en anglais. C'est un choix, c'est…
La Présidente (Mme Thériault) :
Nous allons suspendre les travaux quelques instants… des petits problèmes de
communication.
(Suspension de la séance à 18 h 12)
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme Thériault) :
…on vous a perdu quelques instants…
M. Cyr (Hugo) : C'est…
(Reprise à 18 h 13)
La Présidente (Mme Thériault) :
Notre petit problème technique est réglé. Donc, nous retournons au Pr Cyr.
Allez-y.
M. Cyr (Hugo) : Donc, si on
optait pour la deuxième voie, la voie par l'article 45, il faudrait
ajouter que les dispositions sont sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle
de 1867 et sous réserve de l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle de
1982, parce que certaines autres dispositions de la loi semblent restreindre le
droit notamment de choisir dans quelle langue est-ce qu'on va produire des
actes de procédure. Donc, 133 et 19 prévoient qu'on a le choix entre le français
ou l'anglais, alors que là on oblige la production d'une traduction. Et il y a
la question de l'interprétation. En cas de difficulté d'interprétation, on dit
que la version française aurait préséance. Or, c'est loin d'être clair que
l'arrêt Blaikie permettrait une telle chose.
Donc, essentiellement, je vous propose des
modifications, mais je vous le rappelle, dans le simple but de m'assurer que le
projet de loi, de façon optimale, puisse atteindre son objectif. Et donc ce
sont des mesures que je considère sages à la lumière de l'ensemble de la
jurisprudence. Et donc je suis maintenant disposé à entendre vos questions. Le
détail de mes positions se trouve dans mon mémoire, donc j'ai essayé d'être le
moins technique possible dans cette présentation.
La Présidente (Mme Thériault) :
Donc, sans plus tarder, nous allons débuter l'échange avec M. le ministre.
M. Jolin-Barrette : Merci,
Mme la Présidente. Bonjour, M. Cyr. Merci de participer aux travaux de la commission.
Vous avez débuté vos propos par... vous
êtes heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez,
j'en suis heureux d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je
disais à votre collègue...
M. Jolin-Barrette :
...participer aux travaux de la commission. Vous avez débuté vos propos par...
Vous êtes heureux qu'on mette fin au long hiver constitutionnel. Alors, écoutez,
j'en suis heureux, d'amener un peu de chaleur relativement à ce débat. Et je
disais à votre collègue Leclair que j'avais réussi, je crois, avec ces dispositions-là
à émoustiller les constitutionnalistes québécois. Et je suis heureux qu'on ait
désormais un débat. Est-ce que vous êtes toujours là? Oui?
M. Cyr (Hugo) : Oui, je
suis de retour.
M. Jolin-Barrette : Et
je suis heureux maintenant qu'on ait un débat sur les dispositions de la Loi
constitutionnelle de 1867, la Loi constitutionnelle de 1982 parce que
semblerait-il que la Constitution est un arbre vivant. Alors, vous, dans votre
mémoire, vous dites... Vous comparez plutôt la Constitution à un édifice avec
le solage et puis sur le fait qu'on ne peut pas utiliser l'article 45 pour
faire en sorte de venir inscrire que les Québécois et les Québécoises forment
une nation et que la langue officielle du Québec est le français. Or, si on est
uniquement en termes de métaphores, pourquoi ne pourrions-nous pas venir ajouter
une annexe, hein, à la maison? Comme... Parce que la Cour suprême dit que la
Constitution est un arbre vivant, doit être interprétée largement, tout ça.
Mon précédent collègue de Saint-Laurent
aimait beaucoup parler du fruit qui n'était pas mûr, mais que, finalement, le
fruit avait mûri quand il a déposé sa politique Québécois, notre façon
d'être canadiens. Alors, voyez-vous, moi, je crois que la Constitution nous
permet de faire cela. Et d'ailleurs il y a plusieurs de vos collègues qui sont
en accord. Je comprends que, vous, vous n'êtes pas en accord, le professeur
Leclair, Maxime St-Hilaire de l'Université de Sherbrooke, mais semblerait-il
qu'il y ait un espace. Alors, pourquoi ne pourrions pas mettre une annexe à la
maison que nous n'avons pas choisi d'habiter?
M. Cyr (Hugo) : Premièrement,
l'idée de mettre une annexe ou de l'arbre vivant, j'en suis. Je suis entièrement
d'accord. C'est comme ça que notre constitution s'est développée. On parle d'un
arbre vivant qui croît selon ses limites naturelles. Donc, l'idée, c'est qu'il
faut qu'on puisse trouver la bonne branche à laquelle accrocher les choses.
Maintenant, je n'ai pas fait de commentaire sur la ligne «les Québécoises et
les Québécois forment une nation» parce que, ça, en soi, ça ne pose pas problème
en termes de modification constitutionnelle, cette affirmation-là. La question,
c'est de savoir à quel niveau de la hiérarchie constitutionnelle ça va se
trouver. Mais si le Québec, dans la constitution de sa province, la
Constitution du Québec souhaite l'affirmer, il peut le faire. Et c'est
d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans mon mémoire.
Le problème avec «le français est la seule
langue officielle du Québec», c'est qu'il y a un texte... On peut croître, on
peut se transformer, mais on ne peut pas entièrement...
M. Cyr (Hugo) : ...la
constitution du Québec souhaite l'affirmer, il peut le faire, et c'est
d'ailleurs ce que j'ai mentionné dans mon mémoire.
Le problème avec le français... est la
seule langue officielle du Québec, c'est qu'il y a un texte... on peut croître,
on peut se transformer, mais on ne peut pas entièrement faire fi du texte de
l'article 45 qui parle bel et bien de... Lorsqu'il s'agit de l'usage du français
ou de l'anglais et qu'on veut modifier les règles concernant l'usage du français
et de l'anglais dans la province, là, la formule applicable, textuellement,
c'est l'article 43 qui prévoit que ça peut se faire de façon bilatérale
entre Québec et Ottawa. Et ça, c'est une exception parce qu'autrement, lorsqu'on
veut modifier les enjeux sur la langue, si ce n'était pas pour la province, ça
serait la formule d'unanimité qui est prévue. Donc, on prévoit que, pour
modifier les enjeux sur la langue, c'est l'unanimité, mais pour les provinces,
pour modifier l'usage, pour modifier la Constitution du Canada relativement à
l'usage du français et de l'anglais, c'est l'article 43.
M. Jolin-Barrette : Juste une
question pratico-pratique là-dessus, là, parce que, depuis 1977,
l'article 1 de la Charte de la langue française établit que la langue
officielle du Québec est le français. Or, est-ce que, par vos propos... parce
que, ce qu'on fait, c'est qu'on reproduit, on duplique, dans la Loi
constitutionnelle de 1867, cette disposition-là à 90Q.2. Est-ce que, par vos propos,
je dois comprendre que l'article 1 de la Charte de la langue française,
qui est là depuis 1977, est en contravention avec l'article 133 de la Loi
constitutionnelle de 1867?
• (18 h 20) •
M. Cyr (Hugo) : Bien, dans
l'arrêt Blaikie, la Cour suprême dit expressément qu'elle ne se penche pas ou
qu'elle n'émet pas d'opinion sur la validité de cette disposition-là, mais elle
dit par ailleurs que... elle a invalidé par ailleurs d'autres dispositions
qu'elle dit découler ou illustrer ce principe-là. Donc, ce que je vous dis,
c'est, il y a un risque, il y a un risque. Je ne vous dis pas... mais je vous
dis, cette disposition-là, il y a un risque. Maintenant, à l'époque de
Blaikie, on est avant 1982, on est avant l'adoption de la charte canadienne, on
est avant l'adoption de la loi de 1982 qui modifie les règles d'amendements
constitutionnels. Et depuis 1982... ce qui n'était pas le cas avant, hein? En
1976, 1977, ce n'étaient pas les mêmes formules d'amendement qui étaient
disponibles. Maintenant, ce qu'on voit depuis 1982, la formule qui prévaut à
l'article 43, elle spécifie pour les modifications qui touchent les
langues dans notre province, l'usage de la langue dans la province. Peut-être
pour les fins du... il serait utile que je le mentionne spécifiquement, là,
mais on dit qu'il faut une participation bilatérale pour modifier la
Constitution lorsqu'on parle des dispositions relatives à l'usage du...
M. Cyr (Hugo) : ...usage de la
langue dans la province.
Peut-être pour les fins du... il serait utile que je
le mentionne spécifiquement, là, mais on dit qu'il faut une participation
bilatérale pour modifier la Constitution lorsqu'on parle de modifications des dispositions
relatives à l'usage du français ou de l'anglais dans une province. J'aime à
croire que, si on veut spécifier que le français est la langue officielle du Québec,
c'est qu'on... (panne de son) ...sur l'usage du français ou de l'anglais dans
la province. Je ne vois pas, sinon, à quel autre sujet.
M. Jolin-Barrette : On vous a
perdu juste comme 10 secondes. Pouvez-vous répéter votre dernière phrase?
M. Cyr (Hugo) : Oui. Si... L'article
43, qui prévoit la formule d'amendement bilatéral, il dit qu'elle s'applique spécifiquement
aux modifications des dispositions relatives à l'usage du français ou de
l'anglais dans une province. Donc, elle porte spécifiquement là-dessus. Donc,
avant 1982, on n'avait pas cette...
M. Jolin-Barrette : Ça, je
comprends, mais ce qui est ironique dans tout ça, c'est qu'il y a une formule d'amendement
constitutionnel auquel le Québec n'a pas adhéré, hein? Donc, je comprends qu'on
est post-1982, mais en 1982, ils n'ont pas demandé l'avis de l'Assemblée
nationale puis de la nation québécoise non plus pour adhérer. Puis l'enjeu est à
l'effet... Oui, il y a Blaikie, en, quoi, 1979, 1981, je pense, les deux
Blaikie...
M. Cyr (Hugo) : 1979.
M. Jolin-Barrette : ...mais
il y a une marge entre l'article 1 et 133, il y a une cohabitation entre les
deux.
Et, vous savez, moi, mon questionnement
est à l'effet... Tout à l'heure, on parlait d'arbre vivant, mais, vous savez,
un arbre, parfois, si on n'en prend pas soin, ça finit par mourir. Alors, je
serais curieux de savoir qu'est-ce qui arriverait si jamais les cours
invalidaient l'article 1 de la Charte de la langue française. Ou même, au même
titre, là, que ce que nous faisons, là, dans la Loi constitutionnelle de 1867,
en venant insérer que les Québécois et Québécoises forment une nation, puis que
la langue officielle du Québec, c'est le français, je serais curieux de savoir
ce qui arriverait avec l'arbre constitutionnel.
Et d'ailleurs, le tout est fait, et il y a
plusieurs constitutionnalistes qui sont venus nous le dire, en tout respect de
l'article 133 et des droits qui y sont garantis. Parce que ce que Blaikie nous
dit, c'est qu'on ne peut pas venir toucher à 133. Mais ce n'est pas ça qu'on
fait. Mais entre le mur-à-mur, il y a une marge, et je crois bien humblement
que nous allons dans cet espace-là qui est disponible pour un partenaire
fédératif. Parce que c'est ça également que Benoît Pelletier nous disait. Il
nous disait : Les entités fédérées peuvent avoir une marge à l'intérieur
de l'État fédéral.
Et mon questionnement est à l'effet
également que le fédéral, lui, a modifié la Loi constitutionnelle de 1867.
Est-ce dire que la Loi constitutionnelle de 1867 n'appartient qu'au Canada,
qu'au gouvernement fédéral ou elle appartient également aux entités fédérées
qui composent le Canada?...
M. Jolin-Barrette : …l'État
fédéral, et mon questionnement est à l'effet également que le fédéral, lui, a
modifié la Loi constitutionnelle de 1867, est-ce dire que Loi constitutionnelle
de 1867 n'appartient qu'au Canada, qu'au gouvernement fédéral, ou elle
appartient également aux entités fédérées qui composent le Canada?
M. Cyr
(Hugo) : Là, il y a plusieurs points, là, dans votre dernier
commentaire. Sur le premier, mon analyse ici va se résumer à une analyse
purement technique, constitutionnelle, c'est-à-dire pas sur la légitimité du
statut de la Constitution de 1982, elle est là. Donc, comme analyste, je vous
parle à partir des normes existantes, voilà. Maintenant, on peut être d'accord
ou ne pas être d'accord, il y a des référendums qui se sont faits là-dessus,
mais présentement, le contexte dans lequel moi, je m'exprime comme juriste…
M. Jolin-Barrette : Mais il
n'y a pas de référendums qui se sont faits sur la Loi constitutionnelle de
1982.
M. Cyr
(Hugo) : Non, mais je parle du référendum de 1995 où, de façon
implicite, on avait… on a eu un référendum sur la question de savoir est-ce
qu'on reste à l'intérieur de ce cadre-là ou pas. Mais ce que je vous dis…
M. Jolin-Barrette : Mais ce
n'était pas la question, est-ce que vous adhérez…
M. Cyr
(Hugo) : …c'est que mon analyse ne dépend pas de la légitimité…
M. Jolin-Barrette : La
question… je n'ai pas voté, mais…
M. Cyr
(Hugo) : Je suis d'accord. Non, non, je ne vous ai pas dit que…
M. Jolin-Barrette : …ce
n'était pas ça, la question.
M. Cyr
(Hugo) : Non, non, ce que je vous dis, c'est qu'effectivement,
lorsqu'il y a eu le rapatriement, il n'y a pas eu de référendum, et donc
certains des politicistes plutôt que des juristes pourraient nous dire qu'il y
a un déficit de légitimité de ce côté-là. Soit, moi, ce que je vous dis, c'est
que mon analyse ne dépend pas de ça, mon analyse est purement sur le plan
jurididique, et donc si on venait qu'à invalider les dispositions, je peux
imaginer que ça aurait un impact important à l'intérieur du Québec, mais c'est
entre autres pour ça que moi, je vous propose des façons d'éviter que ça se
présente. Mais maintenant, sur 133 et 19, je remarque qu'il y a des efforts qui
ont été faits pour marcher le plus proche de la ligne possible, et moi, je vous
dis : Il y a un risque fort qu'on ait outrepassé la ligne. Par exemple,
sous 19.1 et 133, on prévoit que chacun a le droit de choisir entre le français
ou l'anglais lors de la production d'actes de procédure. Or, le projet de loi
actuel dit qui… si on est une personne morale, on a l'obligation de fournir la
traduction. Moi, je vous dis c'est une obligation supplémentaire qui s'ajoute à
133 et à 19.1 et qui pourrait être interprétée comme étant… venant limiter
l'exerice du droit prévu en forçant les gens à débourser pour cette
traduction-là. Donc, je vous dis : C'est un risque.
Pour ce qui est de la disposition sur
l'interprétation…
M. Jolin-Barrette : Juste une
question pratico-pratique, trouvez-vous ça normal que lorsqu'une entreprise,
donc une personne morale…
M. Cyr (Hugo) : …prévu en
forçant les gens à débourser pour cette traduction-là. Donc, je vous dis :
C'est un risque. Pour ce qui est de la disposition sur l'interprétation…
M. Jolin-Barrette :
…question-là, juste une question pratico-pratique : Trouvez-vous ça normal
que, lorsqu'une entreprise, donc une personne morale poursuit une personne au Québec,
une Québécoise ou un Québécois, la personne physique, là, elle reçoive une
procédure en français? Qu'une entreprise étrangère, supposons, qui vient
poursuivre un citoyen québécois, on l'oblige à dire : Vous pouvez prendre
votre procédure en anglais, c'est prévu par l'article 133, mais dire :
Vous allez également fournir une copie traduite en Québécois? Supposons qu'il y
a un litige, là, un travailleur qui serait congédié, O.K., supposons, sur la Côte-Nord.
Il a travaillé 20 ans de sa vie pour une entreprise, pour 25 ans de sa vie pour
une entreprise, une papetière, supposons, il se fait congédier. Puis là, il
veut avoir des renseignements sur son fonds de pension, il veut avoir des renseignements
sur sa paie, il ne se fait pas payer, il n'a pas son T4, puis là c'est juste en
anglais. Le travailleur québécois, il est unilingue francophone, puis, lui, là,
il ne comprend pas les procédures devant les tribunaux. Trouvez-vous ça normal
qu'une multinationale qui fait affaire au Québec, lorsqu'elle poursuit ou
qu'elle agit devant une instance, devant un tribunal québécois, elle fournisse
une copie en français des procédures judiciaires à l'encontre d'un Québécois ou
d'une Québécoise?
M. Cyr (Hugo) : Vous savez,
comme expertise d'un… comme juriste qui vient vous donner un avis juridique, ça
ne vise pas à évaluer l'opportunité des règles qui seront existantes. Moi, je
vous dis les règles comme elles existent. Si vous n'êtes pas satisfaits, bien,
vous êtes les législateurs, vous pouvez le faire. Par contre… Vous pouvez les
modifier. Par contre, vous devez le faire selon les règles existantes, des
règles de modification applicables. Or, pour modifier 133, si vous voulez le
faire, ce que vous venez de me dire, bien, la façon la plus simple, c'est de le
faire de façon bilatérale par… en vertu de l'article 43. Vous pourriez modifier
ça pour le Québec, sauf que l'article 19.1, lui, vous ne pourriez pas le faire,
c'est écrit dans la Constitution de 1982, et, pour la modifier, celle-là, il
faudrait l'unanimité. Donc…
M. Jolin-Barrette : Et, juste
pour expliquer…
M. Cyr (Hugo) : À moins que
vous vouliez prendre votre bâton de pèlerin. Mais ça, c'est libre à vous.
• (18 h 30) •
M. Jolin-Barrette : Juste
pour expliquer aux membres de la commission, 19.1, ça touche les tribunaux
fédéraux, donc la Cour fédérale et la Cour d'appel fédérale, ça ne touche pas
les tribunaux judiciaires québécois. Mais je comprends de votre propos que 133,
il est très, très rigide et il doit y avoir une… il doit avoir une
interprétation extensive. Donc, vous le voyez comme un bloc, puis il n'y a pas
de marge. Or, quand il y a eu Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont pas
touché à l'article 1, ils ont touché à certains éléments de la langue de la
justice, de la langue des lois…
18 h 30 (version non révisée)
M. Jolin-Barrette : ...très,
très rigide et il doit y avoir une interprétation extensive. Donc, vous le
voyez comme un bloc, puis il n'y a pas de marge. Or, quand qu'il y a eu
Blaikie, il y a une marge, parce qu'ils n'ont pas touché à l'article 1,
ils ont touché à certains éléments de la langue de la justice, de la langue des
lois, mais ils n'ont pas touché à 1.
Alors, c'est pour ça que je diffère
fondamentalement d'opinion avec vous, parce que c'est comme s'il n'y avait pas
d'espace. Or, à tous les jours, il y a de l'espace. Je donne un exemple, là,
l'article 15, là, dans la Loi constitutionnelle de 1982, là, relativement
au droit à l'égalité, là. Bien, écoutez, on dit : «La loi ne fait pas
acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la
même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute
discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine
nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les
déficiences mentales ou physiques.» Or, certains tribunaux ont interprété ce
libellé-là comme s'appliquant également à la discrimination sur la langue. Or,
ce n'est pas inscrit dans la Constitution, mais il y a une marge, ce n'était
pas nommément inscrit, mais c'est possible. Même chose à 23...
M. Cyr (Hugo) : En fait, ils
n'ont pas besoin de l'avoir nommé explicitement parce que, sous 15, il y a le
terme «notamment» qui explique pourquoi on peut le faire. Je vous dis sous
l'article 133... La raison pour laquelle... Vous me posez la
question : Pourquoi Blaikie, on n'en a pas parlé? C'est que les tribunaux
ont cette habitude d'effectivement dire : Si on est capable de résoudre le
problème sans examiner tous les autres problèmes, on va y aller de façon
limitée, hein, c'est ce qu'on appelle une vertu passive.
Par contre, ce que je vous dis, c'est,
compte tenu du fait que vous les mettez en avant comme étant... et c'est un
petit peu comme si vous mettez tous les feux de la rampe sur cette
disposition-là, là, vous invitez directement une contestation directement sur
cette disposition-là.
M. Jolin-Barrette : Mais moi,
je n'invite rien du tout.
La Présidente (Mme Thériault) :
Et je dois mettre fin à cet échange.
M. Jolin-Barrette : Je ne
pense pas que c'est une bonne idée de contester cette disposition-là.
La Présidente (Mme Thériault) :
Je dois mettre fin à cet échange. Donc, malheureusement, M. le ministre, je
dois mettre fin à l'échange. On voit que les questions soulèvent des passions.
Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous avez 11 min 20 s à
votre disposition.
Mme David : Bonjour,
Pr Cyr. Heureuse de vous revoir. Je ne pensais jamais un jour vous
retrouvez dans des conditions comme ça et surtout après une conversation comme
ça où, mine de rien, je me mettrais au même niveau que des juristes qui
discutent comme ça des deux chartes et puis des deux constitutions, 1867, 1982,
l'article 19, l'article 133. C'est un vrai cours accéléré
constitutionnel. Puis comme vous savez très bien, ce n'est pas mon univers
d'origine. Mais c'est rendu... vous dites... le ministre dit : Ça
émoustille les constitutionnalistes. Il a raison, c'est incroyable. C'est
fascinant, en fait, de voir ça.
Et ça montre une chose, c'est que, s'il y
a quelque chose qui est subjectif, c'est peut-être le milieu juridique et les
lois. Parce qu'on l'a dit ce matin il y avait comme deux équipes de hockey, il
y en a une qui est pro puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133,
l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce
que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la
langue officielle? Est-ce que c'est le mot...
Mme David : …juridique et les
lois. Parce qu'on l'a dit ce matin, il y avait comme deux équipes de hockey, il
y en une qui est pro, puis l'autre qui a des réserves sur l'article 133,
l'inscription dans la Constitution. Est-ce que c'est l'article 43? Est-ce
que c'est l'article 45? Est-ce que c'est la nation? Est-ce que c'est la
langue officielle? Est-ce que c'est le mot «seule» langue officielle? Moi, je
trouve ça passionnant, parce que ce sont de vrais débats qui alimentent des
arrêts de la Cour suprême, des… C'est… Il y en a beaucoup d'avocats, là, sur la
Terre, là, puis il y en a beaucoup au Québec, je pense, c'est
25 000 — je pense — avocats. Puis il y a beaucoup
d'étudiants en droit, vous avez été doyen, vous le savez.
Alors, je trouve ça particulièrement
intéressant, mais particulièrement non attractif pour des non-juristes et
non-constitutionnalistes. Vous dites : J'ai fait un gros effort dans mon
mémoire, que j'ai lu, hier soir — parce que, ça, malheureusement, des
fois, ils arrivent un peu dernière minute. Je vous ai trouvé, oui, accessible,
mais évidemment c'est du droit, bon. Et puis vous ne pouvez pas parler de
tomates puis de laitues, là, c'est du droit, et puis il faut qu'on essaie de
vous suivre. Et j'étais passablement déprimée plus ça avançait parce que je me
disais : Mais, on ne s'en sortira pas, on ne s'en sortira pas. Ça ne
marche pas le 90Q.2. Il nous fait une démonstration, là, que c'est impossible,
que c'est inconstitutionnel, que ça va… bon, être tout de suite poursuivi en justice
puisque ce n'est pas l'article 43… Penser que l'article 43, c'est
beaucoup plus exigeant que l'article 45, puis… Oui, vous l'avez bien
dit : C'est supralégislatif, c'est beaucoup plus solide, c'est du béton.
Le 45, c'est peut-être du bois franc, c'est peut-être une maison un peu
plus — puisqu'on est dans les comparaisons
architecturales — c'est peut-être un peu moins solide, mais c'est une
simple loi. Ça peut être changé d'un gouvernement à l'autre, mais c'est quand
même quelque chose de possible.
Alors, on se rend à la toute fin, puis à
la toute fin, là, vous dite : Bien, coudon, si ça ne marche pas, si ça ne
marche pas, si ça ne marche pas, allons vers quelque chose sur lequel, nous,
dans nos réflexions, on s'était fait suggérer, le fameux, entre guillemets,
sous réserve de l'article 133 de la Loi constitutionnelle, 1867, et
l'article 19.1 de la Loi constitutionnelle, 1982. Ouf! J'ai fini vos
42 pages — ou je ne sais trop — avec ça, exactement
ça.
Puis là je me suis dit : Bien, il y a
peut-être espoir, à ce moment-là, il y a peut-être espoir que ce «sous-réserve»
auquel, bon là, vraiment, les constitutionnalistes deviennent passionnés.
Benoît Pelletier, c'est vrai, a dit : Ce n'est même pas nécessaire.
Jean Leclair a dit autre chose, puis le contact, on le sait, jeudi, était
très mauvais. Je ne sais pas ce qu'il y a avec les constitutionnalistes qui
viennent en commission, mais on dirait que, des fois, le contact Internet n'est
pas très bon, donc ça a été un peu malheureux. Ça a coupé, il a fallu suspendre,
reprendre, puis vous, des fois, ça coupe un petit peu.
Mais tout ça pour dire qu'il y a des pour,
il a des contre. Le ministre, je ne sais pas comment il va trancher. Moi, je
suis encore moins bonne pour savoir comment trancher ça évidemment…
Mme David : ...Internet n'est
pas très bon, donc ça a été un peu malheureux de se faire couper. Il a fallu
suspendre, reprendre, puis vous, de fois, ça coupe un petit peu. Mais tout ça
pour dire qu'il y a des pour, il y a des contre, le ministre, je ne sais pas
comment il va trancher. Moi, je suis encore moins bonne pour savoir comment
trancher ça, évidemment, mais je veux quand même vous entendre sur la fin de
votre mémoire. Vous dites... et vous l'avez redit que, quand même, on peut
mettre ça, «sous réserve de l'article 133», toujours en utilisant le
recours à l'article 45, que ça ne serait pas infaisable. Est-ce que
j'interprète bien, mais que c'est loin d'être votre premier choix?
M. Cyr (Hugo) : Bien, en fait,
tout à fait. Quand je dis que c'est loin d'être mon premier choix, c'est que je
comprends que l'Assemblée nationale souhaite enchâsser cette reconnaissance
dans la Constitution du Canada. Puis si elle veut le faire, le moyen pour le
faire, c'est l'article 43.
Maintenant, si elle ne veut pas y aller de
manière bilatérale, elle peut quand même, en vertu de l'article 45,
adopter certaines dispositions, mais, à ce moment-là, je lui suggère de dire
qu'on modifie la constitution du Québec, qu'on le dise clairement, c'est la
constitution du Québec qu'on veut modifier, et qu'on mette «sous réserve des
articles 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et 19.1 de la Loi
constitutionnelle de 1982».
S'il n'y a aucune atteinte à ces deux
dispositions-là, bien, ça ne change rien, ça ne change strictement rien pour le
projet de loi puisqu'il n'y a pas d'atteinte. Si le ministre a raison puis
qu'il n'a pas d'atteinte, bien, ça ne lui coûte rien d'ajouter ça parce que ça
ne viendra pas limiter la portée de sa disposition. Si par contre les juges
étaient plutôt d'avis comme moi qu'il y a peut-être des atteintes à 133 et à
19.1, bien là, on vient protéger la disposition pour ne pas qu'elle soit
invalidée, parce qu'on va dire : Bien non, la disposition s'applique sur
tout le reste, mais on ne vise pas à exclure ou restreindre ces droits-là.
Donc, c'est une sorte de police d'assurance. Si on n'en a pas de besoin, bien,
en plus, ça ne nous coûte rien. Donc, si on n'en a pas de besoin, elle ne sera
pas utilisée. Mais s'il y a un risque qui se réalise, bien, au moins, les
dispositions qu'on va avoir adoptées, elles seront protégées puis elles ne
seront pas invalidées. C'est dans ce sens-là que je vous dis...
Mme David : On pourrait
penser...
M. Cyr (Hugo) : C'est avec
bienveillance.
Mme David : Oui, oui mais,
c'est intéressant, votre commentaire. On peut penser que ça pourrait aussi
rassurer la communauté d'expression anglaise qui est un peu inquiète par
rapport aux lois des tribunaux, par exemple, la langue des tribunaux, la langue
de la justice, la langue des parlementaires, etc. Alors, vous dites : Ça
ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête du ministre, on
aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à mettre
«sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça ne
coûte rien, c'est une...
Mme David : ...vous dites,
ça ne coûte rien. Mais qu'est-ce que... Si vous étiez dans la tête du ministre,
on aura l'occasion d'en discuter avec lui, mais pourquoi il s'opposerait à
mettre «sous réserve de l'article 133», ces petits mots-là de plus? Si ça
ne coûte rien, c'est une protection additionnelle, puis, bon Dieu! ça fait
plaisir à bien des constitutionnalistes, la communauté anglophone, etc.
Qu'est-ce qui pourrait faire qu'il résisterait à ces propositions... cette
proposition faite par plusieurs constitutionnalistes?
• (18 h 40) •
M. Cyr (Hugo) : Pour être
franc, ce n'est pas moi qui pourra répondre à cette question. Il va fallloir vraiment
demander au ministre, mais sur le plan juridique, ça ne coûte absolument rien.
Mme David : O.K. O.K. Il
y a quelque chose quand même que vous avez dit. Non, c'est même... C'est même
le ministre qui l'a dit, j'ai noté, mais moi, je vais l'appliquer à autre
chose. Alors, c'est une technique intéressante. Il a dit : «Entre le
mur-à-mur, il y a une marge». Bon. Lui, il ne parlait pas de la disposition de
dérogation, je le sais. Mais, moi, je vais essayer de l'appliquer, cette
phrase-là aux dispositions de dérogation donc vous, malheureusement, ne parlez
pas. C'est... Alors, je sais que je vais en dehors de votre mémoire, mais je
vais quand même poser la question à quelqu'un qui s'y connaît en matière de
droit.
Les fameuses dispositions de dérogation, parce
que ça aussi, évidemment, ça fait couler beaucoup, beaucoup d'encre, ça et la Constitution,
alors qu'il y a 208 articles, mais, alors, allons-y un peu. Qu'est-ce
que... Parce que beaucoup ont dit : Attention! Professeur Taillon, entre
autres, qui est aussi un autre constitutionnaliste, qui a travaillé beaucoup
sur ce projet de loi là et qui dit : «Oui, pour certaines choses, dont les
pouvoirs d'enquête de l'OQLF, là, les fouilles, les saisies, bon, il y a
dérogation puis il y a... Il n'y a pas de mandat qui est demandé». Qu'est-ce
que vous pensez à ça, de lever la dérogation pour certains articles? Je vous
donne cet exemple-là. Il faut-u du mur-à-mur ou, comme le dit le ministre,
entre le mur-à-mur, il y a une marche?
M. Cyr (Hugo) : Bien,
évidemment, quand on couvre mur à mur, on n'échappe rien, sauf que, parfois, on
écrase des choses. Et donc, si je fais une comparaison avec une autre doctrine
qu'on utilise en droit, quand on est pour porter atteinte à des droits, on pose
des tests. Et on a des questions qu'on se pose habituellement. On dit :
Est-ce que l'objectif est suffisamment important? Ici, je pense que les gens en
général s'entendent, là, que ce n'est pas un problème. Mais ensuite il y a la
question de la proportionnalité. Et là on se pose la question : Est-ce
qu'il y a un lien rationnel? Et puis est-ce que c'est l'atteinte... Est-ce que
c'est les moyens les moins attentatoires ou l'atteinte la plus minimale au
droit pour réussir à atteindre notre objectif? Est-ce que c'est les moyens les
plus... qui portent le moins atteinte aux droits, qui nous permettraient quand
même d'atteindre notre objectif?
Donc, ça, ça peut être un outil...
M. Cyr (Hugo) : ...est-ce que
c'est les moyens les moins attentatoires, l'atteinte la plus minimale au droit
pour réussir à atteinte notre objectif? Est-ce que c'est les moyens qui portent
le moins atteinte au droit qui nous permettraient quand même d'atteindre notre
objectif? Donc, ça, ça peut être un outil pour évaluer pour le législateur
comme pour les juges si les mesures sont appropriées.
Maintenant, pour ce qui est de la question
fouille, perquisition, saisie abusive, là, je sors de mon mémoire, mais évidemment
ce n'est pas aussi clair qu'il y a un lien très fort entre être capable d'aller
faire ces fouilles-là sans mandat et la protection de la langue française.
Maintenant, c'est vous, les législateurs,
vous devez prendre cette décision d'opportunité là. Mais évidemment, dans la
tradition qui protège les droits et libertés, on tente, dans la mesure du
possible, de limiter les atteintes à ce qui est nécessaire pour atteindre notre
objectif.
Le
Président (M. Lemieux) : En 15 secondes.
Mme
David : Il y a eu beaucoup de dérogations à travers l'histoire depuis
cette mesure-là 1982. Il y en a eu, des mesures dérogatoires, des dispositions,
mais souvent c'était ciblé.
Le
Président (M. Lemieux) : Et voilà. Alors, la période d'échange avec
l'opposition officielle est terminée. On passe à la députée de Mercier pour
2 min 50 secondes, professeur.
Mme
Ghazal : Merci, M. le Président. Merci, M. Cyr. Écoutez, c'est
vraiment fascinant, là, le droit constitutionnel. Moi, j'ai très, très hâte
qu'on invite tous les constitutionnalistes qui sont venus dans cette commission
quand mon parti Québec solidaire, on mettra sur pied une assemblée constituante
comme c'est écrit dans notre programme après octobre 2022.
Je
voulais... En fait, oui, par rapport à la disposition de dérogation, est-ce
que... Parce que là elle est mise partout dans le projet de loi, pour toutes
les dispositions, alors que j'aimerais vous entendre là-dessus. Vous en parlez
dans votre mémoire, mais j'aimerais que vous le résumiez. Ça ne serait pas
mieux, par exemple, que le ministre décide... la clause devrait être utilisée
pour quelles dispositions pour éviter des poursuites en vertu de la charte?
M.
Cyr (Hugo) : En fait, il n'y a pas d'obligation de... pour éviter des
poursuites, ça ne changera rien. Mais idéalement, si on est capable
d'identifier quelles dispositions sont à risque, bien, c'est plus précis et ça
évite de faire du mur-à-mur.
Et
aussi, plutôt que de dire les articles 2, 7 à 15, c'est-à-dire tous les
articles de la charte canadienne pour lesquels il est possible de déroger, on
pourrait spécifier quels qui sont importants. Par exemple, je ne suis pas
certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire de déroger au droit
qui protège contre les peines cruelles et inusitées. Pourtant, la disposition,
comme elle est écrite, permet de déroger à ce droit-là.
Mme
Ghazal : Alors qu'il n'est pas touché. Puis...
M. Cyr (Hugo) : ...important.
Par exemple, je ne suis pas certain qu'une protection contre... qu'il est nécessaire
de déroger au droit qui protège contre les peines cruelles et inusitées.
Pourtant, la disposition, comme elle est écrite, permet de déroger à ce
droit-là. Donc, on pourrait dire...
Mme Ghazal : Alors qu'il n'est
pas touché. Puis pour...
M. Cyr (Hugo) : Bien, non,
c'est ça. Qu'on vise la liberté d'expression ou qu'on vise... ça, c'est
correct. Mais encore là, ça, c'est un choix qui vous appartient à vous. Ça ne
relève pas d'une expertise particulière juridique.
Mme Ghazal : O.K. Puis pour
l'article 159, je veux dire, du projet de loi, il faut demander la proclamation
du gouverneur général sous le sceau du Canada, autorisée par des résolutions du
Sénat et de la Chambre des communes. Je veux dire, politiquement, ce n'est juste
pas... c'est impossible à faire. C'est pour ça que vous donnez cette porte de
sortie d'ajouter «sous réserve de l'article 133 et 19»?
M. Cyr (Hugo) : Bien,
impossible, ça, ça reste à voir. Maintenant, le Sénat, on peut passer outre
parce qu'il y a une procédure qui permet de le faire. Maintenant, si le
gouvernement fédéral se dit disposé ou ouvert, ça se fait de façon bilatérale
seulement. Donc, ce sera uniquement avec le gouvernement fédéral, et pas les
autres provinces. Donc, ça, ça fait une différence. Mais ça peut être très
difficile à obtenir, j'en conviens. C'est pour ça que je laisse cette autre
porte qui est disponible pour faciliter les choses.
Le
Président (M. Lemieux) : Et ça conclut cette réponse. Les dernières
questions posées par le député de Matane-Matapédia.
M.
Bérubé
: Merci, M. le Président. Bonjour, Me Cyr. Le
gouvernement a parlé abondamment de sa volonté d'une modification
constitutionnelle. Depuis le début, je me pose la question : Qu'est-ce que
ça va changer de concret pour le sujet qui nous intéresse, c'est-à-dire le
déclin du français, et renverser ce déclin? On a des opinions très variées,
mais dans bien des cas, on nous dit : C'est essentiellement symbolique.
Bon, alors, bien, je voulais vous entendre aussi là-dessus. Est-ce que vous
trouvez... Bon, on peut juger de l'opportunité ou non de le faire, mais ça
dépend de la capacité qu'on a de le faire. Alors, est-ce que vous croyez que
les possibilités sont bonnes, moyennes ou mauvaises?
M.
Cyr (Hugo) : Bien, d'y aller de façon unilatérale, sous 45, je pense
qu'elles ne sont pas très bonnes. C'est très risqué.
M.
Bérubé
: C'est mauvais?
M.
Cyr (Hugo) : Et le danger, c'est que les dispositions vont avoir
simplement un effet interprétatif pour les autres lois, mais elles ne seront
pas protégées contre la Charte canadienne. Ce ne sera pas protégé contre
d'autres enjeux. C'est pour ça que je... Ce que je comprends, moi, c'est qu'on
veut mettre dans la Constitution... enchâsser dans la Constitution du Canada
pour lui donner une force supérieure.
M.
Bérubé
: Oui, mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique
que c'est symbolique, ça a peu de chances de réussite, et que plus ça avance,
plus le ballon dégonfle. Donc, on revient à l'essentiel. Il faut adopter des
mesures qui font en sorte de renverser la tendance. Et avec le temps qui nous
reste, quel est, selon vous, là, l'élément sur lequel il faut le plus...
M.
Bérubé
:
...mais vous n'êtes pas le seul qui nous indique que c'est symbolique, que ça a
peu de chances de réussite et que plus ça avance, plus le ballon dégonfle.
Donc, on revient à l'essentiel. Il faut adopter des mesures qui font en sorte
de renverser la tendance.
Et avec le temps qu'il nous reste, quel
est, selon vous, là, l'élément sur lequel il faut le plus insister pour
renverser cette tendance-là négative pour la langue?
M. Cyr (Hugo) : Bien, sur
cette question-là, je n'ai pas une expertise particulière. Donc, je vais me
retenir.
M.
Bérubé
:
Donc, vous, c'est la Constitution qui vous a intéressé à venir échanger avec
nous surtout.
M. Cyr (Hugo) : Bien, écoutez,
vous savez...
M.
Bérubé
:
C'était la diversion voulue, hein?
M. Cyr (Hugo) : Oui,
c'est que les experts... Oui, oui. Non, non, mais les experts...
M.
Bérubé
:
Ça a marché.
M. Cyr (Hugo) : ...le
risque c'est qu'on étant des experts sur tout.
M.
Bérubé
:
Surtout des experts aussi.
M. Cyr (Hugo) : Mais je
ne suis pas un expert sur tout. Puis ce que je... Oui. Donc, j'essaie de me
limiter sur ce...
M.
Bérubé
:
Mais, Maître, vous êtes d'accord avec moi qu'on a attiré plein de gens de
talent en droit, mais c'est une diversion magnifique sur l'essentiel, c'est
comment renverser le déclin. Et on n'y arrive pas. Puis en plus, ça a l'air que
ce n'est pas faisable. Alors, je nous suggère de continuer à réfléchir à des
données concrètes et à des mesures concrètes pour renverser le déclin. Et on en
a un grand nombre que je partage avec les membres de la commission. Et j'invite
le ministre à réaliser que, finalement, ce n'était pas si génial que ça.
Avez-vous d'autres choses à ajouter?
Le
Président (M. Lemieux) : En 10 secondes. Oh! Je pense que,
là, on l'a perdu.
M.
Bérubé
:
J'aurai donc le mot de la fin, M. le Président.
M. Cyr (Hugo) : Bien,
c'est comme je vous dis... expertise.
Le
Président (M. Lemieux) : D'accord. Merci beaucoup, Pr Cyr
pour votre présentation et d'avoir répondu à nos questions.
La
commission ajourne ses travaux jusqu'au mercredi 6 octobre 2021, c'est demain,
après les affaires courantes. Bonne soirée, collègues.
(Fin
de la séance à18 h 50)