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Version finale

28e législature, 3e session
(20 février 1968 au 18 décembre 1968)

Le mercredi 4 décembre 1968 - Vol. 7

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Comité de la constitution


Journal des débats

 

Comité de la Constitution

(Dix heures trente-neuf)

M. BERTRAND (président du comité): A l'ordre, messieurs!

Nous pouvons commencer nos délibérations. Nous en étions, d'après l'ordre du jour qui avait été accepté, aux dispositifs de modification de la constitution. On avait proposé de fournir au comité des noms d'experts qui pourraient venir ici et nous suggérer des mécanismes de contrôle d'amendements constitutionnels.

Je dois dire que, de notre côté, M. Morin a été obligé de s'absenter. Il est à Ottawa depuis deux jours. El participe à la conférence des fonctionnaires de ce comité permanent qui a été formé à la suite de la conférence fédérale-provinciale du mois de février dernier. Sa présence là-bas étant obligatoire, il n'est pas avec nous ce matin.

Le député d'Outremont avait suggéré quelques noms. Pourrait-il nous donner la liste des personnes qu'il nous suggérait d'inviter devant le comité?

M. CHOQUETTE: Voici, M. le Président, j'avais suggéré quelques noms, vous savez, comme cela, à brûle-pourpoint.

J'ai fait des recherches pour savoir quelles étaient les personnes considérées le plus hautement du point de vue de leurs connaissances en droit constitutionnel, plus particulièrement, pour nous éclairer sur les avantages et les désavantages d'un système parlementaire ou d'un système présidentiel ou, enfin, sur les possibilités d'améliorer le système parlementaire que nous avons, parce que je pense que tout le monde en voit les défauts.

Le premier nom que je vais suggérer, c'est M. Jean Baetz, qui est doyen de la faculté de droit de l'université de Montréal. Je dois dire, cependant, que M. Baetz est conseiller du premier ministre du Canada en matière constitutionnelle.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il l'est resté?

M. CHOQUETTE: On me dit qu'il l'est resté.

Maintenant, je pense bien que M. Baetz conseille le premier ministre du Canada sur les questions de partage de pouvoirs. A ce point de vue là, je ne pense pas qu'il serait très opportun pour ce comité de l'entendre sur cette question, étant donné que le Québec et le gouvernement d'Ottawa n'ont sûrement pas les mêmes intérêts dans ce domaine. Par conséquent, cela le placerait dans une situation intenable et les membres du comité pourraient avoir des doutes ou des réserves sur les conclusions qui pourraient être formulées au comité.

Mais, nous sommes ici sur une question de constitution interne; à Ottawa, je pense qu'ils font du travail qui doit avoir de la valeur — sûrement — sur la réforme du fonctionnement de leurs propres institutions parlementaires. Alors, je me demande si le comité ne pourrait pas inviter M. Baetz, même s'il est dans cette situation-là, à nous donner ses vues sur une réforme éventuelle des institutions parlementaires. Je ne pense pas que cela créerait des problèmes, enfin, autant que moi je puisse en juger.

Le deuxième candidat que je voulais suggérer, c'est M. Frank Scott...

M. DOZOIS: Nous pouvons voter à ce sujet. M. CHOQUETTE: Oui, si vous voulez.

M. BERTRAND: Non, cela ne me déplairait pas. M. Baetz pourrait, s'il est invité, indiquer d'abord en répondant à l'invitation, s'il peut ou non témoigner. Alors s'il accepte de témoigner, nous reconnaissons tous que M. Baetz est un homme très objectif; par exemple, sur les questions spécifiques, de mécanismes d'amendements à la constitution interne de Québec, je pense que ses propos pourraient être à point.

M. LESAGE: M. le Président, M. Choquet-te a suggéré d'entendre M. Baetz sur la forme de notre gouvernement et sur nos institutions parlementaires. Je voudrais revenir à la distinction que le ministre des Affaires culturelles a faite l'autre jour. Il a été très précis. Premièrement: mécanismes de modifications de la constitution interne actuelle; et ensuite, formulation d'une nouvelle constitution interne.

M. LE PRESIDENT: A long terme.

M. LESAGE: Espérons que ce sera à moyen terme, M. le Président, mais enfin!

M. LE PRESIDENT: Pour le moment!

M. LESAGE: Alors croyez-vous, M. Cho-quette, que M. Baetz pourrait... Je pense qu'il serait intéressant d'avoir son opinion sur les mécanismes possibles de modification.

M. CHOQUETTE: Sans doute. Si M. Baetz est suffisamment au fait...

M. LESAGE: De la constitution interne.

M. CHOQUETTE: Cela ne requiert pas tellement d'études de sa part. Je suis sûr que cela lui ferait plaisir d'exprimer son opinion, malgré que je dois vous dire que je n'ai pas communiqué avec lui personnellement. Je n'ai communiqué avec aucune des personnes dont je vais suggérer les noms. Ce sont des renseignements que j'ai pris dans des facultés de droit, dans le milieu en somme, pour connaître les personnes qu'on considérait les plus compétentes dans ce domaine.

UNE VOIX: M. Baetz assiste habituellement aux réunions du comité des fonctionnaires...

M. BERTRAND: A Ottawa. Comme membre de la délégation fédérale.

UNE VOIX: Je ne sais pas si cela l'empêcherait...

UNE VOIX: II le dira s'il a des objections.

M. LE PRESIDENT: On pourrait peut-être, en lui écrivant, indiquer exactement le ou les sujets sur lesquels nous voudrions l'interroger. S'il croit que le mandat qu'il a reçu du gouvernement fédéral et sa participation à la délégation fédérale à Ottawa l'empêchent de venir témoigner sur les problèmes précis que nous lui soumettrions, il pourrait l'indiquer.

Est-ce qu'on ne serait pas d'opinion que nous devons au moins communiquer avec lui?

M. LESAGE: En lui signalant les sujets qui nous intéressent.

M. CHOQUETTE: En lui signalant les deux points que le chef de l'Opposition a précisés: question d'amendement et question de la forme future de nos institutions.

Le deuxième candidat que je voudrais suggérer est M. Frank Scott, ancien doyen de la faculté de droit de l'université McGill, que presque tout le monde connaît. Il est, actuellement, membre de la commission sur le bilinguisme et sur le biculturalisme. Il n'est plus doyen de la faculté de droit. Il est une autorité reconnue au Canada en droit constitutionnel. Je ne pense pas que, dans son cas, il y ait un problème quelconque quant à un conflit d'intérêt. Evidemment, on circonscrirait son témoignage aux deux questions que nous avons convenu de soumettre. Je pense que M. Scott, que je connais très bien...

M. DOZOIS: Les deux mêmes questions? M. CHOQUETTE: Les deux mêmes questions, oui. Je pense que M. Scott serait en mesure de nous donner une opinion objective pour notre action future.

M. LESAGE: Je pense bien que, si nous demandons à M. Scott son opinion quant à la constitution interne, il voudra nous parler d'une déclaration des droits de l'homme, car c'est une partie de la constitution interne.

M. LE PRESIDENT: C'est un problème qui l'intéresse depuis longtemps. C'est lui, d'ailleurs, qui, à l'Office de revision du code civil, a été l'artisan de cette déclaration qui pourrait être insérée dans notre code civil,, Le problème s'est posé: Est-ce que nous allons inclure, amendée ou non, la déclaration qui a été préparée par l'office de revision du code civil dans le code civil ou si, plutôt, nous n'aurions pas une déclaration globale des droits de l'homme, qui ferait partie de la constitution interne dû Québec?

On en a parlé en Chambre. A ce moment-là, on pourrait peut-être, également, interroger M. Scott sur cette partie d'un problème qu'il connaît très bien, puisqu'il a travaillé avec l'Office de revision du code civil,

M. CHOQUETTE: M. le Président, je suis tout à fait d'accord avec la suggestion. Nul doute que nous pouvons demander à M. Scott de témoigner sur cette question additionnelle. Puisque nous sommes sur les droits de l'homme et qu'au fond cela semble un peu élargir l'étendue de notre travail, nous pourrions sans doute entendre M. Jacques-Yvan Morin qui a travaillé avec M. Scott et d'autres, je crois, justement, sur la question des droits de l'homme.

M. LE PRESIDENT: Alors, si nous en restions d'abord aux dispositifs de modification de la constitution, il y en aurait deux pour le moment, Jean Baetz et Frank Scott.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Et si nous joignons à cela le projet de déclaration québécoise des droits de l'homme, il y aura M. Scott et M. Jacques-Yvan Morin. Est-ce qu'on voudrait, à une même séance, les interroger sur ces deux problèmes?

M. CHOQUETTE: C'est comme les membres du comité en dehors...

M. LE PRESIDENT: En dehors de... Il n'y a pas d'inconvénient?

M. DOZOIS: On est aussi bien de couvrir les deux sujets.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'on a d'autres noms à suggérer?

M. CHOQUETTE: Si vous permettez, M. le Premier Ministre, je voulais vous suggérer le nom de M. Jean-Charles Bonenfant, parce que M. Bonenfant, vous le savez, est peut-être bibliothécaire, mais il est très renseigné dans ce domaine-là. Il pourrait peut-être être le premier témoin que nous pourrions entendre au comité. Je pense qu'il pourrait nous donner ses vues sur l'ensemble de ces questions-là.

M. LESAGE: Je me demande si M. Bonenfant ne serait pas l'homme tout désigné pour nous donner une vue...

M. LE PRESIDENT: ... d'ensemble.

M. LESAGE: ... d'ensemble, et nous dire quels sont les mécanismes d'amendement, de modification qui existent ailleurs. Si nous l'avisions un peu d'avance, pour qu'il ait le temps de se préparer, je crois qu'il est un de ceux qui seraient le plus en mesure de nous renseigner sur les mécanismes de modification existant ailleurs. Je pense qu'il serait bien important que nous sachions quelle a été l'expérience ailleurs.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je crois que le cas de M. Bonenfant est un cas très important.

Il me paraît, compte tenu de sa grande compétence et de ses connaissances, qu'il devrait être un des premiers témoins que nous entendions. C'est très bien, toutefois, que nous l'avertissions à temps, parce qu'il connaît très bien et les constitutions nord-américaines et les constitutions européennes également. Nous pouvons l'Interroger sur les mécanismes d'amendement et, en même temps, sur le contenu des constitutions en lui indiquant, évidemment, que son témoignage pourra se faire en deux temps afin qu'il se prépare et qu'il nous fournisse des renseignements que nous lui demanderons de façon spécifique sur tel ou tel des deux sujets que nous nous proposons d'aborder d'abord, en premier lieu sur les mécanismes d'amendement et ensuite sur le contenu des constitutions.

M. CHOQUETTE: M. Rivet, qui est à côté de moi, m'a suggéré le nom, et j'avais entendu ce nom de la part d'autres personnes, d'un professeur de la faculté de droit de l'université de

Montréal qui a donné un cours sur ces questions, qui est le professeur René Hurtubise.

M. LE PRESIDENT: Ah, oui!

M. CHOQUETTE: Je ne le connais pas personnellement, mais je le connais un peu de réputation.

M. LE PRESIDENT: Je pense qu'il a déjà — si mon souvenir est fidèle — préparé un travail pour le comité parlementaire, quitte à vérifier.

M. CHOQUETTE: Ce n'est certainement pas une liste que je prétendrais exhaustive, parce qu'il y a d'autres autorités dans le Québec, il y en a à l'université Laval. Mais je ne connais pas tellement les professeurs de cette institution, et il y en a dans les facultés de sciences sociales, des politicologues. Moi, ce sont plutôt des juristes que j'ai nommés.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pourrais suggérer le nom de Me André Desgagné, de l'université Laval.

M. LE PRESIDENT: André Desgagné, de Laval.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Desgagné de l'université Laval, professeur à la faculté de droit.

M. BROWN: M. le Premier Ministre, M. Maxwell Cohen.

M. LE PRESIDENT: Maxwell Cohen is actually an adviser to the New Brunswick's delegation. So, a moment ago, we referred to Me Jean Baetz, who is also a member of the federal delegation.

So, in that case, you know, I do not say that they would be biased, but I think being a representative In the New Brunswick delegation, he may be in a bad position to come and advise the Parliamentary Committee of Quebec.

M. BROWN; But I am sure that a man of his capabilities would not be bothered by that.

M. LE PRESIDENT: No, no, but I mean it may put him in a position to give here statements which he would not like to give, being the adviser of the New Brunswick Delegation at this permanent committee which was formed pursuant to the Federal-Provincial Conference in February. I do not say « he would be biased » but...

M. BROWN: Could we also have a representative of the group who presented this brief to you on the Dual Language Education Committee? Mr. Robertson has signed it as being Chairman of it.

M. LE PRESIDENT: Yes. I would say, as far as this problem is concerned that, for the moment, we intend to study only the mechanisms which exist elsewhere in order to modify the Constitution. So, this is a problem which comes outside the mechanism itself. Because this brief which was presented to me is a brief concerning rights it is not the mechanism through which those rights may be either acknowledged or respected.

M. BROWN: Mr. Prime Ministre, they represent a conference of members of the English Speaking Community of the Province of Quebec who have met and who have other interests besides this. It might be wise to invite them to express their views on our Constitutional issues.

M. LE PRESIDENT: No, no, this is not, actually, the problem submitted to the committee.

M. BROWN: No, I understand.

M. LE PRESIDENT: Si vous lisez, M. Brown, l'ordre du jour, vous verrez qu'il s'agit pour nous, premièrement, d'un programme de travail du comité et à A, de la constitution interne du Québec et du dispositif de modification de cette constitution.

Les personnes que nous voulons entendre comme témoins sont des personnes qui connaîtraient d'abord les constitutions des autres pays et qui pourraient nous indiquer quels sont les mécanismes de modification des constitutions dans les autres pays pour éclairer le comité et permettre à ses membres de se former une opinion sur ce que pourrait être, à court terme, tant et aussi longtemps que la constitution interne du Québec n'aura pas été changée, le meilleur mécanisme.

Ce sont donc des témoins experts, non pas sur les droits, non pas sur une charte des droits de l'homme, non pas sur les droits linguistiques au Québec, mais tout simplement sur le mécanisme de modification de la constitution actuelle, et qui nous indiqueront quels pourraient être à long terme les amendements à apporter à notre constitution.

M. BROWN: A Québec. M. BERTRAND: A Québec.

M. DOZOIS: Si je comprends bien M. Brown, I think if we start to listen to some old briefs, we will start all over again all the groups who have already presented some briefs to us.

M. LE PRESIDENT: This has been done.

M. CHOQUETTE: Si on me permet, je pense que nous ne devons pas aborder cette façon de procéder en nous disant que nous allons demander des mémoires de ces gens-là parce qu'au fond cela va être tellement long.

M. DOZOIS: Non, non.

M. CHOQUETTE: Le comité n'accouchera jamais. Justement je pense qu'il faut demander à ces gens-là de témoigner sur ce point précis et de nous donner...

M. DOZOIS: C'est ça.

M. CHOQUETTE: ... leur expérience.

M. DOZOIS: Là, ce sont des témoignages d'experts et non pas des expressions d'opinion de groupements comme celui que signale M. Brown.

M. CHOQUETTE: Oui.

M. BOUSQUET: M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. BOUSQUET: Je pense que M. Paul Pain-chaud, professeur de sciences politiques à Laval, serait un type très intéressant.

M. LE PRESIDENT: Monsieur? M. BOUSQUET: M. Paul Painchaud. M. LE PRESIDENT: M. Paul Painchaud.

M. BOUSQUET: Maintenant, je constate que sur la liste des études qui nous a été remise ici, le travail de M. Gérin-Lajoie n'est pas inclus. M. Paul Gérin-Lajoie, député de Vaudreuil-Soulanges, a écrit sa thèse de doctorat...

M. LE PRESIDENT: Oui, oui!

M. LAPORTE: Si vous étiez venu assister au congrès, vous auriez vu...

M. LE PRESIDENT: Non, mais nous avions réservé un volume...

M. BOUSQUET: Ce n'est pas l'envie qui a manqué.

M. LE PRESIDENT: Je crois que le volume publié par notre collègue, le député de Vaudreuil-Soulanges, a déjà été distribué à tous les membres du comité parlementaire. Voilà un autre volume qui sera distribué à ceux qui sont devenus membres. Il y a eu l'autre jour...

M. BOUSQUET: Vous n'avez pas d'objection,

M. Lesage.

M. LE PRESIDENT: ... une remarque qui a été faite dans ce sens-là de remettre à tous les membres du comité parlementaire les travaux accomplis jusqu'à présent et qui avaient été distribués aux membres à l'époque, mais que les nouveaux membres n'ont pas reçus.

M. BOUSQUET: Parce que justement dans sa thèse de doctorat...

M. LESAGE: Le président a agi avec célérité parce que j'ai reçu presque le contenu d'une bibliothèque.

M. LE PRESIDENT: Moi aussi. M. PINARD: M. le Président. M. LE PRESIDENT: Oui.

M. PINARD: Au sujet de l'université d'Ottawa! Je veux suggérer au président — qui est lui-même un ancien de l'université d'Ottawa — d'inviter le professeur Louis Sabourin qui est le doyen de la faculté des sciences sociales.

M. LE PRESIDENT: Oui, il a écrit un livre sur le système politique canadien.

M. PINARD: C'est ça! Il est actuellement à Columbia, je crois, mais il peut peut-être disposer de quelque congé pour venir rendre témoignage sur la question.

M. BROWN: Another graduate...

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'au départ vous ne trouvez pas que cette liste — je ne veux pas empêcher les membres du comité de faire des suggestions — est passablement longue, du moins pour le début. Si nous pouvions nous entendre et accepter la suggestion qui a été faite à l'effet que le premier témoin soit Me Jean-Charles Bonenfant.

M. LESAGE: Oui, je pense bien que si M. Bonenfant est en mesure de nous dire ce qui se passe ailleurs, nous ne devrions pas inviter d'autres personnes...

M. LE PRESIDENT: Avant de l'avoir entendu.

M. LESAGE: Et risquer de leur faire perdre leur temps, parce que je pense que notre conversation avec M. Bonenfant occupera certainement une séance complète.

M. DOZOIS: D'accord.

M. LESAGE: Je suis bien d'accord que le premier à entendre doit être M. Bonenfant. Nous devons avec lui y aller profondément en ce qui concerne premièrement les mécanismes de modification, et deuxièmement aussi, ce que contiennent d'autres constitutions internes dans des pays fédéraux.

M. LE PRESIDENT: Nous pourrons nous entendre tantôt quant à la date où ce premier témoin pourrait être entendu.

M. DOZOIS: Cela pourrait être entendu avec M. Bonenfant.

M. LE PRESIDENT: Oui, s'il nous demande un mois pour préparer ce document.

M. LESAGE: On dit un mois mais... M. LE PRESIDENT: Est-ce que...

M. LESAGE: Nous pourrions peut-être même entendre M. Bonenfant, pour ne pas trop retarder, à deux reprises, l'entendre d'abord sur les mécanismes d'amendements...

M. LE PRESIDENT: Et deuxièmement sur la constitution.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est ce que j'ai suggéré tout à l'heure parce qu'il y a deux problèmes bien précis.

M. DOZOIS: Je suggère que le secrétaire communique avec lui et qu'il lui demande quand il pourra se présenter devant nous.

M. LESAGE: Nous devrions nous entendre pour fixer une date. Est-ce que ces réunions, avec M. Bonenfant, sont des réunions publiques*?

M. LE PRESIDENT: Voici nous aurons, au poste 4, des décisions à prendre au sujet du caractère privé ou public des prochaines réu-

nions du comité. J'aimerais que tous les membres du comité s'expriment très librement là-dessus.

Tous constatent que nous avons eu des séances publiques où des mémoires ont été présentés. Cela a été la première partie de nos travaux. Depuis cette époque, une analyse de tous ces mémoires a été faite et un volume vous a été remis. Nous entrons maintenant dans ce que nous appelons la phase de travail en profondeur où nous devrons poser des jalons en vue d'établir des dispositifs de modification de la constitution et, deuxièmement, de réforme de la constitution interne du Québec.

Vous avez suggéré des noms de témoins qui pourraient être entendus. Il s'agira de décider tantôt si nous devons le faire dans des séances de caractère public ou privé de manière que les travaux du comité soient des travaux qui nous conduisent à des résultats et où les membres se sentiront peut-être plus à l'aise pour discuter de tous ces problèmes.

Alors, cette décision devra être prise avant la fin de la séance de cette matinée.

M. CHOQUETTE: M. le Premier Ministre, me permettez-vous de prendre la parole sur cette question?

Sans préjuger des décisions ultérieures qui pourront être prises par le comité sur l'opportunité de siéger privément ou publiquement alors que nous pourrions avoir des discussions entre nous, c'est-à-dire sans aborder cette question-là, il me semble que pour ce qui est du travail que nous nous sommes fixé immédiatement, c'est-à-dire entendre des témoins, il y a tout intérêt à ce que ce soit public, parce que ce travail ne se fait pas seulement pour nous mais se fait, je pense bien, un peu pour l'opinion publique en même temps. Je crois qu'il y a tout intérêt à ce que ces gens-là s'expriment publiquement. Ils vont aborder les questions sous un aspect technique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, M. le Président, je n'ai pas d'objection, comme le dit M. Choquette, à ce que ces témoins soient entendus dans des séances publiques, sous toute réserve naturellement de leur disposition personnelle. Est-ce qu'ils accepteront eux-mêmes de venir discuter publiquement de problèmes techniques? Je pense bien qu'il faudrait leur demander un peu leur avis, ne serait-ce que par simple délicatesse, afin de savoir s'ils sont disposés à être entendus en séance publique ou s'ils préféreraient avant,dialoguer avec les membres du comité?

M. LESAGE: Dans le cas de M. Bonenfant, je pense bien que cela pourrait être public...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je pense qu'il n'a pas de problème.

M. LESAGE: ... parce que, dans son cas...

M. LE PRESIDENT: II n'y a aucun problème.

M. LESAGE: ... s'il est pour nous dire ce qui se passe ailleurs, je crois qu'il n'y aura pas seulement nous qui serons intéressés à avoir le résultat de ses recherches mais aussi toute la population.

M. MALTAIS (Limoilou): D'ailleurs, il le dit publiquement ce qu'il pense.

M. LESAGE: II l'écrit régulièrement.

M. BERTRAND: II donne des cours à l'université Laval. Je pense qu'il serait très important que les propos qu'il tiendra devant ce comité soient publics de manière que, par la presse et par les autres média d'informations, le public soit renseigné. A l'heure actuelle, il n'y a qu'un groupe d'élèves qui en bénéficient, puis il y a les lecteurs d'une certaine chronique dans un certain journal de Québec qui en bénéficient. Il y en a d'autres aussi à qui M. Bonenfant va donner des causeries. Devant le comité, par les questions que nous pourrons poser, les précisions qu'il pourra apporter, la presse pourra donner à son témoignage un rayonnement qu'il n'aurait pas autrement. Est-ce qu'on s'entend pour que...

M. LESAGE: Cela doit faire partie de ses questions d'examen.

M. LE PRESIDENT: Si M. Bonenfant accepte de venir témoigner, que la prochaine séance soit publique?

M. LESAGE: D'accord. Quant à la date de la séance, je pense bien que notre ami, M. Pelletier, pourra communiquer avec M. Bonenfant.

M. MALTAIS (Limoilou): D'accord. M. LESAGE: Ce sont des confrères.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous avons, pour le moment du moins, la liste des témoins au sujet du problème des dispositifs de modification de la constitution.

Quant au projet de déclaration québécoise des droits de l'homme, qui est un deuxième article au programme de travail du comité, nous avons noté tantôt que le professeur Frank Scott et M. Jacques-Yvan Morin pourraient être entendus.

M. LESAGE: Les autres aussi.

M. LE PRESIDENT: Les autres aussi, mais disons que ceux-là sont peut-être les plus versés en la matière.

M. LESAGE: M. le Président, comme vous le savez, je ne suis membre du comité que depuis cette année.

Est-ce que M. Pelletier ou le secrétariat pourraient nous indiquer, dans les témoignages rendus et dans les mémoires présentés, les références à une charte québécoise des droits de l'homme? Il y a beaucoup de gens qui sont venus et mon souvenir est à l'effet que...

M. LE PRESIDENT: Avez-vous lu ce document qui s'intitule...

M. LESAGE: Non, malheureusement non.

M. LE PRESIDENT: ... « Résumé des mémoires présentés au comité? »

M. LESAGE: Je confesse que je ne l'ai pas lu!

M. LE PRESIDENT: Votre secrétaire, qui est secrétaire adjoint du comité...

M. LESAGE: M. Rivet, oui.

M. LE PRESIDENT: ... a en sa possession ce document qui s'intitule: « Résumé des mémoires présentés au comité. »

De plus, je crois que la brochure de M. Jacques-Yvan Morin a également été distribuée à tous les membres du comité.

M. RIVET: Sur la déclaration des droits de l'homme?

M. LE PRESIDENT: Oui, vous l'avez. M. RIVET: C'est l'article?

M. LE PRESIDENT: C'est cela. Alors, voulez-vous la remettre au chef de l'Opposition?

M. LESAGE: Aux membres du comité!

M. LE PRESIDENT: Aux membres? Mais nous l'avons/

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Regardez dans votre paquet, là!

M. LESAGE: Vous croyez?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui, j'ai fait l'inventaire, moi, ce matin.

M. LE PRESIDENT: Quant au projet d'une déclaration québécoise des droits de l'homme, est-ce que MM. Frank Scott et Jacques-Yvan Morin sont, d'après vous, les deux témoins qui devraient d'abord être entendus?

Je ne dis pas qu'il ne peut pas y en avoir d'autres, mais est-ce que ce seraient les deux premiers?

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, si vous me permettez, je crois que le président actuel de l'Office de revision du code civil est un homme qui mériterait d'être entendu sur cette question.

M. LE PRESIDENT: M. Paul-André Cré-peault?

M. LAPORTE: Oui. M. LESAGE: Oui.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que les membres du comité ont d'autres suggestions ou recommandations à faire quant à ce programme de travail du comité sur la constitution interne du Québec, sur les dispositifs de modification et sur le projet d'une déclaration québécoise des droits de l'homme?

M. CHOQUETTE: C'est un départ suffisant!

M. LESAGE: M. le Président, quant à la charte des droits de l'homme, je ne voudrais pas inciter à une controverse, mais il semble, d'après certaines nouvelles que j'ai lues en diagonale que, lors de la prochaine conférence fédérale-provinciale, le gouvernement fédéral demandera aux premiers ministres provinciaux de discuter d'une charte canadienne des droits de l'homme qui sera incluse dans la constitution canadienne.

Je suis certain que le chef de la délégation québécoise - vous-même, M. le Président — apportera dans la discussion du sujet toute la prudence que commande l'étude que nous ferons nous-mêmes d'une charte québécoise.

M. LE PRESIDENT: Je suis d'autant mieux placé pour répondre immédiatement que cette

prudence s'est manifestée, lors de la conférence du « Canada de demain » à Toronto, et également à la conférence fédérale-provinciale de février 1968. M. Johnson y a bien indiqué à M. Trudeau qu'avant d'aborder ce projet d'une déclaration des droits de l'homme « Canadien » comme il l'a appelée, il appartenait aux gouvernements provinciaux, et, en particulier, au Québec, de s'occuper de ce problème et que nous avions chez nous le comité parlementaire de la constitution qui abordait ce projet de déclaration québécoise des droits de l'homme. C'est pourquoi à ce moment-là, M. Johnson et plusieurs premiers ministres des autres provinces se sont opposés à ce que l'ordre du jour de la conférence fédérale-provinciale aborde d'abord l'étude ou l'examen d'une déclaration des droits de l'homme canadien.

M. LESAGE: M. le Président, tout de même, il y a urgence, je crois, de voir garantis par la constitution canadienne les droits des collectivités, et je pense à nos minorités de langue française des autres provinces, à la minorité de langue anglaise du Québec. Je pense que ces minorités voudraient bien voir le plus tôt possible la constitution canadienne garantir leurs droits suivant les conclusions de la commission Laurendeau-Dunton.

M. LE PRESIDENT: Je n'ai malheureusement pas ici avec moi l'ordre du jour proposé aux provinces par le premier ministre du Canada, mais, si mon souvenir est fidèle, le premier article est celui d'une déclaration...

M. PELLETIER: Un des premiers.

M. LE PRESIDENT: Un des premiers est celui d'une déclaration des droits de l'homme. Ce n'est pas surprenant, parce que cela a été son attitude, alors qu'il était ministre de la Justice, et que M. Pearson, alors premier ministre du Canada, présidait cette première conférence. A ce moment-là, je me rappelle fort bien que M. Johnson et d'autres ont dit que ce problème-là était important, mais qu'il était d'abord et avant tout important que, premièrement, nous étudiions, que nous adoptions une déclaration des droits de l'homme au Québec, et, deuxièmement que nous réglions certains autres problèmes, entre autres celui du partage des pouvoirs entre, d'une part, le gouvernement central, et d'autre part, les gouvernements provinciaux, et particulièrement le Québec, avant d'aborder, sur le plan canadien, l'examen, l'étude et l'adoption d'une déclaration des droits de l'homme. C'est là que cela rejoint, sans aucun doute, M. le chef de l'Opposition, les propos de prudence que vous teniez tantôt.

M. LESAGE: Oui, d'accord, M. le Président, prudence en ce qui concerne les droits de l'homme parce que, clairement, nous devrons toucher aux droits civils.

M. BOUSQUET: Cela relève justement des provinces, les droits civils.

M. LESAGE: D'accord, mais dans une charte des droits de l'homme, il y a toujours cette partie de la charte des droits, qui, dans un pays comme le nôtre, traite des droits collectifs. Lorsque je parlais de prudence, je ne voulais en aucune façon dire qu'une déclaration des droits des collectivités dans la constitution canadienne devrait être retardée à cause de l'étude ici d'une charte des droits de l'homme.

Je fais une distinction entre les deux. Charte des droits collectifs qui trouverait immédiatement sa place dans une constitution canadienne, mais charte des droits de l'homme qui doit être dans une constitution interne du Québec.

M. MALTAIS (Limoilou): La difficulté, M. le Président, c'est justement de délimiter les deux. Il y en a qui prétendront...

M. LESAGE: C'est pour cela que je parlais de prudence, M. Maltais.

M. MALTAIS (Limoilou): D'accord. Je suis parfaitement de l'avis du chef de l'Opposition, au sujet de la prudence. A ce point de vue-là, c'est sûr. Maintenant, vous aurez lu, probablement comma moi, qu'il y a des opinions qui commencent à s'exprimer sur le contenu du problème, justement. Hier, je lisais, pour ma part, une opinion exprimée par le juge Thorson, qui était l'ancien juge en chef de la cour de l'Echiquier. Parlant pour lui-même, il disait qu'à son avis la déclaration fédérale des droits de l'homme ne devrait contenir que l'expression de la liberté d'expression, liberté de presse. Elle devrait peut-être contenir également la liberté d'association ou la liberté d'assemblée, mais que ce ne serait pas l'endroit, d'après lui, où on devrait parler de libertés individuelles comme telles.

M. LESAGE: Oui, mais je parlais des droits collectifs.

M. MALTAIS (Limoilou): C'est ça.

M. BOUSQUET: Est-ce qu'il y aurait lieu d'avoir une déclaration des droits de l'homme et une déclaration des droits nationaux ou des droits collectifs?

M. LESAGE: Mes seules remarques étaient à l'effet que je croyais qu'il fallait être prudent, étant donné que nous procédons nous-mêmes à l'étude d'une charte des droits de l'homme comme devant faire partie de la constitution interne du Québec. Mais d'un autre côté, je disais que nous ne devions pas exclure ce que je considère comme une priorité, soit d'inclure dans la constitution canadienne une charte des droits collectifs, qui ne toucherait pas au droit civil.

M. CHOQUETTE: II ne faut pas oublier aussi une chose. C'est que, quand on prend la loi fédérale sur les droits de l'homme qui a été passée par M. Diefenbaker, je pense, en 1960, il y a des droits individuels là-dedans. Je pense que le gouvernement fédéral a le droit de légiférer pour autant que cela concerne les droits des individus, mais dans la juridiction fédérale. Par exemple, prenez le point de vue du droit criminel. On ne peut pas contester au gouvernement fédéral le droit de légiférer sur les droits fondamentaux de la personne comme individu, pour autant qu'elle est traduite devant les tribunaux criminels ou qu'il s'agit d'affaires criminelles, puisque c'est nécessairement de juridiction fédérale.

Alors, c'est assez difficile de scinder l'individu en deux et de dire: Sous tel aspect, vous tombez sous la juridiction fédérale et sous tel autre aspect, vous tombez sous la juridiction provinciale. C'est ça, le gros problème.

M. BOUSQUET: Les vénérables Pères de la Confédération l'ont fait. Ils ont scindé l'individu en deux.

M. LESAGE: ... en individus criminels et en individus criminels.

M. CHOQUETTE: Ils ont scindé les juridictions, mais la personne, elle-même, est assez difficile à scindre en deux.

M. LE PRESIDENT: Je crois que...

M. MALTAIS (Limoilou): II y a assez qu'il soit scindé dans ses impôts.

M. LESAGE: Ah, il est déchiré de toutes parts.

M. CHOQUETTE: Oui, il est passablement déchiré à l'heure actuelle.

M. LE PRESIDENT: Je crois que l'idée qui avait été émise, à Ottawa, de la charte des droits de l'homme, au départ, avait surtout en vue la protection ou la reconnaissance des droits individuels. C'est tellement vrai que, par la suite, on a parlé de la protection des droits collectifs. C'est à ce moment-là que, étant donné que, dans l'élaboration d'une charte des droits de l'homme il y avait tellement de sujets qui tombaient sous la juridiction des problèmes que vous avez notés tantôt, par exemple, le droit civil, le code civil, c'est, dis-je, à ce moment-là, que, toujours d'ailleurs, même lorsque M. Diefenbaker a adopté sa loi: Déclaration des Droits de l'homme, il y a eu, de la part du gouvernement du Québec et des partis politiques du Québec des remarques à l'effet que cela ne pouvait s'appliquer qu'à l'intérieur de la juridiction de l'autorité centrale et que cela n'avait aucun effet sur la juridiction ou les droits individuels émanant de la juridiction provinciale ou y correspondant.

Le même problème va se répéter à l'occasion de la conférence fédérale-provinciale. On l'a déjà vu d'ailleurs. Les autres provinces sont très sensibilisées à ce problème et ne veulent pas que, par le truchement de l'adoption d'une charte des droits de l'homme par le gouvernement canadien, cette charte envahisse le champ des juridictions des provinces.

M. CHOQUETTE: M. le Président, si vous permettez, il y a une solution — je ne dis pas que c'est la seule solution au problème, mais c'est une solution — c'est que nous ayons des déclarations des droits de l'homme identiques au niveau fédéral et au niveau provincial. A ce moment-là, je dirais: Vous réglez entièrement le problème, vous avez couvert entièrement le terrain. Au fond, les droits de l'homme, je pense bien que tout le monde doit être pas mal d'accord sur ce qu'ils doivent être.

M. LE PRESIDENT: Les droits individuels?

M. CHOQUETTE: Oui. C'est cela. Même individuels. Pour les droits collectifs, j'admets qu'il y a des problèmes.

M. LE PRESIDENT: Pour les droits collectifs il y en a, mais pour les droits individuels...

M. CHOQUETTE: Pour les droits individuels, il y en a pas mal moins. Quand on considère le bill de M. Diefenbaker, personne ne peut être en désaccord avec les principes qui y sont énoncés, et si, au niveau provincial, nous allons oeuvrer, nous, dans la même direction que ce bill,

nous allons reconnaître les mêmes droits. Si nous avions des déclarations identiques aux deux niveaux, nous réglerions entièrement le problème au point de vue juridique. Je ne dis pas que c'est la seule solution, mais c'est une solution.

M. LE PRESIDENT: De plus en plus, surtout à l'occasion des conférences interprovinciales, les provinces désirent adopter, autant que faire se peut, des politiques uniformes en certains domaines. Nous l'avons noté, par exemple, dans le domaine du code de la route. Je donne des exemples qui me viennent à l'esprit. Mais il n'est pas impossible que les provinces, à l'occasion des conférences interprovinciales, s'entendent sur des principes qui pourraient être acceptés par toutes les provinces et être à la base d'une charte des droits de l'homme que chacune des provinces pourrait adopter dans sa constitution sans qu'il y ait eu participation de l'autorité centrale. Les provinces agissant ainsi s'occuperaient de leurs problèmes.

M. LESAGE: Cela peut être long, M. le Président. Vous avez l'expérience.

M. LE PRESIDENT: Pas tellement long. Il y a certainement un changement de climat. On s'est tourné de plus en plus, pendant un certain nombre d'années, vers Ottawa pour établir ce qu'on appelait des politiques nationales.

M. LESAGE: Pas dans les conférences interprovinciales.

M. LE PRESIDENT: Si dans les conférences interprovinciales, et je l'ai noté à celle de Was-kesiu. On remarque de plus en plus, par les déclarations des premiers ministres des provinces, qu'il est possible d'adopter des lois où des standards seraient uniformes à travers le pays. Cela se fait par le truchement des conférences interprovinciales beaucoup plus que par l'action directe du gouvernement fédéral ou du gouvernement central proposant des lois qui, de l'avis d'à peu près tous les gouvernements provinciaux, doivent s'appliquer dans des domaines qui relèvent de la juridiction des provinces.

Je pourrais donner un exemple patent, qui a été admis d'ailleurs par tous les premiers ministres provinciaux, celui de l'assurance-santé.

M. LESAGE: Oui, mais le principe de l'uniformité des lois provinciales a été discuté et é-tudié aux conférences interprovinciales, pas seulement à partir de la conférence de Waskesiu, cette année...

M. LE PRESIDENT: Non, mais je veux dire qu'elles ont manifesté davantage...

M. LESAGE: ... mais bien à partir de 1960.

M. LE PRESIDENT: ... l'idée d'adopter des lois clairement du ressort de leur juridiction et de les adopter elles-mêmes plutôt que de les laisser adopter par le gouvernement central pour, ensuite, être obligés de se plier aux exigences établies dans des lois adoptées par le gouvernement central.

M. LESAGE: Disons, M. le Président...

M. LE PRESIDENT: On l'a vu encore dernièrement lors de la conférence des 4 et 5 novembre. La plupart des provinces ont dit au gouvernement central: Vous avez adopté une loi — je prends cet exemple, parce que c'est celui qui est le plus d'actualité — la loi de l'assurance-santé. Vous avez établi des critères et vous ne voulez pas rendre votre loi plus flexible de manière que telle ou telle province puisse l'appliquer chez elle.

Les provinces réalisent, de plus en plus, que, pour établir des normes uniformes, pour adopter des politiques que nous appelons canadiennes, de manière que tous les citoyens du Canada puissent obtenir des bénéfices à peu près semblables... Les provinces ont réagi de la même manière que le Québec.

M. LESAGE: Oui. Evidemment, là, on va entrer dans...

M. LE PRESIDENT: Non, non.

M. LESAGE: ... le domaine de la politique. Si vous voulez parler d'assurance-maladie, je vous dirai que les critères...

M. LE PRESIDENT: Je donnais un exemple.

M. LESAGE: ... sont ceux du parti libéral du Québec avant d'être ceux du parti libéral d'Ottawa. Alors, il n'y a pas de difficulté là, quant à nous. Il y en a quant à vous. Mais il est certain que le principe de l'uniformité des lois entre les provinces a été reconnu dès les premières conférences interprovinciales.

Je dirai tout de suite, avec le premier ministre, que, dans l'application pratique de ce principe, il y a eu une évolution lente, mais constante.

M. LE PRESIDENT: C'est vrai. M. LAPORTE: M. le Président...

M. DOZOIS: C'est plus accepté maintenant que ça l'était

M. LESAGE: II y a eu une très lente évolution. Cela a été très difficile de faire accepter le principe même de la première conférence interprovinciale. On sait l'attitude de M. Bennett, par exemple, et de...

M. LE PRESIDENT: M. Smallwood n'y est jamais allé.

M. LESAGE: ... M. Smallwood qui refusaient d'y participer. C'est grâce à M. Frost, qui a apporté au Québec son appui entier, que nous avons pu avoir un système de conférences interprovinciales.

M. BOUSQUET: Vous parlez du système des conférences interprovinciales. Je pensais que ça avait été inauguré au temps d'Honoré Mercier!

M. LAPORTE: Ah, il y a Champlain qui...

M. BOUSQUET: Non, non, Champlain était arrivé bien avant ça. Vous revenez toujours à Champlain. Vous avez une vocation de fondateur!

M. LAPORTE: C'est parce qu'à un moment donné je demandais à M. le Président...

M. LE PRESIDENT: M. Laporte a demandé la parole.

M. BOUSQUET: Je m'excuse.

M. LAPORTE: Juste un mot à ce sujet-là. Je me demande toujours si, lorsque nous étudions ces problèmes-là, nous faisons de l'histoire ou si nous écrivons des pages d'histoire. Qu'Honoré Mercier ait agi de telle façon, à cette époque-là, ou que, 20 ans plus tôt, Brown ait pris telle attitude ou que Wilfrid Laurier ou Mackenzie... je pense que ça peut être extrêmement intéressant dans un cours d'histoire, mais que nous devons imaginer que les esprits ont pu évoluer depuis ce temps-là.

M. BOUSQUET: Voici, M. le Président...

M. LAPORTE: Ce que vous disiez tout à l'heure, M. le Président, me paraît beaucoup plus fondamental. Vous affirmiez, je pense, que, de plus en plus, nous semblons tendre à l'uniformisation des attitudes entre les provinces. Nous touchons là, je crois, l'un des problèmes fondamentaux de 1968.

UNE VOIX: Cela est vrai.

M. LAPORTE: II est évident que, depuis 1960 — j'en fais non pas une date politique, mais une date historique — nous avons assisté à une décentralisation évidente de la part du gouvernement fédéral, à l'endroit des provinces.

Depuis ce moment-là — et c'est historique, si nous parlons des relations fédérales-provinciales — le pendule a rarement été au centre. Nous avons eu des efforts de centralisation, que ce soit l'enquête Rowell-Sirois ou que ce soit à l'occasion de la guerre. Vous avez vu, à certaines périodes, le pendule qui était tout entier vers la centralisation et vous avez vu — nous en avons vécu une — une période de décentralisation.

Vous avez vu l'acceptation du gouvernement fédéral de voir les provinces en général se retirer des plans conjoints moyennant compensation fiscale. Vous avez le régime des rentes, vous avez vu etc, etc... ce que nous devons retenir, je pense, c'est que la situation m'apparaît actuellement renversée et que nous sommes peut-être au début d'une nouvelle période de centralisation. Que toutes les provinces s'entendent pour affirmer telle chose, c'est que le gouvernement fédéral, comme il le fait actuellement, déclare qu'il n'y a à peu près pas de place pour la négociation, il est évident qu'à ce moment-là nous sommes dans une période nouvelle, une nouvelle ère de centralisation.

Ce que nous devrions étudier, le gouvernement et tous ceux qui s'intéressent à l'avenir du Canada et de notre province, c'est quels sont les moyens modernes actuels de contrer cette vague nouvelle de centralisation? Je crois personnellement que non seulement nous devons avoir, dans tous les domaines des gens fort bien préparés qui iront à Ottawa, mais que l'une des façons les plus efficaces, c'est d'occuper les terrains qui nous appartiennent.

Il sera inutile dans cinq ans, dans dix ans, dans quinze ans de pleurer sur ce que nous aurons perdu si nous n'avons pas jugé à propos de poser les gestes parfois douleur eux pour certains citoyens qui nous permettront de vivre à la hauteur de nos principes. Nous devrions être de ceux qui, en permanence, maintenant, renoncent fréquemment à parler d'autonomie provinciale mais font de l'autonomie provinciale. Je pense que le gouvernement fédéral actuel, qui croit très sincèrement — j'en suis convaincu — préparer un avenir meilleur pour le Canada, pose des gestes, s'installe, envahit, nous devons je pense, d'un commun effort, non pas entreprendre contre lui une guerre enfantine mais véritablement nous établir comme une province qui a

des droits et qui les exerce. Et c'est une des tâches majeures que nous devrions étudier en commun; trouver les moyens les plus efficaces pour non pas mettre le pays ou la province sans dessus dessous mais pour faire comprendre au gouvernement fédéral que nous avons le désir de collaborer avec lui et de collaborer avec le reste du Canada, mais que nous avons surtout la responsabilité première, nous, d'assurer, par l'exercice de nos droits, ce qui est un actif pour le pays, c'est-à-dire le développement d'une langue et d'une culture qui ne sont pas nécessairement celles du reste du pays.

M. BOUSQUET: M. le Président, tout d'abord permettez-moi de dire que je suis tout à fait d'accord pour faire venir des experts devant le comité. Mais seulement nous devrions quand même utiliser les talents des experts qui sont sur le comité et je ne crois pas que M. Laporte soit un expert dans l'historique des conférences interprovinciales.

M. LAPORTE: Mol, au moins je m'en rends compte.

M. BOUSQUET: Alors, je m'en rends compte, je m'en rends compte parfaitement, puisque...

M. LAPORTE: Alors si vous voulez, nous allons discuter du sujet.

M.BOUSQUET: Très bien.

M. LAPORTE: Cela va bien, c'est agréable.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous avons quand même le droit de nous exprimer, de nous expliquer.

M. LAPORTE: Qu'il ne s'explique pas sur mon dos.

M. BOUSQUET: Je ne tolérerai pas que vous nous rameniez toujours à Samuel de Champlain.

M. LESAGE: Il faut toujours tolérer.

M. LAPORTE: Bien, alors je vais m'exprimer pour les droits de l'homme.

M. LE PRESIDENT: Si vous voulez, messieurs les membres, laissons donc M. Bousquet au moins l'occasion d'exposer son point de vue...

M. BOUSQUET: Oui, oui.

M. LAPORTE: Ce n'est pas moi qui...

M. LE PRESIDENT: Nous ne sommes pas tellement nombreux autour de la table et tous les membres pourront à tour de rôle s'exprimer à la condition qu'ils demandent le droit de parole.

M. BOUSQUET: Je crois que c'était très à point de dire que la première conférence interprovinciale a eu lieu au temps d'Honoré Mercier. Maintenant, je passe à l'autre point pour ce qui est de la défense de l'autonomie provinciale en collaboration avec le gouvernement fédéral. Je pense que M. le Président, notre premier ministre, a tout à l'heure exposé la meilleure façon justement de défendre l'autonomie provinciale tout en assurant la rédaction d'une déclaration québécoise, d'une déclaration des droits de l'homme.

M. MALTAIS (Limoilou): M. le Président, permettez-moi d'enchaîner sur ce qu'a dit le député de Chambly. Je crois que nous touchons là peut-être le noeud du problème en ce qui concerne notre collectivité.

Il est incontestable qu'en matière constitutionnelle, nous sommes et nous serons toujours obligés de combattre — je pense que ceci est admis par tout le monde - étant donné notre situation particulière, ici, que je n'ai pas besoin de décrire davantage. Je crois qu'il faudra en arriver à « départisaner » - si le mot est français...

M. LAPORTE: Il le deviendra!

M. MALTAIS (Limoilou): ... les questions fondamentales concernant notre évolution constitutionnelle. Je pense que c'est l'un des premiers points sur lesquels ce comité devra également se pencher. Il faut tenter d'obtenir, au niveau des partis politiques, un consensus général. Il faudra que, lorsqu'une question est soulevée, lorsqu'il y a intrusion du gouvernement fédéral - quelle qu'elle soit — dans un domaine que nous, en tant que citoyens et non seulement en tant qu'hommes politiques ou membres d'un parti, considérons vital, sur un problème que nous considérons vital — et il y en a quand même de ces problèmes — et il faudra bien, un jour, les délimiter. Il faudra qu'une fois pour toutes, sur de semblables questions, nous puissions, dans le Parlement du Québec, en arriver à un consensus général de façon à pouvoir, ensemble, trouver le meilleur moyen de contrecarrer cette intrusion ou encore de faire avancer notre collectivité dans toute autre sphère de la constitution.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président — avez-vous terminé, M. Maltais? —

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'écoutais tout à l'heure ce que disaient MM. Laporte et Maltais. Je suis bien d'accord, même si nous ne devons pas faire de l'histoire en remontant jusqu'à la découverte de l'Amérique et jusqu'aux premières pérégrinations des Vikings, il est évident qu'il y a eu un mouvement d'oscillation du pendule entre centralisation et décentralisation. C'est toujours l'objet de propos quelquefois acerbes entre nous, lorsque nous parlons d'autonomie positive et d'autonomie négative. Enfin, entendons-nous une fois pour toutes pour dire que nous sommes ici pour faire de l'autonomie positive et pour assurer l'avenir à partir de 1968, à partir de l'acquis du présent. Je crois que le premier ministre, M. Bertrand, lors de sa dernière visite à Ottawa - à l'occasion de la conférence fédérale-provinciale - a marqué un autre jalon de la volonté du Québec d'assurer cette autonomie positive. Justement, ce que nous recherchons, c'est l'esprit des propos de M. Maltais. Nous recherchons ce consensus des deux côtés de la Chambre, c'est-à-dire de tous les parlementaires du Québec, afin que le gouvernement du Québec quel qu'il soit, et le chef de l'Etat du Québec, quel qu'il soit, puissent enfin présenter à Ottawa, l'opinion qui est celle d'un front commun en vue de la reconquête ou la conquête de certains droits qui se trouvent, à l'heure actuelle, menacés.

Lors de la dernière condérence fédérale-provinciale, M. Bertrand a fait une proposition à Ottawa, en matière de taxation. Je ne veux évidemment pas entrer dans le détail de ça, ni en faire le sujet de la discussion d'aujourd'hui, mais je crois qu'il a posé là un geste qui ait exigé qu'on fil l'unanimité. Nous avons donc à définir des mécanismes d'amendement à la constitution interne du Québec et, ensuite, à nous entendre sur le contenu de la nouvelle constitution. Là, nous en sommes au problème de la définition d'une charte des droits de l'homme. M. Choquette parlait tout à l'heure de la possibilité d'en venir à une entente avec le gouvernement central et les gouvernements des Etats membres de la fédération, sur une charte qui serait à peu près identique. Evidemment, je veux bien croire à la bonne volonté de tout le monde, mais je ne crois pas à la quadrature du cercle. Je crois qu'il nous faudrait, nous, étudier ici le problème, définir ce que nous entendons par « une charte des droits de l'homme », son contenu et voir par la suite ce que les autres Etats membres de la fédération et le gouvernement central nous proposeront.

M. LAPORTE : Mais, en somme, à la condition que nous ne partions pas du principe que seule une déclaration des droits de l'homme différente puisse nous convenir.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non pas nécessairement! C'est là le sujet de l'examen que nous entendons faire.

M. LAPORTE: Si c'est nécessaire! Mais il n'y a pas lieu de rejeter...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne rejetons pas a priori...

M. LAPORTE: Il n'y a pas lieu de se singulariser pour le simple plaisir de se singulariser.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Nous ne rejetons pas a priori, l'opinion des autres.

Seulement, s'il est nécessaire d'établir les différences, il nous faudra le faire.

M. LAPORTE: Autrement dit, ce que j'ai voulu affirmer tout à l'heure c'est que la querelle en soi, cela n'est pas une solution!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non.

M. LAPORTE: Si nous avons des choses à reprocher à quelque gouvernement que ce soit — cela peut bien être à celui de l'Ontario, à un moment donné — nous devons le faire; mais que l'objectif ne soit pas la division.

M. DOZOIS: Différentes si nécessaire?

UNE VOIX: Mais non pas nécessairement différentes.

M. LAPORTE: J'ai voulu éviter de répéter toute l'affaire!

M. LESAGE: Quant aux efforts que nous devons faire pour présenter un front uni, non partisan, je suis bien d'accord.

D'ailleurs, je pense que le premier ministre actuel et moi-même avons prouvé que nous pouvons nous entendre et parler d'une même voix sur des sujets donnés. Nous en avons donné un exemple pas plus tard qu'hier.

Mais il est inévitable qu'étant donné que, par exemple, notre philosophie fondamentale dans le domaine de la sécurité sociale n'est pas la même — je pense que nous pouvons le reconnaî-

tre — arrive, à un moment donné que nous ne puissions pas être d'accord sur certains points.

Toutefois sur les principes fondamentaux de la division des pouvoirs, je crois que nous devons chercher à nous entendre aussi bien que sur une déclaration des droits collectifs, une déclaration des droits de l'homme et les mécanismes de modification et éviter par tous les moyens possibles la partisanerie.

Mais il restera toujours — et il ne faut pas se faire d'illusions —

M. BERTRAND: J'imagine que oui!

M. LESAGE: ... certains domaines où la philosophie politique nous sépare parce qu'il y a une différence entre les deux partis, malgré ce qu'en disent certaines personnes.

Au point de vue de la sécurité sociale, il est clair que la philosophie fondamentale de l'Union Nationale n'est pas la nôtre, et vice versa. Alors, des différences se retrouvent dans les méthodes d'application, c'est inévitable!

Mais enfin, il faut faire notre possible. Autrement dit, chercher à nous entendre toutes les fois que c'est possible, plutôt que de rechercher ce que j'appellerai, très communément, la chicane.

M. LE PRESIDENT: Mais le chef de l'Opposition me permet-il? Quand il parle de philosophie sociale — philosophie qui peut être différente — sans doute veut-il faite allusion à la loi à laquelle j'ai fait moi-même allusion tantôt, celle de l'assurance-santé.

Je crois que, dans ce domaine, il n'y avait pas tellement de différence fondamentale.

M. LESAGE: Bien!

M. LE PRESIDENT: Là où le problème est survenu, c'est lorsqu'un autre gouvernement — et là je constate un fait — a légiféré dans un domaine que nous croyions, de part et d'autre, je le pense, de juridiction provinciale.

M. LESAGE: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors, c'est là que se pose tout le problème, indépendamment de la philosophie sociale où je crois que les différences ne sont pas tellement fondamentales; il y a eu intrusion et action d'un autre gouvernement qui légifère dans un domaine que tous deux, des deux côtés de la Chambre, les deux partis, reconnaissent comme étant de notre juridiction!

M. LESAGE: Même le gouvernement fédéral le reconnaît...

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LESAGE: Par sa législation!

M. LE PRESIDENT: Oui, et c'est là justement qu'est tout le problème!

M. LESAGE: C'était le dernier des programmes conjoints. Quant à nous, nous avions dit, aux conférences fédérales-provinciales, quels étaient les critères qui, à notre sens, devaient être à la base d'un système d'assurance médicale, c'est ce que nous avions déclaré.

Et nous avions dit qu'étant donné que ce programme conjoint avait été proposé bien avant 1964, alors que nous avons découvert la formule du « opting out », il ne fallait pas qu'il y ait d'autres programmes conjoints. Nous avons cependant dû faire exception pour l'assurance-santé parce que c'était déjà décidé, à la demande des provinces à ce moment-là. Mais quant aux critères, le critère d'universalité ne nous embarrassait pas puisque c'en est un qui est à la base de notre philosophie dans le domaine de la sécurité sociale.

M. LAPORTE: M. le Président, sur unpoint que vous avez soulevé et qui a été particulièrement souligné par le député de Chicoutimi, le degré d'unanimité entre les deux partis politiques, disons qu'à mon avis — je ne parle que pour moi — ce degré d'unanimité sur les principes est assez facile à atteindre. Plus nous élargirons l'éventail de la discussion, plus il sera facile d'imaginer que les deux partis sont en faveur de l'autonomie provinciale. Cela, ce n'est pas compliqué.

Là où il devient plus difficile de réaliser une unanimité d'action, c'est sur les moyens que l'un et l'autre des partis prennent ou prendraient pour atteindre l'objectif. Exemple que l'on nous fournit actuellement: le problème de l'assurance-santé. Nous sommes d'avis, le chef du parti l'a dit clairement à plus d'une occasion, que le gouvernement fédéral a légiféré, sans doute à la demande des autres provinces, dans un domaine qui est de juridiction provinciale. Une fois que nous constatons l'intrusion, c'est à partir de ce moment-là que dans les faits, nous différons d'opinion avec le gouvernement actuel sur les moyens qui devraient être pris pour régler le problème. Il y a donc un degré d'unanimité sur les principes; cela, c'est toujours assez facile. Mais compte tenu du passé, compte tenu des gestes qui ont été posés par l'un et l'autre des gouvernements, il est fort possible que nous nous querellions sur les moyens pour atteindre le même objectif. De là, à s'accuser mu-

tuellement d'être pour ou contre l'autonomie, d'être centralisateur ou pas, cela devient des accusations qui ont un relent de politique.

Je pense qu'à cette table nous l'avons évité jusqu'ici, et c'est un succès. Sur les moyens, je ne crois pas qu'il soit possible, dans l'immédiat, de nous entendre parce que nous ne poserions pas, croyons-nous, et nous n'avons pas posé les mêmes gestes que pose le gouvernement actuel qui peut les croire bons. Nous n'aurions pas posé les mêmes gestes pour atteindre l'objectif commun sur lequel nous nous entendons.

M. LESAGE: En définitive, le moyen, pour autant que l'assurance-santé est concernée, étant donné qu'il s'agissait d'un programme proposé avant 1964, c'était d'appliquer à ce programme la formule de 1964, c'est-à-dire celle du retrait des programmes conjoints. C'est en toutes lettres dans les déclarations que j'ai faites...

M. LAPORTE: Je ne voudrais pas que, cela...

M. LESAGE: ... au cours des conférences fédérales-provinciales. C'est seulement une question de moyens.

M. LAPORTE: Je ne voudrais pas que se répande la légende que nous sommes d'accord sur toute la ligne sur le problème de l'autonomie provinciale.

M. LESAGE: Non, pas sur les moyens...

M. BOUSQUET: M. le Président, je ne voudrais pas, non plus, que se répande la légende qu'il y a un parti qui est en faveur du programme d'assurance-santé préconisé par le gouvernement fédéral, et que l'autre parti est absolument contre.

M. LAPORTE: On entre...

M. BOUSQUET: Nous y avons mis, je pense des nuances. Nous avons revendiqué auprès du gouvernement fédéral que nous voulons atteindre peut-être cet idéal, mais en procédant par étapes, comme le recommandait d'ailleurs la commission Castonguay...

M. LESAGE: Enfin, nous pourrons en discuter...

M. BOUSQUET: Nous pourrons en discuter.

M. LAPORTE: C'est une question de divergence d'opinion et chacun doit présenter à l'opinion publique son point de vue et le défendre.

UNE VOIX: Absolument.

M. LESAGE: Remarquez que si nous en discutons ce matin, c'est parce que le premier ministre l'avait choisi comme exemple.

M. DOZOIS: Cela ne veut pas dire que l'Union Nationale est contre un projet d'assurance-santé complet et universel.

Nous pouvons avoir une optique différente sur l'implantation d'un tel programme. Je dois faire remarquer que c'est plus facile quand on est dans l'Opposition que quand on est au pouvoir de dire au gouvernement: Dépensez donc $150 millions!

M. LESAGE: Ah, les ministres des Finances!

M. DOZOIS: Surtout quand les champs de taxation sont envahis par le gouvernement fédéral pour des fins provinciales.

UNE VOIX: A l'ordre!

M. LESAGE: Non, on entre dans des considérations...

M. LE PRESIDENT: Le député de Drummond...

M. DOZOIS: C'est un fait qu'il faut considérer, quand même.

M. LE PRESIDENT: Si le député de Saint-Jacques a terminé, le député de Drummond a demandé la parole.

M. DOZOIS: Oui. $150 millions, moi, je trouve que c'est fort.

M. PINARD: M. le Président, les travaux du comité parlementaire de la constitution n'auront de force et de crédibilité que si nous essayons de trouver une formule de compromis qui nous permettra de garder toute notre liberté d'expression, même si nous représentons des partis différents, et d'en arriver à un consensus, comme l'a dit, tantôt, le député de Limoilou.

Cependant, il m'apparaît que les Canadiens français, d'une part, et les Anglo-Canadiens, d'autre part, font constamment face à un conflit d'allégeance au niveau de l'appartenance à un parti politique ou à une philosophie politique.

Je pense que, dans le passé - je me fais le reproche à moi-même; peut-être que c'est valable pour d'autres à l'Intérieur de mon propre parti et aussi pour des représentants d'un autre parti — nous n'avons pas rendu justice à un gouvernement fédéral qui, à une certaine époque, a cru bon de présenter des lois qui ont, quand même, apporté des bénéfices directs et indirects indiscutables à tous les citoyens du Canada, y compris ceux du Québec.

A une certaine époque, la centralisation a certainement donné des bénéfices généreux à tous les citoyens du Canada quels qu'ils soient. Pourquoi? Parce qu'à une certaine époque, dans le Québec, un gouvernement n'a pas été assez vigilant et n'a pas pris ses responsabilités en adoptant des lois et en exerçant ses droits.

Alors, M. le Président, je crois que c'est un devoir de justice d'essayer de dresser un bilan des avantages et des désavantages d'une politique de centralisation par rapport à une politique de décentralisation. Je crois que l'histoire prouvera, en dépit de quiconque, que la centralisation, à une certaine époque, au Canada, a été bonne, aussi bien pour le Québec que pour les autres provinces du pays. Si, à ce moment-là, le Québec est prêt à admettre que la centralisation a été bonne, du moins à une certaine époque, pour tous les citoyens du Canada, y compris ceux du Québec, les anglophones seront moins traumatisés par les expressions d'opinion venant du Québec et ils croiront peut-être davantage que ce n'est pas du nationalisme exacerbé, du nationalisme qui conduit fatalement à un séparatisme, disons larvé pour le moment, pour ne pas dire à un séparatisme certain.

Alors, sur le plan historique, est-on prêt à admettre que le fédéral a, quand même, rendu des services signalés à la population canadienne et à la population québécoise? Je n'en veux pour exemple que la participation du Québec au programme conjoint de la route transcanadienne. Qui viendra mettre en doute que la construction du tronçon de la route transcanadienne entre la frontière du Nouveau-Brunswick et la frontière ontarienne n'a pas été bénéfique au Québec, et sur le plan social et sur le plan économique et sur le plan culturel? Je pense que c'était indispensable. Québec, malheureusement, est arrivé en retard et a participé dix ans après toutes les autres provinces à cette politique du plan routier conjoint.

Je ne dis pas que le gouvernement libéral du Québec n'a pas dit: Ce sera le dernier plan conjoint en matière de programmation routière. Je l'ai dit, mais j'étais fier, cependant, d'affirmer en même temps que Québec bénéficiait généreusement de cette politique du plan conjoint fédé- ral pour la route transcanadienne. Sur le plan économique, cela donnait des avantages indéniables au Québec qui avait du retard à rattraper vis-à-vis de l'Ontario, par exemple.

Je pense qu'à ce niveau-là il n'y a pas de par-tisanerie possible. Les représentants de l'Union Nationale comme ceux du parti libéral admettront que cela a été un plan conjoint bénéfique pour le Québec. De là à dire que cela doit continuer, je ne le pense pas, parce que le Québec, — grâce à un réaménagement de la fiscalité, à un réaménagement des impôts et aux gains que nous avons faits dans le domaine du rendement de l'impôt sur les particuliers, de l'impôt sur les compagnies et de l'impôt sur les successions -est capable financièrement de s'occuper de ses besoins routiers, maintenant.

Et c'est tellement vrai que le fédéral est toujours en avance sur le Québec, dans ces domaines-là, que le fédéral, sur le point de terminer son plan conjoint de route transcanadienne, était prêt à proposer aux provinces un autre plan conjoint qui s'appelait, je crois, « National Highway Policy », lequel aurait permis aux provinces d'intégrer les grandes artères routières à des artères de caractère régional. Le Québec, par la bouche du ministre de la Voirie, à l'époque - et c'est celui qui vous parle — a dit non.

A ce moment-là, les autres ministres provinciaux de la Voirie ont dit: C'est un programme qui ne nous intéresse pas tellement, c'est à reviser. Et finalement il n'y a pas eu de suite à cela. Pourquoi? Parce que les autres provinces ont réalisé qu'elles ont maintenant les moyens financiers de prendre soin de leurs besoins routiers tout comme le Québec. Mais, il y a eu quelque chose quand même qui, avant cette étape-là, s'est produit et a apporté des avantages bénéfiques aux Canadiens français comme aux canadiens d'expression anglaise.

M. LE PRESIDENT: Je ne voudrais pas enlever la parole au député de Drummond. Au contraire, mais est-ce que nous ne sommes pas en train de faire ni plus ni moins ce que nous reprochions à quelques-uns tantôt, faire le procès et le bilan des administrations passées et des actes qu'ils ont pu poser ou ne pas poser dans le domaine de l'autonomie ou dans le domaine des relations avec Ottawa.

M. PINARD: M. le Président, c'est parce que j'ai remarqué des deux côtés des expressions comme celles-ci: intrusion, ennemi. On semblerait vouloir faire croire à une partie de la population que l'ennemi irréductible est Ottawa, est le représentant du gouvernement à

Ottawa. Alors que je connais bien des Canadiens français qui sont représentants de comtés du Québec à Ottawa et qui, tout comme nous, désirent la protection de la minorité française au pays, désirent l'exercice de plus en plus large des responsabilités de la province de Québec dans les différents domaines qui ont été discutés ce matin.

Il ne faut pas leur faire des procès d'intention, autrement la population du côté anglophone ou du côté francophone ne croira pas au sérieux de nos travaux. C'est là le motif de mon propos ce matin, M. le Président. Alors, je crois que ce n'est pas partisan de l'affirmer.

M. LE PRESIDENT: M. Tremblay m'a demandé la parole, alors avez-vous terminé?

M. PINARD: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quand nous avons tout à l'heure — et M. Laporte l'a souligné — tenu des discussions absolument en dehors des frontières partisanes, j'ai écouté, avec intérêt, et je ne fais pas de reproche, le plaidoyer pro domo de M. Pinard. Je ne souscris toutefois pas à ce qu'il a dit et je ne consens pas à admettre le bien-fondé de ce qu'il a dit au sujet de la participation du gouvernement central, enfin du travail du gouvernement central dans des domaines qui étalent de compétence des gouvernements des Etats membres de la fédération. M. le député de Saint-Jacques vient de le souligner, même si cela a pu paraître bénéfique à certains égards, chaque geste que posait le gouvernement central constituait une intrusion qui privait les gouvernements des Etats membres de la fédération de l'argent dont ils auraient eu besoin pour mettre sur pied les programmes...

M. PINARD: Québec ne peut pas invoquer sa propre turpitude.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... dont vient de parler le député de Drummond. Alors, M. le Président...

M. DOZOIS: C'est pour envelopper sa propre turpitude.

M. PINARD: Oui, à ce moment-là, le gouvernement du Québec n'a pas agi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je ne relève pas cette expression.

M. PINARD: N'avons nous pas payé des taxes au gouvernement central pour ne pas recevoir les bénéfices que les autres citoyens du pays reçoivent? A ce moment-là, ce fut la responsabilité du gouvernement québécois.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je propose qu'on ajourne.

M. LE PRESIDENT: M. le député d'Outremont demande la parole.

M. CHOQUETTE: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propos de nos honorables collègues des deux côtés de cette table et je pense que nous nous éloignons passablement de l'ordre du jour qui devait présider à l'ordonnance des travaux du comité. A moins qu'il n'y ait d'autre chose à faire, je proposerais l'ajournement du comité.

M. LE PRESIDENT: Je voudrais immédiatement indiquer ici que nous allons entrer en communication avec M. Jean-Charles Bonenfant. Est-ce que je pourrais suggérer aux membres du comité, pour autant que nous serons autorisés, que le comité directeur se réunisse pour s'entendre avec M. Bonenfant sur la portée exacte de son témoignage, de manière que tout soit bien préparé pour la première séance publique où M. Bonenfant viendra témoigner devant ce comité.

Alors, comme président, je communiquerai avec les membres du comité directeur le plus rapidement possible après que nous aurons obtenu la réponse de M. Bonenfant. Ce comité est donc ajourné pour le moment jusqu'à la date qui sera fixée par le comité directeur.

(12 heures)

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