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Version finale

31e législature, 2e session
(8 mars 1977 au 22 décembre 1977)

Le vendredi 16 décembre 1977 - Vol. 19 N° 292

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude du projet de loi no 25 — Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives


Journal des débats

 

Etude du projet de loi no 25

Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives

(Onze heures trente-sept minutes)

Le Président (M. Marcoux): La commission des corporations professionnelles est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires qui ont trait au projet de loi no 25.

Les membres de la commission sont M. Bertrand (Vanier), M. Blank (Saint-Louis), M. Borde-leau (Abitibi-Est), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Fallu, "Terre-Neuve" (Terrebonne).

M. Fallu: ... d'un Newfie.

M. Lalonde: Ce n'est plus de la séparation, M. le Président, c'est de l'annexion.

Le Président (M. Marcoux): C'est de l'analogie, Terrebonne et Terre-Neuve.

M. Morin (Sauvé): II eût fallu qu'il y habitât.

Le Président (M. Marcoux): M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M. Forget (Saint-Laurent), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys), M. Laurin (Bourget) remplacé par M. Marquis (Matapédia); M. Martel (Richelieu), M. Morin (Sauvé), M. Rancourt (Saint-François), M. Shaw (Pointe-Claire) remplacé par M. Le Moignan (Gaspé); M. Springate (Westmount) remplacé par M. Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Vaillancourt (Jonquière), M. Vaugeois (Trois-Rivières).

Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires du Renouveau pharmaceutique du Québec, de l'Ordre des pharmaciens du Québec, de l'Association des préparateurs d'officines et de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec.

Je rappelle les règles de fonctionnement sur lesquelles nous nous sommes entendus lors de notre première séance mercredi Chaque personne qui présente un mémoire a vingt minutes pour résumer ou lire les principales parties de son mémoire. Ensuite, le parti ministériel a vingt minutes pour dialoguer avec nos invités, l'Opposition officielle, quinze minutes et l'Union Nationale, dix minutes.

J'inviterais le Renouveau pharmaceutique du Québec à s'approcher de la table et à venir nous présenter son mémoire.

M. Lalonde: M. le Président, comme question préliminaire, avant d'aborder l'audition des témoins, je sais que, lors d'une réunion précédente de cette commission, la question a été soulevée de l'opportunité pour certains membres de cette commission de siéger alors qu'ils pourraient exercer des fonctions dans des organismes profes- sionnels. D'après la lecture de la transcription que j'ai faite, on a fait le tour de la question, on a examiné, je pense, à cette commission les lois qui s'appliquent, les règlements, on a conclu, d'après ce que je peux comprendre, qu'il n'y avait pas d'objection et cela s'applique plus particulièrement au député de Richelieu, je pense, qui, à moins que la situation ait changé depuis la semaine dernière ou depuis le début de la semaine, occuperait un poste dans un organisme de direction de la Corporation professionnelle des pharmaciens. La question était très importante, je pense, mais elle avait aussi une importance relative parce qu'on entendait des mémoires qui n'avaient rien à voir avec l'Ordre des pharmaciens. Je m'aperçois, M. le Président,, à la lecture de la liste des organismes que vous venez de faire, que c'est le Renouveau pharmaceutique du Québec, l'Association des préparateurs d'officines, je pense aussi, et...

Le Président (M. Marcoux): Et l'Ordre des pharmaciens.

M. Lalonde: ... et l'Ordre des pharmaciens. Je me demande de quelle façon ces gens vont pouvoir, en toute liberté, s'adresser à nous sachant que le député de Richelieu a deux chapeaux et aussi, je pense qu'il est directeur ou qu'il fait partie du conseil d'administration de l'Ordre des pharmaciens. C'est une question de simple éthique que je soulève. Je ne soulève pas la Loi de la Législature, mais j'aimerais savoir si le député de Richelieu a une proposition à faire.

Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole au député de Richelieu, s'il désire l'avoir sur le même sujet, j'estime, personnellement, comme président de commission, suite à la question de directive demandée par le député de Saint-Laurent, après information, tout avait été clarifié en vertu, d'une part, des règlements de l'Assemblée nationale et d'autre part, en vertu de la Loi de la Législature. Rien n'interdit ou rien n'empêche un député qui est membre de groupe de direction d'un ordre professionnel, d'agir de plein droit et comme membre de la commission et comme membre de l'Assemblée nationale, en ce qui a trait aux lois ou aux mémoires concernant le groupement professionnel auquel il appartient.

Sauf que j'avais précisé à ce moment-là que pour le bon entendement de tout le monde, il pourrait être sage de la part du député impliqué d'informer la Chambre ou la commission qu'il est membre de tel bureau de direction, question de clarifier. Mais rien n'oblige à le faire et rien n'oblige un des membres de la commission de se retirer pour tel motif.

M. Lalonde: M. le Président, en réaction à ce que vous venez de dire, la raison pour laquelle je n'ai pas soulevé la question de règlement, ni invoqué la Loi de la Législature, j'ai simplement conclu en posant une question au député lui-même.

Le Président (M. Marcoux): Je vais céder la parole au député de Richelieu qui la demande.

M. Martel: Je vous remercie de la décision que vous avez rendue. Je tiens à faire remarquer, par exemple, lorsque le Barreau vient ici, si tous 'es avocats avaient à se retirer des commissions parlementaires à ce moment-là, il ne resterait peut-être personne. Vous avez des membres dans votre parti également qui sont maires de municipalités et qui siègent à la commission des affaires municipales. Je pense que la décision du président étant rendue, à ce moment-là, étant avant tout un législateur, tant à l'Assemblée nationale qu'aux commissions parlementaires, les règlements de l'Assemblée nationale s'appliquant également aux commissions parlementaires et ayant le droit de me prononcer à l'occasion d'un vote, même sur des choses qui concernent la corporation dont je fais partie, comme l'a dit le président, j'ai clairement le droit de siéger à cette commission.

Cependant, pour montrer mon impartialité, pour être le plus objectif possible dans mon rôle de législateur, si vous permettez, M. le Président, de vous lire la lettre que j'ai fait parvenir le 15 décembre dernier au président de l'Ordre des pharmaciens, dans laquelle je lui dis: "M. le Président, comme vous avez pu le constater, mes fonctions comme député et adjoint parlementaire ne m'ont pas permis, au cours des derniers mois— cela remonte au moins à six mois — de participer aux réunions de notre organisme. De plus, l'examen prochain d'un certain nombre de questions intéressant notre ordre, tant en commission parlementaire qu'au sein du comité consultatif sur la pharmacie que j'ai mis sur pied à l'intérieur du ministère des Affaires sociales, m'apparait, par-delà les exigences strictement législatives et réglementaires, tel qu'une récente décision que vous avez rendue à l'occasion de cette commission, m'établit clairement à dissocier carrément les deux activités en cause dans un esprit de clarification de situations et d'un souci scrupuleux de respect des usages les plus rigoureux sur ce rapport. "Conséquemment, il m'apparaît prioritaire de poursuivre le maintien, la formation et les intérêts généraux du public qui m'ont toujours tenu à coeur, autant de l'Ordre des pharmaciens de son conseil que de législateur, en me consacrant entièrement à cette dernière fonction. "Veuillez accepter et transmettre, pour confirmation, ma démission à titre d'administrateur pour prendre effet à compter de maintenant. Je vous prie d'agréer, M. le Président, l'assurance de ma très haute considération. "

Dans le but d'enlever toute inquiétude aux partis d'opposition et de montrer ma grande impartialité, même si le président a jugé que j'étais en droit de siéger à cette commission, j'ai remis ma démission, effectivement, dans le but de clarifier, pour être équitable envers tout le monde et pour me permettre de jouer de la façon la plus objective possible mon rôle de législateur.

M. Lalonde: M. le Président, je voudrais re- mercier M. le député de Richelieu d'avoir apporté cet éclairage à nouveau. Vous savez qu'il n'est jamais très agréable de soulever ce genre de question. Vous vous rappelerez que ce n'est pas une réclamation de sa démission comme membre de la corporation que nous avons faite, mais c'est simplement sa participation aux travaux de cette commission que nous mettions en question. Il a choisi lui-même de le faire, carrément et de façon très claire, et je pense que la question est vidée.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, puis-je demander au député de Marguerite-Bourgeoys s'il a l'intention de soulever des questions semblables à la commission des Affaires municipales où siègent un certain nombre de membres qui sont maires de municipalités.

M. Lalonde: Je remercie le ministre de sa question, parce que j'avais oublié de répondre à certaines hypothèses du député de Richelieu.

Le Président (M. Marcoux): Je vous permettrai une brève réponse.

M. Lalonde: Parce que je ne veux pas retarder indéfiniment nos travaux.

Le Président (M. Marcoux): Nous pensons que tout est question de conflits d'intérêts...

M. Lalonde: Le député de Richelieu a mis en doute la participation, par exemple, de membres de corporations professionnelles à des commissions parlementaires lorsque des mémoires de ces corporations sont soumis. Je pense que, lorsqu'un député est membre d'une corporation professionnelle et lorsqu'un autre député est membre du conseil d'administration, c'est tout à fait différent. Mais le cas des maires est plus sérieux. Je ne verrais pas un député maire d'une municipalité agir à la commission des affaires municipales, au moment où comparaîtrait sa municipalité ou un groupe de sa municipalité, comme syndicat d'employés de la municipalité, autrement dit, il aurait deux chapeaux, un comme maire de cette municipalité avec responsabilité administrative et l'autre comme député pour recevoir justement les doléances ou les griefs d'un groupe sur lequel il a autorité comme maire. Ce serait une situation analogue à celle qui aurait existé si le député de Richelieu n'avait pas démissionné, par exemple.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je compte sur le député de Marguerite-Bourgeoys pour soulever cette question à la commission des affaires municipales, parce que je suis d'accord avec lui qu'on pourrait se retrouver dans des situations conflictuelles.

M. Lalonde: Dans des situations comme celles que j'ai décrites, je me ferais plaisir, si j'étais présent à ce moment-là, d'abonder dans ce sens.

Le Président (M. Marcoux): Toutes ces clarifications pour le meilleur climat de nos travaux

étant apportées, je vous inviterais—je crois qu'on s'est déjà approché, à vous installer au centre, plus près de la table, pour que tous puissent vous voir et mieux vous entendre. M. Laforest?

M. Laforest (Pierre): Oui, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Si d'autres personnes vous accompagnent et désirent s'approcher de la table, elles peuvent le faire; si elles ont des précisions à ajouter ou veulent compléter vos réponses, il sera loisible qu'elles le fassent. Allez-y, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire.

Renouveau pharmaceutique du Québec

M. Laforest (Pierre): M. le Président, messieurs les membres de la commission parlementaire, mon nom est Pierre Laforest. Je représente, avec mes confrères un groupe de pharmaciens connu sous le nom du Renouveau pharmaceutique du Québec, dont les membres sont inscrits au tableau de l'Ordre des pharmaciens de la province de Québec, selon l'article 43 de la Loi de pharmacie.

Le tableau de l'ordre ne comprend plus que 64 personnes inscrites en vertu de cet article 43. Le mémoire que nous vous avons soumis à notre sujet est des plus explicites; c'est pourquoi je serai très bref. Nous vous demandons cependant, M. le Président, d'inscrire notre mémoire aux minutes du débat.

Avant d'entamer la discussion, j'aimerais quand même apporter quelques précisions essentielles à une bonne compréhension des faits. Premièrement, depuis la parution de notre mémoire, certains droits additionnels nous ont été accordés. C'est pourquoi, maintenant, nous pouvons affirmer qu'il n'existe aucune distinction entre le travail et les fonctions d'un assistant pharmacien et d'un pharmacien, même s'il est propriétaire, sauf celles que comporte l'article 43 de la Loi de pharmacie.

Deuxièmement, l'Ordre des pharmaciens vous a fait parvenir un mémoire. Sans mettre en doute la bonne foi qui a présidé à la rédaction de cet écrit, vous constaterez comme nous que la faible argumentation de l'Ordre des pharmaciens est basée sur l'ancienne Loi de la pharmacie qui fut abrogée en 1973. Nous espérons que le débat sera jugé selon la Loi actuelle de la pharmacie et non sur une loi vieille de cinq ans et remplacée depuis. On ne saurait abroger une loi en se basant seulement sur la tradition.

Dans ce mémoire des administrateurs de l'ordre, à notre sujet, vous constatez qu'ils ont fait état d'une résolution qui s'oppose à nos demandes. Or, un des administrateurs de l'ordre a tenu à vous informer par écrit qu'il se dissociait de cette résolution. Pour un qui a eu le courage de ses opinions, combien de ses collègues en pensent autant sans avoir trouvé l'audace de s'exprimer comme lui? Cette dissension fait ressortir le caractère indéfendable de la position de l'Ordre des pharmaciens à notre sujet.

La première lecture du projet de loi no 25, à l'article 29, vous propose d'amender seulement les deux premières restrictions qui nous sont imposées, à savoir le droit d'élire des membres du bureau et celui de voter aux assemblées. L'existence même du projet de loi no 25, à l'article 29, prouve hors de tout doute que l'accord est unanime sur le fond de la question et il semble donc injustifié de ne pas inclure le droit de propriété dans ce projet de loi.

Partageant l'avis de l'Office des professions, nous jugeons que c'est l'article 43 en entier qui est discriminatoire à notre égard et non pas seulement une partie de cet article. Permettez-moi aussi de vous rappeler que l'accès au droit de propriété nous permettrait de créer une centaine d'emplois directs par l'ouverture de plusieurs pharmacies. Etant pharmaciens aux fins de la présente loi et du Code des professions, nous considérons donc être en droit de vous demander tous les privilèges qui se rattachent à ce titre. Notre association, le Renouveau pharmaceutique du Québec, recommande au législateur de modifier en entier l'article 43 de la Loi de la pharmacie, de façon qu'une partie ne lèse pas encore les droits et privilèges de nos membres. Enfin, le Renouveau pharmaceutique du Québec a fait parvenir copie de son mémoire à l'Office des professions ainsi qu'aux 24 administrateurs de l'Ordre des pharmaciens du Québec, et il est heureux d'offrir à cette commission parlementaire son entière collaboration.

Permettez-nous, en terminant, de vous remercier de l'attention que vous avez apportée à ces quelques précisions que nous avons jugées essentielles.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'avoir été aussi bref. Cela nous donnera plus de temps pour dialoguer avec vous. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président j'aimerais d'abord peut-être poser quelques questions qui pourraient clarifier le statut exact des personnes qui comparaissent en ce moment au nom des assistantes-pharmaciens. On sait qu'il existait, en vertu des lois antérieures à celle de 1973, une catégorie de personnes exerçant la pharmacie sans avoir obtenu ce qu'on pourrait appeler le diplôme terminal, le diplôme de fin d'études requis à ces fins. Ces assistants-pharmaciens obtenaient habituellement ce statut, à ce que j'ai pu savoir, après avoir complété un certain nombre de conditions comme, par exemple, l'inscription pendant au moins quatre ans comme étudiants en pharmacie et, pendant cette période, le fait d'avoir suivi certains cours et d'avoir réussi l'examen du baccalauréat en pharmacie, de même que l'exigence d'avoir complété 2000 heures de service dans une pharmacie sous la surveillance d'un pharmacien ou d'un médecin.

Si j'ai bien compris la situation, sous réserve de quelques restrictions, les assistants-pharmaciens qui avaient rempli ces conditions avaient donc des droits et des pouvoirs identiques à ceux des pharmaciens membres de plein droit également de l'Ordre des pharmaciens.

Pourriez-vous nous expliquer exactement en quoi consiste la différence sur le plan des études, de la formation, entre un assistant-pharmacien et un pharmacien. Je crois que ce serait la première question à élucider pour que tout le monde comprenne bien le statut respectif des uns et des autres.

M. Laforest: Comme vous venez de le mentionner, pour accéder au titre d'assistant-pharmacien, la loi demandait trois années de scolarité. La loi n'exigeait pas un diplôme, ou la loi ne mentionnait pas que les années devaient être complétées avec succès.

Cependant, un examen de l'Ordre des pharmaciens était obligatoire. Cet examen, habituellement, était le même qu'on donnait aux pharmaciens à la fin, pour leur accorder leur licence.

La loi demandait aussi que cet examen comporte différentes sections... Je m'excuse, je ne me souviens pas du tout des exigences au point de vue de la physiologie, de l'anatomie, etc. C'était dans la loi. C'est de cette façon qu'un assistant-pharmacien pouvait accéder au poste d'assistant-harmacien.

Mais, étant donné que vous avez mentionné la loi de 1973, permettez-moi de vous rappeler qu'avant 1973, un assistant-pharmacien avait des pouvoirs très restreints, en comparaison de ce qu'ils sont aujourd'hui. Je m'explique. Avant 1973, un assistant-pharmacien avait le droit de travailler seul en pharmacie, de préparer des ordonnances, naturellement, et le droit de payer une cotisation.

Un assistant-pharmacien ne pouvait être gérant d'une pharmacie en curatelle, tutelle ou succession. Un assistant-pharmacien ne pouvait signer des bons pour l'achat de narcotiques ou de drogues contrôlées. La loi de 1973 est arrivée et tout a changé. Tout ce qui n'était pas permis aux assistants-pharmaciens est maintenant permis, c'est-à-dire que la seule différence qui existe aujourd'hui entre les assistants-pharmaciens et les pharmaciens, ce sont les trois restrictions sur lesquelles vous avez à débattre. Nous pouvons signer pour l'achat de bons de narcotiques, nous pouvons être gérants. Il n'existe aucune différence maintenant entre le travail et les fonctions d'un assistant-pharmacien et d'un pharmacien. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Morin (Sauvé): Oui. J'ajouterais que la nouvelle loi sur la pharmacie de 1973 a mis un terme à la possibilité pour l'Ordre des pharmaciens d'admettre de nouveaux membres à titre d'assistants-pharmaciens. C'est une des raisons pour lesquelles les droits acquis des personnes déjà détentrices de ce titre d'assistant-pharmacien ont été reconnus par l'article 43...

M. Laforest: C'est exact.

M. Morin (Sauvé): ... avec quelques restrictions que vous venez de décrire, effectivement.

Puis-je revenir un instant? Je voudrais que vous me précisiez une chose. Du point de vue de la longueur et du contenu des études, la différence entre le baccalauréat en pharmacie et la licence. Le diplôme terminal, n'est-ce pas, c'est la licence? Quelle est la différence du point de vue de la scolarité, du point de vue de la longueur des études?

M. Laforest: Entre le pharmacien et l'assistant-pharmacien?

M. Morin (Sauvé): Non, entre les deux diplômes, entre le baccalauréat et la licence?

M. Laforest: Le baccalauréat est de quatre ans, qui sont les quatre années universitaires. Et la licence — peut-être que M. Martel pourra me corriger si je me trompe — je crois qu'elle est donnée après un examen de l'Ordre des pharmaciens. Est-ce exact, M. Martel?

M. Martel: Oui. Disons que, dans l'ancien système, c'était quatre années d'université qui se clôturaient par la licence, à la suite d'un examen de l'ordre. Mais, depuis quelque temps, cette licence est donnée automatiquement aussitôt que l'élève a réussi les quatre années d'université.

Cependant, vous avez affirmé tout à l'heure qu'une loi — et j'aimerais savoir laquelle, si c'est celle amendée en 1964 ou celle de 1973 — exigeait, de la part des assistants-pharmaciens, trois années d'études universitaires.

M. Laforest: C'est obligatoirement celle qui a précédé 1973, parce qu'après 1973 il n'y a plus eu d'assistants-pharmaciens. Ce n'est sûrement pas cette loi, c'est la loi de 1964, avant.

M. Martel: N'est-il pas exact aussi de dire qu'il y a des gens qui ont fait trois ans à l'université, mais qui n'ont pas nécessairement réussi les trois années, qui ont fait trois ans en première année ou trois ans en doublant certaines années?

M. Laforest: Oui, c'est aussi exact, M. Martel, mais il est aussi exact que j'ai travaillé avec un pharmacien et, dans son temps, il y avait 50 heures d'études à l'université. Il est encore aujourd'hui au travail. Je pense qu'on ne peut pas amener une telle comparaison. C'est presque faire des personnalités.

M. Martel: Je ne pense pas que ce soit faire des personnalités. Par exemple, lorsque l'Etat se rend compte que, pour protéger le public, on accepte de dépenser environ $100 000 par individu pour le mener à la fin de ses études, à sa licence de pharmacien, je pense que c'est dans le but de protéger le public qu'on dit que, dans le domaine pharmaceutique, on paie les études à l'université, en somme, tout le cheminement jusqu'à l'université et cela coûte à l'Etat $100 000 pour former un pharmacien.

A ce moment-là, il ne faudrait pas non plus, dans une loi, qu'on dise: On peut, sous certaines conditions, élargir ce champ-là. On peut être

moins sévère concernant la protection du public. Il faudrait faire attention, je pense, comme législateur, de ne pas aller en contradiction avec ce que l'on accepte de donner comme formation à celui qui a à protéger le public et aussi avec ces pouvoirs qu'on appelle des clauses grand-père. Je pense qu'il faut être assez spécifique là-dessus. Lorsque vous affirmez que l'on exigeait trois années de scolarité, je ne pense pas que ce soit tout à fait exact, parce que vous admettez vous-même que cela pouvait être trois ans à l'université et trois ans en première année.

On ne peut pas dire que c'est une scolarité qui se compare à celle de la personne qui va obtenir sa licence après avoir, comme condition obligatoire, réussi quatre années d'université. Sinon, on n'émettait pas la licence.

M. Laforest: M. Martel, vous parlez de la protection de la santé du public. Est-ce que le public est moins bien protégé ou mieux protégé si je suis propriétaire ou non?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, si le député de Richelieu veut répondre...

Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous répéter, parce que...

M. Laforest: D'accord. M. Martel, je vous pose la question. Vous avez parlé de la protection de la santé du public, qui est le mandat de l'ordre et qui devient aussi le mandat de tout pharmacien. Est-ce que la santé publique est mieux protégée ou plus mal protégée si je suis pharmacien propriétaire ou pharmacien salarié?

M. Martel: Si vous avez réussi les examens qu'exige la formation d'un pharmacien, je pense que le public est réellement bien protégé.

M. Laforest: Demain matin, je vais travailler. Si je suis seul, est-ce que le public va être moins bien protégé que si j'étais propriétaire?

M. Martel: II reste que, si vous n'avez pas la formation universitaire nécessaire, le public va certainement être moins bien protégé que si vous aviez accompli vos quatre années d'université avec succès.

M. Laforest: M. Martel, dans le moment, la loi me permet de travailler en tant que pharmacien.

M. Martel: Dans le moment, je considère, pour ma part, que la loi a été très généreuse.

M. Laforest: Est-ce que je suis une menace pour la santé publique? C'est ce que vous voulez dire, je suis une menace.

M. Martel: Je vous dis que la loi a été très généreuse. Nommez-moi un seul Etat, un seul pays au monde où on a donné des pouvoirs aussi grands à ceux qui n'avaient pas terminé leurs études. Nommez-moi un seul pays au monde.

M. Laforest: Cela a existé dans d'autres corporations, M. Martel.

M. Martel: Je vous demande de me nommer un seul pays où on reconnaît des droits à ceux qui n'ont pas terminé des études aussi vastes.

M. Laforest: Au Québec. Je vous le nomme, dans ce cas-là, le Québec.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais revenir à une ou deux questions. Je veux être pleinement éclairé sur la nature des études qui conduisaient à ce statut d'assistant-pharmacien.

Pour devenir assistant-pharmacien, fallait-il avoir le baccalauréat?

M. Laforest: Non, monsieur.

M. Morin (Sauvé): Ah bon! J'étais sous l'impression qu'à tout le moins les assistants-pharmaciens avaient obtenu leur baccalauréat.

M. Laforest: Non.

M. Morin (Sauvé): D'après ce que M. Martel a dit, il y a un instant, ce n'est pas tout à fait le cas. Quelles sont les études qu'on trouve chez vos membres? Est-ce que c'est exact qu'il se pourrait que certains de vos membres n'aient couvert que le programme d'une année de pharmacie, par exemple, en la reprenant deux et trois fois?

M. Laforest: C'est fort possible, je ne nie pas. Je vous avoue franchement que je ne le sais pas, parce qu'on n'a pas pu rejoindre tous les membres. La liste des assistants-pharmaciens nous a toujours été refusée à venir jusqu'à deux ou trois mois. Il me serait difficile de vous répondre dans ces cas. Je ne vous dis pas que cela n'existe pas, il faut bien s'entendre. Il est fort possible. Seulement, la loi demandait trois ans de scolarité à la faculté de pharmacie.

M. Morin (Sauvé): Ce que vous nous dites, c'est que dans certains cas, on a considéré que trois ans de scolarité, cela pouvait vouloir dire refaire trois fois sa première année?

M. Martel: Cela n'a jamais existé dans aucune loi.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, j'écoute attentivement le débat qui se déroule depuis quelques minutes. Je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression qu'il porte sur des gestes législatifs posés dans le passé, plutôt que sur ce que nous avons devant les yeux. Car je constate que l'article 43 auquel M. Laforest a fait allusion, et qui ferait l'objet d'une modification en vertu de l'article 29 du projet de loi que nous étudions, cet article 43 de la Loi sur la pharmacie a déjà élargi les cadres de la profession, les cadres de l'ordre professionnel pour y admettre les assistants-pharmaciens.

Mon ami, l'honorable député de Richelieu, a eu raison tout à l'heure, en faisant allusion à cette loi antérieure comme clause grand-père. Nous en avons vu d'autres où un geste législatif a été posé pour régulariser une situation qui n'était pas régulière, selon les exigences de la loi antérieure, selon les exigences de la corporation professionnelle.

Aujourd'hui, en vertu de l'actuel article 43 de la Loi sur la pharmacie, il demeure trois restrictions qui sont: Le droit d'élire, de participer à l'élection des membres du bureau, celui de voter aux assemblées de l'ordre et celui d'être propriétaire d'une pharmacie. Deux sur trois seraient éliminés par l'article 29 du projet de loi no 25. Il ne resterait que l'interdiction d'être propriétaire d'une pharmacie.

M. le Président, il me semble que, si l'on accorde cette reconnaissance aux personnes en question, et si déjà, par les modifications apportées dans le passé à la Loi sur la pharmacie, on a reconnu ces personnes dans une clause grand-père comme étant, pour les fins de l'exercice de leur profession, sur un pied d'égalité avec les pharmaciens détenteurs de baccalauréats et de licences, il me semble justement que la protection du public a déjà fait l'objet de la préoccupation du législateur qui a pris une décision à cet égard. La protection du public, il me semble, passe par la qualité de l'acte professionnel posé tous les jours, quand une personne se présente devant le comptoir du pharmacien avec une ordonnance médicale, ou pour demander un service professionnel directement du pharmacien, ce qui se produit tous les jours et dans toutes les pharmacies du Québec.

Il me semble que le législateur a déjà dit quelque chose, s'est déjà prononcé là-dessus. Le législateur a déjà dit: Le public peut être protégé malgré la formation moindre des assistants-pharmaciens, à cause, sans doute, de leur expérience pratique vécue, et ces personnes pourront, au même titre que les pharmaciens, poser des actes professionnels. Maintenant, on dit: Non seulement ces personnes pourront continuer, en vertu de la clause grand-père, en vertu de leur expérience pratique, vécue, à poser des actes professionnels, à servir directement le public, à être seuls dans une pharmacie et à exercer le jugement professionnel qui est nécessaire, mais ces personnes pourront voter pour le choix des dirigeants de la profession, pourront voter aux assemblées de la profession, mais la seule chose, c'est qu'elles ne pourront être propriétaires. Le propriétaire pourra s'en aller en vacances un mois à Ogunquit ou à Miami et l'assistant-pharmacien pourra, pendant toute cette période de temps, continuer de poser les actes professionnels et d'en assumer la pleine responsabilité.

Il me semble, M. le Président, que nous pourrions poser le dernier geste à l'égard de ces quelque 25 personnes, en vertu des gestes déjà posés. Alors, je reconnais, M. le Président, que je n'ai pas posé une question, mais j'ai voulu exprimer un avis sur la considération fondamentale qui est devant nous.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous acceptez que...

M. Lalonde: Oui, j'ai vu que le député de Richelieu voulait répondre. D'accord.

M. Martel: ... les affirmations de mon bon ami, le député de D'Arcy McGee, je voudrais lui demander s'il tiendrait les mêmes propos s'il s'agissait de sa corporation professionnelle. Est-ce qu'il permettrait à des gens qui n'ont pas fini des études médicales de pratiquer la médecine?

M. Goldbloom: M. le Président, la question est tout à fait juste et tout à fait logique, et c'est en prévision de cette question que j'ai insisté sur le geste posé antérieurement par le législateur. Il me semble que la réponse à cette question, de ma part, en ce qui concerne l'exercice de la médecine, serait non. Je n'accepterais pas que des personnes, qui n'auraient pas une formation complète en médecine, soient admises à l'ordre...

M. Martel: Je vous remercie de votre réponse. M. Lalonde: II n'a pas terminé.

M. Goldbloom: D'accord, mais je n'ai pas terminé, M. le Président. Je constate, cependant, que le législateur—et je ne suis pas prêt, aujourd'hui, à me prononcer sur la sagesse de cette décision antérieure — je constate aujourd'hui que le législateur a déjà tranché cette question et a déjà répondu oui. Peut-être que, si j'avais été appelé à me prononcer à l'époque sur la modification déjà apportée à la Loi sur la pharmacie, j'aurais dit non, je ne suis pas d'accord. C'est fort possible. Mais le législateur s'est déjà prononcé là-dessus, et le législateur a déjà intégré les personnes en question sur un pied d'égalité avec les pharmaciens détenteurs de diplômes, à l'exception de trois droits, et maintenant, deux vont disparaître, si le gouvernement est conséquent avec lui-même et procède à I'adoption du projet de loi no 25. Alors, il ne resterait qu'une seule restriction.

Il me semble que, si mon excellent ami, le député de Richelieu, voulait poursuivre son raisonnement jusqu'au bout de sa logique, au lieu d'appuyer son gouvernement — je ne veux pas être méchant; ce n'est pas du tout mon intention — pour être logique, au lieu d'appuyer son gouvernement qui présente le projet de loi no 25, il devrait plutôt réclamer un recul et une modification en sens inverse de l'article 43 de la Loi sur la pharmacie et dire: C'était une erreur, nous n'aurions pas dû admettre ces personnes à l'exercice de la profession sur un pied d'égalité avec les détenteurs de diplômes.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Marguerite-Bourgeoys.

M. Lalonde: Je ne reprendrai pas les propos qui ont été tenus ici; je vais simplement soulever deux questions. Je pense que nous sommes au

stade où les questions sont posées pour recevoir éventuellement des réponses du gouvernement. La première question c'est comment il se fait qu'aux trois questions répétées de M. Laforest tantôt, le député de Richelieu n'a pas répondu exactement à la question, à savoir si — j'essaie de reprendre les propos —...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'invoque un point de règlement. Le député se comporte comme si, dans cette commission qui a pour but d'entendre les représentants des parties intéressées, c'était les parties intéressées et l'Opposition qui posent les questions. C'est tout le contraire. Nous sommes là pour entendre ces mémoires et je ne sache pas que, à ce stade-ci de la procédure parlementaire, ce soit aux personnes qui comparaissent ou encore à l'Opposition d'interroger le gouvernement.

M. Lalonde: M. le Président, je vais donc faire cela différemment, je vais interroger M. Laforest. N'est-il pas vrai, M. Laforest, qu'à votre question tantôt, que vous avez répétée trois fois, adressée au député de Richelieu, a savoir quelle est la différence, étant donné que vous m'acceptez pour poser des gestes professionnels, quelle est la différence relativement à la protection du public si je suis propriétaire ou simplement un gérant? On vous a répondu, trois fois si ma mémoire est bonne, que la formation est différente et qu'il faut une formation bien faite et tout cela. Mais au fond, c'est cela la question dans votre réclamation. Vous dites: Faites disparaître la troisième restriction. La protection du public ne sera pas diminuée parce que je serai propriétaire de la pharmacie en plus d'être celui qui fait les opérations professionnelles. C'est votre proposition?

M. Laforest: C'est exactement ma question et à laquelle je n'ai pas eu de réponse, et cela impliquait aussi que si on me dit: que le public est moins bien protégé quand tu travailles, alors depuis 1973 l'ordre agit illégalement puisqu'il ne remplit pas son mandat qui est la protection de la santé publique.

M. Lalonde: M. le Président...

M. Martel: ... la réponse, vous m'avez posé la question par l'entremise de notre témoin...

M. Lalonde: Oui, mais votre propre collègue m'empêchait de vous la poser!

M. Martel: Je vais y répondre.

Le Président (M. Marcoux): Dans l'ordre, le député de Marguerite-Bourgeoys, le député de Gaspé, le député de Terrebonne et le député de Richelieu.

M. Lalonde: Je comprends que le président vous invite à répondre quand vous aurez droit de parole.

Il m'apparaît donc qu'il s'agit de savoir si la protection du public exige que l'assistant-pharma-cien à qui on a donné un statut particulier, un statut temporaire, une clause grand-père, est-ce que le public serait quand même bien protégé s'il pouvait devenir propriétaire d'une pharmacie, étant donné qu'il est déjà admis à poser des actes de pharmacien? N'est-on pas là justement devant une situation de protectionnisme qui m'apparaît peu acceptable — ce n'est pas le gouvernement actuel que j'accuse, sa décision n'est pas prise là-dessus — on est passé d'une situation différente, on a fait une clause grand-père en 1973, on a mis trois restrictions qui en faisaient des citoyens un peu de seconde classe, mais quand même, on a tenté de régler le problème de cette façon. Je ne pose pas de jugement. Mais en acceptant d'éliminer les deux restrictions, à savoir la participation à l'élection des membres du bureau et au droit de vote aux assemblées de l'ordre, et en ne maintenant que celle de propriétaire de la pharmacie, il m'apparaît que le gouvernement participerait à une proposition ou une opération de protectionnisme, de propriété strictement, dont la qualité laisse à désirer.

C'est la seule question que je veux poser actuellement, parce que je pense que c'est cela. Ou si ce n'est pas cela, j'aimerais avoir la réponse du gouvernement. Qu'est-ce qui fait que le public serait moins bien protégé si M. X — et je présume qu'il faut prendre l'exemple de M. Laforest, qui représente ce groupe, qui est un assistant-pharmacien qui est devenu pharmacien à part presque entière, moins trois et là ce sera moins un, que le public serait moins bien protégé si M. Laforest était propriétaire de la pharmacie où il exerce annuellement — je n'ai aucune idée où il exerce actuellement sa profession —. Est-ce que, au contraire ce n'est pas celui qui travaille dans la pharmacie qui protège le public? Là, ce que — ce n'est pas du tout... J'ai quelques amis pharmaciens dans la salle — je ne veux pas refléter ni faire une caricature, le propriétaire de la pharmacie, lorsqu'il est en vacances ou lorsqu'il est chez lui; il doit s'arranger pour que le public soit protégé — d'ailleurs les règlements et la loi le prévoient — donc il faut que le service au public soit fait conformément à la loi. Donc, pour la propriété même, s'il y a une question ou des éléments que j'oublie, j'aimerais les savoir.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, est-ce que je peux poser une question aux membres de l'Opposition?

Si je comprends bien, ils estiment que le public serait mieux protégé si nous maintenions les trois exceptions. Si tel est le cas, je suis prêt à prendre cela en considération et à laisser la loi telle quelle.

M. Lalonde: Non, M. le Président, là je pense que le ministre veut finasser. On n'est pas au bridge ici!

M. Morin (Sauvé): Non, je suis votre raisonnement et je me demande... Je pense que peut-être nous sommes trop ouverts effectivement.

M. Lalonde: Non, nous avons dit que l'évolution de la situation, la correction de la situation a fait que les législateurs précédents ont cru bon de considérer l'assistant-pharmacien comme un pharmacien à part entière, sauf l'exercice de trois droits. Celui de devenir propriétaire d'une pharmacie et j'ai nommé les autres. Il semble que... Est-ce à l'initiative de l'Office des professions? Je l'ignore.

Il y a un peu plus d'un an que ce gouvernement est en fonction, il a dû recevoir des recommandations, il n'a pas inscrit cette demande... Elle ne lui est pas tombée du ciel. Alors est-ce que ces recommandations doivent être appuyées sur des faits, des raisonnements quelconques? Le ministre pourra répondre à cette question. Quelles sont les recommandations qui lui ont été apportées. Quant à moi je suis totalement d'accord pour supprimer ces deux restrictions qui semblent un peu... A part ça, on parle de combien de personnes, M. Lafo-rest?

M. Laforest: Exactement 64.

M. Lalonde: De 64 sur combien de membres de l'ordre?

M. Laforest: L'ordre doit comporter environ 3000 membres.

M. Lalonde: Donc, l'avenir de l'ordre et l'exercice de la démocratie dans l'ordre ne seraient sûrement pas brimés par votre participation au vote. Alors, là-dessus, c'est sûr, c'est réglé, les pharmaciens sont tranquilles, les assistants-pharmaciens ne prendront pas le pouvoir.

M. Martel: Est-ce que je pourrais poser une question?

M. Lalonde: Là-dessus, je pense qu'on peut les enlever, il s'agit de propriétaires quoi!

M. Martel: Dans votre corporation, combien avez-vous de membres?

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richelieu, vous devez demander la parole au président avant de...

M. Martel: M. le Président, vous permettez que je pose une question à une affirmation du député de Marguerite-Bourgeoys?

M. Lalonde: Moi, je le permets, M. le Président, si vous le permettez.

Le Président (M. Marcoux): Vous le permettez, mais c'est que le temps réservé au Parti libéral est maintenant complété et que, si vous engagez une question, ça risque de le prolonger davantage. S'il reste du temps aux membres de la commission, tantôt, s'ils décident de prolonger, on pourra y revenir.

La parole est au député de Gaspé.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. La question qui nous préoccupe, ce matin, ressemble étrangement au débat que nous avons eu, mercredi, entre les médecins et les acupuncteurs. Le débat de fond est certainement une question de corporatisme.

Je voudrais m'adresser à M. Laforest; le problème a sans doute été réglé depuis 1973. Vous êtes reconnus, vous n'êtes pas tellement nombreux et je me demande si, dans le passé, il n'est pas déjà arrivé que certains de vos membres n'aient pas été présidents de l'Ordre des pharmaciens. C'est un point d'interrogation, je n'ai pas de réponse à ça. Si on parle de la protection du public, j'aimerais savoir s'il y a eu des plaintes, peut-être dans le passé, du côté de l'Ordre des pharmaciens. Je comprends que c'est un problème de régie interne quand on regarde le projet de loi, ce matin, et il y a le dernier point que vous aimeriez devenir propriétaires. Comme le député de Marguerite-Bourgeoys vient de l'expliquer. Y a-t-il eu des plaintes au sujet de la protection du public, dans le passé, concernant les membres de votre ordre et qu'est-ce que vous entrevoyez pour I'avenir, par exemple, si vous obtenez vos droits?

M. Laforest: Jamais l'inspecteur professionnel, qui passe régulièrement et qui fait très bien son travail de l'Ordre des pharmaciens, n'a eu de reproches à faire à des assistants-pharmaciens puisque s'il y en avait eu, à ce moment-là il aurait été obligé soit de lui demander de se recycler ou de suspendre son permis d'exercice. On n'en a pas encore eu jusqu'à maintenant qui ont été pris dans un tel cas.

M. Le Moignan: S'il n'y en a pas eu chez vous, la chose est fort possible, certains pharmaciens peut-être se sont fait rappeler à l'Ordre, certaines plaintes ont été formulées contre certains pharmaciens, avec tout le respect que je dois au député de Richelieu.

M. Martel: Je pourrais demander au député de Gaspé: Qui n'a pas commis de péchés, n'est-ce pas M. le curé?

Le Président (M. Marcoux): Le dialogue doit se faire d'abord entre nos invités et les députés plutôt qu'entre les députés eux-mêmes. J'invite à nouveau le député de Gaspé à continuer son dialogue avec nos invités.

M. Le Moignan: Les autres questions que j'avais ont déjà été formulées antérieurement.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Terrebonne.

M. Fallu: M. le Président, M. Laforest, vous nous avez dit tantôt, entre autres, que même si vous payez depuis toujours votre cotisation en vertu de l'article 14 de la loi de 1964, chapitre 255, vous n'aviez toujours pas en main, enfin c'était depuis quelques mois à peine que vous aviez en

main la liste des assistants-pharmaciens, ce qui vous avait empêché d'ailleurs, jusqu'à un certain point, de faire un travail préalable de sondage pour connaître entre autres l'état réel des études ou de la pratique de vos membres, ou des membres assistants-pharmaciens de l'ordre. Est-ce que vous me permettriez de vous faire subir un petit examen, très gentil d'ailleurs, en vertu de l'article 8, chapitre 255, Elizabeth II? Vous avez quatre années d'études.

M. Laforest: Non.

M. Fallu: Vous en avez fait combien?

M. Laforest: Trois.

M. Fallu: Qui se sont échelonnées sur quatre ans ou l'équivalent?

M. Laforest: Sur trois ans.

M. Fallu: Vous avez suivi des cours de science médico-pharmacologique?

M. Laforest: C'est exact.

M. Fallu: Physico-chimique.

M. Laforest: Oui.

M. Fallu: Et de pharmacie pratique.

M. Laforest: Oui.

M. Fallu: Vous avez également fait des travaux pratiques de pharmacie et de chimie analytique?

M. Laforest: Oui, en laboratoire, à l'université.

M. Fallu: Vous avez également suivi une année au moins de botanique?

M. Laforest: Oui. C'est loin, parce que...

M. Fallu: Vous avez également, selon la prescription de l'article 8, subi avec succès sur toutes ces matières les examens du baccalauréat.

M. Laforest: Non, pas du baccalauréat.

M. Fallu: II est dit baccalauréat, j'imagine les examens formels imposés à l'université.

M. Laforest: De l'Ordre des pharmaciens. De l'ordre, non pas de l'université.

M. Fallu: De l'ordre. Vous les avez subis avec succès.

M. Laforest: Oui.

M. Fallu: Vous avez également payé votre cotisation, j'imagine également en vertu de l'article 14.

M. Laforest: Hélas.

M. Lalonde: Cela va bien chez vous à part cela?

M. Laforest: II y a le petit qui tousse un peu, mais...

M. Lalonde: Vous transmettrez mes hommages.

Une Voix: A madame?

M. Lalonde: A tout le monde.

M. Fallu: Je voulais par là illustrer, M. Laforest, justement un peu quand même... Ce n'est pas pour prendre contrepartie contre mon collègue, le député de Richelieu. C'est pour illustrer tout simplement ceci que quand même, il y a, puisqu'on n'a pas l'expertise totale, une certaine expertise qu'on fait ici ce matin. Il y a quand même un fond de sérieux dans la préparation que vous avez subie.

A la limite, vous avez également affirmé que chez les anciens pharmaciens — j'allais dire, peut-être en faisant un mauvais jeu de mots — que si pour votre part vous êtes reconnu en fonction d'une clause grand-père, il y en a sans doute des grands-pères qui font partie de l'Ordre des pharmaciens et qui, à ce compte-là, étaient régis même par des lois antérieures à celles de 1941, à savoir que ces gens-là, sans doute si on leur faisait subir un examen de même nature que celui que je viens de vous faire subir, qu'ils ne se classifieraient probablement pas en trois années avec un examen de baccalauréat, avec l'ensemble des matières sur lesquelles vous avez dû vous-même vous pencher.

Je pense que le contre-interrogatoire est terminé, je vous remercie.

M. Laforest: Je vous remercie du contre-interrogatoire, parce que justement, vous replacez le sujet exactement comme il a déjà été replacé. C'est que ça ne se situe pas au niveau des études, ça ne se situe pas non plus au niveau des années de scolarité, et ça se situe avec la loi actuelle qu'on a dans les mains. Il faut vivre avec cette loi qui nous a permis de travailler, donc elle nous a reconnus habiles à remplir cette fonction. Le débat ne se situe pas du tout sur la scolarité. Je vous remercie de l'avoir souligné.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Richelieu.

M. Martel: Pour répondre à la question qui m'a été posée par M. Laforest et aussi par le député de Marguerite-Bourgeoys, je pense que l'élémentaire logique fait qu'un bonhomme qui a passé quatre ans à l'université à étudier différentes sciences, à approfondir ses connaissances dans le domaine de la pharmacologie et qui a réussi ses examens, est beaucoup plus en mesure de protéger le public que celui qui a passé trois

ans à l'université, parfois trois ans dans la même année, et qui n'a pas réussi ses examens. L'élémentaire bon sens confirme ça.

Egalement, je ne comprends pas très bien, je sais que vous êtes dans l'Opposition, mais tout de même, il faut conserver une certaine logique. Le député de D'Arcy McGee, il l'a affirmé, et le député de Marguerite-Bourgeoys, par son comportement et ses agissements, disent ce qui n'est pas bon pour notre profession au Barreau, soit de ne pas avoir de personnes qui n'ont pas la formation juridique pour siéger au Barreau et de choisir des membres du Barreau pour siéger au conseil de l'ordre. Le député de D'Arcy McGee admet lui aussi qu'il ne serait pas logique, et ça n'existe pas présentement, d'avoir des membres qui ont à choisir des administrateurs à leur ordre qui ne soient pas médecins. Je ne comprends pas que ce qui n'est pas bon pour eux dans leur profession respective le soit pour les autres professions.

M. Lalonde: M. le Président, du consentement que je réponde quand même très brièvement...

Le Président (M. Marcoux): Très brièvement, disons que vous faites une clarification, trente secondes vont peut-être nous sauver...

M. Lalonde: Je n'ai jamais affirmé...

Le Président (M. Marcoux): ... une seconde, une seconde. Trente secondes qui vont peut-être nous sauver plusieurs minutes. J'ai été très large dans toutes les discussions. Le sujet était très défini, mais des sujets définis suscitent des questions plus larges. Je voudrais quand même que les réponses soient brèves pour céder la parole, en terminant, au ministre.

M. Lalonde: Très brièvement, je pense, je crois encore, on me corrigera si je fais erreur, que les assistants-pharmaciens, de par la loi, récemment, sont considérés comme des pharmaciens. A ce moment-là, si des assistants-avocats ou autres sortes de monde étaient, par la loi, considérés comme membres du Barreau, je crois qu'ils devraient avoir les droits de tous les membres.

Deuxièmement, je pense que la proposition que le député de Richelieu vient de faire à l'effet que plusieurs années d'étude et une bonne formation sont nécessaires pour assurer la protection du public, d'accord. Mais s'il veut aller un peu plus loin, il verra l'illogisme, soit que ceci n'est pas nécessaire pour être propriétaire de pharmacie.

Le Président (M. Marcoux): M. le...

M. Goldbloom: M. le Président, j'invoque le règlement pour rétablir les faits. Le règlement me permet de le faire.

Le Président (M. Marcoux): Le règlement vous permet de rétablir les faits.

M. Goldbloom: Oui. Le député de Richelieu a mal interprété ce que j'ai dit. Il y a eu effective- ment, dans la profession médicale, un geste similaire qui a été posé et cela, à plusieurs endroits en Amérique du Nord, dans plusieurs Etats américains et dans des provinces canadiennes aussi, je pense, les ostéopathes ont été intégrés à la profession médicale. Une fois ces personnes intégrées, en vertu d'une loi, je n'ai plus le droit de mettre en doute leur compétence et leur participation aux activités de la profession. C'est dans ce sens que j'aurais répondu au ministre quand il a posé la question, je trouve que nous sommes rendus au point où la protection du public n'est plus en jeu, n'est plus en question.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez rétabli les faits, je pense que ça doit s'arrêter là...

M. Goldbloom: Merci, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Gaspé, rapidement, n'a pas complété son temps. M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Si la preuve de leur compétence semble être acquise pour tout le monde, et si l'ordre est là pour surveiller les gestes, et si leur nombre est limité à 64 seulement sur une profession qui groupe déjà plus de 3000 membres, il me semble qu'il n'y a pas tellement de problèmes à accepter des revendications que ces membres du renouveau pharmaceutique viennent nous faire ce matin, d'autant plus qu'on nous donne toutes les certitudes que le bien public est protégé, qu'il n'y en aura pas tellement d'autres qui vont s'ajouter, à l'avenir, au sein de ce renouveau.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense qu'il serait logique que nous passions maintenant aux autres mémoires, afin de nous éclairer davantage sur ce problème. J'avoue qu'au point où j'en suis, et sans préjuger de l'opinion que je pourrai me faire à la suite de l'audition des autres mémoires, l'argumentation des députés de Marguerite-Bourgeoys et de D'Arcy McGee m'a presque convaincu que nous devrions retirer l'amendement. Je crois que le raisonnement du député de D'Arcy McGee, en particulier, qui disait que peut-être devrions-nous non pas ouvrir, mais au contraire, tendre à fermer, étant donné les circonstances, c'est un raisonnement qui mérite considération, en tout cas, qui mérite réflexion.

Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Laforest de la présentation de son mémoire. J'inviterais maintenant l'Ordre des pharmaciens du Québec à venir nous présenter son mémoire.

Ordre des pharmaciens du Québec

M. Descary (Guy): Bonjour messieurs. Mon nom est Guy Descary, vice-président de l'Ordre des pharmaciens. Je suis accompagné de M. Shara, qui est le trésorier de l'ordre, et de Mme Truesdell qui est notre avocate.

On a parlé de beaucoup de choses ce matin. On a parlé, par exemple, de la protection du pu-

blic. On semble penser—et je ne voudrais pas insulter cette honorable enceinte — que la protection du public part d'ici. Mais il faudrait quand même se rappeler...

Le Président (M. Marcoux): Veuillez m'excu-ser. J'aimerais préciser une chose. Avant de commenter ce qui s'est passé ici ce matin depuis le début, je vous inviterais plutôt à présenter l'essentiel de votre mémoire, pour qu'ensuite la discussion s'engage entre les membres de la commission et vous-même.

M. Descary: C'est ce à quoi je viens, monsieur. Mais je ne le lirai pas. Je vais commenter le mémoire. C'était pour vous dire que le gouvernement, le législateur, dans sa sagesse, a pensé que c'était à l'ordre de voir à ce que la protection du public se fasse. Or, c'est justement ce que l'ordre a fait il y a déjà quelques années. J'aimerais vous rappeler comment c'est arrivé que cette clause grand-père s'applique. C'est bien sûr, à l'intérieur de la loi, cela pouvait s'appliquer. On applique la loi telle que le législateur nous la donne.

Je voudrais faire remarquer que cela a changé constamment; des gouvernements ont fait que ces lois étaient là et qu'avant vous, c'étaient d'autres gouvernements qui ont appliqué aussi ces lois et qui nous ont donné, par exemple, la dernière loi sur la pharmacie.

Il y a déjà une dizaine d'années, pour régulariser une situation qu'on trouvait anormale, pour permettre à des gens qui travaillaient en pharmacie, sans titre et sans protection, et sans avenir, de pouvoir au moins se trouver un nid quelque part et se préparer un avenir qui était convenable, on a convenu avec eux qu'on leur trouverait, avec cette clause, une place en pharmacie.

Il y avait des assistants-pharmaciens. On a parlé tantôt qu'il y a même eu un assistant-pharmacien qui a été président. Bien sûr, il avait terminé ses quatre années de pharmacie, sauf qu'au lieu d'aller à ses examens, il est allé à la licence. Cela a été une année tout à fait particulière. C'était entre deux lois, dans des changements de lois. Mais ce n'est pas vraiment le même cas.

On a accepté, à ce moment-là, selon la loi, que 70 pharmaciens, assistants-pharmaciens, se présentent et deviennent assistants-pharmaciens. C'étaient des gars qui étaient allés avec nous à l'université. Pierre Laforest, c'est un de mes confrères de classe. On était ensemble en première et en deuxième année.

Il y a une chose qui est claire et qu'on dit aussi dans notre mémoire, c'est que c'était trois années d'inscription à l'université; ce n'était pas trois années d'étude. Il y a eu, à ce moment-là, chez-nous, à l'ordre, un débat avec nos avocats pour savoir ce que cela voulait dire "inscription". Il y avait sûrement l'intention du législateur. Je me souviens fort bien de ma position, parce qu'il y a déjà longtemps que je suis à l'ordre.

A ce moment-là, je voulais que trois années soient trois années consécutives d'étude. Les avocats nous ont dit que ce n'était pas cela, que trois années d'inscription, cela pouvait vouloir dire trois années d'inscription sans une seule heure de cours. C'est comme cela que la loi s'appliquait.

Je vous dirai que très peu de ces candidats avaient plus que deux années de cours. Il y en a qui avaient deux années de cours. La plupart avait moins d'un an de cours. Mais, il y en a quatre parmi ceux-là qui mériteraient peut-être une considération tout à fait particulière, parce qu'il y a quatre bacheliers. Il y a quatre assistants, aujourd'hui, qui ont leur baccalauréat en pharmacie. Ceux-là, je suis d'accord avec vous, méritent une attention toute particulière et peut-être qu'avec eux, on pourrait avoir une clause spéciale.

L'ordre s'oppose à toute modification à la présente loi, pour ce qui a trait aux assistants-pharmaciens. On trouve même un peu drôle que le gouvernement mette ceci en priorité en sachant fort bien les problèmes majeurs auxquels feront face les pharmaciens ou fait face la pharmacie au Québec. La pharmacie au Québec, c'est une pharmacie d'artisans. Bien sûr, on a mis tantôt en doute à savoir si on devait nécessairement être pharmacien pour être propriétaire. C'est une pharmacie d'artisans québécois, la pharmacie. Cela appartient aux Québécois. C'est une place où le Québécois a trouvé son nid. Il l'a bien fait. On sert bien la population. On la sert bien et on la sert mal aussi, à la fois, parce qu'on est presque le plus grand consommateur de médicaments au monde, nous dit-on. On permet, en priorité, de discuter ce qu'on pense ne pas être tellement prioritaire, parce que ces hommes, on les a, entrés chez nous il y a déjà quelques années, et on leur a préparé un avenir.

J'étais de ceux qui disaient: II faut qu'on prépare, qu'on change l'avenir de ces gens, parce qu'ils n'avaient aucun avenir en pharmacie. Ils en ont maintenant et ils peuvent gagner leur vie décemment. Ils sont bien payés.

Par exemple, on permet de continuer l'utilisation du médicament et de devenir les plus grands utilisateurs du médicament avec toute cette publicité qui entoure le médicament. On permet tout cela. On permet aussi que les médicaments brevetés se vendent partout. On permet une surconsommation, avec les lois telles qu'elles sont faites, et on ne trouve pas que c'est prioritaire.

Dans cet esprit, chez nous, à l'ordre, on se pose des questions sérieuses à savoir si on veut vraiment d'une pharmacie qui va être à la disposition des gens pour une meilleure santé publique, ou bien si on est ici à faire des lois pour promouvoir la vente du médicament comme la vente des souliers. On dit que le médicament, c'est un aspect tout à fait particulier du développement de la société moderne et que, de plus en plus, cela devient une béquille de la société plutôt qu'un instrument de guérison. Il faut absolument que, dans cet esprit, on considère que la compétence du pharmacien doit être très grande, de plus en plus grande, mais aussi que la compétence des administrateurs qui vont regarder ces lois et qui vont faire en sorte que les lois reflètent la volonté du type de société dans laquelle on veut vivre.

Je vous remercie, messieurs. Maintenant, on pourrait peut-être passer aux questions.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Vous avez mentionné les cas de quatre personnes détentrices du baccalauréat, qui sont assistants-pharmaciens et dont vous dites qu'elles mériteraient qu'on se penche sur leur cas.

M. Descary: C'est exact.

M. Morin (Sauvé): Seriez-vous prêt, le cas échéant, puisque je pense que l'ordre en a le pouvoir, à faire un règlement d'équivalence qui autoriserait ces quatre bacheliers à se présenter aux examens de l'ordre, ce qui permettrait sans doute de régler leur cas. Ou est-ce qu'il y a là une difficulté que je n'appréhende point?

M. Descary: On pense qu'il serait peut-être plus facile que le législateur le fasse dans sa loi.

M. Morin (Sauvé): C'est-à-dire que vous les dispenseriez d'examens?

M. Descary: C'est exact, parce qu'ils ont déjà leur baccalauréat en pharmacie.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais là, vous entraînez le législateur à faire des cas particuliers. Est-ce que l'ordre n'est pas placé pour régler cette question? Si je peux faire règlement d'équivalence...

M. Descary: Je n'ai pas posé la question.

M. Morin (Sauvé): ... vous avez le droit de faire un tel règlement.

M. Descary: C'est exact. Je n'ai pas posé la question, mais il se pourrait fort bien qu'on puisse le faire et si on le décidait...

M. Morin (Sauvé): Pourquoi ne lavez-vous pas fait, puisque vous estimez que ces quatre cas méritent considération?

M. Descary: Sur ces quatre cas, je ne peux pas vous répondre. On pourrait peut-être envoyer une réponse autrement, mais je n'ai pas la réponse, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Ecoutez, plutôt que de demander aux législateurs d'intervenir dans des cas que vous semblez ne pas posséder pleinement, il serait peut-être bon que votre ordre se penche sur ces quatre cas. Il serait peut-être bon que vous fassiez le règlement d'équivalence qui autoriserait sans avoir à intervenir législativement ces quatre personnes à passer les examens et à devenir pharmaciens de plein droit. Y a-t-il des objections à ce que vous procédiez de la sorte?

M. Descary: Je vais demander à Mme Trues-dell de répondre, M. le ministre.

Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous vous identifier à nouveau aux fins du journal des Débats?

Mme Truesdell (Christine): Très bien. Christine Truesdell, avocat de l'Ordre des pharmaciens. En ce qui concerne le règlement auquel M. le ministre fait allusion, il s'agirait d'un règlement d'équivalence de formation, si je comprends bien. Or, il devient évident que cette notion d'équivalence de formation est tout à fait nouvelle dans le cadre des professions. Pour sa part, l'Ordre des pharmaciens en a entendu parler pour la première fois il y a quelques mois seulement. Il va sans dire que cette notion nouvelle de règlement d'équivalence de formation ne saurait s'appliquer à quatre personnes, à quatre individus, dont, d'ailleurs, l'Ordre des pharmaciens n'a pas présentement les noms. Je soumets humblement que l'Ordre des pharmaciens ne saurait faire un règlement pour quatre personnes seulement. Le règlement dont il s'agit serait un règlement qui s'appliquerait à diverses classes de personnes et permettrait en quelque sorte à diverses personnes qui n'ont pas une formation scolaire adéquate de compenser ce manque de formation scolaire par une expérience qui pourrait varier, selon la teneur du règlement. Autrement dit, le règlement d'équivalence de formation auquel M. le ministre fait allusion serait un règlement qui permettrait par exemple à un commis en pharmacie ou qui pourrait permettre à un commis en pharmacie qui n'a pas d'études universitaires ou qui a un minimum d'études universitaires, par exemple six mois ou un an d'études en pharmacie, moyennant une expérience pertinente de travail de dix ans ou de quinze ans, d'obtenir un plein statut professionnel.

L'Ordre des pharmaciens, avant de s'engager dans une telle voie, doit réfléchir très sérieusement aux conséquences que pourrait entraîner un tel règlement sur la société, toujours dans l'optique de la protection du public. C'est pour cette raison que l'Ordre des pharmaciens est présentement à l'état de réflexion et que le règlement auquel le ministre fait allusion n'a pas été mis en chantier, si vous voulez. D'ailleurs, je pourrais souligner à cette commission qu'un tel règlement n'existe chez aucune corporation professionnelle, à l'heure actuelle. C'est une notion tout à fait nouvelle.

Je pense que si M. Descary a mentionné tantôt le cas des quatre bacheliers en pharmacie, c'était strictement parce que ces personnes feraient partie, semble-t-il, du groupe qui a rédigé le mémoire du Renouveau pharmaceutique, ou sont des gens qui ont certainement le statut d'assistant-pharmacien. Pour les autres, l'Ordre des pharmaciens estime qu'il y a vraiment un manque de formation scolaire, comme il est évident par l'ancienne loi qu'une personne a pu être inscrite à l'université pendant trois ans, mais n'a fait que six mois d'université ou n'a même pas pu peut-être assister à un seul cours en pharmacie. A ce moment, c'est un problème... Ce qui arrive, c'est que le Renouveau pharmaceutique groupe des individus qui ont une formation scolaire bien

différente. Il y en a qui n'ont pratiquement aucune scolarité universitaire en pharmacie, et il y en a qui peuvent avoir jusqu'à deux ans de formation scolaire à l'université en pharmacie. C'est pour cette raison que M. Descary attirait l'attention de la commission sur ces quatre cas potentiels, pour ne pas créer d'injustice.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il faudra peut-être que le conseiller juridique de l'ordre se mette en contact avec l'Office des professions. On pourra lui communiquer quelques règlements d'équivalence qui ont déjà été adoptés par certaines professions, en application de l'article 92.

Cet article 92 prévoit que le bureau de la corporation peut, par règlement — c'est l'alinéa g), je pense que le conseiller juridique le connait très bien — fixer des normes permettant de connaître, aux fins de la délivrance d'un permis ou d'un certificat de spécialiste, l'équivalence de la formation d'une personne qui ne détient pas un diplôme autrement requis à ces fins. J'aimerais donc vous demander si, vraiment, vous vous sentez totalement impuissants à régler des cas d'équivalence, les cas des quatre bacheliers dont on parlait tout à l'heure.

Vous comprendrez bien que si vous plaidez qu'on ne saurait régler quatre cas particuliers par règlement, nous allons en tirer la conclusion qu'a fortiori on ne peut pas régler quatre cas particuliers par la voie de la législation. Il appartient à l'ordre de régler de tels problèmes.

Mme Truesdell: C'est peut-être le cas, M. le ministre, sauf que, comme je l'ai mentionné tantôt, le règlement sur l'équivalence de formation est une notion nouvelle et qu'il n'est pas exclu que l'Ordre des pharmaciens se penche sur la question, sauf qu'aujourd'hui...

M. Morin (Sauvé): Bon!

Mme Truesdell: ... je pense que le cas qui est discuté, c'est le cas global des assistants-pharmaciens, peu importe leur formation, qui est tout à fait diversifiée selon les cas.

M. Morin (Sauvé): Mais c'est fort bien. Je suis tout à fait d'accord qu'aujourd'hui, effectivement, c'est l'article 43 que nous examinons. Seulement, vous aviez soulevé le cas de ces quatre bacheliers, cas qui m'ont paru...

M. Descary: En toute justice, M. le ministre, pour ces gens...

M. Morin (Sauvé): ... suffisamment importants pour que nous débattions de la chose, et je pense que l'ordre a les pouvoirs requis pour régler ces quatre cas. Il ne faudrait pas qu'on vienne demander au législateur d'intervenir de cette façon dans les affaires de l'ordre.

Je suis tout à fait disposé, M. le Président, à revenir à l'article 43, maintenant qu'on nous dit que l'ordre va se pencher sur ces questions de règlements d'équivalence.

M. Descary: Je voudrais, pour la bonne marche de cette période de questions, qu'on essaie de déterminer le type d'assistants-pharmaciens qu'on avait selon l'ancienne loi.

Il y avait les assistants-pharmaciens qui détenaient un baccalauréat en pharmacie, mais qui n'avaient jamais passé l'examen de la licence. Ils devenaient automatiquement assistants-pharmaciens. Il y a eu aussi les assistants-pharmaciens qui ont été acceptés à la suite d'examens comme ceux dont on parle ici avec des prévisions dans la loi, et il y avait ceux qui avaient été inscrits avant 1945, mais, il en reste très peu, qui, eux aussi, avaient subi — ça, c'est un peu vieux dans mon esprit...

M. Morin (Sauvé): Un examen, je crois?

M. Descary: Non, je pense qu'eux aussi étaient des bacheliers en pharmacie, mais qui n'avaient jamais obtenu leur licence.

M. Morin (Sauvé): Je ne crois pas que ce soit le cas.

M. Descary: Une clause grand-père, de toute façon, qui datait de la loi de 1945, et il n'en reste pas beaucoup.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais, pour préciser la chose, ceux qui étaient inscrits comme étudiants avant le 1er septembre 1945...

M. Descary: Avant 1945.

M. Morin (Sauvé): ... avaient subi un examen.

M. Descary: C'est ça.

M. Morin (Sauvé): Bon!

M. Descary: Oui.

M. Morin (Sauvé): C'est bien.

M. Descary: Cela fait la distinction et c'est là qu'on retrouve quatre assitants-pharmaciens bacheliers.

M. Morin (Sauvé): Votre attitude sur l'article 43, si j'ai bien compris, c'est que vous vous opposez à la suppression de deux des trois conditions et vous venez nous dire, en somme, que vous êtes en faveur du maintien des trois conditions...

M. Descary: C'est exact.

M. Morin (Sauvé): ... des trois exceptions, dis-je, pour être plus précis, qui existent à l'heure actuelle dans la loi et qui avaient été préparées à l'époque de l'ancien gouvernement.

M. Descary: C'est exact.

M. Morin (Sauvé): Je vous remercie.

M. Descary: Je ne sais pas...

M. Lalonde: Bon! Ecoutez! Avez-vous quelque chose à ajouter, parce que je vais enchaîner et vous demander pourquoi vous êtes contre la suppression de ces trois conditions, des deux, en fait, qui sont inscrites dans le projet de loi no 25, et dans quelle mesure le maintien de ces restrictions de voter aux assemblées, de voter pour le membre du bureau, vous apparaît comme indispensable pour la bonne protection de la santé publique?

M. Descary: J'ai tâché tantôt de dire comment cela était arrivé, comment, en toute bonne foi, les administrateurs de l'ordre s'étaient penchés sur le cas d'individus à qui ils reconnaissaient une certaine compétence, sans quoi ils n'auraient jamais été acceptés au titre d'assistant-pharmacien. Il ne faut pas s'enfarger dans les mots. On leur a reconnu une certaine compétence et on les a acceptés à ce titre, parce qu'ils savaient des choses en pharmacie, qu'ils n'avaient pas d'avenir chez nous et qu'ils ne pouvaient travailler sans constamment être sous la surveillance de personnes.

C'est devenu un peu pour nous un acte humanitaire à poser, et il fallait le poser. Il fallait aussi régler certains problèmes qu'on avait en pharmacie quand on a décidé, en 1968, que les lois sur la pharmacie s'appliqueraient de façon intégrale. J'ai entendu tantôt un reproche adressé à un pharmacien qui siège ici et, vous savez, je trouve qu'il ne faut pas se laisser aller à ces mesquineries. S'il n'y a pas d'action posée contre des assistants-pharmaciens, c'est qu'ils n'ont pas la responsabilité. C'est bien important. Il ne faut pas mêler les choses. On ne peut pas porter d'accusation contre un assistant-pharmacien, parce qu'il n'est pas propriétaire de pharmacie. On pourrait porter des accusations contre son geste, mais le propriétaire d'une pharmacie est responsable des gestes de tout le monde à l'intérieur de sa pharmacie.

M. Lalonde: C'est faux.

M. Descary: II est responsable des gestes de ceux qui sont dans sa pharmacie.

M. Lalonde: D'après vous, est-ce que la loi, les règlements...

M. Descary: Quant à l'article 31, pour l'application de la Loi de pharmacie.

M. Lalonde: Alors, pour le cas de propriétaire, vous prétendez que...

M. Descary: Ou le gérant.

M. Lalonde: La qualité de propriétaire est importante dans la protection du public? Est-ce parce que l'assistant-pharmacien, même membre de l'ordre, doit travailler sous la surveillance d'un propriétaire?

M. Descary: C'est que la finalité des choses dans une profession, et vous savez ce que c'est, la finalité des décisions appartient non pas au propriétaire, mais au pharmacien diplômé qui travaille ou pratique en fonction d'un privilège que lui ont acquis ses études. Je pense que c'est bien important.

M. Lalonde: Oui, mais, M. Descary...

M. Descary: Et la responsabilité professionnelle appartient au pharmacien en charge. A l'article 31 de la Loi de pharmacie, je ne sais pas si vous l'avez...

M. Lalonde: Est-ce que la loi permet actuellement à l'assistant-pharmacien d'exercer toutes les fonctions d'un pharmacien dans la pharmacie, dans les services au public?

M. Descary: Non, il n'y a pas plus de privilèges que sous l'ancienne loi. Les mêmes privilèges ont été transportés. Ce sont exactement les mêmes privilèges.

M. Lalonde: Quels sont les actes que l'assistant-pharmacien ne peut pas poser?

M. Descary: Un de ceux-là, c'est d'être gérant d'une succession, parce qu'à ce moment-là il devient celui qui a la finalité de la responsabilité et cela n'a pas été reconnu dans la loi.

M. Lalonde: Je parle d'actes professionnels. Je ne parle pas de fonctions.

M. Descary: II peut poser les actes professionnels à l'intérieur de la pharmacie.

M. Lalonde: C'est cela qui me... Sans la surveillance d'un autre pharmacien?

M. Descary: Sans la surveillance d'un autre pharmacien, mais il travaille pour un autre pharmacien, voyez-vous? La responsabilité finale appartient quand même à celui pour qui il travaille.

M. Lalonde: J'aimerais simplement ajouter à votre commentaire, à propos du choix des priorités du gouvernement, on nous propose qu'ici, le projet de loi 25, qui a été déposé le 10 mars, et ce n'est pas...

M. Descary: Ce n'est pas un reproche que je faisais, c'est un commentaire.

M. Lalonde: Un commentaire, justement. Mais il reste que c'est le gouvernement qui nous le propose et la seule chose qui concerne les pharmaciens, il semble que ce soit l'article 29. C'est pour cela qu'on est obligé de ne parler que de cela actuellement. Je vais laisser mon collègue de D'Arcy McGee continuer.

M. Goldbloom: M. Descary, il me faut un certain effort pour ne pas vous appeler M. le maire, vous avez affirmé quelque chose tout à l'heure et

j'aimerais vous amener à l'éclaircir, parce que cela me semble important.

Vous avez dit qu'il n'y a pas eu d'actions en discipline de la part de l'Ordre des pharmaciens à l'égard des assistants-pharmaciens parce que ce ne sont pas eux qui pourraient être traduits devant le conseil de discipline.

NI. Descary: Ce n'est pas ce que j'ai dit.

M. Goldbloom: C'est ce que j'ai compris, mais peut-être que j'ai mal compris.

M. Descary: Non, je ne peux pas vous dire cela parce que, d'une part, je ne sais pas ce qui se passe en discipline et, d'autre part, je voudrais vous dire que ce n'est pas le sens de mon intervention. J'ai dit que, d'après l'article 31, la responsabilité de ceux qui travaillent dans la pharmacie appartient à celui qui ajustement la responsabilité finale et ultime. Cela va? C'est pour cela que, en général, pour des actes posés par d'autres, celui qui est responsable de sa pharmacie est, non pas le propriétaire, mais le pharmacien qui a charge de la pharmacie.

M. Goldbloom: J'aimerais comprendre — peut-être que Me Truesdell pourra me donner la réponse précise — si l'inspecteur va dans une pharmacie, il y va incognito, il demande un produit pharmaceutique qui, normalement, requiert une ordonnance médicale. Il n'a pas cette ordonnance médicale et l'assistant-pharmacien lui remet quand même ce produit. C'est donc un geste illégal. L'inspecteur inscrit une plainte et cette plainte doit traduire quelqu'un devant le conseil de discipline de l'ordre. Est-ce l'assistant-pharmacien qui a posé le geste illégal ou est-ce le propriétaire qui est traduit devant le conseil de discipline? Je parle précisément des personnes en question: les assistants-pharmaciens qui sont inscrits au tableau de l'ordre.

Mme Truesdell: Je vais répondre à votre question. Si vous le permettez, nous allons changer l'exemple que vous donnez... Il est sûr que l'acte posé, à ce moment, par l'assistant-pharmacien, serait illégal, non pas en vertu d'une loi provinciale, c'est-à-dire la Loi sur la pharmacie, mais en vertu des lois fédérales qui régissent la vente des drogues, que ce soit les stupéfiants, les drogues contrôlées ou les drogues qui requièrent une ordonnance pour être vendues. Autrement dit — et là je ne veux pas donner un cours de droit — si, dans une pharmacie, on me vend un médicament qui requiert une ordonnance sans que j'aie d'ordonnance à montrer, cela devient un acte illégal en vertu d'une loi fédérale ou d'un règlement fédéral, et non pas en vertu de la loi provinciale.

Je vais prendre, pour répondre au même type de question, un autre exemple. Vous entrez dans une pharmacie, vous demandez un médicament, que ce soit... en vente ou en exécution ou non d'une ordonnance. Prenons un exemple: Je veux faire renouveler mon ordonnance de contraceptif.

J'entre dans la pharmacie, quelqu'un se présente au comptoir, je donne mon ordonnance, on la remplit. Il se trouve que je suis un enquêteur de l'ordre et que la personne qui a posé l'acte pharmaceutique, que j'ai demandé, n'est pas pharmacien elle est commis, employé. Il n'y avait pas, à ce moment, la surveillance d'un pharmacien. Le pharmacien n'était pas là, il pouvait être dans l'entrepôt, occupé à faire autre chose et il n'a pas supervisé l'acte pharmaceutique qui a été posé. A ce moment, il y a infraction à la Loi sur la pharmacie, à l'article 31 plus précisément, dont vous parlait tantôt M. Descary.

Un des articles essentiels de la Loi sur la pharmacie est de s'assurer que tout acte pharmaceutique, qui est posé dans une pharmacie, est sous la surveillance personnelle et le contrôle d'un pharmacien. La personne qui est chargée de faire respecter cet article, dans la pharmacie, c'est, en vertu de l'article 31, le propriétaire de la pharmacie ou le gérant de la pharmacie, s'il s'agit d'une succession. L'assistant-pharmacien n'a pas le droit, à l'heure actuelle, d'être propriétaire d'une pharmacie et il n'a pas non plus le droit d'opérer une pharmacie pour le compte d'une succession qui, comme vous le savez sans doute, peut opérer une pharmacie, au décès d'un pharmacien, pendant trois ans. C'est la raison pour laquelle M. Descary vous disait tantôt: La responsabilité ultime, dans la pharmacie, appartient au pharmacien qui est dûment inscrit comme pharmacien au tableau de l'ordre et qui a le droit d'être propriétaire. Par voie de conséquence l'assistant-pharmacien, n'ayant pas le droit d'être propriétaire, ne saurait être tenu responsable.

Pour revenir plus précisément à l'exemple que vous donniez, l'assistant-pharmacien ne peut pas être responsable de l'acte que je vous ai décrit.

M. Goldbloom: Quel que soit l'exemple, il y a des gestes que peuvent poser des pharmaciens qui auront pour résultat leur traduction devant le conseil de discipline de l'ordre.

Mme Truesdell: Bien sûr.

M. Goldbloom: Alors, est-ce qu'un assistant-pharmacien peut être traduit devant le conseil de discipline de l'ordre?

Mme Truesdell: Oui, pour des actes qu'il pose en sa qualité professionnelle, actes qu'il a le droit de poser; bien sûr qu'il peut être traduit devant le comité de discipline. Maintenant, ces activités, comme la commission le sait sans doute, sont des activités qui sont à huis clos et ne font pas l'objet de publications; donc, on ne saurait dire sérieusement qu'il n'y a pas eu d'assistant-pharmacien traduit en discipline pour quelque acte professionnel manqué ou illégal que ce soit, mais ce à quoi M. Descary faisait allusion, en parlant de la responsabilité ultime dans la pharmacie, c'était, entre autres, à l'article 31; en disant que la responsabilité ultime, c'est-à-dire que celui qui est responsable de voir à ce que tout acte pharmaceu-

tique qui se pose dans une pharmacie ne doit être qu'un pharmacien, c'est cela qu'il voulait dire. En fin de compte, quand on parle d'exercice de la pharmacie, il faut que tous les actes professionnels qui sont posés soient sous la surveillance d'un pharmacien et cela, c'est un pharmacien licencié et non pas un assistant-pharmacien. C'est la clé de voûte, si vous voulez, de la Loi sur la pharmacie actuellement.

Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, on a déjà dépassé notre temps de cinq minutes. Puisqu'il y a encore plusieurs députés qui veulent poser des questions, nous devrons nous revoir à quinze heures.

Alors, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à quinze heures précises.

(Suspension de la séance à 13 h 7)

Reprise de la séance à 15 h 16

Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!

La commission des corporations professionnelles est réunie pour poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 25, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives.

Comme c'est la séance qui se poursuit, nous devons poursuivre nos travaux. Mais je remarque que nous avons un distingué visiteur et je voudrais, s'il y a consentement, lui donner le droit de parole. Je parlais du député de Beauce-Sud.

M. Le Moignan: Consentement, oui. M. Goldbloom: Volontiers.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais toutefois m'assurer du temps qui sera dévolu au député de Beauce-Sud. Est-ce que vous appliquerez la même règle que pour l'Union Nationale?

Le Président (M. Marcoux): Actuellement, c'est dix minutes pour l'Union Nationale. Est-ce que...

M. Le Moignan: Je n'ai jamais pris mes dix minutes, de toute façon.

Le Président (M. Marcoux): On peut vous fusionner.

M. Le Moignan: Cela dépend, si vous en prenez plus que nous, on ne fusionnera pas.

Le Président (M. Marcoux): Disons quinze minutes pour les deux. Cela va?

M. Goldbloom: Une liaison dangereuse, M. le Président?

Le Président (M. Marcoux): La présidence n'a pas d'opinion politique.

M. Roy: Si vous provoquez un débat, on risque de dépasser le temps à notre disposition.

Le Président (M. Marcoux): II restait trois minutes au Parti libéral.

M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. J'ai une dernière question à poser qui découle de la discussion qui a déjà eu lieu ce matin. Nous essayons de déterminer en quoi consiste la protection du public. Quels sont les éléments de cette protection? Le fait d'être propriétaire d'une pharmacie, en quoi est-ce que ce fait constitue en lui-même une protection du public?

Nous avons établi qu'il y a des différences de formation entre les personnes dont nous parlons, et nous sommes tous d'accord, non seulement sur la nécessité de protéger le public, mais aussi sur la nécessité d'exiger une formation adéquate, afin

d'être en mesure de protéger le public. Mais dans ce que nous avons devant les yeux, la question de formation n'est plus en discussion, c'est la question d'être ou de ne pas être propriétaire, c'est la question de voter ou de ne pas voter aux assemblées de la corporation et pour les choix des dirigeants de cette même corporation.

Alors, j'aimerais connaître l'opinion de la corporation elle-même sur ces trois considérations. En quoi est-ce que le fait d'être propriétaire d'une pharmacie protège le public quand les actes professionnels sont posés par d'autres personnes. En quoi est-ce que l'intérêt du public est protégé si l'on refuse aux assistants-pharmaciens, contrairement à ce qui est proposé dans le projet de loi no 25, le droit de vote pour le choix des dirigeants et le droit de vote aux assemblées?

M. Descary: Ce n'est pas le fait d'être propriétaire ou de ne pas être propriétaire, M. le député, j'étais pour vous appeler M. le ministre, c'est une déformation.

M. Morin (Sauvé): Grave erreur, très grave erreur.

M. Descary: Mais c'est surtout: qui. Ce n'est pas le fait d'être propriétaire. C'est "qui" a la responsabilité. C'est de là que relève tout l'aspect de la responsabilité professionnelle, dans quelque discipline que ce soit, au niveau du vote. Ce n'est pas tellement qui, c'est quelle habilité il a à voter, et quelle habilité il a à diriger une corporation professionnelle. Ce n'est pas tout le fait d'être propriétaire ou de voter. Il y a aussi toute la responsabilité qui s'attache à diriger l'action de nos collègues, de nos confrères, et d'une corporation professionnelle qui doit être au service de la population. C'est cela qui est l'essence d'une profession.

Et il faut que ce soit fait par des hommes qui ont la formation universitaire qui correspond à ces responsabilités. Je pense que là-dessus, on va s'entendre.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: M. Descary, ce matin, le ministre vous a posé une question, lorsqu'il a été question, je crois de quatre bacheliers qui ont déjà une formation peut-être supérieure aux autres. Vous avez répondu que vous ne vouliez pas faire de règlements, mais tout de même, vous aimeriez bien faire une loi.

Si je prends le cas des quatre bacheliers. Si on les soumettait à un examen, compte tenu de leur expérience, donc, en même temps, de leur compétence, je me demande, à ce moment-là, si ces bacheliers qui exercent déjà la profession, pourraient être admis. En supposant qu'ils soient un peu autodidactes en plus, est-ce que c'est le seul diplôme universitaire? Je tiens compte du passé, puisqu'on parle toujours du passé, de ceux qui sont là sur place. Si un étranger, un pharma- cien ou autre, d'un pays d'Europe, vient ici, il est soumis à cette règle d'équivalences, à subir des examens. J'aimerais que vous m'expliquiez votre point de vue sur toute cette question. Est-ce que je suis assez clair?

M. Descary: II me semblait, M. le député, que ce matin, on s'était entendus et que, d'un commun accord, on a dit qu'à notre ordre professionnel, la prochaine réunion du bureau... Je n'ai pas dit la prochaine, mais je l'apporterai à la prochaine réunion du bureau, le cas de ces quatre pharmaciens bacheliers. Mais vu qu'ils sont bacheliers, on suppose qu'ils n'ont pas besoin d'examens maintenant, parce qu'ils ont leur titre universitaire. Il y aura l'examen de déontologie normal que les autres passent après leur baccalauréat pour devenir licenciés en pharmacie.

Je pense que ce sujet avait été épuisé ce matin, si je me souviens bien. On avait dit qu'on réglerait ce cas des quatre individus, mais qu'on s'attaquait plutôt à l'entente. C'est comme cela que je l'avais compris ce matin, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Dans mon esprit, je vous dirai que si le problème est réglé pour vous, il l'est pour moi.

M. Descary: On tâchera de le régler chez nous, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Si l'ordre le règle, nous ne demandons pas mieux.

M. Descary: J'espère que cela répond à votre question. On va tâcher de le régler chez nous. Je ne peux pas présumer de la décision du bureau de l'ordre, mais je peux vous dire qu'on en parlera chez nous.

M. Le Moignan: Une question peut-être un peu cocasse. Est-ce que je peux devenir propriétaire d'une pharmacie, personnellement, et engager des pharmaciens diplômés? C'est un simple point d'interrogation.

M. Descary: Non. Il faut être pharmacien au Québec pour être propriétaire de pharmacie.

M. Morin (Sauvé): Je voulais savoir si la banque du Saint-Esprit pourrait éventuellement se lancer dans la pharmacie.

M. Le Moignan: Je ne veux pas me lancer. Je dis mon cas, mais cela peut-être le cas d'un autre aussi.

M. Descary: Je ne sais pas si je pourrais aussi être un petit peu cocasse et vous dire que j'ai dit à M. le curé ce matin que quand il y avait des élèves au séminaire qui n'étaient pas aptes à devenir curés, ils devenaient frères.

M. Le Moignan: Après trois ans d'étude, M. Descary, ils font un stade de deux ans. Je les ap-

pelle des stagiaires. Ils sont presque prêts à être prêtres à ce moment-là. Ils sont comme les autres qui ne sont pas des pharmaciens.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Richelieu.

M. Martel: L'Ordre des pharmaciens, comme toute corporation qui relève de l'Office des professions, a pour principal rôle non pas l'intérêt financier de ses membres, mais la protection du public. Selon vous, M. Descary, est-ce que la Loi actuelle de pharmacie et les règlements dont l'ordre doit faire l'application sont suffisants pour protéger le public?

M. Descary: Je vous dirais non, mais est-ce que vous voulez qu'on commence le débat sur l'ensemble de la Loi de la pharmacie?

M. Martel: Simplement un "oui" ou un "non". M. Descary: Non.

M. Martel: D'accord. Est-ce que, d'un autre côté, vous considérez qu'il y a suffisamment de pharmaciens sur le territoire du Québec pour donner des services pharmaceutiques adéquats?

M. Descary: Actuellement, oui, mais je peux compléter cette question, je l'aime beaucoup. On ne l'avait pas préparée. C'est parfait. Je dois vous dire qu'on a été accusé ce matin de faire du protectionnisme. Je vous dirai, messieurs, que l'Ordre des pharmaciens, depuis à peu près cinq ans, a accepté au moins 300 pharmaciens étrangers venant de divers pays du monde et que c'était, de notre part, un effort nouveau et qu'on a ouvert nos portes, avec beaucoup d'agrément, à ces étrangers qui venaient pratiquer la pharmacie au Québec. Ceci, simplement pour vous dire qu'on n'était pas dans cet état d'esprit de vouloir protéger à tout prix nos rangs, mais qu'on a été, au contraire, ouvert à ceux qui venaient pratiquer la pharmacie chez nous.

Je dois dire que 300, cela a été beaucoup pour une corporation comme chez nous qui ne comptait pas plus de 2500 ou 2600 membres à cette époque et que, maintenant, avec cette année où on en acceptera, je pense, près d'une centaine — 150 — ce sera 450 en tout. Après, on se limitera à 1%, parce qu'il faut quand même faire attention à nos étudiants de chez nous. On forme, au Québec, maintenant près de 200 pharmaciens par année. Il faut qu'on ait de la place sur le marché du travail. Maintenant, nos cadres devraient être assez remplis d'ici une couple d'années.

M. Martel: M. le Président, me permet-il de présumer, étant donné que j'ai jeté un coup d'oeil sur l'autre mémoire qui concerne le sujet, et que ce mémoire ne peut pas donner les explications par la suite, il y a des questions sur lesquelles j'aimerais obtenir une réponse? C'est une analyse très brève.

Le Président (M. Marcoux): Non, un instant! Le député de Terrebonne et le ministre ont demandé la parole également sur le même sujet. S'il reste du temps sur les quelques minutes qui restent au parti ministériel, nous verrons, M. le député de Terrebonne.

Une Voix: Rapidement.

M. Fallu: Me Truesdell, j'aurais mauvaise grâce d'utiliser l'exemple que vous avez utilisé vous-même ce matin. Je n'ai pas l'intention non plus de m'inventer une maladie. La question est donc très directe. Si je me rends à la pharmacie et qu'il y a, dans l'entrepôt, un pharmacien et, au comptoir, un assistant-pharmacien, est-ce que l'acte qu'il pose va être légal, oui ou non?

Mme Truesdell: Certainement. L'assistant-pharmacien, selon la loi, a le droit de travailler seul. Il n'a pas besoin de supervision d'un pharmacien à plein titre.

M. Fallu: J'arrive donc, en conséquence, à l'article 31: "Nul propriétaire ou administrateur de pharmacie ne doit laisser son établissement accessible au public sans que tout service pharmaceutique qui s'y rend soit sous le contrôle et la surveillance constante d'un pharmacien. "

Vous venez donc de dire sous la surveillance constante d'un assistant-pharmacien, en conséquence.

Mme Truesdell: Oui, c'est cela. Ce que nous avons dit, nous n'avons jamais prétendu le contraire, c'est qu'un assistant-pharmacien pouvait être laissé seul en charge d'une pharmacie, sauf que la responsabilité ultime de l'organisation de la pharmacie est si...

M. Fallu: En tant que propriétaire, en tant que gérance, mais cela c'est revenu sur les commerces.

Mme Truesdell: Non, pas du tout, parce qu'en vertu de l'article 31, si l'enquêteur de l'ordre, en fait, par exemple, fait une enquête et qu'un acte pharmaceutique est posé en l'absence et hors du contrôle ou de la surveillance constante d'un pharmacien, ce qui inclut pour les fins de l'article, un assistant-pharmacien ou un pharmacien, disons qu'il y a seulement des commis. On vend un médicament. On donne un conseil pharmaceutique, ou peu importe, on pose un acte pharmaceutique. A ce moment-là, le responsable de cela sera le propriétaire de la pharmacie, qui doit être un pharmacien licencié. Comprenez-vous?

M. Fallu: Non.

Mme Truesdell: Même si c'est l'assistant-pharmacien qui, à ce moment-là, était, comme on dit, en devoir... Autrement dit, il y a, dans une pharmacie, un propriétaire et il a à son emploi un assistant-pharmacien.

C'est l'assistant-pharmacien qui, le lundi, par exemple est en charge de la pharmacie. Il va dîner, il ne donne pas les instructions nécessaires pour que les commis, en son absence, ne rendent pas de services pharmaceutiques. A ce moment, peu importe que ce soit l'assistant-pharmacien qui ait été laissé en charge, la responsabilité ultime, s'il y a infraction à l'article 31, reviendra au propriétaire, c'est-à-dire au pharmacien. Remarquez que la loi est peut-être mal faite à cet égard. Nous n'en disconvenons pas. Cela vous montre à quel point le législateur, quand il a fait ou refait la Loi sur la pharmacie, a bien voulu circonscrire les responsabilités et vraiment laisser la responsabilité ultime de la pharmacie et des actes pharmaceutiques qui peuvent s'y poser au propriétaire, c'est-à-dire à une personne qui doit être absolument pharmacienne, c'est-à-dire avoir la formation universitaire.

M. Fallu: En conséquence, si on acceptait la recommandation des assistants-pharmaciens, il faudrait donc, à l'article 31, avoir une concordance et ajouter la surveillance constante d'un pharmacien ou d'un assistant-pharmacien. En conséquence, il pourrait être propriétaire. Je ne veux pas arguer davantage.

Mme Truesdell: Je ne veux pas discuter de technique...

M. Fallu: Ce que je voulais faire ressortir, au fond, c'est que les assistants-pharmaciens sont pharmaciens d'une façon constante, sauf le droit de propriété.

Mme Truesdell: Pas seulement cela. Le droit de propriété, le droit de vote, comme on l'a dit tantôt, le droit d'être élu...

M. Fallu: J'y arrive.

Mme Truesdell: Si vous permettez une dernière chose, le droit également d'être responsable d'une pharmacie quand la succession en est propriétaire, c'est-à-dire que vous avez, comme on l'a mentionné tantôt, des cas où un pharmacien décède. La succession a le droit de fonctionner, par exemple, pendant trois ans, pourvu qu'il y ait un pharmacien en charge, comme administrateur, si vous voulez, de la pharmacie. L'assistant-pharmacien n'a pas ce droit d'être administrateur de la pharmacie d'une succession.

M. Fallu: Quant au droit de vote et de représentation, il y a quelque chose que je trouve un peu étrange, je vous l'avouerai bien franchement; des gens paient des cotisations sans avoir droit de vote et sans pouvoir être représentés. En conséquence, on a donc, comme le vieux principe pour lequel on s'est battu ici au Québec, entre autres au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, "no taxation without representation."

M. Descary: Si c'est votre seul problème, on va baisser la cotisation de $10. Ce n'est pas là-dessus. On parle d'une corporation professionnelle...

M. Fallu: $10 ou $1?

M. Descary: ... on parle d'hommes formés à l'université pour rendre des services. Vous pouvez, si vous voulez, discuter des grenailles de la profession. Ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on a, au Québec, des centaines d'étudiants dans nos facultés de pharmacie à qui on demande de finir leur cours pour pouvoir servir la population du Québec.

M. Fallu: II n'y a personne, entre-temps...

M. Descary: Je pense qu'on s'entend là-dessus?

M. Fallu: Oui, très bien.

M. Descary: Si on s'entend à dire que la formation, c'est une formation secondaire et universitaire, et que c'est un premier cycle qui souvent mène à un deuxième cycle, universitaire aussi, parce qu'il y a de la tradition et il y a de la continuité dans une formation universitaire... Ce n'est pas nécessairement pour aller faire de la pharmacie au coin de la rue. La pharmacie, c'est beaucoup plus vaste que cela. La pharmacie, ce n'est pas strictement dans un laboratoire de coin de rue. Demain matin, je peux aller faire de la pharmacie ailleurs. Je peux venir travailler pour le gouvernement provincial comme pharmacien. Je pourrais aller à l'hôpital ou dans l'industrie faire de la recherche ou faire du contrôle de qualité. C'est cela, un pharmacien. On ne donne pas le titre de pharmacien à des hommes qui seront limités dans un petit secteur de leur profession. Ce qu'on a fait, il y a déjà quelques années, et il y avait une provision dans la loi, c'est qu'on a ouvert la porte un petit peu. Maintenant, on veut l'ouvrir toute grande. C'est ce qui arrive malheureusement quand on essaie d'ouvrir des portes et, généralement, à cause de nos erreurs... Là, on paie peut-être pour des erreurs du passé.

M. Fallu: Je veux bien, sauf...

M. Descary: II reste quand même que la formation d'un pharmacien, c'est pour être pharmacien, non pas dans un coin de la pharmacie, mais partout où on s'occupe de la pharmacie. C'est comme cela que des diplômes sont décernés à l'université. C'est comme cela qu'on voudrait voir notre profession se faire représenter un peu partout.

M. Fallu: Hélas, nous ne parlons justement pas ici du futur, mais du passé, puisqu'il s'agit de clause grand-père.

M. Descary: La clause grand-père a déjà été appliquée pour ces hommes qui sont dans un endroit particulier de la pharmacie. Je dois vous dire

qu'ils gagnent aussi bien leur vie que des pharmaciens licenciés. Les salaires sont à peu près l'équivalent. Je ne sais pas au juste où ils sont brimés, mais sûrement pas de ne pas avoir un diplôme universitaire qu'ils n'ont pas gagné.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je voudrais revenir brièvement sur trois questions. J'ai cru entendre Me Truesdell dire, il y a un instant, qu'un assistant-pharmacien ne peut assumer l'entière responsabilité d'une succession. J'ai devant moi une lettre signée par le secrétaire de l'ordre, le 7 mai 1976, dans laquelle il est dit ceci: "II est entendu que M. Alphonse Roy, assistant-pharmacien, permis no — peu importe le numéro — assume l'entière responsabilité de la pharmacie succession Raymond Guay". Alors, je ne comprends pas très bien; il semble y avoir un hiatus entre la règle et son application.

Mme Truesdell: Voici la réponse. M. le ministre est avocat, je pense qu'il comprendra certainement et qu'il sait certainement...

M. Morin (Sauvé): Pas avocat, Me Truesdell; juriste.

Mme Truesdell: ... juriste, mais c'est encore mieux. Je pense que c'est encore mieux pour comprendre ce que je vais tenter d'expliquer. Nous avons pris connaissance de cette lettre, nous aussi, ce matin, et il est possible que le secrétaire de l'ordre ait affirmé quelque chose qui n'est pas légalement exact. Mais je pense bien qu'une corporation professionnelle — et d'ailleurs le gouvernement, n'importe quel corps public — n'est pas liée par l'interprétation que peut donner un de ses cadres ou un de ses employés de la loi. Je ne crois pas qu'on puisse dire que, parce que le secrétaire de l'ordre a cru — je n'en doute pas, en toute bonne foi — que la personne qui se présentait pour assumer la responsabilité d'une pharmacie, pour une succession, en avait le droit, selon la loi. Je ne crois pas, parce que le secrétaire a cru que c'était correct, qu'on doive prendre comme conseiller juridique le secrétaire de l'Ordre des pharmaciens. Remarquez bien que je ne prétends pas avoir le monopole de la vérité, mais je pense que les lois de 1964 et la loi actuelle de pharmacie indiquent bien qu'un assistant-pharmacien ne saurait assumer la responsabilité d'une pharmacie de succession.

A ce moment-là, c'est une erreur probablement du secrétaire, mais je ne pense pas que le secrétaire ait pour mission d'interpréter la loi.

M. Morin (Sauvé): Assurément pas et j'imagine que vous donnerez les suites qui s'imposent à ce petit imbroglio.

Mme Truesdell: Cela sera certainement discuté.

M. Morin (Sauvé): Deuxièmement, tout à l'heure vous avez affirmé qu'éventuellement l'Ordre des pharmaciens songeait à limiter à 1% les nouveaux membres venant de l'extérieur du pays. Je tiens d'abord à féliciter l'ordre pour l'effort qu'il a fait depuis quelques années en ouvrant ses portes à des pharmaciens qui, chassés de leur pays, dans des circonstances quelquefois pénibles, sont en mesure de rendre des services au Québec. Là-dessus nous n'avons aucune querelle, au contraire, nous pensons que vous vous êtes montrés conscients de vos responsabilités sociales.

Mais pour ce qui est du 1% de l'avenir, je voudrais vous dire que les avis juridiques sur la question ne sont pas partagés et que je ne voudrais pas qu'il ressorte de nos entretiens, cet après-midi, que ce 1% est une politique annoncée d'avance, applicable et décidée une fois pour toutes. C'est beaucoup plus compliqué que cela et je pense que peut-être vous voudrez bien en convenir pour dissiper tout malentendu.

M. Descary: M. le ministre, si j'ai dit le 1%, j'aurais peut-être dû dire: Nous accepterons moins de pharmaciens étrangers ou d'origine étrangère à l'avenir, pour la simple raison que chez nous, nos universités nous forment suffisamment de pharmaciens maintenant et on ne voudrait pas se trouver dans l'obligation de dire à nos pharmaciens québécois qu'il n'y a pas d'emploi pour eux chez eux. C'est très important. Après avoir été très accueillant, on continuera d'être accueillant, mais on accueillera moins de gens tout en continuant d'être aussi accueillant.

Je voudrais vous dire que l'équivalence des diplômes est un prérequis pour pouvoir même commencer à étudier les dossiers des pharmaciens d'origine étrangère.

M. Morin (Sauvé): Oui, je savais cela. Une dernière question. Je m'interroge encore sur ce qu'il convient de faire à l'égard de l'article 43 et je constate que vous vous êtes opposé à la levée des trois restrictions qui pèsent encore sur les assistants-pharmaciens. Si je devais vous dire que j'hésite entre lever les trois ou n'en lever que deux, parce que ces deux-là me paraissent moins directement reliées à la protection du public, que choisiriez-vous?

M. Descary: En enlever deux, mais ce n'est pas un choix que vous me donnez, je n'ai pas ce mandat de ma corporation. Mon mandat, c'est de ne pas en enlever du tout. Vous me demandez: Entre en enlever deux ou trois, quel est votre choix? Entre se couper un doigt et se couper la main, que préfère-t-on?

M. Morin (Sauvé): Bien, je connais des gens qui diraient le doigt, mais c'est à votre choix. Je pourrais vous poser la question d'une autre façon: Si nous devions lever l'une ou l'autre de ces trois conditions, laquelle vous paraît la plus importante et la plus reliée à la protection du public?

M. Descary: J'irai par ordre de priorité, si vous voulez. Je vous parlerai d'abord du droit de vote et

du droit de représenter ses confrères à l'ordre professionnel. Je pense qu'à ce moment-là ça prend absolument la formation professionnelle nécessaire pour le faire. C'est toute la philosophie d'un développement professionnel dont il s'agit à une corporation. On peut affaiblir notre corporation professionnelle tant qu'on veut; on peut affaiblir tous nos corps intermédiaires. On n'a pas les moyens de faire cela au Québec. On a besoin, au contraire, de se structurer de la façon la plus professionnelle possible. Je pense qu'à ce niveau, il est presque impossible qu'on puisse céder au fait qu'ils siègent au conseil de l'ordre. C'est mon avis que je vous donne.

Comme je l'ai dit tantôt, ce n'est pas le droit de propriété, ce sont les responsabilités professionnelles qui se rattachent à la propriété. Je pense que j'ai tout dit ce que j'avais à dire sur ce sujet. Mais ce n'est pas la propriété elle-même comme ce n'est pas de siéger; ce sont les qualités pour être propriétaire, non pas propriétaire mais pour avoir les décisions finales en ce qui concerne une pratique professionnelle. Cela ne mène pas qu'à être propriétaire, cela mène à occuper n'importe quel poste à l'intérieur de la profession. Ce n'est pas une restriction à la propriété seulement, c'est une restriction aussi à la direction professionnelle, soit d'une pharmacie, soit d'un hôpital, soit d'une entreprise pharmaceutique. C'est occuper tout le champ de la pharmacie, et la responsabilité d'un pharmacien, c'est justement de pouvoir l'occuper partout.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, vous avez combien de membres dans votre ordre?

M. Descary: Nous sommes 3200 membres.

M. Morin (Sauvé): II y a combien d'assistants-pharmaciens qui postulent?

M. Descary: Ils sont 64.

M. Morin (Sauvé): Et vous craignez que ces 64 n'envahissent le conseil de l'ordre?

M. Descary: Ah! nous n'avons aucune crainte comme celle-là et je n'ai jamais parlé de ce type d'intervention. J'ai parlé de la qualité professionnelle des gens. Il faut quand même pouvoir faire la distinction. Ce ne serait que pour un individu et le raisonnement serait le même. Comprenez bien qu'il s'agit ici d'un raisonnement d'ordre professionnel et de qualité de profession.

Maintenant, si on ne veut pas discuter à ce niveau, libre à vous, parce que vous êtes ceux qui font les lois. Mais on les fera avec la compétence qu'on veut bien se donner. Nous voulons avoir une corporation professionnelle représentée par des membres qui aient toutes les qualités nécessaires pour rendre les meilleurs services aux citoyens du Québec.

M. Morin (Sauvé): A n'en pas douter. Mais la loi de 1973, effectivement, fait des assistants- pharmaciens des membres de votre corporation, qui paient la même cotisation. J'avoue que j'ai quelque difficulté à suivre le raisonnement qui voudrait les empêcher de voter puisqu'ils sont membres de la corporation. Mais je ne veux pas lier un trop long débat, M. le Président, parce que le temps passe mais je n'ai pas très bien saisi votre réponse à ma question de tout à l'heure. Qu'est-ce qui est le plus important dans votre esprit pour la protection du public: Est-ce la question de la propriété de la pharmacie et de la responsabilité ultime du propriétaire, d'une part, ou bien la participation à la corporation avec droit de vote et avec droit d'éligibilité.

M. Descary: Ce sont deux volets...

M. Morin (Sauvé): Je sais que ce sont deux volets. Je veux savoir lequel est le plus important du point de vue de la protection du public?

M. Descary: Je vous ai dit, quant à moi, qu'aucun de ces deux-là ne sont acceptables pour l'ordre. C'est ce que la loi aussi a retenu quand on parle d'assistants-pharmaciens, parce que la nouvelle loi ne permet pas plus que l'ancienne loi. Elle permet des choses sous réserve de l'ancienne loi et en conservant exactement les mêmes privilèges. Mais il y a deux volets à ceci: il y a le volet de la représentation au sein d'un ordre professionnel et l'autre volet, c'est le service directement rendu à la population. Est-ce qu'on doit donner à des hommes qui n'ont pas la formation requise toute la responsabilité professionnelle qui se rattache à des actes professionnels? C'est la question et ce sera à vous d'y répondre, messieurs.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que M. le député de Beauce-Sud?

M. Roy: Pas de question.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. En ce qui concerne la question que vous avez soulevée avant l'ouverture de la reprise de nos délibérations, à l'effet que vous vouliez être entendus à la suite du prochain mémoire, après discussion avec le ministre, je pense que, si nous avons le temps à la suite de l'audition des deux prochains mémoires, nous pourrons avoir quinze ou vingt minutes avant six heures. Nous serons disposés, à ce moment-là, à vous entendre si vous le jugez utile et s'il y a consentement des membres de la commission.

M. Goldbloom: M. le Président, je donne volontiers ce consentement et pour une raison qui me semble fondamentale. Si je trace un parallèle avec le milieu municipal, nous avons vu des situations où, au sein d'un conseil municipal, il y avait des opposants à la thèse de l'administration de la municipalité. Il fallait écouter ces personnes, mais il fallait accorder un respect particulier à l'institution qui est la municipalité. Je crois que nous devons, quelle que soit notre attitude à l'égard des

plaidoyers présentés par d'autres personnes, conserver, et c'est très important pour la société québécoise, un respect particulier pour les corporations professionnelles.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie et possiblement que tantôt nous nous reparlerons.

M. Descary: Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez accordé.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Association des préparateurs d'officine à venir nous présenter leur mémoire. Est-ce que M. Lizotte est là?

M. Lizotte (Clément): Oui, c'est moi.

Le Président (M. Marcoux): M. Clément Lizotte, je vous invite à présenter vos collègues. Vous avez une vingtaine de minutes pour, soit nous résumer votre mémoire, soit en lire... Je ne crois pas que vous ayez le temps de tout le lire.

Association des préparateurs d'officine

M. Lizotte: Non, non, je vais faire un résumé.

Le Président (M. Marcoux): Vous allez faire un résumé?

M. Lizotte: Oui, oui.

Le Président (M. Marcoux): Allez-y.

M. Lizotte: Je vais avoir le droit de parole avec M. Gérard Croteau et M. Ricard.

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission. L'Association des préparateurs d'officine du Québec Enr. est composée d'environ 200 commis pharmaciens, étant présentement ou ayant été à l'emploi des pharmaciens licenciés propriétaires de pharmacie dans la province de Québec. Les commis pharmaciens sont une classe de gens que, jadis, les pharmaciens propriétaires ont créés et moulus de leur savoir afin qu'éventuellement ces gens les remplacent physiquement dans leur officine.

Notre groupe est composé d'individus ayant suppléé le pharmacien dans ses fonctions intégralement, c'est-à-dire les renseignements aux patients concernant les médicaments prescrits, la lecture des prescriptions, la rédaction d'étiquettes, la vérification des posologies, la préparation des prescriptions magistrales, etc. Ces gens, ayant plus de dix années d'expérience à l'emploi d'un pharmacien licencié, et ce en 1973, ont été engagés pour suppléer le pharmacien employeur parce qu'ils sont reconnus expérimentés et compétents. L'expérience de nos membres s'échelonne entre 15 et 35 années de pratique de l'art pharmaceutique, en 1977.

D'après l'Association des pharmaciens salariés, notre travail se faisait si bien que c'était dans les moeurs de la profession d'engager des commis pharmaciens. Concernant l'application du bill 255 et l'application radicale de la Loi de pharmacie en 1973, nous avons été systématiquement expulsés des rangs des responsables de l'officine et relégués à la fonction de commis ou simplement à la fonction de chômeur sans métier. Il est évident que le pharmacien propriétaire préférait engager une jeune fille majeure au salaire minimum et un pharmacien licencié que nous et un pharmacien.

En fait, la revalorisation de la pharmacie s'est faite littéralement sur notre dos, par la non-reconnaissance de nos droits acquis et de nos expériences pertinentes. L'application d'une telle loi, que nous qualifions d'inique et de discriminatoire à notre égard, ne favorise pas la protection de la santé publique puisque celui-ci est maintenant desservi par un personnel inexpérimenté, excluant le pharmacien qui vaque à sa comptabilité et à son administration.

Dans la revue L'Interdit, de février 1975, Me René Dussault se défendait d'avoir protégé les droits acquis de 1197 candidats à la profession de quatre nouvelles corporations. Pour la protection du public, il a régularisé une situation née en bonne partie de la demande du public. Qu'a-t-il fait de nous, qui sommes nés du pharmacien et formés par le pharmacien professionnel et universitaire? Il est entendu que, si le pharmacien d'autrefois n'avait pas créé cette fonction de commis pharmacien, nous aurions fait carrière ailleurs et, aujourd'hui, nous ne serions pas ici à défendre nos droits acquis et notre gagne-pain, institué par ceux-mêmes qui maintenant nous excluent de leur profession.

Nous nous sentons frustrés et brimés dans nos droits fondamentaux, sachant qu'il y a plusieurs pharmaciens étrangers qui se sont présentés à l'Ordre des pharmaciens pour l'obtention de leur licence et qui ont été acceptés après un examen sommaire sur les règlements pharmaceutiques canadiens. L'ordre se dit forcé par les gou-vernements de leur faciliter l'accès à la pratique pharmaceutique. Il y a plusieurs pharmaciens qui ont obtenu leur diplôme sans passer par l'université ou qui n'ont passé qu'une ou quelques années à l'université. Paradoxalement, nous nous sommes fait usurper légalement notre gagne-pain, sachant que le gouvernement dépense des sommes phénoménales pour créer des emplois.

Aucune loi n'a été faite à notre égard, suite aux mémoires que nous avons présentés à trois commissions parlementaires. Que dire de M. Camille Laurin, alors chef parlementaire du Parti québécois, délégué à la commission parlementaire entre 1970 et 1973 sur le Code des professions, et membre actuel du gouvernement? Voici les paroles du Dr Laurin inscrites au journal des Débats, le 8 mars 1973: "Quant aux préparateurs d'officine, j'endosse entièrement les remarques qui ont été faites à cet égard par le député de Montmagny. Il y a actuellement beaucoup de préparateurs d'officine. Sans penser à leur appliquer d'une façon automatique la clause grand-père, ce qui pourrait quand même se justifier, il faut penser surtout à l'injustice dont ils peuvent être l'objet du fait, précisément, que la Corporation des pharmaciens se revalorise.

"Si, à une époque où cette revalorisation n'était pas effective, les préparateurs d'officine ont joué un rôle important, utile et même essentiel pour la communauté, il ne faudrait quand même pas qu'ils soient pénalisés maintenant qu'ils ont vieilli sous le harnais, maintenant qu'il leur serait difficile de penser à se recycler dans une autre profession. "Il serait injuste de les pénaliser pour le progrès que connaît maintenant la profession. Mais il reste que je tiendrai, pour ma part, à ce que les droits acquis, si l'on peut parler des droits acquis, dans la matière de ces commis pharmaciens, soient préservés dans toute la mesure du possible". C'étaient les paroles du docteur Laurin.

La commission parlementaire ayant légiféré, l'Office des professions s'est rendu compte que les règlements n'étaient pas positifs à notre égard. Nous étions devant rien; nous n'étions pas compris dans les règlements qui touchaient les assistants-pharmaciens et les pharmaciens et devant la réglementation des délégations de pouvoirs qui touchent les techniciens en pharmacie.

Il y a eu confusion lors des débats. Pour certains législateurs, nous faisions partie du groupe des assistants-pharmaciens et, pour d'autres, nous faisions partie des techniciens en pharmacie. Aucune loi ne nous justifiait. Nous ne demandons aux législateurs que le droit de travailler et ce droit de travailler ne sera acquis que lorsque nous aurons un statut juridique nous permettant de travailler comme on l'a toujours fait depuis plus de 15 ans. Cedit statut juridique devait être celui d'assistant-pharmacien.

M. le Président, nous demandons que soit corrigée une injustice commise en 1973 lors de l'adoption de la Loi de pharmacie, car nous sommes les seuls à payer chèrement la revalorisation de la profession de pharmacie. Aussi, nous désirons mettre en garde le législateur pour éviter toute une confusion qui pourrait se reproduire encore, étant donné que le technicien en pharmacie est un employé dont la délégation de pouvoirs est limitée depuis 1973.

Nous, commis pharmaciens, avons travaillé seuls dans l'officine depuis des années avant 1973. Nous étions la classe de gens équivalant à l'assistant-pharmacien, et nous vous proposons d'inscrire l'article suivant dans le projet de loi no 25, tel qu'inscrit dans notre mémoire en page 21: "L'article 43 de la Loi de pharmacie est modifié par l'addition de l'alinéa suivant:

Toute personne ayant suppléé le pharmacien dans sa profession, pour une période excédant dix années de services en 1973, à temps plein, sera inscrite au tableau de l'Ordre des pharmaciens comme assistant-pharmacien, en conformité avec la Loi sur la pharmacie et des critères d'admissibilité suivants: a) avoir dix années de services minimum en 1973 ou 20 000 heures de travail comme suppléant du pharmacien; b) avoir une 11e année complétée et réussie ou posséder deux années d'expérience en sus pour chaque année de scolarité manquante; c) produire un affidavit prouvant ses expériences pertinentes en officine; d) avoir été accepté par le comité de sélection de l'asso- ciation en coopération avec l'Ordre des professions".

M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire, cette classe de gens mérite, par l'expérience acquise et leur dévouement à la profession, que cette proposition soit inscrite dans le projet de loi 25.

Premièrement, sachant que nous avons suppléé le pharmacien pour une période excédant dix années avant 1973;

Deuxièmement, sachant que nous avons appris la pharmacie comme l'étudiant l'apprend à l'université auprès d'un pharmacien licencié;

Troisièmement, sachant que nous avons fait nos preuves plus que les immigrants licenciés sans expérience;

Quatrièmement, sachant que les pharmaciens employeurs, en nous engageant, nous considéraient compétents pour protéger la santé publique;

Cinquièmement, sachant que nos membres ont été engagés par des pharmaciens pour les remplacer;

Sixièmement, sachant que nos membres sont expérimentés et formés par des pharmaciens licenciés, comme vous pouvez le constater à la page 15 de notre mémoire — vous avez toute une liste aux pages 15 et suivantes;

Septièmement, sachant que notre gagne-pain a été institué par des pharmaciens licenciés;

Huitièmement, sachant que nos membres auraient fait carrière dans une autre profession si les pharmaciens n'avaient pas créé le commis pharmacien;

Neuvièmement, sachant que, dans une société dite démocratique et honnête, les droits acquis doivent être respectés;

Dixièmement, sachant que l'Office des professions et le gouvernement ont légiféré pour préserver des droits acquis dans d'autres professions;

Onzièmement, sachant que nos membres perdent non seulement leur emploi mais en plus leur métier et ont d'extrêmes difficultés à se recycler ou simplement à se trouver un emploi;

Nous recommandons aux membres de la commission parlementaire ainsi qu'aux législateurs d'agir en bons pères de famille et de comprendre qu'abroger ce projet de loi sera l'approbation de l'exploitation d'une classe de gens par une corporation et que ce principe de la non-reconnaissance de droits pourrait éventuellement s'appliquer ailleurs lorsque les critères d'admissibilité sont modifiés.

D'une part, nous ne voulons pas causer de préjudice à qui que ce soit. Mais, d'autre part, nous voulons travailler décemment, hors de toute pression faite par l'ordre sur les pharmaciens qui nous emploient pour nous remplacer par un pharmacien licencié ou un assistant-pharmacien.

Nous vous remercions de votre attention, espérant fortement que vous mettrez en branle les mécanismes nécessaires pour pallier légalement cette situation inhumaine et antidémocratique. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, M. Lizotte, pour la présentation de votre mémoire. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais simplement clarifier un ou deux points pour notre gouverne. Tout d'abord, je veux rappeler comment les assistants-pharmaciens ont obtenu ce statut. Vous savez, je pense, qu'ils devaient être inscrits comme étudiants pendant trois ans, avoir suivi certains cours et avoir subi un examen, ou, alors, avoir été inscrits comme étudiants en pharmacie pendant quatre ans, avoir suivi certains cours et avoir fait un stage. Est-ce que, dans votre revendication pour obtenir ce même statut, vous seriez disposés à passer par les mêmes exigences que les assistants-pharmaciens? C'est ma première question. Ou, nous demandez-vous de vous admettre au statut d'assistant-pharmacien sans passer par les exigences que ceux-ci ont dû rencontrer?

M. Lizotte: Je crois que, au point de vue du stage, nous avons tous fait nos stages. Les stages sont faits, si on a travaillé pendant 15, 20, 25, 30 ans; nous avons été engagés par des pharmaciens, ce sont des pharmaciens qui nous ont formés, d'après moi, notre stage est fait. Si ces pharmaciens ne nous avaient pas engagés et laissés seuls — c'est très important — dans des pharmacies durant des périodes allant de 10, 15, 20, 25 à 30 ans, si on ne nous avait pas formés, ces pharmaciens ne nous auraient point gardés. Les pharmaciens qui nous ont engagés étaient des gens intelligents, je le crois, et nous laissaient travailler pour eux...

M. Morin (Sauvé): Je me pose la question parce que, en fait, c'était illégal à une certaine époque d'agir de la sorte, n'est-ce pas?

M. Lizotte: Oui, c'était illégal. Mais, dans ce temps-là, nous travaillions, et le Collège des pharmaciens de l'époque savait pertinemment que nous existions et nous laissait travailler. Nous étions en place... Le collège savait que nous étions là et nous a tolérés tout ce temps-là. En 1967, il a dit: C'est fini. C'est ça, notre stage, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Mais, le stage est une des conditions. Les assistants-pharmaciens ont dû être inscrits également, avoir suivi des cours. Est-ce que vous rencontrez ou est-ce que certains d'entre vous rencontrent cette exigence?

M. Lizotte: Je n'ai pas très bien saisi la question.

M. Morin (Sauvé): Je dis que le stage n'est que l'une des conditions...

M. Lizotte: Oui.

M. Morin (Sauvé): ... pour l'admission au statut d'assistant-pharmacien. Les autres conditions, je pensais avoir été clair tout à l'heure — vous les connaissez, d'ailleurs — c'est l'inscription comme étudiant en pharmacie pendant quatre ans, par exemple...

M. Lizotte: Oui.

M. Morin (Sauvé): ... ou encore, l'inscription pendant trois ans avec cours. Est-ce que certains d'entre vous, parmi votre groupe de préparateurs d'officine, rencontrent ces critères et combien, parmi le groupe que vous constituez, peuvent se prévaloir de ces conditions?

M. Lizotte: II y en a beaucoup dans notre groupe — on n'a pas fait le relevé — qui étaient des étudiants perpétuels. M. Martel sait très bien ce que je veux dire quand on parle d'étudiants perpétuels. C'est quelqu'un qui s'était inscrit à la faculté sans assister aux cours, sans jamais y aller, pourvu qu'il avait une carte d'étudiant; il avait un peu plus de latitude qu'un commis pharmacien. Ces étudiants payaient une cotisation annuelle, et puis, il est venu un moment où le collège a dit: On ne veut plus de votre argent. Arrêtez de nous payer. C'est fini, vous n'êtes plus étudiants perpétuels.

M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire qu'il y a chez vous des gens qui ont étudié pendant... Qui ont été inscrits comme étudiants en pharmacie pendant, par exemple, trois ans, quatre ans...

M. Lizotte: Si vous permettez...

M. Morin (Sauvé): ... qui ont suivi des cours...

M. Lizotte: Non, qui ne suivaient pas de cours, mais qui étaient inscrits à l'ordre comme étudiants, mais qui ne suivaient pas de cours. C'est vrai! J'en ai un ici... Je m'excuse. Avec votre permission, M. Bouchard. Combien de temps avez-vous payé... De 1946 à 1967, M. Bouchard a payé comme étudiant perpétuel une cotisation à l'ordre et, en 1967, ils ont dit: Monsieur, vous n'êtes plus bon...

M. Morin (Sauvé): II n'avait suivi aucun cours?

M. Lizotte: Aucun cours. Il s'était... Non, il avait fait deux ans à l'université. Mais, écoutez! Deux ans d'université, est-ce que ça forme un pharmacien ou ça ne le forme pas?

M. Morin (Sauvé): Bien! Je voudrais maintenant vous demander s'il est possible de faire un décompte de ceux qui ont fait des études, ceux qui ont été inscrits, un an, deux ans, trois ans; est-ce qu'il est possible de les distinguer de ceux qui n'ont jamais été inscrits en faculté, ou encore de ceux qui n'ont jamais suivi aucun cours? Est-ce qu'il y a moyen d'établir des catégories parmi vos gens?

M. Lizotte: On ne peut pas faire ça, parce que le collège... M. Laforest a eu les mêmes difficultés. On ne peut pas avoir de collaboration du collège

pour obtenir la liste de ceux qui étaient inscrits au Collège des pharmaciens à ce moment-là. Le collège ne voudra pas nous fournir la liste de ces gens-là.

Pour répondre aussi à votre question, ne croyez-vous pas que quelqu'un qui a passé trois ans en première année à l'université, qui a doublé trois ans sa première année et, maintenant, qui est assistant-pharmacien, ne croyez-vous pas que quelqu'un qui a travaillé 20 ans en pharmacie, a autant de compétence que cette personne?

M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire quelqu'un qui n'a jamais fréquenté un seul cours de pharmacie?

M. Lizotte: Oui, qui a été inscrit trois ans et qui est maintenant assistant-pharmacien. De l'autre côté, vous mettez quelqu'un qui a travaillé pendant vingt ans...

M. Morin (Sauvé): En principe ce serait à moi de poser les questions, mais puisque vous m'en posez une je vous répondrai: Non. Je ne crois pas. Il faudrait évidemment examiner chaque cas pour voir ceux qui pourraient entrer dans la catégorie d'assistants, s'il y en a parmi vous qui rencontrent les divers critères, ou rencontraient les divers critères, qui leur auraient permis de devenir assistants et qui n'ont pas, à l'époque, été reçus comme assistants, qui n'ont pas obtenu un statut auquel ils auraient peut-être eu droit. Je pense donc qu'il faut examiner ces cas-là. Mais ce que vous venez nous demander, c'est tout à fait différent. Vous venez nous demander, en somme, d'admettre à titre d'assistant-pharmacien des gens qui n'ont jamais suivi aucun cours de pharmacie en nous disant que leur présence dans les pharmacies et l'exercice de responsabilités qui, quelquefois, étaient illégalement exercées, autorisent à devenir assistant-pharmacien. C'est un plaidoyer qui laisse songeur.

M. Lizotte: M. Ricard va vous répondre.

M. Ricard (Roger): M. le ministre, parmi les assistants-pharmaciens, il y en a plusieurs qui n'ont même pas rencontré les critères. En plus de cela, il y a des pharmaciens licenciés, actuellement, qui n'ont même pas rencontré les critères et qui sont licenciés maintenant, et ont tous les droits d'un pharmacien.

M. Morin (Sauvé): Seriez-vous en mesure de documenter cela?

M. Ricard: Oui.

M. Morin (Sauvé): Alors, je prendrais connaissance avec intérêt de cas concrets, avec preuve à l'appui. Parce qu'il faut, dans notre esprit, que tout le monde soit traité sur le même pied. C'est une chose que de prétendre cela, c'en est une autre que de soutenir que quelqu'un qui n'a jamais suivi l'enseignement de la pharmacie puisse obtenir les droits d'assistant-pharmacien qui sont, à toutes fins pratiques, quasiment les mêmes que ceux des pharmaciens.

M. Ricard: C'est pour cela que nous croyons à l'injustice dans ce cas, parce qu'il y a des pharmaciens et des assistants-pharmaciens qui n'ont pas rencontré les critères et qui sont maintenant en place.

M. Morin (Sauvé): Quand vous dites qu'il y a des pharmaciens qui n'ont pas suivi d'enseignement, faites-vous allusion à d'anciens projets de loi privés qui avaient habilité certaines personnes à être inscrites à l'Ordre des pharmaciens ou faites-vous allusion à des pratiques plus ou moins orthodoxes de la part de l'ordre?

M. Ricard: Disons que cela s'est fait des deux façons.

M. Lizotte: On ne voulait pas le dire nous-mêmes. Le petit geste que vous venez de faire, on ne voulait pas le faire nous-mêmes.

M. Ricard: Nous avons voulu...

M. Lizotte: Vous l'avez fait, nous vous en remercions.

M. Morin (Sauvé): Je vous pose la question bien carrément et vous pourrez certainement prendre vos responsabilités et vous documenter sur ce que vous venez de dire.

M. Lizotte: Croyez-vous que nous allons avoir l'aide de l'Ordre des pharmaciens dans ces recherches-là?

M. Martel: Vous affirmez quelque chose, prouvez-le!

M. Ricard: Ça va.

M. Lizotte: M. Croteau a déjà rencontré l'Ordre des pharmaciens et a soulevé ce point-là. Il va vous dire ce qu'on lui avait répondu.

M. Croteau (Gérard): J'ai posé cette question-là à M. Robert qui était secrétaire de l'ordre, en présence de notre procureur du temps, Me Ovide Laflamme, et de M. Ricard et M. Dorion qui sont ici. Après avoir posé cette question plusieurs fois: Y a-t-il actuellement des personnes inscrites à l'Ordre des pharmaciens qui n'ont jamais fréquenté l'université? Cela a pris quelques minutes avant que je n'obtienne une réponse, mais j'ai eu cette réponse-là. Ils m'ont dit: M. Croteau, vous avez raison, mais on ne veut plus le faire dans l'avenir. C'est ce qu'on nous a répondu. Je me dis donc, quelle différence y a-t-il entre eux et nous?

M. Martel: A ce moment-là, j'aimerais avoir des cas concrets qu'on pourrait vérifier avec l'Ordre des pharmaciens, des noms, des dates, et là, on pourra voir si ce que vous affirmez est vrai. Parce que...

M. Croteau: J'ai eu la réponse de l'ordre, je présume que M. Robert et les gouverneurs qui étaient présents sont tout de même des gens responsables.

M. Martel: M. le Président, si vous permettez, il y a deux affirmations que je vois dans votre mémoire, à la page 2 entre autres, où vous rapportez les paroles de Pierre Robert, que vous avez cité tout à l'heure et qui était le responsable du stage des étudiants en pharmacie, qui décrit le pharmacien propriétaire comme étant un professeur ou un maître de stage qui dirige son élève stagiaire. Je voudrais ajouter que l'élève stagiaire auquel M. Robert fait allusion, c'est celui qui est inscrit à l'université, qui fait un cours en pharmacie à l'université et qui fait un stage complémentaire à l'intérieur d'une pharmacie. Le pharmacien n'est pas maître de stage du commis en pharmacie, c'est très clair.

A la page 3, par exemple, vous affirmez que vous avez rempli, pendant un certain nombre d'années, des ordonnances magistrales, c'est-à-dire, pour ceux qui ne sont pas dans la profession, des mélanges de produits chimiques qu'on faisait beaucoup dans le temps, mais la science pharmaceutique a évolué et, maintenant, nous avons un arsenal thérapeutique d'au-delà de 25 000 médicaments. Je crois qu'ici, c'est une affirmation gratuite que de dire que les prescriptions que l'on préparait comportaient beaucoup plus de risque que celles d'aujourd'hui. Je dis que non. Aujourd'hui, je pense que, avec les 25 000 médicaments, les médecins sont dépassés, dans le domaine de la science pharmaceutique, ils ont besoin des pharmaciens pour voir les incompatibilités qu'il peut y avoir d'un médicament à un autre; d'où l'importance, en 1977, devant cet arsenal thérapeutique considérable, d'avoir des gens d'une compétence pharmacologique valable. Cela devient de plus en plus important d'avoir ces connaissances scientifiques, et je termine en posant ma question qui est d'ordre humanitaire. Je la comprends.

Vous avez oeuvré pendant X années, dans des officines, et je pense que, pour la plupart d'entre vous, vous continuez également d'oeuvrer dans des officines. Vous avez mentionné, tout à l'heure, que vous étiez 200 préparateurs d'officine. J'aimerais savoir, depuis l'application, en 1967, d'une façon plus stricte, plus sévère, d'une loi qui a toujours existé, c'est-à-dire celle qui veut que le pharmacien doit être dans sa pharmacie, mais qui, malheureusement, n'a pas toujours été appliquée comme elle devait l'être, combien, parmi les 200, ont été mis à pied à la suite de l'application de cette loi qui existait depuis toujours et qui a été mise en application d'une façon plus sévère depuis 1967.

M. Lizotte: M. Martel, je veux revenir à ce que vous disiez tout à l'heure, au point de vue de la formation. Vous avez reçu votre formation, il y a assez longtemps, vous vous êtes quand même tenu au courant de tous les médicaments qui sont venus sur le marché depuis qu'on a laissé le mor- tier; nous, on a fait la même chose. Chaque fois qu'il y a eu des nouveaux produits, on s'est mis à la page, on a travaillé en pharmacie, mais on a perdu notre gagne-pain, on a perdu notre place de responsable de l'officine.

M. Martel: Sans vouloir faire une différence entre nous, je suis pour l'égalité de tout le monde, mais il reste que j'ai étudié quatre ans à l'université après avoir fait des études antérieures et que j'ai acquis une base, dans le domaine scientifique, qui me permet de mieux suivre cette évolution pharmaceutique. Je pense que cette base est indispensable, aujourd'hui, devant le nombre considérable de médicaments qu'il y a; c'est nécessaire d'avoir la base scientifique pour pouvoir suivre cette évolution que je suis d'ailleurs, avec les autres membres de l'Ordre des pharmaciens, par cette éducation qu'on continue à recevoir pour être à jour dans l'évolution de la science pharmaceutique. Il est important d'avoir eu cette base, cette formation, au niveau de l'université, pour pouvoir suivre cette évolution et être à jour, être en mesure de renseigner le médecin, être en mesure de renseigner le patient sur l'automédication; je pense que c'est indispensable pour jouer notre rôle de pharmacien.

M. Ricard: M. Martel, il y a beaucoup de patrons qui nous engagent et qui nous permettent d'avoir les mêmes revues ou les mêmes écrits sur les nouveaux produits; alors, on se tient au courant au même niveau que vous.

Deuxièmement, M. Martel, j'ai rencontré un administrateur de l'Ordre des pharmaciens, cet après-midi, qui m'a dit: On n'est pas contre vous, mais on est contre le "cheap labor"; et beaucoup de pharmaciens tiennent à nous garder dans l'illégalité pour nous payer meilleur marché, même s'ils sont obligés de payer l'amende. Vous savez qu'il y a des pharmaciens comme ça. Je crois qu'au lieu de nous tenir dans le "cheap labor" et dans l'illégalité, il serait temps, après dix ans de bataille, de nous donner quelque chose.

M. Martel: D'accord, mais...

M. Ricard: Alors, M. Martel, je crois que vous êtes un de ces pharmaciens qui ont été obligés de payer l'amende contre l'article 31.

M. Martel: J'ai dit au curé ce matin: Nommez-moi une personne qui est sans péché. Qu'elle se lève cette personne dans la salle.

M. Ricard: Tous les gens font des péchés. Comment se fait-il que tous les gens se tiennent dans le péché? C'est très différent que de faire un péché.

M. Martel: Je vais vous dire, par exemple, que si je reçois une revue chinoise et que je ne connais pas l'alphabet chinois, je ne la lirai pas.

M. Ricard: Comment se fait-il, M. Martel, qu'il y ait des gens, qui ont seulement un cours pri-

maire, qui soient diplômés en pharmacie? Est-ce qu'ils ont la possibilité d'apprendre plus facilement que nous qui avons souvent plus de cours et plus de scolarité qu'eux?

M. Martel: Donnez-moi des noms de gens qui ont un primaire et qui ont une licence.

M. Ricard: Oui, monsieur, je vais vous en donner.

M. Martel: On attend cela et on vérifiera avec l'ordre. Mais j'ai posé une question, tout à l'heure, pratique. J'ai demandé combien de personnes, sur les 200 que vous représentez cet après-midi, ont été mises à pied, du point de vue pratique, depuis l'application de la loi?

M. Harvey (Jean-Paul): Je ne suis pas sûr. J'ai 28 ans de service en laboratoire.

M. Martel: II y en a combien?

M. Harvey: Nous sommes environ une quarantaine, dans le moins.

M. Martel: Sur les 200 que vous représentez.

M. Harvey: Oui, tranquillement pas vite, cela s'en va, M. Martel, vous êtes logique, vous êtes humain. Vous savez très bien cela.

Le Président (M. Marcoux): Un instant. Le groupe qui vient nous voir peut inviter n'importe quel de ses membres à parler, mais il faut que les personnes s'approchent à la table, parlent au micro et s'identifient. Ce n'est pas une procédure policière, c'est simplement aux fins du journal des Débats, pour que tout soit clair. Il n'est pas question que personne dans la salle ne parle ou ne s'exprime. C'est à ceux qui sont à la table de le faire.

M. Lizotte: M. Martel, est-ce que les personnes que vous avez engagées et pour lesquelles vous avez payé l'amende étaient des Chinois? Vous dites que, si on reçoit des revues chinoises... Vous voulez dire qu'on n'est pas capable de comprendre les revues pharmaceutiques ou même... Les cours d'éducation continue, je les ai vus.

Le Président (M. Marcoux): Je dois vous arrêter. Sur cette question, j'ai fait le même type d'intervention, je crois que c'est mercredi, à l'endroit d'un autre député, le député de Pointe-Claire. Le député de Pointe-Claire est dentiste, donc de formation médicale. On s'adressait à lui en tant que médecin plutôt qu'en tant que député. Tous les membres qui sont autour de cette table sont ici à titre de députés. Vous devez vous adresser à eux en tant que députés et non en tant que membres de telle formation professionnelle. Je pense que ceci doit être très clair.

M. Lizotte: Oui. Je m'excuse, c'est...

M. Martel: Je répondrai à la question après, comme pharmacien.

M. Lizotte: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): ... du parti ministériel sont épuisés. M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, nous avons devant nous un problème humain qui est réel et qui est important. Nous avons assisté à l'évolution de nombreuses professions du domaine de la santé où, effectivement, pour des raisons historiques, en l'absence de structures telles que nous pouvons les retrouver aujourd'hui, des personnes ont posé des actes professionnels et les ont posés pendant une période de temps importante. A la fin de cette période, quand le législateur est intervenu, quand la corporation professionnelle elle-même est intervenue pour régulariser des choses dans certains cas, les clauses grand-père de ces règlements, de ces lois ont suffi à éliminer ces problèmes. Une largeur d'esprit a été manifestée. Mais dans d'autres cas des problèmes ont subsisté. En voici un.

Je voudrais d'abord vous poser une question qui me paraît se situer au coeur de votre mémoire et de votre préoccupation. Vous demandez une reconnaissance au titre d'assistant-pharmacien. Je sais que votre problème n'est pas nouveau.

Ce n'est pas la première fois que je vois une liste de personnes qui sont dans la situation que vous avez décrite. Il est possible que cette demande ait eu ses origines un peu loin dans le passé. Si je m'exprime de cette façon en posant la question, c'est parce que plus tôt dans la journée, nous avons examiné le statut des assistants-pharmaciens et nous sommes en ce moment où nous parlons, à trois exceptions près d'une quasi égalité de statut entre assistants-pharmaciens et pharmaciens.

Si, par exemple — le gouvernement et le ministre ont entrouvert cette porte il y a un certain nombre de minutes en posant une question au porte-parole de la corporation professionnelle — si le gouvernement prenait la décision d'éliminer les trois restrictions qui existent quant à l'assistant-pharmacien, l'effet serait de situer votre requête différemment, peut-être, parce que ce serait pour être reconnu au même titre que les pharmaciens, ceux que l'on appelle licenciés, quoique le mot ne soit pas du plus parfait français.

J'aimerais que vous vous exprimiez là-dessus, parce que j'aimerais savoir ceci: Est-ce que votre demande est d'être reconnu comme assistant-pharmacien dans ce que signifie strictement cette expression, dans le contexte de la discussion autour du projet de loi no 25? Ou est-ce que votre demande est un peu moins précise que cela? Est-ce qu'elle pourrait se situer autour d'une reconnaissance de statut qui conserverait quand même une différence entre le vôtre et celui du pharmacien diplômé?

M. Lizotte: M. Descary a parlé tout à l'heure que, dans l'esprit de la loi en 1973, il devait y avoir

une distinction entre le pharmacien et l'assistant-pharmacien. Cela n'a pas été très bien séparé dans la loi, où le mot "pharmacien" comprend l'assistant-pharmacien. Ce qu'on veut, pour répondre à votre question, c'est revenir comme on a toujours travaillé jusqu'en 1967, à être en charge de l'officine, à travailler seul en officine, sans la présence physique d'un pharmacien, sous la responsabilité, comme M. Descary l'a dit, du pharmacien qui nous engage. On est d'accord là-dessus et on ne demandera jamais une licence en pharmacie.

Tout ce qu'on veut, c'est de revenir comme nous étions avant. La seule chose qu'on veut, ce sont nos droits acquis, ce qu'on avait avant 1967, qui nous a été enlevé en 1967. Notre droit de travail, c'est tout! Un permis de travail.

M. Goldbloom: Je vous remercie de cet éclaircissement, parce que vraiment, le problème se voit un peu différemment avec cette explication que sans elle. Parce que sans elle, vous étiez en train de demander une reconnaissance presque au même niveau et peut-être éventuellement au même niveau que celle d'un pharmacien diplômé.

Maintenant, j'ai une autre question à vous poser et elle est embêtante, je m'en excuse à l'avance. Mais si vous obtenez une reconnaissance, un statut en vertu de la loi, ce qui vous permettrait de poser certains actes d'ordre professionnel dans les pharmacies, est-ce que cette reconnaissance, ce statut, changerait la situation économique que vous avez décrite, qui fait que certains pharmaciens — je ne veux pas généraliser à l'égard de cette profession soeur — mais que certains pharmaciens, selon ce que vous avez présenté dans votre mémoire, ont une tendance a retenir les services de personnes qui n'ont aucune formation professionnelle, parce que l'absence de cette formation fait de ce personnel une main-d'oeuvre à meilleur marché?

Si vous avez un statut reconnu, sûrement que vous allez demander une rémunération convenable à ce statut. Qu'est-ce qui empêcherait, dans tout cela, que le pharmacien continue d'engager du personnel qui n'aurait pas le statut, ni l'expérience que vous avez?

M. Lizotte: II y a beaucoup de nos membres qui sont en chômage, qui vont pour se faire engager. Le pharmacien lui dit: Ecoute, tu es trop pour moi; ce dont j'ai besoin, c'est une tapeuse d'étiquettes, une petite fille qui va être capable de lire une prescription, de la taper; ensuite, je la vérifierai.

On a trop d'expérience pour travailler. Nos membres qui sont en chômage, c'est parce qu'ils ont trop d'expérience qu'ils ne sont pas engagés. C'est paradoxal, mais c'est comme ça.

Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Ils demandent un salaire trop élevé, parce qu'ils ont des connaissances. Quelqu'un qui a travaillé vingt ans dans une industrie quelconque a acquis de l'expérience et demande un salaire équivalant à son expérience. Mais en l'empêchant d'être le maître dans l'officine, celui qui prend la décision dans l'officine, c'est là qu'on est bloqué.

M. Goldbloom: Je comprends facilement ce que vous exposez et je constate, comme j'ai pu le faire dans le passé, qu'il y a ce problème très réel qui fait que parmi les membres de votre groupe, il y a des pères de famille qui sont sans emploi et cela, depuis une période importante. Il me semble que nous ne pouvons que reconnaître l'existence d'un problème et chercher ensemble autour de cette table une solution raisonnable.

J'ai voulu vous amener à faire cette distinction entre ce que peut signifier le terme assistant-pharmacien et la nature exacte du statut que vous recherchez.

J'aimerais, M. le Président, même si vous avez souligné que le temps alloué au parti ministériel était écoulé, que nous ayons quelques minutes de plus pour inviter le ministre à faire des commentaires additionnels et peut-être nous indiquer s'il a des idées quant à une solution possible au problème qui nous est présenté, parce que problème il y a.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que ce ne serait pas préférable que ce soit à la fin ou si vous...

M. Goldbloom: D'accord.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Certains points ont déjà été mentionnés, certaines questions ont été posées, je vais essayer de les éviter. Il y a peut-être deux ou trois aspects. Au point de vue de l'équivalence, en somme ce que vous recherchez, ce serait un statut égal avec l'assistant-pharmacien et ce rôle d'officine, de commis que vous accomplissez dans le moment. Je crois, d'après votre mémoire, que plusieurs d'entre vous, dans le passé, ont été gérants de pharmacie, souvent en l'absence du pharmacien, donc vous accomplissez exactement ce que l'assistant-pharmacien faisait. C'est ça qui en découle?

M. Lizotte: C'est exact.

M. Le Moignan: Maintenant, si on parlait d'examens. Est-ce que vous seriez prêts à passer les mêmes examens qu'un assistant-pharmacien serait appelé à passer, pour évaluer vos qualifications?

M. Lizotte: Si c'était un examen pratique de la pharmacie.

M. Le Moignan: Un examen pratique, oui, comme les autres, les assistants-pharmaciens, qui ne sont pas tous passés par les universités. Ils n'ont pas tous nécessairement fait un stage.

M. Lizotte: Non, dans cela, il y en a qui ont été

trois ans en première année. L'avocate du collège a dit ce matin qu'il y en avait qui n'avaient aucune année d'expérience. M. Martel a même dit ce matin qu'il y en avait plusieurs, chez les assistants-pharmaciens, qui avaient doublé trois fois leur première année. Vous avez dit cela ce matin. Trois fois en première année, je me dis que si je ne suis pas capable de battre le gars qui a fait trois ans en première année... Est-ce que cela répond à votre question?

M. Le Moignan: Oui. Avant 1967, il y a plusieurs d'entre vous qui travaillaient dans les pharmacies. A ce moment-là, il y a des inspecteurs qui visitaient?

M. Lizotte: Oui, il y avait des inspections régulièrement.

M. Le Moignan: Est-ce que vous étiez pris en défaut? Est-ce qu'il y a eu des poursuites?

M. Lizotte: Non. Dans ce temps-là, il y avait des inspections régulières. Les inspecteurs prenaient le nom du propriétaire et le nom des personnes qui travaillaient en officine, et rapportaient cela au Collège des pharmaciens qu'on appelait dans ce temps-là. Donc, nous étions inscrits automatiquement, parce que l'inspecteur venait et prenait nos noms comme étant des employés d'officine. Et on était seul. Quand il venait, on était seul. On n'a jamais eu de problèmes de ce côté-là.

M. Le Moignan: C'est un peu une confirmation du poste que vous déteniez à ce moment-là? On en tenait compte.

M. Lizotte: La preuve, c'est qu'ils nous demandaient: Qui est gérant de la pharmacie. Là, on se nommait: Je suis M. Untel, gérant. Et il n'y avait aucun problème.

M. Le Moignan: On ne vous demandait pas vos qualifications? On n'insistait pas tellement?

M. Lizotte: Non. On disait: On est gérant de la pharmacie. Et on était seul dans la pharmacie. Si on avait été tellement dans l'illégalité, par la suite, on aurait eu des poursuites. Mais le Collège des pharmaciens laissait travailler les commis seuls en pharmacie. C'était courant. On travaillait seul en pharmacie. C'était dans les moeurs. C'était courant. On n'aurait pas fait carrière dans la pharmacie si on n'avait pas eu d'avenir. Si on est allé là, c'est parce qu'on croyait avoir un avenir. En 1967, à ceux qui travaillaient là depuis dix ou quinze ans on leur a dit: Non, vous n'êtes plus bons.

Ecoutez, vous engagez quelqu'un et au bout de quinze ans, vous lui dites: Non, tu n'es pas bon. Il me semble qu'au bout de quinze ans, cela prend du temps avant de dire à quelqu'un tu n'es pas bon.

M. Le Moignan: Dernière question. Depuis 1967, est-ce qu'il y en a qui ont continué de rem- plir encore le rôle de gérant de pharmacie, un peu?

M. Lizotte: Oui.

M. Croteau: Excepté que la présence du pharmacien, généralement... Il y a des endroits.

M. Lizotte: II y a aussi beaucoup de pharmaciens qui ont payé l'amende pour avoir laissé... — si vous voulez des listes, je peux vous en fournir — il y a des pharmaciens qui ont payé l'amende, de septembre 1974 à décembre 1975, cela fait treize mois. Ce sont tous des pharmaciens qui ont payé l'amende pour avoir laissé travailler des commis pharmaciens, sans surveillance, exactement.

Est-ce que ces pharmaciens sont des criminels? Est-ce que ce sont des types insensés d'avoir laissé ces gens-là continuer à travailler? Ou est-ce parce qu'ils les pensaient compétents?

D'après moi, c'est parce qu'ils les pensaient compétents. S'ils n'avaient pas été compétents, ils les auraient foutus à la porte avant cela.

M. Le Moignan: Et c'est cette compétence que vous réclamez. Je vous remercie.

M. Lizotte: Merci bien.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, en 1971, lorsque vous vous êtes présentés devant la commission parlementaire, je me souviens y avoir été présent. D'ailleurs, vous y faites référence dans votre mémoire, à la page 12. Nous avions exprimé, au gouvernement de l'époque, d'être extrêmement prudent afin de ne pas créer d'injustices à l'égard des personnes qui, à ce moment-là, exerçaient différentes activités au sein de ces professions sur le plan professionnel.

Dans le mémoire, à la page no 12, vous citez une parole de M. Castonguay qui était le ministre des Affaires sociales de l'époque qui se lit comme suit: "Vous avez une bonne cause. Vous allez voir, dans ce cas-ci comme dans celui des denturolo-gistes, le gouvernement sera appelé à légiférer pour encadrer, dans les faits, cette situation. Je crois qu'il y aurait lieu d'ajouter que si le règlement, qui doit être préparé à cet effet par le bureau de l'ordre, en discussion avec l'association qui les représente, ne se concrétise pas, il reste toujours la possibilité que l'Office des professions fasse adopter un tel règlement. Il y a toujours cette possibilité, lorsque les discussions ne donnent pas les résultats escomptés."

Je m'adresse à nos invités. L'article 10 de la loi stipule que l'Ordre des pharmaciens peut et doit définir les tâches qui, en officine, peuvent être accomplies par d'autres qu'un pharmacien. Est-ce que ces règlements ont été faits?

M. Croteau: Oui, le règlement a été amendé par l'Office des professions, par la suite, mais ce

règlement a été jugé en cour par trois juges, je crois, de la Cour d'appel. Apparemment ce règlement est ultra vires et ne peut pas... Les pharmaciens ne peuvent pas déléguer de tâches à d'autres individus qu'à des personnes inscrites à l'Ordre des pharmaciens.

M. Roy: Mais l'Ordre des pharmaciens n'a pas respecté, si je me base sur les documents que j'ai en main — c'est pour cela que j'aimerais que vous éclairiez la commission de ce côté-là—les exigences de l'article 10, n'aurait pas, selon vous, respecté les exigences de l'article 10 et n'aurait pas appliqué le règlement en question?

M. Croteau: C'est-à-dire que nous avons rencontré l'Office des professions, je crois que c'est au mois de novembre 1975, le règlement venant en force au mois de novembre 1975, et le président d'alors, Me René Dussault, nous a montré un télégramme de l'Ordre des pharmaciens lui disant que ce règlement était inapplicable et qu'il n'y avait pas possibilité de l'appliquer.

M. Roy: Dans la loi, il y a deux articles: il y a l'article 10 qui stipule que l'ordre peut et doit définir les tâches et l'article 11 ajoute que si l'ordre ne le fait pas, l'Office des professions peut le faire. Si je comprends bien, c'est l'Ordre des professions qui l'aurait fait, qui aurait fait le règlement et l'Ordre des pharmaciens l'aurait contesté devant les tribunaux.

M. Croteau: Oui. On croyait à ce moment-là aussi que ce règlement ne corrigeait pas grand-chose; qu'au contraire, cela nous handicapait au point de vue du travail.

M. Roy: En somme, vous avez demandé, par l'entremise de vos procureurs, que soit édicté, par ordre en conseil, le règlement définissant les tâches de préparer en officine conformément à l'article 11 de la loi?

M. Croteau: C'est cela.

M. Roy: J'aimerais bien, en ce qui me concerne, savoir un peu, du côté gouvernemental, de quelle façon on envisage pouvoir apporter une solution à ce problème, étant donné que tous les partis de l'Opposition, à l'Assemblée nationale — on a cité le Dr Laurin qui, dans le temps, était le représentant de l'Opposition du Parti québécois à la commission parlementaire — ont attaché énormément d'importance, autour de cette commission, sur les droits acquis des personnes qui travaillaient alors depuis de nombreuses années.

J'aimerais bien, si on est capable de nous éclairer un peu, du côté gouvernemental aujourd'hui, qu'on nous dise de quelle façon le gouvernement prévoit être en mesure de trouver une formule, quelle est la formule que le gouvernement entend appliquer pour régler une situation que je n'hésite pas à qualifier d'injuste.

Si des personnes ont travaillé pendant 25 ans ou 30 ans dans un domaine particulier, il y a quand même l'expérience qui compte. Ce n'est pas le seul domaine où il y a des difficultés actuellement au niveau de la qualification professionnelle; on les retrouve un peu partout. Les nouvelles normes sont extrêmement rigides. Ceux qui ont de l'expérience et à qui on demande de passer certains examens ont de la difficulté, non pas à cause de leur manque de connaissances, à cause de leur manque d'expérience, mais à cause des exigences techniques des examens.

M. Martel: Si vous permettez...

Le Président (M. Marcoux): Comme le temps du parti ministériel est écoulé — actuellement, il y a deux questions qui ont été directement adressées au ministre — j'ai cru comprendre tantôt qu'il y avait eu consentement pour que le ministre intervienne. Alors, je vais céder la parole au ministre, et après que le ministre aura...

M. Roy: Est-ce qu'il y a consentement pour que le député puisse répondre aussi? J'ai posé une question, et j'aimerais bien avoir une réponse.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Le Moignan: On n'a pas épuisé notre temps. On avait quinze minutes, alors on peut leur prêter ces minutes.

M. Roy: C'est cela. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Est-ce que c'est le député de Richelieu avant, ou lequel? M. le député de Richelieu?

M. Morin (Sauvé): M. le député de Richelieu peut commencer.

M. Martel: Très rapidement, vous avez parlé de réglementation. Actuellement, ce qui se passe, c'est qu'il y a des corporations professionnelles qui font des règlements qu'elles soumettent à l'Office des professions. Ensuite, l'Office des professions les soumet au ministre responsable qui les fait sanctionner, par la suite, par le lieutenant-gouverneur en conseil. A ce moment, cela prend force de loi, c'est-à-dire devient officiel. C'est comme cela qu'on procède actuellement dans les corporations professionnelles.

L'autre question, évidemment, c'est l'aspect humain, je l'ai mentionné tout à l'heure. Ce n'est pas tout le monde qui a été mis à pied depuis 1967. On nous a dit tout à l'heure qu'il y en avait une quarantaine. Les pharmaciens ont toujours besoin d'avoir de l'aide dans leurs officines. On en a encore besoin de commis en pharmacie, mais évidemment, avec des rôles bien spécifiques à jouer. On en a encore besoin. Chez moi, on est quatre pharmaciens dans la pharmacie. J'ai cinq ou six commis en pharmacie. J'en ai besoin pour accomplir des actes bien précis. C'est tout ce que j'avais à dire.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, le député de Beauce-Sud a fait allusion à l'intervention de mon collègue, à ce moment, député de Bourget, maintenant ministre d'Etat au développement culturel, en 1971, je crois. Il faut bien lire avec attention ce qu'il avait dit à cette époque, et ne pas perdre de vue qu'il avait bien spécifié qu'il ne pensait pas à appliquer aux commis de pharmacie, d'une façon automatique, la clause grand-père. Donc, il avait réservé son jugement au moment où il se montrait sympathique, comme nous voulons l'être, d'ailleurs, à ces personnes qui voudraient voir réviser leur statut. J'aurais deux questions rapides à vous poser pour m'éclairer et pour alimenter notre réflexion sur le problème que vous avez soulevé, puisque le projet de loi que nous avons devant nous n'est certainement pas le dernier qui va être adopté dans le domaine des professions, quoique nous devrons certainement, à un moment donné, faire en sorte que ces reliquats de problèmes causés par le Code des professions ne s'allongent pas indéfiniment dans l'avenir.

Ma première question serait celle-ci: Est-ce que vous recherchez — elle est dans le prolongement d'une question que j'ai trouvé fort pertinente du député de D'Arcy McGee tout à l'heure — un statut d'assistant-pharmacien tel que défini dans la loi actuelle et telle qu'elle pourrait être modifiée si ce projet de loi était adopté, c'est-à-dire, est-ce que vous recherchez un statut où vous auriez droit de vote, droit d'éligibilité à la Corporation des pharmaciens?

M. Lizotte: Non, ce n'est pas cela qu'on recherche. J'ai répondu tout à l'heure qu'on veut être inscrit dans le même esprit que M. Descary a répondu, dans le même esprit que M. Descary pensait que l'assistant-pharmacien était inscrit en 1973. Tout ce qu'on veut, c'est de travailler seul en officine. C'est très simple.

M. Morin (Sauvé): Oui, je constate, effectivement.

M. Lizotte: C'est ce que nous faisions, M. le ministre. Cela répond à votre question, parce que c'est ce que nous faisions jusqu'en 1967 au vu et au su du Collège des pharmaciens.

M. Morin (Sauvé): Je ne veux pas en disconvenir. Cela a été probablement souvent le cas, bien que ce fut sans doute, dans certains cas, également dans l'illégalité. Cet argument ne m'influence qu'en partie, étant donné qu'au moins, de 1964 à 1973, ou du moins, de 1967 à 1973, il était carrément interdit, que je sache, de procéder de la sorte. Je vais vous poser une autre question qui sera sans doute la dernière.

Vous recherchez un certain statut, en somme, qui vous autoriserait à travailler seuls en pharmacie et donc à prendre un certain nombre de responsabilités professionnelles. Cela suppose certainement une formation. Le législateur ne peut pas admettre qu'on puisse être seul et prendre souvent de lourdes responsabilités, s'il n'y a pas eu formation.

Or, j'admets volontiers qu'on puisse acquérir une formation par voie d'apprentissage concret. Je pense que ça, on voit ça tous les jours. La formation ne s'apprend pas qu'à l'université. C'est concédé. Mais il faut, dans la mesure où il y a formation par apprentissage, comme dans le cas où il y a formation par enseignement, qu'il y ait un contrôle, qu'on sache si l'étudiant est arrivé à tel degré de connaissances, de même si ça se fait par voie d'apprentissage concret, il faut qu'on puisse s'assurer également que l'impétrant, que celui qui désire un statut, ait atteint un niveau de connaissances qui permette de s'assurer que le public est protégé dans la mesure où on voudrait que le commis en pharmacie ou le préparateur d'officine soit seul à prendre la responsabilité dans la pharmacie.

La question que je vous pose maintenant est celle-ci: Seriez-vous disposés, étant donné que vous soutenez que vous avez la préparation, l'expérience, la connaissance, à vous soumettre à un contrôle de cette connaissance?

M. Lizotte: Le contrôle existe, M. le ministre, par la formation continue qui existe à l'Ordre des pharmaciens. Nous sommes prêts à suivre les mêmes cours que les pharmaciens ont à remplir, un cours de formation continue. M. Martel est sûrement au courant. Ils reçoivent ça régulièrement. C'est un questionnaire sur les médicaments, sur toutes sortes de choses. Je peux parler de péché — on a parlé de péché plusieurs fois — parce que j'ai déjà rempli ce cours pour des pharmaciens qui n'avaient pas le temps de le faire.

M. Martel: J'aurais aimé voir le résultat.

M. Lizotte: Je vais vous dire. Le résultat, je l'ai eu. J'ai eu 93%.

M. Morin (Sauvé): Bon! Alors... M. Lizotte: Bon! C'est parce que... M. Morin (Sauvé): ... M. Lizotte... M. Lizotte: Oui.

M. Morin (Sauvé): ... soyons clairs. Ce n'est pas de ça dont je vous parle. Je ne vous parle pas de cours qui tendent à maintenir le niveau des connaissances et à vous informer de tous les nouveaux produits qui peuvent sortir. Je vous parle de la formation fondamentale. Est-ce que vous seriez disposés, puisque vous dites que vous avez appris tout ça sur le tas, dans la pharmacie, à vous soumettre à un contrôle de connaissances?

M. Lizotte: On est prêt sûrement à discuter d'un cours comme cela, à contrôle, mais il ne faudrait pas qu'on s'embarque dans quelque chose qui nous demanderait 15, 20 ou 25 heures de travail par semaine. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.

Si vous dites que vous voulez nous faire étudier. Est-ce que c'est...

M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas ça que j'ai dit, M. Lizotte, quoique dans certains cas, ça pourrait, pour pouvoir se qualifier, j'imagine, amener des études. Tout ce que je vous demande, c'est ceci: Vous soutenez que votre formation, votre apprentissage concret dans la pharmacie est aussi bon qu'un autre. Je vous dis: Si tel est le cas, vous êtes certainement disposés à vous soumettre à un examen de contrôle de ces connaissances fondamentales.

M. Lizotte: Bien oui. Nous l'avons dit dans notre mémoire, à l'article d), quand on a parlé d'être inséré dans l'article de la loi. L'article d) dit: Avoir été accepté par le comité de sélection de l'association, en coopération avec l'Office des professions. Dans notre idée à nous, l'Office des professions ne prendrait pas n'importe qui. On est sûr que l'Office des professions est un organisme très sérieux, et l'Office des professions n'accepterait pas n'importe qui. Nous, non plus, on ne voudrait pas accepter n'importe qui et l'Office des professions, j en suis sûr, peut nous aider. On est prêt à coopérer avec l'Ordre des pharmaciens aussi.

On n'est pas contre... J'aimerais qu'on soit bien clair. On n'est pas contre qui que ce soit. On n'est pas contre le Collège des pharmaciens. On n'est pas contre qui que ce soit. On est pour nous. On a été formé et on est sûr qu'on peut rendre un service.

M. Morin (Sauvé): M. Lizotte, je note donc que vous seriez disposés à vous soumettre à un contrôle de connaissances fondamentales, un examen de connaissances fondamentales et sur cette base, je suis prêt à réfléchir à la question et certainement à en parler, pas seulement avec vous, mais avec le Collège des pharmaciens et avec tous les intéressés. Je pense que dans la mesure où il y a un contrôle, on peut peut-être progresser.

M. Lizotte: Nous n'avons rien contre le contrôle.

M. Croteau: Si c'est un examen pratique, nous sommes prêts.

M. Morin (Sauvé): Un examen de connaissances fondamentales.

M. Lizotte: Oui, oui. M. Croteau: Oui.

M. Morin (Sauvé): Puisque vous soutenez que vous les avez acquises, en somme.

M. Ricard: A cause des irrégularités qui se sont produites assez souvent au Collège des pharmaciens, je crois qu'il faut que ce soit fait non seulement sous le contrôle du Collège des pharmaciens, mais de l'Office des professions et de nous aussi.

M. Morin (Sauvé): Nous verrons pour les technicités et les aspects techniques de la chose, si vous voulez bien, mais je prends bonne note de ce que vous avez dit, M. Lizotte et je m'engage à y réfléchir sérieusement.

M. Lizotte: Je remercie beaucoup tous les membres de la commission de nous avoir reçus.

Le Président (M. Marcoux): Un instant, le député de D'Arcy McGee qui n'avait pas utilisé tout son temps aurait une question ou deux à vous poser.

M. Goldbloom: Combien de minutes me reste-t-il?

Le Président (M. Marcoux): Cinq minutes.

M. Goldbloom: Je ferai vite. Je pense que ce que le ministre vient de mettre sur la table est d'une importance fondamentale. Je suis heureux que vous ayez accepté, que vous ayez répondu oui à la queston posée par le ministre, parce que, après tout, vous dites: Nous devrions revenir au statu quo ante où nous exercions de telle et de telle façon, parce que nous avons les connaissances nécessaires à cet exercice.

Le ministre vous demande: Etes-vous prêts à prouver que vous avez ces connaissances? Il faut que vous disiez oui à cela.

Il y a une question qui me tracasse un peu et elle n'est pas méchante. Le problème existe depuis une période de temps considérable. Vous avez fait allusion aux débats, aux discussions qui ont eu lieu dans le passé. Pendant cette période de temps, presque une décennie, est-ce que vous avez fait des efforts, soit par le truchement de la corporation professionnelle, soit avec une université ou des institutions d'enseignement, en vue d'améliorer vos connaissances, de vous tenir à la page, pas simplement en lisant la documentation qui est à votre disposition, mais d'une façon plus formelle que cela?

M. Lizotte: II n'y a pas de cours comme tels qui existent. Vous demandez si on a fait des efforts depuis 1967, bien sûr. Nous avons engagé un avocat qui nous a demandé $26 000 pour présenter un bill privé. C'est de l'argent, $26 000. Nous n'avons pas le budget du Collège des pharmaciens. Nous avons fourni $26 000 de nos deniers et on a perdu cet argent parce que le projet de loi qu'il voulait présenter était illégal, car pour présenter un bill, en 1968, il fallait absolument avoir le consentement du Collège des pharmaciens et Me Cutler ne l'avait pas demandé, il avait été averti qu'il ne pouvait pas faire cela et on a dépensé cet argent. Non seulement l'argent, mais le temps. Vous savez, nous faisions des efforts, mais nos efforts n'étaient pas dirigés dans la bonne direction. Après cela, on nous a demandé de former une association. Nous avons formé l'Association des préparateurs d'officine. Nous y avons présenté trois mémoires et ces trois mémoires ont été déboutés. Comme M. Fabien Roy le disait, il y a de très bonnes recommandations qui ont été faites en

1973. M. Castonguay avait même dit, votre cause est bonne, allez-y les gars. M. Laurin avait dit: C'est bon votre affaire.

M. Goldbloom: Je vous remercie de ces réponses qui fournissent un éclairage. Je voudrais, en terminant, remercier le ministre de son ouverture d'esprit dans ce qu'il vient d'exprimer.

Nous avons vu, dans d'autres professions, comme par exemple, dans le cas de celle qui sera devant les micros, dans quelques instants, la constitution de groupe, qu'on appelle auxiliaires, aides, dans la profession dentaire il y a eu un groupe qui a été identifié. Je ne veux pas dire qu'il y a un parallèle absolu, mais je voudrais tout simplement, par ce rappel, inviter le ministre à poursuivre sa réflexion, de façon à trouver une solution au problème humain.

Le Président (M. Marcoux): M. le ministre voudrait apporter une correction à des propos qui ont été tenus tantôt.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, il semble qu'on ait dit, tout à l'heure, que les tribunaux avaient déclaré ultra vires le règlement concernant la détermination des actes visés par l'article 17, des actes qui peuvent être posés par les classes de personnes autres que des pharmaciens.

M. Croteau: Oui.

M. Morin (Sauvé): II doit y avoir erreur, je ne crois pas que ce soit le règlement qui ait été invalidé, il est toujours en vigueur, en tout cas à ce que je sache. Ce qui a été annulé, c'est un règlement sur la publicité et la tenue de pharmacie, ce qui n'est pas du tout la même chose.

M. Croteau: Je m'excuse, M. le ministre, mais vous pouvez obtenir une copie; nous avons fait parvenir une copie de ce jugement à l'Office des professions. C'était une cause que l'Ordre des pharmaciens avait contre un pharmacien de Montréal; le pharmacien est allé en appel et devant l'appel... L'Office des professions a le jugement.

M. Morin (Sauvé): Et vous parlez du règlement visant la délégation des actes?

M. Croteau: Oui, dans le jugement il est dit qu'un pharmacien ne peut pas déléguer des tâches à d'autres personnes que des personnes inscrites à l'Ordre des pharmaciens.

M. Morin (Sauvé): Oui, ça c'est une autre affaire, mais je ne crois pas que ce règlement, en particulier, ait été annulé. En tout cas, on va tenter d'éclaircir la chose plus tard, peut-être si nous pouvons entendre, après les prochains intervenants, le collège de nouveau, M. le Président.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre participation aux travaux de cette loyale assemblée.

M. Croteau: Merci.

Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec à venir nous présenter son mémoire.

Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Mme Tellier-Cormier (Janine): M. le Président, M. le ministre responsable, messieurs les membres de la commission, l'organisme que je représente, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec... J'aimerais vous signaler que plusieurs personnes m'accompagnent puisque, dans les commentaires que nous vous avions fait parvenir, différents sujets étaient soulevés, de sorte que, aujourd'hui, nous avions prévu, si c'était votre volonté, de pouvoir répondre à certaines de vos questions.

Les personnes qui m'accompagnent, si je débute par mon extrême droite: Mlle Laurette Pelletier, syndic à l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec, à sa gauche Mlle Marguerite Wheeler, secrétaire adjoint, à ma droite immédiate, Me André Prévost, conseiller juridique, à ma gauche immédiate, Raymond Boulé, vice-président de l'ordre, à sa gauche, Mlle Monique Chagnon, directeur du secteur de l'inspection professionnelle, à la gauche de Mlle Chagnon, Mlle Foisy, relation-niste.

Dans un premier temps, je voudrais attirer votre attention sur une correction qui devrait être faite dans votre document, à la page 5, l'élément d), deuxième ligne; il faudrait ajouter, après le terme "actualisation" le mot "professionnelle".

Je pourrais badiner et vous dire qu'on a cherché afin de trouver le mot "actualisation" dans les dictionnaires et nous ne l'avons pas trouvé. Il fait maintenant partie de notre vocabulaire et à l'Assemblée nationale, ce matin, le premier ministre, M. Lévesque, l'employait justement.

Le Président (M. Marcoux): Alors cela va sûrement passer dans le dictionnaire de la langue française.

M. Goldbloom: Et dans le petit livre rouge. M. Morin (Sauvé): Deuxième édition.

Le Président (M. Marcoux): ... par tous nos amis, membres de l'Assemblée nationale.

Mme Tellier-Cormier: Excusez, M. le Président. Dans un deuxième temps, pour clarifier nos commentaires, j'aimerais que, lorsqu'on parle de radiation provisoire, vous considériez qu'on lui donne la définition ou l'intention d'une suspension temporaire et lorsqu'on parle d'une limitation provisoire, on veut dire une limitation temporaire. Je fais ces clarifications parce que s'il arrivait que le législateur retenait une de nos suggestions, nous apprécierions que le mot "radiation provisoire" soit remplacé par "suspension temporaire" et le mot "limitation provisoire" par "limitation temporaire".

Si cela peut rendre service au président et aux

membres de la commission ainsi qu'au ministre responsable, nous avons quand même des copies de la présentation que je ferai, parce qu'il n'est pas dans mes habitudes de relire les commentaires que nous faisons parvenir aux différentes commissions.

Le Président (M. Marcoux): Vous avez des habitudes. Comme à l'habitude, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter l'essentiel de votre mémoire.

Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président.

Permettez moi, en premier lieu, de vous remercier de nous avoir donné l'occasion d échanger avec vous aujourd'hui sur nos commentaires, relativement au projet de loi no 25, Loi modifiant le code des professions et d'autres dispositions législatives. A titre de corporation professionnelle, nous avons préparé, au cours du mois de mai, nos commentaires qui vous sont déjà parvenus dans les délais prescrits. Vous pourrez constater que nos prétentions se divisent en cinq parties distinctes dont une seule concerne directement les amendements proposés au Code des professions par le projet de loi no 25, soit nos commentaires sur les articles 51, 52 et 53 du Code des professions. Quant aux autres points soulevés dans notre mémoire, nous avons cru nécessaire de vous les présenter afin de vous sensibiliser à certains problèmes qu'affronte l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et qui nécessitent certains amendements au Code des professions ainsi qu'à la Loi des infirmières et infirmiers. Conscients des règles de procédure qui gouvernent les commissions parlementaires, nous vous laissons l'entière discrétion pour entendre nos commentaires à l'appui des parties B) à E) de notre mémoire.

Depuis le mois de mai 1977, le bureau de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec s'est penché particulièrement sur les modalités d'application des articles 51, 52 et 53 du Code des professions. Nous n'avons pas l'intention de vous relire les commentaires que nous vous avons soumis par écrit quant à ces articles, mais nous croyons nécessaire d'apporter certaines suggestions quant aux modifications qui devraient être apportées à l'article 2 du projet de loi no 25, plus particulièrement en ce qui concerne l'article 51c.

L'expérience a démontré qu'il s'écoule ordinairement un délai assez prolongé entre le moment où le bureau ordonne l'examen médical d'un de ses membres et la réception des rapports des trois médecins désignés. Conscients de la principale fonction d'une corporation professionnelle qui est d'assurer la protection du public, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec croit que certains mécanismes devraient être inclus au Code des professions afin de suspendre ou limiter temporairement le permis d'exercice d'un professionnel jusqu'à ce que le rapport des médecins désignés soit déposé devant le bureau de la corporation professionnelle concernée. Ceci a pour but d'empêcher un professionnel qui présente un état physique ou psychique incompatible avec l'exercice de sa profession, de causer des torts qui pourraient être irréparables pour le public. Nous ne croyons pas qu'en regard des articles 51 et 52, une corporation professionnelle puisse, à sa seule discrétion, exercer un tel pouvoir de suspension ou de limitation temporaire d'un permis d'exercice.

A cette fin, une suggestion qui a retenu l'attention du bureau de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec est la formation d'un comité d'évaluation permanent. Les personnes faisant partie de ce comité seraient nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil, sur recommandation des différentes corporations professionnelles. Ce comité d'évaluation pourrait se rapporter administrativement à l'Office des professions.

Le comité serait formé de trois personnes ayant les qualifications suivantes: un membre étant un professionnel de la corporation concernée, l'autre étant un médecin et enfin, le troisième membre étant un psychologue. Ce comité d'évaluation aurait pour fonction de recommander au bureau d'une corporation professionnelle la suspension ou la limitation temporaire du permis d'exercice d'un de ses membres en attendant que soit déposé auprès du bureau de la corporation concernée le rapport des trois médecins, tel que prévu par l'article 51c du Code des professions.

Afin que soit effectué le travail de ce comité d'évaluation dans les plus brefs délais, l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec suggère que le comité ait un délai de dix jours francs pour déposer ses recommandations auprès du bureau de la corporation professionnelle concernée, tel délai commençant à courir à partir du moment où le bureau d'une corporation ordonne l'examen médical d'un de ses membres.

Aucun mécanisme de révision ne devrait exister à l'encontre de la recommandation du comité d'évaluation. Nous croyons qu'un tel mécanisme assurerait au maximum la protection du public en attendant que les médecins désignés, conformément à l'article 51a du Code des professions aient déposé leur rapport auprès du bureau de la corporation professionnelle concernée.

D'ailleurs, cette suggestion va dans le même sens que le Health Disciplines Act, chapitre 47, des statuts de l'Ontario, 1974. En effet, cette loi ontarienne édicte, au paragraphe 4 de l'article 85, que le conseil exécutif du Health Discipline's Board possède le pouvoir de suspendre le certificat d'un membre après rapport d'un comité d'enquête jusqu'à ce que le comité d'enregistrement ait déterminé d'une façon finale la capacité du membre d'exercer sa profession.

Si ça peut vous rendre service, on a aussi des copies de l'article 85 contenu dans cette loi ontarienne en regard des disciplines de la santé.

Le mécanisme du comité d'évaluation que nous suggérons a comme qualité l'objectivité des recommandations, les membres de ce comité, n'occupant aucune fonction au sein d'une corporation professionnelle et étant nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Les modifications suggérées aux articles 51, 52 et 53 du Code des professions, par le nouveau projet de loi 25 devraient aussi être complétées par l'inclusion d'un

délai de remise des rapports par les médecins désignés. En effet, bien que l'article 51 a fixé des délais quant à la désignation des médecins par les parties concernées, il n'est fait aucune mention d'un délai pour remettre leur rapport.

Nous croyons qu'un délai d'au plus trois mois devrait être édicté pour la remise des rapports, ceci incluant l'examen du professionnel concerné. L'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec est d'opinion qu'un professionnel ne doit pas attendre indéfiniment le dépôt du rapport des médecins. De plus, si notre suggestion de la création du comité d'évaluation devait être retenue, ceci empêcherait une limitation ou suspension temporaire d'un permis d'exercice pour une période trop prolongée.

Enfin, qu'il nous soit permis de suggérer que le nouvel article 51d du Code des professions contienne une mention d'exécution provisoire de la décision du bureau prise en vertu de l'article 51d nonobstant appel.

En effet, est-il de la protection du public de permettre à un professionnel radié du tableau ou dont le droit d'exercer a été limité à certaines activités professionnelles de pouvoir continuer à exercer sa profession, sans aucune restriction parce qu'il a interjeté appel devant le Tribunal des professions.

L'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec est d'opinion que la protection du public exige que la décision du bureau d'une corporation professionnelle soit exécutoire, nonobstant appel.

Ceci termine les commentaires que nous tenions à vous communiquer aujourd'hui, en regard des modifications proposées aux articles 51, 52 et 53 du Code des professions. Nous sommes à votre disposition pour répondre aux questions que vous pourriez avoir à nous poser quant à ces articles et à nos recommandations, ainsi qu'à toute question touchant les quatre autres points énumérés à notre mémoire du mois de mai 1977, si tel était votre désir. Merci.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais m'attacher surtout aux propositions de changement qui nous sont faites concernant les articles 51 et suivants, mais surtout l'article 51 du code.

Si j'ai bien compris, on voudrait qu'une procédure de radiation, provisoire ou temporaire, existe sous l'empire de l'article 51, plutôt que sous l'article 128a qui suppose le recours au comité de discipline, pour toute radiation.

J'avoue que j'ai quelques hésitations devant ces arguments. Au comité de discipline, si je ne m'abuse, nous avons la présence d'une personne de l'extérieur, d'un juriste, je crois, qui en est même le président, si je ne m'abuse. Tandis que sous l'empire de l'article 51, c'est le bureau de la corporation où ne figure aucune personne de l'extérieur, si j'ai bien compris, qui prendrait la décision, où figurent, plutôt, des personnes qui sont nommées pour en faire partie. C'est juste.

Mais il n'y a pas que cette présence du juriste qui donne au comité de discipline certaines tenues par rapport aux lois existantes. Je vous avoue qu'il faudrait m'expliquer pourquoi il vous paraît si essentiel de procéder par le truchement du bureau plutôt que par le truchement du comité de discipline.

Je sais que vous allez me dire— et vous le dites, je crois — que c'est disciplinaire, que c'est une procédure qui pourrait entacher, en quelque sorte, la réputation de la personne dont le cas se trouve à être soumis au comité de discipline.

Mais j'avoue qu'il faudrait en faire la démonstration. Si, par exemple, une personne tombe malade, d'une maladie grave, qui suppose que sa capacité d'exercer ses fonctions est entamée, je ne vois pas en quoi elle peut subir un préjudice du fait que le cas est présenté au comité de discipline plutôt qu'au bureau, puisqu'il n'y a rien d'infamant, que je sache, à être radié provisoirement ou temporairement, pour cause de maladie, par exemple.

Pourriez-vous m'expliquer pourquoi le mécanisme du comité de discipline vous paraît si peu apte à remplir les fonctions qui lui sont dévolues par la loi en ce moment?

Mme Tellier-Cormier: M. le Président, M. le ministre, c'est que selon nous, au moment de la réforme des lois professionnelles, le législateur a quand même, à ce moment-là, prévu des dispositions pour trois circonstances très différentes.

D'une part, si quelqu'un présente des problèmes à cause d'une limitation sur le plan de son état physique ou psychique; ça c'est une situation. La réforme a prévu une autre situation où on doit évaluer la compétence professionnelle, ce qui touche le secteur de l'inspection professionnelle. Le législateur a aussi prévu une autre section où on parle de la discipline. Dans la discipline, pour nous, c'est une personne qui est consciente d'une infraction qu'elle commet.

Pour nous, lorsque le législateur a introduit justement cette différenciation dans les trois situations, lorsque le code a été adopté, nous étions d'accord avec cette différenciation. Maintenant, nous voulons aller plus loin dans la différenciation pour permettre que, si on fait une différence dans la situation, on puisse avoir des mécanismes propres à chacune des situations pour bien situer le problème. C'est dans cet esprit et c'est à l'application des lois actuelles qu'il nous est apparu que ce serait — je ne veux pas dire plus facile, parce que ce n'est pas le terme, et je ne veux pas dire plus logique, mais c'est presque cela qu'il faudrait que je dise — plus logique, d'une certaine façon, que chacune des situations puisse avoir les solutions à ses problèmes. C'est dans cet esprit que nous trouverions qu'un mécanisme devrait nous permettre, quand c'est dû à un état physique ou psychique et que nous avons des problèmes au niveau de la pratique, de ne pas traiter cette personne de la même façon qu'une autre qui fait une infraction d'une façon consciente et volontaire.

C'est un des arguments qui a milité pour la tenue de nos propos, et c'est à essayer de trouver une solution que nous sommes arrivés aujourd'hui

à vous présenter un tel mécanisme qui peut peut-être paraître, dans l'esprit d'un législateur, encore une bureaucratie de plus. Cela peut paraître peut-être comme cela. Nous sommes quand même face à des situations et, en vertu des articles 51, 52 et 53, nous avons, jusqu'ici, eu 27 plaintes concernant uniquement ces articles. C'est à cause de ces plaintes et parce qu'il faut appliquer quelque chose en regard de ces problèmes, qu'on a, aujourd'hui, présenté au législateur un mécanisme qui paraît peut-être alourdir, mais qui, selon nous, faciliterait la solution et nous permettrait vraiment, dans un temps précis, de faire en sorte que le public soit protégé.

Je demanderai aussi à Me Prévost d'aller plus loin dans l'argumentation au niveau du bien fondé de nos propos. Merci, M. le Président. J'ai terminé.

M. Prévost (André): Avec votre permission, M. le Président, j'aimerais soumettre que, du point de vue du Code des professions qui existe actuellement, je prends note de la remarque qu'a faite M. le ministre, tout à l'heure, concernant le comité de discipline et l'article 128a.

Or, le comité de discipline prend sa juridiction de l'article 114 du Code des professions qui dit que le comité est saisi de toute plainte formulée contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du présent code, de la loi constitutant la corporation dont il est membre ou des règlements adoptés conformément au présent code ou à ladite loi. C'est un article, c'est une disposition générale quant à toute infraction qui peut être posée.

Par la suite, les articles 127 et 128a prévoient les mécanismes de radiation provisoire. Or, l'article 51, de son côté, affecte une juridiction spéciale au bureau pour ce qui concerne les professionnels qui sont dans l'incapacité d'exercer leur profession dû à un état physique ou psychique incompatible. Or, l'article 51 est, je le soumets respectueusement, une disposition particulière dérogeant à la disposition générale de l'article 114 qui donne le pouvoir au comité de discipline.

Si on devait appliquer la recommandation de se servir du mécanisme de radiation provisoire par l'entremise du comité de discipline, voici la situation dans laquelle on se retrouverait. On aurait, d'un côté, une ordonnance du bureau pour forcer un professionnel à se soumettre à un examen médical. Afin d'avoir une radiation provisoire— parce qu'il semblerait que ce professionnel, en attendant que le rapport des médecins soit déposé, soit dangereux ou risque de causer des problèmes au public — on irait devant le comité de discipline par l'institution d'une plainte, parce que la radiation provisoire se fait par requête lorsqu'il y a eu plainte portée devant le comité de discipline. Vous avez une instance principale qui est la plainte et vous avez l'instance provisoire qui est la requête, l'instance incidente, si je peux utiliser ce mot qui vient du Code de procédure civile.

Or, à supposer que le comité de discipline rendrait une ordonnance provisoire aux termes de l'article 128a, elle s'appliquerait immédiatement. Le rapport des trois médecins entre au bureau de l'ordre. Le bureau de l'ordre décide de radier pour de bon ce professionnel, mais la décision quant à la radiation provisoire s'applique toujours, parce que l'article 128a dit que l'ordonnance de radiation provisoire devient exécutoire dès qu'elle est signifiée à l'intimé. Elle demeure en vigueur jusqu'à la signification de la décision finale du comité. Il faudrait, en plus, aller devant le comité de discipline au mérite pour avoir les décisions, parce que, tant que le comité de discipline au mérite ne s'est pas prononcé sur la plainte principale, la radiation provisoire s'applique. Qu'est-ce qui se passerait si le bureau décidait après le rapport des trois médecins de ne pas radier la personne en question? La personne en question demeure radiée en vertu de l'article 128a parce qu'il n'y a pas de décision finale du comité de discipline. Nous soumettons qu'il faut différencier le pouvoir disciplinaire et le pouvoir qui attaque la capacité même d'une personne de pratiquer sa profession.

Comme le disait Mme la présidente tout à l'heure, vous avez, d'un côté, le comité de discipline qui va sanctionner des actes qui peuvent être raisonnés et faits volontairement, et vous avez, de l'autre côté, une décision du bureau qui va toucher quelqu'un qui, du côté psychique, ne peut peut-être pas raisonner et avoir pleine conscience de ses actes.

Si je peux me permettre seulement un dernier commentaire sur les propos de M. le ministre, à savoir qu'il n'y avait pas de juriste quant au mécanisme que nous suggérons pour la suspension temporaire, en fait, on suggère la création d'un comité d'évaluation qui est directement indépendant, formé de spécialistes qui sont à même de pouvoir dire, sur enquête sommaire, si une personne a la capacité de continuer à exercer sa profession en attendant que le rapport des trois médecins soit entré. Cet organisme, assurément indépendant, relève de l'Office des professions et les recommandations sont transmises au bureau. Alors, on a un organisme qui est assurément indépendant, qui va évaluer la possibilité du professionnel de pouvoir continuer à exercer sa profession.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que je peux vous poser une question? Ce dernier mécanisme que vous venez de décrire, c'est nouveau? Cela ne se trouve pas, que je sache, dans le mémoire?

Mme Tellier-Cormier: Dans le mémoire, dans nos commentaires, on vous soumettait qu'on devrait avoir une disposition pour une radiation ou une suspension provisoire. Dans nos commentaires d'aujourd'hui, on se permet de vous donner ou de vous suggérer une solution en regard de cette demande qu'on faisait pour une radiation provisoire ou une suspension temporaire. On fait seulement ajouter davantage aujourd'hui à ce qu'on avait déjà en allant plus loin, parce qu'on a travaillé très fort pour essayer d'arriver aujourd'hui d'une façon positive, non seulement à vous dire qu'on voudrait ou que ce serait mieux comme cela, mais en vous suggérant une modalité d'application. C'est dans un esprit positif qu'on l'a fait, et on a dû travailler fort pour le trouver.

M. Morin (Sauvé): Oui. Il va falloir que nous prenions le temps de regarder la chose.

Mme Tellier-Cormier: Si cela peut être utile à la commission, j'ai aussi apporté une copie complète de la réglementation en regard des disciplines de la santé de l'Ontario, d'où nous avons tiré, à l'article 85, si on veut, le principe, mais en ne l'appliquant pas avec les mêmes instances tout simplement. Si cela peut aider la commission, on peut le remettre à M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Vous vous rendez compte que cela signifie un long mécanisme de consultation des autres professions du conseil interprofessionnel. Ce n'est pas simple, ce que vous nous proposez.

Mme Tellier-Cormier: Oui. C'est sûr que ce n'est pas facile. Le problème, on le vit à partir du fait qu'on a dû essayer de trouver d'autres solutions en regard des plaintes qu'on avait reçues. C'est évident que peut-être toutes les corporations professionnelles ne sont pas touchées de la même façon. Je ne sais pas, sur les 38 corporations, combien ont reçu de plaintes en regard des articles 51, 52 et 53. Je pense qu'il y a cet aspect aussi.

M. Morin (Sauvé): Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez eu un certain nombre de plaintes?

Mme Tellier-Cormier: Nous avons eu 27 plaintes depuis la mise en application du Code des professions, uniquement en regard des articles 51, 52 et 53. 27 plaintes.

M. Morin (Sauvé): De quelle nature?

Mme Tellier-Cormier: A l'égard de nos membres. On disait que leur état physique et psychique était incompatible avec la pratique de leur profession. De ces 27 plaintes, nous avons fait 12 radiations qui touchent 10 individus, parce que nous avons dû répéter des radiations pour des mêmes personnes. C'est justement lors de l'application du code actuel que nous avons vécu des situations pour lesquelles nous essayons de trouver des solutions. Ce n'est pas si simple. On sait que c'est un mécanisme de plus, mais, actuellement, si on applique le Code des professions en vertu des articles 51, 52 et 53, lorsqu'on reçoit une plainte, on fait une enquête concernant cette plainte pour savoir si elle est bien fondée. Ensuite, on présente au bureau l'ensemble du problème pour qu'il juge s'il doit faire une ordonnance. Le bureau fait alors une ordonnance et vous avez ensuite le mécanisme suivant: le membre décide de son médecin, nous, nous devons décider d'un deuxième médecin et d'un troisième à l'entente des deux. Ces mécanismes sont très longs.

Le problème, c'est que, quelques fois, on est mis devant une situation qui nous fait dire: C'est épouvantable, c'est inconcevable de penser que ce membre continue de pratiquer. C'est dur pour nous de dire cela, de porter un jugement aussi ra- pidement. C'est pour cela qu'on voudrait un mécanisme provisoire qui permette au bureau, sur recommandation de ce comité, de limiter ou de suspendre provisoirement, mais en s'assurant d'activer le mécanisme. En vertu de l'article 51, nous demanderions un délai de trois mois, examens et rapports compris.

Nous avons fait des statistiques, mais on a aussi fait des moyennes. Quand on demande une ordonnance, entre le temps où on la demande et le temps où cela se termine, c'est très long. C'est cinq mois et demi au minimum en moyenne, avant qu'on puisse être devant des résultats qui nous permettent de prendre une décision. Cela a même déjà été d'un an et demi. C'est cela le problème.

Le Président (M. Marcoux): Le député de Terrebonne.

M. Fallu: Le mécanisme que vous proposez aurait l'avantage, par conséquent, de réduire de cinq mois et demi — et vous avez une évaluation... Les dix jours, c'est pour donner une réponse. A partir de l'enclenchement du dépôt de la plainte jusqu'au rapport...

Mme Tellier-Cormier: Trois mois.

M. Fallu: Trois mois?

Mme Tellier-Cormier: Oui, mais, par contre...

M. Fallu: Mais cela reste quand même provisoire.

Mme Tellier-Cormier: Non. Le mécanisme qui est provisoire, c'est celui qu'on vous suggère aujourd'hui: sur un examen sommaire doit faire une recommandation, le bureau va décider de l'ordonnance ou de la radiation. Le bureau, dans un premier temps, a décidé de l'ordonnance. Sur recommandation du mécanisme provisoire qu'on introduit aujourd'hui, le bureau, à ce moment-là pourrait prendre une décision en regard d'une suspension temporaire ou d'une limitation temporaire.

M. Fallu: Et ce mécanisme-là durerait combien de temps? Un mois environ, même moins?

Mme Tellier-Cormier: Nous disons au maximum trois mois, parce que, dès que l'ordonnance est exigée, le mécanisme pour les examens médicaux doit se mettre en branle.

M. Fallu: Mais si le comité...

Mme Tellier-Cormier: ... d'évaluation.

M. Fallu: ... d'évaluation que vous proposez, fait de trois membres qui est à l'office, comme celui-là est déjà constitué, les délais pourraient être moins longs.

Mme Tellier-Cormier: On demande au maxi-

mum dix jours. Quand quelqu'un est dangereux pour le public, il l'est à partir du moment où on sait qu'il est dangereux.

M. Fallu: Entre le dépôt de la plainte chez vous, au bureau, et l'ordonnance que vous émettriez après enquête de ces trois personnes de l'office, les délais pourraient être d'environ un mois.

Mme Tellier-Cormier: Je veux clarifier ceci: Dans un premier temps, on a le dépôt de la plainte. Nous devons, à ce moment-là, faire enquête pour savoir s'il y a un bien-fondé. A partir du moment où on trouve qu'il y a un bien-fondé à la plainte et que le bureau prend la décision d'une ordonnance, nous voudrions que le mécanisme qu'on vous suggère, un comité d'évaluation permanente, ait dix jours pour nous faire une recommandation. Par la suite, le bureau doit reprendre une décision en regard de la recommandation du comité permanent. C'est trois mois au maximum, les examens de médecins compris et les rapports devant nous.

M. Fallu: Donc, deux temps deux mouvements, si on veut. Moins d'un mois pour la première partie et moins de trois mois pour la seconde, la décision finale aura lieu. Avez-vous un peu idée de ce qui en est dans les autres corporations professionnelles?

Mme Tellier-Cormier: Je sais qu'il y a d'autres corporations, dont la Corporation des médecins, qui ont des problèmes analogues aux nôtres en regard des articles 51, 52 et 53.

M. Fallu: Entre autres pour la nomination des médecins-enquêteurs.

Mme Tellier-Cormier: Au niveau de la nomination des médecins, nous avons eu la collaboration du Collège des médecins pour nous fournir des noms. Mais le problème, c'est que même quand le membre a désigné le sien, son médecin, et que nous, nous avons désigné le nôtre, et qu'après, les deux se sont entendus pour le troisième, ils sont désignés, mais ils n'ont pas encore décidé qu'ils faisaient l'examen, et après qu'ils ont fait l'examen, le rapport, ça ne veut pas dire qu'il arrive la semaine suivante. On en attend longtemps. C'est ça, le problème, aussi.

M. Fallu: D'accord. Je vous remercie.

Mme Tellier-Cormier: Oui, mais j'ai une autre réponse à vous donner, M. le député...

M. Fallu: Je les prends.

Mme Tellier-Cormier: ... si M. le Président me le permet. C'est ce que je voudrais clarifier. Le mécanisme qu'on propose, nous, on dit qu'il pourrait relever administrativement de l'Office des professions, mais on ne dit pas nécessairement que c'est un comité à l'office. Je pense que... En tout cas, pour moi, il y a une nuance. M. Desgagnés me regarde avec... Pour moi, il y a une nuance. C'est qu'il en relèverait administrativement, mais ça ne veut pas dire que c'est un comité de l'office.

M. Fallu: Mais pourquoi pas, à la limite, un comité de l'office qui soit permanent pour l'ensemble des corporations professionnelles, une fois parti?

Mme Tellier-Cormier: Si on veut, oui, mais, à ce moment-là, il y aurait un médecin et un psychologue qui peuvent être permanents, mais, au niveau du troisième, c'est un membre de la corporation concernée...

M. Fallu: Oui.

Mme Tellier-Cormier: ... parce que, si on veut avoir une indication de la façon de limiter, ça prend quelqu'un qui connaît la profession, car, même si je fais une suposition, une hypothèse, disons que je serais dans un comité comme ça et que je jugerais un ingénieur ou un architecte, moi, je ne suis pas capable de savoir ce qu'est la limite de sa profession. C'est dans ce sens qu'on a introduit l'élément d'un membre de la profession concernée, parce qu'il connaît ce qui se fait dans sa profession, d'une part; on a mis un médecin, parce qu'il doit évaluer l'état physique, sommairement et globalement, et un psychologue, parce qu'on dit, à l'article 51: Si c'est l'état physique ou psychique, le psychologue ne diagnostiquera pas la maladie, mais il est capable de réaliser s'il y a des problèmes qui vous empêchent de fonctionner.

M. Prévost, si M. le Président le permet...

M. Prévost: En fait, j'aurais simplement voulu résumer en deux minutes, parce qu'on vous présente naturellement quelque chose de nouveau au point de vue du mécanisme, comme disait le ministre tout à l'heure, et je le réalise vraiment.

En fait, ce qu'on suggère, ce sont deux points principaux. Le premier, c'est de limiter le temps pour les trois médecins désignés pour remettre leur rapport, le limiter à trois mois. C'est-à-dire qu'il y a les délais que vous avez inclus dans le projet de loi no 25, qui concernent la nomination de l'un et de l'autre et qui sont de 20 jours, mais leur travail devra être exécuté dans un délai de trois mois, ceci incluant l'examen du professionnel concerné.

La deuxième modification qu'on suggère, c'est que, dans cet intervalle de trois mois, si la personne est vraiment incapable de travailler pour des causes physiques ou psychiques, on voudrait qu'on puisse la suspendre temporairement. Alors, à partir du moment où l'ordonnance d'examen est rendue pour les trois médecins qui vont rendre leur rapport dans trois mois, immédiatement, le comité d'évaluation serait saisi de l'affaire pour déterminer, dans les dix jours francs, sur enquête sommaire, si la personne, le professionnel concerné, en attendant la période de trois mois, le dépôt des rapports des médecins, est capable de continuer d'exercer.

Donc, cette limitation provisoire ou la suspension provisoire durerait, de cette façon, trois mois au maximum, ce qui est le temps de remise des rapports des médecins. De cette façon, on croit que la protection du public serait assurée, puisque cela prévoirait quand même qu'un professionnel qui est incapable d'exercer sa profession, pour cause physique ou psychique, serait suspendu le temps que les médecins l'aient vraiment établi. Si les médecins établissent finalement que cette personne est parfaitement normale, c'est parfait, elle va continuer à travailler.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, est-ce que je pourrais vous poser une question dans la perspective où nous étudierions la proposition que vous faites et où nous reverrions, en somme, de façon tout à fait fondamentale, les mécanismes qui sont prévus dans la loi? Vaut-il la peine, à votre avis, d'adopter les articles 51 et 51a à 51e qui se trouvent dans l'actuel projet de loi.

Mme Tellier-Cormier: Oui, certainement.

M. Morin (Sauvé): Vous pensez que cela améliorerait tout de même la situation?

Mme Tellier-Cormier: Oui, cela l'améliorerait, mais...

M. Morin (Sauvé): C'est ce que nous pensions aussi, mais je voulais m'en assurer auprès de vous.

Mme Tellier-Cormier: Nous aussi, nous partageons, M. le ministre, cette assurance du fait que, déjà, le projet de loi 25 améliore en regard de ce qui existe déjà. Si, en éducation, il est très important et très intéressant, avant d'aller de l'avant avec un projet qui s'instaure à la grandeur, qu'il y ait des projets pilotes. Est-ce qu'on ne pourrait pas à ce moment-ci, s'il était de la volonté du ministre, que l'Ordre des infirmières puisse, selon votre bon vouloir, aller de l'avant avec un mécanisme comme cela, en termes de projets pilotes?

M. Morin (Sauvé): Là, je ne veux prendre aucun engagement parce que cela demande beaucoup de réflexion, même pour un projet pilote. Nous nous engagerions dans une voie relativement nouvelle, par rapport aux mécanismes existants. Nous n'y sommes pas fermés, je trouve cela intéressant et je pense que le président de l'office, M. Desgagné, partage aussi mon intérêt pour ce que vous proposez. Mais il va falloir l'étudier avec attention, il va falloir consulter, j'imagine, les autres professions, comme je l'indiquais, tout à l'heure, et, éventuellement aussi en parler au Conseil interprofessionnel qui a des prérogatives et qui en est jaloux, comme vous le savez. Je pense que vous êtes bien placée pour le savoir. C'est pourquoi je vous posais la question à savoir si nous procédons en attendant.

Mme Tellier-Cormier: M. le ministre, si vous voulez aller de l'avant et procéder en attendant avec déjà ce qui est, ne pourriez-vous pas y inclure la nécessité, en dedans de trois mois, le trois mois, l'examen de médecin compris, parce qu'on a, entre autres, un cas qui traîne depuis un an et demi. C'est presque inconcevable.

M. Morin (Sauvé): Comment ces délais s'accumulent-ils? Par la mauvaise volonté de la partie visée ou des médecins...?

Mme Tellier-Cormier: Je ne veux pas porter de jugement sur d'autres professionnels parce que ce n'est pas dans ma philosophie, d'une part, mais d'autre part, c'est évident que l'examen peut se faire et on peut recevoir parfois, après je ne sais combien d'appels et de lettres aux professionnels concernés pour recevoir leur rapport. Parfois on attend des mois après ce rapport. Il faut avoir le rapport des trois et vous allez admettre avec moi que, si le premier a fait l'examen un an avant celui qui fait le dernier, qu'est-ce que ça vaut dans le fond? Alors, ce sont des problèmes...

M. Morin (Sauvé): Je suis bien prêt à vous donner raison là-dessus, parce que la condition d'une personne peut changer du tout au tout en quelques mois, sinon en quelques semaines, voire—n'est-ce pas docteur — en quelques jours. On voit ça dans la politique aussi.

Mme Tellier-Cormier: II y a des revirements, oui!

M. Morin (Sauvé): Mais, je voudrais vous demander quelles seraient les conséquences si nous incluions un délai de trois mois dans un de ces articles nouveaux. Quelle serait la conséquence du non-respect de ce délai de trois mois?

Mme Tellier-Cormier: Si c'est dans le Code des professions, et si, dans le Code de déontologie du professionnel concerné, il doit s'y soumettre, il devra passer en discipline au niveau de sa propre corporation, selon moi. Vous m'avez posé une question très rapide, je n'y ai pas pensé avant, mais je fais ma logique avec ce qui est là-dedans pour arriver à cette réponse. Peut-être allez-vous me dire que je ne suis pas logique, je ne sais pas.

M. Morin (Sauvé): C'est-à-dire qu'on peut s'interroger à savoir si ce serait une faute professionnelle que de ne pas respecter un délai qui serait prévu dans le Code des professions dans ce cas-là? Parfois il y a de la négligence à poser des actes qui doivent être posés, mais là, c'est beaucoup plus subtil. On parle d'un examen médical requis par le bureau; si un professionnel, surchargé de travail, n'y arrive pas dans les trois mois, je ne sais pas si on peut parler de faute professionnelle? On peut se poser la question. Je pense que ça ne vous amènerait peut-être pas loin devant les comités de discipline, de sorte que je me demande si vous ne pouvez pas songer à quelque chose d'autre, à faire appel à votre imagination pour tenter de trouver une sanction qui soit plus efficace que celle-là, ou alors le délai de trois mois n'aurait pas

de signification. Vous avez un juriste, à votre droite, qui, peut-être...

M. Prévost: Non, pas encore juriste; avocat pour le moment. L'expérience m'amènera peut-être au titre de juriste,

M. Morin (Sauvé): Mais je croyais qu'on faisait des études de juriste avant de devenir avocat.

M. Prévost: D'accord, mais je prenais le mot juriste signifiant celui qui est même capable de la modifier et d'aller beaucoup plus loin que la simple pratique.

M. le ministre, en fait, si vous me donniez samedi et dimanche pour faire des suggestions, lundi je pourrais vous en communiquer. Il faudrait y penser naturellement parce que vous soulevez un point auquel on n'avait pas pensé et qui vaut vraiment la peine d'être étudié. Je suis complètement d'accord avec vous.

Il y aurait un autre point que j'aimerais ajouter, M. le ministre. Bien qu'on soit parfaitement d'accord avec la nouvelle législation à 51 et 51a à e), à part la modification des trois mois qui pour nous est importante, il y aurait aussi la modification de l'exécution provisoire, nonobstant appel au tribunal des professions de la décision. On a des cas où on a décidé, au bureau, de radier un professionnel parce qu'il n'était pas capable d'exercer sa profession. Or, avec les mécanismes actuels et si on n'a pas l'exécution provisoire, nonobstant appel, le professionnel concerné interjette appel au tribunal des professions et il continue de pratiquer pendant tout ce temps-là. Avant que la Cour provinciale, en fait, qui est le tribunal des professions, n'entende la cause, parce qu'on produit des mémoires, et rende une décision, il s'écoule encore là presque un an. Il y a des cas où cela a déjà pris un an et demi avant d'avoir une décision du bureau, parce que les rapports tardaient. Il a fallu une autre année à cet an et demi avant que le tribunal des professions ne se prononce, donc cela a pris seulement deux ans et demi ou trois ans. Pendant tout ce temps-là, le professionnel continuait de pratiquer.

M. Morin (Sauvé): II n'en reste pas moins qu'on a prévu la difficulté à l'article 162 qui dit que l'appel suspend l'exécution de la décision du comité de discipline, à moins que le tribunal n'en ordonne l'exécution provisoire. Il y a là une possibilité d'obtenir du tribunal...

M. Prévost: II faut, à ce moment-là, aller devant le tribunal, obtenir sur requête l'exécution provisoire en vertu du Code de procédure civile, je le présume. Mais nous croyons qu'il serait plus facile d'inscrire l'exécution provisoire et la possibilité d'une requête pour ne pas qu'il y en ait. Il ne faut pas oublier qu'on a eu les rapports de trois médecins qui sont d'opinion qu'un professionnel devrait être radié parce qu'il n'est plus capable d'exercer sa profession. Nous croyons qu'il serait plus logique que ce soit le professionnel, qui va en appel de cette décision, qui demande la suspension de l'exécution.

Mme Tellier-Cormier: Je pense qu'il y a aussi un élément très important, M. le ministre, c'est une décision du bureau. C'est la décision du bureau, suite à 51, 52 et 53, et non la décision du comité de discipline. Alors, est-ce que 162 s'applique? On dit ici: L'appel suspend l'exécution de la décision du comité de discipline. Et c'est la décision du bureau de radier le professionnel, en vertu de 51, 52, 53.

M. Morin (Sauvé): Techniquement, je pense que, sur ce point, on peut vous donner raison. Pour ne pas faire durer indûment les débats, je pense que nous voyons tous en gros comment les choses se dessinent, je vous proposerais d'y réfléchir cette fin de semaine, que vous rencontriez, peut-être, le président de l'Office des professions lundi pour que nous puissions nous faire une idée assez rapidement, à savoir si nous pourrions ajouter quelque chose aux articles 51 et 51a et suivants dans le sens que vous indiquez. Mais je voudrais vous dire tout de suite que nous allons procéder avec beaucoup de prudence.

Mme Tellier-Cormier: Oui, on est d'accord, parce que nous aussi nous nous rendons compte... La raison d'intervenir avec un nouveau mécanisme, c'est que c'est un mécanisme qui est objectif. On voit justement la prudence qu'on y a mis pour ne pas faire porter l'odieux de la décision d'une suspension provisoire par le bureau. C'était l'objectif de ce mécanisme.

M. Morin (Sauvé): Merci, madame.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Goldbloom: M. le Président, je devrais, selon vos directives, poser des questions et je voudrais trouver un moyen de le faire en appuyant assez fortement cette intéressante proposition de l'Ordre des infirmières et infirmiers.

Ce dont l'Ordre des infirmières et infirmiers parle me ramène aux années où je siégeais comme gouverneur du Collège des médecins et chirurgiens, comme l'ordre professionnel s'appelait à l'époque, tout comme notre collègue de Richelieu, jusqu'à tout récemment, au sein de sa profession.

Pour revenir à la toute première question posée par le ministre, pourquoi les mécanismes du comité de discipline ne suffiraient pas, je pense que c'est justement parce que les problèmes qui se présentent ne sont pas nécessairement d'ordre disciplinaire. Je parlerai des médecins, parce que c'est non seulement plus facile mais plus courtois que je le fasse. S'il s'agit d'un médecin qui est atteint d'alcoolisme ou de narcomanie, ou qui pratique de la chirurgie injustifiée, le conseil de discipline est là pour intervenir et doit intervenir. Mais s'il s'agit, par exemple, d'un médecin qui prend de

l'âge et qui, tout simplement, ne voit pas bien, et qu'il est trop orgueilleux pour admettre qu'il ne voit pas bien, qu'il donne des injections et qu'il ne voit pas parfaitement sur la seringue si c'est la bonne dose ou non...

M. Morin (Sauvé): Et s'il reste de l'air aussi.

M. Goldbloom:... si, par exemple, il s'agit d'un médecin dont le comportement semble étrange à certaines personnes qui portent des plaintes auprès de la corporation professionnelle; s'il s'agit, par exemple, d'un médecin qui fait de petites crises qui peuvent être des crises convulsives et qu'il ne veut pas se l'admettre, et qu'il ne veut pas se faire soigner, il faut qu'il y ait un mécanisme pour intervenir quand on reçoit des plaintes. Ces plaintes peuvent être d'une nature qui exigerait une intervention quelconque, mais qui ne justifierait pas qu'une action soit intentée sur le plan disciplinaire.

C'est là où je trouve la grande sagesse de ce que nous présente comme suggestion constructive l'Ordre des infirmières et infirmiers. Même si l'inertie n'est pas l'apanage exclusif de ma profession, et que je ne voudrais pas, loin de là, généraliser à l'égard de tous mes confrères — je vous avoue que j'ai pu être coupable moi-même, dans le passé, quand j'exerçais à temps complet, de certains retards dans la remise de rapports...

M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas possible!

M. Goldbloom: Oui, c'est possible, justement.

M. Morin (Sauvé): Je refuse de le croire, M. le Président.

M. Goldbloom: Je suis abasourdi devant cette courtoisie soudaine.

M. le Président, il me semble justement que l'on doit être en mesure d'agir rapidement. Je trouve que la proposition est pour le moins raisonnable, quant au délai à imposer. Je crois que, quand il s'agit de la protection du public—parce que c'est de cela qu'il s'agit, il s'agit de protéger le public contre un professionnel de la santé qui agit mal, peut-être pas d'une façon que nous pourrions appeler criminelle, mais qui agit quand même d'une façon qui diminue la qualité des soins prodigués, et qui possiblement met en danger la vie ou la santé des malades — il me semble qu'il est raisonnable de demander à ces professionnels, qui assument la responsabilité d'évaluer ces problèmes au nom du bien commun, de remettre leur rapport à l'intérieur de délais raisonnables, mais précis, et d'appliquer au non-respect de ces délais, des mesures disciplinaires à l'intérieur de la profession.

Je voudrais souligner à l'attention du ministre qu'il y a un parallélisme entre les mécanismes juridiques devant les tribunaux et les mécanismes disciplinaires à l'intérieur des professions. Les uns peuvent être appliqués sans les autres et vice versa, et ils peuvent aller en parallèle. Les médecins qui sont jugés coupables par les tribunaux d'un acte illégal sont en outre traduits devant le conseil de discipline de la profession. Il me semble que tout cela est très raisonnable.

En terminant, j'apprécie aussi le mécanisme général d'un comité permanent dont deux membres permanents et un troisième représenterait la profession concernée; je trouve cela extrêmement valable comme suggestion. Je voudrais encourager le ministre, surtout quand il aura reçu les réflexions additionnelles de l'Ordre des infirmières et infirmiers, dans sa considération de ce qui me paraît une suggestion hautement intéressante.

Le Président (M. Marcoux): M. le député de Gaspé.

M. Le Moignan: Non, monsieur, je n'ai aucun commentaire; je suis entièrement d'accord avec les commentaires du député de D'Arcy McGee et les autres commentaires exprimés. Je suis d'accord surtout avec les revendications de l'Ordre des infirmiers et infirmières.

Le Président (M. Marcoux): Mme la présidente.

Mme Tellier-Cormier: Oui, M. le Président, c'est la raison pour laquelle au début, on a parlé au niveau de la terminologie. On voudrait, dans le fond, si toutefois les mécanismes étaient retenus éventuellement, qu'on ne parle plus de radiation provisoire en vertu de 51 et 52, mais qu'on parle de suspension temporaire, pour séparer, d'une façon précise, les trois problèmes ou les trois situations, soit les problèmes de santé, de discipline et de compétence, c'est-à-dire l'inspection professionnelle. C'est dans cet esprit, au début, que j'ai clarifié ma pensée. J'aimerais, si toutefois cela était repris, qu'on parle de suspension temporaire pour qu'on clarifie les choses et qu'on parle de limitation provisoire aussi.

Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous les membres de la commission de la présentation de votre mémoire. J'ai pu constater une fois de plus que vous aviez beaucoup d'expérience dans la présentation de mémoires aux membres de l'Assemblée nationale. Nous avons complété l'étude des mémoires que nous devions entendre. Je crois que je puis affirmer que la commission des corporations professionnelles a terminé ses travaux, a complété la mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale. J'inviterais le rapporteur, le député d'Abitibi-Est à faire rapport... Oui?

M. Le Moignan: Nous ne devions pas rencontrer pendant une dizaine de minutes...

Le Président (M. Marcoux): J'ai cru remarquer, sauf erreur, qu'il y avait eu un départ. Je ne crois pas que l'Ordre des pharmaciens du Québec soit présent dans la salle. Je crois qu'il a quitté la salle. L'Ordre des pharmaciens ayant quitté les lieux — je vous remercie — je dois constater que nous avons terminé nos travaux et demander au rapporteur, le député d'Abitibi-Est, de faire rapport à l'Assemblée nationale le plus tôt possible.

Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président; merci, M. le ministre.

Le Président (M. Marcoux): La commission des Corporations professionnelles ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 17 h 59)

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