Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Etude du projet de loi no 25
Loi modifiant le Code des professions et d'autres
dispositions législatives
(Onze heures trente-sept minutes)
Le Président (M. Marcoux): La commission des corporations
professionnelles est réunie pour poursuivre l'audition des
mémoires qui ont trait au projet de loi no 25.
Les membres de la commission sont M. Bertrand (Vanier), M. Blank
(Saint-Louis), M. Borde-leau (Abitibi-Est), M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Fallu, "Terre-Neuve" (Terrebonne).
M. Fallu: ... d'un Newfie.
M. Lalonde: Ce n'est plus de la séparation, M. le
Président, c'est de l'annexion.
Le Président (M. Marcoux): C'est de l'analogie, Terrebonne
et Terre-Neuve.
M. Morin (Sauvé): II eût fallu qu'il y
habitât.
Le Président (M. Marcoux): M. Fontaine (Nicolet-Yamaska),
M. Forget (Saint-Laurent), M. Laberge (Jeanne-Mance), M. Lalonde
(Marguerite-Bourgeoys), M. Laurin (Bourget) remplacé par M. Marquis
(Matapédia); M. Martel (Richelieu), M. Morin (Sauvé), M. Rancourt
(Saint-François), M. Shaw (Pointe-Claire) remplacé par M. Le
Moignan (Gaspé); M. Springate (Westmount) remplacé par M.
Goldbloom (D'Arcy McGee); M. Vaillancourt (Jonquière), M. Vaugeois
(Trois-Rivières).
Aujourd'hui, nous entendrons les mémoires du Renouveau
pharmaceutique du Québec, de l'Ordre des pharmaciens du Québec,
de l'Association des préparateurs d'officines et de l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec.
Je rappelle les règles de fonctionnement sur lesquelles nous nous
sommes entendus lors de notre première séance mercredi Chaque
personne qui présente un mémoire a vingt minutes pour
résumer ou lire les principales parties de son mémoire. Ensuite,
le parti ministériel a vingt minutes pour dialoguer avec nos
invités, l'Opposition officielle, quinze minutes et l'Union Nationale,
dix minutes.
J'inviterais le Renouveau pharmaceutique du Québec à
s'approcher de la table et à venir nous présenter son
mémoire.
M. Lalonde: M. le Président, comme question
préliminaire, avant d'aborder l'audition des témoins, je sais
que, lors d'une réunion précédente de cette commission, la
question a été soulevée de l'opportunité pour
certains membres de cette commission de siéger alors qu'ils pourraient
exercer des fonctions dans des organismes profes- sionnels. D'après la
lecture de la transcription que j'ai faite, on a fait le tour de la question,
on a examiné, je pense, à cette commission les lois qui
s'appliquent, les règlements, on a conclu, d'après ce que je peux
comprendre, qu'il n'y avait pas d'objection et cela s'applique plus
particulièrement au député de Richelieu, je pense, qui,
à moins que la situation ait changé depuis la semaine
dernière ou depuis le début de la semaine, occuperait un poste
dans un organisme de direction de la Corporation professionnelle des
pharmaciens. La question était très importante, je pense, mais
elle avait aussi une importance relative parce qu'on entendait des
mémoires qui n'avaient rien à voir avec l'Ordre des pharmaciens.
Je m'aperçois, M. le Président,, à la lecture de la liste
des organismes que vous venez de faire, que c'est le Renouveau pharmaceutique
du Québec, l'Association des préparateurs d'officines, je pense
aussi, et...
Le Président (M. Marcoux): Et l'Ordre des pharmaciens.
M. Lalonde: ... et l'Ordre des pharmaciens. Je me demande de
quelle façon ces gens vont pouvoir, en toute liberté, s'adresser
à nous sachant que le député de Richelieu a deux chapeaux
et aussi, je pense qu'il est directeur ou qu'il fait partie du conseil
d'administration de l'Ordre des pharmaciens. C'est une question de simple
éthique que je soulève. Je ne soulève pas la Loi de la
Législature, mais j'aimerais savoir si le député de
Richelieu a une proposition à faire.
Le Président (M. Marcoux): Avant de céder la parole
au député de Richelieu, s'il désire l'avoir sur le
même sujet, j'estime, personnellement, comme président de
commission, suite à la question de directive demandée par le
député de Saint-Laurent, après information, tout avait
été clarifié en vertu, d'une part, des règlements
de l'Assemblée nationale et d'autre part, en vertu de la Loi de la
Législature. Rien n'interdit ou rien n'empêche un
député qui est membre de groupe de direction d'un ordre
professionnel, d'agir de plein droit et comme membre de la commission et comme
membre de l'Assemblée nationale, en ce qui a trait aux lois ou aux
mémoires concernant le groupement professionnel auquel il
appartient.
Sauf que j'avais précisé à ce moment-là que
pour le bon entendement de tout le monde, il pourrait être sage de la
part du député impliqué d'informer la Chambre ou la
commission qu'il est membre de tel bureau de direction, question de clarifier.
Mais rien n'oblige à le faire et rien n'oblige un des membres de la
commission de se retirer pour tel motif.
M. Lalonde: M. le Président, en réaction à
ce que vous venez de dire, la raison pour laquelle je n'ai pas soulevé
la question de règlement, ni invoqué la Loi de la
Législature, j'ai simplement conclu en posant une question au
député lui-même.
Le Président (M. Marcoux): Je vais céder la parole
au député de Richelieu qui la demande.
M. Martel: Je vous remercie de la décision que vous avez
rendue. Je tiens à faire remarquer, par exemple, lorsque le Barreau
vient ici, si tous 'es avocats avaient à se retirer des commissions
parlementaires à ce moment-là, il ne resterait peut-être
personne. Vous avez des membres dans votre parti également qui sont
maires de municipalités et qui siègent à la commission des
affaires municipales. Je pense que la décision du président
étant rendue, à ce moment-là, étant avant tout un
législateur, tant à l'Assemblée nationale qu'aux
commissions parlementaires, les règlements de l'Assemblée
nationale s'appliquant également aux commissions parlementaires et ayant
le droit de me prononcer à l'occasion d'un vote, même sur des
choses qui concernent la corporation dont je fais partie, comme l'a dit le
président, j'ai clairement le droit de siéger à cette
commission.
Cependant, pour montrer mon impartialité, pour être le plus
objectif possible dans mon rôle de législateur, si vous permettez,
M. le Président, de vous lire la lettre que j'ai fait parvenir le 15
décembre dernier au président de l'Ordre des pharmaciens, dans
laquelle je lui dis: "M. le Président, comme vous avez pu le constater,
mes fonctions comme député et adjoint parlementaire ne m'ont pas
permis, au cours des derniers mois cela remonte au moins à six
mois de participer aux réunions de notre organisme. De plus,
l'examen prochain d'un certain nombre de questions intéressant notre
ordre, tant en commission parlementaire qu'au sein du comité consultatif
sur la pharmacie que j'ai mis sur pied à l'intérieur du
ministère des Affaires sociales, m'apparait, par-delà les
exigences strictement législatives et réglementaires, tel qu'une
récente décision que vous avez rendue à l'occasion de
cette commission, m'établit clairement à dissocier
carrément les deux activités en cause dans un esprit de
clarification de situations et d'un souci scrupuleux de respect des usages les
plus rigoureux sur ce rapport. "Conséquemment, il m'apparaît
prioritaire de poursuivre le maintien, la formation et les
intérêts généraux du public qui m'ont toujours tenu
à coeur, autant de l'Ordre des pharmaciens de son conseil que de
législateur, en me consacrant entièrement à cette
dernière fonction. "Veuillez accepter et transmettre, pour confirmation,
ma démission à titre d'administrateur pour prendre effet à
compter de maintenant. Je vous prie d'agréer, M. le Président,
l'assurance de ma très haute considération. "
Dans le but d'enlever toute inquiétude aux partis d'opposition et
de montrer ma grande impartialité, même si le président a
jugé que j'étais en droit de siéger à cette
commission, j'ai remis ma démission, effectivement, dans le but de
clarifier, pour être équitable envers tout le monde et pour me
permettre de jouer de la façon la plus objective possible mon rôle
de législateur.
M. Lalonde: M. le Président, je voudrais re- mercier M. le
député de Richelieu d'avoir apporté cet éclairage
à nouveau. Vous savez qu'il n'est jamais très agréable de
soulever ce genre de question. Vous vous rappelerez que ce n'est pas une
réclamation de sa démission comme membre de la corporation que
nous avons faite, mais c'est simplement sa participation aux travaux de cette
commission que nous mettions en question. Il a choisi lui-même de le
faire, carrément et de façon très claire, et je pense que
la question est vidée.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, puis-je demander
au député de Marguerite-Bourgeoys s'il a l'intention de soulever
des questions semblables à la commission des Affaires municipales
où siègent un certain nombre de membres qui sont maires de
municipalités.
M. Lalonde: Je remercie le ministre de sa question, parce que
j'avais oublié de répondre à certaines hypothèses
du député de Richelieu.
Le Président (M. Marcoux): Je vous permettrai une
brève réponse.
M. Lalonde: Parce que je ne veux pas retarder indéfiniment
nos travaux.
Le Président (M. Marcoux): Nous pensons que tout est
question de conflits d'intérêts...
M. Lalonde: Le député de Richelieu a mis en doute
la participation, par exemple, de membres de corporations professionnelles
à des commissions parlementaires lorsque des mémoires de ces
corporations sont soumis. Je pense que, lorsqu'un député est
membre d'une corporation professionnelle et lorsqu'un autre
député est membre du conseil d'administration, c'est tout
à fait différent. Mais le cas des maires est plus sérieux.
Je ne verrais pas un député maire d'une municipalité agir
à la commission des affaires municipales, au moment où
comparaîtrait sa municipalité ou un groupe de sa
municipalité, comme syndicat d'employés de la
municipalité, autrement dit, il aurait deux chapeaux, un comme maire de
cette municipalité avec responsabilité administrative et l'autre
comme député pour recevoir justement les doléances ou les
griefs d'un groupe sur lequel il a autorité comme maire. Ce serait une
situation analogue à celle qui aurait existé si le
député de Richelieu n'avait pas démissionné, par
exemple.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je compte sur le
député de Marguerite-Bourgeoys pour soulever cette question
à la commission des affaires municipales, parce que je suis d'accord
avec lui qu'on pourrait se retrouver dans des situations conflictuelles.
M. Lalonde: Dans des situations comme celles que j'ai
décrites, je me ferais plaisir, si j'étais présent
à ce moment-là, d'abonder dans ce sens.
Le Président (M. Marcoux): Toutes ces clarifications pour
le meilleur climat de nos travaux
étant apportées, je vous inviteraisje crois qu'on
s'est déjà approché, à vous installer au centre,
plus près de la table, pour que tous puissent vous voir et mieux vous
entendre. M. Laforest?
M. Laforest (Pierre): Oui, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Si d'autres personnes vous
accompagnent et désirent s'approcher de la table, elles peuvent le
faire; si elles ont des précisions à ajouter ou veulent
compléter vos réponses, il sera loisible qu'elles le fassent.
Allez-y, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter l'essentiel
de votre mémoire.
Renouveau pharmaceutique du Québec
M. Laforest (Pierre): M. le Président, messieurs les
membres de la commission parlementaire, mon nom est Pierre Laforest. Je
représente, avec mes confrères un groupe de pharmaciens connu
sous le nom du Renouveau pharmaceutique du Québec, dont les membres sont
inscrits au tableau de l'Ordre des pharmaciens de la province de Québec,
selon l'article 43 de la Loi de pharmacie.
Le tableau de l'ordre ne comprend plus que 64 personnes inscrites en
vertu de cet article 43. Le mémoire que nous vous avons soumis à
notre sujet est des plus explicites; c'est pourquoi je serai très bref.
Nous vous demandons cependant, M. le Président, d'inscrire notre
mémoire aux minutes du débat.
Avant d'entamer la discussion, j'aimerais quand même apporter
quelques précisions essentielles à une bonne compréhension
des faits. Premièrement, depuis la parution de notre mémoire,
certains droits additionnels nous ont été accordés. C'est
pourquoi, maintenant, nous pouvons affirmer qu'il n'existe aucune distinction
entre le travail et les fonctions d'un assistant pharmacien et d'un pharmacien,
même s'il est propriétaire, sauf celles que comporte l'article 43
de la Loi de pharmacie.
Deuxièmement, l'Ordre des pharmaciens vous a fait parvenir un
mémoire. Sans mettre en doute la bonne foi qui a présidé
à la rédaction de cet écrit, vous constaterez comme nous
que la faible argumentation de l'Ordre des pharmaciens est basée sur
l'ancienne Loi de la pharmacie qui fut abrogée en 1973. Nous
espérons que le débat sera jugé selon la Loi actuelle de
la pharmacie et non sur une loi vieille de cinq ans et remplacée depuis.
On ne saurait abroger une loi en se basant seulement sur la tradition.
Dans ce mémoire des administrateurs de l'ordre, à notre
sujet, vous constatez qu'ils ont fait état d'une résolution qui
s'oppose à nos demandes. Or, un des administrateurs de l'ordre a tenu
à vous informer par écrit qu'il se dissociait de cette
résolution. Pour un qui a eu le courage de ses opinions, combien de ses
collègues en pensent autant sans avoir trouvé l'audace de
s'exprimer comme lui? Cette dissension fait ressortir le caractère
indéfendable de la position de l'Ordre des pharmaciens à notre
sujet.
La première lecture du projet de loi no 25, à l'article
29, vous propose d'amender seulement les deux premières restrictions qui
nous sont imposées, à savoir le droit d'élire des membres
du bureau et celui de voter aux assemblées. L'existence même du
projet de loi no 25, à l'article 29, prouve hors de tout doute que
l'accord est unanime sur le fond de la question et il semble donc
injustifié de ne pas inclure le droit de propriété dans ce
projet de loi.
Partageant l'avis de l'Office des professions, nous jugeons que c'est
l'article 43 en entier qui est discriminatoire à notre égard et
non pas seulement une partie de cet article. Permettez-moi aussi de vous
rappeler que l'accès au droit de propriété nous
permettrait de créer une centaine d'emplois directs par l'ouverture de
plusieurs pharmacies. Etant pharmaciens aux fins de la présente loi et
du Code des professions, nous considérons donc être en droit de
vous demander tous les privilèges qui se rattachent à ce titre.
Notre association, le Renouveau pharmaceutique du Québec, recommande au
législateur de modifier en entier l'article 43 de la Loi de la
pharmacie, de façon qu'une partie ne lèse pas encore les droits
et privilèges de nos membres. Enfin, le Renouveau pharmaceutique du
Québec a fait parvenir copie de son mémoire à l'Office des
professions ainsi qu'aux 24 administrateurs de l'Ordre des pharmaciens du
Québec, et il est heureux d'offrir à cette commission
parlementaire son entière collaboration.
Permettez-nous, en terminant, de vous remercier de l'attention que vous
avez apportée à ces quelques précisions que nous avons
jugées essentielles.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie d'avoir
été aussi bref. Cela nous donnera plus de temps pour dialoguer
avec vous. M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président j'aimerais
d'abord peut-être poser quelques questions qui pourraient clarifier le
statut exact des personnes qui comparaissent en ce moment au nom des
assistantes-pharmaciens. On sait qu'il existait, en vertu des lois
antérieures à celle de 1973, une catégorie de personnes
exerçant la pharmacie sans avoir obtenu ce qu'on pourrait appeler le
diplôme terminal, le diplôme de fin d'études requis à
ces fins. Ces assistants-pharmaciens obtenaient habituellement ce statut,
à ce que j'ai pu savoir, après avoir complété un
certain nombre de conditions comme, par exemple, l'inscription pendant au moins
quatre ans comme étudiants en pharmacie et, pendant cette
période, le fait d'avoir suivi certains cours et d'avoir réussi
l'examen du baccalauréat en pharmacie, de même que l'exigence
d'avoir complété 2000 heures de service dans une pharmacie sous
la surveillance d'un pharmacien ou d'un médecin.
Si j'ai bien compris la situation, sous réserve de quelques
restrictions, les assistants-pharmaciens qui avaient rempli ces conditions
avaient donc des droits et des pouvoirs identiques à ceux des
pharmaciens membres de plein droit également de l'Ordre des
pharmaciens.
Pourriez-vous nous expliquer exactement en quoi consiste la
différence sur le plan des études, de la formation, entre un
assistant-pharmacien et un pharmacien. Je crois que ce serait la
première question à élucider pour que tout le monde
comprenne bien le statut respectif des uns et des autres.
M. Laforest: Comme vous venez de le mentionner, pour
accéder au titre d'assistant-pharmacien, la loi demandait trois
années de scolarité. La loi n'exigeait pas un diplôme, ou
la loi ne mentionnait pas que les années devaient être
complétées avec succès.
Cependant, un examen de l'Ordre des pharmaciens était
obligatoire. Cet examen, habituellement, était le même qu'on
donnait aux pharmaciens à la fin, pour leur accorder leur licence.
La loi demandait aussi que cet examen comporte différentes
sections... Je m'excuse, je ne me souviens pas du tout des exigences au point
de vue de la physiologie, de l'anatomie, etc. C'était dans la loi. C'est
de cette façon qu'un assistant-pharmacien pouvait accéder au
poste d'assistant-harmacien.
Mais, étant donné que vous avez mentionné la loi de
1973, permettez-moi de vous rappeler qu'avant 1973, un assistant-pharmacien
avait des pouvoirs très restreints, en comparaison de ce qu'ils sont
aujourd'hui. Je m'explique. Avant 1973, un assistant-pharmacien avait le droit
de travailler seul en pharmacie, de préparer des ordonnances,
naturellement, et le droit de payer une cotisation.
Un assistant-pharmacien ne pouvait être gérant d'une
pharmacie en curatelle, tutelle ou succession. Un assistant-pharmacien ne
pouvait signer des bons pour l'achat de narcotiques ou de drogues
contrôlées. La loi de 1973 est arrivée et tout a
changé. Tout ce qui n'était pas permis aux assistants-pharmaciens
est maintenant permis, c'est-à-dire que la seule différence qui
existe aujourd'hui entre les assistants-pharmaciens et les pharmaciens, ce sont
les trois restrictions sur lesquelles vous avez à débattre. Nous
pouvons signer pour l'achat de bons de narcotiques, nous pouvons être
gérants. Il n'existe aucune différence maintenant entre le
travail et les fonctions d'un assistant-pharmacien et d'un pharmacien. Est-ce
que cela répond à votre question?
M. Morin (Sauvé): Oui. J'ajouterais que la nouvelle loi
sur la pharmacie de 1973 a mis un terme à la possibilité pour
l'Ordre des pharmaciens d'admettre de nouveaux membres à titre
d'assistants-pharmaciens. C'est une des raisons pour lesquelles les droits
acquis des personnes déjà détentrices de ce titre
d'assistant-pharmacien ont été reconnus par l'article 43...
M. Laforest: C'est exact.
M. Morin (Sauvé): ... avec quelques restrictions que vous
venez de décrire, effectivement.
Puis-je revenir un instant? Je voudrais que vous me précisiez une
chose. Du point de vue de la longueur et du contenu des études, la
différence entre le baccalauréat en pharmacie et la licence. Le
diplôme terminal, n'est-ce pas, c'est la licence? Quelle est la
différence du point de vue de la scolarité, du point de vue de la
longueur des études?
M. Laforest: Entre le pharmacien et l'assistant-pharmacien?
M. Morin (Sauvé): Non, entre les deux diplômes,
entre le baccalauréat et la licence?
M. Laforest: Le baccalauréat est de quatre ans, qui sont
les quatre années universitaires. Et la licence peut-être
que M. Martel pourra me corriger si je me trompe je crois qu'elle est
donnée après un examen de l'Ordre des pharmaciens. Est-ce exact,
M. Martel?
M. Martel: Oui. Disons que, dans l'ancien système,
c'était quatre années d'université qui se
clôturaient par la licence, à la suite d'un examen de l'ordre.
Mais, depuis quelque temps, cette licence est donnée automatiquement
aussitôt que l'élève a réussi les quatre
années d'université.
Cependant, vous avez affirmé tout à l'heure qu'une loi
et j'aimerais savoir laquelle, si c'est celle amendée en 1964 ou
celle de 1973 exigeait, de la part des assistants-pharmaciens, trois
années d'études universitaires.
M. Laforest: C'est obligatoirement celle qui a
précédé 1973, parce qu'après 1973 il n'y a plus eu
d'assistants-pharmaciens. Ce n'est sûrement pas cette loi, c'est la loi
de 1964, avant.
M. Martel: N'est-il pas exact aussi de dire qu'il y a des gens
qui ont fait trois ans à l'université, mais qui n'ont pas
nécessairement réussi les trois années, qui ont fait trois
ans en première année ou trois ans en doublant certaines
années?
M. Laforest: Oui, c'est aussi exact, M. Martel, mais il est aussi
exact que j'ai travaillé avec un pharmacien et, dans son temps, il y
avait 50 heures d'études à l'université. Il est encore
aujourd'hui au travail. Je pense qu'on ne peut pas amener une telle
comparaison. C'est presque faire des personnalités.
M. Martel: Je ne pense pas que ce soit faire des
personnalités. Par exemple, lorsque l'Etat se rend compte que, pour
protéger le public, on accepte de dépenser environ $100 000 par
individu pour le mener à la fin de ses études, à sa
licence de pharmacien, je pense que c'est dans le but de protéger le
public qu'on dit que, dans le domaine pharmaceutique, on paie les études
à l'université, en somme, tout le cheminement jusqu'à
l'université et cela coûte à l'Etat $100 000 pour former un
pharmacien.
A ce moment-là, il ne faudrait pas non plus, dans une loi, qu'on
dise: On peut, sous certaines conditions, élargir ce champ-là. On
peut être
moins sévère concernant la protection du public. Il
faudrait faire attention, je pense, comme législateur, de ne pas aller
en contradiction avec ce que l'on accepte de donner comme formation à
celui qui a à protéger le public et aussi avec ces pouvoirs qu'on
appelle des clauses grand-père. Je pense qu'il faut être assez
spécifique là-dessus. Lorsque vous affirmez que l'on exigeait
trois années de scolarité, je ne pense pas que ce soit tout
à fait exact, parce que vous admettez vous-même que cela pouvait
être trois ans à l'université et trois ans en
première année.
On ne peut pas dire que c'est une scolarité qui se compare
à celle de la personne qui va obtenir sa licence après avoir,
comme condition obligatoire, réussi quatre années
d'université. Sinon, on n'émettait pas la licence.
M. Laforest: M. Martel, vous parlez de la protection de la
santé du public. Est-ce que le public est moins bien
protégé ou mieux protégé si je suis
propriétaire ou non?
M. Morin (Sauvé): M. le Président, si le
député de Richelieu veut répondre...
Le Président (M. Marcoux): Pourriez-vous
répéter, parce que...
M. Laforest: D'accord. M. Martel, je vous pose la question. Vous
avez parlé de la protection de la santé du public, qui est le
mandat de l'ordre et qui devient aussi le mandat de tout pharmacien. Est-ce que
la santé publique est mieux protégée ou plus mal
protégée si je suis pharmacien propriétaire ou pharmacien
salarié?
M. Martel: Si vous avez réussi les examens qu'exige la
formation d'un pharmacien, je pense que le public est réellement bien
protégé.
M. Laforest: Demain matin, je vais travailler. Si je suis seul,
est-ce que le public va être moins bien protégé que si
j'étais propriétaire?
M. Martel: II reste que, si vous n'avez pas la formation
universitaire nécessaire, le public va certainement être moins
bien protégé que si vous aviez accompli vos quatre années
d'université avec succès.
M. Laforest: M. Martel, dans le moment, la loi me permet de
travailler en tant que pharmacien.
M. Martel: Dans le moment, je considère, pour ma part, que
la loi a été très généreuse.
M. Laforest: Est-ce que je suis une menace pour la santé
publique? C'est ce que vous voulez dire, je suis une menace.
M. Martel: Je vous dis que la loi a été très
généreuse. Nommez-moi un seul Etat, un seul pays au monde
où on a donné des pouvoirs aussi grands à ceux qui
n'avaient pas terminé leurs études. Nommez-moi un seul pays au
monde.
M. Laforest: Cela a existé dans d'autres corporations, M.
Martel.
M. Martel: Je vous demande de me nommer un seul pays où on
reconnaît des droits à ceux qui n'ont pas terminé des
études aussi vastes.
M. Laforest: Au Québec. Je vous le nomme, dans ce
cas-là, le Québec.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais
revenir à une ou deux questions. Je veux être pleinement
éclairé sur la nature des études qui conduisaient à
ce statut d'assistant-pharmacien.
Pour devenir assistant-pharmacien, fallait-il avoir le
baccalauréat?
M. Laforest: Non, monsieur.
M. Morin (Sauvé): Ah bon! J'étais sous l'impression
qu'à tout le moins les assistants-pharmaciens avaient obtenu leur
baccalauréat.
M. Laforest: Non.
M. Morin (Sauvé): D'après ce que M. Martel a dit,
il y a un instant, ce n'est pas tout à fait le cas. Quelles sont les
études qu'on trouve chez vos membres? Est-ce que c'est exact qu'il se
pourrait que certains de vos membres n'aient couvert que le programme d'une
année de pharmacie, par exemple, en la reprenant deux et trois fois?
M. Laforest: C'est fort possible, je ne nie pas. Je vous avoue
franchement que je ne le sais pas, parce qu'on n'a pas pu rejoindre tous les
membres. La liste des assistants-pharmaciens nous a toujours été
refusée à venir jusqu'à deux ou trois mois. Il me serait
difficile de vous répondre dans ces cas. Je ne vous dis pas que cela
n'existe pas, il faut bien s'entendre. Il est fort possible. Seulement, la loi
demandait trois ans de scolarité à la faculté de
pharmacie.
M. Morin (Sauvé): Ce que vous nous dites, c'est que dans
certains cas, on a considéré que trois ans de scolarité,
cela pouvait vouloir dire refaire trois fois sa première
année?
M. Martel: Cela n'a jamais existé dans aucune loi.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, j'écoute
attentivement le débat qui se déroule depuis quelques minutes. Je
ne peux m'empêcher d'avoir l'impression qu'il porte sur des gestes
législatifs posés dans le passé, plutôt que sur ce
que nous avons devant les yeux. Car je constate que l'article 43 auquel M.
Laforest a fait allusion, et qui ferait l'objet d'une modification en vertu de
l'article 29 du projet de loi que nous étudions, cet article 43 de la
Loi sur la pharmacie a déjà élargi les cadres de la
profession, les cadres de l'ordre professionnel pour y admettre les
assistants-pharmaciens.
Mon ami, l'honorable député de Richelieu, a eu raison tout
à l'heure, en faisant allusion à cette loi antérieure
comme clause grand-père. Nous en avons vu d'autres où un geste
législatif a été posé pour régulariser une
situation qui n'était pas régulière, selon les exigences
de la loi antérieure, selon les exigences de la corporation
professionnelle.
Aujourd'hui, en vertu de l'actuel article 43 de la Loi sur la pharmacie,
il demeure trois restrictions qui sont: Le droit d'élire, de participer
à l'élection des membres du bureau, celui de voter aux
assemblées de l'ordre et celui d'être propriétaire d'une
pharmacie. Deux sur trois seraient éliminés par l'article 29 du
projet de loi no 25. Il ne resterait que l'interdiction d'être
propriétaire d'une pharmacie.
M. le Président, il me semble que, si l'on accorde cette
reconnaissance aux personnes en question, et si déjà, par les
modifications apportées dans le passé à la Loi sur la
pharmacie, on a reconnu ces personnes dans une clause grand-père comme
étant, pour les fins de l'exercice de leur profession, sur un pied
d'égalité avec les pharmaciens détenteurs de
baccalauréats et de licences, il me semble justement que la protection
du public a déjà fait l'objet de la préoccupation du
législateur qui a pris une décision à cet égard. La
protection du public, il me semble, passe par la qualité de l'acte
professionnel posé tous les jours, quand une personne se présente
devant le comptoir du pharmacien avec une ordonnance médicale, ou pour
demander un service professionnel directement du pharmacien, ce qui se produit
tous les jours et dans toutes les pharmacies du Québec.
Il me semble que le législateur a déjà dit quelque
chose, s'est déjà prononcé là-dessus. Le
législateur a déjà dit: Le public peut être
protégé malgré la formation moindre des
assistants-pharmaciens, à cause, sans doute, de leur expérience
pratique vécue, et ces personnes pourront, au même titre que les
pharmaciens, poser des actes professionnels. Maintenant, on dit: Non seulement
ces personnes pourront continuer, en vertu de la clause grand-père, en
vertu de leur expérience pratique, vécue, à poser des
actes professionnels, à servir directement le public, à
être seuls dans une pharmacie et à exercer le jugement
professionnel qui est nécessaire, mais ces personnes pourront voter pour
le choix des dirigeants de la profession, pourront voter aux assemblées
de la profession, mais la seule chose, c'est qu'elles ne pourront être
propriétaires. Le propriétaire pourra s'en aller en vacances un
mois à Ogunquit ou à Miami et l'assistant-pharmacien pourra,
pendant toute cette période de temps, continuer de poser les actes
professionnels et d'en assumer la pleine responsabilité.
Il me semble, M. le Président, que nous pourrions poser le
dernier geste à l'égard de ces quelque 25 personnes, en vertu des
gestes déjà posés. Alors, je reconnais, M. le
Président, que je n'ai pas posé une question, mais j'ai voulu
exprimer un avis sur la considération fondamentale qui est devant
nous.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys, est-ce que vous acceptez que...
M. Lalonde: Oui, j'ai vu que le député de Richelieu
voulait répondre. D'accord.
M. Martel: ... les affirmations de mon bon ami, le
député de D'Arcy McGee, je voudrais lui demander s'il tiendrait
les mêmes propos s'il s'agissait de sa corporation professionnelle.
Est-ce qu'il permettrait à des gens qui n'ont pas fini des études
médicales de pratiquer la médecine?
M. Goldbloom: M. le Président, la question est tout
à fait juste et tout à fait logique, et c'est en prévision
de cette question que j'ai insisté sur le geste posé
antérieurement par le législateur. Il me semble que la
réponse à cette question, de ma part, en ce qui concerne
l'exercice de la médecine, serait non. Je n'accepterais pas que des
personnes, qui n'auraient pas une formation complète en médecine,
soient admises à l'ordre...
M. Martel: Je vous remercie de votre réponse. M.
Lalonde: II n'a pas terminé.
M. Goldbloom: D'accord, mais je n'ai pas terminé, M. le
Président. Je constate, cependant, que le législateuret je
ne suis pas prêt, aujourd'hui, à me prononcer sur la sagesse de
cette décision antérieure je constate aujourd'hui que le
législateur a déjà tranché cette question et a
déjà répondu oui. Peut-être que, si j'avais
été appelé à me prononcer à l'époque
sur la modification déjà apportée à la Loi sur la
pharmacie, j'aurais dit non, je ne suis pas d'accord. C'est fort possible. Mais
le législateur s'est déjà prononcé
là-dessus, et le législateur a déjà
intégré les personnes en question sur un pied
d'égalité avec les pharmaciens détenteurs de
diplômes, à l'exception de trois droits, et maintenant, deux vont
disparaître, si le gouvernement est conséquent avec lui-même
et procède à I'adoption du projet de loi no 25. Alors, il ne
resterait qu'une seule restriction.
Il me semble que, si mon excellent ami, le député de
Richelieu, voulait poursuivre son raisonnement jusqu'au bout de sa logique, au
lieu d'appuyer son gouvernement je ne veux pas être
méchant; ce n'est pas du tout mon intention pour être
logique, au lieu d'appuyer son gouvernement qui présente le projet de
loi no 25, il devrait plutôt réclamer un recul et une modification
en sens inverse de l'article 43 de la Loi sur la pharmacie et dire:
C'était une erreur, nous n'aurions pas dû admettre ces personnes
à l'exercice de la profession sur un pied d'égalité avec
les détenteurs de diplômes.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je ne reprendrai pas les propos qui ont
été tenus ici; je vais simplement soulever deux questions. Je
pense que nous sommes au
stade où les questions sont posées pour recevoir
éventuellement des réponses du gouvernement. La première
question c'est comment il se fait qu'aux trois questions
répétées de M. Laforest tantôt, le
député de Richelieu n'a pas répondu exactement à la
question, à savoir si j'essaie de reprendre les propos
...
M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'invoque un
point de règlement. Le député se comporte comme si, dans
cette commission qui a pour but d'entendre les représentants des parties
intéressées, c'était les parties intéressées
et l'Opposition qui posent les questions. C'est tout le contraire. Nous sommes
là pour entendre ces mémoires et je ne sache pas que, à ce
stade-ci de la procédure parlementaire, ce soit aux personnes qui
comparaissent ou encore à l'Opposition d'interroger le gouvernement.
M. Lalonde: M. le Président, je vais donc faire cela
différemment, je vais interroger M. Laforest. N'est-il pas vrai, M.
Laforest, qu'à votre question tantôt, que vous avez
répétée trois fois, adressée au
député de Richelieu, a savoir quelle est la différence,
étant donné que vous m'acceptez pour poser des gestes
professionnels, quelle est la différence relativement à la
protection du public si je suis propriétaire ou simplement un
gérant? On vous a répondu, trois fois si ma mémoire est
bonne, que la formation est différente et qu'il faut une formation bien
faite et tout cela. Mais au fond, c'est cela la question dans votre
réclamation. Vous dites: Faites disparaître la troisième
restriction. La protection du public ne sera pas diminuée parce que je
serai propriétaire de la pharmacie en plus d'être celui qui fait
les opérations professionnelles. C'est votre proposition?
M. Laforest: C'est exactement ma question et à laquelle je
n'ai pas eu de réponse, et cela impliquait aussi que si on me dit: que
le public est moins bien protégé quand tu travailles, alors
depuis 1973 l'ordre agit illégalement puisqu'il ne remplit pas son
mandat qui est la protection de la santé publique.
M. Lalonde: M. le Président...
M. Martel: ... la réponse, vous m'avez posé la
question par l'entremise de notre témoin...
M. Lalonde: Oui, mais votre propre collègue
m'empêchait de vous la poser!
M. Martel: Je vais y répondre.
Le Président (M. Marcoux): Dans l'ordre, le
député de Marguerite-Bourgeoys, le député de
Gaspé, le député de Terrebonne et le député
de Richelieu.
M. Lalonde: Je comprends que le président vous invite
à répondre quand vous aurez droit de parole.
Il m'apparaît donc qu'il s'agit de savoir si la protection du
public exige que l'assistant-pharma-cien à qui on a donné un
statut particulier, un statut temporaire, une clause grand-père, est-ce
que le public serait quand même bien protégé s'il pouvait
devenir propriétaire d'une pharmacie, étant donné qu'il
est déjà admis à poser des actes de pharmacien? N'est-on
pas là justement devant une situation de protectionnisme qui
m'apparaît peu acceptable ce n'est pas le gouvernement actuel que
j'accuse, sa décision n'est pas prise là-dessus on est
passé d'une situation différente, on a fait une clause
grand-père en 1973, on a mis trois restrictions qui en faisaient des
citoyens un peu de seconde classe, mais quand même, on a tenté de
régler le problème de cette façon. Je ne pose pas de
jugement. Mais en acceptant d'éliminer les deux restrictions, à
savoir la participation à l'élection des membres du bureau et au
droit de vote aux assemblées de l'ordre, et en ne maintenant que celle
de propriétaire de la pharmacie, il m'apparaît que le gouvernement
participerait à une proposition ou une opération de
protectionnisme, de propriété strictement, dont la qualité
laisse à désirer.
C'est la seule question que je veux poser actuellement, parce que je
pense que c'est cela. Ou si ce n'est pas cela, j'aimerais avoir la
réponse du gouvernement. Qu'est-ce qui fait que le public serait moins
bien protégé si M. X et je présume qu'il faut
prendre l'exemple de M. Laforest, qui représente ce groupe, qui est un
assistant-pharmacien qui est devenu pharmacien à part presque
entière, moins trois et là ce sera moins un, que le public serait
moins bien protégé si M. Laforest était
propriétaire de la pharmacie où il exerce annuellement je
n'ai aucune idée où il exerce actuellement sa profession .
Est-ce que, au contraire ce n'est pas celui qui travaille dans la pharmacie qui
protège le public? Là, ce que ce n'est pas du tout... J'ai
quelques amis pharmaciens dans la salle je ne veux pas refléter
ni faire une caricature, le propriétaire de la pharmacie, lorsqu'il est
en vacances ou lorsqu'il est chez lui; il doit s'arranger pour que le public
soit protégé d'ailleurs les règlements et la loi le
prévoient donc il faut que le service au public soit fait
conformément à la loi. Donc, pour la propriété
même, s'il y a une question ou des éléments que j'oublie,
j'aimerais les savoir.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, est-ce que je
peux poser une question aux membres de l'Opposition?
Si je comprends bien, ils estiment que le public serait mieux
protégé si nous maintenions les trois exceptions. Si tel est le
cas, je suis prêt à prendre cela en considération et
à laisser la loi telle quelle.
M. Lalonde: Non, M. le Président, là je pense que
le ministre veut finasser. On n'est pas au bridge ici!
M. Morin (Sauvé): Non, je suis votre raisonnement et je me
demande... Je pense que peut-être nous sommes trop ouverts
effectivement.
M. Lalonde: Non, nous avons dit que l'évolution de la
situation, la correction de la situation a fait que les législateurs
précédents ont cru bon de considérer
l'assistant-pharmacien comme un pharmacien à part entière, sauf
l'exercice de trois droits. Celui de devenir propriétaire d'une
pharmacie et j'ai nommé les autres. Il semble que... Est-ce à
l'initiative de l'Office des professions? Je l'ignore.
Il y a un peu plus d'un an que ce gouvernement est en fonction, il a
dû recevoir des recommandations, il n'a pas inscrit cette demande... Elle
ne lui est pas tombée du ciel. Alors est-ce que ces recommandations
doivent être appuyées sur des faits, des raisonnements
quelconques? Le ministre pourra répondre à cette question.
Quelles sont les recommandations qui lui ont été
apportées. Quant à moi je suis totalement d'accord pour supprimer
ces deux restrictions qui semblent un peu... A part ça, on parle de
combien de personnes, M. Lafo-rest?
M. Laforest: Exactement 64.
M. Lalonde: De 64 sur combien de membres de l'ordre?
M. Laforest: L'ordre doit comporter environ 3000 membres.
M. Lalonde: Donc, l'avenir de l'ordre et l'exercice de la
démocratie dans l'ordre ne seraient sûrement pas brimés par
votre participation au vote. Alors, là-dessus, c'est sûr, c'est
réglé, les pharmaciens sont tranquilles, les
assistants-pharmaciens ne prendront pas le pouvoir.
M. Martel: Est-ce que je pourrais poser une question?
M. Lalonde: Là-dessus, je pense qu'on peut les enlever, il
s'agit de propriétaires quoi!
M. Martel: Dans votre corporation, combien avez-vous de
membres?
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richelieu, vous devez demander la parole au président avant de...
M. Martel: M. le Président, vous permettez que je pose une
question à une affirmation du député de
Marguerite-Bourgeoys?
M. Lalonde: Moi, je le permets, M. le Président, si vous
le permettez.
Le Président (M. Marcoux): Vous le permettez, mais c'est
que le temps réservé au Parti libéral est maintenant
complété et que, si vous engagez une question, ça risque
de le prolonger davantage. S'il reste du temps aux membres de la commission,
tantôt, s'ils décident de prolonger, on pourra y revenir.
La parole est au député de Gaspé.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. La question qui
nous préoccupe, ce matin, ressemble étrangement au débat
que nous avons eu, mercredi, entre les médecins et les acupuncteurs. Le
débat de fond est certainement une question de corporatisme.
Je voudrais m'adresser à M. Laforest; le problème a sans
doute été réglé depuis 1973. Vous êtes
reconnus, vous n'êtes pas tellement nombreux et je me demande si, dans le
passé, il n'est pas déjà arrivé que certains de vos
membres n'aient pas été présidents de l'Ordre des
pharmaciens. C'est un point d'interrogation, je n'ai pas de réponse
à ça. Si on parle de la protection du public, j'aimerais savoir
s'il y a eu des plaintes, peut-être dans le passé, du
côté de l'Ordre des pharmaciens. Je comprends que c'est un
problème de régie interne quand on regarde le projet de loi, ce
matin, et il y a le dernier point que vous aimeriez devenir
propriétaires. Comme le député de Marguerite-Bourgeoys
vient de l'expliquer. Y a-t-il eu des plaintes au sujet de la protection du
public, dans le passé, concernant les membres de votre ordre et
qu'est-ce que vous entrevoyez pour I'avenir, par exemple, si vous obtenez vos
droits?
M. Laforest: Jamais l'inspecteur professionnel, qui passe
régulièrement et qui fait très bien son travail de l'Ordre
des pharmaciens, n'a eu de reproches à faire à des
assistants-pharmaciens puisque s'il y en avait eu, à ce moment-là
il aurait été obligé soit de lui demander de se recycler
ou de suspendre son permis d'exercice. On n'en a pas encore eu jusqu'à
maintenant qui ont été pris dans un tel cas.
M. Le Moignan: S'il n'y en a pas eu chez vous, la chose est fort
possible, certains pharmaciens peut-être se sont fait rappeler à
l'Ordre, certaines plaintes ont été formulées contre
certains pharmaciens, avec tout le respect que je dois au député
de Richelieu.
M. Martel: Je pourrais demander au député de
Gaspé: Qui n'a pas commis de péchés, n'est-ce pas M. le
curé?
Le Président (M. Marcoux): Le dialogue doit se faire
d'abord entre nos invités et les députés plutôt
qu'entre les députés eux-mêmes. J'invite à nouveau
le député de Gaspé à continuer son dialogue avec
nos invités.
M. Le Moignan: Les autres questions que j'avais ont
déjà été formulées
antérieurement.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Terrebonne.
M. Fallu: M. le Président, M. Laforest, vous nous avez dit
tantôt, entre autres, que même si vous payez depuis toujours votre
cotisation en vertu de l'article 14 de la loi de 1964, chapitre 255, vous
n'aviez toujours pas en main, enfin c'était depuis quelques mois
à peine que vous aviez en
main la liste des assistants-pharmaciens, ce qui vous avait
empêché d'ailleurs, jusqu'à un certain point, de faire un
travail préalable de sondage pour connaître entre autres
l'état réel des études ou de la pratique de vos membres,
ou des membres assistants-pharmaciens de l'ordre. Est-ce que vous me
permettriez de vous faire subir un petit examen, très gentil d'ailleurs,
en vertu de l'article 8, chapitre 255, Elizabeth II? Vous avez quatre
années d'études.
M. Laforest: Non.
M. Fallu: Vous en avez fait combien?
M. Laforest: Trois.
M. Fallu: Qui se sont échelonnées sur quatre ans ou
l'équivalent?
M. Laforest: Sur trois ans.
M. Fallu: Vous avez suivi des cours de science
médico-pharmacologique?
M. Laforest: C'est exact.
M. Fallu: Physico-chimique.
M. Laforest: Oui.
M. Fallu: Et de pharmacie pratique.
M. Laforest: Oui.
M. Fallu: Vous avez également fait des travaux pratiques
de pharmacie et de chimie analytique?
M. Laforest: Oui, en laboratoire, à
l'université.
M. Fallu: Vous avez également suivi une année au
moins de botanique?
M. Laforest: Oui. C'est loin, parce que...
M. Fallu: Vous avez également, selon la prescription de
l'article 8, subi avec succès sur toutes ces matières les examens
du baccalauréat.
M. Laforest: Non, pas du baccalauréat.
M. Fallu: II est dit baccalauréat, j'imagine les examens
formels imposés à l'université.
M. Laforest: De l'Ordre des pharmaciens. De l'ordre, non pas de
l'université.
M. Fallu: De l'ordre. Vous les avez subis avec succès.
M. Laforest: Oui.
M. Fallu: Vous avez également payé votre
cotisation, j'imagine également en vertu de l'article 14.
M. Laforest: Hélas.
M. Lalonde: Cela va bien chez vous à part cela?
M. Laforest: II y a le petit qui tousse un peu, mais...
M. Lalonde: Vous transmettrez mes hommages.
Une Voix: A madame?
M. Lalonde: A tout le monde.
M. Fallu: Je voulais par là illustrer, M. Laforest,
justement un peu quand même... Ce n'est pas pour prendre contrepartie
contre mon collègue, le député de Richelieu. C'est pour
illustrer tout simplement ceci que quand même, il y a, puisqu'on n'a pas
l'expertise totale, une certaine expertise qu'on fait ici ce matin. Il y a
quand même un fond de sérieux dans la préparation que vous
avez subie.
A la limite, vous avez également affirmé que chez les
anciens pharmaciens j'allais dire, peut-être en faisant un mauvais
jeu de mots que si pour votre part vous êtes reconnu en fonction
d'une clause grand-père, il y en a sans doute des grands-pères
qui font partie de l'Ordre des pharmaciens et qui, à ce
compte-là, étaient régis même par des lois
antérieures à celles de 1941, à savoir que ces
gens-là, sans doute si on leur faisait subir un examen de même
nature que celui que je viens de vous faire subir, qu'ils ne se classifieraient
probablement pas en trois années avec un examen de baccalauréat,
avec l'ensemble des matières sur lesquelles vous avez dû
vous-même vous pencher.
Je pense que le contre-interrogatoire est terminé, je vous
remercie.
M. Laforest: Je vous remercie du contre-interrogatoire, parce que
justement, vous replacez le sujet exactement comme il a déjà
été replacé. C'est que ça ne se situe pas au niveau
des études, ça ne se situe pas non plus au niveau des
années de scolarité, et ça se situe avec la loi actuelle
qu'on a dans les mains. Il faut vivre avec cette loi qui nous a permis de
travailler, donc elle nous a reconnus habiles à remplir cette fonction.
Le débat ne se situe pas du tout sur la scolarité. Je vous
remercie de l'avoir souligné.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Richelieu.
M. Martel: Pour répondre à la question qui m'a
été posée par M. Laforest et aussi par le
député de Marguerite-Bourgeoys, je pense que
l'élémentaire logique fait qu'un bonhomme qui a passé
quatre ans à l'université à étudier
différentes sciences, à approfondir ses connaissances dans le
domaine de la pharmacologie et qui a réussi ses examens, est beaucoup
plus en mesure de protéger le public que celui qui a passé
trois
ans à l'université, parfois trois ans dans la même
année, et qui n'a pas réussi ses examens.
L'élémentaire bon sens confirme ça.
Egalement, je ne comprends pas très bien, je sais que vous
êtes dans l'Opposition, mais tout de même, il faut conserver une
certaine logique. Le député de D'Arcy McGee, il l'a
affirmé, et le député de Marguerite-Bourgeoys, par son
comportement et ses agissements, disent ce qui n'est pas bon pour notre
profession au Barreau, soit de ne pas avoir de personnes qui n'ont pas la
formation juridique pour siéger au Barreau et de choisir des membres du
Barreau pour siéger au conseil de l'ordre. Le député de
D'Arcy McGee admet lui aussi qu'il ne serait pas logique, et ça n'existe
pas présentement, d'avoir des membres qui ont à choisir des
administrateurs à leur ordre qui ne soient pas médecins. Je ne
comprends pas que ce qui n'est pas bon pour eux dans leur profession respective
le soit pour les autres professions.
M. Lalonde: M. le Président, du consentement que je
réponde quand même très brièvement...
Le Président (M. Marcoux): Très brièvement,
disons que vous faites une clarification, trente secondes vont peut-être
nous sauver...
M. Lalonde: Je n'ai jamais affirmé...
Le Président (M. Marcoux): ... une seconde, une seconde.
Trente secondes qui vont peut-être nous sauver plusieurs minutes. J'ai
été très large dans toutes les discussions. Le sujet
était très défini, mais des sujets définis
suscitent des questions plus larges. Je voudrais quand même que les
réponses soient brèves pour céder la parole, en terminant,
au ministre.
M. Lalonde: Très brièvement, je pense, je crois
encore, on me corrigera si je fais erreur, que les assistants-pharmaciens, de
par la loi, récemment, sont considérés comme des
pharmaciens. A ce moment-là, si des assistants-avocats ou autres sortes
de monde étaient, par la loi, considérés comme membres du
Barreau, je crois qu'ils devraient avoir les droits de tous les membres.
Deuxièmement, je pense que la proposition que le
député de Richelieu vient de faire à l'effet que plusieurs
années d'étude et une bonne formation sont nécessaires
pour assurer la protection du public, d'accord. Mais s'il veut aller un peu
plus loin, il verra l'illogisme, soit que ceci n'est pas nécessaire pour
être propriétaire de pharmacie.
Le Président (M. Marcoux): M. le...
M. Goldbloom: M. le Président, j'invoque le
règlement pour rétablir les faits. Le règlement me permet
de le faire.
Le Président (M. Marcoux): Le règlement vous permet
de rétablir les faits.
M. Goldbloom: Oui. Le député de Richelieu a mal
interprété ce que j'ai dit. Il y a eu effective- ment, dans la
profession médicale, un geste similaire qui a été
posé et cela, à plusieurs endroits en Amérique du Nord,
dans plusieurs Etats américains et dans des provinces canadiennes aussi,
je pense, les ostéopathes ont été intégrés
à la profession médicale. Une fois ces personnes
intégrées, en vertu d'une loi, je n'ai plus le droit de mettre en
doute leur compétence et leur participation aux activités de la
profession. C'est dans ce sens que j'aurais répondu au ministre quand il
a posé la question, je trouve que nous sommes rendus au point où
la protection du public n'est plus en jeu, n'est plus en question.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez rétabli les
faits, je pense que ça doit s'arrêter là...
M. Goldbloom: Merci, M. le Président.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Gaspé, rapidement, n'a pas complété son temps. M. le
député de Gaspé.
M. Le Moignan: Oui, M. le Président. Si la preuve de leur
compétence semble être acquise pour tout le monde, et si l'ordre
est là pour surveiller les gestes, et si leur nombre est limité
à 64 seulement sur une profession qui groupe déjà plus de
3000 membres, il me semble qu'il n'y a pas tellement de problèmes
à accepter des revendications que ces membres du renouveau
pharmaceutique viennent nous faire ce matin, d'autant plus qu'on nous donne
toutes les certitudes que le bien public est protégé, qu'il n'y
en aura pas tellement d'autres qui vont s'ajouter, à l'avenir, au sein
de ce renouveau.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je pense qu'il
serait logique que nous passions maintenant aux autres mémoires, afin de
nous éclairer davantage sur ce problème. J'avoue qu'au point
où j'en suis, et sans préjuger de l'opinion que je pourrai me
faire à la suite de l'audition des autres mémoires,
l'argumentation des députés de Marguerite-Bourgeoys et de D'Arcy
McGee m'a presque convaincu que nous devrions retirer l'amendement. Je crois
que le raisonnement du député de D'Arcy McGee, en particulier,
qui disait que peut-être devrions-nous non pas ouvrir, mais au contraire,
tendre à fermer, étant donné les circonstances, c'est un
raisonnement qui mérite considération, en tout cas, qui
mérite réflexion.
Le Président (M. Marcoux): Je remercie M. Laforest de la
présentation de son mémoire. J'inviterais maintenant l'Ordre des
pharmaciens du Québec à venir nous présenter son
mémoire.
Ordre des pharmaciens du Québec
M. Descary (Guy): Bonjour messieurs. Mon nom est Guy Descary,
vice-président de l'Ordre des pharmaciens. Je suis accompagné de
M. Shara, qui est le trésorier de l'ordre, et de Mme Truesdell qui est
notre avocate.
On a parlé de beaucoup de choses ce matin. On a parlé, par
exemple, de la protection du pu-
blic. On semble penseret je ne voudrais pas insulter cette
honorable enceinte que la protection du public part d'ici. Mais il
faudrait quand même se rappeler...
Le Président (M. Marcoux): Veuillez m'excu-ser. J'aimerais
préciser une chose. Avant de commenter ce qui s'est passé ici ce
matin depuis le début, je vous inviterais plutôt à
présenter l'essentiel de votre mémoire, pour qu'ensuite la
discussion s'engage entre les membres de la commission et vous-même.
M. Descary: C'est ce à quoi je viens, monsieur. Mais je ne
le lirai pas. Je vais commenter le mémoire. C'était pour vous
dire que le gouvernement, le législateur, dans sa sagesse, a
pensé que c'était à l'ordre de voir à ce que la
protection du public se fasse. Or, c'est justement ce que l'ordre a fait il y a
déjà quelques années. J'aimerais vous rappeler comment
c'est arrivé que cette clause grand-père s'applique. C'est bien
sûr, à l'intérieur de la loi, cela pouvait s'appliquer. On
applique la loi telle que le législateur nous la donne.
Je voudrais faire remarquer que cela a changé constamment; des
gouvernements ont fait que ces lois étaient là et qu'avant vous,
c'étaient d'autres gouvernements qui ont appliqué aussi ces lois
et qui nous ont donné, par exemple, la dernière loi sur la
pharmacie.
Il y a déjà une dizaine d'années, pour
régulariser une situation qu'on trouvait anormale, pour permettre
à des gens qui travaillaient en pharmacie, sans titre et sans
protection, et sans avenir, de pouvoir au moins se trouver un nid quelque part
et se préparer un avenir qui était convenable, on a convenu avec
eux qu'on leur trouverait, avec cette clause, une place en pharmacie.
Il y avait des assistants-pharmaciens. On a parlé tantôt
qu'il y a même eu un assistant-pharmacien qui a été
président. Bien sûr, il avait terminé ses quatre
années de pharmacie, sauf qu'au lieu d'aller à ses examens, il
est allé à la licence. Cela a été une année
tout à fait particulière. C'était entre deux lois, dans
des changements de lois. Mais ce n'est pas vraiment le même cas.
On a accepté, à ce moment-là, selon la loi, que 70
pharmaciens, assistants-pharmaciens, se présentent et deviennent
assistants-pharmaciens. C'étaient des gars qui étaient
allés avec nous à l'université. Pierre Laforest, c'est un
de mes confrères de classe. On était ensemble en première
et en deuxième année.
Il y a une chose qui est claire et qu'on dit aussi dans notre
mémoire, c'est que c'était trois années d'inscription
à l'université; ce n'était pas trois années
d'étude. Il y a eu, à ce moment-là, chez-nous, à
l'ordre, un débat avec nos avocats pour savoir ce que cela voulait dire
"inscription". Il y avait sûrement l'intention du législateur. Je
me souviens fort bien de ma position, parce qu'il y a déjà
longtemps que je suis à l'ordre.
A ce moment-là, je voulais que trois années soient trois
années consécutives d'étude. Les avocats nous ont dit que
ce n'était pas cela, que trois années d'inscription, cela pouvait
vouloir dire trois années d'inscription sans une seule heure de cours.
C'est comme cela que la loi s'appliquait.
Je vous dirai que très peu de ces candidats avaient plus que deux
années de cours. Il y en a qui avaient deux années de cours. La
plupart avait moins d'un an de cours. Mais, il y en a quatre parmi
ceux-là qui mériteraient peut-être une considération
tout à fait particulière, parce qu'il y a quatre bacheliers. Il y
a quatre assistants, aujourd'hui, qui ont leur baccalauréat en
pharmacie. Ceux-là, je suis d'accord avec vous, méritent une
attention toute particulière et peut-être qu'avec eux, on pourrait
avoir une clause spéciale.
L'ordre s'oppose à toute modification à la présente
loi, pour ce qui a trait aux assistants-pharmaciens. On trouve même un
peu drôle que le gouvernement mette ceci en priorité en sachant
fort bien les problèmes majeurs auxquels feront face les pharmaciens ou
fait face la pharmacie au Québec. La pharmacie au Québec, c'est
une pharmacie d'artisans. Bien sûr, on a mis tantôt en doute
à savoir si on devait nécessairement être pharmacien pour
être propriétaire. C'est une pharmacie d'artisans
québécois, la pharmacie. Cela appartient aux
Québécois. C'est une place où le Québécois a
trouvé son nid. Il l'a bien fait. On sert bien la population. On la sert
bien et on la sert mal aussi, à la fois, parce qu'on est presque le plus
grand consommateur de médicaments au monde, nous dit-on. On permet, en
priorité, de discuter ce qu'on pense ne pas être tellement
prioritaire, parce que ces hommes, on les a, entrés chez nous il y a
déjà quelques années, et on leur a préparé
un avenir.
J'étais de ceux qui disaient: II faut qu'on prépare, qu'on
change l'avenir de ces gens, parce qu'ils n'avaient aucun avenir en pharmacie.
Ils en ont maintenant et ils peuvent gagner leur vie décemment. Ils sont
bien payés.
Par exemple, on permet de continuer l'utilisation du médicament
et de devenir les plus grands utilisateurs du médicament avec toute
cette publicité qui entoure le médicament. On permet tout cela.
On permet aussi que les médicaments brevetés se vendent partout.
On permet une surconsommation, avec les lois telles qu'elles sont faites, et on
ne trouve pas que c'est prioritaire.
Dans cet esprit, chez nous, à l'ordre, on se pose des questions
sérieuses à savoir si on veut vraiment d'une pharmacie qui va
être à la disposition des gens pour une meilleure santé
publique, ou bien si on est ici à faire des lois pour promouvoir la
vente du médicament comme la vente des souliers. On dit que le
médicament, c'est un aspect tout à fait particulier du
développement de la société moderne et que, de plus en
plus, cela devient une béquille de la société plutôt
qu'un instrument de guérison. Il faut absolument que, dans cet esprit,
on considère que la compétence du pharmacien doit être
très grande, de plus en plus grande, mais aussi que la compétence
des administrateurs qui vont regarder ces lois et qui vont faire en sorte que
les lois reflètent la volonté du type de société
dans laquelle on veut vivre.
Je vous remercie, messieurs. Maintenant, on pourrait peut-être
passer aux questions.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Vous avez mentionné les cas de
quatre personnes détentrices du baccalauréat, qui sont
assistants-pharmaciens et dont vous dites qu'elles mériteraient qu'on se
penche sur leur cas.
M. Descary: C'est exact.
M. Morin (Sauvé): Seriez-vous prêt, le cas
échéant, puisque je pense que l'ordre en a le pouvoir, à
faire un règlement d'équivalence qui autoriserait ces quatre
bacheliers à se présenter aux examens de l'ordre, ce qui
permettrait sans doute de régler leur cas. Ou est-ce qu'il y a là
une difficulté que je n'appréhende point?
M. Descary: On pense qu'il serait peut-être plus facile que
le législateur le fasse dans sa loi.
M. Morin (Sauvé): C'est-à-dire que vous les
dispenseriez d'examens?
M. Descary: C'est exact, parce qu'ils ont déjà leur
baccalauréat en pharmacie.
M. Morin (Sauvé): Oui, mais là, vous
entraînez le législateur à faire des cas particuliers.
Est-ce que l'ordre n'est pas placé pour régler cette question? Si
je peux faire règlement d'équivalence...
M. Descary: Je n'ai pas posé la question.
M. Morin (Sauvé): ... vous avez le droit de faire un tel
règlement.
M. Descary: C'est exact. Je n'ai pas posé la question,
mais il se pourrait fort bien qu'on puisse le faire et si on le
décidait...
M. Morin (Sauvé): Pourquoi ne lavez-vous pas fait, puisque
vous estimez que ces quatre cas méritent considération?
M. Descary: Sur ces quatre cas, je ne peux pas vous
répondre. On pourrait peut-être envoyer une réponse
autrement, mais je n'ai pas la réponse, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Ecoutez, plutôt que de demander
aux législateurs d'intervenir dans des cas que vous semblez ne pas
posséder pleinement, il serait peut-être bon que votre ordre se
penche sur ces quatre cas. Il serait peut-être bon que vous fassiez le
règlement d'équivalence qui autoriserait sans avoir à
intervenir législativement ces quatre personnes à passer les
examens et à devenir pharmaciens de plein droit. Y a-t-il des objections
à ce que vous procédiez de la sorte?
M. Descary: Je vais demander à Mme Trues-dell de
répondre, M. le ministre.
Le Président (M. Marcoux): Pouvez-vous vous identifier
à nouveau aux fins du journal des Débats?
Mme Truesdell (Christine): Très bien. Christine Truesdell,
avocat de l'Ordre des pharmaciens. En ce qui concerne le règlement
auquel M. le ministre fait allusion, il s'agirait d'un règlement
d'équivalence de formation, si je comprends bien. Or, il devient
évident que cette notion d'équivalence de formation est tout
à fait nouvelle dans le cadre des professions. Pour sa part, l'Ordre des
pharmaciens en a entendu parler pour la première fois il y a quelques
mois seulement. Il va sans dire que cette notion nouvelle de règlement
d'équivalence de formation ne saurait s'appliquer à quatre
personnes, à quatre individus, dont, d'ailleurs, l'Ordre des pharmaciens
n'a pas présentement les noms. Je soumets humblement que l'Ordre des
pharmaciens ne saurait faire un règlement pour quatre personnes
seulement. Le règlement dont il s'agit serait un règlement qui
s'appliquerait à diverses classes de personnes et permettrait en quelque
sorte à diverses personnes qui n'ont pas une formation scolaire
adéquate de compenser ce manque de formation scolaire par une
expérience qui pourrait varier, selon la teneur du règlement.
Autrement dit, le règlement d'équivalence de formation auquel M.
le ministre fait allusion serait un règlement qui permettrait par
exemple à un commis en pharmacie ou qui pourrait permettre à un
commis en pharmacie qui n'a pas d'études universitaires ou qui a un
minimum d'études universitaires, par exemple six mois ou un an
d'études en pharmacie, moyennant une expérience pertinente de
travail de dix ans ou de quinze ans, d'obtenir un plein statut
professionnel.
L'Ordre des pharmaciens, avant de s'engager dans une telle voie, doit
réfléchir très sérieusement aux conséquences
que pourrait entraîner un tel règlement sur la
société, toujours dans l'optique de la protection du public.
C'est pour cette raison que l'Ordre des pharmaciens est présentement
à l'état de réflexion et que le règlement auquel le
ministre fait allusion n'a pas été mis en chantier, si vous
voulez. D'ailleurs, je pourrais souligner à cette commission qu'un tel
règlement n'existe chez aucune corporation professionnelle, à
l'heure actuelle. C'est une notion tout à fait nouvelle.
Je pense que si M. Descary a mentionné tantôt le cas des
quatre bacheliers en pharmacie, c'était strictement parce que ces
personnes feraient partie, semble-t-il, du groupe qui a rédigé le
mémoire du Renouveau pharmaceutique, ou sont des gens qui ont
certainement le statut d'assistant-pharmacien. Pour les autres, l'Ordre des
pharmaciens estime qu'il y a vraiment un manque de formation scolaire, comme il
est évident par l'ancienne loi qu'une personne a pu être inscrite
à l'université pendant trois ans, mais n'a fait que six mois
d'université ou n'a même pas pu peut-être assister à
un seul cours en pharmacie. A ce moment, c'est un problème... Ce qui
arrive, c'est que le Renouveau pharmaceutique groupe des individus qui ont une
formation scolaire bien
différente. Il y en a qui n'ont pratiquement aucune
scolarité universitaire en pharmacie, et il y en a qui peuvent avoir
jusqu'à deux ans de formation scolaire à l'université en
pharmacie. C'est pour cette raison que M. Descary attirait l'attention de la
commission sur ces quatre cas potentiels, pour ne pas créer
d'injustice.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, il faudra
peut-être que le conseiller juridique de l'ordre se mette en contact avec
l'Office des professions. On pourra lui communiquer quelques règlements
d'équivalence qui ont déjà été
adoptés par certaines professions, en application de l'article 92.
Cet article 92 prévoit que le bureau de la corporation peut, par
règlement c'est l'alinéa g), je pense que le conseiller
juridique le connait très bien fixer des normes permettant de
connaître, aux fins de la délivrance d'un permis ou d'un
certificat de spécialiste, l'équivalence de la formation d'une
personne qui ne détient pas un diplôme autrement requis à
ces fins. J'aimerais donc vous demander si, vraiment, vous vous sentez
totalement impuissants à régler des cas d'équivalence, les
cas des quatre bacheliers dont on parlait tout à l'heure.
Vous comprendrez bien que si vous plaidez qu'on ne saurait régler
quatre cas particuliers par règlement, nous allons en tirer la
conclusion qu'a fortiori on ne peut pas régler quatre cas particuliers
par la voie de la législation. Il appartient à l'ordre de
régler de tels problèmes.
Mme Truesdell: C'est peut-être le cas, M. le ministre, sauf
que, comme je l'ai mentionné tantôt, le règlement sur
l'équivalence de formation est une notion nouvelle et qu'il n'est pas
exclu que l'Ordre des pharmaciens se penche sur la question, sauf
qu'aujourd'hui...
M. Morin (Sauvé): Bon!
Mme Truesdell: ... je pense que le cas qui est discuté,
c'est le cas global des assistants-pharmaciens, peu importe leur formation, qui
est tout à fait diversifiée selon les cas.
M. Morin (Sauvé): Mais c'est fort bien. Je suis tout
à fait d'accord qu'aujourd'hui, effectivement, c'est l'article 43 que
nous examinons. Seulement, vous aviez soulevé le cas de ces quatre
bacheliers, cas qui m'ont paru...
M. Descary: En toute justice, M. le ministre, pour ces
gens...
M. Morin (Sauvé): ... suffisamment importants pour que
nous débattions de la chose, et je pense que l'ordre a les pouvoirs
requis pour régler ces quatre cas. Il ne faudrait pas qu'on vienne
demander au législateur d'intervenir de cette façon dans les
affaires de l'ordre.
Je suis tout à fait disposé, M. le Président,
à revenir à l'article 43, maintenant qu'on nous dit que l'ordre
va se pencher sur ces questions de règlements d'équivalence.
M. Descary: Je voudrais, pour la bonne marche de cette
période de questions, qu'on essaie de déterminer le type
d'assistants-pharmaciens qu'on avait selon l'ancienne loi.
Il y avait les assistants-pharmaciens qui détenaient un
baccalauréat en pharmacie, mais qui n'avaient jamais passé
l'examen de la licence. Ils devenaient automatiquement assistants-pharmaciens.
Il y a eu aussi les assistants-pharmaciens qui ont été
acceptés à la suite d'examens comme ceux dont on parle ici avec
des prévisions dans la loi, et il y avait ceux qui avaient
été inscrits avant 1945, mais, il en reste très peu, qui,
eux aussi, avaient subi ça, c'est un peu vieux dans mon
esprit...
M. Morin (Sauvé): Un examen, je crois?
M. Descary: Non, je pense qu'eux aussi étaient des
bacheliers en pharmacie, mais qui n'avaient jamais obtenu leur licence.
M. Morin (Sauvé): Je ne crois pas que ce soit le cas.
M. Descary: Une clause grand-père, de toute façon,
qui datait de la loi de 1945, et il n'en reste pas beaucoup.
M. Morin (Sauvé): Oui, mais, pour préciser la
chose, ceux qui étaient inscrits comme étudiants avant le 1er
septembre 1945...
M. Descary: Avant 1945.
M. Morin (Sauvé): ... avaient subi un examen.
M. Descary: C'est ça.
M. Morin (Sauvé): Bon!
M. Descary: Oui.
M. Morin (Sauvé): C'est bien.
M. Descary: Cela fait la distinction et c'est là qu'on
retrouve quatre assitants-pharmaciens bacheliers.
M. Morin (Sauvé): Votre attitude sur l'article 43, si j'ai
bien compris, c'est que vous vous opposez à la suppression de deux des
trois conditions et vous venez nous dire, en somme, que vous êtes en
faveur du maintien des trois conditions...
M. Descary: C'est exact.
M. Morin (Sauvé): ... des trois exceptions, dis-je, pour
être plus précis, qui existent à l'heure actuelle dans la
loi et qui avaient été préparées à
l'époque de l'ancien gouvernement.
M. Descary: C'est exact.
M. Morin (Sauvé): Je vous remercie.
M. Descary: Je ne sais pas...
M. Lalonde: Bon! Ecoutez! Avez-vous quelque chose à
ajouter, parce que je vais enchaîner et vous demander pourquoi vous
êtes contre la suppression de ces trois conditions, des deux, en fait,
qui sont inscrites dans le projet de loi no 25, et dans quelle mesure le
maintien de ces restrictions de voter aux assemblées, de voter pour le
membre du bureau, vous apparaît comme indispensable pour la bonne
protection de la santé publique?
M. Descary: J'ai tâché tantôt de dire comment
cela était arrivé, comment, en toute bonne foi, les
administrateurs de l'ordre s'étaient penchés sur le cas
d'individus à qui ils reconnaissaient une certaine compétence,
sans quoi ils n'auraient jamais été acceptés au titre
d'assistant-pharmacien. Il ne faut pas s'enfarger dans les mots. On leur a
reconnu une certaine compétence et on les a acceptés à ce
titre, parce qu'ils savaient des choses en pharmacie, qu'ils n'avaient pas
d'avenir chez nous et qu'ils ne pouvaient travailler sans constamment
être sous la surveillance de personnes.
C'est devenu un peu pour nous un acte humanitaire à poser, et il
fallait le poser. Il fallait aussi régler certains problèmes
qu'on avait en pharmacie quand on a décidé, en 1968, que les lois
sur la pharmacie s'appliqueraient de façon intégrale. J'ai
entendu tantôt un reproche adressé à un pharmacien qui
siège ici et, vous savez, je trouve qu'il ne faut pas se laisser aller
à ces mesquineries. S'il n'y a pas d'action posée contre des
assistants-pharmaciens, c'est qu'ils n'ont pas la responsabilité. C'est
bien important. Il ne faut pas mêler les choses. On ne peut pas porter
d'accusation contre un assistant-pharmacien, parce qu'il n'est pas
propriétaire de pharmacie. On pourrait porter des accusations contre son
geste, mais le propriétaire d'une pharmacie est responsable des gestes
de tout le monde à l'intérieur de sa pharmacie.
M. Lalonde: C'est faux.
M. Descary: II est responsable des gestes de ceux qui sont dans
sa pharmacie.
M. Lalonde: D'après vous, est-ce que la loi, les
règlements...
M. Descary: Quant à l'article 31, pour l'application de la
Loi de pharmacie.
M. Lalonde: Alors, pour le cas de propriétaire, vous
prétendez que...
M. Descary: Ou le gérant.
M. Lalonde: La qualité de propriétaire est
importante dans la protection du public? Est-ce parce que
l'assistant-pharmacien, même membre de l'ordre, doit travailler sous la
surveillance d'un propriétaire?
M. Descary: C'est que la finalité des choses dans une
profession, et vous savez ce que c'est, la finalité des décisions
appartient non pas au propriétaire, mais au pharmacien
diplômé qui travaille ou pratique en fonction d'un
privilège que lui ont acquis ses études. Je pense que c'est bien
important.
M. Lalonde: Oui, mais, M. Descary...
M. Descary: Et la responsabilité professionnelle
appartient au pharmacien en charge. A l'article 31 de la Loi de pharmacie, je
ne sais pas si vous l'avez...
M. Lalonde: Est-ce que la loi permet actuellement à
l'assistant-pharmacien d'exercer toutes les fonctions d'un pharmacien dans la
pharmacie, dans les services au public?
M. Descary: Non, il n'y a pas plus de privilèges que sous
l'ancienne loi. Les mêmes privilèges ont été
transportés. Ce sont exactement les mêmes privilèges.
M. Lalonde: Quels sont les actes que l'assistant-pharmacien ne
peut pas poser?
M. Descary: Un de ceux-là, c'est d'être
gérant d'une succession, parce qu'à ce moment-là il
devient celui qui a la finalité de la responsabilité et cela n'a
pas été reconnu dans la loi.
M. Lalonde: Je parle d'actes professionnels. Je ne parle pas de
fonctions.
M. Descary: II peut poser les actes professionnels à
l'intérieur de la pharmacie.
M. Lalonde: C'est cela qui me... Sans la surveillance d'un autre
pharmacien?
M. Descary: Sans la surveillance d'un autre pharmacien, mais il
travaille pour un autre pharmacien, voyez-vous? La responsabilité finale
appartient quand même à celui pour qui il travaille.
M. Lalonde: J'aimerais simplement ajouter à votre
commentaire, à propos du choix des priorités du gouvernement, on
nous propose qu'ici, le projet de loi 25, qui a été
déposé le 10 mars, et ce n'est pas...
M. Descary: Ce n'est pas un reproche que je faisais, c'est un
commentaire.
M. Lalonde: Un commentaire, justement. Mais il reste que c'est le
gouvernement qui nous le propose et la seule chose qui concerne les
pharmaciens, il semble que ce soit l'article 29. C'est pour cela qu'on est
obligé de ne parler que de cela actuellement. Je vais laisser mon
collègue de D'Arcy McGee continuer.
M. Goldbloom: M. Descary, il me faut un certain effort pour ne
pas vous appeler M. le maire, vous avez affirmé quelque chose tout
à l'heure et
j'aimerais vous amener à l'éclaircir, parce que cela me
semble important.
Vous avez dit qu'il n'y a pas eu d'actions en discipline de la part de
l'Ordre des pharmaciens à l'égard des assistants-pharmaciens
parce que ce ne sont pas eux qui pourraient être traduits devant le
conseil de discipline.
NI. Descary: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Goldbloom: C'est ce que j'ai compris, mais peut-être que
j'ai mal compris.
M. Descary: Non, je ne peux pas vous dire cela parce que, d'une
part, je ne sais pas ce qui se passe en discipline et, d'autre part, je
voudrais vous dire que ce n'est pas le sens de mon intervention. J'ai dit que,
d'après l'article 31, la responsabilité de ceux qui travaillent
dans la pharmacie appartient à celui qui ajustement la
responsabilité finale et ultime. Cela va? C'est pour cela que, en
général, pour des actes posés par d'autres, celui qui est
responsable de sa pharmacie est, non pas le propriétaire, mais le
pharmacien qui a charge de la pharmacie.
M. Goldbloom: J'aimerais comprendre peut-être que Me
Truesdell pourra me donner la réponse précise si
l'inspecteur va dans une pharmacie, il y va incognito, il demande un produit
pharmaceutique qui, normalement, requiert une ordonnance médicale. Il
n'a pas cette ordonnance médicale et l'assistant-pharmacien lui remet
quand même ce produit. C'est donc un geste illégal. L'inspecteur
inscrit une plainte et cette plainte doit traduire quelqu'un devant le conseil
de discipline de l'ordre. Est-ce l'assistant-pharmacien qui a posé le
geste illégal ou est-ce le propriétaire qui est traduit devant le
conseil de discipline? Je parle précisément des personnes en
question: les assistants-pharmaciens qui sont inscrits au tableau de
l'ordre.
Mme Truesdell: Je vais répondre à votre question.
Si vous le permettez, nous allons changer l'exemple que vous donnez... Il est
sûr que l'acte posé, à ce moment, par
l'assistant-pharmacien, serait illégal, non pas en vertu d'une loi
provinciale, c'est-à-dire la Loi sur la pharmacie, mais en vertu des
lois fédérales qui régissent la vente des drogues, que ce
soit les stupéfiants, les drogues contrôlées ou les drogues
qui requièrent une ordonnance pour être vendues. Autrement dit
et là je ne veux pas donner un cours de droit si, dans une
pharmacie, on me vend un médicament qui requiert une ordonnance sans que
j'aie d'ordonnance à montrer, cela devient un acte illégal en
vertu d'une loi fédérale ou d'un règlement
fédéral, et non pas en vertu de la loi provinciale.
Je vais prendre, pour répondre au même type de question, un
autre exemple. Vous entrez dans une pharmacie, vous demandez un
médicament, que ce soit... en vente ou en exécution ou non d'une
ordonnance. Prenons un exemple: Je veux faire renouveler mon ordonnance de
contraceptif.
J'entre dans la pharmacie, quelqu'un se présente au comptoir, je
donne mon ordonnance, on la remplit. Il se trouve que je suis un
enquêteur de l'ordre et que la personne qui a posé l'acte
pharmaceutique, que j'ai demandé, n'est pas pharmacien elle est commis,
employé. Il n'y avait pas, à ce moment, la surveillance d'un
pharmacien. Le pharmacien n'était pas là, il pouvait être
dans l'entrepôt, occupé à faire autre chose et il n'a pas
supervisé l'acte pharmaceutique qui a été posé. A
ce moment, il y a infraction à la Loi sur la pharmacie, à
l'article 31 plus précisément, dont vous parlait tantôt M.
Descary.
Un des articles essentiels de la Loi sur la pharmacie est de s'assurer
que tout acte pharmaceutique, qui est posé dans une pharmacie, est sous
la surveillance personnelle et le contrôle d'un pharmacien. La personne
qui est chargée de faire respecter cet article, dans la pharmacie,
c'est, en vertu de l'article 31, le propriétaire de la pharmacie ou le
gérant de la pharmacie, s'il s'agit d'une succession.
L'assistant-pharmacien n'a pas le droit, à l'heure actuelle,
d'être propriétaire d'une pharmacie et il n'a pas non plus le
droit d'opérer une pharmacie pour le compte d'une succession qui, comme
vous le savez sans doute, peut opérer une pharmacie, au
décès d'un pharmacien, pendant trois ans. C'est la raison pour
laquelle M. Descary vous disait tantôt: La responsabilité ultime,
dans la pharmacie, appartient au pharmacien qui est dûment inscrit comme
pharmacien au tableau de l'ordre et qui a le droit d'être
propriétaire. Par voie de conséquence l'assistant-pharmacien,
n'ayant pas le droit d'être propriétaire, ne saurait être
tenu responsable.
Pour revenir plus précisément à l'exemple que vous
donniez, l'assistant-pharmacien ne peut pas être responsable de l'acte
que je vous ai décrit.
M. Goldbloom: Quel que soit l'exemple, il y a des gestes que
peuvent poser des pharmaciens qui auront pour résultat leur traduction
devant le conseil de discipline de l'ordre.
Mme Truesdell: Bien sûr.
M. Goldbloom: Alors, est-ce qu'un assistant-pharmacien peut
être traduit devant le conseil de discipline de l'ordre?
Mme Truesdell: Oui, pour des actes qu'il pose en sa
qualité professionnelle, actes qu'il a le droit de poser; bien sûr
qu'il peut être traduit devant le comité de discipline.
Maintenant, ces activités, comme la commission le sait sans doute, sont
des activités qui sont à huis clos et ne font pas l'objet de
publications; donc, on ne saurait dire sérieusement qu'il n'y a pas eu
d'assistant-pharmacien traduit en discipline pour quelque acte professionnel
manqué ou illégal que ce soit, mais ce à quoi M. Descary
faisait allusion, en parlant de la responsabilité ultime dans la
pharmacie, c'était, entre autres, à l'article 31; en disant que
la responsabilité ultime, c'est-à-dire que celui qui est
responsable de voir à ce que tout acte pharmaceu-
tique qui se pose dans une pharmacie ne doit être qu'un
pharmacien, c'est cela qu'il voulait dire. En fin de compte, quand on parle
d'exercice de la pharmacie, il faut que tous les actes professionnels qui sont
posés soient sous la surveillance d'un pharmacien et cela, c'est un
pharmacien licencié et non pas un assistant-pharmacien. C'est la
clé de voûte, si vous voulez, de la Loi sur la pharmacie
actuellement.
Le Président (M. Marcoux): Je m'excuse, on a
déjà dépassé notre temps de cinq minutes. Puisqu'il
y a encore plusieurs députés qui veulent poser des questions,
nous devrons nous revoir à quinze heures.
Alors, je suspends les travaux de cette commission jusqu'à quinze
heures précises.
(Suspension de la séance à 13 h 7)
Reprise de la séance à 15 h 16
Le Président (M. Marcoux): A l'ordre, messieurs!
La commission des corporations professionnelles est réunie pour
poursuivre l'audition des mémoires concernant le projet de loi no 25,
Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions
législatives.
Comme c'est la séance qui se poursuit, nous devons poursuivre nos
travaux. Mais je remarque que nous avons un distingué visiteur et je
voudrais, s'il y a consentement, lui donner le droit de parole. Je parlais du
député de Beauce-Sud.
M. Le Moignan: Consentement, oui. M. Goldbloom:
Volontiers.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais
toutefois m'assurer du temps qui sera dévolu au député de
Beauce-Sud. Est-ce que vous appliquerez la même règle que pour
l'Union Nationale?
Le Président (M. Marcoux): Actuellement, c'est dix minutes
pour l'Union Nationale. Est-ce que...
M. Le Moignan: Je n'ai jamais pris mes dix minutes, de toute
façon.
Le Président (M. Marcoux): On peut vous fusionner.
M. Le Moignan: Cela dépend, si vous en prenez plus que
nous, on ne fusionnera pas.
Le Président (M. Marcoux): Disons quinze minutes pour les
deux. Cela va?
M. Goldbloom: Une liaison dangereuse, M. le Président?
Le Président (M. Marcoux): La présidence n'a pas
d'opinion politique.
M. Roy: Si vous provoquez un débat, on risque de
dépasser le temps à notre disposition.
Le Président (M. Marcoux): II restait trois minutes au
Parti libéral.
M. Goldbloom: D'accord, M. le Président. J'ai une
dernière question à poser qui découle de la discussion qui
a déjà eu lieu ce matin. Nous essayons de déterminer en
quoi consiste la protection du public. Quels sont les éléments de
cette protection? Le fait d'être propriétaire d'une pharmacie, en
quoi est-ce que ce fait constitue en lui-même une protection du
public?
Nous avons établi qu'il y a des différences de formation
entre les personnes dont nous parlons, et nous sommes tous d'accord, non
seulement sur la nécessité de protéger le public, mais
aussi sur la nécessité d'exiger une formation adéquate,
afin
d'être en mesure de protéger le public. Mais dans ce que
nous avons devant les yeux, la question de formation n'est plus en discussion,
c'est la question d'être ou de ne pas être propriétaire,
c'est la question de voter ou de ne pas voter aux assemblées de la
corporation et pour les choix des dirigeants de cette même
corporation.
Alors, j'aimerais connaître l'opinion de la corporation
elle-même sur ces trois considérations. En quoi est-ce que le fait
d'être propriétaire d'une pharmacie protège le public quand
les actes professionnels sont posés par d'autres personnes. En quoi
est-ce que l'intérêt du public est protégé si l'on
refuse aux assistants-pharmaciens, contrairement à ce qui est
proposé dans le projet de loi no 25, le droit de vote pour le choix des
dirigeants et le droit de vote aux assemblées?
M. Descary: Ce n'est pas le fait d'être propriétaire
ou de ne pas être propriétaire, M. le député,
j'étais pour vous appeler M. le ministre, c'est une
déformation.
M. Morin (Sauvé): Grave erreur, très grave
erreur.
M. Descary: Mais c'est surtout: qui. Ce n'est pas le fait
d'être propriétaire. C'est "qui" a la responsabilité. C'est
de là que relève tout l'aspect de la responsabilité
professionnelle, dans quelque discipline que ce soit, au niveau du vote. Ce
n'est pas tellement qui, c'est quelle habilité il a à voter, et
quelle habilité il a à diriger une corporation professionnelle.
Ce n'est pas tout le fait d'être propriétaire ou de voter. Il y a
aussi toute la responsabilité qui s'attache à diriger l'action de
nos collègues, de nos confrères, et d'une corporation
professionnelle qui doit être au service de la population. C'est cela qui
est l'essence d'une profession.
Et il faut que ce soit fait par des hommes qui ont la formation
universitaire qui correspond à ces responsabilités. Je pense que
là-dessus, on va s'entendre.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: M. Descary, ce matin, le ministre vous a
posé une question, lorsqu'il a été question, je crois de
quatre bacheliers qui ont déjà une formation peut-être
supérieure aux autres. Vous avez répondu que vous ne vouliez pas
faire de règlements, mais tout de même, vous aimeriez bien faire
une loi.
Si je prends le cas des quatre bacheliers. Si on les soumettait à
un examen, compte tenu de leur expérience, donc, en même temps, de
leur compétence, je me demande, à ce moment-là, si ces
bacheliers qui exercent déjà la profession, pourraient être
admis. En supposant qu'ils soient un peu autodidactes en plus, est-ce que c'est
le seul diplôme universitaire? Je tiens compte du passé, puisqu'on
parle toujours du passé, de ceux qui sont là sur place. Si un
étranger, un pharma- cien ou autre, d'un pays d'Europe, vient ici, il
est soumis à cette règle d'équivalences, à subir
des examens. J'aimerais que vous m'expliquiez votre point de vue sur toute
cette question. Est-ce que je suis assez clair?
M. Descary: II me semblait, M. le député, que ce
matin, on s'était entendus et que, d'un commun accord, on a dit
qu'à notre ordre professionnel, la prochaine réunion du bureau...
Je n'ai pas dit la prochaine, mais je l'apporterai à la prochaine
réunion du bureau, le cas de ces quatre pharmaciens bacheliers. Mais vu
qu'ils sont bacheliers, on suppose qu'ils n'ont pas besoin d'examens
maintenant, parce qu'ils ont leur titre universitaire. Il y aura l'examen de
déontologie normal que les autres passent après leur
baccalauréat pour devenir licenciés en pharmacie.
Je pense que ce sujet avait été épuisé ce
matin, si je me souviens bien. On avait dit qu'on réglerait ce cas des
quatre individus, mais qu'on s'attaquait plutôt à l'entente. C'est
comme cela que je l'avais compris ce matin, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Dans mon esprit, je vous dirai que si le
problème est réglé pour vous, il l'est pour moi.
M. Descary: On tâchera de le régler chez nous, M. le
ministre.
M. Morin (Sauvé): Si l'ordre le règle, nous ne
demandons pas mieux.
M. Descary: J'espère que cela répond à votre
question. On va tâcher de le régler chez nous. Je ne peux pas
présumer de la décision du bureau de l'ordre, mais je peux vous
dire qu'on en parlera chez nous.
M. Le Moignan: Une question peut-être un peu cocasse.
Est-ce que je peux devenir propriétaire d'une pharmacie,
personnellement, et engager des pharmaciens diplômés? C'est un
simple point d'interrogation.
M. Descary: Non. Il faut être pharmacien au Québec
pour être propriétaire de pharmacie.
M. Morin (Sauvé): Je voulais savoir si la banque du
Saint-Esprit pourrait éventuellement se lancer dans la pharmacie.
M. Le Moignan: Je ne veux pas me lancer. Je dis mon cas, mais
cela peut-être le cas d'un autre aussi.
M. Descary: Je ne sais pas si je pourrais aussi être un
petit peu cocasse et vous dire que j'ai dit à M. le curé ce matin
que quand il y avait des élèves au séminaire qui
n'étaient pas aptes à devenir curés, ils devenaient
frères.
M. Le Moignan: Après trois ans d'étude, M. Descary,
ils font un stade de deux ans. Je les ap-
pelle des stagiaires. Ils sont presque prêts à être
prêtres à ce moment-là. Ils sont comme les autres qui ne
sont pas des pharmaciens.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Richelieu.
M. Martel: L'Ordre des pharmaciens, comme toute corporation qui
relève de l'Office des professions, a pour principal rôle non pas
l'intérêt financier de ses membres, mais la protection du public.
Selon vous, M. Descary, est-ce que la Loi actuelle de pharmacie et les
règlements dont l'ordre doit faire l'application sont suffisants pour
protéger le public?
M. Descary: Je vous dirais non, mais est-ce que vous voulez qu'on
commence le débat sur l'ensemble de la Loi de la pharmacie?
M. Martel: Simplement un "oui" ou un "non". M. Descary:
Non.
M. Martel: D'accord. Est-ce que, d'un autre côté,
vous considérez qu'il y a suffisamment de pharmaciens sur le territoire
du Québec pour donner des services pharmaceutiques adéquats?
M. Descary: Actuellement, oui, mais je peux compléter
cette question, je l'aime beaucoup. On ne l'avait pas préparée.
C'est parfait. Je dois vous dire qu'on a été accusé ce
matin de faire du protectionnisme. Je vous dirai, messieurs, que l'Ordre des
pharmaciens, depuis à peu près cinq ans, a accepté au
moins 300 pharmaciens étrangers venant de divers pays du monde et que
c'était, de notre part, un effort nouveau et qu'on a ouvert nos portes,
avec beaucoup d'agrément, à ces étrangers qui venaient
pratiquer la pharmacie au Québec. Ceci, simplement pour vous dire qu'on
n'était pas dans cet état d'esprit de vouloir protéger
à tout prix nos rangs, mais qu'on a été, au contraire,
ouvert à ceux qui venaient pratiquer la pharmacie chez nous.
Je dois dire que 300, cela a été beaucoup pour une
corporation comme chez nous qui ne comptait pas plus de 2500 ou 2600 membres
à cette époque et que, maintenant, avec cette année
où on en acceptera, je pense, près d'une centaine 150
ce sera 450 en tout. Après, on se limitera à 1%, parce
qu'il faut quand même faire attention à nos étudiants de
chez nous. On forme, au Québec, maintenant près de 200
pharmaciens par année. Il faut qu'on ait de la place sur le
marché du travail. Maintenant, nos cadres devraient être assez
remplis d'ici une couple d'années.
M. Martel: M. le Président, me permet-il de
présumer, étant donné que j'ai jeté un coup d'oeil
sur l'autre mémoire qui concerne le sujet, et que ce mémoire ne
peut pas donner les explications par la suite, il y a des questions sur
lesquelles j'aimerais obtenir une réponse? C'est une analyse très
brève.
Le Président (M. Marcoux): Non, un instant! Le
député de Terrebonne et le ministre ont demandé la parole
également sur le même sujet. S'il reste du temps sur les quelques
minutes qui restent au parti ministériel, nous verrons, M. le
député de Terrebonne.
Une Voix: Rapidement.
M. Fallu: Me Truesdell, j'aurais mauvaise grâce d'utiliser
l'exemple que vous avez utilisé vous-même ce matin. Je n'ai pas
l'intention non plus de m'inventer une maladie. La question est donc
très directe. Si je me rends à la pharmacie et qu'il y a, dans
l'entrepôt, un pharmacien et, au comptoir, un assistant-pharmacien,
est-ce que l'acte qu'il pose va être légal, oui ou non?
Mme Truesdell: Certainement. L'assistant-pharmacien, selon la
loi, a le droit de travailler seul. Il n'a pas besoin de supervision d'un
pharmacien à plein titre.
M. Fallu: J'arrive donc, en conséquence, à
l'article 31: "Nul propriétaire ou administrateur de pharmacie ne doit
laisser son établissement accessible au public sans que tout service
pharmaceutique qui s'y rend soit sous le contrôle et la surveillance
constante d'un pharmacien. "
Vous venez donc de dire sous la surveillance constante d'un
assistant-pharmacien, en conséquence.
Mme Truesdell: Oui, c'est cela. Ce que nous avons dit, nous
n'avons jamais prétendu le contraire, c'est qu'un assistant-pharmacien
pouvait être laissé seul en charge d'une pharmacie, sauf que la
responsabilité ultime de l'organisation de la pharmacie est si...
M. Fallu: En tant que propriétaire, en tant que
gérance, mais cela c'est revenu sur les commerces.
Mme Truesdell: Non, pas du tout, parce qu'en vertu de l'article
31, si l'enquêteur de l'ordre, en fait, par exemple, fait une
enquête et qu'un acte pharmaceutique est posé en l'absence et hors
du contrôle ou de la surveillance constante d'un pharmacien, ce qui
inclut pour les fins de l'article, un assistant-pharmacien ou un pharmacien,
disons qu'il y a seulement des commis. On vend un médicament. On donne
un conseil pharmaceutique, ou peu importe, on pose un acte pharmaceutique. A ce
moment-là, le responsable de cela sera le propriétaire de la
pharmacie, qui doit être un pharmacien licencié.
Comprenez-vous?
M. Fallu: Non.
Mme Truesdell: Même si c'est l'assistant-pharmacien qui,
à ce moment-là, était, comme on dit, en devoir...
Autrement dit, il y a, dans une pharmacie, un propriétaire et il a
à son emploi un assistant-pharmacien.
C'est l'assistant-pharmacien qui, le lundi, par exemple est en charge de
la pharmacie. Il va dîner, il ne donne pas les instructions
nécessaires pour que les commis, en son absence, ne rendent pas de
services pharmaceutiques. A ce moment, peu importe que ce soit
l'assistant-pharmacien qui ait été laissé en charge, la
responsabilité ultime, s'il y a infraction à l'article 31,
reviendra au propriétaire, c'est-à-dire au pharmacien. Remarquez
que la loi est peut-être mal faite à cet égard. Nous n'en
disconvenons pas. Cela vous montre à quel point le législateur,
quand il a fait ou refait la Loi sur la pharmacie, a bien voulu circonscrire
les responsabilités et vraiment laisser la responsabilité ultime
de la pharmacie et des actes pharmaceutiques qui peuvent s'y poser au
propriétaire, c'est-à-dire à une personne qui doit
être absolument pharmacienne, c'est-à-dire avoir la formation
universitaire.
M. Fallu: En conséquence, si on acceptait la
recommandation des assistants-pharmaciens, il faudrait donc, à l'article
31, avoir une concordance et ajouter la surveillance constante d'un pharmacien
ou d'un assistant-pharmacien. En conséquence, il pourrait être
propriétaire. Je ne veux pas arguer davantage.
Mme Truesdell: Je ne veux pas discuter de technique...
M. Fallu: Ce que je voulais faire ressortir, au fond, c'est que
les assistants-pharmaciens sont pharmaciens d'une façon constante, sauf
le droit de propriété.
Mme Truesdell: Pas seulement cela. Le droit de
propriété, le droit de vote, comme on l'a dit tantôt, le
droit d'être élu...
M. Fallu: J'y arrive.
Mme Truesdell: Si vous permettez une dernière chose, le
droit également d'être responsable d'une pharmacie quand la
succession en est propriétaire, c'est-à-dire que vous avez, comme
on l'a mentionné tantôt, des cas où un pharmacien
décède. La succession a le droit de fonctionner, par exemple,
pendant trois ans, pourvu qu'il y ait un pharmacien en charge, comme
administrateur, si vous voulez, de la pharmacie. L'assistant-pharmacien n'a pas
ce droit d'être administrateur de la pharmacie d'une succession.
M. Fallu: Quant au droit de vote et de représentation, il
y a quelque chose que je trouve un peu étrange, je vous l'avouerai bien
franchement; des gens paient des cotisations sans avoir droit de vote et sans
pouvoir être représentés. En conséquence, on a donc,
comme le vieux principe pour lequel on s'est battu ici au Québec, entre
autres au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, "no taxation without
representation."
M. Descary: Si c'est votre seul problème, on va baisser la
cotisation de $10. Ce n'est pas là-dessus. On parle d'une corporation
professionnelle...
M. Fallu: $10 ou $1?
M. Descary: ... on parle d'hommes formés à
l'université pour rendre des services. Vous pouvez, si vous voulez,
discuter des grenailles de la profession. Ce qu'on veut vous dire, c'est qu'on
a, au Québec, des centaines d'étudiants dans nos facultés
de pharmacie à qui on demande de finir leur cours pour pouvoir servir la
population du Québec.
M. Fallu: II n'y a personne, entre-temps...
M. Descary: Je pense qu'on s'entend là-dessus?
M. Fallu: Oui, très bien.
M. Descary: Si on s'entend à dire que la formation, c'est
une formation secondaire et universitaire, et que c'est un premier cycle qui
souvent mène à un deuxième cycle, universitaire aussi,
parce qu'il y a de la tradition et il y a de la continuité dans une
formation universitaire... Ce n'est pas nécessairement pour aller faire
de la pharmacie au coin de la rue. La pharmacie, c'est beaucoup plus vaste que
cela. La pharmacie, ce n'est pas strictement dans un laboratoire de coin de
rue. Demain matin, je peux aller faire de la pharmacie ailleurs. Je peux venir
travailler pour le gouvernement provincial comme pharmacien. Je pourrais aller
à l'hôpital ou dans l'industrie faire de la recherche ou faire du
contrôle de qualité. C'est cela, un pharmacien. On ne donne pas le
titre de pharmacien à des hommes qui seront limités dans un petit
secteur de leur profession. Ce qu'on a fait, il y a déjà quelques
années, et il y avait une provision dans la loi, c'est qu'on a ouvert la
porte un petit peu. Maintenant, on veut l'ouvrir toute grande. C'est ce qui
arrive malheureusement quand on essaie d'ouvrir des portes et,
généralement, à cause de nos erreurs... Là, on paie
peut-être pour des erreurs du passé.
M. Fallu: Je veux bien, sauf...
M. Descary: II reste quand même que la formation d'un
pharmacien, c'est pour être pharmacien, non pas dans un coin de la
pharmacie, mais partout où on s'occupe de la pharmacie. C'est comme cela
que des diplômes sont décernés à
l'université. C'est comme cela qu'on voudrait voir notre profession se
faire représenter un peu partout.
M. Fallu: Hélas, nous ne parlons justement pas ici du
futur, mais du passé, puisqu'il s'agit de clause grand-père.
M. Descary: La clause grand-père a déjà
été appliquée pour ces hommes qui sont dans un endroit
particulier de la pharmacie. Je dois vous dire
qu'ils gagnent aussi bien leur vie que des pharmaciens licenciés.
Les salaires sont à peu près l'équivalent. Je ne sais pas
au juste où ils sont brimés, mais sûrement pas de ne pas
avoir un diplôme universitaire qu'ils n'ont pas gagné.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Je voudrais revenir brièvement
sur trois questions. J'ai cru entendre Me Truesdell dire, il y a un instant,
qu'un assistant-pharmacien ne peut assumer l'entière
responsabilité d'une succession. J'ai devant moi une lettre
signée par le secrétaire de l'ordre, le 7 mai 1976, dans laquelle
il est dit ceci: "II est entendu que M. Alphonse Roy, assistant-pharmacien,
permis no peu importe le numéro assume l'entière
responsabilité de la pharmacie succession Raymond Guay". Alors, je ne
comprends pas très bien; il semble y avoir un hiatus entre la
règle et son application.
Mme Truesdell: Voici la réponse. M. le ministre est
avocat, je pense qu'il comprendra certainement et qu'il sait
certainement...
M. Morin (Sauvé): Pas avocat, Me Truesdell; juriste.
Mme Truesdell: ... juriste, mais c'est encore mieux. Je pense que
c'est encore mieux pour comprendre ce que je vais tenter d'expliquer. Nous
avons pris connaissance de cette lettre, nous aussi, ce matin, et il est
possible que le secrétaire de l'ordre ait affirmé quelque chose
qui n'est pas légalement exact. Mais je pense bien qu'une corporation
professionnelle et d'ailleurs le gouvernement, n'importe quel corps
public n'est pas liée par l'interprétation que peut donner
un de ses cadres ou un de ses employés de la loi. Je ne crois pas qu'on
puisse dire que, parce que le secrétaire de l'ordre a cru je n'en
doute pas, en toute bonne foi que la personne qui se présentait
pour assumer la responsabilité d'une pharmacie, pour une succession, en
avait le droit, selon la loi. Je ne crois pas, parce que le secrétaire a
cru que c'était correct, qu'on doive prendre comme conseiller juridique
le secrétaire de l'Ordre des pharmaciens. Remarquez bien que je ne
prétends pas avoir le monopole de la vérité, mais je pense
que les lois de 1964 et la loi actuelle de pharmacie indiquent bien qu'un
assistant-pharmacien ne saurait assumer la responsabilité d'une
pharmacie de succession.
A ce moment-là, c'est une erreur probablement du
secrétaire, mais je ne pense pas que le secrétaire ait pour
mission d'interpréter la loi.
M. Morin (Sauvé): Assurément pas et j'imagine que
vous donnerez les suites qui s'imposent à ce petit imbroglio.
Mme Truesdell: Cela sera certainement discuté.
M. Morin (Sauvé): Deuxièmement, tout à
l'heure vous avez affirmé qu'éventuellement l'Ordre des
pharmaciens songeait à limiter à 1% les nouveaux membres venant
de l'extérieur du pays. Je tiens d'abord à féliciter
l'ordre pour l'effort qu'il a fait depuis quelques années en ouvrant ses
portes à des pharmaciens qui, chassés de leur pays, dans des
circonstances quelquefois pénibles, sont en mesure de rendre des
services au Québec. Là-dessus nous n'avons aucune querelle, au
contraire, nous pensons que vous vous êtes montrés conscients de
vos responsabilités sociales.
Mais pour ce qui est du 1% de l'avenir, je voudrais vous dire que les
avis juridiques sur la question ne sont pas partagés et que je ne
voudrais pas qu'il ressorte de nos entretiens, cet après-midi, que ce 1%
est une politique annoncée d'avance, applicable et décidée
une fois pour toutes. C'est beaucoup plus compliqué que cela et je pense
que peut-être vous voudrez bien en convenir pour dissiper tout
malentendu.
M. Descary: M. le ministre, si j'ai dit le 1%, j'aurais
peut-être dû dire: Nous accepterons moins de pharmaciens
étrangers ou d'origine étrangère à l'avenir, pour
la simple raison que chez nous, nos universités nous forment
suffisamment de pharmaciens maintenant et on ne voudrait pas se trouver dans
l'obligation de dire à nos pharmaciens québécois qu'il n'y
a pas d'emploi pour eux chez eux. C'est très important. Après
avoir été très accueillant, on continuera d'être
accueillant, mais on accueillera moins de gens tout en continuant d'être
aussi accueillant.
Je voudrais vous dire que l'équivalence des diplômes est un
prérequis pour pouvoir même commencer à étudier les
dossiers des pharmaciens d'origine étrangère.
M. Morin (Sauvé): Oui, je savais cela. Une dernière
question. Je m'interroge encore sur ce qu'il convient de faire à
l'égard de l'article 43 et je constate que vous vous êtes
opposé à la levée des trois restrictions qui pèsent
encore sur les assistants-pharmaciens. Si je devais vous dire que
j'hésite entre lever les trois ou n'en lever que deux, parce que ces
deux-là me paraissent moins directement reliées à la
protection du public, que choisiriez-vous?
M. Descary: En enlever deux, mais ce n'est pas un choix que vous
me donnez, je n'ai pas ce mandat de ma corporation. Mon mandat, c'est de ne pas
en enlever du tout. Vous me demandez: Entre en enlever deux ou trois, quel est
votre choix? Entre se couper un doigt et se couper la main, que
préfère-t-on?
M. Morin (Sauvé): Bien, je connais des gens qui diraient
le doigt, mais c'est à votre choix. Je pourrais vous poser la question
d'une autre façon: Si nous devions lever l'une ou l'autre de ces trois
conditions, laquelle vous paraît la plus importante et la plus
reliée à la protection du public?
M. Descary: J'irai par ordre de priorité, si vous voulez.
Je vous parlerai d'abord du droit de vote et
du droit de représenter ses confrères à l'ordre
professionnel. Je pense qu'à ce moment-là ça prend
absolument la formation professionnelle nécessaire pour le faire. C'est
toute la philosophie d'un développement professionnel dont il s'agit
à une corporation. On peut affaiblir notre corporation professionnelle
tant qu'on veut; on peut affaiblir tous nos corps intermédiaires. On n'a
pas les moyens de faire cela au Québec. On a besoin, au contraire, de se
structurer de la façon la plus professionnelle possible. Je pense
qu'à ce niveau, il est presque impossible qu'on puisse céder au
fait qu'ils siègent au conseil de l'ordre. C'est mon avis que je vous
donne.
Comme je l'ai dit tantôt, ce n'est pas le droit de
propriété, ce sont les responsabilités professionnelles
qui se rattachent à la propriété. Je pense que j'ai tout
dit ce que j'avais à dire sur ce sujet. Mais ce n'est pas la
propriété elle-même comme ce n'est pas de siéger; ce
sont les qualités pour être propriétaire, non pas
propriétaire mais pour avoir les décisions finales en ce qui
concerne une pratique professionnelle. Cela ne mène pas qu'à
être propriétaire, cela mène à occuper n'importe
quel poste à l'intérieur de la profession. Ce n'est pas une
restriction à la propriété seulement, c'est une
restriction aussi à la direction professionnelle, soit d'une pharmacie,
soit d'un hôpital, soit d'une entreprise pharmaceutique. C'est occuper
tout le champ de la pharmacie, et la responsabilité d'un pharmacien,
c'est justement de pouvoir l'occuper partout.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, vous avez
combien de membres dans votre ordre?
M. Descary: Nous sommes 3200 membres.
M. Morin (Sauvé): II y a combien d'assistants-pharmaciens
qui postulent?
M. Descary: Ils sont 64.
M. Morin (Sauvé): Et vous craignez que ces 64
n'envahissent le conseil de l'ordre?
M. Descary: Ah! nous n'avons aucune crainte comme celle-là
et je n'ai jamais parlé de ce type d'intervention. J'ai parlé de
la qualité professionnelle des gens. Il faut quand même pouvoir
faire la distinction. Ce ne serait que pour un individu et le raisonnement
serait le même. Comprenez bien qu'il s'agit ici d'un raisonnement d'ordre
professionnel et de qualité de profession.
Maintenant, si on ne veut pas discuter à ce niveau, libre
à vous, parce que vous êtes ceux qui font les lois. Mais on les
fera avec la compétence qu'on veut bien se donner. Nous voulons avoir
une corporation professionnelle représentée par des membres qui
aient toutes les qualités nécessaires pour rendre les meilleurs
services aux citoyens du Québec.
M. Morin (Sauvé): A n'en pas douter. Mais la loi de 1973,
effectivement, fait des assistants- pharmaciens des membres de votre
corporation, qui paient la même cotisation. J'avoue que j'ai quelque
difficulté à suivre le raisonnement qui voudrait les
empêcher de voter puisqu'ils sont membres de la corporation. Mais je ne
veux pas lier un trop long débat, M. le Président, parce que le
temps passe mais je n'ai pas très bien saisi votre réponse
à ma question de tout à l'heure. Qu'est-ce qui est le plus
important dans votre esprit pour la protection du public: Est-ce la question de
la propriété de la pharmacie et de la responsabilité
ultime du propriétaire, d'une part, ou bien la participation à la
corporation avec droit de vote et avec droit d'éligibilité.
M. Descary: Ce sont deux volets...
M. Morin (Sauvé): Je sais que ce sont deux volets. Je veux
savoir lequel est le plus important du point de vue de la protection du
public?
M. Descary: Je vous ai dit, quant à moi, qu'aucun de ces
deux-là ne sont acceptables pour l'ordre. C'est ce que la loi aussi a
retenu quand on parle d'assistants-pharmaciens, parce que la nouvelle loi ne
permet pas plus que l'ancienne loi. Elle permet des choses sous réserve
de l'ancienne loi et en conservant exactement les mêmes
privilèges. Mais il y a deux volets à ceci: il y a le volet de la
représentation au sein d'un ordre professionnel et l'autre volet, c'est
le service directement rendu à la population. Est-ce qu'on doit donner
à des hommes qui n'ont pas la formation requise toute la
responsabilité professionnelle qui se rattache à des actes
professionnels? C'est la question et ce sera à vous d'y répondre,
messieurs.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que M. le
député de Beauce-Sud?
M. Roy: Pas de question.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. En ce qui
concerne la question que vous avez soulevée avant l'ouverture de la
reprise de nos délibérations, à l'effet que vous vouliez
être entendus à la suite du prochain mémoire, après
discussion avec le ministre, je pense que, si nous avons le temps à la
suite de l'audition des deux prochains mémoires, nous pourrons avoir
quinze ou vingt minutes avant six heures. Nous serons disposés, à
ce moment-là, à vous entendre si vous le jugez utile et s'il y a
consentement des membres de la commission.
M. Goldbloom: M. le Président, je donne volontiers ce
consentement et pour une raison qui me semble fondamentale. Si je trace un
parallèle avec le milieu municipal, nous avons vu des situations
où, au sein d'un conseil municipal, il y avait des opposants à la
thèse de l'administration de la municipalité. Il fallait
écouter ces personnes, mais il fallait accorder un respect particulier
à l'institution qui est la municipalité. Je crois que nous
devons, quelle que soit notre attitude à l'égard des
plaidoyers présentés par d'autres personnes, conserver, et
c'est très important pour la société
québécoise, un respect particulier pour les corporations
professionnelles.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie et
possiblement que tantôt nous nous reparlerons.
M. Descary: Nous vous remercions pour le temps que vous nous avez
accordé.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant
l'Association des préparateurs d'officine à venir nous
présenter leur mémoire. Est-ce que M. Lizotte est là?
M. Lizotte (Clément): Oui, c'est moi.
Le Président (M. Marcoux): M. Clément Lizotte, je
vous invite à présenter vos collègues. Vous avez une
vingtaine de minutes pour, soit nous résumer votre mémoire, soit
en lire... Je ne crois pas que vous ayez le temps de tout le lire.
Association des préparateurs d'officine
M. Lizotte: Non, non, je vais faire un résumé.
Le Président (M. Marcoux): Vous allez faire un
résumé?
M. Lizotte: Oui, oui.
Le Président (M. Marcoux): Allez-y.
M. Lizotte: Je vais avoir le droit de parole avec M.
Gérard Croteau et M. Ricard.
M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la
commission. L'Association des préparateurs d'officine du Québec
Enr. est composée d'environ 200 commis pharmaciens, étant
présentement ou ayant été à l'emploi des
pharmaciens licenciés propriétaires de pharmacie dans la province
de Québec. Les commis pharmaciens sont une classe de gens que, jadis,
les pharmaciens propriétaires ont créés et moulus de leur
savoir afin qu'éventuellement ces gens les remplacent physiquement dans
leur officine.
Notre groupe est composé d'individus ayant suppléé
le pharmacien dans ses fonctions intégralement, c'est-à-dire les
renseignements aux patients concernant les médicaments prescrits, la
lecture des prescriptions, la rédaction d'étiquettes, la
vérification des posologies, la préparation des prescriptions
magistrales, etc. Ces gens, ayant plus de dix années d'expérience
à l'emploi d'un pharmacien licencié, et ce en 1973, ont
été engagés pour suppléer le pharmacien employeur
parce qu'ils sont reconnus expérimentés et compétents.
L'expérience de nos membres s'échelonne entre 15 et 35
années de pratique de l'art pharmaceutique, en 1977.
D'après l'Association des pharmaciens salariés, notre
travail se faisait si bien que c'était dans les moeurs de la profession
d'engager des commis pharmaciens. Concernant l'application du bill 255 et
l'application radicale de la Loi de pharmacie en 1973, nous avons
été systématiquement expulsés des rangs des
responsables de l'officine et relégués à la fonction de
commis ou simplement à la fonction de chômeur sans métier.
Il est évident que le pharmacien propriétaire
préférait engager une jeune fille majeure au salaire minimum et
un pharmacien licencié que nous et un pharmacien.
En fait, la revalorisation de la pharmacie s'est faite
littéralement sur notre dos, par la non-reconnaissance de nos droits
acquis et de nos expériences pertinentes. L'application d'une telle loi,
que nous qualifions d'inique et de discriminatoire à notre égard,
ne favorise pas la protection de la santé publique puisque celui-ci est
maintenant desservi par un personnel inexpérimenté, excluant le
pharmacien qui vaque à sa comptabilité et à son
administration.
Dans la revue L'Interdit, de février 1975, Me René
Dussault se défendait d'avoir protégé les droits acquis de
1197 candidats à la profession de quatre nouvelles corporations. Pour la
protection du public, il a régularisé une situation née en
bonne partie de la demande du public. Qu'a-t-il fait de nous, qui sommes
nés du pharmacien et formés par le pharmacien professionnel et
universitaire? Il est entendu que, si le pharmacien d'autrefois n'avait pas
créé cette fonction de commis pharmacien, nous aurions fait
carrière ailleurs et, aujourd'hui, nous ne serions pas ici à
défendre nos droits acquis et notre gagne-pain, institué par
ceux-mêmes qui maintenant nous excluent de leur profession.
Nous nous sentons frustrés et brimés dans nos droits
fondamentaux, sachant qu'il y a plusieurs pharmaciens étrangers qui se
sont présentés à l'Ordre des pharmaciens pour l'obtention
de leur licence et qui ont été acceptés après un
examen sommaire sur les règlements pharmaceutiques canadiens. L'ordre se
dit forcé par les gou-vernements de leur faciliter l'accès
à la pratique pharmaceutique. Il y a plusieurs pharmaciens qui ont
obtenu leur diplôme sans passer par l'université ou qui n'ont
passé qu'une ou quelques années à l'université.
Paradoxalement, nous nous sommes fait usurper légalement notre
gagne-pain, sachant que le gouvernement dépense des sommes
phénoménales pour créer des emplois.
Aucune loi n'a été faite à notre égard,
suite aux mémoires que nous avons présentés à trois
commissions parlementaires. Que dire de M. Camille Laurin, alors chef
parlementaire du Parti québécois, délégué
à la commission parlementaire entre 1970 et 1973 sur le Code des
professions, et membre actuel du gouvernement? Voici les paroles du Dr Laurin
inscrites au journal des Débats, le 8 mars 1973: "Quant aux
préparateurs d'officine, j'endosse entièrement les remarques qui
ont été faites à cet égard par le
député de Montmagny. Il y a actuellement beaucoup de
préparateurs d'officine. Sans penser à leur appliquer d'une
façon automatique la clause grand-père, ce qui pourrait quand
même se justifier, il faut penser surtout à l'injustice dont ils
peuvent être l'objet du fait, précisément, que la
Corporation des pharmaciens se revalorise.
"Si, à une époque où cette revalorisation
n'était pas effective, les préparateurs d'officine ont
joué un rôle important, utile et même essentiel pour la
communauté, il ne faudrait quand même pas qu'ils soient
pénalisés maintenant qu'ils ont vieilli sous le harnais,
maintenant qu'il leur serait difficile de penser à se recycler dans une
autre profession. "Il serait injuste de les pénaliser pour le
progrès que connaît maintenant la profession. Mais il reste que je
tiendrai, pour ma part, à ce que les droits acquis, si l'on peut parler
des droits acquis, dans la matière de ces commis pharmaciens, soient
préservés dans toute la mesure du possible". C'étaient les
paroles du docteur Laurin.
La commission parlementaire ayant légiféré,
l'Office des professions s'est rendu compte que les règlements
n'étaient pas positifs à notre égard. Nous étions
devant rien; nous n'étions pas compris dans les règlements qui
touchaient les assistants-pharmaciens et les pharmaciens et devant la
réglementation des délégations de pouvoirs qui touchent
les techniciens en pharmacie.
Il y a eu confusion lors des débats. Pour certains
législateurs, nous faisions partie du groupe des assistants-pharmaciens
et, pour d'autres, nous faisions partie des techniciens en pharmacie. Aucune
loi ne nous justifiait. Nous ne demandons aux législateurs que le droit
de travailler et ce droit de travailler ne sera acquis que lorsque nous aurons
un statut juridique nous permettant de travailler comme on l'a toujours fait
depuis plus de 15 ans. Cedit statut juridique devait être celui
d'assistant-pharmacien.
M. le Président, nous demandons que soit corrigée une
injustice commise en 1973 lors de l'adoption de la Loi de pharmacie, car nous
sommes les seuls à payer chèrement la revalorisation de la
profession de pharmacie. Aussi, nous désirons mettre en garde le
législateur pour éviter toute une confusion qui pourrait se
reproduire encore, étant donné que le technicien en pharmacie est
un employé dont la délégation de pouvoirs est
limitée depuis 1973.
Nous, commis pharmaciens, avons travaillé seuls dans l'officine
depuis des années avant 1973. Nous étions la classe de gens
équivalant à l'assistant-pharmacien, et nous vous proposons
d'inscrire l'article suivant dans le projet de loi no 25, tel qu'inscrit dans
notre mémoire en page 21: "L'article 43 de la Loi de pharmacie est
modifié par l'addition de l'alinéa suivant:
Toute personne ayant suppléé le pharmacien dans sa
profession, pour une période excédant dix années de
services en 1973, à temps plein, sera inscrite au tableau de l'Ordre des
pharmaciens comme assistant-pharmacien, en conformité avec la Loi sur la
pharmacie et des critères d'admissibilité suivants: a) avoir dix
années de services minimum en 1973 ou 20 000 heures de travail comme
suppléant du pharmacien; b) avoir une 11e année
complétée et réussie ou posséder deux années
d'expérience en sus pour chaque année de scolarité
manquante; c) produire un affidavit prouvant ses expériences pertinentes
en officine; d) avoir été accepté par le comité de
sélection de l'asso- ciation en coopération avec l'Ordre des
professions".
M. le Président, M. le ministre, messieurs les membres de la
commission parlementaire, cette classe de gens mérite, par
l'expérience acquise et leur dévouement à la profession,
que cette proposition soit inscrite dans le projet de loi 25.
Premièrement, sachant que nous avons suppléé le
pharmacien pour une période excédant dix années avant
1973;
Deuxièmement, sachant que nous avons appris la pharmacie comme
l'étudiant l'apprend à l'université auprès d'un
pharmacien licencié;
Troisièmement, sachant que nous avons fait nos preuves plus que
les immigrants licenciés sans expérience;
Quatrièmement, sachant que les pharmaciens employeurs, en nous
engageant, nous considéraient compétents pour protéger la
santé publique;
Cinquièmement, sachant que nos membres ont été
engagés par des pharmaciens pour les remplacer;
Sixièmement, sachant que nos membres sont
expérimentés et formés par des pharmaciens
licenciés, comme vous pouvez le constater à la page 15 de notre
mémoire vous avez toute une liste aux pages 15 et suivantes;
Septièmement, sachant que notre gagne-pain a été
institué par des pharmaciens licenciés;
Huitièmement, sachant que nos membres auraient fait
carrière dans une autre profession si les pharmaciens n'avaient pas
créé le commis pharmacien;
Neuvièmement, sachant que, dans une société dite
démocratique et honnête, les droits acquis doivent être
respectés;
Dixièmement, sachant que l'Office des professions et le
gouvernement ont légiféré pour préserver des droits
acquis dans d'autres professions;
Onzièmement, sachant que nos membres perdent non seulement leur
emploi mais en plus leur métier et ont d'extrêmes
difficultés à se recycler ou simplement à se trouver un
emploi;
Nous recommandons aux membres de la commission parlementaire ainsi
qu'aux législateurs d'agir en bons pères de famille et de
comprendre qu'abroger ce projet de loi sera l'approbation de l'exploitation
d'une classe de gens par une corporation et que ce principe de la
non-reconnaissance de droits pourrait éventuellement s'appliquer
ailleurs lorsque les critères d'admissibilité sont
modifiés.
D'une part, nous ne voulons pas causer de préjudice à qui
que ce soit. Mais, d'autre part, nous voulons travailler décemment, hors
de toute pression faite par l'ordre sur les pharmaciens qui nous emploient pour
nous remplacer par un pharmacien licencié ou un
assistant-pharmacien.
Nous vous remercions de votre attention, espérant fortement que
vous mettrez en branle les mécanismes nécessaires pour pallier
légalement cette situation inhumaine et antidémocratique.
Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie beaucoup, M.
Lizotte, pour la présentation de votre mémoire. M. le
ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais
simplement clarifier un ou deux points pour notre gouverne. Tout d'abord, je
veux rappeler comment les assistants-pharmaciens ont obtenu ce statut. Vous
savez, je pense, qu'ils devaient être inscrits comme étudiants
pendant trois ans, avoir suivi certains cours et avoir subi un examen, ou,
alors, avoir été inscrits comme étudiants en pharmacie
pendant quatre ans, avoir suivi certains cours et avoir fait un stage. Est-ce
que, dans votre revendication pour obtenir ce même statut, vous seriez
disposés à passer par les mêmes exigences que les
assistants-pharmaciens? C'est ma première question. Ou, nous
demandez-vous de vous admettre au statut d'assistant-pharmacien sans passer par
les exigences que ceux-ci ont dû rencontrer?
M. Lizotte: Je crois que, au point de vue du stage, nous avons
tous fait nos stages. Les stages sont faits, si on a travaillé pendant
15, 20, 25, 30 ans; nous avons été engagés par des
pharmaciens, ce sont des pharmaciens qui nous ont formés, d'après
moi, notre stage est fait. Si ces pharmaciens ne nous avaient pas
engagés et laissés seuls c'est très important
dans des pharmacies durant des périodes allant de 10, 15, 20, 25
à 30 ans, si on ne nous avait pas formés, ces pharmaciens ne nous
auraient point gardés. Les pharmaciens qui nous ont engagés
étaient des gens intelligents, je le crois, et nous laissaient
travailler pour eux...
M. Morin (Sauvé): Je me pose la question parce que, en
fait, c'était illégal à une certaine époque d'agir
de la sorte, n'est-ce pas?
M. Lizotte: Oui, c'était illégal. Mais, dans ce
temps-là, nous travaillions, et le Collège des pharmaciens de
l'époque savait pertinemment que nous existions et nous laissait
travailler. Nous étions en place... Le collège savait que nous
étions là et nous a tolérés tout ce
temps-là. En 1967, il a dit: C'est fini. C'est ça, notre stage,
M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Mais, le stage est une des conditions.
Les assistants-pharmaciens ont dû être inscrits également,
avoir suivi des cours. Est-ce que vous rencontrez ou est-ce que certains
d'entre vous rencontrent cette exigence?
M. Lizotte: Je n'ai pas très bien saisi la question.
M. Morin (Sauvé): Je dis que le stage n'est que l'une des
conditions...
M. Lizotte: Oui.
M. Morin (Sauvé): ... pour l'admission au statut
d'assistant-pharmacien. Les autres conditions, je pensais avoir
été clair tout à l'heure vous les connaissez,
d'ailleurs c'est l'inscription comme étudiant en pharmacie
pendant quatre ans, par exemple...
M. Lizotte: Oui.
M. Morin (Sauvé): ... ou encore, l'inscription pendant
trois ans avec cours. Est-ce que certains d'entre vous, parmi votre groupe de
préparateurs d'officine, rencontrent ces critères et combien,
parmi le groupe que vous constituez, peuvent se prévaloir de ces
conditions?
M. Lizotte: II y en a beaucoup dans notre groupe on n'a
pas fait le relevé qui étaient des étudiants
perpétuels. M. Martel sait très bien ce que je veux dire quand on
parle d'étudiants perpétuels. C'est quelqu'un qui s'était
inscrit à la faculté sans assister aux cours, sans jamais y
aller, pourvu qu'il avait une carte d'étudiant; il avait un peu plus de
latitude qu'un commis pharmacien. Ces étudiants payaient une cotisation
annuelle, et puis, il est venu un moment où le collège a dit: On
ne veut plus de votre argent. Arrêtez de nous payer. C'est fini, vous
n'êtes plus étudiants perpétuels.
M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire qu'il y a chez vous des
gens qui ont étudié pendant... Qui ont été inscrits
comme étudiants en pharmacie pendant, par exemple, trois ans, quatre
ans...
M. Lizotte: Si vous permettez...
M. Morin (Sauvé): ... qui ont suivi des cours...
M. Lizotte: Non, qui ne suivaient pas de cours, mais qui
étaient inscrits à l'ordre comme étudiants, mais qui ne
suivaient pas de cours. C'est vrai! J'en ai un ici... Je m'excuse. Avec votre
permission, M. Bouchard. Combien de temps avez-vous payé... De 1946
à 1967, M. Bouchard a payé comme étudiant perpétuel
une cotisation à l'ordre et, en 1967, ils ont dit: Monsieur, vous
n'êtes plus bon...
M. Morin (Sauvé): II n'avait suivi aucun cours?
M. Lizotte: Aucun cours. Il s'était... Non, il avait fait
deux ans à l'université. Mais, écoutez! Deux ans
d'université, est-ce que ça forme un pharmacien ou ça ne
le forme pas?
M. Morin (Sauvé): Bien! Je voudrais maintenant vous
demander s'il est possible de faire un décompte de ceux qui ont fait des
études, ceux qui ont été inscrits, un an, deux ans, trois
ans; est-ce qu'il est possible de les distinguer de ceux qui n'ont jamais
été inscrits en faculté, ou encore de ceux qui n'ont
jamais suivi aucun cours? Est-ce qu'il y a moyen d'établir des
catégories parmi vos gens?
M. Lizotte: On ne peut pas faire ça, parce que le
collège... M. Laforest a eu les mêmes difficultés. On ne
peut pas avoir de collaboration du collège
pour obtenir la liste de ceux qui étaient inscrits au
Collège des pharmaciens à ce moment-là. Le collège
ne voudra pas nous fournir la liste de ces gens-là.
Pour répondre aussi à votre question, ne croyez-vous pas
que quelqu'un qui a passé trois ans en première année
à l'université, qui a doublé trois ans sa première
année et, maintenant, qui est assistant-pharmacien, ne croyez-vous pas
que quelqu'un qui a travaillé 20 ans en pharmacie, a autant de
compétence que cette personne?
M. Morin (Sauvé): Vous voulez dire quelqu'un qui n'a
jamais fréquenté un seul cours de pharmacie?
M. Lizotte: Oui, qui a été inscrit trois ans et qui
est maintenant assistant-pharmacien. De l'autre côté, vous mettez
quelqu'un qui a travaillé pendant vingt ans...
M. Morin (Sauvé): En principe ce serait à moi de
poser les questions, mais puisque vous m'en posez une je vous répondrai:
Non. Je ne crois pas. Il faudrait évidemment examiner chaque cas pour
voir ceux qui pourraient entrer dans la catégorie d'assistants, s'il y
en a parmi vous qui rencontrent les divers critères, ou rencontraient
les divers critères, qui leur auraient permis de devenir assistants et
qui n'ont pas, à l'époque, été reçus comme
assistants, qui n'ont pas obtenu un statut auquel ils auraient peut-être
eu droit. Je pense donc qu'il faut examiner ces cas-là. Mais ce que vous
venez nous demander, c'est tout à fait différent. Vous venez nous
demander, en somme, d'admettre à titre d'assistant-pharmacien des gens
qui n'ont jamais suivi aucun cours de pharmacie en nous disant que leur
présence dans les pharmacies et l'exercice de responsabilités
qui, quelquefois, étaient illégalement exercées,
autorisent à devenir assistant-pharmacien. C'est un plaidoyer qui laisse
songeur.
M. Lizotte: M. Ricard va vous répondre.
M. Ricard (Roger): M. le ministre, parmi les
assistants-pharmaciens, il y en a plusieurs qui n'ont même pas
rencontré les critères. En plus de cela, il y a des pharmaciens
licenciés, actuellement, qui n'ont même pas rencontré les
critères et qui sont licenciés maintenant, et ont tous les droits
d'un pharmacien.
M. Morin (Sauvé): Seriez-vous en mesure de documenter
cela?
M. Ricard: Oui.
M. Morin (Sauvé): Alors, je prendrais connaissance avec
intérêt de cas concrets, avec preuve à l'appui. Parce qu'il
faut, dans notre esprit, que tout le monde soit traité sur le même
pied. C'est une chose que de prétendre cela, c'en est une autre que de
soutenir que quelqu'un qui n'a jamais suivi l'enseignement de la pharmacie
puisse obtenir les droits d'assistant-pharmacien qui sont, à toutes fins
pratiques, quasiment les mêmes que ceux des pharmaciens.
M. Ricard: C'est pour cela que nous croyons à l'injustice
dans ce cas, parce qu'il y a des pharmaciens et des assistants-pharmaciens qui
n'ont pas rencontré les critères et qui sont maintenant en
place.
M. Morin (Sauvé): Quand vous dites qu'il y a des
pharmaciens qui n'ont pas suivi d'enseignement, faites-vous allusion à
d'anciens projets de loi privés qui avaient habilité certaines
personnes à être inscrites à l'Ordre des pharmaciens ou
faites-vous allusion à des pratiques plus ou moins orthodoxes de la part
de l'ordre?
M. Ricard: Disons que cela s'est fait des deux façons.
M. Lizotte: On ne voulait pas le dire nous-mêmes. Le petit
geste que vous venez de faire, on ne voulait pas le faire nous-mêmes.
M. Ricard: Nous avons voulu...
M. Lizotte: Vous l'avez fait, nous vous en remercions.
M. Morin (Sauvé): Je vous pose la question bien
carrément et vous pourrez certainement prendre vos
responsabilités et vous documenter sur ce que vous venez de dire.
M. Lizotte: Croyez-vous que nous allons avoir l'aide de l'Ordre
des pharmaciens dans ces recherches-là?
M. Martel: Vous affirmez quelque chose, prouvez-le!
M. Ricard: Ça va.
M. Lizotte: M. Croteau a déjà rencontré
l'Ordre des pharmaciens et a soulevé ce point-là. Il va vous dire
ce qu'on lui avait répondu.
M. Croteau (Gérard): J'ai posé cette
question-là à M. Robert qui était secrétaire de
l'ordre, en présence de notre procureur du temps, Me Ovide Laflamme, et
de M. Ricard et M. Dorion qui sont ici. Après avoir posé cette
question plusieurs fois: Y a-t-il actuellement des personnes inscrites à
l'Ordre des pharmaciens qui n'ont jamais fréquenté
l'université? Cela a pris quelques minutes avant que je n'obtienne une
réponse, mais j'ai eu cette réponse-là. Ils m'ont dit: M.
Croteau, vous avez raison, mais on ne veut plus le faire dans l'avenir. C'est
ce qu'on nous a répondu. Je me dis donc, quelle différence y
a-t-il entre eux et nous?
M. Martel: A ce moment-là, j'aimerais avoir des cas
concrets qu'on pourrait vérifier avec l'Ordre des pharmaciens, des noms,
des dates, et là, on pourra voir si ce que vous affirmez est vrai. Parce
que...
M. Croteau: J'ai eu la réponse de l'ordre, je
présume que M. Robert et les gouverneurs qui étaient
présents sont tout de même des gens responsables.
M. Martel: M. le Président, si vous permettez, il y a deux
affirmations que je vois dans votre mémoire, à la page 2 entre
autres, où vous rapportez les paroles de Pierre Robert, que vous avez
cité tout à l'heure et qui était le responsable du stage
des étudiants en pharmacie, qui décrit le pharmacien
propriétaire comme étant un professeur ou un maître de
stage qui dirige son élève stagiaire. Je voudrais ajouter que
l'élève stagiaire auquel M. Robert fait allusion, c'est celui qui
est inscrit à l'université, qui fait un cours en pharmacie
à l'université et qui fait un stage complémentaire
à l'intérieur d'une pharmacie. Le pharmacien n'est pas
maître de stage du commis en pharmacie, c'est très clair.
A la page 3, par exemple, vous affirmez que vous avez rempli, pendant un
certain nombre d'années, des ordonnances magistrales,
c'est-à-dire, pour ceux qui ne sont pas dans la profession, des
mélanges de produits chimiques qu'on faisait beaucoup dans le temps,
mais la science pharmaceutique a évolué et, maintenant, nous
avons un arsenal thérapeutique d'au-delà de 25 000
médicaments. Je crois qu'ici, c'est une affirmation gratuite que de dire
que les prescriptions que l'on préparait comportaient beaucoup plus de
risque que celles d'aujourd'hui. Je dis que non. Aujourd'hui, je pense que,
avec les 25 000 médicaments, les médecins sont
dépassés, dans le domaine de la science pharmaceutique, ils ont
besoin des pharmaciens pour voir les incompatibilités qu'il peut y avoir
d'un médicament à un autre; d'où l'importance, en 1977,
devant cet arsenal thérapeutique considérable, d'avoir des gens
d'une compétence pharmacologique valable. Cela devient de plus en plus
important d'avoir ces connaissances scientifiques, et je termine en posant ma
question qui est d'ordre humanitaire. Je la comprends.
Vous avez oeuvré pendant X années, dans des officines, et
je pense que, pour la plupart d'entre vous, vous continuez également
d'oeuvrer dans des officines. Vous avez mentionné, tout à
l'heure, que vous étiez 200 préparateurs d'officine. J'aimerais
savoir, depuis l'application, en 1967, d'une façon plus stricte, plus
sévère, d'une loi qui a toujours existé,
c'est-à-dire celle qui veut que le pharmacien doit être dans sa
pharmacie, mais qui, malheureusement, n'a pas toujours été
appliquée comme elle devait l'être, combien, parmi les 200, ont
été mis à pied à la suite de l'application de cette
loi qui existait depuis toujours et qui a été mise en application
d'une façon plus sévère depuis 1967.
M. Lizotte: M. Martel, je veux revenir à ce que vous
disiez tout à l'heure, au point de vue de la formation. Vous avez
reçu votre formation, il y a assez longtemps, vous vous êtes quand
même tenu au courant de tous les médicaments qui sont venus sur le
marché depuis qu'on a laissé le mor- tier; nous, on a fait la
même chose. Chaque fois qu'il y a eu des nouveaux produits, on s'est mis
à la page, on a travaillé en pharmacie, mais on a perdu notre
gagne-pain, on a perdu notre place de responsable de l'officine.
M. Martel: Sans vouloir faire une différence entre nous,
je suis pour l'égalité de tout le monde, mais il reste que j'ai
étudié quatre ans à l'université après avoir
fait des études antérieures et que j'ai acquis une base, dans le
domaine scientifique, qui me permet de mieux suivre cette évolution
pharmaceutique. Je pense que cette base est indispensable, aujourd'hui, devant
le nombre considérable de médicaments qu'il y a; c'est
nécessaire d'avoir la base scientifique pour pouvoir suivre cette
évolution que je suis d'ailleurs, avec les autres membres de l'Ordre des
pharmaciens, par cette éducation qu'on continue à recevoir pour
être à jour dans l'évolution de la science pharmaceutique.
Il est important d'avoir eu cette base, cette formation, au niveau de
l'université, pour pouvoir suivre cette évolution et être
à jour, être en mesure de renseigner le médecin, être
en mesure de renseigner le patient sur l'automédication; je pense que
c'est indispensable pour jouer notre rôle de pharmacien.
M. Ricard: M. Martel, il y a beaucoup de patrons qui nous
engagent et qui nous permettent d'avoir les mêmes revues ou les
mêmes écrits sur les nouveaux produits; alors, on se tient au
courant au même niveau que vous.
Deuxièmement, M. Martel, j'ai rencontré un administrateur
de l'Ordre des pharmaciens, cet après-midi, qui m'a dit: On n'est pas
contre vous, mais on est contre le "cheap labor"; et beaucoup de pharmaciens
tiennent à nous garder dans l'illégalité pour nous payer
meilleur marché, même s'ils sont obligés de payer l'amende.
Vous savez qu'il y a des pharmaciens comme ça. Je crois qu'au lieu de
nous tenir dans le "cheap labor" et dans l'illégalité, il serait
temps, après dix ans de bataille, de nous donner quelque chose.
M. Martel: D'accord, mais...
M. Ricard: Alors, M. Martel, je crois que vous êtes un de
ces pharmaciens qui ont été obligés de payer l'amende
contre l'article 31.
M. Martel: J'ai dit au curé ce matin: Nommez-moi une
personne qui est sans péché. Qu'elle se lève cette
personne dans la salle.
M. Ricard: Tous les gens font des péchés. Comment
se fait-il que tous les gens se tiennent dans le péché? C'est
très différent que de faire un péché.
M. Martel: Je vais vous dire, par exemple, que si je
reçois une revue chinoise et que je ne connais pas l'alphabet chinois,
je ne la lirai pas.
M. Ricard: Comment se fait-il, M. Martel, qu'il y ait des gens,
qui ont seulement un cours pri-
maire, qui soient diplômés en pharmacie? Est-ce qu'ils ont
la possibilité d'apprendre plus facilement que nous qui avons souvent
plus de cours et plus de scolarité qu'eux?
M. Martel: Donnez-moi des noms de gens qui ont un primaire et qui
ont une licence.
M. Ricard: Oui, monsieur, je vais vous en donner.
M. Martel: On attend cela et on vérifiera avec l'ordre.
Mais j'ai posé une question, tout à l'heure, pratique. J'ai
demandé combien de personnes, sur les 200 que vous représentez
cet après-midi, ont été mises à pied, du point de
vue pratique, depuis l'application de la loi?
M. Harvey (Jean-Paul): Je ne suis pas sûr. J'ai 28 ans de
service en laboratoire.
M. Martel: II y en a combien?
M. Harvey: Nous sommes environ une quarantaine, dans le
moins.
M. Martel: Sur les 200 que vous représentez.
M. Harvey: Oui, tranquillement pas vite, cela s'en va, M. Martel,
vous êtes logique, vous êtes humain. Vous savez très bien
cela.
Le Président (M. Marcoux): Un instant. Le groupe qui vient
nous voir peut inviter n'importe quel de ses membres à parler, mais il
faut que les personnes s'approchent à la table, parlent au micro et
s'identifient. Ce n'est pas une procédure policière, c'est
simplement aux fins du journal des Débats, pour que tout soit clair. Il
n'est pas question que personne dans la salle ne parle ou ne s'exprime. C'est
à ceux qui sont à la table de le faire.
M. Lizotte: M. Martel, est-ce que les personnes que vous avez
engagées et pour lesquelles vous avez payé l'amende
étaient des Chinois? Vous dites que, si on reçoit des revues
chinoises... Vous voulez dire qu'on n'est pas capable de comprendre les revues
pharmaceutiques ou même... Les cours d'éducation continue, je les
ai vus.
Le Président (M. Marcoux): Je dois vous arrêter. Sur
cette question, j'ai fait le même type d'intervention, je crois que c'est
mercredi, à l'endroit d'un autre député, le
député de Pointe-Claire. Le député de Pointe-Claire
est dentiste, donc de formation médicale. On s'adressait à lui en
tant que médecin plutôt qu'en tant que député. Tous
les membres qui sont autour de cette table sont ici à titre de
députés. Vous devez vous adresser à eux en tant que
députés et non en tant que membres de telle formation
professionnelle. Je pense que ceci doit être très clair.
M. Lizotte: Oui. Je m'excuse, c'est...
M. Martel: Je répondrai à la question après,
comme pharmacien.
M. Lizotte: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): ... du parti ministériel
sont épuisés. M. le député de D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, nous avons devant nous un
problème humain qui est réel et qui est important. Nous avons
assisté à l'évolution de nombreuses professions du domaine
de la santé où, effectivement, pour des raisons historiques, en
l'absence de structures telles que nous pouvons les retrouver aujourd'hui, des
personnes ont posé des actes professionnels et les ont posés
pendant une période de temps importante. A la fin de cette
période, quand le législateur est intervenu, quand la corporation
professionnelle elle-même est intervenue pour régulariser des
choses dans certains cas, les clauses grand-père de ces
règlements, de ces lois ont suffi à éliminer ces
problèmes. Une largeur d'esprit a été manifestée.
Mais dans d'autres cas des problèmes ont subsisté. En voici
un.
Je voudrais d'abord vous poser une question qui me paraît se
situer au coeur de votre mémoire et de votre préoccupation. Vous
demandez une reconnaissance au titre d'assistant-pharmacien. Je sais que votre
problème n'est pas nouveau.
Ce n'est pas la première fois que je vois une liste de personnes
qui sont dans la situation que vous avez décrite. Il est possible que
cette demande ait eu ses origines un peu loin dans le passé. Si je
m'exprime de cette façon en posant la question, c'est parce que plus
tôt dans la journée, nous avons examiné le statut des
assistants-pharmaciens et nous sommes en ce moment où nous parlons,
à trois exceptions près d'une quasi égalité de
statut entre assistants-pharmaciens et pharmaciens.
Si, par exemple le gouvernement et le ministre ont entrouvert
cette porte il y a un certain nombre de minutes en posant une question au
porte-parole de la corporation professionnelle si le gouvernement
prenait la décision d'éliminer les trois restrictions qui
existent quant à l'assistant-pharmacien, l'effet serait de situer votre
requête différemment, peut-être, parce que ce serait pour
être reconnu au même titre que les pharmaciens, ceux que l'on
appelle licenciés, quoique le mot ne soit pas du plus parfait
français.
J'aimerais que vous vous exprimiez là-dessus, parce que
j'aimerais savoir ceci: Est-ce que votre demande est d'être reconnu comme
assistant-pharmacien dans ce que signifie strictement cette expression, dans le
contexte de la discussion autour du projet de loi no 25? Ou est-ce que votre
demande est un peu moins précise que cela? Est-ce qu'elle pourrait se
situer autour d'une reconnaissance de statut qui conserverait quand même
une différence entre le vôtre et celui du pharmacien
diplômé?
M. Lizotte: M. Descary a parlé tout à l'heure que,
dans l'esprit de la loi en 1973, il devait y avoir
une distinction entre le pharmacien et l'assistant-pharmacien. Cela n'a
pas été très bien séparé dans la loi,
où le mot "pharmacien" comprend l'assistant-pharmacien. Ce qu'on veut,
pour répondre à votre question, c'est revenir comme on a toujours
travaillé jusqu'en 1967, à être en charge de l'officine,
à travailler seul en officine, sans la présence physique d'un
pharmacien, sous la responsabilité, comme M. Descary l'a dit, du
pharmacien qui nous engage. On est d'accord là-dessus et on ne demandera
jamais une licence en pharmacie.
Tout ce qu'on veut, c'est de revenir comme nous étions avant. La
seule chose qu'on veut, ce sont nos droits acquis, ce qu'on avait avant 1967,
qui nous a été enlevé en 1967. Notre droit de travail,
c'est tout! Un permis de travail.
M. Goldbloom: Je vous remercie de cet éclaircissement,
parce que vraiment, le problème se voit un peu différemment avec
cette explication que sans elle. Parce que sans elle, vous étiez en
train de demander une reconnaissance presque au même niveau et
peut-être éventuellement au même niveau que celle d'un
pharmacien diplômé.
Maintenant, j'ai une autre question à vous poser et elle est
embêtante, je m'en excuse à l'avance. Mais si vous obtenez une
reconnaissance, un statut en vertu de la loi, ce qui vous permettrait de poser
certains actes d'ordre professionnel dans les pharmacies, est-ce que cette
reconnaissance, ce statut, changerait la situation économique que vous
avez décrite, qui fait que certains pharmaciens je ne veux pas
généraliser à l'égard de cette profession soeur
mais que certains pharmaciens, selon ce que vous avez
présenté dans votre mémoire, ont une tendance a retenir
les services de personnes qui n'ont aucune formation professionnelle, parce que
l'absence de cette formation fait de ce personnel une main-d'oeuvre à
meilleur marché?
Si vous avez un statut reconnu, sûrement que vous allez demander
une rémunération convenable à ce statut. Qu'est-ce qui
empêcherait, dans tout cela, que le pharmacien continue d'engager du
personnel qui n'aurait pas le statut, ni l'expérience que vous avez?
M. Lizotte: II y a beaucoup de nos membres qui sont en
chômage, qui vont pour se faire engager. Le pharmacien lui dit: Ecoute,
tu es trop pour moi; ce dont j'ai besoin, c'est une tapeuse
d'étiquettes, une petite fille qui va être capable de lire une
prescription, de la taper; ensuite, je la vérifierai.
On a trop d'expérience pour travailler. Nos membres qui sont en
chômage, c'est parce qu'ils ont trop d'expérience qu'ils ne sont
pas engagés. C'est paradoxal, mais c'est comme ça.
Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire. Ils demandent un
salaire trop élevé, parce qu'ils ont des connaissances. Quelqu'un
qui a travaillé vingt ans dans une industrie quelconque a acquis de
l'expérience et demande un salaire équivalant à son
expérience. Mais en l'empêchant d'être le maître dans
l'officine, celui qui prend la décision dans l'officine, c'est là
qu'on est bloqué.
M. Goldbloom: Je comprends facilement ce que vous exposez et je
constate, comme j'ai pu le faire dans le passé, qu'il y a ce
problème très réel qui fait que parmi les membres de votre
groupe, il y a des pères de famille qui sont sans emploi et cela, depuis
une période importante. Il me semble que nous ne pouvons que
reconnaître l'existence d'un problème et chercher ensemble autour
de cette table une solution raisonnable.
J'ai voulu vous amener à faire cette distinction entre ce que
peut signifier le terme assistant-pharmacien et la nature exacte du statut que
vous recherchez.
J'aimerais, M. le Président, même si vous avez
souligné que le temps alloué au parti ministériel
était écoulé, que nous ayons quelques minutes de plus pour
inviter le ministre à faire des commentaires additionnels et
peut-être nous indiquer s'il a des idées quant à une
solution possible au problème qui nous est présenté, parce
que problème il y a.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que ce ne serait pas
préférable que ce soit à la fin ou si vous...
M. Goldbloom: D'accord.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Certains points ont déjà
été mentionnés, certaines questions ont été
posées, je vais essayer de les éviter. Il y a peut-être
deux ou trois aspects. Au point de vue de l'équivalence, en somme ce que
vous recherchez, ce serait un statut égal avec l'assistant-pharmacien et
ce rôle d'officine, de commis que vous accomplissez dans le moment. Je
crois, d'après votre mémoire, que plusieurs d'entre vous, dans le
passé, ont été gérants de pharmacie, souvent en
l'absence du pharmacien, donc vous accomplissez exactement ce que
l'assistant-pharmacien faisait. C'est ça qui en découle?
M. Lizotte: C'est exact.
M. Le Moignan: Maintenant, si on parlait d'examens. Est-ce que
vous seriez prêts à passer les mêmes examens qu'un
assistant-pharmacien serait appelé à passer, pour évaluer
vos qualifications?
M. Lizotte: Si c'était un examen pratique de la
pharmacie.
M. Le Moignan: Un examen pratique, oui, comme les autres, les
assistants-pharmaciens, qui ne sont pas tous passés par les
universités. Ils n'ont pas tous nécessairement fait un stage.
M. Lizotte: Non, dans cela, il y en a qui ont
été
trois ans en première année. L'avocate du collège a
dit ce matin qu'il y en avait qui n'avaient aucune année
d'expérience. M. Martel a même dit ce matin qu'il y en avait
plusieurs, chez les assistants-pharmaciens, qui avaient doublé trois
fois leur première année. Vous avez dit cela ce matin. Trois fois
en première année, je me dis que si je ne suis pas capable de
battre le gars qui a fait trois ans en première année... Est-ce
que cela répond à votre question?
M. Le Moignan: Oui. Avant 1967, il y a plusieurs d'entre vous qui
travaillaient dans les pharmacies. A ce moment-là, il y a des
inspecteurs qui visitaient?
M. Lizotte: Oui, il y avait des inspections
régulièrement.
M. Le Moignan: Est-ce que vous étiez pris en
défaut? Est-ce qu'il y a eu des poursuites?
M. Lizotte: Non. Dans ce temps-là, il y avait des
inspections régulières. Les inspecteurs prenaient le nom du
propriétaire et le nom des personnes qui travaillaient en officine, et
rapportaient cela au Collège des pharmaciens qu'on appelait dans ce
temps-là. Donc, nous étions inscrits automatiquement, parce que
l'inspecteur venait et prenait nos noms comme étant des employés
d'officine. Et on était seul. Quand il venait, on était seul. On
n'a jamais eu de problèmes de ce côté-là.
M. Le Moignan: C'est un peu une confirmation du poste que vous
déteniez à ce moment-là? On en tenait compte.
M. Lizotte: La preuve, c'est qu'ils nous demandaient: Qui est
gérant de la pharmacie. Là, on se nommait: Je suis M. Untel,
gérant. Et il n'y avait aucun problème.
M. Le Moignan: On ne vous demandait pas vos qualifications? On
n'insistait pas tellement?
M. Lizotte: Non. On disait: On est gérant de la pharmacie.
Et on était seul dans la pharmacie. Si on avait été
tellement dans l'illégalité, par la suite, on aurait eu des
poursuites. Mais le Collège des pharmaciens laissait travailler les
commis seuls en pharmacie. C'était courant. On travaillait seul en
pharmacie. C'était dans les moeurs. C'était courant. On n'aurait
pas fait carrière dans la pharmacie si on n'avait pas eu d'avenir. Si on
est allé là, c'est parce qu'on croyait avoir un avenir. En 1967,
à ceux qui travaillaient là depuis dix ou quinze ans on leur a
dit: Non, vous n'êtes plus bons.
Ecoutez, vous engagez quelqu'un et au bout de quinze ans, vous lui
dites: Non, tu n'es pas bon. Il me semble qu'au bout de quinze ans, cela prend
du temps avant de dire à quelqu'un tu n'es pas bon.
M. Le Moignan: Dernière question. Depuis 1967, est-ce
qu'il y en a qui ont continué de rem- plir encore le rôle de
gérant de pharmacie, un peu?
M. Lizotte: Oui.
M. Croteau: Excepté que la présence du pharmacien,
généralement... Il y a des endroits.
M. Lizotte: II y a aussi beaucoup de pharmaciens qui ont
payé l'amende pour avoir laissé... si vous voulez des
listes, je peux vous en fournir il y a des pharmaciens qui ont
payé l'amende, de septembre 1974 à décembre 1975, cela
fait treize mois. Ce sont tous des pharmaciens qui ont payé l'amende
pour avoir laissé travailler des commis pharmaciens, sans surveillance,
exactement.
Est-ce que ces pharmaciens sont des criminels? Est-ce que ce sont des
types insensés d'avoir laissé ces gens-là continuer
à travailler? Ou est-ce parce qu'ils les pensaient
compétents?
D'après moi, c'est parce qu'ils les pensaient compétents.
S'ils n'avaient pas été compétents, ils les auraient
foutus à la porte avant cela.
M. Le Moignan: Et c'est cette compétence que vous
réclamez. Je vous remercie.
M. Lizotte: Merci bien.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, en 1971, lorsque vous vous
êtes présentés devant la commission parlementaire, je me
souviens y avoir été présent. D'ailleurs, vous y faites
référence dans votre mémoire, à la page 12. Nous
avions exprimé, au gouvernement de l'époque, d'être
extrêmement prudent afin de ne pas créer d'injustices à
l'égard des personnes qui, à ce moment-là,
exerçaient différentes activités au sein de ces
professions sur le plan professionnel.
Dans le mémoire, à la page no 12, vous citez une parole de
M. Castonguay qui était le ministre des Affaires sociales de
l'époque qui se lit comme suit: "Vous avez une bonne cause. Vous allez
voir, dans ce cas-ci comme dans celui des denturolo-gistes, le gouvernement
sera appelé à légiférer pour encadrer, dans les
faits, cette situation. Je crois qu'il y aurait lieu d'ajouter que si le
règlement, qui doit être préparé à cet effet
par le bureau de l'ordre, en discussion avec l'association qui les
représente, ne se concrétise pas, il reste toujours la
possibilité que l'Office des professions fasse adopter un tel
règlement. Il y a toujours cette possibilité, lorsque les
discussions ne donnent pas les résultats escomptés."
Je m'adresse à nos invités. L'article 10 de la loi stipule
que l'Ordre des pharmaciens peut et doit définir les tâches qui,
en officine, peuvent être accomplies par d'autres qu'un pharmacien.
Est-ce que ces règlements ont été faits?
M. Croteau: Oui, le règlement a été
amendé par l'Office des professions, par la suite, mais ce
règlement a été jugé en cour par trois
juges, je crois, de la Cour d'appel. Apparemment ce règlement est ultra
vires et ne peut pas... Les pharmaciens ne peuvent pas déléguer
de tâches à d'autres individus qu'à des personnes inscrites
à l'Ordre des pharmaciens.
M. Roy: Mais l'Ordre des pharmaciens n'a pas respecté, si
je me base sur les documents que j'ai en main c'est pour cela que
j'aimerais que vous éclairiez la commission de ce
côté-làles exigences de l'article 10, n'aurait pas,
selon vous, respecté les exigences de l'article 10 et n'aurait pas
appliqué le règlement en question?
M. Croteau: C'est-à-dire que nous avons rencontré
l'Office des professions, je crois que c'est au mois de novembre 1975, le
règlement venant en force au mois de novembre 1975, et le
président d'alors, Me René Dussault, nous a montré un
télégramme de l'Ordre des pharmaciens lui disant que ce
règlement était inapplicable et qu'il n'y avait pas
possibilité de l'appliquer.
M. Roy: Dans la loi, il y a deux articles: il y a l'article 10
qui stipule que l'ordre peut et doit définir les tâches et
l'article 11 ajoute que si l'ordre ne le fait pas, l'Office des professions
peut le faire. Si je comprends bien, c'est l'Ordre des professions qui l'aurait
fait, qui aurait fait le règlement et l'Ordre des pharmaciens l'aurait
contesté devant les tribunaux.
M. Croteau: Oui. On croyait à ce moment-là aussi
que ce règlement ne corrigeait pas grand-chose; qu'au contraire, cela
nous handicapait au point de vue du travail.
M. Roy: En somme, vous avez demandé, par l'entremise de
vos procureurs, que soit édicté, par ordre en conseil, le
règlement définissant les tâches de préparer en
officine conformément à l'article 11 de la loi?
M. Croteau: C'est cela.
M. Roy: J'aimerais bien, en ce qui me concerne, savoir un peu, du
côté gouvernemental, de quelle façon on envisage pouvoir
apporter une solution à ce problème, étant donné
que tous les partis de l'Opposition, à l'Assemblée nationale
on a cité le Dr Laurin qui, dans le temps, était le
représentant de l'Opposition du Parti québécois à
la commission parlementaire ont attaché énormément
d'importance, autour de cette commission, sur les droits acquis des personnes
qui travaillaient alors depuis de nombreuses années.
J'aimerais bien, si on est capable de nous éclairer un peu, du
côté gouvernemental aujourd'hui, qu'on nous dise de quelle
façon le gouvernement prévoit être en mesure de trouver une
formule, quelle est la formule que le gouvernement entend appliquer pour
régler une situation que je n'hésite pas à qualifier
d'injuste.
Si des personnes ont travaillé pendant 25 ans ou 30 ans dans un
domaine particulier, il y a quand même l'expérience qui compte. Ce
n'est pas le seul domaine où il y a des difficultés actuellement
au niveau de la qualification professionnelle; on les retrouve un peu partout.
Les nouvelles normes sont extrêmement rigides. Ceux qui ont de
l'expérience et à qui on demande de passer certains examens ont
de la difficulté, non pas à cause de leur manque de
connaissances, à cause de leur manque d'expérience, mais à
cause des exigences techniques des examens.
M. Martel: Si vous permettez...
Le Président (M. Marcoux): Comme le temps du parti
ministériel est écoulé actuellement, il y a deux
questions qui ont été directement adressées au ministre
j'ai cru comprendre tantôt qu'il y avait eu consentement pour que
le ministre intervienne. Alors, je vais céder la parole au ministre, et
après que le ministre aura...
M. Roy: Est-ce qu'il y a consentement pour que le
député puisse répondre aussi? J'ai posé une
question, et j'aimerais bien avoir une réponse.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Le Moignan: On n'a pas épuisé notre temps. On
avait quinze minutes, alors on peut leur prêter ces minutes.
M. Roy: C'est cela. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Est-ce que c'est le
député de Richelieu avant, ou lequel? M. le député
de Richelieu?
M. Morin (Sauvé): M. le député de Richelieu
peut commencer.
M. Martel: Très rapidement, vous avez parlé de
réglementation. Actuellement, ce qui se passe, c'est qu'il y a des
corporations professionnelles qui font des règlements qu'elles
soumettent à l'Office des professions. Ensuite, l'Office des professions
les soumet au ministre responsable qui les fait sanctionner, par la suite, par
le lieutenant-gouverneur en conseil. A ce moment, cela prend force de loi,
c'est-à-dire devient officiel. C'est comme cela qu'on procède
actuellement dans les corporations professionnelles.
L'autre question, évidemment, c'est l'aspect humain, je l'ai
mentionné tout à l'heure. Ce n'est pas tout le monde qui a
été mis à pied depuis 1967. On nous a dit tout à
l'heure qu'il y en avait une quarantaine. Les pharmaciens ont toujours besoin
d'avoir de l'aide dans leurs officines. On en a encore besoin de commis en
pharmacie, mais évidemment, avec des rôles bien spécifiques
à jouer. On en a encore besoin. Chez moi, on est quatre pharmaciens dans
la pharmacie. J'ai cinq ou six commis en pharmacie. J'en ai besoin pour
accomplir des actes bien précis. C'est tout ce que j'avais à
dire.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, le
député de Beauce-Sud a fait allusion à l'intervention de
mon collègue, à ce moment, député de Bourget,
maintenant ministre d'Etat au développement culturel, en 1971, je crois.
Il faut bien lire avec attention ce qu'il avait dit à cette
époque, et ne pas perdre de vue qu'il avait bien spécifié
qu'il ne pensait pas à appliquer aux commis de pharmacie, d'une
façon automatique, la clause grand-père. Donc, il avait
réservé son jugement au moment où il se montrait
sympathique, comme nous voulons l'être, d'ailleurs, à ces
personnes qui voudraient voir réviser leur statut. J'aurais deux
questions rapides à vous poser pour m'éclairer et pour alimenter
notre réflexion sur le problème que vous avez soulevé,
puisque le projet de loi que nous avons devant nous n'est certainement pas le
dernier qui va être adopté dans le domaine des professions,
quoique nous devrons certainement, à un moment donné, faire en
sorte que ces reliquats de problèmes causés par le Code des
professions ne s'allongent pas indéfiniment dans l'avenir.
Ma première question serait celle-ci: Est-ce que vous recherchez
elle est dans le prolongement d'une question que j'ai trouvé fort
pertinente du député de D'Arcy McGee tout à l'heure
un statut d'assistant-pharmacien tel que défini dans la loi actuelle et
telle qu'elle pourrait être modifiée si ce projet de loi
était adopté, c'est-à-dire, est-ce que vous recherchez un
statut où vous auriez droit de vote, droit d'éligibilité
à la Corporation des pharmaciens?
M. Lizotte: Non, ce n'est pas cela qu'on recherche. J'ai
répondu tout à l'heure qu'on veut être inscrit dans le
même esprit que M. Descary a répondu, dans le même esprit
que M. Descary pensait que l'assistant-pharmacien était inscrit en 1973.
Tout ce qu'on veut, c'est de travailler seul en officine. C'est très
simple.
M. Morin (Sauvé): Oui, je constate, effectivement.
M. Lizotte: C'est ce que nous faisions, M. le ministre. Cela
répond à votre question, parce que c'est ce que nous faisions
jusqu'en 1967 au vu et au su du Collège des pharmaciens.
M. Morin (Sauvé): Je ne veux pas en disconvenir. Cela a
été probablement souvent le cas, bien que ce fut sans doute, dans
certains cas, également dans l'illégalité. Cet argument ne
m'influence qu'en partie, étant donné qu'au moins, de 1964
à 1973, ou du moins, de 1967 à 1973, il était
carrément interdit, que je sache, de procéder de la sorte. Je
vais vous poser une autre question qui sera sans doute la dernière.
Vous recherchez un certain statut, en somme, qui vous autoriserait
à travailler seuls en pharmacie et donc à prendre un certain
nombre de responsabilités professionnelles. Cela suppose certainement
une formation. Le législateur ne peut pas admettre qu'on puisse
être seul et prendre souvent de lourdes responsabilités, s'il n'y
a pas eu formation.
Or, j'admets volontiers qu'on puisse acquérir une formation par
voie d'apprentissage concret. Je pense que ça, on voit ça tous
les jours. La formation ne s'apprend pas qu'à l'université. C'est
concédé. Mais il faut, dans la mesure où il y a formation
par apprentissage, comme dans le cas où il y a formation par
enseignement, qu'il y ait un contrôle, qu'on sache si l'étudiant
est arrivé à tel degré de connaissances, de même si
ça se fait par voie d'apprentissage concret, il faut qu'on puisse
s'assurer également que l'impétrant, que celui qui désire
un statut, ait atteint un niveau de connaissances qui permette de s'assurer que
le public est protégé dans la mesure où on voudrait que le
commis en pharmacie ou le préparateur d'officine soit seul à
prendre la responsabilité dans la pharmacie.
La question que je vous pose maintenant est celle-ci: Seriez-vous
disposés, étant donné que vous soutenez que vous avez la
préparation, l'expérience, la connaissance, à vous
soumettre à un contrôle de cette connaissance?
M. Lizotte: Le contrôle existe, M. le ministre, par la
formation continue qui existe à l'Ordre des pharmaciens. Nous sommes
prêts à suivre les mêmes cours que les pharmaciens ont
à remplir, un cours de formation continue. M. Martel est sûrement
au courant. Ils reçoivent ça régulièrement. C'est
un questionnaire sur les médicaments, sur toutes sortes de choses. Je
peux parler de péché on a parlé de
péché plusieurs fois parce que j'ai déjà
rempli ce cours pour des pharmaciens qui n'avaient pas le temps de le
faire.
M. Martel: J'aurais aimé voir le résultat.
M. Lizotte: Je vais vous dire. Le résultat, je l'ai eu.
J'ai eu 93%.
M. Morin (Sauvé): Bon! Alors... M. Lizotte: Bon!
C'est parce que... M. Morin (Sauvé): ... M. Lizotte... M.
Lizotte: Oui.
M. Morin (Sauvé): ... soyons clairs. Ce n'est pas de
ça dont je vous parle. Je ne vous parle pas de cours qui tendent
à maintenir le niveau des connaissances et à vous informer de
tous les nouveaux produits qui peuvent sortir. Je vous parle de la formation
fondamentale. Est-ce que vous seriez disposés, puisque vous dites que
vous avez appris tout ça sur le tas, dans la pharmacie, à vous
soumettre à un contrôle de connaissances?
M. Lizotte: On est prêt sûrement à discuter
d'un cours comme cela, à contrôle, mais il ne faudrait pas qu'on
s'embarque dans quelque chose qui nous demanderait 15, 20 ou 25 heures de
travail par semaine. Je ne sais pas si vous comprenez ce que je veux dire.
Si vous dites que vous voulez nous faire étudier. Est-ce que
c'est...
M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas ça que j'ai dit, M.
Lizotte, quoique dans certains cas, ça pourrait, pour pouvoir se
qualifier, j'imagine, amener des études. Tout ce que je vous demande,
c'est ceci: Vous soutenez que votre formation, votre apprentissage concret dans
la pharmacie est aussi bon qu'un autre. Je vous dis: Si tel est le cas, vous
êtes certainement disposés à vous soumettre à un
examen de contrôle de ces connaissances fondamentales.
M. Lizotte: Bien oui. Nous l'avons dit dans notre mémoire,
à l'article d), quand on a parlé d'être
inséré dans l'article de la loi. L'article d) dit: Avoir
été accepté par le comité de sélection de
l'association, en coopération avec l'Office des professions. Dans notre
idée à nous, l'Office des professions ne prendrait pas n'importe
qui. On est sûr que l'Office des professions est un organisme très
sérieux, et l'Office des professions n'accepterait pas n'importe qui.
Nous, non plus, on ne voudrait pas accepter n'importe qui et l'Office des
professions, j en suis sûr, peut nous aider. On est prêt à
coopérer avec l'Ordre des pharmaciens aussi.
On n'est pas contre... J'aimerais qu'on soit bien clair. On n'est pas
contre qui que ce soit. On n'est pas contre le Collège des pharmaciens.
On n'est pas contre qui que ce soit. On est pour nous. On a été
formé et on est sûr qu'on peut rendre un service.
M. Morin (Sauvé): M. Lizotte, je note donc que vous seriez
disposés à vous soumettre à un contrôle de
connaissances fondamentales, un examen de connaissances fondamentales et sur
cette base, je suis prêt à réfléchir à la
question et certainement à en parler, pas seulement avec vous, mais avec
le Collège des pharmaciens et avec tous les intéressés. Je
pense que dans la mesure où il y a un contrôle, on peut
peut-être progresser.
M. Lizotte: Nous n'avons rien contre le contrôle.
M. Croteau: Si c'est un examen pratique, nous sommes
prêts.
M. Morin (Sauvé): Un examen de connaissances
fondamentales.
M. Lizotte: Oui, oui. M. Croteau: Oui.
M. Morin (Sauvé): Puisque vous soutenez que vous les avez
acquises, en somme.
M. Ricard: A cause des irrégularités qui se sont
produites assez souvent au Collège des pharmaciens, je crois qu'il faut
que ce soit fait non seulement sous le contrôle du Collège des
pharmaciens, mais de l'Office des professions et de nous aussi.
M. Morin (Sauvé): Nous verrons pour les technicités
et les aspects techniques de la chose, si vous voulez bien, mais je prends
bonne note de ce que vous avez dit, M. Lizotte et je m'engage à y
réfléchir sérieusement.
M. Lizotte: Je remercie beaucoup tous les membres de la
commission de nous avoir reçus.
Le Président (M. Marcoux): Un instant, le
député de D'Arcy McGee qui n'avait pas utilisé tout son
temps aurait une question ou deux à vous poser.
M. Goldbloom: Combien de minutes me reste-t-il?
Le Président (M. Marcoux): Cinq minutes.
M. Goldbloom: Je ferai vite. Je pense que ce que le ministre
vient de mettre sur la table est d'une importance fondamentale. Je suis heureux
que vous ayez accepté, que vous ayez répondu oui à la
queston posée par le ministre, parce que, après tout, vous dites:
Nous devrions revenir au statu quo ante où nous exercions de telle et de
telle façon, parce que nous avons les connaissances nécessaires
à cet exercice.
Le ministre vous demande: Etes-vous prêts à prouver que
vous avez ces connaissances? Il faut que vous disiez oui à cela.
Il y a une question qui me tracasse un peu et elle n'est pas
méchante. Le problème existe depuis une période de temps
considérable. Vous avez fait allusion aux débats, aux discussions
qui ont eu lieu dans le passé. Pendant cette période de temps,
presque une décennie, est-ce que vous avez fait des efforts, soit par le
truchement de la corporation professionnelle, soit avec une université
ou des institutions d'enseignement, en vue d'améliorer vos
connaissances, de vous tenir à la page, pas simplement en lisant la
documentation qui est à votre disposition, mais d'une façon plus
formelle que cela?
M. Lizotte: II n'y a pas de cours comme tels qui existent. Vous
demandez si on a fait des efforts depuis 1967, bien sûr. Nous avons
engagé un avocat qui nous a demandé $26 000 pour présenter
un bill privé. C'est de l'argent, $26 000. Nous n'avons pas le budget du
Collège des pharmaciens. Nous avons fourni $26 000 de nos deniers et on
a perdu cet argent parce que le projet de loi qu'il voulait présenter
était illégal, car pour présenter un bill, en 1968, il
fallait absolument avoir le consentement du Collège des pharmaciens et
Me Cutler ne l'avait pas demandé, il avait été averti
qu'il ne pouvait pas faire cela et on a dépensé cet argent. Non
seulement l'argent, mais le temps. Vous savez, nous faisions des efforts, mais
nos efforts n'étaient pas dirigés dans la bonne direction.
Après cela, on nous a demandé de former une association. Nous
avons formé l'Association des préparateurs d'officine. Nous y
avons présenté trois mémoires et ces trois mémoires
ont été déboutés. Comme M. Fabien Roy le disait, il
y a de très bonnes recommandations qui ont été faites
en
1973. M. Castonguay avait même dit, votre cause est bonne, allez-y
les gars. M. Laurin avait dit: C'est bon votre affaire.
M. Goldbloom: Je vous remercie de ces réponses qui
fournissent un éclairage. Je voudrais, en terminant, remercier le
ministre de son ouverture d'esprit dans ce qu'il vient d'exprimer.
Nous avons vu, dans d'autres professions, comme par exemple, dans le cas
de celle qui sera devant les micros, dans quelques instants, la constitution de
groupe, qu'on appelle auxiliaires, aides, dans la profession dentaire il y a eu
un groupe qui a été identifié. Je ne veux pas dire qu'il y
a un parallèle absolu, mais je voudrais tout simplement, par ce rappel,
inviter le ministre à poursuivre sa réflexion, de façon
à trouver une solution au problème humain.
Le Président (M. Marcoux): M. le ministre voudrait
apporter une correction à des propos qui ont été tenus
tantôt.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, il semble qu'on
ait dit, tout à l'heure, que les tribunaux avaient déclaré
ultra vires le règlement concernant la détermination des actes
visés par l'article 17, des actes qui peuvent être posés
par les classes de personnes autres que des pharmaciens.
M. Croteau: Oui.
M. Morin (Sauvé): II doit y avoir erreur, je ne crois pas
que ce soit le règlement qui ait été invalidé, il
est toujours en vigueur, en tout cas à ce que je sache. Ce qui a
été annulé, c'est un règlement sur la
publicité et la tenue de pharmacie, ce qui n'est pas du tout la
même chose.
M. Croteau: Je m'excuse, M. le ministre, mais vous pouvez obtenir
une copie; nous avons fait parvenir une copie de ce jugement à l'Office
des professions. C'était une cause que l'Ordre des pharmaciens avait
contre un pharmacien de Montréal; le pharmacien est allé en appel
et devant l'appel... L'Office des professions a le jugement.
M. Morin (Sauvé): Et vous parlez du règlement
visant la délégation des actes?
M. Croteau: Oui, dans le jugement il est dit qu'un pharmacien ne
peut pas déléguer des tâches à d'autres personnes
que des personnes inscrites à l'Ordre des pharmaciens.
M. Morin (Sauvé): Oui, ça c'est une autre affaire,
mais je ne crois pas que ce règlement, en particulier, ait
été annulé. En tout cas, on va tenter d'éclaircir
la chose plus tard, peut-être si nous pouvons entendre, après les
prochains intervenants, le collège de nouveau, M. le
Président.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie de votre
participation aux travaux de cette loyale assemblée.
M. Croteau: Merci.
Le Président (M. Marcoux): J'inviterais maintenant l'Ordre
des infirmières et infirmiers du Québec à venir nous
présenter son mémoire.
Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec
Mme Tellier-Cormier (Janine): M. le Président, M. le
ministre responsable, messieurs les membres de la commission, l'organisme que
je représente, l'Ordre des infirmières et infirmiers du
Québec... J'aimerais vous signaler que plusieurs personnes
m'accompagnent puisque, dans les commentaires que nous vous avions fait
parvenir, différents sujets étaient soulevés, de sorte
que, aujourd'hui, nous avions prévu, si c'était votre
volonté, de pouvoir répondre à certaines de vos
questions.
Les personnes qui m'accompagnent, si je débute par mon
extrême droite: Mlle Laurette Pelletier, syndic à l'Ordre des
infirmiers et infirmières du Québec, à sa gauche Mlle
Marguerite Wheeler, secrétaire adjoint, à ma droite
immédiate, Me André Prévost, conseiller juridique,
à ma gauche immédiate, Raymond Boulé,
vice-président de l'ordre, à sa gauche, Mlle Monique Chagnon,
directeur du secteur de l'inspection professionnelle, à la gauche de
Mlle Chagnon, Mlle Foisy, relation-niste.
Dans un premier temps, je voudrais attirer votre attention sur une
correction qui devrait être faite dans votre document, à la page
5, l'élément d), deuxième ligne; il faudrait ajouter,
après le terme "actualisation" le mot "professionnelle".
Je pourrais badiner et vous dire qu'on a cherché afin de trouver
le mot "actualisation" dans les dictionnaires et nous ne l'avons pas
trouvé. Il fait maintenant partie de notre vocabulaire et à
l'Assemblée nationale, ce matin, le premier ministre, M.
Lévesque, l'employait justement.
Le Président (M. Marcoux): Alors cela va sûrement
passer dans le dictionnaire de la langue française.
M. Goldbloom: Et dans le petit livre rouge. M. Morin
(Sauvé): Deuxième édition.
Le Président (M. Marcoux): ... par tous nos amis, membres
de l'Assemblée nationale.
Mme Tellier-Cormier: Excusez, M. le Président. Dans un
deuxième temps, pour clarifier nos commentaires, j'aimerais que,
lorsqu'on parle de radiation provisoire, vous considériez qu'on lui
donne la définition ou l'intention d'une suspension temporaire et
lorsqu'on parle d'une limitation provisoire, on veut dire une limitation
temporaire. Je fais ces clarifications parce que s'il arrivait que le
législateur retenait une de nos suggestions, nous apprécierions
que le mot "radiation provisoire" soit remplacé par "suspension
temporaire" et le mot "limitation provisoire" par "limitation temporaire".
Si cela peut rendre service au président et aux
membres de la commission ainsi qu'au ministre responsable, nous avons
quand même des copies de la présentation que je ferai, parce qu'il
n'est pas dans mes habitudes de relire les commentaires que nous faisons
parvenir aux différentes commissions.
Le Président (M. Marcoux): Vous avez des habitudes. Comme
à l'habitude, vous avez une vingtaine de minutes pour présenter
l'essentiel de votre mémoire.
Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président.
Permettez moi, en premier lieu, de vous remercier de nous avoir
donné l'occasion d échanger avec vous aujourd'hui sur nos
commentaires, relativement au projet de loi no 25, Loi modifiant le code des
professions et d'autres dispositions législatives. A titre de
corporation professionnelle, nous avons préparé, au cours du mois
de mai, nos commentaires qui vous sont déjà parvenus dans les
délais prescrits. Vous pourrez constater que nos prétentions se
divisent en cinq parties distinctes dont une seule concerne directement les
amendements proposés au Code des professions par le projet de loi no 25,
soit nos commentaires sur les articles 51, 52 et 53 du Code des professions.
Quant aux autres points soulevés dans notre mémoire, nous avons
cru nécessaire de vous les présenter afin de vous sensibiliser
à certains problèmes qu'affronte l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec et qui nécessitent certains amendements
au Code des professions ainsi qu'à la Loi des infirmières et
infirmiers. Conscients des règles de procédure qui gouvernent les
commissions parlementaires, nous vous laissons l'entière
discrétion pour entendre nos commentaires à l'appui des parties
B) à E) de notre mémoire.
Depuis le mois de mai 1977, le bureau de l'Ordre des infirmières
et infirmiers du Québec s'est penché particulièrement sur
les modalités d'application des articles 51, 52 et 53 du Code des
professions. Nous n'avons pas l'intention de vous relire les commentaires que
nous vous avons soumis par écrit quant à ces articles, mais nous
croyons nécessaire d'apporter certaines suggestions quant aux
modifications qui devraient être apportées à l'article 2 du
projet de loi no 25, plus particulièrement en ce qui concerne l'article
51c.
L'expérience a démontré qu'il s'écoule
ordinairement un délai assez prolongé entre le moment où
le bureau ordonne l'examen médical d'un de ses membres et la
réception des rapports des trois médecins désignés.
Conscients de la principale fonction d'une corporation professionnelle qui est
d'assurer la protection du public, l'Ordre des infirmières et infirmiers
du Québec croit que certains mécanismes devraient être
inclus au Code des professions afin de suspendre ou limiter temporairement le
permis d'exercice d'un professionnel jusqu'à ce que le rapport des
médecins désignés soit déposé devant le
bureau de la corporation professionnelle concernée. Ceci a pour but
d'empêcher un professionnel qui présente un état physique
ou psychique incompatible avec l'exercice de sa profession, de causer des torts
qui pourraient être irréparables pour le public. Nous ne croyons
pas qu'en regard des articles 51 et 52, une corporation professionnelle puisse,
à sa seule discrétion, exercer un tel pouvoir de suspension ou de
limitation temporaire d'un permis d'exercice.
A cette fin, une suggestion qui a retenu l'attention du bureau de
l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec est la formation
d'un comité d'évaluation permanent. Les personnes faisant partie
de ce comité seraient nommées par le lieutenant-gouverneur en
conseil, sur recommandation des différentes corporations
professionnelles. Ce comité d'évaluation pourrait se rapporter
administrativement à l'Office des professions.
Le comité serait formé de trois personnes ayant les
qualifications suivantes: un membre étant un professionnel de la
corporation concernée, l'autre étant un médecin et enfin,
le troisième membre étant un psychologue. Ce comité
d'évaluation aurait pour fonction de recommander au bureau d'une
corporation professionnelle la suspension ou la limitation temporaire du permis
d'exercice d'un de ses membres en attendant que soit déposé
auprès du bureau de la corporation concernée le rapport des trois
médecins, tel que prévu par l'article 51c du Code des
professions.
Afin que soit effectué le travail de ce comité
d'évaluation dans les plus brefs délais, l'Ordre des
infirmières et infirmiers du Québec suggère que le
comité ait un délai de dix jours francs pour déposer ses
recommandations auprès du bureau de la corporation professionnelle
concernée, tel délai commençant à courir à
partir du moment où le bureau d'une corporation ordonne l'examen
médical d'un de ses membres.
Aucun mécanisme de révision ne devrait exister à
l'encontre de la recommandation du comité d'évaluation. Nous
croyons qu'un tel mécanisme assurerait au maximum la protection du
public en attendant que les médecins désignés,
conformément à l'article 51a du Code des professions aient
déposé leur rapport auprès du bureau de la corporation
professionnelle concernée.
D'ailleurs, cette suggestion va dans le même sens que le Health
Disciplines Act, chapitre 47, des statuts de l'Ontario, 1974. En effet, cette
loi ontarienne édicte, au paragraphe 4 de l'article 85, que le conseil
exécutif du Health Discipline's Board possède le pouvoir de
suspendre le certificat d'un membre après rapport d'un comité
d'enquête jusqu'à ce que le comité d'enregistrement ait
déterminé d'une façon finale la capacité du membre
d'exercer sa profession.
Si ça peut vous rendre service, on a aussi des copies de
l'article 85 contenu dans cette loi ontarienne en regard des disciplines de la
santé.
Le mécanisme du comité d'évaluation que nous
suggérons a comme qualité l'objectivité des
recommandations, les membres de ce comité, n'occupant aucune fonction au
sein d'une corporation professionnelle et étant nommés par le
lieutenant-gouverneur en conseil. Les modifications suggérées aux
articles 51, 52 et 53 du Code des professions, par le nouveau projet de loi 25
devraient aussi être complétées par l'inclusion d'un
délai de remise des rapports par les médecins
désignés. En effet, bien que l'article 51 a fixé des
délais quant à la désignation des médecins par les
parties concernées, il n'est fait aucune mention d'un délai pour
remettre leur rapport.
Nous croyons qu'un délai d'au plus trois mois devrait être
édicté pour la remise des rapports, ceci incluant l'examen du
professionnel concerné. L'Ordre des infirmiers et infirmières du
Québec est d'opinion qu'un professionnel ne doit pas attendre
indéfiniment le dépôt du rapport des médecins. De
plus, si notre suggestion de la création du comité
d'évaluation devait être retenue, ceci empêcherait une
limitation ou suspension temporaire d'un permis d'exercice pour une
période trop prolongée.
Enfin, qu'il nous soit permis de suggérer que le nouvel article
51d du Code des professions contienne une mention d'exécution provisoire
de la décision du bureau prise en vertu de l'article 51d nonobstant
appel.
En effet, est-il de la protection du public de permettre à un
professionnel radié du tableau ou dont le droit d'exercer a
été limité à certaines activités
professionnelles de pouvoir continuer à exercer sa profession, sans
aucune restriction parce qu'il a interjeté appel devant le Tribunal des
professions.
L'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec est
d'opinion que la protection du public exige que la décision du bureau
d'une corporation professionnelle soit exécutoire, nonobstant appel.
Ceci termine les commentaires que nous tenions à vous communiquer
aujourd'hui, en regard des modifications proposées aux articles 51, 52
et 53 du Code des professions. Nous sommes à votre disposition pour
répondre aux questions que vous pourriez avoir à nous poser quant
à ces articles et à nos recommandations, ainsi qu'à toute
question touchant les quatre autres points énumérés
à notre mémoire du mois de mai 1977, si tel était votre
désir. Merci.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie. M. le
ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais
m'attacher surtout aux propositions de changement qui nous sont faites
concernant les articles 51 et suivants, mais surtout l'article 51 du code.
Si j'ai bien compris, on voudrait qu'une procédure de radiation,
provisoire ou temporaire, existe sous l'empire de l'article 51, plutôt
que sous l'article 128a qui suppose le recours au comité de discipline,
pour toute radiation.
J'avoue que j'ai quelques hésitations devant ces arguments. Au
comité de discipline, si je ne m'abuse, nous avons la présence
d'une personne de l'extérieur, d'un juriste, je crois, qui en est
même le président, si je ne m'abuse. Tandis que sous l'empire de
l'article 51, c'est le bureau de la corporation où ne figure aucune
personne de l'extérieur, si j'ai bien compris, qui prendrait la
décision, où figurent, plutôt, des personnes qui sont
nommées pour en faire partie. C'est juste.
Mais il n'y a pas que cette présence du juriste qui donne au
comité de discipline certaines tenues par rapport aux lois existantes.
Je vous avoue qu'il faudrait m'expliquer pourquoi il vous paraît si
essentiel de procéder par le truchement du bureau plutôt que par
le truchement du comité de discipline.
Je sais que vous allez me dire et vous le dites, je crois
que c'est disciplinaire, que c'est une procédure qui pourrait entacher,
en quelque sorte, la réputation de la personne dont le cas se trouve
à être soumis au comité de discipline.
Mais j'avoue qu'il faudrait en faire la démonstration. Si, par
exemple, une personne tombe malade, d'une maladie grave, qui suppose que sa
capacité d'exercer ses fonctions est entamée, je ne vois pas en
quoi elle peut subir un préjudice du fait que le cas est
présenté au comité de discipline plutôt qu'au
bureau, puisqu'il n'y a rien d'infamant, que je sache, à être
radié provisoirement ou temporairement, pour cause de maladie, par
exemple.
Pourriez-vous m'expliquer pourquoi le mécanisme du comité
de discipline vous paraît si peu apte à remplir les fonctions qui
lui sont dévolues par la loi en ce moment?
Mme Tellier-Cormier: M. le Président, M. le ministre,
c'est que selon nous, au moment de la réforme des lois professionnelles,
le législateur a quand même, à ce moment-là,
prévu des dispositions pour trois circonstances très
différentes.
D'une part, si quelqu'un présente des problèmes à
cause d'une limitation sur le plan de son état physique ou psychique;
ça c'est une situation. La réforme a prévu une autre
situation où on doit évaluer la compétence
professionnelle, ce qui touche le secteur de l'inspection professionnelle. Le
législateur a aussi prévu une autre section où on parle de
la discipline. Dans la discipline, pour nous, c'est une personne qui est
consciente d'une infraction qu'elle commet.
Pour nous, lorsque le législateur a introduit justement cette
différenciation dans les trois situations, lorsque le code a
été adopté, nous étions d'accord avec cette
différenciation. Maintenant, nous voulons aller plus loin dans la
différenciation pour permettre que, si on fait une différence
dans la situation, on puisse avoir des mécanismes propres à
chacune des situations pour bien situer le problème. C'est dans cet
esprit et c'est à l'application des lois actuelles qu'il nous est apparu
que ce serait je ne veux pas dire plus facile, parce que ce n'est pas le
terme, et je ne veux pas dire plus logique, mais c'est presque cela qu'il
faudrait que je dise plus logique, d'une certaine façon, que
chacune des situations puisse avoir les solutions à ses
problèmes. C'est dans cet esprit que nous trouverions qu'un
mécanisme devrait nous permettre, quand c'est dû à un
état physique ou psychique et que nous avons des problèmes au
niveau de la pratique, de ne pas traiter cette personne de la même
façon qu'une autre qui fait une infraction d'une façon consciente
et volontaire.
C'est un des arguments qui a milité pour la tenue de nos propos,
et c'est à essayer de trouver une solution que nous sommes
arrivés aujourd'hui
à vous présenter un tel mécanisme qui peut
peut-être paraître, dans l'esprit d'un législateur, encore
une bureaucratie de plus. Cela peut paraître peut-être comme cela.
Nous sommes quand même face à des situations et, en vertu des
articles 51, 52 et 53, nous avons, jusqu'ici, eu 27 plaintes concernant
uniquement ces articles. C'est à cause de ces plaintes et parce qu'il
faut appliquer quelque chose en regard de ces problèmes, qu'on a,
aujourd'hui, présenté au législateur un mécanisme
qui paraît peut-être alourdir, mais qui, selon nous, faciliterait
la solution et nous permettrait vraiment, dans un temps précis, de faire
en sorte que le public soit protégé.
Je demanderai aussi à Me Prévost d'aller plus loin dans
l'argumentation au niveau du bien fondé de nos propos. Merci, M. le
Président. J'ai terminé.
M. Prévost (André): Avec votre permission, M. le
Président, j'aimerais soumettre que, du point de vue du Code des
professions qui existe actuellement, je prends note de la remarque qu'a faite
M. le ministre, tout à l'heure, concernant le comité de
discipline et l'article 128a.
Or, le comité de discipline prend sa juridiction de l'article 114
du Code des professions qui dit que le comité est saisi de toute plainte
formulée contre un professionnel pour une infraction aux dispositions du
présent code, de la loi constitutant la corporation dont il est membre
ou des règlements adoptés conformément au présent
code ou à ladite loi. C'est un article, c'est une disposition
générale quant à toute infraction qui peut être
posée.
Par la suite, les articles 127 et 128a prévoient les
mécanismes de radiation provisoire. Or, l'article 51, de son
côté, affecte une juridiction spéciale au bureau pour ce
qui concerne les professionnels qui sont dans l'incapacité d'exercer
leur profession dû à un état physique ou psychique
incompatible. Or, l'article 51 est, je le soumets respectueusement, une
disposition particulière dérogeant à la disposition
générale de l'article 114 qui donne le pouvoir au comité
de discipline.
Si on devait appliquer la recommandation de se servir du
mécanisme de radiation provisoire par l'entremise du comité de
discipline, voici la situation dans laquelle on se retrouverait. On aurait,
d'un côté, une ordonnance du bureau pour forcer un professionnel
à se soumettre à un examen médical. Afin d'avoir une
radiation provisoire parce qu'il semblerait que ce professionnel, en
attendant que le rapport des médecins soit déposé, soit
dangereux ou risque de causer des problèmes au public on irait
devant le comité de discipline par l'institution d'une plainte, parce
que la radiation provisoire se fait par requête lorsqu'il y a eu plainte
portée devant le comité de discipline. Vous avez une instance
principale qui est la plainte et vous avez l'instance provisoire qui est la
requête, l'instance incidente, si je peux utiliser ce mot qui vient du
Code de procédure civile.
Or, à supposer que le comité de discipline rendrait une
ordonnance provisoire aux termes de l'article 128a, elle s'appliquerait
immédiatement. Le rapport des trois médecins entre au bureau de
l'ordre. Le bureau de l'ordre décide de radier pour de bon ce
professionnel, mais la décision quant à la radiation provisoire
s'applique toujours, parce que l'article 128a dit que l'ordonnance de radiation
provisoire devient exécutoire dès qu'elle est signifiée
à l'intimé. Elle demeure en vigueur jusqu'à la
signification de la décision finale du comité. Il faudrait, en
plus, aller devant le comité de discipline au mérite pour avoir
les décisions, parce que, tant que le comité de discipline au
mérite ne s'est pas prononcé sur la plainte principale, la
radiation provisoire s'applique. Qu'est-ce qui se passerait si le bureau
décidait après le rapport des trois médecins de ne pas
radier la personne en question? La personne en question demeure radiée
en vertu de l'article 128a parce qu'il n'y a pas de décision finale du
comité de discipline. Nous soumettons qu'il faut différencier le
pouvoir disciplinaire et le pouvoir qui attaque la capacité même
d'une personne de pratiquer sa profession.
Comme le disait Mme la présidente tout à l'heure, vous
avez, d'un côté, le comité de discipline qui va sanctionner
des actes qui peuvent être raisonnés et faits volontairement, et
vous avez, de l'autre côté, une décision du bureau qui va
toucher quelqu'un qui, du côté psychique, ne peut peut-être
pas raisonner et avoir pleine conscience de ses actes.
Si je peux me permettre seulement un dernier commentaire sur les propos
de M. le ministre, à savoir qu'il n'y avait pas de juriste quant au
mécanisme que nous suggérons pour la suspension temporaire, en
fait, on suggère la création d'un comité
d'évaluation qui est directement indépendant, formé de
spécialistes qui sont à même de pouvoir dire, sur
enquête sommaire, si une personne a la capacité de continuer
à exercer sa profession en attendant que le rapport des trois
médecins soit entré. Cet organisme, assurément
indépendant, relève de l'Office des professions et les
recommandations sont transmises au bureau. Alors, on a un organisme qui est
assurément indépendant, qui va évaluer la
possibilité du professionnel de pouvoir continuer à exercer sa
profession.
M. Morin (Sauvé): Est-ce que je peux vous poser une
question? Ce dernier mécanisme que vous venez de décrire, c'est
nouveau? Cela ne se trouve pas, que je sache, dans le mémoire?
Mme Tellier-Cormier: Dans le mémoire, dans nos
commentaires, on vous soumettait qu'on devrait avoir une disposition pour une
radiation ou une suspension provisoire. Dans nos commentaires d'aujourd'hui, on
se permet de vous donner ou de vous suggérer une solution en regard de
cette demande qu'on faisait pour une radiation provisoire ou une suspension
temporaire. On fait seulement ajouter davantage aujourd'hui à ce qu'on
avait déjà en allant plus loin, parce qu'on a travaillé
très fort pour essayer d'arriver aujourd'hui d'une façon
positive, non seulement à vous dire qu'on voudrait ou que ce serait
mieux comme cela, mais en vous suggérant une modalité
d'application. C'est dans un esprit positif qu'on l'a fait, et on a dû
travailler fort pour le trouver.
M. Morin (Sauvé): Oui. Il va falloir que nous prenions le
temps de regarder la chose.
Mme Tellier-Cormier: Si cela peut être utile à la
commission, j'ai aussi apporté une copie complète de la
réglementation en regard des disciplines de la santé de
l'Ontario, d'où nous avons tiré, à l'article 85, si on
veut, le principe, mais en ne l'appliquant pas avec les mêmes instances
tout simplement. Si cela peut aider la commission, on peut le remettre à
M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Vous vous rendez compte que cela
signifie un long mécanisme de consultation des autres professions du
conseil interprofessionnel. Ce n'est pas simple, ce que vous nous proposez.
Mme Tellier-Cormier: Oui. C'est sûr que ce n'est pas
facile. Le problème, on le vit à partir du fait qu'on a dû
essayer de trouver d'autres solutions en regard des plaintes qu'on avait
reçues. C'est évident que peut-être toutes les corporations
professionnelles ne sont pas touchées de la même façon. Je
ne sais pas, sur les 38 corporations, combien ont reçu de plaintes en
regard des articles 51, 52 et 53. Je pense qu'il y a cet aspect aussi.
M. Morin (Sauvé): Vous avez dit tout à l'heure que
vous aviez eu un certain nombre de plaintes?
Mme Tellier-Cormier: Nous avons eu 27 plaintes depuis la mise en
application du Code des professions, uniquement en regard des articles 51, 52
et 53. 27 plaintes.
M. Morin (Sauvé): De quelle nature?
Mme Tellier-Cormier: A l'égard de nos membres. On disait
que leur état physique et psychique était incompatible avec la
pratique de leur profession. De ces 27 plaintes, nous avons fait 12 radiations
qui touchent 10 individus, parce que nous avons dû répéter
des radiations pour des mêmes personnes. C'est justement lors de
l'application du code actuel que nous avons vécu des situations pour
lesquelles nous essayons de trouver des solutions. Ce n'est pas si simple. On
sait que c'est un mécanisme de plus, mais, actuellement, si on applique
le Code des professions en vertu des articles 51, 52 et 53, lorsqu'on
reçoit une plainte, on fait une enquête concernant cette plainte
pour savoir si elle est bien fondée. Ensuite, on présente au
bureau l'ensemble du problème pour qu'il juge s'il doit faire une
ordonnance. Le bureau fait alors une ordonnance et vous avez ensuite le
mécanisme suivant: le membre décide de son médecin, nous,
nous devons décider d'un deuxième médecin et d'un
troisième à l'entente des deux. Ces mécanismes sont
très longs.
Le problème, c'est que, quelques fois, on est mis devant une
situation qui nous fait dire: C'est épouvantable, c'est inconcevable de
penser que ce membre continue de pratiquer. C'est dur pour nous de dire cela,
de porter un jugement aussi ra- pidement. C'est pour cela qu'on voudrait un
mécanisme provisoire qui permette au bureau, sur recommandation de ce
comité, de limiter ou de suspendre provisoirement, mais en s'assurant
d'activer le mécanisme. En vertu de l'article 51, nous demanderions un
délai de trois mois, examens et rapports compris.
Nous avons fait des statistiques, mais on a aussi fait des moyennes.
Quand on demande une ordonnance, entre le temps où on la demande et le
temps où cela se termine, c'est très long. C'est cinq mois et
demi au minimum en moyenne, avant qu'on puisse être devant des
résultats qui nous permettent de prendre une décision. Cela a
même déjà été d'un an et demi. C'est cela le
problème.
Le Président (M. Marcoux): Le député de
Terrebonne.
M. Fallu: Le mécanisme que vous proposez aurait
l'avantage, par conséquent, de réduire de cinq mois et demi
et vous avez une évaluation... Les dix jours, c'est pour donner
une réponse. A partir de l'enclenchement du dépôt de la
plainte jusqu'au rapport...
Mme Tellier-Cormier: Trois mois.
M. Fallu: Trois mois?
Mme Tellier-Cormier: Oui, mais, par contre...
M. Fallu: Mais cela reste quand même provisoire.
Mme Tellier-Cormier: Non. Le mécanisme qui est provisoire,
c'est celui qu'on vous suggère aujourd'hui: sur un examen sommaire doit
faire une recommandation, le bureau va décider de l'ordonnance ou de la
radiation. Le bureau, dans un premier temps, a décidé de
l'ordonnance. Sur recommandation du mécanisme provisoire qu'on introduit
aujourd'hui, le bureau, à ce moment-là pourrait prendre une
décision en regard d'une suspension temporaire ou d'une limitation
temporaire.
M. Fallu: Et ce mécanisme-là durerait combien de
temps? Un mois environ, même moins?
Mme Tellier-Cormier: Nous disons au maximum trois mois, parce
que, dès que l'ordonnance est exigée, le mécanisme pour
les examens médicaux doit se mettre en branle.
M. Fallu: Mais si le comité...
Mme Tellier-Cormier: ... d'évaluation.
M. Fallu: ... d'évaluation que vous proposez, fait de
trois membres qui est à l'office, comme celui-là est
déjà constitué, les délais pourraient être
moins longs.
Mme Tellier-Cormier: On demande au maxi-
mum dix jours. Quand quelqu'un est dangereux pour le public, il l'est
à partir du moment où on sait qu'il est dangereux.
M. Fallu: Entre le dépôt de la plainte chez vous, au
bureau, et l'ordonnance que vous émettriez après enquête de
ces trois personnes de l'office, les délais pourraient être
d'environ un mois.
Mme Tellier-Cormier: Je veux clarifier ceci: Dans un premier
temps, on a le dépôt de la plainte. Nous devons, à ce
moment-là, faire enquête pour savoir s'il y a un
bien-fondé. A partir du moment où on trouve qu'il y a un
bien-fondé à la plainte et que le bureau prend la décision
d'une ordonnance, nous voudrions que le mécanisme qu'on vous
suggère, un comité d'évaluation permanente, ait dix jours
pour nous faire une recommandation. Par la suite, le bureau doit reprendre une
décision en regard de la recommandation du comité permanent.
C'est trois mois au maximum, les examens de médecins compris et les
rapports devant nous.
M. Fallu: Donc, deux temps deux mouvements, si on veut. Moins
d'un mois pour la première partie et moins de trois mois pour la
seconde, la décision finale aura lieu. Avez-vous un peu idée de
ce qui en est dans les autres corporations professionnelles?
Mme Tellier-Cormier: Je sais qu'il y a d'autres corporations,
dont la Corporation des médecins, qui ont des problèmes analogues
aux nôtres en regard des articles 51, 52 et 53.
M. Fallu: Entre autres pour la nomination des
médecins-enquêteurs.
Mme Tellier-Cormier: Au niveau de la nomination des
médecins, nous avons eu la collaboration du Collège des
médecins pour nous fournir des noms. Mais le problème, c'est que
même quand le membre a désigné le sien, son médecin,
et que nous, nous avons désigné le nôtre, et
qu'après, les deux se sont entendus pour le troisième, ils sont
désignés, mais ils n'ont pas encore décidé qu'ils
faisaient l'examen, et après qu'ils ont fait l'examen, le rapport,
ça ne veut pas dire qu'il arrive la semaine suivante. On en attend
longtemps. C'est ça, le problème, aussi.
M. Fallu: D'accord. Je vous remercie.
Mme Tellier-Cormier: Oui, mais j'ai une autre réponse
à vous donner, M. le député...
M. Fallu: Je les prends.
Mme Tellier-Cormier: ... si M. le Président me le permet.
C'est ce que je voudrais clarifier. Le mécanisme qu'on propose, nous, on
dit qu'il pourrait relever administrativement de l'Office des professions, mais
on ne dit pas nécessairement que c'est un comité à
l'office. Je pense que... En tout cas, pour moi, il y a une nuance. M.
Desgagnés me regarde avec... Pour moi, il y a une nuance. C'est qu'il en
relèverait administrativement, mais ça ne veut pas dire que c'est
un comité de l'office.
M. Fallu: Mais pourquoi pas, à la limite, un comité
de l'office qui soit permanent pour l'ensemble des corporations
professionnelles, une fois parti?
Mme Tellier-Cormier: Si on veut, oui, mais, à ce
moment-là, il y aurait un médecin et un psychologue qui peuvent
être permanents, mais, au niveau du troisième, c'est un membre de
la corporation concernée...
M. Fallu: Oui.
Mme Tellier-Cormier: ... parce que, si on veut avoir une
indication de la façon de limiter, ça prend quelqu'un qui
connaît la profession, car, même si je fais une suposition, une
hypothèse, disons que je serais dans un comité comme ça et
que je jugerais un ingénieur ou un architecte, moi, je ne suis pas
capable de savoir ce qu'est la limite de sa profession. C'est dans ce sens
qu'on a introduit l'élément d'un membre de la profession
concernée, parce qu'il connaît ce qui se fait dans sa profession,
d'une part; on a mis un médecin, parce qu'il doit évaluer
l'état physique, sommairement et globalement, et un psychologue, parce
qu'on dit, à l'article 51: Si c'est l'état physique ou psychique,
le psychologue ne diagnostiquera pas la maladie, mais il est capable de
réaliser s'il y a des problèmes qui vous empêchent de
fonctionner.
M. Prévost, si M. le Président le permet...
M. Prévost: En fait, j'aurais simplement voulu
résumer en deux minutes, parce qu'on vous présente naturellement
quelque chose de nouveau au point de vue du mécanisme, comme disait le
ministre tout à l'heure, et je le réalise vraiment.
En fait, ce qu'on suggère, ce sont deux points principaux. Le
premier, c'est de limiter le temps pour les trois médecins
désignés pour remettre leur rapport, le limiter à trois
mois. C'est-à-dire qu'il y a les délais que vous avez inclus dans
le projet de loi no 25, qui concernent la nomination de l'un et de l'autre et
qui sont de 20 jours, mais leur travail devra être exécuté
dans un délai de trois mois, ceci incluant l'examen du professionnel
concerné.
La deuxième modification qu'on suggère, c'est que, dans
cet intervalle de trois mois, si la personne est vraiment incapable de
travailler pour des causes physiques ou psychiques, on voudrait qu'on puisse la
suspendre temporairement. Alors, à partir du moment où
l'ordonnance d'examen est rendue pour les trois médecins qui vont rendre
leur rapport dans trois mois, immédiatement, le comité
d'évaluation serait saisi de l'affaire pour déterminer, dans les
dix jours francs, sur enquête sommaire, si la personne, le professionnel
concerné, en attendant la période de trois mois, le
dépôt des rapports des médecins, est capable de continuer
d'exercer.
Donc, cette limitation provisoire ou la suspension provisoire durerait,
de cette façon, trois mois au maximum, ce qui est le temps de remise des
rapports des médecins. De cette façon, on croit que la protection
du public serait assurée, puisque cela prévoirait quand
même qu'un professionnel qui est incapable d'exercer sa profession, pour
cause physique ou psychique, serait suspendu le temps que les médecins
l'aient vraiment établi. Si les médecins établissent
finalement que cette personne est parfaitement normale, c'est parfait, elle va
continuer à travailler.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, est-ce que je
pourrais vous poser une question dans la perspective où nous
étudierions la proposition que vous faites et où nous reverrions,
en somme, de façon tout à fait fondamentale, les
mécanismes qui sont prévus dans la loi? Vaut-il la peine,
à votre avis, d'adopter les articles 51 et 51a à 51e qui se
trouvent dans l'actuel projet de loi.
Mme Tellier-Cormier: Oui, certainement.
M. Morin (Sauvé): Vous pensez que cela améliorerait
tout de même la situation?
Mme Tellier-Cormier: Oui, cela l'améliorerait, mais...
M. Morin (Sauvé): C'est ce que nous pensions aussi, mais
je voulais m'en assurer auprès de vous.
Mme Tellier-Cormier: Nous aussi, nous partageons, M. le ministre,
cette assurance du fait que, déjà, le projet de loi 25
améliore en regard de ce qui existe déjà. Si, en
éducation, il est très important et très
intéressant, avant d'aller de l'avant avec un projet qui s'instaure
à la grandeur, qu'il y ait des projets pilotes. Est-ce qu'on ne pourrait
pas à ce moment-ci, s'il était de la volonté du ministre,
que l'Ordre des infirmières puisse, selon votre bon vouloir, aller de
l'avant avec un mécanisme comme cela, en termes de projets pilotes?
M. Morin (Sauvé): Là, je ne veux prendre aucun
engagement parce que cela demande beaucoup de réflexion, même pour
un projet pilote. Nous nous engagerions dans une voie relativement nouvelle,
par rapport aux mécanismes existants. Nous n'y sommes pas fermés,
je trouve cela intéressant et je pense que le président de
l'office, M. Desgagné, partage aussi mon intérêt pour ce
que vous proposez. Mais il va falloir l'étudier avec attention, il va
falloir consulter, j'imagine, les autres professions, comme je l'indiquais,
tout à l'heure, et, éventuellement aussi en parler au Conseil
interprofessionnel qui a des prérogatives et qui en est jaloux, comme
vous le savez. Je pense que vous êtes bien placée pour le savoir.
C'est pourquoi je vous posais la question à savoir si nous
procédons en attendant.
Mme Tellier-Cormier: M. le ministre, si vous voulez aller de
l'avant et procéder en attendant avec déjà ce qui est, ne
pourriez-vous pas y inclure la nécessité, en dedans de trois
mois, le trois mois, l'examen de médecin compris, parce qu'on a, entre
autres, un cas qui traîne depuis un an et demi. C'est presque
inconcevable.
M. Morin (Sauvé): Comment ces délais
s'accumulent-ils? Par la mauvaise volonté de la partie visée ou
des médecins...?
Mme Tellier-Cormier: Je ne veux pas porter de jugement sur
d'autres professionnels parce que ce n'est pas dans ma philosophie, d'une part,
mais d'autre part, c'est évident que l'examen peut se faire et on peut
recevoir parfois, après je ne sais combien d'appels et de lettres aux
professionnels concernés pour recevoir leur rapport. Parfois on attend
des mois après ce rapport. Il faut avoir le rapport des trois et vous
allez admettre avec moi que, si le premier a fait l'examen un an avant celui
qui fait le dernier, qu'est-ce que ça vaut dans le fond? Alors, ce sont
des problèmes...
M. Morin (Sauvé): Je suis bien prêt à vous
donner raison là-dessus, parce que la condition d'une personne peut
changer du tout au tout en quelques mois, sinon en quelques semaines,
voiren'est-ce pas docteur en quelques jours. On voit ça
dans la politique aussi.
Mme Tellier-Cormier: II y a des revirements, oui!
M. Morin (Sauvé): Mais, je voudrais vous demander quelles
seraient les conséquences si nous incluions un délai de trois
mois dans un de ces articles nouveaux. Quelle serait la conséquence du
non-respect de ce délai de trois mois?
Mme Tellier-Cormier: Si c'est dans le Code des professions, et
si, dans le Code de déontologie du professionnel concerné, il
doit s'y soumettre, il devra passer en discipline au niveau de sa propre
corporation, selon moi. Vous m'avez posé une question très
rapide, je n'y ai pas pensé avant, mais je fais ma logique avec ce qui
est là-dedans pour arriver à cette réponse.
Peut-être allez-vous me dire que je ne suis pas logique, je ne sais
pas.
M. Morin (Sauvé): C'est-à-dire qu'on peut
s'interroger à savoir si ce serait une faute professionnelle que de ne
pas respecter un délai qui serait prévu dans le Code des
professions dans ce cas-là? Parfois il y a de la négligence
à poser des actes qui doivent être posés, mais là,
c'est beaucoup plus subtil. On parle d'un examen médical requis par le
bureau; si un professionnel, surchargé de travail, n'y arrive pas dans
les trois mois, je ne sais pas si on peut parler de faute professionnelle? On
peut se poser la question. Je pense que ça ne vous amènerait
peut-être pas loin devant les comités de discipline, de sorte que
je me demande si vous ne pouvez pas songer à quelque chose d'autre,
à faire appel à votre imagination pour tenter de trouver une
sanction qui soit plus efficace que celle-là, ou alors le délai
de trois mois n'aurait pas
de signification. Vous avez un juriste, à votre droite, qui,
peut-être...
M. Prévost: Non, pas encore juriste; avocat pour le
moment. L'expérience m'amènera peut-être au titre de
juriste,
M. Morin (Sauvé): Mais je croyais qu'on faisait des
études de juriste avant de devenir avocat.
M. Prévost: D'accord, mais je prenais le mot juriste
signifiant celui qui est même capable de la modifier et d'aller beaucoup
plus loin que la simple pratique.
M. le ministre, en fait, si vous me donniez samedi et dimanche pour
faire des suggestions, lundi je pourrais vous en communiquer. Il faudrait y
penser naturellement parce que vous soulevez un point auquel on n'avait pas
pensé et qui vaut vraiment la peine d'être étudié.
Je suis complètement d'accord avec vous.
Il y aurait un autre point que j'aimerais ajouter, M. le ministre. Bien
qu'on soit parfaitement d'accord avec la nouvelle législation à
51 et 51a à e), à part la modification des trois mois qui pour
nous est importante, il y aurait aussi la modification de l'exécution
provisoire, nonobstant appel au tribunal des professions de la décision.
On a des cas où on a décidé, au bureau, de radier un
professionnel parce qu'il n'était pas capable d'exercer sa profession.
Or, avec les mécanismes actuels et si on n'a pas l'exécution
provisoire, nonobstant appel, le professionnel concerné interjette appel
au tribunal des professions et il continue de pratiquer pendant tout ce
temps-là. Avant que la Cour provinciale, en fait, qui est le tribunal
des professions, n'entende la cause, parce qu'on produit des mémoires,
et rende une décision, il s'écoule encore là presque un
an. Il y a des cas où cela a déjà pris un an et demi avant
d'avoir une décision du bureau, parce que les rapports tardaient. Il a
fallu une autre année à cet an et demi avant que le tribunal des
professions ne se prononce, donc cela a pris seulement deux ans et demi ou
trois ans. Pendant tout ce temps-là, le professionnel continuait de
pratiquer.
M. Morin (Sauvé): II n'en reste pas moins qu'on a
prévu la difficulté à l'article 162 qui dit que l'appel
suspend l'exécution de la décision du comité de
discipline, à moins que le tribunal n'en ordonne l'exécution
provisoire. Il y a là une possibilité d'obtenir du
tribunal...
M. Prévost: II faut, à ce moment-là, aller
devant le tribunal, obtenir sur requête l'exécution provisoire en
vertu du Code de procédure civile, je le présume. Mais nous
croyons qu'il serait plus facile d'inscrire l'exécution provisoire et la
possibilité d'une requête pour ne pas qu'il y en ait. Il ne faut
pas oublier qu'on a eu les rapports de trois médecins qui sont d'opinion
qu'un professionnel devrait être radié parce qu'il n'est plus
capable d'exercer sa profession. Nous croyons qu'il serait plus logique que ce
soit le professionnel, qui va en appel de cette décision, qui demande la
suspension de l'exécution.
Mme Tellier-Cormier: Je pense qu'il y a aussi un
élément très important, M. le ministre, c'est une
décision du bureau. C'est la décision du bureau, suite à
51, 52 et 53, et non la décision du comité de discipline. Alors,
est-ce que 162 s'applique? On dit ici: L'appel suspend l'exécution de la
décision du comité de discipline. Et c'est la décision du
bureau de radier le professionnel, en vertu de 51, 52, 53.
M. Morin (Sauvé): Techniquement, je pense que, sur ce
point, on peut vous donner raison. Pour ne pas faire durer indûment les
débats, je pense que nous voyons tous en gros comment les choses se
dessinent, je vous proposerais d'y réfléchir cette fin de
semaine, que vous rencontriez, peut-être, le président de l'Office
des professions lundi pour que nous puissions nous faire une idée assez
rapidement, à savoir si nous pourrions ajouter quelque chose aux
articles 51 et 51a et suivants dans le sens que vous indiquez. Mais je voudrais
vous dire tout de suite que nous allons procéder avec beaucoup de
prudence.
Mme Tellier-Cormier: Oui, on est d'accord, parce que nous aussi
nous nous rendons compte... La raison d'intervenir avec un nouveau
mécanisme, c'est que c'est un mécanisme qui est objectif. On voit
justement la prudence qu'on y a mis pour ne pas faire porter l'odieux de la
décision d'une suspension provisoire par le bureau. C'était
l'objectif de ce mécanisme.
M. Morin (Sauvé): Merci, madame.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
D'Arcy McGee.
M. Goldbloom: M. le Président, je devrais, selon vos
directives, poser des questions et je voudrais trouver un moyen de le faire en
appuyant assez fortement cette intéressante proposition de l'Ordre des
infirmières et infirmiers.
Ce dont l'Ordre des infirmières et infirmiers parle me
ramène aux années où je siégeais comme gouverneur
du Collège des médecins et chirurgiens, comme l'ordre
professionnel s'appelait à l'époque, tout comme notre
collègue de Richelieu, jusqu'à tout récemment, au sein de
sa profession.
Pour revenir à la toute première question posée par
le ministre, pourquoi les mécanismes du comité de discipline ne
suffiraient pas, je pense que c'est justement parce que les problèmes
qui se présentent ne sont pas nécessairement d'ordre
disciplinaire. Je parlerai des médecins, parce que c'est non seulement
plus facile mais plus courtois que je le fasse. S'il s'agit d'un médecin
qui est atteint d'alcoolisme ou de narcomanie, ou qui pratique de la chirurgie
injustifiée, le conseil de discipline est là pour intervenir et
doit intervenir. Mais s'il s'agit, par exemple, d'un médecin qui prend
de
l'âge et qui, tout simplement, ne voit pas bien, et qu'il est trop
orgueilleux pour admettre qu'il ne voit pas bien, qu'il donne des injections et
qu'il ne voit pas parfaitement sur la seringue si c'est la bonne dose ou
non...
M. Morin (Sauvé): Et s'il reste de l'air aussi.
M. Goldbloom:... si, par exemple, il s'agit d'un médecin
dont le comportement semble étrange à certaines personnes qui
portent des plaintes auprès de la corporation professionnelle; s'il
s'agit, par exemple, d'un médecin qui fait de petites crises qui peuvent
être des crises convulsives et qu'il ne veut pas se l'admettre, et qu'il
ne veut pas se faire soigner, il faut qu'il y ait un mécanisme pour
intervenir quand on reçoit des plaintes. Ces plaintes peuvent être
d'une nature qui exigerait une intervention quelconque, mais qui ne
justifierait pas qu'une action soit intentée sur le plan
disciplinaire.
C'est là où je trouve la grande sagesse de ce que nous
présente comme suggestion constructive l'Ordre des infirmières et
infirmiers. Même si l'inertie n'est pas l'apanage exclusif de ma
profession, et que je ne voudrais pas, loin de là,
généraliser à l'égard de tous mes confrères
je vous avoue que j'ai pu être coupable moi-même, dans le
passé, quand j'exerçais à temps complet, de certains
retards dans la remise de rapports...
M. Morin (Sauvé): Ce n'est pas possible!
M. Goldbloom: Oui, c'est possible, justement.
M. Morin (Sauvé): Je refuse de le croire, M. le
Président.
M. Goldbloom: Je suis abasourdi devant cette courtoisie
soudaine.
M. le Président, il me semble justement que l'on doit être
en mesure d'agir rapidement. Je trouve que la proposition est pour le moins
raisonnable, quant au délai à imposer. Je crois que, quand il
s'agit de la protection du publicparce que c'est de cela qu'il s'agit, il
s'agit de protéger le public contre un professionnel de la santé
qui agit mal, peut-être pas d'une façon que nous pourrions appeler
criminelle, mais qui agit quand même d'une façon qui diminue la
qualité des soins prodigués, et qui possiblement met en danger la
vie ou la santé des malades il me semble qu'il est raisonnable de
demander à ces professionnels, qui assument la responsabilité
d'évaluer ces problèmes au nom du bien commun, de remettre leur
rapport à l'intérieur de délais raisonnables, mais
précis, et d'appliquer au non-respect de ces délais, des mesures
disciplinaires à l'intérieur de la profession.
Je voudrais souligner à l'attention du ministre qu'il y a un
parallélisme entre les mécanismes juridiques devant les tribunaux
et les mécanismes disciplinaires à l'intérieur des
professions. Les uns peuvent être appliqués sans les autres et
vice versa, et ils peuvent aller en parallèle. Les médecins qui
sont jugés coupables par les tribunaux d'un acte illégal sont en
outre traduits devant le conseil de discipline de la profession. Il me semble
que tout cela est très raisonnable.
En terminant, j'apprécie aussi le mécanisme
général d'un comité permanent dont deux membres permanents
et un troisième représenterait la profession concernée; je
trouve cela extrêmement valable comme suggestion. Je voudrais encourager
le ministre, surtout quand il aura reçu les réflexions
additionnelles de l'Ordre des infirmières et infirmiers, dans sa
considération de ce qui me paraît une suggestion hautement
intéressante.
Le Président (M. Marcoux): M. le député de
Gaspé.
M. Le Moignan: Non, monsieur, je n'ai aucun commentaire; je suis
entièrement d'accord avec les commentaires du député de
D'Arcy McGee et les autres commentaires exprimés. Je suis d'accord
surtout avec les revendications de l'Ordre des infirmiers et
infirmières.
Le Président (M. Marcoux): Mme la présidente.
Mme Tellier-Cormier: Oui, M. le Président, c'est la raison
pour laquelle au début, on a parlé au niveau de la terminologie.
On voudrait, dans le fond, si toutefois les mécanismes étaient
retenus éventuellement, qu'on ne parle plus de radiation provisoire en
vertu de 51 et 52, mais qu'on parle de suspension temporaire, pour
séparer, d'une façon précise, les trois problèmes
ou les trois situations, soit les problèmes de santé, de
discipline et de compétence, c'est-à-dire l'inspection
professionnelle. C'est dans cet esprit, au début, que j'ai
clarifié ma pensée. J'aimerais, si toutefois cela était
repris, qu'on parle de suspension temporaire pour qu'on clarifie les choses et
qu'on parle de limitation provisoire aussi.
Le Président (M. Marcoux): Je vous remercie au nom de tous
les membres de la commission de la présentation de votre mémoire.
J'ai pu constater une fois de plus que vous aviez beaucoup d'expérience
dans la présentation de mémoires aux membres de
l'Assemblée nationale. Nous avons complété l'étude
des mémoires que nous devions entendre. Je crois que je puis affirmer
que la commission des corporations professionnelles a terminé ses
travaux, a complété la mandat qui lui avait été
confié par l'Assemblée nationale. J'inviterais le rapporteur, le
député d'Abitibi-Est à faire rapport... Oui?
M. Le Moignan: Nous ne devions pas rencontrer pendant une dizaine
de minutes...
Le Président (M. Marcoux): J'ai cru remarquer, sauf
erreur, qu'il y avait eu un départ. Je ne crois pas que l'Ordre des
pharmaciens du Québec soit présent dans la salle. Je crois qu'il
a quitté la salle. L'Ordre des pharmaciens ayant quitté les lieux
je vous remercie je dois constater que nous avons terminé
nos travaux et demander au rapporteur, le député d'Abitibi-Est,
de faire rapport à l'Assemblée nationale le plus tôt
possible.
Mme Tellier-Cormier: Merci, M. le Président; merci, M. le
ministre.
Le Président (M. Marcoux): La commission des Corporations
professionnelles ajourne ses travaux sine die.
(Fin de la séance à 17 h 59)