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(Dix heures treize minutes)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre,
messieurs!
La commission permanente des corporations professionnelles se
réunit aujourd'hui pour entendre certains organismes relativement
à l'avis émis le 5 juin 1980 par l'Office des professions
à l'intérieur duquel se trouve le problème de
qualification des actes exclusifs.
Les membres de cette commission sont les suivants: M. Blank
(Saint-Louis), M. Gravel (Limoilou) à la place de M. de Bellefeuille
(Deux-Montagnes), M. Paquette (Rosemont), M. Fontaine (Nicolet-Yamaska), M.
Michaud (Laprairie), M. Laurin (Bourget), M. Bertrand (Vanier), M. O'Gallagher
(Robert Baldwin), M. O'Neill (Chauveau).
Les intervenants sont M. Beauséjour (Iberville), M. Bordeleau
(Abitibi-Est), M. Cordeau (Saint-Hyacinthe), M. Lalonde (Marguerite-Bourgeoys),
M. Lefebvre (Viau), M. Mercier (Berthier), M. Rivest (Jean-Talon).
Il y aurait maintenant lieu de désigner un rapporteur. Y a-t-il
une suggestion? Oui, M. le député de Laprairie.
M. Michaud: M. le député de Vanier, M.
Bertrand.
Le Président (M. Desbiens): Alors, le rapporteur sera donc
le député de Vanier.
M. Bertrand: Moi, j'aurais bien aimé le
député de Limoilou.
Une voix: Non, on n'accepte pas. M. Bertrand: II
écrit mieux que moi.
Le Président (M. Desbiens): La liste des intervenants qui
soumettront des mémoires est la suivante: l'Ordre des comptables
agréés du Québec, la Corporation professionnelle des
comptables généraux licenciés du Québec, la
Corporation professionnelle des comptables en administration industrielle du
Québec, le Syndicat des comptables généraux
licenciés de la pratique privée, la Corporation professionnelle
des administrateurs agréés du Québec.
Habituellement, le temps d'audition pour ce genre de commission est de
20 minutes pour la lecture du mémoire ou d'un résumé du
mémoire. Le temps total alloué à chaque intervenant est
d'environ une heure, ce qui laisse une quarantaine de minutes pour les
questions, soit de la part des membres de la commission.
J'inviterais l'Ordre des comptables agréés du
Québec à se présenter, s'il vous plaît.
M. Laurin: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): Peut-être qu'avant, on
va passer aux interventions générales.
M. le ministre, à vous la parole.
Remarques préliminaires M. Camille
Laurin
M. Laurin: M. le Président, depuis plusieurs
années, les comptables généraux licenciés et les
comptables en administration industrielle du Québec font entendre leurs
revendications quant à l'exercice de la comptabilité publique. En
juin 1980, l'Office des professions soumettait un avis proposant de rendre
exclusive uniquement la vérification, c'est-à-dire une partie de
la comptabilité publique. De plus, l'office suggérait la
création d'un bureau devant émettre des permis de
vérificateur aux comptables agréés, aux comptables
généraux licenciés et aux comptables en administration
industrielle, permis qui répondraient à certaines normes.
Le but de la commission, aujourd'hui, est d'analyser la position des
différentes parties concernant l'avis de l'office et, évidemment,
le fond du problème. Quel est le fond du problème? Il
m'apparaît y avoir trois questions en jeu. La première, c'est:
Est-ce qu'il faut considérer comme exclusive toute la pratique de la
comptabilité publique ou uniquement cette partie de la
comptabilité publique qu'on appelle la vérification externe?
Selon la réponse qu'on donnera à cette question... Si elle est
positive, par exemple, si on considère exclusive uniquement la
vérification externe, est-ce qu'il est opportun de suivre l'exemple de
certaines autres provinces et de mettre en place un permis qui donnerait
accès à l'exercice de ce champ exclusif? Et, est-ce que les
différentes variétés de comptables:
comptables agréés, comptables licenciés, comptables
en administration industrielle, pourraient avoir accès à ce
permis qui leur permettrait d'exercer la vérification publique, bien
entendu selon les normes établies par ce bureau et conformément
aux conditions d'obtention de ce permis, ayant toujours en vue que le but
principal serait la protection du public, qui est l'objectif suprême que
nous poursuivons à cet égard?
Troisième question: à supposer que nous en arrivions
à cette conclusion, est-ce que la formation des comptables appartenant
à diverses corporations répond actuellement ou pourrait
répondre aux exigences de protection du public, qui serait la
première condition d'accès à ce permis? Je sais que je
résume à grands traits les milliers et milliers de pages qui ont
été écrites sur le sujet depuis 1972 où le
débat a commencé dans le public et même depuis plus
longtemps, depuis 1946, date de la première loi des comptables
agréés. Je pense que ces trois questions recoupent la plupart des
sujets qui ont été débattus soit dans des débats
législatifs antérieurs ou dans des commissions parlementaires
antérieures. Je pense que c'est sous cet angle que nous pourrons
entendre avec le plus de profit les mémoires qui nous seront
présentés ce matin. Le but de cette commission est
d'éclairer encore davantage notre lanterne avant que des
décisions soient prises, afin qu'il soit bien clair que tous les points
de vue ont été entendus, que tous les éclairages ont
été donnés afin que la décision réponde aux
normes de l'intérêt public et soit la meilleure, la plus
adéquate dans les circonstances.
Le Président (M. Desbiens): M.
O'Gallagher, pour les remarques générales.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Nous sommes
heureux que le gouvernement ait convoqué ce forum. Nous espérons
que la discussion soit franche et ouverte et qu'elle permette de
résoudre le problème de la pratique professionnelle dans le
domaine des sciences comptables. À première vue, il nous semble
que le gouvernement aurait dû réviser la notion de titre
réservé avant même de s'attaquer à la notion
d'exercice exclusif. Ainsi, le contrôle des seuls titres professionnels
est-il un moyen efficace de protéger le public. Il y a eu un colloque
sur ce sujet en juin 1980. Quelles sont les suites que le gouvernement et
l'Office des professions vont donner à ce colloque. Ceci nous semble
d'autant plus important que nous sommes, dans le cas des sciences comptables,
aux prises avec cette clarification. Selon nous, en matière de
comptabilité, il existe deux types d'activités, soit la
comptabilité de gestion et la comptabilité publique qui inclut en
outre la vérification. Nous sommes également d'avis que
l'exercice professionnel de la comptabilité publique doit être
contrôlé et faire l'objet d'un champ de pratique exclusive.
Déjà, l'Opposition libérale peut affirmer que, peu
importe la solution retenue, deux principes vont guider sa prise de position.
Premièrement, le maximum de protection du public devrait être
garanti par la solution retenue. Ce n'est pas en diminuant la protection que
l'on va régler un problème. Deuxièmement, les normes de
qualification à l'exercice de la comptabilité publique devront
demeurer au moins aussi rigoureuses qu'elles le sont à l'heure actuelle.
Ce n'est pas en abaissant les normes que l'on va garantir une qualité
professionnelle dans l'exercice de la comptabilité publique.
L'Opposition libérale a également un second objectif en
participant à cette commission. Nous espérons voir régner
l'harmonie entre les divers intervenants dans le domaine de la
comptabilité au Québec. C'est avec beaucoup d'ouverture d'esprit
que nous entendons discuter avec chacun des intervenants. Nous n'avons aucune
position préétablie. C'est de la discussion que nous aurons
ensemble que naîtra notre attitude ultérieure.
Enfin, nous espérons que ce forum aboutisse à une solution
réaliste la moins talonnée possible et surtout une solution qui
soit durable. Merci, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Serge Fontaine
M. Fontaine: Seulement quelques mots, M. le Président,
parce que je pense que le ministre a très bien exposé la
problématique au début de son intervention et je ne veux pas
répéter puisque cela fait déjà plus de trois ans et
demi, quatre ans qu'on attend la solution de ce problème. Je pense qu'on
ne devrait pas la retarder encore davantage. Cependant, je voudrais dire que
depuis déjà un an presque, depuis juin 1980, alors que l'avis de
l'Office des professions était déposé à
l'Assemblée nationale, j'ai, à quelques reprises, fait des
interventions auprès du ministre, de façon publique, pour que
cette commission parlementaire soit convoquée. Je pense que je peux
dire, sans fausse modestie, ce matin, que c'est un peu grâce à moi
que les participants sont ici, ce matin, pour donner leur opinion.
M. Lalonde: Ah oui! c'est grâce à l'Union
Nationale!
M. Fontaine: Oui, l'Union Nationale, qui n'a pas peur de se
prononcer sur des dossiers
concrets et qui demande des solutions au gouvernement. C'est pour cela
que, ce matin, nous disons au ministre que nous sommes tout à fait
ouverts à toutes les suggestions qui seront faites par les professions
comptables.
Nous voudrions seulement qu'en respectant tous les principes qui ont
été exposés par les deux intervenants qui m'ont
précédé, une solution enfin soit adoptée de
façon définitive et nous voudrions qu'à la fin de cette
commission parlementaire, le ministre responsable de l'Office des professions
nous dise clairement quelle est la solution qu'il veut envisager et dans quel
délai elle va être appliquée de façon
concrète.
Alors, je suis bien ouvert, comme tous les autres parlementaires ici,
à toutes les suggestions qui pourront être faites par les
représentants des professions concernées.
Le Président (M. Desbiens): Merci. Comme il n'y a pas
d'autre intervenant pour les remarques générales, je demanderais
donc maintenant à l'Ordre des comptables agréés du
Québec de s'approcher de la table.
Je souhaite la bienvenue aux représentants de l'Ordre des
comptables agréés du Québec. Je rappelle les règles
qui doivent nous guider dans l'ensemble, c'est-à-dire 20 minutes
d'intervention pour la présentation du mémoire ou d'un
résumé, suivies d'une période de questions d'une
possibilité d'environ 40 minutes.
Je vous demanderais, pour débuter, M. le président,
même si on voit le nom de chacun, pour les fins du journal des
Débats, de présenter les membres qui vous accompagnent, M.
Duff.
Mémoires Ordre des comptables
agréés du Québec
M. Duff (J. Alistair): Merci, M. le Président. M. le
ministre, MM. les membres de la commission, au nom de l'Ordre des comptables
agréés du Québec, je voudrais vous remercier de nous avoir
invités à comparaître devant la commission et de nous avoir
donné l'occasion de vous expliquer notre position sur l'organistion des
professions comptables. Mais je voudrais soulever, M. le Président, une
question de procédure au début, s'il vous plaît.
Nous sommes très heureux d'être la première
corporation à se présenter devant la commission, mais, vu que
l'avis de l'office suggère l'abolition de notre champ exclusif et que
c'est quelque chose de très grave pour nous, est-ce possible d'avoir
quelques minutes à la fin de la séance afin de répondre
aux affirmations qui peuvent être faites pendant la journée?
Le Président (M. Desbiens):
Habituellement, je crois, il est assez difficile, à
l'intérieur des limites de temps qui nous sont fixées, de pouvoir
utiliser une telle procédure.
Cependant, j'imagine que, si on en arrivait à ce point-là,
chacun des intervenants pourrait exiger aussi le droit de réplique et
cela nous entraînerait peut-être dans une série
d'interventions qui dépasseraient le temps alloué pour la tenue
de cette commission.
Toutefois, j'entendrai les députés, s'il y a des
interventions ici à la table. M. le député de Robert
Baldwin.
M. O'Gallagher: M. le Président, je n'y aurais pas
d'objection, s'il y avait des contraintes de temps; peut-être pourrait-on
limiter la réplique de chacun des intervenants à cinq minutes,
quelque chose comme cela. Ce serait peut-être adéquat.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Vanier. (10 h 30)
M. Bertrand: M. le Président, je comprends très
bien que le président, M. Duff, demande une telle chose, mais il
faudrait comprendre ceci. C'est que cinq organismes ont demandé à
être entendus, qui ont tous des points de vue à faire valoir et
qui seraient probablement tous intéressés à reprendre
quelques commentaires pour faire allusion à certains des mémoires
qui auraient été présentés.
Je crois que c'est le rôle des parlementaires, à cette
commission, à la lumière des exposés que vous ferez, de
poser toutes les questions qui doivent normalement s'adresser à chacun
des groupes. Si les membres de la commission avaient le sentiment, après
qu'on aura entendu les cinq groupes, qu'ils ont besoin d'éclairage
additionnel ou voulaient susciter des questions auprès d'organismes qui
seraient déjà venus témoigner pour clarifier certaines
choses, je pense bien qu'à ce moment-là on se sentirait
peut-être plus facilement en position pour le faire. Mais, pour
l'instant, M. le Président, je proposerais plutôt qu'on commence
par entendre les cinq groupes et, par la suite, selon le désir que
pourront exprimer les parlementaires par rapport à ce qu'on aura
entendu, on pourra peut-être voir ce qu'il y a lieu de faire.
Le Président (M. Desbiens): Pas d'autres interventions sur
le sujet? Je ne vous accorderai pas ce droit immédiatement. On verra
peut-être à la fin la période de temps dont on pourra
disposer possiblement. Si vous voulez procéder maintenant en
présentant les membres qui vous accompagnent.
M. Duff: Merci, M. le Président. Avant
la lecture de notre mémoire, je voudrais vous présenter
les membres de notre délégation qui ont préparé
notre mémoire et qui tenteront de répondre à vos
questions. Je m'appelle Alistair Duff et je suis le président de
l'ordre. À ma droite, M. André Desrochers, c.a., directeur
administratif de l'ordre; M. Paul Noiseux, c.a., vice-président de
l'ordre; M. Gilles Chevalier, c.a., membre du bureau et président du
comité de l'examen de l'ordre; à ma gauche, M. Roland Truchon,
membre du comité administratif de l'ordre; M. Jérôme
Carrière, c.a., ancien président de l'ordre, et M. Jacques
Leblanc, c.a., vice-président du comité des comptables
agréés du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et de la
Côte-Nord. Et derrière nous, les autres membres de notre
délégation: M. David Weinstein, c.a., trésorier et membre
du comité administratif de l'ordre; M. Paul-Émile Mallette,
ancien président de l'ordre; M. Raymond Morcel, ancien président
de l'ordre; M. Charles Pelletier, ancien président de l'ordre et M. Luc
Touchette, président de l'Association des étudiants comptables
agréés du Québec.
M. le Président, si vous voulez bien me le permettre, je
demanderai à M. Truchon de présenter notre mémoire.
Le Président (M. Desbiens): Parfait, monsieur. M.
Truchon.
M. Truchon (Roland): M. le Président, MM. les membres de
la commission, l'Ordre des comptables agréés du Québec a
été constitué en 1880 par une loi de la Législature
du Québec. Centenaire cette année, il est le doyen des ordres de
comptables professionnels d'Amérique du Nord et le troisième en
ancienneté dans le monde. Depuis 1946, par la volonté du
législateur, ses membres jouissent de l'exclusivité de l'exercice
de la comptabilité publique au Québec, sous réserve de
certaines exceptions. Chacun des quelque 8000 membres actuels de l'ordre est
habilité à exercer la comptabilité publique. Environ la
moitié exercent effectivement en cabinet privé; l'autre
moitié se compose de membres occupant des postes de haute direction ou
de gestion comptable et financière dans l'entreprise privée et la
fonction publique ou oeuvrant dans l'enseignement.
La Corporation professionnelle des comptables généraux
licenciés du Québec a été fondée en 1946.
Ses membres avaient été constitués en association en 1913
en vertu d'une loi du Canada. Corporation à titre réservé,
elle comprend environ 2500 membres, qui oeuvrent pour la plupart dans le champ
de la comptabilité de gestion. Cette activité professionnelle ne
faisant pas l'objet d'un champ de pratique exclusif, un grand nombre de
personnes de formation et de désignation diverses y oeuvrent aux
côtés des comptables agréés (CA), des comptables
généraux licenciés (CGA) et des comptables en
administration industrielle (RIA).
Les CGA acceptent mal le partage des compétences effectué
par la législation de 1946. À l'occasion de l'étude des
projets de loi 250 (Code des professions) et 264 (Loi sur les comptables
agréés) par la commission spéciale de l'Assemblée
nationale sur les professions en 1972 et en 1973, les CGA ont exprimé
publiquement leur mécontentement pour la première fois. Le
législateur n'ayant pas donné suite à leurs
revendications, ils multiplient depuis leurs interventions auprès des
hommes politiques, des pouvoirs publics et des media.
Reconnaissant que l'existence d'exceptions au champ d'exercice exclusif
de ses membres pouvait être source de confusion et risquer de nuire
à la protection du public, l'Ordre des comptables agréés a
formulé des propositions à l'Office des professions à deux
reprises, en 1976 et en 1979. L'ordre préconisait le regroupement de
tous les praticiens de la comptabilité publique et l'abrogation des
exceptions. Ces propositions étaient assorties de dispositions visant
à sauvegarder les intérêts des CGA et des RIA qui exercent
des fonctions de comptabilité publique à la faveur des exceptions
actuelles.
L'Office des professions a fait sienne la proposition de 1976 de l'ordre
et en a recommandé l'adoption aux trois corporations en cause.
Malgré l'appui que la proposition a recueilli chez les CA et chez les
RIA, les CGA l'ont rejetée. Par ailleurs, les quelque 100 CGA
regroupés dans l'Association professionnelle des CGA en pratique
privée du Québec se sont dissociés de la décision
de leur corporation.
En commentant la proposition de l'ordre, lors d'une séance de la
commission permanente sur les corporations professionnelles, le 15 mai 1979, le
ministre responsable, M. Jacques-Yvan Morin, a déclaré qu'il la
trouvait assez large et qu'elle témoignait d'une ouverture d'esprit
assez considérable. Peu après, prenant acte des griefs entretenus
par les CGA, à l'égard de la proposition, l'ordre l'a
remaniée en vue de l'alléger et de l'assouplir. Non seulement les
CGA y ont-ils réitéré leur opposition, mais l'Office des
professions lui-même y a retiré son appui antérieur. L'avis
qu'il a remis au ministre en juin 1980 préconise l'abrogation du statut
de corporation d'exercice exclusif de l'ordre, le partage du champ de la
comptabilité publique entre les CA, les CGA et les RIA, la limitation de
ce champ à la fonction de vérification, ainsi que la
création d'une commission quadripartite d'émission des permis de
vérificateur.
L'objet du présent mémoire est de
résumer les objections de l'ordre à l'avis de l'office,
ses réponses aux prétentions de la Corporation des CGA et les
points saillants de sa dernière proposition en renvoyant la commission
au recueil de documentation qu'il lui a déjà remis, soit
celui-ci. Plutôt qu'une argumentation serrée, la commission
trouvera donc dans le présent document un aide-mémoire
destiné à lui faciliter la synthèse du contentieux dont
elle a à débattre et à susciter de sa part des questions
auxquelles la délégation qui a l'honneur de comparaître
devant elle s'empressera de répondre.
En juin 1980, l'Office des professions a remis au ministre responsable
de l'application des lois professionnelles un avis portant sur l'organisation
des professions comptables. Cet avis consistait essentiellement en une
proposition destinée à régler le contentieux portant sur
les compétences respectives des trois corporations professionnelles de
comptables. L'ordre a fait connaître au ministre, en date du 19 juin
1980, sa réaction à l'avis de l'office, dans un document
intitulé: Prise de position de l'Ordre des comptables
agréés du Québec sur un avis fourni par l'Office des
professions au ministre responsable de l'application des lois
professionnelles.
Cette prise de position a été complétée
d'une annexe, quelques jours plus tard. L'ordre a abondamment illustré
dans cette annexe le manque de rigueur qui caractérise l'avis de
l'office. Ainsi, les principes à la base de l'avis de l'office
s'apparentent plus à des postulats qu'à des conclusions
fondées sur des constatations. Or, le propre d'un postulat étant
de s'imposer spontanément à l'esprit et de défier toute
démonstration, on n'en peut vérifier la justesse qu'a posteriori
par l'examen des conséquences qui en découlent.
Dans le cas qui nous occupe, non seulement les postulats sont-ils loin
de s'imposer spontanément à l'esprit de l'ordre, mais encore les
conséquences de leur application font-elles offense à la justice
et à l'équité. Ces postulats sont au nombre de quatre.
Examinons-les brièvement.
Le premier postulat pose que l'harmonie au sein des professions
comptables est plus importante que la protection du public. À deux
reprises au moins, ce postulat est exprimé presque littéralement
dans l'avis de l'office. À cette prétention, l'ordre oppose le
principe sur lequel le législateur lui-même a édifié
tout le droit professionnel et qu'il a exprimé en ces termes, à
l'article 23 du Code des professions, et je cite: "Chaque corporation a pour
principale fonction d'assurer la protection du public. Et encore, à
l'article 12, je cite: "L'Office des profession a pour fonction de veiller
à ce que chaque corporation assure la protection du public." A
contrario, si le législateur décidait de retenir la proposition
de l'office et de troquer la paix comptable contre l'ordre public, ces espoirs
d'harmonie seraient frustrés au départ car jamais l'ordre ni ses
membres ne reconnaîtraient cette solution pour équitable ni pour
définitive.
Le second postulat posé par l'office est que l'ordre doit
être dépouillé de son statut de corporation d'exercice
exclusif et redevenir la profession à titre réservé qu'il
était jusqu'en 1946. L'ordre répond que l'opportunité de
cette opération ne saurait être jugée qu'à la
lumière des critères énoncés par le
législateur à l'article 26 du Code des professions, à
moins, bien sûr, qu'il ne soit de notoriété publique ou que
l'on démontre rigoureusement et au-delà de tout doute que
l'inaptitude de l'ordre à assurer la protection du public exige un
traitement aussi radical. Or, il n'est ni évident, ni
démontré que l'ordre a manqué à son devoir
d'assurer la protection du public et nul passage de l'avis de l'office ne
contient la moindre allusion à l'article 26 du Code des professions ou
à la doctrine qu'il énonce.
Enfin, l'ordre soutient que, si la détermination et l'application
des normes professionnelles et déontologiques de l'exercice de la
comptabilité publique relèvent de plusieurs corporations
professionnelles, c'est le public qui devra faire les frais des conflits et du
nivellement par le bas qui résulteront inévitablement de la
multiplicité des normes, à moins que ce même public ne soit
disposé à faire office d'arbitre des conflits et des normes
professionnelles.
Le troisième postulat: La comptabilité publique doit
être limitée à la vérification des états
financiers, expression que l'office définit, par ailleurs, en termes
à la fois incomplets, imprécis et incohérents. L'ordre
soutient que toute association du nom d'un expert-comptable indépendant
à des états financiers dans le but de rehausser leur
crédibilité aux yeux des tiers constitue un acte de
comptabilité publique, que cette association se limite à la
formulation de simples commentaires ou qu'elle assume la pleine dimension de
l'expression d'une opinion. D'aucuns soutiennent d'ailleurs, avec beaucoup
d'à-propos, que la formulation de commentaires sur la foi d'un examen
incomplet fait encore plus appel au jugement exercé du praticien que
l'expression d'une opinion fondée sur une vérification
exhaustive. (10 h 45)
Le quatrième postulat invoqué par l'office est que le
contrôle de l'admission des candidats à la comptabilité
publique et le contrôle de l'exercice de la profession doivent ressortir
à deux organismes distincts. On peut aussi ainsi l'exprimer: Le bureau
d'une corporation professionnelle de comptables, même s'il a pleine
compétence pour régir l'exercice de la comptabilité
publique, est incapable de juger de l'aptitude
de ses membres à exercer cette profession. À quoi l'ordre
répond que, dans l'économie du Code des professions, le
contrôle à l'admission participe de la protection du public et
ressortit clairement à la compétence du bureau, comme en font foi
notamment l'article 40, les paragraphes g) à j) de l'article 86 et les
paragraphes e) à j) de l'article 94, complétés des
dispositions correspondantes des lois particulières régissant les
professions d'exercice exclusif. Pourquoi en serait-il différemment de
la comptabilité publique et des autres professions?
La prétendue injustice de 1946. Au dire de la Corporation
professionnelle des comptables généraux licenciés du
Québec, ses membres souffriraient un préjudice à la suite
de l'adoption de la Loi pour réglementer la pratique de la
comptabilité et la vérification en 1946. Cette loi, on se le
rappellera, a eu pour effet de réserver aux membres de l'Institut des
comptables agréés de Québec telle était
l'appellation de l'ordre à l'époque l'exclusivité de la
pratique de la comptabilité publique, activité qui n'était
assujettie à aucune loi particulière jusque-là. Selon les
CGA, cette loi aurait eu pour effet de les spolier de leur droit de
pratique.
La vérité est tout autre. Aucun CGA n'a subi la moindre
injustice en 1946. Tous ceux qui exerçaient la comptabilité
publique ont été admis de plein droit au sein de l'ordre, au dire
même de la Corporation des CGA, ce fut le cas pour pas moins de 300 de
ses 450 membres. La même loi a consacré le droit imprescriptible
de tous les CGA restants d'exercer la comptabilité publique et de se
joindre à l'ordre sur simple demande, pour peu qu'ils exercent pendant
un an. C'est le sens des articles 31 et 38 de la Loi sur les comptables
agréés actuelle. Quant aux membres que la Corporation des CGA a
recrutés depuis 1946, puisqu'ils ont renoncé de leur plein
gré à l'exercice de la comptabilité publique en
choisissant la profession de comptable général licence
plutôt que celle de comptable agréé, en quoi peuvent-ils
prétendre avoir été lésés?
À compétence égale, droits égaux. Ce slogan
déguisé en aphorisme sert de prétexte à une
théorie de récriminations que l'ordre a réfutées
dans la documentation que les membres de la commission ont devant eux. Essayons
de les reprendre sommairement une à une. La corporation des CGA
prétend que les CA et les CGA reçoivent essentiellement la
même formation. L'ordre soutient, au contraire, que la formation
professionnelle du CA et celle du CGA diffèrent considérablement.
Pour nous en convaincre, comparons sommairement le seuil d'admission aux
études, la formation théorique, la formation pratique et l'examen
des deux corporations. L'ordre exige de tous ses candidats un diplôme
universitaire du premier cycle. La Corporation des CGA ouvre ses portes aux
diplômés du collégial. Le programme d'études des
futurs CA déborde sur le second cycle universitaire. Celui des futurs
CGA est confiné au niveau des certificats du premier cycle. L'aspirant
comptable agréé fait un stage de deux ans dans un cabinet de
comptables agréés reconnu comme maître de stage à la
recommandation du comité d'inspection professionnelle. L'aspirant CGA,
selon la corporation, doit compléter un stage d'une durée minimum
de deux ans, qui consiste à effectuer un travail dans les domaines de la
comptabilité, de l'administration, de la finance ou dans tout autre
domaine compatible avec les buts de la corporation; l'expérience de la
comptabilité publique n'est pas de rigueur. L'examen d'admission
à l'ordre consiste en une épreuve de seize heures que le candidat
doit subir au terme de ses études, examen de synthèse, il porte
sur toute la matière au programme. L'examen des CGA se décompose
en quatre séances de trois heures sur des sujets donnés; le
candidat peut les échelonner au fur et à mesure de ses
études. Les deux examens diffèrent d'ailleurs quant à leur
contenu et quant à la difficulté des questions.
Nous aimerions, M. le Président, à ce stade-ci de notre
exposé, déposer pour le bénéfice des membres et de
la commission un exemplaire d'une séance de notre dernier examen et
l'épreuve de vérification de l'examen des CGA. Qui mieux que le
ministre de l'Éducation peut porter un jugement impartial sur les
programmes de formation comparés des deux corporations? Or, il se trouve
justement que le ministre a évalué la scolarité d'un CA
à seize ans et celle d'un CGA à treize ans. L'ordre signale de
plus à la commission que pas moins de 300 des quelque 2500 membres de la
corporation des CGA sont d'anciens étudiants de l'ordre qui ont
été rayés ou qui ont remis leur démission par suite
d'échec à l'examen ou au programme.
D'ailleurs, les étudiants font aisément la part de la
fable et de la vérité comme en fait foi ce passage tiré de
la lettre que l'Association des étudiants comptables
agréés du Québec a fait parvenir au ministre responsable
de l'application des lois professionnelles et que la Presse a reproduite le 8
janvier 1981: "La position de l'association a reçu l'assentiment de la
totalité des membres même si certains de ceux-ci prévoient
qu'en cas d'échec à l'examen d'admission de l'ordre la solution
de l'office leur permettrait d'accéder à l'exercice de la
comptabilité publique par une voie beaucoup moins exigeante." b) Les CGA
prétendent encore que l'article 29 de la Loi sur les comptables
agréés reconnaît implicitement la compétence de
leurs membres à exercer la comptabilité publique. L'ordre
répond que la
portée de l'article 29 transcende toute considération de
compétence, la limitation qu'elle fixe au champ exclusif des CA
étant universelle et ne conférant aucun droit aux CGA.
Cette exception héritée de la législation de 1946
fait d'ailleurs figure d'anachronisme de nos jours. D'autant que le nombre de
missions de vérification confiées à des CGA en vertu des
exceptions prévues à cet article est infime. Suivant un
raisonnement analogue, les CGA font valoir que, l'exercice de la
comptabilité publique leur étant permis dans les provinces de
l'Ouest, ils posséderaient aussi la compétence requise pour
exercer au Québec et en Ontario. Ce raisonnement simpliste recèle
un sophisme. On omet de mentionner que les provinces de l'Ouest n'ont pas
encore imité l'exemple du Québec et de l'Ontario et fait de la
comptabilité publique une profession d'exercice exclusif. Chacun peut
donc s'y ériger comptable public à son gré fût-il
CA, CGA, RIA ou simple teneur de livres.
Du reste, si on en juge par le nombre et l'envergure des missions qui
sont confiées aux CGA dans cette partie du pays force est de constater
que le public ne leur reconnaît pas la compétence dont ils se
réclament. c) Il est constant que ce sont les règles
énoncées par le Manuel de l'Institut canadien des comptables
agréés, l'ICCA, qui constituent la norme pancanadienne en
matière de comptabilité et de vérification. Ainsi, la
réglementation adoptée en vertu de la Loi sur les
sociétés commerciales canadiennes et des lois provinciales sur
les valeurs mobilières, dont celle du Québec, confèrent au
manuel de l'ICCA une valeur quasi légale en stipulant que les
états financiers qui y sont visés doivent se conformer aux
règles qui y sont énoncées. C'est encore dans cet esprit
que le gouvernement du Québec a adopté l'article 5.01.06 du
règlement concernant les normes relatives à la confection et au
contenu du rapport annuel des corporations professionnelles. 3 Le "monopole"
des CA. Selon la corporation professionnelle des CGA, le monopole dont
jouissent les comptables agréés serait préjudiciable
à la protection du public. L'ordre répond que, si ses membres
occupent effectivement un champ de pratique exclusif, ils n'ont pas la
faculté, ni individuellement, ni collectivement, de l'exploiter au
détriment de l'ordre public. En effet, le gouvernement s'y est
réservé tous les droits de regard et d'intervention prévus
au Code des professions, notamment en ce qui a trait à la composition du
bureau, aux conditions d'admission, à la réglementation et
à la discipline.
En outre, si le monopole des CA est préjudiciable à
l'ordre public, on peut poser a priori qu'il en est ainsi de celui des
médecins, des avocats, des ingénieurs, etc.
Ce n'est donc pas au monopole des CA qu'il faut s'en prendre, mais bien
à la notion même de l'exercice exclusif.
Les CGA protestent encore que le monopole des CA met une entrave au jeu
de la saine concurrence au sein de la profession. Ils oublient sans doute
qu'environ 1000 cabinets de comptables agréés, dont environ 800
ne comptant qu'un, deux ou trois CA, se livrent entre eux une très vivre
concurrence à l'échelle du Québec. C'est d'ailleurs pour
cette raison que l'ordre est opposé à l'institution d'un tarif
d'honoraires pour les services rendus par ses membres. C'est la recommandation
sur laquelle il termine le mémoire qu'il a soumis à l'Office des
professions, sur l'opportunité de la tarification des honoraires
professionnels.
Par contre, si l'ordre est ouvert à la concurrence sur les prix,
il est irréductiblement opposé à la concurrence sur les
normes, pour les raisons déjà énoncées plus
tôt.
Enfin, les affirmations des CGA selon lesquelles les comptables
agréés courtiseraient la grande entreprise pour faire grise mine
à la PME sont absolument gratuites et totalement dénuées
de fondement. Les chiffres cités plus haut devraient suffire à
s'en convaincre.
Le harcèlement. Les CGA accusent encore l'ordre de pratiquer une
politique de harcèlement à leur égard en
s'ingéniant à traduire en justice les pacifiques praticiens de la
profession d'expert comptable.
Il serait facile de répondre que de telles poursuites sont si
coûteuses pour l'ordre qu'il ne s'y engage pas pour son simple plaisir.
Mais là n'est pas la véritable réponse à cette
accusation. Avec l'exclusivité de la pratique de la comptabilité
publique, le législateur a confié à l'ordre la
responsabilité de la lutte à la pratique illégale, et
c'est uniquement dans l'exercice de cette charge sociale que l'ordre entame des
poursuites à l'égard des personnes qu'il soupçonne
d'exercer illégalement.
Examinons quelques chiffres et voyons si la notion de harcèlement
y trouve son compte. Au cours des cinq dernières années, les
tribunaux ont statué définitivement sur 57 accusations de
pratique illégale portées par l'ordre, dont sept contre des CGA
et 55 des jugements ont été favorables à l'ordre.
A l'heure actuelle, sept accusations pèsent contre des CGA, dont
une en instance d'appel devant la Cour supérieure du Québec et
une autre devant la Cour suprême du Canada.
Quant aux imprécisions et aux exceptions dont souffre la
définition de la comptabilité publique et qui sont à
l'origine de ces empiétements plus ou moins volontaires de son champ de
pratique, l'ordre souhaite qu'on y mette fin, comme en
témoignent les propositions qu'il a formulées à
l'Office des professions en 1976 et 1979.
Les CA et la comptabilité de gestion. Contrairement à la
comptabilité publique, la comptabilité de gestion n'est pas
encadrée dans une corporation professionnelle d'exercice exclusif. C'est
donc dire que les comptables agréés y oeuvrent en grand nombre
à côté des CGA, des RIA et d'une foule de personnes de
formation et de désignation diverses.
Il va de soi que la poursuite d'une carrière en
comptabilité de gestion ne prive pas un comptable agréé de
son droit d'exercer la comptabilité publique. Il arrive donc parfois que
certains reviennent à l'exercice de la comptabilité publique
après un séjour plus ou moins long en comptabilité de
gestion.
Même si de tels cas se présentent rarement, la Corporation
des CGA estime qu'ils mettent en danger la protection du public. L'ordre est
persuadé que le programme très rigoureux poursuivi par le
comité d'inspection professionnelle et la fréquence de ses
interventions répondent adéquatement à ces situations.
Le Président (M. Desbiens): Je m'excuse de vous
interrompre, mais, avant de passer au prochain chapitre, je voudrais faire deux
remarques.
D'abord, pour l'ordre du déroulement, ce genre de commission est
assez souple. On avait parlé d'une vingtaine de minutes pour la lecture
du mémoire; il reste que, si vous voulez continuer, il n'y a pas
d'objection, mais, cependant, c'est la période des questions qui s'en
trouvera raccourcie d'autant.
Le deuxième point sur lequel il me faut attirer votre attention,
c'est qu'il n'y a pas de dépôt, en commission parlementaire, des
spécimens d'examen que vous avez remis tantôt. Je les accepte et
on les fera distribuer aux membres de la commission pour leur information
seulement. Si vous voulez poursuivre...
Une voix: Merci.
M. Duff: Continuez.
M. Truchon: On peut continuer?
Une voix: Oui.
M. Truchon: La solution proposée par l'ordre.
Désireux de régler une fois pour toutes le contentieux qui oppose
entre elles des corporations professionnelles que la proximité de leurs
objectifs devrait rapprocher et répondant au voeu des membres de
l'Assemblée nationale ainsi qu'à l'invitation de l'Office des
professions, l'ordre a participé, depuis 1973, presque sans
interruption, à des pourparlers et à des négociations qui
n'ont pas encore été couronnés de succès. En 1976,
puis en 1979, il a déposé des propositions. Celle qu'il a
formulée en 1976 a si favorablement impressionné l'Office des
professions que celui-ci l'a prise à son compte et l'a
recommandée à l'approbation des trois corporations. On
connaît la suite: les CA et les RIA l'ont acceptée, les CGA l'ont
rejetée. En 1979, l'ordre a remanié sa proposition de 1976 pour
clarifier la définition de la comptabilité publique et pour
assouplir les dispositions visant à faciliter aux CGA et aux RIA
l'accès à l'exercice de la comptabilité publique. Ces
avances viennent d'être repoussées par l'Office des
professions.
La proposition de 1979 étant reproduite à l'annexe 1,
qu'il nous suffise de dégager les grands principes sur lesquels elle
s'appuie. En les rapprochant des postulats à la base de l'avis de
l'Office des professions, on ne manquera pas de constater qu'ils s'y opposent
systématiquement.
Le premier principe qui sous-tend la proposition de l'ordre est que la
comptabilité publique doit demeurer une profession d'exercice exclusif
et que c'est à l'ordre qu'il revient d'occuper ce champ exclusif. Deux
raisons militent en faveur de ce principe. Premièrement, cette formule
est fidèle à la volonté que le législateur a
exprimée en 1946 et qu'il a confirmée en 1973.
Deuxièmement, la population du Québec n'a jamais
réclamé, que nous sachions, que la comptabilité publique
cesse d'être une profession d'exercice exclusif et elle ne s'est jamais
plainte, que nous sachions, de la qualité des services professionnels
dispensés par les membres de l'ordre ni de la façon dont l'ordre
s'acquitte de ses obligations.
Le second principe à la base de la proposition de l'ordre est que
les exceptions et les imprécisions de la loi actuelle sont source de
confusion et risquent à la longue d'être préjudiciables
à la protection du public. C'est pourquoi l'ordre préconise,
d'une part, une formulation plus précise de la définition de la
comptabilité publique, complétée de l'abrogation des
exceptions et, d'autre part, l'intégration à l'ordre de toutes
les personnes qui exercent, de fait ou de droit, la comptabilité
publique.
Un troisième principe, la justice à l'égard des
membres des corporations en cause amène l'ordre à s'opposer
à ce que des personnes qui n'ont pas la même formation que ses
membres et qui ont renoncé, de leur plein gré, à la
profession de comptable public, au moment de choisir leur carrière,
soient soudainement investies des mêmes droits et privilèges que
ses membres. C'est encore ce principe qui l'amène à vouloir
traiter tous les CGA et tous les RIA sur le
même pied, même ceux-là qui n'exercent pas la
comptabilité publique, et à offrir à tous la
faculté de se joindre à l'ordre pour l'exercice de la
comptabilité publique.
Les arguments à l'appui de ces principes sont discutés
plus longuement dans la documentation remise aux membres de la commission et
les pages qui précèdent en contiennent une discussion sommaire.
Aussi l'ordre ne voit-il pas la nécessité d'y revenir. Pour
compléter, l'ordre veut ajouter, quitte à se
répéter, qu'il tient pour totalement inopportune et nullement
démontrée l'affirmation selon laquelle la comptabilité
publique devrait être réduite à la fonction de
vérification. C'est pourquoi il ne l'a pas retenue au nombre des
principes sous-jacents à sa proposition. De même a-t-il
écarté l'hypothèse de retrancher à la
compétence du bureau de l'ordre le pouvoir de juger de
l'admissibilité des candidats à l'exercice de la
comptabilité publique.
L'organisation de l'ordre.
M. le Président, pour essayer de gagner les quelques minutes
qu'il peut nous rester, je vais tenter de vous faire un résumé
des quatre prochaines pages, étant assuré que les membres de la
commission voudront bien référer, le cas échéant,
au texte.
L'organisation de l'ordre. Déjà structuré bien
avant la venue du Code des professions, l'ordre a un budget de $2,600,000
consacrés à la discipline, à l'inspection, à la
formation continue et à la pratique professionnelle, à la
formation des candidats, à l'examen, aux relations publigues et à
l'administration.
Au niveau de l'inspection, qu'il me soit permis de mentionner que
presque un tiers des cabinets sont inspectés annuellement. Au niveau de
la formation continue, quelque 45 cours différents ont été
préparés à l'intention de nos membres. Plus de 5794 jours
de présence pour une moyenne de plus de 30 heures par membre y ont
été consacrés l'an dernier. Au niveau de la recherche,
l'ordre, par l'entremise de l'ICCA, y consacre avec les autres provinces
$1,700,000. L'examen professionnel, d'autre part, est un bel exemple de
coopération interprovinciale. Toutes les provinces participent à
ce projet commun de préparation et de correction de l'examen. C'est ce
qui permet la réciprocité à travers tout le Canada.
En conclusion, il y aura bientôt dix ans que la profession
comptable est en proie à des dissensions internes. Dix années au
cours desquelles les revendications de la Corporation des CGA, d'abord timides
et passablement confuses, gagnent constamment en violence et en audace. Dix
années au cours desquelles l'ordre a englouti des sommes d'argent et des
efforts inouïs dans un procès stérile. Témoin de ces
débats depuis l'origine, l'Office des professions s'était d'abord
donné une mission de catalyseur. Sa médiation n'ayant pas
porté fruit, voici qu'il propose rien de moins que l'abrogation du
statut de corporation d'exercice exclusif de l'ordre, le
rétrécissement du champ de la comptabilité publique et la
limitation de la compétence de l'ordre. Pour faire taire les clameurs
des mécontents, il est prêt à troquer la paix comptable
contre l'ordre public.
L'Assemblée nationale doit trancher le différend sans
égard à l'avis de l'office. Trois solutions s'offrent à
elle. Le statu quo: en perpétuant l'ambiguïté actuelle, il
risquerait de faire renaître le débat. La reddition pure et simple
aux revendications des CGA; elle créerait un grave préjudice aux
intérêts de la population du Québec en plus de léser
les droits des comptables agréés. La solution
préconisée par l'ordre: compromis simple et équitable qui,
partant des défauts de la loi actuelle et des dangers qu'ils
représentent pour la protection du public, propose des mesures
correctives qui sont respectueuses de l'esprit de la loi et des droits des
intéressés. Cette solution comporte trois volets:
l'intégration à l'ordre de tous les praticiens de la
comptabilité publique; l'abrogation des exceptions et une
définition plus précise de la comptabilité publique.
Malgré les efforts que l'ordre a déployés sans
compter en vue de sa solution définitive, ce contentieux demeure plus
vivace et plus stérile que jamais. Les 8000 comptables
agréés du Québec en appellent donc aux membres de
l'Assemblée nationale qui sauront reconnaître dans la proposition
de l'ordre les éléments requis de protection du public et de
justice pour les groupes professionnels en cause. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Desbiens): Avant de procéder, je
rappellerais aux gens qui sont ici autour de la table, s'il vous plaît,
de se placer en retrait dans le cas des recherchistes pour que nos participants
à la commission et les déposants puissent savoir quels sont les
membres de la commission. Le ministre de l'Éducation a la parole pour
les premières questions.
M. Laurin: Je veux d'abord remercier l'Ordre des comptables
agréés pour son exposé très articulé,
charpenté, vigoureux en même temps, qui ne se contente pas de
reprendre tous les arguments que j'ai eu l'occasion de lire dans les centaines
de pages qui ont été soumises à mon attention, mais qui
met l'accent sur des points qui m'apparaissent particulièrement
importants.
Je voudrais aussi les rassurer immédiatement; aux yeux du
gouvernement, il n'est sûrement pas question d'émettre un jugement
sur le comportement passé de l'Ordre des comptables
agréés, ou plutôt, s'il
est question d'émettre un jugement, ce jugement ne saurait
qu'être favorable. A nos yeux, l'Ordre des comptables
agréés n'a démérité en rien de l'opinion
publique aussi bien que des instances qui la représentent; l'ordre s'est
toujours acquitté de ses fonctions conformément aux lois et avec
une conscience sociale exemplaire aussi bien que professionnelle.
Je voudrais poser quand même quelques questions à l'Ordre
des comptables. Ma première serait: Quelle est, selon vous, le
pourcentage des actes pertinents à la comptabilité publique que
l'on pourrait qualifier du nom de "audit" en anglais, ou de
"vérification" en français? Quel est le pourcentage, selon vous,
d'après l'expérience que vous donne votre pratique, des actes que
posent les comptables au titre de la vérification, non pas par
opposition, mais par rapport à ceux qui pourraient être plus
exactement référés au terme de la comptabilité
publique?
Le Président (M. Desbiens): M.
Carrière.
M. Carrière (Jérôme): M. le Président,
c'est extrêmement difficile de quantifier le nombre d'actes dans ce
sens-là. Il y a un acte pour une immense compagnie qui peut compter pour
un acte pour une très petite entreprise, premièrement. C'est
sûr que le plus grand nombre d'actes professionnels présentement
dans le domaine de la comptabilité publique, c'est au niveau de la
vérification. Toutefois, je voudrais insister -et je suis sûr que
le ministre et les autres membres de la commission sont au courant -sur le fait
que la partie non vérifiée va sans cesse grandissante, et
particulièrement au Québec, à la suite de la modification
toute récente à la Loi sur les compagnies qui prévoit, au
moment de la mise en vigueur de ces dispositions, qu'à l'assentiment
général de tous les actionnaires une compagnie, qui n'est pas
publique, bien sûr, une compagnie privée, disons, pourrait ne pas
s'astreindre à obtenir des états financiers
vérifiés et pourrait, toujours à l'unanimité des
actionnaires, se contenter d'états financiers non
vérifiés.
Ce que je veux dire, M. le ministre, en gros, c'est que
présentement le nombre d'actes dirigés vers les états
financiers non vérifiés va sans cesse grandissant. Je pense que
la dernière modification qui a été apportée
à la Loi sur les compagnies - et que nous, les comptables
agréés, nous saluons avec beaucoup de plaisir - va augmenter le
nombre d'actes dans ce domaine.
M. Laurin: Même si vous n'aimez pas l'hypothèse,
faisons-la quelques minutes. À supposer qu'un bureau soit
créé, dont la fonction serait d'émettre des permis, et
à supposer que ce bureau se dote de normes strictes d'attribution de
permis, êtes-vous d'avis que la protection du public pourrait alors
être assurée d'une façon adéquate?
M. Carrière: Je pense qu'il y a quand même deux
paliers, au niveau des normes. Il y a l'établissement des normes et il y
a aussi l'administration de ces normes. Si, par exemple, on utilisait la
formule préconisée par l'Office des professions, de faire
administrer par trois corporations professionnelles distinctes ces normes qui
auraient pu être arrêtées, d'une façon uniforme, il
n'est pas sûr - il est presque sûr que cela n'arrivera pas - qu'il
y aura uniformité d'application de ces normes, de l'administration de
ces normes. (11 h 15)
Nous, nous sommes convaincus que c'est fondamental, qu'il ne peut pas,
dans l'intérêt du public, avoir une multiplicité de normes,
admettant qu'elles puissent être, à l'origine, une seule norme,
mais lorsqu'on commence à les administrer, je pense qu'on tombe dans
plusieurs normes. Nous ne pensons pas que ce soit dans l'intérêt
du public. Au contraire, le public serait de plus en plus confus.
M. Laurin: Maintenant, mettons de côté la
vérification dont on vient de parler. Excluons, pour les fins de la
discussion, la vérification du champ de la comptabilité publique,
ce qui resterait de la comptabilité publique et qui pourrait être
imparti aux trois corporations, à titre réservé. Si l'on
ouvrait ce champ de la comptabilité publique, hormis la
vérification, aux autres corporations, seriez-vous d'avis que la
protection du public serait alors menacée ou pourrait être
menacée?
M. Carrière: M. le Président, M. le ministre, vous
l'avez dit tantôt, c'est que la comptabilité publique se compose
de la vérification et de cette autre zone grise, si vous voulez,
à laquelle, généralement, on se réfère comme
la préparation d'états financiers non vérifiés. Or,
il arrive - et nous y avons fait allusion dans notre mémoire - qu'il est
reconnu que l'exercice de l'acte professionnel, au niveau d'états
financiers dits non vérifiés, est tout aussi difficile et demande
tout autant, sinon plus, d'expertise que l'acte de vérification
proprement dit. À cet égard, M. le Président, si vous me
permettez de citer très rapidement, en deux lignes, un paragraphe du
rapport du Professional Organization Committee de l'Ontario, qui remonte
à 1978, je pense. En bref, je vous le résume, pour ne vous en
citer que deux lignes, c'est qu'on dit qu'à ce moment-là, lors
des audiences publiques, les quatre organismes qui se sont
présentés devant la commission - ces quatre organismes
étaient
les CA, les CGA, les RIA et des APA, "accredited Public Accountants" -
ont tous été d'accord pour dire que la comptabilité
publique, c'est un tout, c'est la vérification et les autres
éléments.
La commission termine en disant ceci: "A review - c'est ce qu'on appelle
non vérifié, un examen par opposition à une
vérification - is less than an audit with respect to the procedures
performed and the evaluation standards applied. However, the nature of the
judgment to be made presumes that the professional skills of the reviewer are
at least equal to those called for in the performance of an audit."
Pour répondre à votre question, M. le ministre, nous
sommes d'avis qu'on ne peut pas dissocier la partie examen de la
comptabilité publique; la partie examen par opposition à la
vérification se trouve être un prolongement de la
vérification et nous estimons que les mêmes normes au point de vue
de la protection du public doivent s'appliquer.
M. Laurin: À la lumière de vos remarques ainsi que
de ce que l'on vient d'entendre, iriez-vous alors jusqu'à dire que les
comptables généraux licenciés qui pratiquent actuellement
en pratique privée mettent en danger ou en jeu la protection du
public?
M. Carrière: Je ne suis pas en mesure d'affirmer cela,
bien sûr. Ce serait faire un procès sans avoir de preuve.
Peut-être, si nous sommes disposés à intégrer
tous les praticiens de la comptabilité publique, ceci se situe dans un
cadre de rationalisation de la profession comptable qui prévoit, d'une
part, la comptabilité publique et, d'autre part, la comptabilité
de gestion. Nous estimons que, lorsque le groupe des comptables publics sera
sous la même égide et, qu'il y aura uniformité de standards
la protection du public sera plus assurée, mais dans quelle mesure, il
est difficile de le dire.
M. Laurin: Je voudrais aussi vous poser une question sur les
examens. Est-ce que vous avez des statistiques sur les taux d'échec
à vos examens, d'une part, et deuxièmement, est-ce qu'il y a des
reprises? Est-ce que vous avez aussi des statistiques sur les taux de
réussite aux reprises et dans quel délai?
M. Duff: M. le ministre, je vais demander à M. Chevalier
de répondre à cette question. Il est le président de notre
comité d'examen.
M. Chevalier.
M. Chevalier (Gilles): M. le ministre, si vous me permettez, je
vais essayer de citer les chiffres de mémoire pour répondre
à votre question. Si je comprends bien votre question, vous voulez avoir
des statistiques, j'imagine, au niveau du Québec. Alors, au
Québec, nos taux de succès sont, dans une première
tentative, c'est-à-dire ceux qui se présentent à l'examen
pour la première fois, de 51%, cette année, en 1980, de nos
candidats, au Québec, qui se sont présentés pour la
première fois et qui ont réussi l'examen.
Maintenant, en ce qui a trait au nombre de reprises qui sont permises,
ça peut aller - je demanderais au directeur administratif de me corriger
si j'ai tort -jusqu'à six reprises. Bien entendu, avec la
difficulté de l'examen, le nombre de réussites ou le pourcentage
de réussite aux deuxième, troisième et quatrième
essais diminue considérablement.
Je pourrai, si vous me le permettez, citer d'autres chiffres qui peuvent
indiquer ni plus ni moins le sérieux avec lequel l'examen est
préparé.
M. Laurin: J'étais intrigué, M. le
Président, par une de vos remarques quand vous disiez que les
études menant au titre de comptable agréé
débordaient sur le second cycle universitaire. À la lecture du
dossier, j'avais plutôt remarqué que ces cours de second cycle
étaient des cours non exigés, d'une part, et deuxièmement,
que c'étaient surtout des cours d'appoint pour permettre à vos
candidats de se présenter aux examens. Est-ce gue je me trompe?
M. Duff: Cela dépend de l'université. Vous avez
raison, à la fin d'un baccalauréat en commerce ou en
administration, avec la concentration en comptabilité, il faut suivre
des cours d'appoint. On exige que les étudiants suivent des cours
d'appoint à la fin de leurs études de baccalauréat. Du
côté anglophone, par exemple, les étudiants, après
leur baccalauréat, suivent un programme d'étude équivalant
à une pleine année, cela veut dire à peu près 30
crédits après le baccalauréat. La raison pour laquelle il
y a une différence entre les deux, c'est que le baccalauréat dans
les universités anglophones est moins structuré et ils ont plus
de formation de base générale dans le programme de
baccalauréat. Est-ce que ça répond à votre
question?
M. Laurin: Oui, ça va. J'aurais une dernière
question à vous poser: Le bureau dont l'office préconise la mise
sur pied existe déjà dans certaines provinces canadiennes et il
est sûr qu'avec les liens que vous avez avec l'Ordre des comptables des
autres provinces, vous avez des renseignements de première main sur la
situation qui prévaut dans ces endroits, dans ces provinces.
D'après les renseignements qui
vous sont fournis, avez-vous l'impression ou êtes-vous d'avis que,
depuis l'instauration de ce bureau dans les autres provinces, la protection du
public n'est pas adéquatement assurée? Est-ce qu'il y a des
protestations, revendications ou recommandations qui sont faites pour changer
la situation?
M. Duff: Peut-être que M. Desrochers pourrait
répondre.
M. Desrochers (André): M. le ministre, essentiellement, il
y a deux provinces à l'heure actuelle où un bureau de
délivrance des permis est institué. La situation en
Golombie-Britannique est assez éloignée, elle m'est
peut-être un peu moins familière, mais, la proximité
aidant, la situation de l'Ontario nous est plus familière. Je pense
qu'il est important de signaler qu'en Ontario le bureau qui a la
compétence pour décerner les permis de pratique se compose de
douze personnes et que, sur les douze personnes, neuf sont
désignées par l'Institut des comptables agréés de
l'Ontario, les trois autres étant désignées par un groupe
de personnes habilitées à exercer la comptabilité publique
sans être membres des comptables agréés, de sorte que ce
sont les comptables agréés qui dominent le bureau de
délivrance des permis. Alors, cela deviendrait peut-être un
raisonnement un peu par l'absurde de vous dire que le public en est satisfait.
Vous le trouveriez peut-être suspect de notre part.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Une petite
remarque au début. Étant conscient que l'Office des professions a
suggéré une solution, je trouve un peu étrange que
l'office ne soit pas au programme pour être entendu comme témoin
aujourd'hui. Peut-être qu'on aura l'occasion de le questionner plus tard.
MM. les comptables, vous avez dit tout à l'heure que la situation en
Ontario n'était pas exactement pareille à celle du Québec.
On peut faire un parallèle entre la proposition du Professional
Organizations Committee de l'Ontario et celle de l'Office de professions du
Québec. Peut-être que vous pourriez nous parler des
décisions qui ont été prises en Ontario depuis le rapport
du Professional Organizations Committee.
M. Duff: M. Desrochers répondra. Je m'excuse, M.
Carrière.
M. Carrière: Depuis le dépôt du rapport du
Professional Organizations Committee, qui était un rapport similaire
à celui de l'office, en ce sens qu'il émanait non du
gouvernement, mais, en fait, d'un office similaire à l'Office des
professions, il y a, bien sûr, beaucoup de commentaires qui ont
été faits de part et d'autre. Mais la seule chose qui est
arrivée, c'est que les quelque 400 détenteurs de permis en
Ontario, autres que les CA, ont approché les CA de l'Ontario. Ayant
à l'esprit le même souci, qui a été manifesté
et que nous manifestons ici, de l'uniformité des normes, ils ont
approché l'Institut des comptables agréés de l'Ontario de
façon à voir s'ils pouvaient être intégrés.
Tout récemment, au mois de janvier, par un vote très massif, les
membres de l'Institut des comptables agréés de l'Ontario ont
accepté d'intégrer dans leurs rangs tous les détenteurs de
permis autres que les CA qui sont au nombre de 400. Au meilleur de ma
connaissance, on compte à peu près 75 CGA. La raison pour
laquelle l'Institut des comptables agréés de l'Ontario a
accepté cela, c'est véritablement pour contrôler une fois
pour toutes dans une même corporation l'acte professionnel qu'est la
comptabilité publique. Le gouvernement n'a rien fait jusqu'ici en ce qui
concerne le rapport. Il a reçu le rapport qui a été
déposé il y a bientôt un an et demi. C'est tout ce qui est
arrivé en Ontario. (11 h 30)
M. O'Gallagher: Est-ce qu'ils préconisent une solution
semblable à celle que vous proposez?
M. Carrière: Le Professional Organizations
Committee...
M. O'Gallagher: La solution qui se dégage maintenant parmi
les licenciés, les CA et les CGA en Ontario?
M. Carrière: Je pense que notre proposition est un peu
plus généreuse. Je pense que ce que les CA de l'Ontario ont fait,
ils ont dit: D'accord, on est prêt à intégrer les
présents détenteurs de permis, les quelque 400. Ils ne sont pas
allés au-delà de ça. Nous, on a dit, parce qu'on n'a pas
de permis à vrai dire, on en a, bien sûr, parce qu'on a un titre
professionnel: Pour rationaliser et reconnaissant qu'il y a deux champs
d'activité, comptabilité publique, comptabilité de
gestion, pour rationaliser, intégrons tous les practiciens de fait ou de
droit immédiatement. Cela comprend les CGA, cela comprend les RIA qui
pratiquent de fait ou de droit, cela comprend les APA, cela comprend quelques
autres membres de différents groupes qui sont en petit nombre. La
proposition de l'ordre, qui remonte à 1976 en ce qui concerne la
comptabilité publique et que l'office, à ce moment, avait bien
reçue, avait épaulée, est plus qénéreuse de
beaucoup que celle de l'Ontario.
M. le Président (M. Desbiens): M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Merci, M. le Président. Au tout début
de votre mémoire, vous dites: On a 8000 membres à l'ordre et il y
en a environ la moitié, 4000, qui exercent effectivement en cabinet
privé. Vous dites, cependant, que tous les 8000 membres sont
habilités à exercer la comptabilité publique, donc,
à faire de la vérification. Partant de là, comment
pouvez-vous dire que les 4000 membres qui exercent, et qui ne font pas de
comptabilité publique sont plus habilités à faire de la
vérification, par exemple, que les CGA qui sont en comptabilité
publique?
M. Desrochers: Je pense que la réponse à ça,
M. le député, c'est que selon les lois actuelles de 1946 tout
membre de l'ordre est habilité à faire de la comptabilité
publique. C'est ce que disent les lois à l'heure actuelle. Qu'un membre
ait renoncé de façon quasi définitive ou temporaire
à l'exercice de la comptabilité publique, il ne perd pas son
droit d'exercer. Je sais que nos amis CGA ont beaucoup insisté dans les
représentations qu'ils ont faites sur la préservation de leurs
droits acquis. Ils prétendent avoir des droits de faire de la
vérification municipale. Ce sont des droits qu'on ne leur conteste pas.
Ils les ont effectivement et ils disent toujours qu'on doit conserver ces
droits. On doit respecter leurs droits dans toute proposition de solution. Or,
nos membres, qui ont, eux aussi, le droit de faire de la comptabilité
publique, on ne peut pas leur nier ces droits. Maintenant, de là
à prétendre que nos membres ont immédiatement la
préparation, les membres qui sont en industrie depuis quinze ou vingt
ans, qu'ils ont immédiatement la préparation pour exercer la
comptabilité publique, nous n'allons pas jusque-là. Nous
prétendons qu'ils ont l'habilité.
Quant à la compétence, je voudrais répondre de la
façon suivante. Premièrement, les transferts de la branche
comptabilité de gestion à la branche comptabilité publique
sont rarissimes. Il y a très, très et très peu de
comptables agréés qui reviennent à la comptabilité
publique après s'en être écartés
précisément parce qu'ils sont conscients par eux-mêmes
qu'ils font une option assez significative et qu'il faut se tenir constamment
à jour en comptabilité publique. Ceux qui reviennent à la
comptabilité publique et qui, encore une fois, sont rarissimes, par
eux-mêmes ils sont conscients de la nécessité de se
recycler. Il y en a quelques-uns, je pense, ceux que je connais du moins, qui
se sont affiliés à des grandes maisons nationales ou locales, ce
qui leur a permis de se recycler à l'intérieur même des
cadres du cabinet.
J'aimerais signaler aussi que tous les membres qui reviennent à
la comptabilité publique, particulièrement ceux qui
s'établiraient seuls à leur compte, le comité d'inspection
de l'ordre serait à leurs trousses après un délai
raisonnable. On n'irait pas les inspecter le jour même où ils
ouvriraient leur bureau parce qu'ils n'auraient pas de dossiers à
soumettre à l'inspection. Mais on les suivrait de très
près. Après un délai de quelques mois, un an,
peut-être, on procéderait certainement à l'inspection.
J'aimerais signaler aussi, troisième élément de
réponse, que le comité administratif de l'ordre, à l'heure
actuelle, étudie la possibilité d'instituer un recyclage
obligatoire. Cela n'a pas encore franchi l'étape de la décision,
mais c'est à l'étude; parce que, encore une fois, nous sommes
conscients qu'il y a une distinction à faire entre l'habilité
légale et la compétence pratique, on est bien conscient de
ça.
M. Fontaine: On sait que vous exigez de hauts standards de
vérification de ceux qui font de la vérification.
Si on parle de la protection du public, on peut admettre que vous avez
très bien exercé cette fonction jusqu'à maintenant.
Cependant, si on prévoyait la formation d'une commission des permis de
vérificateur qui adopterait les mêmes normes que celles que vous
avez actuellement, ne croyez-vous pas que la protection du public serait quand
même assurée à ce moment?
M. Desrochers: II me semble qu'on a déjà
répondu à cette question, du moins en partie. Mais j'aimerais
ajouter une dimension - et je vous remercie de m'en fournir l'occasion - c'est
que la commission des permis de vérificateur, comme l'Office des
professions la propose, est une commission qui n'a de compétence que sur
l'admission à la profession et non pas sur la surveillance de la
profession.
Alors, tous les praticiens de la comptabilité publique devraient
passer par les mêmes fourches caudines, si je peux dire, mais, une fois
qu'ils auraient été admis, ils seraient laissés à
eux-mêmes pour appliquer les normes de leur corporation respective,
conformément à l'avis de l'office, de sorte que là, on
aurait tout au moins trois normes concurrentes, et c'est ce à quoi nous
nous opposons, parce que nous estimons qu'il est contraire à la
protection du public que trois normes concurrentes se chevauchent dans le champ
de la pratique professionnelle.
M. Fontaine: Dans le suivi, après l'émission du
permis?
M. Desrochers: Oui.
M. Fontaine: À ce moment, est-ce que vous proposeriez que
la commission des permis fasse également un suivi par après
pour déterminer si les normes sont bien respectées par
ceux qui auraient un permis de vérificateur?
M. Desrochers; Nous ne le proposons pas, puisque vous avez vu
dans quels termes, assez énergiques, nous avons rejeté la
position de l'office, mais ce serait sûrement une
amélioration.
M. Fontaine: À supposer que ce serait accepté, ce
serait une proposition que...
M. Desrochers: Ce serait une amélioration.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chauveau.
M. O'Neill: M. le Président, ma question porte sur ce qui
est dit dans la mémoire, à la paqe 10, concernant la
différence de formation professionnelle pour les deux principales
catégories mentionnées ici.
Dans un cas, on nous parle d'une formation professionnelle qui serait
différente, tant à cause du seuil d'admission aux études,
de la formation théorique et de la formation pratique que des examens
des deux corporations. Or, pour ce qui est des années de
préparation préliminaire, je pense que des chiffres
mentionnés ailleurs concernent les différences de base, par
exemple, de treize ans par rapport à seize ans.
D'autre part, on nous parle aussi d'apprentissage professionnel ce qui
ferait que, à partir d'un certain palier ou d'un certain stade, il y
aurait à peu près équivalence des deux formations.
J'aimerais savoir ce que vous répondez à ça.
C'est-à-dire que, quand on additionne le tout, on nous dit: Vous savez,
à la fin, quand on tient compte de tout, de certains stages de formation
professionnelle, ça revient finalement à quelque chose qui serait
équivalent.
J'ajouterais en même temps une autre question. C'est que, dans le
cas du diplôme du premier cycle, pour que qui est des CA, on nous parle
évidemment - et ça va de soi - de diplômes en commerce en
administration et ensuite d'un diplôme universitaire reconnu
équivalent. Quelles seraient ces équivalences reconnues, quels
seraient les autres genres de diplômes de premier cycle qui sont reconnus
comme préparation préliminaire avant d'être
considérés comme permettant d'accéder à la
préparation immédiate à la profession de comptable?
M. Duff: M. Chevalier peut-être.
M. Chevalier: M. le député, je vous remercie de me
donner l'occasion de m'exprimer, je l'espère, d'une façon assez
précise, sur un sujet que le ministre de l'Éducation a
mentionné tout à l'heure, lors de son préambule, comme
étant excessivement important, les programmes de formation.
Alors, en vue de répondre à votre question
immédiatement, je vais me baser -parce que je dois mentionner que j'ai
eu l'occasion, lorsque j'étais dans l'enseignement, d'enseigner aux CGA
et aux CA, donc, à ce point de vue, je pense être un peu au
courant du dossier - puisque vous vous référez aux pages 10 et
11, et parlez de procéder en prenant les quatre éléments
qui y sont indiqués et d'aller un peu dans les détails sur une
base comparative. J'essaierai - bien entendu, on peut me dire: Vous êtes
biaisé au départ, vous êtes CA, mais je pense que je peux
quand même être honnête et indiquer, pour le
bénéfice des membres, ce que sont, à mon point de vue, les
éléments distinctifs des deux formations.
Aux pages 10 et 11, on dit qu'à notre point de vue, le programme
de formation professionnelle peut être, si vous voulez, encadré
sous quatre éléments: le seuil d'accès, la formation
théorique - j'aimerais donner un peu plus de détails tout
à l'heure là-dessus - le stage et l'examen.
Pour ce qui a trait au seuil d'accès, je pense que les membres de
la commission savent fort bien que l'Ordre des CA exige un diplôme de
premier cycle, et je dis bien un diplôme de premier cycle, alors que les
CGA n'ont pas l'exigence de diplôme de premier cycle. Je ne dis pas par
là qu'il n'y a pas de CGA qui possèdent de diplôme de
premier cycle, mais ce n'est pas une exigence. Au contraire, pour être
admis au programme de formation de la Corporation des CGA, on exige une
expérience de travail pertinente. Il s'agit, à ce
moment-là, pour l'étudiant qui veut entrer au programme de
formation des CGA de prouver à l'école qu'il a choisie, que ce
soit l'Université Laval, que ce soit les HEC, qu'il a
l'expérience de travail pertinente. Je veux simplement illustrer que les
seuils d'accès sont différents.
Si vous me permettez, je vais parler du deuxième
élément, la formation théorique. Encore une fois,
j'insiste pour dire que c'est un élément important, parce que nos
amis, les CGA, dans les journaux, indiquent qu'ils ont des formations
identiques. C'est à vous de juger s'ils ont des formations identiques,
en écoutant ce que je vais vous indiquer.
Je me base, pour parler de la formation théorique, sur la
plaquette du programme de formation des CGA que j'ai devant moi. On nous
indique - je prends l'exemple des HEC - les choix de formation pratique que
peuvent prendre les CGA. On me dit que, dans la grande majorité - on
m'a cité des chiffres - jusqu'à 90% des CGA s'inscrivent
au cours qu'ils appellent le cours du soir aux HEC. Le cours du soir aux HEC
comporte exactement 32 cours de 45 heures - j'insiste sur les 45 heures - de
deux crédits chacun. Le total: deux fois 32 donne 64. C'est ma formation
comptable qui m'amène à faire ce genre de multiplication. Ils ont
64 crédits, alors que les CA, dans un cadre quand même
différent - c'est un cadre universitaire, un programme universitaire -de
celui des HEC, c'est 90 crédits. Vous voyez tout de suite au
départ une différence de - 90 moins 64 - 26 crédits.
Je dois également, avant de terminer mon exposé sur la
formation théorique, indiquer, en me basant sur mes dernières
informations, que, dans certaines universités, l'Université
Laval, entre autres, les cours pris le soir, les cours que les étudiants
CGA et d'autres prennent, ne leur sont pas crédités si, à
un moment donné, un étudiant voulait changer de voie et
s'inscrire dans un programme de premier cycle.
Le troisième élément, le stage. Le stage, je pense
que cela ne relève pas tellement de ma compétence. Je veux tout
simplement ajouter que les deux corporations ont un stage minimal de deux ans.
La différence majeure entre les CA et les CGA - on le mentionne dans la
description qu'ils font de leur stage; on l'a mentionné dans notre
mémoire - est qu'il n'a pas à être fait dans la pratique de
la comptabilité publique.
Les examens, je pourrais parler longtemps là-dessus. On a
distribué tout à l'heure les examens. Qu'il nous suffise de
mentionner que - MM. les députés et MM. les membres de la
commission, si vous les regardez tout simplement d'un oeil très attentif
- sans juger de la difficulté des examens, vous n'avez qu'à
regarder le contenu. Je pense qu'il est assez facile de constater qu'ils ne
sont pas de même teneur.
Encore une fois, je termine en disant que je suis très ouvert
à vos questions, parce que j'ai eu moi-même l'occasion de
participer à la préparation et à la correction des examens
des deux corporations. J'espère, M. le député, avoir
répondu...
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chauveau.
M. O'Neill: Une autre petite question. (11 h 45)
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Chauveau.
M. O'Neill: Je voudrais avoir -ici, de la part de M. Chevalier,
un commentaire sur le texte suivant. C'est un extrait d'un court mémoire
fourni par un comité ministériel d'experts concernant
l'évaluation des études des comptables généraux
licenciés du Québec. Les auteurs sont MM. Laperrière,
Stringer et
Pierre-W. Bélanger. Vous devez probablement connaître ces
messieurs, du moins le dernier de l'Université Laval, si je ne me trompe
pas. On dit, entre autres, ceci dans le mémoire: "À l'aide de
documents déposés par les parties - toujours les deux mêmes
parties concernées CGA et CA - et des réponses fournies à
nos questions nous avons pu déterminer qu'il n'existait, à
l'époque - on parle d'un cas particulier, d'un comptable qui avait eu
une espèce de problème d'évaluation - où il a fait
ses études de comptable, aucune différence substantielle dans les
conditions d'admission des candidats, le niveau des cours - c'étaient
les mêmes à l'Université Laval qu'aux HEC - le
régime pédagogique - dans les deux cas, on admettait, par
exemple, les cours du soir sur un certain nombre d'années, cinq ans
-menant au diplôme de CA et de CGA. Les représentants du
ministère ont évoqué que l'examen des CA serait plus
sévère que celui des CGA, mais aucun commencement de preuve ou de
démonstration n'a été apporté pour appuyer cette
affirmation."
Je reviens là-dessus parce que je pense que c'est une des
difficultés dans le débat actuel. C'est tout le problème
des rapports qu'il y a entre les différents niveaux de
préparation professionnelle dans des activités, finalement,
similaires. On aurait le même problème, par exemple, pour
certaines activités médicales ou, en somme, d'autres professions
où, à un moment donné, dans un cas, il y aurait une
formation meilleure, plus poussée exigée à la base et,
dans d'autres cas, on ne l'aurait pas. Mais ici, on nous dit que, quand on
fait, encore une fois, l'addition - c'est toujours la même question -des
différentes exigences, on arriverait à la même chose. Vous
avez donc ce témoignage d'experts universitaires. J'aimerais savoir
comment vous réagissez devant ce texte.
M. Chevalier: Je vais tenter un élément de
réponse et peut-être que mon collègue, M. Desrochers, le
directeur administratif, pourrait m'aider là-dessus. Je pourrais
répondre en vous disant que d'autres experts du ministère - on
les cite dans notre mémoire - en sont arrivés à une
conclusion qui me semble, d'après ce que vous me dites,
complètement opposée, en disant qu'en fait les CGA ont
l'équivalent de treize années d'études, alors que les CA
ont l'équivalent de seize années. Pour répondre
directement à votre question, il faudrait que je prenne connaissance
d'une façon plus détaillée du mémoire que vous me
citez. Bien entendu, vous me dites que cette étude a été
faite pour juger d'un cas d'évaluation. Vous citez un cas précis.
Il se peut que dans certains cas - et je pense qu'on ne le nie pas - certains
CEGEP puissent avoir la formation équivalente (Je dis bien "certains",
parce que, bien entendu, il y a des CA et
des CGA qui ont des diplômes universitaires; c'est ce que j'ai dit
tout à l'heure) alors que peut-être, dans le cas que vous me
citez, l'individu a eu les mêmes approches ou les mêmes
études qu'un CA. Mais moi, je parle dans un contexte global. Dans un
contexte global, si on part au tout début, je dirais, si je me base sur
ce que je vois dans la plaquette et si je me base sur ce que les gens à
l'université me disent, qu'en général -je dis bien "en
général" - les CGA, puisqu'on n'exige pas un diplôme
universitaire, auront au départ, peut-être - je dis
"peut-être" parce que je ne n'ai pas de statistiques - un DEC, qui est
l'équivalent de quoi? Douze ou treize ans.
Ensuite, bien entendu, si on cumule des cours, je pense qu'on fait une
erreur en cumulant des cours. On devrait plutôt parler de programmes.
Vous savez, M. le député, vous avez été longtemps
dans l'enseignement à l'Université Laval, que des cours et des
programmes, ce n'est pas la même chose. On nous dit ici qu'ils
s'inscrivent à des cours. Ce ne sont pas des programmes. Ce n'est pas un
programme de premier cycle. À ce moment-là, je vous dis tout
bonnement, tout simplement, que les exigences de réussite à un
programme universitaire reconnu, théoriquement, sont plus
élevées que les exigences qu'on pourrait formuler pour quelqu'un
qui suit un programme de certificat, un programme de cours du soir. Mon
collègue, M. Desrochers, pourrait peut-être continuer
là-dessus, s'il en sent le besoin.
M. Desrochers: Je pense que la réponse est
déjà passablement complète. Mais, si vous me le permettez,
j'apporterai un complément d'information.
Il faut préciser au départ que cet avis du comité
ministériel d'experts avait été sollicité pour fins
de classsement et de rémunération au sein de la fonction
publique. Donc, il ne faudrait quand même pas pousser le parallèle
trop loin. On ne parle pas nécessairement de l'habilité à
exercer la comptabilité publique. Il faudrait bien situer le cadre dans
lequel cet avis a été soumis.
Deuxièmement, j'aimerais préciser que le ministre de
l'Éducation, prenant l'avis du SEC ou SCE - vous me pardonnerez mon
ignorance des sigles qui ont cours à l'intérieur du gouvernement
- a décidé de récuser l'avis du comité
ministériel d'experts. J'ai ici copie d'une lettre adressée le 8
février 1979 - on s'y réfère dans notre mémoire -
par le ministre de l'Éducation au président de la corporation des
CGA. Est annexé à cette lettre un commentaire du SEC ou SCE -
puisque je ne sais trop de quoi il s'agit - qui est une critique de l'avis du
comité ministériel d'experts. Et le ministre s'est rangé,
non pas du côté de l'avis du comité ministériel,
mais du côté du
SCE. Si les députés désirent avoir copie de cette
lettre, je suis tout à fait disposé à la
déposer.
Le Président (M. Desbiens): Parfait.
M. Desrochers: Service de classification des enseignants, me
dit-on. J'ai cette lettre.
M. Fontaine: M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet-Yamaska, question supplémentaire.
M. Fontaine: Sur une question qui vient d'être
posée. On parle de compétence des deux groupes de profession
comptable. Dans votre mémoire, vous essayez de démontrer qu'il y
a une certaine différence au niveau de la formation et, donc, au niveau
de la compétence. Comment expliquez-vous le fait qu'à la fin de
votre mémoire et dans les propositions que vous avez faites en 1976 et
en 1979 vous en arriviez à la conclusion que malgré cette
différence dans la formation et dans la compétence, vous
proposiez l'intégration des CGA à votre organisme?
M. Duff: M. Carrière.
M. Carrière: M. le Président, tantôt, je
pense avoir répondu en partie à cette question. L'offre que nous
avons faite en 1976, qui a été appuyée par l'Office des
professions ainsi que par les RIA et que l'on a assouplie davantage en 1979, se
situe dans un contexte de rationalisation de la profession comptable.
A un moment donné, il faut rationaliser quelque chose, il faut
respecter les droits acquis, il faut faire une foule de choses pour regarder
vers l'avenir.
M. Fontaine: ... la même compétence, il faut
regarder la protection du public.
M. Carrière: Oui, sauf que nous disons qu'une fois qu'ils
seront intégrés à l'ordre ils seront soumis aux
mêmes normes, à la même inspection professionnelle - pas le
lendemain, bien sûr - éventuellement et, à ce
moment-là, peut-être qu'il pourrait y avoir un moment
d'hésitation, au départ. Mais, si on regarde dans le temps, je
pense que c'est pour le plus grand bien du public. C'est ce que nous avons
à l'esprit et, encore une fois, cela se situe dans une rationalisation.
C'est une mesure provisoire où on doit passer d'un certain régime
à un autre.
M. Fontaine: Et si la commission des permis de
vérificateur jouait ce rôle?
M. Carrière: Le rôle de...?
M. Fontaine: Le rôle de faire en sorte que les CGA, les RIA
et les CA aient la compétence voulue pour exercer la
vérification?
M. Carrière: Au niveau de l'admission? M. Fontaine:
Oui.
M. Carrière: Cela est une chose. Là, il y a une
uniformité au niveau de l'admission. Cela peut se discuter, mais au
moins il y a une uniformité.
Mais la deuxième étape, c'est dans l'application, dans
l'administration de ces normes exécutées par trois organismes
différents, les CA, les CGA et les RIA. Vous êtes en
présence inévitablement de plusieurs normes, dans leur
application.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: M. le Président, je sais qu'on a
dépassé l'heure, mais j'aimerais que vous donniez des
détails sur la dernière remarque que vous venez de faire. J'avoue
que c'est cette considération qui m'a le plus frappé, à
savoir l'administration des normes qui pourrait être faite par plus d'un
organisme, donc donner des résultats différents de part et
d'autre et créer certaines conséquences. Par exemple, quelqu'un
va voir le membre d'une profession plutôt que d'une autre, sachant que ce
n'est pas administré de la même façon. C'est là que
la protection du public peut être menacée. Mais il semble y avoir
un abîme insondable entre votre position et celle de l'office, à
savoir quel est l'objet et qu'est-ce qui devrait faire l'objet de l'exercice
exclusif de cette exclusivité. Vous dites que c'est la
comptabilité publique et l'office dit que c'est la vérification.
Là, vous partez chacun de deux points différents et vous ne vous
rejoindrez jamais.
À une question du ministre, vous avez effleuré cette
définition de comptabilité publique en esquivant la
vérification. Pourriez-vous être un peu plus précis?
Qu'est-ce que c'est que la comptabilité publique pour des profanes comme
nous, si vous en esquivez la vérification? Pourquoi insistez-vous pour
que tout ce champ d'exercice soit exclusif, contrairement à la
comptabilité de gestion?
Le Président (M. Desbiens): M.
Carrière.
M. Carrière: Je ne pense pas que vous soyez des profanes,
pour commencer. Mais, ceci étant dit, voici comment on conçoit la
comptabilité publique, et, comme je vous l'ai dit tantôt, en
citant - je ne le répéterai pas - un passage du rapport du
Professional
Organization Committee en Ontario - cette attitude, cette
définition a été reconnue par les quatre organismes, dont
les trois qui sont présents ici, premièrement.
M. Lalonde: Non, mais je pars de cela, en tenant pour acquis que
j'ai compris ce que vous avez dit et ce qui s'est dit en Ontario, pouvez-vous
allez un peu plus loin? Pourquoi a-t-on dit cela en Ontario, pourquoi
acceptez-vous cette position qui y est exprimée, comme vous l'avez
démontré?
M. Carrière: M. le député, la
comptabilité publique, nous, on la définit comme étant
l'addition de la crédibilité par un expert comptable
indépendant sur une information financière à laquelle des
tiers peuvent se fier. Alors, c'est l'addition de crédibilité,
c'est un état financier vérifié avec une opinion qui se
traduit par une libellé comme celui-ci: Les états financiers
présentent fidèlement la situation financière ainsi que le
résultat de l'exploitation, conformément aux principes comptables
généralement reconnus, et c'est ce que vous retrouvez
généralement dans un rapport de vérificateur sans
réserve.
À l'autre extrême, il y a une association d'un expert
comptable indépendant qui ajoute - donc la seule association - la
crédibilité auprès de tiers, c'est ce qu'on appelle, nous,
des états financiers dits non vérifiés. Ce qui ne veut pas
dire qu'on n'a rien fait, mais on avertit le lecteur du degré de
crédibilité qu'il doit apporter à ces états
financiers dits non vérifiés. Mais je pense que le lecteur,
connaissant l'association d'un expert-comptable indépendant à
cette information financière qui se trouve dans l'état financier
non vérifié, est en droit d'apporter une certaine
crédibilité, vu l'association du professionnel à cet
état. Parce que le professionnel ne s'associera pas,
premièrement, à une chose qu'il sait fausse, qu'il sait non
conforme aux principes comptables généralement reconnus, et qu'en
définitive, il doit quand même - cela est important - lorsqu'il
s'associe à un état financier non vérifié,
s'assurer de la plausibilité des états financiers.
Nous disons que tout cela, c'est de l'addition de
crédibilité et de l'addition de créance que le public
apporte à différents degrés, en raison de l'association de
l'expert-comptable.
Le Président (M. Desbiens): Le député de
Rosemont.
M. Paquette: M. le Président, j'aimerais me
référer à une remarque que M. Carrière faisait tout
à l'heure. À la page 9 de votre mémoire, vous dites:
"Aucun CGA n'a subi la moindre injustice en 1946, tous ceux qui
exerçaient la comptabilité publique ont été
admis de plein droit au sein de l'ordre."
À ce moment, est-ce qu'il y avait des différences
appréciables de formation entre les CGA qui ont été
intégrés à l'ordre et les autres membres de l'ordre? (12
heures)
Un peu plus loin, dans votre conclusion, vous arrivez à la
proposition qu'il faudrait intégrer les CGA qui pratiquent la
comptabilité publique à l'Ordre des comptables
agréés. Vous seriez prêts à le faire. À
quelles conditions? Tout à l'heure, vous avez fait une remarque qui me
semblait dire à peu près ceci: Nous allons favoriser, dans un
premier temps, une certaine harmonisation des professions comptables et,
à la longue, la qualité des services va s'améliorer - je
ne sais pas si je vous ai bien compris - parce que tous ceux qui seront ainsi
admis à l'Ordre des comptables agréés pourront faire
l'objet, par exemple, de vérification. J'aimerais que vous donniez plus
de détails sur la nature de ces vérifications.
M. Carrière: Vous venez d'entendre un son de cloche, je
vais céder la parole à un de mes collègues.
M. Desrochers.
M. Desrochers: Je peux essayer de répondre aux deux
premières questions; quant à la troisième, peut-être
que quelqu'un aurait la réponse. Je pense qu'il est vain, à
l'heure actuelle, de vouloir porter un jugement sur la compétence
comparée des CA et des CGA en 1946. Vous savez, en 1946, j'étais
en versification au collège, je ne m'en souviens pas. Je pense que c'est
un exercice qui n'est pas tellement constructif, pour ma part. Le fait est que,
pour rationaliser la profession, en 1946, tous les praticiens de la
comptabilité publique et non seulement les CA et les CGA, mais d'autres
praticiens aussi ont été intégrés à l'ordre.
Je pense que l'histoire a démontré que la manoeuvre n'avait pas
été tellement mauvaise parce que, comme le disait lui-même
le ministre dans ses remarques liminaires, il n'a aucune critique
sérieuse à formuler à l'ordre.
Quant à l'opération que nous voulons répéter
cette année, je pense qu'il y a très peu à ajouter
à ce que M. Carrière vient de dire. C'est que nous estimons qu'il
faut situer cette proposition dans un contexte de régularisation, de
rationalisation. Nous prétendons - je pense qu'on ne peut pas se
contredire - qu'il y a une différence entre les normes de formation des
deux corporations professionnelles. Nous le prétendons et nous n'allons
pas le nier. Mais nous souhaitons qu'une fois pour toutes, les
frontières de la profession soient définies de façon
absolument exclusive et qu'il y ait une seule profession de comptabilité
publique, et un seul acte de comptabilité publique et que tous les
praticiens soient regroupés au sein d'une même corporation.
À partir de là, on pourra bâtir, comme on l'a fait en
1946.
Quant au troisième élément de votre question -
j'espère que je n'en ai pas oublié - quel contrôle nous
souhaitons exercer, il y aura, évidemment, le contrôle de
l'inspection professionnelle. Tous les membres de l'ordre sont... J'entends si
nous intégrons les CGA et les RIA à l'ordre, ceux qui pratiquent
se plieront au contrôle de l'inspection professionnelle,
c'est-à-dire que nos inspecteurs... Nous avons, à l'heure
actuelle -ça ressort de notre mémoire - une équipe de
quinze inspecteurs. Nous avons un personnel permanent de six - pas tous des
inspecteurs, ça comprend les secrétaires - personnes qui font la
tournée de la profession sur un cycle que nous aurions souhaité
fixer à trois ans, mais, au rodage, on s'est rendu compte que cela se
situe sur une période de quatre à cinq ans. Alors, tous ces gens
recevront la visite de nos inspecteurs.
M. Paquette: En quoi consiste cette inspection?
M. Desrochers: Bon, je peux laisser la parole à un ancien
président du comité d'inspection.
M. Noiseux (Paul): M. le député, c'est à
titre d'ancien président du comité d'inspection que je vais vous
répondre. L'inspection en est une très approfondie, qui se
déroule au cabinet du praticien, qui dure environ deux jours par
comptable agréé, qui passe par l'étude approfondie, en
général, de trois dossiers. À la suite de cette
inspection, des recommandations sont soumises au comité d'inspection
professionnelle et on informe le membre des résultats de son inspection
ainsi que des recommandations.
M. Paquette: Et quels ont été les effets de cette
inspection depuis le temps que vous la pratiquez? Est-ce que vous diriez qu'il
y a eu, dans beaucoup de cas, des recommandations de modification de pratique
ou même des expulsions à la suite d'une inspection de ce
genre?
M. Noiseux: II n'y a pas eu d'expulsion parce que les inspections
n'ont pas relevé des cas de fraude, mais elles ont surtout
relevé, dans les cas les plus graves, des gens qui, au cours des
années, par leur pratique, s'étaient peut-être
éloignés des nouveautés dans l'application des principes
comptables.
M. Paquette: D'accord. Alors, ça joue un rôle de
formation, en même temps, de perfectionnement.
M. Noiseux: Oui.
M. Paquette: Maintenant, je vous avoue qu'à un profane
comme moi, il semble un peu anachronique, à première vue, qu'il y
ait trois - peut-être quatre, je ne sais pas -corporations de comptables.
Il y a les CA, les CGA, les RIA et les administrateurs agréés du
Québec. Donc, il y en a quatre. Qu'est-ce qui explique cette
prolifération de gens, si je comprends bien, qui oeuvrent
essentiellement dans le même champ d'activité, la
comptabilité, la comptabilité de gestion étant ouverte
à tout le monde et, la comptabilité publique étant
réservée par la loi aux comptables agréés?
Qu'est-ce qui interdit - je suis conscient que je vais peut-être
complexifier le problème un peu - de penser qu'on aille ou qu'on se
dirige, au besoin par étapes, sur un laps de temps assez long, vers une
fusion de ces diverses corporations?
Le Président (M. Desbiens): M.
Carrière.
M. Carrière: Je pense que le député fait
probablement allusion à la proposition des RIA, la plus récente,
parce qu'ils ont eu l'autre. Cette proposition - j'espère que je ne
l'interprète pas mal, mais ils me corrigeront sûrement si je
l'interprète mal -veut qu'il n'y ait qu'une seule corporation
professionnelle de comptables, mais ce qui est très important, c'est
qu'au sein de cette corporation professionnelle il y ait deux sections, la
comptabilité publique et la comptabilité de gestion. Cette
proposition, pour nous, n'est pas sans intérêt. Cependant, nous y
voyons dans l'immédiat des problèmes très
considérables à surmonter. Nous ne croyons pas qu'il soit propice
à ce moment d'aller aussi loin. D'ailleurs, la proposition
précédente des RIA prévoyait elle-même la division
du champ de la comptabilité professionnelle en deux secteurs: la
comptabilité publique, la comptabilité de gestion. À ce
moment, les RIA - encore une fois, ils me corrigeront - étaient d'accord
que les deux ne pouvaient pas être mis ensemble dans une seule et
même corporation.
Nous y voyons une multitude de difficultés. Je vais vous en
mentionner une, juste pour situer le genre de difficultés. C'est que si,
aujourd'hui pour demain, les trois corporations de comptables, RIA, CGA et CA,
étaient fusionnées dans une seule et même corporation, avec
deux sections, il se trouverait que près de 80% des membres de cette
corporation seraient en comptabilité de gestion et les autres 20% en
comptabilité publique. Ainsi, on verrait deux activités qui sont
dans le domaine comptable, mais qui sont quand même différentes et
le groupe de 80% de la comptabilité de gestion, à toutes fins
utiles, contrôlerait la comptabilité publique. Il y aurait
sûrement un conflit, parce qu'à la comptabilité de gestion,
ce sont des gens qui sont mêlés à la gestion et à la
comptabilité; ce sont des gens qui préparent des états
financiers au sein de leur entreprise. D'autre part, vous avez les
vérificateurs, les comptables publics qui, eux, vérifient les
représentations sous forme d'états financiers que
présentent les comptables de gestion. Vous voyez que se vérifier
soi-même, cela commence à poser des problèmes
sérieux. Vous voyez qu'avec une configuration de membres ou de
pourcentage de membres comme celle-là on est obligé de constater
que mathématiquement la comptabilité publique serait
contrôlée par la comptabilité de gestion. Pour le moment,
on y voit des difficultés absolument insurmontables. On a toujours
retenu la première intervention des RIA, qui, elle, était
présente en 1977, de reconnaître les deux fonctions,
comptabilité publique, comptabilité de gestion. À ce
moment-ci, je pense qu'il serait très prématuré d'aller
au-delà, vers une autre étape - qui n'est pas impossible,
à mon sens, mais qui est très prématurée -
jusqu'à ce qu'on ait eu le temps de débroussailler toutes ces
difficultés qui sont sérieuses.
Le Président (M. Desbiens): Je remercie les intervenants
de l'Ordre des comptables agréés du Québec de leur
déposition. Vous aurez remarqué, M. le président, M. Duff,
qu'on a un peu répondu à votre demande du départ en
dépassant largement le temps généralement alloué
aux documents parce que j'ai tenu compte, en même temps, de ce qui m'a
semblé un désir unanime des membres de la commission de poser les
questions et d'obtenir les renseignements qu'ils désiraient. Je vous
remercie beaucoup de votre participation à la commission.
M. Duff: Merci, M. le Président.
M. le Président (M. Desbiens): Je demanderais maintenant
à la Corporation professionnelle des comptables généraux
licenciés du Québec de prendre place, s'il vous plaît. Je
profite également de cette pause pour souligner l'auditoire important et
très attentif qui assiste à cette commission; je pense que cela
démontre l'importance de son objectif et de son mandat. Je demanderais
au président de la Corporation professionnelle des comptables
généraux licenciés du Québec, M. Plante, de
présenter les personnes qui l'accompagnent, s'il vous plaît.
Corporation professionnelle des comptables
généraux licenciés
M. Plante (Fernand R.): Merci, M. le Président. M. le
ministre, messieurs les membres de la commission parlementaire, je
voudrais d'abord vous remercier pour l'occasion que vous nous donnez
aujourd'hui de venir donner notre opinion sur la législation comptable
au Québec. Je voudrais, sans plus tarder, vous présenter les
personnes qui sont ici présentes à la table. Vous avez, à
mon extrême gauche, M. Paul-André Malo CGA, membre de
l'exécutif. Vous avez Marcel Rivest, conseiller juridique de la
corporation. À mon extrême droite, Jean-Pierre Dallaire, f.c.g.a.,
directeur des services professionnels à la corporation, et, enfin, M.
Gilbert Vervaet, c.g.a., vice-président de la corporation.
Pour la corporation professionnelle des CGA du Québec, cette
séance de la commission permanente des corporations professionnelles
constitue une étape d'un long processus qu'elle espère voir
aboutir dans les prochaines semaines.
C'est en effet le 16 mars 1972, il y aura bientôt neuf ans, que
nos dirigeants d'alors comparaissaient devant la commission spéciale des
corporations professionnelles. Le contexte était différent dans
la mesure où les diverses associations de comptables venaient faire
valoir leurs positions relatives au projet de Code des professions et, plus
spécifiquement, au projet de loi no 264 sur les comptables
agréés. Toutefois, l'enjeu est le même et les membres de la
commission, aujourd'hui, sont appelés à se pencher sur une
situation qui tire son origine de lois adoptées en 1946, mais qui n'a
pas encore fait l'objet d'une solution harmonieuse.
Quand ils ont adopté la loi 264, en 1973, les parlementaires
n'ont pas réglé le problème et ils en étaient bien
conscients en formulant le voeu que les corporations de comptables reconnues
par le Code des professions poursuivent leurs discussions pour, disait l'un des
députés, présenter au gouvernement un nouveau projet qui
contiendrait une nouvelle définition du champ de pratique. On parlait
même d'une échéance de quelques mois et certains
parlementaires parlaient d'emblée d'un regroupement comme s'il ne
s'agissait plus que d'une modalité qu'ils auraient à
entériner à brève échéance. En
réalité, bien qu'ayant débuté sous d'excellents
augures et s'étant déroulées sous le signe de l'harmonie
les négociations de fusion se sont malheureusement terminées par
suite d'un constat d'échec devant la position irréductible d'un
des groupes, particulièrement, les RIA, alors qu'une solution finale
semblait en vue. (12 h 15)
C'est donc un tout autre scénario qui s'est écrit, bien
différent des anticipations légitimes des législateurs et
on comprendra sans mal la volonté, voir l'impatience, des CGA du
Québec d'en arriver à une solution prochaine.
Voilà pourquoi nous désirons assurer les membres de cette
commission, au départ, de notre entière collaboration dans la
recherche d'une solution. Au cours des huit dernières années,
notre corporation n'a ménagé aucun effort pour y parvenir. Suite
aux discussions entamées en 1972 et qui ont échoué deux
ans plus tard, notre corporation a présenté une pétition
à l'Office des professions en juin 1975. Cette démarche a
déclenché une nouvelle ronde de discussions sous l'égide
de l'office, qui fut suivie d'une proposition de son président, que les
CGA, réunis en assemblée spéciale, rejetèrent
à une très forte majorité en mars 1977. Il n'est pas
nécessaire de rappeler certaines raisons qui ont poussé nos
membres à aqir ainsi. Mais, avec le recul des ans, on se rend compte
qu'il s'agissait d'une hypothèse irréaliste qui ne pouvait
mériter un meilleur sort.
La relance du dossier a été entreprise par l'office en
1979, et plusieurs réunions ont été tenues à son
initiative, cette année-là, au terme desquelles les trois
corporations ont pu présenter leur point de vue.
L'avis donné par l'office, le 5 juin 1980 constitue la
dernière pièce au dossier et c'est sur la base de ce document que
nous sommes réunis aujourd'hui. Notre document traite de l'avis dans les
pages suivantes. Toutefois, il nous a paru nécessaire d'exposer
auparavant l'état de la situation actuelle et de faire un survol rapide
des droits des CGA dans les autres provinces, tout en exposant le programme de
formation des étudiants qui s'inscrivent à la corporation.
Il importe de souligner que la situation actuelle perdure depuis 1973,
date à laquelle les parlementaires jugeaient bon de conserver un certain
statu quo en attendant, dans de brefs délais, une solution
complète aux problèmes des professions comptables dans la
province de Québec. Au Québec, le Code des professions
reconnaît trois corporations professionnelles de comptables, dont une
d'exercice exclusif, l'Ordre des comptables agréés, et deux
à titre réservé, soit celle des comptables
généraux licenciés et celle des comptables en
administration industrielle.
Les articles 19 et 24 de la Loi des comptables agréés
réservent exclusivement aux comptables agréés le champ de
la comptabilité et de la vérification publique, sous
réserve de certaines exceptions prévues à l'article 29 de
cette loi. Ce dernier article autorise les CGA à effectuer du travail de
vérification pour le compte de municipalités, de
sociétés coopératives agricoles, d'associations
coopératives et de caisses d'épargne et de crédit.
De plus, une décision récente de la Cour d'appel du
Québec - qui est en appel cependant à la Cour suprême du
Canada -autorise les CGA à partager avec les CA le champ de la
comptabilité publique en matière de comptabilité
industrielle et commerciale.
Cette situation comporte de curieuses
anomalies. En effet, un CGA peut légalement effectuer la
vérification des livres d'une municipalité ayant un budget de
plusieurs millions de dollars, mais ne peut légalement effectuer la
vérification des livres d'une compagnie gui aurait, par exemple, un
chiffre d'affaires de $100,000 par année.
Il importe également de bien saisir que la définition de
la comptabilité publique est telle qu'elle signifie la pratique de la
comptabilité et de la vérification en cabinet privé. Or,
il n'y a aucune raison pour que la pratique de la comptabilité ou de la
vérification en cabinet privé soit réservée aux
seuls comptables agréés. Nous sommes évidemment d'accord
pour dire gue la vérification des livres et comptes d'une compagnie ou
d'un organisme constitue un acte public qui doit être
réglementé et réservé à certains
professionnels. Cette réglementation est nécessaire pour assurer
au public que l'expert comptable qui participe à un acte public est
compétent, qualifié et soumis à des règlements
précis.
Par ailleurs, dans le cas de mandats privés, nous croyons qu'il
est anormal qu'un expert comptable CGA soit limité à effectuer
des mandats dans une relation employeur-employé. À titre
d'exemple, nous retrouvons l'anomalie suivante. Un CGA pourrait préparer
les états financiers d'une compagnie alors qu'il est à son
emploi, mais il ne pourrait pas préparer les mêmes états
financiers à l'intérieur d'un cabinet privé. Étant
donné que plusieurs petites et moyennes entreprises n'ont pas d'expert
comptable à temps plein à leur service, il en résulte que
ces entreprises doivent faire affaires avec des comptables agréés
en cabinet privé et ce, non seulement au détriment des CGA, mais
également à leur propre détriment puisque est ainsi
éliminée une saine concurrence.
Comme autre anomalie, nous aimerions souligner que trop souvent les
comptables agréés profitent de leur monopole législatif en
matière de vérification publique pour rendre des services de
comptabilité publique.
Nous nous expliquons. Comme nous le verrons ci-après, plusieurs
lois exigent de certaines entreprises ou organismes des états financiers
vérifiés. Or, dans la majeure partie des cas de PME, il est
"comptablement" impossible de faire une vérification et d'émettre
une opinion sur les états financiers, vu principalement l'absence de
contrôle interne suffisant. Dans ces situations, les comptables
agréés prépareront des états financiers sans y
joindre l'opinion du vérificateur; ils y substitueront plutôt le
commentaire d'expert comptable ou un simple avis au lecteur. Dans ces derniers
cas, les comptables agréés font de la comptabilité et nous
disons encore qu'il n'y a aucune raison qu'ils en aient le monopole.
En maintenant le statu quo, en 1973, vos prédécesseurs
à l'Assemblée nationale n'étaient sûrement pas
inquiets outre mesure, car ils pouvaient s'attendre à être saisis
du dossier dans les années subséquentes. Jamais ne pouvaient-ils
prévoir que leur geste en scellerait l'issue pour au moins huit ans,
avec les graves conséquences que nous pouvons observer aujourd'hui.
En effet, depuis quelques années, d'aucuns reconnaissent le
rôle accru de l'État dans différents domaines où le
législateur a jugé bon d'intervenir, soit pour réglementer
ou pour contrôler. Ces nouvelles mesures législatives sont ainsi
faites que le recours à des vérificateurs est obligatoire, si on
veut bénéficier de subventions, fournir des garanties
suffisantes, être valablement indemnisé.
Il n'y a pas si longtemps, il n'était pas obligatoire à
une agence de voyages d'avoir ses états financiers
vérifiés. Aujourd'hui, toute personne qui sollicite un permis
d'agent de voyages doit fournir des états financiers accompagnés
notamment d'un état de trésorerie, démontrant un fonds de
roulement excédentaire, le tout certifié par un comptable, membre
d'une association professionnelle reconnue par le Code des professions.
Même si, à première vue, un CGA semble autorisé
à faire cette certification, il n'en demeure pas moins que le
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme refuse des
états financiers fournis par un CGA.
Dans la Loi régissant le financement des partis politiques, on
prévoit que le représentant officiel de tout parti
autorisé doit nommer un vérificateur parmi les personnes ayant
légalement le droit de pratiquer la comptabilité publique au
Québec. Peut-on conclure que seuls les CA devraient être
vérificateurs d'un parti politique?
Le 26 août 1977, le législateur sanctionnait la Loi
constituant la Société de développement coopératif.
À l'article 49 de cette loi, on retrouve en substance que les livres et
comptes de la société doivent être vérifiés
par un comptable membre en règle de l'Ordre des comptables
agréés du Québec.
Un réalisateur guébécois gui désire
bénéficier de l'aide financière en vertu du programme de
développement de l'industrie du spectacle, tel qu'établi par un
arrêté en conseil du 17 décembre 1977, doit établir
sa situation financière en soumettant un bilan vérifié de
ses opérations pour les deux années précédant sa
demande.
Un règlement concernant la comptabilité des comptes en
fidéicommis adopté en vertu de la Loi du Barreau, le 22
février 1978, contient une disposition qui indigue que le syndic et ses
adjoints, avec la collaboration de comptables agréés, assurent
l'inspection des comptes en fidéicommis des avocats.
Dans la même veine, le règlement
concernant la comptabilité en fidéicommis adopté en
vertu de la Loi du notariat, publié dans la Gazette officielle, le 16
août 1978, prévoit spécifiquement que le notaire nomme un
comptable agréé pour faire la vérification de sa
comptabilité en fidéicommis.
Dans la fonction publique, la Loi de la fonction publique et ses
règlements donnent un traitement privilégié aux comptables
agréés en ce qui a trait à l'emploi d'agents du
Vérificateur général. Il n'y a aucune raison pour ce
faire, étant donné que les experts comptables à l'emploi
du
Vérificateur général ne font pas de la
vérification publique au sens de l'article 19 de la Loi des comptables
agréés.
En mai 1979, un projet de loi intitulé "Loi sur la protection des
personnes et des biens en cas de sinistre" stipulait que le fonds devait faire
un rapport de ses activités pour l'exercice financier
précédent au ministre de la Justice. On y ajoutait que ce rapport
devait être accompagné d'un rapport financier
vérifié par un comptable agréé et comprenant
notamment le bilan et le compte de revenus et dépenses.
Dans le domaine du transport scolaire, on exige, par règlement,
que le transporteur scolaire, constitué en compagnie, produise des
états financiers vérifiés par un expert comptable
habilité à exercer la comptabilité publique.
En vertu de la Loi sur les relations du travail dans l'industrie de la
construction, tout syndicat doit déposer à l'Office de la
construction du Québec une copie de ses états financiers
certifiée conforme par un comptable agréé et
résidant au Québec. De la même façon, l'Office de la
construction du Québec doit transmettre un rapport trimestriel
certifié conforme par un comptable agréé résidant
au Québec.
En vertu de la Loi concernant la garantie de certains prêts aux
éditeurs et libraires, l'emprunteur doit présenter, avec sa
demande, des états financiers vérifiés par un comptable
public.
Selon la législation actuelle, le moindre petit organisme qui
reçoit une subvention, même minime, doit fournir des états
financiers vérifiés à l'organisme qui subventionne.
Dans plusieurs cas, il nous apparaît tout à fait
justifié et nécessaire d'exiger d'un organisme ou d'une
entreprise qu'elle produise des états financiers vérifiés.
Nous considérons également que seuls des experts comptables
qualifiés devraient être habilités à faire une telle
vérification et à émettre une opinion du
vérificateur. Par ailleurs, nous ne croyons pas que seuls les membres
d'une corporation professionnelle devraient avoir ce droit.
De plus, dans plusieurs situations, nous croyons qu'il est
injustifié et parfois impossible d'exiger d'une entreprise ou d'un
organisme des états financiers vérifiés. Par exemple, nous
aimerions vérifier dans combien de cas les transporteurs scolaires, les
agences de voyages, les syndicats, les petites entreprises qui reçoivent
des subventions, les libraires fournissent vraiment un rapport
vérifié accompagné d'une opinion du vérificateur.
Nous croyons qu'il s'agit d'une anomalie d'exiger de ces entreprises des
rapports financiers vérifiés, tant sur le plan des coûts
pour l'entreprise que sur le plan de la réalité comptable.
À cet égard, nous préférons le
réalisme démontré dans un règlement de la
Régie des entreprises de construction du Québec publié
dans la Gazette officielle du 20 février 1980. À son article 48,
on peut y lire que le requérant doit fournir à la Régie
des états financiers préparés selon les principes
comptables généralement reconnus et porter la signature d'une
personne responsable de l'entreprise. Toutefois, les corporations doivent
soumettre des états financiers vérifiés ou des
états financiers accompagnés de commentaires, lorsque ceux-ci
existent.
Comme autre anomalie, soulignons le fait que la Société de
développement industriel accepte les états financiers
préparés par des CGA pour fins d'étude de demande de
prêt d'entreprise, alors que si le prêt lui est accordé,
elle exige de l'entreprise que cette dernière s'engage, par contrat,
à produire des états financiers vérifiés. Dans un
tel cas, le CGA doit inviter l'entreprise cliente à faire
vérifier par un comptable agréé les états
financiers qu'il leur a préparés en vue d'obtenir le
prêt.
Comme autre anomalie, soulignons que dans le domaine municipal, alors
que les CGA ont légalement le droit de vérifier les états
financiers de la municipalité, lorsque celle-ci obtient une subvention
dans le cadre du programme d'aide au travail, on exige d'elle des états
financiers vérifiés par un comptable agréé pour
rendre compte de la subvention reçue.
Dans la fonction publique québécoise, nous avons
déjà fait état d'une injustice dans le cas des agents du
Vérificateur général. Nous pouvons également parler
de la discrimination faite contre les CGA dans le cas des agents de la gestion
financière, alors qu'il ne s'agit ni de comptabilité publique, ni
de vérification publique.
À la lumière de ce qui précède, il
apparaît clair que les membres d'une corporation professionnelle ont
été privilégiés par rapport à d'autres. Nous
ne voulons pas faire le procès de quoi que ce soit, mais nous croyons
maintenant que l'Office des professions et les parlementaires
québécois sont mieux renseignés sur la situation
réelle des comptables professionnels au Québec. Voilà
pourquoi nous croyons qu'il est de votre devoir de remédier, sans
délai, à une
situation dont l'ampleur ne cesse de croître.
Soucieux de sauvegarder le monopole de ses membres, l'ordre a entrepris
de nombreuses poursuites judiciaires contre des CGA depuis 1974.
En 1975, l'ordre poursuivait cinq de nos membres qui faisaient partie
d'une société et qui s'affichaient comme des experts comptables.
L'ordre les accusait de laisser croire qu'ils étaient comptables
agréés en utilisant le titre d'experts comptables. Il a fallu les
jugements de deux instances pour convaincre l'ordre que le titre d'expert
comptable qu'il contestait à nos membres CGA n'était
réservé par aucune loi à l'une des corporations
professionnelles régies par le Code des professions.
La même année, une autre série de plaintes fut
logée par l'Ordre des comptables agréés contre un CGA. On
lui reprochait de faire de la vérification publique, mais
également de la comptabilité industrielle et commerciale
publique.
En première instance, l'accusé fut trouvé coupable
d'avoir effectué de la vérification publique. En appel devant la
Cour supérieure de juridiction criminelle, ce membre fut acquitté
pour le motif qu'en accompagnant des états financiers d'une entreprise
de commentaires d'expert-comptable, notre membre n'avait effectué que de
la comptabilité commerciale publique. Le juge décida de plus que
l'article 37b permettait aux membres CGA d'effectuer de la comptabilité
industrielle et commerciale de façon publique.
L'Ordre des comptables agréés du Québec porta cette
affaire devant la Cour d'appel du Québec qui, dans un jugement
majoritaire, confirma le droit des CGA de faire de la comptabilité
industrielle et commerciale publique. Cette affaire est présentement
pendante devant la Cour suprême du Canada.
Dans la même veine, seize plaintes sont présentement
pendantes devant la Cour supérieure de Chicoutimi en attendant le
dénouement de l'affaire précédente en Cour
suprême.
À noter, enfin, que l'ordre a porté plainte contre cinq
CGA qui ont fait la vérification de dépenses électorales
de candidats lors des dernières élections fédérales
sous prétexte qu'ils auraient fait de la comptabilité publique.
Aucune de ces poursuites n'a encore atteint le stade de l'enquête. On
peut aisément comprendre que toutes ces poursuites judiciaires
n'auraient pas été intentées si les CGA s'étaient
vu reconnaître les pleins droits lors de l'étude des lois
professionnelles en 1972 et 1973. (12 h 30)
Lorsque nos prédécesseurs ont comparu dans cette enceinte
en 1972, il y avait, au Canada, 3500 membres, tandis que 8200 étudiants
étaient engagés dans le programme de formation. En 1980, le
nombre de CGA au Canada est passé à 10,000 alors que 20,000
étudiants sont inscrits. Dans les provinces de l'Ouest et dans les
Territoires du Nord-Ouest, nos confrères CGA peuvent exercer librement
dans le champ de la comptabilité publique. Les CA et les CGA sont sur le
même pied et offrent des services diversifiés. Certains cabinets
de CGA comptent plus de dix experts comptables. Selon nos informations, le
public consommateur de services comptables est très satisfait de cette
situation. Même si la comptabilité publique est partagée
entre des experts comptables appartenant à des associations
professionnelles différentes, personne ne prétend que l'anarchie
y règne ou que ces provinces sont le refuge de charlatans. Nous n'avons
aucune hésitation à prétendre que ce qui existe dans les
provinces de l'Ouest pourrait très bien s'appliquer au Québec
puisque les comptables agréés et les comptables
généraux licenciés doivent, dans chaque cas, passer avec
succès des examens à l'échelle canadienne.
Nous aimerions nous attarder sur la législation de la
Colombie-Britannique qui semble être le modèle à suivre en
matière de réglementation comptable.
Le 18 avril 1973, la Loi des compagnies de la Colombie-Britannique
était modifiée de telle sorte qu'une compagnie qui n'est pas une
compagnie publique, telle que définie dans cette loi, peut renoncer
à la nomination d'un vérificateur et, par conséquent, ne
peut être obligée légalement de présenter un rapport
de vérification. Sur cette question, le législateur
québécois s'est déjà inspiré de la
législation de la Colombie-Britannique puisqu'il vient tout
récemment de modifier la Loi sur les compagnies du Québec en ce
sens.
En Colombie-Britannique, les membres de l'Association des comptables
généraux licenciés ou de l'Institut canadien des
comptables agréés peuvent être, de plein droit,
vérificateurs pour une compagnie privée ou publique.
De plus, un bureau a été créé pour recevoir
les demandes d'autres personnes qui pourraient être compétentes
pour devenir vérificateurs. Ce bureau est composé de cinq
personnes nommées par le lieutenant-gouverneur en conseil dont une
personne est choisie parmi les comptables généraux
licenciés, une parmi les comptables agréés, et une parmi
les comptables en administration industrielle.
Face à cette législation en Colombie-Britannique,
posons-nous simplement la question suivante: pourquoi les CGA du Québec
ne devraient-ils pas avoir les mêmes droits que les CGA de la
Colombie-Britannique, puisqu'ils doivent subir avec succès les
mêmes examens?
L'Ontario se dirige également dans le
sens de la législation de la Colombie-Britannique. En effet, une
commission gouvernementale, le Professional Organization Committee, recommande
clairement de permettre aux CGA de l'Ontario d'exercer dans le champ de la
vérification publique moyennant l'obtention d'un permis de
vérificateur qui serait émis par un bureau créé et
contrôlé par le gouvernement. L'étude propose que les trois
organisations professionnelles conservent chacune l'ensemble des autres
responsabilités qui leur sont dévolues, tant au niveau de la
formation que du contrôle de l'exercice de la vérification. Voici
comment s'exprime le comité, à la page 139, dans un extrait que
nous avons fait traduire: "Pour que nous puissions recommander que l'Institut
des CA de l'Ontario soit le seul organisme autorisé à
délivrer des permis d'exercer la comptabilité publique, il
faudrait que nous soyons convaincus que le monopole dont il jouirait serve
l'intérêt public. En toute franchise, nous n'en sommes pas
convaincus. En disant cela, nous ne mettons en doute ni la suprématie
ni, encore moins, la compétence de l'Institut des CA de l'Ontario. Mais
les privilèges de cet ordre doivent toujours être soumis à
l'examen le plus minutieux en tenant compte de toutes les autres solutions
possibles. Dans le domaine de l'architecture, de l'ingénierie et du
droit, où l'octroi des permis a toujours été la chasse
gardée d'un seul organisme professionnel autonome, il n'existe d'autre
solution que l'abolition de l'obligation de détenir un permis, ce qui
est indésirable dans l'intérêt du public. Dans le domaine
de la comptabilité, en revanche, une organisation importante et saine,
l'Association des CGA de l'Ontario, se dit prête à offrir une
alternative au monopole. Une telle revendication ne peut pas être
repoussée à la légère."
Le Président (M. Desbiens): Je dois vous interrompre pour
vous souligner que vous avez déjà dépassé les 20
minutes. Mais comme je le disais tantôt à l'autre intervenant, il
vous est loisible de continuer la lecture, ce qui abrégera d'autant la
période de questions. Je vous souligne aussi que même si vous ne
faites pas une lecture entière de votre document, il est
entièrement inscrit au journal des Débats.
M. Plante: Je pense qu'on va prendre encore quelques minutes.
Au Québec, notre corporation compte au-delà de 3000
membres, et plus de 4400 étudiants inscrits chez nous poursuivent leur
programme de formation.
Il s'agit d'une progression remarquable de notre membership depuis cinq
ans. Toutefois, un rappel historique nous semble devoir être fait. C'est
en 1908 que des personnes engagées dans la comptabilité ont
décidé de se réunir pour fonder une association originale.
Montréal en est le théâtre.
Cinq ans plus tard, en 1913, le législateur fédéral
confère une existence législative à l'association et lui
accorde des droits spécifiques, dont celui exclusif de décerner
le titre de CGA.
En 1923, ce sont des CGA qui sont à l'origine de la fondation de
l'École de commerce de Québec, qui est devenue, plus tard, la
faculté des sciences de l'administration de l'Université
Laval.
Au Québec, pendant les quelque trente années suivantes,
les CGA se développent et aucune loi ne vient entraver leur champ de
pratique. En 1945, 453 membres font partie de l'association à comparer
à 802 au sein de l'Institut des comptables agréés.
En 1947, nos rangs sont décimés par suite de la loi de
1946 à telle enseigne que seulement 131 membres sont inscrits à
la corporation cette année-là, pendant que les effectifs de
l'institut passent à 1099 membres.
Pour les 131 restants et ceux qui les ont suivis, la saignée de
1946 a été un dur coup porté à leur organisme et le
vote de nos membres en 1977 rejetant la répétition du
scénario se justifie pleinement.
En 1981, le siège social de la corporation compte une quinzaine
d'employés et tous les comités obligatoires prévus au Code
des professions siègent depuis plusieurs années. L'inspection
professionnelle de nos membres en pratique privée se poursuit.
La direction des services professionnels a organisé, pour une
troisième année, un programme de sept sujets de séminaires
en 1980 et compte en développer d'autres cette année. Au chapitre
de la formation, que nous allons élaborer plus loin, des réunions
annuelles avec les représentants des universités nous permettent
d'harmoniser nos programmes respectifs et de mettre en oeuvre certaines
politiques ou certains programmes pour faciliter aux étudiants leur
préparation académique. Quant aux cours préparatoires aux
examens, ils sont organisés par les universités en collaboration
avec la corporation et certains de ces cours d'appoint sont
subventionnés par nous.
Venons-en maintenant à la question du programme
d'études.
Pourquoi ne pas décortiquer chacun des programmes des 13
universités de la province où les étudiants peuvent suivre
le programme CGA? On va se rendre compte qu'il y a parité des cours
entre CA et CGA au niveau des matières comptables, dans ce que les
universités appellent les cours obligatoires. Quant aux cours
optionnels, la plupart ne concernent en rien des matières reliées
à la vérification.
Un comité ministériel d'experts du
ministère de l'Éducation s'est penché sur
l'évaluation des études des comptables généraux
licenciés. Nous prenons la liberté de ne citer que les
recommandations qui ont été faites dans un avis au ministre.
Je cite la conclusion du rapport: "Que soient appliquées aux
membres de la Corporation des comptables généraux
licenciés de la province de Québec les mêmes règles
d'évaluation de la scolarité que celles dont
bénéficient les membres de l'Ordre des comptables
agréés du Québec, vu que les études et les stages
des uns et des autres sont équivalents. "Que les études des uns
et des autres soient évaluées pour ce qu'elles valent
réellement, soit deux ans pour le diplôme en sciences comptables -
ou ce qui en tient lieu - et tout au plus un an pour le staqe et les examens
des corporations."
Vouloir brandir le diplôme universitaire comme le font sans nuance
les CA appelle des remarques de notre part, car on tente par là de faire
des insinuations malveillantes. Il est vrai que notre corporation
professionnelle n'exige pas spécifiquement une diplôme
universitaire de premier cycle des étudiants qui poursuivent le
programme d'études CGA. Mais n'oublions pas qu'avant 1970, tous les CA
étaient dans la même situation et même en 1979, des
étudiants immatriculés 10 ans plus tôt étaient
admissibles aux examens de l'ordre sans détenir de diplôme
universitaire. Doit-on en conclure que les membres de l'ordre qui ne sont ni
bacheliers, ni licenciés en sciences comptables sont incompétents
pour autant?
Quoi ajouter?
En février 1976, le bureau de notre corporation a lui aussi
adopté un règlement instituant le diplôme universitaire de
premier cycle parmi les conditions d'admission à la corporation.
Conformément au Code des professions, article 184a, copie du
règlement fut acheminée à l'office pour étude et
approbation par le gouvernement. Cinq ans plus tard, ce règlement n'a
pas encore reçu l'approbation du gouvernement.
Bien plus, à un certain moment, l'office s'est interrogé
sur les raisons motivant notre demande d'exiger un diplôme
universitaire... des candidats à l'exercice de notre profession et,
compte tenu de cette première exigence sur les raisons motivant
l'imposition des conditions supplémentaires demandées, soit
quatre examens professionnels et un stage professionnel de deux ans.
Devant les nombreux retards de l'office à donner suite à
ce règlement, le président de la corporation a écrit au
président de l'Office des professions pour lui signaler que la
corporation ne voulait pas être pénalisée dans l'avenir en
raison du fait que tous ses étudiants ne seraient pas requis de
détenir un diplôme universitaire.
Le 1er février dernier, cela faisait 84 mois qu'était
prolongée la période de mise en vigueur du règlement de
notre corporation professionnelle en ce qui a trait aux conditions d'admission
à la corporation.
Il y a quelque temps, nous avons fait un relevé des dossiers des
étudiants qui se sont inscrits récemment à la corporation.
Sur 417 inscriptions reçues entre le 1er septembre 1980 et le 31 janvier
1981, 253 postulants détenaient ou étaient sur le point de
détenir un diplôme universitaire de premier cycle et ce,
préalablement aux examens qu'ils vont subir chez nous.
L'expérience démontre qu'à la fin de leurs études,
au moment de recevoir leur permis de pratique, ils ont bien souvent leur
diplôme universitaire ou vont décider de s'inscrire aux cours qui
leur manquent pour obtenir leur diplôme de premier cycle.
Notre corporation a souvent recruté des candidats issus du
système de l'éducation permanente qui ont fait preuve de
volonté et de ténacité, en menant concurremment une
activité de travail et une activité d'étude le soir et ce,
bien souvent, au prix de lourds sacrifices. La corporation est heureuse de les
accueillir et tente même de leur faciliter les choses en faisant preuve
de souplesse. Nous voulons qu'on comprenne bien le sens de ce dernier mot qu'il
ne faut pas associer à manque de rigueur ou laxisme.
Abordons maintenant la question des stages. Selon qu'il étudie
à temps complet ou le soir, l'étudiant doit compléter un
stage contrôlé d'un minimum de deux ans, qui peut s'étendre
jusqu'à cinq ans. La durée du stage est déterminée
selon la scolarité de l'individu.
Il est évident que ces stages ne sont pas confinés au
domaine exclusif de la vérification publique. Cela va de soi, parce que
ce champ de pratique est très peu accessible à nos membres dans
le contexte actuel. Les stages peuvent donc toucher plusieurs domaines tels que
la comptabilité, la vérification, la fiscalité ou
l'administration financière. Du reste, les employeurs autres que les
bureaux d'experts-comptables vous diront qu'ils vont choisir d'emblée un
nouveau CGA dont l'expérience est diversifiée plutôt qu'un
nouveau CA qui n'a pour toute expérience que deux ans en
vérification publique. En n'astreignant pas les étudiants
à des stages dans le seul domaine de la vérification, notre
corporation est consciente qu'elle attire ainsi plusieurs personnes dont les
activités professionnelles sont déjà bien
engagées.
C'est pourquoi, aujourd'hui, la corporation compte, parmi ses
étudiants, des détenteurs de MBA, des avocats
intéressés à se spécialiser en fiscalité,
par exemple, des bacheliers en pédagogie, etc., qui occupent des
fonctions de responsabilité.
Le stage est très bien contrôlé au moyen d'un
questionnaire détaillé que doit
remplir l'étudiant et dans lequel il doit indiquer avec
précision les fonctions générales exercées et les
postes particuliers qu'il a occupés. Il doit aussi décrire ses
fonctions de manière à permettre à la corporation
d'évaluer l'expérience qu'il a acquise. Ce questionnaire doit
être validé par l'employeur, et le supérieur
immédiat de l'étudiant est invité à commenter le
tout en fournissant des informations additionnelles.
Il arrive, du reste, qu'un étudiant qui ne peut attester d'une
expérience de travail complète, suffisamment diversifiée
ou non pertinente, soit obligé de compléter sa période de
stage et ainsi voir reportée à plus tard l'obtention de son
permis professionnel.
Les examens. Seul l'étudiant qui a suivi les cours
préalables peut s'inscrire aux examens de la corporation. Ces examens
sont uniformes à l'échelle du Canada et les questions sont
tirées du contenu d'un programme national. L'étudiant peut s'y
inscrire à son rythme individuel et il y a quatre matières au
programme: la fiscalité, la comptabilité, la gestion
financière et la vérification.
Pour les réussir, il doit obtenir une notre de 65% dans chacune
des matières. Si les CGA s'en tiennent à la formule des quatre
séances, c'est qu'ils croient devoir offrir aux étudiants un
choix respectueux de leurs contraintes d'emploi et qui ne les oblige pas
à interrompre celui-ci pendant des périodes inutilement longues.
Encore là, cette souplesse quant aux séances d'examen ne doit pas
être interprétée comme un moyen subtil de les rendre plus
faciles. Des cours d'appoint organisés par les universités et qui
ont pour but d'aider les étudiants à préparer leur examen
final, sont offerts le soir ou en week-end.
En ce qui concerne les taux de réussite, ils varient selon les
matières et selon les sessions. En général, la moyenne de
réussite des étudiants du Québec est
légèrement supérieure à celle du Canada. Elle peut
osciller entre 45% et 70%, même si certaines sessions peuvent être
plus décevantes.
En somme, que ce soit au niveau du programme scolaire, de
l'expérience de travail ou des modalités d'examen, la corporation
fait preuve de souplesse à l'égard des étudiants qui se
sont inscrits au programme CGA. D'aileurs, cette souplesse est une source de
satisfaction pour nous quand on constate que des gens qui ont
dépassé la trentaine prêtent leur serment d'office de
nouveaux CGA, aboutissement d'une étape difficile, exigeante, mais aussi
très gratifiante au plan humain. (12 h 45)
L'avis de l'Office des professions. C'est le 3 juin 1980 que notre
corporation a reçu l'avis de l'Office des professions sur l'organisation
des professions de la comptabilité. L'assemblée
générale des membres de la corporation tenue quelques jours plus
tard donnait le mandat d'organiser des réunions d'information pour les
membres et étudiants dans huit des principales villes du Québec.
La tournée des dirigeants avait pour objectif d'entendre les
différents points de vue des participants de manière à
éclairer les membres du bureau de la corporation avant qu'ils n'adoptent
une position officielle sur l'avis.
Reportons-nous à l'été dernier; une certaine
urgence d'agir nous avait été dictée par les
déclarations du ministre responsable. M. Jacques-Yvan Morin avait
clairement manifesté son intention "de procéder assez rapidement,
et... même dans le courant de l'été", au moment où
il avait rendu public l'avis de l'office en commission parlementaire, le 5 juin
1980.
Entre le 16 et le 27 juin 1980, des rencontres régionales ont
donc été tenues et c'est en juillet que le bureau de la
corporation s'est prononcé sur l'avis et l'a fait parvenir au ministre
responsable. Comme en faisait mention notre document dans les remarques
préliminaires, il s'agit de l'expression d'un consensus des membres de
la corporation, qui ont exprimé différents points de vue au cours
des rencontres régionales.
Même si, dans l'avis, l'office n'a pas retenu toutes les
recommandations que nous lui avions faites, nous sommes en accord fondamental
avec lui sur le principe d'un bureau d'émission de permis de
vérificateur. Nous pensons qu'il s'agit là d'un
élément de solution au problème vécu au sein des
professions de la comptabilité chez nous. La Colombie-Britannique l'a
expérimenté de façon harmonieuse depuis huit ans et le POC
de l'Ontario a indiqué son intention d'en retenir la formule.
Toujours au niveau des principes, celui de rendre uniquement exclusif le
champ de la vérification publique reçoit également notre
entier appui. Du reste, notre accord quant à ces deux principes est
logique, puisqu'il est conforme à une hypothèse de travail mise
de l'avant par l'Office des professions dans le cadre des dernières
réunions tenues sous son égide, en 1979, avec les trois
corporations. Même en 1972, dans notre mémoire
présenté aux membres de la commission spéciale des
corporations professionnelles, notre corporation recommandait un "bureau de
licences" et suggérait un "droit exclusif à la
vérification" qui serait accordé "à ceux des experts
comptables qui voudront s'engager dans cette spécialité".
Il n'est pas dans notre intention de reprendre une à une les
recommandations que nous avons faites en juillet 1980; celles-ci sont contenues
dans notre document en réponse à l'avis. Toutefois, pour
mémoire,
voici résumées celles qui nous paraissent les plus
essentielles: nous avons souligné le danger de donner à la notion
de vérification, retenue dans l'avis, une portée trop
étendue; nous avons fait valoir l'opportunité d'ajouter des
membres externes au sein de la commission des permis de vérificateur,
qui seraient issus du monde universitaire et des affaires; nous
préconisons l'institution d'un mécanisme d'appel d'une
décision refusant l'admission d'un candidat.
Le libellé de la proposition de l'office qu'on retrouve en page
20, alinéa c) de l'avis, nous paraît injuste. Le texte se lit
comme suit: "Toute personne, qu'elle soit membre des corporations
professionnelles des CGA et des RIA ou qu'elle ne soit pas membre d'une de ces
deux corporations professionnelles, qui, à la date de
référence, exercera de façon habituelle dans le champ
d'exercice exclusif, aura droit au permis de vérificateur, si elle peut
établir à la commission des permis de vérificateur qu'elle
a exercé la vérification pendant au moins deux ans."
Si cette disposition particulière était prise à la
lettre, aucun CGA ne pourrait, en effet, obtenir le permis à moins
d'exercer de façon habituelle dans le champ d'exercice exclusif. De
fait, on exige deux ans de pratique en vérification, alors que les lois
actuelles écartent nos membres de ce champ, à l'exception des cas
mentionnés à l'article 29 de la Loi des comptables
agréés. Ce que la corporation a recherché, c'est une
formule qui ne serait pas arbitraire et serait la plus équitable. Nous
avons recommandé qu'aux fins d'équité le permis de
vérificateur puisse être accordé sans formalité aux
CGA qui en feraient la demande et paieraient les frais d'inscription et ce,
pour une période transitoire de deux ans. Ils devraient aussi se
conformer au règlement de retour à la pratique que devra
édicter le bureau de la corporation et que le gouvernement devra
approuver conformément au Code des professions. Au terme de cette
période de deux ans, le CGA devra faire son choix. S'il a vraiment
exercé sa profession dans le domaine de la vérification publique,
son permis de vérificateur lui sera acquis dans l'avenir. S'il n'a pas
oeuvré en vérification publique, son passage à la pratique
de la vérification publique devra se faire selon les exigences de la
commission des permis.
Conclusion. La tenue de cette commission parlementaire aujourd'hui et la
présence de tous les groupes intéressés sont un signe
qu'il y a un réel désir de régler le problème. Nous
pensons, quant à nous, que la solution que nous venons d'exposer est
logique et équitable. Elle s'inspire fortement de l'avis de l'office
avec lequel nous avons déjà exprimé notre accord
fondamental sur deux principes retenus dans son document, la création
d'une commission des permis et le caractère exclusif du champ de la
vérification publique. Toute solution qui s'écarterait de cette
ligne de pensée aurait pour effet de sérieusement remettre en
question notre approbation de principe. Nous profitons de notre présence
ici aujourd'hui pour lancer un appel à tous les parlementaires de
l'Assemblée nationale. Par lettre ou de vive voix, à quelque
parti qu'ils appartiennent, plusieurs d'entre eux ont exprimé le souhait
de voir la question résolue dans les meilleurs délais. À
l'occasion de l'étude des crédits de l'Office des professions, le
5 juin 1980, deux jours après la publication de l'avis de l'office, des
porte-parole des partis de l'Opposition ont manifesté leur accord avec
une solution qui irait dans le sens de cet avis. Du côté
gouvernemental, le premier ministre nous donnait l'assurance, dans une lettre
du 29 août 1980, "que le gouvernement n'a pas l'intention, bien au
contraire, de laisser ce dossier suivre le même scénario que par
le passé." Le 22 septembre 1980, le chef de l'Opposition officielle,
parlant au nom de ses collègues, écrivait ceci: "Nous sommes
toujours intéressés à faciliter la solution de cet
épineux problème qui dure depuis si longtemps."
Devant un tel consensus, au-delà des lignes de partis, à
vouloir apporter une solution, nous prions les parlementaires et leurs leaders
respectifs de manifester tangiblement leur accord
désintéressé et de s'entendre entre eux pour que des
modifications législatives soient apportées avant la dissolution
de la Chambre.
Les CGA sont conscients que leur dossier a le défaut de ne pas
être prioritaire dans la vie des gouvernements et pas assez explosif pour
les faire réagir avec célérité. Mais nous pensons
qu'aujourd'hui le moment est venu d'agir concrètement et avec
célérité.
Nous sommes prêts à collaborer avec les autres corporations
professionnelles de comptables et avec les fonctionnaires de l'Office des
professions pour l'établissement des modalités de la nouvelle
législation et de leur mise en oeuvre.
En terminant, M. le Président, M. le ministre ainsi que les
membres de la commission, nous vous remercions d'avoir contribué
à la tenue de cette commission parlementaire et réitérons
notre sincère volonté de collaboration. Merci.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: Je remercie beaucoup la corporation pour son
exposé, son document clair et qui, j'en suis sûr, répond
à l'avance à plusieurs questions que les membres de la commission
auraient voulu lui poser. Il reste quand même quelques questions que
j'aimerais vous poser. La première, je l'ai déjà
posée à l'Ordre des comptables agréés. Elle touche
le concept de comptabilité publique. Étant admis que la
vérification constitue un acte majeur important de la
comptabilité publique, quelles sont les autres activités ou
opérations comptables couvertes par ce concept de comptabilité
publique et quelle en est l'importance dans la pratique?
M. Plante: Si nous nous reportons à notre mémoire,
nous avons pensé que la vérification publique devrait être
seulement contrôlée, étant donné que les
intérêts des tiers peuvent être en jeu, alors que dans les
autres actes posés au niveau de la comptabilité publique,
n'incluant pas la vérification publique, l'on ne voit pas quel danger il
pourrait y avoir pour les tiers qui emploient ces documents.
M. Laurin: Quelles sont-elles ces autres activités et leur
importance dans votre pratique?
M. Plante: Les autres activités au niveau de la
comptabilité publique, j'imagine, cela pourrait être la
préparation d'états financiers avec un commentaire
d'expert-comptable ou un avis au lecteur. Cela pourrait être
l'impôt, la fiscalité. Cela pourrait peut-être être du
financement. Ce qui ne touche pas aux états financiers comme tels.
Lorsqu'on parle d'états financiers, on parle de bilan où les
tiers peuvent capitaliser et en tenant compte des informations qu'il y a
à l'intérieur des états financiers. Disons,
l'évaluation d'une entreprise. Cela serait de la
vérification.
M. Laurin: Au cours de la discussion et dans vos documents, il a
été beaucoup question de normes, aussi bien de normes d'accession
au permis que de normes d'administration, si on peut utiliser cette expression
au niveau de l'exercice de la pratique professionnelle. Puis-je vous demander
quelles sont les normes comptables que votre corporation est tenue de respecter
dans l'exercice de sa profession?
M. Plante: C'est toute la réglementation qu'on retrouve
à l'intérieur du Code des professions. Nous avons l'inspection
professionnelle, la réglementation pour l'inspection professionnelle, la
réglementation qui touche la discipline, nous avons...
M. Laurin: Non, je parle des normes comptables.
M. Plante: Les normes comptables ce sont...
M. Laurin: Par exemple, est-ce que ces normes comptables sont
exactement celles dont on nous parlait tout à l'heure,
c'est-à-dire celles de l'Institut canadien des comptables
agréés?
M. Plante: Ce sont exactement les mêmes.
M. Laurin: Elles sont exactement les mêmes?
M. Plante: Exactement les mêmes.
M. Laurin: Donc, à votre avis, les normes que vous
appliquez ne sont pas différentes de celles qu'appliquent les membres de
l'Ordre des comptables agréés.
M. Plante: Non, les normes comptables généralement
reconnues, ce sont des normes que nous retrouvons à travers le monde; ce
sont les normes pour tout comptable professionnel; ce sont les mêmes que
nous retrouvons à l'ICCA.
M. Laurin: Tous les comptables généraux
licenciés qui pratiquent déjà - ils sont peu nombreux je
le sais - la vérification externe appliquent les normes usuelles, qui
sont celles de l'Institut canadien des comptables agréés, d'une
façon rigoureuse?
M. Plante: Sans doute qu'ils pourront vous répondre
tantôt, mais je suis assuré d'avance qu'ils vont vous dire que ce
sont les mêmes normes que celles que les comptables agréés
appliquent généralement.
M. Laurin: Donc, si je comprends bien, vous n'auriez pas
d'objection à ce que ces normes soient le critère
d'émission du permis de vérification?
M. Plante: À première vue, ce serait non.
M. Laurin: Pourriez-vous aussi fournir la garantie qu'une fois
obtenu ce permis, la pratique professionnelle d'un comptable
général licencié, qui relèverait de l'inspection
effectuée par votre corporation, correspondrait également aux
mêmes normes comptables, en ce qui concerne leur rigueur?
M. Plante: Évidemment, si nous avons la même
réglementation à l'intérieur des corporations comptables,
nous pouvons vous assurer d'avance que ce sera comme actuellement, alors que
l'inspection professionnelle - tout ça - est effectuée; c'est la
même réglementation, il n'y aurait pas de problème.
M. Laurin: Votre corporation collabore-t-elle ou participe-t-elle
d'une façon quelconque aux travaux de l'Institut canadien des comptables
agréés?
M. Plante: Oui, au niveau national de la recherche, l'Association
nationale des CGA du Canada participe à la recherche pour les normes
comptables. D'ailleurs, si vous avez déjà eu la chance de voir
les exposés-sondages, vous remarquerez que le nom de l'Association des
comptables généraux licenciés y est indiqué comme
participant à ces travaux de recherche.
M. Laurin: Dans les documents et au cours des discussions, il est
également beaucoup question de formation; je dirais même qu'en ce
qui vous concerne, c'est là l'aspect le plus important de la discussion.
L'Ordre des comptables agréés prétend que la formation
impartie aux candidats au diplôme de CA est de loin supérieure
à celle que peuvent obtenir les candidats à l'admission à
votre profession.
Vous venez de nous dire qu'en pratique vous remplissez l'exigence d'une
formation universitaire de premier cycle et vous nous dites également
qu'en ce qui concerne les stages et les examens, les niveaux d'excellence sont
élevés. Acceptez-vous cette assertion que, premièrement,
la formation des candidats à l'Ordre des comptables agréés
est supérieure à celle que vous dispensez, et, si oui, en quoi
serait-elle supérieure?
Deuxième question: Même si, dans l'hypothèse
où cette formation serait supérieure, la formation que vous
dispensez vous paraît-elle, en tout cas, au moins adéquate,
suffisante pour les fins que poursuit l'exercice de cette profession,
c'est-à-dire l'exercice d'une profession selon les règles de
l'art, selon les normes que l'on vient de définir, d'une part, et,
d'autre part, pour assurer la protection du public, pour assurer cette
crédibilité que l'on a jugée essentielle pour la
protection du public? (13 heures)
M. Plante: Je pense que, si on fait un retour en arrière,
avant 1971, le diplôme universitaire n'était pas obligatoire, que
je sache, pour les comptables agréés. Moi-même, j'ai fait
mon cours avant 1971. J'avais des confrères CA qui étaient assis
près de moi sur les bancs de l'école. Ils ne détenaient
pas de diplôme universitaire. Je ne serais pas prêt à dire
qu'ils sont incompétents pour autant.
Depuis 1971, c'est vrai qu'il y a une différence; un
règlement a été adopté pour le diplôme
universitaire de premier cycle. Au lieu d'un diplôme de premier cycle, on
pourrait parler d'un baccalauréat.
Au niveau des matières comptables et de la vérification,
il s'agit des mêmes matières et des mêmes cours.
Tantôt, nos prédécesseurs ont parlé de 64
crédits et, pour un bac, de 90 crédits. Je répète
qu'au niveau des matières comptables et de la vérification, ce
sont les mêmes matières. Il y a, à l'intérieur d'un
bac, d'autres matières qui, à notre avis, ne sont pas des
matières de formation comptable. Cela peut être des
matières de notions générales qui ne touchent en rien
à la formation comptable.
Je voudrais ajouter un autre point. J'ai remarqué qu'on a aussi
parlé des propositions de l'ordre. Si on fait une si grande distinction
au niveau de la formation des CGA, c'est que l'on est prêt à
accepter dans leurs rangs un certain nombre de CGA, sans formalité. Si
la formation est aussi grande et aussi différente, pourquoi est-on
prêt à poser ce geste, alors qu'en réalité l'on
dît que la formation n'est pas identique?
Le Président (M. Desbiens): Je dois vous interrompre un
instant. Je constate qu'il est près de 13 heures. Y aurait-il une
entente pour terminer vers 13 h 15?
M. O'Gallagher: C'est d'accord, consentement.
Le Président (M. Desbiens): Cela va, tout le monde est
d'accord. On continue. M. le ministre de l'Éducation.
M. Laurin: Une dernière question. En quoi la solution que
préconise l'Ordre des comptables agréés vous semble-t-elle
inacceptable d'une façon essentielle?
M. Plante: Voulez-vous dire la proposition des comptables
agréés, en 1979? Le premier point majeur, c'est qu'on parle
d'intégration, ce qui a été rejeté par nos membres.
Il y avait aussi la disparition de notre corporation. On tient à
demeurer à l'intérieur de notre corporation. Je pense que si les
membres ont déjà refusé l'offre de 1977, c'était
une des raisons premières. Ils ne voulaient pas que ce qui
s'était produit en 1946 se répète.
Comme vous le savez sans doute aussi, il y a eu, dans le passé,
en 1972, des propositions de fusion. Cela n'a pas fonctionné. Quant
à nous, nous en avons fait notre deuil. On s'est dit: II n'est pas
possible d'avoir une fusion. Nos membres ne veulent pas une intégration
qui serait une répétition de 1946. Alors, nous voulons demeurer
des CGA et avoir le droit de faire de la vérification publique, comme
nos confrères de la Colombie-Britannique. On se demande pourquoi cela ne
devrait pas exister au Québec.
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je pose ma
question au président des CGA. Votre rapport préconise une
approbation, en
général, de l'opinion ou l'avis émis par l'Office
des professions quant à un bureau de permis. Je vois qu'on pourrait
avoir une protection uniforme du public. Pourriez-vous parler de la protection
du public quant aux réglementations et à la surveillance de ces
pratiques par trois corporations différentes? Une fois qu'elles auraient
établi ce qui est nécessaire pour leur permis, nous aurons trois
corporations qui vont contrôler ces pratiquants avec trois
différents systèmes de contrôle et d'inspection, code de
déontologie, etc.
Le Président (M. Desbiens): M. Plante.
M. Plante: Je comprends très bien votre question. On ne
voit pas de problème majeur, étant donné qu'actuellement
nous avons de la réglementation qui est quasi identique. On ne peut pas
dire qu'on a trois normes, mais je ne vois pas de différence. Nous avons
un règlement sur la publicité qui a été
approuvé par le gouvernement, nous avons un règlement
d'inspection professionnelle qui a été approuvé par le
gouvernement et nous avons un règlement sur la déontologie qui a
été approuvé par le gouvernement. Je pense qu'à
l'intérieur de l'Ordre des comptables agréés vous avez la
même réglementation. Je ne pense pas qu'on puisse parler de deux
ou trois normes différentes.
M. O'Gallagher: Pourquoi ne pas avoir un seul bureau dans la
comptabilité publique?
M. Plante: C'est ce que je vous disais tantôt. On l'a
exploité depuis...
M. O'Gallagher: Les permis et tout le "kit" qui suit dans une
seule unité, au lieu de les avoir répartis sur trois?
M. Plante: Je ne sais pas si vous faites référence
à ce qui se passe en Colombie-Britannique, mais là-bas ça
fonctionne, du moins, parce que j'arrive de là, j'y étais
récemment et j'ai posé des questions, à savoir de quelle
manière ça fonctionnait. On m'a dit qu'il n'y avait de
problème, que ça allait très bien. Je ne sais pas pourquoi
on fait un avancé sur les normes comptables. J'ai dit tantôt qu'on
appliquait les mêmes principes comptables, qu'on avait la même
réglementation. D'ailleurs, on n'a pas le choix, cela nous est
imposé par la loi 250. Que je sache, c'est la même chose pour tous
les professionnels au Québec.
M. O'Gallagher: M. Plante, j'ai une question. Vous affirmez que
les comptables agréés et les CGA ont une compétence
égale. Les CA déclarent au contraire, dans le mémoire
qu'ils ont déposé ce matin, que la formation des deux groupes
diffère considérablement. Je veux me référer
plutôt à l'opinion du ministère de l'Éducation qui a
évalué la formation des CA à seize ans et la formation des
CGA à treize ans de scolarité.
M. Plante: Là, vous faites référence aux
treize ans et aux seize ans?
M. O'Gallagher: C'est ça.
M. Plante: Que je sache, la différence entre treize ans et
seize ans, c'est que lorsqu'un CGA arrive au niveau de la fonction publique et
qu'il ne possède pas un bac, il est évalué à treize
ans, mais s'il possède un bac et s'il est CGA, ses seize ans vont
être reconnus sur un même pied qu'un comptable agréé.
Ce qui n'est pas correct dans cette évaluation, c'est que si un
comptable agréé possède la même formation qu'un CGA
et qu'il ne possède pas son bac, par le fait qu'il détient un
titre professionnel de comptable agréé, on va lui
reconnaître seize ans de scolarité, alors qu'un CGA qui a la
même formation de base et qui détient son CGA, lui, on va lui en
reconnaître treize et un CA qui n'a pas de bac, mais qui a la même
formation de base qu'un CGA, avec son titre professionnel de CA, va être
classé seize ans de scolarité. Mais si un CGA arrive à la
fonction publique avec un bac et son titre professionnel de CGA, il va
être reconnu sur un même pied qu'un comptable
agréé.
Le Président (M. Desbiens): Pas d'autres questions? M. le
député de Chauveau.
M. O'Neill: M. le Président, d'abord je voudrais tout
simplement faire un commentaire à l'adresse du président de la
corporation. À la suite des remarques que vous avez faites concernant
les différences entre la formation générale et la
formation professionnelle, dans les deux cas, vous avez expliqué
également, d'autre part, pourquoi les examens aussi étaient
différents. Bref, vous avez même remis en question cette
évaluation de treize ans et de seize ans. Vu de l'extérieur, on
est porté à reprendre la question qui a été
posée ce matin, je crois, par le député de
Nicolet-Yamaska. Vu de l'extérieur, pour des profanes, la question qui
vient spontanément à l'esprit, c'est pourquoi il y a là
deux corporations? Pourquoi tout ce monde n'est-il pas ensemble?
Vous venez, en même temps, de dire que vous tenez à
être différents. Vous nous dites, d'une part, que vous ressemblez
énormément aux autres, mais vous tenez beaucoup à votre
différence. Pouvez-vous un peu nous expliquer ça?
M. Plante: M. le député, c'est une très
vieille histoire. D'ailleurs, je l'ai expliquée un peu tantôt. Un
mariage de force, ça ne
se fait pas et encore moins de raison.
M. O'Neill: Je sais. Cela se fait, mais cela ne tient pas.
M. Plante: Non, cela ne tient pas. C'est à partir du
moment où on a vu qu'un mariage de force ne faisait pas et qu'un mariage
de raison n'était pas possible que nous avons décidé de
choisir une autre voie.
M. O'Neill: Mais qu'est-ce qui vous rend si profondément
différents tout en étant tellement semblables?
Des voix: Ah! Ah!
M. Plante: En ce qui me concerne, la différence, je ne la
vois pas. Peut-être que je suis comme vous, là.
M. O'Neill: Ma deuxième question, M. le Président,
est la suivante. Dans votre mémoire, vous avez
énuméré un très grand nombre d'actes que vous
n'avez pas le droit de poser, qui étaient réservés, des
actes, en somme, de vérification publique réservés aux CA.
D'ailleurs, ces cas ont été multipliés par les politiques
gouvernementales, ce qui est un fait. Des exemples m'ont frappé quand
vous avez parlé, par exemple, de toutes petites subventions qu'on donne
à des troupes de théâtre - je me souviens de ces cas -avec
des petits budgets, des budgets minuscules et dans ces budgets doit entrer le
coût des vérifications. Dans la pratique, quand on comptabilise
tout cela, cela a-t-il un effet considérable ou peu considérable
sur le statut économique des professionnels en cause?
M. Plante: Au nombre de subventions qui peuvent se multiplier
dans une année à différents organismes, en fin de compte,
cela compte.
M. O'Neill: Mais si on tient compte de l'ensemble des
activités dites de vérification publique, c'est
considérable.
M. Plante: C'est beaucoup. Même, je dois ajouter - vous
parlez des subventions, si petites, si minimes soient-elles - qu'un de nos
membres a fait, il y a quelques mois, un rapport sur une subvention de $1500.
Il l'a fait bénévolement étant donné que
c'était pour un groupe bénévole et ses états
financiers ont été refusés en vertu de la Loi sur
l'administration financière qui demande des états financiers
vérifiés dans ces cas.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Je voudrais simplement répéter une
question que j'avais posée ou que quelqu'un d'autre a déjà
posée. La question de formation, cela se règle. Avec le temps, on
peut uniformiser cela. D'ailleurs, les CA disent qu'ils sont prêts
à prendre les CGA à l'intérieur de leur corporation,
même s'ils n'ont pas la même formation, dans un effort de
rationalisation. Mais ce qui m'inquiète, c'est après, si on suit
l'avis de l'office. La même fonction, qui, d'après tout le monde,
est tellement importante que l'intérêt public, la protection du
public exige qu'on forme un bureau spécial pour donner les permis
d'exercice, la même fonction serait surveillée par trois
organismes différents. Il me semble que cela contredit le principe pour
lequel on crée des monopoles dans des cas comme cela. Pourquoi
crée-t-on un monopole, par exemple, pour exercer ce droit, pour que cet
exercice ne soit pas surveillé de façon légale
différente, même peut-être contradictoire d'une corporation
à l'autre, alors que dans la proposition de l'office, le résultat
serait qu'une fois le permis donné, on aurait l'exercice d'une fonction,
soit la vérification, qui serait surveillé d'une façon
différente? Là, les tentations commencent. Pour avoir plus de
membres ou enfin, qu'est-ce qu'on fait? C'est justement pour cette raison qu'il
y a un monopole, pour la protection du public. Ne se met-on pas à
créer une concurrence que je trouve dans l'extrait que vous semblez, en
tout cas, prendre à votre charge, à la page 20 de votre
mémoire? L'extrait traduit de l'étude du Professional
Organization Committee de l'Ontario me semble très faible. Ils disent:
On n'est pas convaincu qu'il faut un monopole pour servir
l'intérêt public. (13 h 15)
II existe l'Association des CGA de l'Ontario qui est une organisation
importante et saine. Mettons-les en concurrence. On contredit justement le but
pour lequel on fait un monopole. La conséquence possible, c'est qu'il y
ait une inégalité et qu'il y ait une baisse. Cette concurrence
n'est pas la même que la concurrence commerciale où, pour faire
des profits, on tend à donner de meilleurs services. Les corporations,
pour avoir plus de membres, pourraient justement baisser les normes de
surveillance. Ce ne sont pas elles qui contrôleraient l'émission
des permis, mais la surveillance, le quotidien, ce seraient elles, les
corporations, qui les contrôleraient.
La réponse que vous avez donnée jusqu'à maintenant
n'a pas fait disparaître mes préoccupations à ce sujet.
Comment pouvez-vous garantir - je pense que le ministre a posé la
question - que la Corporation des CGA, vous serez en mesure d'appliquer ces
normes, les normes d'exercice de la vérification, de façon au
moins aussi bonne et non pas contradictoire? Et si, comme vous avez
répondu, vous dites: On a les mêmes règlements, on a les
mêmes
normes, pourquoi ne pas faire une corporation? La question vous a
été posée et les réponses n'ont pas encore
été, en ce qui me concerne, satisfaisantes. Une des principales
raisons, c'est que vos membres aimeraient bien garder une corporation
distincte. De là la démonstration que je trouve tout à
fait brillante du député de Chauveau; qu'est-ce que vous voulez,
elle est pareille ou elle est différente? Vous vous contredisez
vous-même dans vos prétentions.
Est-ce que vous pourriez détailler pour faire disparaître
nos préoccupations?
Le Président (M. Desbiens): M. Plante.
M. Plante: Premièrement, que je sache, en vertu de la loi
250, les corporations professionnelles sont là pour protéger le
public. La base de la réglementation même nous vient de la loi 250
et le gouvernement l'approuve.
A ce moment-là, je ne vois pas pourquoi on pourrait avoir des
normes différentes, à moins que ce ne soit spécifié
comme tel dans nos règlements. Actuellement, le cas le plus patent qu'on
peut citer, c'est ce qui existe en Colombie-Britannique. Vous avez deux groupes
de comptables qui coexistent ensemble et qui, que je sache, vont très
bien. Vous retrouvez la même chose dans plusieurs États
américains. Dans le Royaume-Uni, vous avez quatre groupes de comptables
qui sont ensemble. Je n'ai jamais entendu dire qu'il y avait des
problèmes de normes, d'application de normes. J'imagine que cela
fonctionne.
Ce que je peux vous dire, c'est que si on a de la réglementation
qui nous est imposée, nous allons nous assurer qu'elle va être
mise en application. C'est comme la lumière rouge, tout le monde
arrête.
M. Lalonde: Si je comprends bien, la principale raison, le
principal argument que vous avez, c'est la pratique à
l'extérieur, dans d'autres endroits, comme en Colombie-Britannique ou
dans d'autres États.
M. Plante: Pourquoi inventer la roue, si cela existe
là-bas et que cela fonctionne? Pourquoi essaierions-nous de trouver une
solution qui serait d'essayer de faire des mises en application avec toutes
sortes de normes et de règlements? Je ne vois pas pourquoi. Cela existe
ailleurs, cela doit être bon pour nous.
M. Lalonde: Vous pouvez constater que cet argument en est un qui
exige qu'il soit fait par un expert en la matière, c'est-à-dire
un témoin qui pourrait nous apporter des cas concrets, des
résultats concrets de ce qui se passe ailleurs et que c'est un argument
qui ouvre la porte à l'argument contraire, que cela se passe autrement
aussi à d'autres endroits. Si c'est votre principal argument, je le
constate simplement.
M. Plante: Je pense qu'il y a eu des études de faites. Je
ne voudrais impliquer aucun organisme comme tel. Il y a eu des études de
faites comme telles au niveau de la pratique, de ce qui se passe ailleurs. Je
ne sais pas si l'Office des professions serait en mesure de vous informer
là-dessus, mais je n'avance pas des choses dont je ne suis pas
certain.
M. Lalonde: J'en profite, en enchaînant à votre
réponse, pour souhaiter aussi que l'Office des professions soit
invité à la table pour qu'on puisse lui demander pourquoi il a
fait de telles recommandations. C'est un peu - peut-être pas -
inusité - ici on ne fait pas cela comme ailleurs, apparemment - que
l'organisme qui fait une recommandation ne soit pas invité à
l'expliquer aux parlementaires qui sont requis d'en parler, de l'étudier
et de se faire un jugement sur ces recommandations.
C'est tout, M. le Président.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: En fait, moi aussi, plus j'écoute les groupes
en présence, plus j'ai l'impression que la différence de
formation n'est pas tellement un problème. D'une part, les comptables
agréés nous disent: On est prêt à accepter les CGA
qui feraient de la vérification publique dans nos rangs; ils l'ont
déjà fait, ils sont prêts à le refaire. D'autre
part, de votre côté, vous avez demandé au gouvernement
d'adopter un règlement pour avoir accès à la Corporation
des comptables généraux licenciés; il faudrait un
diplôme de premier cycle universitaire.
J'imagine que c'est une demande que vous maintenez.
M. Plante: Elle est faite depuis 1976 et on ne l'a pas
retirée.
M. Paquette: Donc, c'est une demande que vous maintenez. En
principe, il n'y a pas d'obstacle de ce côté. D'autre part,
j'essaie de mettre le doigt, moi aussi, comme mon collègue de Chauveau,
sur ce qui peut bien vous rendre si différents. Parce que c'est un peu
spécial, dans le domaine des professions - cela ne semble pas le cas
uniquement au Québec, c'est le cas ailleurs aussi - d'avoir plusieurs
corporations, dans un domaine, qui remplissent, dans le fond, des fonctions
similaires, dont la formation pourrait être uniformisée
très facilement.
J'ai cru sentir dans votre mémoire qu'il y avait un certain
accent - si je compare cela au discours que nous tient l'Ordre des comptables
agréés - sur le praticien qui
acquiert sa formation, possiblement à temps partiel, beaucoup
plus de souplesse, beaucoup plus de liaison aussi, en même temps, sur la
formation pratique; l'exemple le plus caractéristique, je trouve que
c'est l'examen. Si je comprends bien, l'Ordre des comptables
agréés demande un examen de seize heures continues, un peu sur le
modèle des examens qu'ont à suivre les futurs membres du Barreau,
par exemple, un gros examen exigeant, en termes de capacité physique,
alors que vous, vous présentez quatre sessions d'examen de trois heures,
chacun sur un sujet bien déterminé, donc plus de souplesse, ce
qui permet aux gens d'adapter les examens à leur situation
professionnelle, puisque cela peut être des gens qui sont au travail,
à ce moment-là.
Est-ce que c'est un peu cela que vous craindriez dans un regroupement ou
une fusion des ordres ou des corporations comptables, un peu une
différence de mentalité? Est-ce que je décris bien la
situation?
Le Président (M. Desbiens): M. Plante.
M. Paquette: Essayez de me préciser ce qui vous
amène à tenir à ce qu'il y ait, prenons, seulement les
comptables agréés et les comptables généraux
licenciés, deux corporations distinctes.
M. Plante: Oui. Je voudrais corriger un peu au départ.
C'est que, pour le Barreau, ce ne sont plus des examens de tant d'heures, il y
a des examens à tous les deux mois.
Le premier problème, c'est que c'est un vieux dossier; depuis
1972, on a parlé de fusion, je l'ai dit, je me répète
encore, ce n'est pas possible. Je pense que, tant et aussi longtemps...
M. Paquette: Pourquoi ce n'est pas possible?
M. Plante: On l'a exposé dans notre mémoire
tantôt, ce n'est pas possible. C'est qu'à un moment donné,
quand c'est sur le point de se régler, il y a un groupe qui se retire.
Tantôt, vous l'avez entendu, il y a de grosses divergences d'opinions, de
points de vue. C'est que c'est très difficile à régler. En
tout cas, il y a un paquet de choses.
À partir de ce moment-là...
M. Paquette: En somme, ce que vous me dites, c'est que vous
n'êtes pas nécessairement opposé à un regroupement
souple ou, éventuellement, à une fusion, mais que vous avez fait
le constat que ce n'était pas possible. C'est ça?
M. Plante: Ce n'est pas possible et...
M. Paquette: On peut faire une association de corporations
souveraines ou une fédération. On va regarder ça. Moi, je
préfère la première solution. Je ne sais pas si ça
s'applique dans ce domaine-là, par exemple.
Le Président (M. Desbiens): Alors, s'il n'y a pas d'autres
interventions, je remercie les membres de la Corporation professionnelle des
comptables généraux licenciés du Québec de leur
intervention et la commission permanente des corporations professionnelles
suspend ses travaux à 15 h 30.
M. Laurin: II en reste trois.
Le Président (M. Desbiens): Alors, 15 h 30.
(Suspension de la séance à 13 h 26)
(Reprise de la séance à 15 h 45)
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre,
messieurs!
Je demanderais aux assistants de prendre place, s'il vous
plaît!
La commission permanente des corporations professionnelles reprend les
travaux qu'elle avait suspendus à 13 h 30, pour entendre certains
organismes relativement à l'avis émis le 5 juin 1980 par l'Office
des professions, à l'intérieur duquel se trouve le
problème de la qualification des actes exclusifs.
J'inviterais maintenant la Corporation professionnelle des comptables en
administration industrielle du Québec, qui est d'ailleurs en place, et
M. Kakkar, le président, à présenter les personnes qui
l'accompagnent pour le bénéfice particulièrement du
journal des Débats.
Corporation professionnelle des comptables en
administration industrielle
M. Kakkar (Harman): M. le Président, M. le ministre,
membres de la commission, en tant que président de la Corporation
professionnelle des comptables en administration industrielle du Québec,
je suis très heureux de vous faire part aujourd'hui de notre position
relative à l'organisation des professions de la comptabilité.
Notre position est unique, indépendante et dans l'intérêt
du public. J'aimerais vous présenter les membres de notre
délégation. À ma droite, Dr Jim Archibald,
secrétaire et directeur général de la corporation; M.
Claude Caffeiro, r.i.a., vice-président de la corporation,
vérificateur chef du Bureau des services de vérification aux
Approvisionnements et Services Canada;
M. Réginald Dugré, r.i.a., vice-président de la
Société des comptables, en administration du Canada, ancien
président de la corporation, vice-doyen de la faculté
d'administration à l'Université Laval; à ma gauche, M.
Roger Lefrancois, r.i.a, ancien président de la Société
des comptables, en administration du Canada, ancien président de la
corporation, vice-président du service des finances de
l'Université du Québec; M. Michel Bilodeau, r.i.a., ancien
président de la corporation, directeur général à
l'administration de la Commission des normes du travail; M. Michel Lachance,
r.i.a., trésorier et membre du comité administratif, directeur de
l'administration à la direction générale de la
main-d'oeuvre et de l'emploi; M. Roland Leblanc, r.i.a., membre du
comité administratif de la corporation, contrôleur adjoint de la
Laurentienne, compagnie mutuelle d'assurance. Je cède la parole,
maintenant, à notre vice-président, M. Claude Caffeiro, qui sera
devant cette commission le porte-parole de notre corporation. M. Caffeiro.
M. Caffeiro (Claude): M. le Président, messieurs les
députés membres de la commission des corporations
professionnelles, chers collègues, mesdames, mesdemoiselles, messieurs.
En tant que porte-parole officiel de la Corporation professionnelle des
comptables en administration industrielle du Québec, la Corporation des
RIA, il me fait grand plaisir de pouvoir faire entendre la position officielle
de notre corporation relativement à l'avis émis par l'Office des
professions le 5 juin 1980, lequel avis portait alors sur l'organisation des
professions comptables bien que le titre actuel indique que l'avis porte en ce
moment sur l'organisation des professions de la comptabilité.
Depuis l'émission de l'avis en question, notre corporation a
consulté ses membres, au cours de réunions tenues dans tout le
Québec. Notre objectif est donc de présenter au gouvernement et
à l'Office des professions une vue représentative de la situation
qui devrait prévaloir dans notre profession.
Notre corporation a préparé des commentaires sur l'avis en
question, a adopté ces commentaires comme politique officielle de notre
corporation le vendredi 23 janvier 1981 et a communiqué aussitôt
cette position au ministre responsable de l'application des lois
professionnelles et au président de l'Office des professions.
Ces commentaires, comme vous le savez, expliquent le
développement historique de notre position; ces commentaires identifient
un problème fondamental assez complexe qui semble bien être celui
de la définition de la vérification publique, celui des
paramètres reconnus de l'acte de la vérification publique et
celui des modifications législatives et autres proposées par
l'Office des professions du Québec pour mieux contrôler
l'accès à l'exercice de cette profession et les mécanismes
de contrôle de la profession même par une modification du statut
d'au moins une des corporations existantes qui passerait du statut de
corporation à exercice exclusif au statut de corporation à titre
réservé.
Nous expliquons, dans le document présenté au ministre et
à l'Office des professions, quelle semble être, à nos yeux,
la solution idéale.
Chacun des membres de la commission ainsi que le président de
l'Office des professions ont reçu copie des commentaires de notre
corporation et nous ne croyons pas utile de reprendre aujourd'hui, dans notre
exposé, le texte que vous avez tous eu l'occasion de lire et
d'étudier.
Nous voudrions plutôt souligner les objectifs qui sous-tendent ces
commentaires et faire prévaloir, auprès du pouvoir
législatif, notre perception de la façon que le public
québécois mérite d'être protégé par
ses députés élus.
Lorsque nous avons constaté que l'Office des professions a
modifié le titre de son avis, nous n'avons pas vu, dans ce changement de
titre, seulement une question de style. L'Office des professions nous
précise que son avis porte sur l'organisation des professions de la
comptabilité. Quel est le sens de ce changement à nos yeux? Nous
croyons, comme nous l'avons indiqué dans nos commentaires, que la
comptabilité est une, nous croyons en l'unicité de la
profession.
Il découle donc de cette constatation fondamentale que les
comptables professionnels du Québec seraient d'autant mieux
organisés s'ils pouvaient s'entendre sur ce principe fondamental et
s'unir dans un corps comptable réunissant ainsi les professionnels de la
comptabilité de management, d'une part, et les professionnels de la
vérification publique, d'autre part. S'il faut, pour atteindre cet
objectif, passer dans l'intérim par la création d'un organisme
externe au code actuel, soit la commission des permis de vérificateur,
la Corporation des RIA pourrait admettre l'utilité d'une telle
proposition. Cependant, a-t-on besoin de faire de telles acrobaties et de
refondre les structures de contrôle professionnel actuellement en place
alors qu'il serait parfaitement raisonnable et entièrement dans
l'intérêt du public québécois de fonder dans les
meilleurs délais une seule corporation professionnelle de comptables
ayant la fonction de délivrer et le permis d'utilisation des titres
professionnels et le permis d'exercice dans le champ exclusif de la
vérification publique?
Ainsi n'éviterions-nous pas le besoin, tel qu'il est perçu
par l'Office des professions
du Québec dans son avis, de créer de toutes pièces,
en dehors du Code des professions et dans un esprit différent de celui
du Code des professions, une commission des permis de vérificateur?
De plus, M. le Président, vous le savez autant que nous, la
création d'une telle commission risque de coûter des centaines de
milliers de dollars aux contribuables québécois et aux
professionnels de la comptabilité.
La Corporation des RIA ne peut qu'encourager le gouvernement à
préconiser une solution définitive aux problèmes qui sont
réels ou perçus par ses agents comme étant réels.
Nous parlons d'une solution définitive et non pas d'une solution
intérimaire, car nous croyons très sincèrement que la
solution proposée par l'Office des professions est, en effet, une
solution intérimaire qui ne répond pas à long terme
à l'intérêt du public québécois que nous
desservons tous. Il est évident à nos yeux que, lorsqu'on
s'attelle à une tâche aussi importante que celle-ci, on se doit de
rechercher la solution la plus durable possible. Il en ressort que, quelle que
soit la solution retenue par le gouvernement, celui-ci devrait respecter les
droits acquis des professionnels actuellement en exercice et les droits de
pratique dans les divers champs d'exercice des professions de la
comptabilité tels que nous les connaissons aujourd'hui. Par ces droits
acquis, nous entendons plus précisément ceux d'offrir nos
services professionnels au public tel que prévu à l'article 37 du
Code des professions et à l'article 28 de la Loi sur les comptables
agréés.
La corporation des RIA n'a guère besoin de rappeler ni aux
législateurs ni à l'Office des professions les difficultés
que le gouvernement a eues à régir l'exercice des professions de
la comptabilité dans cette province. Nous croyons cependant que le
gouvernement et les parties impliquées ont fait des progrès
sensibles depuis peu et que nous commençons à cerner de
façon plus juste les paramètres de nos professions. Nous sommes
aussi dans l'obligation d'admettre très honnêtement que l'acte de
la vérification publique par sa nature ponctuelle est très
probablement le seul pour lequel le professionnel de la comptabilité
aurait besoin d'un permis d'exercice en vue de protéger le public. Le
permis de port de titre suffirait dans les autres cas pour identifier la
compétence et l'honnêteté des professionnels
exerçant en comptabilité de management dans cette corporation
unique dont nous avons parlé tout à l'heure. C'est cette solution
qui serait dans l'intérêt du public à long terme et celle
qui respecterait le génie de la corporation professionnelle, soit un
groupe de professionnels autogérés qui aurait le pouvoir de
délivrer des permis et des certificats de spécialité et de
contrôler de façon uniforme l'exercice des professions de la
comptabilité.
Il est donc essentiel de mettre de côté les
différends mineurs qui enveniment à l'heure actuelle l'ambiance
professionnelle qui règne sous le code. Il est essentiel d'enrayer la
tendance de l'administration publique à croître
démesurément. Nous devons tous viser de façon
désintéressée l'organisation à long terme des
professions de la comptabilité.
Nul n'a besoin de rappeler devant cette commission des corporations
professionnelles le principe de la consultation selon l'esprit du Code des
professions actuellement en vigueur. Cependant, à une époque
où l'on délègue de plus en plus de pouvoirs réels
à ceux qui appliquent les lois et développent la
réglementation professionnelle, il est essentiel de rappeler le principe
de la consultation préalable réelle et d'insister auprès
du gouvernement sur la nécessité de maintenir dans la recherche
d'une solution définitive un niveau entièrement adéquat de
consultation au préalable entre le gouvernement et la Corporation des
RIA de même qu'une consultation efficace entre le gouvernement et les
autres corps comptables impliqués dans le débat actuel. Si toutes
les parties impliquées ne s'engagent pas à se consulter de
façon honnête dans la recherche d'une solution définitive
qui protège réellement l'intérêt du public, nous
manquerons collectivement à notre devoir. (16 heures)
Comme on doit reconnaître que le Québec existe dans un
contexte nord-américain qui s'étend bien au-delà des
frontières du Québec, il faut, croyons-nous, reconnaître
certains avantages au chapitre du perfectionnement professionnel, au chapitre
des activités de recherche et au chapitre de l'établissement de
normes comptables et de normes de vérification, à l'affiliation
de certains groupements de professionnels québécois avec des
associations, sociétés ou instituts d'envergure nationale ou
internationale. Il faut donc s'assurer que la solution définitive tant
recherchée comporte une liberté d'affiliation selon le secteur
dans lequel le professionnel de la comptabilité choisira d'exercer.
L'un des principes avancés par l'Office des professions dans son
avis est en effet l'accessibilité par les professionnels de la
comptabilité à l'exercice de la vérification publique. La
Corporation des RIA a expliqué de façon précise son point
de vue quant à l'accès par des professionnels faisant partie des
corporations existantes à l'exercice de la vérification publique.
Ainsi, tout RIA actuel ou futur qui, par sa formation ou par son
expérience, est reconnu par le bureau de sa corportion comme
étant compétent dans l'exercice de la vérification
publique, devra
avoir accès au permis de vérification publique. Il n'en
demeure pas moins que, dans une corporation unifiée, les
règlements devraient prévoir des dispositions permanentes
assurant la possibilité de transfert d'une sphère
d'activité à une autre sphère d'activité
professionnelle au sein de cette même corporation. Le passage d'un
secteur à un autre devrait, bien entendu, faire l'objet de
règlements précis qui seraient déterminés par le
bureau de cette corporation unifiée.
Dans ces quelques remarques et dans le texte, les commentaires que nous
avons soumis au ministre et à l'Office des professions du Québec,
nous avons esquissé ce que nous croyons être la solution
idéale aux problèmes de l'organisation des professions de la
comptabilité au Québec.
M. le Président, nous vous recommandons d'évaluer les
commentaires reçus sur l'avis avant de proposer devant
l'Assemblée nationale des mesure législatives quelconque. Nous
vous recommandons également de faire part de tout projet de modification
législative aux corporations professionnelles de comptables
intéressées à ce débat et de les consulter pour que
nous puissions, à tour de rôle et ensemble, intervenir de
façon efficace dans le processus de définition du texte ou des
projets de loi et/ou du texte de toute modification législative
éventuelle touchant de près ou de loin à l'organisation
des professions de la comptabilité au Québec.
En conclusion, nous croyons que notre solution idéale est celle
que le gouvernement aurait intérêt à préconiser dans
l'intérêt du public. Le gouvernement du Québec devra se
garder de proposer une solution motivée surtout par la recherche d'une
plus grande harmonie, à l'époque actuelle, car le public que
l'appareil gouvernemental doit protéger n'est pas seulement celui qui
existe à ce moment même. C'est un public en devenir dont les
besoins et dont l'intérêt sont sujets à une
évolution réelle dans le temps. C'est ainsi que nous estimons que
toute solution qui paraît expéditive et ne vise pas le long terme
est à écarter.
Non seulement faut-il organiser les professions de la
comptabilité, mais encore faut-il reconnaître l'unicité de
la profession et rationaliser les champs d'exercice, face au devenir
professionnel québécois, face à la fonction primordiale de
l'office et à l'économie des institutions créées
par vous-mêmes, les législateurs élus.
En terminant, je souligne que la Corporation des RIA est
entièrement disposée à faire équipe avec ses deux
corporations soeurs de la comptabilité et l'autorité
gouvernementale pour arriver à une solution qui respecte le génie
de la corporation professionnelle québécoise, l'économie
des institutions publiques et le consommateur de nos services
professionnels.
Merci, M. le Président. Mes collègues et moi-même
accepterions bien volontiers de répondre aux questions que l'on voudrait
nous poser.
Le Président (M. Desbiens): Merci. M. le ministre de
l'Éducation.
M. Laurin: Et chargé de l'application des lois
professionnelles. Je remercie beaucoup la Corporation des comptables
industriels pour le mémoire qu'elle vient de nous présenter. Je
vois que les comptables industriels ne s'embarrassent pas de détails
qu'ils vont droit à l'essentiel et qu'ils nous suggèrent de
régler dans les plus brefs délais le fond du problème.
Je constate aussi que c'est un discours optimiste, puisqu'ils nous
disent qu'à travers toutes les dissensions des dernières
années ils ont l'impression que nous avons quand même fait des
progrès, que la situation est mieux éclairée et que,
peut-être, nous sommes plus près que nous ne pensons d'une
solution à la fois adéquate et complète.
Ils sont optimistes aussi en disant que les différends qu'ils ont
constatés sont mineurs, qu'il serait possible de les régler
probablement assez rapidement. Bien entendu, je suis intéressé
par la solution qu'ils nous suggèrent et qui est axée sur ce
qu'ils ont appelé l'unicité de la profession comptable. J'y
reviendrai un peu plus tard.
Je voudrais juste au préalable poser quelques questions de
détail. Je voudrais savoir quelle est la proportion de vos membres qui
font actuellement de la vérification ou de la comptabilité
publique et si vous avez l'impression que la formation que vous leur dispensez
les habilite d'une façon aussi bonne que vous le souhaiteriez à
exercer cette partie de la profession comptable
Le Président (M. Desbiens): M. Kakkar. M. Kakkar:
Jim Archibald, please.
M. Archibald (Jim): M. le ministre, il est bien évident
que la Corporation des RIA a une finalité qui est celle de former des
comptables en management. Compte tenu de cette finalité, notre objectif
en soi n'est pas de former des vérificateurs publics. Donc, il est
important de reconnaître que la très vaste majorité de nos
membres exerce en comptabilité de management. Il est bien évident
cependant, en écoutant le mémoire que notre ami Caffeiro vient de
vous lire, que, parmi les membres de notre corporation, il y en a, bien
entendu, qui, par l'expérience personnelle qu'ils ont acquise au fur et
à mesure qu'ils ont exercé la profession ou par la formation
universitaire qu'ils ont reçue, exercent, en fait, ce que l'on
convient
d'appeler la vérification publique.
Je reviens, cependant, à notre finalité qui est celle de
la comptabilité de management. Je dois dire que le programme de
formation qui est établi à l'échelle nationale et qui
constitue un programme modèle à l'échelle nationale est
fait en fonction de cette finalité qui réunit l'ensemble des
membres à travers le pays. Ici, dans la province de Québec, la
formation qui est donnée à nos membres est donnée, pour la
plupart, à 80% par les universités. Cette formation est reconnue
comme une formation équivalente à un programme modèle
établi à l'échelle canadienne, si bien que, de droit, nous
pouvons dire que le comptable en administration industrielle du Québec
satisfait aux normes minimales pour l'admission à l'exercice, en plus,
de fait, de remplir les exigences nécessaires en suivant les programmes
universitaires en comptabilité pour rejoindre le programme modèle
établi à l'échelle nationale. C'est grâce à
ce programme étalon, si vous voulez, que nous pouvons nous assurer d'une
formation uniforme et adéquate de tous les membres qui exercent la
profession à l'échelle du pays, à l'échelle de la
province de Québec en particulier.
Nous avons, à l'intérieur de notre corporation, dans notre
effort de rationaliser, si vous voulez, notre partie de la profession,
adopté il y a déjà un certain temps de cela, comme vous le
savez fort bien, des projets de règlement que nous avons
déposés à l'Office des professions et qui ont
été l'objet d'un moratoire. Nous attendons toujours l'adoption de
ces règlements.
Cependant, la vie continue, n'est-ce pas, et on continue à
travailler. Au sein de notre corporation, nous avons adopté, par les
voies de nos règlements internes, une résolution, au bureau de la
corporation, qui voudrait que l'on officialise une reconnaissance de formation
de premier cycle en comptabilité donnée par nos diverses
facultés d'administration dans nos universités au Québec,
ce qui nous permettrait, de droit, de reconnaître une situation de fait
car 80% de nos candidats au permis, actuellement, passent à travers les
programmes de premier cycle en comptabilité dans nos
universités.
Nous insistons également pour les 20% qui ne passent pas
nécessairement par ces programmes, sur l'accessibilité qu'il faut
maintenir dans le système professionnel pour les comptables qui
voudraient obtenir le permis de port de titre, pour ceux qui travaillent, les
travailleurs, qui veulent parfaire leur formation professionnelle le soir,
à l'extension de l'enseignement, à l'éducation des
adultes, etc. Notre volonté très ferme est de progresser de
façon que nous puissions garantir de droit une formation de premier
cycle à toutes les personnes qui voudraient avoir accès à
cette profession et de légaliser, si vous voulez, une situation de fait.
Donc, la vaste majorité des membres exercent pour des raisons que je
viens de vous donner dans le champ de la comptabilité de management,
bien qu'il y en ait un certain nombre qui exercent également en
vérification publique au sens que l'on donne aujourd'hui à la
vérification publique par la force de leur expérience
préalable ou par la force d'une formation qui n'est pas
nécessairement celle qui correspond au programme modèle. Je crois
que notre collègue de l'Université Laval pourrait peut-être
vous donner une réponse plus détaillée en ce qui concerne
les possibilités de parfaire cette formation pour permettre à ces
personnes d'avoir une formation plus uniforme dans toutes les corporations
comptables.
Le Président (M. Desbiens): M. Dugré.
M. Dugré (Réginald): II y a un certain nombre, un
nombre même assez considérable de nos membres qui ont un
diplôme universitaire et qui, en vertu des choix qu'on peut faire
aujourd'hui dans les programmes universitaires, ont quand même
étudié la comptabilité publique ou encore la
vérification publique. Or, ils s'engagent, par exemple pour des bureaux
de comptables agréés, sans avoir passé
nécessairement les examens des comptables agréés ou encore
ils font de la vérification pour le Vérificateur
général de la province ou pour le gouvernement
fédéral. Ces personnes ont quand même acquis de
l'expérience dans le domaine de la vérification publique, tout en
ayant la formation de base qu'on croit nécessaire. Encore une fois,
comme l'a dit notre directeur général, notre objectif premier
n'est pas de former des vérificateurs, mais il y en a un certain nombre
qui ont cette formation de base et aussi l'expérience. C'est pourquoi,
dans la proposition qu'on fait, on dit que ceux qui ont les connaissances, qui
ont l'expérience et qui veulent en faire leur vie - tout le monde a le
droit de changer d'option à un certain moment - devraient être
capables d'en faire. Ce n'est pas notre objectif premier, ce sera plutôt
en passant, en changeant de voie dans la vie qu'un certain nombre de ces gens
s'en iront vers la vérification publique.
M. Laurin: Merci. Dans cette corporation unique que vous nous
recommandez, il y aurait, si j'ai bien compris, plusieurs certificats qui
correspondraient peut-être à autant de spécialités,
comme cela existe déjà au sein d'autres corporations, comme celle
des médecins, comme celle des ingénieurs. Vous recommandez en
plus qu'il y ait des passerelles qui permettent à un comptable de
changer de spécialité, le cas échéant. Vous
avez dit aussi qu'il y aurait lieu de revoir les conditions d'accession
à l'exercice, mais ce que je n'ai pas compris tout à fait, c'est
si vous préconisez deux modalités d'accès à
l'exercice ou même deux permis d'exercice: un permis d'exercice pour les
professions comptables en général et un autre permis d'exercice
qui cette fois s'appliquerait uniquement à la vérification. Je
vous serais reconnaissant de préciser ce point, si cela est possible.
(16 h 15)
M. Kakkar: M. Archibald, s'il vous plaît.
M. Archibald: M. le ministre, notre position est celle-ci: Dans
cette corporation unifiée dont nous avons parlé, nous voudrions
voir tout d'abord une corporation dont le bureau a le pouvoir de
délivrer le permis. Donc, que l'on n'usurpe pas le pouvoir d'une
corporation professionnelle telle qu'elle existe selon le code actuellement.
Une corporation professionnelle, à notre sens, par le biais de son
bureau, qui travaille dans l'intérêt du public, peut donc
délivrer un permis d'exercice pour exercer dans un champ professionnel
que l'on peut définir comme étant, si vous voulez, la
vérification publique. D'autre part, comme nous l'avons souligné,
une corporation professionnelle a également le pouvoir, par le biais de
son bureau qui travaille dans l'intérêt du public, de
délivrer des permis de port de titre permettant à ces
professionnels de s'identifier auprès du public comme ayant certaines
compétences, si bien que, dans cette corporation unifiée, on peut
présumer, parce qu'on part d'idées à l'heure actuelle, que
l'on pourrait délivrer un permis d'exercice en vérification
publique, si c'était en effet le champ que l'on peut identifier comme
étant le champ exclusif et, d'autre part, un permis de port de titre
identifiant la compétence du comptable dans le champ de la
comptabilité de management que nous avons défini en plusieurs
pages pour vous dans le premier mémoire que nous vous avons soumis,
à vous-même et à l'Office des professions.
Je crois que, dans cette corporation, on voudrait que l'on profite
justement de cette possibilité de deux types de permis juridiquement et
puis il est également possible, uniquement à l'échelle des
idées à l'heure actuelle, de concevoir également, dans le
cadre du code, la possibilité de délivrance de certificats de
spécialité. C'est un autre niveau, si vous voulez, dans la
délivrance de certificat. J'espère que j'ai éclairci un
petit peu ce qui était vaque.
M. Laurin: Est-ce que, par ailleurs, le contrôle de
l'exercice et la protection de l'intérêt public pourraient
être additionnellement assurés par l'adoption de règlements
déontologiques qui verraient à préciser justement la
pratique ou les conditions de pratique de l'une ou l'autre des
spécialités?
M. Kakkar: M. Archibald, s'il vous plaît.
M. Archibald: La Corporation professionnelle des comptables en
administration industrielle a déjà adopté un Code de
déontologie qui s'applique en ce qui concerne le champ qui nous
intéresse en priorité, soit le champ de la comptabilité de
management.
Je crois que notre mémoire est assez explicite en ce qui concerne
les normes que l'on doit respecter pour ce qui est de l'exercice de la
vérification publique, si l'on concède que c'est en effet
l'exercice exclusif. Donc, cette corporation-ci a déjà
adopté et met déjà en application un code de
déontologie.
M. Laurin: Mais ma question allait plus loin. Est-ce qu'une
explicitation des règlements pédagogiques de la nouvelle
corporation unifiée pourrait préciser les conditions de pratique
de telle ou telle spécialité à l'exclusion d'une autre,
comme cela se pratique encore actuellement dans certaines corporations?
M. Kakkar: M. Dugré, s'il vous plaît.
M. Dugré: M. le Président, je pense qu'il n'y
aurait pas d'objection, c'est une chose qui, je crois, peut très bien se
faire. Bien que nous n'ayons pas travaillé très fort dans ce
sens, il n'y a rien qui s'oppose à ce que ça puisse se faire.
S'il n'y avait qu'une corporation avec deux sections, il n'y a rien qui
nous empêcherait de déterminer quels sont les devoirs particuliers
de ceux qui, par exemple, font de la vérification publique ou même
de la comptabilité publique ou encore de ceux qui feraient de la
comptabilité de management. Je pense qu'il n'y a rien qui s'oppose
à ça; si jamais le gouvernement ou l'office proposait quelque
chose dans ce sens, je crois que ça pourrait très bien se faire.
Je crois que ce ne serait pas une très grosse difficulté puisque
déjà des codes de déontologie existent; il s'agirait de
les adapter à la nouvelle corporation unifiée.
M. Laurin: Puisque vous êtes en veine de suggestions,
pourriez-vous également nous suggérer des méthodes de
regroupement des trois corporations comptables actuelles? Est-ce que votre
réflexion a été poussée jusque-là?
M. Kakkar: M. Caffeiro, s'il vous plaît. M. Caffeiro: M. le
ministre, nous
parlons aujourd'hui au niveau des principes et au niveau des
idées. Je crois que la seule manière d'arriver à une
fusion, c'est par la négociation. Je ne pense pas qu'on puisse
s'embarquer, cet après-midi, dans des suppositions; c'est pour ça
qu'on voudrait, autant que possible, éviter les détails.
Lorsqu'on- se sera mis d'accord au niveau du principe, on verra les
détails. Si on s'assoit ensemble, on pourra décider d'en former
une seule, mais les modalités, etc., devraient venir par la
négociation. J'imagine que c'est parfaitement faisable d'avoir une
corporation avec un bureau, avec des membres élus par les
différents secteurs de la province, comme le prévoit le code.
On pourrait peut-être prévoir deux personnes pour chaque
secteur: un en pratique publique et un autre en comptabilité de
management, ce qui formerait un bureau à peu près égal, la
moitié des comptables publics et l'autre moitié des comptables en
management. Ce serait une manière d'agir.
L'autre manière serait peut-être d'avoir une corporation
avec deux secteurs bien distincts, chapeautés par un organisme,
peut-être un comité administratif ou quelque chose du genre. Mais
ce ne sont que des idées; cette chose viendra par la négociation.
Si on détermine le but, si on négocie dans un but
déterminé, je pense qu'on pourrait arriver à quelque chose
de ce côté.
M. Dugré: M. le Président, dans la proposition de
1976 de l'Office des professions, on avait un peu prévu cette chose en
disant, par exemple: Si deux corporations se fusionnaient, pendant deux ou
trois ans, on aurait un nombre égal d'administrateurs et, au bout de
trois ans, on aurait appris à vivre ensemble. Alors, ces nombres, qui ne
correspondraient plus au nombre des membres des anciennes corporations,
disparaîtraient et ce seraient simplement les membres qui suivraient les
règlements habituels. Il pourrait y en avoir plus d'une ancienne
corporation que de l'autre. On prévoyait qu'au bout de trois ans on
devrait être capable de savoir ou bien si le mariage va se continuer ou
s'il va faillir. Mais je pense qu'il y aurait beaucoup de chances que ce soit
un succès.
M. Laurin: Même si vous tenez beaucoup à votre nom,
RIA, comme je le présume je comprends que, dans
l'éventualité d'une conclusion heureuse à ces
négociations, vous accepteriez même de sacrifier le nom de votre
corporation au profit d'une nouvelle appellation qui pourrait regrouper toutes
les professions comptables.
M. Dugré: Dans notre mémoire du 20 novembre 1979,
nous avions même suggéré des changements de nom et de titre
complets, de même que les initiales. Cela ne nous répugnerait pas,
loin de là, de laisser tomber certaines choses.
M. Laurin: Je vous remercie.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Messieurs, dans
votre mémoire, vous proposez l'unification des sciences comptables dans
une seule corporation dans laquelle il y aurait deux branches, une branche pour
la comptabilité publique et une pour le management. Mais si on faisait
une petite comptabilité des nombres, on aurait, à cette
époque-ci, à peu près 5000 comptables dans la
vérification ou la comptabilité publique et 9000 comptables, de
l'autre côté, dans le management. Si je comprends bien l'affaire,
les comptables en vérification font la vérification des livres
des compagnies, des rapports que les comptables en gérance ont
préparés. Ne voyez-vous pas, au sein de la corporation
unifiée, au bureau de direction un conflit d'intérêts assez
évident?
M. Kakkar: M. Dugré, s'il vous plaît.
M. Dugré: M. le Président, à l'heure
actuelle - prenons l'exemple des comptables agréés - il y a au
moins 50% des CA qui sont en comptabilité de management, en tout cas qui
ne sont plus en comptabilité publique. Je n'ai jamais entendu dire
qu'ils faisaient mauvais ménage. Cela peut donc se vivre. Seulement,
quand on fait une proposition dans le sens d'avoir deux branches, c'est que,
dans la réalité, les gens qui sont en comptabilité de
management aiment à vivre des problèmes qui se rapportent
à cela, se perfectionner dans le domaine, etc., tandis que ceux qui sont
en comptabilité publique, par exemple, en vérification publique,
ils ont des problèmes autres. Ils doivent aussi vivre, apprendre
à vivre avec ce genre de problèmes, mais cela n'empêche pas
qu'au sommet au moins on puisse quand même se rencontrer, qu'on puisse
vivre ensemble sans être nécessairement obligés de se
créer des problèmes les uns, les autres. Actuellement, les CA
vivent ensemble.
M. Caffeiro: Comme je le disais tout à l'heure, on ne voit
pas nécessairement cette corporation dirigée par un seul bureau.
Si on s'apercevait par la négociation que cela ne fonctionnait pas, on
pourrait peut-être créer deux secteurs indépendants l'un de
l'autre, mais coiffés par un organisme, un genre ce comité
administratif ou quelque chose du genre. Il y a des intérêts
distincts dans les deux champs. Il est important que les décisions se
prennent d'une manière éclairée dans les deux champs.
M. O'Gallagher: Je constate une légère
préférence pour la solution proposée par l'office, par les
CA et par vous autres lors de la présentation de l'avis en 1977. Ce
serait deux corporations distinctes.
M. Caffeiro: Ce n'est pas cela que j'ai dit; j'ai dit une
corporation avec deux secteurs distincts.
M. O'Gallagher: Cela pourrait venir.
M. Caffeiro: Possiblement. On est ouvert de ce
côté-là.
M. Dugré: Pour retourner en 1972, la première fois
qu'on a paru devant la commission parlementaire ici, les RIA avaient
proposé une seule corporation, ce qui fait aussi qu'on a commencé
à négocier après la naissance du Code des professions. On
s'est aperçu que les problèmes étaient beaucoup moins
faciles à régler qu'on le croyait à ce moment-là.
On a négocié longtemps.
On s'est aussi aperçu que si on avait une étape vers
l'unification c'était peut-être la solution de 1976 qui disait
d'avoir au moins deux corporations pour commencer. Évidemment, les CGA
ont rejeté cette offre-là. L'office nous arrive maintenant avec
peut-être ce que nous considérons comme une autre étape
quand même vers cela, avec son comité d'émission de permis,
la vérification des trois. À un moment donné, il y aura
peut-être certains conflits qui sont très visibles à
l'heure actuelle, mais nous croyons que, même à ce
moment-là, nous allons chercher inévitablement à avoir une
seule corporation. Tout ce que nous considérons, il y a des
étapes qu'on nous a proposées, mais la fin, pour nous, reste la
même, une seule corporation et au sein de cette corporation, des sections
séparées ou encore, dans la même corporation,
différentes sections. Il y aurait peut-être
intérêt... Peut-être, mais cela reste à voir. (16 h
30)
M. Blank: Dans la même veine, il y a quelque chose qu'on a
a oublié, je pense. Le ministre a parlé de faire une corporation
qui donnerait peut-être des diplômes différents au sein
même de cette corporation, mais, quand on discute avec les comptables, je
pense qu'il y a une différence. Les corporations dont le ministre a fait
mention font affaires directement avec un consommateur qui sait avec qui il
fait affaires. Il veut avoir telle et telle personne professionnelle avec tel
ou tel diplôme et il fait affaires avec elle, mais ici, avec les
comptables, un des problèmes de la vérification, c'est la
question qu'on fait affaires avec une tierce personne qui n'a rien à
faire avec l'embauche de professionnels. Cela veut dire que les états de
compte et les bilans sont vérifiés par un vérificateur qui
fait affaires avec une tierce personne peut-être dans des pays
étrangers, c'est-à-dire qu'on tient pour acquis que la personne
qui a signé a fait une qualification. On ne sait pas si elle est membre
d'une corporation avec un diplôme A, B ou C. C'est le problème
ici. Si vous avez seulement une corporation unie, avec des professionnels, avec
des qualifications différentes, ils ont tous le même nom, la
même corporation, comment la Banque internationale de Londres, qui garde
un bilan vérifié par telle et telle personne, saura-t-elle si
cette personne a vraiment un diplôme A, B ou C de cette corporation?
Si vous allez faire des sections distinctes, pourquoi ne pas laisser des
corporations différentes? Ce conflit peut arriver nonobstant qu'on parle
des comptables qui font telle et telle pratique, mais ils ont la
capacité, l'entraînement et les normes qui leur donnent le droit,
comme à tous les autres comptables, de vérifier un document comme
des vérificateurs. C'est un peu différent des autres professions
parce que ici, ce ne sont pas seulement les consommateurs qui demandent les
services d'un comptable, mais la tierce personne, qui doit tenir pour acquis
que cette personne a ces qualifications. Le document qu'on prépare ici
dans la province de Québec peut être utilisé en Ontario, en
Afrique du Sud ou en Grande-Bretagne ou on ne sait pas où. C'est la
différence entre ces professionnels et ceux auxquels le ministre a fait
allusion. C'est ce que je constate.
Même dans la Loi des compagnies, on trouve cette chose. Des
comptables de gestion d'une compagnie sont nommés par les
administrateurs, mais le vérificateur est nommé par les
actionnaires. N'y a-t-il pas un conflit, le danger de voir quelque chose
survenir? C'est là qu'est la différence entre cette profession
qui fait affaires avec de tierces personnes et pas seulement avec les
consommateurs.
Le Président (M. Desbiens): M. Dugré.
M. Dugré: M. le Président, pour donner un
certificat de vérificateur, il faut avoir le droit de le donner. Si vous
n'avez pas le droit de le donner et si vous en donnez un, vous faites un faux.
On est bien d'accord là-dessus? Si vous vous appelez CPA, votre titre
est CPA, et parce que votre permis a été suspendu, vous n'avez
quand même pas le droit de donner un certificat. Vous n'avez pas à
revenir. Vous avez été retiré. Donc, à ce
moment-ci, il faut quand même faire une différence entre le droit
de faire une chose et le nom que vous portez. Si vous vous appelez... Je ne
suis pas certain que ce serait une solution qui serait adoptée, mais
supposons que tout le monde a les mêmes
titres, CPA, comptables professionnels agréés, par
exemple, à ce moment-là, il y en aura parmi ceux-là qui
auront le droit de faire de la vérification et d'autres qui n'auront pas
le droit. Même s'ils ont...
M. Blank: Comment la tierce personne qui voit "CPA" saura-t-elle
si cette personne a les qualifications ou pas? C'est cela qui me
préoccupe.
M. Dugré: M. le Président, je peux dire aussi:
Comment puis-je savoir - ce sont tous des médecins - si un tel est
spécialiste des yeux, un autre de la tête et un autre...? Ils sont
tous médecins.
M. Blank: Ah oui, mais c'est vous qui embauchez ce
spécialiste. C'est vous qui allez vous informer s'il a ces
qualifications, mais si...
M. Dugré: Le client s'informera aussi.
M. Blank: ...je vois un certificat signé par ce
médecin, une tierce personne, je ne sais pas qui vous avez
embauché. C'est la différence.
M. Dugré: Oui, mais, à ce moment-là, si je
n'ai pas le droit d'en signer et que j'en signe, je fais un faux. Ceux qui
donneront ces certificats, à mon avis...
Le Président (M. Desbiens): M.
Caffeiro.
M. Caffeiro: Non, mais il y a une chose qui est assez simple
là-dedans, M. le député, c'est que ceux qui vont
être en vérification publique vont avoir un permis de
vérification publique dûment émis.
M. Blank: Par qui?
M. Caffeiro: En bonne et due forme, par le bureau de la
corporation, disant que M. X est un vérificateur public.
M. Blank: Mais il va ajouter cela à son nom lorsqu'il
signe?
M. Caffeiro: Comment dites-vous cela?
M. Blank: Quand il signe CPA, vérifié par telle ou
telle personne, CPA, il va ajouter aussi le numéro de son
diplôme?
M. Caffeiro: On entre dans un détail...
M. Blank: Ce n'est pas un détail, c'est la base de
l'argument.
Le Président (M. Desbiens): À l'ordre, s'il vous
plaît! M. Lachance.
M. Lachance (Michel): M. le député, vous parliez de
n'importe quel pays tantôt. Comment pouvez-vous savoir, si vous vivez en
Afrique du Sud, par exemple, que le document qui vient du Canada, signé
par un comptable, c'est le bon comptable? Vous pouvez aussi vous poser la
question. Vous vous fiez au document que vous avez devant vous. Nous, au
Canada...
M. Blank: Oui, mais qu'on sache au moins, en Afrique du Sud,
qu'un CA est un vérificateur public qui vient du Canada; s'il vient des
États-Unis, c'est un CPA; s'il vient de l'Angleterre, c'est un CR; s'il
vient de la France, je ne sais pas le nom. Au moins, il y a le fait que c'est
bon.
M. Caffeiro: À ce moment-là, il n'y a qu'à
prendre des initiales différentes.
M. Blank: Mais si vous avez des initiales différentes,
pourquoi pas des corporations différentes?
M. Caffeiro: À ce moment-là, si on a des
corporations différentes, cher monsieur, ce qu'on cherche dans le
moment, c'est à unifier la corporation. Ou tu es comptable ou tu ne l'es
pas. Ou tu es médecin ou tu ne l'es pas. À l'intérieur de
la corporation des médecins, vous avez des spécialités
différentes. C'est la même chose.
M. Blank: Mais, comme je vous le dis, c'est vous qui choisissez
le médecin, c'est vous qui vérifiez les qualifications de ce
médecin avant de vous faire traiter. C'est un contrat entre vous et ce
médecin. Mais ici, il y a un contrat entre le consommateur et
également une tierce personne qui n'a rien à faire avec
l'engagement de ce professionnel. Chez les avocats et les notaires, on a le
même entraînement, mais on s'appelle notaire et on s'appelle
avocat, parce qu'on fait un travail différent.
Le Président (M. Desbiens): M. Dugré.
M. Dugré: Cela revient à ce qu'on disait
tantôt. Vous dites que c'est le client qui choisit le
vérificateur. C'est le client qui choisit le médecin. Ce n'est
pas le médecin qui choisit son client.
M. Blank: Mais le médecin fait le traitement seulement au
client. Ici, le vérificateur fait un traitement pour une tierce personne
qui n'est pas dans le contrat. C'est différent.
M. Dugré: Je ne veux pas dire non plus que c'est
exactement semblable.
M. Blank: C'est loin d'être semblable.
M. Dugré: À notre point de vue, si cela peut se
régler au sein d'une corporation unifiée, cela pourrait
être des titres différents; nous n'en sommes pas encore au point
de dire qu'il n'y aura obligatoirement qu'un seul titre. Cela peut être
CMA pour ceux qui sont en comptabilité de management, par exemple, et
cela pourrait être CPA pour ceux qui sont en comptabilité
publique. Pourquoi pas?
M. Blank: Mais si vous créez une différence,
pourquoi faire une unification?
M. Dugré: Mais il n'y aura quand même qu'un seul
organisme qui réglera toutes ces choses et les différends se
régleront au sein de l'organisme.
M. Blank: Mais, monsieur, on a cette organisation, soit l'Office
des professions. On a cette organisation qui règle les litiges entre les
corporations différentes, entre les RIA, les CGA et les CA. On a un
chapeau maintenant. Pourquoi créer un autre niveau?
M. Dugré: Je ne voudrais pas dire qu'il règle les
problèmes, M. le Président.
M. Blank: Mais il doit le faire.
M. Dugré: II fait des suggestions au ministre qui, avec le
gouvernement, décideront éventuellement de ce que cela devra
être. Si on veut prendre cela dans ce sens-là,
peut-être.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: M. le Président, je pense qu'on
s'éloigne un petit peu du but de notre commission parlementaire, puisque
le but de la commission était d'apporter des arguments pour savoir si la
solution proposée par l'avis de l'Office des professions était
convenable.
Par hypothèse, si on regardait l'avis de l'Office des professions
et si une commission des permis de vérification était
formée tel que c'est proposé par l'office, est-ce que vous
autres, votre corporation professionnelle, y voyez des avantages par rapport
à la situation actuelle? Est-ce que vous pensez que cela pourrait
régler certains problèmes qui existent actuellement? Est-ce que
vous y voyez des problèmes d'application pratique? Et est-ce que vous
pensez que le public serait mieux protégé que dans la situation
actuelle?
M. Kakkar: M. Dugré, s'il vous plaît. Le
Président (M. Desbiens): M. Dugré. M. Kakkar: M.
Dugré.
M. Dugré: J'aimerais mieux que Jim réponde à
cela. Vous avez posé plusieurs questions. Je n'ai pas eu le temps de les
prendre toutes en note.
M. Fontaine: Ce n'est pas moi qui décide qui
répond.
Le Président (M. Desbiens): M.
Archibald.
M. Archibald: Je répondrai à la question.
Notre corporation ne préconise pas la solution qui nous est
proposée par l'Office des professions. Nous croyons, cependant,
très honnêtement, que cette proposition de l'office pourrait - au
conditionnel, s'il vous plaît - être vue comme un moyen, dans
l'intérim, à utiliser pour tendre vers l'objectif que notre
corporation prêche depuis le début de la décennie, des
années soixante-dix. Mais nous ne voyons pas dans la proposition de
l'Office des professions une fin en soi. C'est pour cela que nous demandons
très respectueusement au gouvernement d'écouter les conseils de
son Office des professions, mais de faire excessivement attention à la
mise sur pied d'une commission permanente de permis de vérificateur.
C'est une réaction mitigée, si vous voulez.
M. Fontaine: Dans l'éventualité de l'instauration
d'un tel système, est-ce que vous auriez des suggestions à faire
pour améliorer la proposition faite par l'office?
M. Archibald: Je crois que l'office nous a fait une proposition
qui, comment dirais-je, est embryonnaire dans son état actuel et que
nous aurons, de toute façon, même si on décide d'accepter
cette proposition intérimaire, besoin de passer par le processus de
négociations ouvertes pour voir quelles seront les modalités dans
l'intérim que l'on pourrait envisager. Je dois dire que, malgré
les heures et les heures que nous avons consacrées à
l'étude de cette proposition, il nous manque une foule de détails
quant à l'organisation éventuelle d'une telle commission. Nous ne
sommes pas convaincus, n'est-ce pas, qu'il est dans l'intérêt du
public d'établir sur une base permanente une telle commission.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Rosemont.
M. Paquette: J'aurais simplement une question. On a
constaté avec les CA et les CGA ce matin qu'il y avait des liens assez
étroits avec des corporations comparables dans les autres provinces.
Est-ce que c'est le cas des RIA également? Est-ce qu'il y a une
association canadienne?
M. Kakkar: M. Lefrancois, s'il vous plaît.
M. Lefrançois (Roger): M. le ministre, effectivement,
notre corporation, au plan national et au plan provincial, est
intereliée par des ententes. Au plan de l'évolution de la
corporation et de la profession comptable elle est en étroite relation
aussi avec l'Ordre des comptables agréés au Canada et la
Fédération internationale des comptables, de telle sorte qu'il y
a des relations pour assurer la continuité et l'évolution de la
pratique de la profession aux plans provincial, national et international.
M. Paquette: Dans l'hypothèse que vous privilégiez,
c'est-à-dire une fusion des corporations comptables, est-ce qu'il y
aurait des problèmes particuliers de liaison avec les organismes dont
vous êtes membres, par exemple, et de la part des CA avec les organismes
dont ils sont membres et les CGA avec les organismes dont ils sont membres ou
si c'est un problème secondaire, à votre point de vue?
M. Lefrançois: Si vous me le permettez, ce qui est
proposé ici par la corporation n'est pas une fusion comme telle. Ce
serait plutôt un organisme complètement nouveau.
M. Paquette: Un nouvel organisme qui serait créé,
d'accord.
M. Lefrançois: Mais ça voudrait dire qu'il faudrait
maintenir, quand même, des types de relations avec les corporations pour
maintenir les liens nécessaires avec les tiers, comme M. le
député nous le mentionnait tout à l'heure, les
corporations multinationales qui opèrent dans les différentes
régions.
M. Paquette: Mais le fait qu'au Québec il y ait une seule
corporation, contrairement à ce qui se passe ailleurs en Amérique
du Nord ou à peu près partout. Cela vous paraît-il
être un obstacle important à la création d'une seule
corporation ici au Québec? (16 h 45)
M. Lefrançois: Cela demanderait un ajustement
sûrement, mais au niveau national c'est une question qui est à
l'ordre du jour et qui fut débattue couramment au cours des
années.
M. Paquette: D'accord.
M. Caffeiro: M. le député, il n'y a rien qui
empêcherait un comptable membre de cette corporation unique d'être
affilié - nous le proposons, d'ailleurs - à l'organisme de son
choix. S'il veut rester affilié au CICA cela sera de son plein droit. Au
contraire, nous encourageons ce genre d'affiliation. Mais ce sera, à ce
moment, à titre personnel.
Le Président (M. Desbiens): S'il n'y a pas d'autres
intervenants, je remercie les représentants de la Corporation
professionnelle des comptables en administration industrielle du Québec
de leur participation aux travaux de la commission.
M. Kakkar: Merci.
Syndicat des comptables généraux
licenciés de la pratique privée
Le Président (M. Desbiens): J'inviterais maintenant le
Syndicat des comptables généraux licenciés de la pratique
privée à se présenter pour la présentation de son
mémoire.
Je demanderais, comme je l'ai fait pour les autres groupes, à M.
le président, M. Pierre Poliquin, de présenter les personnes qui
l'accompagnent.
M. Poliquin (Pierre): Oui, M. le Président.
J'aimerais d'abord vous présenter les gens qui m'accompagnent.
À ma gauche ici, de Saint-Eustache, ayant son bureau en cabinet
privé, M. Gaétan Desforges, vice-président du syndicat. Le
suivant, M. Bernard Dumont, de Coaticook, M. Alain Harvey, de Jonquière,
à mon extrême droite, M. Gaétan Cloutier, de Sainte-Agathe,
Antoine Lapointe, de Sept-îles, et le secrétaire-trésorier
du syndicat, M. Robert Cadrin, de Nicolet.
Je vais maintenant procéder à la lecture du
mémoire.
M. le Président, nos premiers mots seront pour vous remercier de
l'aimable invitation que vous nous avez faite de venir vous présenter
ces quelques commentaires.
Les membres de notre syndicat étant ceux qui ont toujours eu le
plus à souffrir de la lenteur apportée au règlement du
problème de la pratique de la comptabilité publique, nous
souhaitons que cette réunion spéciale de la commission
parlementaire permettra d'en arriver à une solution définitive
dans les meilleurs délais.
Les comptables généraux licenciés en cabinet
privé sont au centre de toutes les discussions qui ont eu cours en vue
de rationaliser l'exercice de la profession comptable au Québec.
L'invitation qui nous a été transmise en vue de comparaître
devant la commission parlementaire sur les professions revêt donc une
importance toute particulière.
Si les membres de notre syndicat professionnel n'avaient pas
été ici aujourd'hui, le législateur
québécois aurait pu adopter un règlement du contentieux
sans que les personnes les plus affectées - on
pourra s'expliquer sur cela tout à l'heure -par ses
décisions à venir n'aient été entendues.
Il importe en effet de souligner que notre organisme n'a encore jamais
été consulté officiellement, ni par l'Office des
professions, ni par notre propre corporation professionnelle, ni par les autres
groupements d'experts-comptables. Notre présence constitue donc une
première. N'ayant jamais été partie à aucune forme
de négociations, le regroupement des CGA de la pratique privée
n'a certes pas la prétention d'apporter de solution miracle à
l'intelligence de cette commission parlementaire.
Notre propos se veut l'énumération d'une série de
commentaires positifs dans le but de régulariser notre situation, et ce
dans le meilleur intérêt du public consommateur de services
comptables, s'il s'avérait que les travaux de cette commission ne
puissent déboucher sur un règlement à court terme de
l'ensemble du dossier.
Il y en a dans certaines corporations qui viennent de se joindre
à l'équipe de travail, mais il y en a de notre groupe qui depuis
dix ou douze ans sont dans l'équipe de travail. Cela commence à
faire pas mal de temps.
Le Syndicat professionnel des comptables généraux
licenciés de la pratique privée du Québec fut formé
au début de l'année 1977 dans le but de protéger les
droits et intérêts de ses membres. L'association regroupe les
membres CGA travaillant en cabinet privé.
Pour être admis au sein du syndicat, les candidats doivent
être inscrits au tableau de la Corporation professionnelle des comptables
généraux licenciés du Québec et exercer à
temps plein leur profession de comptable dans un cabinet privé de CGA ou
de CA soit seuls, soit à titre d'associés, soit à titre
d'employés, ou être au service du Vérificateur de la
province de Québec ou du bureau de l'Auditeur général du
Canada. Cela ressemble à quelque chose qu'on a déjà vu en
1977 et en 1979.
Nous étions dans le champ de la comptabilité publique bien
avant 1970. En 1981, nous pratiquons toujours dans la même incertitude,
la même confusion.
Nous aimerions souligner bien humblement que le groupe que nous
représentons est la cause principale de toute cette activité
depuis le début des négociations et il semble que, maintenant,
d'autres groupes tentent de s'arroger des privilèges qui étaient
pour nous des droits acquis au début. À partir d'un
problème qui concernait mois de 100 personnes, à l'époque,
on a multiplié les solutions, mais à ce jour, aucune
décision définitive n'a été prise.
L'individu qui attend des droits sans vouloir les exercer n'est pas trop
pressé. Mais nous, ça fait déjà trop longtemps
qu'on nous laisse entendre qu'au moins, pour notre groupe, la situation sera
réglée.
À la suite des nombreux échecs constatés dans les
négociations entre les groupes de comptables et tenant compte de
l'urgence du problème pour l'intérêt public et aussi pour
l'intérêt particulier de nos membres - nous, on l'admet - le
syndicat croit de son devoir d'insister pour que des décisions rapides
soient prises. Nous avons été déçus trop
souvent.
Au-delà de l'intérêt public et de
l'intérêt particulier des autres comptables professionnels, une
situation intolérable existe relativement aux CGA pratiquant en cabinet
privé.
Lors de l'adoption de la loi 250, en 1973, on avait convenu que les
corporations de comptables se réuniraient et tenteraient de s'entendre
sur une formule de règlement. C'était dans le but de
régulariser la situation des CGA en cabinet privé.
Nous sommes disposés à admettre notre intérêt
particulier, mais nous sommes ceux et les seuls dont le statut changerait de
façon importante du jour au lendemain et ceci peu importe la formule qui
sera choisie. En d'autres termes, même si on utilisait une des trois ou
quatre formules proposées, ça ne changera rien au statut d'un CA
demain matin, qu'il pratique ou qu'il ne pratique pas. Il y a peut-être
les RIA qui sont dans la même situation que nous - le petit groupe qui
pratique - qui verraient leur situation changer. Mais les autres, ça ne
changerait absolument rien.
Tout d'abord, la compétence de nos membres est reconnue par le
fait même que les dirigeants de l'Ordre des comptables
agréés ont déjà accepté de les accueillir
dans leurs rangs sans condition. La proposition de l'Office des professions de
1977 nous était fort acceptable. Évidemment, on avait un
intérêt. Encore là, nous étions les personnes les
plus directement visées par les agencements suggérés.
C'était fait pas mal pour nous.
En ce qui a trait à l'avis de l'Office des professions de juin
1980, nous serions portés à être d'accord - parce que,
encore là, on a un intérêt - si nous considérons
uniquement nos propres intérêts. Par contre, nous sommes inquiets
en rapport avec certaines ouvertures qui y sont faites et c'est sur ces sujets
que nous aimerions élaborer notre pensée.
La comptabilité publique. Si nous comprenons bien, sauf pour ce
qui serait des détenteurs d'un permis de vérification, tout le
champ de la pratique publique serait ouvert à tout citoyen. Nous sommes
conscients de l'importance qu'il faut apporter à la vérification,
mais il faut vivre la situation dans les bureaux d'experts-comptables pour
comprendre que, dans la plupart de ces bureaux, la vérification ne
représente qu'une partie du travail qui y est effectué. De
plus, même si l'on considère que les états financiers
vérifiés apportent une protection au tiers, il faut
également comprendre que le client qui s'adresse à un bureau
d'experts-comptables a souvent besoin d'être protégé
lui-même pour ses propres besoins et non pas uniquement vis-à-vis
de tiers. Quand quelqu'un frappe à une porte, il faut qu'il sache qui va
lui répondre l'autre côté de la porte.
Si l'avis de l'office était appliqué tel que
présenté, il serait déplorable que le champ de la
comptabilité publique, même si c'est difficile à
définir, soit dévolu à d'autres personnes qu'aux
comptables professionnels. Il y a trop de travaux importants dans ce domaine
autres que ceux de la vérification et il faut mieux protéger le
public à cet égard.
En fait, si vous me permettez une parenthèse, lorsqu'on
établit ce qu'est l'expertise comptable - et ça, ça vient
des comptables agréés du temps du Code des professions en 1972,
à peu près - on avait dix champs d'activité
différents, dont la vérification.
Nous disons que nulle personne ne devrait avoir le droit de
préparer, commenter et signer un rapport, de quelque nature que ce soit,
s'il n'appartient pas à l'une des corporations professionnelles de
comptables reconnues par la Code des professions. Ici, on ne se mouille pas les
pieds. On ne dit pas quelle formule on choisirait, mais peu importe; des
papiers signés avec des chiffres, c'est un comptable professionnel qui
devrait signer cela.
Selon l'avis de l'Office des professions, il faut écarter la
notion de comptabilité publique parce qu'elle est constamment source de
sérieux problèmes d'interprétation, et surtout parce
qu'elle a une portée inutilement trop large du point de vue de la
protection du public. Autrement dit, si ça devient le moindrement
compliqué, ne prenons pas la peine de tenter de protéqer le
public, mais oublions tout et admettons que tout citoyen pourrait offrir ses
services à titre de comptable public au même titre qu'un individu
faisant partie de l'une ou l'autre des corporations professionnelles de
comptables.
Nous avons toujours compris la difficulté de définir ce
qu'était la comptabilité publique, mais nous avons toujours
été capables de reconnaître qu'il y a une importance
primordiale à la siqnature d'un document. Ainsi, si l'on
défendait à qui que ce soit ne faisant pas partie d'une
corporation professionnelle de comptables de faire publiquement autre chose que
de la tenue de livres, c'est-à-dire de préparer des documents
comptables sans avoir le droit d'y mettre son nom, le nom de son entreprise,
des commentaires, des remarques, pour nous, ceci permettrait de
délimiter la responsabilité du praticien. Et nous nous
référons évidemment à autre chose qu'uniquement
à des renseignements touchant aux états financiers
conventionnels, mais à toute autre forme de rapports, lettres, analyses,
etc.
En résumé, s'il ne s'agissait que de notre
intérêt personnel, nous serions portés à être
d'accord et souhaiterions voir la réalisation dans les meilleurs
délais des suggestions contenues dans l'avis de l'Office des
professions, mais, par respect pour notre profession, ce que nous y comprenons
et ce que nous aimerions qu'elle soit, nous nous devions de souligner les
quelques points qui sont mentionnés dans les pages
précédentes.
Il est concevable - est-ce que c'est souhaitable? c'est à
discuter - de diviser les fonctions de vérificateurs et de comptables
publics, en ce sens que certains comptables auraient des droits sur l'ensemble
des activités de la profession, alors que d'autres auraient tous les
droits, sauf ceux de la vérification, mais il nous semble pousser trop
loin l'ouverture faite, en ce sens que tout citoyen aurait le droit d'offrir
des services de comptable, sans avoir une préparation adéquate et
avoir à subir une surveillance minimale sur ses activités
professionnelles. Il semble tout à fait évident qu'il y a un
consensus parmi tous les comptables pratiquant en cabinet privé,
à savoir que le champ de la comptabilité publique devrait
être réservé aux seuls comptables professionnels. Toute
opinion différente semble avoir été conçue par des
comptables non impliqués dans la pratique publique ou par des gens
n'ayant pas une connaissance suffisante de ce champ d'activité.
Nous sommes également inquiets et nous apprécierions une
clarification relativement à ceux qui pourront obtenir le permis de
vérificateur, sauf pour ce qui est des comptables agréés
qui, si nous le comprenons bien, se le verraient octroyer de façon
automatique, alors que, dans la documentation antérieure, y compris
l'offre de l'office de 1977 et la proposition des comptables
agréés de 1979, il était convenu que les CGA pratiquant la
comptabilité publique, c'est-à-dire tous les membres de notre
syndicat, se verraient attribuer les pleins droits à la
comptabilité publique, ce qui, à ce moment, incluait la
vérification publique; l'avis de l'office de 1980 est beaucoup moins
clair sur ce point.
Nous avons lu et relu le texte présenté par l'Office des
professions. Nous y voyons des sources nombreuses de conflit en ce qui a trait
à l'admissibilité des membres de notre groupe au permis de
vérificateur.
Ces constatations nous permettent de réaliser que, si nous
voulons régler le problème de la comptabilité au
Québec et si un règlement rapide n'est pas possible - il y
en a qui ont encore des doutes - il serait probablement souhaitable d'y
aller par étapes et de s'attaquer dans une première phase au
règlement du problème de comptabilité en cabinet
privé en ce qui touche ceux qui occupent déjà la place.
À cet effet, devant le peu d'espoir que l'ensemble du problème
puisse être réglé avec célérité, nous
soumettons des recommandations touchant les membres de notre syndicat qui sont
évidemment ceux qui vivent actuellement une situation plus ambiguë
que tout autre groupe.
Attendu que les droits de pratique des membres de notre syndicat sont
mis en péril périodiquement et que plusieurs droits acquis ont
été enlevés aux membres de notre syndicat depuis la mise
en vigueur du Code des professions en date du 6 juillet 1973;
Attendu qu'on ne peut laisser un petit groupe d'individus être les
victimes de la situation, alors que toutes les parties impliquées
directement ou indirectement leur reconnaissent le droit de préserver ce
qu'ils ont acquis de bonne foi et souvent à coups de sacrifices;
Attendu que l'Ordre des comptables agréés a
déjà proposé l'intégration de nos membres à
son groupement;
Attendu que la question de la comptabilité publique est le seul
véritable problème;
Attendu que l'intérêt public est en cause;
Attendu que les délais ne font qu'aggraver la situation - on se
rend compte de ce que cela a donné d'attendre depuis dix ans;
Attendu que, dans le cas des membres du syndicat, leur statut de
comptable public est reconnu par l'ensemble des autorités
compétentes.
Compte tenu des considérations qui précèdent, en
vertu des responsabilités qui incombent au ministre responsable de
l'Office des professions, si les nombreuses différences
d'interprétation du dossier relatif à la profession comptable se
doivent d'être de nouveau analysées - les RIA, tout à
l'heure, nous ont dit que cela prenait des négociations pour arriver
à leur résultat -s'il fallait, à nouveau analyser,
étudier, négocier et reconsidérer encore pendant plusieurs
mois, voire plusieurs années, nous suggérons humblement qu'une
législation spéciale soit adoptée dans les plus brefs
délais afin de permettre aux membres de notre syndicat d'accéder
sans restriction à la pratique de la comptabilité publique dans
son sens le plus large, c'est-à-dire en y incluant les droits complets
à la vérification.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre responsable des
corporations professionnelles.
M. Laurin: Je suis heureux de vous accueillir pour la
première fois à une commission parlementaire. J'ai l'impression
que vous espérez que cela devienne une habitude.
M. Poliquin: J'espère qu'on n'aura pas besoin de
revenir.
M. Laurin: Au moins que ça devienne une habitude que vous
soyez consultés sur les matières qui vous intéressent au
premier chef. Étant donné que c'est la première fois que
vous vous présentez à une commission parlementaire, j'aimerais
bien en profiter pour vous demander d'ajouter quelques détails à
votre curriculum vitae, pour le bénéfice du journal des
Débats. Combien de membres compte actuellement votre syndicat?
M. Poliquin: Nous sommes 125 membres en règle dans le
moment. Évidemment, le potentiel est plus grand que cela, mais, chez nos
membres potentiels, il y en a qui se demandent ce que cela donne d'appartenir
au syndicat et il y en a d'autres qui pensent que cela peut être
dangereux d'appartenir au syndicat.
M. Laurin: Vous nous avez dit qu'il y a certains de vos membres
qui travaillent soit à leur compte, soit dans des bureaux plus
étoffés, soit de comptables généraux
licenciés, soit de comptables agréés, d'autres qui
travaillent avec le Vérificateur du Québec ou l'Auditeur
général du Canada. Prenons ceux qui travaillent dans des cabinets
privés. Est-ce que vous pourriez nous dire quelle est la proportion de
vos activités qui est consacrée, d'une part, à la
vérification et, d'autre part, à ces autres activités de
comptabilité publique dont vous avez abondamment parlé?
M. Poliquin: C'est très difficile de répondre
à cette question. Je ne veux pas tout de même refuser d'y
répondre et je vais faire mon possible, avec la collaboration de mon
copain de droite ici qui peut me donner un coup de main sur ça, pour
vous répondre.
Les raisons pour lesquelles c'est difficile, c'est que nous ne sommes
pas une corporation professionnelle; donc, nous avons de très petits
moyens. Il faut être franc avec vous, on se balance pas mal des questions
d'éducation, de statistiques et de tout ce que vous voudrez, vu que la
corporation est là pour y voir et y voit, de toute manière, de
façon adéquate. Par contre, chez nos membres, nous avons pour
cette réunion fait un travail spécial et nous pouvons vous dire
qu'il y a 87 CGA qui sont dans des bureaux de CGA et 37 qui sont dans des
bureaux de CA. Par contre, pour répondre directement à votre
question, la vérification dans certains bureaux de CGA est inexistante.
Dans d'autres bureaux de
CGA, c'est passablement fort.
Personnellement, je fais partie d'une firme qui a un bureau à
Québec et un bureau à Chicoutimi. À Québec, je ne
fais pas de vérification de quelque nature que ce soit. Par contre,
à Chicoutimi, nous avons plusieurs municipalités dont la ville de
Chicoutimi elle-même.
Mon copain de droite, ici, provient d'une firme de comptables
agréés et fait plusieurs municipalités. Je vais lui passer
la parole pour qu'il donne des explications à ce sujet.
Le Président (M. Desbiens): M.
Cadorette.
M. Cadorette (Robert): Oui.
Actuellement, à notre bureau à Nicolet,
c'est-à-dire mon bureau, on fait de la vérification municipale et
scolaire. Disons que ça peut représenter entre 30% et 40%
à peu près, en pourcentage, de vérification à notre
bureau, dans notre région.
M. Laurin: Diriez-vous que vous faites exclusivement ou presque
de la comptabilité publique par rappport à de la
comptabilité de gestion?
M. Poliquin: II faudrait s'entendre sur les termes. Vu que c'est
moi qui suis l'invité et que je suis peut-être un petit peu plus
nerveux que vous, et moins habitué, vous allez me permettre de vous
donner ma définition des choses et on va peut-être se comprendre
rapidement. La vérification, c'est ça. La comptabilité
publique c'est l'exercice par un expert-comptable d'autre chose que la
vérification, ou cela peut inclure la vérification, je devrais
dire. Cela peut être dix, douze, quinze choses différentes. Cela
peut être syndic en matière de faillite, cela peut être
faire des déclarations d'impôt, cela peut même être
responsable d'un département de tenue de livres, cela peut être
conseiller quelqu'un pour sa succession, cela peut être administrer un
dossier de succession, cela peut être conseiller quelqu'un dans
l'acquisition d'une entreprise, cela peut être conseiller quelqu'un dans
la disposition d'une entreprise, cela peut être conseiller des gens dans
des fusions d'entreprises; en fait, on peut en mettre. Ce peut être le
type qui a des difficultés financières qui vient nous voir pour
dire: Si je me refinançais, qu'en pensez-vous? On va aller à la
banque, on va aller à la SDI, on va aller à la BFD, on va aller
ici ou là; il s'agit de préparer des pro forma des états
financiers, afin de prouver aux prêteurs éventuels que l'affaire
va fonctionner.
Alors, c'est tout ça le champ de l'exercice de la
comptabilité publique. Il y en a du travail. La chose dont nous
souffrons le plus - et ça, il faut le comprendre - c'est que, d'une
part, les CA - et peut-être avec raison - font leur travail de garder la
position qu'ils ont, en force, dans le champ de la comptabilité publique
au Québec. Cela veut dire qu'occasionnellement ils vont aller voir un
gérant de banque ou ils vont aller voir un gros bonnet dans une banque,
au siège social, pour lui faire comprendre que ça serait mieux
d'avoir des états financiers préparés par des comptables
agréés; ça, ça nous magane un peu, parce qu'on
rencontre le gérant de banque et il est tout mêlé. Parfois,
on réussit à convaincre le gérant de banque que, vu qu'on
peut faire des déclarations, des rapports d'experts-comptables,
ça revient au même; il fonctionne. Parfois, on est obligé
de dire: Aujourd'hui on ne change plus de comptable, on change de banque.
Évidemment, il faut protéger notre client, on ne fait pas
ça pour s'amuser, mais c'est déjà arrivé. Il est
aussi arrivé que la banque nous ait rappelés.
Alors, c'est un peu le problème qu'on a, c'est que, constamment,
il faut changer notre fusil d'épaule avec nos clients. À certains
moments, on a un bon client pour aller présenter un dossier à la
SDI et, après avoir fait un bout de chemin, la SDI nous écrit
pour nous dire: II faudrait que ce soit vérifié par un comptable
agréé. Non seulement c'est embarrassant et gênant, mais je
vous dis que, sur une base d'affaires, appeler un CA pour lui dire: Je te passe
un dossier, qu'est-ce que vous pensez qu'il arrive l'année suivante? Le
client, de lui-même, comprend peut-être que, du moins pour la SDI,
un CA, ça fait n'importe quoi et un CGA c'est là juste comme
tampon; alors le gars dit: Je ne suis toujours pas pour faire affaires avec
deux comptables.
Donc, nous souffrons régulièrement de ce genre de
situation. C'est d'autant plus souffrant qu'on sait que le président de
l'Office des professions, on sait que l'Ordre des comptables
agréés, on sait que la corporation des RIA, on sait que la
corporation des CGA seraient d'accord pour qu'on ait ces droits.
Au début, en 1972, c'était uniquement pour ce petit groupe
qu'on a retardé de prendre des décisions définitives. Mais
la boule a tourné et cela a fait des petits; alors, là, il y a un
peu plus de monde d'impliqué. On attend! Et, en attendant, tout d'un
coup il y a plus de monde qui est intéressé.
En 1972, j'étais un de ceux qui travaillaient au sein de la
corporation des CGA; je suis une des trois personnes qui ont écrit le
mémoire pour le Code des professions. Il y a bien des gens qui, dans le
temps, ne croyaient pas que nous étions peut-être capables de
convaincre le gouvernement que nous valions quelque chose; mais, aujourd'hui,
ce sont ceux qui retardent le règlement du problème.
Vous voyez un peu ce qu'on veut dire quand on dit qu'on a un peu de
misère. Ceux qui pratiquent avec une petite clientèle, à
faire de petits travaux, ce n'est pas trop pire, parce que ça fait
beaucoup de clients, s'il y en a un qui part, ça ne paraît pas
trop. Mais quand on s'applique à aller chercher une clientèle
assez importante, c'est très dur et c'est à chaque jour ou
à chaque semaine qu'il faut se surveiller.
C'est une situation qui semble peut-être simple - cela enfreint
peut-être le règlement, alors vous me le direz - mais on vit dans
cette situation. Personnellement, à Québec, près de vingt
personnes travaillent à mon bureau. Cela commence à être du
monde. Cela veut dire qu'il faut avoir des clients en proportion.
N'étant pas CA, n'ayant pas la reconnaissance qu'ont ceux-ci, il faut
l'admettre, au niveau du public, au niveau des hommes d'affaires, je pense
qu'il faut qu'un gars ne se débrouille pas trop mal. À ce
moment-là, la difficulté est constamment là. J'ai eu
l'offre de vérifier la piste de courses de Québec. J'aurais le
droit de vérifier pour la ville. C'est la ville qui donne l'ordre de
vérifier la piste de courses, mais le comptable agréé qui
vérifie pour la ville refuse que le CGA vérifie la piste de
courses. Peut-être que, si j'allais en cour, je gagnerais mon point, mais
je ne veux pas me battre, je veux travailler, il faut aussi que je gagne ma
vie. Je suis payé à l'heure. Quand je perds une heure, je ne suis
pas payé.
M. Laurin: Dois-je comprendre que vous avez la conviction que la
formation que vous avez reçue vous habilite à faire non seulement
toutes les opérations de comptabilité publique que vous nous avez
énumérées, mais aussi la vérification publique?
M. Poliquin: Autant que quiconque peut le prétendre.
J'aimerais peut-être souligner une chose qui me chicote depuis ce matin.
J'ai peut-être bougé beaucoup, mais il y a des choses qui me
chicotent plus que d'autres. Pourquoi ne pas parler de l'avenir au lieu de
toujours essayer de comparer des cours? Des CA qui ont passé leur CA par
correspondance sont encore CA et des CGA qui ont passé leur CGA par
correspondance sont encore CGA. C'est de l'histoire, c'est du passé. Si
vous autres, comme gouvernement, vous décidez qu'à partir d'un
certain moment, cela prend un minimum de temps et d'études pour les
corporations professionnelles comptables, dites-le, écrivez-le quelque
part et oublions le passé. On va mettre ensemble les CA et les CGA qui
ont étudié par correspondance. Ils vont se donner la main et
dire: C'est réglé; c'est fini. Ceux qui auront été
à l'université ensemble, ils auront été à
l'université ensemble.
Un facteur peut vous intéresser, M. le ministre. Vous êtes
ministre de l'Éducation. Vous savez que notre système
d'éducation dans la province de Québec a été
souvent modifié et à maintes reprises. J'ai 43 ans.
J'étais un premier de classe. Je m'excuse, mais je vais vous raconter
quelque chose. J'ai gagné une bourse à l'Académie de
Québec dans le temps. On m'a envoyé au collège
Saint-Augustin, parce qu'il n'y avait pas de place à l'Académie
de Québec. Vous êtes capable de me suivre, n'est-ce pas? Il n'y
avait pas de place à l'Académie de Québec. On m'a
envoyé au collège Saint-Augustin. Au collège
Saint-Augustin, on m'a placé en huitième année, j'ai
sauté ma huitième année et je suis monté en.
neuvième année, à la fin de cette année-là.
Là, on a dit: Lui, c'est un smart. On m'a ensuite envoyé à
l'Académie de Québec. C'était trop tard pour moi pour
prendre le cours classique, les autres avaient deux ans de faits. Rendu
à Noël, j'avais l'air d'un gars qui n'était pas bon dans les
études. J'étais le dernier de la classe. J'étais rendu
à étudier le latin, les autres l'avaient appris l'année
d'avant. Comment pouvez-vous concevoir que j'aie pu faire un cours classique,
aller à l'université et devenir CA? C'est le système
d'éducation qui a fait que le bonhomme que vous avez devant vous
aujourd'hui est devenu CGA. Remarquez bien qu'il est fier d'être CGA et
qu'il est fier d'être ici comme CGA. Ce n'est pas cela la question, mais
je vous dis: Oublions les systèmes antérieurs d'éducation,
ceux du passé, que le gouvernement se lève debout et qu'il dise:
A l'avenir, un comptable professionnel, c'est cela qu'on va lui demander comme
minimum. Autant que je sache, il n'y a pas un RIA, il n'y a pas un CGA et il
n'y a pas un CA qui a son diplôme actuellement qui n'est pas capable de
faire un bon travail dans la comptabilité publique ou dans la
comptabilité privée chez un employeur. Je suis convaincu de
cela.
M. Laurin: Une dernière question. Vous sembliez craindre
dans votre mémoire que si le gouvernement écoutait l'avis de
l'Office des professions, il ouvrirait trop grande la porte pour les autres
opérations de comptabilité publique, c'est-à-dire en
excluant la vérification, à n'importe quel citoyen. Qu'est-ce qui
vous fait craindre cela dans l'avis de l'office?
M. Poliquin: C'est que je pense qu'une des choses les plus
répandues dans la société, c'est le travail avec des
chiffres: les comptables à la banque, les comptables partout. C'est vrai
que c'est difficile de définir où s'arrête et où
commence la comptabilité publique. Mais disons que quelqu'un
reçoit de M. Parizeau une belle lettre qui lui dit: Vous devez $14,700
d'impôt. Il faut qu'il s'adresse quelque part.
II va prendre un verre de bière avec son ami et celui-ci lui dit:
Je connais un gars, il va t'arranger cela. Là, il l'amène
rencontrer son ami qui a déjà été gérant
adjoint de banque. Il s'est fait mettre à la porte pour fraude, mais il
l'a, la patente, lui. Il va recevoir le bonhomme chez lui, il va lui faire
accroire qu'il va lui régler son problème. Il va commencer par se
faire payer... Ce que je remarque, c'est que les comptables qui se
prétendent comptables et qui ne sont pas des comptables professionnels,
eux, l'avantage qu'ils ont sur nous, c'est qu'ils se font payer avant de
travailler et, nous, on n'est pas capables de faire ça. On pourrait
quasiment tenir des statistiques sur ça. Vous voyez à quelle
sorte de gens on peut avoir affaire. C'est là la protection du public.
(17 h 15)
La vérification des états financiers
d'Hydro-Québec, cela ne m'inquiète pas beaucoup. Il y a
quelqu'un, quelque part dans la province de Québec, qui va s'assurer que
c'est fait par une firme de comptables publique et ça va être bien
fait. Même, si ce n'est pas bien fait, ils vont se le faire dire par les
autres parce que c'est public et c'est surveillé. On n'a pas besoin de
protéger Hydro-Québec. On a besoin de s'assurer que c'est
vérifié par une firme reconnue, d'accord, mais on a besoin de
protéger le petit Jos. au coin de la rue qui a besoin, à un
certain moment, d'un service comptable. Tout à coup, il frappe à
la porte et entre. Si c'est écrit sur la porte "comptable professionnel
reconnu par le Code des professions" - je ne veux pas mêler l'histoire
des CA, CGA, RIA, disons qu'on parle des trois groupes ensemble, que ce soit
une fusion ou que ce soit la proposition de l'office - au moins, l'individu qui
veut aller ailleurs le saura. Il aura été averti. On a la
même chose en médecine. On essaie de tasser les charlatans, en
droit aussi. Il faudrait faire la même chose dans la comptabilité.
On est dans une période, actuellement, dans notre société
et un peu partout ailleurs aussi, où on a des problèmes
économiques majeurs. On a des gens qui font des faillites à tour
de bras. Au moins, donnons-leur la chance de faire des faillites en ayant
été bien conseillés!
Des voix: Ah! Ah!
M. Laurin: J'ai déjà entendu cela en
médecine aussi.
M. Poliquin: Pardon?
M. Laurin: J'ai déjà entendu cela en
médecine aussi: il faut mourir avec les conseils de la
faculté.
Des voix: Ah! Ah!
M. Laurin: Mais est-ce que cela veut dire que vous souhaiteriez
que non seulement la vérification, mais toutes les autres
opérations de comptabilité publique entrent dans la
définition de l'exercice exclusif?
M. Poliquin: Vous me demandez de me mouiller les pieds.
Une voix: C'est ça.
M. Poliquin: Je ne les mouillerai pas tout de suite, si vous me
le permettez.
Si vous aviez le goût, vous autres, comme parlementaires, de
fonctionner avec l'avis de l'Office des professions, ma suggestion serait qu'il
y ait une émission de permis pour des vérificateurs et que tous
les autres comptables professionnels aient le droit de faire de la
comptabilité publique, de signer des rapports d'experts-comptables et
des choses du genre, mais seulement eux. Autrement dit, il y aurait un permis
pour vérifier et le fait d'appartenir à un groupement de
comptables donnerait la permission de signer d'autres genres d'états
financiers qui seraient non vérifiés. Cela, c'est si on
fonctionnait avec l'avis de l'office. Préférablement, à
cause du contrôle qu'on veut avoir sur la profession, ce serait mieux de
mettre ensemble tout ce qui s'appelle pratique, parce que c'est aussi important
de savoir si notre bonhomme comptable public qui pratique fait un bon travail,
même si ce ne sont pas des états financiers
vérifiés, que quand ce sont des états financiers
vérifiés.
Il y a des situations où un comptable public ne peut pas
émettre un rapport de vérification pour des raisons de manque de
contrôle de l'entreprise qu'il inspecte, mais qu'il ne vérifie
pas, en tout cas, dans laquelle il est impliqué. À ce
moment-là, il fait des commentaires sous réserve de certaines
choses, mais tout de même le travail qu'il a fait est presque aussi
complet, sinon parfois plus complet qu'un rapport de vérification. Il y
a des gens qui ont des opérations et, tout à coup, leur
comptabilité est mêlée un peu et c'est compliqué
à retrouver. Par contre, ils demandent une subvention au gouvernement ou
ils demandent un prêt bancaire. Un comptable ne peut pas donner un
rapport de vérification à cause d'un manque d'information, mais
un comptable peut tout de même dire: Le bout que je vous donne, vous
pouvez y croire. D'après moi, c'est aussi important, ce bout, pour celui
qui a grandement besoin de la subvention et grandement besoin d'argent, que
d'aller vérifier une grosse entreprise qui est quasiment une fonction
automatique et qui n'apportera rien de nouveau dans le décor. Mon
affaire est-elle assez claire?
M. Laurin: Je vous remercie beaucoup.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Je crois que le
ministre a posé toutes les questions possibles. Cependant, je voudrais
être bien clair sur votre position. La raison d'être de votre
syndicat, c'est le refus par votre corporation d'accepter la proposition de
1977.
M. Poliquin: Si c'est l'intention de notre...
M. O'Gallagher: Non, si c'est la raison d'être de votre
syndicat?
M. Poliquin: Si c'est la raison d'être du syndicat?
M. O'Gallagher: Oui.
M. Poliquin: S'il fallait que je réponde juste oui
à cela, cela fausserait peut-être un peu la vérité.
L'existence du syndicat n'est pas due au fait que la corporation a
refusé l'offre de 1977. C'est dû à la façon dont
nous avons été traités pour juger de l'offre de 1977.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Saint-Louis.
M. Blank: II y a quelque chose qui me frappe ici. Je constate
qu'on a mentionné -vous l'avez mentionné et les CGA l'ont
mentionné également - que les CA sont prêts à
accepter tous les comptables qui, de droit ou de fait, font de la
comptabilité publique dans leur organisation et à leur donner le
droit de faire la vérification. C'est ce que l'office veut faire par
licence.
Pourquoi n'accepteriez-vous pas cette proposition de devenir CA? Vous
auriez le droit de garder également votre nom de CGA, si vous voulez.
Rien ne vous empêche d'être CGA et CA. Vous aurez votre permis et
vous n'aurez pas besoin d'une autre commission qui va donner des permis,
créer des emplois et faire tort à la proposition de M. Parizeau.
C'est ce que je demande.
M. Poliquin: II faut se situer dans les années.
M. Blank: Je parle de maintenant. Je parle d'aujourd'hui.
M. Poliquin: Si vous vous référez au document de
l'office, je pense que vous mentionnez que le vote a été à
86%.
M. Blank: Je n'ai mentionné aucun vote, mais je constate
dans votre mémoire -et je pense que les CGA l'ont mentionné
également - que les comptables sont prêts à accepter tous
les gens qui font, de fait ou de droit, de la comptabilité publique dans
leur association, dans leur corporation. Également - je peux
vérifier - si vous voulez, vous pouvez être aussi membre des CGA.
Comme on dit en anglais "you cannot have your cake and eat it".
M. Poliquin: II faut se comprendre. La corporation des CGA, qui
était devant vous ce matin - dont nous sommes membres, mais dont nous ne
représentons pas l'idée nécessairement cet
après-midi - par un vote démocratique de ses membres, en 1977, un
vote majoritaire très fort, a refusé l'offre. Et le vote
était de plus de 86%. Les autres 14%, essayez de vous imaginer
d'où ils venaient.
M. Blank: Oui, c'est exactement ce que je constate. On parle
d'aujourd'hui. Si on prend les gens de chez vous qui sont des CGA, tous des
gens qui ont des qualifications, en fait ou en droit, pour être CA, et
qu'on les met chez les CA, ils sont CA et CGA s'ils veulent garder leur autre
titre.
Les CGA et les RIA, c'est leur travail en management ou en gestion. Tous
les étudiants qui veulent entrer dans la profession ont le droit de
choisir dans quelle direction ils veulent aller, chez les gestionnaires, en
management ou en comptabilité publique ou en vérification. On n'a
pas besoin de toute une nouvelle organisation. On peut régler cela
facilement. Je ne comprends pas pourquoi on a créé ce
problème quand il n'y a pas de problème.
M. Poliquin: C'est une question d'intérêt. Tout,
dans cette affaire - et il faut l'admettre - de a à z, est une question
d'intérêt. Pourquoi les CA ne veulent-ils pas une fusion totale?
C'est par intérêt. Pourquoi la Corporation des CGA ne veut pas que
Poliquin ait son CA et que les autres l'aient? C'est par intérêt.
Pourquoi les RIA ne veulent pas autre chose? C'est par intérêt. Il
y a toujours une question d'intérêt. C'est normal, des êtres
humains, cela fait des hommeries et des êtres humains, cela essaie
d'aller chercher tout ce que cela peut, le plus vite possible, pour leur propre
intérêt.
Je comprends un membre CGA, qui a fait les mêmes études que
moi ou, en tout cas, compte tenu de ce qu'on a dit tout à l'heure,
l'équivalent, je comprends ce gars-là de dire: Poliquin n'a pas
d'affaire à avoir son CA si moi, je n'ai pas mon CA. Mais, d'un autre
côté, cela réglerait définitivement - vous le dites
et, s'il n'y avait que vous qui votait dans cette affaire-là, on
réglerait cela vite.
M. Blank: Cela peut arriver dans un
avenir rapproché.
M. Poliquin: II faudrait faire sortir les autres! Mais je
voudrais être bien compris. Je comprends le membre des CGA non en
pratique de ne pas vouloir laisser aller celui qui pratique. On a
utilisé en 1977 un mot, un gros mot. Je vais le sortir pareil cet
après-midi. Il n'y a pas beaucoup de femmes, ce n'est pas grave. On
s'est appelé des otages, nous-mêmes, en 1977. Comment expliquer
cela? Quand les CA frappent sur quelqu'un, ils frappent sur les gars qui
pratiquent. Ils ne frapperont pas sur le fonctionnaire au ministère du
Revenu; il ne pratique pas, lui. Quand les CA ne sont pas d'accord avec une
pratique présumée illégale, ils frappent sur nous
autres.
Mais quand les CGA décident de monter leur affaire, en disant: On
a des gars qui pratiquent; c'est sensationnel et on occupe le champ, ils se
servent encore de nous autres. Mais, quand les CGA décident de
présenter un mémoire, ils ne nous en parlent pas, par exemple.
Les otages, c'est nous autres. On est quelque 100 otages. En tout cas, quand
même on serait 200 ou 225, cela ne changerait pas grand-chose. Mais il ne
faut pas nécessairement régler le problème des 200
personnes et qu'on ait encore des problèmes dans dix, quinze ou vingt
ans.
Prenez l'histoire des comptables agréés qui disaient ce
matin: Vous savez, si on fait l'intégration globale, 20% vont pratiquer
et 80% ne pratiqueront pas. Je vais vous dire une petite nouvelle
fraîche: Peut-être qu'un des problèmes fondamentaux qu'on a
dans le règlement actuellement, c'est que les CA le connaissent
déjà ce problème, actuellement, en ayant plus de leurs
membres qui ne pratiquent pas qu'il y en a qui pratiquent. Ils savent ce que
ça veut dire. Ils ne veulent pas accepter le regroupement global parce
qu'ils trouvent que ce serait dangereux. Peut-être qu'il y aurait une
suggestion à faire à ce niveau. Si on était capable,
à la suite de l'idée des RIA, de faire un regroupement global de
toutes les professions comptables, comme les CGA ont suggéré en
1972-1973, il s'agirait de donner à ceux qui sont dans la
comptabilité publique des permissions spéciales à
l'intérieur de la loi qui feraient que l'autre n'aurait pas le droit
d'aller s'occuper de leurs oignons en ce qui touche la pratique de la
comptabilité publique; ça ferait peut-être peur à
pas mal moins de monde, parce qu'un bon matin, dans dix ans, il va y avoir 65%
des CA qui ne pratiqueront pas et il va y en avoir 35% qui vont pratiquer. Ils
vont l'avoir le problème. Ils aiment peut-être mieux attendre dix,
quinze, vingt ans avant de l'avoir, mais ils vont l'avoir pareil.
Pour essayer de revenir à votre question bien précise, je
comprends les CGA de ne pas vouloir laisser aller des gens qui, pour eux,
servent actuellement d'assez bon tremplin pour monter des échelons et en
arriver à un statut d'égalité avec d'autres groupes de
comptables ou, du moins, le prétendre.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Pour aller dans la même veine que le
député de Saint-Louis, en allant peut-être un petit peu
plus loin, qu'est-ce qui vous empêche en tant que personne ayant des
qualifications de CGA de dire demain matin: Moi, je veux devenir CA en ayant
l'accord des CA?
M. Poliquin: II n'y a rien qui nous en empêche, mais ils ne
nous l'ont pas offert.
M. Fontaine: Ce n'est pas ça qu'ils nous ont dit ce
matin.
M. Poliquin: Voici la raison fondamentale pour laquelle le
règlement entre les CGA qui pratiquent et les CA ne peut pas se faire.
Encore là, il faut donner raison aux CGA jusqu'à un certain
point. Les CA disent: On va vous prendre à condition de faire sauter
l'article 29 de la loi des CA. Autrement dit, si on prend les CGA et les RIA
qui pratiquent, on va enlever les droits aux autres CGA et aux autres RIA qui
ne pratiquent pas qui sont contenus dans l'article 29. Les CGA, d'un autre
côté, disent: On ne laissera pas sauter l'article 29 pour une
poignée de gars, alors que les autres n'auront aucun droit. C'est pour
ça qu'il faut comprendre que les CA ont fait un bout de chemin depuis
1973 et l'office propose des choses pour essayer de régler ce genre de
problème, parce que ça tient à ça, finalement,
ramasser quelque 100 gars et faire sauter l'article 29. Quand je dis quelque
100 gars, ne nous trompons pas d'histoire. Il y a une chose qui existe. Il y a
plus que ça. Oui, il y a plus que ça. (17 h 30)
Si demain matin les 300 personnes qui sont dans des bureaux de CA, dans
des bureaux de CGA, chez l'Auditeur, chez le Vérificateur
général, si ces gens avaient leur CA demain matin, ceux qui sont
chez les CA, cela ne changerait pas grand-chose; je pense bien qu'ils vont
rester là, ils ne les mettront pas dehors parce qu'ils deviennent CA,
à moins qu'ils aiment mieux avoir des CGA que des CA, mais en tout cas!
Pour ceux qui sont chez le Vérificateur général, cela ne
changera pas grand-chose non plus. Pour ceux qui sont chez l'auditeur, cela ne
changera pas grand-chose non plus. Pour ceux qui travaillent déjà
dans des bureaux de CGA, cela ne changera rien. Finalement, ce sont seulement
les propriétaires de bureaux
de CGA qui, dans 24 heures, auraient un changement radical dans leur
affaire. Pour les autres, il n'y aurait rien qui changerait.
Évidemment, il y en aurait peut-être une douzaine qui
seraient tentés d'ouvrir des bureaux. Il y a quelqu'un qui me dit en
arrière: Les étudiants. Mais là, j'ai toujours eu comme
idée que quand on prend la responsabilité comme corporation
professionnelle de dire à un étudiant: Ton cheminement c'est cela
lorsque l'on réglera le problème, il faudra que l'étudiant
suive le cheminement, et on lui conservera les droits qu'il aurait eus s'il
avait été membre au moment où l'on réglera le
problème.
M. Fontaine: De toute façon, si on faisait cela sans
toucher à l'article 29, cela veut dire que le même problème
se répéterait dans les années à venir.
M. Poliquin: Pour être bien franc avec vous, si les CA, en
vertu du Code des professions, avaient le droit de prendre des gens qu'ils
considèrent équivalents et de leur donner le titre de CA -
à supposer qu'ils font cela avec notre gang - d'abord, ce ne serait pas
gentil pour les CGA, ce ne serait pas beau pour la réputation des CA non
plus, donc cela ne se fait pas. C'est pour cela que cela ne se fait pas.
Mais il n'y aurait pas grand-chose qui se passerait du côté
des CGA dans la pratique, demain matin. Je veux dire qu'ils auraient l'air
bête un peu. Le directeur de l'inspection professionnelle n'inspecterait
pas grand-chose. Par contre, le problème reviendrait à la
surface, au bout de sept ans, au bout de dix ans, au bout de quinze ans,
peut-être même au bout de six mois. Le prochain gars qui
décide d'ouvrir un bureau et qui fait de la pratique, il recommence
à pratiquer. À ce moment, il faudrait s'assurer qu'il y a des
normes pour travailler et qu'il y a de l'inspection professionnelle. Cela ne
serait pas bon. Je pense que tout le monde est d'accord pour dire que cela ne
serait pas bon. Cela ne se fera pas non plus, je ne pense pas.
D'ailleurs, il n'a jamais été question de cela. Je peux
tout de même vous dire ceci: Depuis notre existence, jamais les CA n'ont
essayé de quelque façon que ce soit, de nous approcher pour nous
faire des propositions malhonnêtes.
M. Fontaine: Donc, en tenant compte de vos remarques, concernant
l'accessibilité à la profession d'autres personnes qui ne sont
pas des comptables professionnels, vous seriez d'accord avec la proposition qui
est faite par l'Office des professions?
M. Poliquin: Un instant, là. Je suis d'accord avec la
proposition de l'Office des professions sur le permis de vérification,
dites-vous?
M. Fontaine: Oui. En tenant compte de vos remarques.
M. Poliquin: Si on fermait la porte à d'autres personnes
que des comptables publics, je serais d'accord.
M. Fontaine: D'accord.
M. Poliquin, je vous remercie bien de votre mémoire. Je pense que
le fait d'avoir exposé votre situation personnelle et celle des autres
membres qui sont dans la même situation que vous, de façon
très concrète, nous a permis de bien cerner le problème
qui existe au niveau de votre profession. Merci.
Le Président (M. Desbiens): N'ayant pas d'autres
intervenants, je remercie le Syndicat des comptables généraux
licenciés de la pratique privée de son intervention à la
commission.
Je demanderais à la Corporation professionnelle des
administrateurs agréés du Québec de bien vouloir prendre
place, s'il vous plaît!
M. le président Claude Rivard, je vous demanderais de
présenter les personnes qui vous accompagnent, s'il vous
plaît.
Corporation professionnelle des administrateurs
agréés
M. Rivard (Claude): M. le Président, MM. les membres de la
commission parlementaire, cela me fait plaisir de vous présenter les
membres de ma délégation. À mon extrême droite, M.
Laurent Lévesque, administrateur agréé et conseiller en
gestion, en système; M. André Tanguay, directeur
général de la Corporation des administrateurs
agréés; à mon extrême gauche, M. Gabriel Fontaine
qui a un cabinet de conseillers en administration et qui est également
vice-président de la corporation; et moi-même, qui suis
président de la corporation et, également, en pratique
privée.
M. le Président, je voudrais, au nom de la Corporation
professionnelle des administrateurs agréés du Québec, vous
remercier de l'occasion que vous nous donnez d'exprimer notre opinion sur le
dossier de la vérification publique. Cependant, comme nous ne sommes pas
aussi connus que nos autres confrères en comptabilité, j'aimerais
préciser que la Corporation professionnelle des administrateurs
agréés est une corporation qui groupe 1400 membres, tous des
diplômés d'université. Ce matin, on a mentionné
qu'on faisait partie des corporations comptables. On a quelque chose en commun
avec elles puisqu'on est diplômé de la même
université, mais notre champ de pratique est totalement
différent. Nous oeuvrons dans le domaine de l'administration, de la
gestion et, à ce titre,
nous sommes des utilisateurs d'états financiers. Je pense que
nous pouvons représenter l'opinion du public.
Notre mémoire déposé à l'Office des
professions du Québec, le 8 janvier 1981, est un exposé sommaire
de notre pensée sur ce dossier. C'est pourquoi nous aimerions, M. le
Président, prendre quelques minutes pour expliquer davantaqe certaines
recommandations et affirmations contenues dans ce mémoire, et pour y
ajouter quelques autres éléments qui permettraient plus de
clarté et de compréhension à notre argumentation.
Tout simplement pour vous rappeler rapidement nos recommandations
contenues dans le mémoire, la première recommandation se lit
comme suit: La vérification publique devrait être exercée
par un expert-vérificateur dont le champ de pratique serait strictement
limité à la vérification publique.
La deuxième recommandation a plusieurs volets. La commission des
permis de vérificateur proposée par l'office des professions
devrait être: premièrement, établie sur une base
temporaire; deuxièmement, composée d'un représentant des
comptables agréés, des comptables généraux
licenciés, des comptables en administration industrielle et des
administrateurs agréés; troisièmement, la commission des
permis de vérificateur devrait veiller à ce que l'inspection
professionnelle, la discipline et la formation continue de
l'expert-vérificateur soient uniformisées au niveau des quatre
corporations professionnelles impliquées de façon à
assurer adéquatement la protection du public; enfin,
quatrièmement, la commission verrait à ce que la
responsabilité professionnelle de l'expert-vérificateur soit
suffisante pour la protection du public.
Nous aimerions rappeler qu'en 1973, le législateur a senti le
besoin d'instituer un organisme sous le nom de Office des professions du
Québec avec, pour fonction, de veiller à ce que chaque
corporation professionnelle assure la protection du public en intervenant
auprès de ses membres sur l'aspect contrôle de la
compétence et sur celui de la surveillance de l'exercice de la
profession.
Tout comme en 1973, nous croyons que la commission élue
permanente des corporations professionnelles est bien avisée de se
réunir, aujourd'hui, pour étudier le dossier de la
vérification publique étant donné que les implications
rattachées à ce problème dépassent largement le
cadre du partage d'un champ de juridiction entre les corporations
professionnelles et qu'elles touchent directement le besoin d'information
objective et crédible du public, élément important de sa
protection.
Tout comme l'a mentionné l'office des professions dans son avis
au ministre responsable de l'application des lois professionnelles, nous
croyons qu'il faut écarter la notion de comptabilité publique du
présent débat et orienter exclusivement la recherche de solution
de la vérification publique.
D'ailleurs, M. Carrière, dans l'exposé des CA, ce matin, a
mentionné que si les trois corporations professionnelles comptables
étaient toutes trois réunies ensemble, leurs activités de
vérification toucheraient à peu près 20%. Cela veut dire
que tout ce qu'elles font en dehors de la vérification professionnelle
est, selon nous, un aspect de la qestion, soit l'aspect de la
comptabilité ou l'aspect du secteur conseil.
Pour la protection du public, la dimension importante, c'est la
vérification publique. Les autres services devant être
laissés, selon nous, à la libre concurrence tout en conservant
probablement un titre exclusif pour ceux qui exercent, par exemple, d'autres
fonctions qu'on a appelées tout à l'heure comptabilité
publique.
Selon l'office, la notion de vérification pourrait être
formulée comme suit: "Constitue l'exercice de la vérification,
l'acte d'une personne ayant pour objet de formuler une opinion sur la
régularité et la précision des états financiers
d'une entreprise ou d'un organisme public avec lequel cette personne n'est pas
liée par un contrat de travail."
Nous partageons avec l'office le sens de cette définition, bien
que pour la petite et la moyenne entreprise, la vérification devrait
couvrir également la préparation des états financiers.
Nous croyons important d'ajouter cependant que l'état financier
vérifié représente, pour le public, un document important
et essentiel lui permettant de se faire une opinion éclairée sur
la valeur réelle d'une entreprise. Or, ce public, qu'il soit un
actionnaire qui investit dans une société, une institution
financière qui fournit des crédits d'opération ou du
financement à long terme, ou encore un fournisseur qui consent des
termes de crédit, a, dans le contexte actuel des affaires, de plus en
plus besoin et est en droit d'exiger de la part de l'entreprise un état
financier représentant fidèlement la situation de sa
compagnie.
C'est pour répondre à ce besoin d'information factuelle
que nous recommandons que les états financiers soient
préparés par un expert vérificateur dont le champ de
pratique serait strictement limité à la vérification
publique. Le mot "expert" veut dire qu'il se spécialise en
vérification publique, qu'il passe 100% de son temps dans la
vérification, qu'il y met toute sa compétence et que la mise
à jour de ses connaissances privilégie des cours
spécialisés en vérification et non en fiscalité,
ou
encore, en informatique.
Enfin, la Charte des droits de l'homme et les lois reliées aux
droits de la personne et à la protection du public reconnaissent tous le
principe des droits égaux, du libre accès, de la libre
concurrence. C'est pourquoi nous sommes en faveur d'élargir la
possibilité d'accès au champ de la vérification publique
à toute personne et, en particulier, à tous les
diplômés des sciences de l'administration qui désirent y
professer et qui peuvent démontrer leur compétence. Nous ouvrons
une parenthèse pour souligner que nous ne sommes pas en faveur d'une
dilution ou d'une diminution de la compétence au niveau de l'acte de la
vérification, au contraire.
Pourquoi recommandons-nous que la pratique soit strictement
limitée à la vérification publique? Nous avons
parlé précédemment d'une plus grande compétence par
la spécialisation. Nous pourrions ajouter également que ce serait
pour éviter la confusion dans l'esprit du public. Si on n'a qu'un groupe
qui a un titre et qui est reconnu dans le public, on va éviter beaucoup
de confusion.
Nous pouvons y ajouter une autre dimension très importante, c'est
celle des situations de conflit d'intérêts. Ne pas être
lié par contrat avec l'entreprise, tel que mentionné par l'Office
des professions, n'est pas suffisant, selon notre corporation, pour assurer
adéquatement la protection du public.
En effet, le vérificateur public travaille pour les actionnaires,
les institutions financières, les fournisseurs, etc. Lorsque ce
vérificateur remplit un autre mandat (financement, recrutement de
cadres, informatique), il travaille pour l'entreprise. En jouant ainsi un
double rôle pour deux publics différents, il peut y avoir conflit
d'intérêts. Selon notre Code de déontologie,
l'administrateur agréé doit cesser d'agir pour un client s'il est
en situation de conflit ou dans un contexte tel que son indépendance
professionnelle pourrait être mise en cause. Il faut donc faire preuve de
prudence, principalement quand des intérêts économiques
impliquant le public sont en jeu. Nous croyons que l'expert
vérificateur, en se consacrant exclusivement à la
vérification publique, serait ainsi plus indépendant et
diminuerait au minimum les situations de conflits d'intérêts
pouvant influencer la qualité de son acte professionnel et/ou sa
crédibilité auprès du public. (17 h 45)
Pourquoi une commission d'émission des permis? Je pense qu'il
faut une commission indépendante et extérieure de l'une ou
l'autre des corporations professionnelles pour émettre des permis, car
s'il est inadmissible que les corporations siègent à une telle
commission, il serait également inadmissible d'en confier le
contrôle à l'une d'entre elles en particulier. C'est pourquoi nous
recommandons que les corporations impliquées y siègent à
part égale.
Pourquoi une commission temporaire? Pour conserver le principe de
l'autogestion des corporations professionnelles exprimé par le
législateur en de nombreuses circonstances. Enfin, pour permettre
à chaque corporation de négocier, d'égal à
égal, tout autre système plus adéquat pour la protection
du public et d'éviter quelque contrôle gouvernemental que ce soit
dans l'émission des permis de vérificateur ou d'expert
vérificateur.
Qui serait membre de la commission? Nous recommandons que seules les
quatre corporations professionnelles, groupant les diplômés en
sciences de l'administration, y siègent, soit les CA, les CGA, les RIA
et les Adm. A.
Pourquoi y ajouter les Adm. A? C'est qu'il n'est plus possible de
discuter de l'organisation des professions comptables dans notre
société sans tenir compte de l'évolution des sciences de
l'administration et du professionnel de l'administration également. De
plus, nos membres représentent le public utilisateur d'états
financiers vérifiés, et à ce titre, notre corporation se
doit de représenter adéquatement les intérêts du
public en siégeant à la commission.
Enfin, certains de nos membres - on doit admettre qu'ils sont peu
nombreux -sont intéressés et ont la compétence pour
exercer cette spécialité qu'est la vérification
publique.
Rappelons simplement, en terminant, que le rôle de la commission
verrait, entre autres choses: 1- à assurer que le public soit
suffisamment protégé en accordant strictement un permis de
vérificateur expert au professionnel qui lui aura démontré
son expérience et son intégrité professionnelles; 2-
à ce que la responsabilité professionnelle de l'expert
vérificateur soit clairement définie, connue et suffisante pour
la protection du public; on pourrait y ajouter également que la
commission pourrait voir aussi, par la suite, même dans sa période
temporaire, à ce que les normes soient bien appliquées; 3-
à ce que les états financiers soient présentés de
façon plus uniforme; 4- à ce que l'expert vérificateur
signe personnellement tout rapport ou document qu'il produit; 5- à ce
que le champ de pratique soit strictement limité à la
vérification publique; 6- à ce que l'inspection professionnelle,
la discipline et la formation continue de l'expert vérificateur soient
uniformisées au niveau des quatre corporations professionnelles
impliquées de façon à assurer adéquatement la
protection du public.
Nous vous prions, M. le Président et messieurs les membres de la
commission parlementaire, d'agréer ces quelques suggestions qui,
croyons-nous, permettraient de mieux protéger le public et d'harmoniser
la pratique de la vérification publique tout en respectant
l'économie du système professionnel au Québec.
Nous aimerions former un dernier voeu et c'est celui-ci: Le débat
sur la vérification publique existe depuis plus de dix ans et la
solution du problème est toujours remise d'année en année.
Nous sommes conscients, M. le Président, que, peut-être à
la veille du déclenchement d'une élection générale,
ce serait très justifié de remettre encore une fois la
décision sur le présent problème. Cependant, au nom du
public, au nom de nos 1400 membres et en mon nom personnel, nous aimerions
qu'une solution soit enfin apportée au problème de la
vérification et nous irions même jusqu'à vous
suggérer que ce dossier seulement faute d'un accord unanime des
corporations, arrive à un compromis ou à une solution, et qu'une
solution unilatérale vaudrait encore mieux que pas de solution du
tout.
Je voudrais peut-être, M. le Président, demander à
André Tanguay, notre directeur général, de prendre une
minute ou deux pour vous brosser un rapide tableau de l'évolution de la
comptabilité et des sciences de l'administration, actuellement.
Le Président (M. Desbiens): M. Tanguay.
M. Tanguay (André): Merci, M. le Président. Nous
discutons, actuellement, d'un principe qui a été établi en
1946 et qui touche la vérification publique. Cette loi de 1946, je ne
voudrais pas la qualifier de désuète, mais on peut au moins dire
qu'elle est vieille, elle a déjà 35 ans d'âge. Et, pendant
ce temps, la société a évolué.
Les entreprises qui, à cette période, se satisfaisaient
d'un système comptable adéquat, désirent aujourd'hui ou
ont implanté aujourd'hui des systèmes de gestion très
élaborés.
Les universités ont suivi à peu près le même
genre d'évolution. Alors que, dans les années cinquante, on
donnait de diplômes en sciences commerciales qui étaient
effectivement des diplômes comptables, en 1980, on donne des
diplômes en sciences de l'administration, avec option
comptabilité.
La vérification publique a suivi à peu près le
même genre d'évolution et elle est devenue la comptabilité
publique. Si on se fie aux discussions d'aujourd'hui, y compris à la
définition de M. Poliquin concernant la comptabilité publique,
cette comptabilité publique est de la vérification publique, plus
de la consultation en gestion, le financement d'entreprises et autres
choses.
Nous sommes un peu inquiets de voir que, n'étant pas reconnus
comme exerçant une profession comptable, nous ne puissions faire de la
comptabilité publique, surtout si ça se définit par de la
gestion, alors que nous sommes une corporation d'administrateurs, tous
gradués universitaires en administration.
Il faudrait donc soit séparer la discussion de la
vérification publique, qui est un problème, et la
vérification d'états financiers, dont certaines personnes ont
besoin, de la vérification publique dans son ensemble, qui comprend de
l'analyse de gestion, de l'analyse d'entreprises, qui comprend du financement
d'entreprises, sinon, nous serions exclus de ce champ du financement. C'est
tout.
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre responsable des
corporations professionnelles.
M. Laurin: Je veux remercier les administrateurs de nous faire
part de leurs suggestions, qui sont sûrement plus
désintéressées, puisqu'elles viennent d'utilisateurs,
comme ils l'ont dit; du moins, nous voudrions le croire.
Votre première recommandation, peut-être la plus importante
au fond, tend à limiter le champ de la vérification publique, en
ce qui concerne l'exercice exclusif. C'est une recommandation radicale et
j'aimerais l'éclairer par l'expérience que vous pouvez nous
communiquer. Au fond, c'est en tant qu'administrateurs que vous nous faites
cette recommandation.
Au nom de quelle pratique en avez-vous été amenés
progressivement, graduellement à une proposition aussi radicale que
celle-là?
M. Rivard: M. le ministre, je pense que ce qui nous amène
à prendre une position aussi draconienne, c'est qu'on réalise
que, dans la pratique, s'il est facile, au niveau des corporations, de
définir des normes, des critères, c'est, dans la pratique
privée, beaucoup plus difficile de les appliquer. J'ajouterais
même que, ce matin, on a brossé des tableaux très objectifs
sur la qualité de la vérification, mais je pense qu'il faut quand
même admettre que ce n'est pas aussi clair que ça et, dans
l'esprit du public, ce n'est pas non plus aussi clair que ça. Le
problème, c'est que toute personne, que ce soit un financier, que ce
soit un actionnaire ou que ce soit un fournisseur, qui regarde un état
financier se pose toujours la même question: Est-ce que cela
représente véritablement la situation de l'entreprise? Est-ce
que, sur la foi des informations qui sont là, je peux prendre une
décision éclairée, je dois avancer de l'argent, je peux
faire ceci, je peux faire cela? En pratique, ce n'est pas aussi clair que
cela.
D'un autre côté, il y a un autre volet
qui intervient, c'est que, quand on regarde les états financiers
et qu'on regarde également l'évolution de la pratique qu'on
appelle la comptabilité publique qui regroupe, en plus de la
vérification, tellement d'autres choses, on se dit: N'y a-t-il pas aussi
une situation de conflit d'intérêts qui pourrait influencer la
qualité de l'acte professionnel? On se dit, peut-être de
façon un peu naïve: Si on fait seulement cela, on aura
peut-être une chance d'être plus compétent, d'être
plus indépendant et on pourra peut-être donner, à ce
moment-là, une vérité qui est encore plus vraie.
M. Laurin: II en découlerait tout de même que le
comptable qui serait soumis à cette nouvelle exigence éventuelle
que vous proposez devrait abandonner toute autre pratique comptable.
M. Rivard: M. le Président, on nous a dit, ce matin - je
reprends les paroles de M. Carrière des CA - qu'il y a à peu
près 20% de l'ensemble des professionnels de la comptabilité qui
toucheraient, s'ils étaient ensemble, à la vérification.
Cela veut dire qu'ils font déjà passablement autre chose. Cela ne
changerait donc pas beaucoup dans la pratique. Ils pourraient continuer
à faire autre chose, sauf que le geste, l'action ou l'acte qui serait
posé en termes de vérification serait un acte exclusif. Je veux
dire que le titre serait exclusif et que l'acte serait aussi exclusif. Cela
veut dire qu'il n'y aurait pas autre chose.
Pour ce qui est du reste, je pense qu'il faut avoir foi dans notre
système de libre échange, de libre concurrence et cela pourrait
aussi permettre à chacune des corporations professionnelles de conserver
son appellation et d'offrir au public des services dans des champs qui sont
rattachés de toute façon à la gestion de l'entreprise, que
ce soit la comptabilité, l'informatique ou autre chose.
M. Laurin: Mais on nous dit toujours qu'il ne faut pas torturer
les statistiques, qu'il faut les qualifier. Par exemple, même si on dit
que 20% de la pratique se situe dans le champ de la vérification
publique, il est bien possible que, si nous regardons la situation du point de
vue de ceux qui la pratiquent, nous nous retrouvions avec une situation
où un comptable pourrait faire 80% ou 60% de ses activités dans
le champ de la comptabilité publique, avec 30% ou 40% dans le champ de
la vérification. Les proportions peuvent donc varier selon tel ou tel
comptable. À ce moment-là, pour rester pratique, ne risquerait-on
pas de pénaliser considérablement un certain nombre de comptables
bona fide en adoptant une recommandation aussi draconienne que celle que vous
nous faites?
M. Rivard: M. le ministre, évidemment, notre
recommandation dit que ceux qui auraient un permis d'expert-vérificateur
ne feraient pas 30% ou 40% de leurs activités; ils feraient 100% de
leurs activités en vérification. Nous, on croit, en tant que
praticiens et utilisateurs d'états financiers, que la demande pour des
états véridiques, des états financiers sur lesquels on
peut se fier, ne va pas en diminuant. Parce que c'est de plus en plus difficile
de se faire une opinion sur la valeur d'une société à
cause, d'abord, peut-être, du problème des distances et de la
complexité, on calcule qu'à ce moment-là il y a tout un
champ qui va s'ouvrir au vérificateur public. À partir du moment
où dans l'esprit du public, quand on regarde un état financier
qui serait signé par un expert-vérificateur, on a foi en cette
affirmation ou en cette valeur, à ce moment-là, cela va
créer des besoins. C'est pour cette raison qu'on dit qu'on ne pense pas
qu'il y ait du chômage dans ce secteur.
M. Laurin: Dans un autre ordre d'idées, je trouve
compréhensible et valable votre souci d'assurer l'indépendance
complète du vérificateur, de lui éviter toute tentation
même de conflit d'intérêts. Si j'ai bien compris votre
pensée, vous voudriez que le vérificateur d'une entreprise, par
exemple, n'ait aucun autre contact d'affaires avec cette compagnie, ne
travaille sur aucun autre dossier, que ce soit financement, recrutement et
ainsi de suite. Encore une fois, je reconnais la qualité de votre souci,
mais je me demande, cependant, si nous sommes, encore une fois, en mesure de
statuer d'une façon aussi draconienne que celle que vous nous
recommandez. Je sais qu'il y a des études en cours actuellement au plus
haut niveau, aux États-Unis en particulier, sur cette question et que
même ces groupes d'étude ou associations ne se croient pas encore
capables de conclure et d'en arriver à des recommandations.
Donc, j'aimerais savoir de vous pourquoi vous allez plus loin que ces
comités d'étude ou que l'opinion officielle de ces associations
très respectées et que vous nous recommandez d'emblée de
nous montrer draconiens en la matière et d'éviter toute
possibilité même de conflit d'intérêts afin de
sauvegarder cette indépendance à laquelle vous tenez très
fort.
M. Rivard: M. le ministre, on ne veut pas mettre en doute la
compétence ou l'intégrité professionnelle de ceux qui
exercent. Ce qu'on dit tout simplement, c'est que cela devient une
spécialité et cette spécialité, donc, peut
être exercée en dehors d'autres contraintes qui seraient celles
d'offrir des services rémunérés à l'entreprise qui
pourraient peut-être influencer, à un moment donné, la
qualité de l'acte. Je
m'explique par deux exemples.
Un premier exemple; si un vérificateur - prenons un exemple
arbitraire - touche $3000 pour faire sa vérification et, que d'un autre
côté, il retire $50 000 ou $60 000 en travaux de toutes sortes
pour la direction de l'entreprise, on ne dit pas qu'il va succomber à la
tentation, mais on dit qu'elle peut être très forte. Autre chose
aussi, et je ne suis pas le seul à le penser, il y a actuellement des
vérificateurs qui ne font strictement que cela. Cela existe. Ce n'est
pas nouveau.
Et je me réfère encore une fois à ce que disait M.
Carrière, des CA, ce matin; quand on mêle de la gestion et de la
vérification, on se place dans une situation qui peut être
difficile. On dit: Pourquoi ne pas tout simplement faire une
spécialité de la vérification et, à ce
titre-là, ne faire que cela? Nous sommes convaincus, en tant
qu'utilisateurs, qu'il va y avoir une demande grandissante pour ce genre de
produits. On va savoir, dans le public également, que celui qui fait
juste cela n'a pas d'autres intérêts que celui d'émettre
une opinion claire et franche sûre de la réalité des
chiffres qui sont mentionnés.
M. Laurin: Dans un autre ordre d'idées, j'imagine que dans
votre pratique vous avez été amené à côtoyer
les trois classes de comptables que nous avons entendus ce matin ou cet
après-midi, c'est-à-dire les comptables agréés, les
comptables généraux licenciés et les comptables en
administration industrielle. Ne les avez-vous que côtoyés ou
êtes-vous appelé à participer parfois à des travaux
communs ou à des entreprises conjointes? Et si oui, est-ce que vous
êtes en état de nous éclairer quant au degré de
compétence qu'ils possèdent actuellement, en
général, dans le domaine de la vérification publique? (18
heures)
M. Rivard: Pour répondre à cette question, M. le
ministre, je suis en pratique privée, j'ai un bureau de conseillers en
gestion financière. J'utilise un produit qui s'appelle les états
financiers. Et je ne voudrais pas porter un jugement de valeur et dire qu'un
état est mieux préparé si c'est un CA ou si c'est un CGA
qui le fait. C'est dans ce sens-là également qu'on
reconnaît la justesse de la proposition de l'Office des professions qui
devra préciser le degré de responsabilité, du moins les
normes qui devraient être appliquées au niveau de la
vérification publique. Et une fois que la commission aura bien
statué sur ce plan, à ce moment-là, que les formations
soient différentes, je pense que le produit final qui sortira pour le
public sera un produit acceptable. C'est pour cela qu'on n'attache pas beaucoup
d'importance à tout ce qui touche la formation, au départ,
puisque ce serait une des prérogatives, un des mandats qui seraient
confiés à la commission d'émission des permis de statuer
sur ça, le contenu, la norme qui devrait être appliquée au
niveau soit de la formation académique ou encore aussi de
l'expérience pratique.
M. Laurin: Une dernière remarque, enfin, sous forme de
question. Après avoir entendu M. Tanguay, j'ai acquis l'impression, sans
vouloir vous qualifier de comptables, que les administrateurs croiraient avoir
une compétence ou une responsabilité dans le domaine, du moins,
de la comptabilité de gestion et que vous souhaiteriez que cette
compétence soit reconnue officiellement.
M. Rivard: Tout à fait, M. le ministre. C'est notre
métier de gérer des entreprises et quand on parle d'une
définition de la comptabilité publique qui englobe tous les
aspects ou tous les volets de la gestion, c'est un peu normal qu'on se sente
mal à l'aise, puisque nous, notre travail, en tant que professionnels de
l'administration, c'est d'oeuvrer, de coordonner et de travailler avec un
ensemble, de se spécialiser à l'intérieur de l'entreprise.
Cela veut dire que demain matin, en tant que praticien, si on applique à
la lettre la définition qu'on a donnée de la comptabilité
publique, moi, je ne peux pas conseiller l'entreprise sur sa situation
financière, sur son évolution, sur les gestes qu'elle devrait
poser, en tant que gestionnaire. Or, il faut quand même admettre qu'il y
a beaucoup d'autres paramètres que celui de la comptabilité en
termes de gestion. Il y a tout le problème de l'orientation des ventes,
les contrôles de production et le contrôle des ressources humaines
qui sont dans notre secteur et qu'on aimerait bien conserver également,
pas en termes exclusifs, mais sur une base permettant de ne pas en être
exclus puisque c'est l'essence même de notre corporation.
M. Laurin: Dois-je alors comprendre les remarques de M. Tanguay
comme l'annonce d'une complication additionnelle éventuelle, comme un
voeu ou comme une recommandation?
M. Rivard: Ce n'est certainement pas une menace. C'est qu'on
voudrait tout simplement profiter de l'occasion pour clarifier un peu ce
point-là. On ne se sent pas mal à l'aise puisque, de toute
façon, nos membres travaillent dans les entreprises, font leur travail
de la façon la plus professionnelle possible et que, en tant que
corporation, nous avons également des règles, un code de
déontologie, l'inspection professionnelle. On s'assure qu'ils sont les
meilleurs professionnels dans leurs champs respectifs.
C'est tout simplement pour souligner, M. le ministre, qu'on ne voudrait
quand même pas, par une définition très très
large,
être exclus du champ de l'administration.
M. Fontaine (Gabriel): Disons qu'on touche au champ de
l'administration et qu'on utilise les états qui sont
préparés par nos collègues, les CA, les CGA et les RIA en
certaines circonstances. Mais nous, nous n'avons pas simplement à
qualifier les chiffres et à présenter comme une photographie la
valeur financière de l'entreprise. On est là aussi pour
l'apprécier au niveau de ses ressources humaines - c'est un point qui
n'est pas traité normalement par les autres professionnels - ses
ressources matérielles qu'on peut qualifier pour voir si elles sont
capables de produire. On a à évaluer le marché des
différentes entreprises, les produits, la concurrence. Finalement, on
produit une expertise qui est une manifestation de notre appréciation de
l'entreprise dans son ensemble et non pas seulement une appréciation de
l'entreprise au niveau de ses ressources financières quantifiées
par un bilan et par des états de remise des dépenses.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Robert Baldwin.
M. O'Gallagher: Une seule question, M. le Président. Vous
avez fait mention de votre appréhension de conflits
d'intérêts chez les membres de l'Ordre des comptables
agréés. Avez-vous une critique précise de leur code de
déontologie ou une espèce d'inspection ou de règlement qui
pourrait régler cette partie de leur travail?
M. Rivard: Notre position face à cela, je pense que
chacune des corporations professionnelles a vraiment fait beaucoup pour essayer
de préciser, au niveau des codes de déontologie, les
règles du jeu pour ses membres. Nous soutenons que si cet effort a
été très louable, c'est que, dans la pratique, il est
très difficile de faire de l'inspection professionnelle pour l'ensemble
de ses membres. C'est pour cela qu'on suggère beaucoup plus une approche
qui éliminerait le plus possible les situations de conflits
d'intérêts.
M. O'Gallagher: Avez-vous vu des cas précis, publics,
où cela a été reconnu dans le public? Avez-vous des
statistiques à l'appui de votre prétention?
M. Rivard: Je pense qu'il est difficile d'avoir des statistiques
précises mais on reconnaît habituellement, dans le milieu des
affaires, quand on parle, par exemple, d'états financiers, qu'ils sont
préparés souvent à partir des informations fournies par
les dirigeants d'entreprise. Bien sûr qu'il y a une vérification.
Dans certains cas, c'est fait; dans d'autres cas, cela n'est pas fait.
Également, on réalise que le dirigeant d'entreprise peut,
à un moment donné, vouloir présenter une meilleure image,
soit parce qu'il a besoin de financement ou parce que, tout simplement, il veut
passer pour un bon gestionnaire. Deuxièmement, il peut aussi vouloir
présenter une moins bonne image parce qu'il veut payer moins
d'impôt.
Quand on regarde un état financier, la première chose qui
me vient à l'esprit, c'est de regarder les inventaires. Je ferais une
affirmation qui ne repose pas sur une statistique, une recherche de
marché approfondie, mais je dirai que la proportion d'exactitude au
niveau des inventaires, dans 70% des cas, ne représente pas
fidèlement la situation. Et je m'explique: Évidemment, ce n'est
pas toujours facile de quantifier, mais il y a également aussi,
très souvent, une absence de vérification, parce que le mandat
n'a pas été assez clair ou que le vérificateur n'a pas eu
le mandat de le faire de la part des dirigeants d'entreprise et,
deuxième chose aussi, c'est un moyen relativement facile de faire varier
la profitabilité de votre entreprise. On voit cela couramment.
C'est pour éviter, évidemment, cette situation qu'on se
dit: Si on a bien défini, quand on regarde un état
vérifié, ce qu'il contient, et que le public sait que cela
comporte vraiment une vérification, une prise d'inventaire de
l'entreprise, on évite des situations de conflit.
Il y a également aussi des produits qui ne sont pas uniformes.
Cela porte aussi à confusion, et pour la protection du public, cela
complique drôlement les choses.
M. O'Gallagher: C'est une accusation de ne pas faire leur job
comme il faut. Est-cela?
M. Rivard: Pas nécessairement. Dans certains cas, c'est
vrai, et dans d'autres cas, peut-être qu'à cause du mandat qu'ils
ont de l'entreprise ou de la définition de la vérification, ce
n'est pas suffisamment clair.
Si vous venez vérifier mon entreprise et si je vous dis que ce
n'est pas un état vérifié que je veux avoir, vous allez
simplement regarder les commentaires qui sont faits sur les états
financiers. C'est très difficile de s'y retrouver. Ils sont tellement
nuancés qu'on se demande finalement si cela a été
vérifié ou non.
Le Président (M. Desbiens): M. le député de
Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: Je voudrais revenir très brièvement,
parce que nous avons déjà passé l'heure, sur votre
première suggestion concernant les experts-vérificateurs. Votre
solution, en théorie, serait peut-être la meilleure; ce serait
peut-être une solution idéale. Par contre, ne croyez-vous pas
qu'en
adoptant une telle solution on ferait en sorte d'obliger certains
bureaux d'experts-comptables à fermer leurs portes? Si on prend
l'exemple pratique de M. Cadorette qui est venu témoigner tantôt
et qui dit qu'il fait à peu près 40% du domaine de la
vérification, et le reste, c'est de la comptabilité publique,
cela veut dire que ce monsieur n'aurait plus que 40% de ses revenus si on
appliquait cette situation et s'il était obligé de faire
seulement de la vérification comme expert-vérificateur.
Cela obligerait également, je pense, beaucoup de petites
entreprises familiales a aller chercher les services
d'experts-vérificateurs qui leur coûteraient extrêmement
cher. Et ces experts, bien sûr, on les retrouverait surtout dans les
grandes villes comme Québec et Montréal. Alors ne croyez-vous pas
que cette solution-là, en théorie, est peut-être la
meilleure, mais qu'en pratique elle est difficilement applicable?
M. Rivard: Je pense que cela amènerait sûrement
à redéfinir, en pratique, les activités des firmes de
vérificateurs mais surtout des firmes de comptables publics. Il faudrait
vraiment faire une distinction - je pense qu'il faut le faire dans
l'intérêt du public pour clarifier - avec ce qu'on appelle de la
vérification; peut-être qu'à ce moment-là, au lieu
d'avoir dix personnes dont quatre font de la vérification, bien,
l'organisme qui offrira le service sera composé de quatre personnes et
les six autres feront ce qu'elles font actuellement, elles feront autre chose.
Mais, dans l'esprit du public, il n'y aura pas cette confusion-là,
à un moment donné, de dire: Est-ce que, d'un côté
j'ai une vérification qui est adéquate, et qui la fait? Cela va
être clair, à ce moment-là, que, dans l'esprit du public,
le professionnel qui aura le titre d'expert vérificateur, c'est un
bonhomme qui aura prouvé sa compétence et qui fera uniquement
cela. Il ne fera pas cela occasionnellement, il fera cela comme profession.
M. Fontaine: La plupart de ces entreprises sont des
sociétés et s'il y a un des membres de la société,
par exemple, qui est déterminé comme étant un expert
vérificateur et que les autres membres de la société
peuvent faire de la gestion d'entreprises, parfois même des mêmes
entreprises, on revient au même problème de...
M. Rivard: II y a quand même une grosse nuance. Cela ne se
ferait pas, d'après nous, sous le même chapeau.
C'est-à-dire qu'il y aurait une compagnie, si vous voulez, ou une
société dont l'identité légale serait de faire de
la vérification publique, et une autre qui serait une entité
offrant d'autres services. Or, les autres services, à ce
moment-là, sont peut-être sous titre réservé mais
ils ne sont pas des actes réservés et ils sont ouverts à
la saine concurrence ou au libre échange, à la libre
entreprise.
M. Tanguay: En fait, il n'y a pas un bureau qui soit
composé de huit personnes. Ils sont très rares ces
bureaux-là, c'est rarissime. Ce que l'on veut et, effectivement, cela
existe parmi les gros bureaux; vous avez un bureau de comptables et vous avez
un bureau de conseillers en administration, ce qui va arriver, c'est qu'il va y
avoir des transferts entre les deux bureaux. Il y a un certain nombre de
personnes qui vont quitter l'un pour aller dans l'autre. Mais, comme client,
vous saurez, en vous adressant à un, que vous vous adressez à
l'expert vérificateur et que tel autre est conseiller en gestion. On n'a
pas la prétention que cela réglerait tous les problèmes
dans les six mois à venir, non plus, mais, sur dix ans...
M. Fontaine: La réponse que vous me donnez me porte
à croire que la solution que vous proposez pourrait être
applicable, encore une fois, dans les grandes villes ou dans les grands bureaux
de comptables, mais, dans les petits bureaux de deux ou trois comptables, ce
serait assez difficile de pouvoir appliquer une solution comme celle-là
sans leur demander de fermer leurs portes presque carrément parce qu'ils
se verraient couper d'un bon pourcentage de leurs revenus. Ils devraient se
spécialiser. C'est comme moi; si, comme avocat, on me disait, du jour au
lendemain: Tu n'as plus le droit que de faire du droit matrimonial. Dans mon
petit patelin, à Sainte-Perpétue, dans le comté de
Nicolet, du droit matrimonial, il ne s'en fait pas autant qu'à
Montréal. Je ne pourrais pas vivre avec ça.
M. Rivard: Par contre, M. le député, je pense qu'il
y a plusieurs entreprises, dans la région de Nicolet, qui pourraient
avoir besoin de vos services et là, vous auriez un choix à faire:
soit agir comme expert-vérificateur ou tout simplement offrir d'autres
services aux entreprises. C'est pour cela qu'on trouve que la solution
proposée par l'office, celle d'avoir une commission d'émission
des permis, ne règle pas tous les problèmes, mais en règle
au moins un: elle règle celui de la vérification publique. Cela
permet aussi de préciser exactement ce que cela va contenir, quelles
vont être les exigences et les modalités d'application. On dit:
Pourquoi faut-il que ce soit temporaire? C'est qu'en faisant cet exercice,
cette recherche d'égal à égal, il va peut-être en
ressortir une nouvelle proposition qui sera encore meilleure, dans
l'intérêt de la protection du
public.
M. Fontaine: D'accord.
Le Président (M. Desbiens): Est-ce que vous avez
l'intention de faire des remarques générales sur...
Une voix: Pas moi.
M. Fontaine: Peut-être qu'en terminant, M. le
Président, j'aimerais demander au ministre...
Le Président (M. Desbiens): Oui, M. le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Fontaine: ...après avoir entendu tous ces commentaires
et toutes ces suggestions, s'il a l'intention, comme ministre responsable du
gouvernement, d'apporter une solution très immédiate. Puisqu'on a
parlé, tantôt encore, de l'approche des élections, est-ce
que le ministre a l'intention de proposer des solutions, à tout le
moins, avant les élections générales?
Le Président (M. Desbiens): M. le ministre.
M. Laurin: II est possible que nous ayons plusieurs mois encore
avant que...
M. Fontaine: Ah, ah! fia h 15)
M. Laurin: ...les élections générales soient
déclenchées. Donc, le danger que vous signalez est quand
même hypothétique.
Une voix: C'est un danger!
Une voix: II y a toujours danger!
M. Lalonde: Vous constatez que c'est un danger!
M. Laurin: Pour les comptables, pour les comptables. Non, je
pense qu'il était très opportun de nous réunir en
commission parlementaire et d'entendre à nouveau les principaux
intéressés. Je pense que les exposés que nous avons
entendus et surtout les échanges qui ont suivi ont fortement
contribué à éclairer notre lanterne, nous ont fourni ample
matière à réflexion, "food for thought", comme disent les
Anglais, et la matière, justement, était tellement riche qu'elle
va sûrement exiger de nous tous que nous consacrions à
l'étude de ces questions le temps qu'il faut. À la lumière
des multiples suggestions qui nous ont été faites, je pense qu'il
serait plus sage d'appliquer l'adage de Suétone, "festina lente",
hâte-toi lentement, en tenant compte justement de toutes les contraintes,
de toutes les contingences, de tous les caveats aussi qui nous ont
été donnés. Mais ceci dit, je mets, quand même,
l'accent sur le premier mot: festina, hâte-toi; il faudra se hâter,
bien sûr, et il ne fait aucun doute que je relirai rapidement le compte
rendu de ces séances et, dans les plus brefs délais,
j'espère pouvoir proposer une solution au Conseil des ministres.
Le Président (M. Desbiens:) M. le député de
Marguerite-Bourgeoys.
M. Lalonde: Tout simplement pour une traduction, peut-être,
des propos du ministre: Ai-je raison de croire que ce n'est pas pour
demain?
M. Laurin: Demain, le 18 février, sûrement pas, M.
le Président.
Le Président (M. Desbiens): Alors, je remercie la
Corporation professionnelle des administrateurs agréés du
Québec de sa participation aux travaux de la commission. Je constate que
notre commission permanente des corporations professionnelles a terminé
ses travaux et elle ajourne sine die. Je demanderai au rapporteur de la
commission de faire rapport à l'Assemblée nationale en
conséquence. Merci à tous.
(Fin de la séance à 18 h 17)