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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 26 mai 1983 - Vol. 27 N° 70

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des crédits de l'Office des professions


Journal des débats

 

(Quinze heures quarante-quatre minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît! La commission élue permanente de l'éducation se réunit cet après-midi pour compléter l'étude des crédits du ministère de l'Éducation et, notamment, se pencher sur l'étude du programme 10: Organisation et réglementation des professions.

Les membres de cette commission sont MM. Blank (Saint-Louis), LeBlanc (Montmagny-L'Islet), Desbiens (Dubuc), Fortier (Outremont), Lavigne (Beauharnois), Laurin (Bourget), Leduc (Saint-Laurent), Leduc (Fabre), O'Gallagher (Robert Baldwin), Proulx (Saint-Jean), Rochefort (Gouin).

Les intervenants sont: MM. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Bisaillon (Sainte-Marie), Hains (Saint-Henri), Kehoe (Chapleau), Martel (Richelieu), Saintonge (Laprairie), Vaillancourt (Orford), Vaugeois (Trois-Rivières).

M. le ministre, avez-vous quelques remarques préliminaires?

M. Laurin: Oui, M. le Président. Chers collègues...

Le Président (M. Blouin): Avant de commencer, je vous rappelle, conformément à l'entente et à l'ordre que nous avons reçu de la Chambre, que les travaux se termineront à 18 heures.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'est pas beaucoup. On va avoir seulement trois heures...

Remarques préliminaires M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, chers collègues. À titre de ministre responsable de l'application des lois professionnelles, il m'est agréable de présenter la demande de crédits de l'Office des professions du Québec pour 1983-1984 et, par la même occasion, de rendre compte de l'activité de cet organisme pour l'année 1982-1983.

C'est avec plaisir que je répondrai moi-même aux questions des membres de la Commission parlementaire des corporations professionnelles, cependant que le président de l'office, M. André Desgagné, qui se trouve à mes côtés, pourra fournir aux membres de la commission tout renseignement supplémentaire susceptible de leur être utile.

J'aimerais rappeler au départ que le Code des professions a été adopté le 6 juillet 1973 et l'Office des professions du Québec a été mis sur pied à l'automne de la même année. L'année 1983-1984 marquera donc le 10e anniversaire du système professionnel que nous connaissons aujourd'hui.

Ce système professionnel est caractérisé par une recherche d'équilibre entre l'autogestion et l'hétérogestion, c'est-à-dire la gestion de l'organisation professionnelle à la fois par des professionnels élus par et parmi les professionnels eux-mêmes et des personnes nommées en dehors d'eux. Au sein de ce système apparaît l'Office des professions. Bien qu'il réponde au ministre responsable de l'application des lois professionnelles, l'Office des professions possède les caractéristiques d'un organisme autonome par rapport au gouvernement. Il est dirigé par un conseil d'administration de cinq membres.

L'office a pour fonction principale de voir à ce que chaque corporation professionnelle s'acquitte adéquatement de sa tâche de protection du public. Il exerce donc un rôle de surveillance à l'endroit des 39 corporations professionnelles. Pour remplir ce mandat, il dispose de certains pouvoirs, dont voici les plus importants. 1) II nomme, après consultation du Conseil interprofessionnel et des organismes socio-économiques, de deux à quatre administrateurs, citoyens non membres de la profession, voire d'aucune profession, pour siéger au bureau de chaque corporation professionnelle; 2) II publie, deux fois par année, les décisions rendues par les comités de discipline des corporations et par le Tribunal des professions; 3) II s'assure que chaque corporation adopte un ensemble de règlements régissant l'activité professionnelle, ayant même le pouvoir d'édicter, à la place des corporations, certains règlements directement reliés à la protection du public, si celle-ci refuse de les adopter dans des délais raisonnables; 4) II administre un programme de subventions destinées à aider les corporations à assumer leurs responsabilités, notamment en matière d'inspection professionnelle et de formation continue;

5) II fait également - et c'est là un rôle fort important - des recommandations au gouvernement sur les questions touchant le système professionnel, par exemple les règlements et les lois régissant les corporations professionnelles ou encore la constitution de nouvelles corporations professionnelles, de même que la fusion ou la dissolution de corporations existantes.

En évoquant succinctement les principales fonctions de l'Office des professions du Québec, j'ai couvert les activités courantes qu'il réalise de façon régulière. Mais, outre ces activités, un certain nombre de dossiers ont fait l'objet de préoccupations particulières de l'office au cours de cette année.

Premier dossier: la publicité sur les services professionnels. Cette question largement débattue, tant à l'étranger qu'au Québec, a fait l'objet cette année d'une attention toute spéciale de la part de l'Office des professions. J'ai demandé à l'office de procéder à un examen approfondi de cette question. L'office a donc tenu une consultation qui s'est déroulée en deux étapes: d'abord un sondage de l'opinion publique sur les besoins de la population en matière de publicité; puis, la tenue d'un colloque, ou forum public, où l'on a envisagé les modes d'ouverture possibles du régime actuel de publicité en matière de services professionnels. L'office a par la suite publié les "Actes" de ce colloque, en plus d'une étude et d'une bibliographie qui faisait déjà le point sur ce sujet. L'office dispose donc maintenant d'une somme d'information suffisante pour lui permettre de prendre position prochainement sur cette question complexe. L'office doit verser à ce dossier, en 1983, un énoncé de politiques spécifiquement québécoises.

Deuxième dossier: la réorganisation des professions comptables. Les débats amorcés en 1972 ont trait à la définition d'un champ d'exercice exclusif de la comptabilité et aux conditions d'accès à ce champ. Les corporations visées, CA, CGA et RIA, ont, depuis ce temps, fait valoir différents points de vue et fait connaître leurs positions respectives. Pour sa part, l'office a fait connaître en 1980 son avis sur la question. Ce dernier limitait le champ exclusif à la vérification tout en proposant différentes modalités de regroupement des corporations intéressées. La commission parlementaire des corporations professionnelles a pu entendre, en 1981, les positions des intervenants, auxquels se sont joints deux autres groupes: les administrateurs agréés et le Syndicat de comptables généraux licenciés de pratique privée.

Il y a quelques mois, j'ai fait part aux corporations de mon désir de tirer la situation au clair au cours de la présente année. À cette fin, je les ai conviées à reprendre leurs pourparlers avec le président de l'office et en présence de mon conseiller politique en vue de trouver une solution au problème de l'organisation de la profession de comptables autour de deux champs dont l'un, qui serait exclusif, se réduit essentiellement à la vérification tandis que l'autre englobera principalement la comptabilité de gestion. L'office doit me faire rapport sur cette ultime tentative de concertation.

Troisième dossier: la liste des médicaments vétérinaires. En vertu de la Loi sur les médecins vétérinaires, c'est le rôle de l'office de dresser, après consultation des parties identifiées, une liste des médicaments qui ne peuvent être prescrits que par les médecins vétérinaires. Il s'agit d'un dossier complexe qui a donné lieu à des projets, des consultations multiples et à une étude par une firme indépendante sur le marché des médicaments vétérinaires. Par la suite, l'office a établi une série de critères devant servir à la sélection des médicaments devant être compris dans la liste. Ayant obtenu l'accord des différents intervenants sur le choix de ces critères, l'office dressera donc, à l'aide de ces critères, la liste qu'il soumettra à la consultation et il estime être en mesure de me formuler ses recommandations à la fin de l'été.

Comme autres dossiers, pour compléter ce tableau, je voudrais noter l'aval que nous avons donné à la constitution en corporation professionnelle des inhalothérapeutes, sous le régime du Code des professions.

Un mot maintenant sur la question de la formation en sciences infirmières. En juin 1981, j'ai demandé l'avis de l'office sur ce sujet. L'office a fait l'examen de cette question aux trois niveaux de formation et a remis son avis. À la lumière des deux recommandations de l'office, il me sera maintenant possible de prendre une décision en cette matière.

La commission sera sans doute intéressée d'apprendre que d'autres actions et travaux de l'office sont présentement en voie d'achèvement. Je veux mentionner les conditions supplémentaires au diplôme ou à la formation de base et les comités de la formation, l'efficacité du mécanisme du titre réservé en regard de la protection du public, les conditions requises pour la radio-protection, l'autorisation d'actes médicaux et infirmiers et son application, et plusieurs autres sujets non moins importants.

Je tiens à assurer les membres de cette commission que, dans toutes les questions touchant les corporations professionnelles - et il va sans dire - la protection du public qui constitue un mandat commun, - l'office, autant que le gouvernement, a le souci d'appuyer ses actions sur des données de base qui reflètent bien l'état de la question, qui mettent à jour les besoins

de la population, qui apportent également une expertise valable sur ce qui se fait ici et à l'étranger, et finalement, qui permettent de prendre les décisions les plus adaptées à la situation vécue par tous les intéressés dans le milieu québécois.

Voilà, M. le Président, le compte rendu de l'activité de l'Office des professions pour l'année 1982-1983.

Permettez-moi d'ajouter un mot sur les orientations retenues pour l'année 1983-1984. À la suite d'un examen de ses activités, l'office a dégagé ses orientations. En plus d'être cohérentes et complémentaires, ses orientations s'ajustent de façon articulée aux impératifs de la mission que le Code des professions lui attribue explicitement, ou encore par une logique implicite. Cet exercice permet à l'office d'assurer que les orientations retenues cette année arrivent à point nommé dans l'évolution du système professionnel québécois.

Premier dossier: la réduction des conflits interprofessionnels. Le système professionnel actuel résulte de l'association, d'une part, de composantes créées par le Code des professions en 1973 et, d'autre part, d'éléments qui existaient déjà depuis plus ou moins longtemps. Or malgré le fait que le législateur ait assigné une fonction commune à tous, à savoir la protection du public, force était de composer avec la réalité qui s'avère toujours plus complexe. C'est ainsi que certains droits acquis des corporations, au lieu de s'harmoniser dans la concertation et la complémentarité des professions, se sont trouvés opposés au point d'engendrer parfois certains conflits de juridiction. Il devient donc souhaitable, pour ne pas dire nécessaire, pour l'office autant que pour d'autres constituantes du système, d'atténuer sinon de régler ces conflits de juridiction, notamment dans le secteur de la dentisterie et de l'optique. Dans le domaine de la santé, l'office tentera d'élargir l'éventail des actes que des tiers sont autorisés à poser. Ce travail se fera avec la collaboration de toutes les corporations professionnelles concernées.

Deuxième dossier: la mise en place et l'ajustement de certains éléments du système. Dès l'adoption du Code des professions, l'office s'est préoccupé de mettre en place les éléments majeurs prévus par cette loi afin d'assurer, dès le départ, le fonctionnement efficace du système professionnel. Toutefois, des difficultés et des problèmes relativement complexes sont apparus en cours de fonctionnement. Or, comme un système ne peut bien fonctionner qu'avec toutes ses composantes, l'office retient comme priorités la mise en place de tous les moyens de fonctionnement du système prévus au code et également l'ajustement d'autres moyens qui se sont révélés moins efficaces à l'usage. Parmi ceux-ci, on retrouve les règlements sur la liste des médicaments vétérinaires et celle des médicaments podiatriques, les conditions d'exercice de la radiologie. On touche, en outre, aux conditions supplémentaires au diplôme de base et également aux modalités du comportement déontologique des professionnels en cas de conflit de travail. Enfin, en regard de la protection du public, certains mécanismes demandent à être revus, voire modifiés: le titre réservé, la publicité en matière de services professionnels ainsi que l'inspection professionnelle. Tous ces dossiers ont leur impact sur le fonctionnement efficace du système actuel. Aussi, l'office entend-il consacrer ses efforts à résoudre ces questions.

Troisième dossier: la diffusion de l'information utile aux consommateurs. Malgré toute l'énergie déployée à parfaire le système professionnel, à réglementer les actes, à établir pour les professionnels des exigences de formation, de compétence et de déontologie, il apparaît illusoire d'espérer que les citoyens puissent retirer de cette organisation tous les bienfaits qu'ils sont en droit d'attendre, à moins qu'ils ne soient informés des services offerts et de leurs droits et recours possibles. Le droit du public à l'information impose à l'office la nécessité d'informer pour réaliser, selon le code, son mandat de protection du public. C'est pourquoi l'office entend évaluer les besoins du public en cette matière et consacrer des efforts à l'information des citoyens sur toute question qui les concerne. Parallèlement, il prendra les mesures pour rendre accessible cette information: par exemple, renseigner les citoyens sur leurs droits et recours en matière de services professionnels, porter plus d'attention aux demandes de renseignements et aux cas de plaintes, établir des contacts avec les groupes de citoyens.

Quatrième dossier: l'an II du système professionnel. Car, en cette année qui marque, comme je le signalais au début de cet exposé, le dixième anniversaire de sa mise sur pied, l'office entend susciter une réflexion sur l'ensemble du système professionnel, de son fonctionnement, de ses mécanismes et de son efficacité en vue de mettre au point des propositions visant à l'amélioration de ce système qui a déjà dix ans. À titre de ministre responsable de l'application des lois professionnelles, je suis heureux de donner ici mon appui au projet mis de l'avant par l'office pour souligner cet événement et je souhaite qu'il puisse le réaliser avec le concours de toutes les composantes du système professionnel actuel, sans oublier le public pour le bien duquel le système existe.

Un dernier mot, M. le Président, sur l'évolution des crédits de l'office. Les crédits à voter pour 1983-1984 s'élèvent à

2 663 600 $, alors qu'ils s'élevaient, en 1982-1983, à 2 677 900 $, soit une diminution de 0,5%. Je suis disposé à répondre maintenant aux questions que les membres de la commission voudraient bien me poser.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Laurent vous avez quelques remarques préliminaires.

M. Germain Leduc

M. Leduc (Saint-Laurent): M. le Président, chers collègues, je voudrais, tant comme député de l'Opposition responsable du dossier des corporations professionnelles que comme professionnel, remercier tous ceux qui, au cours de l'année 1982-1983, ont oeuvré dans le domaine des corporations professionnelles. Je pense d'abord à l'Office des professions, à son président, M. Desgagnés, et à son équipe, au conseil interprofessionnel et surtout à son directeur administratif, M. Fréchette, enfin à tous les membres des bureaux des 39 corporations professionnelles. Il est évident que le rôle de tous les intervenants est capital dans l'atteinte des buts visés, soit d'abord et avant tout une protection du public et ensuite le bien-être des professionnels de toutes les corporations. Ce rôle, bien sûr, n'est pas facile. En plus d'avoir à prendre position sur des sujets très importants, tels la publicité sur les services professionnels, la déontologie professionnelle, les conditions supplémentaires exigées de leurs diplômés par les corporations professionnelles, le mécanisme du titre réservé et de l'exercice exclusif, la tarification, ils auront à répondre aux plaintes formulées par les consommateurs contre les corporations professionnelles et leurs membres. (16 heures)

En plus, ces intervenants seront souvent confrontés aux conflits existant entre les différentes corporations professionnelles quant à leurs champs d'activité respectifs. Qu'il suffise de mentionner - et ici j'en passe -les problèmes existant entre les trois corporations comptables, entre les optométristes et les opticiens d'ordonnance, entre les ingénieurs et les diplômés de l'École de technologie supérieure, entre les médecins et les chiropraticiens et entre les hygiénistes dentaires et les dentistes.

Dans tout dossier chaud, il faudra que le ministre responsable de l'application des lois professionnelles soit très prudent et évite les solutions trop faciles. Il devra, sauf dans des cas extrêmes, recourir aux décrets. Il devra retenir qu'un règlement, pour être respecté et avoir de l'autorité, doit d'abord s'appuyer sur une nécessité, sur un besoin et sur un consensus.

Il faut bien réaliser que si on impose par décret des règlements, donc à l'en-contre de la volonté des corporations professionnelles et des membres, ces règlements devront être appliqués par cette même corporation professionnelle qui devra, à son tour, les imposer par la suite à ses membres, situation tout de même assez paradoxale. La solution imposée risque donc de ne rien régler et risque même d'aggraver le problème.

Je voudrais maintenant parler de certains dossiers qui devraient retenir d'une façon particulière notre attention et l'attention du monde des corporations professionnelles. Une règle devra toutefois toujours guider les intervenants dans leurs démarches et leur recherche des solutions aux problèmes, soit la protection du public. C'est le but, d'ailleurs, de l'Office des professions et du Code des professions.

Les corporations professionnelles en conflit avec d'autres corporations professionnelles devront, par ailleurs, tenter de régler leurs problèmes entre elles au moyen de compromis plutôt que de se précipiter immédiatement vers l'État. Dans leur recherche de solutions, elles devront toujours avoir à l'esprit que les professionnels bénéficient dans la société de privilèges et que l'octroi de privilèges implique en contrepartie l'acceptation de responsabilités et d'obligations à certaines concessions.

Il y a un dossier qui, au cours de l'année passée, a soulevé beaucoup d'intérêt et des réactions tant de part du public en général que de la part des professionnels eux-mêmes, c'est celui de la publicité sur les services professionnels. Je vais donc vous parler de la publicité sur les services professionnels. Dès 1977, l'Office des professions recommandait au gouvernement une certaine libéralisation de la publicité sur les services professionnels, plus particulièrement sur les prix, la catégorie ou le type de services professionnels. Plus récemment, soit l'an passé, en 1982, deux sondages ont établi que les Québécois favorisaient la publicité sur les services professionnels. Les professionnels, eux, contrairement aux consommateurs, se montrent très réticents à la libéralisation de la publicité sur les services professionnels, exception faite de certaines corporations professionnelles à caractère un peu plus commercial, comme, par exemple, les opticiens d'ordonnance. La grande majorité des professionnels continue de penser que toute publicité qui n'est pas informative ne convient guère aux corporations professionnelles, est contraire à l'intérêt public, contribuerait à diminuer la qualité des services professionnels, à faire augmenter les prix, vu le coût élevé de la publicité, à duper les consommateurs et à favoriser le gaspillage. Même si ces considérations

demeurent très valables, n'y aurait-il pas lieu pour les professionnels, sans qu'ils versent complètement dans l'information promotionnelle, qu'elle soit plus transparente, plus visible et que les biens et les services qu'ils offrent soient plus accessibles?

Dans cette ligne de pensée, la corporation professionnelle devrait sûrement s'intéresser et promouvoir la publicité ou l'information qu'on appelle sociétale, c'est-à-dire celle qui s'adresse au public, qui informe les citoyens plutôt que les consommateurs, mais il ne faudrait peut-être pas que les professionnels ratent le bateau de l'information, de la communication avec les citoyens et avec le public en général comme ils le font actuellement. Il y a sûrement là matière à réflexion.

En ce qui concerne maintenant les conditions supplémentaires, nous savons que les corporations professionnelles imposent aux diplômés des établissements d'enseignement pour l'obtention d'un diplôme; l'Office des professions s'est prononcé contre leur application. L'office trouve préférable et suffisant que l'on s'en remette à l'établissement d'enseignement pour la formation complète des diplômés, y compris les cours et examens supplémentaires, plutôt qu'aux corporations professionnelles. Nous savons par ailleurs que le conseil interprofessionnel ne partage pas le point de vue de l'office sur ce sujet. Nous croyons, nous, que les corporations doivent absolument contrôler la compétence et le niveau de formation des diplômés pour remplir un rôle premier des corporations professionnelles, soit la protection du public.

En cette perspective, la compétence des professionnels, à mon sens, est un élément essentiel. Seul un professionnel compétent peut offrir au public un service fiable et de qualité. Nous sommes d'accord avec les principes émis en ce sens par le conseil interprofessionnel. Ces principes, à mon sens, fondamentaux établissent: premièrement, la responsabilité pour les corporations professionnelles d'évaluer la compétence des professionnels et, partant, un rôle de surveillance sur le contenu des études et le contrôle de l'admission à l'exercice de la profession; deuxièmement, la spécificité de chacune des corporations professionnelles et, en conséquence, l'impossibilité d'établir ou d'imposer un modèle unique pour toutes les corporations; troisièmement, la nécessité pour ce professionnel d'acquérir plus particulièrement deux types de connaissances pour exercer sa profession adéquatement: d'abord, les connaissances pour la compréhension d'un domaine d'activité professionnelle et ensuite les connaissances pour l'exercice d'une activité professionnelle; quatrièmement, les rôles et responsabilités complémentaires des établissements d'enseignement et des corporations professionnelles dans la formation des professionnels. Enfin, la nécessité de la recherche de l'excellence dans la formation des professionnels.

Ces grands principes supposent donc que les corporations professionnelles doivent demeurer responsables de l'évaluation et de la compétence des membres à l'entrée de la corporation. À la suite des audiences publiques d'avril 1982 sur ce sujet et des recommandations qu'a dû lui faire l'Office des professions, l'opinion du ministre devrait être faite, je pense.

Les titres réservés. En ce qui concerne la problématique du titre réservé, il serait peut-être approprié d'en parler un peu plus, un peu pour mentionner surtout l'évolution que j'ai perçue dans l'attitude de l'office sur cette question. Alors que, en 1976, il privilégiait le mécanisme du titre réservé par opposition au mécanisme de l'exercice exclusif, il semble maintenant que l'office voit la nécessité de recommander certaines mesures propres à accroître l'efficacité du titre réservé.

L'office soutient toujours que le titre réservé, contrairement à l'exercice exclusif, permet la concurrence. Il faudrait peut-être reconnaître que la concurrence existe dans la plupart des professions d'exercice exclusif, mais qu'elle se fait souvent avec d'autres professions et, dans bien des cas, il faut, il me semble, parler d'acte partagé plutôt que d'acte exclusif.

Le problème demeure complexe, bien sûr; il faudra évaluer les neufs mesures proposées par l'office. Il faudra se demander si le mécanisme du titre réservé est suffisant pour bien protéger le public. Est-ce que, dans l'ensemble, les moyens proposés par l'office pour permettre aux corporations professionnelles de remplir adéquatement leur rôle sont réalistes? Est-ce que la campagne d'information proposée ou tout autre mécanisme quelconque permettra au public de discerner les vrais professionnels des charlatans? Est-ce que le public voudra s'informer ou pensera à s'informer? Est-ce que les employeurs voudront collaborer? Comment, en effet, obliger un employeur à s'assurer de l'appartenance d'un de ses employés à une corporation professionnelle? Peut-on également obliger un employeur à imposer à ses employés d'afficher leur titre? Est-ce que les universités vont accepter la réglementation nécessaire des titres académiques? Quel sera le coût de la bureaucratie exigée par ces mesures ou ces moyens?

Devant ces interrogations, ne serait-il pas mieux dans le seul but de protéger adéquatement le public, de maintenir ou d'établir dans certains cas et de le maintenir dans d'autres cas, le mécanisme de l'exercice exclusif? Est-ce que, pour maintenir à tout prix le principe de la concurrence, nous

pouvons nous permettre de prendre certains risques quant à la qualité des services professionnels offerts au public? Il me semble que non.

Maintenant, le problème des CA, des CGA et des RIA, on en a parlé tantôt, le grand et célèbre problème des corporations de comptables, soit les CA, les CGA et les RIA, qui a généré un contentieux qui perdure et pourrit depuis plus de dix ans. Il serait peut-être temps, il me semble, de fêter avec Pénélope le retour d'Ulysse et de disposer de ce dossier. Le ministre l'avait mentionné.

Si la proposition de juillet dernier des RIA dans le sens de fondre les trois corporations de comptables en une seule corporation et deux champs d'activité: soit un champ de comptabilité, de management ou de gestion et un champ de la comptabilité et de la vérification, donc si cela devait être retenu, il faudrait bien s'assurer que cette solution n'en sera pas une de facilité ni de nivellement par le bas. Il faudait bien s'assurer, également, que le fait de donner le titre réservé de CA à tous les comptables des trois corporations qui exerceraient, par ailleurs, dans deux champs d'activité complètement différents, ne créerait pas de confusion dans le public. Il faudrait, de toute nécessité, que la définition du terme "vérification publique" soit claire et précise. Il faudrait également très bien baliser le champ d'exercice de chacun des deux groupes.

Il demeure que la création d'une corporation unique pour les trois corporations de comptables permettrait une fois pour toutes de mettre de l'ordre dans ce fouillis et permettrait également de mettre de l'avant un programme de formation unique pour tous les professionnels de la comptabilité qui devraient, en cours de route, opter pour l'un ou l'autre des deux grands champs d'exercice. Il n'y aurait alors qu'un organisme chargé de contrôler l'accès à la profession et une seule commission d'éthique et de contrôle des membres. La solution retenue devra, de toute nécessité, contenir les éléments requis de protection du public et de justice pour les trois groupes de professionnels.

Les ingénieurs en face de la - c'est quasiment cela - ETS. Dans le dossier des diplômés de l'École de technologie supérieure, nous constatons que le gouvernement, par l'adoption d'un décret en juin 1981, a décidé que ces diplômés détenaient une formation universitaire en ingénierie et que cette formation donnait ouverture aux permis délivrés par la Corporation professionnelle des ingénieurs du Québec. Malheureusement, nous devons aussi constater que ce décret n'a rien réglé. Le contentieux entre la Corporation des ingénieurs du Québec et les diplômés de l'École de technologie supérieure demeure entier. En ne statuant pas sur l'accréditation et sur les modalités d'intégration, le ministre aura évité les véritables questions majeures de ce problème et n'aura réussi qu'à aggraver le problème, à mon sens. En effet, à ce jour, l'adoption de ce décret aura donné lieu à deux recours judiciaires: l'un de la part de l'ETS contre l'Ordre des ingénieurs du Québec et l'autre, de la part des ingénieurs du Québec contre l'ETS. Les ingénieurs, dans les deux cas, allèguent que le décret de 1981 est ultra vires. Il est bien évident qu'il y a un braquage de la part de l'Ordre des ingénieurs, qui n'accepte absolument pas le décret de juin 1981 et qui refuse d'accorder le titre d'ingénieur aux diplômés de l'ETS.

Dans ce dossier, le ministre, il me semble, a posé des gestes prématurés. Avant de passer des décrets, il aurait peut-être fallu d'abord que les champs d'exercice soient très bien définis et qu'également, on propose différentes solutions au titre à donner aux diplômés de l'ETS. Au lieu de penser, pour les diplômés de l'ETS, à une intégration complète au sein de la Corporation des ingénieurs, ne faudrait-il pas penser plutôt à une corporation polyprofes-sionnelle des sciences appliquées qui pourrait chapeauter, par exemple, l'Ordre des ingénieurs, l'Ordre des géologues, l'Ordre des technologistes supérieurs, l'Ordre des chimistes et peut-être d'autres corporations connexes. Il demeure que le problème devrait être réglé à brève échéance.

Passons au dossier des optométristes et des opticiens d'ordonnance. Dans ce dossier, on sait que le gouvernement a imposé, par décret, en juin 1982, des règlements régissant ces deux corporations professionnelles. Ces règlements ont eu pour effet de libéraliser la publicité par les opticiens d'ordonnance, d'obliger les optométristes à remettre au client, sans réquisition aucune, la prescription ou l'ordonnance et, enfin, de permettre la pratique conjointe dans un même bureau des optométristes et des opticiens d'ordonnance. Or, tout en étant d'accord avec certains de ces règlements, nous devons constater malheureusement que ce décret n'a pas satisfait les opticiens d'ordonnance et a profondément choqué les optométristes, à tel point que les optométristes considèrent que le problème n'est nullement réglé. En novembre dernier, ils demandaient une intervention gouvernementale pour forcer les membres des deux corporations à se concerter afin de mettre un terme à une lutte vieille de douze ans que se livrent ces deux groupes. Face à cet imbroglio, il y aurait peut-être lieu de savoir quelle est la position du ministre. Est-ce que, pour lui, le dossier est fermé?

Le dossier du tarif chez les notaires. En ce qui concerne la tarification chez les

professionnels et particulièrement chez les notaires, je pense qu'il faut, encore là, être très prudent. C'est connu, depuis 1977, l'Office des professions du Québec dénonce la tarification. L'Office des professions soutient que la tarification empêche la concurrence, ne va pas dans le sens du meilleur intérêt du public et ne profite qu'aux professionnels. Je pense que c'est simplifier les choses. Sans prétendre que la tarification est une condition sine qua non de la qualité des services professionnels offerts au public, il demeure que, dans le domaine des services et particulièrement à une époque où on a beaucoup de spécialisation, la tarification, à mon sens, est une garantie de qualité des services professionnels. Je ne crois pas, par exemple, que l'on puisse espérer avoir des services professionnels de qualité en laissant jouer sans limite la concurrence. Le client trouvera toujours un professionnel, surtout à une époque où la plupart des professions sont encombrées, prêt à rendre des services professionnels à un prix inférieur. N'étant nullement en mesure de juger de la qualité des services, le client risque d'en avoir pour son argent. Le professionnel qui veut rendre des services professionnels de qualité doit, de toute nécessité, en cette époque de spécialisation, avec un nombre invraisemblable de lois, pratiquer en équipe, posséder des équipements de pointe, consacrer du temps et des fonds à la formation continue et à la recherche et embaucher du personnel qualifié. Dans ces conditions, il ne peut absolument pas pratiquer à rabais.

La disparition du tarif signifierait, à mon sens, la disparition de firmes importantes de professionnels disposant de beaucoup d'expertise et d'expérience, ayant une grande solvabilité face aux recours en responsabilité. Ces firmes importantes demeurent également la meilleure garantie contre la défalcation ou dol de la part des professionnels. Encore là, je pense qu'il faudrait faire un choix. Veut-on favoriser la concurrence à tout prix au détriment de la qualité des services et de la protection du public? Est-ce que le ministre est favorable à la tarification chez les notaires? Cette question s'impose après tous les atermoiements auxquels les notaires ont eu droit depuis de nombreuses années. À quand le tarif révisé pour les notaires?

Le dossier des acupuncteurs, on en a parlé. En ce qui concerne le dossier des acupuncteurs, est-ce que le ministre question bien courte - peut nous dire s'il y a une solution en vue, de sorte que l'exercice de l'acupuncture puisse, dans un avenir prévisible, être contrôlé au Québec? C'est une situation qui dure depuis 1976.

Le dossier des professionnels à l'emploi du gouvernement fédéral. À la suite de la décision rendue par la Cour fédérale dans la cause de Lefebvre et qui soulevait la question de juridiction du Québec pour les professionnels exerçant au Québec pour le compte du fédéral, je voudrais savoir s'il y a des développements ou s'il y en aura? (16 h 15)

Sur le dossier des tests linguistiques, je voudrais être très bref et simplement m'enquérir auprès du ministre s'il serait d'accord pour abolir les tests destinés aux aspirants à la pratique professionnelle et qui détiennent un diplôme d'une institution d'enseignement de niveau secondaire du Québec, qu'elle soit francophone ou anglophone, ainsi que ceux qui détiennent un diplôme décerné par une institution francophone du Québec, de niveau collégial ou de niveau universitaire. Je voudrais également savoir si le ministre trouve logique d'imposer aux corporations professionnelles le fardeau de l'administration des tests linguistiques, lorsque requis.

Le dossier des règlements non adoptés. Plusieurs corporations professionnelles se plaignent de la lenteur administrative de l'Office des professions quant à l'adoption de certaines règles ou modifications de règlements soumises par ces corporations. Certaines demandes dateraient de plusieurs années. Est-ce qu'il y a une explication à ces délais qui semblent, dans certains cas, inacceptables? On pourrait peut-être savoir où cela accroche.

Le dossier des inhalothérapeutes, on en a parlé tantôt. Je ne sais pas si on a adhéré à leur demande ou si on l'a acceptée.

Je voudrais que le ministre m'indique si une décision a été prise quant à la formation d'une corporation professionnelle distincte, à la suite de l'opinion ou de l'avis de l'Office des professions. Que penser de la position du conseil interprofessionnel, qui semble ne pas être d'accord? Il y a peut-être une question ici que je voudrais soulever, c'est l'affaire Zaor. On en a entendu parler à la télévision...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Laurent, est-ce que je peux vous signaler qu'il y a déjà un certain nombre de questions qui ont été adressées au ministre.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est la dernière.

Le Président (M. Blouin): C'est la dernière? Bon, allez-yl

M. Leduc (Saint-Laurent): On a vu à la télévision, on y a mentionné la fameuse affaire Zaor. Je pense que c'est relatif à l'article 89 du Code des professions. La question d'indemnisation à l'article 89 prévoit qu'on doit indemniser les gens, les clients qui perdent de l'argent à la suite de défalcation ou de dol de la part de professionnels.

Évidemment, je pense bien qu'on touche surtout les avocats et les notaires. Je trouve que c'est une situation inacceptable. Si on a un fonds d'indemnisation, je crois qu'on devrait indemniser les gens qui subissent des pertes. Il y a des professionnels qui font faillite. Évidemment, ce sont des situations que notre époque favorise, mais il faut protéger le public. Alors, je pense qu'il serait temps de s'interroger à savoir s'il ne devrait pas y avoir une protection totale. Si on parle d'indemnisation, à mon sens, cela devrait être une indemnisation totale. Je pense que, dans l'affaire Zaor, on veut aller en cour. Je pense que c'est en cour. Mais, personnellement, depuis plusieurs années, cela me fatigue beaucoup d'entendre parler du fait qu'il y a des gens qui perdent de l'argent à cause de défalcation ou de dol. Je pense qu'on devrait établir clairement s'il y a fraude, s'il y a dol, qu'il faut indemniser les clients qui se trouvent à perdre de l'argent. Et la façon de le faire: Je pense que c'est de les indemniser à 100% et non pas de la façon qu'on le fait actuellement. On le fait sur une base d'indemnisation -véritablement, le mot, c'est cela. On les indemnise jusqu'à concurrence de 200 000 $ chez les notaires et - je ne sais pas si c'est exact - de 100 000 $ chez les avocats. Or je pense que c'est inacceptable dans le cas de réclamations qui peuvent quelquefois friser le million. Je pense qu'il va falloir que les notaires autant que les avocats, si les corporations professionnelles veulent que leur propre corporation soit respectée, prennent leurs responsabilités, qu'ils soient responsables. Il y a quoi? Il y a 9 000 avocats. Je pense qu'ils sont capables de se cotiser. Et on est 2 500 notaires. J'ai eu des informations et, apparemment, notre contribution serait d'environ 100 $ par année, alors qu'on paie 1 400 $ pour la responsabilité professionnelle. On pourrait sûrement ajouter de l'argent de façon à éviter des catastrophes. C'étaient les points que je voulais toucher. Évidemment, en ce qui concerne les crédits, peut-être qu'on pourrait y revenir tantôt.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Laurent. Je dois d'abord préciser que cette commission est la commission des corporations professionnelles, qui est distincte de la commission de l'éducation et qu'en conséquence, nous devons procéder à la nomination d'un rapporteur. Je crois que le ministre avait une suggestion à nous faire.

M. Laurin: Oui, je proposerais M. Michel Leduc.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Alors, M. le ministre, vous avez la parole.

M. Fortier: M. le Président. Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Fortier: Juste un instant, s'il vous plaît. Je ne sais pas si le ministre et mon collègue de Saint-Laurent seraient d'accord. Mon collègue a abordé plusieurs sujets et le ministre également. Pour ma part, si on pouvait s'entendre pour aborder les sujets un par un et peut-être nous permettre à l'occasion de poser une question additionnelle avant d'aborder le sujet suivant, cela nous permettrait d'avoir un dialogue beaucoup plus intelligent, plutôt que de permettre aux deux interlocuteurs principaux de vider la question et ensuite à nous de revenir pour des questions additionnelles. Alors, si on pouvait s'entendre sur une telle marche à suivre, cela nous permettrait d'avoir un déroulement plus ordonné de la discussion.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Lorsque le ministre a apporté l'essentiel de sa réponse, si, sur le même sujet, vous désirez intervenir, je ne pense pas qu'il y ait de difficulté.

M. Fortier: Alors, je demanderais au ministre d'aborder les sujets un à un, dans l'ordre qu'il décidera lui-même et qu'il nous permette d'intervenir.

Réponse du ministre

M. Laurin: Je me soumettrai avec plaisir à la suggestion du député d'Outremont. Je voudrais d'abord remercier le critique officiel de l'Opposition pour son exposé docte, documenté, ouvert et constructif. Par la même occasion, je voudrais souhaiter la bienvenue au député de Saint-Laurent comme critique officiel des corporations professionnelles. Je pense que sa première intervention montre la qualité de sa réflexion. Il fait plusieurs commentaires, suggestions et critiques également. Je pense qu'ils méritent tous d'être relevés.

Le premier sujet que le député de Saint-Laurent aborde, c'est celui des conflits. Effectivement, le domaine des corporations professionnelles, malheureusement, a été marqué depuis plusieurs années de conflits nombreux et aigus. Je prends en très bonne part le conseil que me fait le député de Saint-Laurent d'être très prudent quand j'aborde ces problèmes, d'éviter des solutions faciles et de tenter d'appuyer, d'asseoir ces solutions sur les besoins véritables aussi bien du public que des professionnels.

C'est vraiment la ligne de conduite que je m'étais fixée mais j'avoue que ce n'est pas toujours facile de suivre une ligne de conduite comme celle-là, surtout quand il s'agit de conflits qui, comme le député l'a souligné, ont perduré et ont été marqués par

des antagonismes qui semblent irréconciliables, des positions tranchées où des compromis pointent difficilement à l'horizon.

Je serais tout à fait d'accord avec le député de Saint-Laurent quand il recommande aux corporations professionnelles elles-mêmes de tenter de régler ces conflits de juridiction ou ces conflits de zone grise entre elles avant de recourir à la solution médiatrice ultime qui est la solution ministérielle. Je n'aurais pas de meilleur souhait de mon côté à énoncer que celui-là même que le député vient d'énoncer. Malheureusement, il y a loin de la coupe aux lèvres et, dans la pratique, ce n'est pas toujours comme cela que malheureusement les choses se présentent.

Il reste cependant qu'il importe de répéter encore une fois cette directive ou ce souhait que les corporations le plus possible s'entendent entre elles et nous arrivent avec des solutions qui leur agréent mutuellement, plutôt que de forcer un règlement par un arbitrage qui est probablement toujours insatisfaisant parce qu'il mécontentera une partie ou l'autre. Je pense que les actions que nous avons dû prendre depuis quelques années pour régler certains conflits montrent bien que les conseils du député de Saint-Laurent n'ont pas toujours été suivis. Je continue d'espérer qu'ils le seront à l'avenir.

En ce qui concerne la publicité sur les services professionnels, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les remarques que le député de Saint-Laurent avait à nous tenir à ce propos. Je pense que ses remarques sont marquées au coin de la sagesse et du bon sens. Je peux l'assurer que nous leur accorderons toute l'attention qu'il convient et que mérite leur justesse. Je remarque que le député de Saint-Laurent ne met pas de côté la nécessité d'une information plus grande, sinon d'une publicité plus marquée que devraient accepter les corporations professionnelles. Il y a lieu en effet de distinguer entre publicité sur les produits, sur les services et une information que le député a appelé "sociétale" et qui, je crois, est absolument nécessaire, pour ne pas dire indispensable, au fur et à mesure qu'évolue notre société. Là aussi, cependant, la prudence s'impose et, avant d'en arriver à une politique générale, je pense qu'il faut s'entourer de tous les avis, de toutes les expertises nécessaires. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à l'office de pousser davantage ses études à cet égard, que ce soit par sondages ou par audiences publiques. Il importe de bien comprendre les objections que les corporations, et en particulier les plus traditionnelles ou les plus anciennes, peuvent avoir à cet égard. Je pense que même si on peut ne pas partager entièrement leurs points de vue, il importe, pour une dernière fois, d'aller au fond du baril et de connaître toutes les objections, les réticences, les réserves ainsi que les motifs sur lesquels elles s'appuient avant de procéder.

J'ai l'impression que les audiences auxquelles nous avons procédé, d'une part, et les études comparatives que nous continuons de mener dans les autres pays vont considérablement éclairer notre lanterne et vont nous permettre d'appuyer les décisions qu'il faudra bien, ultimement, prendre sur les meilleures raisons possible. Le député de Saint-Laurent semble très exactement informé sur l'évolution de la situation, mais peut-être pourrais-je demander malgré tout au président de l'office s'il y a quelque chose à ajouter et qui pourrait être utile aux membres de la commission sur l'état du dossier.

Un mot sur le cheminement du dossier: À la suite des sondages et des colloques que nous avons tenus, nous avons poursuivi à l'office un travail interne - si je peux m'exprimer ainsi - en vue de préparer, comme le disait le ministre dans son exposé, un énoncé de politique en matière de publicité. Nous espérons pouvoir lui transmettre cet énoncé au cours de l'automne. Pour l'instant, je pense qu'il serait prématuré de faire connaître les paramètres de nos orientations. Nous n'en sommes pas encore là et nous préférons travailler dans le silence pour l'instant, étant donné que nous ne sommes pas encore tout à fait sûrs de nos orientations.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Desgagné. M. le ministre.

M. Laurin: Évidemment, les orientations et l'énoncé ne m'ayant pas encore été présentés, je trouverais imprudent de me prononcer immédiatement parce que je pense que ce qu'on me présentera sera étoffé, complexe, long aussi et que cela méritera de ma part toute la considération nécessaire.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que, d'après vous, c'est normal qu'on relie tarification à publicité? Je n'en vois pas tellement la nécessité, mais vous semblez insister beaucoup là-dessus.

Publicité professionnelle

M. Laurin: D'abord, c'est relié dans l'histoire du dossier. C'est par l'étude du problème de la tarification qu'on a débouché sur la question de la publicité, n'est-ce-pas? C'est l'histoire du dossier. Il y a aussi un certain lien logique parce qu'un des objets de la publicité, c'est bien les prix des services. Que ces prix soient tarifés ou libres, la question se posera toujours de savoir si on doit faire une publicité autour de ces prix, de sorte que ce n'est pas sans lien logique non plus que de parler de tarification en

même temps que de publicité.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je vais en profiter alors que vous parlez de publicité. C'est que je pense que, lorsque la loi de 1973 a créé l'Office des professions, on a fait une hypothèse fondamentale, à savoir que: Toutes les professions devaient être traitées sur le même pied ou à peu près, les problèmes étant extrêmement semblables, mais on insistait beaucoup sur la protection des consommateurs ou des utilisateurs des services professionnels.

Quand j'étais ingénieur-conseil - je le suis de moins en moins à force de pratiquer la politique depuis deux ans et demi - quand je pratiquais le génie-conseil, cela me faisait bien sourire parce que, lorsque le législateur parlait de protection d'un individu, eu égard à la profession de notaire ou de médecin, je comprenais parfaitement ce que le législateur pouvait signifier. (16 h 30)

Lorsqu'un bureau, quelle que soit sa dimension, fait affaires avec une compagnie aussi considérable qu'Hydro-Québec ou qu'il travaille pour Pechiney, une multinationale, ou qu'il travaille pour de très grandes compagnies, c'est à se demander à qui le législateur devrait penser parce que, à ce moment-là, dans un cas comme celui-là, à l'origine on pensait en termes de protection des individus qui utilisent les services professionnels... Si on pense à mon métier qui était auparavant celui d'ingénieur-conseil, ce genre de protection des clients devenait tout à fait farfelu parce que, si on compare Hydro-Québec, qui a un actif de plusieurs milliards de dollars, je crois que le législateur devrait peut-être penser davantage à la protection de celui qui exerce sa profession vis-à-vis de ces clients.

J'aborde le sujet que nous avons devant nous, la publicité; après, ce sera le préambule. Je dois vous avouer candidement que je ne connais pas toutes les professions qui sont régies par le Code des professions, mais je me demande si on ne fait pas erreur en essayant de traiter toutes les professions sur le même pied. Le ministre nous disait qu'il y aurait un effort de réflexion, cette année, qui serait fait. Ma question va dans le sens suivant: est-ce que réellement on devrait continuer? Cela fait dix ans que nous sommes régis par ce Code des professions. Je pense bien que M. Castonguay, dans le temps, avait tenté de mettre un peu d'ordre dans tout cela; il était parti de principes en essayant de les appliquer de la même façon. Je me demande si, en essayant d'appliquer les mêmes règles à tout le monde, y inclus la publicité, on ne fait pas fausse route. J'aimerais vous demander, dans un premier temps, si après dix ans, ce ne serait pas le temps de faire le point, en particulier en ce qui concerne la publicité, de ne pas avoir des règles différentes pour différents types de profession puisque, de toute évidence, on ne parle pas le même langage lorsqu'on parle d'un bureau de génie-conseil qui est en concurrence avec Bechtel des États-Unis et si on parle du notaire qui est en compétition avec son collègue du coin de la rue.

M. Laurin: La toile de fond de la réforme, je pense que vous avez raison de le rappeler, s'orientait autour d'une certaine homogénéité dans l'organisation professionnelle, mais il y avait aussi un postulat d'hétérogénéité dans la mesure où des règlements étaient prévus pour assurer la place à la spécificité des corporations professionnelles. Depuis, l'office a repris sa réflexion sur les deux dossiers que vous avez particulièrement évoqués: le dossier de la tarification et le dossier de la publicité.

Si vous vous reportez aux études qu'a menées l'office, je pense qu'elles vont dans le sens d'une reconnaissance plus grande de l'hétérogénéité. Je m'explique. L'office, jusqu'à maintenant, a préconisé, en matière de tarification, de changer le texte législatif dans le sens suivant - le texte législatif c'est 12.u dont il s'agit - à savoir que, au lieu de prévoir que l'office soit obligé de suggérer des tarifs, il soit possible à l'office de le faire, ce qui laisse place, comme vous le voyez, à une certaine hétérogénéité, beaucoup plus grande que le législateur l'avait prévu avec 12.u, tel qu'on le lit présentement.

Quant à la publicité, aux termes du code de 1973, le régime est le même pour toutes les corporations professionnelles. Il est dit qu'un des règlements obligatoires des corporations professionnelles doit viser à déterminer les éléments et les conditions de la publicité, le postulat étant le même pour toutes les corporations professionnelles à savoir que toute publicité est interdite, sauf exception.

Les orientations de l'office jusqu'à maintenant indiquent qu'on devrait libéraliser la publicité donc, ouvrir la publicité, changer en quelque sorte le postulat sinon, fondamentalement, de le rendre... C'est pour cela qu'on parle de libéralisation puisque le postulat est qu'il n'y a pas de publicité. Nous préconisons une libéralisation de la publicité, mais la mesure de cette libéralisation va s'établir au niveau des règlements de sorte que, encore là, vous voyez que la position de l'office évolue vers une reconnaissance plus grande de l'hétérogénéité que ne le fait le législateur de 1973.

M. Fortier: Mais, juste pour continuer, si vous me le permettez, cela me fait plaisir

que vous alliez dans cette direction, je crois que le ministre disait que, cette année, il y aurait un effort de réflexion qui serait beaucoup plus global. Je me demande si on ne devrait pas aller plus loin parce qu'on s'aperçoit au Québec qu'il y a beaucoup de temps et d'énergie qui sont dépensés pour résoudre de vrais problèmes. Quand il s'agit de vrais problèmes, je pense qu'il faut prendre le temps de les résoudre, mais, d'autres fois il y a du temps et de l'énergie qui sont dépensés pour de faux problèmes. Je vais vous en mentionner un qui m'a toujours fait sourire. C'est tout le temps et l'énergie qui ont été dépensés par l'Ordre des ingénieurs et par ses membres sur la pratique du génie en compagnie limitée. Il faut savoir qu'il y a 99,999% de tout le génie-conseil au Québec qui est fait par des compagnies limitées qui ne sont reconnues officiellement ni par l'Office des professions, ni par l'Ordre des ingénieurs du Québec. Pire que cela, chaque fois que le ministre du développement économique, que le ministre de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, que le premier ministre fait allusion à des boîtes comme la SNC ou Lavalin, qui ne sont pas des bureaux de génie-conseil et qui ne peuvent pas s'appeler ingénieurs-conseils parce que c'est Lavalin Inc. et SNC Inc.. Tous ces gens pratiquent en compagnie limitée, mais le gouvernement continue à leur donner des contrats, continue à les appeler ingénieurs-conseils et on en est rendu à discuter pour savoir quels règlements devraient prévaloir dans le cas où, éventuellement, en l'an 2050, l'Ordre des ingénieurs-conseils permettrait la pratique du génie-conseil en compagnie limitée. À partir de là, on aborde toute la question de la publicité. La compagnie qui s'appelle XYZ Inc., qui n'est pas régie d'une façon très directe par les règlements de la profession, puisqu'il s'agit d'un bureau de consultants, elle peut faire toute la publicité qu'elle veut bien à moins d'en arriver à un accommodement avec l'Ordre des ingénieurs. C'est pour cela que je me demandais si à l'avenir on voudrait bien voir les problèmes tels qu'ils sont et arrêter d'être hypocrite au point de continuer à discuter de problèmes qui n'en sont pas puisque, de toute évidence, l'industrie, parce qu'il s'agit d'une industrie... Je prends l'exemple du génie-conseil parce que je le connais; il y a peut-être des exemples d'autres professions que je connais moins. C'est la raison pour laquelle je me demandais si, en parlant de la publicité en particulier - c'est la raison pour laquelle j'ai abordé ce dossier - on allait être beaucoup plus réaliste et essayer de continuer à mettre les problèmes sous le tapis.

M. Laurin: Je remercie beaucoup le député d'Outremont pour ses remarques. Je pense qu'elles sont très pertinentes pas seulement en ce qui concerne la profession à laquelle il appartient mais également quant au principe. Il est peut-être difficile de mettre toutes les corporations sur le même pied quand on envisage ce problème. Ce qui veut dire qu'un modèle unique demanderait à être modifié en ce qui concerne telle ou telle profession. Le meilleur des exemples, c'est celui des opticiens, où nous avons cru nécessaire d'intervenir avant même que nous ne connaissions les résultats généraux de l'étude qui est menée actuellement, parce que, là, il nous semblait évident que nous avions affaire à un cas d'espèce. Il s'agissait non seulement de services en tant que tels mais de biens; les montures, par exemple, ou les lentilles. Nous savons que, dans ce domaine, il entre des facteurs différents, des facteurs de production, des facteurs de commercialisation. La concurrence peut jouer en effet d'une façon beaucoup plus marquée. Je pense que cet exemple va aussi à l'appui de la thèse que vous défendez selon laquelle il faudrait peut-être envisager autre chose qu'un modèle unique. Même si nous pouvons nous mettre d'accord sur des principes généraux, il faudrait voir quand même, lorsqu'il s'agit d'application, à diversifier les solutions auxquelles nous pouvons penser. Je pense que les remarques que vous avez faites vont éclairer davantage l'avis que l'office est en train de préparer actuellement.

Conditions d'octroi du permis d'exercice de la profession

M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la question des conditions supplémentaires, il y a eu des audiences publiques en avril 198... La question, bien sûr, que je pose est la suivante: Est-ce qu'il y a eu ce cheminement? Est-ce que l'opinion du ministre est faite? Est-ce qu'il est d'accord pour reconnaître qu'on doit respecter les conditions suppplémentaires pour les professions, pour les corporations professionnelles? Je sais que l'Office des professions dit bien qu'on devrait s'en remettre strictement aux institutions d'enseignement. C'est ce que j'ai pu comprendre. Peut-être que j'ai mal compris. Le ministre ne semblait pas tout à fait d'accord avec cette prise de position.

M. Laurin: En fait, c'est une question dont l'étude remonte à 1978-1979. Il y a déjà un avis de l'office qui a été rendu public à l'époque et qui s'appuyait, quand même, sur des questions de fait. Nous savons, par exemple, que, dans 30 corporations sur 39, il ne suffit pas à un candidat à l'exercice d'une profession de détenir un diplôme approuvé par le gouvernement conformément à l'article 184 du Code des professions. Bien au contraire, il doit en outre, le plus souvent, satisfaire à

des conditions exigées par les corporations et dont les principales, si l'on fait abstraction des conditions à caractère administratif, sont des stages, des cours ou des examens professionnels. Ainsi, 20 corporations imposent des stages de formation professionnelle dont la durée varie, selon les cas, de quelques mois à plusieurs années. Dans 25 corporations, les candidats doivent se présenter à des examens professionnels qui souvent s'échelonnent sur plusieurs jours. Enfin, sept corporations exigent de leur candidats qu'ils suivent des cours et même des programmes entiers de formation professionnelle.

L'étude de l'office a dévoilé aussi qu'il y avait une diversité dans les objectifs poursuivis par les corporations qui imposent ainsi des conditions supplémentaires aux candidats à l'exercice. Celles-ci dont, notamment, les cours et les examens professionnels, ainsi que certains stages professionnels, visent tantôt à initier le candidat à l'exercice de sa profession, tantôt à combler les lacunes de sa formation de base, à la compléter, à l'approfondir et même à en contrôler la qualité. C'est cela, la situation concrète.

Alors, il faut bien constater que le Québec, particulièrement au cours des 20 dernières années, s'est doté d'établissements d'enseignement dont la qualité des programmes est assurée par l'intermédiaire d'organismes tels le Conseil des universités et le Conseil des collèges, parmi les diplômes conférés par ces établissements. Par ailleurs, ceux qui donnent ouverture au permis sont déterminés par décret gouvernemental. Dans ce contexte, la question qui se pose est la suivante: Est-il toujours indiqué que les corporations professionnelles puissent imposer des conditions supplémentaires comme des cours, des stages, des examens, aux diplômés de ces établissements? Est-ce que les interventions des corporations dans la formation de base, telles qu'elles se retrouvent, souvent inchangées d'une année à l'autre, se justifient encore de nos jours? C'est la question que nous avons tenté de considérer.

Une des conclusions à laquelle nous en sommes arrivés, c'est qu'il serait probablement possible que ce que demandaient les corporations au cours des années précédentes puisse être inclus dans les programmes de base que dispensent les établissements d'enseignement, comme enseignement de base absolument indispensable. Les corporations croient qu'ainsi on veut les écarter d'un champ qui, comme vous l'avez rappelé, demeure leur responsabilité, c'est-à-dire contrôler la compétence, contrôler le niveau de formation. Mais il reste que ce n'est pas là du tout l'intention, je pense, de l'office, telle qu'elle transparaît à travers son avis.

L'office n'écarte pas pour autant les corporations du domaine de la formation de base des professionnels. Au contraire, l'office propose un resserrement de la coopération entre les établissements d'enseignement et les corporations, celles-ci agissant à titre de consultant privilégié. C'est ainsi que l'office recommande que la formation de base inclue les cours de formation professionnelle exigés actuellement par des corporations professionnelles dans tous les cas où leur nécessité est démontrée. L'office recommande aussi que l'évaluation des candidats en conséquence, en vue de l'exercice de la profession, relève de la responsabilité des établissements d'enseignement.

En revanche, l'office estime que les corporations doivent, lorsque la protection du public l'exige, imposer aux candidats au permis des périodes d'initiation encadrées notamment des stages. Ce faisant, on limite la fonction des conditions supplémentaires à la fonction d'initier, c'est-à-dire d'insérer progressivement un candidat dans l'exercice de sa profession. Le moment est peut-être venu, pour les institutions d'enseignement et pour les corporations professionnelles, d'établir entre elles les bases d'une complémentarité nouvelle, c'est-à-dire d'une coopération adaptée à notre époque et à ses attentes. C'est en ce sens que nous continuons nos études. Les audiences que nous avons demandées - parce qu'il semble que le problème n'avait pas été suffisamment exploré - vont nous permettre, sûrement, d'ajouter des éclairages nouveaux à la question sans oublier, encore une fois, l'expertise que peuvent nous procurer sur cette question le Conseil des universités et le Conseil des collèges, qui sont sûrement très intéressés. (16 h 45)

Quant aux audiences qui ont eu lieu, comme vous le savez, nous avons reçu 65 mémoires dont 57 ont fait l'objet d'audiences publiques, c'est-à-dire qu'on a pu défendre, qu'on a pu étoffer davantage. Ces audiences se totalisent par 1622 pages. C'est très fourni, très étoffé, et vous ne vous étonnerez pas que l'office n'ait pas encore terminé l'analyse, l'étude des questions que soulève chacun de ces mémoires. Vous ne vous étonnerez pas non plus que l'office n'ait pas encore atteint la convergence nécessaire qui conduirait à l'énoncé d'hypothèses et peut-être même de conclusions qu'on voudrait proposer au ministre. Là-dessus, il y a peut-être d'autres efforts ou d'autres progrès qui ont été faits. Peut-être que M. Desgagné pourrait compléter.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous semblez, d'après votre énoncé, avoir pris position, si je comprends bien. Vous dites: On va faire administrer ces examens par les

établissements d'enseignement.

M. Laurin: Mais, rappelons le contexte, les audiences publiques ont été tenues sur un avis de l'office et non pas sur un projet d'avis, de sorte que la position de l'office était acquise au départ. Cela ne veut pas dire qu'elle ne peut pas évoluer à la suite des auditions, mais il y avait une position explicite de l'office au départ. Pourquoi cette position? Le ministre l'a rappelé tantôt. Cela me permet d'évoquer l'idée qui a été soumise tout à l'heure. C'est qu'en matière de conditions supplémentaires, à l'inverse de ce qui en est dans d'autres domaines, la situation est extrêmement hétérogène au départ, très diversifiée, au point que le ministre, qui était placé devant des décisions à prendre au sujet du financement, de stages, etc., a voulu se donner un recul. Il a demandé à l'office de décréter un moratoire, il a demandé à l'office, à la faveur de ce moratoire, d'examiner la situation pour tirer les choses au clair, donc pour essayer de trouver un cadre à l'intérieur duquel il pourrait apprécier les demandes de financement des conditions supplémentaires. Vous voyez! Donc, c'est une recherche d'homogénéité qui est au départ de ce dossier, contrairement à ce qui en est dans les autres dossiers. Ce cadre, l'office l'a proposé. Il est un peu plus nuancé que celui qu'on a évoqué tantôt. L'office a proposé qu'en principe la formation de base suffise pour obtenir un permis d'exercice. Mais l'office assortit son principe de beaucoup de nuances en disant: II arrive, mais il faudra le démontrer, étant donné la finalité nouvelle qu'on donne aux conditions supplémentaires, il peut arriver, il peut être souhaitable, il peut être justifiable de prévoir des conditions supplémentaires, outre le diplôme, de prévoir des stages, de prévoir d'autres formules comme celles des corporations professionnelles, dans un règlement. Donc, c'est un principe avec des nuances. Pourquoi cela? C'est parce qu'il y a ménage à faire, comme le disait le ministre tantôt, aussi bien au niveau des programmes de formation de base qui sont administrés par les établissements d'enseignement qu'au niveau des conditions supplémentaires. Il y a un lien qu'il faut maintenir et il faut éviter le double emploi. Il ne faudrait pas, pour des raisons d'insuffisance des programmes de formation de base, qu'on ajoute de la formation sous couleur de conditions supplémentaires pour combler des lacunes. Il y a un ménage à faire, c'est pourquoi le Conseil des universités est dans le coup, aussi bien que l'office, pour que la question soit envisagée dans son ensemble. Mais il y a un point sur lequel l'office a pris position, c'est que la finalité des conditions supplémentaires, ce n'est pas de combler les lacunes de la formation de base, c'est d'insérer le professionnel dans son milieu de travail.

M. Leduc (Saint-Laurent): Votre opinion n'est pas encore définitive là-dessus.

M. Laurin: Non, non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes dans un cheminement de pensée.

M. Laurin: Oui. Les audiences nous ont permis d'ajouter des nuances et elles nous permettront de proposer au ministre une position nuancée encore plus que celle que nous lui avons proposée avant les audiences.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, une dimension que j'aimerais évoquer, et peut-être pour ajouter à la réflexion du président de l'office, c'est l'expérience qui est celle du Québec, je crois, que de plus en plus - là je tombe peut-être au niveau de la formation technique - on s'est aperçu qu'il était préférable de s'assurer que cette formation -et je crois que c'est la position du gouvernement - soit donnée dans l'industrie là où les gens connaissent les problèmes, là où l'équipement moderne se trouve, pour finalement donner cette responsabilité à l'industrie pour que ceux qui doivent acquérir de nouvelles techniques le fassent dans un milieu qui soit le plus près de la réalité et le plus près des technologies du jour, d'autant plus qu'il doit y avoir pour l'État des gains appréciables à ne pas tenter de toujours rattraper l'industrie en ce qui a trait à telle et telle forme de technique.

Bien sûr, quand on parle en termes de corporation professionnelle, on peut passer un jugement démontrant que ces professions sont fixées dans le temps et que les technologies, les techniques ou la formation qu'on doit acquérir sont permanentes. Le ministre de l'Éducation, qui s'occupe également des corporations professionnelles, me suivra là-dessus, je pense, dans l'avenir, il y aura de plus en plus de professions qui devront s'adapter à de nouvelles techniques, de nouvelles technologies. Dans la mesure où les universités - j'en sais quelque chose pour avoir siégé au conseil de l'Université de Montréal pendant huit ans - réagissent extrêmement lentement et doivent suivre un processus extrêmement lent pour faire adopter de nouveaux programmes, dans cette même mesure, les universités ne sont pas tellement en mesure de s'adapter d'une façon très rapide à de nouvelles conditions qui peuvent varier et qui, dans l'avenir, varieront très rapidement.

Par ailleurs, les universités ne permettent pas de donner une formation sur

le tas quoique, dans le cas de la médecine, c'est peut-être différent, mais, si je prends mon cas personnel, lorsque j'étais à Polytechnique, on utilisait davantage d'ingénieurs qui étaient à la fois dans la pratique et dans l'enseignement. Maintenant, ce sont quasiment toujours des professeurs qui sont totalement dans l'enseignement. Si l'on prend les comptables agréés et tout cela, ils ont un programme qui est varié, qui fait suivre l'utilisation de stages dans l'industrie de cours que les candidats doivent suivre et d'examens qu'ils doivent passer. C'est la raison qui m'amène - et, malheureusement, je n'ai pas suivi tout le débat des 160 mémoires qui ont été présentés, je ne sais pas si ce genre de problème a été évoqué - à me demander si le ministre pouvait nous en dire quelque chose. Vous semblez orienter votre pensée pour permettre aux corporations professionnelles de ne donner un certain enseignement qu'en fonction de la protection du public. J'oserais croire, même pour assurer la formation définitive de plusieurs pratiquants de professions données, que les corporations professionnelles pourraient peut-être s'adapter à l'avenir - cela s'est fait et s'est révélé vrai dans le passé et faire cette adaptabilité à de nouvelles conditions beaucoup plus rapidement que ne le feraient les universités, mais je ne nie pas que les universités devraient tenter de donner la formation de base la plus complète possible. Si on refusait à l'avenir aux corporations professionnelles de remplir ce rôle, je crois qu'on se priverait d'une faculté d'adaptation à la réalité de l'avenir qui sera en mouvement très rapide et, surtout pour les professions, je crois que c'est à la presque totalité d'entre elles de s'adapter à de nouvelles techniques et à des nouvelles technologies qui, elles-mêmes, évolueront rapidement.

Qu'on pense à l'ordinateur. On a pas fini de voir quelle sera l'importance de l'ordinateur - je dirais même pour les avocats - sûrement dans les professions qui touchent la science, mais, même pour des professions qui, à première vue, ne touchent pas à la science, je crois que ces nouvelles technologies auront des répercussions considérables. On ferait peut-être fausse route de s'en aller dans une direction qui serait plutôt orientée vers ce qui s'est fait dans le passé plutôt que d'adapter une solution qui permettrait à l'avenir, aux professions et aux corporations professionnelles de chercher à s'adapter à des réalités nouvelles et constantes et de s'adapter aussi aux techniques et aux technologies du jour, tout cela en prenant en considération les problèmes financiers du ministre des Finances qui devrait, au contraire, se réjouir que les professionnels soient prêts à financer eux-mêmes une certaine partie des coûts additionnels qui pourraient être encourus par cette formation additionnelle qui est organisée présentement par les corporations professionnelles, qui, je crois, dans plusieurs cas, ne sont pas assujetties à un quelconque financement de l'État, quoique, à ce sujet, je ne sois pas tellement au courant de la réalité.

M. Laurin: Effectivement, le ministère de l'Éducation contribue à cet enseignement également, en particulier pour le barreau, mais vous avez raison de lier ce problème au problème plus général des politiques d'enseignement et en particulier aux politiques d'enseignement professionnel à tous les niveaux et particulièrement au niveau des collèges et des universités. Il est vrai que la science et la technologie évoluent très rapidement. Ce qui était objet de recherche dans mon temps - et dont je n'entendais jamais parler à la faculté de médecine - a été intégré en cours de route au cursus fondamental des facultés de médecine. Je suis convaincu qu'il en est de même dans les autres facultés; ce qui faisait l'objet de recherches en génie, il y a sept ou huit ans, que ce soit au niveau des principes, des avancées spectaculaires sur le plan de la science pure ou sur le plan d'appareils ou d'équipements qui sont liés à l'avancée spectaculaire dans le domaine des principes, tout cela doit être incorporé au fur et à mesure que le consensus se fait, aussi bien dans le curriculum que dans les équipements de laboratoire. Je pense que cela se fait de plus en plus. Je ne connais pas beaucoup de facultés qui n'aient pas leur comité du curriculum, qui vise justement à adapter le curriculum aux progrès rapides - de plus en plus rapides - des diverses disciplines. Je pense qu'il faut souhaiter que cela se continue. C'est un défi que les universités et les collèges doivent relever. Ce sont d'ailleurs là des considérations que nous ont fait valoir le Conseil des universités et le Conseil des collèges dans les avis qu'ils nous donnent; ils nous recommandent aussi un examen approfondi de cette question avant d'en arriver à des conclusions pour tenir compte de ces liens, d'une part, et, deuxièmement, de l'évolution à l'intérieur même des collèges et à l'intérieur des universités qui se dotent de comités de curriculum qui visent à cette incorporation de plus en plus rapide des progrès scientifiques et technologiques.

Notre politique de l'enseignement professionnel, effectivement, au niveau des collèges, prévoira maintenant des liaisons beaucoup plus organiques entre les établissements scolaires et les industries, aussi bien pour la conception des programmes - parce qu'un programme doit tenir compte de ce qui se fait dans le domaine de l'industrie et particulièrement des industries

québécoises ou canadiennes - que pour les professeurs eux-mêmes, surtout ceux qui enseignent les matières professionnelles, qui doivent être au courant de ce qui se passe dans les industries. Ils doivent se renseigner soit par la lecture qu'ils font des revues, mais aussi peut-être par des contacts directs avec des collègues qui travaillent dans des industries ou même par des stages de perfectionnement que les professeurs eux-mêmes doivent faire dans les industries; ceci vaut aussi bien pour les enseignants des collèges que pour les enseignants d'université également où cela se fait différemment, probablement par le relais de centres d'innovation industrielle du genre de ceux qui existent à l'École polytechnique. On doit aussi le faire au niveau des étudiants eux-mêmes en prévoyant une formation pratique beaucoup plus exigeante et qui ne se dispense plus uniquement dans les établissements d'enseignement, mais qui peut également être dispensée pour une période d'années dans les industries, et ceci aussi bien pour l'enseignement régulier que pour le perfectionnement qui s'impose de plus en plus, étant donné la rapidité des progrès. Ce sont là toutes des considérations dont il nous faut tenir compte. Et c'est peut-être une des conclusions à laquelle nous en arrivons. Malgré ces incorporations successives, il faut peut-être viser à donner à nos étudiants des collèges et des universités une formation qui, tout en intégrant ce qui fait consensus, doit quand même privilégier une formation de base au niveau des grands postulats ou des grands axiomes, la compréhension parfaite des bases d'une science ou d'une discipline pour que les adaptations, par la suite, puissent se faire tout au long de la carrière sur une base solide et grâce à des moyens qu'on met d'ailleurs de plus en plus en place, des stages de formation continue, des "refreshing courses", des stages. (17 heures)

Toute cette question des conditions supplémentaires est liée aux considérations que nous tenons à l'heure actuelle, et elles étaient présentes dans les mémoires que nous avons reçus. Notre décision, la mienne en tout cas ou celle du ministre, sera sûrement en fonction non seulement de la situation présente en ce qui concerne les conditions supplémentaires actuelles, mais également de cette prospective que nous dégageons de plus en plus, car il s'agit de ne pas se tromper. Encore une fois, il faut prendre des bonnes décisions.

M. Fortier: Dans quelle mesure la décision que vous prendrez à ce sujet-là va-t-elle tout de même permettre une adaptation rapide et, par ailleurs, comment relier ce problème au fait, pour prendre l'exemple des comptables agréés, que la décision qu'on va prendre au Québec va tellement être originale qu'on va se couper de ce qui se fait en Amérique du Nord? Autrement dit, je crois qu'on doit être conscient que nous vivons quand même en Amérique du Nord et qu'une solution originale pour le Québec pourrait créer des difficultés sur le plan des affaires à des individus qui seraient appelés à oeuvrer à l'échelle de l'Amérique et du Canada dans son ensemble.

M. Laurin: C'est la raison pour laquelle d'ailleurs l'office multiplie les missions d'information dans les autres provinces et dans les autres pays car il faut également tenir compte du marché nord-américain dans lequel exercent nos professionnels et qu'ils ne peuvent pas négliger.

M. Fortier: Merci.

M. Leduc (Saint-Laurent): Si vous permettez, car l'heure avance, il y aurait peut-être lieu qu'on touche certains points...

M. Laurin: Oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...pour certaines catégories de professionnels, parce qu'il y en a plusieurs qui attendent des réponses, j'en ai l'impression.

Le titre réservé

M. Laurin: II y avait une dernière question que vous m'aviez posée sur le titre réservé. Je pense que, très brièvement, je pourrais faire le point sur cela. Comme vous le savez, l'office a publié pour des fins de consultations un document d'orientation sur le titre réservé et sur la protection du public. L'office s'est demandé si le mécanisme du titre réservé atteignait le but qu'avait fixé le législateur lors de l'adoption du Code des professions, soit la protection du public. L'étude de la question a nécessité l'examen de la documentation et des mémoires disponibles, la compilation de données pertinentes, la réalisation de missions d'information aux États-Unis et en Europe, la tenue d'un colloque sur le titre réservé, la publication des actes de ce colloque et l'examen des réactions à ce document. Le soucis d'ouverture de l'office a sensibilisé divers organismes qui sont habituellement peu préoccupés par la réglementation professionnelle.

Contrairement aux voeux de plusieurs corporations à titre réservé, le document d'orientation ne retient pas l'hypothèse qu'elles formulaient relativement à leur conversion en corporations d'exercice exclusif. Il présente plutôt un ensemble de moyens qui permettront aux corporations à titre réservé de fonctionner et de s'acquitter efficacement de leur responsabilité.

L'étude suggère aussi des mesures destinées à valoriser le mécanisme du titre réservé auprès de la population et des organismes concernés par les services professionnels et la protection du public. Grâce à ces mesures, l'office croit que ce mécanisme protégera le public conformément aux attentes du législateur. Cette étude a fait l'objet de consultations auprès d'au-delà de 150 organismes et l'office procède actuellement à l'analyse de la synthèse des mémoires reçus de ces organismes. Ce n'est qu'une fois cette analyse complétée que l'office pourra me remettre un avis sur la base des travaux réalisés et des commentaires suscités par le document d'orientation, mais, dès que je l'aurai en main, je tenterai de prendre une décision dans les plus brefs délais.

M. Leduc (Saint-Laurent): L'avis n'a pas encore été soumis?

M. Laurin: Non.

Les corporations de comptables

M. Leduc (Saint-Laurent): Peut-être qu'on pourrait toucher la question soulevée par les trois corporations de comptables. Je sais qu'actuellement il y a des tractations, il y a des rencontres de certains comptables, non pas nécessairement des CA, mais des comptables m'ont appelé et voulaient savoir au juste où on en était.

M. Laurin: En décembre 1982, j'ai effectivement envoyé une lettre aux trois corporations les invitant à un ultime effort de coopération en vue d'atteindre cet objectif commun qu'elles disent endosser, celui de l'organisation des professions comptables à l'intérieur d'une seule corporation. Dans cette lettre, je donnais deux paramètres qui, de fait, sont les mêmes que ceux que vous avez mentionnés: d'une part, une distinction entre le champ d'exercice que constitue la vérification et, d'autre part, la comptabilité de gestion. Je donnais quelques avenues qu'il convenait d'explorer ensemble en vue d'atteindre cet objectif. Comme vous l'avez dit également, nous tentions d'en arriver à une définition claire et non plus ambiguë mais claire, précise, de la vérification publique et du champ d'exercice. Sur cette base, nous avons rencontré de nouveau les corporations en présence de mon conseiller politique. Bien sûr, des membres de l'office ont tenu déjà six réunions, dont la dernière a eu lieu ce matin. Je continue d'espérer que ces réunions nous permettront de déboucher sur une solution concrète. Le seul fait qu'on ait pu en tenir six, c'est déjà un bon signe.

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela n'a pas traîné, à ce qu'on m'a dit.

M. Laurin: C'est-à-dire que le seul fait qu'on ait pu en tenir six, c'est déjà quand même un exploit. Cela montre qu'on a pu explorer toutes les avenues, toutes les pistes, toutes les dimensions du problème. Il est possible qu'il subsiste encore des points d'accrochage, des réticences, mais peut-être pourrais-je demander à M. Desgagné de faire le point, puisqu'il sort justement de la sixième réunion.

M. Fortier: Cette réunion s'est-elle déroulée en votre présence? Non?

M. Laurin: Non. Comme le disait le ministre, nous avons donc réuni les corporations professionnelles, les trois corporations professionnelles en cause, dans le cadre des paramètres que le ministre nous suggérait dans sa lettre de décembre dernier. Au fur et à mesure des discussions, nous avons identifié les hypothèses de solution et nous avons travaillé en particulier sur une hypothèse de solution qui consistait à regrouper tous les comptables, toute la profession, autour d'une seule corporation professionnelle, dont le titre aurait été corporation professionnelle des comptables agréés ou des experts comptables, avec toutes sortes de mécaniques, aussi à l'intérieur, en particulier un mécanisme qui assurerait le contrôle du champ exclusif à l'intérieur de cette corporation par ceux qui exercent dans ce champ exclusif, par le mécanisme d'un processus décisionnel particulier en ce qui concerne les matières concernant ce champ. Les trois corporations ont travaillé avec nous à la mise au point de cette hypothèse. Elles devaient soumettre cette hypothèse au bureau respectif; ce qui a été fait la semaine dernière, lundi dernier pour une corporation. Ce matin, nous attendions les résultats de ces consultations de leur bureau. Je dois vous dire que la consultation - je m'excuse de ne pas en avoir fait rapport au ministre, puisque j'en sors - a donné le résultat suivant: c'est que deux corporations sur trois sont généralement d'accord sur l'hypothèse, compte tenu que cette hypothèse représentait pour elles des compromis, donc, comme un ensemble acceptable mais non pas acceptable en tout point. Il y avait même une corporation qui exprimait certaines réserves sur certains points mais l'ensemble semblait quand même convenable. Donc, deux corporations sur trois se sont déclarées favorables à l'hypothèse que nous avions travaillée. Une troisième corporation a exprimé, au contraire, des vues assez divergentes par rapport à cette hypothèse. Le bureau de cette corporation n'a pas voulu accepter l'hypothèse que nous avions travaillée, l'hypothèse de corporation unique, celle que je viens d'exposer

grossièrement. Nous devons évaluer la situation à partir de ces derniers éléments qui nous ont été fournis ce matin. J'en ferai rapport au ministre. Est-ce qu'il y aura lieu de poursuivre? Tout espoir n'est pas perdu, comme le disait le ministre, puisque même la corporation qui a exprimé une réticence globale a déclaré qu'elle était quand même disposée à donner le mandat à son président de continuer les rencontres.

M. Leduc (Saint-Laurent): Le ministre a-t-il fixé une échéance?

M. Laurin: Je m'étais fixé une échéance qui était juin 1983, mais, comme les réunions se multiplient, se prolongent et qu'une solution n'est pas encore en vue, il faudra que je me pose la question, à savoir si je décide de trancher d'autorité, mais vous m'avez rappelé qu'il faut être prudent, qu'il faut éviter les solutions qui ne font pas consensus. Ou me faudra-t-il tenter une dernière démarche, une dernière réunion conjointe où je proposerai des compromis qui amèneront chacun à faire des concessions? Pour le moment, mon idée n'est pas arrêtée, mais j'aurais bien souhaité pouvoir régler ce problème avant la fin de l'année.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Maintenant, en ce qui concerne le dossier des diplômés de l'École de technologie supérieure...

M. Fortier: Une courte question. M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

M. Fortier: Est-ce que les deux... J'imagine que vous ne voudriez pas nommer celles qui ont approuvé la dissidente, mais est-ce que les deux qui ont approuvé le principe regroupent l'ensemble majoritaire des individus qui font partie des corporations professionnelles en question?

M. Laurin: Non. M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Robert Baldwin.

M. O'Gallagher: Est-ce que les problèmes se voient au niveau de la définition du champ d'action de chaque corporation ou d'accès à la corporation? Où est le noeud du problème?

M. Laurin: L'hypothèse couvrait l'ensemble des problèmes, y compris les conditions d'accès et les conditions de contrôle de l'exercice. L'hypothèse couvrait l'ensemble.

M. O'Gallagher: Le problème se loge toujours sur le fait que les CA sont beaucoup plus nombreux que les deux autres corporations ensemble. Si on regarde, les CA ont environ 8700 membres et les deux autres ensemble en ont 4800. C'est là le gros problème.

M. Leduc (Saint-Laurent): Qui est dissident? Est-ce que ce sont les CA?

M. Fortier: II ne veut pas le dire. M. O'Gallagher: C'est une évidence.

M. Laurin: C'était une hypothèse globale que nous avions présentée, qui couvrait tous les éléments litigieux.

M. O'Gallagher: II faut procéder avec beaucoup de soin pour garder la qualité de la profession, surtout pour ne pas baisser le niveau... Je pense que ceci fait l'objet... Je pense que l'office comme le ministre...

M. Laurin: Oui, il y a deux obstacles qu'il faut éviter; ce sont ceux que le député de Saint-Laurent avait manifestés: Éviter la facilité et éviter le nivellement. Je suis bien d'accord avec les objectifs, mais les moyens... Il faut quand même rappeler, par exemple, que les programmes de formation, parce qu'on ne peut pas les exclure non plus de l'examen du problème, ont évolué dans ces divers domaines au cours des dernières années. Cela est un des éléments qu'il faut faire valoir.

M. O'Gallagher: II y a eu une certaine évolution, cela est évident.

M. Laurin: Par exemple, je sais que les programmes des CGA, quand on compare ce qu'ils sont en 1983 à ce qu'ils étaient même en 1978, sont très différents. Ils ont connu une évolution remarquable. Est-ce que c'est suffisant pour fonder, appuyer certaines des hypothèses que nous avons présentées? C'est de cela qu'on discute actuellement.

M. O'Gallagher: C'est à souhaiter que la solution vienne des ordres et des associations.

M. Laurin: J'aurais souhaité, comme le député de Saint-Laurent le disait tout à l'heure, que les corporations règlent entre elles ce problème, mais qu'elles nous arrivent avec une solution qui fait le consensus, l'unanimité. Ma tâche serait très facile alors, mais cela ne s'est pas encore produit. Je continue d'espérer que cela pourra se produire d'ici deux mois. Autrement, si vous avez des suggestions à faire, je les écouterai avec attention. (17 h 15)

Les diplômés de l'ETS

M. Leduc (Saint-Laurent): Cela va. Si vous permettez, on va toucher au dossier des diplômés de l'ETS quasiment contre les ingénieurs, comme on le mentionnait tantôt. Évidemment, il y a là un problème. Je pense qu'il y a eu des décisions qui ont été prises, il y a eu un décret. Le problème se situe au niveau du titre. Est-ce qu'il va y avoir accréditation, est-ce qu'il va y avoir intégration? Il y a deux procès en cours et il n'y a pas eu de jugement de rendu.

M. Laurin: Non, parce qu'il y a procès en cour vous comprendrez que je suis encore plus prudent pour énoncer la moindre opinion. Ce que je peux vous dire cependant, c'est que, malgré ces actions judiciaires qui ont été prises de part et d'autre, le dialogue n'a jamais été rompu entre d'une part la corporation des ingénieurs, les représentants des étudiants en technologie supérieure et le ministère. Nous avons, malgré les contestations en cours, continué à étudier chacun des aspects du problème en tentant de découvrir des voies nouvelles, que ce soit sur le plan de l'accréditation, que ce soit sur la délimitation du champ d'exercice, que ce soit sur le plan de l'inspection professionnelle.

Je peux vous dire que ces échanges non seulement ont été positifs et constructifs mais nous laissent entrevoir, une fois qu'on aura le jugement et quel que soit le jugement, une reprise du dialogue qui pourrait nous conduire à de meilleures solutions que celles qui avaient déjà été envisagées.

Il n'est pas impossible qu'on ajoute comme hypothèse celle que vous avez vous-même évoquée, celle d'une corporation polyprofessionnelle. Je sais depuis longtemps qu'une pareille solution a été retenue par exemple en Alberta, où nous retrouvons dans une même corporation des géologues, des ingénieurs et une autre catégorie de professionnels que j'oublie. C'est sûrement là un modèle qui peut comporter beaucoup d'avantages à première vue.

On pourrait même être plus ambitieux et penser à regrouper dans une seule et unique corporation les membres de corporations existantes, que ce soit certains groupes de techniciens en sciences appliquées, par exemple. C'est là une autre avenue qui mérite, je crois, un examen attentif et, pour ma part, je suis très intéressé à ce que l'office poursuive cette réflexion dans ce sens-là pour le jour où le dialogue pourra reprendre, une fois le jugement donné, afin d'apporter une solution logique, cohérente et complète, aussi, à ce problème en fonction de l'évolution de notre société et encore une fois, des progrès rapides des sciences et de la technologie.

M. Leduc (Saint-Laurent): On pense bien que cela va prendre du temps parce que, si je comprends bien, c'est sûrement une mesure dilatoire de la part des ingénieurs. Ils vont peut-être se rendre en Cour suprême; alors, vous ne pourrez pas intervenir tant que la Cour suprême n'aura pas rendu jugement. Cela risque d'être long, vous ne pensez pas?

M. Laurin: C'est là présumer de l'intention de l'Ordre des ingénieurs. Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu que telle serait leur décision, sourtout à la lumière des échanges que nous avons continué d'entretenir malgré les contestations en cours et qui dénotaient un effort, un désir très réel de la part de la Corporation des ingénieurs de régler le problème en fonction d'une réalité qui nous est bien connue et en fonction également d'une logique que les divers partenaires épousent de plus en plus. Donc, je continue d'être modérément optimiste malgré que la situation judiciaire pourrait nous laisser penser autrement.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Outremont.

M. Fortier: M. le Président, puisque les recours en cours nous donnent le temps de rêver et de penser, j'aimerais peut-être évoquer cette possibilité à laquelle vient de faire allusion le ministre. Les corporations multiprofessionnelles, vous en évoquez la possibilité pour les ingénieurs ou les professions connexes. On pourrait l'évoquer d'ailleurs pour d'autres professions. D'ailleurs, dans le domaine de la médecine, c'est le rêve de faire en sorte que ceux qui pratiquent à l'intérieur d'un hôpital puissent se parler, peut-être, de façon plus directe. Si on veut évoquer seulement les principes généraux de cette possibilité, est-ce que le schéma que vous avez en tête évoquerait la possibilité qu'à l'intérieur d'une même profession, on retrouve des gens qui avaient quand même un droit de pratique, des titres réservés ou des droits de pratique assez bien définis? J'imagine que l'éventail de ce schéma pourrait quand même, quoique non défini présentement, j'imagine, évoquer diverses possibilités. Ma première question serait celle-ci: Est-ce que vous avez tenté d'approfondir cette possibilité? Quels seraient les grands principes qui pourraient gouverner une discussion sur ce sujet?

M. Laurin: Pour le moment, l'idée paraît bonne à la plupart des interlocuteurs, mais je dois dire qu'elle n'a pas été fouillée. Il importerait maintenant de l'expliciter dans ses diverses dimensions. D'abord, quant au titre, certains professionnels possèdent actuellement un titre exclusif, alors que d'autres possèdent un titre réservé. Il

faudrait voir comment cela peut s'aménager à l'intérieur d'une même corporation. Deuxièmement, il faudrait, bien sûr, délimiter le champ d'exercice d'une façon assez précise. Il faudrait aussi penser aux diverses modalités d'inspection professionnelle et voir comme elles pourraient s'exercer. Je pense que ceci démontre qu'il y a lieu d'étudier d'une façon plus concrète et plus explicite une idée qui, au départ, quand même, paraît valable.

M. Fortier: À mon avis, l'idée - on laissera les ordres se débattre avec leurs problèmes juridiques - mérite quand même une certaine attention. Je lisais dernièrement un éditorial du président de l'Ordre des ingénieurs qui évoquait une réalité que j'ai vécue moi-même alors que j'étais président d'un bureau de génie-conseil assez considérable où, à l'intérieur d'un même bureau, on retrouve des ingénieurs, des techniciens, des technologues et mêmes des dessinateurs, qui sont surtout des techniciens. Contrairement à ce qui se fait en médecine et que je connais beaucoup moins, ces gens se côtoient quotidiennement, échangent entre eux et, en particulier, j'évoque les bureaux de génie-conseil. Cela se retrouve dans d'autres grandes sociétés comme Bell Canada et autres. Il y a un esprit de camaraderie et de collaboration entre ces différentes personnes. On ne peut pas dire qu'au niveau des individus les relations sont mauvaises; au contraire, à l'intérieur d'un même bureau, ces gens se côtoient, travaillent ensemble et, en somme, la légalité de fonctionner dans telle et telle juridiction est peut-être moins grande que la loi le voudrait. On peut à l'occasion s'insurger contre ces pratiques, mais il reste que, dans la pratique, ce sont les équipes qui font le succès de telle et telle entreprise. Ce sont les équipes qui font les succès de tel et tel bureau de génie-conseil, ce qui fait que, finalement, c'est tel ingénieur qui travaillera en collaboration très étroite avec tel technologue qui a une formation beaucoup plus pratique dans un domaine donné. Ceci fera le succès d'un rapport ou le succès d'une étude sur un sujet donné. Pour ma part, je crois que cette avenue, loin d'être rejetée, devrait être étudiée d'une façon très approfondie. Il m'aurait semblé que - je reviens aux propos de mon collègue de Saint-Laurent - si on formait de ces groupes plus considérables, ce seraient des sous-groupes de l'Office des professions d'une certaine façon. Ces gens qui ont des problèmes communs et qui sont exercés au jour le jour devraient apprendre à régler leurs problèmes ensemble plutôt que de toujours attendre que les problèmes soient résolus finalement par le ministre responsable et apprendre à vivre leurs problèmes au jour le jour à l'intérieur de ces groupes, puisque c'est comme cela que cela se fait en pratique. En pratique, ces gens oeuvrent quotidiennement ensemble, que ce soit des technologues... Je ne veux pas parler des titres, cette question est un autre problème, mais je parle de l'exercice de la profession ou des responsabilités qu'ils exercent à l'intérieur des travaux de génie. C'est peut-être différent dans d'autres professions; la médecine se pratique d'une façon plus individualiste, quoique, dans les hôpitaux, c'est peut-être de moins en moins le cas. C'est une profession que je ne connais pas, mais sûrement que, dans le domaine du génie, les responsabilités sont communes. Ce n'est pas l'oeuvre d'un seul inégnieur, c'est l'oeuvre de groupes ou d'associations d'ingénieurs avec des technologues et des ingénieurs-technologues, pour ne pas utiliser le mot, et des techniciens. J'oserais penser qu'il y a là une avenue, peut-être hypothétique, peut-être illusoire, et on peut se permettre d'y rêver, mais, à mon avis, c'est une proposition qu'il ne faudrait pas rejeter du revers de la main.

M. Laurin: Mais, comme le député d'Outremont le sait, la pratique déborde très souvent les limites de l'organisation professionnelle, parce que la pratique se fait par des personnes qui ont non seulement appris à travailler ensemble, mais à se connaître, à connaître les responsabilités propres qui leur incombent, le savoir qu'elles possèdent, les compétences de chacun et l'équipe fonctionne sur la base du respect fondé sur la connaissance. C'est ce qui fait que la pratique devrait probablement constituer une inspiration pour les corporations professionnelles quand elles en arrivent à définir leur mode d'organisation, mais ce n'est pas toujours le cas où il y a un "time life", un décalage entre le moment où la pratique, telle qu'elle se fait, s'incarne dans des structures ou dans des modes d'organisation. On peut le déplorer, mais c'est malheureusement le fait. Je voudrais bien, pour ma part, que, sur le plan corporatif, structurel et organisationnel, cette même connaissance réciproque et ce même respect fondé sur l'appréciation des compétences de chacun puissent se traduire dans des modèles d'organisation. C'est là le mérite, je pense, de la suggestion qu'on nous fait, de penser à une corporation polyprofessionnelle, mais il ne faudrait pas se contenter simplement d'émettre ce voeu. Il faudrait passer à l'examen concret, spécifique et détaillé des exigences d'une pareille idée, parce qu'elle comporte des exigences et probablement des changements importants sur le plan des traditions et des habitus. J'espère que le stimulus que cet éditorial que vous avez mentionné a apporté ne se perdra pas et qu'il va s'incarner dans des dispositifs qui seront mis sur pied pour qu'on puisse instaurer, au niveau corporatif

ou intercorporations, ce dialogue qui m'apparaît absolument nécessaire.

M. Fortier: En toute honnêteté, ce éditorial ne faisait pas allusion à une corporation polyprofessionnelle. Il évoquait le travail en pratique qui se faisait en équipe. Et ceci, seulement pour une dernière question sur le sujet, dans l'évolution de ce dossier des ingénieurs et de l'École de technologie supérieure, à un moment donné, n'y a-t-il pas eu un dossier qui évoquait la possibilité pour les ingénieurs et les technologues supérieurs - appelons-les comme on veut - d'oeuvrer ensemble? N'y avait-il pas déjà une amorce qui allait dans ce sens?

M. Laurin: Oui. Malheureusement, les contestations judiciaires sont apparues plus vite ou trop vite pour que ce dialogue qui avait été amorcé puisse véritablement donner lieu à des conclusions qui auraient pu être acceptables aux deux parties. Ce dialogue a quand même continué et cette idée d'une corporation mixte n'est écartée par aucun des intervenants, mais le délai qui nous est imposé par les contestations judiciaires nous a quand même permis d'aller plus loin ou plus profondément dans les modalités auxquelles il faudrait penser pour que cela devienne un modèle opérationnel.

M. Fortier: Merci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saint-Laurent.

Divers dossiers

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai évoqué également le dossier des optométristes et des opticiens d'ordonnance. Il y a eu un décret adopté en juin 1982, l'an dernier qui, comme je le disais, n'a satisfait à peu près personne. Les opticiens étaient peut-être un peu plus d'accord, mais les optométristes s'y sont opposés et ne sont pas d'accord du tout avec ce décret. Pour le ministre, le problème est-il réglé?

M. Laurin: C'est-à-dire qu'il est réglé, mais pas de la façon que j'aurais souhaité. J'aurais préféré qu'on en vienne à un accord ou à une solution qui fasse l'affaire des corporations concernées. Malheureusement, il m'a fallu trancher dans un certain sens, mais, pour moi, le dossier n'est quand même pas fermé. (17 h 30)

II y a une contestation judiciaire en cours. On dit que l'action du ministre a été ultra vires. On verra bien ce que les cours en diront, mais j'ai quand même dit aux corporations concernées que, pour moi, le dossier n'était pas fermé. J'avais pris la solution qui me semblait la plus juste et qui me semblait protéger davantage le public et aller dans le sens des intérêts du public également, aussi bien en ce qui concerne la tenue des bureaux que la remise à l'ordonnance et la publicité, mais j'ai dit aux corporations qu'on verrait à l'usage l'effet de ces décrets. On verrait, par exemple, si les catastrophes ou les désastres qu'on prédisait se matérialiseraient. On évaluerait l'effet des décrets sur la pratique et sur les divers aspects de la pratique des uns ou des autres membres des deux corporations concernées. J'ai même envoyé une lettre à cet effet aux optométristes en leur disant qu'on tenterait par tous les moyens possibles d'évaluer l'impact des décrets sur la pratique des opticiens et des optométristes. Je m'apprête à demander au président de l'office de procéder à cette évaluation. Il faut quand même laisser passer quelques mois et, selon les résultats de celle-ci, on pourra regarder à nouveau les décrets d'ici cinq ou six mois et voir s'il n'y aurait pas lieu de les amender à la lumière de l'étude qui sera faite.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord. Ensuite, j'ai touché au tarif des notaires. Cela vous concerne un peu.

M. Fortier: Veux-tu que je prenne cela à ta place?

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai évoqué le problème; alors, je voudrais savoir où en est le ministre dans ce dossier, si les notaires peuvent espérer un tarif, si d'abord il est d'accord avec la tarification et, ensuite, si le tarif des notaires est pour bientôt. Depuis 1969, il n'y a pas eu de changement ni de modification. Dans les villes, si vous me le permettez, vu l'inflation, c'est peut-être acceptable pour les notaires. Il y a eu un ajustement, bien sûr, mais dans les campagnes je pense que ce n'est pas vrai et que c'est injuste pour les notaires des campagnes particulièrement où un terrain qui valait 200 $ il y a dix ans en vaut peut-être 2000 $ aujourd'hui. Ce n'est pas le cas dans les villes, mais il y a un problème en dehors des villes et on attend de savoir où on en est.

M. Laurin: C'est un dossier qui a exigé de notre part un immense travail. D'abord, il faut dire que, contrairement à la politique générale qu'on évoquait tout à l'heure sur la publicité et qui touche de très près à la question des tarifs, nous avons décidé de procéder immédiatement et de préparer un tarif pour la raison que vous avez mentionnée. C'est que ce tarif n'avait pas été révisé depuis 1969 et que la situation économique aussi bien que professionnelle a beaucoup évolué. Mais nous avons tenté de faire cette révision conformément aux

articles de la loi sur les notaires. Il fallait que la Chambre des notaires joue son rôle dans cette révision. Nous avons donc dû passer par la Chambre des notaires pour qu'elle prépare son propre projet. Nous avons aussi demandé à l'Association des notaires de préparer son propre projet. Nous avons reçu ces deux projets. L'office a également joué un rôle très important. Il a procédé à l'étude de ces deux propositions et il a fait ses propres propositions de modifications. Nous avons ensuite consulté certains ministères dont, en particulier, le ministère de la Justice qui compte à son emploi un bon nombre d'avocats et de notaires. Par la suite, nous nous sommes tous entendus sur une proposition, mais il fallait qu'elle nous arrive dans la forme officielle, c'est-à-dire par une résolution à la Chambre des notaires, ce qui a été fait.

Par la suite, il fallait publier dans la Gazette officielle, nous l'avons fait, et il fallait procéder à l'adoption du dernier règlement qui aurait donné effet au tarif. Là, nous avons dû soumettre ce projet de règlement final à nos divers comités ministériels, comité de développement social, comité de développement économique, et il y a encore certains obstacles qu'il nous faut résoudre comme par exemple la politique des divers gouvernements sur les façons de corriger l'inflation. Il ne faut pas encourager l'inflation par des règlements. Comme le tarif n'avait pas été révisé depuis 1969, il y avait des majorations évidemment qui allaient au-delà de ce que les gouvernements nous proposaient dans leur politique antiinflationniste. Nous sommes en train d'examiner ces derniers obstacles ou ces dernières difficultés et les rencontres se continuent entre les notaires et le ministère de l'Éducation et aussi le ministère des Finances. Je pense que je peux vous annoncer que cette dernière proposition pourra être adoptée d'ici quelques mois. Ces derniers obstacles sont en train d'être résolus et j'ai bon espoir que le nouveau tarif entrera en vigueur le 1er juillet 1983 dans sa quasi-totalité sauf pour un ou deux articles dont la mise en vigueur pourrait être retardée jusqu'au 1er janvier 1984.

Mais je pense que ce nouveau tarif constituera une amélioration majeure par rapport au tarif actuel, non seulement parce qu'il majorera le tarif là où il avait besoin d'être majoré mais parce qu'il contiendra d'une façon implicite ou explicite des indications de changements quant à la façon même de concevoir le rôle du notaire.

Sans pouvoir dévoiler le détail de ces mesures que vous connaissez proprablement, puisque vous êtes notaire, on en arrivera à une meilleure compréhension par le public du rôle du notaire et on en arrivera aussi à une meilleure protection du public par le biais de ce nouveau tarif.

M. Leduc (Saint-Laurent): II faut donc dire que la Chambre des notaires devrait en principe être d'accord.

M. Laurin: Oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): Sur la formule proposée.

M. Laurin: Oui.

M. Leduc (Saint-Laurent): D'accord.

M. Fortier: Une question sur ce sujet. Juste pour mon intérêt personnel, est-ce que ce tarif qui s'applique aux notaires est un tarif minimal, un tarif absolu qui s'applique uniformément à toute la clientèle? Est-ce qu'il s'appliquera à l'avenir également au gouvernement du Québec si jamais il utilisait des notaires lui-même?

M. Laurin: C'est sûr qu'il aura une portée générale et il s'appliquera à tous ceux qui ont à charger des tarifs.

M. Fortier: Mais c'est un tarif uniforme? Ce n'est pas un tarif minimal?

M. Laurin: Non, c'est un tarif uniforme, sauf... un tarif fixe...

M. Fortier: Un tarif fixe.

M. Laurin: ...plutôt qu'obligatoire. Je crois que c'est plus juste. Il y a un tarif par escalier, parce que cela dépend du type de transactions, de la valeur des propriétés dans certains cas.

Il serait fixe pour l'immobilier et minimum pour reste.

M. Fortier: Fixe pour...

M. Laurin: L'immobilier et minimum pour le reste, les autres actes.

M. Fortier: D'accord. Est-ce que c'est une innovation, c'est nouveau?

M. Laurin: Non.

M. Fortier: Non, cela a toujours été là.

M. Laurin: C'est différent. C'est modulé différemment.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous allez avoir également le tarif horaire? Cela va. Le dossier des acupuncteurs.

M. Laurin: Comme je n'ai pas encore l'avis de l'office, je pense que je vais demander à M. Desgagné de faire le point sur la question.

Pour faire une question courte, il y

avait trois problèmes qui retenaient l'attention des intervenants, le problème de la définition de l'acupuncture, le problème de savoir si, au préalable, il devait y avoir un contrôle médical, c'est-à-dire le problème de la référence médicale et le problème de la formation de l'acupuncteur. Ces trois problèmes retenaient le dossier jusqu'à maintenant.

Les travaux et les rencontres ont donné le résultat suivant: les deux premiers problèmes ont été réglés à la satisfaction de tous les intervenants. Le problème de la formation est en voie de règlement et ce qui retarde, c'est qu'on a dû mettre dans le coup le ministère de l'Éducation, puisque c'est lui qui doit déterminer les conditions de formation et qui doit reconnaître les écoles de formation. Il y a un comité qui siège assidûment; il est présidé par un représentant de la corporation des médecins et on devrait connaître les résultats dans les prochaines semaines, sinon le prochain mois.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est donc dire qu'on peut espérer avoir le règlement d'ici... quoi?

M. Laurin: Au cours de l'été peut-être.

M. Leduc (Saint-Laurent): Au cours de l'été, on aurait le règlement.

M. Laurin: Oui.

M. Fortier: Une courte question. Pouvez-vous me dire combien de personnes seraient membres de cette corporation?

M. Laurin: Je sais qu'il y a cinq groupements. Il y a l'Association d'acupuncture du Québec, l'Institut canadien d'acupuncture, les Acupuncteurs unis du Québec, le Centre d'acupuncture du Québec et l'Ordre des acupuncteurs du Québec. Je n'ai pas les chiffres exacts, mais on va pouvoir vous les fournir.

M. Fortier: Enfin, c'est juste pour avoir un ordre de grandeur. Ma seconde question, M. le ministre, c'est: Est-ce que cette pratique - je ne suis pas au courant de la question, c'est la raison pour laquelle je vous le demande - crée un problème avec le collège des médecins ou si cette difficulté possible a été aplanie?

M. Laurin: Bien, je ne peux vous donner exactement le nombre des acupuncteurs. D'autant plus qu'il va falloir procéder à des examens de qualification pour savoir ceux qui correspondent au barème d'excellence qu'il nous faut absolument établir. Donc, on ne sait pas combien vont pouvoir passer à travers cet examen de qualification.

Quant au problème que cela peut poser à l'ordre des médecins, je pense que l'ordre des médecins est très au courant du problème depuis un certain nombre d'années et il participe à tous nos travaux. Il est très présent à toutes les étapes de la prise de décision.

Les tests linguistiques

M. Leduc (Saint-Laurent): Ensuite, le dossier des tests linguistiques. J'ai soulevé la question, à savoir si le ministre ou imposait aux corporations professionnelles le fardeau de l'administration des tests linguistiques. Si j'ai bien compris, ces tests linguistiques relèveraient maintenant des corporations professionnelles.

M. Laurin: Non, ils ne relèvent pas des ordres professionnels. Ils relèvent de l'Office de la langue française actuellement.

M. Leduc (Saint-Laurent): Mais je pensais qu'il était question de les transférer.

M. Laurin: C'est une hypothèse qui a été soulevée dans certains quartiers. Elle a dû probablement être véhiculée aux corporations professionnelles. Je ne sais pas l'accueil que les corporations pourraient faire à cette suggestion, mais je pense qu'il faudrait poser la question au ministre responsable puisque j'ai cessé d'occuper cette fonction. Je pense même que toute cette question devrait être portée à l'attention de mon collègue plutôt qu'à la mienne maintenant.

Cependant, je peux vous donner les raisons pour lesquelles, à l'époque où j'étais responsable, je n'ai pas exempté des tests linguistiques ceux qui étaient en possession d'un certificat de Secondaire V ou même d'un diplôme d'études collégiales. C'est parce qu'à l'époque les programmes de français dans les écoles secondaires anglophones, de l'avis de tous, y compris des parents anglophones, ne donnaient pas une connaissance suffisante ou une connaissance d'usage de la langue française. On me disait même à l'époque que la situation était encore pire dans les collèges puisque le temps réservé à l'enseignement de la langue seconde dans les collèges anglophones était extrêmement limité et que ceux qui n'avaient pas, en arrivant au collège, acquis une connaissance d'usage de la langue française avaient très peu de chance de parfaire leur formation dans cette langue.

Je sais que des efforts intenses sont faits actuellement pour corriger ces lacunes mais, au moment où j'ai quitté la responsabilité de l'Office de la langue française, les progrès n'étaient sûrement pas encore assez marqués pour que je puisse exempter des tests linguistiques les professionnels diplômés des écoles secondaires

ou des collèges. (17 h 45)

Cependant, j'ai souvent manifesté mon souhait que la connaissance de la langue seconde que dispensent les institutions anglophones soit à ce point suffisante qu'on puisse se dispenser de leur imposer des tests linguistiques. J'aimerais bien qu'on puisse les exempter le plus tôt possible de cette obligation. Cependant, il faut également respecter l'autre principe ou l'autre impératif que les citoyens de langue française du Québec ont droit à des services professionnels dans leur langue. Il faut voir à ce que les professionnels qui possèdent le permis d'exercice puissent satisfaire à cette obligation.

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne voudrais pas trop insister mais je pense que, en ce qui concerne les étudiants qui vont surtout dans les institutions francophones aux niveaux collégial et universitaire, après deux ou trois ans de niveau collégial et peut-être quatre ans d'université, ils doivent à ce moment-là connaître suffisamment le français.

M. Laurin: Ce n'était pas le cas au moment où j'assumais ces responsabilités.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ce n'était pas le cas?

M. Laurin: Non.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ils pouvaient faire quatre ans d'université dans une institution francophone et ne pas connaître suffisamment...

M. Laurin: Ce ne sont que des cas très spécifiques et pas très nombreux, parce que ceux à qui s'appliquaient les tests étaient des diplômés de collèges anglophones ou d'universités anglophones.

M. Leduc (Saint-Laurent): Non, je parle de ceux des des institutions francophones.

M. Laurin: Ceux-là n'ont pas à passer...

M. Leduc (Saint-Laurent): S'ils n'ont pas suivi trois ans au niveau secondaire, ils doivent passer les tests.

M. Laurin: C'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ils peuvent aller dans un collège francophone, à l'université francophone, ils doivent subir les tests. Je pense que c'est inacceptable.

M. Laurin: II faut voir la pratique. Les cas auxquels vous vous référez - je me rappelle en particulier le cas d'un ex- collègue - constituent des cas d'exception. C'est véritablement un hasard qui amène un candidat francophone dans certaines institutions de ce genre.

M. O'Gallagher: M. le ministre, comme ministre de l'Éducation, vous avez dit qu'il y a eu de l'amélioration depuis plusieurs années dans...

M. Laurin: Je n'ai pas dit depuis plusieurs années.

M. O'Gallagher: ...les écoles anglophones pour donner une connaissance adéquate aux anglophones. J'ai aussi constaté dans ma propre famille qu'entre les plus vieux et les plus jeunes enfants, il y a eu une amélioration considérable au point que je pense qu'aujourd'hui on peut prendre cette décision, surtout au point de vue des professionnels. Je ne parle pas nécessairement de tout le monde mais au moins de faire le premier pas au niveau des professionnels qui sont diplômés d'abord des institutions secondaires anglophones où le ministre de l'Éducation, d'après son mandat, doit leur garantir une formation adéquate en français. Les gens qui ont suivi leurs cours dans une institution universitaire anglophone, même si c'est au Québec, sont beaucoup plus exposés aujourd'hui au fait français qu'avant. On est rendu au point qu'on devrait au moins commencer à regarder cette affaire-là avec un peu plus de réalisme plutôt que dans un esprit politique.

M. Laurin: C'est justement ce que nous voulons faire, aborder cette question avec réalisme en fonction des objectifs qu'on peut avoir, mais surtout en fonction de ce qui se passe dans la réalité. Je partage le même objectif que vous, j'ai hâte de voir arriver le moment où on pourra exempter de tests linguistiques tous nos diplômés de cégeps ou nos diplômés de l'école secondaire pour ceux qui se destinent à une profession où les tests sont requis, comme par exemple, les infirmières auxiliaires.

Encore une fois, je ne peux que vous répéter que, il y a un an et demi, quand j'ai quitté ces responsabilités, ce n'était pas encore le cas. Je sais que mon collègue examine cela dans l'ensemble des questions qu'il est en train de réviser. Je lui ferai sûrement une suggestion qui correspondra à l'état de l'enseignement de la langue seconde qui se dispense actuellement dans nos écoles secondaires et dans nos collèges.

M. O'Gallagher: Mais vous, comme ministre de l'Éducation, êtes-vous satisfait des étudiants finissants du secondaire anglophone, du cégep anglophone ou des universités anglophones, ont-ils une connaissance indiquant que votre mandat est rempli, c'est-

à-dire est-ce que les finissants du secondaire ont une connaissance adéquate, un "working knowledge" si vous le voulez, du français?

M. Laurin: Nous avons fait beaucoup d'efforts en ce sens au niveau du ministère depuis quatre ou cinq ans.

M. O'Gallagher: Pourquoi?

M. Laurin: Mais il faut également que les commissions scolaires, qui ont un rôle important dans l'application des programmes, fassent aussi cet effort et que les résultats en témoignent. Encore une fois, je pense qu'on s'est approché de plus en plus de l'objectif. Je ne peux pas vous dire encore à ce moment-ci si l'objectif est atteint, mais on va sûrement travailler tous ensemble pour qu'il soit atteint le plus tôt possible et qu'on puisse exempter des tests linguistiques les professionnels formés au Québec.

M. O'Gallagher: Est-ce qu'au niveau de l'Office des professions on a des statistiques qui sont disponibles sur le nombre de professions par catégorie qui ont subi ces examens linguistiques? Avez-vous fait une étude, un sondage ou un résumé de toute la situation des tests linguistiques?

M. Laurin: L'Office n'est présent à cette question que par le biais de sa présence au comité chargé de l'élaboration des tests. Il y a un représentant de l'office qui siège régulièrement avec deux autres membres au comité des tests et c'est ce comité qui est responsable par exemple de la révision des tests auxquels on vient de procéder, des nouveaux tests qui doivent maintenant tenter d'apprécier la connaissance d'un français qui est approprié à l'exercice d'une profession donnée. L'office a participé à ces travaux-là, mais je ne pense pas que l'office ait d'autre mission que celle-là; peut-être ont-ils fait d'autres études?

Si nous avons des statistiques, elles nous parviennent de l'Office de la langue française; la meilleure source, c'est l'Office de la langue française pour ces statistiques-là. Je n'en ai pas ici sous la main, mais elles nous parvenaient autrefois de l'Office de la langue française et c'est sa responsabilité d'ailleurs, comme le disait le ministre.

M. O'Gallagher: Donc, on peut conclure qu'il reste encore le double standard pour les jeunes anglophones québécois?

M. Laurin: C'est-à-dire que, dès que la réalité, le réalisme, comme vous l'avez dit, nous permettra d'être sûrs que les citoyens francophones pourront se faire servir ou dispenser des services dans leur langue, la situation sera normalisée.

M. O'Gallagher: II n'a pas été prouvé qu'ils n'ont pas été servis dans leur langue.

M. Laurin: Je pense qu'il y a beaucoup de témoignages...

M. O'Gallagher: C'est dommage que la situation soit encore trop embrouillée au point de vue politique pour en arriver...

M. Laurin: ...pour le moment, je suis très heureux de constater que les progrès ont été encore plus rapides que prévu et qu'on puisse maintenant envisager à très court terme l'atteinte de l'objectif, qui était celui de la loi 101.

M. O'Gallagher: Vous m'avez dit cela l'an dernier, M. le ministre, et j'espère que je vais voir les résultats prochainement.

M. Laurin: II y a encore plus de progrès que l'an dernier. Cela s'est encore amélioré par rapport à l'an dernier.

M. Leduc (Saint-Laurent): Alors, il y a plusieurs corporations professionnelles qui se sont plaintes de la lenteur apportée disons à accepter ou à sanctionner les règlements soumis par les corporations professionnelles. Il faudrait peut-être connaître la cause ou les causes.

M. Laurin: Je voudrais d'abord discuter de l'assertion. Je ne suis pas sûr que la situation soit si déplorable que cela parce que, en date du 31 mars 1983, 231 règlements obligatoires sur un total de 238 sont entrés en vigueur. Des sept règlements qui n'ont pas encore fait l'objet d'une adoption, cinq touchent la Corporation professionnelle des technologues des sciences appliquées, une corporation récemment constituée en vertu du Code des professions. Quant aux deux autres règlements, l'un concerne la conservation des dossiers des avocats et l'autre la publicité des optométristes, dossiers en suspens.

M. Leduc (Saint-Laurent): Depuis quand?

M. Laurin: Je pense que M. Desgagné pourrait vous donner plus de détails là-dessus. Je sais en tout cas qu'il ne se passe guère de semaine sans que je présente au Conseil des ministres un autre règlement. Je ne pense pas qu'on soit si en retard que cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): C'est parce qu'apparemment, il y en a certains qui traînent en longueur. On m'a dit qu'il y en avait qui pouvaient traîner au-delà de quatre ou cinq ans. Je ne sais pas si...

M. Laurin: Évidemment, il y a le

moratoire qui affecte beaucoup le règlement, Le moratoire dont on a parlé tantôt dans le contexte du dossier "Conditions supplémentaires". Le moratoire, cela affecte tous les règlements qui touchent à la formation, y compris les règlements de 184 du code, 184 b) et les règlements de 94 i). Cela affecte un bon nombre de règlements. Il y a des règlements qui attendent que le moratoire soit levé.

Le moratoire a été levé partiellement dans le cas du règlement des conditions supplémentaires provenant de la corporation des médecins mais, quant au reste, il est toujours valable et c'est peut-être une des causes des délais.

J'admettrai une chose au départ: Nous avons nos lenteurs, comme tous les organismes, comme tous les hommes d'ailleurs, mais je pense que la plupart de nos lenteurs s'expliquent. Il y a des causes internes. Nos ressources sont limitées. Nous avons quand même 39 corporations, bientôt 40 à satisfaire. Quand on en satisfait une, l'autre n'est pas contente, évidemment. Il y a des causes externes, le moratoire dont je vous ai parlé, et il y a des causes qui tiennent au dossier aussi.

Sur l'ensemble des règlements qu'on a adoptés depuis 1973 - au-delà de 800 - on peut bien s'imaginer que les règlements qui restent sont les plus complexes, ceux qui demandent le plus d'expertise et c'est aussi une des raisons pour lesquelles cela prend plus de temps.

M. Fortier: Est-ce que c'était expliqué dans votre rapport annuel?

M. Laurin: Habituellement, on en fait état dans notre rapport annuel. On donne d'ailleurs l'état de la réglementation.

M. Leduc (Saint-Laurent): On a le dossier des inhalothérapeutes. Est-ce qu'on y a donné suite?

M. Laurin: En ce qui nous concerne, nous sommes prêts à procéder.

M. Leduc (Saint-Laurent): Vous êtes prêts à procéder.

Maintenant, j'ai soulevé la question de l'affaire Zaor et l'article 89. Je me demande si vous avez une position, une opinion sur...

M. Laurin: Évidemment, le barreau a dû régler les demandes en fonction de son propre règlement et, en particulier, en vertu des articles 4.03 et 4.04.

L'article 4.03 fixe l'indemnité maximale à 100 000 $ pour le total des réclamations et à 20 000 $ par réclamant. Cependant, l'article 4.04 permet au conseil général de verser une indemnité supérieure à ces montants dans des circonstances exceptionnelles motivées par des considérations humanitaires et c'est précisément ce que le barreau a fait en ajoutant certains montants aux réclamations de six des seize clients lésés par l'avocat, ce qui équivalait dans certains cas à un minimum de 4000 $ et dans certains cas à un maximum de 84 000 $.

Donc, le total des réclamations payées a été porté de fait à 230 000 $, soit 130 000 $ de plus que le maximum prévu. Les montants nécessaires pour payer cet excédent ont été recueillis auprès de tous les avocats du Québec par le biais d'une cotisation supplémentaire de 40 000 $.

Un total de 21 réclamations avaient été produites dont le montant nous est toutefois inconnu. Mais l'important, c'est que le Barreau du Québec a été saisi d'un rapport recommandant d'augmenter les limites du fonds d'indemnisation. Si le barreau retient cette recommandation qui lui est faite par le comité administratif, le fonds d'indemnisation sera d'un minimum de 250 000 $ et les limites des réclamations seront de 50 000 $ par client et de 250 000 $ par avocat.

M. Leduc (Saint-Laurent): Même encore là, est-ce que vous pensez que c'est suffisant?

M. Laurin: Je ne pourrais vous donner une réponse comme cela, tout de suite. Mais si vous soulevez la question, on va la regarder et on verra si les règlements actuels sont véritablement suffisants à cet égard.

M. Leduc (Saint-Laurent): Particulièrement quand on constate que, pour la responsabilité professionnelle, on paie des cotisations de 1500 $ par année, je trouve assez aberrant que - évidemment, c'est toujours trop - en cas de catastrophe, en cas de défalcation ou de dol, on ait peut-être à payer 100 $ par année. Je pense que... Peut-être qu'il y a des notaires et des avocats qui ne seront pas satisfaits de m'entendre, mais c'est toujours une question que j'ai soulevée. Cela m'a toujours préoccupé. (18 heures)

Je pense que si l'on veut que les gens fassent confiance aux notaires et aux avocats, il faudra que, lorsque ces notaires et avocats détiennent des sommes en fidéicommis, ils soient responsables. C'est impensable que, dans une réclamation de 1 000 000 $, on puisse dire: Voici, nous avons 200 000 $ de distribués. Comme je le disais tantôt, si on a des privilèges, on a également des responsabilités et il faudra les assumer. Tant qu'on ne réglera pas cela, les gens auront des réserves en ce qui concerne les professionnels, particulièrement ces deux catégories, parce que ce sont les deux seules

catégories qui peuvent détenir des sommes... Une voix: ...les comptables.

M. Leduc (Saint-Laurent): ...peut-être les comptables, oui.

M. Fortier: Les ingénieurs le font quand ils agissent...

Le Président (M. Blouin): II est...

M. Fortier: ...en tant que gestionnaires de projets, mais ce n'est pas en tant qu'ingénieurs, c'est en tant que professionnels. C'est tout à fait différent.

Le Président (M. Blouin): II est 18 heures.

M. Fortier: J'ai seulement une couple de questions...

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai terminé. Si vous le permettez, on pourrait regarder un peu les crédits; on pourrait prendre dix minutes, un quart d'heure. Vas-y donc.

M. Fortier: La première question, c'est qu'on voit que...

M. Laurin: Pouvez-vous réduire cela à quatre ou cinq minutes?

M. Fortier: Trois ou quatre minutes, oui, d'accord. La première question qui me vient à l'esprit, c'est que la totalité du budget est assumée par l'État. Donc, est-ce qu'on doit présupposer - excusez mon ignorance - que les employés de l'office sont des fonctionnaires à plein titre régis par les mêmes règlements?

M. Laurin: C'est cela.

M. Fortier: C'est cela. On voit un plafonnement dans les dépenses - je pense que le président du Conseil du trésor ne s'y opposera pas - mais est-ce que le président de l'office s'y oppose?

M. Laurin: Nous sommes habitués à fonctionner dans le cadre des sommes qui nous sont allouées; on retourne même depuis un certain nombre d'années des crédits périmés. Cette année, vous avez dû constater qu'on a retourné près de 400 000 $.

M. Fortier: Ah! Tant que cela?

M. Laurin: Oui. Remarquez que la marge de manoeuvre se réduit d'autant plus que, dans la somme, il y a beaucoup de montants qui sont purement des sommes que l'on transfère; par exemple, les subventions, les salaires sont intangibles. Il y a beaucoup d'argent; donc, la marge de manoeuvre de l'office devient de plus en plus réduite avec les années. Mais, pour l'instant, si on voulait satisfaire à tous les désirs des corporations, par exemple accélérer le traitement des dossiers, il faudrait ajouter des ressources, mais nous ne sommes pas dans un contexte favorable.

M. Fortier: J'ai une dernière question, quant à moi. Le président de l'office est nommé par le lieutenant-gouverneur en conseil?

M. Laurin: Le Conseil des ministres.

M. Fortier: Pour combien de temps est-ce que c'est...?

M. Laurin: Cinq ans.

M. Fortier: C'est cinq ans. Merci.

M. Leduc (Saint-Laurent): Au poste services, je voudrais savoir si l'office nomme des administrateurs à chaque corporation. De deux à quatre, c'est cela?

M. Laurin: C'est cela.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce que c'est l'office qui paie les administrateurs qu'il nomme?

M. Laurin: Le régime est assez bizarre. L'office paie mais dans la mesure où les administrateurs élus sont payés.

M. Leduc (Saint-Laurent): Ah bon!

M. Laurin: II y a donc des corporations où les administrateurs nommés ne se voient octroyer aucune somme, sauf les déboursés, évidemment.

M. Leduc (Saint-Laurent): J'ai une dernière question. Il y a eu une mission d'envoyée en Europe, à l'automne 1981, pour l'étude des normes de radiologie. Je voudrais savoir quel a été le coût et s'il y a eu un rapport de fait, à la suite de cette mission.

M. Laurin: Je pense que vous avez, sinon cette année...

M. Leduc (Saint-Laurent): Je ne l'ai pas vu.

M. Laurin: ...en réponse à une question, du moins l'an dernier... Je n'ai pas sous la main le renseignement concernant le coût, n'est-ce pas?

M. Leduc (Saint-Laurent): Oui.

M. Laurin: Vous l'avez eu l'an dernier

parce que la même question avait été posée quant aux voyages à l'étranger.

M. Leduc (Saint-Laurent): Est-ce qu'il y a eu un rapport de soumis?

M. Laurin: Le rapport est en voie de rédaction. Voici pourquoi il a tardé: c'est que non seulement on est allé sur place interroger des spécialistes, mais on a aussi ramassé une masse de documentation. Nous avons voulu traiter la documentation dans le rapport et c'est l'une des raisons pour lesquelles le rapport a tardé jusqu'à maintenant. Cela n'a pas cependant retardé l'évolution du dossier avec le MAS, puisque nous fonctionnons au sein d'un comité. Nous nous servons déjà de l'expertise obtenue dans cette mission.

M. Leduc (Saint-Laurent): Quand vous donnez des subventions pour les inspections professionnelles et la formation continue, quels sont vos critères pour en donner à certaines corporations et ne pas en donner à d'autres?

M. Laurin: Les critères ont été exprimés dans un décret du gouvernement. En gros, ce sont ceux-ci: nous privilégions d'abord l'inspection professionnelle parce que nous estimons que c'est l'une des missions principales d'une corporation professionnelle. Selon la nature du projet, son importance et sa valeur, nous attribuons une subvention qui ne peut pas excéder 15 000 $, c'est le maximum.

M. Fortier: Quel montant d'argent existait-il pour cela cette année?

M. Laurin: 178 000 $ pour l'ensemble des subventions.

M. Fortier: Merci.

M. Laurin: Maintenant, nous subventionnons aussi des programmes de formation continue dans la mesure où ces programmes sont reliés à une inspection professionnelle, donc sont justifiés à la suite d'une inspection professionnelle. Nous réservons une somme pour les fins de démarrage. Cela concerne surtout la nouvelle corporation qui a été créée.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Alors...

M. Leduc (Saint-Laurent): En forçant, j'aurais peut-être eu d'autres questions.

Le Président (M. BLouin): Le programme 10: Organisation et réglementation des professions, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Blouin): II est adopté. Je demanderai donc au député de Fabre, notre rapporteur désigné, de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais.

La commission élue permanente des corporations professionnelles a accompli le mandat qui lui avait été confié. Sur ce, j'ajourne les travaux sine die.

(Fin de la séance à 18 h 06)

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