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Version finale

28e législature, 4e session
(25 février 1969 au 23 décembre 1969)

Le mercredi 15 janvier 1969 - Vol. 8

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 85 - Loi modifiant la Loi du ministère de l'Éducation, la Loi du Conseil supérieur de l'éducation et la Loi de l'instruction publique


Journal des débats

 

Comité de l'éducation

Séance du 14 Janvier 1969

(Dix heures six minutes)

M. GARDNER (président du comité): Alors, messieurs, tel que demandé dans l'avis de convocation, le comité de l'éducation se réunit aujourd'hui pour entendre les revendications des personnes intéressées.

Ledit comité pourra convoquer des experts, recevoir des mémoires, entendre les particuliers et les organismes intéressés. Donc, le comité prendra en considération le bill 85, intitulé Loi modifiant la loi du ministère de l'Education, la Loi du Conseil supérieur de l'éducation et la Loi de l'instruction publique.

En l'absence du député de Saint-Jean, qui habituellement préside ce comité et qui arrivera sous peu, on m'a demandé de présider ce comité.

Le chef de l'Opposition est-il d'accord, ainsi que les membres du comité?

M. LESAGE: C'était réglé avant que vous ne preniez le siège.

M. LE PRESIDENT: Alors, la parole est I M. Cardinal, ministre de l'Education.

M. CARDINAL: M. le Président, je désirerais, au début de cette première séance du comité permanent de l'éducation, souhaiter la bienvenue aux associations, aux groupes et aux personnes qui ont demandé d'être entendus devant ce comité. En même temps que je leur souhaite la bienvenue la plus cordiale, je profite, du début de cette année pour leur offrir, ainsi qu'à mes collègues du côté ministériel et de l'Opposition, mes voeux les meilleurs de bonne année, d'une année fructueuse et d'une année de paix et de bonne entente.

Je voudrais brièvement rappeler que le bill 85 — projet de loi qui doit modifier la Loi de l'instruction publique, la Loi du Conseil supérieur de l'Education et la Loi du ministère de l'Education — a été référé, à la suite de l'adoption d'une motion en Chambre, en décembre dernier, au comité permanent de l'éducation dans le but principal d'entendre les personnes qui ont manifesté un intérêt particulier au sujet de ce projet de loi et de leur permettre d'exprimer leurs suggestions, les amendements qu'ils désireraient voir apporter à ce bill, leurs critiques et leur point de vue. Dans ce sens, nous sommes heureux de les accueillir tous et de les écouter aussi longtemps qu'il se- ra nécessaire de le faire. Ce comité, non seulement se réunira normalement aujourd'hui, mais devra tenir d'autres séances pour permettre aux nombreux groupes et aux nombreuses personnes qui ont proposé leur nom d'exposer leur point de vue.

Je les félicite de cet intérêt qu'ils manifestent envers la chose publique et tout particulièrement envers ce projet de loi. Je les assure de notre accueil sympathique. L'on sait que divers projets de loi, dans le passé, ont été étudiés par ce comité de l'éducation et que ce fut pour le meilleur intérêt du projet de loi et de la population.

Cette façon de procéder permet aussi aux députés de se faire entendre. Les gens sont donc invités à donner franchement leur opinion et à aider ainsi les gouvernants à les aider davantage. M. le Président, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Cardinal, M. Lesage.

M. LESAGE: M. le Président, messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs, je vous remercie de l'occasion que vous me donnez d'offrir à mon tour mes voeux à mes collègues, du moins à ceux à qui je n'ai pu le faire personnellement en entrant dans la salle, et de souhaiter une chaleureuse bienvenue à tous ceux qui sont venus ce matin ou qui viendront au cours des prochaines réunions, donner leur opinion ou faire valoir les points de vue de ceux qu'ils représentent.

Nous allons les entendre avec un très vif intérêt. Il s'agit, à notre sens, d'une question d'une extrême gravité qui non seulement touche mais concerne directement la politique linguistique dans ce qui doit être considéré, je crois bien, comme son aspect le plus important, l'aspect de l'éducation. C'est donc très sérieux et nous savons gré à ceux qui se sont déplacés et à ceux qui ont pris la peine de préparer des mémoires. Nous les entendrons, je le répète, avec le plus vif intérêt.

Je ne sais pas s'il y aura discussion au fur et à mesure de la présentation des mémoires, mais, si nous avons besoin d'éclaircissement, je pense bien que nous pourrons tout au moins poser des questions à ceux qui nous présenteront les mémoires ou qui, encore, nous donneront leur opinion personnelle. Etant donné qu'ils se sont donné la peine de venir ici, je suis certain que nos questions, s'il y en a, seront les bienvenues. Alors, je vous remercie et nous avons hâte d'entendre tous ceux qui voudront bien nous donner le bénéfice de leur point de vue.

M. LE PRESIDENT: Nous allons commencer immédiatement à entendre les intéressés. Je demanderais à tout le monde de s'identifier au départ pour bien savoir à qui nous avons affaire et de qui nous entendons la parole. Alors, en premier lieu, nous avons le révérend père Louis, église Sainte-Hélène, Montréal. Est-ce que le révérend père Louis est ici?

Alors, étant donné qu'il n'est pas là, est-ce que l'on passe au deuxième? Il pourra, peut-être, se faire entendre un peu plus tard.

Alors, le deuxième, le révérend père Jean Maert, église Saint-Charles, Montréal, est-il ici?

J'ai l'impression que plusieurs pensaient que cette réunion avait lieu à 10 h 30; c'est pour cela qu'ils ne sont pas encore arrivés. Nous continuons.

Le révérend père Claude Simonnais, église Saint-Jean, Montréal. Le père Simonnais est-il ici?

Reverend Father Ryan, St. Gabriel's Church, Montreal?

M. LESAGE: Ils sont peut-être venus ensemble?

M. LE PRESIDENT: On me signale que tous les pères mentionnés sur cette liste n'arriveront que cet après-midi ou dans le cours de la matinée.

Alors, nous pourrions passer à l'article no 7: M. J.-B. Maillé, Montréal. M. Maillé est-il ici?

M. Deutsch est-il ici?

M. Jimmy Ferrari. M. Ferrari n'est pas ici?

Me Richard B. Holden. On me dit qu'il sera ici, également, demain.

M. Samuel Lewin. Il est ici. Enfin.

M. Samuel Lewin est le directeur exécutif du Congrès juif canadien, Montréal.

M. Monty Burger

M. BURGER: Merci, M. le Président. M. le ministre, messieurs les membres du comité, je m'appelle Monty Burger. Je suis le président du comité constitué par le Congrès juif canadien, région de l'Est, sur la question du système éducatif du Québec, en ce qui concerne les Juifs. Je suis ici pour vous soumettre les points de vue et les recommandations du Congrès juif canadien sur le bill 85.

Avant de vous donner lecture de notre mémoire, je désire vous présenter les membres de notre délégation qui comprend: Me Morton Bessner, avocat à Montréal; M. Raphael Lallouz, homme d'affaires à Montréal et président du cercle Juif de langue française, tous deux mem- bres de ce comité; enfin, le Dr Samuel Lewin, directeur exécutif de la région de l'Est du Congrès juif Canadien.

Vous avez notre document ici, je crois; je vais en lire seulement quelques sections. A la page 2, en bas. La communauté juive connaît les profonds changements qui se réalisent dans la province de Québec. C'est donc avec une profonde compréhension pour le courant général de ces idées que ce mémoire sur le bill 85 est présenté au comité de l'éducation de l'Assemblée nationale du Québec.

L'objectif déclaré du bill 85 est de spécifier le rôle de la langue française dans le domaine de l'éducation dans la province de Québec.

Nous relevons qu'un certain nombre de principes fondamentaux semblent être menacés dans la législation proposée. Nous insistons, en conséquence, sur le fait qu'une étude et qu'une considération spéciales sont requises pour s'assurer que les droits fondamentaux sont respectés et maintenus. En particulier, nous relèverons ce qui suit: a) Garanties des droits linguistiques en matière d'e'ducation; b) Egalité des droits dans l'éducation; c) Choix des parents dans la détermination de l'éducation de leurs enfants.

Droits linguistiques en matière d'éducation.

Le bill 85 habiliterait le ministre de l'Education à reconnaître les institutions d'enseignement public comme étant des institutions de langue française ou de langue anglaise. D'autre part, les commissaires des écoles et les syndics seraient requis de prendre les mesures nécessaires aux fins d'assurer que les programmes d'études ne sont plus seulement ceux adoptés ou reconnus pour les écoles catholiques ou protestantes, mais aussi ceux adoptés ou reconnus pour les écoles catholiques ou protestantes, mais aussi ceux adoptés ou reconnus pour les écoles de langue anglaise ou française.

Il apparaîtrait cependant que les droits linguistiques sont reconnus dans le bill 85, section 10 a) 3°, dans le cadre des systèmes confessionnels d'éducation. Aucun choix n'est clairement prévu pour les écoles qui ne sont ni catholiques, ni protestantes.

Il faut rappeler que la Commission Parent a, en effet, recommandé l'établissement de pareilles écoles. Nous concluons que le bill 85 devrait suivre ces recommandations de la Commission Parent. Ceci reviendrait à dire que la section 10 a) 3° du bill 85 conférerait au ministre de l'Education l'autorité supplémentaire pour reconnaître les écoles multi-confessionnelles comme étant soit françaises, soit an-

glaises. En conséquence, tous les parents au Québec auraient clairement l'exercice du choix linguistique.

La communauté juive est particulièrement anxieuse au sujet de cette situation. Dans le champ de l'éducation, des circonstances historiques ont fait que les enfants de foi juive ont été éduqués dans des écoles protestantes ou dans des externats juifs dont plusieurs possèdent actuellement « l'état associé » avec les commissions scolaires protestantes.

L'absorption linguistique est un processus éducationnel. L'adjonction des dispositions que nous suggérons consoliderait la dualité linguistique et exprimerait donc encore plus la composition sociologique et culturelle du Québec.

Cette considération s'applique également à la composition du comité linguistique qui ferait partie du Conseil supérieur de l'éducation et qui serait composé de 15 membres, 10 desquels seraient de langue française et 5 de langue anglaise. Les membres de ce comité seraient nommés par le gouvernement sur recommandation du conseil qui aurait, au préalable, consulté les associations ou organisations les plus représentatives d'éducateurs et de parents dans les groupes linguistiques français et anglais de la province de Québec

Etant manifeste, ainsi que cela résulte, que les membres du comité linguistique seront choisis sans égard à leur religion, nous recommandons qu'il soit clairement déclaré dans la section 5 du bill que le droit de faire partie du comité ne tienne pas compte de limites dénominatives et que des personnes de toute croyance seront éligibles en vue de leur désignation, aussi bien en tant que membres de langue française que de langue anglaise.

Le bill 85 (section 1) met à la charge du ministre de l'Education la responsabilité de prendre, de concert avec le ministre de l'Immigration, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec puissent acquérir, dès leur arrivée, une connaissance d'usage de la langue française et faire instruire leurs enfants dans des écoles reconnues par le ministre comme étant de langue française.

Tout ce qui peut être accompli afin d'aider les nouveaux arrivants dès leur arrivée à obtenir une connaissance d'usage du français est certainement recommandable et utile au plus haut point. La communauté juive, dans les limites de ses ressources, a depuis quelques années accompli exactement la même oeuvre et aide les immigrants juifs à apprendre le français. Des cours de langue française ont été donnés par le service juif d'aide aux immigrants qui est l'agence centrale de la communauté jui- ve d'aide aux immigrants et des livres de textes appropriés, ainsi que toute autre contribution éducative, ont été créés en vue de ces programmes.

Il est déplorable, cependant, que la section 1 du bill 85 crée, en traitant de l'éducation des enfants des personnes qui s'établissent au Québec, une distinction entre un résident et un autre et établisse un groupe entier dans une catégorie séparée. Nous sommes catégoriquement opposés à de pareilles distinctions. Ces dispositions introduiraient au Québec un nouveau concept qui pourrait avoir des répercussions à long terme en supprimant l'égalité des droits fondamentaux entre les personnes natives du Québec et d'autres résidents de la province, et ceci également en contradiction avec la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Nous demandons, en conséquence, que ces dispositions soient omises de la section 1 du bill 85.

Le bill 85, section 10 a) 3°, stipule que les cours reconnus pour les écoles de langue anglaise et française seront donnés à tous les enfants domiciliés dans un territoire déterminé, s'ils sont jugés aptes à suivre ces cours et si leurs parents ou les personnes agissant pour eux désirent les y inscrire.

Nous pensons que le principe du droit des parents de choisir la langue d'instruction de leurs enfants doit être appliqué dans toute son ampleur. Personne ne peut demeurer indifférent ou tout au moins jouir de ses droits si d'autres en sont privés.

Ce droit n'implique certainement pas l'obligation des parents d'envoyer leurs enfants dans une école de préférence à une autre.

La limitation de cette option aux enfants jugés aptes à suivre ces cours semble restreindre cette option et laisse la porte ouverte aux décisions arbitraires et aux exclusions. Vu la nature discrétionnaire des dispositions stipulées à la section 10 a) 3°, nous concluons que des procédures d'appel devant les cours soient également prévues contre de telles décisions et qu'il soit clairement déclaré que les régies et règlements s'appliqueront à tous sans distinction.

Voici le sommaire de nos recommandations. 1. Les dispositions de la section 1 du bill 85 traitant de l'éducation des enfants des personnes qui s'établissent doivent être omises, étant donné qu'elles créent une distinction entre les personnes qui s'établissent et les natifs de Québec et ce, en contradiction avec les droits linguistiques fondamentaux. 2. La section 10 a) 3° du bill 85 devrait inclure des dispositions habilitant le ministre de l'Education à reconnaître les écoles multiconfes-

sionnelles comme étant soit de langue française, soit de langue anglaise, étendant ainsi clairement l'option de la dualité linguistique dans l'éducation à tous les parents. 3.Le bill 85, section 5, devrait déclarer clairement que la désignation des membres au comité linguistique ne tiendra pas compte de limites « dénominatives » et que des personnes de toute croyance pourront être nommées en tant que membres de langue française et de langue anglaise. 4. Le bill 85 devrait incorporer des dispositions prévoyant un appel devant les cours de justice contre les décisions soumises au pouvoir discrétionnaire des autorités indiquées dans le bill.

Au nom de la communauté juive, nous voudrions exprimer l'espoir que les problèmes spécifiques soulevés dans ce mémoire seront considérés avec équité, bonne volonté et à la lumière des principes démocratiques.

Merci.

M. LE PRESIDENT: Je remercie M. Burger pour son mémoire.

Est-ce qu'il y en a qui ont des questions 5 poser?

M. LESAGE: Oui, j'en aurais une, M. Burger. Afin d'obtenir une clarification qui nous permettrait, peut-être de comprendre la portée exacte de votre critique de l'article 1, de quelle façon interprétez-vous l'article 1 du bill?

Do you interpret it as compulsory or what?

M. BURGER: Il y a peut-être une différence entre le texte français et le texte anglais. Pour nous, la question reste la suivante: If it is mandatory or permissive, the question is that it creates a distinction that we find unsastisfactory. We feel that the right of parental choice is the operative factor. We support, as we indicated all voluntary activities to improve the learning and knowledge of French but we do not think that a family coming into this Province should have any less right to choose than a family born and brought up in the Province.

MR. LESAGE: Do you not think that in a French province, it is normal that there are some pressing invitations to join the French community?

MR. BURGER: Absolutely.

M. PROULX (président du comité): Pouvons-nous passer à un autre groupe? Me Jean Roger est-il ici? Me Roger, avez-vous des copies de votre rapport?

M. ROGER: J'en ai fait parvenir un certain nombre à M. Bonin, le secrétaire du comité. On m'a dit qu'il y en aurait suffisamment pour tous les membres du comité et les membres de la tribune de la presse.

M. LE PRESIDENT: Vous pouvez commencer, M. Roger.

M. Jean Roger

M. ROGER: De toute façon, il s'agit d'un très bref mémoire. Les fabriquants que groupe la division québécoise de l'Association des manufacturiers canadiens, industriels canadiens-français, canadiens-anglais et d'autres origines ethniques, ont, depuis très longtemps, travaillé ensemble au progrès de leur industrie ainsi qu'au développement de l'économie provinciale qu'ils ont toujours cherché à renforcer. S'ils sont prêts à relever les nouveaux défis que posent tant l'évolution technologique que la nouvelle conjoncture commerciale, il leur faut cependant pouvoir compter sur des politiques gouvernementales susceptibles de créer un climat propice à une saine croissance et d'Inspirer confiance en l'avenir.

C'est là un appui dont ils ont grand besoin car on a, malheureusement, laissé planer trop d'incertitude à cet égard depuis quelques années.

En matière d'éducation, la division du Québec de l'AMC a souscrit essentiellement au programme visant à fournir un flot constant de jeunes québécois possédant une instruction suffisante et une formation professionnelle convenable. Effectivement, par le truchement de son comité de l'éducation, elle y a concouru a plusieurs reprises.

L'éducation doit être conçue en vue d'aider les élèves à mettre leur intelligence au profit du développement en commun d'une société qui a sa raison d'être. A cette fin, le système scolaire de la province doit accélérer et perfectionner ses méthodes afin que tous les élèves acquièrent un degré convenable de compétence, tant en français qu'en anglais. Accorder des diplômes aux élèves des écoles anglaises sans que ceux-ci ne connaissent suffisamment le français, c'est les priver de l'occasion de s'épanouir pleinement en tant que citoyens québécois. D'autre part, accorder des diplômes aux élèves des écoles françaises sans que ceux-ci ne connaissent suffisamment l'anglais, c'est les confiner dans la province de Québec et leur refuser l'occasion de poursuivre leur carrière dans le reste du continent nord américain. En fait, cela équivaut à les isoler des 200 millions d'autres personnes qui l'habitent.

C'est dans ce contexte que l'Association des manufacturiers canadiens appuie fermement la partie du bill 85, visant à faire des élèves des écoles anglaises de meilleurs bilingues. Or, si la loi ne renferme pas des dispositions analogues concernant les élèves des écoles françaises, nous sommes forcés de conclure que le gouvernement n'admet pas la nécessité d'assurer à ce dernier groupe, pour ce qui est de sa langue seconde, une instruction équivalente à celle que l'on devra dispenser aux premiers. C'est là une grave négligence qui ne pourra que s'avérer nuisible aux élèves des écoles françaises, particulièrement dans le monde des affaires où la mobilité constitue un atout très important.

Quant à la disposition — ici, on réfère évidemment à l'article 1 — déterminant que les enfants de parents qui viennent s'établir au Québec soient arbitrairement dirigés vers les écoles de langue française, on ne peut en attendre que des effets néfastes au niveau des investissements de l'immigration.

Ayant attentivement considéré le bill 85, l'association doit conclure que les intérêts des Québécois ne peuvent être servis que s'ils jouissent des garanties suivantes: premièrement, le droit pour tous, dans les régions où la population scolaire est suffisante pour justifier des écoles françaises et des écoles anglaises, de choisir entre les deux pour eux-mêmes ou pour leurs enfants; deuxièmement, la détermination de normes d'enseignement qui assureront à tous les diplômés une connaissance d'usage des deux langues.

Nous nous devons de souligner que quel que soit le niveau des normes de l'enseignement, l'industrie québécoise ne pourra donner du travail aux futurs diplômés que dans la mesure où les politiques gouvernementales favoriseront un climat qui inspirera confiance aux bailleurs de fonds et permettra de créer le nombre voulu de nouveaux emplois pour absorber les 70,000 Québécois qui s'ajoutent annuellement à notre main-d'oeuvre. C'est en vue de cet objectif que les présentes observations vous sont respectueusement soumises.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Roger. M. le ministre.

M. CARDINAL: M. Roger, je poserais une question qui ressemble à celle que le chef de l'Opposition a posée à M. Lewin. A la page 3 de votre texte, vous revenez sur l'article 1 du projet de loi 85 et vous employez une expression qui me paraît forte dans les circonstances. Vous dites, en effet, que les immigrants seront arbitrairement dirigés vers les écoles françaises. Ma question est la suivante: Il est possible qu'entre le texte français et le texte anglais de l'article 1 il y ait une nuance importante. En anglais, on dit « to ensure»; en français, on dit « puissent, » etc... Supposons que cette nuance soit corrigée et que nous en venions à deux textes identiques autant que faire se peut dans les traductions, ma question sera double: Est-ce que vous croyez, premièrement, que le texte de l'article 1, tel que rédigé en français, dirige arbitrairement des enfants d'immigrants vers des écoles françaises ou s'il n'est pas simplement contingent, indiquant une incitation? Et, deuxième question, est-ce qu'il existe un Etat au monde, que votre association a pu connaître où, lorsque des immigrants arrivent, ils ne sont pas normalement incités à apprendre la langue de la majorité, que ce soit n'importe quelle des provinces du Canada, n'importe quel Etat des Etats-Unis ou n'importe quel pays au monde?

M. ROGER: M. le ministre, quant, à la première partie de votre question, nous lisons, dans le texte français, que « le ministre a la responsabilité de prendre... les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec puissent acquérir... » Ensuite, on dit: « Faire instruire leurs enfants. » Dans le texte anglais, lorsqu'on dit « persons settling in the Province of Quebec... and cause their children », on se demande si le « faire » et le « cause » sont rattachés au pouvoir que possède le ministre ou bien si on réfère plutôt à la possibilité accordée aux parents de faire instruire leurs enfants dans la langue française. Alors, l'association appuie fermement toutes les mesures que le ministère pourrait prendre pour assurer que toutes les personnes venant au Québec puissent acquérir une connaissance du français.

Evidemment, nous nous opposerions au texte s'il semblait vouloir dire que le ministre devra imposer la connaissance du français à toutes les personnes qui viennent s'installer au Québec et en anglais, on dit: « settling in the Province of Quebec », personnes qui s'établissent au Québec. Ce qui a préoccupé fortement, évidemment, les milieux industriels, c'est la restriction que si on tenait, par exemple, pour acquis que le ministre devait forcer les gens à acquérir une connaissance du français, on imposerait de sérieuses restrictions au mouvement de la main-d'oeuvre venant d'autres provinces. Nous savons tort bien qu'il existe au Canada de grandes entreprises qui ont des succursales ou des usines dans plusieurs provinces.

Il est quelquefois désirable de transférer certaines gens. Enfin, on se demandait jusqu'où irait les pouvoirs conférés au ministre par l'article 1 du bill.

M. CARDINAL: Est-ce que vous répondez à la deuxième partie de la question?

M. LESAGE: M. le Ministre, auriez-vous objection à ce que sur la première partie, je revienne à la charge?

M. CARDINAL: Non.

M. LESAGE: Je comprends très bien que M. Cardinal vous pose ces questions, mon cher confrère, parce que, dans votre mémoire, vous utilisez le mot « arbitrairement ». Or, l'interprétation que vous venez de donner vous-même à l'article 1 ne semble pas confirmer ou justifier l'emploi du mot « arbitrairement ». Est-ce que je me trompe?

M. ROGER: C'est exact! Je crois que le mémoire dit... enfin, la partie du bill 85 qui vise à permettre au ministre de prendre les mesures nécessaires pour accorder aux gens une connaissance suffisante du français, ce point, nous l'appuyons. Mais dans la mesure où le bill 85 accorderait au ministre des pouvoirs arbitraires ou discrétionnaires pour... ça, c'est selon l'interprétation que l'on fait de l'article 1.

M. LESAGE: Oui, mais est-ce que le texte français ne dit pas « puisse acquérir » et le texte anglais « may acquire »? Et « cause » est relié à « may », également. La construction de la phrase est telle qu'on doit dire « may acquire ». Il n'est pas nécessaire de répéter « may »; il faut interpréter le texte comme s'il se lisait: « may cause ».

M. CARDINAL: Nous nous excusons de vous mettre, peut-être, sur la sellette mais nous voulons vraiment comprendre ce qui se passe.

Est-ce que J'irais jusqu'à croire qu'une certaine interprétation de l'article 1 — voici deux fois qu'on revient à cet article — laisse entendre à la population et aux associations qui sont devant nous que ce bill pourrait accorder au ministre des pouvoirs — ici je reprends vos mots — « arbitraires et discrétionnaires »? Est-ce qu'à ce moment-là, le bill serait ultra vires ou anticonstitutionnel?

M. ROGER: Nous ne nous sommes pas attachés à étudier la constitutionnalité du bill. Nous nous sommes simplement interrogés sur le sens de l'article 1, surtout, et sur les notes explicatives qui n'étaient pas très claires. Disons que l'intervention de l'Association des manufacturiers canadiens s'est voulue surtout positive. Nous a-vons surtout voulu chercher à clarifier le sens des dispositions de ce bill. Nous avons tenu, en même temps, à assurer l'Assemblée nationale que, dans la mesure où on dispenserait un enseignement convenable du français à tous les arrivants au Québec, le bill serait fermement appuyé. Mais en même temps, nous avons tenu à garantir les libertés de ceux qui viennent s'installer au Canada afin qu'ils ne soient pas forcés, dès leur arrivée, soit d'apprendre le français — enfin, ce serait libre à eux — soit, surtout, de placer leurs enfants dans des écoles françaises. C'est le sens des représentations qui ont été soumises.

M. CARDINAL: Si votre interprétation donnée au début de la page 3 était une interprétation à retenir, est-ce que vous croyez qu'à ce moment-là, si on ne parle pas de constitutionnalité, ce serait quand même ultra vires, ce serait exorbitant, si vous voulez, du droit commun, et que le bill pourrait être attaqué devant les tribunaux?

M. ROGER: Eh bien, là, on me demande de formuler une opinion légale.

M. CARDINAL: Vous êtes avocat.

UNE VOIX: Vous enverrez votre compte au ministre!

M. ROGER: Je m'en voudrais d'imposer des dépenses supplémentaires au ministre de l'Education! Il n'a pas été question de la constitutionnalité lors des discussions.

M. CARDINAL: D'accord» Merci, M. Roger.

M. LAPORTE: M. Roger, est-ce que l'Association des manufacturiers canadiens a quelque opinion à exprimer sur l'état de la langue française au Québec et sur les perspectives d'avenir de la langue française au Canada, et particulièrement dans la province de Québec?

M. ROGER: Je m'excuse, monsieur, je...

M. LAPORTE: Je voudrais vous demander si le groupe que vous représentez a quelque opinion à exprimer à ce comité sur l'état de la langue française au Québec.

Est-ce que le groupe que vous représentez trouve que la langue française est en bonne santé dans le Québec et dans le Canada? Votre groupe est-il, d'avis, s'il a des conclusions ou des re-

présentations à nous faire, qu'il y a lieu de prendre des mesures particulières pour refaire ce qui serait actuellement dans un état lamentable, si tel est le cas?

M. ROGER: Tout ce que je pourrais dire à ce sujet, ce serait d'après mon expérience personnelle et d'après les contacts que j'ai eus avec des gens qui se sont intéressés au bill 85.

A l'heure actuelle, d'après ce que je puis constater personnellement, beaucoup d'hommes d'affaires se préoccupent de l'état de la langue française au Québec. Là, je parle non seulement des hommes d'affaires de langue française, mais aussi de ceux de langue anglaise. Beaucoup d'entre eux regrettent de ne pouvoir s'exprimer assez bien en français et souhaitent très sincèrement que leurs enfants puissent acquérir non seulement une connaissance d'usage, mais une connaissance courante du français. A supposer que le gouvernement du Québec s'apprête à prendre des mesures qui assureraient âtous les Québécois une connaissance d'usage, une connaissance courante de la langue française, je suis assuré que tous les hommes d'affaires — enfin, ceux qui font partie de l'Association des manufacturiers canadiens et cela représente, en gros, 1,400 à 1,500 sociétés, au Québec — sont parfaitement d'accord.

M. LAPORTE: Le groupe que vous représentez serait-il d'avis, par exemple, que tout en accordant aux citoyens, de quelque origine qu'ils soient, le droit strict d'envoyer leurs enfants aux écoles de leur choix, il y aurait lieu, si nécessaire, de prendre des dispositions particulières pour que le français devienne véritablement la langue d'usage et une langue de qualité internationale?

M. ROGER: Je croirais que oui. Mais, là, j'exprime une opinion tout à fait personnelle parce que, en fait, on ne m'a pas donné le mandat d'exprimer, ici, les vues de tous les hommes d'affaires sur les questions qui me seraient posées.

M. LAPORTE: Je vous remercie, quant à moi.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, je ne pense pas que vous ayez répondu très précisément à la question de M. Laporte qui vous a demandé, si je ne m'abuse, quelle opinion vous avez de la langue que l'on parle actuellement au Québec. L'expérience que vous avez des milieux d'affaires vous laisse-t-elle penser que la langue est dans un état satisfaisant, à telle enseigne qu'on ne doive pas prendre des mesures assez radicales pour l'améliorer?

M. ROGER: Il n'y a sans doute pas un membre du comité, ici, qui croit sérieusement que les Canadiens de langue anglaise ont l'impression que le français parlé au Québec est un français d'une telle qualité qu'on ne doive pas l'améliorer.

On fait souvent la distinction, chez nos amis les Torontois, par exemple, entre le français québécois et le « Parisian French » ou le français de France. Dans la mesure où le français parlé au Québec serait amélioré, au point d'acquérir un statut international, je crois que l'intérêt des anglo-Canadiens, tant dans la province de Québec que dans les autres provinces, s'en trouverait augmenté de beaucoup.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, dans la même veine, est-ce que nous pouvons en conclure que l'Association des manufacturiers canadiens souhaiterait que, dans le Québec, on fasse un usage beaucoup plus courant de la langue française dans les milieux d'affaires, dans les milieux que vous fréquentez, où vous travaillez vous même ?

M. ROGER: Encore là, je croirais que oui. Il faut quand même accepter une situation de fait; c'est qu'aujourd'hui une grande proportion d'hommes d'affaires québécois sont de langue anglaise, dont bon nombre sont venus d'autres provinces et n'ont jamais eu de contact continu, d'immersion dans un milieu français. Ce sont des gens qui travaillent en anglais et qui vivent dans des milieux anglais. Je crois que M. Tracey du Montreal Board of Trade est très au courant du problème; c'est, d'ailleurs, son problème à lui. Il est très difficile pour des gens qui travaillent, pensent et vivent en anglais de penser qu'eux-mêmes pourraient se mettre, tout à coup, à vivre et à travailler en français.

Je ne crois pas dépasser la pensée des gens de langue anglaise en disant que tous souhaitent que leurs enfants puissent, aussitôt que possible, s'exprimer en français.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En somme, M. Roger, vous souhaitez que nous mettions l'accent sur une revalorisation du français afin que les membres de votre association, qui travaillent au Québec — ceux de langue anglaise comme ceux de langue française — puissent davantage faire usage du français.

M. ROGER: C'est le souhait qu'exprime le

mémoire que je viens de soumettre. Ce souhait est également un avertissement. Enfin, nous demandons que certaines garanties soient incluses dans le bill 85 pour éviter qu'il force les gens 5 faire instruire leurs enfants dans des écoles de langue française.

M. TREMBLAY (Chicoutimi); En somme, M. Roger, vous-même, comme Canadien français vivant dans le Québec, vous souhaitez que nous mettions davantage l'accent sur le français?

M. ROGER: Si vous me demandez une opinion tout à fait personnelle...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui.

M. ROGER: ...je dirais oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Merci.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Hyacinthe.

M. BOUSQUET: Qu'on laisse de côté les bons voeux et les souhaits. L'Association des manufacturiers canadiens considère-t-elle que la culture française au Québec doit être sauvegardée et revitalisée à tout prix, ce qui veut dire que, si on constate actuellement qu'elle est en danger de mort, on devrait prendre des moyens radicaux et même des moyens de coercition pour la sauver? Est-ce que vous constatez que le français a une importance telle qu'il faut prendre les moyens de le sauver s'il est en danger de mort?

M. ROGER: Je crois que l'on s'accorde à dire qu'il faut prendre les moyens nécessaires pour assurer la survivance du français, mais il reste à voir quels seront ces moyens et la façon dont on les utilisera.

M. BOUSQUET: Etes-vous prêt à accepter que la sauvegarde du français est une priorité et que les moyens doivent être en fonction de cette priorité?

M. ROGER: A ce propos, je ne peux qu'exprimer une opinion personnelle. Je n'ai pas de mandat pour exprimer l'opinion d'un aussi grand nombre d'hommes d'affaires québécois. Je croirais qu'en général on s'accorde à dire que les moyens appropriés pour assurer à tous une connaissance convenable du français devraient être pris.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Roger, si vous me permettez une dernière question. Vous travaillex, évidemment, en milieu francophone ou anglophone, selon les devoirs de votre charge, mais j'imagine que les rapports que vous avez avec vos collègues, vos confrères anglophones dans le Québec, s'établissent la plupart du temps dans la langue anglaise. J'imagine que vous souhaitez vivement, vous de l'Association des manufacturiers canadiens, que le Québec favorise une plus grande expansion du français, de telle sorte que vos collègues anglais puissent parler votre langue.

M. ROGER: Bien, si on parle de mes collègues anglais, s'il s'agit de mes confrères, je puis dire sans hésitation qu'un assez bon nombre, quelle que soit leur langue maternelle, s'expriment convenablement dans les deux langues. Le problème se pose dans le cas d'hommes d'affaires qui viennent d'autres provinces, qui peuvent être transférés par l'entreprise au service de laquelle ils travaillent, de la Colombie-Britannique ou de la Nouvelle-Ecosse au Québec.

Il est quelquefois difficile pour ces gens de s'adapter 3 l'usage du français comme langue de travail.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais enfin, à toutes fins utiles, en ce qui concerne le Québec, vous considéreriez comme normal que ces gens-là s'exprimassent en français.

M. ROGER: Je considère comme normal, dites-vous, que ces gens-là travaillent...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): S'expriment en français.

M. ROGER: S'expriment en français.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Lorsqu'ils travaillent avec vous. Vous représentez quand même la majorité linguistique.

M. ROGER: Au Québec, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Je parle du Québec.

M. ROGER: Mais je crois que, lorsque les gens n'ont pas eu l'occasion pour une raison ou pour une autre d'apprendre le français, il n'y a aucune objection à ce qu'ils travaillent en anglais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): On prend note de cela.

M. BOUSQUET: Mais, est-ce que vous pensez

que le manufacturier serait d'accord pour que les grandes affaires soient dirigées en français au Québec? Que le travail d'usage aux plus hauts échelons des entreprises soit le français? C'est-à-dire que la langue d'usage et même la langue courante aux plus hauts échelons de l'administration des grandes entreprises au Québec soit le français? Est-ce qu'il y aurait des objections à ça?

M. ROGER: Il n'y a...

M. BOUSQUET; Est-ce que ce serait souhaitable?

M. ROGER: Je ne saurais dire, et je n'ai pas non plus mandat pour dire si on a des objections de principe à ça. Nous pouvons enfin avoir des problèmes pratiques qui se posent pour les raisons que j'ai mentionnées plus tôt. Mais, d'autre part, à l'heure actuelle, nous pouvons quand même nettement distinguer une tendance à faire du français une langue de plus en plus utilisée dans le fonctionnement des entreprises. Je connais certaines entreprises au Québec qui fonctionnaient autrefois exclusivement en anglais et qui ont pris des mesures nécessaires pour que tous leurs officiers, tous leurs administrateurs s'efforcent d'acquérir une connaissance suffisante du français. Je crois que c'est une tendance qui, en somme, manifeste tout simplement une attitude d'homme d'affaires, celle de parler la langue de la clientèle tout simplement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. Roger, on peut dire que, dans le Québec, la langue de la clientèle serait d'abord la langue de la majorité et que, par conséquent, le français devrait être la langue d'usage dans votre milieu d'affaires.

M. ROGER: Le français est déjà dans une certaine mesure la langue d'usage.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Quelle mesure?

M. ROGER: Enfin, si on s'adresse à une clientèle de langue française.

M. TREMBLAY (Chicoutimi)! Quand elle est à majorité française vous admettriez que la langue d'usage soit le français.

M. ROGER: Certainement.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Très bien!

M. ROGER: Mais de là à imposer aux hom- mes d'affaires de langue anglaise qui confèrent entre eux l'usage du français, il y a quand même une marge.

M. LE PRESIDENT: M. le député de Verdun.

M. WAGNER: Je comprends un peu votre position au cours de cet interrogatoire ou contre-interrogatoire. Vous avez reçu mandât de soumettre au comité les commentaires de votre association en ce qui touche le bill 85, n'est-ce pas?

M. ROGER: Exactement.

M. WAGNER: Bon. D'autre part, il y a une commission d'enquête qui a été créée pour étudier l'état du français dans la province de Québec. Et voilà le sujet dont on discute depuis quelques instants. Pour répondre à toutes les questions qui pourraient vous être posées, pourriez-vous dire au comité si vos clients ont l'intention, l'heure venue, de déposer ou de soumettre des commentaires à cette commission d'enquête que nous ne sommes pas, commission d'enquête qui aura a décider de l'état présent du français dans la province de Québec?

M. ROGER: A ma connaissance nous n'avons pas encore pris de décision là-dessus, mais je crois que sans doute l'association soumettra ses recommandations à la commission d'enquête, comme elle l'a fait, d'ailleurs, devant d'autres commissions d'enquête, parce qu'il s'agit de problèmes pertinents, de problèmes qui concernent de près les manufacturiers, les milieux d'affaires aussi bien que le citoyen.

M. WAGNER: Il ne faut pas confondre les problèmes.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, pour faire suite à l'intervention de M. Wagner, je voudrais faire observer ceci que...

M. WAGNER: En langue française, c'est Wagner (W prononcé comme V).

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... même si le comité qui siège ce matin...

M. LAPORTE: Le ministre devrait contribuer à l'amélioration de la langue française en disant: M. Wagner (w prononcé comme v).

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce n'est pas un nom très français.

M. LAPORTE: Parce que, selon que..

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, M. le Président, j'ai la parole, si vous permettez...

M. LAPORTE: ...le gouvernement est de bonne humeur ou non, il dit « Wagner » ou Wagner.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, j'ai la parole. A la suite de l'intervention du député de Verdun, je voudrais faire observer ceci: Même si nous devons discuter, ce matin, d'un projet de loi qui a été déposé, et qui touche à l'éducation, il reste que ce projet de loi touche au problème général de la langue et il ne nous est pas interdit, je pense, de pousser plus avant l'interrogatoire lorsque nous le jugeons nécessaire. En effet, les problèmes d'éducation, lorsqu'ils touchent directement à la langue, sont des problèmes qui recouvrent la réalité générale de la langue au Québec. Je ne voudrais pas que l'on interprète d'une façon particulière les interventions que nous avons l'intention de faire. Le problème de la langue en éducation ne se dissocie pas du problème général et de la situation de la langue au Québec. C'est pour cette raison que j'ai posé à M. Roger les questions que vous avez entendues.

M. LESAGE: Je ne crois pas que M. Wagner se soit opposé à ce que vous posiez la question. Il a purement et simplement demandé tout bonnement à son confrère si c'était l'intention de l'association qu'il représente de présenter un mémoire. Je pense qu'il ne fait aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que nous pouvons poser des questions sur ce qu'il y a dans le bill et, peut-être, sur ce qui devrait y être.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, je n'ai pas fait ce reproche à M. Wagner.

M. LAPORTE: Ayant posé des questions sur cela, j'appuierais absolument la suggestion de M. Wagner. Si M. Roger veut suggérer i. ses clients de présenter leur opinion devant la commission d'enquête, je pense que ça répondra très exactement aux questions que nous pourrions nous poser quant à leur attitude et I leur désir de s'Intéresser à cette question-là. Je trouve la suggestion parfaitement acceptable.

M. ROGER: On peut presque tenir pour acquis que ce sera fait.

M. BOUSQUET: Alors, pouvons-nous penser que la suggestion des manufacturiers canadiens s'oppose à ce qu'il y ait une distinction entre les droits des non Canadiens français au Québec, c'est-à-dire entre les droits de ceux qui sont dé- jà rendus ici au pays et ceux qui viendront plus tard?

En d'autres termes, accepteriez-vous une distinction entre les gens qui sont déjà rendus au pays et ceux qui viendront plus tard? Pourrait-on poser des conditions à la venue de nouveaux immigrants dans le domaine culturel?

M. ROGER: Je ne crois pas que, dans l'esprit des gens qui ont étudié le bill 85 en comité, l'on ait voulu faire des distinctions et établir deux poids deux mesures ou des règles différentes pour les gens qui viennent s'installer au Québec en provenance d'une autre province du Canada ou en provenance de l'étranger.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Saint-Laurent.

M. PEARSON: J'aurais une question à poser au ministre de l'Education. Puis-je le faire? Ce serait pour éclairer ma lanterne.

En vertu de l'article 1, l'incitation pour favoriser l'instruction en français, dans l'esprit du ministre — même si actuellement on ne mentionne pas les moyens; on dit qu'on étudiera les moyens voulus — est-ce que ça pourra se faire par exemple, en fournissant une subvention ou une aide pécuniaire supérieure à ceux qui enverront leurs enfants dans les écoles françaises par rapport i. ceux qui les enverront dans les écoles anglaises? Ne serait-ce pas coercltlf?

M. CARDINAL: M. le Président, à la question telle que posée, je ne pourrais répondre ni affirmativement, ni d'une façon négative, puisque la politique qui pourrait être établie à la suite de l'adoption du projet de loi 85 n'est pas établie dans des détails aussi précis.

Cependant, je ferai état de ce qui se passe actuellement. Il existe déjà un comité d'accueil qui a été créé pour les immigrants, de concert avec quatre commissions scolaires de la région de Montréal! Ceci a d'ailleurs été annoncé dans les journaux. Déjà, les immigrants qui le désirent — c'est facultatif — peuvent envoyer leurs enfants dans ces centres d'accueil où ils reçoivent deux choses; d'une part, une initiation à la vie québécoise en général et, d'autre part, une initiation a la langue française.

L'on sait également — j'ajoute ceci pour que le tableau soit complet — que le ministère fédéral de l'Immigration accueille les immigrants qui viennent au Québec et leur offre uniquement des cours de langue anglaise, actuellement. C'est ce qui s'est produit récemment pour les réfugiés tchécoslovaques. Par conséquent, ceci est de

l'ordre des voies et moyens et l'article 1, tel qu'il existe, si on le considère comme purement facultatif, tout en incitant sur le fait que c'est une incitation, permettra au ministre de prendre les dispositions qui lui sembleraient souhaitables pour inciter les enfants d'immigrants à avoir une connaissance d'usage du français.

M. HOUDE: Je voudrais poser une question à Me Roger, Me Roger, vous avez mentionné tantôt que la plupart des membres de l'association des manufacturiers étaient parfaitement d'accord pour faire des efforts presque inoui's, s'il le fallait, pour apprendre le français et même souhaitaient que leurs enfants apprennent le français. Ma question est la suivante; On s'est adressé surtout à la partie des cadres; quelle est, selon vous, la réaction du manufacturier qui ne parle pas un traître mot de français vis-à-vis des employés de son usine en majorité français? Est-ce que cela l'énerve à la pensé que les 500 employés d'une usine puissent travailler en français de a à z, même si la partie patronale, composée parfois d'un, de deux ou de trois membres, ne parle pas un seul mot français?

Quelle est la réaction du manufacturier? Est-ce qu'il souhaite encore, tout en apprenant le français, imposer jusqu'à un certain point ses directives, tout ce qu'il peut y avoir d'indications, de communications à l'intérieur de son usine, en anglais? S'il est prêt à faire des efforts pour apprendre le français, lui et ses enfants, est-ce qu'il est prêt à ce que les 500 employés, disons qui sont en majorité de langue française, puissent travailler librement en français? Je voudrais connaître la réaction des patrons.

M. ROGER: A ma connaissance les employeurs auxquels vous référez, lorsqu'il s'agit d'un ou de deux patrons d'une usine située en milieu français, trouvent tout à fait normal que leurs employés travaillent en français. Je puis dire aussi que, dans bien des cas, les patrons qui sont de langue anglaise ou enfin qui ne maîtrisent pas suffisamment le français s'efforcent de se trouver un second, un homme de confiance, qui puisse, au moins, traduire leur pensée en français auprès des employés. La majorité des membres de l'association des manufacturiers sont de petits employeurs; ils ont 50 employés, 75 ou moins, et, à ma connaissance, tous ces employeurs trouvent tout à fait normal que leurs employés travaillent en français.

M. HOUDE: Cela est accepté.

M. ROGER: C'est accepté, sans aucun doute.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Me Roger, cela veut-il dire que les instructions, les notes de service, enfin les documents qu'on fait circuler dans les milieux de travail à l'intention de ces employés, sont rédigés en français de façon générale?

M. ROGER: Oui, dans la mesure où on désire être compris, on s'adresse à l'employé dans sa langue. Mais, il subsiste encore une espèce de syndrome même parmi les employés de langue française, qui, pour une certaine proportion en tout cas, ont l'impression que les affaires se font en anglais. Je connais de grandes entreprises qui ont, à un moment donné, fait du français leur langue d'usage plutôt que l'anglais et la difficulté d'adaptation est venue quelques fois des employés eux-mêmes qui, enfin, étaient plus familiers avec la terminologie anglaise et même avec les concepts anglais dans leur travail. Dans la mesure où le ministère de l'Education s'efforcera d'améliorer la qualité du français, les mesures qui devront être prises devront l'être à la base même, c'est-à-dire dans l'enseignement du français.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions à Me Roger? Je vous remercie Me Roger; vous vous défendez bien.

Est-ce que M. Donald Smith de la Parents Association for Catholic Education...

UNE VOIX: Présent.

M. LE PRESIDENT: M. Lome Tracey. Vous êtes de quel organisme, M. Tracey?

M. TRACEY: Je m'appelle Lorne Tracey. et suis directeur du Montreal Board of Trade.

Vous avez devant vous la présentation du Board of Trade, et si vous me le permettez, je vous le présenterai maintenant en français.

Le Montreal Board of Trade a été créé dans le but de veiller aux intérêts commerciaux de la localité où il est établi, et son action s'est maintenue dans ce sens. Entre autres activités, le Board s'efforce de favoriser la création d'une ambiance propice à la croissance et au progrès des entreprises, dans l'intérêt de tous.

Le Board, qui compte plus de 3,300 sociétés commerciales et professionnelles affiliées, recrute ses membres dans tous les secteurs de la communauté d'affaires. C'est donc dire qu'il représente tous les secteurs d'activités commerciales pratiquées à Montréal, depuis les professions libérales jusqu'aux détaillants, grossistes, fabriquants et pourvoyeurs de services.

A la lumière des objectifs précités, le Board

désire profiter de cette occasion pour exprimer ses opinions relativement au bill 85, Loi modifiant la loi du ministère de l'Education, la loi du Conseil supérieur de l'éducation et la loi de l'instruction publique.

La présentation d'un bill ayant pour but de « préciser le rôle de la langue française dans le domaine de l'éducation » est des plus louables. Toutefois, certains aspects du bill 85 ont suscité confusion et inquiétude en raison de l'incidence sérieuse qu'il pourrait avoir sur la vie économique du Québec, qui est étroitement liée au Canada dans son ensemble et, certes, au continent nord-américain.

Pour assurer à la main-d'oeuvre du Québec des possibilités d'emploi maximales et favoriser sa croissance et son progrès, toute loi régissant l'éducation doit avoir pour but ultime d'atteindre au bilinguisme, Il s'ensuit que les systèmes d'enseignement doivent être structurés de façon à permettre aux élèves, qu'ils optent pour le système français ou le système anglais, d'acquérir une connaissance d'usage de la langue seconde, l'anglais ou le français selon le cas.

Toute initiative comme celle que semble préconiser l'article 1 du bill 85, visant à imposer aux personnes résidant ou s'établissant en permanence ou provisoirement au Québec, en provenance d'une autre région du Canada ou de l'étranger, l'intégration à l'un ou l'autre des systèmes d'enseignement ne saurait qu'entraver le mouvement de la population au sein de la grande collectivité économique dont le Québec fait partie. Cette mobilité continuelle et croissante est l'un des éléments les plus caractéristiques et les plus importants des impératifs commerciaux d'aujourd'hui, tant sur le plan national qu'international.

L'établissement d'une distinction entre les droits des personnes nées au Québec et de celles qui y élisent domicile ne peut que donner lieu à la création de différentes classes de citoyens et au cloissonnement des groupes au sein de la province, ou isoler la province des autres, ce qui aurait un effet restrictif sur la vie et la prospérité de la population.

S'il est hautement souhaitable que tous les résidents de Québec — qu'ils y soient nés ou qu'ils proviennent d'une autre région du Canada — et que tous les immigrants puissent vivre et travailler dans la langue de la majorité, il importe également que tous les Québécois possèdent la compétence linguistique et technique voulue pour pouvoir se déplacer sans difficulté à l'intérieur de la grande sphère de croissance et de progrès que le Québec partage avec le reste du Canada et les Etats-Unis.

Le bilinguisme se voit de plus en plus encou- ragé et favorisé aux échelons fédéral et provinciaux du Canada, ce qui témoigne bien de la sympathie et de la compréhension qui existent dans ces secteurs. Le meilleur moyen pour le Québec de continuer d'indiquer la voie du renouvellement et de la prospérité à un Canada véritablement bilingue et biculturel consiste à édicter une loi en vertu de laquelle : a) tous les résidents de la province et leurs enfants — qu'ils y soient nés ou non — auraient, pourvu que l'importance numérique de la population dans la région concernée le justifie, la possibilité de recevoir leur enseignement en français ou en anglais, selon leur libre choix; b) des mesures prises en vue d'assurer que les étudiants acquièrent une connaissance d'usage de la langue seconde, que leur langue maternelle soit l'anglais ou le français.

Nous désirons souligner, par les observations qui précèdent, qu'à notre avis, dans l'intérêt de la collectivité et de ses membres, l'un des rôles les plus importants de l'éducation consiste à équiper la population non seulement de façon à lui permettre de vivre dans son milieu socioculturel, mais encore de veiller à ce que chacun possède les connaissances linguistiques et techniques voulues pour être en mesure d'atteindre et de maintenir un niveau de vie élevé.

Nous vous recommandons respectueusement de modifier le bill 85 dans le sens des considérations qui précèdent.

Soumis respectueusement par J. Eric Harrington, président du Montreal Board of Trade et moi-même.

M. le Président, étant de langue anglaise, ma langue maternelle étant l'anglais, peut-être n'ai-je pas assez de mots en français pour donner des explications ou pour répondre aux questions des membres du comité. J'espère donc qu'il sera possible de répondre en l'une ou l'autre des langues, en anglais ou en français, pour donner tous les renseignements que j'ai en ce moment.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Tracey. Est-ce que les membres du comité ont des questions à poser à M. Tracey?

MR. LESAGE: Mr. Tracey, you invited us to ask our questions in English so that we would get some clarification accordingly. I will use my second language.

M. TRACEY: Merci, M. Lesage.

MR. LESAGE: May I draw your attention to the English text of your presentation, at the top of page 2?

MR. TRACEY: Yes.

MR. LESAGE: Any implication, such as suggested in section 1 of Bill 85, of forced entry into one or other of the two language educational systems for persons resident or settling in Quebec, etc.

Do you really think that section 1 implies the « forced entry »...

MR. TRACEY: Well, if I may, Sir...

MR. LESAGE: ... in a given, in a determined language group?

MR. TRACEY: Well, this is one of the difficulties, if you will, of translation. There may be a variation in « nuance » between the French and the English.

And as you said, I am making a reference to a previous presentation. It could appear that the word « may » may precede the word « cause ».

MR. LESAGE: Yes

MR. TRACEY: But it is not there.

MR. LESAGE: Well, you can hardly, when you write in either French or any language, of course, repeat the words when you do not have to, in order to be understood when you follow the elementary rules of grammar.

MR. TRACEY: Well, if I may, Sir, as far as the doubt is concerned, it seems to be widespread among several of my « confrères ». So, respectfully, I will suggest to you that the word doesn't seem to be...

MR. LESAGE: But the construction of the sentence: « May acquire, upon arrival, aworking knowledge of the French language and cause their children... » How can you interpret it? « Cause » is not preceded by « may ».

MR. TRACEY: If I may also suggest, Sir, without being linguist, having not ability either in French or English, the doubt is there because the word « may » is not immediately in front of « cause », and one can have an opinion on one side or the other and that is the doubt which may create the problem that one draws to your attention from the viewpoint of clarification.

And if the intent is the one thing to be specific, then I suggest to you, Sir, that perhaps the word might be so phrased as to eliminate any doubt.

M. LE PRESIDENT: M. Tracy, nous vous remercions.

MR. TRACEY: Thank you.

M. LE PRESIDENT: M. je vous remercie. M. Lebeau, s'il vous plaît. Mme Hill, M. Jean-Marc Léger, M. Eugène Lavoie, M. Georges Perron, M. Julien Chevalier, M. Harry Lautman, M. Robertson, Mme Markowitz, Mme Gollings — c'est le bilinguisme intégral ici — M. Gilles Noiseux, M. Landry, M. Milot, le docteur Thibault, Mme Mary Busch, M. John Finn, M. G.Il. Archer, M. R.Il. Stevenson, Mme Ileana Archdall — merci M. Lesage, votre prononciation est très bonne — M. Haridge, M. Mac-Donald.

Voulez-vous identifier le groupe que vous représentez, s'il vous plaît?

M. LEDUC: Je représente M. MacDonald. Pierre Leduc est mon nom.

M. LE PRESIDENT: M. Leduc, avez-vous un mémoire?

M. LEDUC: Malheureusement, nous n'avons pas eu encore le temps de préparer notre mémoire. Si, à une assemblée future, vous permettez...

M. LE PRESIDENT: Vous pourrez le soumettre quand même au comité, par la suite. M. Leduc, vous pouvez faire une présentation verbale et, par la suite, déposer votre rapport au comité. Vous êtes libre.

M. LEDUC: Je pense que c'est un sujet trop important pour exprimer des idées sans les mettre d'abord sur papier.

M. LE PRESIDENT: Vous êtes un homme prudent.

M. LEDUC: Il faut.

M. LE PRESIDENT: Vive la prudence. M. Noël Herron. De quel groupe, M. Herron?

M. Alain Picard

M. PICARD: Je suis Alain Picard. Je représente The Association of Catholic Principals et The Association of Catholic Principals of Montreal. Je me fais le porte-parole de ces deux associations. J'aimerais présenter au président ainsi qu'aux membres du comité, M. Noël

Herron, président de The Association of Catholic Principals of Montreal qui est ici à ma droite. M. Herron.

Il me fait plaisir de venir exposer nos idées ici, au comité. Les deux associations concernées sont conscientes des problèmes qui existent pour le Canadien français dans la province de Québec au point de vue de la langue et de la culture. Nous venons offrir notre appui à toute mesure gouvernementale qui respecte le principe de la sauvegarde des droits linguistiques en éducation dans cette province.

Nous espérons que bientôt les gouvernements provinciaux verront à ce que les droits des personnes qui s'expriment dans l'une ou l'autre des deux langues officielles du Canada seront protégés par la législation. Donc, sauf pour les quelques amendements qui suivent, la PACP et la ACPM acceptent le bill 85.

Il est à noter, dans le deuxième paragraphe du préambule de la loi du ministère de l'Education et dans la loi du Conseil supérieur, que les parents ont le droit de choisir les institutions qui, selon leurs convictions, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants.

Nous assumons alors que l'esprit de la loi indiqué ci-haut demeure toujours, car dans le bill 85, section 10-3, on lit en partie: Si leurs parents ou les personnes qui en tiennent lieu sont désireux de les y inscrire.

Maintenant, les modifications que nous voudrions apporter à la section 22-A, sous-section A. Nous voudrions ajouter à la fin de cette section les paroles « en conformité avec la recommandation 49, volume IV du rapport Parent ». Cette recommandation 49 se lit comme suit; « Nous recommandons que la loi oblige immédiatement la commission régionale à faire, dans tout son territoire, un recensement annuel des enfants et des adolescents de moins de 18 ans afin de prévoir les meilleurs moyens pour répondre au désir des parents quant au type d'enseignement qu'ils souhaiteraient pour leurs enfants. »

Section 22-A, sous-section B. Nous aimerions que cette section soit précédée des mots « après consultation antérieure et intensive avec des associations professionnelles d'enseignants et de principaux ». Parce que, dans cette section, il s'agit de faire des règlements régissant les programmes d'étude et les examens pour tous les enseignements d'ordre pédagogique. Les associations d'enseignants et de principaux devraient être consultées.

Section 22-A, sous-section C. Nous aimerions aussi que cette section soit précédée par une consultation antérieure et intensive avec les mêmes associations professionnelles d'en- seignants et de principaux lorsqu'il s'agit de qualification au point de vue linguistique du personnel dirigeant et du personnel enseignant dans les institutions.

Comme dernière remarque, la section 11 du bill 85. Nous demandons que la section qui dit: « A l'exception de l'article 1 qui entre en vigueur le jour de sa sanction » soit enlevée et que la section se lise: « La présente loi entrera en vigueur à la date qui sera fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur en conseil ». Nous aimerions que le bill soit sanctionné au complet et non pas par sections. Merci, M. le Président, messieurs les membres.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Picard. Les membres du comité ont-ils des questions à poser? Merci. Oui, M. Goldbloom.

M. GOLDBLOOM: Je voudrais demander à M. Picard pourquoi la dernière recommandation de l'association qu'il représente voudrait que la loi entre en vigueur à une date qui serait fixée ultérieurement par le lieutenant-gouverneur en conseil au lieu de suggérer que la loi entre en vigueur à la date de sa sanction comme à l'habitude?

M. PICARD: L'idée principale, c'est que la loi au complet soit sanctionnée. Il est indiqué que la section 1 entre en vigueur le jour de sa sanction et que le reste de la présente loi entrera en vigueur à la date fixée par la proclamation du lieutenant-gouverneur. Nous aimerions que le bill au complet soit sanctionné.

M. GOLDBLOOM: Mais, ne préféreriez-vous pas, si le Parlement finissait par accoucher d'une bonne loi, qu'elle entre en vigueur immédiatement?

M. PICARD: Oui, qu'elle entre en vigueur immédiatement. Au complet.

M. GOLDBLOOM: Deuxième question. Quelle importance attachez-vous au fait que les organismes que vous représentez ici et les autres qui vous ont précédé ont présenté leur mémoire en langue française quoique les associations sont, en majorité de leurs membres, de langue anglaise?

M. PICARD: Pourquoi ai-je présenté mon mémoire en français?

M. GOLDBLOOM: Pourquoi ceux qui vous ont chargé de présenter leur mémoire vous ont-ils demandé de le faire en langue française?

M. PICARD: Je crois que c'est un signe de bonne volonté. Les deux associations concernées veulent, comme je l'ai dit au début, reconnaître que nous sommes bien conscients des problèmes auxquels nous faisons face. Nous voulons montrer notre bonne volonté et notre appui, que nous sommes intéressés aux lois qui peuvent sortir du gouvernement pour améliorer le sort du Canadien français dans le Québec. Je crois que c'est une question de bonne volonté, pour montrer que nous sommes intéressés. Je représente ces deux groupes.

M. GOLDBLOOM: Cela veut-il dire que les organismes qui sont en majorité de leurs membres d'expression anglaise, dans le cas même, que le français occupe une position importante dans la vie de la communauté anglophone du Québec?

M. PICARD: Je crois que oui. Dans la province de Québec surtout, il serait très important que les gens parlent les deux langues. Les deux associations que je représente sont certainement de cet avis.

M. GOLDBLOOM: Alors, selon vous, ce ne serait pas nécessaire que l'Etat ait recours à quelque coercition que ce soit pour encourager les anglophones à apprendre le français et à s'en servir?

M. PICARD: Je ne le crois pas. Je crois qu'ils sont sensibles à ce point, qu'ils font des efforts et en feront davantage à l'avenir pour que les élèves qui sortent de nos écoles anglaises puissent « se débrouiller » comme on dit, parler le français et se faire comprendre dans la province.

M. GOLDBLOOM: Merci, M. Picard.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Picard.

Mme LeBlanc. M. Irving. Mme Léger. The Association of Directors General for English Catholic Schools of the Province of Quebec, Montréal.

Est-ce que les membres sont ici?

M. Raymond Lemieux.

UNE VOIX: M. Raymond Lemieux sera ici cet après-midi.

M. LE PRESIDENT: Merci. Mme Cowan. Thorndale Home and School Association, M. John Hill. M. Winton L. Roberts. Mme Allana Reid-Smith. M. Leslie J. B. Clark. Mme Allan Horowitz. M. N.F.W. Gates. Mme Frankel. Cela va bien. M. Clout. L'Association des professeurs de l'Ecole normale Laval, Québec. Votre nom s'il vous plaît, monsieur.

M. LABRECQUE : Jean Labrecque, président de l'Association des professeurs de l'Ecole normale Laval.

M. LE PRESIDENT: Vous nous avez remis un mémoire?

M. Jean Labrecque

M. LABRECQUE: Nous avons reçu votre télégramme et nous avons répondu par téléphone comment nous devions procéder pour venir devant cette assemblée. On nous a dit que normalement nous pourrons avoir un mémoire écrit vendredi; c'est mardi et nous n'avions pas les moyens de rédiger un texte. Mais, on nous a dit que nous pouvions nous exprimer oralement et que vous pourriez, après ça, demander par écrit ce que nous avions déclaré.

Nous sommes ici pour rappeler, en définitive, quelques aspects de la situation de notre culture française, de notre langue française au Québec Nous voulons rappeler quelques principes qui nous semblent fondamentaux pour assurer l'épanouissement de la culture française au Québec.

Une de nos premières propositions, c'est de demander que le Québec ait sa langue nationale officielle et que cette langue soit enseignée dans toutes les écoles, quelles qu'elles soient.

Certes, la réforme scolaire qui a été entreprise depuis quelques années a enlevé à des groupes minoritaires l'avantage qu'il y avait dans les anciennes lois de faire des syndics de commissions scolaires, des syndics d'associations séparées. La réforme scolaire a de plus en plus tendance à vouloir planifier le développement scolaire de notre région. Nous comprenons maintenant qu'il n'est plus possible à des groupes d'organiser des syndics comme il y en avait autrefois.

Cette réforme-là amène donc le phénomène de l'intégration, mais nous ne voyons pas comment l'intégration peut affaiblir la minorité anglophone au Québec, étant donné les énormes facteurs qui la renforcent de toute façon. Même si le système scolaire du Québec était strictement unilingue, sans enseignement d'une langue seconde, le milieu anglo-saxon nord-américain est tellement fort que le milieu familial anglophone se trouverait protégé. Dans une certaine mesure, nous considérons que le jeune Québécois d'origine anglophone est favorisé quand on lui demande, comme ça, de s'intégrer à l'école

française. En effet, on est sûr que, dans sa famille, il ne perdra pas sa langue maternelle et qu'à l'école il s'intégrera mieux à notre société canadienne-française.

Ce sont les points que nous tenions à rappeler à votre comité. J'ai avec moi des confrères qui pourraient peut-être apporter d'autres arguments, si vous me permettez de vous les présenter.

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LABRECQUE: M. Laberge est vice-président de l'association.

M. LABERGE : M. le Président, nous croyons qu'il y a deux raisons fondamentales pour que le Québec affirme une langue nationale commune, connue par tous les citoyens du Québec.

D'abord, il y a une fausse raison; ce n'est pas un préjugé sur la qualité des langues en présence. Ce n'est pas, non plus, un préjudice porté aux langues maternelles. Je crois que toutes les maternelles pourront survivre au Québec. Une langue maternelle, par définition, c'est la langue qui est enseignée par la mère, qui est enseignée par les parents, à la maison. Dans tous les pays du monde, il y a une langue nationale utilisée dans l'administration publique et dans les services publics; c'est la langue du travail, la langue des communications à tous les niveaux où les diverses familles linguistiques ont à se rencontrer. Nous croyons, évidemment, que la langue nationale du Québec doit être le français et que cette langue nationale doit être connue par tous les citoyens, quelles que soient leurs origines, religieuses, ethniques, etc.

Alors, les deux raisons principales sont, premièrement, pour accuser l'originalité du Québec, vis-à-vis du reste de l'Amérique du Nord. Si l'on pense que le Québec doit continuer à survivre comme une entité originale, il doit se distinguer du reste de l'Amérique du Nord.

La deuxième raison, qui est aussi importante, c'est pour assurer un minimum d'homogénéité culturelle nécessaire à la survie d'une société vraiment complète au Québec. C'est une question de démocratie de participation, c'est une question d'égalité de chances pour toutes les catégories de citoyens. Il faut que tous les citoyens puissent comprendre, au moins, une langue commune et l'utiliser.

Ce que nous proposons, c'est, premièrement, que le français soit la seule langue d'enseignement à tous les niveaux, dans toutes les écoles publiques, partout sur le territoire québécois. Pour l'enseignement des langues, il faut respecter les exigences de l'enseignement de chaque langue.

Deuxièmement, le français devrait être enseigné partout, dès le niveau de la maternelle, évidemment dans les écoles publiques, ce qui ne lèse en rien les écoles privées qui, elles, auront le droit d'enseigner dans la langue qu'elles le désireront.

Troisièmement, nous pensons que la langue maternelle des groupes ethniques minoritaires devrait être enseignée à l'élémentaire là où ce sera économiquement et pédagogiquement possible. Dans le cas de l'anglais, je pense que ça pourra être possible dans plusieurs endroits. Cela devrait aussi être envisagé dans le cas de l'esquimau et de l'italien, peut-être. Au secondaire et au collégial, nous pensons qu'on doit encourager l'étude des grandes langues internationales, particulièrement de l'anglais, évidemment, qui devra être enseigné avec le plus de compétence possible à partir de niveau secondaire, mais aussi d'autres grandes langues internationales comme le russe, l'espagnol et l'allemand.

Alors, c'est tout pour mon intervention.

M. LABRECQUE: Nous tenons à vous remercier de l'attention que vous avez portée à nos remarques.

M. LESAGE: Pourrais-je vous poser seulement une question, M. le Président? C'est la suivante: Dois-je comprendre que vous préconisez qu'il n'y ait que des écoles de langue française au Québec où l'on enseignerait une langue seconde qui serait l'anglais?

M. LABRECQUE: L'école publique est une école fondamentalement française. Ceci ne veut pas dire...

M. LESAGE: Mais qu'est-ce que vous voulez dire?

M. LABRECQUE: ... qu'il n'y a pas dans ces départements un enseignement de l'anglais. Mais, officiellement, l'école serait française.

M. LESAGE: Je ne sais si c'est vous ou votre confrère qui, il y a un instant, a dit : De toute façon, la langue maternelle sera montrée par la mère.

M. LABRECQUE: Non, c'est justement le contraire. On dit toujours que la langue maternelle est enseignée par la mère, en dépit de l'école.

M. LESAGE: Mais, c'est ce que je viens de dire. Nous disons tous les deux la même chose.

M. LABRECOUE: Parce que, voyez-vous...

M. LESAGE: J'ai voulu répéter ce que vous avez dit. Justement vous venez de le répéter. Mais comment peut-on être instruit dans la langue de ses parents si on ne l'apprend pas à l'école?

M. LABRECQUE: Eh bien, la démonstration en a été faite par nos compatriotes des autres provinces pendant plusieurs générations. Il est certain qu'aujourd'hui il y a toutes sortes de services complémentaires à l'école qui sont, par exemple, les cours par correspondance, toutes les possibilités de la bibliothéconomie moderne, toute la possibilité des techniques particulières de la radio, de la télévision et des services. En plus de cela, pensez que quelquefois, surtout dans le cas des anglophones, cette atmosphère, ce milieu nord-américain qui fait que chaque jour ils sont continuellement sollicités de réflexes anglais, de publicité, d'annonces, d'Images...

M. LESAGE: L'expérience en Nouvelle-Angleterre n'est-elle pas que, lorsque les enfants ne peuvent pas apprendre leur langue maternelle à l'école, même si les parents continuent de la parler à la maison, ils la perdent?

M. LABRECQUE: Ils la perdent pour d'autres raisons. Ils la perdent parce que, dans la vie d'adultes, les institutions politiques, les institutions économiques, les institutions sociales forcent d'abord l'enfant à sortir de son milieu familial. Nécessairement, pour s'intégrer à ce niveau de vie, là où l'anglais, où la langue seconde était prédominante et fondamentalement, cela ne lui a pas enlevé le privilège fondamental de parler sa langue maternelle. Il est simplement devenu bilingue.

M. LESAGE: Non, non, ils deviennent tous unillngues anglais.

M. LABRECQUE: Oui, mais à un moment donné, au bout de deux ou trois générations, il est évident que le problème est là.

M. LESAGE: C'est cela, parce qu'ils n'ont pas appris, ils n'ont pas eu l'occasion d'apprendre à l'école les éléments de leur langue. Ce ne sont pas toutes les mères de famille qui peuvent enseigner la grammaire, la littérature, la syntaxe.

M. LABRECQUE: Non, mais il reste quand même qu'il y a des éléments fondamentaux que les parents, que le milieu familial peut communiquer et qu'on peut vérifier, si on le veut, par l'ordre académique, le courant scolaire. Mais les éléments de base, ce n'est pas l'école qui peut réellement les donner. La preuve, c'est que l'enseignement d'une langue seconde à l'école a toujours été un effort pénible pour n'importe quelle institution de n'importe quel pays. C'est toujours un effort difficile que d'instituer l'enseignement d'une langue seconde.

M. LESAGE: Mais comment voyez-vous au Québec, ceux qui viennent y travailler, ou ceux qui viennent y faire fructifier leurs capitaux, venant des Etats-Unis, venant des autres provinces? Comment voyez-vous un Québec qui va les accueillir s'ils ne peuvent pas compter que leurs enfants, qui sont établis peut-être temporairement au Québec, pourront continuer leurs études dans leur langue maternelle?

M. LABRECQUE: Oui, mais c'est le problème niveau international ou de tout fils d'ambassadeur qui voyage de pays en pays. C'est un avantage, en définitive, pour cet enfant-là que de pouvoir comme cela être transplanté de milieu. Je suis sûr qu'en définitive il y a des correctifs au danger qu'il aurait de perdre sa langue maternelle, s'il y tient vraiment.

M. LESAGE: Et quels sont ces correctifs?

M. LABRECQUE: Par exemple, dans le cas des personnes que vous me mentionnez, qui sont plutôt des personnes économiquement fortes, il est certain qu'elles peuvent permettre à leurs familles des retours dans leur lieu original. A ce moment-là, elles se retrempent facilement dans une source. Si elles viennent ici pour s'intégrer au Québec définitivement, alors pourquoi ne pas jouer le jeu franc et net de s'intégrer à la majorité?

Le problème, c'est que c'est à elles de faire une option; ce n'est pas à la majorité de diminuer sa propre vocation pour essayer de contenter la variété, justement, des personnes qui pourraient venir s'établir au Québec. Parce que la considération que vous pouvez apporter au milieu anglo-saxon qui pourrait venir s'intégrer dans l'économie du Québec, vous pouvez aussi l'apporter pour les Allemands, les Italiens ou pour...

M. LESAGE: Eh bien, il y a tout de même une différence! C'est qu'on vit dans un pays qui s'appelle le Canada. Je pense bien que si j'avais à vivre en Ontario... à Ottawa, ce que j'ai déjà

fait quand j'étais député fédéral, je m'attendais bien d'avoir pour mes enfants des écoles de langue française, et j'en avais.

M, LABRECQUE: Oui, vous en aviez dans un milieu qui pouvait l'offrir, mais vous savez à quel prix ce service était offert. Vous vous seriez rendu à Victoria ou à Halifax et je ne sais pas si vous auriez pu avoir ce même service pour vos enfants.

M. LESAGE: Eh bien, à Toronto, de plus en plus!

M. LABRECQUE: Remarquez qu'il est toujours possible d'offrir des services comme ceux-là, mais à la condition qu'ils ne dérangent pas, qu'ils soient marginaux au renforcement d'une société qui se veut...

M. LESAGE: Alors, pourriez-vous préciser le mot employé, c'est-à-dire le mot « marginaux »?

M. LABRECQUE: Tantôt, mon confrère a parlé des institutions privées. Vous avez justement prévu qu'il était possible de maintenir des institutions scolaires privées au Québec. Eh bien, la preuve est à faire justement, maintenant que vos lois et le courage de certains citoyens peuvent soulever la chose si c'est nécessaire.

M. LESAGE: Autrement dit, les contribuables qui paient les taxes scolaires, qui paient leur impôt sur le revenu, leurs taxes provinciales, ne pourraient pas bénéficier pour leurs enfants du produit de ces taxes comme citoyens et seraient appelés à payer en double, justement ce que nous avons terriblement critiqué nous-mêmes, depuis des années, par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces.

M. LABRECQUE: Oui, mais cet effort supplémentaire, bien des parents canadiens-français le font pour le bien de leurs propres enfants. Vous avez quelquefois, chez nous, l'institution publique qui offre un cours de très bonne qualité et des parents qui paient les taxes pour le maintien de ces institutions, ce qui ne les empêche pas d'envoyer leurs enfants dans une institution privée où ils pensent trouver ce qu'il y a de mieux.

M. LESAGE: Ils ont quand même l'occasion d'envoyer leurs enfants à l'école publique. Ils ont un choix.

M. LABRECQUE: Oui. Les autres l'ont indirectement mais ils l'ont.

M. LE PRESIDENT: M. Paul, s'il vous plaît.

M. PAUL: M. Labrecque, la principale recommandation de votre association ne serait-elle pas de proclamer le français comme langue nationale au Québec?

M. LABRECQUE: Oui.

M. PAUL: Comment feriez-vous entrer le jeu de l'enseignement de l'anglais dans les écoles publiques? Est-ce que vous vous objecteriez à ce que l'enseignement de l'anglais soit dispensé ou si, nécessairement, l'anglais ne devrait être enseigné que dans les écoles privées?

M. LABRECQUE: Non, il faut absolument... L'anglais est un élément de formation intellectuelle, de formation professionnelle reconnu. La seule différence est de savoir dans quelle mesure les structures scolaires sont franches et nettes là-dessus.

M. LESAGE: Vous ne préconisez pas l'établissement d'écoles bilingues, j'en suis convaincu.

M. LABRECQUE: L'unilinguisme...

M. LESAGE: Vous, comme enseignant, vous ne préconisez certainement pas des écoles bilingues où certaines matières seraient enseignées en français et d'autres en anglais. Je pense bien que vous me direz tout de suite que cela n'a pas de bon sens, que cela donne un enseignement inférieur, que les résultats sont mauvais.

M. LABRECQUE: Vous avez remarqué que, dans les propos de mon confrère, nous avons justement signalé le moment où l'enseignement d'une langue seconde doit s'intégrer dans l'enseignement ou la formation d'un élève. Mais ce que nous voulons noter, c'est que, fondamentalement, il faut consacrer un certain temps pour enseigner, chez nous, en tout cas pour protéger chez nous l'enseignement du français et faire intégrer l'enseignement d'une langue seconde...

M. LESAGE: Mais vous n'avez pas répondu à la question du Secrétaire de la province.

M. LABRECQUE: Est-ce que vous pouvez la répéter, s'il vous plaft

M. PAUL: Si je retiens le principal de vos recommandations, ce serait que le français devienne langue nationale au Québec?

M. LABRECQUE: Oui.

M. PAUL: Est-ce que, de votre mémoire ou de vos recommandations, il découlerait l'impression ou la suggestion, au comité, ici, que l'anglais ne soit pas enseigné dans les écoles publiques mais plutôt dans les institutions privées, quitte à ce que des subventions soient données...

M. LESAGE: Je pense qu'il faudrait distinguer.

M. LABRECQUE; Non, la réponse...

M. LESAGE: Il ne dit pas que l'anglais ne doit pas être enseigné mais il propose que l'anglais ne soit pas la langue d'enseignement. C'est une distinction importante.

M. PAUL: Dansun milieu où la collectivité serait anglophone, est-ce que votre suggestion serait que l'enseignement soit quand même en français?

M. LABRECQUE: Généralement, oui. Mais remarquez que là vous entrez dans des cas très particuliers. Mais généralement, en principe — nous discutons au niveau du principe — l'enseignement du français se fait partout dans la province de Québec, dans la mesure où cela répond vraiment à la réalité des faits. Et généralement...

M. PAUL: Des faits ou du milieu? M. LABRECQUE: Pardon?

M. PAUL: Des faits ou du milieu? L'enseignement doit-il être dispensé suivant le milieu ou les faits?

M. L ABRECQUE: Il doit être dispensé d'abord selon les principes et les principes ajustés à un fait.

Si, 5. un moment donné, on découvre qu'il y a... Je vais reprendre parce que là, je devine une sorte de digression. Cela me dérange dans mon affaire.

Prenez, par exemple, le cas des Esquimaux. On prendra un cas par rapport à l'anglais ou au français. Il est fondamental que lorsque nous instituerons des écoles là, nous allons avoir affaire à un milieu qui parle esquimau. Il est évident que, si nous introduisons là des maîtres qui parleront français, il y aura coûte que coûte, de la part du maître, une sorte d'adaptation à ce milieu qui fêta que ce ne sera que graduellement qu'il aura amené les jeunes Esquimaux de leur langue maternelle à la langue officielle, sans nécessairement leur faire oublier leur langue maternelle.

M. PAUL: Mais, à ce moment-là, d'après vos recommandations, est-ce que l'enseignement devrait être nécessairement en français dans le milieu esquimau?

M. LABRECQUE: Il est nécessaire que l'enseignement du français soit fait aux Esquimaux.

M. LESAGE: Je crois qu'il faudra que vous les convainquiez, les Esquimaux. J'ai été ministre du Nord, et je vous dis que ce n'est pas facile.

M. LABRECQUE: Non, je le reconnais. Je reconnais d'ailleurs que le problème est là.

M. LESAGE: Les professeurs que nous envoyons doivent apprendre l'esquimau avant d'aller enseigner parce qu'il faut qu'ils enseignent en esquimau. Autrement, ils n'enseigneront pas.

M. LABRECQUE: Je comprends. C'est d'ailleurs ce que je viens de dire, au fond. Je l'ai dit. Il y a une adaptation du maître à la réalité mais il doit l'amener S un idéal que la société québécoise majoritaire a proposé à tous ses citoyens, quels qu'ils soient.

M. WAGNER: Ce que vous dites est infiniment sérieux. Je ne voudrais pas que vous soyez mal interprété.

Est-ce que vous proposez, est-ce que vous prônez un système en vertu duquel l'enseignement du français, où l'enseignement se ferait en français dans les écoles publiques de la province?

M. LABRECQUE: Si vous me le permettez, je vais vous demander de répéter encore une fois pour que je saisisse très bien votre pensée.

M. WAGNER: Est-ce que vous soutenez que l'enseignement doit se faire en français dans les écoles publiques de la province?

M. LABRECQUE: Oui.

M. WAGNER: Exclusivement? C'est ce que vous prétendez?

M. LABRECQUE: Oui.

M. WAGNER: Et vous ne trouvez absolument rien, là, d'extraordinaire ou d'illogique?

M. LABRECQUE: Ce que je trouve difficile,

c'est qu'à partir d'un moment historique comme le nôtre, la démarche à entreprendre demande du doigté suivant certains milieux.

M. PAUL: Qu'est-ce que vous entendez par « moment historique comme le nôtre »?

M. LABRECOUE: Il y a une situation historique qui vient de nos anciennes lois. Je vous rappelle que les anciennes lois scolaires permettaient, dans un milieu donné, d'avoir des syndics qui, du jour au lendemain, pouvaient fonder, à coté de la commission scolaire majoritaire, une seconde commission scolaire qui pouvait, elle, donner l'enseignement dans la langue des syndics impliqués. Ce moment-là a été éliminé avec les nouvelles lois scolaires qui ont fait apparaître ce qu'on appelle une sorte de planification scolaire, une intégration scolaire qui oblige coûte que coûte à des options définitives quant à la langue qui va régir tout le système.

M. WAGNER: Pour être encore plus précis, vous prétendez que les anglophones du Québec pourraient, eux, recevoir leur enseignement en langue anglaise, soit par cours de correspondance ou dans des institutions privées qu'ils paieraient eux-mêmes, à la fin. C'est ça que vous prétendez?

M. LABRECQUE: C'est-à-dire qu'au secondaire... Un instant, M. Laberge va vous répondre.

M. LABERGE: Excusez-moi, je vais essayer d'être clair. Un principe général, d'abord: le français, c'est la seule langue d'enseignement. Ceci ne veut pas dire, évidemment, que quand on arrive en première année et qu'il y a un groupe qui ne parle qu'esquimau, le professeur ne doit pas savoir l'esquimau; ça me semble évident. Mais, disons que, comme principe général, la langue d'enseignement, c'est le français.

Deuxièmement, nous disons que la langue française sera matière d'enseignement partout, dès la maternelle.

Troisièmement, la langue maternelle des groupes minoritaires pourrait, elle aussi, être enseignée dès l'élémentaire, là où la demande en sera faite, où le groupe sera assez nombreux et où ce sera possible économiquement et pédagogiquement. Dans le cas de l'anglais, cela nous semble possible, partout où il y aura des groupes d'Anglais assez importants. Dans le cas d'autres langues, peut-être aussi qu'un groupe d'Italiens demandera, à un moment donné, que, dans l'école publique, qui, elle, est de langue française, il y ait un cours d'italien.

M. LESAGE: C'est la distinction que vous faites. Vous dites que l'enseignement doit être en français dans les écoles publiques du Québec et qu'on enseignera l'anglais comme langue seconde. L'enseignement ne se donnera pas nécessairement en anglais, nous nous comprenons bien; on enseignera l'anglais comme langue seconde lorsqu'il y aura un nombre suffisant de personnes qui désireront que cela se fasse, lorsque le milieu le justifiera, c'est cela votre prétention?

M. LABERGE: Oui.

M. LESAGE: Donc, disparition de toutes les écoles où l'enseignement se donne en anglais au Québec.

M. LABERGE: C'est cela.

M. LESAGE: Tout l'enseignement doit se donner en français dans toutes les écoles du Québec ; c'est votre solution, cela?

M. LABERGE: Exactement.

M. LESAGE: Peu importe le milieu?

M. LABERGE: Peu importe le milieu.

M. LESAGE: Même dans certaines parties de l'Ouest de l'Ile de Montréal où il n'y a pas de Canadiens de langue française, l'enseignement en anglais sera aboli, remplacé par l'enseignement en français et on pourra, à un niveau qu'il reste à déterminer, enseigner la langue maternelle comme langue seconde.

M. LABERGE: Est-ce que vous me permettez de préciser un peu ce que vous venez de dire? Ce n'est pas tout à fait exact.

M. LESAGE : Bon, très bien. Je veux avoir des précisions sur votre...

M. LABERGE: Je répète la position de principe...

M. LESAGE: ... position de principe.

M. LABERGE: ... pour que ce soit clair. Evidemment, cela suppose un aménagement de quelques années, une période de transition, c'est bien sûr. Mais la position de principe est la suivante: Je distingue l'élémentaire, d'une part, le secondaire et le collégial, d'autre part.

A l'élémentaire, comme à tous les autres niveaux, l'enseignement se fera en français,

mais on pourra enseigner la langue maternelle des groupes minoritaires qui en feront la demande et qui seront assez nombreux.

Au secondaire et au collégial, quel que soit le milieu, l'anglais sera enseigné comme langue seconde. Est-ce que cela précise ma pensée? Au niveau de l'élémentaire, nous ne pensons pas qu'on doive enseigner une langue seconde, sauf dans les milieux où il y a un groupe assez important dont la langue maternelle est minoritaire et qui désire conserver sa langue maternelle. Nous ne pouvons pas l'imposer; si les Anglais d'une certaine région décident de ne pas avoir de cours en anglais, bien, ils ne l'auront pas automatiquement. Si un groupe minoritaire dont la langue maternelle est autre que le français, en fait la demande il pourra avoir des cours pour sa langue comme matière d'enseignement, mais la langue d'enseignement sera le français. Ce qui ne veut pas dire, évidemment, qu'il n'y aura pas une période d'adaptation. Je pense qu'il faudrait peut-être prévoir une période de cinq ans au moins pour cette transition afin d'aider les écoles anglaises à devenir françaises.

Maintenant, il y a une chose que je voudrais signaler. Je m'étonne beaucoup de voir que les membres de l'Assemblée nationale s'inquiètent énormément de la survie de la langue maternelle des anglophones alors que je n'ai jamais vu cette inquiétude-là à propos des autres langues maternelles.

M. LESAGE: Personne n'a exprimé d'inquiétude. Nous avons dû questionner pour savoir exactement ce que vous vouliez, messieurs.

M. LABERGE: Alors, je retire le mot « inquiétude ». Je maintiens que je m'étonnerais si les membres de l'Assemblée nationale s'inquiétaient beaucoup de la survie de la langue anglaise alors qu'on ne voit pas d'inquiétude de ce genre pour la survie d'autres langues qui sont aussi des langues maternelles. Ce sont les autres langues qui sont beaucoup plus en danger que l'anglais. L'anglais n'est pas en danger au Québec. Je ne le crois pas.

M. LABRECQUE: Si vous me permettez. Le problème que nous posons à la minorité, c'est de manifester un dynamisme qui, coûte que coûte, va servir quand même l'ensemble du Québec. Cette minorité devra exploiter et prouver son dynamisme dans des conditions un peu plus difficiles, c'est évident, que ce que les lois, les habitudes et les traditions politiques lui avaient faites jusqu'ici. Il y a peut-être aussi une nuance entre ce qui était hier et ce que nous proposons aujourd'hui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrecque, permettez-moi de vous poser quelques questions. Partant des observations que vous avez faites au départ et dont j'ai noté les termes, vous avez déclaré que le français doit être la langue officielle au Québec. Y-à-il une équation entre l'expression « langue officielle » et « unilinguisme »?

M. LABRECQUE: Pratiquement, oui. Il faut dire que la rigidité que vous voulez me faire déclarer vienne un peu de l'intelligence des gouvernants par rapport aux situations existant à Québec.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Non, non. M. Labrecque, le gouvernement n'est pas en cause pour l'instant. Je vous pose une question très précise. Je vous demande, partant des termes dont vous vous êtes servi à savoir ceux-ci: Le français langue officielle, s'il y a une équation dans votre esprit entre l'expression « langue officielle » et le terme « unilinguisme français »

M. LABRECQUE: Oui. Pour le besoin de la déclaration.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Bon.

M. LABRECQUE: Avec la confiance que certaines personnes comprendront les problèmes de leurs commettants.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, dans les propositions d'aménagement du système scolaire que vous avez formulées — elles eussent été formulées de façon plus précise évidemment si nous avions eu un mémoire de votre part. Je ne vous fais pas de reproche. Il semble que vous refusiez à la minorité anglophone le droit de recevoir un enseignement dans sa langue à quelque niveau que ce soit. Je voudrais simplement vous poser une question. Mettant de côté les détails de cet aménagement qui ne semble pas très clair dans votre esprit, accepteriez-vous qu'on fasse subir à la minorité anglophone du Québec le sort qu'ont subi les minorités francophones dans les autres parties du Canada?

M. L ABRECQUE: La règle du jeu le voudrait, oui, dans une certaine mesure. Mais, notez ceci: Le dynamisme des minorités est toujours quelque chose qui doit être vu, vécu et assumé par la minorité en question. Je sais qu'elle est capable de se défendre et qu'elle a, encore plus que nos minorités de l'Ouest canadien, des fa-

cilités énormes de se défendre. À mon point de vue, une minorité au Québec, ce ne sont pas des gens qu'on a mis dans des quartiers de la province ou qu'on a considérés, un peu, comme des ghettos. Ce n'est pas du tout le problème. Le problème est celui-ci: Celui qui veut participer à la vie québécoise doit, autant que possible, avoir accepté le jeu des institutions politiques que la majorité québécoise a bien voulu se donner.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): En somme, M. Labrecque, en simplifiant votre position, vous êtes pour l'unillnguisme français — vous l'avez dit tout à l'heure — et vous vous dites que le problème des droits de la minorité anglophone, nous le réglerons après.

M. LABRECQUE: C'est cela.

M. PAUL: Maintenant, M. Labrecque, si l'enseignement est en français, comment pourrait se dispenser l'enseignement de la religion ou de la cathéchèse?

M. LABRECQUE: C'est une question qui m'apparaît difficile à traiter ici, parce que le problème de l'enseignement de la religion, c'est à peu près le même que celui de l'enseignement d'une science quelconque ou d'une matière quelconque à l'école. La religion, ça implique d'autres facteurs qui se retrouvent dans la vie de la communauté religieuse impliquée.

M. PAUL: N'y aurait-il pas danger, à ce moment-là, d'attaquer la liberté de religion à la liberté de croyance des enfants qui vont à l'école?

M. LABRECQUE: Je ne crois pas. Dans toutes les langues, vous retrouvez toutes les religions, de sorte que...

M. PAUL: Oui, mais laquelle serait enseignée?

M. LABRECQUE: Nous discutons ici de la question linguistique; nous ne discutons pas de la religion.

M. PAUL: Oui, mais l'enseignement étant en français, à un moment donné, il va y avoir des cours de religion ou de cathéchèse.

M. LABRECQUE: Oui.

M. PAUL: Alors, laquelle des religions ou des croyances va être dispensée à l'élève?

M. LABRECQUE: Vous le savez, c'est chaque CEGEP qui le décide; chaque institution scolaire le décide elle-même. Ce n'est même plus l'autorité gouvernementale, ni le ministère de l'Education qui le décide. Cela relève maintenant des institutions scolaires que nous avons.

M. PAUL: Alors, vous feriez une distinction dans la commissaire scolaire locale pour l'enseignement de la cathéchèse?

M. LABRECQUE: Je ne comprends pas la relation qu'il y a entre le problème de l'enseignement religieux et le problème que je suis venu vous soumettre ici. Pour moi, l'enseignement de la religion, c'est une autre question, tout à fait...

M. LESAGE: Mais, est-ce que l'enseignement de la religion, normalement, ne doit pas se donner dans la langue maternelle? C'est ça la question.

M. LABRECQUE: C'est ça! C'est une question qui m'apparaft tout à fait personnelle. Si je veux adhérer à une certaine religion et que son dogme, sa doctrine, son histoire s'est fait dans une certaine langue et puis que tous les pratiquants parlent cette langue-là, je me demande comment on peut être à la fois participant d'une religion et vouloir une autre langue. Ce que je veux dire, c'est qu'au fond le rapport langue et religion n'est pas aussi direct que la tradition l'a fait voir chez nous.

M. LESAGE: Oui, mais la religion, n'est-ce pas, ça commence au foyer, avec la mère.

M. LABRECQUE: Oui, mais cela peut se faire en anglais ou en français.

M. LESAGE: La mère veut que son enfant apprenne les dogmes religieux qui sont les siens. Est-ce que normalement, au moins cet enseignement religieux ne devrait pas être donné dans la langue maternelle?

M. LABRECQUE: Je ne sais pas là. Vous me posez une question qui ne s'est jamais présentée au Québec.

M. LESAGE: Mais, vous voulez la créer. Vous voulez la créer cette situation. Alors, comment en sortez-vous?

M. LABRECQUE: Remarquez que, personnellement, je crois que l'ordre des valeurs impliquées fait qu'à ce moment-là, si le type désire acquérir des connaissances religieuses, il ac-

ceptera de les recevoir par le véhicule de la langue qui est parlée là où il étudie.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrecque, je reviens à l'affirmation que vous avez faite tout à l'heure, à la suite d'une question que je vous ai posée, à savoir que vous accepteriez qu'on fasse subir à la minorité anglophone du Québec le sort qu'ont subi les minorités francophones dans les autres parties du Canada. Est-ce que vous pensez que c'est là l'opinion de tous les professeurs de l'école normale Laval?

M. LABRECQUE: Non. D'ailleurs, remarquez que vous employez un mot qui est entaché de tout un caractère passionnel, le mot subir. Il est certain que...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Si vous me permettez, M. Labrecque, je vous ai posé cette question parce que la réponse que vous m'avez donnée tout à l'heure a été quand même inscrite et tout le monde l'a entendue.

M. LABRECQUE: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Vous avez dit oui.

M. LABRECQUE: Vous me permettez justement de nuancer la portée affective du mot « subir ». Je peux vous dire qu'il est entendu qu'à l'école normale Laval les professeurs vont dans toutes les nuances. Nous avons même des confrères qui sont professeurs de langue anglaise et qui, de temps en temps, participent à toutes nos discussions qui peuvent être parfois de cet ordre ou d'autre ordre. Je peux vous dire qu'il n'y a pas du tout de dictature, ni de rigidité dans les propos qu'on peut avoir, ni dans la portée de nos mots. Il y a une nuance.

M. WAGNER: Est-ce que nous devons comprendre que vous parlez ici en votre nom personnel ou si vous parlez au nom des professeurs de Laval, de langue anglaise et de langue française?

M. LABRECQUE: Je parle au nomd'une majorité et non pas d'une unanimité.

M. WAGNER: Ah bon!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Labrecque, avez-vous l'intention de nous soumettre aussi, à ce comité de l'éducation, un mémoire qui représentera l'opinion commune de l'Association des professeurs de l'école normale Laval?

M. LABRECQUE: Si c'est le voeu du comité, Je suis prêt à entreprendre ce travail qui demande un certain temps, de la réflexion, une reprise des...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors nous devrons, dans les circonstances, tenir compte à la fois de ce que vous avez dit ce matin et de ce qui sera exprimé dans le mémoire.

M. LABRECQUE : Scriptamanent.

M. LESAGE : Si j'ai bien compris votre question, M. Tremblay, vous avez demandé que le mémoire reflète l'opinion commune?

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Oui. J'ai demandé...

M. LABRECQUE: Reprenne un peu les propos...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ...à M. Labrecque. Si son association a l'intention de nous présenter un mémoire qui nous donnera une idée de l'opinion générale du groupe qu'il représente. J'ai dit que nous devrons à la fois tenir compte de ce que M. Labrecque a dit et de ce qui sera dans le mémoire.

M. LESAGE: C'est parce que vous parlez d'opinion générale, et M. Labrecque a parlé d'opinion majoritaire. Je ne sais pas si les deux peuvent se concilier.

M. LE PRESIDENT: Avez-vous d'autres questions à poser à M. Labrecque?

M. JOHNSTON: M. Labrecque, êtes-vous prêt à sacrifier tous vos confrères de langue anglaise?

M. LABRECQUE: Pourriez-vous répéter? Je tiens toujours à bien entendre.

MR. JOHNSTON: Are you ready to sacrifice, à mean to say, all the English school teachers?

M. LABRECQUE: Non, mais ce que je veux, c'est qu'ils participent plus pleinement à une intégration, positive cette fois, à la vie québécoise et non pas à la création dans le milieu québécois de cette fameuse et continuelle distinction, ou conflit racial ou linguistique.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, M. Labrecque, vous comprenez très bien qu'ils resteront quand même d'office des professeurs de langue anglaise. Par conséquent, vous admettez

qu'ils ont une mission, qu'ils ont un devoir particulier à l'endroit de la communauté, puisqu'ils sont professeurs de langue anglaise.

M. LABRECQUE: Oui, cela, Je l'admets.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, vous admettez, de fait, qu'ils ont le droit d'enseigner l'anglais.

M. LABRECQUE : Remarquez que je ne le nie pas. Ce que Je veux, c'est qu'il y ait une sorte de coordination des deux mouvements pour que l'un reconnaisse que l'autre va devoir sa survie à une certaine rigidité de ses politiques scolaires. C'est-à-dire que le problème du milieu anglophone au Québec, c'est de s'apercevoir que le milieu francophone a une difficulté énorme à se donner des institutions qui puissent assurer, de façon complète, son système scolaire pour qu'il soit efficace, fonctionnel et qu'il donne une chance à tout le monde.

Actuellement, il y a des incohérences dans le système.

M. HOUDE: M. Labrecque, la philosophie que vous essayez, depuis presque vingt-cinq minutes de nous expliquer, la façon dont vous essayez de vous y prendre également pour nous convaincre, est-ce que ces efforts que vous faites devant nous aujourd'hui, vous les faites régulièrement devant les normaliens?

M. LABRECQUE: Non, je vous ferai remarquer qu'il y a peut-être une transpiration de certains propos, mais il n'y a pas ce que J'appellerais — ce que vous voulez me faire dire — une sorte de cathéchèse, une sorte de propagande. De la « directivité » avec nos élèves aujourd'hui, ce n'est plus du tout de mise dans les écoles.

M. HOUDE : Cela ne fait pas partie du cours de l'école normale, cet exposé-là?

M. LESAGE: Cela transpire quand même.

M. LABRECQUE: Remarquez que la jeunesse est toujours indépendante envers ses maîtres. Plus que vous ne le croyez. L'élève d'aujourd'hui n'a pas, par rapport à ses maîtres, une sorte de rapport d'esclave à maître. Vous voyez, d'ailleurs, comment les mouvements de jeunes sont animés. Ils ont des orienteurs, ils ont des conseillers. Ils sont vraiment bien organisés et toutes les sources d'information sont à leur portée.

Même si nous paraissons rigides quant à notre position, nous savons que c'est à vous de corriger ce que nous demandons en fonction de facteurs que nous oublions.

M. HOUDE : Ce que je veux dire, M. Labrecque, c'est que votre école de pensée, actuellement, c'est l'unilinguisme. Vous parlez quand même au nom des professeurs, et je me demande si, au niveau des normaliens, de nos futurs maîtres, il y a d'autres professeurs comme vous qui, de temps en temps, expriment l'autre école de pensée.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Pardon, M. le Président, j'invoque le règlement. Je m'excuse auprès de mon collègue, M. Houde.

Je ne pense pas que nous puissions poursuivre plus avant dans ce domaine-là, parce que nous entrons dans ce domaine, l'intention et le but de nos questions était tout simplement de connaître votre opinion, l'opinion de votre association, sans avoir à porter de jugement sur l'enseignement que vous dispensez.

UNE VOIX: D'ailleurs, chez nous, les professeurs sont libres.

M. LESAGE: Elle portait sur les faits. M. TREMBLAY (Chicoutimi): Cela frisait,..

M. LE PRESIDENT: Nous sommes ici sur le problème des langues. D'autres questions, M. Labrecque, s'il vous plaît?

M. LEFEBVRE: Une petite question à M. Labrecque. Vous avez fait allusion tout à l'heure, M. Labrecque, au fait que le Québec vivait un moment historique et vous avez fait allusion au fait que la langue anglaise n'était aucunement menacée, qu'elle pouvait fort bien survivre même si elle n'était pas enseignée dans les écoles. Ceci m'apparaît un peu exorbitant comme affirmation. Mais, en tout cas, vous avez droit à votre opinion, bien sûr.

Pour ce qui est du français, à votre avis et de l'avis de vos membres, puisque vous semblez avoir tenu sur ce sujet-là des cercles d'étude au sein de votre association en préparation de votre venue devant ce comité, est-ce que le français régresse ou progresse actuellement? Est-ce que la culture française, depuis une dizaine d'années, dans le Québec, a perdu ou gagné du terrain? A priori, vous semblez croire que la culture française perd du terrain. J'imagine que ce serait la logique des mesures vraiment radicales que vous proposez. J'aimerais que vous nous disiez en quelques mots sur quel péril vous fondez des propositions aussi radicales, encore une fois.

M. LABRECQUE: C'est-à-dire que le problème à la culture elle-même et l'aspect quant au prolongement de l'enseignement dans les activités économiques et professionnelles des gens. Il est certain qu'il y a au Québec une certaine crise de la qualité de la langue, mais cette crise-là a toujours existé d'une certaine manière. Mais ce qu'il y a de plus grave au Québec, c'est qu'il n'est pas sûr que la vie professionnelle, la vie économique puisse se maintenir, ou que le français puisse progresser dans ces milieux-là. C'est ça, le problème. C'est que la présence canadienne-française ou la présence du français dans d'autres secteurs que celui de la politique, que celui du monde scolaire, eh bien, cette présence française est plus difficile à établir.

M. LEFEBVRE: Mais sur ce point précis, M. Labrecque, vous êtes justement un homme, vous êtes un groupe sérieux. Vous fondez sûrement vos hypothèses sur des faits. Quels sont les faits qui vous portent à croire, sur le point spécifique que vous venez de mentionner, que le français régresse en tant que langue de communication par exemple dans les entreprises? Remarquez que je ne veux pour ma part émettre aucune opinion à ce moment-ci. Je pense qu'on peut dire que tout le monde ici dans la salle, y compris les gens de langue anglaise — j'en fais une parenthèse seulement — est d'accord pour dire qu'il y a amélioration possible. Mais vous, vous semblez dire que le français régresse et qu'il faut prendre des mesures vraiment radicales pour assurer la survie du français.

M. LABRECQUE: Je n'ai pas dit « régresse », j'ai dit que son progrès paraît moins sûr que ce qu'il était jusqu'ici. Je n'ai pas parlé de régression.

M. LEFEBVRE: Mais, si vous dites que le progrès apparaît moins sûr que ce qu'il a été jusqu'ici, moi, je traduis cela par régression. Je ne sais pas comment vous le traduiriez.

M. LABRECQUE: Non, c'est que les difficultés à venir sont plus énormes que celles que nous avons rencontrées jusqu'ici. C'est ladifférence.

M. LEFEBVRE: Mais quelles sont ces nouvelles difficultés justement?

M. LABRECQUE: Eh bien, dans l'ordre économique, vous le devinez bien. Les capitaux chez les Canadiens français sont encore à l'état minime par rapport à toute la puissance économique du Québec. Le contrôle, pas le contrôle comme tel, mais la participation — parce que là voyez-vous le mot « contrôle » est mot mauvais — n'est pas encore suffisante.

M. LEFEBVRE: Eh bien, je vous remercie.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? Je vous remercie, M. Labrecque, M. Hopkins, s'il vous plaît.

Nous allons suspendre la séance jusqu'à deux heures et demie. J'aimerais demander à ceux qui sont ici de s'identifier et que, de la sorte, vous puissiez passer cet après-midi avant même que ceux qui arriveront après-midi ne passent. Vous aurez priorité. Quels sont ceux qui voudraient être entendus cet après-midi? Vous viendrez me voir ici, comme président. Merci.

Reprise de la séance a 14 heures

M. PROULX (président): A l'ordre Messieurs!

Je demande à M. Guinta de présenter son petit mémoire.

M. GUINTA: M. le Président, je m'appelle Antony Guinta et Je parle au nom du St. Ann's Community Council.

Je suis un homme d'affaires du comté de Sainte-Anne et je suis également un citoyen d'origine Italienne. C'est pourquoi les valeurs qui sont impliquées dans le bill 85 et tout ce qui en découle pour l'avenir m'intéressent au plus haut point, comme elles intéressent tous les citoyens d'origine italienne.

Je dois dire, cependant, que nous, citoyens d'origine italienne, ne sommes pas le seul groupe ethnique à être préoccupé par le récent développement dans le domaine de l'éducation au Québec.

Il m'arrive, dans l'exercice de ma profession, de rencontrer des personnes de tous les groupes ethniques aussi bien que des citoyens dont l'origine se rattache à l'une ou l'autre des nations qui ont fondé ce pays. J'ai l'occasion de converser avec des représentants de différents groupes et tous, sans exception, se sont dit estomaqués de voir qu'il y a dans cette province des personnes placées en autorité qui voudraient éventuellement, forcer des parents à envoyer leurs enfants dans une école ou une institution où les cours se donnent dans une langue différente de celle que voudraient choisir les parents. A mon avis, M. le Président, il en est de même pour les membres du St. Ann's Council. Obliger les parents à faire instruire leurs enfants dans une langue autre que celle qu'ils préfèrent, c'est pratiquement comprimer l'exercice d'un droit humain fondamental pour les citoyens de cette province.

Il est certain que les Européens et les ressortissants des autres pays qui choisissent le Canada comme patrie d'adoption, désirent faire bénéficier ce pays de leurs talents, de leur savoir-faire et des éléments de culture qui leur sont propres.

En retour, ils ont droit normalement à une attitude plus accueillante que celle de se faire dire que leurs enfants sont obligés de se faire instruire dans une langue autre que celle de leur libre choix.

Comme résultat de cette tendance, nous pourrons nous attendre à voir de nouveaux immigrants qui avaient choisi la province de Québec comme leur nouvelle patrie manifester de la répugnance à être contraints dans une question aussi vitale que celle de l'éducation de leurs enfants. On peut donc, en conséquence, s'attendre à voir le nouvel immigrant s'établir dans une autre province où il n'existe pas telles contraintes.

Tout cela, M. le Président, constitue une situation tragique et cela sans nécessité. Je dis sans nécessité parce que les Européens ont de la facilité à apprendre les langues; il n'en est pas de même pour le Nord-Américain. Moi-même, mes deux fils et mes petits-fils de sept et cinq ans, parlons couramment trois langues.

Aucune autorité ne nous a forcés à apprendre le français. Nous l'avons appris automatiquement, comme une chose qui va de soi et même très volontiers. De toute façon, notre cas n'est pas unique. Les citoyens d'origine européenne apprennent le français très facilement. Alors, pourquoi les y forcer?

Il y a peu d'hommes qui se soumettent à la force sans résistance. Cela est plus particulièrement vrai quand l'éducation d'un enfant est en jeu. Obliger l'enfant d'un immigrant à apprendre une langue, c'est mettre une limite aux promesses d'une nouvelle vie splendide comme celle des citoyens de cette grande province.

Je vous remercie.

M. CARDINAL: M. Guinta, puis-je vous poser une première question? A la page 2 de votre mémoire, au premier paragraphe, vous indiquez que la plupart ont été estomaqués de voir qu'il y a dans cette province des personnes placées en autorité qui voudraient éventuellement forcer des parents à envoyer leurs enfants dans une école ou une institution, etc.

Qu'est-ce qui vous fait croire qu'il y a dans cette province des personnes placées en autorité qui voudraient éventuellement forcer des parents à envoyer leurs enfants dans telle ou telle école?

M. GUINTA: Ecoutez, mon cher monsieur le ministre, s'il y a possibilité de me répéter cela, je regarde la page 2. Excusez-moi...

M. CARDINAL: Oui, le premier paragraphe.

M. GUINTA: « Tout cela, M. le Président, constitue une situation tragique et cela sans nécessité. » Attendez un moment.

M. CARDINAL: Vous vous disiez estomaqués de voir qu'il y a dans cette province des personnes « en autorité » qui voudraient, éventuellement, forcer les parents à envoyer leurs enfants dans une école où l'instruction se donne dans une langue différente de celle que voudraient choisir les parents. A partir de quels faits, de quels

textes ou de quelles affirmations croyez-vous qu'il y ait des personnes « en autorité » qui voudraient éventuellement forcer les parents à envoyer leurs enfants dans telle ou telle école?

M. GUINTA: Sur ce sujet-là, s'il y a possibilité, je reviendrai devant vous et je vous répondrai correctement. J'essaie de le trouver; je l'ai bien lu tout à l'heure. Now, it is only for certain School Commissions, Frank, it is because...

M. HANLEY: En français, en français.

M. GUINTA: Il y a plusieurs de ces enfants. Prenez l'exemple de Saint-Léonard. Qu'est-ce qui leur arrive, à ces enfants? Moi, je lis un texte de notre parti qui existe aujourd'hui. Alors, prenez ces enfants-là; leurs parents désirent les envoyer à une école et leur dire: Ecoutez, mes chers enfants, vous allez à l'école anglaise ou à l'école française. Anciennement, nous avions tout cela. Aujourd'hui, on nous présente un bill 85 que nous ne connaissons pas encore. Nous essayons de l'étudier, mais, d'après ce que je vois, cette étude n'est pas tout à fait complète. Je tiens à vous répondre sur un prochain texte, si vous me donnez la permission de revenir.

M. CARDINAL: Je n'ai aucune objection. C'est une explication pour comprendre la raison de cette affirmation qui, d'ailleurs, est au conditionnel.

M. GUINTA: Oui, oui.

M. CARDINAL: On ne sait pas qui elle vise, s'il s'agit d'un article du bill 85 ou d'un fait en particulier.

M. GUINTA: Il reste encore à étudier toute cette affaire-là. D'ailleurs, on essaie de l'étudier fondamentalement.

M. CARDINAL: Est-ce que pas hasard, M. Hanley aurait la réponse à la question?

M. GUINTA: Non, non, je suis seul ici. Je ne suis pas ici pour défendre les droits de M. Frank Hanley; je suis ici par coïncidence. D'ailleurs, ce sont des choses qu'il est utile de connaître dans la vie. On exerce et, par la suite, on cherche à voir ce que peut donner une idée. Ce n'est pas une chose qui doit nous embrouiller; c'est une chose qui doit nous permettre de nous comprendre un peu mieux de sorte que nos enfants puissent avoir une éducation en français ou en anglais, mais, de préférence, en langue canadienne- française. C'est une chose qui est très naturelle pour nous, les Italiens, de parler le français.

Nous aimons que nos enfants soient bilingues, qu'ils apprennent le français avant, mais qu'ils apprennent l'anglais aussi. C'est la seule chose que l'on désire.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Guinta, j'aimerais vous poser une question au sujet du texte que vous avez présenté. A la toute fin de la page 2 et en page 3, vous dites ceci: « On peut donc, en conséquence, s'attendre à voir les nouveaux immigrants s'établir dans une autre province où il n'existe pas de telles contraintes ». Ne pensez-vous pas que, historiquement, les faits affirment cette affirmation puisque, à part le Québec, il n'y a guère, que je sache, de province où il est possible de s'exprimer en français ou d'apprendre en français?

M. GUINTA: Les expériences que j'ai mentionnées ont été faites dans la province de Québec. Les expériences des autres provinces ne me regardent pas.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Mais, voici... M. HANLEY: Bonne réponse.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... M. Guinta, je comprends très bien que vous vouliez vous en tenir aux expériences que vous avez vécues au Québec...

M. GUINTA: Au Québec, oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... et je vous félicite de posséder trois langues. Mais, il reste que, sous votre texte, il y a un postulat à savoir que, si nous n'établissons pas ici des conditions qui favorisent aux immigrants la connaissance de l'une ou de l'autre langue, ils s'en iront dans d'autres provinces où il est plus facile...

M. GUINTA: Oui.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): ... d'apprendre la langue qu'ils auraient choisie.

M. GUINTA: Je vais vous donner un exemple.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Voulez-vous parler de la Colombie canadienne, de la Saskatchewan, du Manitoba, de l'Ontario, de l'Ile-du-Prince-Edouard, de Terreneuve, etc?

M. GUINTA: Oui, mais je parle d'un immigrant d'origine italienne. Lorsque l'Italien arrive à Montréal, au Canada — il le sait d'ailleurs en partant de l'Italie — qu'il faut qu'il apprenne le français. Il faut qu'il apprenne à lire et écrire le français. Mais, il aimerait apprendre les deux langues. Cependant, sa préférence va à la langue française. L'Italien sait, en entrant ici au Canada, qu'il préfère parler le français. Il veut l'apprendre, éventuellement, mais il ne veut pas être forcé à l'apprendre. Si vous prenez un enfant et que vous lui dites de faire ceci, l'enfant fera tout de travers. Si vous prenez un enfant par la douceur, il fera tout ce que vous voudrez et vous n'aurez pas de misère avec lui.

Si vous dites à un enfant: Tu apprendra ceci, cela ira. Mais, si vous le prenez avec un bâton et que vous le frappez, il ne le fera pas.

M. HANLEY: Avez-vous d'autres questions, messieurs? Vous pouvez faire des remerciements à tous les membres du comité.

M. GUINTA: Oui. Je tiens à remercier M. le Président, M. le ministre et M. Tremblay de votre gentillesse personnelle. Bonjour et merci beaucoup. Thank you, friends, it is very nice to be with you.

M. HANLEY: Excellent.

M. LE PRESIDENT: Revenez encore. M. René Labrosse, s'il vous plaît. Il a demandé de faire cela tout de suite.

M. René Labrosse

M. LABROSSE: M. le Président, messieurs les membres du comité...

M. LE PRESIDENT: M. Labrosse, voulez-vous identifier le groupe que vous représentez? Et sa nature?

M. LABROSSE: Je représente la section du Québec de l'Association nationale Pro-Canada qui groupe tous les citoyens qui veulent participer à la formation de leur pays et qui sert de point de rencontre et de porte-parole à tous les citoyens canadiens conscients de leurs responsabilités.

Je pourrais peut-être vous donner un aperçu de mon passé. Je suis fils de cultivateur. J'ai travaillé sur la terre. Je suis comptable agréé. Pendant 25 ans, j'ai agi comme secrétaire, secrétaire-trésorier, gérant et vérificateur de corporations municipales et scolaires. Je vous parle aujourd'hui au nom de l'association ProCanada.

Nous vous remercions tout d'abord pour l'occasion que vous nous avez accordée de vous présenter notre point de vue sur un problème d'actualité.

On m'a délégué pour vous présenter notre point de vue concernant le bill 85 que le gouvernement se propose d'adopter afin de légiférer sur la question du problème linguistique et scolaire qui se pose présentement dans le Québec et dont les objectifs sont les suivants: lo) Encourager les immigrants à apprendre la langue française dans le Québec, tout en leur laissant la liberté de choix; 2o) Sauvegarder le droit des parents de décider du choix des écoles pour leurs enfants; 3o) Former un organisme qui permettra aux parents d'en appeler au gouvernement dans les cas où la commission scolaire locale ne leur donnerait pas justice.

Permettez-moi, M. le Président, de vous féliciter pour la façon objective et constructive dont vous vous proposez de résoudre le malaise qui existe présentement. Il va sans dire que nous appuyons les mesures contenues dans votre bill et nous osons espérer qu'elles pourront être mises en vigueur promptement. Nous déplorons le retard et le délai qui se sont produits dans l'adoption de telles mesures, par suite des inquiétudes et de la confusion dans l'esprit de certaines personnes qui, à notre point de vue, n'ont pas le droit d'infliger à toute une population des ennuis de ce genre.

Afin de ne pas abuser du temps de votre comité et de laisser aux autres groupes l'occasion de se faire entendre, nous serons aussi bref et aussi précis que possible dans les quelques commentaires que nous désirons faire sur chacun des trois points principaux du bill, c'est-à-dire l'immigration, le droit des parents et la responsabilité des commissions scolaires.

Au sujet de l'immigration, nous nous sommes posé les questions suivantes. Qu'est-ce qu'un immigrant? Quelles sont ses aspirations? Pourquoi veut-il changer de pays? Pourquoi sommes-nous intéressés à lui et que devons-nous faire?

Le dictionnaire Larousse dit qu'un immigrant est celui qui vient de l'étranger dans un pays pour l'habiter. C'est une description brève, mais tout à fait précise.

Pensons à cette personne qui, pour une raison ou pour une autre, décide de laisser son pays, ses parents, ses amis, son chez-soi pour se transplanter dans un autre monde. La connaissance qu'elle possède de son nouveau pays n'est bien souvent que superficielle. Elle a pu lire des

livres ou des brochures de propagande et elle est convaincue qu'elle aimera le produit qu'on lui a offert.

L'immigrant européen ou africain pense en premier lieu en terms de continent. Dans notre cas, il pense à l'Amérique du Nord. Il connaît les Etats-Unis d'Amérique et comme l'un d'entre eux me le disait, il a un vague aperçu du Canada comme étant un territoire de l'Amérique situé au nord des Etats-Unis. Par conséquent, il décide d'aller à un de ces deux endroits. Plusieurs choses peuvent influencer sa décision. Soit des amis ou des parents qui sont déjà établis en Amérique et qui l'encouragent à faire le changement qui lui apportera le succès. Son désir de changer de pays, en premier lieu, peut varier.

Il peut être causé par l'instabilité de l'économie de son pays natal, par un niveau de vie moins élevé, par le manque d'opportunités, par la guerre, par le chômage et par le manque de liberté, Il voit l'Amérique, le Canada, comme des endroits — c'est ce qu'on lui a déjà dit — où il pourra trouver la liberté, des opportunités d'avancement, la paix, le travail et où il pourra jouir des grands espaces et du haut niveau de vie. Il prend alors une décision importante. Comme Canadiens, sommes-nous intéressés à cette personne? La réponse doit être oui, évidemment. Nous sommes intéressés à cette personne non pas par compassion, mais plutôt pour la contribution qu'elle apportera à notre pays. Nous sommes intéressés 3 son travail, à ses connaissances, à sa dextérité et à son désir de faire partie de la vie canadienne. Sa culture est aussi une contribution importante, mais elle n'est pas essentielle au développement culturel et artistique du Canada. En effet, nous ne sommes pas et nous ne devons pas être nécessairement une copie d'un autre pays, mais nous devons être plutôt, et nous sommes, une nation et un peuple nouveau et distinct.

Nous sommes entièrement d'accord avec votre bill 85 à l'effet qu'un effort sérieux et constant doit être fait pour encourager les nouveaux venus à se joindre à la population française de notre pays, que ce soit au Manitoba, dans le nord de l'Ontario, dans le Québec, au Nouveau-Brunswick ou ailleurs. Une collaboration étroite devra toujours exister entre le gouvernement fédéral et le gouvernement des autres provinces pour renforcer la partie française de notre système canadien, tout en respectant la partie anglaise.

Québec a la responsabilité de diriger et de coordonner le maintien de la langue française comme étant une distinction réelle de la citoyenneté canadienne dans un continent nord- américain. Des progrès considérables ont été accomplis au cours des dernières années vers l'expansion de la langue française dans la province ainsi qu'au-delà des cadres de la province. Il ne faudrait pas, maintenant, sacrifier et perdre ce que l'on a acquis et, sacrifier en même temps notre liberté, notre mode de vie démocratique, notre politique d'immigration objective, bien avisée, éclairée et productive à un esprit de clan moyenâgeux. Nous appuierons tous les efforts qui seront faits dans cette province afin d'encourager et d'inviter les nouveaux arrivés à se joindre à la communauté française.

Notre support ne consistera pas seulement dans la distribution de dépliants, dans des promesses qui ne seront pas tenues ou dans des grands discours, mais nous tâcherons de créer, dans l'esprit des nouveaux venus, un désir d'appartenance. Nous condamnons la force sous tous ses aspects, ainsi que tous les efforts qui pourraient être faits pour enrayer la liberté individuelle.

Permettez-moi de vous faire remarquer aussi que 80% des nouveaux citoyens québécois nous arrivent d'autres parties du Canada ainsi que des Etats-Unis. Nous devons accorder à cette source d'immigrants le même encouragement, la même assistance et la même compréhension vers l'intégration à notre population française.

Agir autrement contribuerait à la création d'une réserve ou d'un ghetto qui pourrait devenir le problème majeur de l'Amérique du Nord d'ici 25 ans. Ceci condamnerait des générations à ne jouer qu'un rôle secondaire en Amérique et par conséquent empêcherait notre population de participer pleinement aux bénéfices et au développement de notre Canada dans le deuxième centenaire, que toutes les nations de l'univers reconnaissent comme étant immense. Le bill sur la manière de traiter les immigrants est, à notre avis, réaliste. C'est cependant un premier pas qui doit être suivi de règles et de règlements qui permettront d'atteindre méthodiquement le but visé. Par conséquent, afin d'avoir du sens, le bill devra être suivi de règles et de règlements appropriés.

C'est pour cette raison que nous avons essayé d'exprimer nos idées et notre point de vue brièvement afin qu'ils puissent servir dans l'élaboration des directives que vous aurez à préparer pour l'application de ce bill.

En résumé, ce que nous avons voulu dire, c'est ceci: L'immigrant sera appelé à vivre la vie des Canadiens. Comme tel, il pourra aussi bénéficier de tous les droits de citoyenneté des Canadiens, Il doit, sans aucun doute, avoir la même liberté que ses concitoyens, Il ne fera

partie que de la nation canadienne. Il sera l'égal et non pas une partie seulement de ce qu'on appelle la majorité ou la minorité. Autrement dit, il vivra la mime vie que vous et moi.

Au sujet de la liberté des parents et le devoir des commissions scolaires, en ce qui concerne les commissions scolaires et les amendements qu'on apporte à la législation existante, concernant leurs responsabilités, nous sommes d'accord»

Nous insistons sur l'obligation que doit avoir le ministère de l'Education, par l'entremise des commissions scolaires, de fournir aux parents la liberté de faire instruire leurs enfants dans la langue de leur choix, c'est-à-dire l'anglais ou le français.

Quel que soit ce choix, nous croyons aussi que les enfants, une fois que leur cours sera terminé, devront posséder une connaissance utile et pratique de l'autre langue. Cette liberté, qui a toujours existé dans notre province dans le passé, ne doit pas disparaître. Malheureusement, pour certaines personnes, la liberté telle qu'elles la conçoivent, est semblable à la liberté d'un troupeau qui descend rapidement une colline à pic pour aller se blottir dans l'océan et, par conséquent, se noyer. Nous croyons que la vraie liberté n'est valable qu'en autant qu'elle se fait dans l'ordre, la justice et le bon sens; que cette même liberté existe seulement dans l'ordre et la vertu et qu'elle ne peut exister sans ces deux qualités qui engendrent de bons gouvernements et des gouvernements stables. C'est Rousseau qui disait « qu'un pays ne peut pas bien subsister sans la liberté et que la liberté ne peut exister sans la vertu. »

La Commission Laurendeau-Gagnon-Dunton a donné des précisions sur l'application du principe. Pour être bref, nous nous contenterons de dire que nous endossons ces recommandations et que nous reconnaissons la justice et le réalisme qu'apporterait au problème le comité linguistique proposé par le bill. Disons, en passant, qu'il sera essentiel que les membres de ce comité soient aussi larges d'esprit et aussi compréhensifs que l'est le premier ministre actuel, en traitant des problèmes auxquels ils ont à faire face, de même que dans les recommandations qu'ils auront à faire au gouvernement.

De par sa nature et par sa raison d'être, la commission scolaire, tout en étant l'administrateur local du secteur public de l'éducation, doit aussi représenter la population dans son milieu. Cette commission n'a aucun mandat pour s'ériger en dictatrice ou pour imposer à la population l'opinion personnelle de ses mem- bres. Certes, les commissions scolaires ont des droits bien énoncés dans les règlements de l'Instruction publique. Nous n'avons aucune querelle de ce côté, mais nous disons qu'avec nos droits il y a aussi des devoirs; le moindre de ces derniers n'est certes pas le respect des droits légaux ou acquis des parents.

Notre démocratie, notre justice, notre sécuté, nos institutions se doivent de reconnaître le droit de l'individu. Or, les parents sont incontestablement des individus ayant des droits. Donc, la commission scolaire, qui est une institution dans le contexte de notre société démocratique, a le devoir de reconnaître le droit des parents. Il ne s'agit ni de vouloir, ni de pouvoir, mais il s'agit bel et bien de devoir incontestable. Ni le gouvernement canadien, ni le gouvernement de la province de Québec ne pourrait se permettre de légiférer à l'extérieur des cadres de notre démocratie ou de notre code social, car se serait violer leur mandat respectif. Est-ce logique de penser que le gouvernement, qui doit reconnaître l'individu et ses droits, pourrait permettre à ses institutions ou à ses représentants de violer ce principe?

Il est très intéressant de noter que tous ces individus, dans les commissions scolaires et ailleurs, qui insistent sur l'unilinguisme, sont eux-mêmes bilingues. Par conséquent, comme individus, ils n'ont rien à perdre. Egoïstes et étroits d'esprit, ils sont absorbés par leur propre importance, se permettant de refuser aux autres ce dont ils ont eux-mêmes bénéficié.

La liberté de l'homme doit se terminer, à notre point de vue, lorsque cette liberté devient un obstacle pour ses voisins.

Il ne faudrait pas oublier non plus que la liberté est le droit que nous avons de faire ce que la loi permet. Si un citoyen, agissant comme commissaire ou individuellement, pouvait faire ce que la loi défend, ce serait alors la fin de la liberté parce que les autres posséderaient aussi ce même pouvoir.

Une commission scolaire qui insiste sur l'unilinguisme est une commission moribonde et responsable d'un acte criminel, de par le fait qu'elle veut priver le petit Canadien français de son droit d'user — et de partager à pleine mesure — de la vie canadienne et des avantages du continent nord-américain en lui enlevant l'outillage nécessaire à son émancipation. C'est un crime. C'est un viol du citoyen de cette province. C'est créer des orphelins pour l'avenir, et ce même crime est, à notre avis, des plus punissables. Mein Kamph énonçait ces mêmes principes de pureté raciale.

Nous croyons que le temps est venu de cesser de penser en termes de minorité ou en terme de

majorité, ou encore de penser en termes de Canadien anglais ou en termes de Canadien français, pour penser et nous comporter comme des Canadiens, tout simplement. Des Canadiens 3 chances égales.

Par conséquent, avec un peu de bonne volonté de part et d'autre, il nous serait possible d'instituer une programme d'éducation pour nos enfants dans les deux langues principales du pays et d'éliminer les écoles anglaises, les écoles françaises, les écoles catholiques ou les écoles protestantes pour n'avoir qu'une seule école où les enfants pourraient s'instruire en anglais ou en français, ainsi que dans la religion de leur choix et apprendre aussi d'autres langues, s'ils le désirent, de sorte que nos élèves, à la sortie l'école seraient bilingues. Cela n'empêcherait aucunement le développement de la francophonie, ni le développement de l'anglophonie, ni le développement de n'importe quel autre mouvement semblable que l'on désirerait voir évoluer. Tout au contraire.

Nous croyons que cette théorie n'est pas seulement logique, mais qu'elle est remplie de bon sens. Nos Canadiens s'adapteraient vite à cette pensée et en deviendraient par conséquent plus heureux, plus efficaces et plus prospères.

Puisque notre province et notre pays tout entier ont une pénurie de techiniciens et de personnes compétentes dans toutes les sphères de la société, nous croyons que c'est en nous groupant et en nous comprenant de part et d'autre, plutôt qu'en nous disputant, que nous obtiendrons le plus haut degré de prospérité et de bonheur pour tous.

Comme la Commission royale d'enquête du Québec sur l'éducation disait dans son rapport: « C'est la responsabilité de l'Etat démocratique de permettre la diversité en évitant le chaos, de respecter tous les droits en évitant les abus, de garantir des libertés à l'intérieur du bien commun ». Nous appuyons cette affirmation et encourageons le gouvernement à agir en conséquence.

En conclusion, nous recommandons: 1) L'adoption du bill 85 comme premier pas vers l'ordre et le bon sens; 2) L'étude de l'élaboration d'un programme pour mettre sur pied un système d'éducation scolaire dans les deux langues de sorte que nos élèves soient bilingues à la sortie de l'école; 3)L'élaboration d'un projet ou d'un programme qui pourrait encourager tous nos citoyens à se comporter comme des Canadiens, car c'est en agissant de la sorte qu'ils pourront jouir de la plus grande liberté possible.

Respectueusement soumis,

Association Pro-Canada, par René Labrosse.

M. CARDINAL: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Oui, M. le Ministre.

M. CARDINAL: J'aurais quelques questions à poser. Vous dites que vous représentez la section du Québec de l'Association nationale ProCanada qui groupe tous les citoyens qui veulent participer à la formation de leur pays, etc...

Combien de membres représentez-vous?

M. LABROSSE: M. le Président, je ne saurais vous dire combien de membres nous représentons. Nous avons des sections de l'Atlantique au Pacifique.

M. CARDINAL: Au Québec?

M. LABROSSE: Je n'ai pas de chiffre, malheureusement.

M. CARDINAL: A peu près?

M. LABROSSE: Je pourrai vous le fournir...

M. CARDINAL: Est-ce que c'est 100, 1,000, à,000 ou à,000,000?

M. LABROSSE: Je n'ai pas de chiffre dans le moment, M. le ministre.

M. CARDINAL: C'est assez surprenant, vous ne trouvez pas?

M. LABROSSE: De toute façon, permettez-moi de vous dire que, comme citoyen et contribuable de la province de Québec, en mon nom personnel, je vous soumets respectueusement ces recommandations. J'apprécierais que vous les acceptiez comme telles.

Quant au nombre de nos membres, il me fera plaisir de demander à notre secrétaire de vous renseigner le plus tôt possible.

M. CARDINAL: M. le Président, j'aurais une deuxième question à poser.

A la page 7, vous proposez que soient abolies les écoles anglaises, les écoles françaises, les écoles catholiques, les écoles protestantes. Qu'est-ce que vous proposez, exactement, pour remplacer ce qui existe?

M. LABROSSE : Je n'ai pas de solution précise à vous soumettre. Seulement, nous croyons qu'avec la collaboration et la compréhension des membres des deux races, anglaise et française, de notre province, il nous serait probablement possible d'instituer un système scolaire par

lequel nous aurions une école et une commission scolaire où les deux langues seraient enseignées. Cela ne veut pas dire que, dans un endroit où tous les élèves sont anglais ou français, tout se ferait en anglais ou vice versa. Mais nous pensons à demain, nous pensons à plus tard.

Pour notre part, nous vous encourageons à améliorer la langue française et à inciter les immigrants à s'intégrer au milieu français dans le Québec, mais nous croyons que si nous pouvions trouver un moyen... Quel est-il, ce moyen-là? Peut-être qu'il surviendrait à la suite de discussions et d'études.

Vous imaginez-vous ce qui se passerait si nous avions une commission scolaire, par exemple, qui instruirait nos élèves dans les deux langues? Eventuellement, nos prolèmes linguistiques se résoudraient. Automatiquement!

M. LESAGE: Comment pouvez-vous enseigner dans les deux langues simultanément?

M. LABROSSE: Voici. Le but que nous visons, c'est qu'à la sortie de l'école, nos élèves soient bilingues. On me dit que, dans certaines parties de l'Europe, les élèves sont instruits dans les deux langues. De quelle façon ou comment? Je ne le sais pas, mais, s'il y avait un moyen par lequel on pouvait éduquer nos enfants dans les deux langues de sorte que, lorsqu'ils sortiraient de l'école, ils seraient bilingues, est-ce qu'automatiquement on ne réglerait pas une grande partie des problèmes actuels?

M. LESAGE: Les autorités dans le domaine de l'éducation dans le monde entier nous ont prouvé, je crois, qu'un système d'enseignement où l'on se sert d'une langue principale et d'une langue seconde est de beaucoup supérieur à tout ce qui peut exister dans une école où certains sujets sont enseignés dans une langue et certains sujets dans l'autre.

M. LABROSSE: C'est bien possible.

M. LESAGE: Ce qui n'empêche pas quelqu'un de devenir bilingue, même s'il ne l'est pas parfaitement.

Je puis m'exprimer, pour ma part, assez facilement dans les deux langues et j'ai fait mes études en français, apprenant l'anglais comme langue seconde.

M. LABROSSE: Parfait, mais ce que nous voulons dire, c'est que si nos élèves, à la sortie de l'école, pouvaient être bilingues, nous croyons qu'il y aurait là, déjà, une grande amélioration.

M. LESAGE: Comprenons-nous bien, M. Labrosse, c'est simplement sur la méthode d'y arriver que nous...

M. LABROSSE: La méthode. Malheureusement, je dois m'incliner et avouer que je n'ai pas de réponse précise. C'est un idéal, disons, que nous viserions.

M. PAUL: Est-ce que ce mode d'éducation serait uniforme pour le pays?

M. LABROSSE: Sûrement, en pricipe; pourquoi pas?

M. PAUL: Qui relèverait de quelle autorité, à ce moment-là?

M. LABROSSE: M. le Président, je devrais vous dire aussi que mon mandat, aujourd'hui, ne consiste pas à faire une discussion ou un débat. J'ai été autorisé à vous soumettre ces points de vue. C'est peut-être un point de vue idéaliste dans bien des cas, mais nous n'avons pas étudié de modalités.

M. PAUL: Est-ce que vous avez des adeptes qui partagent les mêmes idées, dans les autres provinces?

M. LABROSSE: Absolument, en grand nombre.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Labrosse, je voudrais revenir à une question qui a été posée par mon collègue, M. Cardinal. Vous représentez une association, l'association Pro-Canada, dont vous n'avez pu nous dire de combien de membres elle se composait. Est-ce qu'il y a une section française et une section anglaise dans cette association?

M. LABROSSE: Oui, Bien voici, je vais vous donner les noms, par exemple, de certains membres de la section du Québec que je représente. Nous avons M. Guy Ouellet, M. Tippett, Mlle Daoust, M. Saint-Amour, M. Labrosse, le docteur Calder, M. Séguin qui est membre de l'Assemblée nationale, ici, et plusieurs autres dont vous entendrez certainement parler bientôt.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Maintenant, est-ce que votre mémoire a été rédigé conjointement par les deux parties de votre association?

M. LABROSSE: Les deux, les deux.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Alors, c'est une version bilingue en quelque sorte.

M. LABROSSE: Absolument, absolument.

M. PAUL: Est-ce qu'il a été soumis aux branches des autres provinces de votre association?

M. LABROSSE: Je ne saurais dire si le secrétaire l'a envoyé à ce moment-ci. Je ne crois pas qu'il soit parvenu à tout le monde.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Labrosse.

Numéro 13, M. Donald Smith, PACE.

UNE VOIX: PACE, si vous parlez l'italien; cela veut dire peace en anglais.

M. Donald Smith

M. SMITH; M. le Président, je m'appelle Donald Smith. Je suis le porte-parole de l'Association des parents catholiques anglophones de la province de Québec, autrement dit les Irlandais. Nous sommes une fédération composée de 123 associations locales et nous sommes incorporés en vertu de la Loi des compagnies du Québec. Nous étions autrefois connus sous le nom Federation of Catholic Parent Teachers' Association of Quebec Incorporated.

Nous sommes en activité depuis quinze ans; notre président est M. J. James McPhee et notre adresse est 454 ouest, boulevard Dorchester, Montréal.

M. le Président, nous n'avons pas l'intention d'essayer de conseiller les législateurs aujourd'hui sur la manière de rédiger le bill 85, parce qu'ils sont mieux placés que nous pour mener cette tâche à bien. Pour cette raison, nous continuerons notre exposé en un mémoire des objectifs, et nous n'allons offrir aucune critique sur la rédaction du bill. Nous avons toujours l'espoir que les membres du comité vont accepter notre philosophie et vont l'incorporer dans le bill final.

Pour commencer, nous tenons à vous dire que nous croyons fermement que la vraie question à résoudre aujourd'hui n'est pas vraiment celle des droits linguistiques de la minorité. Au contraire, c'est celle de l'avenir de la langue française au Québec et au Canada.

Le problème des droits de la minorité anglaise, c'est-à-dire anglophone, n'aurait pas surgi si rien ne menaçait l'existence de la langue française. Nous reconnaissons qu'à moins d'une action concrète de la part du gouverne- ment provincial dans un avenir prochain pour renforcer l'existence de la langue française, celle-ci est menacée d'un danger de mort, c'est-à-dire qu'elle deviendra graduellement une langue seconde pour la majorité des Québécois, comme elle l'est déjà pour les Canadiens français du reste du Canada. Je peux parler avec une expérience personnelle parce que je suis né en Saskatchewan. Ceci est renforcé par le fait que la langue des affaires et de l'industrie, des communications et de la vente au détail est toujours anglaise dans la province de Québec. Ce qui signifie que tous les immigrants qui viennent dans la province insistent naturellement pour recevoir une éducation en langue anglaise afin de s'assurer un moyen de vivre. Vu que le- taux de natalité n'augmente pas parmi les Canadiens français pour plusieurs raisons — les faits sont très évidents — le français deviendra probablement une langue minoritaire dans les villes telles que Saint-Léonard, par exemple, à Montréal, et éventuellement dans la province de Québec.

Son usage deviendrait graduellement secondaire et son importance comme moyen de communication et véhicule de la culture s'affaiblirait. L'entité canadienne-française dépérira éventuellement. De plus, la caractéristique du bilinguisme canadien dont nous sommes tous si fiers, nous les anglophones et qui démontre au reste du monde l'exemple de deux races qui vivent ensemble dans une harmonie relative, n'existera plus. La présence du Canadien français, qui a rendu possible la réalisation d'une oeuvre aussi remarquable que l'Expo 19G7, par exemple et qui nous a donné des personnalités telles qu'Henri Bourassa, Wilfrid Laurier et Louis Saint-Laurent, diparaîtra. Notre identité se rapprochera de celle des Américains.

La situation que je viens de décrire n'est sûrement pas chose nouvelle pour les membres du comité. Mais nous désirons enregistrer aujourd'hui le fait que l'APAC, l'Association des parents anglophones catholiques, considère comme fondamentale cette question en litige aujourd'hui.

Vu que le problème ci-dessus mentionné est si aigu, quelques-unes des solutions suggérées pour y remédier deviennent urgentes. C'est d'autant plus une raison pour que le problème reçoive une attention immédiate.

Par exemple, la commission scolaire de Saint-Léonard a été jusqu'à abolir l'enseignement en langue anglaise dans ses écoles catholiques. A notre connaissance, c'est la première fois qu'une commission scolaire catholique canadienne-française a refusé à cause de la langue, un enseignement catholique à des

étudiants catholiques confiés à ses soins. A notre point de vue, ceci a créé un autre problème qui a aussi nui à l'avenir de la province et du peuple canadien-français. Voici une commission scolaire locale possédant, de par la loi, une autonomie et les possibilités de l'utiliser convenablement et qui a décidé de limiter les droits culturels, linguistiques et religieux de certains citoyens au nom de la liberté de la majorité. Elle a décidé que tous les enfants catholiques devraient s'intégrer à la culture française. Ceci limite aussi la liberté de pratique religieuse, puisque tous ceux qui insistent pour avoir une éducation anglophone se voient obligés d'envoyer leurs enfants dans des écoles protestantes au détriment de la religion catholique.

M. le Président, la décision de la commission de Saint-Léonard ne serait pas trop importante, n'était le fait qu'elle n'a pas encore été révoquée par l'autorité gouvernementale. A notre point de vue, aucune commission scolaire ne devrait établir une politique linguistique gouvernementale. Cependant, comme aucune action n'a été prise, le doute a surgi. Le résultat a été extrêmement fâcheux pour la province et pour la réputation des Canadiens français.

A travers le Canada, et même à l'extérieur du Canada, on se passe le mot que la liberté de la langue et de la religion a subi certaines restrictions au Canada français et que les autorités gouvernementales semblent impuissantes à arrêter cette situation. Une relativement peu importante petite commission scolaire est en train de créer un manque de confiance sérieux en l'avenir pour la population non-francophone du Québec. Le Canada a toujours joui d'une réputation sans tache de protection de la liberté individuelle. Nos rivages accueillent tous ceux qui veulent échapper à la tyrannie et à l'oppression. Actuellement, au Québec, on leur nie le droit de s'instruire dans la langue officielle de leur choix. De plus, plusieurs sont obligés d'abandonner la religion catholique afin de s'instruire en langue anglaise.

Les parents anglophones de la province de Québec croient sincèrement, M. le Président, que le gouvernement n'a pas l'intention de permettre à une commission scolaire comme celle de Saint-Léonard d'établir la politique linguistique dans les écoles ni de permettre cette restriction à la liberté individuelle linguistique et religieuse qui doit continuer à s'exercer à l'intérieur de ses frontières.

Le bill 85, bien qu'imparfait, a mérité notre confiance. L'intention du gouvernement est claire. Nous l'en félicitons. Cependant, nous ne sommes pas très enthousiastes quand aux termes du bill et la manière proposée pour résoudre le problème. Nous aimerions recommander:

Premièrement, que le bill 85 soit une mesure pour empêcher les commissions scolaires de la province d'abolir l'enseignement en langue anglaise dans les écoles catholiques. Mais le bill 85 ne devrait pas se préoccuper du problème plus que fondamental de l'avenir de la langue française afin de satisfaire quelques groupes extrémistes qui sont pressés.

Deuxièmement, que les législations nécessaires pour préserver la langue française soient présentées seulement après que la commission royale d'enquête engagée à cette fin aura étudié le problème, entendu des groupes anglophones et francophones et fait ses recommandations. La question entière mérite une attention beaucoup plus grande qu'un bill hâtif.

Troisièmement: Les parents anglophones catholiques vont étudier la question linguistique avec attention et se proposent d'offrir les opinions des membres de l'association à la commission royale d'enquête en temps opportun. Cependant, il est beaucoup trop tôt pour présenter des solutions concrètes au problème de la préservation de la langue française au Québec. C'est ce que nous pensons de la situation. Plusieurs suggestions et idées ont déjà été discutées dans les milieux de l'Information et ailleurs ces derniers mois. Des dialogues se poursuivent. A condition qu'il ne conduise pas à des solutions extrêmes telles celle de Saint-Léonard, le dialogue est profitable pour nous tous. Parmi les idées qui seront suggérées à nos membres pour les discussions il y a, par exemple, l'enseignement obligatoire de la langue seconde dans toutes les écoles du Québec, anglaises et françaises. Ainsi, les étudiants résidant au Québec pour une période de temps raisonnable deviendront bilingues avant de terminer leurs études secondaires.

M. le Président, nous comprenons très bien que pour un élève transféré de Vancouver, par exemple, en onxiême année de l'école secondaire, il est un peu difficile d'apprendre le français en un an. Mais il y a moyen d'établir un programme raisonnable. C'est notre point de vue.

Autre possibilité, des prêts spéciaux du gouvernement pour permettre aux étudiants non francophones de continuer leurs études dans les universités françaises s'ils le désirent. Moi-même, si vous donnez un prêt spécial du gouvernement à mon garçon, je vais l'envoyer à l'université française.

Peut-être aussi une campagne gouvernementale intensive et prolongée afin d'encourager

l'usage de la langue française dans l'industrie québécoise, la publicité, la vente au détail, les affaires sur une échelle plus étendue qu'à l'heure actuelle.

Je suis membre de l'industrie de la publicité. Je crois sincèrement que si le gouvernement prenait le temps d'utiliser les moyens de publicité connus aujourd'hui, les « public relations », il y aurait moyen de renforcer la langue française dans la province de Québec. Je crois que ce n'est qu'une question de moyens.

M. le Président, toutes ces idées et ces considérations devraient être interprétées seulement dans le contexte de notre politique. Mais je vous la résume de nouveau au cas où vous ne l'auriez pas comprise.

Premièrement: Que tous les parents aient le droit de choisir la langue officielle et la religion dans lesquelles ils désirent faire instruire leurs enfants.

Deuxièmement: Que tous les étudiants terminent leurs études avec une connaissance suffisante du français et de l'anglais.

Troisièmement: Que l'administration de l'éducation sur les bases linguistiques n'est pas une solution acceptable. Là, je réfère au fameux « Dual language brief » qui a été présenté par nos confrères protestants, dont je vais parler tout à l'heure.

Quatrièmement: Que PACE désire une éducation catholique pour nos enfants catholiques.

En résumé, M, le Président, nous recommandons que le bill 85 soit une mesure destinée seulement à empêcher les commissions scolaires du Québec de refuser l'éducation dans la langue anglaise aux parents qui l'ont choisie pour leurs enfants.

Nous recommandons que la législation pour stimuler et préserver la langue française au Québec ne soit ébauchée qu'à la suite d'études sur la question par la commission royale et après que cette dernière aura fait ses recommandations. Une législation antérieure serait hâtive et de mauvais conseil.

Nous sommes concernés par la situation à Saint-Léonard, non seulement pour nous mêmes. Celle-ci affecte sérieusement l'image du Québec, au Canada et à l'étranger. Une solution nette, sous la forme d'une législation, est urgente, M. le Président.

PACE désire rappeler aux membres du comité qu'il favorise l'adoption des recommandations de la Commission Parent pour un système unifié des commissions scolaires, c'est-à-dire non pas une commission scolaire anglaise et une autre française, ni une commission scolaire catholique et une autre protestante. Nous croyons sincèrement que la commission scolaire unifiée proposée par la Commission Parent est la seule solution.

Nos raisons découlent du fait que nous croyons qu'un système séparé sur une base linguistique, par exemple, ne servira qu'à élargir le dangereux fossé déjà existant entre la population anglophone et la population francophone du Québec. Une telle éventualité serait désastreuse. Nous croyons aussi que l'éducation catholique se détériorera sous un système de deux langues et que les écoles aux confessions multiples, les « multiconfessionnal schools », deviendront bientôt des écoles neutres.

Nous recommandons, par conséquent, que la meilleure solution au problème de Saint-Léonard serait une législation immédiate pour rendre effectives les recommandations du rapport Parent pour le système unifié. La résolution de Saint-Léonard cesserait ainsi d'exister, de même que toutes les résolutions semblables.

Nous vous remercions, M. le Président, de nous avoir donné l'occasion de soumettre nos opinions.

M. LE PRESIDENT: Merci, M. Smith. Quelqu'un a-t-il des questions à poser à M. Smith? M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: M. Smith, on dit souvent que la crainte, c'est le commencement de la sagesse. Je m'étonne un peu, pour ma part, et cela va peut-être vous surprendre vous-même. Peut-être trouverez-vous que ça devrait nous faire plaisir de voir autant de « compréhension » dans votre mémoire en rapport avec les problèmes du français dans le Québec. A la page un de votre texte français, je me demande si vous n'exagérez pas la situation lorsque vous dites, par exemple, que la langue des affaires, de l'industrie, de la publicité, des communications et de la vente au détail est invariablement l'anglais. Etes-vous certain de ça? Sur quoi vous basez-vous pour prévoir que le français deviendra probablement une langue minoritaire dans les villes, à Montréal, par exemple, et éventuellement dans toute la province? Est-ce que, vraiment, ce ne sont pas là des projections qui sont basées sur des approximations plus que sur des statistiques valables au point de vue démographique? Enfin, je serais intéressé à connaître les bases sur lesquelles vous fondez un jugement aussi pessimiste?

M. SMITH: Je ne peux pas référer aux statistiques démographiques, mais je dois vous faire réaliser que nous demeurons aujourd'hui dans ce qu'on appelle « the global village ». La question de la langue française et le problème

des immigrants se sont présentés seulement, de mon point de vue — je suis au Québec depuis environ dix-huit ans — dans les dix dernières années. Les communications électroniques vont changer notre vie et nous ne réalisons pas aujourd'hui combien cela va changer la vie. A notre point de vue, M. le Président — le comité exécutif de « PACE » est d'accord — la situation est aussi sérieuse qu'on vous le dit. Seulement, depuis cinq ou dix ans, déjà, le problème est devenu tellement sérieux que c'est rendu à l'attention du gouvernement et à l'attention des groupes extrémistes qui prennent les mesures extrêmes pour trouver une solution à la situation.

Je ne crois pas que nous sommes pessimistes; je crois qu'il vaut mieux regarder la situation en face et faire quelque chose de réaliste, avant qu'il soit trop tard.

M. LEFEBVRE: M. Smith, je regrette de ne pas avoir les chiffres ici, mais le meilleur démographe que je connaisse dans le Québec, dont les services ont été, d'ailleurs, retenus par le gouvernement, c'est M. Jacques Henripin. Les projections qu'il a publiées l'an dernier, concernant la situation relative des gens de langue française et des gens de langue anglaise dans le Québec, sont infiniment moins alarmistes que les phrases que je retrouve aussi bien dans votre mémoire que dans un certain nombre de déclarations sur le sujet provenant de différents groupes»

Remarquez bien que ce n'est pas du tout pour mettre en doute vos bonnes intentions, mais il me semble — et c'était le sens de ma question et de ma remarque — que l'on ne rend service à personne en exagérant les faits. Ce n'est pas nécessaire que le français soit menacé au point où vous le dites pour que nous songions à prendre sa défense et à organiser son expansion. Autrement, si vous admettez une situation alarmante, vous admettez presque, par définition, des solutions extrêmes, des solutions radicales. Alors, encore une fois, je ne crois pas que nous rendions service à qui que ce soit en exagérant une situation de fait.

Pour ma part, je suis montréalais. Ce que j'ai constaté depuis une dizaine d'années, ce n'est pas une régression, mais une expansion du français; aussi bien dans les lieux de commerce, aussi bien par exemple au cinéma, au théâtre, dans une foule de manifestations de la vie, je crois que le français a beaucoup progressé depuis dix ans. Cela ne veut pas dire que la situation est satisfaisante; elle ne l'est pas du tout. A nier l'évidence, à mon avis, et à affirmer que le français est menacé de disparaître à brève échéance, je ne pense pas que nous rendions service à quiconque. Quels que soient les motifs généreux de votre association, je tiens, pour ma part, à titre personnel, à protester un peu contre des affirmations comme celles-là, surtout si elles ne reposent pas sur des faits et sur des statistiques valables.

M. SMITH: Nous vous avons appris aussi, en le disant dans une phrase, que nous comprenions l'avenir de la langue française,, Comme on dit en anglais « let it go attack ». On ne se fait pas d'illusions. Les gens disent: Vous avez de la sympathie, mais vous ne voulez rien faire. Voilà un point que je voudrais préciser. D'abord, il y a, peut-être, une petite exagération pour vous faire comprendre que nous comprenons la situation. Deuxièmement, nous avons des confrères convaincus du contraire et nous, les anglophones catholiques, nous nous croyons peut-être un véhicule pour convaincre nos convaincre nos confrères anglophones, avec une déclaration forte comme la mienne, qu'une situation existe. En effet, en le disant comme il le faut, forcément, on le leur fait comprendre. Cela s'est déjà réalisé.

M. LESAGE: J'ai moi-même exprimé à plusieurs reprises mes inquiétudes en ce qui touche l'avenir du français au Québec et au Canada.

Je l'ai fait en Chambre encore récemment. Mais permettez-moi d'attirer votre attention, comme mon collègue, M. Lefebvre, vient de le faire, sur cette phrase que je lis dans votre mémoire: « This contention is supported by the fact that the language of business and industry, of advertising and communication, of commerce and retailing is invariably English.» Vous avez dit que c'était peut-être une petite exagération. Je pense que vous pourriez aller un peu plus loin et dire que cette phrase n'est pas exacte, qu'elle ne reflète pas la situation que nous connaissons au Québec.

M. SMITH: Je peux parler pour Montréal seulement. J'ai déjà travaillé dans trois différents genres de travail S Montréal. J'ai travaillé dans la publicité, dans les affaires et j'ai été professeur. A mon point de vue, si l'on n'a pas l'habilité de s'exprimer en anglais, aujourd'hui, quand on est Canadien français, italien ou d'une autre nationalité, on perd de 25% à 30% de possibilité de gagner sa vie.

M. LESAGE: Ce n'est pas ce que vous dites dans le mémoire. C'est bien différent, M. Smith!

M. SMITH: Si vous voulez bien me suivre... Quand cela vient à la fin des choses, quand les choses se décident dans les grosses compagnies anglophones, dans quelle langue sont prises les décisions? Je vous le demande. Peut-être le savez-vous mieux que moi. De mon expérience, les décisions sont faites en anglais.

M. LESAGE: Pas invariablement comme vous le dites ici. Et de plus, au point de vue de « l'advertising », eh bien, je pense bien que la presse — parlons de la presse écrite française — son tirage au Québec, est de beaucoup plus considérable que celui de la presse d'expression anglaise.

M. SMITH: D'accord.

M. LESAGE: Pour ce qui est des autres moyens d'information, vous avez beaucoup plus de postes de radio française que de langue anglaise.

M. SMITH: Pour les francophones, c'est mon expérience...

M. LESAGE: Ah oui! Comprenez bien, M. Smith, que je partage vos inquiétudes. J'ai moi-même des inquiétudes, je l'ai dit publiquement et tout le monde sait ce que je pense. C'est que je suis d'accord avec mon collègue, le député d'Ahuntsic, qu'on ne rend service à personne en affirmant des choses qui ne sont pas exactes dans l'élaboration d'un syllogisme.

M. SMITH; Je peux seulement vous répéter que, dans le contexte communications, aujourd'hui, telles quelles sont, elles se font presque toujours en anglais partout en Amérique du Nord et nous courons vraiment le danger que l'anglais devienne la langue unique.

M. LESAGE: Je suis parfaitement d'accord, M. Smith. Comme mon confrère d'Ahuntsic, je n'en avais qu'à cette phrase de trois lignes qu'il vous a lue en français et que je vous ai lue en anglais.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. Smith, j'aimerais faire simplement deux observations. D'abord, rejoignant mes collègues, M. Lesage et M. Lefebvre, je pense que, certainement, il y a beaucoup d'exagération dans l'affirmation que vous avez faite à savoir que, dans le Québec, tout se fait, invariablement, en anglais dans le domaine des affaires, etc. C'est ce que vous avez dit.

Maintenant, j'admire la sollicitude dont vous faites part lorsque vous nous dites que le français est menacé de disparaître. Merci de cette solli- citude, mais je ne pense pas que la solution que vous préconisez soit la bonne puisque vous semblez dire que, pour sauver le français et que pour conserver au Canada et au Québec son caractère, enfin cette richesse du biculturalisme — comme on l'appelle — il faudrait enseigner le français et l'anglais dans les écoles. C'est là une proposition étonnante, sinon aberrante. Si vraiment le français est en régression, je ne pense pas que le bilinguisme vienne apporter quelque secours au français. C'est simplement une observation que je fais. Je ne vous demande pas vos commentaires.

M. SMITH: Permettez-moi de vous répondre que je suis content que les membres de l'Assemblée nationale soient aussi confiants que cela et qu'il semble que la langue française ne soit peut-être pas autant en danger que je l'ai dit...

M. LESAGE: Non, non. M. Smith, encore une fois, vous interprétez mal ce que nous avons dit.

Ce que je vous ai reproché — souvenez-vous bien — c'est d'avoir dépeint une situation d'une façon inexacte pour en arriver à une conclusion que je partage, mais non pas en m'appuyant sur des prémisses comme les faits invoqués dans la phrase que nous avons citée.

M. LEFEBVRE: Pour être tout à fait précis, M. Smith, si ce que vous dites en page 1 était vrai et démontré, pour ma part, je serais favorable à l'unilinguisme.

Mais une des raisons pour lesquelles je ne suis pas favorable à l'unilinguisme, pour ma part — et je pense que c'est aussi le cas dans mon parti — c'est que nous croyons que ce que vous dites et ce que beaucoup d'autres gens disent — enfin beaucoup, dans une population de 6 millions, même s'il y en avait quelques centaines qui disaient une chose à mon avis — il n'y a pas lieu de partir en peur. Mais c'est un fait qu'il y a quelques centaines de personnes, actuellement, qui répètent un point de vue aussi alarmiste que celui que vous avez exprimé. Il y a même des gens autour de la table qui, à l'occasion, ont exprimé des vues qui ressemblaient à celle-là. Et je pense que c'est parce que ces affirmations ne sont pas fondées qu'il n'y a pas lieu, justement, de partir en peur et d'adopter des solutions qui seraient d'un radicalisme aussi inefficace qu'inutile.

Encore une fois, comme disait le chef de l'Opposition, il faut que la conclusion découle des prémisses. Or, la faiblesse, il me semble, de votre position, c'est que vos prémisses justifieraient une autre conclusion.

M. MALTAIS (Limoilou): En fait, M. Smith, on vous dit que vous anticipez peut-être en quelque sorte les conclusions de la commission royale d'enquête. Là, je rejoins mon collègue, le député de Verdun.

M. LESAGE: Non, ce dont nous parlions, les faits mentionnés, cela n'a rien à faire avec la commission!

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Moi, ce sont les moyens qui m'inquiètent! Pour sauver le français, il faut devenir bilingue!

M. THEORET: Dans votre mémoire, M. Smith, à la page 2, vous référant brièvement à Saint-Léonard, vous ajoutez ici et je lis textuellement: « Le Canada a toujours joui d'une réputation sans tache de protection de la liberté individuelle ». J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus parce que je me souviens — depuis cent ans qu'on parle du Canada comme d'une terre de liberté au point de vue linguistique — d'avoir entendu parler d'un certain règlement 17, d'avoir entendu parler de Maillardville. Et ce matin, M. Smith, je ne sais pas si vous étiez là, quand un membre, ici, d'un comité quelconque, d'une association, a présenté son rapport. Je crois que c'est le ministre des Affaires culturelles qui lui a demandé: Aimeriez-vous qu'on traite les anglophones dans Québec de la même façon qu'on a traité les francophones ailleurs, au Canada? Les membres du comité ont été atterrés, estomaqués.

Alors, je vois dans votre affirmation que la liberté semble exister partout, au Canada, excepté au Québec et ce matin, le contraire ne semblait pas prouvé.

M. SMITH: Votre opinion est proche de la mienne.

Je viens de l'Ouest du Canada. Je suis au courant de ce qui se passe dans la province du Manitoba et dans la province d'Ontario. Et je dis à mes confrères, je dis à tous les parents anglophones à qui j'ai le plaisir de parler: Nous ne devons pas dire que l'on doit faire quelque chose ici parce que cela a été fait là-bas. Three wrongs do not make a right!

Au contraire, selon la Commission B & B, nous avons ici, une réputation presque parfaite. Seulement depuis un an, notre réputation a commencé à tomber. D'abord, je dois vous dire, monsieur, que nous devons apprendre quelque chose des leçons qui nous ont été données par la province du Manitoba et par la province d'Ontario. Et si nous faisons un exemple, aussi bien que celui que nous avons fait pour Maillardville, peut-être les autres provinces prendront ce même exemple.

M. THEORET: Je suis bien heureux que vous partagiez mon opinion. Ce n'est pas ce qui est dit dans votre mémoire, et cela pouvait nous induire en erreur.

M. CARDINAL: Une dernière question, M. Smith. Si je comprends bien vos recommandations, vous vous opposez à une division scolaire sur les langues : d'un côté les écoles françaises et de l'autre, les écoles anglaises.

M. SMITH: C'est cela.

M. CARDINAL: Vous vous opposez également à des écoles multiconfessionnelles qui seraient, à la fois, catholiques, protestantes, juives, neutres, etc, en disant que ce sont des écoles neutres. Est-ce que je dois en conclure que vous proposez un système qui serait celui recommandé par le rapport Parent, c'est-à-dire une administration unique, mais au sein de laquelle il y aurait une division par religion?

M. SMITH: Je vais répondre à la première partie de votre question, pour clarifier ma déclaration au sujet des écoles multiconfessionnelles. Premièrement, nous sommes complètement d'accord avec le système unifié présenté par la commission Parent; nous sommes complètement contre le système proposé du « dual language », mais nous comprenons bien que la situation va exiger certaines écoles multiconfessionnelles, spécialement au secondaire.

Pour la deuxième partie de votre question, nous ne voyons aucune division dans le système unifié, ni par la religion, ni par la langue. Tel que présenté par la commission royale, cela fait bien notre affaire. On ne voit de division ni religieuse, ni linguistique dans la recommandation de la commission royale, et nous croyons que, tel que présenté, avec certains changements, vous comprenez, cela sera parfait. La base de ces recommandations, c'est que le choix est dans les mains des parents, et c'est une des principales raisons pour lesquelles nous sommes en faveur de ces recommandations.

M. CARDINAL: Je vous remercie. J'ajouterai, cependant, un commentaire qui vient d'une phrase que vous avez prononcée vous-mêmes. Vous avez souligné que l'attitude d'une commission scolaire comme celle de Saint-Léonard a pour effet que des enfants anglophones et catholiques se dirigent vers les écoles protestantes.

Je suis surpris, cependant, qu'on n'ait jamais souligné au Québec le fait que, dans une région comme celle de Montréal que vous connaissez, il y ait une division entre les catholiques et les protestants, de sorte que tous ceux qui sont francophones et qui ne sont pas catholiques vont nécessairement vers des écoles anglaises.

M. SMITH: D'accord. Je ne peux pas dire autrement.

M. LEFEBVRE: Je ne suis pas sûr, mais il me semble qu'il y a une équivoque dans l'échange de vues entre le ministre et M. Smith. Si j'ai bien lu les recommandations du rapport Parent, pour ma part, J'ai vu que l'on recommandait une administration unifiée au niveau des commissions scolaires, mais non pas au niveau des écoles. Or, à la question du ministre, vous avez répondu que vous étiez favorable à des écoles unifiées. Cependant, d'après les recommandations du rapport Parent, il s'agissait de commissions scolaires uniques, mais où étaient maintenues des écoles françaises, des écoles anglaises, des écoles catholiques, des écoles protestantes, etc. Vous aviez donc une variété; il y avait même six types d'écoles recommandés à l'intérieur de chacune des commissions scolaires. Est-ce que c'est cela que vous approuvez ou si c'est autre chose?

M. SMITH: M. le Président, si je pouvais, pour une fois, m'exprimer en anglais...

MR. PRESIDENT: Sure.

MR. SMITH: ... il n'y aurait aucun danger que je me trompe. We want the unified system exactly as presented in the Royal Commission report. We do not favour schools unified together, English and French, but we do very vehemently favour unified school commissions as being far far better than what we have now and being vastly better than any system divided by language. The reasons presented in the Parent report are our reasons, but many of English language Catholics are married with French Canadians and à am one of them. We feel we have a line of communication with French Canada that our Protestant confrères do not have. We do not wish to loose that line of communication. It served us well in the past and it may just serve us very well in the future. In fact, we may not be able to get along without it. So we wish to stay as close as we can to a system which we will have every one equal and no one with more than the other. Est-ce que je me fais bien comprendre?

MR. CARDINAL: Your answer is very clear. Thank you.

MR. PRESIDENT: Mr. Goldbloom.

MR. GOLDBLOOM: Mr. Smith, would you clarify and modify an impression left by the part of your brief which has to do with the record of Canada with regard to the protection of individual freedom, because there has been some defects in the protection of individual freedom in other parts of Canada in the past.

But, if we leave the past decide for the moment in a difficult and delicate situation of this kind, it may be an important and useful thing for us to try to do, and à know that it is not easy. Is there a sense in what you are saying on behalf of PACE that, at this particular moment, having the past decide, there are gestures and even actions which have been taken in other parts of Canada, which are broadening the horizons of education possibilities and that it would be unfortunate, if at this time they would be narrowed in Quebec? Is this something that à can conclude from what you are trying to say?

MR. SMITH: You may, indeed. à think in the Province of Ontario particularly, steps are being taken to improve the situation of French Canadians and à am not sure that process has not been slowed down considerably by the publicity that has been given to the St. Leonard question. There is no doubt that In the rest of Canada people are as alarmists as we are but for another reason. The seethe's headlines which à might have for the benefit of the Press are often writen perhaps to draw the high, the seethe's headlines in Vancouver, Calgary, Regina and Winnipeg say: Ah! Ah! See what is going on! Why should we do anything to turn off the situation? So à would remind the members of the committee that this situation is indeed serious for that reason alone.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député de Frontenac.

M. GRENIER: M. Smith, est-ce que votre association, après avoir pris presque une page et demie pour déplorer la situation au Québec, qui est passablement alarmante d'après vous et sur laquelle vous vous êtes penché assez longuement d'après votre mémoire, après avoir tant pleuré sur la situation des Canadiens français, sur une page et demie, trouvez-vous que les recommandations que vous donnez sont suffisantes et appropriées pour calmer cette douleur et aider l'éprouvé à surmonter sa peine?

J'ai l'Impression que les pleurs du début, que l'émissaire envoyé pour calmer l'éprouvé est bien faible à comparer à la peine éprouvée.

M. SMITH: Premièrement, je dois vous dire que nous n'avons pas fait de recommandations. Nous sommes en train d'étudier la situation. Nous espérons pouvoir contribuer avec nos idées, même si elles viennent d'anglophones, à aider la commission royale à étudier la situation de la langue française. Les idées que je vous ai données sont pour vous montrer que nous voulons faire notre possible pour comprendre la situation, que nous ferons notre possible pour convaincre nos membres, les 60,000 parents anglophones catholiques, qu'il va falloir accepter l'idée que la province de Québec est une province française, que la langue prioritaire devrait être le français et que les enfants devraient apprendre le français. Je vous donne ces idées comme un bon geste, non pas comme une recommandation. Je ne crois pas que cela soit même un quart suffisant pour régler la situation.

M. GRENIER: Parfait.

M. THEORET: M. le Président, une remarque seulement. Je ne partage pas le pessimisme de M. Smith quand il parle des autres provinces. Je lis régulièrement les journaux d'Ottawa et je constate avec plaisir tout ce qui se fait actuellement pour le français en Ontario. A preuve, la création de ces écoles secondaires françaises dans la province voisine. Je crois qu'il se fait, en Ontario en tout cas, un travail formidable. Il me fait plaisir de le souligner. Même si on a lu les manchettes du Québec, M. Smith, je ne crois pas qu'on ait un modèle de l'essor que l'on donne actuellement au français dans la province voisine.

M. LE PRESIDENT: Y-a-t-il d'autres questions pour M. Smith?

M. SMITH: Merci, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Me Robert Beale, s'il vous plaît. Association of Parents of St. Leonard.

Me Robert Beale

MR. BEALE : Mr. Chairman and honourable members of the committee. The following brief is presented on behalf of the Association of Parents of St. Leonard.

Before à go along with our proposed amendments to the bill, à would like to state a few facts that we feel we have earned in Saint-Leonard the right to express.

First of all, à think It is deplorable that intelligent men who choose political life for their vocation show indecision and lack of initiative on such an important matter as education. Their failure to formulate a policy that would have been acceptable to all their electors who showed confidence in them at the polls leaves very much to be desired, as they had at their disposal the top pedagogical experts in our educational system.

Secondly, à would like to say that on numerous occasions our association informed the Government of the Saint-Leonard situation and was never shown the courtesy of a response for our efforts, other than a letter and telegram we received on June the 11th 1968, from our late Premier Daniel Johnson. In his replies, on both occasions, our late Premier assured us that the rights of the English speaking minorities would be respected. à would like to read the letter that was sent June the 11th, signed by the late Premier Daniel Johnson. It was sent to our past president Mr. Frank Vatrano, Association of Parents of Saint-Leonard-de-Port-Maurice, 5845 Thierry, Saint-Leonard, Quebec. « Dear Mr. Vatrano:

Thank you for your letter of June the 4th 1968 for bringing the school problem in Saint-Leonard to my personal attention. à have taken note of your comments and the information contained in your letter and will convey same to the Minister of Education, the Honorable Jean-Guy Cardinal.

You should hear from his Department shortly. Please be assured, Mr. Vatrano, of my best regards.

Sincerely,

Daniel Johnson. »

Every other attempts to bring this injustice and rape of the English language in Saint-Leonard to the Government has gone unanswered, and yet some people have the audacity to ask us why we did not marched on Quebec instead of Ottawa. à am sure that a salesman would not attempt to sell something to the front door once he found out there is nobody home.

Our third complaint, if you will is to point out a paradox. If you live in Saint-Leonard at the present time, and you are of French or ethnic origin, you are faced with discrimination. To explain, on June the 27th 1968 a resolution was passed to favour English instruction in our schools. A few months later, another resolution

was passed to provide transportion to Montreal for all Anglo-Saxon children desiring English education. Therefore, if you are of French or ethnic origin and desire English education for your children you are denied that right. So, whose rights have been taken away? This proves that already a French ghetto exists as it has been created and restrictions have been imposed on the French people of Saint-Leonard also. This is also contrary to what some movements might say.

Let us remember that it is the moral obligation of a parent to see that his child is educated in both languages which will give him the best possible chance for success in life. Living in the North American context where the English language is spoken by 220 million people, and realizing also that we live in a French «milieu» of à million people in Quebec, a compromise is necessary if all our children are to have equal opportunities.

The implementation of the following suggestions will prevent further occurences of this nature and guarantee all citizens equality.

First: all citizens and newly arrived immigrants have the freedom to choose one of the two official languages of education for their children.

Second: The educational system must be revised to become uniform in both languages so that students wishing to change for one basic language to the other would not become confused by different methods.

To this end we believe that two governing councils under one central structure representative of the two official languages of Canada will assure the following: a) An English school with the French language taught as a subject by a French specialist from the first grade on and pre-school to be taught in French to prepare the English children to accept the French language, the audio visual method applied.

A French school with English taught as a subject by an English specialist from the first grade on and pre-school to be tautht in English to prepare the children to accept the English language, the audio visual method applied.

A special school comprising both languages to be limited to exceptional students only, the fact being that the other two languages would adequately supply the children with the second language upon graduation, since not every child can master two languages while trying to achieve an academic degree, this creating an evenly type of schools on an elementary level.

It is hoped that the above proposals will be adopted by the rest of Canada so that all Canadians may benefit from such a system.

We believe that exchange programs be confined to Canada and not to foreign countries such as England and France. The people of Canada, French and English speaking Canadians alike, are intelligently independent of any country and are sufficiently equiped to solve their own problem. An inferior complex of canadianism would be created if we were to depend on other countries to mold the Canadian culture and the proposed just society.

In line with the Parent report, our sister Province of Ontario has already adopted a system of restructurization whereby 1,446 schools boards have been regrouped into 136 super-boards. We deem it advantageous and urgent that Quebec adopt a similar policy to assure that all residents obtain the best scholastic services under the most economical system.

A letter sent here, dated October 30th 1968, à would like to read it for you, from the Ontario Officer, the Prime Minister and Presldentof the Council: « Dear Mr. Beale, « à would like on behalf of the Honourable Mr. Robarts to acknowledge receipt of your letter to him dated September the 10. As well as an earlier letter from your association send by Mr. Frank Vatrano, vice president. You will appreciate, I am sure, that the solution of your specific problems lies with the competent attorneys of the Province of Quebec. As you may be interested in the situation in this Province, à will outline briefly Ontario stand on the question of English and French languages education. Legislation was introduce this year providing for French language elementary and secondary schools. We have French language instruction in the elementary schools of Ontario for sometimes, but now, at both levels, such instruction is settled by statute. Ontario's aim in this field can be simply put where by practical, Ontario's aim parents should be able to have their children either English or French. It is the Government's hope that over the next few years French language schools in Ontario will adequately serve the needs of the Province's French speaking residents. Thank you for sending your views on this matter to the Honourable Mr. Robarts.

Yours very truly,

R. A. Farrell Executive Officer. »

The ethnic contribution to our great country must not go unrewarded as every Canadian must admit. However, if we are continue to lure such future talents along with future investors to our Province, we must not disillusion them into believing that they must opt to the milieu whether

it be in a French majority or an English one, the choice must be theirs.

In conclusion, by eliminating linguistic discrimination, the misunderstrandings caused by the lack of communication between French speaking Canadians will no longer exist.

Il I may be permitted, Mr. President, à would, at this time, like to present a living example of what an immigrant's contribution is to our Province and to Canada. Fourteen years ago a boy came from Italy and was educated in Quebec, became important business man and very successfull in political field. A man who is talking both languages fluently and at this time, I like to present that person to you, an immigrant that came here fourteen years ago. Mr. Nik Ciamarra, please.

M. Nik Ciamarra

M. CIAMARRA: Thank you, Bob. Je m'excuse si la traduction qui a été faite a été faite en vitesse. Il y a des fautes d'orthographe dans le texte et je ne suis pas responsable de la traduction. Donc, s'il y a des imprécisions, je m'en excuse.

Ce bref mémoire est présenté par l'Association des parents de Saint-Léonard.

M. LE PRESIDENT: Vous avez un mémoire en français?

M. CIAMARRA: Oui, il y a des amendements au bill 85. Mais, si vous voulez, je peux sauter cette partie et lire seulement la partie des amendements à...

M. LE PRESIDENT: Lisez la partie que M. Beale n'a pas lue. Nous sommes tous bilingues. Je corrige; à am completely bilingual.

M. LESAGE: Cette expression est plus juste que celle que vous avez employée en français, parce que, là, vous parlez en votre nom.

M. CIAMARRA: Ce bref mémoire a été envoyé à l'honorable Jean-Guy Cardinal, ministre de l'Education et premier ministre intérimaire de la province de Québec, le 12 décembre. Au nom de l'Association des parents de Saint-Léonard et du comité ad hoc de l'éducation, composé des associations suivantes... Une dizaine d'associations ont été incluses dans le mémoire.

M. LESAGE: Est-ce que vous avez fait distribuer des copies des amendements que vous suggérez?

M. CIAMARRA: Je pense que oui.

M. BEALE: Elles sont toutes en avant.

M. LESAGE: Nous avons eu le texte anglais et le texte français, mais nous n'avons pas eu les propositions d'amendement.

M. CIAMARRA: Excusez, nous pouvons vous les donner, car nous les avons ici.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Lafrance. Un bon chrétien, toujours serviable; c'est là que l'on voit le grand coeur d'un homme. Je ne dis pas qu'il est nationaliste, mais c'est un bon chrétien.

M. LAFRANCE: A l'ordre, à l'ordre!

M. CIAMARRA: Je laisse de côté 1'énumération des associations qui ont présenté des mémoires et je vais au point. Nous avons l'honneur de vous aviser comme suit:

Premièrement, nous saluons l'action du gouvernement qui, en présentant le bill 85, fait un effort louable pour garantir les droits linguistiques des minorités anglophones, ou des gens qui ont choisi l'anglais, tout en favorisant également le maintien et l'essor de la majorité francophone dans le Québec.

Deuxièmement, nous vous offrons notre soutien et notre collaboration dans l'élaboration d'une politique linguistique juste et progressive. Nous réitérons que les citoyens anglophones du Québec sont conscients des menaces graves qui pèsent sur la culture française au Québec. Dans cet esprit de collaboration, nous suggérons les modifications suivantes au bill 85 dont la rédaction, forcément rapide et difficile, laisse certaines ambiguïtés.

Tout d'abord, l'article 1 devrait préciser que les dispositions nécessaires, prises pour aider les personnes s'installant au Québec à acquérir une connaissance du français et pour permettre aux enfants de fréquenter des écoles francophones, ne porteront pas préjudice aux droits reconnus aux parents par l'article 10 de choisir la langue d'instruction do leurs enfants.

Le bill 85 ne contient pas une déclaration positive et sans équivoque du droit des parents résidant au Québec et sans distinction d'origine ou de citoyenneté de choisir la langue d'instruction de leurs enfants et nous Jugeons qu'un article plus précis doit être inséré dans la loi.

Il semble y avoir contradiction entre l'article 8 qui impose au ministre de l'Education de reconnaître la langue d'une institution d'ensei-

gnement et l'article 10 qui semble imposer aux commissions scolaires l'obligation d'assurer l'éducation en deux langues, dans les écoles sous leur juridiction. Pour cette raison, nous jugeons que ces deux articles doivent être modifiés afin d'imposer une obligation claire aux commissions scolaires de fournir l'éducation dans les deux langues; d'assurer le droit des parents d'exiger, à leur choix, l'une ou l'autre langue; de requérir le ministre de prendre les mesures nécessaires pour assurer lui-même, le cas échéant, un tel choix linguistique et pour donner aux parents un recours efficace en cas de négligence.

Le dernier alinéa de l'article 10 manque de clarté et devrait stipuler que tout intéressé peut requérir directement le ministre d'intervenir, obliger le ministre à demander l'avis du comité linguistique, dans les trente jours accordés au comité linguistique et, au maximum 90 jours, pour donner son avis et imposer au ministre le devoir de prendre une décision dans les 60 jours. Nous espérons que le bill 85, avec les modifications requises, sera adopté au plus vite et que son entrée en vigueur sera immédiate pour tous ces articles.

Etant donné que feu le premier ministre Johnson ainsi que le premier ministre Bertrand et le bill 85 ont reconnu qu'une injustice avait été commise à l'égard des enfants anglophones ou parlant anglais à Saint-Léonard, nous demandons que cette injustice soit corrigée en pratique, le plus rapidement possible, par la prise en charge financière par le gouvernement des écoles privées organisées temporairement aux frais des parents pour protéger le droit de leurs enfants. Le bill 85, étant manifestement une mesure temporaire et fragmentaire, nous nous réservons le droit de faire des représentations détaillées aux autorités et à la Commission royale d'enquête sur le statut de la langue française.

Claude-Armand Sheppard, avocat de l'association des hommes d'affaires. Merci.

Je voudrais signaler aux membres du comité que, s'ils veulent poser des questions en anglais, de s'adresser à M. Beale. Moi je traduirai en français si vous voulez.

M. LESAGE: Quel a été le coût de ces écoles spéciales, M. Ciamarra?

M. CIAMARRA: Pardon, M. Lesage?

M. LESAGE: Quel a été le coût aux parents?

M. CIAMARRA: Elles nous coûtent actuellement $1600 par semaine.

M. LESAGE: Et quelles ont été les sources de financement?

M. CIAMARRA: Du côté de la souscription, si vous voulez, ce sont des contributions des parents ou des maisons d'affaires quelquefois, mais surtout des parents.

M. LESAGE: Combien d'élèves?

M. CIAMARRA: Combien d'élèves? Nous avons 209 élèves, n'est-ce pas?

MR. BEALE: Two hundred and five. I take this opportunity. Anybody who would like to send a contribution, could send it to the box 117, Station K, Montreal 5.

MR. WAGNER: Are you asking the Government for a contribution also?

MR. BEALE: I am asking you as a citizen.

MR. WAGNER: Did you ask the Government for a contribution?

MR. BEALE: Yes, we had. We just said it. UNE VOIX: C'est dans le mémoire.

MR. BEALE: We have sent two other previous letters before that. à believe Mr. Cardinal's words.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Beale.

MR. LESAGE : Well, there is one point, Mr. Beale. There is one thing you have said and that à have difficulty to agree with.

It is when you suggested that the maternal school, you called it pre-school...

MR. BEALE: à beg your pardon? MR. LESAGE: The maternal school.

MR. BEALE: Maternal school, yes, kindergarten.

MR. LESAGE: That the language of teaching for the French speaking children would be English.

MR. BEALE: Yes.

MR. LESAGE : And vice versa.

MR. BEALE: And vice versa.

MR. LESAGE: à have been told by teachers —

and à know that you yourself know a lot more about it than à do — that when you send your child for the first time in school, be it the maternal school or the first grade, the teacher has to be very careful. She or he has to understand, mostly she has to understand that she is the continuation of the home and the mother. In order to avoid difficulties for the child, traumatism for the child - if you don't want to hurt him in his feelings, which could have future effects who goes to school in his first year, the transition should be the softest possible. Is not that correct? You are a pedagogue. à am not.

MR. BEALE: No. à am not, on the contrary. à am not. à am a process operator. à think you are getting me mixed up with Mr. Vatrano, our past president.

MR. LESAGE: No, no.

MR. BEALE: à beg to differ Mr.Lesage. My boy, à put him in a French kindergarten, and à feel that in a maternal school or a kindergarten — whatever term is used — ... when you first bring a child to school in a kindergarten, it is only to untie him from his mother's apron strings. It is the psychological effect, à think, that is more apparent in a kindergarten or a maternal school because there is no instruction of any kind. They just play with toys; they learn to use their hands and try to get along with other children. This is the main pretext of what a maternal or a kindergarten school is. It is to assimilate the child into a civil life, so to speak, whereas he can get along with other children when he does start school in the first grade.

But in the first grade, he will be starting in his own basic language. And à found it very advantageous for me, as a parent, to have my boy go to the French instructed maternal school before he took the English basic language with French instruction in our temporary classes which they are getting. Very very advantageous.

MR. LESAGE: Did he know some French before entering the maternal school?

MR. BEALE: Not one word! MR. LESAGE: Not one word.

MR. BEALE: And he speaks... As a matter of fact, he does better, if à may point out this point, Mr. Cardinal, he does much better than my other two boys who have been going to a fifty-fifty bilingual school for six years. Be- cause he is taught conversational French. He is taught to speak the language. He is not taught how to write it. This will come later on in the school years or in the school period.

MR. LESAGE : But à was under the impression that psychologically for the child who leaves home or his mother for the first time, the environment should be as many aspects as possible that of his home.

MR. BEALE: Well, as you said before, you are not a pedagogical expert and neither am I...

MR. LESAGE: No.

MR. BEALE: But à will say that à found through experience that this is the best method. à have seated besides me Mr. Sadlowski who paid to send his child to a French maternal school, purposely to teach him to assimilate with the other children.

We have to get rid of discrimination, and à think it is the best place to start it, in the kindergarten. The terms French Fogs, Pepsi, Square Head and Bloke must go from this Canadian country before we can do anything towards Canadian unity recognizable of the two official languages. And à think this is the very good place to start it. For children will be playing with other French children, English children will be playing with French, etc...

MR. GOLDBLO0M: Mr. Beale, I think a lot of people have had the impression, by the fact that parents of St. Leonard have resisted the decision of the School Board that would have made the schools unllingual in French, that the parents of St. Leonard were trying to have exclusively English speaking education for their children. à believe it is correct that you have been providing French teaching in the private classes, and as it has been told, the results have been quite encouraging. Can you...

MR. BEALE: Very encouraging.

MR. GOLDBLOOM: ... tell us about this?

MR. BEALE: Yes, à took the opportunity in the letter à send to Mr. Cardinal in December to ask that anybody in the Government level that would like to come down and see our 205 children — and à think it is the duty of the Government to do so — to see our six years old children. Some of them, I go to 65% of them who could speak English or French, speaking both languages

right now, English children speaking French and French children learning English because there are some French people that put their children in our classes because of the curriculum. It is very advantageous. à would say it would need the requirements of any School Board in the Dominion of Canada if not in North American continent, and I feel very very proud to stand here and say that à am representing along with the ad hoc committee of course and the other people à worked longest, 205 children who more or less stand as a symbol of true canadianism.

And à ask again here anyone who wishes to come down to our classrooms if they have not seen it on television who have had the French program of our children doing the French program in French on an English program on the movies. Where the children, à pointed out, this is the most significant objects around them. One child is told: « Jean, va ouvrir la porte » he gets up and he opens the door, he leaves it opened. Two or three children later after ask: « Montrez-moi le mur, le plancher, la table, la chaise ». These are significant matters around them. They can do the entire anatomy of their body in French.

The second phase were to put these words into sentences which is in applied now. We have the whole curriculum for a French program set up à have nothing to say but à am very proud of it.

MR. GOLDBLOOM: Mr. Beale, I understand that when these private classes were opened the parent's association à have already referred earlier in this commitee, received from the Department of Education, unsolicited forms to apply for a grant...

MR. BEALE: Yes.

MR. GOLDBLOOM: ... as for a private school. At that time you choose not to respond to that, not to make any application. Now, à believe that you are suggesting that the Government should step in and takes financial responsibility for the private classes that you have been running.

Can you give me an explanation why your attitude at this present time is different from what it was at the beginning?

MR. BEALE: First of all, we refused to fill in the forms and send them back because we did not want to be taken under the category of private schools. These were not private schools. These are temporary classes that is all they are. Until the Government decides to make up its mind, what it is going to do with 205 children who have been deny the rights and the liberty as any other child in the Province of Quebec and Canada? We are a small little place in Quebec and we are very very small in the areas of Canada and North America. But, we are citizens, we are Canadian citizens, we pay our taxes and if à might point out something here who has been said a few times by other movements, that the French people of Quebec being a majority do not want to pay for the education of immigrant children who are going to the English schools.

In St. Leonard de Port-Maurice, 76% of the taxes are paid by immigrant people who are the property owners and only 24% are French.

May à further explain, Mr. Goldbloom, on the temporary classes? This is the reason why we did not want to go on to the hiding of private schools.

We did not want to create a precedent in Quebec such it happened in other provinces of Canada. We feel that it is only a matter of time before the Governement will find some solutions to this problem.

MR. GOLDBLOOM: Do you have tried to have communication with the Government about this?

MR. BEALE: Yes, we have.

MR. GOLDBLOOM: And with what success?

MR. BEALE: No success at all, and as à have already pointed it out, we were never even shown the courtesy of a response.

MR. PRESIDENT: M. Wagner.

MR. WAGNER: Mr. Beale, à am coming back to bill 85. Are you satisfied with the drafting or the implications of section 10, which is to the effect that the Minister will have the final say on the decision and that there Is no further recourse?

MR. BEALE: No, à am not.

MR. WAGNER: What do you suggest? Do you suggest there be a recourse to the Court not merely...

MR. BEALE: Definetly, it should be. I do not see why one person can hold the reins of the whole educational system if it is contrary to his own beliefs.

MR. WAGNER: Thank you.

MR. BEALE: In other words, we will not be able to take it in the Court.

MR. WAGNER: No.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. Beale. Est-ce qu'il y a d'autres représentants ou d'autres groupes qui n'ont pas été entendus et qui voudraient se faire entendre? Non?

M. SMITH: M. le Président, parce que je suis l'une des personnes qui s'occupent de ce comité, il y a encore une question que M. Goldbloom a posée et à laquelle je voudrais répondre. Dans le cadre du comité, est-ce que j'aurais le droit de faire un petit commentaire?

M. LE PRESIDENT: Allez-y. Nous sommes en pleine démocratie, ici, vous savez.

M. SMITH: Je crois que M. Beale ne se sent pas responsable et ne croit pas avoir le droit de dire si, oui ou non, le gouvernement doit donner un appui à ces classes-là. Je dois vous dire, M. le Président, que ces classes-là sont aidées par un comité, connu sous le nom de Ad Hoc Catholic Committee for Education, qui est composé d'environ dix associations dont le président est M. McPhee. Maintenant, l'aide pédagogique a été donnée par l'Association des professeurs pour Montréal et les provinces. L'aide financière qui a été reçue est due partiellement à nos efforts. A une assemblée du mois de décembre, avant la présentation du bill 85, nous avons pris la décision de vous envoyer une lettre, M. le ministre de l'Education, vous demandant officiellement de l'aide financière pour ces classes jusqu'à ce que le problème soit réglé.

Je vous présente cette demande verbalement maintenant. Il est probable que, nous pourrons vous faire cette demande par écrit plus tard.

M. THEORET: M. le Président, une remarque seulement.

M. LESAGE: Un instant. Je voudrais attirer l'attention du ministre de l'Education sur le fait que M. Smith s'est adressé directement à lui, nommément. Alors, j'ai pensé à attirer votre attention sur cela.

M. LE PRESIDENT: M. Théoret.

M. THEORET: M. Beale a fait, tantôt, une remarque pertinente au sujet de l'école mater- nelle. Il envoyait ses enfants dans une école maternelle française. Il ne faudrait pas laisser croire au comité qu'il y a seulement les anglophones qui adoptent cette méthode.

Je regrette de devoir citer ma famille, mais j'ai envoyé moi-même plusieurs de mes enfants à l'école maternelle anglaise avant de les envoyer dans une école primaire française. J'ai remarqué qu'il y a quand même beaucoup d'avantages parce qu'aujourd'hui ma fille qui a dix-huit ans sort avec un Russe. Je crois que c'est bon pour élargir les points de vue des enfants.

M. LE PRESIDENT: Je dois vous dire que j'ai une expérience personnelle. J'ai enseigné pendant dix ans le français aux anglophones au Collège militaire. La plus grosse difficulté que les Anglais avaient, c'était de faire la distinction entre jambe et jambon. Lorsqu'on dit à une jeune fille qui a une belle jambe; Vous avez un beau jambon, cela cause des difficultés. Je m'excuse de me permettre cette badinerie-là. Pour finir peut-être le comité, M. Pearson?

M. PEARSON: Oui, justement, au sujet de la même expérience qui a été racontée par M. Beale, je me demande si le ministère de l'Education ne pourrait pas organiser quelques classes pour essayer cette formule-là. Moi-même, j'ai envoyé mon fils, le plus jeune, à une maternelle également anglaise et il a appris très rapidement l'anglais. Actuellement, il va aller à l'école française après coup. J'ai l'impression, avec l'expérience que nous avons vécue chez nous, qu'il saute des années après coup. Parce que, quand nous commençons à enseigner la langue seconde en cinquième ou en sixième année, les enfants, on dirait que cela ne rentre plus. C'est un peu comme enseigner les mémos règles de grammaire pendant sept ou huit ans. Ils prennent cela tout de suite à ce moment-là et cela s'améliore par eux-mêmes, même s'il n'y a pas d'enseignement qui leur arrive par la suite, pendant quelques années. N'y aurait-il pas possibilité d'organiser quelques classes, peut-être à un moment donné d'étendre cette expérience à toute la province? Je pense que ce serait une expérience valable.

M. CARDINAL: Je peux répondre que tantôt nous avons exprimé des opinions au moins contraires, sinon contradictoires à ce sujet. Je pense qu'un sujet semblable serait bienvenu dans le cadre de l'Institut de recherche pédagogique qui a été créé par le ministère.

M. LAFRANCE: M. le Président...

M. LESAGE : Je voudrais bien que vous vous rappeliez que l'opinion que j'ai exprimée a été sous forme interrogative. J'ai été très prudent parce que je ne me prétends pas pédagogue.

M. CARDINAL: M. le Président, je pense que ma réponse a été aussi prudente en disant que des opinions, etc...

M. LAFRANCE: M. le Président, comme le problème de Saint-Léonard se trouve au fond de tout ce litige que veut corriger le bill 85, je crois que le comité serait extrêmement intéressé à connaître le point de vue du ministre. Pour ma part, je le serais, moi. Je crois que des points ont été soulevés par les représentants de Saint-Léonard sur lesquels le ministre devrait apporter des éclaircissements.

M. CARDINAL: M. le Président, je m'excuse, je pense que nous sommes ici pour discuter du bill 85...

M. LAFRANCE: C'est ça!

M. CARDINAL: ... non pas du cas particulier de Saint-Léonard qui a été discuté — je le rappellerai à l'honorable député — à deux reprises au comité de l'Education, soit en juin dernier et au mois de novembre dernier. Ce que f aurais à déclarer sur ceci, on le retrouve dans le journal des Débats ainsi que dans deux ou trois conférences de presse qui ont été faites.

M. LESAGE: Je pense bien que le ministre de l'Education admettra qu'il y a un lien direct entre la situation créée à Saint-Léonard et le bill 85.

M. CARDINAL: Je ne nie pas ceci.

M. LESAGE: D'ailleurs, le premier ministre lui-même l'a déclaré à plusieurs reprises. Alors, il me semble que, dans les circonstances, la suggestion faite par le député de Richmond est tout à fait raisonnable.

M. CARDINAL: Je le note. Je pense qu'en temps et lieu, lorsque nous aurons entendu les représentations des groupes intéressés, qui sont assez nombreux, il serait opportun que j'y revienne et qu'à ce moment-là j'exprime, à la lumière de tous les mémoires et de ce qui aura été dit de nouveau ici et de faits nouveaux qui pourraient se produire, la politique du gouvernement dans ce domaine.

L'honorable chef de l'Opposition vient de dire très justement que le bill 85 a été proposé à l'Assemblée nationale à la suite de l'affaire de Saint-Léonard. Ce bill a été référé au comité pour que nous puissions entendre les gens s'exprimer sur ce projet de loi. Depuis ce matin, nous avons entendu des gens qui ont fait des suggestions pour la modification de ce projet de loi. On nous a mentionné en particulier que l'on pouvait, avec ce projet de loi, ou bien tout simplement régler le cas de Saint-Léonard ou en faire un projet de loi qui règle en partie une politique de langue. Sérieusement, j'aimerais entendre les autres personnes, les autres groupes, avant de m'exprimer, comme je l'avais fait d'ailleurs, au sujet du bill 56 ou, à la fin de tous les exposés, je me suis permis d'en faire un moi-même. C'est mon intention de le faire.

M. LE PRESIDENT: Nous ajournons à dix heures demain matin. Cela va être bon demain.

(Fin de la séance; 16 h 39)

Séance du 15 janvier 1969 (Dix heures treize minutes)

M. PROULX (président du comité): A l'ordre! La séance est ouverte.

M. Jean-Noël Tremblay

M. TREMBLAY (Chicoutimi): M. le Président, vous me permettrez avant que l'on recommence les auditions de faire une petite mise au point au sujet d'un article qui a paru ce matin dans le Journal de Québec sous la signature de M. Villemure. Alors que J'interrogeais hier les représentants des professeurs de l'école Normale Laval, j'ai essayé d'obtenir des renseignements et j'ai notamment posé une question à savoir si l'expression « langue officielle », qu'avait utilisée M. Labrecque, équivalait dans son esprit à unilinguisme français. J'ai obtenu la réponse que je désirais avoir, et le journaliste de conclure que le ministre des Affaires culturelles s'est réjoui de cette déclaration. Je voudrais, une fois pour toutes, faire observer à nos amis journalistes que nous sommes ici pour entendre les représentants de divers organismes et nous avons le droit de leur poser toutes les questions que nous croyons devoir leur poser sans que cela puisse conduire à interprétation de l'attitude des députés qui siègent à la table du comité.

M. LE PRESIDENT: M. le Ministre, je vous remercie. On peut être à la fois sérieux et joyeux. Le numéro 10? M. Richard Holden, s'il vous plaît, est-il présent?

M. John MappinM. MAPPIN: M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Oui, vous avez le droit de parole.

M. MAPPIN: Mon collègue, M. Holden, est malheureusement malade.

M. LE PRESIDENT: Est-ce la grippe de Formose ou de Hong Kong?

M. MAPPIN: Oui, malheureusement, oui. Il lui est absolument défendu par son médecin de venir aujourd'hui.

M. LE PRESIDENT: Est-ce que vous présentez un mémoire? Vous présentez le mémoire vous-même? Voulez-vous vous identifier, s'il vous plaft?

MR. MAPPIN: John Mappin. Mr. President, we write as two English-speaking Canadian citizens of the province of Quebec. Officially we represent no views but our own, but we believe that our views are representative of the majority of the English citizens of Quebec. We also believe that the principles of Bill 85 are acceptable to the majority of Quebeckers whether of French, English or other background.

We believe that the principle under consideration is a fundamental human right, and as such should be above and beyond partisan politics.

We follow that, Mr. President with a summary of our à principal submissions which à was kept...

M. LE PRESIDENT: Voulez-vous parler un peu plus lentement, s'il vous plaft?

MR. MAPPIN: For approximately two hundred years education has been available in both the French and the English languages for all residents of Quebec. Throughout the years, parents have had the right to choose the language in which their children should be educated. Any change would result in a diminution of personal freedom for Quebeckers.

This brief has been prepared on the assumption that the English fact in Quebec has established the right to exist. In the words of the Parent Report, « in Quebec, the English language schools have made secure for themselves the right to exist, which no one today, as far as we know, would think of contesting... They satisfy needs which the English-speaking minority can rightly consider legitimate. Right, they consider legitimate. They have even established within the school system of the province a noteworthy educational tradition and have made valuable cultural contributions to the society of Quebec as a whole. Therefore, we believe that the English language public schools should not only continue to exist, but that they must also progress in their fashion. »

We note that this principle, endorsed by Premier Bertrand, the late Premier Johnson, and former Premier Lesage, is embodied in Bill 85.

We also approve the principle enunciated in the Bill whereby the parents' right to freedom of choice of education is further protected against the arbitrary action of a local school board.

We believe that the English-speaking com-

munity of Quebec whole-heartedly endorses the requirement that the Linguistic Committee ensure, within the limits of its authority, a working knowledge of the French language to every person who attends a recognized English-language institution.

M. LE PRESIDENT: Oui, ... ça va?

MR. MAPPIN: Oui, merci.

Having personnally experienced the failure of the existing system — à am talking with regard to the teaching of the French language — we believe that the achievement of this objective set by Bill 85 to be long overdue. With modern technology bringing the world's languages and cultures closer together, we contend that multilingualism and bilingualism will become increasingly important throughout the world. It will be a poor man indeed who clings to the concept of unilingualism.

We suggest that the right to petition the Minister contained in section 10 of the Bill, implies the right to be heard. We hope that the machinery for a public hearing of all interested parties will appear in the law or the regulations. We also submit that, under certain circumtances, the decisions of school commissioners and or the Minister should be susceptible to appeal. For example, if the decision of a particular commission were contrary to law, or if the commissioners have acted in an unreasonable, unjust, arbitrary or discriminatory manner or have acted for unjust purposes, have been actuated by irrelevant motives or where they have failed to give reasons for a discretionary act.

In these circumstances, we believe that an appeal should be available to the Court of Appeal from the decision of the School Board and or the Minister.

The addition of the new dimension of immigration to the already complex subject of education forces us to question whether the two matters, immigration and education, should be treated in the same law.

The present constitution of Canada treats the two subjects quite differently. Section 93 of the B.N.A. Act provides that laws relating to education can be passed only by a provincial parliament whereas section 95 states that « any law of the Legislature of a province relative to Immigration shall have effect in and for the Province as long and as far only as it is not repugnant to any Act of the Parliament of Canada ». In other words, Bill 85 could be modified at any time by Ottawa, a situation which we submit is most unusual given the present political climate.

Here, we add the following, Sir. We subscribe to the principle that immigrants should speak French. However, it must be remembered that in the context of immigration, the immigrant is a Canadian citizen or resident living in Quebec and should have the same option as any other person living in Quebec.

We believe that the vast majority of the people of Quebec and of the Members of the National Assembly support the principles of parental option. Should there be those who doubt this belief, we would challenge this Committee to recommend a free-vote in the Assembly.

We would also welcome a referendum on the issue if such is your will. We are confident that over the din of the extremists, on all sides, the reason and moderation of the « silent » majority will be heard.

We assume that Quebec will continue to be part of Canada and that it is in the interest of all Canadians that the rights of the two official languages be expanded rather than contracted. We see evidence that most of English-speaking Canada has come to this conclusion. This is precisely the wrong moment in Canadian history to provide the narrow-minded in other provinces with grist for their parochial mills. Education is the basic substance of our developing society. If the two cultures are to continue to exist in Canada, minorities must remain strong. It is in this belief that the undersigned respectfully submit this brief.

Thank you, Sir.

M. LE PRESIDENT: M. Mappin, je vous remercie beaucoup.

Avez-vous des questions à poser?

MR. LESAGE; About the right of appeal you have one section which Is entitled « Limitation on discretionary power. This is section 3 of page 2 of your brief.

Most of the instances that you have mentioned there could give rise to the issue of writs of prerogatives much more than to an appeal. I understand that you are not an attorney of law. Mr. Holden is.

MR. MAPPIN: à was about to proclaim that...

MR. LESAGE: Well, à see. Will you draw the attention of Mr. Holden on this point?

MR. MAPPIN: Yes, à will.

MR. LESAGE: While you were presenting your brief I was having a word with Mr. Cardi-

nal and we were both saying that we would have appreciated having Mr. Holden's opinion on that very point.

MR. MAPPIN: Fine, I will see that he does so, sir.

MR. LESAGE: Then, he could send it in writing to the President or to Mr. Cardinal or to Mr. Cardinal and myself...

MR. MAPPIN: Fine.

MR. LESAGE: ... and we will table it in the committee.

MR. MAPPIN: Thank you very much. I will see the...

M. LE PRESIDENT: M. Wagner.

MR. WAGNER: Mr. Mappin, on page 3 of your brief your recommend and suggest that the free vote should be taken in the Assembly. Do you not believe that this is a subject of such importance for the future of this Province, that the Government should take a stand, and Government policy should be clear on this point and therefore, the Government should stand up for on the principle of this bill and not let it to the wind of a free vote?

MR. MAPPIN: Well, I do not think. This is tactfully a dodge on local political question, sir. I think we have pretty general agreement that this issue is a very important one regardless of anyone's political affiliations. The mechanics of the system and how it works, I would prefer to avoid it, since I am not really as conversant with it as all you gentlemen here.

MR. WAGNER: Why did you mentioned that a free vote should be taken in the Assembly?

MR. MAPPIN: Well, simply so that it could be a personal expression of opinion on the subject. That would be, in effect, defining the law.

MR. WAGNER; Do you think that it is a question that goes much further than personal opinion?

MR. MAPPIN: Yes, it is. I do not think that the question will suffer though from a personal expression of opinion of each people.

MR. WAGNER: Thank you.

M. LE PRESIDENT: Merci beaucoup. Bonne chance à M. Holden. Que le virus disparaisse le plus tôt possible. Maintenant, pourrais-je demander au représentant of the Association of Directors general for English and Catholic schools of the Province of Quebec de se présenter? Le numéro 40. Voulez-vous vous identifier s'il vous plaît, monsieur?

MR. VAUPSHAS: My name is Vaupshas, first name Antony. Antony Vaupshas. I am the representative of the Association of Directors general for English language Catholic schools, I am its immediate past president.

The executive has been recently reshuffled and I have been asked to act as its representative.

Messieurs, nous voudrions vous remercier de cette occasion que vous nous donnez de nous exprimer sur les aspects du bill 85. Il y a quelques principes que nous voudrions énumérer.

We would like to present this brief, which is a short one, because we believe that bill 85 has positive aspects and we believe that those aspects of the bill which need clarification should be brought to the attention of this commitee constituted to hear the opinions of the various groups within our society. We believe that all residents of Quebec should be either French speaking or have a working knowledge of the French language.

The right to be educated in either the French or the English language should be guaranteed in law and all persons in this Province should be equal under the law and therefore should have the right to choose the language of instruction for their children which should be guaranteed in the law. The logical means of regulating this question in education is to establish a linguistic committee of the Superior Council of Education analogous to the Catholic and Protestant committees. Care must be taken to insure that the linguistic committee is involved only in the linguistic aspects of education. In our concern for having English speaking people acquire a working knowledge of French, we must be careful not to deprive the French speaking people of this Province of the right to acquire a working knowledge of the English language. In endorsing linguistic schools, we are not ipso facto endorsing linguistic rather than confessional schools because we believe that schools should be not only divided on a linguistic basis but also on a confessional basis.

Now, if it is the desire of this committee, I could read the brief that we have prepared. I have outlined so far the principles on which we have based our brief. Is this the wish of the committee?

MR. LESAGE: We would like you to elaborate,

if it is possible, on one of the points you have just mentioned: the fact that you would like the schools to be divided not only on a linguistic basis but also on a confessional basis. Go along with your brief. Later...

MR. VAUPSHAS: Yes. But the law is so constituted and we know that in any particular community of our Province it is now an established fact that there has been a denial to the English speaking catholics of the right to schools which are catholic and in which the language of instruction is the English language.

Nowhere in the law I have read the guarantee that this will not happen again in some place else and not only do we not, rather not to happen in some place else but we would like to see the status quo as existed earlierto be maintained where the English speaking Catholics have the right to instruction in the English language and the teachers to be disapproved by the Catholic committee. There seems to be no denial to the right of the English speaking Protestant to have his children instructed in the English language and by teachers approved by the Protestant committee.

Yet, we seem to discriminate against the English speaking Catholic because there is no guarantee anywhere written in the law. And we see this linguistic committee as being a part of the Superior Council of Education whereby you would have your Catholic committee, your Protestant committee and your linguistic committee.

MR. LESAGE: Do you believe that, as far as the division on a confessional basis is concerned between Catholics and Protestants in the province of Quebec, section 93 of the B.N.A. Act apply?

MR. VAUPSHAS: How it is applied, is it the question?

MR. LESAGE: Yes, how does it apply in the case you just mentioned? Section 93 of the B.N.A. Act already guarantees the acquired rights of the minorities in Canada on a confessional basis, not only linguistic basis.

MR. VAUPSHAS: I believe at the time that school systems had existed were such that you had the French and Catholic and if there were in a number of English speaking Catholics they were, provided for looked after by the French and the other large number of students, the other establish educational system was the Protestant system. And at the time I think what they did was the equated Catholic with French and Protestant with English and I think that it is time that it is written into the law, that the parents have the right to choose either english or french as a mean of instruction whether they would be Catholic or Protestant.

MR. LESAGE: Well, as regards confessionality, — would you examine section 93 of the B.N.A. Act?

MR. VAUPSHAS: I am familiar with it.

MR. LESAGE: You are. Do you not believe that it does apply?

MR. VAUPSHAS: It applies only if we can establish the facts that there was a school system for English Catholics, but I do not believe that there was at the time in the province an established school system. So I do believe that there was some provision made by the French Catholic school system for English little groups, little communities of English speaking Catholics but this will take a constitutional law, an expert to be able to prove this.

MR. LESAGE: There existed before 1867, Catholic schools where English was the language of teaching...

MR. VAUPSHAS: I do not believe that it existed as a school system.

MR. LESAGE: That is an interesting point because 93-3 mentions a system not individual school.

MR. VAUPSHAS: Yes, I believe that this is...

MR. LESAGE: Section 93-3 says: Where, in any province, a system of separate schools exists by low...

That is the interesting point. But, on the other hand, 93-1 says: « Nothing in any such Law shall prejudicially affect any right or privilege with respect to denominational schools which any class of persons have by Law in the Province at the Union. »

As Mr. Cardinal says, first there was no law and two, there also was no system for the English catholic minority. But schools existed individually.

MR. VAUPSHAS: But not as a system.

MR. LESAGE: This is an interesting point to clear.

MR. VAUPSHAS: We are very much concerned in our brief with the translation of the french expression « faire instruire » by the words « cause to be taught. » The Word « cause » is a rather strong word and we do not know that it is a good translation of « faire instruire ». It could be replaced by « enable, to choose, to encourage ». The word « cause » is a strong word in the English language. We do not really understand, regarding the working knowledge of the French language which the Minister of Education and the Minister of Immigration will encourage the immigrant to acquire, if the interpretation is that you will encourage the immigrant to acquire a working knowledge of the French language and thus enable the immigrant to choose or be disposed to send his children to the French school, but if it means that we are going to encourage the immigrant to acquire a working knowledge of the French language, that the Minister will cause the children to go to schools which are designated as French. Then we think that this is a denial of the rights of the parents to choose the type of instruction and the language of instruction for his children.

Now, further in the brief, we think that there Is a strongly worded section which deals with the curricula and examinations which this linguistic committee is going to have power over so that in all subjects, the students are supposed to acquire a working knowledge of the French language. We think that it is very difficult to define the terms « working knowledge » and then to create a curriculum to insure this and finally to regulate it by examinations.

If the linguistic committee is going to have this right, the right to set the curricula and the examinations in all subjects at the elementary and the high school level so that the children have a working knowledge, we think that it is going to work against the interest of the English speaking community in the sense that the Minister might be disposed to make this demand in all subjects so that the English speaking student whose language of communication and language in which he reasons is no longer his must now communicate and reason in a language which is not his, thus making it very difficult for him to ever finish his elementary or high school.

We cannot understand the significance of that particular clause when this linguistic committee is going to exercise this particular right to set the curricula and examinations in all subjects — this is a thing that we do not understand — to acquire working knowledge of the French language.

M. LE PRESIDENT: D'autres questions? M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

MR. TETLEY: Would the English Roman Catholic community be willing to give up the guaranty which Mr. Lesage spoke up in the BNA, section 93, without getting a summary guaranty somehow rather on linguistic lines in the Constitution?

MR. VAUPSHAS: I do not think that they are going to give up any thing that they already have written down in the law. I do not know that you have to give up what is in section 93 but I think that a modification, an explanation, an amendment can certainly be brought in through this Bill 85 which will guaranty the type of school that the parents want.

MR. TETLEY: The Bill 85 will not amend the BNA.

MR. VAUPSHAS: But it can so state but the rights guaranted by the BNA Act can so state that the application of the rights guaranteed by the BNA Act are interpreted as such in this province. Because I think this is where the problem has a reason, there is never been any questions I do not think of ever taking away from the English Protestants, their rights to the education in the English language, and yet we seem to take that it is quite alright to take it away from the English speaking Catholic and it is a form of discrimination. We feel that if the Bill 85 makes the schools attractive, if we are trying to attract the immigrants to the schools that give instruction in the French language, if the schools are so constituted so that the children are attracted into It and if the personnal teachers and principals and schoolboards are so disposed to welcome these people, it is only natural that they will go where they are made welcome. Why did the Immigrants tend to go the English speaking Catholic schools? This is only something that the Immigrants can answer, but when the Immigrant presented himself to the English speaking catholic schools, because they happen to be a catholic, the immigrant was given a place in the school, he was made welcome, he was not told that we have got our norms for the particular classes field. We did not say to the Immigrant child that you must now your fourteen years of age with you never had instruction in the French language and so we must start by going in the grade 1, stay for the next seven years, I am not saying that this is the way you receive them, I am saying that the English speaking catholic, he himself be an immigrant

whether it be one or two, three generations, understood the problems of the immigrant. And the French Canadian not having have to deal with this problem having been a resident of this province for many generations perhaps he was more concerned with educating his own people with getting his own people prepared for the future that he did not have time when this grave immigration came in to the province between 1945 and 1950. But the immigrant is still coming and the immigrant will come because he is trying something here in the Province of Quebec which I do not think he finds any place else. Because he is allowed to use his language in is not looked upon as an outsider and I think it is time and this Bill 85 to make it attractive for the immigrant to come in this province and to be made welcome here, and give him the right to choose because they are a large number of immigrants to have got in the French schools system.

They did not all go into the English Catholic system. Some of them did go into the French system. I am sure that many of them, now, were graduates from the Universities of Montreal and Laval. But there are a number elected to go into to the English Catholic system. I said this: Make them welcome. Don't blame the English Catholic for opening his doors and saying to the English Catholic: Well, you will open no more doors, now, and we will even close the doors that you have opened so that even you can't have what you had before. This is wrong.

We are well disposed to cooperate.

MR. LESAGE: Should we gather from what you said, Sir, that one of the incentives that the immigrants - I know a number of incentives of course — but one of the incentives that the immigrant coming to the region of Montreal, for instance, to send his children to the English Catholic school was the fact that you were prepared to welcome them and to see to it that they could affect, on a rather short period, the necessary « rattrapage » to catch up in learning the language.

MR. VAUPSHAS: Let us say that we were disposed to take them into the school. We did not make it hard for them to integrate.

MR. LESAGE: That's right! May be that — Well I should not ask you that, I know — but in the French schools the same disposition was not there to the same extent... !

MR. VAUPSHAS: I remember myself that when an immigrant first came in Montreal, he asks his fellow immigrant, or someone from his ethnic group: Which is the nearest school that I should send my children? And because an immigrant was made welcome in any particular school, he just said: Go to that school. But he had applied to any particular school and was turned away. There was no room. During that time I was a school principal. There was time when we had in the classroom, where we are supposed to have only 30 to 35, we had 45 children sitting in the classroom. We had to go on half-time classes because we did not have enough teachers. But, we did what was possible under the circumstances.

MR. LESAGE: Did the teachers at the time complain about the teaching load?

MR. VAUPSHAS: They always complain. But yes, there were difficulties and it is a very frustating experience sometime to have to stop the whole process of teaching in the class so that you have to say to the immigrant, and most of them to sit down and stand up and come here and go. Quickly the immigrant, I think, picks up a knowledge, the fundamentals of the language and before you know he is ready to integrate.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, monsieur, de votre représentation. M. le ministre a-t-il une déclaration à faire?

M. CARDINAL: M. le Président, non pas une déclaration mais je veux simplement souligner aux membres du comité — et pour les fins du journal des Débats — que nous avons reçu une lettre, datée du 10 janvier 1969 de Mrs. Joan J. Reid, qui mentionne qu'elle aurait aimé venir devant le comité, qu'elle ne peut le faire. Je suggérerais que cette lettre de Mme Reid soit déposée parmi les documents du comité et qu'elle soit mise en annexe au journal des Débats. Je pense qu'une copie a été remise à chacun des membres du comité déjà, (voir annexe A)

M. BOUSQUET: Relativement à cette lettre, je voudrais signaler que dans le deuxième paragraphe, on dit que « si nous vivions dans un pays démocratique avec toutes les libertés dont un pays démocratique doit, normalement, jouir que ce bill 85 n'aurait jamais dû être apporté, que l'on n'aurait jamais été obligé d'apporter ce bill 85. Alors, j'en conclus donc que, dans les autres provinces, l'on ne vit pas dans un pays démocratique.

UNE VOIX: Très bien.

M. LE PRESIDENT: Quelle est la dernière phrase, M. le Député?

M. BOUSQUET: J'en conclus que les grandes libertés démocratiques sont bafouées dans les autres provinces du Canada.

UNE VOIX: Est-ce une raison pour que le Çuébec commence I les bafouer?

M. BOUSQUET: Nous n'avons jamais commencé I les bafouer d'aucune façon.

M. LAFRANCE: A Saint-Léonard, je crois qu'on a commencé.

M. LE PRESIDENT: Messieurs, à l'ordre! A l'ordre!

En tant que président, je ne peux pas tolérer...

UNE VOIX: Pardon?

M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas tolérer de...

M. LESAGE: Il ne peut pas tolérer de discussion entre les députés!

M. LE PRESIDENT: Je ne peux pas tolérer... M. LESAGE: Entre les membres du comité!

M. LE PRESIDENT: Je n'ai pas fini ma phrase. Je ne peux pas tolérer que le sujet glisse ou puisse...

M. LESAGE: Quoi?

M. LE PRESIDENT: ... ou puisse...

UNE VOIX: Pour le moment.

M. LE PRESIDENT: Pour le moment. Nous passons...

M. LESAGE: Que le sujet glisse où?

M. LE PRESIDENT: Glisse sur des sujets glissants.

M. LEFEBVRE: Vous êtes obscur, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: M. Trudeau, qui est un sphinx, est si vilain. Il a son tic.

Nous allons passer au numéro 46 avec Mme 'Smith qui représente The Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec. Nous avons entendu les catholiques, nous entendrons maintenant les protestants. L'oecuménisme est la marque de commerce de notre comité.

Mrs. Allana Reid-Smith

MRS. SMITH: Mr. Chairman, I am happy to be here to represent the 8000 members of the Provincial Association of Protestant Teachers, the association of which I have the honour to be the President.

The brief which we have presented was typed rather correctly, but I would like to first of all apologize to the members of the commitee for a few typographical errors which did not get cut off before the brief was printed. I hope that they will forgive particularly the fact that we do not know how to spell protestant in the first line.

I would like to ask your permission to read this brief partly in French and partly in English, so that you may see that we are trying to follow our own precepts of bilinguism.

The Provincial Association of Protestant Teachers of Quebec, which is more commonly known as the PAPT and to some of our enemies known as PAPT, has stated publicly many time its belief in a completely bilingual society, both in Quebec ans throuthout the rest of Canada.

In order to achieve such a bilingual society, it is obviously necessary to create a first class education in both French and English and to make certain that all students graduate from school with a fluent working knowledge of both French and English.

La PAPT a en tout temps supporté ardemment les droits des parents de sélectionner la langue d'éducation de leurs enfants. C'est un droit humain fondamental qui doit assurément être accepté par une société démocratique moderne.

La PAPT réitère sa position, laquelle confère le droit d'égalité I tous les citoyens canadiens quel que soit leur pays d'origine, l'endroit où ils se sont établis et la durée de leur séjour dans ce pays. Si des restrictions s'imposent, celles-ci doivent être énoncées par le département de l'immigration bien avant l'entrée des immigrants dans ce pays.

Bearing these facts in mind, the PAPT wishes to recommend the following changes to bill 85 of the Legislative Assembly of Quebec.

In section 1, which is the amendment to section 2 of the Education Act, we feel that any restrictions with respect to « persons settling in the Province of Quebec » should properly come within the jurisdiction of the Department of Immigration, not that of Education.

Cependant, si le paragraphe doit être gardé, il devrait se lire comme suit: « Le ministre a aussi la responsabilité de prendre, de concert avec le ministre de l'Immigration, les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec puissent, si elles le désirent, et ce dès leur arrivée, acquérir une connaissance d'usage de la langue française, et puissent, si elles le désirent, faire instruire leurs enfants dans les écoles reconnues par le ministre comme étant de langue française.

Further, we think that an additional section marrying this previous section should also be added, which would indicate that immigrants may, if they so desire, acquire upon arrival, a working knowledge of the English language and may, if they so desire, cause their children to be taught in schools recognized by the Minister as being English language schools.

Section 8 provides a particular problem which is relevant to our own Association. We have a charter which specifically states that all teachers who are teaching for Protestant schools boys in the Province are automatically members of our Association. Until such time as further guarantees shall exist within the Government of Quebec for our members, it will be fairly imperative for us that any recognition of English and French schools should also go hand in hand with the present recognition of schools as Protestant and Catholic.

We therefore suggest that notwithstanding the recognition of Educational Institutions, as English and French, such recognition of English language and French language schools is not exclusive and in no way takes precedence over the recognition of schools as Protestant and Catholic by the Protestant and Catholic Committees. This as I say is a matter that is particularly relevant to our own Association. We are not anyway contradicting the position which we have previously taken. We would be very happy to see the Educational System of the Province organized on a dual language basis of English and French. But, until such time as that occurs, for our own protection we must retain the recognition of school as Protestant.

Section B. Cette section confère au comité linguistique l'autorité en matière pédagogique (programmes et examens) ce comité pourrait tris bien être formé de gens qui ne sont nullement des éducateurs par profession. Cet article devrait aussi donner une protection égale, tant a l'éducation anglaise qu'à l'éducation française. Cet article devrait donc être modifié comme suit: « de faire des recommandations au ministère de l'Education régissant les programmes d'étude et les examens pour tous les en- seignements donnés en langue française et en langue anglaise, de façon à assurer une connaissance d'usage de la langue française et de la langue anglaise à toute personne qui fréquente une institution visée au paragraphe a) et reconnue comme étant de langue française ou anglaise. »

Section 10. We would like to make some supplying comments. We feel that the method of enforcement which is provided for part c) of section 10 affords no real protection to anyone. We regret that there is no provision of appeal from the decision of the Minister or of the Linguistic Committee and we find rather strange the fact that the act provides for the possibility of the Minister approving a resolution which derogates from the guarantees provided in subparagraphs 3 and 4. We are not lawyers, we are teachers and this may not be the case in law, but it would seem to us to be a direct contradiction of the entire law. Therefore, we feel that the word « approve » should be remoted, so that section 10-c) would thereafter read: « He may amend or annul it ninety days after he has taken the advice of the Linguistic Committee. »

However, it is the opinion of our Association that the best way by which English schools can be adequately protected is by the establishment of English and French School Commissions such as it has been recommended by the Report of the Committee for the Restructuration of the Island of Montreal and the Brief of the Dual Language Committee. We would therefore feel that this section should be amended to read: « The Implementation of the regulations respecting Catholic and Protestant French-speaking and English-speaking schools shall be the responsibility of French and English School Commissions. These should be duly electec by all citizens within the geographical area who shall declare themselves for the purpose of the said elections, to be either French-speaking or English-speaking. »

Section 11. La phraséologie de cet article rendait impossible le fait de remettre indéfiniment la mise en vigueur de cette loi. Vu l'empressement en vertu duquel cette loi a été rédigée et donnée en première lecture, il semblerait qu'il y ait urgence de la mettre en vigueur. Par conséquent, nous recommandons que cet article soit modifié de telle façon qu'il se lise comme suit: « La présente loi entrera en vigueur à la date fixée par proclamation du lieutenant-gouverneur au conseil pas plus tard qu'un an à compter du jour de sa sanction ».

These are our recommendations in notes or simply paralleling the recommandations. We feel that in its present form, bill 85 is unsatisfactory and even possibly rather dangerous andbecause

of its ambiguities and its difficulties of interpretation and we feel that only a such change, changes such as we have a notice of suggestion with this be effective. However, if such changes take place, we feel that it might very well provide the basis for a truly bilingual Quebec which would provide a real inspiration for truly bilingual Canada.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, madame. M. Bousquet.

M. BOUSQUET: M. le Président, la première question que je voudrais poser est celle-ci. Au premier paragraphe, l'Association des enseignants protestants dit ceci: Que les professeurs ont à maintes reprises établi publiquement leur foi en une société entièrement bilingue tant au Québec que partout ailleurs au Canada.

Ma question est celle-ci: Cette foi, dans la pratique, est-ce qu'elle s'est traduite par une étude du français de la part des professeurs eux-mêmes? En d'autres termes, sur les 8,000 professeurs protestants quelle est la proportion de ceux qui sont entièrement bilingues?

MME REID-SMITH: C'est une question à laquelle il est très difficile de répondre. Je ne suis pas parfaitement bilingue, au contraire. J'espère qu'il y en a 20% qui sont parfaitement bilingues, mais il y en a beaucoup qui comprennent le français mais ne le parlent pas. Il y en a beaucoup qui désirent le parler mieux.

M. THEORET: Si vous me permettez une remarque, Madame, vous avez dit que vous n'étiez pas parfaitement bilingue.

MME REID-SMITH: Oui.

M. THEORET: Par ailleurs, Je souhaiterais que beaucoup d'anglophones parlent le français comme vous le parlez vous-même, et je vous en félicite.

MME REID-SMITH: Merci, monsieur.

M. BOUSQUET: Maintenant, est-ce que vous pourriez nous donner une idée de la période de temps requise pour s'assurer que les étudiants anglo-protestants puissent avoir une connaissance d'usage du français, compte tenu de la situation actuelle?

MRS. REID-SMITH: I am not a prophet. M. BOUSQUET: Non, non!

MRS. REID-SMITH: A great deal of work has been going into the improvement of French education. Toutes les commissions scolaires essaient d'améliorer la situation. Maintenant, il y a beaucoup d'écoles où les étudiants reçoivent leurs cours de géographie, d'histoire, et même les sciences et les mathématiques en français.

Il y a beaucoup d'écoles où il y a des classes accélérées en français, ou les étudiants peuvent constament parler français.

Il y a aussi, surtout les régions rurales où nous avons de petites écoles et pas de spécialistes, c'est très difficile d'avoir ces facilités. J'espère que, dans dix ans, tous les étudiants qui fréquentent les écoles protestantes maintenant pourront parler assez facilement le français.

MR. GOLDBLOOM: Dr. Reid-Smith, among the eight thousands members of the PAPT how many are presently teaching French in the cities?

MRS. REID-SMITH: I would not be able to give you an estimate of that, Dr. Goldbloom, because in many rural areas teachers teach everything, including French. Unfortunately, many of them are not really competent to teach French anymore even if some of them are competent to teach mathematics. In the high schools, of course, we have a fairly high degree of specialization. In the high schools, I would say that probably 10% of our teachers are teaching French, but in the elementary schools, the percentage is very much higher and probably the competence is lower.

MR. GOLDBLOOM: Without wanting to offend or insult those teachers who are teaching French, do you feel that there are a substantial number of them who are competent and qualified in teaching French or is this a major problem in English speaking schools?

MRS. REID-SMITH: It has been a major problem. It is improving very rapidly with the increase in specialization in the elementary schools, with the increase enrolment in the past for ex-specialists at Macdonald College, with the arrival in Canada of many French protestants from France and Belgium who have joined the ranks of French speaking teachers.

I think that French teaching in the protestant schools has improved enormously over the past five or six years. I would say if this improvement continues, as I have every reasons to expect, it will and even be accelerated, we

should be in a position where the children who are now in grade one — this is why I used the term then year period — should by the time they reach grade eleven, have had every facilities to be completely bilingual.

MR. GOLDBLOOM: Good. May I call your attention to page three of your brief? In the middle of the page, you refer to section ten and in your first paragraph, you say that this method of enforcement affords no real protection to anyone. There is no provision of appeal from the decision of the Minister or of the bilinguistic committee. Then, you do not go ahead and make this specific recommendation that there should be a mechanism of appeal. Do 1 take it that this is never the less your intention?

MRS. REID-SMITH: If this power is to be retained in this way by the Minister, then, we will certainly hope that there would be such a provision for appeal. However, as we have pointed it at the bottom of the page, we feel that this protection is best offered by the effective election and functioning of English and French School Commissions. This would be the most effective protection which could be offered. We offered this as an alternative form of protection, shall we say.

MR. GOLDBLOOM: On page 4, where you refer to section 11, which deals with the coming into force of the act, you suggest a waiting period not to exceed a year from the date of its sanction, rather than saying as, in fact, probably most laws do, that it should come into force on the day of its sanction. What was in the mind of the PAPT that would be taking place during that waiting period of a year that justify that delay?

MRS. REID-SMITH: Well, first of all, might I say that we suggested a year at the outside limit and not the inside limit. In other words, not more than one year, so that if it was felt that is was practical, and it could be in force in much shorter time, we would be happy to see this occur. We did, however, feel that it was going to take some time to select this linguistic committee. We have had some experience with nominating people to the Superior Council on Education and the Protestant Committee, and so on. We know that the wheels of Government tend to move rather slowly, at times and we felt that the linguistic committee might very well not be nominated.

It is suggested in the bill that the linguistic committee be selected from nominations from various groups. I would take some time to ask for these nominations, to get them, to make the choice, to get the linguistic committee functioning. And we could not see how the provisions of this bill could be enforced until the linguistic committee was actually prepared to get to work. This was really the basis for our suggestions.

MR. GOLDBLOOM: Thank you very much.

M. LE PRESIDENT: L'honorable ministre du Revenu.

MR. JOHNSTON: Is your association unanimous on the establishment of the English and French school system, so you just have the two systems?

MRS. REID-SMITH: Is unanimous...? MR. JOHNSTON: Unanimous.

MRS. REID-SMITH: Yes, we have unanimity in the sense that no organization of 8,000 people has all 8,000 agreeing completely on anything. But, our association has on several occasions, through its representative governing bodies, given a very large majority vote to the idea of English and French school system.

MR. WAGNER: May I respectfully refer you to page four, particularly to your comments on section eleven?

MRS. REID-SMITH: Yes.

MR. WAGNER: It would seem to me that in the French text, your are stating exactly the opposite of what you are stating in the English text. The English text says: « The working of this section would make it possible to postpone indefinetly the implementation to this bill ».

MRS. REID-SMITH: Yes.

MR. WAGNER: In the French text, la phraséologie de cet article rendrait « impossible » le fait de remettre...

MRS. REID-SMITH: That is an incorrect translation. I apologize the word should be « possible » and not « impossible ».

MR. WAGNER: Thank you.

M. BOUSQUET: C'est un des avantages du bilinguisme.

M. GOLDBLOOM: Le député de Saint-Hyacinthe n'a jamais commis d'erreur de sa vie?

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: D'abord, je tiens à dire que je partage l'avis de votre association lorsque vous dites que le gouvernement agit parfois avec beaucoup de lenteur. Je crois que c'est une excellente remarque.

M. CARDINAL: Le Conseil supérieur a été nommé par les libéraux, M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: Ma question est la suivante, et n'a pas trait au gouvernement...

M. CARDINAL: D'accord.

M. LEFEBVRE:... mais à un sujet plus intéressant encore, à savoir les vues de l'Association qui est devant nous. Madame, si vous n'avez pas d'objection, je vais poser ma question en français...

MME REED-SMITH: Oui.

M. LEFEBVRE: ... mais je suis tout à fait d'accord pour que vous y répondiez en anglais. A la première page de votre mémoire, vous indiquez que votre association a maintes fois établi publiquement sa foi en une société entièrement bilingue. Evidemment, il y aurait beaucoup de matière à discussion sur ce qu'est une société entièrement bilingue. Ma question est assez précise, et compte tenu de ce que vous dites en page un, elle se réfère à la suggestion que vous faites à l'article 1 du bill 85, et dont vous fournissez une nouvelle rédaction en page deux de votre mémoire. Dans votre nouveau texte vous voulez vous assurer que les personnes qui viennent s'établir au Québec puissent, si elles le désirent, et ce dès leur arrivée, acquérir une connaissance d'usage de la langue française et puissent, si elles les désirent encore, faire instruire leurs enfants dans les écoles reconnues. Evidemment, je suis, quant à moi, et avec des gens qui siègent de ce côté-ci de la table — nous l'avons dit très souvent et sans nous démentir, je pense, en aucune circonstance — favorable a que les parents aient la liberté du choix du type d'enseignement pour leurs enfants.

Par ailleurs, au-delà des mots, au point de vue de l'esprit, si vous voulez, de votre association, si, une fois acquise l'idée que les parents doivent avoir une liberté complète quant au choix de la langue d'enseignement pour leurs enfants, et ce entre l'anglais et le français qui sont, jusqu'à nouvel ordre, les deux langues officielles au Québec et au Canada, ne croyez-vous pas qu'il faut de toute nécessité prendre des mesures, non pas coercitives, non pas contraires à la liberté... ne croyez-vous pas qu'il est vraiment important d'Inciter tous ceux qui viennent au Québec à acquérir au moins une connaissance d'usage de la langue française, une connaisance strictement minimale, et ne croyez-vous pas que le texte, tel qu'il est rédigé ici, semblerait, si vous voulez, donner un sauf-conduit trop facile dans le sens qu'il semblerait être presque une incitation aux immigrants à ne pas suivre des cours, fussent-ils élémentaires, en langue française?

Autrement dit, est-ce que vous êtes d'accord, madame, pour faire une distinction entre le droit, à notre avis absolu, des parents quant au choix du type d'éducation qu'ils veulent donner à leurs enfants et quant à cet autre problème — même s'il est dans le même article — qui consiste au souhait, au désir que l'on peut avoir que tous les Québécois aient une connaissance minimum de la langue de la majorité? Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y ait une distinction à faire entre ces deux éléments-là?

MRS. REID-SMITH: First of all, I would agree that all facilities should be available for anyone who wishes to attend a French school. My own feeling is very strongly that anyone, an immigrant or a person as myself who has been born in the province should be able to send their children to a French school if they so desired without any fees attached, without any question of religion being involved at all, I think that the French school should be available for everyone who lives in the Province of Quebec.

However, à think, that our association would reiterate that it must be the parents who decide. This is a parental right, and it must be the parents who decide which of the facilities offered and à will also like to say that it should be the same way in other side, that any French parents regardless thay are immigrants or and old established family should be able to send their children to English schools without any money attached, without any questions asked, if they so desired. à think à will get out in the next question. As far as the language is concerned, I think that everyone, we have said so, should be bilingual. This implies that there must be a minimum and I should say that is more than a minimum in working knowledge of the French language for all English and all immigrants. I would also hope that since we are all living in a very large part

of North America Society, it would be equally imperative for all the French speaking children to have the working knowledge of the English language.

MR. LESAGE: Don't you believe, Madam, that it is reasonnable that the immigrants be urged to send their children to the French schools?

MRS. REID-SMITH: à think that the immigrants should be clever and intelligent human beings, who can have presented to them the fact that in the society of Quebec, it is very much to their advantage to have a working knowledge of the French language.

MR. LESAGE: à am talking about the immigrants. à am referring to section 1, the same as Mr. Lefebvre, section 1 of the Bill which say in other words that it is the duty of the minister and of the Government to urge the immigrants. In other words, it is what it means after all. That is the way I interpreted, that they be urged to send their children to French schools which will be available. Don't you believe that in this province, which is French, it is reasonnable that the Government so acts? It is the same as the Government of Ontario for instance who see to it that the immigrants normally send their children to the English schools?

MRS. REID-SMITH: à believethattwowrongs do not make a right and because Ontario does it, à would hope that it would not necessarily mean that Quebec would have to follow and à would feel...

MR. LESAGE: The facts are there.

MRS. REID-SMITH: ... à would feel that it would depend upon the degree of the urging and the form of the urging, if urging, as à say, consists of providing first class schools and a warm welcome and every facilities for the immigrants that à would agree with. But any form of urging and form of coercion, à would not...

MR. LESAGE: à have avoided the word coercion, Madam.

MRS. REID-SMITH: As à say, that depends on your definition of urging.

MR. LESAGE: But there is a great difference between urging somebody and applying coercion.

M. BOUSQUET: Est-ce que vous trouveriez normal que, dans un pays comme Québec, les immigrants s'intègrent tout naturellement à la civilisation ou à la culture de la majorité?

MME REID-SMITH: Oui, bien sûr.

M. BOUSQUET: C'est très normal. Pour quelle raison s'intégreraient-ils, actuellement, à la majorité québécoise étant donné les avantages énormes que la connaissance de l'anglais peut leur donner, ici, dans le domaine économique, sur le continent nord-américain? Pour quelle raison? Qu'est-ce qui peut les pousser? Est-ce que c'est avec un accueil chaleureux que l'on va les intégrer au milieu français? Est-ce qu'un accueil chaleureux est suffisant si l'argent est du côté anglais?

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. BOUSQUET: Non, c'est très sérieux, c'est fondamental.

UNE VOIX: Vous ferez votre discours en Chambre.

M. BOUSQUET: Alors je pose une question.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, s'il vous plaît!

M. Bousquet a posé une question.

M. BOUSQUET: L'économique n'est pas un sujet pour soulever les passions! S'il faut parler du sujet, nous allons en parler en profondeur.

M. WAGNER: Si vous voulez témoigner, témoignez et nous allons vous questionner.

M. BOUSQUET: J'ai posé une question.

MRS. REID-SMITH: I am affraid it is a question which I am not really very capable of answering. It is a matter in which we are going to have an opinion now. It is certainly not revolting and naturally à will say that the gentleman has provided excellent argument for complete bilinguism. Because it is perfectly natural that they should be integrated completely into the culture of the majority of the province. It is also perfectly natural that they want to be able to move, if they need to move for some personal reasons or for some economic reasons to another part of Canada where English is the language commonly spoken. It is perfectly normal that they should think in terms of the North American « milieu » in

which they lived. Both are perfectly natural and therefore the only possible accommodation for them both is total bilinguism.

M. LE PRESIDENT: M. Lefebvre, s'il vous plaît?

MR. LEFEBVRE: Yes. Mrs. Smith, I think this time that I will put my question in English to make sure to have the « nuances » that I want to I would like to have your views on, I hope it comes through better than I did get my point understood in French.

My point is this. Taking into consideration the fact that you recognized the right of the Government of this Province to invite all immigrants to register their children into the French schools, but supposing, in one particular case, one English speaking family, coming from England or anywhere in the world, decides not to follow this suggestion and to go on registering their children into the English school in Quebec, I believe this bill will give them the right to do so. Supposing that situation, do you think that the parents of these children, who are English speaking, do you think that we, altogether, should take the means to assure that these parents have an occasion to learn some little bit of French in order that they can better communicate with the majority of this community? Do you see what I mean?

MRS. REID-SMITH: Yes, you are referring to the facts.

MR. LEFEBVRE: If I may just give a little more details. The children will have an occasion in school to learn French and let us hope this French will be better than the one is taught now and that it will have better results. Let us hope so. But, at least, they will have an occasion to learn some French. About the parents? Do you agree that the parents should be strongly invited, because I am a little worried about the phrase you use here, although, I mean legally I agree with it, « if they so desired. » I am little worried about the message that comes out of this, and I would like to have your views outside of this particular text, I would like to have the philosophy of your association on this particular point.

MRS. REID-SMITH: I think my association would be opposed to coercion of any kind. I think that they would be very much in favour of every possible opportunity being given to parents to have allowed education in French. I think they will be in favour of every possible exposure that the parents can be given to the French language, every possible — here I use the word, but I think it accurates here for propaganda, it is perfectly good word in this particular regard — that could be issued in order to convince them of the necessity of learning French, but if at that point they were just so stupid or stubborn that they would not do it, I would feel that there was not much that anyone else could do about it in that point.

MR. PRESIDENT: I thank you.

MR. TETLEY: The point that Mr. Lefebvre was making was that there is a contradiction in your first page where you say that you want a bilingual Quebec...

MRS. SMITH: Yes.

MR. TETLEY: ... and that is a part of your facet — I think it is a facet of all of us — and then, when you go on and you say that however you give people the option if they wish... And that is the...

MRS. SMITH: Well, if they wish to attend French or English schools but we would certainly not provide any option within the English schools as far as learning French is concerned.

MR. TETLEY: But the point is that his worry and the worry of many people is that it will not work but we went to get the reason that the effort that you desire in your first page by a second page, you will not have a bilingual Quebec.

MRS. SMITH: Possibly I am just going on a mistake.

I do not think there is any contradiction in what we are saying as they should be free In the choice. The parents should be able to send their children to English schools and French schools as they wish. But we have not say that there should be any choice as far as learning French, within the English schools.

MR. TETLEY: The means to get a perfect bilinguism in Quebec is through proper instruction of French in English schools.

MRS. SMITH: Yes, and a provision of every possible facilities for adult Education. I think there has been a great deal done in this area in the last two years and I hope that there will be a great deal more done.

M. THEORET: Mme Smith, si vous me permettez, on parle souvent des droits des parents de choisir la langue d'éducation, l'école de leurs enfants, admettez-vous aussi que l'Etat a des droits et une obligation de protéger la langue de la majorité qui existe actuellement dans le Québec?

Cela me fait penser un peu aux droits dont on parle quand on parle des étudiants. On parle de leurs droits, mais on parle très peu souvent de leurs obligations.

MRS. SMITH: Well, there you are asking for philosophy. I would say that...

M. THEORET: C'est la philosophie du bill, Madame.

MME SMITH: Non, non, mais Je comprends.

I feel that the State certainly has an obligation to maintain the language of both the majority and the minority. I feel that it is rather like the business of censorship and truth and I feel that truth will prevail. I am afraid I would rather agree with an old fashion gentleman named John Wilson who said that truth would prevail by its own strength. And I feel that the worth of the value of the French language does not need anything except its own worth and its own value to maintain it in the province of Quebec

M. BOUSQUET : Est-ce que vous considérez que les deux langues sont également menacées au Québec actuellement?

MME SMITH: Oui.

M. BOUSQUET: Egalement?

MME SMITH: Egalement.

M. BOUSQUET: Est-ce que le fait que la minorité anglaise, qui se trouve ni plus ni moins arc-boutée sur un continent anglo-saxon, n'est pas singulièrement renforcée par cette situation?

MRS. SMITH: Would you repeat that, Sir?

M. BOUSQUET: La réalité, c'est qu'il y a tout un continent anglo-saxon qui vient renforcer, I tous les points de vue, la position des Anglo-saxons du Québec alors que les Canadiens français du Québec ne forment qu'une enclave française sur un immense continent.

MRS. SMITH: I think you underestimate the power of the French Canadians in North America, and in Quebec. There are a considerable numbers who have taken the French language and the French culture to Alberta, to British Columbia, to New Brunswick and even to Ontario.

M. BOUSQUET: Vous avez bien dit « culture », vous n'avez pas dit « langue »?

MME SMITH: Aussi la langue.

I had a letter just the other day from a group of French speaking teachers in Alberta who are having minority problems and suggesting that some of their problems in Alberta were similar to some of the ones we might be having in Quebec and suggesting that we get together and discuss to see if we can find common solutions and common ideas. «J'ai répondu que je suis très heureuse d'avoir reçu cette lettre et que si c'est possible, nous pourrions avoir une réunion, ce printemps, pour discuter de nos problèmes, en commun.

M. BOUSQUET: Merci.

M. LE PRESIDENT: Merci, Mme Reid-Smith.

Le député de Sainte-Anne a demandé la parole. M. Hanley, si vous voulez ne prendre que quelques minutes, étant donné que le temps fuit, tempus fugit. Quelques minutes, s'il vous plaît. Pour autant que vous pourrez vous exprimer, nous vous donnons le temps nécessaire, mais...

M. HANLEY: 3i je suis capable de faire mon exposé dans quelques minutes, oui; mais si je veux quelques autres minutes, j'espère que vous ne m'arrêterez pas, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Démocratie.

M. HANLEY: M. le Président, mon dernier exposé sur le bill 85 devant l'Assemblée législative s'est fait en français. Je vous remercie de m'avoir accordé la permission de faire quelques remarques sur le bill 85 et sur mon vote appuyant la demande de référer le bill au comité de l'éducation. Aujourd'hui, nous avons beaucoup d'organismes de langue anglaise et je veux faire quelques remarques en anglais.

Mr. President, I was severely ostracized and attacked from certain areas of the English speaking métropole of Montreal. They were so concerned as to why I had told them to send bill 85 back to committee. Unfortunately, I did not have an opportunity to meet with the mass media and give them the reasons. On December the 11th, I had several phone calls at my home, here in Quebec, that many organizations in Montreal

were not satisfied with bill 85 as it is. In the English language newspapers the following day, December the 12th, many organizations representing English language groups stated that they were not satisfied with bill 85.

M. PAUL: M. le Président, je regrette d'être désagréable à l'endroit de mon honorable ami, le député de Sainte-Anne, mais je crois qu'il avait été convenu, dès la première séance de ce comité, que nous entendrions les mémoires des différentes associations qui seraient de nature à nous faire, peut-être, concevoir de nouveaux principes du bill ou des amendements qui pourraient tenir compte des suggestions des groupes d'expression française ou d'expression anglaise. L'honorable député de Sainte-Anne vient de demander la parole. Tous ont cru que l'honorable député verrait à exposer un mémoire ou à faire des représentations, soit en son nom personnel ou au nom d'une association.

Malheureusement, depuis le début de ses remarques, il essaie de justifier un vote qu'il a été appelé à donner en Chambre. Je crois que l'attitude de l'honorable député de Sainte-Anne, si elle était tolérée par ce comité, nous éloignerait dangereusement de la ligne d'action que nous avons voulu adopter pour une étude logique du bill 85. Je crois que l'endroit tout désigné pour étudier le principe du bill, pour justifier une attitude prise ou un geste posé lors de l'étude de la motion renvoyant le bill 85 au présent comité, serait l'Assemblée nationale. Dans les circonstances, M. le Président, je m'excuse auprès de mon honorable collègue, mais je voudrais que vous demandiez à l'honorable député de Sainte-Anne d'adopter la ligne d'action que nous avons décidé de prendre pour travailler avec efficacité.

M. HANLEY: Très bien, M. le Président. Sur le bill 85 et non pas sur mon vote, quelques explications, d'accord? On December the 12th, I have written to the Honourable Jean-Guy Cardinal, the Minister of Education, as it follows: « I have been informed that the English Catholic parents, teachers and principal for the « élémentaire » are not satisfied with bill 85.

They had stated that the educational rights should be strengthened and that bill 85 did not contain a positive statement of the rights for Quebec parents to have their children instructed in language of their choice without distinction of origin or citizenship.

Therefore I have no objection and I urged the Assembly to return this bill 85 to the committee for further study and to the interested groups be invited before this committee within three months I have stated. Government works slowly? The committee has been invited within a month, not three months as I have expected. The bill would die in the Legislative Assembly, it would never reach the committee. I am a little bit disappointed that certain English speaking organizations underestimated my power influence with the Government.

This is the reason why I asked the Minister to return the bill to give the various organizations an opportunity to amend it because you are not satisfied with bill 85 as it is. On bill 85 very briefly. This is a bill that is going to guarantee the French a livelihood within their own Province of Quebec. It is not only a bill to guarantee the rights of the minorities. And I say without fear of contradiction that if bill 85 is not adopted as a strong bill, then we are heading into a recession and I have the facts to back up my statement. You are not going to interest outside money in developing 85% of your natural resources that you have at the present time in Quebec unless you guarantee them the assurance that all groups shall be respected and rights shall be guaranteed. This I have no problem today with the French speaking people of Montreal.

I am not referring to property or low wage earners. The French speaking people of Montreal never had it so good. My problem today is with the English speaking people of Montreal. They cannot seek employment in Eaton's/ nor in Simpsons, Northern Electric and Bell Telephone because they are not bilingual. Therefore, the French speaking people.

Ah oui, M. le député, j'ai de l'expérience, j'ai envoyé quelqu'un à la compagnie Bell, il a passé l'examen écrit et il était en français. J'ai l'expérience de ça. Je dis ça honnêtement.

My problem is with the English and I am very happy that there is no problem with the French on Montreal. I speak again on employment because they are bilingual and the English speaking industries and stores within the City insist that you are bilingual now before they engage you.

Therefore, and I repeat: There is no problem for the French of Montreal; my problem is for the English. I have urged English speaking in Montreal, for many years, long before bill 85, that they should encourage their children to learn French and again I was a severely ostracized by some members of the English speaking community because I have suggested they should learn French. But I appeal to the committee if you are interested in bread and butter for your people or if you are more interested in culture you will have to arrive at a decision.

The French language has never been stronger today, 200 years after the beginning, than it is today. There is no problem with the extension of the French language and the French culture. That shall never happen. Our problem is to guarantee the money market that their rights shall be respected in Quebec and the best guarantee is with a good strong bill 85. There is nothing, and à say this without fear of contradiction, to my knowledge after making a survey, there is nothing on the planning boards of the United States companies for expansion in the Province of Quebec during 1969.

In 1968, à predicted in June would be the worst year in 16. à have the evidence, à have the proof. à have more unemployment, à have more problems. For 69, à predict that it would be more serious than 68. In conclusion, Mr. the President, à want the English speaking organizations of Montreal to know that à am here as a representative of English speaking of Montreal as well as a predominate French of area of Sainte-Anne. And à repeat if you are not satisfied as you have stated on December 12 to bill 85, à hope that you shall present your amendments to-day before this committee, and à do hope that the committee shall adoptably fight as amended if request apply the English speaking organizations of Montreal, and my last opinion...

M. LE PRESIDENT: M. le député...

M. HANLEY: ... à have asked the people. Je dirai mon dernier mot dans quelques secondes, pas tout de suite.

M. LE PRESIDENT: Promis?

M. HANLEY: Promis.

M. LE PRESIDENT: Promesse d'Irlandais.

MR. HANLEY: My opinion to the M.à.S. If you are interested in the future of your French Canadian people, then you will guarantee the rights of the minorities. Thank you, Mr. President.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie, M. le député. Je demanderais à M. Bessette, M. Emile Bessette, numéro 66. Le dernier, le dernier.

M. Bessette, voulez-vous nous donner quelques explications sur l'association que vous représentez, s'il vous plaît?

M. Emile Bessette

M. BESSETTE: M. le Président, MM. les membres du comité, l'Association québécoise des professeurs de français, mémo si elle est de fondation toute récente, regroupe déjà un millier de professeurs de français de toutes les régions du Québec et de tous les niveaux d'enseignement depuis l'élémentaire jusqu'à l'université. Elle sait, par les rencontres et les discussions qu'elle a suscitées sur des problèmes fondamentaux de notre profession et de notre identité culturelle, qu'elle rallie autour de ses positions un nombre bien plus grand encore de collègues.

L'Association québécoise est le porte-parole des associations régionales de Montréal, Québec, Hull et Sherbrooke. Dès sa création, l'Association québécoise des professeurs de français s'est préoccupée de l'état de la langue nationale au Québec. Depuis plus d'un an, un comité étudie cette question et a produit un premier rapport que nous soumettons à votre attention. Les auteurs de ce rapport sont MM,, Gilles Bibeau, m.a. en linguistique, professeur de phonologie et de linguistique appliquées à l'université de Montréal, auteur de l'ouvrage: « Nos enfants parleront-ils français? » André Dugas, docteur en linguistique attaché à la recherche au centre de traitement automatique des données linguistiques connues sous le sigle de CEPADOL; Gilles Gagné, professeur de linguistique à l'université de Montréal et spécialiste de l'enseignement des langues secondes; Gilles R. Lefebvre, p.h.d. en linguistique, professeur à l'université de Montréal, spécialiste de socio-linguistique.

Je voudrais que le titre de ce rapport n'induise pas en erreur. Il s'appelle le rapport sur l'unilinguisme parce que la question se posait en ces termes. Ce comité a examiné toutes les formules à partir de l'unilinguisme, exclusivement anglais en Amérique du Nord jusqu'à l'unilinguisme exclusivement français au Québec, en passant par toutes les étapes intermédiaires.

Ce rapport, d'ailleurs, ne formule pas de propositions. Il essaie d'éclairer sur la question. Enfin, lors de son congrès en novembre dernier, l'assemblée générale de l'association a voté sur la question de la langue à l'école, des propositions précises qui nous amènent à intervenir devant ce comité et qui constituent encore à nos yeux des mesures rigoureusement indispensables.

Le bill 85 a pris les professeurs de français par surprise. Leur travail de recherche les orientait dans une direction tout à fait opposée. Tel qu'il est rédigé, le bill 85, entre autres,

reconnaît aux immigrants le droit de faire instruire leurs enfants en anglais ou dans des écoles dites bilingues. Il encourage indirectement — j'insiste sur l'adverbe — les Canadiens français à faire instruire leurs enfants dans des écoles dites bilingues ou même anglophones. Il oblige les commissions scolaires à ouvrir des écoles anglaises là où les parents, immigrants ou Canadiens français en manifestent le désir.

Si ce projet devenait loi, on assisterait à une augmentation considérable du nombre des écoles anglaises ou, dans la meilleure des hypothèses à la prolifération des écoles dites bilingues dont la langue dominante serait l'anglais.

Pour les professeurs de français, la question se pose de la manière suivante: Est-il souhaitable de reconnaître aux immigrants le droit de choisir indifféremment le français ou l'anglais comme langue première de leurs enfants? Le principe de la liberté du choix linguistique est certainement attrayant, bien qu'aucun pays ne le reconnaisse encore de façon claire et aussi précise que le bill 85.

Que signifierait pour le Québec la reconnaissance de ce droit linguistique? Déjà, 94% des immigrants s'assimilent effectivement à l'élément anglophone, cela, bien sûr, dans la région de Montréal. A ce rythme, dans une quinzaine d'années, la métropole du Canada sera majoritairement anglophone puisque déjà 40% et plus de sa population s'identifie à la communauté anglaise. Si le français devenait minoritaire à Montréal, on imagine aisément ce qu'il adviendrait à plus ou moins brève échéance dans les autres régions du Québec.

La langue et les droits de la minorité anglaise ne sont pas menacés au Québec. Ce sont les droits et la langue de la majorité qui le sont, non pas par la présence de l'élément anglais mais, entre autres facteurs non moins graves, par l'assimilation progressive et rapide des nouveaux Québécois à la communauté anglophone.

Si les professeurs de français jettent, après bien d'autres, le cri d'alarme, ce n'est pas parce qu'ils sont des alarmistes, mais bien parce qu'un examen rigoureux et objectif de notre situation linguistique ne peut mener qu'à des constatations d'une entrême gravité.

De façon générale, le bilinguisme institutionnalisé, à ne pas confondre avec la connaissance individuelle de plusieurs langues, n'est pas souhaitable en soi. Tout bilinguisme se fait au profit du plus fort. Nous ne sommes pas les plus forts, en dépit de notre majorité numérique au Québec, majorité sérieusement menacée, d'ailleurs, dans une région aussi importante que celle de Montréal.

Rien ne prouve, non plus, que l'apprentissage de deux langues à l'élémentaire soit davantage souhaitable, aussi attrayante que la formule puisse paraître à première vue. Je cite, sur ce point, un passage du rapport que j'ai fait remettre. A la page 29, le comité s'exprime ainsi: « Il n'existe pas de pays civilisé où l'on enseigne une langue seconde au niveau élémentaire, à moins que cette situation ne lui soit imposée. Par ailleurs, la plupart des pays industrialisés du monde étudient les langues étrangères à partir du niveau secondaire. Lorsqu'une situation anormale est imposée par des conditions politiques et sociales, il convient de légiférer sur le statut des langues et sur leur enseignement. Si cette action législative n'a pas lieu, ce sont les forces démographiques qui auront le dernier mot. Ce qui est vrai des autochtones l'est encore plus des immigrants. Seuls pour eux comptent l'efficacité et le rendement et ils ne font que favoriser le jeu de ces forces démographiques ».

Mais si on considère plus particulièrement le cas des Québécois, les signes linguistiques sont nombreux d'un français qui a du mal à vivre convenablement. Sur les 3,000 mots fondamentaux du franco-canadien populaire, près de la moitié sont des anglicismes. A un niveau plus élevé, celui de la fin du cours secondaire, au moins le tiers du vocabulaire est influencé par l'anglais ou carrément d'origine anglaise.

Ce sont là des signes qui ne trompent pas et que tous les linguistes interprètent comme des marques évidentes d'une subordination socio-économique. L'adoption et l'application du bill 85 ne viendra qu'aggraver cette infériorité. Qu'arriverait-il en pratique? Les immigrants et les Canadiens français seraient placés devant l'alternative suivante: l'école bilingue à prédominance française ou l'école bilingue à prédominance anglaise. Le choix serait facile. L'école bilingue à prédominance anglaise permettrait aux immigrants d'apprendre très bien l'anglais, tout en ayant, aux termes de la loi uniquement, une connaissance indispensable du français. Les Canadiens français, eux, choisiraient l'école bilingue française, puisqu'elle leur permettrait de connaître assez d'anglais pour satisfaire sans discussion aux exigences actuelles du marché du travail.

Cet état de choses pleinement légalisé conduirait inévitablement à l'affaiblissement progressif de la culture française au Québec, même chez les Canadiens français; à la réduction de notre langue maternelle au statut de langue seconde et, finalement, à l'anglicisation complète du milieu. Je cite encore un passage du rapport, page 32, avant-dernière page: « L'a-

vis des linguistes » sur la question. « Trop peu souvent peut-être, les linguistes ont joué leur rôle de citoyen et ont exprimé leur opinion sur l'unilinguisme ou le bilinguisme. Ceux qui l'ont fait ont presque tous reconnu que le bilinguisme pour un groupe social est un signe d'alinéation et qu'il n'a toujours été, à travers l'histoire des hommes et des langues, qu'une phase de transition entre deux unilinguismes. »

Pris individuellement et laissé à lui-même dans une situation défavorisée, le Canadien français moyen préférera peut-être abandonner insensiblement son identité nationale et son appartenance à la communauté linguistique et culturelle française au profit d'un revenu qui, dans les circonstances actuelles, est supérieur s'il se gagne en anglais.

Une nation qui veut tout simplement vivre a le devoir de prévenir ou de corriger les faiblesses individuelles aussi compréhensibles qu'elles soient. Il est évident pour les professeurs de français que l'Etat doit intervenir de manière à cristalliser le sentiment national et faire en sorte que l'appartenance à la francophonie ne soit pas un poids intolérable pour les citoyens.

La langue en particulier, comme entité culturelle distinctive, est un bien national; ce n'est pas un bien individuel. Si le choix des individus met en danger la qualité ou l'existence même de ce bien national, dans ce cas comme dans tout autre, l'Etat, gardien du bien public et des valeurs fondamentales de la nation, doit réglementer la liberté individuelle. C'est pourquoi l'association a voté à la quasi-unanimité, lors de son assemblée générale, les propositions qui suivent:

Premièrement, que l'Etat définisse plus clairement une politique générale de la langue et qu'il s'empresse d'appliquer les principes et de réaliser les objectifs déjà exposés par le ministre des Affaires culturelles. Je m'en tiens exactement au texte de la proposition du congrès, mais il est bien sur que nous avons aussi toutes présentes à l'esprit les dernières déclarations de M. Johnson dans cette matière.

Deuxièmement, que l'Etat définisse et applique à" brève échéance une politique générale de la langue à l'école en distinguant nettement trois groupes d'élèves: les francophones, les anglophones et ceux d'une autre langue que les deux premières.

Troisièmement, qu'aucun enseignement de l'anglais ne soit donné dans les écoles élémentaires sauf pour les élèves d'origine anglophone. Les élèves, dont les parents n'ont pas eux-mêmes fréquenté l'école anglophone, ne doivent pas être considérés d'origine anglophone, de langue anglaise.

Quatrièmement, qu'aucun étudiant au Québec, de quelque origine qu'il soit, ne puisse obtenir un diplôme de fin d'études secondaires sans démontrer une connaissance sérieuse du français écrit et parlé. Il est évident que tout étudiant pourra recevoir, à partir du niveau secondaire, un enseignement pratique de l'anglais, même l'enseignement d'une troisième langue. Et, j'ajoute à l'esprit des discussions qui ont amené à cette proposition qu'il est bien entendu que la connaissance réelle du français devra être contrôlée, vérifiée par le ministère de l'Education, non pas des examens internes qui laissent toujours douter de leur efficacité.

Cinquièmement, que l'Etat subventionne une enquête rigoureuse sur la langue des élèves au Québec: Vocabulaire, syntaxe, morphologie, phonétique.

Sixièmement, que l'Etat exerce des pressions pour corriger la langue de la publicité, de l'affichage, de la radio et de la télévision.

En conclusion, à ce rappel de nos propositions, Il est évident que l'Association québécoise des professeurs de français ne peut que recommander le retrait pur et simple du bill 85, afin qu'à la lumière des conclusions de la commission d'enquête, qui vient d'être créée, l'Etat procède à une législation plus générale et plus organique. Merci.

M. LE PRESIDENT: Je vous remercie M. Bessette.

Le rapport que vous nous présentez est pour la commission d'enquête, je suppose?

M. BESSETTE: Il est pour le comité. Je pense qu'il pourra être aussi utile à la commission d'enquête, mais Il n'y a aucun doute que plusieurs des fondements de ce que je viens de lire sont contenus dans ce rapport.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): J'imagine que ce rapport sera également reproduit en annexe aux Débats?

M. BESSETTE: Les deux textes seront intégrés au journal des Débats.

M. TREMBLAY (Chicoutimi): Ce sont des documents très importants.

M. LESAGE: M. Bessette a lu son texte, il sera clairement dans le journal des Débats comme les autres, mais à mon point de vue ce que M. Tremblay suggère c'est que le rapport...

M. TREMBLAY (Chicoutimi): C'est que le dossier...

M. LESAGE: ... sur lequel s'appuie le mémoire soit imprimé en annexe.

UNE VOIX: C'est ça. (voir annexe B) M. LE PRESIDENT: M. Lefebvre.

M. LEFEBVRE: M. Bessette, j'aimerais a-voir un éclaircissement. A la page 2 du texte que vous venez de lire et dont je viens seulement de recevoir copie, on lit ceci: « Tel que rédigé, le bill 85: « a) reconnaît aux immigrants le droit de faire instruire leurs enfants en anglais ou dans les écoles dites bilingues; « b) encourage indirectement les canadiens français à faire instruire leurs enfants dans des écoles dites bilingues ou même anglophones. »

Auriez-vous l'obligeance de nous expliquer sur quoi vous fondez cette deuxième assertion? Je veux dire: Où trouvez-vous dans le bill, tel que rédigé, un encouragement aux Canadiens français à faire instruire leurs enfants dans des écoles dites bilingues ou même anglophones?

M. BESSETTE: J'ai bien dit qu'il encourage indirectement. Donc, directement, le bill encourage juste le contraire. En pratique, cependant — je pense que cela a été bien expliqué dans le reste du bref document que je viens de lire — le bill 85, par les libertés entières qu'il laisse, permettra — si vous n'aimez pas encourager — incitera, en tout cas, d'une certaine manière, les parents canadiens-français à envoyer leurs enfants dans des écoles non pas à prédominance francophone mais à prédominance anglophone. Cela, naturellement, pas demain matin mais à la suite d'un processus qui devient possible, qui devient légal, grâce au bill 85.

Ce n'est pas, encore une fois, l'intention du législateur que j'enregistre ici. Ce sont les conséquences possibles et, il faut bien le dire, probables compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, de la liberté entière que consacre le bill 85, en cette matière.

J'espère que cela répond à votre question.

M. LEFEBVRE: Je pense que nous devons prendre en considération, évidemment, les opinions de vos membres au plan professionnel. Il n'y a aucun doute possible que les opinions de linguistes ou de professeurs de français doivent être prises en sérieuse considération lorsqu'ils parlent à l'intérieur de leur discipline, mais je pense, honnêtement, que lorsque vous affirmez ce qui est affirmé au paragraphe b de la page 2, que je viens de lire, il est nécessaire, quelles que soient les qualifications professionnelles de vos membres, que vous donniez plus d'explications que vous ne le faites.

Pour ma part, je ne veux pas défendre le bill tel qu'il est, mais je ne vois pas dans le bill de références à des écoles dites bilingues et d'encouragement aux Canadiens français à inscrire leurs enfants dans de telles écoles.

M. BESSETTE: Je viens de dire, et je le répète: il n'y a absolument rien là-dessus dans le bill. Tout réside dans le sens de l'adverbe « indirectement » qui est là et qui est expliqué pendant une demi-page, à la troisième page très exactement. Il est évident qu'il s'agit d'une vue pratique que nous avons du bill. Il ne s'agit pas du bill lui-même, il s'agit des conséquences possibles. Il est évident que les conséquences de cette loi ne sont pas inscrites dans la loi.

M. LEFEBVRE: Par exemple, l'école bilingue. A ma connaissance, dans le bill, il n'est fait mention nulle part d'école bilingue. De même dans aucune des recommandations qui ont été faites en rapport avec ce bill, je n'ai entendu parler d'école bilingue, sauf une exception hier. Bien sûr, il est question d'écoles soit françaises, soit anglaises, et d'enseignement d'une langue seconde... J'aimerais que vous donniez votre définition d'une école bilingue. Est-ce qu'une école bilingue c'est une école où l'on enseigne une langue seconde?

M. BESSETTE: Une école bilingue n'est pas exactement une école où l'on enseigne une langue seconde, c'est une école dans laquelle les disciplines académiques s'enseignent en deux langues. Par exemple, des disciplines comme les sciences et les mathématiques s'enseigneraient en anglais. Les disciplines moins rentables, comme la philosophie, s'enseigneraient en français ou vice versa. La littérature, bien sûr.

M. LEFEBVRE: Mais, est-ce que le bill 85, à votre connaissance, fait de telles propositions? Nous n'avons pas lu cela.

M. BESSETTE: Non, le bill 85 ne fait pas de telles propositions, ne les exclut pas non plus. Il y a cette possibilité. Cela nous conduit à la conclusion que le bill 85 est, pour nous, une législation trop partielle, trop incomplète. Bien sûr le bill 85 n'institue pas de ces écoles bilingues, mais il permet qu'elles existent.

M. CARDINAL: M. Bessette, me permettez-

vous, s'il vous plaît, deux remarques avant de vous questionner?

M. BESSETTE: Oui.

M. CARDINAL: Au sujet des écoles bilingues, le ministère découvre parfois que de fait Il existe quoique illégalement des écoles bilingues. Les programmes du ministère de l'Education prévus par des comités catholiques et protestants ne prévoient aucun programme bilingue. Il y à des programmes français et des programmes anglais. Il est arrivé dans certains cas que, sans aucune autorisation et de leur propre chef, des commissions scolaires instituent des programmes bilingues. Ces programmes bilingues sont exactement ce que vous avez mentionné, quand nous les découvrons. Certaines matières, certains sujets, sont enseignés dans une langue et certains autres sujets ou certaines autres matières sont enseignés dans une autre langue.

Je pense que c'est dans ce sens que nous parlons d'écoles bilingues et l'honorable chef de l'Opposition, hier, si je l'ai bien compris, n'a pas semblé manifester tellement d'enthousiasme vis-à-vis de ce genre d'écoles. Personnellement, en tant qu'individu, je ne serais pas non plus tellement enthousiaste vis-à-vis de ce genre d'écoles.

M. LESAGE: Pour faire mon Lévesque, je dirai que c'est un « understatement ».

M. CARDINAL: C'est ça! C'est parce qu'il se produit le phénomène suivant, qui a été constaté dans les cas où de semblables écoles ont existé. C'est que, lorsque nous faisons le choix des matières, il peut arriver — et il arrive nécessairement — que certaines matières, comme les mathématiques, les sciences, l'histoire, soient enseignées dans une langue et que d'autres matières, que l'on peut appeler peut-être moins importantes, soient enseignées dans l'autre. Et, à ce moment-là, le fait que ce soit 50-50, chacune des langues peut conduire à des situations tout à fait différentes. Ce ne sont pas les proportions qui comptent, c'est une situation de fait que des linguistes peuvent analyser.

Mais que le bill 85 soit ou ne soit pas adopté — et c'est là que Je diffère d'opinion avec vous et que j'enchaîne avec ce que disait le député d'Ahuntsic — il pourrait arriver et Il arrive que, d'une part, il y a les programmes bilingues et que, d'autre part, des Canadiens français envoient leurs enfants dans des écoles anglaises ou que des Canadiens anglais envoient leurs enfants dans des écoles françaises. C'est- à-dire qu'à moins que, dans votre mémoire, ou enfin, le document qui est en annexe dans votre rapport, vous ne prouviez cette affirmation d'une façon plus précise, elle me paraît, si vous voulez, pouvoir se faire mais, même en dehors du cadre du dépôt de la présentation ou de l'adoption d'un projet de loi de la nature du bill 85. C'est une première remarque.

La deuxième remarque que je fais, c'est que dans vos recommandations, à la dernière page de votre mémoire, vous soulignez qu'il faudrait des examens pour établir une connaissance sérieuse du français écrit et parlé. Hors du texte, vous avez ajouté qu'il ne faudrait pas que ce soient des examens maisons. Je soulignerai que déjà les examens au niveau secondaire et au niveau collégial sont des examens d'Etat et non pas des examens des institutions elles-mêmes.

Cinquièmement, vous demandez que l'Etat subventionne une enquête rigoureuse sur la langue des élèves au Québec Je vous pose ici une question: Est-ce que vous croyez que la commission qui vient d'être créée, que l'on appelle déjà la commission Gendron et qui a un mandat très large, peut et devrait se pencher sur ce problème qui fait l'objet de votre recommandation numéro à?

M. BESSETTE: Nous croyons que c'est fondamental. Nous croyons que la commission Gendron ne pourra pas arriver avec sûreté à ses conclusions, aux conclusions auxquelles elle se doit d'arriver, sans cet instrument de travail. C'est la base. Je suis tout à fait d'accord avec vous là-dessus.

M. CARDINAL: Vous me permettez? A la recommandation numéro 6, j'aurais deux questions. « Que l'Etat exerce des pressions pour corriger la langue de la publicité et de l'affichage. » Est-ce que vous ne croyez pas que déjà l'Etat le fait par l'intermédiaire du ministère des Affaires culturelles?

M. BESSETTE: Oui, nous le croyons, mais nous croyons aussi qu'il faut faire bien davantage.

M. CARDINAL: D'accord. Deuxième question au sujet de la radio et de la télévision. Est-ce que vous croyez que l'Etat provincial peut, dans ce domaine, à cause de la constitution qui déclare que c'est de juridiction fédérale, intervenir directement ou indirectement d'une façon efficace?

M. BESSETTE: Mon Dieu! nous serions très heureux qu'il puisse le faire.

M. CARDINAL: Mais oui, votre réponse est au moins normande.

M. BESSETTE: Non, c'est plus qu'une réponse de Normand; nous souhaitons vivement que l'Etat québécois, s'il n'a pas les pouvoirs nécessaires, fasse tout en son pouvoir pour les obtenir ou les acquérir. En effet, nous voyons très mal comment notre culture peut être laissée entre les mains des autres. Enfin, le principe de base qui nous oriente toujours, c'est qu'on n'est jamais si bien servi que par soi-même; si nous voulons sauver nos biens, Il faut nous-mêmes les prendre en main.

M. CARDINAL: Une autre question au sujet de la recommandation 3. Qu'aucun enseignement de l'anglais ne soit donné dans les écoles élémentaires, sauf pour les élèves d'origine anglophone. Laissons faire le sauf. Est-ce que vous croyez que, dans le Québec, actuellement, il serait possible, il serait souhaitable — souhaitable, vous le croyez probablement — d'adopter à brève échéance une semblable recommandation qui aurait pour résultat que les étudiants au niveau élémentaire n'auraient pas la possibilité d'apprendre les rudiments d'une langue seconde ou enfin d'une autre langue?

M. BESSETTE: Sur ce point, nous sommes très nets. D'abord, de façon générale, les linguistes opinent contre l'apprentissage de deux langues à l'élémentaire. Cependant, il ne faut pas oublier qu'il n'y a aucune étude exhaustive, définitive, rigoureusement scientifique dans ce domaine. Cependant, on revient toujours, en conclusion, à l'exclusion d'une deuxième langue à l'élémentaire, sauf, peut-être, le cas souvent apporté du savant docteur Penfield. Sans vouloir entrer dans les détails, je puis dire tout de suite que les conclusions du docteur Penfield en cette matière ne découlent pas de ses prémisses ou du corpus de recherches qu'il a, à cette occasion-là, accumulées. Nous aurons bientôt à l'association une étude très poussée sur cette question; nous serons heureux de la communiquer.

M. CARDINAL: Puis-je pousser la question un peu plus loin? N'est-il pas de commune renommée, même s'il n'est pas scientifiquement établi, que l'on peut, plus facilement, à un jeune âge, apprendre les rudiments d'une autre langue que l'on peut le faire plus tard?

M. BESSETTE: Oui, mais il ne faut pas oublier la contrepartie. C'est à cet âge aussi que l'on peut le plus facilement tout embrouiller.

Je veux dire que ce que les linguistes appellent interférence se produit. Je parlais d'une façon très générale, il faut tenir compte de la réalité particulière du Québec. Au Québec, l'enfant francophone qui entre à l'école élémentaire, est déjà aux prises avec deux langues, d'une certaine manière. Il a un travail énorme à abattre. Ce serait vraiment antipédagogique, chez nous, — Je suspends, n'est-ce pas le jugement général: est-ce antipédagogique partout? Il n'y a pas encore d'études définitives — mais ici, c'est sûrement antipédagogique d'enseigner deux langues à l'élémentaire parce qu'en réalité, ça en fait presque trois, pour nos étudiants.

M. CARDINAL: Si vous permettez, je pose deux questions à la fois, pour que vous les voyiez venir. La première question: Je ne suis pas linguiste, je ne sais pas quelle est l'opinion d'un linguiste. Est-ce que, malgré ce que vous avez dit, le fait d'apprendre une deuxième langue, le fait plus précis d'apprendre l'anglais pour un Québécois de langue française, n'est pas un moyen, justement, d'éviter que, lorsqu'il parle le français, il emploie, sans le savoir, des anglicismes? A compter du moment oft il connaît l'autre langue, il peut peut-être — c'est une hypothèse — juger de la qualité d'au moins d'une des langues, si ce n'est pas des deux. La deuxième question: Est-ce que cette recommandation trois n'est pas plutôt une recommandation de nature politique plutôt qu'une recommandation de la nature de celles que font des experts en semblable matière, c'est-a-dire en matière de langue?

M. BESSETTE: Je réponds aux deux questions l'une après l'autre. Ala première question: Tout linguiste va vous dire que ça ne va pas. L'enfant, à l'élémentaire ne sera sûrement pas plus apte à distinguer le vrai du faux, le bien du mal linguistique, parce qu'on lui donne les rudiments d'une autre langue, Il n'y a aucun doute dans l'esprit des psychologues et des linguistes là-dessus.

M. CARDINAL: Puis-je vous interrompre, M. Bessette, et chez l'adulte?

M. BESSETTE: Chez les adultes, c'est autre chose. C'est pourquoi nous recommandons l'étude d'une langue seconde à partir seulement du secondaire. Et, encore là, il faudra, ce ne sont pas encore des adultes tout à fait, mais en tout cas, à partir de là tout de même, il faudrait graduer avec beaucoup de prudence, à partir de la septième année.

Enfin, maintenant, le secondaire va commencer en septième année. Il faudrait graduer avec beaucoup de prudence. A l'élémentaire, il n'y a pas de doute là-dessus.

Deuxième question: Est-ce que c'est d'inspiration politique? Non, cela je peux l'affirmer et je tiens à l'affirmer hautement. Ce n'est absolument pas politique...

M. CARDINAL: Je m'excuse, vous comprenez dans quel sens j'emploie le mot politique ici. Non pas dans le sens de partisan, d'un geste que l'on pose en vue d'un but, suivant un certain processus que l'on appelle politique, mais dans le sens d'une politique de langue fondée pas tellement...

M. LEFEBVRE: Seulement une parenthèse. Est-ce que le ministre vient de donner sa définition de la politique?

M. CARDINAL: Ce sont deux définitions: je pourrais en donner de nombreuses autres. Mais, si vous permettez, l'honorable chef de l'Opposition en Chambre en a donné une autre en citant un auteur...

M. LE PRESIDENT: C'était de Saint Thomas.

M. CARDINAL: Je m'excuse de cette maladresse. J'essaie de revenir au sujet. Est-ce que cette recommandation 3, qui se place à la suite d'un mémoire, fondé sur un rapport d'experts, n'est pas une recommandation qui déborde les cadres d'une expertise et qui se situe carrément dans le cadre d'une politique de langue, vu une situation sociologique donnée au Québec, plutôt qu'une situation linguistique?

M. BESSETTE: Ceci précise de beaucoup votre question sur le pauvre mot politique qui a été tellement galvaudé qu'on ne sait pas trop...

M. CARDINAL: Par qui?

M. BESSETTE: Nous ne sommes pas les premiers, messieurs. Il y a bien des siècles que cela se fait. Si on prend le mot politique dans le sens le plus élevé, c'est-à-dire définition d'une pensée concernant la vie d'un groupe, la vie et les finalités, les objectifs et les aspirations d'un groupe, eh bien, je puis dire, ici sans hésiter que les conclusions d'ordre pédagogique coïncident exactement avec les aspirations politiques. Encore une fois, j'insiste sur le fait qu'il faut enlever toute connotation péjorative à ce terme. Je crois qu'ici les deux instances nous conduiraient à la même conclu- sion, nous conduisent effectivement à la même conclusion. Et cela, ce n'est pas seulement ma pensée, je puis dire que c'est l'opinion très largement exprimée par le groupe que je représente.

M. CARDINAL: Une question au sujet de votre recommandation 2.

Sur un plan politique, dans un Etat donné quel qu'il soit, au Québec en particulier, est-ce que la raison d'Etat, est-ce que le désir d'établir une politique de langues, est-ce que divers impératifs supérieurs, sont tels qu'il est permis à un Etat de diviser les citoyens en diverses catégories et d'établir, pour chacune de ces catégories, des droits et des obligations qui puissent être différents?

M. BESSETTE: En principe, on le sait, on le rappelle souvent, tous les citoyens sont égaux, d'accord. En pratique, il y a tout de même des distinctions, il y a des citoyens qui parlent une langue et des citoyens qui en parlent une autre. Cette distinction des variétés de faits n'est pas dans le droit.

Pour appliquer une politique cohérente de la langue à l'école, il faut tout de même tenir compte des faits. Je pense que là, encore une fois, nous sommes en dehors de toute considération juridique.

M. CARDINAL: Aucune considération juridique.

M. BESSETTE: Pardon?

M. CARDINAL: C'est plus qu'une considération juridique. On peut partir d'un article du code civil qui établit que tous les citoyens, qu'ils arrivent ou qu'ils partent ou qu'ils soient là, ont les mêmes droits. Cela c'est purement l'article de droit. Cet article de droit, si on fait un peu de philosophie, est censé représenté des réalités, des philosophies justement, ou des politiques. Je ne voudrais pas le prendre sous l'aspect légaliste.

M. BESETTE: D'accord. Je pense que, moi aussi, je suis persuadé que votre question est beaucoup plus large que celle-là. C'est ça.

A quoi arrivons-nous? En définitive nous arrivons toujours à ceci, dans les discussions et dans les études que nous avons pu faire, c'est qu'une nation en tant que telle cesse d'exister quand elle perd son identité culturelle. Or, la langue c'est l'âme même, c'est l'essentiel de l'identité culturelle. Il y a même des philosophes en la matière qui affirment que toute la culture

c'est la langue, que la langue est toute la culture. Je ne suis pas prêt à aller jusque là, mais, en tout cas, c'est sûrement fondamental.

Il s'agit, ici, de savoir si on va exister ou non. Etre ou ne pas être. Je voudrais plutôt me référer à des faits historiques.

Voyons un peu ce qui se passe dans les pays bilingues ou trilingues, plus évolués, en Suisse par exemple. Eh bien, il y a des lois très rigoureuses qui sauvegardent l'identité linguistique de chaque canton. Si vous... Pardon?

M. LESAGE: Excusez-moi, juste une question en passant. Vous parliez de la Suisse.

M. BESSETTE: Oui.

M. LESAGE: Est-ce que, pour que votre argumentation soit absolument logique, vous ne devez pas conclure qu'il y a plusieurs nations en Suisse?

Je pense à la prémisse que vous avez énoncée il y a un instant.

M. BESSETTE: Au sens français du terme, on ne peut peut-être pas arriver jusqu'à l'affirmation qu'il y a plusieurs nations, quoiqu'il y a certaines parties des Suisses qui seraient tout à fait d'accord avec cela. Mais on peut au moins arriver à l'affirmation qu'il y aplusieurs cultures en Suisse.

Evidemment, le fait qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas plusieurs nations en Suisse ne change rien à notre réalité à nous.

M. LESAGE: Mais c'est à cause de la prémisse que vous avez posée tout à l'heure...

M. BESSETTE: Oui.

M. LESAGE: ... disant qu'une nation ne peut survivre...

M. BESSETTE: Supposons qu'il n'y ait pas plusieurs nations en Suisse, ce qui se pratique en Suisse, les mesures rigoureuses de sauvegarde qui se pratiquent en Suisse deviennent a fortiori indispensables ici. Parce qu'ici nous pouvons affirmer que, non seulement il y a deux cultures, mais il y a deux nations. Au sens français du terme. Je ne veuxpas recommencer les chicanes linguistiques.

M. LESAGE: Non, non, nous vous comprenons très bien, Monsieur.

M. BESSETTE: Ce n'est pas la première fois que...

M. PAUL: M. Bessette, dans la troisième recommandation...

M. LESAGE: J'aimerais qu'il termine son argumentation, surtout en ce qui concerne la comparaison avec ce qui se passe en Suisse.

M. BESSETTE: Si vous voulez, je termine très rapidement ce que j'avais commencé.

En Suisse, il y a des lois très rigoureuses, de quelque langue que vous soyez, Allemand, Français ou Italien, si vous vous installez avec vos enfants dans un canton de langue allemande, vous n'avez pas le choix, il faut envoyer vos enfants à l'école allemande. Il n'y a qu'un système d'école publique, l'école allemande. De même pour les cantons français, etc.

Vous savez qu'on a fait quelque chose de similaire en Belgique et que ceux qui s'étaient cru lésés par ces lois se sont présentés devant le tribunal des droits de l'homme qui a siégé à Strasbourg. Vous connaissez très bien, je pense, le verdict de ce tribunal. Ce tribunal a émis le verdict que ce qui avait été fait en Belgique ne constituait pas une atteinte aux droits de l'Individu, aux droits de l'homme, mais que ce qui avait été fait était indispensable pour conserver un droit supérieur, celui de l'identité culturelle et linguistique.

Il y a, là-dessus, un jugement de 150 pages, qui est très intéressant. Je pense que le comité et la commission d'enquête gagneraient beaucoup à le consulter, je pense que c'est important.

M. LE PRESIDENT: L'honorable Secrétaire de la province.

M. PAUL: M. Bessette, le ministre de l'Education vous a posé quelques questions relativement à la recommandation 3. M. Cardinal a dit, à un moment donné: Mettons de côté les mots « sauf pour les élèves d'origine anglophone ». Quelles seraient vos recommandations quant à l'enseignement du français dans les écoles anglophones au primaire?

M. BESSETTE: Nous ne nous sommes pas posé cette question de façon directe lors de notre congrès, puisque c'était un congrès de professeurs de français, qui, comme il convient, doivent toujours se mêler de leurs affaires et voir à régler les problèmes de l'enseignement du français. Autrement dit, nous n'en avons pas fait l'objet d'une recommandation, parce qu'il nous semblait normal que les professeurs des écoles anglophones fassent, eux, des recommandations sur ce que devrait être l'enseignement

du français dans ces écoles. Il y a une association de professeurs de français de ces écoles. Mais, si vous voulez connaître l'opinion plus généralisée au sein de l'association là-dessus, Je veux bien essayer de vous répondre.

Tant que des études rigoureuses, comme je le disais il y a un moment, n'auront pas prouvé de façon définitive que l'apprentissage de deux langues à l'élémentaire est sûrement mauvais; compte tenu aussi du fait que la langue des enfants anglophones à l'élémentaire est généralement un peu meilleure que la langue des enfants francophones, surtout dans la région de Montréal, on peut considérer que ce n'est pas une erreur prouvée dans les écoles anglophones de commencer l'apprentissage du français. Mais, nous ne pouvons absolument pas dire que c'est bon. Au contraire, les études déjà faites sèment beaucoup de doutes dans cette matière. Mais, encore une fois, je pense que les éducateurs de ces écoles anglophones devraient se pencher sur la question et arriver, eux, à des propositions dans cette matière. En tant que professeurs de français comme langue maternelle, nous ne souhaitons pas particulièrement que le français soit enseigné dans les écoles élémentaires des enfants anglophones.

Ils peuvent très bien commencer au secondaire, eux aussi.

Nous sommes persuadés que si l'enseignement du français, langue seconde, comme de toute autre langue seconde, est vraiment bien fait, infiniment mieux fait que ce qui a été pratiqué jusqu'à maintenant, c'est bien suffisant pour acquérir, au terme de la scolarité minimale imposée par la loi, une connaissance pratique et sérieuse du français écrit et parlé.

Donc, il n'y a pas de presse, à ce moment-ci.

M. PAUL: Mais si la troisième recommandation était acceptée, il faudrait que l'Etat ou le ministère de l'Education intervienne, par un texte de loi, pour que l'enseignement de l'anglais ne se fasse en aucune façon ni dans aucune commission scolaire, au niveau primaire.

M. BESSETTE: Dans les écoles francophones.

M. PAUL: Francophones.

Y aurait-il à ce moment-là un texte de loi qui imposerait, dans les écoles anglophones, un minimum d'enseignement du français au niveau primaire?

M. BESSETTE: Absolument pas. Ce n'est pas le sens de notre proposition.

M. PAUL: Mais ne croyez-vous pas que le silence sur l'enseignement du français dans les écoles anglophones ne serait pas de nature à permettre un meilleur rayonnement du français au Québec? Ne priverait-on pas les anglophones de l'avantage qu'ils auraient d'apprendre le français?

M. BESSETTE: La proposition qui est écrite ici laisse toute liberté aux élèves anglophones de l'élémentaire de commencer, si leurs éducateurs le jugent à propos, si leurs parents le jugent à propos, l'apprentissage du français. Ce n'est absolument pas exclu.

M. PAUL: Vous ne feriez pas jouer un rôle a l'Etat dans l'enseignement du français dans les écoles anglophones?

M. BESSETTE: Pas à l'élémentaire. M. PAUL: Pas à l'élémentaire.

M. BESSETTE: Il suffit pour nous qu'à partir du secondaire, cependant, il soit clair et net que ce sera imposé à tout le monde. Il ne s'agit pas alors d'étudiants anglophones; il s'agit des étudiants de n'Importe quelle langue.

M. LE PRESIDENT: M. Bessette, depuis quelque temps, on parle de la liberté des parents de choisir l'école de leurs enfants. On considère cette liberté comme un principe absolu, un principe sacré. D'après vous, cette liberté des parents est-elle une valeur absolue ou une valeur relative?

M. BESSETTE: Il n'y a pas de valeur absolue.

M. LE PRESIDENT: Vous comprenez...

M. BESSETTE: Deuxièmement, comme vous le savez très bien, les principes les plus grands se recoupent les uns les autres. Je pense que j'ai répondu à cette question, du moins d'une façon très...

M. LE PRESIDENT: Je voudrais que vous le spécifiez, parce qu'on insiste sur ce principe que les parents ont essentiellement la liberté de choisir l'école pour leurs enfants.

M. BESSETTE: Ce droit n'est pas infini. Ce droit est mesuré par les droits des autres. Il est mesuré par les droits supérieurs, comme je l'ai dit, n'est-ce pas?

A partir du moment où le citoyen dilapide le bien public, il faut restreindre, et dans tous domaines, sa liberté. La loi, par exemple, contre les monopoles n'a pas d'autre fondement. N'est-ce pas bien en soi de progresser en affaires, de gagner beaucoup et de payer beaucoup d'impôt? On comprend très bien, à ce moment-là, que la liberté individuelle illimitée détruit le bien public. La langue, étant bien public — je l'ai dit, je le répète — n'est pas seulement un fait individuel parce que, encore une fois, c'est l'âme d'un peuple, c'est l'identité d'un peuple, c'est presque toute sa culture.

M. LE PRESIDENT: D'une façon, cette liberté limitée pourrait-elle nuire au bien public ou à cette âme nationale? Voulez-vous le préciser davantage?

M. BESSETTE: A partir du moment où vous laissez ce choix illimité, dans la situation où nous sommes, automatiquement et, à brève échéance... Je ne suis d'ailleurs pas alarmiste. Si on ne veut pas accepter le chiffre quinze, mettez-en cinquante. Qu'est-ce que cinquante ans dans la vie d'une nation? Il est évident que, dans la situation actuelle, la liberté illimitée va faire que les forces démographiques vont faire disparaître tout simplement le français comme langue première d'abord, et ensuite même comme langue seconde — en peut le penser — mais au moins comme langue première. Donc, comme langue de culture et d'identité. A ce moment-là, nous n'existons plus comme identité culturelle et nationale.

M. LE PRESIDENT: M. Bousquet.

M. BOUSQUET: M. le Président, peut-on dire que vous seriez en faveur d'un principe qui dit que les droits linguistiques de la minorité devraient être pratiquement limités par la nécessité d'assurer la survie et l'épanouissement de la majorité, de la culture majoritaire?

M. BESSETTE: On peut le dire comme ceci, sans doute. C'est déjà très vrai, c'est fondamental, et j'irais même plus loin. Je dirais que c'est limité par la nécessité d'assurer à la communauté canadienne-française une existence simplement normale. Nous sommes obligés de mettre de l'avant des arguments qui sont des arguments de vie ou de mort.

M. BOUSQUET: En fait, nous sommes menacés, pour en revenir à ce que disait M. Hanley plus tôt, peut-être d'un côté par une récession économique. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes aussi menacés par une récession culturelle, si nous voulons parler de récession.

Maintenant, d'un autre côté, je voudrais profiter de l'occasion pour corriger M. Hanley, s'il veut me le permettre. Les Américains n'arrêtent pas d'investir au Japon, parce qu'ils n'ont pas de bill 85. Ils n'ont pas de bill 85 au Vénézuéla, et les investissements américains continuent de grandir dans ces différents pays.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: Tout à l'heure, au début de la conversation avec M. Bessette, J'avais quelques questions à poser, mais, comme le ministre voulait poser des questions, j'étais d'accord pour céder la parole au ministre. J'aimerais revenir à quelques questions, M. le Président, très rapidement. Si M. Bessette me le permet, avant ma première question, je glisserais une toute petite remarque. On reproche parfois aux hommes politiques, avec raison sans doute, de ne citer des textes qu'ils invoquent dans leur argumentation que les paragraphes qui font leur affaire et qui appuient leur thèse. Je pense que les linguistes ne sont peut-être pas - je le dis en toute amitié pour M. Bessette — tout à fait exempts de ce travers. J'ai entendu tout à l'heure, M. Bessette, votre lecture en page 32 du premier paragraphe; mais vous avez omis de lire le deuxième paragraphe qui donne une vue légèrement différente de celle que vous venez de donner tout à l'heure quant aux perspectives de temps sur lesquelles il faut évaluer les facteurs au point de vue linguistique. Je lis cette deuxième partie, dont vous avez omis la lecture et où les auteurs du mémoire dont vous êtes disent ceci: « L'évolution linguistique est relativement lente, et les faits actuels n'ont pas de valeur exemplaire en soi puisqu'ils sont difficiles à cerner et à interpréter et que la courbe d'évolution est insaisissable sur une période qui ne dépasse pas un ou plusieurs siècles. » Alors, je trouve qu'évidemment ce texte-là donne une vue, à mon avis, plus réaliste que certaines parties de votre argumentation.

Je ne vous en fais aucun reproche, mais on tente tellement souvent de nous mettre en contradiction avec nous mêmes en tant qu'hommes politiques; lorsque nous avons l'occasion de montrer qu'au moins nous ne sommes pas les seuls, je ne vois pas pourquoi nous nous en priverions.

Mais ma question est la suivante. Dans les recommandations au sujet desquelles le ministre vous a questionné tout à l'heure, la recommandation numéro deux qui est peut-être, à cer-

tains égards, la plus pertinente par rapport au bill dont nous discutons présentement se lit comme suit: « Que l'état définisse et applique à brève échéance une politique générale de la langue à l'école en distinguant nettement trois groupes d'élèves: a) ceux d'ascendance francophone; b) ceux d'ascendance anglophone, etc) ceux d'une ascendance autre que les deux premières. » Alors, ma question est la suivante — parce que vous ne répondez pas, dans votre texte, de façon claire à cette question, je pense —: Qu'est-ce que recommande votre groupe en tant que politique scolaire, concernant la langue d'enseignement en rapport avec chacun de ces trois groupes-là? Je comprends que vous êtes contre le bill tel qu'il est, vous dites: On vous demande de retirer ce bill et, par ailleurs, vous demandez au gouvernement et au Parlement de voter une politique linguistique qui distingue les trois groupes que Je viens de mentionner. Que proposez-vous pour chacun de ces groupes?

M. BESSETTE: Tout d'abord, je voudrais vous faire remarquer que nous avons corrigé en assemblée générale, l'expression d'ascendance francophone qui ne veut rien dire d'ailleurs, ce sont des francophones tout simplement ou des anglophones qui parlent une autre langue. L'ascendance est d'un autre ordre.

Deuxièmement,...

M. LEFEBVRE: Excusez-moi, au lieu de dire ceux d'ascendance, vous dites simplement les francophones, les anglophones...

M. BESSETTE: ... et ceux qui parlent une autre langue que le français et l'anglais. Deuxièmement, je le répète, nous nous sommes penchés plus particulièrement sur nos propres affaires en tant qu'association de professeurs de français et de langue maternelle. Nous avons donc développé des propositions assez précises quant à ce groupe. Quant aux autres groupes, il nous appartenait moins en tout cas, peut-être qu'il ne nous appartenait pas du tout, de faire des propositions. De toute façon, à cette étape-là de l'étude et de la réflexion, nous n'avions pas du tout, nous n'étions sûrement pas partis avec l'intention d'écrire une législation à la place du législateur. Enfin je comprends qu'il faut s'aider mais tout de même, on nous en demande beaucoup là. Votre question en demande beaucoup.

M. LEFEBVRE: M. Bessette, dans votre texte, vous faites référence au fait que les linguistes sont aussi des citoyens et je comprends que vous êtes ici en tant que citoyen aussi, c'est pourquoi je vous demande à votre avis, comme citoyen, compte tenu de la profession que vous exercez cependant — ce qui peut certainement donner une certaine couleur, si vous voulez, ou enfin une certaine teneur à votre opinion, c'est clair, et c'est vrai pour tout le monde — compte tenu de cela, qu'est-ce que vous recommandez?

M. BESSETTE: Nous sommes en mesure de répondre à cette question en dépassant, cependant, les résolutions pures et simples du congrès.

M. LEFEBVRE: Oui.

M. BESSETTE: J'essaie de répondre à votre question. Commençons par la catégorie numéro 3: ceux qui ne sont ni anglophones ni francophones. Nous demandons qu'une politique linguistique les intègre à la communauté francophone dans une mesure telle que le français devienne pour eux non pas une langue seconde, mais une langue première.

M. LEFEBVRE: Si vous me le permettez, juste pour clarifier ce point-là, de façon à voir exactement ce que vous pensez. Est-ce que vous faites, comme d'autres l'ont fait dans ce débat, une distinction entre les immigrants qui sont ici depuis un certain temps et ceux qui viendront dans l'avenir?

M. BESSETTE: Nous faisons cette distinction, indirectement, en reconnaissant la qualité d'anglophones aux enfants dont les parents eux-mêmes ont fréquenté l'école anglophone. Je crois que cette distinction est très nette. Il y a sûrement place à l'intérieur même de cette distinction pour quelques cas d'espèce. Je pense que les lois, si elles sont appliquées avec bon sens et sagesse, tiennent compte des cas d'espèce et que l'on ne fera pas une loi pour chaque cas d'espèce. Alors, je pense que ça répond tout de même à cette question.

Quant à la première catégorie...

M. LESAGE: Eh bien, à cette question, M. Bessette — j'emploierai le mot politique dans le même sens que vous l'avez utilisé — est-ce que vous suggérez quant à ceux qui ne sont ni anglophones ni francophones — nous pensons, évidemment, aux immigrants qui arrivent ici comme principale partie constituante du troisième groupe que vous mentionnez — est-ce que vous suggérez des mesures coercitives ou seulement l'incitation?

M. BESSETTE: Bien, je n'aime pas du tout le mot coercition.

M. LESAGE: Enfin, comprenez-moi, toute loi qui les oblige à aller à l'école francophone...

M. BESSETTE: L'obligation.

M. LESAGE: ... cela devient une obligation.

M. BESSETTE: Tout à fait.

M. LESAGE: Une obligation décrétée par la loi, si vous voulez.

M. BESSETTE: On ne les mènera pas au bout de la fourche; ce ne sera pas de la...

M. LESAGE: Une obligation.

M. BESSETTE: ... coercition, mais ce sera une obligation.

M. LESAGE: Ce serait une obligation décrétée par la loi, avec sanction.

M. BESSETTE: Tout à fait

M. LESAGE: C'est votre réponse.

M. BESSETTE: Aucune hésitation.

M. LE PRESIDENT: Est-ce l'opinion de tous vos collègues, comme professeurs de français, ou si c'est l'opinion de...

M. BESSETTE: Tout ce que je peux dire, c'est que ces résolutions-là ont été votées à la quasi-unanimité lors de l'assemblée générale.

Mon Dieu, je pense que dans la pratique non seulement actuelle mais depuis bien des décennies de la démocratie, c'est comm? cela que cela se fait.

Remarquez bien que cette question avait déjà été soulevée il y a un an et que nous avons donné à tous nos membres un an pour faire leurs remarques, et nous avons fait un référendum auprès de nos membres pour être bien sûrs que tous avaient été rejoints. Bien sûr, en pratique, tous ne l'ont pas été. C'est toujours comme cela.

Je crois que c'est sérieux quand même.

M. LEFEBVRE: M. Bessette, poursuivant dans la même ligne, et je ne voudrais pas que vous pensiez que ma question est une sorte de piège simplement pour le plaisir d'être malicieux... Je pense qu'il est important que nous réalisions tous que le métier de législateur n'est pas un métier facile et que lorsqu'on fait des lois, il faut en prévoir les conséquences et l'application. Autrement, on n'est pas sérieux.

Alors, en tant que membre de ce Parlement, moi, je vous demande: A votre avis, toujours, qu'est-ce que vous nous recommandez de faire dans le cas, par exemple, d'un ménage où la mère est irlandaise et le père est italien?

Dans quel groupe tombera ce ménage?

M. BESSETTE: Il faut d'abord répondre à la question: Depuis combien de temps ce ménage est-il ici?

M. LEFEBVRE: Supposons qu'il arrive demain.

M. BESSETTE: Il arrivera demain. Eh bien, vous avez dit...

M. LEFEBVRE: La mère est irlandaise et le père italien ou l'inverse.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'ils ont des enfants?

M. LEFEBVRE: M. le Président, pour l'information du président, je dirai que lorsqu'on parle de père et de mère, c'est signe qu'il y a des enfants.

M. BESSETTE: Je pense que le principe qui nous a guidés justement pour suggérer la distinction entre élèves, enfants francophones, enfants anglophones, enfants d'autres langues, c'est la nature de la langue maternelle de l'enfant. Je pense qu'il n'est pas très difficile, dans le cas que vous me soumettez, qu'il n'est pas très difficile de vérifier quelle est la langue maternelle de l'enfant.

La mère étant irlandaise, sa langue maternelle est effectivement l'anglais, il entre dans la catégorie numéro 1 des enfants anglophones. Si, et cela arrive très rarement, c'est la langue du père qui l'a emporté et que effectivement la langue maternelle de l'enfant est l'italien — et ce n'est pas difficile non plus à vérifier, il n'est pas un anglophone, il est d'une autre langue que l'anglais ou le français — alors, il passe à la catégorie numéro 3. N'est-ce pas?

M. LEFEBVRE: Est-ce que vous croyez que cette politique est facilement applicable?

Si vous étiez ministre de l'Education, croyez-vous que, sur le plan administratif, ce serait possible d'appliquer une politique comme celle-là?

M. BESSETTE: Je crois que c'est possible. Naturellement, parmi les choses possibles, il n'y a pas que des choses faciles. Comme je le disais auparavant, c'était pour cela que j'exprimais une certaine précaution: il y aura toujours des cas d'espèces. Vous savez, il n'y en aura pas par milliers ni par millions. Puisqu'à un moment donné il faut tracer une frontière, celle-là en vaut bien d'autres. Je vois que nous sommes en train de discuter de modalités d'application d'un principe. Même si nous décidions, à la rigueur, qu'on n'appliquera cette subdivision qu'à ceux qui arriveront à partir de demain matin, le principe, la question de fond est acquise. C'est là qu'est la question de survie et d'identité réelle pour nous.

M. LEFEBVRE: Quant à moi, je n'ai pas d'autres questions à poser, mais vous vous étiez arrêté à la troisième catégorie, vous remontiez vers les deux autres. J'aimerais que vous donniez votre explication pour les autres. Quant à moi, j'ai terminé.

M. BESSETTE: Notre pensée, dans l'état actuel des choses... Mais il n'est pas sûr que nous ne poussions pas plus loin dans certaines directions. Je ne peux tout de même pas hypothéquer l'avenir à ce point. Présentement, notre pensée quant aux élèves anglophones c'est que leur langue première coincide avec leur langue maternelle, que ce soit l'anglais ou une autre. Pour l'élémentaire, Je l'ai déjà dit, nous n'avons pas de pensée précise à exprimer là-dessus. Il faut attendre. Mais au moins à partir du secondaire, il faut que l'élève anglophone ait, comme langue première et maternelle à la fois, l'anglais. Nous reconnaissons qu'il a ce droit. A côté de ce droit, nous lui imposons l'obligation de posséder le français comme langue seconde sérieuse. C'est réduit à cela.

M. LE PRESIDENT: Pour enchaîner avec le député d'Ahuntsic et pour pousser à l'extrême sa position: si on passe une loi qui oblige les immigrants à s'intégrer au groupe francophone, ne croyez-vous pas qu'on puisse perdre une bonne partie du flot d'immigrants qui arriveraient au Québec? Est-ce que ce ne serait pas un danger? Quelle est votre opinion là-dessus?

M. BESSETTE: Entre deux maux il faut toujours choisir le moindre. Il faut choisir entre perdre des immigrants — et peut-être en gagner d'autres aussi — ou se perdre soi-même.

Alors, il n'y a pas de doute dans notre esprit là-dessus.

M. LE PRESIDENT: En obligeant les immigrants... vous acceptez ce danger de diminuer...

M. BESSETTE: Non seulement nous l'acceptons, mais nous considérons que le rôle qu'a joué le Québec depuis longtemps d'être la manufacture de bilingues au Canada lui coûte excessivement cher. Nous manufacturons des bilingues pour les Etats-Unis, pour l'Ontario, pour toutes les autres provinces du Canada. Ce n'est pas payant.

M. LE PRESIDENT: M. Tetley, s'il vous plaît.

M. TETLEY: Si des parents anglophones veulent éduquer leurs enfants en français, est-ce qu'ils auront le droit, suivant votre formule, d'envoyer leurs enfants à une école française?

M. BESSETTE: Oui, dans notre esprit, ils ont tout à fait la liberté de le faire, parce que, ce faisant, ils ne compromettent absolument pas, premièrement, la valeur essentielle à laquelle nous tenons; l'identité culturelle française au Québec; deuxièmement, nous irions même plus loin, ils ne compromettent pas, non plus, leur propre identité culturelle. Cela pourrait arriver, mais il est assez improbable qu'ils compromettent leur propre identité culturelle parce que — heureusement pour eux — les forces démographiques qui sont extrêmement importantes en linguistique jouent en leur faveur, n'est-ce pas?

Il est évident qu'il n'est pas question, dans notre esprit, d'exclure...

M. TETLEY: Mais, je parle de la maternelle...

M. BESSETTE: Oui, oui.

M. TETLEY: ... en première année, etc.

M. BESSETTE: Maintenant, nous sommes loin d'affirmer que c'est souhaitable d'un strict point de vue pédagogique. Je ne vous donnerais pas ce conseil, dans l'état actuel des études en cette matière; je vous le déconseillerais.

M. TETLEY: Pourquoi?

M. BESSETTE: Je vous conseillerais plutôt de faire apprendre le français à vos enfants seulement à partir du secondaire. En effet, il n'est pas prouvé encore qu'il soit sain de faire expérimenter une deuxième langue à des enfants si jeunes. Il faut jouer un jeu sûr, je pense,

dans cette matière, puisque, enfin, un enfant, c'est tout de même la seule matière première qui compte.

M. BOUSQUET: Est-ce que l'on doit conclure de votre exposé que vous êtes contre l'unilinguisme français intégral?

M. BESSETTE: Dans l'état actuel de nos positions — encore là, il faudrait bien définir ce que c'est que l'unilinguisme — fait l'impression que vous le prenez dans un sens qui m'amène à répondre non, dans l'état actuel de nos positions.

M. LESAGE: Je pense bien que la question de M. Bousquet vient d'une présentation qu'on nous a faite hier à l'effet que toutes les écoles, après une période de transition qu'on a évaluée peut-être à quatre ou cinq ans, toutes les écoles à tout les niveaux au Québec — les écoles publiques — devraient être dans une seule catégorie, celle où la langue d'enseignement est le français et exclusivement le français. C'est ce que disaient les professeurs de l'école normale Laval. Je pense bien que c'est de Il que vient la question.

M. BESSETTE: Alors, je ferai une distinction. L'unilinguisme, cela ne veut pas dire qu'on n'apprend qu'une langue. L'unilinguisme intégral veut peut-être dire cela, mais l'unilinguisme tout court ne suppose absolument pas qu'on n'enseignera jamais d'autres langues. L'unilinguisme français, par exemple ne suppose absolument pas qu'on n'enseignera jamais d'autres langues que le français.

M. LESAGE: Comprenons-nous bien. Il ne s'agit pas de l'enseignement d'une langue seconde comme matière d'enseignement, mais de l'utilisation d'une seule langue comme langue d'enseignement. Il y a là distinction entre la langue d'enseignement et l'enseignement de la langue.

M. BESSETTE: La position présente de l'association, c'est l'unilinguisme qui, encore une fois, n'exclut pas l'apprentissage de deux, trois, cinq ou dix langues.

M. LESAGE: C'est ça.

M. BESSETTE: L'unilinguisme pour tous les citoyens du Québec, sauf les citoyens anglophones, franchement anglophones, auxquels nous avons quand même reconnu ce droit parce qu'il ne nous semble pas encore menacer de façon assez grave l'identité nationale pour que nous ayons à le limiter, à le retirer. Mais quelle sera la situation dans dix ans, dans vingt-cinq ans ou dans cinquante ans. Nous ne la connaissons pas; il faudra juger au su et au vu.

M. LESAGE: Présentement, votre position se distingue donc de celle qui a été prise hier par l'Association des professeurs de l'école normale Laval sur ce point.

M. BESSETTE: Oui, il y a sûrement une distinction.

M. LESAGE: Il y a une distinction.

M. BESSETTE: Je suppose que, pour les anglophones, au sens strict, telle que nous l'avons définie nous-mêmes, c'est une distinction qui a tout de même de l'importance.

M. GOLDBLOOM: M. Bessette, vous vous êtes abstenu de tout commentaire sur l'enseignement du français dans les écoles anglaises de la province.

M. BESSETTE: A l'élémentaire.

M. GOLDBLOOM: Oui. Et, si j'ai bien compris, à ce moment-là, vous avez insisté sur le fait que l'association que vous représentez (l'Association québécoise des professeurs de français) est composée d'enseignants qui ont la responsabilité d'enseigner le français comme langue maternelle. Ai-je bien compris?

M. BESSETTE: Oui.

M. GOLDBLOOM: Donc, les membres de votre association ne se présentent pas comme experts dans l'enseignement du français comme langue seconde.

M. BESSETTE: Il y a une distinction à faire.

M. GOLDBLOOM: J'aimerais que vous la fassiez.

M. BESSETTE: Nous avons, parmi nos membres, des spécialistes de cet enseignement; c'est-à-dire qu'ils ne sont pas exclus de l'association. Le groupe spécifique, c'est le professeur de français comme langue maternelle. Quant aux professeurs de français comme langue seconde, qui nous ont demandé d'entrer dans nos rangs, nous les avons reçus. A cause des implications continuelles, des liens très étroits qu'il y a entre l'enseignement d'une langue en tant que langue

première ou en tant que langue seconde, nous ne nous permettrions pas, nous, d'étudier les questions relevant plus spécifiquement de l'enseignement du français comme langue première, sans inclure — et vous en avez la preuve par la composition du comité dont je vous al remis le rapport — dans les comités, dans les groupes d'étude, des spécialistes de l'enseignement des langues comme langues secondes, que ce soit le chinois le japonais ou je ne sais quoi. Il y a quand même des critères, des principes universels dans ce domaine.

Nous avons non seulement tenu compte de l'avis des spécialistes de l'enseignement des langues secondes, mais nous les avons invités à faire partie de nos comités et à participer à nos travaux.

M. GOLDBLOOM: Et pourtant, M. Bessette, en notant que vous proposez d'établir trois catégories d'élèves: les anglophones, les francophones et les autres, vous vous prononcez très clairement sur l'enseignement du français aux autres, mais vous n'êtes pas en mesure de vous prononcer sur l'enseignement du français aux anglophones.

M. BESSETTE: Premièrement, je voudrais faire une distinction. Nous ne proposons pas l'établissement de trois catégories en soi; nous demandons cependant...

M. GOLDBLOOM: C'est textuel devant moi, monsieur.

M. BESSETTE: Ce n'est pas tout à fait ça. Nous demandons que le législateur tienne compte d'une situation de fait où il y a en effet trois catégories. Que nous souhaitions qu'il y en ait toujours trois, toujours ces trois-là, c'est autre chose. Je fais une distinction là-dessus. Pour répondre à la question elle-même, ce n'est pas à nous encore une fois, en tant qu'association des professeurs de Français, langue maternelle, de faire des recommandations indiquant à nos collègues qui enseignent le français comme langue seconde: Vous allez l'enseigner de telle manière ou de telle autre manière. Tout de même, ce n'est pas à nous de faire ça. Tout ce que nous pouvons faire, il me semble que nous l'avons d'ailleurs fait, c'est d'essayer de délimiter la place du français, langue seconde au Québec, pour que le français, langue première au Québec, non seulement survive mais vive.

M. GOLDBLOOM: Là, M. Bessette, vous retombez dans le domaine politique, n'est-ce pas?

M. BESSETTE: Dans le domaine politique, dans le haut sens du terme.

M. GOLDBLOOM: Oui, d'accord.

M. BESSETTE: Mais, il me semble quenous en avons tous le devoir.

M. GOLDBLOOM: Alors, pourriez-vous me dire de quelle façon vous envisagez la participation des anglophones à la vie française, à la vie commune de tous les Québécois, à l'avenir, en tenant compte des recommandations que vous faites vous-même?

M. BESSETTE: Cette question dépasse très largement le cadre de la langue à l'école même.

M. GOLDBLOOM: Pas du tout.

M. BESSETTE: Alors, je vais m'en tenir tout de même au cadre de la langue à l'école, à la participation des anglophones à la culture française. D'abord, quand nous demandons que tout élève anglophone sache le français, je pense que c'est une participation fondamentale, la première étape indispensable.

Deuxièmement, encore une fois, nous n'excluons absolument pas que tous les anglophones qui le voudront s'inscrivent aux écoles francophones. Nous demandons seulement que ce soit une école francophone. Alors, s'ils veulent participer davantage, ils pourront le faire. Mais je répète ce que j'ai dit. Je souhaite pour eux qu'ils le fassent en tenant compte de toutes les conséquences psychologiques et pédagogiques que cela représente pour les enfants anglophones. Mais, enfin, ce n'est pas à nous de prendre ces précautions pour les autres. Les écoles francophones, dans ce que nous proposons, sont ouvertes aux anglophones à tous les niveaux, partout. Donc ils peuvent participer à 100%, s'ils le désirent, à la vie culturelle francophone.

Mais, s'ils ne veulent pas participer à 100%, on ne va pas les obliger à le faire.

On va leur laisser leurs écoles où la langue première sera l'anglais, et ils choisiront eux-mêmes la proportion, la mesure de leur participation. Toutefois, nous exigeons un minimum de participation, et ce minimum c'est la connaissance sérieuse du français parlé et écrit à la fin des études secondaires.

Il me semble que c'est là ouvrir la porte toute grande à la participation aussi abondante aussi complète que les anglophones le voudront bien et qu'ils le jugeront de leurs intérêts.

M. LESAGE: Mais, vous ne préconisez pas la contrepartie, c'est à dire de donner...

M. BESSETTE: Non.

M. LESAGE: ...aux francophones le même degré de liberté en ce qui concerne...

M. BESSETTE: Nous ne le préconisons pas.

M. LESAGE: ... le choix d'une école où la langue d'enseignement est l'anglais.

M. BESSETTE: Non, pour la simple raison que la culture française est en grave danger et que la culture anglaise ne l'est pas.

M. GOLDBLOOM: Donc, M. Bessette, vous préconisez le maintien de nos deux solitudes.

M. BESSETTE: Absolument pas. Je suis persuadé que cela dépasse de beaucoup les prémisses. J'en suis persuadé.

M. LE PRESIDENT: Une dernière question. Certains rapports ont été présentés ici. Une certaine commission royale ou royaliste affirme sa foi dans un bilinguisme au Québec et dans tout le Canada. Comme linguiste quelle est votre position à l'égard de ces espérances?

M. BESSETTE: Je ne voudrais pas dévoiler avant terme...

M. LE PRESIDENT: Je ne parle pas du tout de la commission Gendron là.

M. BESSETTE: Non, non. Je pense qu'il s'agit d'une autre commission plus ancienne.

M. LEFEBVRE: Eh bien, pour résumerdans trente secondes le rapport de la commission Laurendeau-Dunton...

M. LE PRESIDENT: C'est parce qu'il ne nous reste que deux minutes, vous n'êtes pas obligé de prendre son résumé comme valable.

M. BESSETTE: Le rapport de la commission Laurendeau-Dunton a soulevé chez nous le pro- sition concernant les districts bilingues. De cette étude il y en a déjà un début dans le rapport que je vous ai fait distribuer, mais cette étude se poursuit et elle donnera, vers le mois d'avril, à un rapport beaucoup plus étoffé. Tout ce que je peux dire en trente secondes, maintenant, c'est que l'Association, semble-t-il, très probablement, verra d'un très mauvais oeil l'établissement des districts bilingues selon les normes et les critères établis par la commission Laurendeau-Dunton, en particulier le critère du 10% qui défavorise évidemment le Québec et, une fois de plus, jette sur le Québec le fardeau de manufacturer à ses dépens des bilingues dans une proportion au départ à peu près triple de celle qui se vérifiera dans les autres provinces, et pas longtemps après.

M. LE PRESIDENT: M. Bessette, je vous remercie beaucoup de votre rapport. J'ai été, pendant un an, votre élève à l'université de Montréal, j'en suis très fier. Les rôles sont changés maintenant,

M. LESAGE: Ne me dites pas que vous êtes en train de lui enseigner le français.

M. LE PRESIDENT: Il témoigne devant mon comité. Je vous présente mon chef officiel, M. Rémi Paul, qui a quelques mots à vous dire.

M. PAUL: Alors, voici, M. le Président. Cet après-midi, plusieurs membres du comité devront siéger au cabinet, d'autres membres du comité seront retenus devant le comité chargé de l'étude du bill 29, la loi de la copropriété, et demain matin, également un autre comité siégera, celui du code de la route. Alors, nous nous excusons auprès des porte-paroles des différents groupes qui n'ont pu être entendus ce matin ou qui ne pourront pas être entendus cet après midi et je proposerais l'ajournement des travaux du comité à jeudi prochain, le 23 janvier, à dix heures du matin.

M. LE PRESIDENT: Je demanderais aux journalistes, pour que les gens le sachent, d'indiquer que c'est ajourné au 23 janvier. Une bonne manchette.

M. LESAGE: Le comité de M. Proulx. (Fin de la séance; 13 h 2)

ANNEXE A

January 10, 1969

President of the

Parliamentary Committee on Education

(Reference Bill « 85 »)

Attention: Armand Bonin, Secretary

Having received a telegram informing me of the « study » of Bill 85, on January 14, 1969. I would like to submit this letter, as my own personal brief and make known my views on this controversial Bill.

Most important, Gentlemen, is the fact that we are all Canadians and Canada is made up of all ethnic groups not simply, English or French. Living in a democratic country with all the freedoms we enjoy, this Bill 85 should never have had to be brought forth. The rights of every Canadian should be respected, with regard to language, education and religion.

The Department of Education in Quebec has always been most courteous toward the dual linguistic rights of its citizens. With the rest of Canada accepting the Dunton-Laurendeau report on Bilingualism and Biculturalism. It seems that certain elements and organizations in Quebec would now have us take a step backward, in the name of Nationalism. This of course would be disastrous to the cause of Bilinguallsm and Biculturallsm. Quebec has not suffered by allowing the teaching of English and the French language and culture are as strong now, as they ever were.

So Gentlemen, in considering Bill 85, à would ask that you look back over the years and see that the Quebec Education Department has been ahead of the other provinces by allowing the dual education system and granting human rights to all their citizens.

Sincerely,

(signed) Mrs. June J. Reid cr

ANNEXE B

DOSSIER SUR

L'UNILINGUISME

Rapport présenté

à

l'Association québécoise des professeurs de français (AQPF)

par

Le comité d'études et de recherches

sur les questions relatives 2

l'unilinguisme de l'AQPF

NOVEMBRE 1968

MEMBRES DU COMITE

Gilles Bibeau André Dugas Gilles Gagné Gilles-R. Lefebvre

Dossier sur l'unilinguisme INTRODUCTION

C'est à la demande du Conseil de l'AQPF que le présent document a été préparé. Sans avoir la prétention d'analyser toutes les facettes du problème de la langue française au Québec, il constitue une synthèse générale qui peut donner naissance à de nouvelles discussions, faire avancer d'un autre pas l'étude de cette question difficile et controversée, et éventuellement déboucher sur des prises de positions de l'AQPF que le sujet ne peut laisser indifférente.

Nous avons constaté, à l'analyse des positions prises par certaines institutions ou corps publics, que les solutions proposées sont tout à fait contradictoires: les uns suggèrent de rendre le pays bilingue, les autres de promouvoir l'existence au Canada de deux communautés unilingues. D'une part, nous ne pouvons mettre en question le sérieux de ces recherches parce qu'elles sont faites par des organismes responsables et qu'elles reposent toutes sur les mêmes données statistiques (recensement du Canada 1961); d'autre part, il est inquiétant de voir à quel point les interprétations peuvent être divergentes.

La solution de ce dilemme nous semble résider dans le choix de l'objectif que ces organismes se sont fixés (ou se sont vu fixer), Il paraît évident que selon qu'on cherche à faire l'unité du Canada et à conserver le statut actuel de la Confédération canadienne ou que l'on tente de dégager des solutions aux problèmes strictement québécois, les conclusions des travaux de recherche peuvent être de tendances opposées. C'est, en tout cas, ce qui se dégage nettement des études que nous avons faites: le rapport (Livre à: les langues officielles) de la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (B & B) conclut au bilinguisme officiel alors que la Fédération des Sociétés Saint-Jean-Baptiste (SSJB) et les Etats Généraux du Canada Français, qui sont des organismes strictement québécois, prônent une forme ou l'autre d'unilinguisme pour le Québec, sans référence à la situation qui prévaut dans le reste du Canada.

Nous avons laissé de côté l'opinion des partis politiques parce que leur option ne repose pas sur des motifs suffisamment clairs et qu'il est difficile de séparer les motifs politiques des motifs rationnels. Les opinions des éditorialistes sont en quelque sorte des réactions devant les travaux déjà mentionnés et se rangent de ce fait parmi les opinions personnelles.

C'est donc en qualité de linguistes et de citoyens aussi bien qu'en tant que membres de l'AQPF que nous vous proposons cette étude sommaire et les conclusions auxquelles nous sommes arrivés.

Dans une première partie, nous exposons le plus brièvement possible (au risque d'être un peu injustes) la position de

I — La Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre 1: les langues officielles.

II — La Fédération des Sociétés Sain-Jean-Baptiste dans « Le statut de la langue française au Québec », mémoire présenté au Premier Ministre du Québec, le 18 avril 1967.

III — Les Etats Généraux du Canada français dans les cahiers du Devoir du 27 novembre 1967.

Dans une deuxième partie, nous commentons les recommandations de la Commission B & B et soulevons quelques questions corollaires.

PREMIÈRE PARTIE

I - POSITION DE LA COMMISSION B & B II - POSITION DE LA SSJB III - POSITION DES ÉTATS GENERAUX

I - POSITION DE LA COMMISSION B & B 1. — Mandat de la Commission « Faire enquête sur l'état présent du bilinguisme et du biculturalisme et recommander les mesures à prendre pour que la Confédération canadienne se développe d'après le principe de l'égalité entre les deux peuples qui l'ont fondée ». (p. XI) 2. — Qu'est-ce que le bilinguisme? a) Notions de bilinguisme d'état-bilinguisme individuel. b) En général les Etats sont unilingues, sauf dans le cas de colonies ou dans le cas de pays où il y a des groupes minoritaires fondateurs. c) L'Etat bilingue se distingue par une foule d'institutions bilingues: assemblée législative, tribunaux, fonction publique, écoles, etc. d) Deux (2) types d'Etat bilingue: 1- celui qui accorde des privilèges particuliers à un ou à plusieurs groupes: privilèges principalement culturels: ex.: U.R.S.S. (divers dialectes), Israël (arabe), Suisse (romanche), Belgique (allemand), etc. 2- celui qui accorde presque l'égalité à tous les points de vue: ex.: Belgique (néerlandais/français), Finlande (finnois/suédois), Tchécoslovaquie (tchèque/slovaque), etc. e) Comment une majorité peut-elle accorder l'égalité à une minorité? 1- En respectant la langue de la minorité, en admettant que les institutions publiques soient bilingues; 2- en défrayant le bilinguisme, Le. le dédoublement d'un grand nombre de fonctions publiques; 3- en accordant assez d'autodétermination linguistique à la minorité pour qu'elle ne se sente pas frustrée. 3.— Le Canada est déjà un Etat bilingue 1- Il est vrai que le français est dans une position difficile au Canada - isolement géographique - minorité très faible en dehors du Québec. Cependant le Québec est francophone en force, parce que 80% de sa population parle français. 2- L'anglais minoritaire au Québec jouit de son côté de liens très étroits avec le reste du Canada et les Etats-Unis. 4.— Fondements démographiques du bilinguisme canadien 1- Le pourcentage moyen des canadiens-français s'est maintenu à environ 30, depuis 1931, alors que le groupe britannique est passé de 52 à 44%. 2- Les immigrants choisissent l'anglais comme langue de travail et comme langue maternelle à 93% (Le français n'exerce pas d'attrait sur les immigrants). 3- Le pourcentage d'immigrants qui se déclarent de langue maternelle anglaise ira vraisemblablement en augmentant. 4- Le nombre de Québécois d'origine française qui se sont assimilés à l'anglais est plus élevé que le nombre d'anglo-saxons qui ont été francisés (68,000 contre 53,000). à- Le pourcentage de ceux qui déclarent (recensement 1961) le français comme langue maternelle est de:

TABLEAU NO I

Terre-Neuve...................... 0.7

Ile-du-Prince-Edouard ............... 7.6

Nouvelle-Ecosse ................... à.4

Nouveau-Brunswick ................. 35.2

Québec.......................... 81.2

Ontario ......................... 6.8

Manitoba ........................ 6.6

Saskatchewan ..................... 3.9

Alberta ......................... 3.2

Colombie-Britannique ............... 1.6

Yukon / T.N.-Ouest................. 3.8 6- Les données statistiques plus récentes sur la natalité et sur l'immigration au Canada français laissent croire à la réduction de la proportion des Canadiens d'origine française (page 93). 5. — Solution au problème Canadien: le bilinguisme officiel 1- à Ottawa; 2- dans toute province dont le % de la minorité de langue officielle (français ou anglais) atteindra 10 et plus; 3- dans les divisions du recensement (avec rajustement possible) dont le % de la minorité de langue officielle sera de 10 et plus; 54 divisions au total (langue maternelle) 1 — 24 au Québec sur 75 2 — 8 au Nouveau-Brunswick sur 15 3—11 en Ontario sur 54 4 — 11 dans le reste du Canada sur environ 90 II - POSITION DE LA SSJB1. — Introduction 1- La plupart des pays ont une politique linguistique; ceux qui n'en ont pas sont à l'abri des empiètements possibles, 2- La vitalité de la langue repose sur l'usage naturel qu'en font les citoyens qui en ont besoin pour vivre. Les immigrants se rangent volontiers du côté de ceux qui « vivent ».

ANNEXE Référer à la version PDF page 87

Remarque; « Si le pourcentage des bilingues diminue, ce n'est pas que les Canadiens français n'apprennent plus l'anglais, c'est qu'ils utilisent uniquement l'anglais et qu'ils sont devenus unilingues » (SSJB, P. 15) c) Il y a un écart de plus en plus grand entre la langue maternelle et la langue officiel ou de travail, cela au détriment du français, même dans le Québec, (cf. Tableau no VII, page 93) 3. — La tendance

Les statistiques confirment la tendance présente vers l'assimilation des francophones: depuis les trois (3) derniers recensements, les francophones et les immigrants s'anglicisent à un rythme alarmant» 4.— Solution: l'unilinguisme québécois 1- « Donner au français le statut de langue nationale et, par une législation appropriée, en faire la véritable et seule langue officielle du Québec, afin de le rendre non seulement utile mais indispensable ». (pages 85-86). 2- « Assurer la restauration de la qualité du français parlé et écrit au Québec, afin de le conformer au français international et d'en faire l'instrument d'une civilisation dynamique et progressive ». (pages 85-86). 3- « Offrir à la minorité anglophone du Québec les mêmes avantages qu'offre la loi ontarienne à la minorité francophone de l'Ontario aux niveaux primaire, secondaire et universitaire. Une telle législation assurera aux Québécois dont la langue maternelle est l'anglais un traitement que leurs concitoyens du reste du Canada jugent équitable ». (page 91). 4- « Procéder à la refrancisation de la toponymie des municipalités, puis prendre comme règle de conduite unique le recours à des noms français, sauf circonstances exceptionnelles, pour désigner toutes les nouvelles voies, place, ou parcs publics et substituer progressivementpar des noms français les noms anglais actuels ». (page 94). à- « Appliquer une réglementation sévère de l'affichage et de tout document à l'usage du public. Cette réglementation devra être constituée de manière à donner la première place à un français d'une qualité comparable à celle des autres pays francophones du monde ». (page 94). III - POSITION DES ETATS GENERAUX DU CANADA FRANÇAIS

Le statut de la langue française (Le Devoir, 27 nov. 1967, B-à et B-6). « IL EST PROPOSE (pour le Québec) 1- Que le Parlement du Québec adopte des mesures radicales et concrètes pour imposer, dans les faits, l'usage généralisé du français. Education 2- Qu'il n'y ait pas d'enseignement de l'anglais au niveau primaire dans les écoles du Québec, sauf dans les écoles de la minorité anglophone. 3- Que dans les écoles françaises du Québec, l'enseignement d'une langue seconde soit facultatif et se fasse à partir du niveau secondaire.

Administration 4- Que le gouvernement du Québec établisse le français comme seule langue officielle dans les organismes relevant directement ou indirectement de son autorité: ministères, régies, sociétés d'Etat, conseils municipaux, commissions scolaires, etc. 5- Que les conseils municipaux et les commissions scolaires à majorité anglophone puissent utiliser la langue anglaise en plus du français pendant une courte période d'adaptation. 6- Que le gouvernement du Québec s'emploie à refranciser intégralement la toponymie du Québec, compte tenu de l'apport des groupes humains autochtones et de certains événements historiques, et que dans l'avenir le recours au français soit la règle constante dans la toponymie, sous réserve des usages de la courtoisie internationale. Visage français 7 - Que tout affichage sur la voie publique et tout texte mis à la disposition du public soient faits en français. On pourra aussi ajouter une autre langue, à la condition que le français soit prioritaire. 8- Que l'Etat québécois oblige toute entreprise ayant affaire au public à ne garder à son service que des personnes s'exprimant convenablement en français. 9- Que l'Etat québécois prenne les moyens législatifs appropriés pour que le français soit la langue de travail dans l'industrie et dans les affaires. Minorités québécoises 10- Que la minorité anglophone puisse disposer, à tous les niveaux, d'institutions d'enseignement publiques, à condition qu'elles soient bilingues.

Il- Que cesse immédiatement la main-mise des anglophones sur les écoles et sur les classes des autres minorités linguistiques. 12- Que les Néo-Québécois, les Esquimaux, les Indiens aient droit, au niveau primaire, à des écoles ou à des classes publiques françaises avec enseignement de leur langue maternelle là où un nombre suffisant de parents le désirent.

Fédéral, confédéral, d'Union canadienne ou autre 13- Que tout organisme fédéral, confédéral, d'union canadienne ou autre, soit entièrement bilingue. 14- Que dans la fonction publique, des secteurs français et anglais soient créés selon les régions desservies et que l'on exige une connaissance convenable des deux (2) langues de la part des fonctionnaires et des employés aux échelons administratifs. IL EST PROPOSE (nors du Québec) 1- Que dans toutes les provinces autres que le Québec, la langue française jouisse d'une législation qui lui assure partout son plein épanouissement. 2- Qu'un réseau de radio et de télévision français desserve toutes les provinces canadiennes en dehors du Québec. 3- Qu'au Nouveau-Brunswick où 35.2% de la population totale est de langue française, les langues française et anglaise soient officielles ».

ANNEXE Référer à la version PDF page 90

DEUXIÈME PARTIE

à COMMENTAIRE Il QUESTIONS COROLLAIRES

I-COMMENTAIRE 1. Le bilinguisme et nous

Le premier livre du rapport B & B suit la ligne de pensée suivante: a) L'un des graves problèmes du Canada est la coexistence de deux cultures. Les revendications des francophones et l'Inertie des anglophones mettent l'unité canadienne en danger. b) L'analyse des faits nous révèle 1. que les Canadiens français sont en grande majorité bilingues dans les provinces autres que le Québec; 2. que les Canadiens anglais, de leur côté, ne connaissent le français que dans une infime proportion, même au Québec; 3. que les immigrants, en presque totalité, sont assimilés par l'élément anglophone. c) La solution proposée pour maintenir le Canada dans sa forme actuelle est donc 1. de créer 54 districts bilingues, dont le critère principal sera la concentration, dans une division du recensement de 10% et plus d'habitants ayant comme langue maternelle la langue (anglais ou français) de la minorité officielle; 2. de demander aux provinces qui comptent 10% et plus de minorité officielle de se déclarer bilingues (y inclus l'Ontario, qui ne compte que 6% de minoritaires francophones); 3. de demander au Gouvernement fédéral de se déclarer bilingue et d'organiser la politique linguistique du pays avec l'accord des provinces.

Etant donné son mandat, la Commission pouvait difficilement en arriver à d'autres conclusions. Les questions qu'on doit se poser, en tant que Québécois francophones sont sans doute les suivantes: a) Est-ce que le bilinguisme canadien va suffisamment augmenter le nombre d'anglophones bilingues pour que l'équilibre soit rétabli (la proportion actuelle est d'environ 30% par rapport à 70%)? b) Est-ce que le bilinguisme canadien va donner une chance égale aux francophones et aux anglophones d'assimiler les immigrants? c) Sur quoi repose le critère de 10% pour la création de districts et de provinces bilingues? d) Les conditions démographiques et socio-économiques présentes ne sont-elles pas un obstacle majeur à la véritable égalité linguistique?

En d'autres termes, la solution au problème canadien constitue-t-elle en même temps une solution au problème du Québec ou place-t-elle le Québec dans une position aussi précaire que celle dans laquelle il se trouve actuellement?

2. Le risque démographique

L'argumentation des commissaires reposent essentiellement, dans le livre I, sur des données démographiques. (1) Examinons d'abord de plus près la situation du bilinguisme au Canada (le tableau qui suit n'est pas fourni par la Commission — nous avons dû le construire nous-mêmes à partir du recensement et des tableaux divers présentés dans le rapport B & B et dans la plaquette de la SSJB).

ANNEXE Référer à la version PDF page 92

TABLEAU NO VI

Le bilinguisme au Canada

A - Pourcentage d'unilingues anglais F - Pourcentage d'unilingues français B - Pourcentage de bilingues (français - anglais) MF - Pourcentage des bilingues dont la langue maternelle est le français

MO - Pourcentage des bilingues dont la langue maternelle est autre que le français (ce qui ne veut pas dire anglais).

(1) Le 1er livre du rapport comporte également un chapitre fort complexe sur les fondements juridiques, mais ce chapitre ne fait que rendre Juridiquement possibles les recommandations que le rapport contient.

On constate lo que 73% des bilingues sont de langue maternelle française; 2o que, même au Québec, seulement 23% des citoyens non francophones sont bilingues (Il n'y a pas moyen de savoir quelle proportion des anglo-saxons sont bilingues, étant donné le grand nombre d'immigrants au Québec, mais on peut penser qu'il y en a relativement très peu); (2) 3o qu'il y a, en dehors du Québec, une très grande proportion des unilingues (90%) qui sont anglophones.

Le déséquilibre est manifeste. Par ailleurs, il est évident que les recommandations des commissaires n'ont pas comme objectif de rétablir l'équilibre. Il n'y a donc aucune raison de penser que le bilinguisme officiel constituera une mesure favorable à la position quantitative de la langue française au Canada — et surtout au Québec — et encore moins à sa qualité.

(2) Voici à ce sujet un tableau révélateur:

TABLEAU NO VII

Pour les francophones, langue maternelle n'est pas synonyme de langue officielle alors qu'elle l'est pour les anglophones:

Un autre tableau éloquent est celui du nombre de francophones bilingues en dehors du Québec. Leur proportion est si élevée qu'on peut se demander si cet état de choses est possible et s'il ne s'agit pas plutôt de francophones déjà passablement assimilés.

(2) Il ne faut pas confondra ce tableau avec le tableau no 3 (page 87) qui présente le % de canadiens d'origine française qui sont bilingues. Le tableau no 8 par contre présente le % des francophones dont le français est la langue maternelle et qui sont bilingues.

ANNEXE Référer à la version PDF page 93

Nous avons établi les pourcentages suivants à partir des données du recensement en soustrayant du (a) nombre total de personnes dont le français est la langue maternelle, (b) le nombre d'unilingues français, ce qui nous fournit (c) le nombre de bilingues francophones. 1. b - a = c 2. c x 100 = % de francophones bilingues. a

TABLEAU NO VIII % de francophones bilingues au Canada (2)

Ouest Canadien................... 88.1

Ontario ........................ 77.à

Maritimes ...................... 82.3

N.-Brunswick .................... 46.7

Canada (sans Québec)............... 70.0

La prédominance effective de l'anglais et les exigences modernes de la mobilité de la main d'oeuvre ne vont-elles pas augmenter le taux d'assimilation des francophones par rapport à l'élément anglophone de la communauté canadienne? Les chiffres fournis par la Commission sont vieux de 7 ans et la tendance vers l'assimilation au monde anglo-saxon des divers groupes francophones, déjà manifeste dans le rapport (pp. 20 et 21), sera naturellement plus forte au moment où on tentera d'appliquer les recommandations, i.e. maintenant ou dans quelques années.

Il est même probable que cette tendance ait déjà fait disparaître en dehors du Québec un certain nombre de districts à vocation bilingue (10%): Sunbury (N.-B.), Algoma et Essex (Ontario), Prince (LP.E.), les divisions no 3, 6 et 19 du Manitoba, dont le pourcentage se situe autour de Il ou 12. Au Québec, l'assimilation jouant très peu ou en sens inverse, c'est sans doute plus de 24 districts qui devront être bilingues en 1971.

A cause donc du très fort pourcentage de francophones bilingues à l'extérieur du Québec et de l'augmentation continue du taux d'assimilation de ces derniers (à cause de leur représentation insuffisante), Il est normal de croire que malgré le bilinguisme officiel, le français continuera à perdre, au Canada, sur tous les plans.

Reprenons maintenant le chapitre du rapport de la B & B sur les fondements démographiques. Considérons, dans un premier temps, le critère de 10% choisi par la Commission. Dans un second temps, nous ajouterons à l'argumentation la dimension socio-économique du problème canadien. a) Le critère de 10%

Pour déterminer quelles divisions du recensement seront considérées comme districts bilingues, la Commission propose le même critère quantitatif que pour les provinces: il faut que 10% de la population soit de langue maternelle anglaise ou française, selon qu'il s'agit du Québec ou d'ailleurs. Ce chiffre repose sur un souci de justice de la part des commissaires: « Sans être parfait, lit-on à la page 111, il (ce critère de 10%)

permet de rejoindre la plupart des groupes minoritaires, tant anglophones que francophones ». Cette affirmation est exacte. En effet, la Commission propose de créer 24 districts bilingues au Québec pour 697,402 minoritaires anglophones et 30 districts bilingues dans le reste du Canada pour 853,462 minoritaires francophones. Cependant, sans même considérer les réalités socio-économiques, l'égalité quantitative dans les districts bilingues n'est pas réelle à tous les points de vue.

En effet, ce critère de 10% pèche par une injustice subtile, mais importante, parce qu'il ne tient aucun compte de la très forte concentration, dans les mêmes districts, des groupes minoritaires francophones, comparée à la faible concentration des groupes anglophones au Québec. Ainsi, il n'y a que 3 districts bilingues du Québec où le pourcentage de la minorité anglophone est supérieur à 35% de la population totale du district. (3) Par contre, à l'extérieur du Québec, on retrouve 15 districts bilingues où le pourcentage de la minorité francophone est supérieur à 35%. Dans 4 de ces districts, la population francophone dépasse même 80%. La plus forte concentration anglophone au Québec se chiffre à 55% (Pontiac), alors que la plus forte concentration francophone hors du Québec s'élève à 94.2% (Madawaska, N.-B.). Il est intéressant de noter que dans le cas de Madawaska où les anglophones ne représentent même pas 6% de la population, la Commission recommande que ce comté soit bilingue.

Ces différences importantes dans le degré de concentration des minorités francophones et anglophones n'affectent en rien le nombre des districts bilingues, ni, semble-t-Il à première vue, la nature de ces districts. Il semblerait donc que, quant à ces différences, les districts bilingues, créés sur la base de 10%, défavorisent les francophones.

Cette impression est confirmée si, au lieu de 10%, nous adoptons successivement 15, 20, 25 et 30% comme critères pour l'établissement de districts bilingues. (4) Il faut dès maintenant noter qu'aucun de ces critères n'est moins, ni plus valable que les autres, comme le font d'ailleurs remarquer eux-mêmes les commissaires, à la page 114: « Ce critère de 10% a un caractère arbitraire, comme l'aurait du reste tout autre critère (8 ou 15% par exemple) ».

Pourtant si nous adoptons 15%, comme critère, les anglophones du Québec perdent 10 districts bilingues sur 24. Les francophones de l'Ontario, eux, n'en perdent que 2 sur 11 et ceux du Nouveau-Brunswick, 1 sur 8. Ce glissement inégal s'explique par le plus faible degré de concentration des minorités anglophones par rapport aux francophones, par le fait que 10 minorités anglophones du Québec constituent entre 10 et 15% de la population du district alors que ce n'est le cas que pour 6 minorités francophones à l'extérieur du Québec. Ce choix de 10% au lieu de 15% favorise donc les minorités anglophones du Québec.

Puisque les chiffres sont arbitraires, allons plus loin et prenons 30% comme critère. Les francophones perdent alors à districts bilingues sur 6 dans les provinces de l'ouest, mais en conservent 9 sur 13 dans les provinces maritimes et 7 sur 11 en Ontario. Par contre, les anglophones québécois en perdent 19 sur 24. Mises à part les provinces de l'ouest (à), la perte de districts bilingues s'élève à 8 sur 24 pour les francophones de l'extérieur du Québec, et à 19 sur 24 (deux fois plus) pour les anglophones du Québec. Avec le critère de 10% au lieu de 30%, le Québec contiendrait donc 19 districts bilingues de plus alors que le Nouveau-Brunswick et l'Ontario ensemble n'en renfermeraient que 8 de plus.

(3) Toutes les données utilisées ici sont prises dans le tableau des districts bilingues, présenté dans le 1er rapport de la Commission, aux pages 111, 112 et 113.

(4) cf. tableau no 9

(à) Il ne faut d'ailleurs pas oublier que dans l'ensemble de ces provinces, les francophones ne constituent que le 3o groupe minoritaire, étant inférieurs en nombre aux Ukrainiens et aux Allemands.

Par rapport au degré de concentration des minorité ce critère fondamentalement arbitraire de 10% fera donc en sorte que le fardeau le plus lourd du bilinguisme reposera encore sur les épaules des francophones canadiens et surtout québécois.

Les Canadiens français, en plus d'être isolés géographiquement et entourés d'une vaste collectivité anglophone (rapport: 6 millions sur 214), sont individuellement dépendants, pour leur travail et leur avenir, de cette dernière. C'est d'ailleurs la seule raison valable qui explique leur bilinguisme effectif et le peu d'attrait de leur langue auprès des immigrants.

Voici ce que le quotidien La Presse a publié à ce sujet. Il s'agit, d'après l'auteur de l'article, Lysiane Gagnon, des conclusions principales d'études inédites effectuées pour la Commission B & B, dont l'une par trois économistes, MM, André Raynauld, Gérard Marion et Richard Béland (6): — Plus de quatre administrateurs sur cinq (ceux qui gagnent plus de $10,000) sont des anglophones, et sur ce nombre, seulement un sur cinq est obligé d'être bilingue, éd. du 23 oct. — « Les postes de commande sont partout entre les mains des anglophones » et « la présence des Canadiens anglais est écrasante (« overwhelming »), même au coeur de la société francophone (le Québec non-métropolitain). » éd. du 23 oct.

(6) Gagnon, Lysiane, En première, une avant-première du rapport B & B sur la vie économique, Montréal, La Presse, éditions des 22, 23, 24, 25 et 26 octobre 1968.

— Les Canadiens français employés dans l'industrie secondaire du Québec travaillent en anglais dans une énorme mesure (« to a formidable extent »). éd. du 24 oct. — « En province, plus de 96 pour cent des administrateurs francophones sont obligés d'être bilingues en vertu de leur contrat. Par contre, la moitié des employés anglophones ne sont pas obligés de savoir le français. » éd. du 24 oct. — « A Montréal, ce phénomène s'accentue: 86 pour cent des anglophones qui gagnent au-dessus de 5,000. sont unilingues. » éd. du 24 oct. — Même les cols bleus « subissent le fardeau d'avoir à s'adapter à une autre langue »: la majorité des contremaîtres anglophones ne parlent pas français, et la documentation à l'intention du personnel est le plus souvent rédigée en anglais, éd. du 2.4 oct. — « Il n'y a aucun doute que l'anglais est la langue de travail aux plus hauts échelons de l'industrie manufacturière du Québec. La langue dans laquelle les décisions sont prises, dans laquelle les ordres sont donnés, n'est généralement pas la langue de la majorité des employés... Même dans les usines et les bureaux qui sont situés en milieu francophone et dont la majorité du personnel est canadien français, la plupart des administrateurs francophones doivent travailler en anglais. » éd. du 24 oct. — Comment s'explique l'absence des Canadiens français aux postes de commande dans l'entreprise privée? Il y a de toute évidence une barrière quelque part. Or, cette barrière relève d'un facteur culturel plus encore que d'une question de compétence ou de formation.

Le jeune francophone qui compte faire carrière dans l'industrie se trouve dans un dilemme: il sent qu'il devra choisir entre son avancement personnel et la perte partielle de son identité linguistique et culturelle. « Plus encore, cet homme ressent » un profond sentiment d'aliénation...

Même s'il y a des cas flagrants de discrimination, beaucoup d'entreprises sont pourtant prêtes à engager des francophones compétents à des postes-clés... à trois conditions: 1 - le candidat devra posséder une parfaite maîtrise de l'anglais; 2- il devra accepter d'être permuté en dehors du Québec; 3 - il devra fonctionner à l'intérieur de l'entreprise de la même manière que ses confrères de culture anglaise: c'est-à-dire, à toutes fins pratiques, penser et réagir en anglais.

Enfin, même si le cadre francophone entend se plier à ces condition,"- implicites, s'il entend « monter » à tout prix au sein de l'entreprise, il se trouvera doublement handicapé: le nombre d'obstacles qu'il va rencontrer du simple fait qu'il est de culture française va entraîner des conséquences néfastes du point de vue psychologique, et entravera l'efficacité de son travail, ce qui évidemment compromettra ses chances d'avancement. éd. du 25 oct. — « (Si l'on en juge d'après les attitudes des dirigeants des entreprises canadiennes, et même ceux de bonne volonté), il n'y a guère de possibilité qu'à court et à moyen terme on utilise largement le français au sein du personnel administratif. » Et enfin « on peut prédire sans crainte de se tromper que les entreprises s'efforceront de plus en plus de faire apprendre l'anglais à leurs employés francophones, plutôt que d'assurer au français une place de choix comme langue de travail aux plus hauts échelons des compagnies. » éd. du 25 oct. — A instruction égale, les Canadiens français gagnent moins que les autres. éd. du 26 oct.

Revenu

Au Canada Au Québec . Le Canadien français gagne chaque . Pour le salaire, le Canadien français chaque année $1,000. de moins que vient au 12e rang sur 14. Il gagne le Canadien anglais. $1,755, de moins que le Canadien anglais. . Le revenu moyen du Canadien fran- . Le revenu moyen du Canadien fran- çais est de 20 pour cent inférieur à çais est de 35 pour cent inférieur à celui du Canadien anglais. celui du Canadien anglais.

Le Canadien français gagne partout . Le Canadien anglais gagne 40 pour

(y compris au Québec) 12 pour cent cent de plus que les autres. de moins que les autres. Le Canadien anglais gagne partout (sauf au Québec) 10 pour cent de plus que les autres. — Le Québec est la seule province où un Canadien anglais unilingue gagne plus cher qu'un Canadien anglais bilingue, éd. du 26 oct. — Au Québec, il est plus rentable d'être... unilingue anglais, éd. du 26 oct. NOTE: Les guillemets indiquent que le texte est extrait (par Mlle Gagnon) des études auxquelles elle se réfère.

Que dire, en conclusion, des recommandations de la Commission lorsque celle-ci affirme que le groupe francophone, déjà, fortement minoritaire, continuera de diminuer en importance (B & B, livre 1, p. 22, SSJB, p. 15) et que son aliénation économique ira en grandissant (La Presse) et du même souffle, suggérer comme solution au problème du français le bilinguisme institutionalisé.

Cette solution est par définition temporaire et se situe au niveau des accommodements rendus nécessaires par les revendications de la minorité française du pays, Il est raisonnable, à la lumière de ce que nous venons d'étudier, d'affirmer qu'à plus ou moins brève échéance, le bilinguisme canadien ne pourra pas assurer au Québec l'homogénéité et la force suffisante pour résister à la puissance d'assimilation du continent.

II- QUESTIONS COROLLAIRES

1. La réalisation de l'unilinguisme

La question de l'unlllngulsme soulève dans ses applications un certain nombre de problèmes. La langue, nous le savons, est au coeur de toutes les activités humaines: lorsqu'elle est menacée, c'est tout l'être qui se sent menacé. L'état de la langue reflète d'ailleurs assez bien l'état de ceux qui la parlent. Il est sensé de prétendre qu'il est à peu près inutile de réformer la langue sans réformer le milieu où elle vit.

La première étape à franchir dans une réforme linguistique est donc celle de rendre la langue indispensable par des mesures qui touchent la vie et le travail de la communauté dont elle est le reflet. Ces mesures se situent à tous les niveaux de l'activité.

a) Le travail

Une langue qui n'exerce pas la fonction de véhicule normal de la communication entre les travailleurs est vouée à une fonction secondaire et superficielle et, éventuellement, à la disparition. Il semble raisonnable qu'une communauté qui est menacée mais qui ne veut pas disparaître, force l'industrie, les affaires et l'administration de tous les paliers à parler sa langue. Des mesures énergiques doivent être prises par l'Etat (c'est-à-dire par les représentants de cette communauté) pour que la situation devienne normale. On doit prévoir un laps de temps suffisant pour que les transformations socio-économiques souhaitées n'aillent pas à l'encontre du développement de l'activité économique, mais une attitude trop fâche pourrait avoir comme effet d'entretenir l'incertitude et l'ambiguïté et d'entraîner des modifications profondes dans la répartition de cette activité, Il ne faut pas laisser aux intérêts aveugles de l'économie le soin de veiller aux questions nationales et culturelles.

En d'autres termes, l'économie d'une nation doit être conforme à ses ambitions sociales et culturelles et non l'inverse, comme les économistes ont tendance à nous le laisser croire.

b) l'éducation

Il n'existe pas de pays civilisés où l'on enseigne une langue seconde au niveau élémentaire à moins que cette situation ne lui soit imposée. Par ailleurs, la plupart des pays industrialisés du monde étudient les langues étrangères à partir du niveau secondaire. Lorsqu'une situation anormale est imposée par des conditions politiques et sociales, Il convient de légiférer sur le statut des langues et sur leur enseignement. Si cette action législative n'a pas lieu, ce sont les forces démographiques qui auront le dernier mot. Ce qui est vrai des autochtones l'est encore plus des immigrants: seul pour eux comptent l'efficacité et le rendement et ils ne font que favoriser le jeu de ces forces démographiques.

c) Les communications

Les moyens de communication constituent le système nerveux de la vie moderne. D'une part, Il ne saurait être question que les solutions aux problèmes de la langue conduisent à l'isolement; d'autre part, il est préférable de s'occuper soi-même de l'information plutôt que de la laisser entre les mains d'entreprises étrangères et de gouvernements où nous sommes en minorité.

2. Le sens des mots

Il n'est peut-être pas mauvais de se demander ce que veulent dire les expressions: français prioritaire, unilinguisme, école bilingue, école unilingue.

a) Français prioritaire

Du point de vue pratique, à quoi ressemble un pays où une langue est prioritaire? Il y a dans ce mot un comparatif qui suppose l'existence d'une autre langue qui soit secondaire. Prioritaire où? Secondaire quand?

Les mots « Français prioritaire » ne veulent donc rien dire s'ils ne sont déterminés par une série de spécifications concernant le lieu, le temps, la durée, l'objet, etc. par rapport à l'autre langue.

b) L'unilinguisme

Le ser de ce mot est très clair: il signifie qu'une seule langue intervient, à titre officiel, dans l'activité intérieure d'une communauté ou d'un groupe.

c) Ecole bilingue

L'Ecole bilingue a été expérimentée à Montréal pour concilier les besoins des immigrants, ceux de la CECM et ceux du milieu. Ce type d'école engage les administrateurs à dispenser une partie de l'enseignement dans une langue et l'autre partie dans une autre langue. Dans la pratique, certaines matières sont donc toujours enseignées en anglais, d'autres toujours en français.

d) Ecole unilingue

Il faut distinguer deux types d'écoles unilingues: lo celle qui dispense tout son enseignement dans une seule langue et dont le programme ne comporte pas l'apprentissage d'une langue étrangère; 2o celle qui dispense tout son enseignement dans une seule langue et dont le programme comporte l'enseignement d'une ou de plusieurs langues étrangères.

A la question des écoles et de l'enseignement peut se greffer une série de remarques tout à fait pertinentes sur la psychologie de l'apprentissage, sur les fondements et sur les effets neurologiques, psycho-mécaniques (automatiseurs) et socio-culturels du bilinguisme, mais les données présentes sont incomplètes et les opinions controversées. D'ailleurs, il n'est pas certain qu'on puisse appliquer les conclusions d'études de ce genre faites sur des individus à la collectivité. Bien qu'il faille souhaiter que ces recherches se continuent, il n'est sans ute pas nécessaire de créer ou de maintenir une situation sociale qui les rendra possibles pour le seul bénéfice de la recherche.

3. Le bilinguisme et la traduction

Le bilinguisme total n'est pas possible, chacun le reconnaît. Lorsqu'on vote une loi, qu'on émet un jugement, qu'on répond à une lettre, qu'on fait un budget, qu'on signe des contrats avec l'Industrie, qu'on rédige une convention collective, etc., le texte paraît d'abord dans une langue pour ensuite être traduit. La première langue est habituellement l'anglais, langue de la majorité canadienne, langue des c' efs ou des responsables des secteurs administratifs; la traduction est faite pour les employés et les contribuables franc aphones, bref pour la minorité.

Cette question est d'autant plus importante que la traduction se fait toujours dans le même sens. A cause de la rapidité et du caractère artificiel de la traduction, la langue d'arrivée se trouve constamment victime des interférences linguistiques et culturelles et devient, à la longue et sans que personne ne l'ait souhaité, un vulgaire calque de la langue de départ. La traduction finit par influencer les usagers de la langue dont elle déforme l'instrument de communication.

Une communauté qui va chercher une partie de son existence, toute son information, ses consignes de travail et ce qu'il faut pour ses besoins essentiels de nourriture, de logement, de loisirs, etc., dans des textes traduits ne peut pas éviter de ressembler de plus en plus à ceux qui l'alimentent.

4. L'avis des linguistes

Trop peu souvent peut-être, les linguistes ont joué leur rôle de citoyens et ont exprimé leur opinion sur l'unilinguisme ou le bilinguisme. Ceux qui l'ont fait ont presque tous reconnu que le bilinguisme, pour un groupe social, est un signe d'aliénation et qu'il n'a toujours été, à travers l'histoire des hommes et des langues, qu' une phase de transition entre deux unilinguismes. Cela n'empêche pas le bilinguisme d'exister, d'une manière ou d'une autre, à plusieurs endroits dans le monde. L'évolution linguistique est relativement lente et les faits actuels n'ont pas de valeur exemplaire en soi parce qu'ils sont difficiles à cerner et à interpréter et que la courbe d'évolution est insaisissable sur une période qui ne dépasse pas un ou plusieurs siècles. à. L'unilinguisme et l'AQPF

De nombreux organismes se sont prononcés au Québec, pour ou contre l'unilinguisme. Malheureusement, certains de ces organismes l'ont fait sans préparation sérieuse.

Le Conseil de l'Association des professeurs defrançais,à la demande de ses membres, a créé un comité d'études et de recherches pour faire le tour de la question et soumettre un rapport à l'Assemblée générale. Les auteurs du présent rapport ont voulu éloigner toute idée partisane et toute opinion qui ne semblait pas fondée sur des données relativement sûres. L'interprétation des statistiques du recensement et les commentaires au sujet du premier rapport de la Commission B & B ne présument pas des résolutions qu'adoptera l'Assemblée générale. Notre rôle a été de présenter quelques aspects fondamentaux de la question, afin que chacun des membres de l'AQPF puisse, d'une façon plus éclairée, prendre en main la part du destin qui lui revient.

CONCLUSION

A la lumière du contenu de ce dossier, il est raisonnable d'affirmer: lo — que le cadre dans lequel les problèmes sont étudiés influence considérablement les conclusions auxquelles on arrive; 2o — que la plupart des organismes francophones du Québec qui ont fait des analyses et qui ont pris position sur le sujet, recommandent une forme ou une autre d'unilinguisme; 3o — que le premier rapport de la Commission B & B atteste que ce sont les francophones qui sont bilingues, en très grande majorité; 4o — que les recommandations de la Commission B & B bien que conformes aux objectifs de son mandat, défavorisent l'élément francophone du pays par rapport à l'élément anglophone et qu'elles n'arriveront pas à retarder indéfiniment, sinon arrêter le processus d'assimilation; 5o — que l'AQPF ne doit plus tarder à prendre ses responsabilités et à exercer son influence auprès des institutions québécoises dans le sens qu'elle jugera le plus opportun et le plus conforme à ce qu'elle comprend des intérêts des québécois.

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