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Version finale

28e législature, 5e session
(24 février 1970 au 12 mars 1970)

Le jeudi 19 février 1970 - Vol. 9

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Bill 62 - Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal


Journal des débats

 

Commission permanente de l'Education

Bill 62 — Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal

Séance du jeudi 19 février 1970

(Quatorze heures cinq minutes)

M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A l'ordre, messieurs! Nous vous souhaitons la bienvenue. Voici l'ordre du jour: Nous entendrons six organismes suivant l'ordre établi. Avant de débuter, est-ce que le ministre de l'Education aurait quelque chose à dire?

M. CARDINAL: Oui, très brièvement, M. le Président, merci. Tel que convenu, cette séance débute à deux heures et se terminera à cinq heures trente; nous reprendrons à huit heures ce soir pour terminer à dix heures ou dix heures trente, selon les circonstances.

Après entente avec l'Opposition, nous reprendrons la suite de ces séances le mercredi 25 février vers quatre heures, après la période des questions à l'Assemblée nationale. Le député d'Ahuntsic est sans doute d'accord avec le chef de l'Opposition. Ceci guidera les gens qui veulent nous présenter des mémoires.

Pour ajouter une deuxième remarque, j'ai reçu, au ministère, plusieurs de ces mémoires. Nous ne voulons évidemment pas raccourcir le droit de parole qui est donné aux gens, mais dans certains cas, s'il était possible de nous présenter ce que j'appellerais la substance du mémoire, ce serait préférable, parce que certains d'entre eux sont très longs et très techniques, mais les documents seront quand même déposés en entier au journal des Débats et auprès des membres de la commission. Je pense que cela pourrait aider tous les participants et permettre la discussion qui s'impose à la suite des mémoires. Ce serait mieux que d'entendre, il faut bien le dire, répéter souvent les mêmes suggestions qui ont déjà été faites.

C'est d'ailleurs une façon de procéder qui a été utilisée dans le passé pour le projet de loi 56 et pour d'autres. Je dis cela simplement à titre de suggestion et de contribution pour l'avancement de nos travaux. Merci, M. le Président.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je concours avec le ministre pour ce qui est des heures de séances pour aujourd'hui et pour le 25. Cependant, j'aimerais me faire l'interprète de plusieurs groupes qui s'inquiètent — je ne sais pas si le ministre en a eu connaissance; en tout cas, je me fais leur interprète au cas où la demande ne lui aurait pas été faite — du rythme de fonctionnement de la commission à partir du 25.

Le ministre a déjà mentionné qu'il avait déjà reçu, je crois, autour de 6 mémoires. Une très faible proportion de ces mémoires a été entendue jusqu'à maintenant.

M. CARDINAL: Six.

M. LEFEBVRE: Quelle est l'intention du ministre quant aux séances après le 25 février?

M. CARDINAL: L'intention du gouvernement, mon intention c'est, après entente avec l'Opposition, de procéder aussi fréquemment que les travaux parlementaires nous le permettront. Je pense que le fait que la session ouvre le 24 et que dès le 25...

Je pense que le fait que la session débute le 24 et que, dès le 25, après la période des questions, nous allions en commission indique ce désir que nous avons d'entendre tout le monde dans le plus bref délai. De fait, encore certains organismes ont communiqué avec moi ce matin pour nous demander quand ils pourraient être entendus. Je dis: le plus rapidement possible, selon que les travaux parlementaires et les travaux des autres commissions le permettront.

Aujourd'hui, je ne sais pas à quel point les gens de l'autre côté de la barre sont initiés aux travaux des députés malgré les articles sur l'absentéisme qui paraissent dans certains journaux. Il y avait ce matin, trois commissions qui siégeaient. Il y en a deux cet après-midi, aucun de nous ne peut se multiplier et c'est ce qui constitue le problème. Il va falloir que les représentants de l'Opposition et du parti ministériel s'entendent sur cette échéance que je désire la plus rapprochée possible.

Nous commencerons dès le lendemain de l'ouverture de la session, et nous continuerons au rythme le plus rapide possible, avec les autres travaux parlementaires.

M. LEFEBVRE: Je peux déduire de la réponse du ministre que c'est son intention de tenir plusieurs séances de la commission par semaine.

M. CARDINAL: Si c'est possible, oui.

M. LEFEBVRE: En prenant toutes les mesures possibles.

M. CARDINAL: Oui.

M. LEFEBVRE: Cela peut éclairer aussi les gens qui veulent se présenter devant la commission.

M. CARDINAL: J'ajoute un autre détail. Malheureusement, le 25, dans la soirée, nous ne pourrons pas siéger parce que les représentants de Sa royale Majesté nous convient. Il sera impossible d'être devant cette commission, mais à la fin de la journée du 25, nous nous entendrons pour reprendre les travaux aussitôt que possible, durant la même semaine, si le temps nous le permet.

M. LEFEBVRE: S'agit-il de la royale Majesté gabonnaise ou anglaise ou française?

M. CARDINAL: Il n'y a pas de majesté au Gabon. La seule royale majesté que je reconnaisse comme existante, c'est celle qui est à Londres.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, nous entendrons...

M. LEFEBVRE: M. le Président, si vous me le permettez, mon collègue de Saint-Laurent aurait une question particulière. Elle a été suscitée par des gens de son comté. Je pense qu'il pourrait la poser maintenant.

M. PEARSON: M. le ministre, vous avez déjà mentionné, lors d'une séance précédente, et d'ailleurs en public, que vous attachiez beaucoup d'importance à certains grands principes du bill 62, qui se résumaient, en autant que je me souvienne, à peu près à quatre, et que vous étiez moins catégorique sur les modalités. Un de ces principes-là, je pense que c'est la meilleure répartition du fardeau de la taxe sur l'île de Montréal.

M. CARDINAL: Vous parlez de l'article 698.

M. PEARSON: C'est ça. Bon, alors j'en viens à l'article 698, vous m'avez deviné. On dit: "Nonobstant toute loi contraire, les terres en culture dans le territoire de l'île de Montréal doivent être évaluées, pour fins scolaires, à leur valeur réelle." Or, dans mon comté, le comté de Saint-Laurent, il reste encore quelques cultivateurs, peut-être 10 à 12, et si on calcule selon cet article-là, la taxe scolaire pourrait passer de, peut-être, $100 à plus de $40,000 pour la même année. Est-ce que cet article-là, c'est de cette façon-là qu'on doit l'interpréter? Ce serait pour une terre d'à peu près 70 arpents.

M. CARDINAL: Ce problème particulier des quelques terres maraîchères de l'île de Montréal et de l'île Bizard — cela n'affecte donc pas seulement Saint-Laurent, mais aussi l'île Bizard qui fait partie de ce groupement métropolitain — a été porté à notre connaissance au ministère de l'Education. J'ai immédiatement créé un petit groupe d'experts en matière fiscale, comprenant quelqu'un du financement et quelqu'un de la planification, qui actuellement est en train de me préparer un travail sur la façon dont nous devrons considérer les terres en culture du territoire métropolitain. Je puis donc dire ceci: Il y aura certainement une modification qui sera faite à la suite de cette étude pour tenir compte de ce facteur qui avait été oublié. Quel sera l'amendement? Je ne suis pas prêt à répondre, mais c'est un problème qui a été isolé et sur lequel nous travaillons présentement.

M. LEFEBVRE: Cela peut éviter quelques syncopes dans le comté de Saint-Laurent.

M. PEARSON Pas seulement dans le comté de Saint-Laurent.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y a l'île Bizard.

M. CARDINAL: Oui, il y a l'île Bizard. Je suis d'autant plus sensibilisé au problème que je connais bien cette région. H y a une partie de Côte-des-Neiges, de Saint-Laurent et de l'île Bizard qui est affectée par ça. J'ajoute un autre détail, cependant. Malgré cette étude que nous faisons, il existe déjà, par les lois actuelles, un tempérament, puisque tous ceux qui sont considérés comme agriculteurs bona fide reçoivent du ministère des Finances, après rapport du secrétaire-trésorier de la commission scolaire, un remboursement équivalent à 35 p.c. du montant annuel de taxes foncières pour fins scolaires. Ceci demeure malgré le bill 62. Le bill 62 n'est qu'un amendement — je l'ai dit — à la Loi de l'instruction publique; le reste de la loi et les autres lois demeurent les mêmes.

M. PEARSON: Alors, cela veut dire: Nonobstant toute loi contraire.

M. CARDINAL: C'est ça. Cela veut dire que les 35 p.c. demeurent, malgré l'adoption du projet de loi 62. Je suis heureux de le dire, parce que ça peut être déjà ce que j'appelais un tempérament ou une modération des problèmes. D'autre part, on étudie, quand même, la situation des terres en culture sur le territoire.

M. PEARSON: Ce comité d'experts ne nous apportera pas nécessairement deux définitions du mot agriculteur, une pour Montréal et une autre pour la province?

M. CARDINAL: Je répète ce que j'ai dit tantôt: Je n'en sais rien. Je n'ai pas reçu ses recommandations; Le bill 62 va créer une situation particulière à Montréal. Il est possible que cet important amendement à la Loi de l'instruction publique apporte certaines définitions particulières pour Montréal, mais je ne suis pas en mesure, je le dis bien franchement, de donner la réponse aujourd'hui.

Tout ce que je peux dire, pour rassurer le député de Saint-Laurent et ses électeurs, c'est que les 35 p.c. de remboursement ne sont pas modifiés pour autant et que le sujet comme tel est étudié particulièrement.

M. PEARSON: Autrement dit, on va attendre que les amendements soient apportés, je suppose...

M. CARDINAL: Je les apporterai soit devant cette commission, soit au comité ou en deuxième lecture, selon que les circonstances le permettront.

M. PEARSON: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Nous entendrons donc l'Association des principaux de Montréal. Son porte-parole est M. Fernand Lyonnais. C'est bien ça? Vous avez la parole.

M. Fernand Lyonnais

M. LYONNAIS: M. le Président, M. le Ministre, Madame Casgrain, MM. les Députés Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, permettez d'abord que je vous présente les personnes représentant l'Association des principaux de Montréal qui m'accompagnent actuellement. Ici, à ma gauche, M. Jean-Paul Ricard, vice-président de l'association; à ma droite, Mlle Henriette Pépin, directrice de l'école Notre-Dame-du-Bon-Conseil de Montréal et M. Yvon Hétu, directeur de l'école secondaire Le Plateau de Montréal.

Je présenterai tout d'abord les grandes lignes de pensée de notre mémoire, après quoi chacun de mes compagnons et compagnes liront le plus rapidement possible une partie de notre mémoire que nous considérons comme en étant la base. Nous essaierons de résumer, pour le bénéfice du comité, la partie de la fin que nous considérons cependant importante, c'est-à-dire celle du statut du principal, que nous aimerions voir défini une fois pour toutes dans un texte de loi, un texte légal ou un règlement. Cela fait des années que la Fédération des associations de principaux réclame ceci, qui n'a toujours été simplement défini que dans des ententes, dans des négociations, dans des conventions, mais jamais dans un texte de loi.

Considérant l'importance des mesures préconisées par le gouvernement en vue du renouvellement des structures scolaires de l'île de Montréal; considérant le rôle fondamental joué par ses membres, tant dans l'éducation des enfants que dans l'administration des écoles, l'Association des principaux de Montréal, qui groupe les directeurs et directrices des écoles françaises de la Commission des écoles catholiques de Montréal — soit dit en passant au moins 600 membres — a jugé nécessaire de faire connaître au gouvernement ses réflexions, ses remarques et ses recommandations concernant le projet de loi no 62 intitulé Loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal.

L'Association des principaux se déclare d'accord sur le principe de l'unification des Commissions scolaires de l'île de Montréal. Elle estime toutefois que cette unification doit s'accompagner d'une décentralisation des responsabilités, d'un mode de désignation très démocratique, tant des commissaires que des membres du conseil de l'île.

L'Association des principaux estime également que pour satisfaire les justes droits de tous les citoyens de l'île de Montréal, la loi concernant l'organisation scolaire doit offrir des garanties linguistiques et confessionnelles non équivoques.

C'est dans le sens de ces prises de position globales que l'Association des principaux de Montréal propose les observations et les suggestions suivantes.

Je vous passe immédiatement mademoiselle Henriette Pépin, qui va vous faire les recommandations sur les commissions scolaires.

Mlle Henriette Pépin

MLLE PEPIN: Commissions scolaires.

Les municipalités scolaires, article 582. "L'Association des principaux de Montréal n'a pas d'objection de principe à la division de l'île de Montréal en onze municipalités scolaires. Elle s'inquiète toutefois de la situation qui sera celle de la municipalité scolaire no 1. Cette municipalité couvre en effet un territoire déjà défavorisé et appelé à le devenir de plus en plus. Sur un tel territoire, les rapports des éducateurs avec les enfants et les parents sont particulièrement difficiles, les problèmes scolaires et disciplinaires très nombreux. Pour ces motifs, l'Association des principaux de Montréal craint que, sur le territoire de cette commission scolaire, le recrutement et la conservation du personnel posent un problème et que, en conséquence, on doive ou engager du personnel inexpérimenté ou obliger des hommes et des femmes à oeuvrer toute leur vie dans un milieu difficile et parfois déprimant. "Considérant les inquiétudes qui viennent d'être exposées, l'Association des principaux souhaite donc que la carte scolaire de l'île de Montréal, telle qu'elle est présentée en annexe du projet de loi, soit retouchée de façon que les dangers ci-haut décrits soient évités dans la mesure du possible. "S'il s'avérait impossible de modifier la carte scolaire de l'île, il devra être clairement entendu, tant de la part du ministre que du Conseil de l'île, que les commissions scolaires de territoires défavorisés devront disposer de budgets proportionnellement supérieurs à ceux des autres commissions scolaires. "Elles devront, en effet, s'assurer les services d'un plus grand nombre d'éducateurs spécialisés, de psychologues, de travailleurs sociaux, etc. Le nombre d'élèves par classe devra être moins élevé que dans d'autres milieux, ce qui exigera un plus grand nombre de professeurs. 2 — Objets et pouvoirs des commissions scolaires, articles 586, 587, 588. "Le rôle des commissions scolaires est défini par le projet de loi de façon imcomplète et confuse. Il n'est fait mention, 3n effet, ni des classes maternelles, ni des cours pour adultes, ni des services pédagogiques et para-pédagogiques qui doivent être offerts à une population scolaire. "Par ailleurs, la restriction du cours d'études à onze années paraît malheureuse, parce qu'elle ne tient pas compte des fluctuations, déjà nombreuses dans le passé et prévisibles pour

l'avenir, et selon lesquelles les cours d'étude offerts par les commissions scolaires ont oscillés entre onze et douze ans.

Enfin, des formules telles que "cours d'études... adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, pour les écoles publiques protestantes, etc." et "programmes d'études et règlements édictés ou approuvés pour les écoles publiques catholiques, protestantes ou autres que catholiques ou protestantes" cadrent mal avec l'ensemble du projet de loi.

Compte tenu de ces remarques, l'Association des principaux de Montréal suggère que l'article 586 soit reformulé de la façon suivante: "Chaque commission scolaire doit prendre les mesures nécessaires pour organiser et administrer, en conformité avec les programmes édictés ou approuvés par le ministère de l'Education, les cours des classes maternelles, de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement secondaire polyvalent, c'est-à-dire général et technique, à l'intention de tous les enfants de son territoire, et des adultes qui désirent recevoir des cours de ces niveaux. "Elle doit aussi, si nécessaire en collaboration avec d'autres commissions scolaires et avec le conseil de l'île, assurer les classes spéciales pour enfants exceptionnels. "Chaque commission scolaire doit églament assurer les services médicaux, sociaux et psychologiques, les services d'orientation scolaire et professionnelle, ainsi que les services de pastorale ou leur équivalent, dans toutes les écoles soumises à sa juridiction." b) L'Association des principaux de Montréal se dit d'accord avec le premier paragraphe de l'article 587 concernant la sélection et l'engagement du personnel par les commissions scolaires. Elle juge néanmoins que la loi devrait assurer la possibilité d'une certaine mobilité du personnel de direction. A cette fin, l'Association des principaux de Montréal suggère que les postes de direction soient offerts par concours à tout le personnel enseignant ou dirigeant de l'île de Montréal. Le conseil de l'île serait chargé de veiller à la mise en application de cette disposition. c) En accord avec ce qui a été dit dans le préambule de ce mémoire, l'Association des principaux estime qu'il faut accorder une autonomie et un pouvoir réel aux commissions scolaires régionales, dans les limites d'une juste intégration dans un ensemble plus vaste.

Or, le deuxième paragraphe de l'article 587 ne paraît pas accorder un pouvoir suffisant aux commissions scolaires en ce qui concerne l'implantation des équipements scolaires dans le territoire sur lequel une commission a autorité. De plus, si on se reporte à l'article 659, on constate que l'affectation des immeubles de chaque territoire est remise entièrement entre les mains du conseil de l'île. Sur ce point, l'Association des principaux de Montréal estime que la commission scolaire, étant plus au fait des besoins concrets de son territoire, est plus compétente que le conseil de l'île. Il est donc suggéré que le rôle des commissions scolaires soit beaucoup plus grand dans l'implantation des équipements, l'affectation des immeubles et l'entretien des équipements scolaires.

Il faudrait donc reformuler l'article 587 paragraphe 2 de la façon suivante : "Chaque commission scolaire a aussi pour rôle de voir, en collaboration avec le conseil, à l'implantation des équipements scolaires dans le territoire sur lequel elle a autorité, de recommander au conseil l'acquisition des immeubles requis, de voir à l'affectation des immeubles de son territoire et à l'entretien de ses équipements scolaires." d) C'est également aux commissions scolaires qu'il appartient de s'enquérir des désirs des parents concernant le caractère linguistique et confessionnel des écoles où leurs enfants seront accueillis. Chaque année, en mars, la commission scolaire doit donc faire parvenir à tous les parents de son territoire une formule sur laquelle ils doivent indiquer leur choix quant à la confessionnalité et à la langue de l'école qui acceuillera leur enfant en septembre suivant. Les parents rempliront autant de formules qu'ils ont d'enfants d'âge scolaire. e) Toujours en conformité avec la décentralisation proposée par ce mémoire, l'Association des principaux de Montréal estime qu'il faut respecter le plus possible les échelons hiérarchiques et que, sauf pour des cas exceptionnels ou litigieux, les commissions scolaires ne devraient pas avoir à recourir au ministre.

Chacun sait, d'ailleurs, que les recours trop fréquents au ministre occasionnent des pertes de temps considérables et nuisent à l'efficacité de l'administration. Dans ce sens, l'Association des principaux de Montréal suggère donc que les commissions scolaires demandent toutes les autorisations nécessaires au conseil et non au ministre, même l'autorisation dont il est question au second paragraphe de l'article 588. La même recommandation s'applique aux articles 615et 616.

L'article 615, paragraphe 2, devrait donc se lire comme suit: "En cas d'urgence ou de nécessité, le conseil peut autoriser..." A l'article 616on remplacera "ministre" par "conseil" à la troisième et à la treizième lignes, et on modifiera le début du troisième paragraphe de la façon suivante: "Sur recommandation du conseil, le lieutenant-gouverneur en conseil peut aussi..." 3 — Composition des commissions scolaires (articles 590, 592).

L'organisation scolaire de l'île de Montréal gagnera à être unifiée dans le sens proposé par le projet de loi, mais à la condition expresse qu'à chaque niveau de la pyramide administrative, toutes les personnes intéressées à l'éducation soient représentées.

Pour assurer cette représentativité maximum, l'Association des principaux de Montréal suggère:

1) Que le nombre des commissaires soit normalement de neuf. Ce nombre ne paraît pas excessif dans le cas présent puisque les municipalités scolaires de l'île de Montréal auront chacune une population scolaire de 40,000 à 50,000 élèves. 2) Que ces neuf commissaires représentent les trois groupes de citoyens qui, à des titres divers, sont particulièrement intéressés à l'éducation, à savoir: a) le peuple dans son ensemble, b) les parents, c) les éducateurs.

On ne saurait trop insister sur le droit des éducateurs à être représentés au sein de la commission scolaire, puisque ce sont eux qui, en tant qu'enseignants ou en tant que membres de la direction des écoles, sont le plus près des élèves et le plus au fait des problèmes concrets de la vie scolaire.

Quant à la représentation des parents et de la population, elle est déjà assurée par le projet de loi et l'Association des principaux de Montréal est d'accord avec cette représentation. 3) Que le nombre de commissaires puisse être porté à 11, lorsque cette mesure s'avérera nécessaire pour assurer une meilleure représentation de l'élément minoritaire. Comme le soulignait le rapport Pagé (p. 67), la diversité des situations dans les différentes municipalités scolaires de l'île de Montréal doit s'accompagner d'une certaine flexibilité quant au nombre des commissaires. L'Association des principaux de Montréal pense que la diversité des situations sera respectée si le conseil de l'île a le pouvoir de nommer deux commissaires additionnels, lorsqu'une meilleure représentativité l'exige.

En conformité avec les précédentes remarques, l'Association des principaux de Montréal suggère que les articles 590, 591 et 592 soient rédigés de la façon suivante: 590—"Chaque commission scolaire est composée de commissaires élus au suffrage universel, de commissaires élus par un collège électoral, conformément aux articles 640 et suivants, et de commissaires élus par les éducateurs de chaque commission scolaire par le truchement des associations de principaux et d'enseignants. 591—"Les commissaires élus au suffrage universel sont au nombre de trois. Les commissaires élus par un collège électoral sont au nombre de trois. Les commissaires élus par les éducateurs sont au nombre de trois. 592 —"Dans les cas où il le juge opportun pour assurer une meilleure représentation de groupes minoritaires, le conseil de l'île a le pouvoir de nommer deux autres commissaires portant ainsi le nombre maximum de commissaires à onze." 4) Cens d'éligibilité des commissaires (article 596). Pour respecter et sauvegarder le caractère francophone de l'île de Montréal, l'Association des principaux de Montréal pense que toute personne incapable de comprendre ou de parler correctement le français devrait se voir refuser l'accès à la fonction de commissaire. Elle suggère, en ce sens, d'ajouter à l'article 596 un paragraphe ainsi conçu: g) "Toute personne incapable de parler couramment français." 5) Election des commissaires au suffrage universel (articles 603-604).

A)Pour respecter le principe émis ci-haut, en 2-c), à propos de l'article 288, l'Association des principaux de Montréal estime que la deuxième partie de l'article 603 devrait se lire de la façon suivante: 603-b) "Si aucune personne n'a été mise en cadidature pour un poste de membre d'une commission scolaire, le conseil comble la vacance sur recommandation des commissaires déjà élus ou nommés".

B)Pour des raisons d'économie et d'efficacité, l'élection des commissaires élus au suffrage universel devrait se faire le même jour et dans les mêmes locaux que les élections municipales. L'Association des principaux de Montréal suggère donc d'amender les articles 598 à 604 inclusivement en ce sens. 6) Fonctionnaires de la commission scolaire (article 612). L'Association des principaux de Montréal s'est longuement penchée sur l'un des problèmes les plus importants que posera la mise en application du projet de loi no 62. La loi concernant l'organisation scolaire sur l'île de Montréal a fait naître, en effet, de nombreuses inquiétudes sur le sort réservé à la langue et à la religion dans une organisation scolaire de structure unifiée.

Partant de l'expérience concrète qui est la leur, les pincipaux de Montréal estiment qu'il est possible de faire justice à tous, de respecter les diversités linguistiques et religieuses, de conserver même le caractère confessionnel des écoles, à la condition que la loi apporte

quelques précisions concernant les fonctionnaires qui seront nommés par les commissaires d'écoles.

Les précisions que l'Association des principaux de Montréal suggère d'apporter à la loi sont les suivantes. Les commissaires d'école doivent nommer un directeur général et deux directeurs généraux associés aux études, l'un de langue française, l'autre de langue anglaise, chargé respectivement des études françaises et des études anglaises. Ces directeurs généraux associés devront s'adjoindre des personnes compétentes pour l'organisation des cours conformes aux programmes adoptés ou reconnus par le ministère de l'Education dans chacune des matières, notamment dans l'enseignement religieux catholique et protestant ou de tout autre enseignement équivalent.

Grâce à la présence obligatoire de ces fonctionnaires au sein de chaque commission scolaire, on sera assuré, d'une part, d'un enseignement de caractère français et anglais, d'autre part, d'un enseignement religieux et, dans le cas des écoles neutres, de ce qui tient lieu d'enseignement religieux.

De plus, les commissaires devront nommer un directeur associé à l'organisation scolaire et aux services aux étudiants. Ce directeur associé aura, entre autres fonctions et avec le concours de personnes compétentes, la responsabilité de mettre sur pied et de faire fonctionner tous les services aux étudiants, notamment le service de pastorale catholique, protestante et autre.

Enfin, les commissaires devront nommer un directeur associé chargé du personnel enseignant et non-enseignant.

Comme on peut le constater, cette structure précise, sans être rigide, assure à tous et à chacun des citoyens toutes les garanties tant linguistiques que confessionnelles et elle assure, de par sa présence au niveau de la commission scolaire, la décentralisation des études et des services que l'Association des principaux de Montréal estime indispensable.

Cette autonomie des commissions scolaires dans l'organisation des cours et des services n'exclut pas sa dépendance vis-à-vis des directives et des normes du ministère de l'Education ni sa collaboration avec des équipes de recherche mises sur pied par le Conseil de l'île, mais elle marque clairement que, selon les voeux de l'Association des principaux de Montréal, c'est à la commission scolaire régionale que revient la tâche de l'organisation, de la mise en oeuvre tant des cours que des services.

Les lignes qui précèdent incitent donc à souhaiter la reformulation de l'article 612 de la façon suivante : "Les commissaires d'école doivent nommer un directeur général. Ils doivent aussi nommer deux directeurs généraux associés aux études, l'un de langue française, l'autre de langue anglaise, chargés respectivement de l'organisa- tion des cours français et des cours anglais, en conformité avec les programmes adoptés ou reconnus par le ministère de l'Education. "Les commissaires doivent également nommer un directeur général associé au personnel, ainsi qu'un directeur général associé à l'organisation scolaire et aux services aux étudiants. Ce dernier aura notamment pour tâche de mettre sur pied et de faire fonctionner des services de pastorale catholique, protestante et autre. "Ils peuvent aussi nommer d'autres fonctionnaires et employés conformément à l'article 204."

M. LE PRESIDENT: Avant d'aller plus loin, peut-être le ministre de l'Education aurait-il quelques remarques à faire?

M. CARDINAL: Si vous le permettez, comme votre mémoire est très bien structuré et en trois parties différentes, peut-être pourrait-on, sans entreprendre de discussion, me permettre de faire un certain nombre de remarques sur les points que vous venez de soulever.

M. LYONNAIS: D'accord.

M. CARDINAL: Tout d'abord, à la page 3, vous parlez de la région no 1 qui serait défavorisée. Quand vous ajoutez qu'elle est appelée à le devenir davantage, je vous dis que je ne suis plus d'accord, parce que, justement, le premier objectif de l'application du projet de loi 62, par le rôle du conseil métropolitain, est d'éviter que des régions ne soient défavorisées par rapport à d'autres. Le premier objectif est justement l'égalité des services sur tout le territoire, tant dans le domaine de la pédagogie que dans le domaine des équipements. Cependant, vous posez une question et j'y réponds. Y aura-t-il des modifications de la carte scolaire? J'en ai parlé ici devant cette commission. J'en ai parlé vendredi dernier à l'Alliance des professeurs de Montréal. Il y aura certainement des modifications d'apportées à la carte présentée. Nous-mêmes, au ministère, nous nous sommes rendu compte que simplement pour des raisons d'équipement, par exemple, il y a des lignes de cette carte qui mériteraient d'être déplacées. Nous allons attendre d'autres mémoires, mais nous savons d'ores et déjà que certains nous parlent de sept, d'autres de neuf, d'autres de onze, d'autres de treize commissions. Evidemment, votre mémoire part du projet de loi tel qu'il a été présenté, et que j'appellerai encore une fois document de travail.

Pouvoir des trois niveaux:...

M. LYONNAIS: Si vous le permettez, M. le Ministre, c'est pour ça que nous recommandons justement de refaire la carte scolaire. Nous sommes convaincus que le projet de loi 62 va apporter l'égalité au point de vue des services et tout ça. C'est justement là ce que nous recon-

naissons que, dans cette région, il y aurait peut-être besoin de plus de services, de plus d'aide, si vous voulez, que les milieux normaux.

M. CARDINAL: D'ailleurs, c'est un exemple que nous avons apporté à la commission à la dernière séance. Quant aux pouvoirs des trois niveaux, j'ai dit et je répète que les pouvoirs indiqués: le conseil métropolitain, pour les régions qu'on appelle les commissions scolaires, et pour, ce dont nous parlerons tantôt, le comité d'école, seront revisés. Je suis un des premiers à avoir admis en public, par exemple, que l'intervention du ministre au niveau du conseil métropolitain me paraissait devoir être trop fréquente si on prenait le texte à la lettre.

Quant aux maternelles et aux adultes, j'ai répondu à cette question à la dernière commission permanente de l'Education. Le bill 62 vient modifier la Loi de l'instruction publique. Il ne se prononce donc pas sur le niveau maternel et sur le niveau d'éducation des adultes parce que ceci est un tout autre problème qui a été soulevé à l'occasion des négociations et de la signature des conventions collectives. Des jugements ont été rendus quant aux pouvoirs du ministère dans ces domaines de la maternelle et de l'enseignement aux adultes. Ce n'est donc pas le projet de loi 62 qui résoudra ce problème, même pour Montréal, ce serait un amendement à la Loi de l'instruction publique, après étude de ces décisions arbitrales qui ont été rendues à l'occasion des négociations.

Quant aux onze années formant l'élémentaire et le secondaire, je souligne un point important ici, qui a déjà été rappelé: le projet de loi 62, pour une fois, met en application le règlement no 1 en joignant, sous l'autorité d'une même commission scolaire, l'élémentaire et le secondaire. Mais il va falloir que l'on réussisse à régler la zone grise qui existe entre le secondaire et le collégial, de même qu'on a réglé celle qui existait entre le collégial et l'universitaire. A ce moment-là, ce n'est pas le projet de loi 62 qui va le résoudre, ce seront des politiques qui seront étudiées à la direction générale de l'élémentaire et du secondaire. Quelqu'un a d'ailleurs été nommé récemment à cet effet et, par conséquent, ce n'est pas un texte de loi qui va établir ceci. C'est l'application du règlement no 1 et un comité de travail qui sera créé, comme il y avait eu le comité mixte université et collège pour régler ce niveau. Pour ce qui est de l'équipement...

M. LYONNAIS: M. le ministre, avant d'aller plus loin, M. Hétu aurait une remarque à faire à ce sujet.

M. HETU: La question des adultes, vous en avez parlé. On se demande si, dans nos écoles polyvalentes à Montréal, il ne serait pas bon que l'on respecte le principe d'administration d'une seule direction. Or, il arrive que nous avons des principaux pour les cours du jour et d'autres principaux qui viennent le soir dans nos mêmes écoles. Il serait peut-être temps que l'on applique ce principe: un bâtiment, une direction.

M. CARDINAL: Disons que le projet de loi ne nous le permet pas. Tantôt, vous reveniez vous-même sur la définition de l'école, une école n'est plus un bâtiment, je suis d'accord avec vous. N'oublions pas que l'éducation des adultes se divise en deux branches aujourd'hui: d'une part, ce qu'on a appelé jusqu'à présent les cours d'éducation populaire et, d'autre part, les cours de recyclage qui dépendent d'une entente avec le fédéral, qui a été reconduite après deux ans et qui est renégociée. Les cours d'éducation populaire ont été une expérience qui s'est faite en marge du système lui-même. Tantôt, je parlais de ces décisions arbitrales qui ont été rendues; nous sommes, si vous voulez, pris avec ce problème qu'il nous faut régler au niveau de tout le Québec.

Quant à l'équipement, vous suggérez que se soit remis au niveau des commissions scolaires. Cette suggestion, j'ai, pour ma part, beaucoup de difficulté à l'accepter parce que, justement, si l'on veut cette égalité d'équipement, il va falloir passer la planification de l'quipement au niveau du conseil métropolitain, sans quoi nous allons retomber en peu d'années dans le même problème où des commissions scolaires, parce qu'elles auront un budget différent de la commission scolaire voisine, parce qu'elles auront des écoles déjà construites et qu'il y aura des limites à son territoire, en viendront à voir des écoles occupées à plus qu'il ne faut, ou à moins qu'il ne faut, ou de qualités différentes. Disons que ceci me paraît être difficilement acceptable dans l'esprit du projet de loi.

Quant à la formule pour le choix de la langue et de la religion, le projet de loi 63, dans son article 2, prévoit que l'enseignement se donne en français, que toutefois les parents peuvent demander un enseignement en anglais. Certaines commissions scolaires, ceci a été évoqué à la dernière séance, ont déjà commencé un travail dans ce domaine.

J'annonce dès aujourd'hui que, la semaine prochaine, dans une conférence de presse, je donnerai toute la réglementation acceptée par le gouvernement pour l'application du projet de loi 63, la réglementation officielle du ministère y compris la formulation qui sera utile, les délais prévus, etc. Donc, votre suggestion fait plus que tomber en bonne terre, elle sera réalisée dès la semaine prochaine.

Enfin, nombre de commissaires, que ce soit six, sept, huit, neuf, dix ou onze, ceci est sujet à étude. Je l'ai souvent dit. Merci de vos suggestions au sujet des fonctionnaires. Elles seront sérieusement étudiées. C'était ce que j'avais à mentionner sur cette première partie. Je ne sais pas si quelqu'un de l'Opposition a quelques

remarques à ajouter, mais je pense qu'il vallait la peine d'éliminer tout de suite ces problèmes-là, puisque certains d'entre eux sont, ou bien déjà résolus ou bien à l'étude.

M. LE PRESIDENT: M. le député d'Ahuntsic.

M. LEVEBVRE: M. le Président, j'aimerais commenter, très brièvement, à mon tour, l'excellent mémoire que nous venons d'entendre. Je pense qu'il contient des suggestions très constructives. Il y en a une que le ministre a semblé oublier ou sur laquelle il a, sans doute, diplomatiquement, glissé et que je soulignerai en premier lieu, spécifiquement, pour cette raison. C'est la suggestion ou enfin l'hypothèse que les éducateurs, comme tels, soient représentés au sein des commissions scolaires. Je ne suis pas en mesure, pour ma part, de donner une opinion de groupe sur cette question parce que nous ne l'avons pas étudiée, mais je trouve que la suggestion, en tout cas, est intéressante et je félicite ceux qui l'ont faite.

Maintenant, au sujet des milieux défavorisés, je crains que le ministre n'ait pas tout à fait saisi l'intention des auteurs du mémoire. Je félicite les principaux. C'est un problème, comme ils le savent, que je connais fort bien pour y avoir été mêlé, il y a plusieurs années. Il n'y a aucun doute possible que, dans les zones défavorisées de Montréal, ce qu'il faut, ce n'est pas une égalité de traitement, c'est un privilège. En fait, c'est plus...

M. CARDINAL: Est-ce que vous me permettez une intervention? J'ai dit égalité de services et non pas de traitement.

M. LEFEBVRE: Enfin, je voulais être sûr que le message s'était rendu.

M. CARDINAL: Quant à l'autre question, ce n'est pas par diplomatie que je l'ai oubliée, car j'ai rencontré l'Alliance des professeurs...

M. LEFEBVRE: Si le ministre veut me laisser parler; je l'ai écouté patiemment tout à l'heure.

M. CARDINAL: D'accord, je vais user de la même patience!

M. GRENIER: On pourrait parler de l'unanimité chez vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre, à l'ordre!

M. LEFEBVRE: Non, quant à l'unanimité, elle est tout à fait faite. Incidemment, le député de Frontenac m'invite à ouvrir une parenthèse. Certains membres de la presse, M. le Président, se sont publiquement inquiétés de l'unité qui existait au sein de notre parti. Je peux vous dire que l'unité s'est faite lors du caucus et nous avons convenu qu'à l'instar de son parrain, le bill 62 était ambigu et sinueux. Nous aurons l'occasion de le démontrer en temps et lieu. Ceci était pour répondre à l'aimable intervention du député de Frontenac.

Mais, M. le Président, je reviens à mon sujet: les milieux défavorisés. Je comprends qu'il n'est pas possible dans une loi d'inscrire, par exemple, des normes budgétaires ou des choses de cet ordre-là, mais il me semble qu'à l'occasion de cette restructuration scolaire complète sur l'île de Montréal, le Parlement, qui aura à voter cette loi, devrait indiquer clairement qu'il est maintenant sensibilisé au problème des milieux défavorisés. Je sais qu'à la CECM cela a été un processus qui a pris cinq ou six ans. La CECM vient d'adopter des mesures excellentes dont, pour ma part, je la félicite. Mais je me souviens de l'origine de cette idée-là. Je sais que c'est une chose qui a mis du temps à être perçue par tout le monde; les principaux en conviendront. C'est pourquoi ils ont eu tout à fait raison, à mon sens, d'attirer l'attention de la commission sur ce point-là. J'espère que, dans les amendements, le gouvernement trouvera le moyen — sinon, nous l'aiderons à les trouver — de rendre cette motivation ou cette intention plus claire qu'elle ne l'est présentement.

Au sujet des équipements, je dois dire — on constatera, une fois de plus, que nous ne prenons pas des positions strictement par esprit partisan, comme certains voudraient le croire — que je partage l'opinion du ministre. J'ai l'impression que la structure du bill rend presque obligatoire, si vous voulez, le fait que les équipements soient administrés par le conseil scolaire plutôt que par les commissions. Enfin, il y aurait possibilité de faire tout un débat là-dessus.

En page 8, lorsque vous faites allusion aux inconvénients qu'il y a à recourir au ministre, trop souvent, vous êtes d'une politesse considérable. Vous avez évité de mentionner un mot qui est bien connu dans le langage politique et qui s'appelle le patronage. Je pense que les recours trop fréquents au ministre sont autant de portes ouvertes à cette bête multiforme dont on connaît toutes les ruses.

M. le Président, quant à la question du nombre de commissaires, à première vue il me semble, en toute bonne foi, que votre suggestion comporte la difficulté, qu'il y a peut-être moyen de surmonter, mais enfin comporte la difficulté de la représentation des divers groupes minoritaires. Vous y faites allusion dans un amendement, mais, en fait, il faut bien se rendre compte que, selon la logique du bill 62, il y aura sur l'île — indépendamment de la forme précise que prendront les commissions scolaires, je pense que c'est là que se situera une partie du débat — il y aura forcément quatre sortes d'écoles, des écoles françaises catholiques, anglaises catholiques, des écoles françaises tout court, et des écoles anglaises tout court.

Alors, au niveau des commissions scolaires,

évidemment, il nous semble, quels que soient, encore une fois, les détails de structure de ces commissions, qu'il faudra s'assurer que chacun de ces types de clientèle sera représenté. Les votes 3,3,3, je crois, compliqueraient un peu cet aspect-là de la représentativité des commissions scolaires ou des commissaires d'écoles. M. le Président, ce sont les seules remarques que je voulais faire, à ce moment-ci. Je pense que ma collègue, madame Kirkland-Casgrain, aurait...

M. LE PRESIDENT: Oui.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: M. le Président, pour que certains ministériels cessent de se réjouir, après les remarques qu'on a entendues, je m'étais proposé de faire certaines remarques. Mais en écoutant les représentations très sages de mademoiselle Pépin et de l'organisme qu'elle représente, je m'étais proposé de ne pas les faire. Cependant, au risque de répéter un peu ce qu'a dit mon collègue, le député d'Ahuntsic, je pense que je me dois de la féliciter, ainsi que l'organisme qu'elle représente, même si mon collègue l'a très bien fait avant moi. J'aimerais dire que ce qui me plaît particulièrement dans les suggestions faites, c'est qu'il y en a qui, justement, sont de nature à diminuer la discrétion ministérielle, et, à mon sens, elles apportent un peu plus de démocratie à la loi.

M. CARDINAL: M. le Président, j'aimerais m'arrêter sur deux points qui ont été mentionnés. En dehors de toute référence politique ou "politicailleuse", ce que le député de Marguerite-Bourgeoys n'a pas fait, je dirai ceci: J'ai félicité tantôt le porte-parole des principaux pour les suggestions heureuses qu'il a faites quant aux fonctionnaires. Cette phrase était générale, parce que je ne veux pas me prononcer sur chacune des suggestions qui sont faites. J'ai dit qu'on les étudierait. Certaines, justement, en fonction du choix de la langue, de la religion, sont des suggestions positives.

Au sujet des interventions du ministre, dans le projet de loi tel que rédigé, j'avais mentionné déjà mon intention de revoir ceci, pour des fins d'efficacité, et ici, je n'allègue pas du tout les questions de patronage. Si on veut être ou objectif ou méchant sur le sujet, cette bête sinueuse aux mille tentacules, quand elle ne s'établit pas à un niveau, elle s'établit à un autre. Par conséquent, sur ce point, je suis loin de manquer de candeur.

M. LEFEBVRE: Est-ce que la conclusion du ministre, c'est qu'il aime autant l'avoir à son niveau?

M. CARDINAL: Non, absolument pas, il ne faut rien inférer de ceci. Je ne fais pas de psycho-sociologie. Le dernier sujet touche la représentation des enseignants. Devant l'Allian- ce des professeurs, l'autre soir, j'ai développé un thème, que je ne veux pas reprendre aujourd'hui, mais que j'avais déjà évoqué devant cette commission. Je pense qu'à l'occasion d'une restructuration semblable, il va falloir que tous les groupes, quels que soient leurs intérêts, se rendent compte que, dans l'enseignement, il n'y a plus que les parents, que l'on disait autrefois représentés par tel ou tel groupe, il y a les parents, qui ont des rôles de prévus dans la loi; il y a les enseignants et les administrateurs. J'ai mis le mot administrateur dans le sens large, comprenant la direction et les administrateurs, et il y a l'Etat. La suggestion qui est faite, même si je ne l'accepte pas, disons, à première vue, dans la forme où elle est faite, est une suggestion qui entre parfaitement dans cette philosophie que j'ai évoquée.

Je soulignerai que, l'autre soir, devant l'Alliance, il y avait des étudiants aussi. Ils ont immédiatement rebondi en disant oui il y a aussi les étudiants. Nous allons entendre tous les groupes, mais je retiens, pour le moment, sans exclure les étudiants, et par là je ne fais de promesses à personne, qu'il y a des parents, des enseignants, des administrateurs au niveau local, et l'Etat, et qu'il faut à la fois réussir —ce que n'a pas réussi la loi du ministère de l'Education parce qu'on n'a pas amendé profondément la Loi de l'instruction publique — réussir la participation — c'est un grand mot, qui est encore lâché — de ces trois organismes ou de ces trois institutions, si l'on veut.

Et à compter du moment où l'Etat a le rôle qu'il a par la création du ministère de l'Education, qu'a institué le gouvernement précédent et que nous avons continué, il faut cesser d'avoir des craintes de tout ordre que ce soit et s'expliquer clairement à ce sujet. Mais, encore une fois, félicitations! Je voulais compléter les remarques de M. Lefebvre et je vois que ceci ne diminue en rien l'impact de ses propos. Je voulais tenir ces propos, cependant, sur le plan où le député de Marguerite-Bourgeoys et moi-même l'avons fait.

M. LEFEBVRE: Si mon collègue me permet juste une seconde, est-ce que le ministre serait d'accord, puisque cela fait bien des fois que les gens lui font cette remarque — il vient de dire lui-même qu'il était étonné des pouvoirs, qu'il juge maintenant exorbitants, qui lui sont confiés dans le bill 62 — est-ce que le ministre serait prêt tout de suite à annoncer à la population la bonne nouvelle qu'il renonce à son droit de choisir lui-même les onze ou les quinze membres du Conseil scolaire de l'île de Montréal? Ce serait un geste fort apprécié et une preuve de sa bonne foi, lorsqu'il nous dit qu'il a trop de pouvoirs.

M. CARDINAL: Ce n'est pas du tout du même genre. Ce n'est pas le pouvoir du ministre

— je voudrais replacer le député d'Ahuntsic sur la voie — c'est le pouvoir...

M. LEFEBVRE: C'est le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. CARDINAL: ... du lieutenant-gouverneur en conseil. C'est tout à fait différent du ministre.

M. LEFEBVRE: Ah, franchement, la leçon n'est pas forte.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il y a une certaine analogie...

M. LEFEBVRE: Le ministre ne répond pas à ma question? Non?

M. CARDINAL: Bien, c'est-à-dire que la question ne peut pas se poser dans ces termes-là.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent

M. PEARSON: J'avais juste une courte question pour demander une précision à l'Association des principaux de Montréal. A la page 11, vous dites: "L'Association des principaux de Montréal pense que toute personne incapable de comprendre ou de parler correctement le français devrait se voir refuser l'accès à la fonction de commissaire." Etant donné qu'il y aura environ onze commissions scolaires — vous suggérez un chiffre différent, je pense — il est permis de penser que, peut-être, il y aurait quelques commissions scolaires à majorité anglophone. Est-ce que, par cette recommandation, vous auriez la même exigence pour ces commissions, à savoir que ces commissaires-là devraient parler correctement le français?

M. LYONNAIS: Oui, nos exigences demeureraient les mêmes, parce que nous avons fait cette recommandation, suite, si vous voulez, à l'enquête de la commission Laurendeau-Dunton, composée de dix membres, dont six membres anglophones; ils ont recommandé que dans la province de Québec, même à Montréal, la langue de travail soit le français. Alors, même si, dans une commission scolaire en particulier, la majorité était anglophone, il restera quand même que, à cause des relations, à un moment donné, d'une commission à l'autre et de l'ensemble de l'île comme telle, la langue française sera très importante comme véhicule de communication. Nous sommes tout de même à Montréal et dans la province de Québec.

M. PEARSON: Bon, d'accord.

M. CARDINAL: Si vous me permettez, là-dessus, on peut aller jusque là ou ne pas aller jusque là. Il y a une constatation que je dois faire présentement et elle ne s'applique pas uniquement à Montréal. Je reçois parfois au ministère — je ne veux pas employer un mot fort, parce qu'il ne s'agit pas de soulever des passions — disons, des réflexions de contribuables qui m'écrivent que, ou bien les commissaires du territoire où ils sont ne parlent pas le français, alors qu'eux ne parlent que le français, ou bien ils ne parlent pas l'anglais alors qu'eux ne parlent que l'anglais. Le problème me paraît beaucoup plus important dans la région ouest de l'île de Montréal. Il y a, entre autres, une commission scolaire qui n'est pas sur l'île de Montréal, mais qui est sur la rive nord, de l'autre côté de l'île, maintenant appelée Laval, où tout le personnel est uniquement de langue anglaise, alors qu'une partie de la population est de langue française. Est-ce qu'à l'occasion du projet de loi 62 une telle recommandation doit être incluse dans la loi? C'est une question qui n'est pas facile à résoudre d'un coup. J'avais souligné ce point. Le député de Saint-Laurent, lui, l'a souligné verbalement et à voix haute et intelligible. Je le retiens parce que, dans le fond, il se rattache non seulement au projet de loi no 62, mais au projet de loi no 63 aussi.

M. LYONNAIS: M. le ministre, nous n'avons pas eu tort de faire cette recommandation, suite à la recommandation de la commission Lauren-deau-Dunton, qui, tout de même, était en majorité anglophone et qui a recommandé cette chose-là.

M. CARDINAL: C'est exact, ceci a été cité lors du débat en deuxième lecture du projet de loi no 63.

M. LE PRESIDENT: La deuxième partie, en ce qui concerne les commissions...

M. LYONNAIS: Nous aurions quelques mots à ajouter, si vous voulez, avant d'attaquer la deuxième partie.

M. HETU: J'aimerais peut-être enlever une confusion à propos des équipements. Le projet de loi dit, à l'article 587, que chaque commission scolaire a pour rôle de conseiller le conseil sur l'implantation des équipements scolaires dans le territoire.

Ce que nous demandons, nous, c'est peut-être un petit peu plus qu'un rôle de conseil. Nous demandons que le conseil de l'île voie, en collaboration avec les commissions scolaires, à l'implantation des équipements. Nous n'avons pas demandé que les équipements appartiennent aux commissions scolaires, mais simplement qu'il y ait un petit peu plus qu'un conseil, une collaboration.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LYONNAIS: Comités d'écoles.

M. HETU: L'association des principaux...

M. LE PRESIDENT (M. Crôteau): Pour les fins du journal des Débats, pourriez-vous vous identifier, s'il vous plaît?

M. HETU: Yvan Hétu, principal à l'école secondaire Le Plateau.

L'Association des principaux de Montréal se réjouit du rôle que le projet de loi attribue aux parents dans l'éducation et souhaite que les parents collaborent plus spontanément et plus intensément avec la direction des écoles des différentes municipalités scolaires.

L'Association des principaux de Montréal regrette cependant que le législateur n'ait pas jugé bon de faire porter la section III du projet de loi sur l'école plutôt que sur les comités d'écoles. La structure actuelle du projet de loi pourrait en effet laisser croire que l'organisation scolaire de l'île de Montréal comportera trois paliers: conseil de l'île, commissions scolaires et comités d'écoles, quand, sans aucun doute, la structure réelle comportera: conseil de l'île, commissions scolaires et écoles.

En plus d'écarter cette ambiguïté, la section sur l'école aurait permis de mieux définir le rôle et les fonctions du directeur d'école par rapport au comité d'école, aux commissions scolaires et au conseil de l'île. On trouvera à la fin de ce mémoire le plan de ce que pourrait devenir la section III du projet de loi si on tenait compte des voeux de l'Association des principaux de Montréal.

Même si le législateur n'a pas jugé opportun de redéfinir l'école et le rôle de la direction locale par rapport aux nouvelles structures, l'Association des principaux se permet de rappeler que: 1) Le directeur de l'école et ses adjoints sont les responsables immédiats de l'administration de l'école, de l'enseignement qui s'y donne et des services qui y sont offerts. 2) La décentralisation souhaitée au niveau des commissions scolaires est également souhaitée au niveau des écoles. Au lieu de multiplier les services de suppléance coûteux au niveau de la commission scolaire, il serait préférable de confier une responsabilité plus grande au principal en ce qui concerne le choix, l'orientation et la formation de son personnel, l'organisation pédagogique et disciplinaire, le réaménagement de l'école et les relations qu'il doit entretenir avec les différentes communautés de son milieu. H serait également normal qu'il dispose lui-même d'un budget annuel nécessaire à l'entretien courant de l'école et à l'achat de certain matériel de consommation. C'est d'ailleurs dans ce sens que la Commission des écoles catholiques de Montréal travaille depuis quelques années. Il serait d'ailleurs normal que le statut du principal et sa fonction soient définis dans le cadre de ce projet de loi. Pour appuyer cette recommandation, l'Association des principaux de Montréal propose, en annexe à ce mémoire, quelques textes qui montrent que depuis longtemps déjà les principaux veulent voir leur tâche reconnue et définie.

En ce qui concerne la section III de l'actuel projet de loi, les recommandations de l'Association des principaux sont les suivantes: 1) Définition de l'école, article 622.

La définition de l'école que propose l'article 622 soulève de nombreuses craintes. Il pourrait en effet arriver, si l'on conserve cette définition, que plusieurs écoles, et donc plusieurs directions différentes, partagent le même édifice. L'expérience ayant prouvé la précarité d'une telle formule, l'Association des principaux de Montréal suggère que soit adoptée une définition de l'école qui assure à celle-ci une unité de lieu et de direction.

La majorité des principaux de Montréal souhaite par ailleurs que, pour faciliter le bon fonctionnement de l'école, on assure, dans la mesure du possible, l'unité de langue et de religion. On ne refuse pas néanmoins l'existence d'écoles multiconfessionnelles ou bilingues lorsque le regroupement par langue et religion s'avère difficile ou impossible.

Vous avez par la suite la définition que nous proposons et est exactement ce que je viens de dire. 2) Fonctions du comité d'école, article 623.

L'Association des principaux de Montréal estime que c'est à la commission scolaire, par l'intermédiaire des personnes compétentes, directeurs d'études, directeurs d'écoles, etc., qu'il appartient de veiller à la qualité de l'enseignement donné à l'école. L'enseignement étant un acte professionnel, on ne peut veiller à sa qualité que si on possède la compétence professionnelle adéquate.

Il faut donc, en accord avec ce qui vient d'être dit, modifier l'alinéa b) de l'article 623 et y parler plutôt de collaboration que de vigilance.

Par ailleurs, si l'on veut que soit respecté le rôle du principal, qui est celui de premier responsable de la vie scolaire, il convient que le comité d'école s'adresse à lui et non à la commission scolaire pour faire toute recommandation pertinente relativement à la vie scolaire. Il faut donc corriger en ce sens l'alinéa c) tout en ajoutant que, dans les cas litigieux et

lorsque la compétence du principal sera mise en cause, le comité pourra en appeler à la commission scolaire.

Enfin, comme la collaboration des parents est requise non seulement pour l'amélioration des services scolaires, mais, d'abord et avant tout, dans la plupart des cas, pour leur bon fonctionnement, il faut nuancer en ce sens l'alinéa a) de l'article 623.

Le présent mémoire suggère donc que l'article 623 se lise comme suit: Tout comité d'école est un organisme consultatif auprès de la direction de l'école. Il a pour fonctions: a) d'encourager les parents à collaborer au bon fonctionnement et à l'amélioration des services scolaires; b) de collaborer avec l'école en vue d'assurer aux enfants tant un enseignement qu'une éducation de la première qualité; c) de faire à la direction de l'école toute recommandation qu'il juge pertinente relativement à la qualité de l'enseignement et à la vie scolaire.

Un tel comité a aussi pour fonction de participer, conformément à la présente partie, à l'élection des membres de la commission scolaire. 3) Election du comité d'école et des membres du collège électoral.

Le projet de loi no 62 institue d'office le directeur de l'école président d'élection. L'Association des principaux de Montréal reconnaît que le principal est sans doute l'homme le mieux placé pour dresser la liste des parents et même, peut-être, pour présider l'élection du comité d'école et des membres du collège électoral. Il reste, néanmoins, que la plupart des directeurs d'écoles de Montréal s'opposent à ce qu'on leur impose d'office une telle fonction.

Leur tâche est déjà lourde et il leur serait souvent difficile de trouver le temps et l'énergie nécessaires pour assumer la fonction de président d'élection. On pourrait également, pour certains cas, les accuser d'avoir favorisé tel ou tel candidat ou de s'être laissés influencer par tel ou tel groupe. Pour éviter les conséquences fâcheuses que cela pourrait avoir, conséquences qui nuiraient au bon fonctionnement de l'école et à la bonne entente entre parents et directeurs d'écoles, l'Association des principaux de Montréal se croit tenue de refuser catégoriquement que le directeur de l'école soit d'office président d'élection. Elle demande que les articles 627, 628, 629, 632, 634, 635, 638, 639, 640 et 641 soient amendés en ce sens.

En ce qui concerne les élections du comité d'école, l'Association des principaux de Montréal estime également que la période d'élection pourrait se terminer à six heures le soir, plutôt qu'à huit heures. Elle suggère que l'article 635 soit corrigé en ce sens. Elle estime qu'une allocation devrait être prévue pour rémunérer le président d'élection ou toute autre personne prêtant ses services aux fins de l'élection du comité d'école et du collège électoral.

L'Association des principaux de Montréal suggère donc que l'article 656 soit complété de la façon suivante... Ceci résume ce qui vient d'être dit.

M. LE PRESIDENT: Le ministre de l'Education aurait-il quelque chose à ajouter?

M. CARDINAL: Oui, si vous le permettez, je vais faire comme pour la première partie, tantôt. Votre page 15 se rattache à la définition de l'école. Je ne puis pas en parler sans mentionner ce qui est écrit à la page 17. Je redis donc une chose, ici: L'article 122, à mon humble avis, est à refaire.

Pour ma part, je n'aime pas cette définition qu'on a faite de l'école. Il faut, cependant, noter que l'article 122 est une définition technique, uniquement pour la section trois dans laquelle cet article se trouve, et non pas une définition pour toute la loi, sans quoi elle aurait été au début de la loi. C'est une question de technique juridique. L'école doit être conçue —et la loi devrait la définir en conséquence — comme une communauté d'étudiants sous une direction pédagogique donnée. C'est dans ce sens-là que je l'ai toujours vu et dit, je pense, même devant cette commission, plutôt que dans le sens d'un bâtiment ou d'une partie de bâtiment ou de parties de plusieurs bâtiments.

Sur ce point, nous sommes d'accord, vos suggestions sont heureuses et s'ajoutent à celles que nous avons et que nous aurons.

Quant à la définition du principal, vous me permettrez d'être aussi franc que dans l'autre sens; je ne pense que ce soit à l'occasion du projet de loi no 62 qu'on devrait le définir, puisqu'il dépasse le cadre de la simple restructuration et, particulièrement, de l'île de Montréal. Je vais dire une chose que je n'ai peut-être pas mentionnée en public encore, que j'ai mentionnée, cependant, devant les directeurs de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec: Nous préparons au ministère —non pas pour demain ou la semaine prochaine, parce que c'est beaucoup trop complexe — une loi-cadre des commissions scolaires, qui serait, dans le fond, une refonte profonde de la Loi de l'instruction publique et qui touchera ces problèmes que vous avez mentionnés dans la première partie de votre mémoire, comme la maternelle, l'éducation des adultes, la définition du principal ou d'une commission scolaire, le rôle général des commissions scolaires, etc. Alors, je vous dis ceci pour le moment.

Quant à la participation des parents, il est exact qu'elle est à définir. M. Hétu était l'autre soir à cette réunion de l'Alliance, il a pu y voir un échange assez vif. Les enseignants acceptaient très difficilement cette vigilance ou cette collaboration des parents, au niveau de l'école. Il y en a même un d'entre eux qui semblait vouloir l'exclure totalement, et, à ce moment-là; je me suis permis une boutade en disant : Les parents, il va falloir apprendre à les faire

participer ou les abolir! Et M. Rocher, qui était là, dit que c'était plus facile d'atteindre un des objectifs que l'autre! Il va falloir trouver des modalités de participation. Vous en suggérez une très pécise, ceci peut être étudié. Je ne peux pas avoir de réaction immédiate. Il faut qu'à la fois les parents aient ce rôle du choix de la langue, de la foi, ce rôle d'électeurs par le collège électoral et un rôle, au niveau de l'école, en collaboration avec ceux qui sont de l'école, enseignants et dirigeants.

Nous allons entendre, évidemment, des sons de cloche différents, selon que nous allons entendre les enseignants, les principaux, les commissaires ou les parents, peut-être, à ce sujet. Ceci est vraiment à étudier, parce que c'est la première fois que les parents ont une participation légale. Avant, elle était purement volontaire et pas toujours acceptée, ni des parents, ni des enseignants.

Quant aux modalités d'élection — six heures ou huit heures, ou toute autre modalité — disons qu'ici une chose mérite d'être soulignée: Nous faisons ce travail au ministère de l'Education, en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. S'il y a lieu qu'il y ait une réorganisation municipale de l'île de Montréal, il serait possible de concevoir — c'est un projet, ce n'est pas une politique que j'annonce — que les élections scolaires et municipales aient lieu le même jour, aux mêmes heures, dans les mêmes bureaux de votation, suivant les mêmes modalités. Simplement à une élection, nous avons calculé, au ministère, que nous économiserions $1 million. Un million de dollars qui pourrait être utilisé pour l'éducation ou pour des fins municipales, moitié-moitié, si les modalités étaient coordonnées. C'est dans ce sens que je prends les suggestions en disant que les deux ministères se coordonneront.

Et c'est tout ce que j'ai à dire sur cette deuxième partie. Je laisse la parole à mon ami d'en face.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je serai très bref, parce qu'il y a des points sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir à l'occasion de la présentation d'autres mémoires: s'il nous fallait, à chaque fois, souligner tous les points, ça éterniserait les débats.

Je connais bien les principaux de Montréal et j'y compte plusieurs amis. Je connais la qualité générale de leurs services, mais il me semble — et je le dis en toute amitié — que le mémoire, sur ce point, est un peu pointilleux. Il me semble que l'article 623 n'a rien d'injurieux et si l'on veut que les parents... Cela peut être sur le plan de la démocratie vécue, c'est un article qui a quand même une certaine importance. Quant à moi, je voudrais, sans m'opposer aux recommandations que vous faites, attirer votre attention sur le fait que, si vous donnez trop aux parents l'impression qu'ils ne connaissent rien ou, enfin, que leur rôle est strictement un rôle de "chiâlage", vous aurez de la difficulté à les intéresser.

Si, au contraire, vous les invitez, comme le fait le texte de l'article 623... A mon avis, c'est loin d'être le plus mauvais article; il y en a plusieurs autres qui sont pires que celui-là, du moins dans mon esprit. "Veiller à la qualité de l'enseignement, je comprends très bien que, dans l'oreille d'un principal, ça puisse sonner un peu dur. Mais, au fond, qu'est-ce que ça change? En tout cas, il y aurait peut-être moyen de trouver un compromis entre vos deux textes. J'attire votre attention sur le fait que votre texte est peut-être un peu restrictif et pas tellement encourageant pour les parents.

Maintenant, il y a des cas d'exception, que vous connaissez comme moi, où les parents doivent avoir le droit d'aller se plaindre à la commission scolaire. Je serais d'accord avec votre article c) si le principal était élu par les parents, autrement dit, s'ils pouvaient s'en débarrasser s'il n'est pas bon. Après tout, les principaux ne sont pas meilleurs que les députés. Si nous, les députés, nous ne sommes pas bons, les électeurs se débarrassent de nous. Il en va de même pour les gouvernements. Je ne vois pas pourquoi les principaux seraient au-dessus de tout le monde. Ce que dit l'article 623, qui donne aux parents le droit d'aller se plaindre à la commission scolaire du principal de leur école, ça m'apparaît un recours raisonnable, honnêtement. Même si j'admets que, dans la plupart des cas, ce ne sera pas nécessaire, il faut prévoir des cas d'exception. Il y a des brebis noires partout. Il y en a chez vous. Il y en a ici.

M. HETU: Remarquez qu'on n'enlève pas ce droit de recours aux parents. On dit que, de plus en plus, les principaux se sont habitués à diriger en coopération avec les parents. Il y a des comités consultatifs d'école de plus en plus et on est habitué de travailler avec eux. Pour ce qui est de "veiller à la qualité de l'enseignement", eh bien, changeons les termes; qu'ils viennent collaborer, qu'ils apportent leurs remarques.

M. LEFEBVRE: Ce serait peut-être un moyen terme, mais il me semble que votre texte est trop restrictif.

M. HETU: Du tout, on les appelle à la collaboration. On les invite même à collaborer avec nous.

M. CARDINAL: Il y a un point sur lequel je serais entièrement d'accord avec le député d'Ahuntsic, c'est que les parents ont le droit de se plaindre. Ils n'ont pas de canal pour se plaindre, actuellement, si bien qu'ils se plaignent de façon diverse et souvent au mauvais endroit. Ils sont frustrés à cause de ça. Il faut qu'ils aient une façon institutionnelle de se plaindre. Deuxièmement, un point qui a été

souligné par d'autres et que je me plais à rappeler ici, c'est que l'article 623 va devenir de l'éducation pour les parents. Cela est important. Oublions le point de vue juridique. Les parents, participant à l'enseignement de leurs enfants, vont finir par comprendre cet enseignement et par s'éduquer eux-mêmes. Actuellement, à cause de la réforme et de la rapidité des événements, ils sont au moins une génération en retard. Les parents coopérant avec l'école, dans le sens le plus large — sortons des textes — c'est déjà de l'éducation des adultes sous une forme qu'on n'a jamais connue et qui est certainement meilleure que le recyclage, etc.

C'est drôle, au ministère, je reçois beaucoup de lettres — le nombre, je ne le sais pas. Beaucoup, ce n'est pas des centaines par semaine; disons quelques centaines par année, peut-être deux cents — de parents qui se plaignent d'un enseignant ou d'un principal. Ils ont peur d'aller voir le principal pour se plaindre d'un enseignant ou d'aller voir un enseignant pour se plaindre du principal. J'en appelle à un ancien membre de la CECM. Je me rappelle avoir été 16 ans dans l'enseignement à un autre endroit, mais où l'on avait les mêmes problèmes. Qu'on parle d'un principal, d'un doyen, d'un enseignant ou d'un professeur, c'est pareil.

Les parents ont le droit de se plaindre. Pour éviter qu'ils se plaignent, faisons-les participer, de sorte qu'ils puissent, à la fois, s'éduquer et faire valoir leurs griefs. M. Lefebvre a parfaitement raison. Nous ne sommes pas sans défaut, nous; vous autres, non plus, et les enseignants, non plus. Les relations entre l'Etat et les enseignants, d'une part, et les parents et les enseignants, d'autre part, je le dis clairement, ont été fort gâtées par les périodes de négociations. Par conséquent, il y a là une échappatoire institutionnelle qui va permettre de refaire ces images réciproques, de part et d'autre.

M. HETU: Je voudrais faire remarquer au ministre de l'Education et au député d'Ahuntsic qu'à l'article 623 nous demandons qu'il soit écrit dans le texte de loi que ce comité est consultatif. Nous insistons pour que ce comité soit consultatif, parce que, dans nos écoles, nous avons des comités de professeurs, des conseils d'écoles qui sont aussi consultatifs. S'il fallait donner aux parents l'impression qu'ils ont un comité décisif, exécutoire, je crois qu'à ce moment-là les professeurs demanderaient, et avec raison, d'avoir aussi un comité de cogestion ou de décision au sein de l'école.

M. CARDINAL: M. Hétu, me permettez-vous d'attirer votre attention sur deux de vos recommandations?

Dans une première partie du mémoire, vous demandez que les enseignants, comme tels, viennent élire des commissaires qui pourront être des gens dont les qualités ou le cens d'éligibilité vont varier selon chaque mémoire qui va nous être présenté. Cela a déjà commencé. Dans une deuxième partie, vous dites que si l'on donne aux parents quelque chose qui semble leur laisser un pouvoir de décision, les enseignants vont le demander. Il va falloir coordonner ça à deux niveaux: au niveau du comité d'école et au niveau de ce qu'on appelle encore, malheureusement, la commission scolaire, enfin, la division, les onze divisions. Ce n'est pas un reproche que je fais là, c'est une coordination des divers rôles. Les parents auront un rôle à deux niveaux. Les enseignants pourraient avoir un rôle à deux niveaux. Nous en avons parlé tantôt.

UNE VOIX: Oui.

M. CARDINAL: Mais il va falloir que tout ceci soit bien équilibré. C'est une expérience de démocratie que nous allons faire. Mais que le mot "consultatif" y soit, cela aussi me paraît un peu pointilleux. Chaque fois que l'Etat a créé un comité ou une commission consultative, c'est épouvantable comme cela prend peu de temps pour que, si les consultations de ces commissions et comités ne sont pas acceptées, ce soit tout comme si ces organisations, malgré les termes employés dans les lois, avaient un pouvoir de décision. Entre la réalité de ce qui se passera pour un texte de loi et ce qu'il y a dans le texte de loi, il y a tout un monde.

M. HETU: Ecoutez, M. le Ministre, si vous ne l'indiquez pas dans le texte de loi que ce comité devrait être consultatif! Si on lit l'article 623, on peut penser que ce comité est au-dessus du principal et que c'est lui qui a un rôle à jouer, devant "veiller à la qualité de l'enseignement". C'est dans ce sens que les principaux ont voulu rectifier le texte de loi.

M. LEFEBVRE: Je pense qu'on a convenu avec vous, M. Hétu, enfin pour notre part — et j'ai l'impression que le ministre est aussi d'accord — que ce sous-paragraphe "de veiller à la qualité de l'enseignement" avait besoin d'être précisé. D'accord, parce que c'est équivoque. Mais le reste, franchement, il me semble que cela ne prête pas à équivoque. Pourquoi dire aux gens: Vous savez, vous n'avez que le droit de... Pourquoi insister quand, en fait, ils n'en ont pas, de pouvoirs? Pourquoi leur dire qu'ils n'en ont pas? Au point de vue psychologique, je trouve que vous vous placez dans une position difficile. Il ne faut pas oublier que les lois ont une portée éducative importante, et selon que la loi semble ouvrirune porte ou la fermer, les gens vont entrer ou pas. Je pense, encore une fois, que nous nous entendons. Peut-être qu'il vous est arrivé ce qui arrive souvent aux politiciens, que votre parole ait dépassé votre pensée. Peut-être que votre texte est, allé un peu plus loin, au fond, que ce que vous semblez souhaiter en réalité.

M. HETU: Non, disons que nous avons réagi, parce qu'en lisant le projet de loi, il n'est question du principal qu'à deux reprises: premièrement, comme président d'élections et, deuxièmement, pour lui dire qu'il n'a pas droit de vote. Devant ceci, je crois que les principaux ont bien voulu...

M. CARDINAL: Est-ce qu'on peut prendre un argument ad hominem et vous dire: Si on dit aux parents d'avance: Vous avez le droit de penser, mais vous n'avez pas le droit de décider, ils auront la même réaction que vous? Nous comprenons très bien.

M. LEFEBVRE: Je pense que nous nous entendons.

M. CARDINAL: Très bien, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, la troisième partie: le Conseil scolaire de l'île de Montréal.

M. RICARD: Jean-Paul Ricard, vice-président de l'Association des principaux de Montréal.

L'Association des principaux de Montréal estime que le Conseil scolaire de l'île de Montréal, tel qu'il est préconisé par la section IV du projet de loi numéro 62, est un organisme indispensable qui pourra rendre les plus grands services à l'éducation sur l'île de Montréal. Pour atteindre ce but, ce conseil devra posséder les pouvoirs et l'indépendance nécessaires à son efficacité, ne pas se substituer aux commissions scolaires et être composé de membres représentant la population. A cet effet, l'Association des principaux de Montréal croit que les fonctions de cet organisme doivent être beaucoup mieux définies qu'elles ne le sont dans l'actuel article 659, que le conseil doit jouir d'une plus grande indépendance vis-à-vis du ministère de l'Education et, enfin, que la majorité des membres de ce conseil doivent être des représentants élus des commissions scolaires. Fonctions du conseil.

La formulation de l'article 659 est inadéquate car, de par sa concision et l'accumulation de termes au sens mal défini, cet article pourrait être interprété de telle sorte que le conseil deviendrait une super-commission scolaire. Avant de proposer une formulation plus adéquate, ce mémoire rappelle que l'Association des principaux de Montréal considère le conseil comme un organisme de financement des commissions scolaires, un organisme de planification à long terme et à grande échelle et, enfin, comme un organisme chargé de mettre sur pied et de faire fonctionner des services-ressources auxquels les commissions scolaires puissent recourir au plan administratif ou pédagogique. Cette façon de concevoir le rôle du conseil s'exprime dans la formulation que ce mémoire propose de l'article 659: "Le Conseil a pour fonctions principales: a) de prélever les taxes requises pour la réalisation des objets des commissions scolaires de son territoire; b) d'établir, en collaboration avec les commissions scolaires régionales, le plan de développement du système scolaire de l'île de Montréal; c) de définir, en collaboration avec les commissions scolaires régionales, les normes fondamentales des services et des dépenses pour le territoire et les faire accepter par le ministère de l'Education; d) de négocier, après consultation des commissions scolaires régionales, l'échelle des traitements et de salaires et les conditions de travail pour tout le personnel enseignant et non-enseignant de son territoire ou participer aux négociations provinciales, le cas échéant, avec le ministère de l'Education; e) d'étudier les budgets que les commissions scolaires régionales doivent lui soumettre, présenter l'ensemble de ces budgets ainsi que son propre budget au ministère de l'Education, et distribuer aux commissions scolaires les sommes prévues par les budgets ainsi approuvés; f) mettre sur pied et faire fonctionner, au bénéfice des commissions scolaires du territoire, les services qui peuvent être organisés à meilleur compte ou plus efficacement sur une base commune: archives, bibliothèques, informatique, statistique et prévisions, service juridique, services de recherche en administration scolaire, en pédagogie, en pastorale, et en toutes disciplines faisant partie des programmes d'étude; g) aider les commissions scolaires et, au besoin, leur suppléer, pour certains types d'enseignement très spécialisés et destinés à un petit nombre de personnes; h) voir, en collaboration avec les commissions scolaires, à l'implantation des équipements scolaires dans l'île de Montréal; i) acquérir, sur recommandation des commissions scolaires, les immeubles requis et en conserver la propriété".

On aura remarqué que cette formulation s'efforce de préciser les termes trop vagues contenus dans le projet, tels que "financement", "planification", "coordination". A ces fonctions que le présent mémoire reconnaît au conseil, mais dans un sens précis, s'ajoutent certaines fonctions de suppléance limitées à des cas précis, notamment la recherche et certains services coûteux en équipement et en person-

nel. Est cependant retirée du conseil la responsabilité exclusive de l'implantation des équipements ainsi que de l'affectation des immeubles. L'Association des principaux de Montréal croit, en effet, conformément à ce qui a été dit à propos de l'article 587, que ces fonctions reviennent, au moins en partie, aux commissions scolaires qui, plus près de la population, en connaissent mieux les besoins.

Composition du Conseil:

D'accord avec le souci de représentation démocratique qui anime tout ce mémoire, l'Association des principaux de Montréal estime que les articles 662, 666 et 667 devraient se lire comme suit: 662) "Le Conseil est composé de quinze membres dont quatre sont nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil et dont onze sont choisis parmi et désignés par les commissaires d'écoles des commissions scolaires de l'île de Montréal à raison d'un par commission". Article 666) "Toute vacance est comblée, pour la durée non écoulée du mandat de la personne à remplacer, selon la même façon de procéder que celle qui a servi à la désignation de la personne à remplacer. Si la vacance doit être comblée par un élu d'une commission scolaire et que celle-ci néglige de désigner un membre dans les trente jours, la vacance est comblée par le lieutenant-gouverneur en conseil". Article 667) "Les membres du conseil de l'île élisent parmi eux le président et le vice-président du conseil".

Pouvoirs et devoirs du Conseil (article 670):

Sans entrer dans les détails des pouvoirs et devoirs du conseil, l'Association des principaux de Montréal n'hésite pas à affirmer que les pouvoirs dévolus au conseil, du point de vue financier, sont beaucoup trop limités.

Ces restrictions excessives aux pouvoirs du conseil exigent des recours constants au ministre de l'Education ou des Affaires municipales, lesquels recours auront pour effet de paralyser l'administration. L'Association des principaux de Montréal suggère donc que les articles 670 et suivants soient corrigés dans un sens qui permette plus de liberté au conseil et exige moins de recours au gouvernement.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Messieurs, encore une fois mes félicitations. Mes remarques seront brèves. Vous aimeriez que le conseil métropolitain devienne une super-commission scolaire. Evidemment, les choses pourraient être prévues autrement et je pourrais craindre qu'il devienne un autre ministère de l'Education. C'est d'ailleurs là une question de point de vue et on pourrait discuter de cela plus longuement. Je sais que le député d'Ahuntsic aura beaucoup de choses à dire sur ce point-là, en temps et lieu. Mais il faudrait se poser la question: Qu'est-ce qu'une commission scolaire dans le projet de loi 62? Je l'ai dit, ce terme n'est employé que parce qu'il existe dans la Loi de l'instruction publique. Il peut avoir une nouvelle conception de cette division territoriale qui devait jouer dans l'esprit du législateur, surtout au niveau pédagogique.

M. LYONNAIS: Vous permettez, M. le ministre, dans notre esprit, c'est justement d'éviter soit une trop grande décentralisation, et également une trop grande centralisation. Je pense qu'il doit y avoir moyen de trouver un juste milieu.

M. CARDINAL: D'ailleurs, j'ai dit tantôt que cet article serait modifié quant aux pouvoirs et aux interventions du ministre, et malgré l'invitation pressante du député d'Ahuntsic, tantôt, je n'ai pas encore de mandat au nom du gouvernement, pour promettre un amendement quant à la nomination ou l'élection des membres du conseil métropolitain.

Après réflexion et après avoir écouté tous les gens, nous nous prononcerons.

M. LEFEBVRE: M. le Président, pour aider le ministre à se prononcer, justement, d'abord je voudrais, pour ma part, féliciter l'Association des principaux. Je crois que l'ensemble des suggestions qui sont faites, relativement à l'article 659, mérite certainement une étude approfondie. Je crois que ce ne serait pas sérieux, de la part de qui que ce soit, de dire qu'on approuve ou qu'on désapprouve en bloc une chose comme celle-là. Mais, je trouve que vous avez fait un effort considérable. Il n'y a aucun doute dans mon esprit que cet article 659 est très ambigu; c'est l'un des articles qui sont — comme je l'ai dit tout à l'heure, peut-être à l'exemple du parrain du bill — ambigus et sinueux.

J'aurais, M. le Président, à ce stade-ci et pour des raisons que vous allez comprendre facilement, une proposition à faire, et c'est là que je rejoindrai l'invitation que m'a presque faite le ministre de l'Education, je ferai une suggestion appuyé par mon collègue de Marguerite-Bourgeoys, à moins que le ministre ne veuille l'appuyer lui-même, ce à quoi nous n'aurions aucune objection.

J'expliquerai d'abord l'intention de ma proposition et ensuite j'en donnerai lecture.

Nous avons déjà entendu un certain nombre de mémoires. Nous allons en entendre peut-être, au total, 70. Chacun de ces mémoires se prononce sur un certain nombre de questions fondamentales dans le bill et, églament, sur des questions qui sont d'ordre secondaire. Mais, parmi ces questions fondamentales, il n'y a aucun doute, il y a le mode de constitution du

conseil scolaire, le mode de constitution des commissions scolaires — ce sont là les deux points centraux: peut-être — de même que les fonctions de chacun de ces organismes.

Or, il nous est apparu, à nous qui siégeons de ce côté-ci de la Chambre, à la suite d'un caucus que nous avons tenu hier, qu'à ce stade-ci il serait dans l'intérêt de l'Assemblée nationale et dans l'intérêt de cette commission permanente de l'Education de faire un sondage d'opinions auprès de tous les gens qui ont soumis des mémoires. Il ne sera jamais possible d'additionner ces mémoires les uns avec les autres, parce que chacun part de son propre point de vue et construit un édifice à partir de ses propres hypothèses. Si l'on veut tenter de voir un peu plus clair, je crois qu'il serait utile, à ce stade-ci, que la commission permanente de l'Education fasse elle-même un sondage auprès des groupes qui ont déjà soumis des mémoires, afin de connaître les opinions précises de ces groupes sur un certain nombre de questions.

Voulez-vous en distribuer aux membres de la presse et aux membres de la commission s'il vous plaît? Aux membres de l'autre côté aussi, dans la mesure où il en reste.

Je lis mon questionnaire, M. le président. J'en fais encore une fois une proposition, secondé par le député de Marguerite-Bourgeoys, à moins que le ministre veuille disputer cet honneur au député de Marguerite-Bourgeoys, dont je connais l'humilité et le renoncement ; je suis sûr qu'elle cédera galamment son privilège au ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Je m'excuse d'interrompre le député d'Ahuntsic...

M. LEFEBVRE: Oui...

M. CARDINAL: ... mais, cependant, je n'enlèverai certainement ni cet honneur ni ce plaisir au député de Marguerite-Bourgeoys, qui est la seule femme de l'Assemblée nationale.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Merci.

M. LEFEBVRE: Je propose donc, secondé par le député de Marguerite-Bourgeoys, que la commission de l'Education, réunie aujourd'hui en séance régulière, décide de faire parvenir à tous les organismes qui ont soumis ou qui se sont inscrits comme devant soumettre un mémoire à la commission permanente de l'Education le questionnaire suivant:

Premièrement, seriez-vous favorable à l'élection de la majorité des membres du conseil scolaire par les membres des commissions scolaires, par les membres des collèges électoraux ou au suffrage universel?

Deuxièmement, croyez-vous que les membres du conseil scolaire devraient être choisis, a) obligatoirement parmi les membres des commissions scolaires? b) obligatoirement en dehors des membres des commissions scolaires?

Le ministre se rappellera que, lors d'un débat à la radio, nous avions tous les deux évoqué ce problème du double mandat, qui est prévu par le bill actuel, où vous retrouvez les mêmes personnes à la fois administrateurs des commissions scolaires et administrateurs au niveau du conseil, ce qui risque de créer des situations assez difficiles, en ce sens que cela deviendrait pratiquement des emplois à temps plein. Comme il n'y a pas, à ma connaissance, de rémunération prévue de façon précise pour ce genre de fonction, il y aurait danger, peut-être, que l'on se lance dans la difficulté de l'enrichissement sans cause.

Troisièmement, croyez-vous que la loi devrait être amendée pour assurer une représentation minimale, au sein des commissions scolaires, aux parents inscrits sur chacune des quatre listes suivantes: catholiques français, catholiques anglais, français, anglais?

Quatrièmement, croyez-vous que le nombre des commissions scolaires devrait être réduit à neuf, à sept ou augmenté à treize?

J'admets tout de suite — remarquez bien que j'insiste là-dessus — qu'un tel sondage ne peut pas avoir un caractère tout à fait scientifique ou définitif. Il aiderait, en tout cas, à déterminer les points où il y a un consensus parmi les groupes et ceux où il y a des divergences de vues plus difficiles à concilier. Ceci m'apparaîtrait dans l'intérêt public.

Cinquièmement, croyez-vous que la loi devrait prévoir, à l'intérieur de chacune des commissions scolaires, les postes administratifs suivants: un directeur de l'enseignement catholique français, un directeur de l'enseignement catholique anglais, un directeur de l'enseignement français et un directeur de l'enseignement anglais?

Comme on le sait, actuellement, le bill prévoit qu'au niveau des commissions scolaires il y aura des directeurs généraux adjoints, classés uniquement en fonction de la confessionnalité. C'est là l'une des grandes ambiguïtés de l'honorable ministre de l'Education. Beaucoup de gens se demandent pourquoi il ne veut pas, au niveau du bill 62 — puisqu'il admet l'existence d'écoles françaises, d'écoles catholiques françaises, etc, les quatre catégories — reconnaître une direction pédagogique qui corresponde à ces quatre catégories. Cela semble à plusieurs personnes du sens commun, mais ça ne semble pas avoir, jusqu'à maintenant, frappé l'attention du ministre.

Sixièmement, êtes-vous d'accord pour que les fonctions suivantes soient dévolues au conseil scolaire? Là, notre liste ressemble un peu à celle de l'Association des principaux. Il y a le problème de l'éducation des enfants gravement handicapés. Le bill n'en dit rien, mais il est clair que nous n'allons pas avoir, à Montréal, onze ou treize écoles pour les enfants aveugles, sourds

ou très gravement frappés du point de vue mental, par exemple. Ceci serait une dépense absolument folle. Il est surprenant que le gouvernement n'ait pas pensé, justement.

L'éducation des adultes, c'est la même chose. — Remarquez que je réponds un peu aux questions, mais ça n'empêche pas les autres de répondre différemment ; nous sommes en démocratie. Moi, j'ai déjà dit et je le répète que ce serait insensé d'avoir onze services de l'éducation des adultes sur le territoire de l'île de Montréal. C'est un domaine où j'ai été appelé à travailler d'assez près. Il est clair que ce serait multiplier inutilement les dépenses et pratiquement jeter l'argent par les fenêtres que de faire ça.

Financement, construction et entretien des immeubles, informatique, recherche. Peut-être que la liste des principaux pourrait compléter ce questionnaire. Je dis tout de suite, M. le Président, que notre geste n'a pas de caractère partisan. Nous n'aurions pas d'objection, pourvu que l'essentiel de ce questionnaire soit respecté, à ce que le gouvernement ajoute des questions ou suggère une formulation différente. C'est un geste qui est posé dans l'intérêt public. Nous croyons que ce serait un précédent intéressant qu'une commission parlementaire, à un stade comme celui-ci, de ses travaux, fasse une consultation rapide.

J'insiste sur le fait que, dans notre esprit, ça ne devrait pas être une mesure dilatoire; nous croyons que cela peut se faire très rapidement. Si le gouvernement est d'accord, la commission pourrait le faire. Je mentionne tout de suite que, si le gouvernement n'est pas d'accord, l'Opposition le fera, parce que nous sommes intéressés à connaître l'opinion de tous les groupes sur les questions que nous avons formulées. Nous souhaitons que le gouvernement accepte notre proposition et que ce geste soit un geste non partisan, bipartisan, si vous voulez. Notre ami du Crédit social n'est pas ici; ça ne peut pas être tripartite.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il est ici.

M. LEFEBVRE: Il est là! Alors, ça pourrait être un geste tripartite, si les groupes intéressés sont d'accord. Voilà une proposition en bonne et due forme sur laquelle la commission devra se prononcer.

M. CARDINAL: M. le Président, comme le député d'Ahuntsic, en faisant cette suggestion — puisqu'on ne peut pas parler de motion ici — ou cette motion, si on veut, appuyée par le député de Marguerite-Bourgeoys, n'a fait aucune allusion à la politique, quoique, en terminant, il ait souhaité que ce soit bipartite ou tripartite, je ne ferai pas la remarque suivante. Il reste que, lors d'une autre commission, son ancien chef de parti s'était opposé à un référendum. Or, à cette commission c'est lui qui en propose un.

M. LEFEBVRE: Ce n'est pas un référendum

M. CARDINAL: Blague à part, M. le Président, je ne sais pas à quelle réaction s'attend le député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: A une réaction mauvaise, de la part du ministre.

M. CARDINAL: Je m'attends toujours à ce genre de réflexion de la part du député d'Ahuntsic. C'est malheureux, il va partir sans s'en être guéri.

M. LEFEBVRE: Surprenez-moi.

M. CARDINAL: La réaction est immédiate et directe. Je prends la motion telle qu'elle est, avec les remarques qui ont été faites par le député d'Ahuntsic. Je veux parler d'une remarque en particulier. Si le député d'Ahuntsic est d'accord, j'accepte immédiatement que ce questionnaire soit transmis à tous ceux qui ont demandé de se faire entendre devant la commission, c'est-à-dire que c'est restreint à la commission, il ne s'agit pas d'une enquête publique.

M. LEFEBVRE: Non, pas du tout.

M. CARDINAL: Deuxièmement, comme il a fait lui-même l'invitation, j'aimerais qu'on me laisse ces questions pour voir si, au ministère, on ne pourrait pas en ajouter quelques autres, par exemple, parce qu'il y a d'autres problèmes. Vous-même l'avez dit tantôt, peut-être qu'on pourrait...

M. LEFEBVRE: J'ai posé une condition, M. le Président, c'est que...

M. CARDINAL: Cela se fasse rapidement.

M. LEFEBVRE: Nous n'avons pas d'objection, pourvu que nous soyons appelés à participer.

M. CARDINAL: Oui, c'est cela.

M. LEFEBVRE: Mais si c'est une initiative de la commission, nous ne voudrions pas que le ministère transforme les questions pour en faire son affaire.

M. CARDINAL: Ce n'est pas cela du tout.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: A condition aussi que le délai soit limité.

M. LEFEBVRE: Oui.

M. CARDINAL: Oui, je vais terminer, si vous permettez. Nous sommes aujourd'hui le jeudi 19 février, si je ne me trompe; nous nous réunissons le 25 — l'ouverture de la session est le 24 — et je peux suggérer ceci, si l'Opposition

est d'accord, qu'au début de la prochaine séance, j'apporte notre version du questionnaire, que je la soumette sur-le-champ, et que nous nous entendions sur le texte définitif du questionnaire. Vous avez donc la procédure, le délai et l'accord de principe.

M. LEFEBVRE: Parfait, très bien. Je félicite le ministre. Nous en sommes heureux et je crois que cela va aider à clarifier l'opinion des groupes intéressés en fonction de certains objectifs.

M. LE PRESIDENT: Je ferais remarquer au député d'Ahuntsic qu'il y aurait peut-être un petit changement à faire sur le questionnaire destiné aux institutions qui ont déjà été entendues.

M. LEFEBVRE: Oui, d'accord.

M. CARDINAL: Nous reviserons le questionnaire.

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. CARDINAL: Je m'abstiens de répondre aux questions, je ferai une seule remarque au sujet d'une question sur laquelle le député d'Ahuntsic est revenu souvent. Je la fais comme contribution à la réflexion de ceux qui se sont fait entendre ou qui se feront entendre devant cette commission et des députés des deux côtés de cette table.

Une chose me frappe, c'est qu'en général on ne discute pas tellement le nombre de membres du Conseil métropolitain. On ne discute pas tellement le fait qu'il y ait quatre membres de désignés par le lieutenant-gouverneur. Ce qui est à discuter c'est: Est-ce que les commissaires vont eux-mêmes choisir ce représentant au Conseil métropolitain ou si c'est le gouvernement qui en choisira un par commission scolaire? Tout en se posant une sous-question, sur laquelle M. Lefebvre et moi nous sommes débattus publiquement, soit: Est-il bon ou mauvais qu'il y ait un double mandat? Que ce soit un mode ou l'autre, il y aura des gens qui seront à deux niveaux et qui auront plus de pouvoirs dans leur commission scolaire que les autres. Bon.

La question que je pose est celle-ci: Supposons qu'il y ait six ou neuf commissaires qui sont tous élus, que ce soit les commissaires qui en choisissent un entre eux qui ira en haut, ou que le gouvernement, parmi ceux qui sont élus, en fasse monter un en haut, je me dis: A partir de quel principe profond, irréfragable et sacramentel une personne élue n'est-elle pas égale à une autre personne élue? Je ne pose que cette question, je ne réponds même pas au questionnaire, à ce moment-là.

M. LEFEBVRE: Nous connaissons d'avance votre réponse et vos tendances, mais ce qui nous intéresse c'est de connaître les tendances des groupes qui ont manifesté leur intérêt. Nous pensons qu'il est plus démocratique, pour parler clairement, que la démocratie parte de la base pour aller vers le sommet, plutôt que le sommet choisisse, au sein des commissions scolaires, les commissaires qui font son affaire. On sait très bien qu'il va choisir des bons petits bleus tranquilles.

Si c'est un gouvernement d'une autre couleur, j'admets que la tendance sera peut-être la même. Le gouvernement va changer bientôt, nous en avons la conviction, et nous travaillons peut-être, en quelque sorte, contre nos propres intérêts, si je suivais l'esprit du ministre. Mais, nous recherchons surtout l'intérêt public, M. le Président.

M. CARDINAL: D'accord. Puis-je savoir si ce questionnaire a été approuvé par le caucus du Parti libéral?

M. LEFEBVRE: C'est ce que j'ai affirmé.

M. CARDINAL: Ah, bon. Je pense qu'il ne sera pas nécessaire que j'en fasse autant pour que les délais soient plus courts.

Nous avons confiance en ceux qui nous représentent à cette table, sans être obligé d'aller au caucus, d'accord?

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si vous me permettez d'ajouter une remarque aux commentaires qui viennent d'être faits, une suggestion est venue il y a quelques semaines d'un éditorialiste du Devoir, que j'ai retenue parce que je l'ai trouvée très intéressante.

C'est que les conseillers, les membres du conseil de l'île de Montréal soient élus au nombre de onze, un par commission scolaire, mais que le gouvernement, en conservant le droit d'en nommer quatre autres, soit tenu par la loi de se servir de ce pouvoir pour redresser un déséquilibre quant à la représentation, surtout dans le cas des minorités, évidemment. Mais il se peut même que le déséquilibre soit défavorable à la majorité, parce que dans certaines commissions scolaires on aurait trouvé une personne très qualifiée qui n'était pas de la majorité, et que le gouvernement voudrait rétablir l'équilibre normal. C'est-à-dire proportionnel.

J'attire l'attention du ministre sur cette suggestion que j'ai trouvée très intéressante.

M. CARDINAL: J'ai moi-même pris connaissance de cette suggestion et, en fait, je l'ai déjà dit devant cette commission. Actuellement, le découpage des journaux, la cueillette des mémoires et des lettres — parce qu'il y en a beaucoup — et des télégrammes se fait et un dossier est constitué du projet de loi 62. Ce dossier, d'ailleurs, est à la disposition de tous

ceux qui veulent poser des questions. Effectivement, une question de M. Lesage sera apportée ici, qui a été mise en annexe au journal des Débats du 11 décembre. Toutes ces choses, je les médite dans mon coeur. J'en parlerai au cabinet des ministres et je donnerai la position du gouvernement.

M. LEFEBVRE: M. le Président, pendant que le ministre parle du dossier qu'il a en sa possession, est-ce que le ministre aurait objection — et si oui je suppose qu'il daignera nous dire pourquoi — à déposer devant la commission permanente de l'Education un mémoire que, selon la rumeur, il aurait reçu du comité protestant du Conseil supérieur de l'Education et dont nous n'avons pas officiellement pris connaissance? Est-ce que ce document...

M. CARDINAL: Je vais donner les explications immédiatement. J'ai déjà dit, à la séance du 27 novembre 1969, que le Conseil supérieur et certains au pluriel ou au singulier, de ses deux comités avaient manifesté le désir, lors d'une rencontre avec moi, de présenter des mémoires. Le Conseil supérieur a alors demandé à ne pas venir devant la commission. Il a demandé qu'en vertu de la loi qui le régit — c'est l'interprétation du Conseil supérieur discutable ou non — il ne soit pas entendu et se réserve lui-même le soin de rendre public son mémoire et celui ou ceux de ses comités.

Je n'ai donc personnellement aucune objection à rendre public le mémoire du conseil ou de ses comités, mais je ne peux pas le faire sans l'autorisation du conseil ou de ses comités qui s'en réfèrent à la loi adoptée en 1964 et qui se disent les conseillers directs du ministre en vertu même de la loi.

M. LEFEBVRE: J'attire l'attention du ministre sur le fait qu'il est un peu étonnant alors que d'après tout ce que nous entendons de la part de groupes représentatifs des églises protestantes de Montréal — nous avons entendu la semaine dernière un représentant de deux de ces églises, en tout cas, et d'après mes renseignements c'est également l'opinion du Greater Protestant Montreal School Board — des gens apparemment très bien postés pour représenter l'opinion du groupe protestant à Montréal disent une chose et, apparemment, le comité protestant du Conseil supérieur aurait pris une position différente. Je crois que la commission doit être éclairée sur ça. Je pense que c'est...

M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. le Président, je vais dire ceci: Je suis disposé personnellement à demander à M. Garant, le président du Conseil supérieur et aussi au président du comité protestant, M. Bradwick, s'ils nous permettent de rendre publique une chose qu'on m'a envoyée à titre confidentiel, Moi, je suis mal pris. Je n'ai pas voulu amener devant cette commission ni lors des débats sur le projet de loi 62, ni sur le projet de loi 56, où s'est produit le même phénomène, si on peut ainsi s'exprimer, je n'ai pas voulu qu'on discute ici — d'ailleurs, je pense que ce n'est pas à une commission de discuter de l'interprétation d'une loi — l'attitude qu'a prise le Conseil supérieur et ses comités.

M. LEFEBVRE: Bien, on connaît l'attitude du Conseil supérieur; cela a été publié dans les journaux.

M. CARDINAL: Oui, c'est lui qui a décidé de le publier; ce n'est pas moi. C'est lui qui, selon la loi, s'est réservé le droit de la publier. Tout ce que je puis promettre, moi, c'est de demander à ceux qui auraient posé ce geste...

M. LEFEBVRE: D'accord.

M. CARDINAL: ... de me permettre de venir ici, mais je ne peux pas me porter garant de l'attitude des responsables.

M. LEFEBVRE: D'accord.

UNE VOIX: Maintenant, votre quatrième partie, la taxation.

M. WHITE: Si vous me permettez, un très bref commentaire sur le projet de questionnaire. Mon nom est Peter White, je représente l'Association pour la réforme de l'éducation. Je voudrais faire un très bref commentaire sur le projet de questionnaire proposé par le député d'Ahuntsic et qui semble avoir reçu l'approbation du comité. Si j'ai bien compris, à la lecture du questionnaire, ce dernier, tel que rédigé, exclut la possibilité des commissions scolaires à base linguistique. J'aimerais faire remarquer aux membres du comité que, jusqu'ici, la très grande majorité des associations anglophones qui se sont prononcées sur le projet de loi se serait prononcée en faveur d'une formule, au moins temporaire, basée sur les commissions scolaires à base linguistique. Je proposerais donc la possibilité que cette question soit ajoutée à ce questionnaire.

M. LE PRESIDENT: Vous voulez suggérer, simplement?

M. WHITE: C'est ça.

M.LEFEBVRE: Je ferai remarquer à M. White que le questionnaire, comme je l'ai souligné tout à l'heure, n'est pas du tout et ne se prétend pas être une revue exhaustive de toutes les questions que l'on peut se poser à propos du bill 62, mais je pense que ce sont des questions pertinentes qui ont rapport à la rédaction actuelle du bill. Les gens auront droit, d'abord, de répondre ou de ne pas répondre, et

je crois que rien n'empêche les gens de continuer à présenter des mémoires qui vont bien au-delà des quelques questions qui sont incrites là. Ce n'était pas notre intention, à nous en tout cas, d'avoir un questionnaire qui soit au-delà de ce que j'ai lu, tout simplement parce que nous avons cru que, sur ces points précis, il était intéressant de voir quel était le consensus. Ceci n'empêche aucunement les groupes de faire, comme vous l'avez fait vous-mêmes et comme d'autres l'ont fait, des recommandations qui sont d'un tout autre ordre et qui sont complètement en dehors du cadre qui est prévu ici. Ce questionnaire ne préjuge de rien, n'est pas une prise de position; il est simplement une façon de voir ce que les gens pensent en fonction d'un certain nombre d'articles. Encore une fois, je ne crois pas que cela épuise le débat; je crois que ça pourrait l'éclairer, cependant. Mais, quant à nous, nous ne sommes pas disposés à élaborer un questionnaire qui soit beaucoup plus exhaustif. C'est le genre de questions auxquelles nous aimerions avoir les réponses des groupes. Je ne sais pas si ça répond...

M. CARDINAL: Je suis entièrement d'accord avec le député d'Ahuntsic. Je ferais un commentaire qui ne vient pas du tout de la suggestion de M. White, mais que j'aurais peut-être dû faire tantôt. Ce questionnaire que nous avons accepté unanimement, semble-t-il — quitte à le refaire ensemble, et il n'est pas exhaustif — je suis le premier à l'admettre, comme le député d'Ahuntsic, je souhaite ardemment qu'il n'arrive pas à ce questionnaire ce qui est arrivé à d'autres questionnaires depuis les débuts de l'étude du projet de loi no 62, c'est-à-dire que les associations qui seront invitées à y répondre y répondent chacune pour elle, sans qu'aucun groupe, aucune personne, aucun organisme ne vienne suggérer des réponses. Je voudrais bien que ce soient les réponses directes de ces associations, qu'il n'y ait pas une nouvelle vague de requêtes stéréotypées, parce que quelqu'un, en quelque part, aurait décidé que les réponses aux questions devraient être celles-là. Je le dis, même si ça peut déplaire que je le dise, j'ai accepté cette proposition de bonne foi, supposant et croyant la bonne foi du député d'Ahuntsic et des membres de l'Opposition et présupposant la bonne foi de tous ceux qui répondront au questionnaire.

M. LE PRESIDENT: Très bien: taxation.

M. LYONNAIS: Avant de passer à la taxation, seulement une remarque très courte. M. le ministre me le permettra. Pour employer un de ses arguments de tout à l'heure, lorsqu'il a dit que les personnes élues aux commissions scolaires sont toutes égales, parce qu'elles ont toutes été élues, nous basant là-dessus, nous trouvons drôle que ces personnes soient nommées par le ministre; justement, si elles sont toutes égales au point de vue du droit, ce serait plus démocratique que les gens des commissions scolaires, eux-mêmes élus, choisissent eux-mêmes parmi cette égalité les personnes qu'ils jugent les plus représentatives.

M. CARDINAL: Une précision: A cause du journal des Débats — les écrits restent — et à cause de certaines remarques dans la presse, je voudrais bien souligner que ce n'est pas le ministre qui les nomme.

M. LYONNAIS: Ah bon, d'accord.

M. CARDINAL : Ah non, pas du tout. Il n'est même pas question du ministre à cet article. C'est le lieutenant-gouverneur en conseil.

M. LYONNAIS: C'est ce que voulait dire, le lieutenant-gouverneur. Vous précisez ma pensée. D'accord.

M. LE PRESIDENT: Le député de Saint-Laurent a une question.

M. PEARSON: Je voudrais demander une petite précision. A la page 23, au sujet de l'article 659, je note, par exemple, à l'article b): "D'établir, en collaboration..."; à l'article c): "De définir, en collaboration..."; à l'article d): "De négocier, après consultation..." à l'article h): "Voir en collaboration..." et à l'article i): "Sur recommandation". Est-ce que vous pourriez préciser davantage vos expressions; "recommandation et collaboration"?

M. LYONNAIS: Je demande à M. Hétu, qui a participé à la rédaction du questionnaire, de vous apporter la réponse précise sur ce point-là.

M. HETU: Le conseil scolaire ne décide pas lui-même, mais il a affaire, quand même, à des commissions scolaires. Il doit toujours travailler en collaboration avec les commissions scolaires avant de prendre une décision. C'est en vue de la décentralisation que nous demandons que chacune des fonctions du conseil de l'île soit dans ce sens-là.

M. PEARSON: A moins que je n'aie mal saisi, h) c'est: "Voir, en collaboration avec les commissions scolaires, à l'implantation des équipements scolaires dans l'île de Montréal." Un peu plus bas, à la page 24, au milieu du paragraphe, on voit: "Est cependant retirée du conseil la responsabilité exclusive de l'implantation des équipements, ainsi que de l'affectation des immeubles."

M. HETU: Dans le projet de loi, on semble dire que ceci est exclusif au conseil de l'île. On veut simplement que ce soit fait en collaboration avec les commissions scolaires. Les affecta-

tions peuvent être, si vous voulez, entérinées par le conseil de l'île, mais nous croyons qu'elles doivent se faire par les commissions scolaires, parce que les commissions scolaires sont plus près de l'action que le conseil de l'île.

M. PEARSON: D'accord, mais à l'article 659, on voit, dans les dernières lignes: "Il est responsable de l'implantation des équipements scolaires dans l'île de Montréal en tenant compte des recommandations des commissions scolaires." Alors, d'après vous, cela veut dire que le texte de la loi n'est pas suffisant...

M. HETU: Je l'ai dit, tout à l'heure: Il ne faut pas simplement tenir compte des recommandations; il faut qu'il y ait collaboration. Si les commissions scolaires envoient leurs recommandations et que le conseil de l'île décide, à ce moment-là, il n'y a pas eu collaboration avec les commissions scolaires et le conseil de l'île.

M. LE PRESIDENT: Alors, la fameuse taxation.

M. LYONNAIS: M. Hétu, si vous voulez lire la partie très courte sur la taxation.

M. HETU: A propos de la taxation, je voudrais préciser qu'il ne s'agit pas, évidemment, de donner suite, à M. Porteous, qui nous a dit, le 5 février, que les Anglais s'occupaient des affaires et les Français, de la culture.

Alors, le texte a été préparé. Nous avons des Canadiens français capables de s'occuper des affaires. L'Association des principaux ne se reconnaît aucune compétence dans ce sens, mais se réjouit de voir que la taxation sera mieux répartie au niveau de l'île de Montréal.

M. LE PRESIDENT: Alors, nous vous remercions.

M. CARDINAL: Est-ce que je peux poser une question, M. le Président? Vous avez un autre document, d'aspect technique. Est-ce que vous désirez qu'il ne soit que remis aux membres de la commission et au ministère ou si vous croyez qu'il est judicieux qu'il soit déposé au journal des Débats? Il y a là une question de frais, d'utilité. Je vous pose la question.

M. LYONNAIS: Non, c'est un instrument de travail. Je pense que ce serait mieux qu'il soit simplement remis aux membres.

M. CARDINAL: Alors, vous nous dispensez de le publier. Nous le conserverons pour fins de travail.

M. LYONNAIS: C'est ça.

M. CARDINAL: Nous vous remercions beaucoup et nous vous félicitons du ton serein avec lequel vous avez, à la fois, déposé le mémoire, défendu le mémoire, défendu vos opinions et discuté avec les membres de cette table. Je souhaite que les séances continuent dans cet esprit.

M. LEFEBVRE: Je me joins, pour ces félicitations, au ministre de l'Education. Merci beaucoup, messieurs.

M. LYONNAIS: Il y aurait peut-être un autre petit point sur lequel nous aurions voulu insister et qui n'a pas été abordé du tout, tout à l'heure; c'est la question de l'école. M. le ministre a bien dit qu'une de nos demandes principales — parce que cela concerne notre fonction de principaux d'écoles, qui nous intéresse grandement — c'est une meilleure définition de notre statut.

Si vous avez remarqué, nous avons proposé que le troisième palier, si vous voulez, nous aurions préféré, au lieu des structures réelles, que ce soit l'école, à laquelle se rattache, justement, le comité d'école et ainsi de suite. Et à l'intérieur de cela, permettre de mieux définir notre statut comme principal.

M. CARDINAL: Oui, d'accord. J'avais remarqué ceci. C'est pourquoi j'avais relié la page 15 à la page 17.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je crois que le ministre et moi avons commis une erreur, qui est réparable. Nous avons dit: Merci, messieurs. Il aurait fallu dire mademoiselle et messieurs.

M. CARDINAL: D'accord. Mais à cette assemblée, mademoiselle ou mesdames, Mme Casgrain le sait, le masculin comprend toujours le féminin. Je n'ai pas dit ni qu'il l'embrassait, ni qu'il l'emportait.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Oui. Mais, M. le Président, c'est justement une suggestion que j'ai faite à mon confrère, le député d'Ahuntsic, que, quand même, il fallait dire mademoiselle dans ce cas-ci, étant qu'elle avait fait des représentations.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LEFEBVRE: La correction fraternelle est active parmi nous, mais l'unité règne. Cela, il faut le dire.

M. CARDINAL: Pourquoi vous sentez-vous le besoin de le dire?

M. LYONNAIS: Alors nous vous remercions.

M. LE PRESIDENT: La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. M. François-Albert Angers, président. M. Angers, vous pouvez y aller.

M. François-Albert Angers

M. ANGERS: M. le Président, M. le ministre, je commence par vous présenter les personnes qui m'accompagnent. Ici, à ma droite, Mme Gertrude Sirois, qui est membre du conseil d'administration de la Société Saint-Jean-Baptiste; M. René Charette, qui est le directeur général de la société; M. Gérard Turcotte, qui en est le secrétaire général, et M. Gilles Caron, qui est le directeur des sections.

Alors, je vais vous présenter notre mémoire. Au cours de son dernier congrès annuel, tenu du 13 au 16 mars dernier, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal a tenu un colloque sur le problème de la restructuration scolaire dans l'île de Montréal. A la fin du colloque, un texte de résolution a été approuvé qui, ratifié par le comité des résolutions du congrès, fut ensuite voté à l'unanimité par le congrès même.

A ce moment, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal avait formulé les principes suivants: a) rejet de toute division scolaire selon la langue; b) unité linguistique du système d'enseignement général du Québec; c) établissement d'écoles ou de classes bilingues pour les anglophones, tels que définis dans le mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal au comité parlementaire de l'éducation; d)maintien du caractère confessionnel des structures scolaires, y compris la création de structures neutres là où les parents le désirent et où les enfants sont en nombre suffisant; e) formation d'un conseil métropolitain pour percevoir les taxes scolaires sur toute l'île de Montréal et en distribuer le produit entre les diverses administrations scolaires selon le nombre d'élèves sous leur juridiction respective; f ) organisation des administrations scolaires de façon que les parents prennent une part active à l'administration des écoles.

Comment ces prises de position se rapportent-elles au bill 62 qui a été soumis pour étude à la dernière session de l'Assemblée nationale du Québec?

Disons que nous ne saurions d'abord passer sous silence le fait que la loi 63 ait modifié la situation qui existait au moment où cette résolution était votée. Se sont ainsi trouvés séparés les deux problèmes qui paraissaient alors devoir être entremêlés dans la loi sur la restructuration scolaire de Montréal, à savoir: d'une part, le régime linguistique d'enseignement au Québec et d'autre part, les structures scolaires.

Autant nous avons félicité le gouvernement d'avoir effectué cette séparation des deux ques- tions pour que chacune puisse être étudiée à son mérite, autant nous ne pouvons que réitérer ici notre réprobation formelle de la proclamation juridique du bilinguisme officiel au Québec par la reconnaissance du droit absolu et sans limite accordé aux parents de choisir, pour leurs enfants, entre des écoles de langue anglaise et des écoles de langue française que les commissions scolaires sont alors obligées de leur fournir sur demande.

Ainsi ramené au seul problème des structures scolaires, rappelons brièvement en quoi consiste maintenant le bill 62. Pour ne pas retarder le débat, on peut sauter cette partie. Nous avons tenu à inscrire ici, en résumé, notre compréhension du projet de loi, ce qui permet aux membres... Pardon?

M. CARDINAL: C'est pour vous dire, M. Angers, que je suis d'accord avec votre proposition, parce que, de fait, je l'ai lu cette partie du texte et votre association semble avoir fort bien compris l'analyse du projet, analyse qui avait été faite, d'ailleurs, aux deux premières séances de la commission. D'accord.

M. ANGERS: C'est pour cela que nous l'avions mis pour que vous vérifiiez si nous avions bien compris la loi: vous aviez d'ailleurs fait remarquer, il y a quinze jours, que certaines personnes semblaient ne pas avoir lu la loi.

M. LEFEBVRE: C'est une prudence qui n'est pas exagérée, parce que cela arrive au ministre de ne pas bien comprendre.

M. ANGERS: Alors, je saute donc à la conclusion de cette partie qui dit, à la page 4: "Ces dispositions générales qui sont énumérées soulèvent, à notre avis, trois ordres de questions: a) celles qui concernent la composition du conseil scolaire; b) celles qui regardent les fonctions respectives du conseil scolaire, des commissions scolaires et des comités d'école; c) celles qui touchent le problème de la confessionnalité ou de la non-confession-nalité des écoles dans les commissions scolaires telles que constituées.

Dans le développement de notre exposé, nous aborderons d'abord le premier point; nous passerons ensuite au troisième, étant donné qu'il conditionne, dans une certaine mesure, le deuxième.

L'une des plus grandes causes de malaise dans les structures scolaires actuelles de Montréal provient de l'absence du caractère démocratique dans la constitution des commissions scolaires. Alors qu'à peu près partout ailleurs dans le Québec les commissions scolaires sont des corps élus par les contribuables, plus ou moins parfaitement identifiés avec les parents, selon les milieux, la population de la ville de

Montréal, qu'elle soit catholique ou protestante, a été privée du droit de choisir elle-même ses commissaires d'école et d'exercer un contrôle sur l'administration de sa commission scolaire. Cela était et est devenu d'autant plus inacceptable que Montréal a les dimensions voulues pour être une société très diversifiée et par suite aussi valable pour l'exercice du droit démocratique que l'ensemble du Québec lui-même.

Tout particulièrement dans le cadre des structures scolaires telles qu'on veut les rénover, on ne voit pas pourquoi le mode démocratique d'administration des écoles y serait plus mauvais qu'envisagé par rapport à un gouvernement démocratiquement élu par l'ensemble du Québec.

Autrement dit, les reproches que l'on fait assez généralement aux administrations locales et en vertu desquels on s'autorise à pratiquer la centralisation perdent la majeure partie de leurs raisons d'être par rapport à un territoire qui pourrait en lui-même constituer une province.

En vertu de ces considérations, nous ne voyons pas la raison de la mainmise par le gouvernement, dans les structures rénovées, sur le conseil scolaire de l'île de Montréal, auquel on attribue, pour des raisons de commodité administrative et d'équité fiscale, des pouvoirs qui sont généralement ceux qui sont dévolus aux commissions scolaires ordinaires. A notre avis, le conseil scolaire devrait donc être une émanation des commissions scolaires; non pas une créature du gouvernement du Québec.

C'est pourquoi nous proposons de substituer, au mode de nomination prévu par le bill 62, une élection par chaque commission scolaire concernée d'un membre au conseil scolaire, à quoi nous ne voyons pas d'objection d'adjoindre un représentant nommé par le gouvernement afin de faciliter les relations entre ce corps scolaire particulièrement important et l'Etat.

En ce qui concerne la question de la confessionnalité et des structures scolaires, le gouvernement du Québec, par le bill 62, se place dans une curieuse position. Après avoir affirmé, dans la loi 63, le libre choix des parents à la langue d'enseignement à l'école, à titre de pure capitulation ou de pure générosité, comme l'on voudra, devant les prétentions des anglophones, puisque ce droit n'est nullement compris dans la charte universelle des droits de l'homme ou dans les libertés démocratiques traditionnelles, voilà que le gouvernement impose des structures scolaires allant fortement à l'encontre de toutes nos traditions, sans consulter spécifiquement les parents dans un domaine où, justement, la Charte des droits de l'homme affirme l'existence des libertés fondamentales que les gouvernants ont le devoir de respecter.

En effet, on connaît bien, d'une part, le jugement maintenant fameux de la cour européenne des Droits de l'homme suivant lequel "reconnaître à toute personne placée sous la juridiction d'un Etat un droit à être instruite dans la langue de son choix conduirait à des résultats absurdes" et, d'autre part, l'article 2 du protocole additionnel qui se lit comme suit : "L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques ".

On pourra arguer ici que le bill 62 reconnaît ce droit puisqu'il y est prévu, à l'article 586, comme nous l'avons vu précédemment, que chaque commission scolaire devra donner des écoles publiques catholiques, protestantes ou autres que catholiques ou protestantes conformément "aux programmes d'études et aux règlements édictés ou approuvés pour les écoles publiques catholiques, protestantes ou autres que catholiques ou protestantes, selon le cas."

Mais la question n'est pas si simple. Le problème en jeu, qui touche à celui de la liberté de conscience, est si grave qu'il postule le droit pour les parents à l'école de leur choix, selon la forme et les structures qu'ils peuvent juger efficaces pour que l'enseignement qui s'y donne soit bien conforme à leurs convictions.

Du moins ce droit est-il légitimement celui que réclament les catholiques qui veulent s'en tenir à la doctrine fondamentale de l'Eglise en la matière.

Que ce soit là en effet la portée de la doctrine de l'Eglise ne saurait faire l'objet d'aucun doute, même après Vatican Il. En effet, le décret conciliaire Gravissimum éducationis, promulgué le 28 octobre 1965, ne peut pas être plus net à ce sujet.

En voici quelques extraits, sans doute bien connus, mais qu'il importe de répéter et qui sont parfaitement clairs. Premièrement, "un droit premier et inaliénable des parents qui doivent donc jouir d'une liberté véritable dans le choix de l'école". Deuxièmement, rôle de l'Etat qui consiste à "protéger les devoirs et les droits des parents et autres personnes qui jouent un rôle dans l'éducation et leur fournir son aide" et qui doit exercer cette fonction "selon le principe de subsidiarité à défaut d'initiative prise par les parents et des autres sociétés et compte tenu des désirs des parents".

Troisièmement, aux parents catholiques le concile rappelle le "devoir de confier leurs enfants, où et lorsqu'ils le peuvent, à des écoles catholiques. Leur devoir de soutenir celles-ci selon leurs ressources et de collaborer avec elles pour le bien de leurs enfants."

Quatrièmement, pour que les parents puissent exercer ce devoir et cette liberté, le texte du concile précise même qu'il y a un devoir de l'Etat de "respecter la justice distributive en répartissant les subsides publics de telle sorte que les parents puissent jouir d'une vraie liberté dans le choix de l'école de leurs enfants, conformément à leur conscience".

Si l'Eglise réclame de l'Etat le respect, dans

l'exercice de ses fonctions en éducation, des désirs des parents jusqu'au niveau d'un devoir de subsidiarité dans l'organisation de l'école, si d'autre part le grave devoir qui est fait aux parents d'envoyer leurs enfants à des écoles catholiques va jusqu'au soutien de telles écoles à même leurs ressources propres, si l'Etat se voit prescrire le devoir de fournir sa juste part de subventions à ces écoles séparées, s'il en est ainsi, il va de soi que le premier droit des parents catholiques est d'être consultés sur les formes qu'ils veulent voir revêtir à l'organisation scolaire publique qui pourra concerner leurs enfants.

L'application de ces principes au cas particulier du Québec a déjà d'ailleurs amené nos évêques à formuler quelques règles de principe relatives à notre situation propre qui ne sont pas moins claires. En juin 1966, le cardinal Maurice Roy, archevêque de Québec, disait: "En face des changements de structures qui sont à se faire, les parents devront désormais prendre mieux conscience de leurs responsabilités et s'occuper personnellement de leurs écoles. Il faudra que les catholiques, comme les autres d'ailleurs, demandent ce qu'ils désirent pour leurs enfants et fassent valoir leurs droits. Ils ne se contenteront pas d'attendre qu'on leur présente une école toute faite, ils prendront une part active à son édification et verront à ce qu'elle soit organisée comme il se doit." La pensée du cardinal Léger n'a pas été moins précise.

On lit, dans ses réflexions pastorales sur notre enseignement, tout d'abord le passage suivant: "Affirmer qu'à cause de leur inexpérience ou de leur manque d'aptitude, les parents doivent renoncer à leurs droits et s'en remettre à l'Etat, c'est déjà une invitation au totalitarisme". Puis dans l'école chrétienne et nos responsabilités: "Il faut se dissocier de cette philosophie scolaire qui conçoit l'école comme un simple instrument de l'Etat et qui invite à négliger ses liens avec les parents... ce qui ne peut être admis, ni qu'on soit amené à négliger ou à considérer comme secondaires les liens de l'école aux parents. "L'Eglise, au concile, a repris sans hésitation le principe de la responsabilité première des parents en éducation... Le concile n'a fait que sanctionner de son autorité une pensée très traditionnelle fondée sur une philosophie très réaliste de la fonction parentale: prendre sur soi de mettre un enfant au monde, c'est accepter la charge d'être les premiers et principaux responsables de tout ce qui sera nécessaire pour que cet enfant grandisse et s'épanouisse... Il faut quand même dire que l'ordre de l'éducation tout entier doit être basé sur le principe de la responsabilité première des parents."

Sur la question plus spécifique des structures, le cardinal Léger a aussi voulu répondre aux critiques de l'institution chrétienne, à ceux qui soutiennent — je le cite — que "c'est par la seule force de l'esprit et du témoignage qu'on devrait assurer la présence de l'Eglise dans les milieux de l'éducation. Le principal reproche, continue-t-il, qu'on doit faire aux critiques excessives de l'idée d'institution chrétienne, c'est justement leur manque de réalisme. Dans le monde très complexe et très structuré où nous vivons, on ne peut s'en remettre aux seules forces du témoignage individuel, il faut encore recourir à l'aide indispensable des soutiens juridiques et des cadres institutionnels. Il faut comprendre les exigences fondamentales de l'école catholique... exiger avec une énergie tenace, clairvoyante, vigilante, tout ce qui est nécessaire dans l'ordre des soutiens juridiques, structurels et institutionnels."

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, dans le passé, et encore jusqu'à son dernier congrès de mars dernier, s'est toujours prononcée en faveur de structures scolaires confessionnelles, c'est-à-dire de commissions scolaires spécialisées dans l'ordre confessionnel, commissions scolaires composées de commissaires catholiques pour administrer des écoles catholiques ou de commissaires protestants pour administrer des écoles protestantes, etc.

Jusqu'à tout récemment, elle l'a fait en étant sûre de représenter le désir et la volonté de la presque totalité de ses membres, aussi bien que tous les citoyens francophones du Québec.

Son comité d'étude sur l'éducation et son conseil général croient encore qu'en fonction du principe de la confessionnalité conservée à l'école, ce régime est préférable à tout autre, indépendamment des questions mêmes de principe, en fonction, comme le disait le père Arès "d'une question de sécurité, d'efficacité ou, selon le mot du cardinal Léger, "de réalisme".

Mettons même de côté la question de sécurité de l'école confessionnelle pour le moment. Nous n'insisterons tout d'abord que sur l'efficacité. A notre avis, c'est faire bon marché de l'importance du caractère confessionnel ou non confessionnel de l'école que de confier l'administration pédagogique (et par suite, dans une bonne mesure, administrative) de l'école, à des commissaires hétérogènes, soit catholiques, soit protestants, soit neutres ou d'autres religions. Car, en terme d'efficacité, il y a à considérer justement l'efficacité de l'école confessionnelle.

A notre avis, c'est un système bâtard que celui qui consiste à mettre tous les types d'écoles dans la même commission scolaire et à obliger, comme il se doit dans tout conseil d'administration, un ensemble composé de catholiques, de protestants ou d'agnostiques —à se prononcer respectivement avec les autres sur des questions spécifiques concernant soit l'école catholique, soit l'école protestante, soit les écoles autres que catholiques ou protestantes.

Autrement dit, dans un comité comme celui-là, si chacun des gens qui sont là voulait respecter la liberté des autres, il faudrait que les protestants et les agnostiques s'abstiennent de

tout vote sur les questions qui concernent l'école catholique, que les catholiques et les agnostiques s'abstiennent de tout vote sur les questions qui concernent les écoles protestantes, et que les protestants et les catholiques s'abstiennent de tout vote sur les questions qui concernent l'école agnostique.

M. CARDINAL: Me permettez-vous? C'est un ex cursus que vous venez de faire. Appliquez-vous la même règle au niveau de l'Assemblée nationale et, par conséquent, sur un projet semblable, aurait-il fallu distinguer les juifs des catholiques et des protestants?

M.ANGERS: L'Assemblée nationale vote des lois, tandis que la commission scolaire administre des écoles et prend des décisions relatives au fonctionnement administratif de l'école.

M. CARDINAL: Exactement, vous venez de faire la distinction entre l'école et la commission scolaire.

M. ANGERS: Ce n'est pas la même chose. M. CARDINAL: Je vous laisse continuer.

M. ANGERS: Ce n'est pas la même chose du tout. La commission scolaire, en somme, décide des questions pratiques de fonctionnement de l'école dans le cadre de la loi qu'a votée le ministère. Justement, il est indéniable qu'à ce moment-là, il y aura des questions qui se poseront qui concernent les catholiques, sur lesquelles les protestants devront voter, parce qu'on ne conçoit pas que ça fonctionne comme je viens de le dire. Dans un conseil d'administration, tout le monde doit prendre ses responsabilités et voter sur les questions qui sont soumises.

C'est pour ça qu'il faut la spécialisation quand les problèmes sont trop complexes.

L'école dite neutre seule peut bien s'accommoder d'un tel régime, justement parce que son effort de neutralité, c'est-à-dire de dissociation avec toute confession religieuse, peut se trouver bien servie par la juxtaposition d'administrateurs de diverses options religieuses, quant à ce qu'il faut éviter pour que l'école neutre ne retombe pas dans une teinte de confessionnalisme.

Nous croyons que la caractéristique confessionnelle de l'école est quelque chose d'importance majeure pour ceux qui y croient; et que par suite, la spécialisation des fonctions confessionnelles par commissions scolaires, constitue en la matière une règle d'efficacité et de progrès, comme c'est le cas dans tout autre domaine de l'organisation où entrent en conflit des facteurs ou des intérêts trop divers. La spécialisation n'est-ce pas, c'est la loi du progrès dans toute forme d'organisation. Dès qu'une chose devient importante, on la fait administrer par un organe spécialisé qui ne s'occupe que d'elle. Et on ne donne aux organismes généraux, que l'administration des règles générales. Cela, c'est une loi qui se pratique dans toutes les entreprises, qui se pratique dans le monde entier, dès qu'on veut faire progresser, parce qu'une question prend de l'importance, de sorte qu'une commission scolaire multi-confessionnelle, c'est au fond dire: La confessionnalité n'a pas l'importance qu'on lui attribue et, à ce moment-là, je crois qu'il appartient aux parents seuls de dire si c'est vrai qu'ils croient qu'elle n'a pas cette importance et qu'elle peut être administrée de cette façon complexe.

Nous endossons totalement à ce sujet les remarques de l'abbé Maurice Audet, responsable de la pastorale scolaire du diocèse de Montréal, dans son article du Devoir du 13 janvier 1970. Nous l'avons annexé à notre mémoire, parce que c'est un homme qui a de l'expérience et qui montre quelles seront les difficultés concrètes, dans une commission scolaire multi-confessionnelle, de faire une véritable école confessionnelle catholique. Elles expriment, à la lumière de l'expérience, les causes d'inefficacité d'un tel système.

Le vrai problème à résoudre est celui d'un conflit entre l'efficacité administrative, qui est surtout ce qui est envisagé par les diverses autorités concernées dans le bill 62, et l'efficacité pédagogique de l'école. Et pour parler ici en termes d'organisation de production, puisque l'école est la production d'un service, il importe de constater que le produit à considérer ici dans sa qualité, c'est le service pédagogique; et que, par suite, l'efficacité proprement administrative des services scolaires ne doit pas se faire aux dépens de celui-ci, du moins pas d'une façon majeure. Or, en matière d'école confessionnelle, nous sommes là devant un problème de qualité majeure; bien plus, devant un problème de droit fondamental des parents et des enfants, droit reconnu par la charte des Droits de l'homme. Celui-ci doit donc passer avant l'efficacité administrative, qui doit être la meilleure possible dans le cadre de cette réalisation. Il importe de payer ensuite le coût; les coûts que l'on paie, c'est pour obtenir des services d'une certaine qualité. Ce n'est jamais bien faire que, pour réduire le coût, de faire disparaître la qualité de la production.

A l'heure actuelle, en raison des mouvements et des changements qui se produisent dans notre société, le principe du droit des parents n'en demeure pas moins. A partir du moment où le gouvernement envisage des modifications de structures qui rompent avec des traditions bien établies, il importe qu'il procède à une consultation véritable des parents.

Avant d'insister davantage sur ce point, nous voudrions répondre rapidement à l'argument selon lequel, après tout, réclamer des commissions scolaires juridiquement confessionnelles,

c'est demander ce qui n'existait pas auparavant chez nous, sauf dans le cas spécial de Montréal. Et pourtant, ajoute-t-on, la confessionnalité de l'école n'apparaissait nullement en danger à ceux-là mêmes qui la voient aujourd'hui menacé. Nous voulons seulement préciser que l'argument est tout à fait spécieux, puisque si nos anciennes commissions scolaires n'étaient pas confessionnelles de droit, elles l'étaient de fait par la spécialisation confessionnelle qui était la caractéristique de chaque commission scolaire, même si, juridiquement, elles étaient l'école commune.

En effet, c'est par le droit à la dissidence qu'était respecté principalement le droit des parents à l'école de leur choix, au temps où il n'y avait guère, dans notre milieu, que des catholiques et des protestants. C'est donc à mauvais escient qu'on oppose une telle argumentation à ceux qui s'insurgent contre le régime nouveau que représenterait le bill 62, non pas un régime d'école commune représentant l'orientation confessionnelle de la majorité avec dissidence prévue pour la minorité, mais un régime de commissions scolaires unifiées, administrant indifféremment des écoles de plusieurs types confessionnels.

Dans l'état actuel des choses, la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal estime que l'essentiel est de revendiquer pour tous ses membres comme pour toute la population la possibilité d'exercer totalement leur liberté de choix quant à l'école qu'ils veulent pour leurs enfants, aussi bien au plan des structures qu'au plan des programmes. Puisqu'il y a en la matière un droit des parents, il n'appartient, en définitive, à aucun groupe de pression particulier, qu'il soit société nationale, syndicat professionnel, chambre de commerce, etc, sauf, à défaut d'autres organismes proprement compétents, de vouloir imposer une solution. A mon sens, c'est encore moins l'affaire du gouvernement, puisqu'on sait fort bien que les chartes des droits de l'homme sont faites, d'une façon générale, pour amener les gouvernements à respecter les libertés des citoyens. Par conséquent, les gouvernements n'ont pas à statuer sur la liberté de la presse, sur la liberté de conscience ou sur la liberté des parents quant au choix de l'école; ils ont à la respecter, ce n'est pas la même chose.

Il y a, à l'heure actuelle, des associations de parents de diverses natures. Que le gouvernement, directement ou par leur intermédiaire — je laisse au gouvernement le soin de faire la consultation qu'il croira efficace — voie à consulter vraiment démocratiquement les parents de l'île de Montréal quant aux types de structures scolaires qu'ils veulent voir s'établir sur ce territoire.

M. le ministre, il y a quinze jours, vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de ne pas oublier certaines réalités. Vous en avez énuméré quelques-unes. Vous avez donné des opinions sur cela. Vous avez dit qu'à votre avis, quand cela fonctionnera, il n'y aura peut-être pas tellement de catholiques qui voudront l'école catholique. Le député de Montmorency, je pense, vous a opposé qu'à son avis 80 p.c. des parents vont vouloir des écoles catholiques. Vous avez parlé du comité catholique qui aurait pris certaines décisions, mais le comité catholique ne représente ni les parents ni les évêques. Par conséquent, c'est un comité administratif qui doit, lui aussi, tenir compte de la volonté des parents. En somme, le droit des parents, c'est une réalité dont il faut tenir compte. C'est la réalité d'un droit fondamental. Il faut l'inclure dans les réalités dont vous voulez tenir compte. Remarquez bien que c'est ce que fait la Société Saint-Jean-Baptiste qui ne se prononce plus sur la structure qu'il faut donner, mais dit: Vous allez donner aux parents les structures qu'ils veulent. Demandez-leur quelles sont les structures qu'ils veulent.

Comme la liberté de choix de l'option philosophique et religieuse de l'école est une des libertés fondamentales qui relèvent des droits de l'homme, nous soulignons qu'elle ne peut pas se régler par le seul assentiment d'une majorité qui déciderait pour la minorité. Il s'agit, au contraire, de consulter les parents sur leurs désirs et leurs options en vue de donner, autant que possible, à chaque catégorie d'options philosophique et religieuse l'école qui lui convient.

Si les parents de l'île de Montréal en totalité ou en presque totalité approuvent les commissions scolaires unifiées, nous sommes d'accord pour que les commissions scolaires soient unifiées. Si 50 p.c. des parents veulent des écoles confessionnelles et 50 p.c. des écoles unifiées, il faudra trouver une structure qui donne les deux et l'organiser pour qu'elle soit efficace. C'est parfaitement concevable.

Il ne s'ensuit pas qu'il doive en résulter un fouillis administratif. Rien n'empêche de garder une division fondamentale du territoire, avec pour chacun une commission scolaire correspondant à l'option majoritaire, quitte à rattacher les minoritaires à une division territoriale voisine où ils sont majorité ou à former une commission scolaire supplémentaire aux dimensions de l'île pour une minorité trop faible. Bref, nous voulons dire que c'est à tort, à notre avis, que l'on fait une sorte de drame des complications administratives qui résulteraient de la spécialisation confessionnelle des commissions scolaires.

Dans le cadre du bill 62, c'est le conseil scolaire de l'île qui possèderait et administrerait tous les biens immobiliers nécessaires à l'organisation scolaire du territoire. Nous ne croyons pas que cette centralisation administrative soit de très bon augure pour le fonctionnement efficace du mécanisme scolaire. On pense, évidemment, aux attributions plus difficiles de locaux qui résultent des cloisonnements du territoire en commissions scolaires, comme c'est

le cas à l'heure actuelle. Nous croyons que ce problème particulier doit trouver sa solution particulière qui ne doit pas avoir pour conséquence de faire des commissions scolaires des organismes dépourvus de la maîtrise des biens dont elles doivent se servir pour remplir leurs fonctions.

Que le conseil scolaire de l'île ait un certain pouvoir d'arbitrage, de centralisation des renseignements ou même éventuellement d'intervention pour remédier à des situations par trop anormales, cela peut être nécessaire. Mais ne nous parait pas qu'il y ait lieu d'aller plus loin dans cette voie pour le moment.

Quant aux comités d'école, leurs fonctions dans les cadres actuels nous apparaissent tout à la fois insuffisantes pour que soit assuré le respect du droit des parents à obtenir, dans le secteur public comme dans le secteur privé, l'école de leur choix. Dans les structures actuellement conçues, c'est à eux qu'il conviendrait en somme de conférer tous les pouvoirs pédagogiques habituellement confiés aux commissions scolaires pour que, dans des écoles dont ils n'ont pas choisi les structures et dont la direction peut être hétérogène, l'option philosophique ou religieuse de chaque catégorie de parents puisse être sûrement appliquée et respectée.

A des solutions de ce type, on objecte, avec beaucoup de vraisemblance et de raison, l'impossibilité de répartir d'une façon vraiment satisfaisante fonctions administratives et fonctions pédagogiques, de sorte qu'on puisse dire que les commissions scolaires s'occuperaient des fonctions administratives, et les comités d'école des fonctions pédagogiques. Nous convenons volontiers de cette difficulté, et c'est pourquoi, en termes d'efficacité pédagogique et administrative, nous croyons préférable une spécialisation des commissions scolaires selon les types d'écoles plutôt que la commission scolaire composite administrant plusieurs types d'écoles, avec des comités d'école qui auraient des pouvoirs réels en ce qui concerne le fonctionnement pédagogique de l'école.

Qu'on ne nous reproche pas de ne pas présenter des solutions plus concrètes par le détail. D'ailleurs, nous ne pourrions pas le faire parce que nous ne connaissons pas, nous non plus, quelle est la volonté actuelle des parents, personne ne la connaît, nous avons tous des opinions, nous ne sommes pas en mesure d'indiquer des nombres, des proportions, nous n'en savons rien, nous croyons que. Il n'appartenait pas à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal de faire les dépenses qu'il aurait fallu pour poursuivre une étude approfondie d'une réorganisation des structures scolaires de Montréal. Mais de la lecture du rapport Pagé, des déclarations du ministre, comme des échanges que nous avons eu avec diverses personnes, ainsi que de la structure même de la loi, nous avons tiré la conclusion que les points de vue adminis- tratifs et financiers l'ont emporté de beaucoup dans sa conception sur les points de vue pédagogiques, surtout dans leur aspect quant au droit respectif des parents qui veulent ou non la confessionnalité. Bien plus, nous avons acquis la conviction que par cette unité et cette centralisation des structures scolaires de l'île de Montréal, le gouvernement essaie de régler par voies indirectes le problème qu'il n'a pas eu le courage de régler directement par une loi et une politique globale de la langue française au Québec.

La Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, pour sa part, n'approuve pas une politique qui consiste à donner aux anglophones du Québec tous les droits en matière linguistique, pour essayer ensuite de les inciter seulement à respecter la primauté du français ou à les étouffer à l'intérieur de cadres qui, par le jeu des majorités, tendraient à donner le pouvoir aux seuls francophones. Nous affirmons au contraire la nécessité de proclamer le français comme seule langue officielle au Québec, donc d'établir d'une façon très claire la position du français en territoire québécois, puis de définir d'une façon claire et nette les droits ou privilèges des anglophones, de ceux à qui nous reconnaissons le droit de se déclarer tels. Après quoi, nous n'aurons pas besoin de leur contester le droit à leurs écoles protestantes parce qu'elles pourraient équivaloir en fait à une apparence de sectorisation linguistique du régime scolaire.

On voit très bien que, lorsqu'on aura bien défini la situation linguistique du Québec, on pourra avoir des commissions scolaires qui seraient toutes françaises dans l'île de Montréal, avec des groupes de syndics, comme on appelle les commissions dissidentes, qui, elles, satisferaient aux droits des anglophones, tels que définis par nos lois. Et je n'ai jamais compris, moi, pourquoi on avait donné la liberté totale de choisir, et qu'on appelle ça du racisme si on prétend définir ce que c'est qu'un anglophone. Les Ontariens ont parfaitement réglé la chose dans, leur cas, en disant, non pas: Les parents ont la liberté de choisir, mais: Dix contribuables francophones ont le droit de demander une classe en français, du moment que le nombre d'enfants est suffisant. Nous aurions pu avoir une loi exactement semblable qui aurait garanti tous les droits des anglophones bien mieux qu'ils le sont actuellement. Actuellement, nous sommes dans l'équivoque, et vous voyez les anglophones réclamer des structures linguistiques, justement parce que, disent-ils, vous nous avez donné le libre choix égal aux autres, dans le Québec, alors nous avons droit à nos structures scolaires comme les Français, équivoque qui se manifeste à l'heure actuelle, devant votre commission dans les revendications des anglophones, et qui vient de la mauvaise structure du bill 63.

Nous résumons donc comme suit les recommandations formelles et précises ce ce rapport.

Premièrement, que le comité scolaire de l'île soit composé d'autant de membres, plus un, qu'il y aura de commissions scolaires sur le territoire de l'île et que chaque commission scolaire de même que le ministère de l'Education nomment un des membres du comité.

Deuxièmement, que les commissions scolaires soient les vrais propriétaires des biens immobiliers qui leur sont nécessaires pour l'accomplissement de leurs fonctions, mais que le conseil scolaire de l'île jouisse du pouvoir de centraliser les renseignements sur l'usage de ses biens et d'intervenir pour en reviser la distribution, en cas de besoin.

Troisièmement, que le régime des commissions scolaires, quant à leur caractère confessionnel et non confessionnel, soit établi en conformité avec les désirs des parents dûment consultés et construit de façon à respecter la multiplicité des options que révélera cette consultation.

Quatrièmement, que le comité d'écoles se voit accorder des pouvoirs qui permettent un exercice plus efficace du droit des parents dans l'école.

Alors, nous avons ajouté, en annexe, l'article de monsieur l'abbé Maurice Audet; il n'est pas nécessaire de le lire; les membres du comité pourront en prendre connaissance. Comme je vous l'ai dit, nous l'endossons, parce que nous croyons qu'il révèle bien les difficultés d'application technique de la confessionnalité dans les structures unifiées.

M. LE PRESIDENT: M. le ministre de l'Education.

M. CARDINAL: Merci, M. Angers. Merci à la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Je ne parlerai que de quelques points, parce que, évidemment, le débat de fond s'est déjà fait en partie à deux séances de cette commission et se fera certainement à l'Assemblée nationale, au moment des deuxième et troisième lectures. Mais, je voudrais prendre quelques points, et rapidement, pour permettre à tous les groupes de s'exprimer., je voudrais relever les choses suivantes. Premièrement, le mémoire semble reprocher au gouvernement de ne pas avoir consulté les parents et de ne pas le faire. Notons que ce projet de loi — je l'ai dit et je le répète — est dans la ligne du rapport Parent et des recommandations du conseil supérieur de l'Education; aussi, en partie, dans la ligne de certaines recommandations du rapport Pagé, et je ne citerai pas d'autres organimes. Je ne cite que ceux-là parce que la Commission royale d'enquête sur l'éducation, avant 1966, a fait son rapport à la suite de séances publiques où les gens ont pu se faire entendre. En annexe du journal des Débats du 11, on cite des statistiques sur les organismes qui se sont fait entendre et qui étaient favorables ou non à des commissions scolaires uniques.

Deuxièmement, le conseil suérieur de l'Education a parcouru la province pour entendre la population, y comprenant les parents, et a fait des recommandations dans le même sens.

Troisièmement, présentement, dans le diocèse de Montréal, on sait qu'il y a une consultation qui a été demandée par l'évêque de Montréal; on sait que de nombreux groupes qui présentent devant nous des mémoires ont consulté leurs membres. Je suppose que tous ceux qui représentent des groupes ont consulté leurs membres; dans le cas de la Saint-Jean-Baptiste on le sait, c'est le congrès de mars 1969. La consultation se poursuit présentement, alors que nous avons déjà environ de 65 à 75 mémoires devant nous. Si on prend le total de toutes les personnes représentées par les organismes qui viennent, ça commence à être une consultation importante. Je ne peux pas admettre que quelqu'un, parce qu'il est membre de la Saint-Jean-Baptiste, ne soit pas considéré comme parent, ou s'il est membre de l'association des principaux d'écoles ou toute autre chose. Cette consultation se poursuivra durant les autres séances de la commission, elle se poursuivra par le questionnaire qui va être distribué et par d'autres enquêtes qui pourront être faites si besoin en est. Elle se poursuivra à l'Asemblée nationale, parce que quand même — ici, on n'est peut-être pas d'accord — mais les représentants mandatés qui sont à l'Assemblée nationale, ils ont été élus et ils ont été élus avec un certain nombre de politiques. Ils ont eux-mêmes indiqué un certain nombre de choix et, par exemple, dans le cas de la restructuration scolaire de Montréal, ceci n'est pas un phénomène nouveau dans l'Union Nationale, puisque c'est à la suite des travaux des divers commissions et comités que j'ai indiqués que ce gouvernement-là a lui-même constitué la commission de la restructuration scolaire de l'île de Montréal. Je n'accepte donc pas que l'on dise que l'on impose une loi sans consultation. Au contraire, il va falloir tenir le milieu entre une consultation interminable et l'adoption de la loi. Sur ce point, je ne puis pas accepter ce reproche, ni pour le gouvernement, ni pour l'Assemblé nationale.

Le deuxième point, c'est qu'il est exact que l'on nous a cité souvent des paroles ou des écrits venant d'évêques ou de l'Eglise ou autre chose. Dans ces textes, l'on parle beaucoup d'écoles, et l'on parle très rarement, à ma connaissance, de commissions scolaires. L'on parle parfois de structures, d'accord.

Sur ce point, la Société Saint-Jean-Baptiste est fort honnête, puisqu'elle dit: Ce n'est peut-être pas cette structure qui va sauvegarder l'école catholique. On ne fait pas de proposition concrète à ce sujet-là. On vous demande de le trouver. Alors, vous ne faites pas cette confusion que d'autres organismes font sans cesse en considérant la commission scolaire comme le rempart de l'école catholique.

Vous nous félicitez d'avoir séparé les projets de loi 62 et 63. Je me permets une question qui contient peut-être une part de méchanceté. Je me demande quelle aurait été l'attitude de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal si on n'avait pas séparé les questions et si on les avait mises dans un seul et même projet de loi. J'ai senti à quelques moments dans ce mémoire des attitudes différentes vis-à-vis de chacun des deux projets de loi. Encore une fois, on pourrait discuter longuement des droits des parents. A partir de la Déclaration des droits de l'homme, on peut dire: Il n'y a rien dans ce texte-là sur la langue, sauf telle chose; il y en a peu où il y en a sur la religion. Donc, on peut avoir, sur le bill 63, une attitude quant à la liberté linguistique et on peut en avoir une autre quant à la liberté du choix de la foi.

Là, il y a une question de cohérence. Il y a une autre chose, à ce sujet, que je veux souligner. Je ne crois pas, personnellement — on me corrigera; il y a des gens de l'Opposition en face de moi — que le gouvernement et l'Assemblée nationale aient fait ce que vous appelez "la proclamation juridique du bilinguisme officiel au Québec". C'est une interprétation du projet de loi 63 que je respecte, mais je trouve l'affirmation forte et cette attitude difficile à concilier avec votre attitude quant à la confession.

Est-ce que, en conclusion, il faudrait un référendum pour l'Etat chaque fois que, dans l'élaboration de ses politiques, il a une décision importante à prendre? C'est une question qui est discutée à une autre commission. Mais, je dirais ceci : A cause de son caractère radical — et je n'en cache rien — nous avons désiré au gouvernement que le projet de loi 62 ne se réalise qu'après une véritable consultation et nous employons tous les moyens que nous pouvons pour la faire. Cependant, le gouvernement devait indiquer des politiques précises et des objectifs précis en présentant un tel projet de loi. C'est à partir de ceci qu'il peut voir la réaction d'une population donnée.

Encore une fois, je pense que c'est à l'Etat, représenté par l'Assemblée nationale, par les députés, de prendre la décision, d'autant plus que tout le monde sait qu'ils auront un examen à subir bientôt et que, par conséquent, ils en subiront les conséquences. Ces deux lois n'étant que des lois — je ne dis pas cela à titre de consolation — s'il fallait qu'il y ait un changement radical de tout le gouvernement ou même sans cela, on pourrait toujours les amender. Il n'y a rien là-dedans qui touche des droits constitutionnels. Ce ne sont que des moyens pour atteindre certains objectifs. Je ne referai pas le débat du projet de loi 63. Je vais laisser de côté ce qui se rapporte à ce qui est maintenant une loi.

Je laisserai la parole à l'Opposition ou aux autres députés qui désireraient intervenir. Votre mémoire va, quand même, vraiment au fond des choses. C'est ce qu'a à faire ici le gouvernement. Je pense que je me suis assez longuement exprimé. Je n'ai pas l'intention, d'ailleurs, de cesser de le faire. Le député d'Ahuntsic ne cesse de m'encourager à continuer dans cette bonne voie. Il a encore dit, lundi soir, à la radio: A l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, on aura l'occasion de s'exprimer longuement sur ceci. Non pas que je veuille éviter une discussion, mais je ne veux pas reprendre la même discussion à l'occasion de chacun des mémoires qui portera sur l'unification des commissions scolaires.

M. ANGERS: Je conteste fortement l'interprétation du ministre sur ma façon de traiter des droits fondamentaux qui sont garantis par la charte des droits de l'homme. Je suggère que pour faire le test, vous essayiez de faire une loi qui restreindrait la liberté de la presse et que vous procédiez comme vous le faites.

M. CARDINAL: Faisons-nous une loi qui restreint la liberté des parents?

M. ANGERS: Compte tenu des structures confessionnelles, oui.

M. CARDINAL: C'est justement ça, le fond de la question.

M. ANGERS: M. le ministre, c'est vrai que vous avez entendu beaucoup de mémoires. Si vous dites: Nous allons respecter — parce que nous croyons que c'est le voeu de la population — toutes les réclamations en matière de formes d'organisation pour protéger la confes-sionnalité qui nous sont suggérées, je n'insisterais pas davantage.

Mais si vous me dites: Nous allons prendre la majorité des mémoires et nous allons donner la forme que la majorité approuve, je conteste.

M. CARDINAL: Vous avez raison, je n'ai jamais dit cela et je ne le dirai jamais.

M. ANGERS: Je conteste ça tout de suite parce que, évidemment, si vous croyez — vous avez le droit de le croire — que l'ensemble des associations qui vont venir vous demander des structures confessionnelles ne représentent qu'une minorité insignifiante de la population et que, par conséquent, il n'y aurait pas lieu de leur donner des écoles confessionnelles, il faut leur dire: Si elles en veulent, qu'elles se donnent des écoles privées, ça ne compte pas. Mais si vous voulez conclure ça des mémoires qui vous sont présentés, je vous dis que ça ne marche pas. Ou vous utilisez ces mémoires parce que vous dites: Oui, cela représente des opinions et on donne aux gens ce qu'ils veulent, ou alors vous êtes obligé d'aller à une consultation plus profonde pour vraiment déterminer ce que réprésentent ces associations, parce que vous en

avez, des gens qui vous demandent des structures confessionnelles.

M. CARDINAL: C'est exact, et il y en a d'autres qui demandent le contraire.

M. ANGERS: C'est ça, il s'agit d'une liberté fondamentale. C'est pour ça que je n'accepte pas du tout votre thèse: nous présentons un projet de loi, nous le votons et nous serons battus aux prochaines élections. Un procédé comme celui-là serait terrible pour détruire toutes les libertés...

M. LEFEBVRE: Ce serait un bien pour la province.

M. ANGERS: Et c'est pourquoi je vous suggère d'essayer cela avec une loi qui restreindrait la liberté de la presse, parce que là, vous allez voir ce que vont vous dire les journalistes. Vous allez voir quelles défenses ils vont apporter. Autrement dit, je ne crois pas que l'Etat ait le droit de restreindre une liberté fondamentale et de dire: Nous allons aller à l'élection et si nous sommes réélus, elle sera restreinte. Je ne crois pas que nous puissions...

M. CARDINAL: N'allons pas jusque là, attention! Si nous prenons une association en particulier, par exemple l'Association des parents catholiques, j'ai posé la question précisément et publiquement à son président. Quand il dit qu'il représente tant de milliers de membres je suis d'accord, mais la majorité des membres, il ne peut pas me dire s'ils sont à Québec, à Montréal ou à Joliette. Le projet de loi 62 s'applique à Montréal. Je parle de la population de Montréal et vous êtes la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal. Là, ça va bien. Mais attention aux associations! Il ne s'agit pas ici d'une loi qui s'applique ailleurs que sur un territoire bien défini.

M. ANGERS: C'est ce que je vous dis, M. le ministre. Je ne vous conteste pas le droit de nier leur représentativité pour ne pas leur donner ce qu'ils demandent. Mais alors, vous avez le devoir de consulter directement les intéressés, parce qu'il s'agit d'une loi qui régit une liberté fondamentale. Après tout, on a beau dire que les structures ne sont pas touchées, quand on revendique le droit pour les parents de ne pas accepter l'école publique pour les catholiques — c'est ce que revendique l'Eglise — et de se faire des écoles catholiques à leur goût et de demander des subsides au gouvernement, ça veut dire qu'on estime en somme que les parents ont le droit de se prononcer sur les structures.

M. CARDINAL: Attention! Vous avez dit écoles. Connaissez-vous une seule autre province au Canada où on a un tel droit, où on a des commissions scolaires confessionnelles au sens de celles que nous avons?

M. ANGERS: Il y a des écoles séparées, il y a des syndics d'écoles.

M. CARDINAL: Revenons à la réalité. Je connais l'Ontario. Des écoles séparées, il y en a où, il y en a combien et sur quels territoires? Je ne nie pas ces choses, mais quand vous parlez d'un droit que vous qualifiez d'inaliénable, disons que je serais d'accord avec votre inaliénabilité du droit, mais il faudrait justement savoir quelle est la substance, la portée, la limite de ce droit qui est inaliénable. Et ce droit, c'est celui qu'ont les parents de choisir la foi dans laquelle leurs enfants seront instruits.

M. ANGERS: Non, non. D'avoir les écoles de leur choix, selon leur désir. Remarquez bien le principe de subsidiarité. Je parle des catholiques; d'autres groupes peuvent avoir d'autres conceptions. Mais c'est leur conception et nous devons la respecter. C'est ça, la liberté, dans ce cas. Je dirais que nous sommes là devant un problème comme la liberté de la presse, la liberté de conscience. Si les gens ne sont pas dans la voie droite à notre point de vue, il faut quand même respecter leur voie parce que c'est la leur. C'est là qu'est le problème.

M. CARDINAL: Vous contestez mon opinion, en fait, qui n'est pas que la mienne. Ce que je conteste, c'est que vous disiez — le mémoire le laisse entendre et vous venez de le dire clairement — que le projet, tel qu'il est rédigé, vient totalement à l'encontre d'un droit fondamental. Je dis que je ne suis pas d'accord parce que c'est la question des voies et moyens qui se pose et on ne s'entend pas sur la définition des voies et moyens.

Je respecte, évidemment, l'opinion de la Société Saint-Jean-Baptiste, comme je respecte toutes les opinions que j'ai entendues ici. Lorsque je dis que je ne veux pas faire un débat de fond, c'est que je ne puis pas commencer, avec chaque association ou chaque groupe de parents, un débat sur le fond de cette question.

Nous présentons une politique qui, je pense, est bien définie sur ce point. La commission scolaire unique, cela me paraît clair. Les voies et moyens de la réaliser, nous pourrons en discuter, et je fais confiance à l'Opposition pour en discuter.

M. ANGERS: M. le ministre, je vous concède que la loi en elle-même, présentée dans le public, est un procédé tout à fait démocratique.

M. CARDINAL: Ah, bon!

M. ANGERS: Mais à une condition. Vous avez quand même fait une déclaration qui disait: Nous changerons la loi sur certains

points, mais sur la commission scolaire unique, nous ne la changerons pas. A ce moment-là, vous avez pris une position qui met le problème en cause.

M. CARDINAL: C'est ce que je viens de dire. J'ai indiqué très clairement la politique du gouvernement, sans ambiguïté. Je pense qu'on ne peut pas me le reprocher.

M. ANGERS: A ce moment-là, je vous dis que cela viole la liberté des parents qui ne veulent pas cette structure.

M. CARDINAL: C'est votre opinion.

M. LE PRESIDENT: L'honorable député d'Ahuntsic.

M. LEFEBVRE: M. le Président, on a bien raison de dire que la vie a encore ses bons moments. J'attire l'attention des personnes présentes sur le fait que jamais ministre, à ma connaissance, n'a autant tendu les bras vers l'Opposition pour qu'elle vienne à son secours. Il y a une justice immanente: Le ministre sait fort bien qu'il appartient à un groupement politique qui a largement fait les dernières élections en répandant la rumeur à travers la province que le gouvernement libéral avait enlevé les crucifix des écoles.

M. CARDINAL: M. le Président.

M. LEFEBVRE: M. le Président, la liberté de parole existe-t-elle?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. CARDINAL: Oui, je vous laisse repartir tout de suite après. Le député d'Ahuntsic, à la dernière séance ou à cette séance, sauf de très légers écarts, a été remarquable par son objectivité et l'absence de relents partisans dans ses discours. J'aimerais qu'il délaisse les sentiers qu'il est en train de prendre pour revenir à ceux qu'il avait jusqu'à présent conservés avec tant de sérénité.

M. LEFEBVRE: Je remercie le ministre de ses implorations. Mais justement, il m'a tellement félicité, la dernière fois, que j'étais devenu suspect pour mes collègues. Blague à part, M. Angers me connaît bien, il y a vingt ans que nous croisons le fer ensemble car nous avons rarement été d'accord. Pour ma part, j'ai une expérience assez concrète de l'administration scolaire à Montréal, et également des problèmes d'Eglise, car je suis moi-même, comme lui, un catholique pratiquant.

Je laisserai au ministre le plaisir de se défendre parce que je pense que la médecine que son groupe nous a servie, c'est à lui de trouver le moyen de s'en sortir. Quant à moi, je pense que M. Angers semble connaître assez mal la situation scolaire à Montréal. Je pourrais facilement répliquer sur un bon nombre de points qu'il a mentionnés, mais, encore une fois, c'est le projet de loi du gouvernement, que le gouvernement s'explique. Quant à nous, lorsque viendra le temps de voter en Chambre, nous aurons à voter, mais malgré les invitations fort aimables du ministre, je ne ferai pas son travail.

M. le Président, je voudrais féliciter M. Angers et la Société Saint-Jean-Baptiste sur un paragraphe en particulier, à la page 6 du rapport, concernant la formation du conseil scolaire. Je crois que nous sommes tout à fait d'accord, et j'apprécie hautement le fait que la Société Saint-Jean-Baptiste ait jugé opportun de souligner ce point. J'espère que le ministre finira par entendre raison parce que c'est l'un des points sur lequel, je le répète, il y a unanimité.

J'aurais une question à poser à M. Angers au sujet du paragraphe 2 de la page 19. Vous dites, dans votre mémoire, que les commissions scolaires soient les vrais propriétaires des biens immobiliers qui leur sont nécessaires pour l'accomplissement de leurs fonctions, mais que le Conseil scolaire de l'île jouisse du pouvoir de centraliser les renseignements sur l'usage de ces biens et d'intervenir pour en reviser la distribution en cas de besoin.

M. Angers, voulez-vous indiquer par là que, selon vous, les commissions scolaires devraient conserver la juridiction principale en ce qui concerne la construction, la planification, la construction des écoles, leur entretien et le reste?

M. ANGERS: Pas nécessairement la construction, la propriété des écoles construites et leur administration pour le fonctionnement de l'école. Autrement dit, qu'elles aient leurs biens à elles et qu'elles puissent les utiliser sans être obligées tout le temps d'avoir des références à un organisme central qui est propriétaire et qui peut intervenir de toutes sortes de façons. Le problèmes qui se pose, je pense, problème qui a été posé par tous, c'est qu'il y a des inégalités à Montréal, il y a des sous-utilisations, des surutilisations, il faut que ça soit compensé. Je dis donc: Trouvons un moyen administratif de compenser, mais laissons aux commissions scolaires, une fois que la compensation est faite, une fois qu'on l'a revisée, laissons-les avec leurs biens administrer leurs écoles et fonctionner normalement.

M. LEFEBVRE: Est-ce que vous ne croyez pas qu'il y a une sorte d'anomalie à séparer la fonction de planification de la construction et de l'entretien, par exemple, et la propriété, parce que si vous donniez effectivement, à chacune des onze — vous, vous n'avez pas parlé

de chiffres, mais je suppose que vous êtes d'accord avec un chiffre variant de 7 à 13, peu importe...

M. ANGERS: Je n'ai pas parlé de chiffres parce que, étant donné les suggestions que nous faisons sur le plan confessionnel, il peut y en avoir une ou deux de plus.

M. LEFEBVRE: Bien disons qu'on parle entre 7 et 13, peu importe, le raisonnement, à mon avis, serait le même.

M. ANGERS: C'est ça.

M. LEFEBVRE: Ce que je veux prouver, au fond, c'est qu'une fois de plus, le ministre n'a pas fait son travail. Si le ministre avait fait son travail, à mon humble avis, un groupe responsable comme la Société Saint-Jean-Baptiste aurait fort bien compris les raisons pour lesquelles il est impérieux que ce soit le conseil scolaire qui ait la responsabilité et de la planification de la construction et de l'entretien des écoles. Quiconque est moindrement familier — vous n'êtes pas tenu de l'être, mais le ministre est tenu de l'être — quiconque est le moindrement familier avec les problèmes d'administration scolaire admettra, je pense, que vous pouvez difficilement séparer les fonctions d'entretien et de construction, par exemple.

Je veux dire que, quand vous avez la responsabilité d'un certain nombre de bâtiments, vous devez avoir un personnel, vous devez avoir tout un système pour l'entretien, et si vous avez la propriété d'un certain nombre de bâtiments, vous avez également le droit d'en disposer. Ce que je veux dire, c'est que cette fonction de répartition des équipements, ça m'apparaît à moi et, à mon avis, ça devrait apparaître, mais c'est au ministre à faire la preuve. Or, je prétends, depuis le début de ces audiences, que le ministre n'a pas accompli son travail, qu'il n'a pas exposé à la population les raisons profondes de certaines dispositions et, en particulier de celles-là, que nous approuvons, nous, sans réserve, parce que nous la croyons conforme à toutes les études qui ont été faites, et nous la croyons émerger directement, si vous voulez, des nécessités administratives. Mais ce n'est pas vous que je blâme, je blâme le ministre de ne pas avoir suffisamment fait comprendre à la population pourquoi il fallait un conseil scolaire qui ait telle et telle juridiction; encore une fois, je pense que sur ce point-là, la preuve était très facile à faire. Le ministre ne s'est même pas donné la peine de le faire.

M. ANGERS: Je ne la vois pas beaucoup, moi, parce que, entre la construction et l'entretien, la construction, ça se fait une fois pour toutes. Que les commissions scolaires transmettent leurs besoins à un conseil scolaire qui veut bâtir des écoles, je vois que ça peut se faire, mais que les commissions scolaires soient ensuite propriétaires de leurs biens et fonctionnent avec, parce qu'au point de vue de l'efficacité administrative, ça me paraît supérieur, je ne vois pas d'objection à ça, sauf les problèmes qui surviennent de temps à autre.

M. LEFEBVRE: Mais pourquoi, dans un gouvernement, M. Angers...

M. ANGERS: L'Ecole des hautes études, par exemple, ce n'est pas le conseil d'administration qui l'a construite, c'est le gouvernement, puis celui-ci l'a donnée à un conseil d'administration qui s'en sert.

M. LEFEBVRE: Pourquoi, dans un gouvernement comme celui du Québec, est-ce le ministère des Travaux publics qui est chargé des constructions pour tous les autres ministères? C'est parce qu'autrement, chaque ministère devrait avoir un service de construction et d'entretien des bâtisses. Je veux dire que ça m'apparaît une chose relativement simple, mais, encore une fois, je prends ça à titre d'exemple. J'aurais pu en prendre de plus compliquées, mais j'ai plaisir à voir le ministre se débattre avec ces problèmes. Je ne veux pas l'aider outre mesure, ce n'est pas ma fonction, mais il me semble que, sur un point aussi simple, son message aurait été facile à communiquer à l'ensemble de la population. Vous n'êtes pas le seul groupe, il y en a plusieurs qui ont dit ça, que ce serait mieux que les bâtisses soient administrées ou les écoles soient propriété des commissions scolaires. Encore une fois, je pense qu'avec les renseignements dont le ministre dispose, la preuve est très facile à faire que, tout logiquement et indépendamment de toutes les autres considérations sur la confessionnalité, la langue, etc., du strict point de vue administratif, les équipements scolaires, les bâtiments c'est absolument logique, à mon avis, que ce soit la responsabilité du conseil scolaire. Je prends ça à titre d'exemple.

M. CARDINAL: Me permettez-vous, M. le Président, à ce sujet-là, d'intervenir?

M.ANGERS: Je ne vois pas du tout cette logique-là moi.

M. CARDINAL: Je passerai au député d'Ahuntsic mon agenda des rencontres à Montréal, parce que c'est là que le projet s'explique. D'ailleurs, lui-même m'a vu à une émission et a participé avec moi à une autre émission; à ce moment-là, je lui ai parlé des groupes que j'avais rencontrés et des émissions que j'avais faites. Je n'accepte pas ce reproche. On dit que d'autres groupes ont soutenu la même chose; à ma connaissance, il y a les parents catholiques, l'Association des principaux, tantôt —et avec beaucoup de nuance — et la Société Saint-Jean-

Baptiste. Dans les deux cas, la Société Saint-Jean-Baptiste et les parents catholiques ont la même opinion pour la même raison fondamentale qui revient à ceci: c'est que dans leur système de pensée — et vous me corrigerez si j'interprète mal— l'école catholique se place dans une structure catholique avec des bâtiments qui lui appartiennent, un équipement qui lui appartient, pour qu'il y ait un contrôle presque parfait sur les enseignants, qui devraient être eux-mêmes catholiques, sur les manuels, qui devraient être catholiques, et sur l'édifice. On le voit dans votre mémoire, l'on conçoit difficilement qu'il y ait, dans un même édifice, d'autres personnes que des enseignants et des étudiants catholiques. Parce qu'à compter du moment, dans ce système de pensée, où l'on mêle, dans une même école, des gens qui sont catholiques, protestants et autres, l'on n'a plus une école catholique au sens où on interprète, où l'on croit interpréter la position de l'Eglise à ce sujet. La question des bâtiments en soi, je l'ai dit tantôt à l'association qui vous a précédés, n'apparaît pas, dans le système que préconise le projet de loi 62, pouvoir être changée.

La vie de tous les jours au ministère de l'Education, comme la vie de tous les jours à la CECM lorsque le député d'Ahuntsic y était, nous prouve, au contraire, que ce n'est pas le fait de construire un édifice, de le transporter après à un CEGEP, à une université ou à une commission scolaire qui règle le problème, puisque la vie étudiante est continuellement mouvante et que ce qui est exact, comme équipement dans un territoire donné aujourd'hui, pour satisfaire une population donnée, divisée selon la langue, la religion ou pas, mais divisée sur le territoire donné, dans dix-huit mois ou dans deux ans ou dans trois ans peut être complètement renversée à cause des mouvements de population. Pourquoi les Italiens se sont-ils dirigés vers Saint-Léonard? Pourquoi les francophones ont-ils quitté Notre-Dame-de-Grâce et que beaucoup de gens qui étaient de nouveaux arrivés se sont lancés dans l'ouest de Notre-Dame-de-Grâce? Pourquoi Outremont, qui a été longtemps une ville où il y avait une majorité anglophone, est-elle devenue une ville à majorité francophone? Pourquoi, dans le nord de Montréal, se sont établis surtout, à un moment donné, des Canadiens français lors de l'expansion de la ville de ce côté? Il y a une multitude de raisons sociologiques, mais ces raisons font aujourd'hui que ça varie. Le nombre d'étudiants et la natalité dans chacun de ces groupes, d'ailleurs, sont variables. Ils sont variables d'un groupe à l'autre, ils sont variables dans le même groupe, de périodes à d'autres. Si bien que ce qu'on voit aujourd'hui, ce n'est pas la résultante de cent ans. Certains des problèmes constatés aujourd'hui dans les commissions scolaires d'Outremont, de ville Mont-Royal et de Montréal sont les résultantes, tout simple- ment, des cinq dernières années. Quand vous constatez que la division territoriale où des commissions scolaires sont propriétaires conduit à des situations aussi ridicules qu'il n'y a pas d'écoles polyvalentes ni pour les garçons ni pour les filles dans un territoire comme celui d'Outremont, c'est pour des raisons qui sont tout autres, c'est à cause du rôle des institutions privées sur ce territoire-là, par exemple. S'il y a quelque chose que je veux prouver, c'est qu'il y a toujours chaque fois un groupe de raisons prévisibles ou imprévisibles qui fait que les équipements doivent — au sens français du terme — être très souples et doivent pouvoir servir à toute la communauté, parce que payés par toute la communauté. Si l'on poursuivait plus loin le raisonnement et que les commissions scolaires, sur une base confessionnelle, devaient posséder leurs immeubles, il faudrait que la taxation le demeure, parce qu'on n'admettrait pas, dans aucun groupe, que les groupes fassent de la péréquation pour les immeubles et l'on retomberait dans les situations où nous sommes actuellement, ou certains groupes auraient un équipement meilleur qu'un autre groupe. C'est le point fondamental de l'argumentation. Il a été dit à quelques reprises, il sera encore développé — je vous le promets — dans les semaines qui vont venir. Je suis d'accord avec le député d'Ahuntsic sur un point, il y a plusieurs choses dans le bill 62 — il est long — et expliquer chacun de ces articles à la population, c'est une chose qui est peu facile avec les moyens d'information que nous avons. Ce qui est possible, c'est plutôt de répondre aux objections de chacun des groupes ou de participer avec chacun des groupes à l'élaboration d'amendements ou à l'étude de certains sujets. J'ai été heureux que l'Alliance des professeurs, par exemple, m'ait invité, avec d'autres personnes qui n'étaient pas du tout du gouvernement, à leur mini-congrès pour avoir une réaction de leurs membres avant de se présenter devant la commission permanente. Tout en n'acceptant pas le reproche de M. Lefebvre qui, étant un habile politicien, sait faire de tout bois flèche, je pense que, sur le plan de l'équipement, vous êtes libres, à la Société Saint-Jean-Baptiste, et vous, M. Angers, de ne pas accepter notre raisonnement, mais sur ce plan du système de commission scolaire unique, avec le conseil métropolitain, et avec la situation qui existe à Montréal, et avec le système de taxation qui est modifié, ceci se rattache ensemble. L'on ne peut pas changer ceci, à moins, encore une fois, de changer la substance du projet de loi, ou les moyens mêmes d'atteindre à certains objectifs, dont l'égalité des services dans tous les domaines.

M. ANGERS: M. le Ministre, je dois dire d'abord que vous n'avez pas du tout bien traduit notre pensée. Cette remarque-là, qui est dans une partie particulière, n'a aucun rapport

avec la confessionnalité de l'école, mais bien avec l'efficacité administrative. En somme...

M. CARDINAL: Cela apporte une précision.

M. ANGERS: ... qu'est-ce qui se passe dans la loi que vous faites? Vous prenez les commissions scolaires anciennes et vous répartissez leurs pouvoirs en trois catégories: une catégorie au conseil scolaire, une autre à la commission scolaire et une catégorie au comité d'école.

M. CARDINAL: Grosso modo.

M. ANGERS: Alors, en somme il s'agit de savoir si on a de la souplesse dans la façon de régler l'attribution des pouvoirs ou si l'on n'en a pas. Et dans les arguments que vous apportez, moi, avant d'être convaincu —parce que j'ai l'expérience de ce genre de travail-là — je demanderais à avoir, non pas seulement des raisonnements abstraits sur des situations, mais des données concrètes pour voir quelle importance réelle ces données concrètes ont dans le temps. Souvent, on raisonne sur ces problèmes-là et on centralise trop. On pose des arguments trop en général et il n'y a pas de relation de cause à effet entre les problèmes. Par exemple, à Saint-Viateur d'Outremont, il n'y a pas d'école polyvalente, pour prendre un des points que vous avez donnés. Il n'y a pas de relation de cause à effet entre cette situation-là et le fait que les commissions scolaires seraient propriétaires de leurs biens. C'est un autre problème.

Alors, comme je vous le dis, si je devais prendre tout ce que vous avez dit et en faire la discussion serrée sur le plan technique, on verrait qu'un bon nombre des arguments que vous avancez en faveur de cette formule n'ont pas trait au véritable problème. Et au fond ce seraient les analyses concrètes qui permettraient de voir si le phénomène est si important, en fait, chaque année...

M. CARDINAL: Si important, chaque année! Nous le savons, au ministère, et je vous invite à la direction générale de l'équipement, à voir tous nos dossiers, à voir quelle est la situation à Montréal.

M. ANGERS: ... et voir si ça implique cette solution-là, nécessairement. C'est là qu'est le point.

M. CARDINAL: Cela, c'est un autre point. M. ANGERS: Alors, c'est un raisonnement...

M. CARDINAL: C'est un point que j'appelle de voies et moyens où la discussion, évidemment, a cours...

M. ANGERS: Pas seulement d'opinions, de nécessité.

M. CARDINAL: Justement c'est là... c'est une opinion.

M. ANGERS: C'est sur ce point-là que j'en discute, et je ne suis pas convaincu, moi, de la nécessité de donner la totale propriété au conseil scolaire...

M. CARDINAL: Pardonnez-moi, M. Angers, comme je le disais tantôt,...

M. ANGERS: Par les arguments.

M. CARDINAL: ... j'ai déjà discuté avec vous d'autres sujets; nous nous sommes trouvés parfois du même côté de la table, parfois à des côtés différents, dans des circonstances différentes. Je sais que vous n'êtes pas à bout d'épuiser vos arguments, que vous n'êtes pas facile à convaincre, et je respecte vos opinions, mais je pense qu'il faut regarder l'heure et ne pas faire un débat à deux ou à trois sur chacun de ces points-là.

M. ANGERS: Parce qu'il faudrait évoquer les problèmes que ça va poser, dont on ne parle pas à l'heure actuelle sur le plan administratif.

M. LEFEBVRE: Sur la question de fond soulevée par M. Angers, le problème de la confessionnalité, j'avais lu le mémoire, je l'ai réentendu, j'ai un certain nombre de notes. En temps et lieu, peut-être que je ferai connaître mon opinion là-dessus, mais pour le moment, la remarque que je me permettrais de faire à M. Angers, c'est que le député de Montmorency, que vous avez invoqué comme autorité tout à l'heure pour juger de l'évolution du sentiment religieux à Montréal, n'est peut-être pas l'autorité la plus compétente. Je crois que la spécialité du député de Montmorency ce serait plutôt de juger la fidélité du gouvernement de l'Union Nationale en matière de confessionnalité. Là-dessus il est pas mal bon.

M. TREMBLAY (Montmorency): M. le Président je suis tout à fait surpris que...

M. ANGERS: Remarquez bien qu'encore là...

M. TREMBLAY (Montmorency): ... l'Opposition officielle libérale ne soit pas tout à fait d'accord avec le gouvernement sur la question de la confessionnalité. Si elle réserve son opinion, ce sera tout simplement pour confirmer tout à l'heure qu'elle approuve intégralement les politiques du gouvernement, en l'occurrence. J'entendais le ministre, tout à l'heure, invoquer cette consultation des parents. Je me demande si cette consultation que l'on invoque, on en a toujours tenu compte.

Il y a eu le rapport Parent, le Conseil supérieur de l'éducation, de multiples occasions

en fait, où ces consultations des parents sont restées lettre morte; on n'en a pas tenu compte du tout par la suite.

Après avoir discuté et après avoir eu de longs palabres à l'occasion de l'étude de cette loi, il ne faudrait pas qu'il n'y ait absolument rien de positif de fait dans le sens de la volonté de la majorité et de la volonté des parents. Enfin, vous avez affirmé que, pour certaines questions, la commission scolaire unifiée, c'était un principe fondamental et essentiel auquel vous teniez dans cette loi. La question confessionnelle est un aspect fondamental et essentiel. Même si je ne suis pas une autorité en matière confessionnelle, j'ai tout de même des convictions; je pense que le député d'Ahuntsic en possède lui aussi. J'espère que le gouvernement saura reconnaître, enfin, la valeur des exposés des organismes qui représentent les parents et qui fournissent ici des études sur la question. Alors, M. le ministre, indépendamment de ce que peut dire le député d'Ahuntsic, qui a droit à son opinion que je considère valable de temps à autre, j'espère que le gouvernement saura apporter, à la lumière des exposés qui seront faits, des améliorations que tout le monde estime nécessaires à cette loi no 62.

M. TETLEY: M. le Président, puis-je poser une question à M. Angers? D'abord, j'ai bien aimé votre mémoire, M. Angers, et surtout vos suggestions au sujet du conseil de l'île de Montréal, etc. J'espère que le ministre va les suivre, mais, à la page 19, troisième conclusion, vous préconisez plusieurs commissions scolaires. Combien de commissions scolaires préconisez-vous? Conserveriez-vous les 42 qui existent à l'heure actuelle sur l'île?

M. ANGERS: Non. Non. Nous n'avons pas pu déterminer de nombre, parce qu'avant de déterminer un nombre il faudrait savoir combien de parents veulent des commissions scolaires catholiques et combien n'en veulent pas, etc. Quand on connaîtra la volonté des parents, on pourra construire. Je crois que c'est comme cela qu'on doit travailler. On doit construire quelque chose qui est fonctionnel et qui, administrativement, donnera le meilleur rendement possible. Il y a une allusion, un peu avant dans le mémoire, au fait qu'on pourrait garder les 11 commissions scolaires actuelles comme base et en faire 11 commissions scolaires pour les catholiques de langue française ou selon la majorité, avec une possibilité de dissidence. La dissidence peut être rattachée à une autre commission scolaire. Alors, là, cela peut être deux ou trois commissions scolaires de plus. Ça dépend du nombre. Il faudra les dénombrer. Le problème n'est pas aussi sombre qu'autrefois. Il n'y a plus seulement des catholiques et des protestants; il y a peut-être des catholiques qui veulent des écoles non confessionnelles et des protestants qui veulent des écoles non confessionnelles.

Il faudrait connaître les voeux de la population pour déterminer convenablement les structures. Il faudrait réduire le nombre des commissions scolaires — pour que cela ne soit pas émietté — et faire en sorte qu'elles ne soient pas trop grandes, non plus, pour qu'elles puissent être assez près des problèmes et administrer d'une façon convenable. Il faudra éviter l'excès de centralisation, en somme.

M. TETLEY: Une question supplémentaire. Je crois que plusieurs de vos membres sont favorables à l'unilinguisme. Lorsque vous parlez d'une commission scolaire confessionnelle catholique, est-ce que ce serait français ou anglais ou les deux ensemble?

M. ANGERS: Comme je vous l'ai dit, avec la loi no 63, que nous n'acceptons pas, les choses ne peuvent pas être définies. Toutes les commissions scolaires devraient être fondamentalement, à mon sens, françaises. Les Anglo-Canadiens, dont les privilèges devraient être définis d'une façon claire, devraient utiliser leurs privilèges par voie de dissidence. Au fond, ce serait le régime d'école commune, tel qu'il existe dans le reste du Québec, avec, cependant, une définition très claire de ce qu'est l'école pour les anglophones, du programme qu'on y donne de ceux qui ont le droit de la fréquenter. Seulement, à l'heure actuelle par la loi 63, on a donné à tous les parents la liberté totale de choisir. Même les Canadiens français peuvent demander des écoles anglaises.

Tout le monde peut demander des écoles anglaises. Tout le monde peut demander des écoles françaises. Alors, on est dans un fouillis indescriptible, en somme, par rapport au Québec qui doit rester français et qui, pour la première fois de son histoire, est juridiquement bilingue, je le répète, à mon sens, parce qu'il y a égalité absolue du choix des parents dans la loi. Sans rien enlever aux privilèges légitimes de la minorité anglophone, cela pourrait être réglé autrement. Ensuite, on pourrait définir les commissions scolaires. Comme c'est là, vous réclamez, vous, les anglophones, des commissions scolaires anglaises. Vous voulez un secteur linguistique. Il va donc falloir des commissions scolaires anglaises d'un côté, des commissions scolaires françaises de l'autre côté.

M. TETLEY: Oui, mais c'est moi qui pose les questions.

M. ANGERS: Si, justement, la loi définit des privilèges, on pourrait avoir une loi comme dans l'Ontario. Il y aura des commissions scolaires qui seront la commission scolaire commune. Ensuite, on permettra à un certain nombre de contribuables anglophones de demander soit des classes anglaises, soit des écoles anglaises. Comme l'Ontario le fait pour les écoles françaises.

M. TETLEY: Donc, vous aurez au moins autant de commissions scolaires qu'il en existe à l'heure actuelle et plusieurs...

M. ANGERS: Quarante-deux?

M. TETLEY: Quarante-deux. C'est ce qu'il semble, avec les dissidences, parce que même aujourd'hui, il y a des commissions scolaires catholiques qui sont en charge d'écoles françaises ou d'écoles anglaises et vous aurez, suivant votre système de l'unilinguisme, si je comprends bien —je ne le juge pas, je voudrais tout simplement le comprendre — vous aurez aussi des dissidents catholiques, anglophones dans des districts comme Notre-Dame-de-Grâce qui est à 75 p.c. anglophone. Vous aurez, apparemment, des dissidents catholiques francophones. Donc, vous aurez...

M. ANGERS: Pas des dissidents.

M. TETLEY: Oui, enfin, vous aurez deux systèmes au moins. Vous en aurez peut-être plus de quarante-deux.

M. ANGERS: Non, c'est une question de division territoriale et de grandeur pour chaque commission scolaire.

M. TETLEY: Oui.

M. ANGERS: En somme, encore une fois, on ne peut pas faire ça dans l'abstrait.

M. TETLEY: Non, c'est ça.

M. ANGERS: Il faut avoir des normes et, après cela, on bâtit une structure qui est administrativement satisfaisante avec les services qu'on veut donner. Comme dans toute entreprise, on définit le produit qu'on veut fabriquer et, ensuite, on construit une structure administrative pour le fabriquer.

Or, quand on raisonne dans l'abstrait comme ça, on peut multiplier à l'infini les commissions scolaires. Mais, dans la pratique, je ne vois pas qu'il y ait besoin d'en avoir tant que ça, parce que justement cela va se réduire à des groupes dissidents dans certains coins, qui peuvent être ralliés parce qu'ils ne seront pas assez nombreux dans un coin. On peut faire une plus grande commission scolaire pour toute l'île de Montréal pour les catholiques, par exemple, pour les catholiques anglais si leur nombre est tel que cela demande...

M. CARDINAL: Si vous me le permettez, il n'y a rien d'abstrait ici, si on part des travaux...

M. ANGERS: C'est ça.

M. CARDINAL: Le journal des Débats du 11 donne toutes les populations anglaise, fran- çaise, catholique, protestante, etc., en annexe. La division qui a été faite et qui peut être modifiée, je l'ai dit, n'est pas faite à partir de théories; elle est faite à partir des statistiques qui peuvent être obtenues à Montréal, qui existent à la CECM, qui existent au Protestant School Board of Greater Montreal, qui existent au West Island et qui existent sur toute l'île de Montréal. C'est-à-dire que...

M. ANGERS: Dans la discussion, il ne s'agit pas des structures actuelles telles que vous les avez définies pour des commissions scolaires unifiées.

M. CARDINAL: Non.

M. ANGERS: Il s'agit de la division territoriale que l'on ferait pour un système où il y aurait des dissidences.

M. CARDINAL: Oui, d'accord, mais seulement, M. Angers et M. Tetley, il y a une chose...

M. ANGERS: Il faudrait faire le recensement pour le savoir...

M. CARDINAL: ... il y a une chose sur laquelle je crois devoir revenir, et je pense que nous devrons y revenir à chacune des séances de la commission et à l'occasion de chacun des mémoires.

J'ai toujours apporté avec moi la loi 63 et, chaque fois qu'il y a des questions de posées au sujet des garanties linguistiques ou des garanties religieuses, je rappelle quand même ceci: C'est qu'après l'adoption des deux lois nous serons dans un seul système de législation. Quand dans un mémoire, par exemple — ça s'est présenté à cette table — qu'est-ce qui nous est dit? Qu'il peut y avoir des écoles françaises et des écoles anglaises, des écoles catholiques, des écoles protestantes; c'est que l'article 2 du projet de loi 63 modifiait déjà l'article 203 — je m'excuse de le répéter, mais je suis obligé d'y revenir — et le projet de loi 62 modifie lui-même en entier l'article 203. Le total de l'article 203, du projet de loi 63 et du projet de loi 62 dit, en résumé — ce n'est pas mot à mot —: La commission scolaire doit donner un enseignement français, doit donner un enseignement anglais, doit donner un enseignement catholique, doit donner un enseignement protestant, doit donner un enseignement autre. C'est le total de ça qui fait que — nous en avons discuté à la première séance — il peut y avoir plusieurs combinaisons de ces choses-là. Mais...

M. ANGERS: Nous n'acceptons pas le bill 63.

M. CARDINAL: Vous ne l'acceptez pas, d'accord, mais je dis ceci, c'est qu'il faut le prendre dans un tout. Dans un sens, vous avez

raison d'invoquer la loi 63; on ne peut pas, en discutant du bill 62, faire comme si elle n'existait pas, elle existe.

M. LEFEBVRE: C'est ça, elle existe.

M. le Président, là où il y a un "credibility gap" — si on me permet ce mot de Bossuet — c'est que le ministre, en même temps qu'il affirme que le bill 63 prévoit quatre types d'écoles, se refuse entièrement, dans la logique de son bill 62, à fournir des explications concrètes sur les supports pédagogiques qui seront donnés à ces types d'écoles.

Le ministre se place dans une position absolument indéfendable, à mon avis, et c'est là que les gens — je suis convaincu, j'ai discuté privément et publiquement avec plusieurs groupes et de langue française et de langue anglaise et personne ne croit à la bonne foi du ministre sous ce rapport, c'est mon expérience et je le dis sans esprit partisan. Le ministre est bien plus miné dans l'opinion publique qu'il semble le croire, et je commence à me demander s'il n'est pas en train de se miner dans Bagot en plus. Mais ça, c'est son problème. Mais, sur la question fondamentale, encore une fois, le ministre vient de faire un raisonnement. M. le Président, un enfant de neuf ans à qui vous diriez: Tu vas avoir quatre sortes d'écoles, cela il le comprend. On dit: On comprend, d'accord. C'est ce que le bill est censé dire, d'après lui. Ce n'est pas tout à fait si clair que ça, mais disons que ce serait clair.

Maintenant, une école, ce n'est pas un bloc, ce n'est pas un jouet, c'est une institution qui doit dispenser un enseignement. Or, les gens, de très bonne foi, disent au ministre: Montrez-nous l'article qui nous prouve que nous allons avoir les quatre types d'écoles avec un support pédagogique convenable.

Que lisez-vous? Il y a un article qui dit: Dans chaque commission scolaire, il y a un directeur général, assisté d'un adjoint catholique, d'un adjoint protestant et d'un adjoint ni catholique ni protestant. Mais, où sont les garanties linguistiques sur ce point là? Aussi bien pour les Français que pour les Anglais, il n'y a pas de garanties linguistiques. Le ministre dit: Vous connaissez la population, vous savez comment la population est constituée. Je regrette, mais, quand vous allez à sa carte et aux onze districts, vous devez vous posez des questions. Il y a des choses qui sont évidentes. C'est pourquoi nous avons dit: Nous allons poser des questions aux gens, nous allons bien voir! Le ministre devrait se rendre compte — je ne veux pas anticiper les réponses des gens — mais ça m'étonnerait que les gens ne concluent pas à l'unanimité, à l'intérieur, encore une fois du schèma proposé par le ministre.

Si l'on n'accepte pas le schèma, c'est une autre affaire, A l'intérieur du schèma qui est proposé par le bill 62, la logique la plus élémentaire voudrait que l'on assure, au niveau des commissions scolaires, une direction pédagogique correspondant aux quatre types d'écoles. Autrement, on leurre les gens ou on leur cache quelque chose.

M. Angers a dit, dans son mémoire, que, d'après lui, le ministre cachait quelque chose. C'est également l'opinion des Anglo-Canadiens. Tout le monde a l'air d'être d'accord pour dire que le ministre ne joue pas cartes sur table.

M. CARDINAL: M. le Président, je regrette. D'après l'article 2 du bill 63, la commission scolaire est obligée de "prendre les mesures nécessaires pour que les cours d'étude du niveau de la première année à celui de la onzième année inclusivement, adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, protestantes ou autres... Cela a été prévu, à ce moment-là, dans le projet de loi no 63.

M. LEFEBVRE: On a lu tout cela.

M. CARDINAL: ..."selon le cas, soient dispensés, à tous les enfants domiciliés dans le territoire soumis à leur juridiction... "Il y a obligation, dans le projet de loi 63 — je l'ai dit à la fin, quand il y aura 63, plus 68 et 62 — il y a obligation, pour les commissions scolaires, dans ces lois-là, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer, on le dit ici, un enseignement français et un enseignement anglais. Le bill 62 ne parle pas des questions linguistiques, c'est exact.

Ce n'est pas parce que j'ai des idées cachées. J'ai dit une chose, au début de la séance d'aujourd'hui. J'ai dit, au sujet du projet de loi 63, que, la semaine prochaine, je rendrais publics les règlements pour l'application du projet de loi 63. Le gouvernement vient de les étudier. Ce sera connu dès la semaine prochaine, et d'ici là, s'il y a encore des choses qui paraissent occultes, cachées, ambiguës, etc., nous spécifierons davantage.

M. LEFEBVRE: Le ministre dit, somme toute, qu'il y a obligation pour un soldat de faire la guerre, mais seulement, il ne donne pas de fusil au soldat. Avec quoi fait-on la guerre quand on n'a pas de fusil? C'est exactement le problème.

M. CARDINAL: Ne jouons pas sur les mots. M. LEFEBVRE: Non, non.

M. CARDINAL: La loi dit: la commission scolaire...

M. LEFEBVRE: Oui, la commission...

M. CARDINAL: ... avant d'accepter une loi, devra prendre les dispositions nécessaires pour que...

M. LEFEBVRE: Bien oui.

M. CARDINAL: J'ai dit, en Chambre, qu'il y aurait des règlements pour compléter ce projet de loi.

M. LEFEBVRE: Je comprends cela, mais vous lisez l'article, encore une fois; tout le monde sait lire. Il n'y a pas que le ministre qui soit capable de lire un article de loi. Vous avez un directeur général et trois directeurs adjoints selon la confessionnalité.

M. CARDINAL: C'est 62.

M.LEFEBVRE: Il n'est pas question de langue, là.

M. CARDINAL: Non.

M. LEFEBVRE: Quelle garantie les gens ont-ils qu'il y aura les quatre types d'écoles que vous prétendez promettre à la population?

M. CARDINAL: Le projet de loi 63 a déjà adopté la réglementation qui va compléter.

M. LEFEBVRE: Oui, mais dans le projet de loi 63, il n'est pas question de direction pédagogique, voyons donc.

M. CARDINAL: C'est que vous avez tant aidé à l'améliorer.

M. LEFEBVRE: Non, ce n'était pas un projet de loi qui était fait pour cela; que le ministre ne cherche pas à noyer le poisson. Le ministre est en mauvaise position.

M. LE PRESIDENT: Nous étudions le bill 62, et il faudrait s'en tenir à cela.

M. LEFEBVRE: Il parle du bill 63 depuis dix minutes.

M. LE PRESIDENT: Je pense bien que nous avons pas mal vidé la question en ce qui concerne le mémoire de la Société Saint-Jean-Baptiste. Nous avons quatre autres organismes qui veulent se faire entendre, et il est déjà bientôt cinq heures vingt-cinq. A quelle heure reprendrons-nous?

M. CARDINAL: Nous avons convenu de reprendre à huit heures, et c'est ce que nous allons faire. Il reste cinq minutes si d'autres députés où d'autres personnes veulent s'exprimer sur le mémoire qui vient d'être présenté.

M. ANGERS: M. le Président et M. le ministre, je veux vous remercier de nous avoir entendu.

M. CARDINAL: Nous vous remercions d'être venus. Malgré les divergences d'opinion, votre mémoire est reçu comme les autres. La discussion, M. Lefebvre l'a dit, aura lieu largement bientôt. Alors, nous suspendons jusqu'à huit heures.

M. LE PRESIDENT: Huit heures.

Reprise de la séance à 20 h 6

M. CROTEAU (président de la commission de l'Education): A l'ordre, messieurs! Nous allons entendre le Congrès juif canadien. Je crois que c'est M. Morton Bessner qui est...

M. BERGER: Mon nom est Monty Berger, et je vais identifier les membres ici.

M. PEARSON: Je voudrais faire une suggestion, si la commission est d'accord — c'est libre à elle — une suggestion qui aurait pour effet, peut-être, d'accélérer les travaux de la commission. Cet après-midi, on a entendu à peine deux organismes publics venus présenter leur mémoire; pourtant, plusieurs avaient été convoqués. Alors, ça n'a pas de bon sens.

Est-ce qu'il n'y aurait pas possibilité que les organismes qui veulent se faire entendre, si le mémoire a une certaine longueur, qu'il ne leur soit pas nécessaire, une fois identifiés, de le lire au complet, mais que le mémoire soit automatiquement inscrit au journal des Débats, que la personne qui représente l'organisme public en fasse un bref résumé, peut-être de cinq à dix minutes au maximum, qu'elle lise les principales recommandations et, ensuite, qu'on passe à la période des questions? Lorsqu'on arrivera à la période des questions, les arguments invoqués dans les mémoires pourront être invoqués par celui qui représente tel organisme en particulier pour répondre aux questions, ce qui aurait pour effet de réduire sensiblement la longueur de la lecture des mémoires.

Qu'en pensez-vous?

M. LE PRESIDENT: Vous êtes d'accord? M. CARDINAL: D'accord.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je crois que la suggestion de mon collègue est excellente. Mais, je pense que cela serait important que nous entendions — je n'aurais pas d'objection à ce que nous prenions deux ou trois minutes pour ça — quelques-uns des porte-parole des groupes qui sont ici ce soir. Remarquez que je pense que c'est une suggestion qui pourrait difficilement s'appliquer ce soir, puisque la procédure n'était pas établie.

Mais, en fait, ce que le député de Saint-Laurent propose, c'est en pratique ce qui se fait, je crois, devant beaucoup de commissions royales, où les gens qui viennent témoigner tiennent pour acquis que les membres de la commission ont déjà lu leur mémoire. Mais, ceci ne pourrait être valable, à mon humble avis, qu'à l'avenir, parce qu'en toute humilité — je le dis, en tout cas, pour moi; d'ailleurs, je n'ai pas pu le lire, je viens de le recevoir, votre mémoire. Alors, j'ai l'impression qu'il serait difficile d'appliquer ça ce soir — mais à l'avenir, si personne ne se sent vexé, je pense que la suggestion du député de Saint-Laurent est excellente.

M. CARDINAL: Oui, j'aurais deux choses à ajouter, et c'est dans le même sens. Ceci est arrivé à chacune des séances, et, malheureusement ce soir, je devrai quitter à dix heures pour un conseil des ministres. Nous reprendrons mercredi le 25. A cause de la période des questions, ce sera vers quatre heures, plus ou moins, surtout que nous en serons au début de la session. Nous devrons ajourner vers six heures, mercredi. Nous avons environ 70 mémoires. J'ai déjà, au ministère, les mémoires de certaines associations; ils n'ont pas été remis aux membres de la commission. Pour ma part, ces mémoires-là, je suis prêt à les remettre au secrétaire de la commission pour qu'on les polycopie.

Ce soir, ce qui m'embarrasse, c'est que certaines personnes qui sont venues aujourd'hui de Montréal ou d'ailleurs avaient l'impression qu'elles pourraient avoir l'occasion de s'exprimer. Nous sommes pris entre deux situations: ou bien nous écoutons un mémoire, un mémoire et demi ou deux mémoires et ceux qui sont venus devront retourner sans s'être exprimés, revenir le 25 et accepter le même risque ou, au contraire, nous faisons un compromis et nous divisons deux heures entre je ne sais combien de personnes. S'il y en a quatre, une demi-heure pour chacune, quitte à ce que, si ces personnes n'ont pas pu se faire entendre suffisamment, elles puissent revenir, vu non pas que nous changeons la procédure, mais que nous proposons une nouvelle procédure. Sur ce point, j'appuie entièrement le député de Saint-Laurent. Si nous voulons vraiment que le projet de loi soit étudié et vienne à l'Assemblée nationale, nous ne pouvons pas nous permettre que chacun des mémoires prenne deux heures, ce qui est la moyenne présentement.

En fait, le mémoire qui sera présenté au début par le Congrès juif, j'en ai pris connaissance, mais personnellement, je sais que les autres membres de la commission n'ont pas eu cette occasion. Si les membres de la commission avaient à l'avenir la possibilité de prendre connaissance des mémoires avant la réunion, si nous avions ce qu'on appelle un document de base ou un document de présentation résumant les mémoires et les recommandations, nous pourrions avoir une discussion qui serait aussi fructueuse que la lecture des mémoires. Car, les mémoires, jusqu'à présent — nous en avons entendu huit — reviennent, sauf pour des questions très techniques comme le CNR et le CPR, sur les mêmes points, dans un sens ou l'autre ou avec des nuances et les députés qui sont ici, que ce soit les représentants de l'Opposition ou moi-même, nous reprenons dans le fond — je ne sais pas si M. Lefebvre acceptera ceci — la même discussion sur les mêmes sujets, que ce soit la commission scolaire unique, que ce soit l'élection du conseil métropolitain, que ce soit le rôle de la commission scolaire ou que ce soit la confessionnalité. Enfin, les questions qui ont été présentées par l'Opposition cet après-midi

sous forme de motion représentent une trame qui est l'ensemble des questions.

Tout en respectant la démocratie, tout en ne bâillonnant personne, tout en ne voulant pas que les gens n'aient pas l'occasion vraiment de s'exprimer, la lecture d'un long mémoire est une chose fastidieuse pour tout le monde; elle empêche les discussions et n'apporte peut-être pas quelque chose de très concret à l'étude parce que ceci se fait en dehors de la commission même. Je ne sais pas comment nous pourrions procéder, ce soir. Je suis ouvert à toutes les suggestions, mais comme je pense qu'il y a quatre associations qui sont ici, peut-être pourrions-nous prendre cinq minutes pour demander aux représentants de chacune des associations ce qu'ils en pensent.

C'est à eux à décider. Nous, les députés, sommes les serviteurs du public et à leur disposition.

M. LEFEBVRE: Je suis bien d'accord. Est-ce que les quatre sont ici?

M. LE PRESIDENT: Nous avons le Congrès juif canadien, The Quebec Association of Protestant School Administrators, The Montreal Teachers' Association et l'Association des enseignants du Lakeshore.

M. LEFEBVRE: Est-ce qu'ils sont là, les représentants du Lakeshore?

M. LE PRESIDENT: Oui.

M. LEFEBVRE: Cela donnerait une demi-heure à chacun, pratiquement, si on commençait tout de suite.

M. CARDINAL: C'est ça, on peut faire ça, mais s'ils sont d'accord.

M. LEFEBVRE: Est-ce que ça vous convient ou si vous préférez...?

M. BESSNER: Oui, M. le Président, nous allons essayer de donner notre mémoire, sans lire tous les détails. Nous exposerons les points considérés très essentiels, et le mémoire sera déposé, avec la permission de la commission.

M. CARDINAL: Est-ce que l'on s'entend pour une demi-heure par participant? On laisse cela au président. M. le Président, vous êtes celui qui synchronise.

M. LE PRESIDENT: Très bien.

M. PEARSON: M. le Président, il a été entendu que le mémoire lui-même va être imprimé au journal des Débats.

M. CARDINAL: Et déposé en entier. M. PEARSON: Bon, d'accord.

M. LE PRESIDENT: Alors, c'est très bien. M. Monty Berger

M. BERGER: M. le Président, madame, messieurs, nous apprécions l'occasion qui nous est offerte de présenter notre mémoire ici. We would have been very delighted had we known of this new suggestion because we arrived here this afternoon with a summary, and we were advised that a document would not be in a record unless we read it completely.

MR. CARDINAL: First of all, would you, please, give your name, surname and so forth for the registration?

MR. BERGER: I am about to do that. My name is Monty Berger, I am chairman of the committee on position of Jews in the education system of Quebec, of the Quebec region of Canadian Jewish Congress. Members of our group with me are Mr. Morton Bessner, chairman of the study committee which was especially set up by Congress on bill 62, and Dr. Samuel Lewin, executive director of the Eastern region of Canadian Jewish Congress.

The Canadian Jewish Congress is reprensentative of the Jewish community through the election of delegates from organizations and the public at large by democratic process. This is on page 4 of the "mémoire".

La communauté juive, au Québec, remonte à 1759 et possède une histoire de plus de deux siècles d'existence ininterrompue. Les membres de la communauté juive fournirent de nombreuses et importantes contributions au développement de la province de Québec dans un vaste domaine d'activités.

Quoique la communauté juive soit historiquement, dans une large mesure, d'expression anglaise, elle rassemble actuellement une grande proportion de gens bilingues. Depuis 1957, alors qu'une immigration en provenance d'Afrique du Nord amena au Canada plusieurs milliers de familles juives, dont la langue première est le français, cette tendance vers le bilinguisme s'est régulièrement accrue. En conséquence, la composition linguistique au sein de la communauté juive est devenue de plus en plus variée. Un plus grand pourcentage de la population juive s'exprime surtout en français, alors qu'une proportion croissante de l'autre partie de la population juive est bilingue ou étudie le français et voit à ce que ses enfants fassent de même.

Now, I am moving to page 5, an English page:

Nevertheless, the members of the Jewish Community feel very strongly that they and their children must retain the ability to be able to communicate with each other in the Province of Quebec, with the rest of Canada and the international community, in either the

English or French language, at their option. In order to be able to do so, the educational system of the Province of Quebec, and particularly the Island of Montreal, with respect to language, must assure the community the availability of instruction in the language of its choice, from the first year level to the eleventh year level inclusive in all courses of study of the highest quality of pedagogical excellence.

Page 6, last paragraph of section 3 :

It is not our intention in this brief to deal with the impediments presently facing the Jew in the Province of Quebec in the field of education. We shall limit ourselves to expressing the hope that until such time as new administrative structures are put into effect the specific problems of the Jewish Community, as outlined in our earlier submissions, will be given due and proper consideration by the respective authorities.

There follows a list of the many occasions in which the Canadian Jewish Congress has submitted briefs. Our position tonight is consistent with these various references and we wish them to be regarded as in the record. In particular, on page 7, we wish to restate the views expressed on our submission to the Commission of Inquiry on the position of the French language and on language rights in Quebec : "We believe that all Quebecers must be given an opportunity to benefit from a school system applicable to all residents without distinction, which would provide the the necessary conditions for the acquisition, furthering enhancement and growth of the French and English languages and of the basis fundamental elements of cultural pluralism.

We recommend that the educational system be based on linguistic duality within one overall school administration with the option open to all parents to send their children to schools of their choice. The aim of all schools must be an educational process equipping all students with a working knowledge of French and English as languages of communication.

La communauté juive n'est pas monolithique et il existe des différences d'opinion sur un certain nombre de questions. Des principes généraux existent cependant, auxquels souscrit la communauté juive dans son entité et au sujet desquels se fait une unanimité complète, tels que l'acceptation d'une dualité linguistique et d'un pluralisme culturel fondement de notre système éducatif, le droit des parents de choisir la langue dans laquelle leurs enfants seront instruits, le caractère démocratique des structures administratives élues par un suffrage universel, la participation des parents aux décisions prises et une égalité d'imposition.

These are basic considerations that we feel most of the community agree with, and Mr. Morton Bessner will detail these in more substance in a minute. Just to sum up, it is our hope that the new prospective which is now being projected for the school organization in Montreal will bring new vitality and strenght to these basic concepts. However, we would underline that the road from theory to practice is often long, unchartered and uncleared and strenuous measures are required to secure the understanding, support and confidence of the total population. We would urge this committee to attempt to provide adequate information on a continuing basis to insure the confidence of all sections of the community in the course of study and future legislation in this subject.

I would now ask Mr. Morton Bessner to continue with our specific recommendations.

MR. BESSNER: Posited on the background of briefs which has been presented before and which we refer to in pages 6 and 7 of the English version Mr. President and members of the committee —a copy of which we have deposited with the secretary of this committee, and we would ask that they be part of the record — posited against that, I think it is fair to say that the position of the Canadian Jewish Congress is that the ultimate goal of any amendments to the Education Act should be the establishment of a unified school administration, democratically elected with adequate safeguards written into Law to assure equality of educational opportunity and the necessary conditions to provide courses of study of the highest pedagogical quality in the language chosen by the parents.

With this basis premise in mind, the Canadian Jewish Congress submits a number of recommandations which we consider to be essential to the development of a viable education system according to the Parent Report, which has its roots in tradition and looks ahead towards what is to come. We address ourselves, Mr. President and Members of the Commission, to only those parts of the Bill 62 to which we feel fundamental changes are essential and not to every single part of the projected Bill 62, which, the Minister has said, is a working paper.

With regard to the single School Board, our position is said on page 9 of the English version. We feel that the establishment of a single School Board must be considered in the context of the overall aims of an education system wich is to provide education of the highess possible quality to everyone without distinction. In the context of Quebec, this, of course, involves cultural pluralism and linguistic duality.

It could easily be argued that a single administrative organization is better capable of organizing education of high quality, on elementary and secondary levels, through such things as an enrichment of programs and by making them more flexible to the recruitment of competent staff, through the organization of

school libraries, physical education facilities, common services such as the use of computers, maintenance services and things of that nature.

What is not equally certain is whether such single administrative organization would be able to best maintain the diversity of religious choices and the linguistic duality in the school system.

Unification is one thing but uniformity is another. There can be little doubt that utmost care must be exercized less the demarcation lines between these two concepts becomes blurred.

Le droit pour chacun à une éducation de la meilleure qualité et de son choix revêt une priorité par rapport à n'importe quel avantage qui pourrait découler d'une administration scolaire unifiée sur l'île de Montréal. Il n'est pas suffisant de légiférer sur des opportunités en vue d'une éducation diversifiée. Il est essentiel que soient clairement définies des procédures établissant comment cette diversité peut être maintenant mise en oeuvre.

We submit that substantial revisions are essential in order to make the proposed unification effective in establishing an educational system providing equal opportunity for all without distinction and the necessary conditions for linguistic duality and cultural pluralism, which are so basic to the Quebec society.

Nous sommes convaincus qu'il est très important pour la communauté non seulement d'être rassurée et systématiquement informée au sujet du fait que chaque commission scolaire possédera les moyens de fournir des cours d'études dans la langue du choix des parents, mais aussi de savoir de quelle manière ce système fonctionnera sous l'égide d'une administration scolaire unifiée, telle que proposée.

We believe that it is important for the community not only to be reassured and systematically informed about each board having facilities to provide the courses of study in the language of choice of the parents, but also to know how this system will work under the proposed unified school administration. In particular, we feel that it is important to ensure that there will be adequate staff, at all levels, to establish, supervise and provide such courses and to make sure that these courses are of the highest quality.

We therefore recommend that no bill, amending the Education Act, be passed without provisions for the appointment of two associate directors general, on a language basis, by each school board, one for all courses given in French as the language of instruction and one for all courses given in English as the language of instruction, who be charged with the responsibility of the educational administration and supervision of the respective courses of study in accordance with the parental option.

In addition, we say that the associate directors general must be provided with sufficient back-up personnel to provide the courses of study on the highest level of competence.

Coupled with these provisions, Mr. President and members of the Commission, we submit that provisions must be added to bill 62 defining the procedures for the exercise of parental option be open to all citizens of Quebec without distinction.

In this context it is our considered opinion that such provisions are essential in view of the provisions of Bill 63, which is now amending Section 3 of the Immigration Act by stipulating that the Minister of Immigration will, "in co-operation with the Minister of Education, take the measures necessary so that the persons who settle in Quebec may acquire the knowledge of the French language upon arrival or even before they leave their country of origin, and may have their children instructed in educational institutions where courses are given in the French language."

It would be inconceivable if, in dealing with education of children of settlers, a distinction were created between one resident and another and an entire group set up in a separate category. We are categorically opposed to such distinction. Such provisions would introduce into Quebec a concept, which could have far-reaching repercussions by removing the equality of basic rights between Quebec born and other residents of the Province.

Dealing with the School Council of the Island of Montreal, which is found on page 13 of our English brief, the proposed recommendations give the School Council of the Island of Montreal a very significant and important role in the new structure. It is suggested that they have the responsibility for financing, planning, coordination, etc. We believe it is most essential that the Council reflect fully the total community and mirror all types of education that will be taught by the Boards in courses of study adopted or recognized for Catholic public schools, Protestant public schools and for public schools other than Catholic and Protestant. And in parenthesis, Mr. Chairman, the definition of other than Catholic and Protestant still remains to be discussed in its respectly submitted needs definition in whatever proposed legislation is going to be put before the people of Quebec.

With regard to the School Council of the Island of Montreal, we submit, in order to have the confidence of the parents and the population at large, it has to be democratically elected and, this, responsible to the community. We, therefore, recommend that each school board, the members of which, under the proposed Bill 62, are elected by the Members of the community, be empowered to elect from among their members one representative to the Island Council.

In addition, we recommend that members, up to a maximum of 25 p.c. of the elected members of the Island Council, should be named by the Minister of Education to ensure that among them will be members other than the Catholic and Protestant faith, so that the total diversity in dualism and make up of the total community of Quebec will be represented on the School Council, at the Island Council level.

We recommend further that to give a true democratic meaning to the Island Council, the president and vice-president be elected by members of the Council from among themselves and not be appointed by the Minister of Education as presently stipulated in the working project.

With regard to the question of school municipalities and boundaries, Mr. President, our recommendations are found at page 14 of the English text and we will now move on to the question of qualifications for elections.

We feel that the people most directly affected by the education system and the proposed regional school board are the parents of children who are attending this school. We therefore feel that the qualification of Canadian citizenship precludes an important segment of the community from having a voice in the administration of the regional school board. We therefore recommend, with regard to the qualifications for voting at the regional school board, that the qualifications of the Canadian citizenship be amended, removed and replaced by the requirement of Canadian residence for a period in excess of one year. Now, any structure change of a fundamental nature as being proposed by the project of Bill 62 almost of necessity causes some dislocation during a transition period. When one administrative structure disappears and another one entirely different takes its place, une période d'ajustement est nécessaire en vue d'obtenir dans son entité l'objectif des changements proposés, soit de maintenir la dualité linguistique et le pluralisme culturel à un plus haut niveau et de la plus haute qualité.

We therefore recommend that great care be exerciced in the implementation of Bill 62 to make sure that the proposed changes are introduced with the least dislocation and disruption of services. In particular, dealing with the unification of the school boards at the regional level, special care is required to make sure that the education of children, which is the essential object of this bill and which is presently directed by different structures, is done in effective stages so that there will be no lowering of standard because of the transfer of administrative and pedagogical duties.

In conclusion, Quebec is a multicultural society and there can be no doubt that spacious stress is needed on that aspect of public education which is conducive to a more profund and enduring mutual understanding of the various religious differences and the maintenance of linguistic duality, and I know that we are all dedicated to this goal. We are grateful for the opportunity which you have given us to express our views and we again reaffirm our request that the mémoire en total soit déposé comme instrument de travail.

M. CARDINAL: Quelques commentaires sur ce mémoire du Congrès juif canadien. D'abord, il me plaît de souligner, surtout après ce qu'a mentionné le député d'Ahuntsic cet après-midi, que le premier discours que j'ai prononcé sur le bill 62 était à Westmount devant la communauté juive. C'était, si je ne me trompe pas, au tout début de décembre, peu de temps après le dépôt du projet de loi.

Deuxièmement, un point technique: votre mémoire devrait être déposé en entier au journal des Débats, mais je pense que les annexes devraient simplement être remises aux membres de la commission. Il y a là une question technique, budgétaire, etc. Alors, je pense que tout le monde sera satisfait.

M. LE PRESIDENT: Alors, les sept documents que nous avons ici, M. le Ministre...

M. CARDINAL: Copies pour les membres de la commission.

M. LE PRESIDENT: Copies pour les membres de la commission.

M. CARDINAL: Pour ce qui est de la communauté juive, je soulignerai les points suivants. Depuis deux ans, j'ai été fréquemment en contact avec la communauté juive. Pour la première fois, nous sommes intervenus pour qu'au niveau du Protestant School Board of Greater Montreal il n'y ait un représentant de la communauté juive, pour que des écoles juives aient le statut d'écoles associées avec, ou la CECM ou le Protestant School Board of Greater Montreal. Lors du bill 56, Loi des institutions privées, nous avons spécialement mentionné les écoles juives — ce qu'on pourrait appeler les "parochial schools" par comparaison — comme tombant sous l'effet de ce projet de loi, ce qui, de fait, s'est réalisé. Par conséquent, devant la communauté juive, je me sens parfaitement à l'aise de mentionner ces faits, puisque cela a pris de nombreuses années avant que ces droits ou ces reconnaissances juridiques ne lui soient accordés. D'ailleurs, quand j'étais allé rencontrer la communauté juive à Westmount, c'était justement pour rendre hommage à un membre du Congrès juif, M. Bickell, qui s'était dévoué longtemps dans le système d'éducation. Ceci a été fait dans un sens de justice pour cette communauté qui est établie ici depuis le XVIII siècle.

Je mentionnerai plus spécialement les faits

suivants. Au point de vue — là le député d'Ahuntsic devrait m'écouter particulièrement...

M. LEFEBVRE: M. le ministre, j'étais en conférence avec mon collègue.

M. CARDINAL: Si je l'avais à côté de moi, moi aussi ça m'arriverait souvent, mais...

M. LEFEBVRE: Il ne faut pas que le ministre soit jaloux!

MME KIRKLAND-CASGRAIN: ... trop de collaboration.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre!

M. LEFEBVRE: J'écoute le ministre.

M. CARDINAL: Cet après-midi, j'ai déclaré qu'au cours de la semaine prochaine, je donnerais la première réglementation venant compléter le bill 63 et concernant les inscriptions des élèves, parce que ceci est urgent. D'ici quinze jours, au plus tard, j'aurai aussi une décision du conseil des ministres quant aux règles administratives pour appliquer le bill 63. Ce soir, disons que j'ouvrirai un peu, pour calmer certaines anxiétés, et je dirai que...

M. LEFEBVRE: Réparer certaines erreurs! Excusez-moi, M. le ministre.

M. CARDINAL: Vous êtes tout excusé. M. LEFEBVRE: Cela m'a échappé.

M. CARDINAL: Je commence à vous connaître. Si le gouvernement a adopté le projet de loi 63, si ce projet de loi prévoit que les commissions scolaires doivent donner un enseignement en français, à ceux qui le demandent un enseignement en anglais, dans les deux cas un enseignement d'une langue seconde, c'est que, partout où le nombre d'étudiants ou le nombre d'élèves le justifiera, il faudra, au niveau de l'école — et je pense à chacun des mots que je dis — il faudra au niveau de l'école un système administratif qui pourra rendre possible, qui pourra rendre réalisable dans le concret cette possibilité de choix.

Est-ce que ceci, dans les faits, prendra la forme d'un directeur pédagogique, d'un directeur de l'enseignement français, d'un directeur de l'enseignement anglais? Ce sont là des modalités. Ce que je peux dire, ce soir, c'est qu'il y aura, dans les écoles où le nombre d'étudiants d'une autre langue le rendra nécessaire ou utile, si on veut être plus généreux, une structure administrative qui permettra l'application de la loi no 63. C'est pourquoi, jusqu'à présent, j'ai dit qu'il n'était pas nécessaire de prévoir ceci dans le projet de loi 62. C'est une question administrative qui dépend déjà d'une loi adoptée. On peut nous dire: Les projets de loi 63 et 62 auraient pu être étudiés en même temps ou ne constituer qu'une seule et même loi. On a vu des gens, cet après-midi, nous féliciter d'avoir sépare les deux projets de loi. Ne jugeons pas le passé. Ce que je promets pour l'avenir, au nom du gouvernement et au nom du ministère, c'est que, d'ici une quinzaine de jours, j'aurai en ma possession cette décision du conseil des ministres sur la structure administrative qui viendra donner, si vous voulez, des garanties concrètes pour l'application de la loi 63.

Nous serons encore, à ce moment-là, c'est certain, dans les débats concernant le projet de loi 62 et ceci sera connu. Quand on est membre de l'Opposition, on peut poser des questions ou harceler le gouvernement; c'est dans le jeu, d'ailleurs. Mais, lorsque vous représentez le gouvernement, il faut que vos promesses et vos déclarations soient fondées sur des travaux déjà accomplis, sur des décisions déjà prises ou sur le point d'être prises. Par conséquent, ce soir, je ne m'aventure pas sur ce terrain, mais je vais plus loin que je ne l'ai fait dans les séances précédentes en disant, à l'occasion de ces mémoires, qu'il y aura, au niveau des écoles — car c'est au niveau des écoles que le directeur pédagogique est prévu dans le projet de loi 62 — un organisme administratif — peu importe son titre; on le définira très bientôt — qui permettra ce choix linguistique qui a été prévu par la loi no 63.

J'ajoute que les écoles privées qui bénéficient de subventions de 60 p.c. ou de 80 p.c. pour leurs dépenses de fonctionnement, en comparaison avec le secteur public, ne sont pas abolies sur l'île de Montréal par le projet de loi 62. Les écoles privées continuent de bénéficier des avantages du projet de loi 56, qui est maintenant loi, depuis décembre 1968, et qui s'est appliqué à compter de cette année scolaire, soit depuis juin 1969.

Je voudrais souligner un autre fait mentionné dans le mémoire qui est devant vous: c'est ce que j'appellerai la définition de "catholique", la définition de "protestant" et la définition "d'autres". A plusieurs reprises, je suis intervenu pour demander que le mot "catholique" ou le mot "protestant" ou le mot "autres" soient définis. Même s'il n'est pas défini dans la loi, à plusieurs reprises, en public ou devant cette commission, j'ai mentionné l'interprétation qu'on devait donner à la législation. J'ai ajouté que, s'il fallait être plus clair, on le serait.

Un catholique, c'est un catholique romain baptisé dans l'Eglise catholique, romaine, apostolique, etc. Un protestant, ce n'est plus un protestant au sens actuel qui existe à Montréal, c'est-à-dire que ce n'est pas tous les autres. Un protestant c'est quelqu'un qui descend de ces personnes qui, au moment de la Réforme, ont quitté l'Eglise catholique romaine. Ce n'est

donc pas les schismatiques, les orthodoxes, les Juifs, etc. Les autres sont donc ceux qui ne sont ni catholiques au sens strict, ni protestant au sens strict.

J'ai ajouté et je répète que quelqu'un qui est catholique et qui veut envoyer ses enfants — allons dans toutes les combinaisons possibles — à l'école protestante, au véritable sens du mot, ou à l'école multiconfessionnelle, ou quelqu'un qui est protestant et qui veut envoyer ses enfants à l'école catholique ou à l'école autre, ou quelqu'un qui est juif et qui veut envoyer ses enfants à l'école soit catholique ou protestante ou autres, ont ce choix, en ce sens que le bill 62, comme le bill 63, donne un choix absolu. Si ce n'est pas clair, on le rendra plus clair. Il n'y a pas dans la loi une obligation pour les catholiques d'aller à l'école catholique, pour les protestants d'aller à l'école protestante. Il y a une obligation, pour la commission scolaire, si des parents demandent un enseignement catholique, un enseignement protestant ou un enseignement que j'appellerai multiconfessionnel, ou, si vous voulez, une morale naturelle, il y a obligation, pour la commission scolaire, de donner ces trois enseignements, comme il y a obligation, pour la commission scolaire, en vertu du projet de loi 63, de donner l'enseignement en français ou l'enseignement en anglais sur demande.

Alors, si ceci n'est pas clair dans la loi, comme ministre je le dis pour que ce soit clair, et on amendera la loi pour que ce le soit. C'est une liberté totale laissée aux parents de choisir l'école de leur choix. J'ai connu, par exemple, à Lachine, lorsque j'y suis demeuré, des gens de religion juive qui envoyaient leurs enfants à l'école catholique parce que c'était une école commune au sens de la loi, et que l'école devait les recevoir. Ils les envoyaient là pour des raisons linguistiques ou pour des raisons tout simplement pratiques. Quelqu'un le mentionnait récemment, si, dans une région donnée de Montréal, l'école la plus proche, pour une famille, c'est une école qui n'enseigne que, disons, la religion catholique et la religion protestante, il est fort possible, pour un juif, de choisir où l'enseignement catholique ou l'enseignement protestant. Et, d'après les règlements du ministère, actuellement, il est possible à des parents qui envoient leurs enfants dans une école confessionnelle de demander que l'enseignement de la religion ne leur soit pas donné. La loi 62 ne modifie pas la Loi de l'instruction publique, ne modifie pas — sauf l'article 203 — la Loi du conseil supérieur, et ne modifie pas les règlements actuels du ministère de l'Education. C'est-à-dire que les droits qui existent déjà continuent à exister. Il ne faut pas prendre le bill 62 à part, il faut le prendre dans le contexte du ministère de l'Education et de toutes les autres lois et règlements qui le font fonctionner.

Quant à la période d'ajustement, quant à la période transitoire, encore une fois, j'ai dit et je répète que, après étude, il est probable, c'est le plus que je puisse dire ce soir, que des étapes que j'ai appelées en paliers ou en escalier soient prévues. J'admets que si le principe de la loi, c'est d'abolir 42 commissions scolaires d'un coup, dans le concret, dans l'exécution de la loi, il faut prévoir un échelonnement d'étapes. L'on pourrait même concevoir que l'on abolisse, disons, 20 commissions scolaires et qu'on en garde 22 ou qu'on en abolisse 40 et qu'on en garde deux, pendant une période de x mois, pour avoir des cadres, pour que l'on puisse fonctionner.

Ceci est à l'étude présentement. J'ai, d'ailleurs, de la documentation sur le sujet. Une décision n'est pas encore prise; nous en sommes à vous écouter. Je voulais faire ces remarques d'une façon positive, pour indiquer les intentions du gouvernement et pour éviter tout débat sur des questions qui ne paraîtraient pas claires.

Messieurs, je vous remercie et je vous félicite de la façon dont vous avez présenté votre mémoire.

M. LE PRESIDENT (M. Crôteau): L'honorable député de D'Arcy-McGee.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, si vous me le permettez, j'aurais deux commentaires et une question.

Je suis heureux que le ministre ait exposé, ce soir, avec un peu plus de précision les intentions du gouvernement. Il me semble, quand même, extraordinaire que nous ayons entrepris l'étude du projet de loi 62 sans avoir ces détails clairement devant nous.

Je me rappelle, comme le ministre s'en souviendra, les débats d'il y a plus d'une année sur le bill 85 d'alors. Les mémoires que nous avons entendus à l'époque exprimaient des opinions sur l'avenir de notre système scolaire. Nous avons tous été frappés par un fait, par un phénomène commun à presque tous ces mémoires-là. Ceux qui présentaient les mémoires n'avaient pas pensé clairement et de façon pratique les structures administratives et pédagogiques du système d'enseignement.

Il me semble — je suis obligé de le répéter — un peu extraordinaire que le ministre n'ait pas pensé tout cela de façon précise, n'ait pas fait adopter tout cela par le conseil des ministres d'avance — ou, au moins, immédiatement après l'adoption du bill 63, adoption qui remonte à deux mois et demi.

Deuxième commentaire. Le ministre constate que plusieurs des mémoires sur le présent projet de loi — la plupart, je dirais — font état du manque de détails, qui laisse planer des doutes et des inquiétudes. Le ministre nous a dit, cet après-midi, qu'il s'est promené un peu partout pour fournir des renseignements. Il

nous a donné l'impression d'être satisfait de ses propres efforts.

Je dois lui dire que l'on ne peut pas se contenter de transmettre le message sans s'assurer qu'il a été reçu et compris. Je suis obligé de constater, dans des mémoires qui émanent de la communauté anglophone comme dans des mémoires qui émanent de la communauté francophone, des inquiétudes communes.

Finalement, la question que je voudrais poser au ministre. Nous avons devant nous un projet de loi qui propose que les commissaires d'école soient élus au suffrage universel, sauf le tiers par un collège électoral.

Le ministre est au courant, comme moi, des difficultés qui ont entouré ce problème dans le passé. Pour la communauté juive qui, en ce moment, présente ce mémoire, ces difficultés proviennent des articles 574 à 580 inclusivement de la Loi de l'instruction publique.

Le ministre sait qu'à plusieurs reprises des efforts ont été faits pour obtenir des modifications à ces articles de façon à permettre le suffrage universel.

Voici un projet de loi qui ajoute les articles 581 à 712, mais n'abolit ni ne change les articles 574 à 580. Les conseillers juridiques du gouvernement et d'autres — les conseillers juridiques du Protestant School Board of Greater Montreal, entre autres — ont exprimé l'avis que d'autres problèmes d'ordre statutaire, constitutionnel peut-être, empêchaient ce suffrage universel en ce qui concernait et concerne toujours la communauté juive.

La question que je dois poser est celle-ci: Puisque les conseillers juridiques du gouvernement ont exprimé l'avis que la modification des articles 574 à 580, et particulièrement 580, n'aurait pas suffi pour permettre le suffrage à la communauté juive, le ministre est-il certain que, sans toucher à ces articles-là et en ajoutant tous les articles que nous avons devant nous, les empêchements que nous avons connus par le passé seront abolis et que le suffrage universel prendra vraiment effet pour tout le monde?

M. CARDINAL: M. le Président, si vous me permettez de répondre. Tout d'abord, je m'excuse, c'est peut-être une déformation de mon passé de juriste, mais je me suis peut-être jusqu'à présent refusé de légiférer sur le cas particulier de Montréal, alors qu'on a légiféré d'une façon générale, par le bill 63, pour tout le Québec. En d'autres mots, les garanties que l'on demande sur le plan linguistique pour Montréal, si on les fait dans le bill 62 et non pas dans des règlements à l'occasion du bill 63, ne vont s'appliquer qu'à Montréal et non pas dans le reste du Québec.

C'est pourquoi je les vois sous le chapeau du bill 63 et non pas sous celui du bill 62. Le bill 62 est donc un cas particulier, puisqu'il ne s'applique qu'à un territoire donné, le bill 63 s'appliquant à tout le Québec.

M. LEFEBVRE: Un gros cas particulier.

M. CARDINAL: D'accord, mais c'est un cas regardant uniquement Montréal. On ne réglerait pas le problème du reste du Québec, si on ne légiférait que dans le bill 62.

M. LEFEBVRE: Non, mais ce n'est pas Saint-Glin-Glin, c'est beaucoup de monde.

M. CARDINAL: D'accord, mais si on a des règlements, en vertu du bill 63, qui s'appliquent à tout le Québec, y compris Montréal, cela me parait mieux. C'est une opinion, mais je vais continuer pour arriver à votre question. Pourquoi vouloir régler à tout prix, dans le cas du bill 62 qui s'applique à Montréal, le reflet d'un large cas particulier qui n'est quand même pas toute la population du Québec? Je vais faire un pas de plus.

Si le bill 63 nécessite des directeurs pédagogiques français ou anglais, cette nécessité s'impose sur tout le territoire du Québec. C'est pourquoi je ne crois pas avoir raison de le régler uniquement sur le territoire de Montréal. Si on me demande si je suis satisfait de ce que j'ai fait jusqu'à présent, je réponds non; c'est dans mon caractère de n'être jamais satisfait. On demande beaucoup aux ministres de l'Education, que ce soient mes deux prédécesseurs, moi-même ou ceux qui suivront. J'ai accepté ce défi à mes risques et dépens.

Si tous les détails n'ont pas été établis à l'origine, parce que le député de D'Arcy-McGee a commencé par là, c'était justement — ceci est dit sans arrière-pensée — en vue de connaître d'abord les opinions de certains intéressés plutôt que d'imposer des solutions à l'avance. Ceci me paraissait faire partie d'une stratégie plus démocratique. Enfin, je ne m"'enfarge" pas, au sujet du bill 62, dans ce que j'appellerai le juridisme, en ce sens que ma réponse à la question est oui.

H me semble — mais ce n'est pas à moi à en décider, ce sera éventuellement aux cours, si on va devant les cours malgré les opinions contraires parues dans les journaux ou ailleurs — que l'on doive quand même légiférer dans cette matière, donner le suffrage universel, incluant la communauté juive, même si certains groupes viennent prétendre que ceci est contraire à l'article 93, de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. S'ils veulent contester, après, ce point-là, je le regrette. C'est un moyen qui est différent de l'exécutif — on ne peut pas mêler le judiciaire, le législatif et l'exécutif — et je regretterais qu'en 1970 quelque groupe que ce soit, qu'il soit francophone ou anglophone — la menace, si menace il y a, venant des deux côtés — vienne, pour sauvegarder un statu quo, se servir de moyens juridiques pour empêcher la réalisation d'une loi qui me paraît un progrès, tout particulièrement pour la communauté juive, qui, jusqu'à présent, pour des raisons juridi-

ques, il est exact, a été exclue, sauf les compromis qui ont pu être faits au niveau du Protestant School Board of Greater Montreal et au niveau de la CECM, tout récemment, il faut le dire.

Je n'hésite pas à répondre que, pour ma part, je considère ceci satisfaisant, malgré des études juridiques contradictoires que j'ai lues de la part de juristes au sein du gouvernement, à l'extérieur du gouvernement ou de certains organismes.

Mais encore là, ce n'est pas à moi à décider. Si l'on va devant les tribunaux, je ne puis savoir, l'expérience passée me le prouvant... Je me rappelle une action, quand j'étais au Trust Général du Canada, qui a duré sept ans, avant que ça n'arrive à la cour Suprême. Il y a eu trois jugements, tous les trois différents et, évidemment, celui de la cour Suprême l'emporta.

Je souhaite tout simplement que les gens aient assez le sens de la démocratie pour que les moyens juridiques ne soient pas employés pour défendre ce que j'appelle le statu quo; c'est un terme poli tout simplement. Je ne sais pas si ceci répond suffisamment au député de D'Arcy-McGee, mais c'est mon opinion claire et précise. Le député de D'Arcy-McGee sait que nous nous sommes rencontrés dans mon bureau et ailleurs. J'ai rencontré des membres de la communauté juive, et ma position a toujours été celle-là, envers et contre certaines attitudes que j'appellerai légalistes.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je suis obligé de demander au ministre, puisqu'il a dit que ce n'est pas lui qui, en fin de compte, déciderait, mais la cour, si la question était amenée devant elle, s'il s'est quand même protégé par des opinions juridiques qui...

M. CARDINAL: C'est exact. J'ai des opinions juridiques qui ont été apportées à l'exécutif.

M. GOLDBLOOM: Le seul autre commentaire que je voudrais faire est celui-ci: que si le ministre dit que ce n'est pas dans le bill 62 que l'on doit prévoir un directeur des études en langue anglaise et un directeur des études en langue française, parce que ce principe pourrait s'appliquer et devrait s'appliquer à l'échelle de la province, je lui répondrai que le fait de mettre ces modalités dans le bill 62 n'empêcherait pas de les mettre également dans une autre loi qui étendrait les mêmes structures à toute la province. Mais le fait de ne pas inclure ces modalités dans le bill 62, si elles devaient attendre un autre projet de loi qui viendrait plus tard, je ne trouverais pas cela acceptable.

M. CARDINAL: D'accord. J'ai dit et je répète que d'ici quinze jours, disons, pour me protéger, trois semaines, ces règlements seront devant nous et que par conséquent on saura la réponse.

M. GOLDBLOOM: La patience ne manque pas.

M. CARDINAL: Ce n'est pas de la patience. Ecoutez, non, je ne m'embarquerai pas dans des questions partisanes et je dirai...

M. GOLDBLOOM: Non, j'ai parlé pour nous-mêmes.

M. CARDINAL: ... tout simplement que deux mois et demi, c'est peu quand on songe à toute l'étude qu'il faut faire au ministère pour que ces principes soient réalisables avec les budgets que nous avons, le corps enseignant que nous avons, les structures que nous avons. Il serait facile, si l'argent nous tombait du ciel et que les professeurs poussaient dans les arbres, d'adopter rapidement les règlements les plus généreux possibles.

M. LEFEBVRE: M. le Président, je voudrais d'abord féliciter le Congrès juif canadien de la qualité, de la sérénité de son mémoire. Contrairement à d'autres mémoires que nous avons entendus, je trouve que le ton de celui-ci m'est apparu, en tout cas à moi, dépourvu de préjugés ou de propos exagérés. Je crois que les auteurs méritent des félicitations pour cela.

M. le Président, avec toute la bonne volonté du monde, cependant, je n'arrive absolument pas à comprendre la logique du ministre de l'Education et mon commentaire enchaîne avec celui de mon collègue de D'Arcy-McGee. A la page 11 du mémoire du Congrès juif canadien, que je prendrai à l'appui de mon argumentation, texte anglais, on lit: "We, therefore, recommend that no bill be passed without provisions for the appointment of two associate directors general on a language basis, by each school board, one for all courses given in French as the language of instruction and one for all courses given in English as the language of instruction" et le reste.

M. le Président, vous voulez que je continue à lire? Cela ne me fait rien.

MR. CARDINAL: As you like it.

M. LEFEBVRE: Cela fait plusieurs fois que des groupes et que nous-mêmes, ici autour de la table, nous disons au ministre: Dans l'hypothèse d'une commission scolaire unifiée, il est clair qu'il doit y avoir une structure pédagogique qui supporte l'action au niveau de l'école locale. Tantôt, je m'attendais à une révélation sensationnelle. Le ministre a dit: Je surprendrai le député d'Ahuntsic; qu'il m'écoute. Pour un instant, je me suis dit: Enfin, le ministre a compris; il va nous annoncer quelque chose d'important. Or, que nous a-t-il annoncé —il me corrigera si je le cite mal — que, dans les règlements découlant du bill 63, le gouvernement, dans sa générosité, allait pourvoir...

M. CARDINAL: Je n'ai pas dit ça.

M. LEFEBVRE: Non, mais c'est mon interprétation.

M. CARDINAL: D'accord.

M. LEFEBVRE: Je vous accorde même de la générosité.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: C'était sous-entendu.

M. LEFEBVRE: C'est ça. Le gouvernement allait pourvoir à ce qu'au niveau de l'école il y aurait, pour les parents qui ont choisi l'enseignement dans une langue ou dans une autre, les mécanismes ou les organismes nécessaires pour assurer que cet enseignement soit de bonne qualité. Ceci aurait l'air d'indiquer — autrement, les mots n'ont plus de sens — que, dans l'opinion du ministre, chaque école est un tout et qu'elle vit par elle-même, comme une étoile qui a sa propre orbite dans le système. Or, nous savons tous que ce n'est pas le cas. Une école, même si elle est grosse, doit logiquement être une unité rattachée à une unité plus grande. Elle est, d'abord, rattachée à Dieu le Père qui siège à Québec et qui s'appelle le ministre de l'Education, bien sûr.

M. CARDINAL: Merci. Jusqu'à présent, je ne m'étais pris que pour le Fils.

M. LEFEBVRE: Elle est rattachée aussi à un intermédiaire que nous appelons, pour l'instant, une commission scolaire. On peut l'appeler un conseil d'arrondissement; on peut l'appeler comme on le voudra. Je ne veux pas accuser le ministre de mauvaises intentions; je présume que ses intentions sont bonnes. Mais, le ministre voudrait tromper le peuple qu'il ne procéderait pas autrement. Nous lui mettons le doigt sur un problème précis — le Congrès juif vient de le faire, à sa façon à lui, et beaucoup de groupes l'ont fait; nous-mêmes, nous l'avons fait — et le ministre nous répond par une chose qui n'est absolument pas une réponse, sauf pour ceux qui n'y connaissent rien du tout. Il est bien évident que ce n'est pas au niveau de l'école que l'on va assurer la caractéristique d'un enseignement selon la culture française ou d'un enseignement en langue anglaise. Ce n'est pas à ce niveau-là; il faut aller un peu plus haut. Or, le ministre s'obstine à dire: On ne peut pas mettre ça dans le bill 62; le bill 62 ne s'applique qu'à la région de Montréal. Précisément, ce n'est que dans la région de Montréal que l'on veut chambarder, avec raison, les structures actuelles. Je ne peux pas comprendre comment le ministre raisonne en prétendant nous faire croire que les garanties linguistiques dont il se vante seront assurées par un règlement du bill 63 au niveau de l'école locale. Ce n'est pas à ce niveau-là qu'il y a un problème. Tous les observateurs compétents que j'ai entendus sur ce point ont souligné cette défectuosité du bill. Si le ministre veut que l'hypothèse d'une commission unifiée soit défendable, en toute honnêteté, vis-à-vis de tout le monde et que personne n'ait d'arrière-pensée, il faut qu'il considère comme sérieux ce quatrième paragraphe de la page 11 du mémoire que nous avons devant nous, qui est, encore une fois, une formulation différente, mais qui a été faite par bon nombre d'observateurs et de commentateurs du bill 62.

M. LE PRESIDENT: J'aimerais vous faire remarquer que nous avons convenu d'une procédure au début. Nous avons dit que ce serait une demi-heure.

M. LEFEBVRE: C'est une mauvaise procédure.

M. LE PRESIDENT: Nous avons commencé à 8 h 10 et il est déjà 9 h 5. Je tiens seulement à vous le souligner.

M. LEFEBVRE: C'est une mauvaise procédure.

M. CARDINAL: On avait convenu que ce serait très, très bref. D'une part, c'est vraiment dommage de constater que le député d'Ahuntsic, qui vient de féliciter les membres du Congrès juif pour leur sérénité et leurs objectivité nous fasse ce spectacle.

Si je veux le prendre dans le même sens, je dirais: Je comprends fort bien qu'il ne comprenne pas.

M. LEFEBVRE: C'est tout ce que vous avez à répondre?

M. CARDINAL: Oui, monsieur.

M. LEFEBVRE: Eh bien, vous serez jugé selon vos actes.

M. CARDINAL: C'est ça, et bientôt. Vous ne serez même pas là pour le savoir, vous.

M. LE PRESIDENT: A l'ordre! A l'ordre! M. LEFEBVRE: On verra ça.

M. LE PRESIDENT: Est-ce qu'il y a d'autres questions à poser aux représentants du Congrès? Alors, il n'y a pas d'autre question. Nous vous remercions.

M. BESSNER: Merci.

M. LE PRESIDENT: Maintenant, la Quebec Association of Protestant School Administrators. What is your name? Votre nom? Parlez-vous français?

M. RIVARD: Oui, Robert Rivard. M. le Président...

M. LE PRESIDENT: Vous vous identifiez comme M. Robert Rivard, le porte-parole de votre association?

M. RIVARD: Oui. M. le Président...

M. LE PRESIDENT: On aimerait aussi connaître les gens qui vous acccompagnent.

M. RIVARD: Je vais les présenter tout de suite.

M. le ministre, Mme Casgrain et les membres de la commission de l'Education de l'Assemblée nationale du Québec, nous représentons l'Association des administrateurs des écoles protestantes du Québec, Quebec Association of Protestant School Administrators. Comme membres de l'équipe, nous avons parmi nous Mlle Sylvia Marksfield, principal adjoint d'une école secondaire, 29 ans d'expérience. M. Noël Hamilton, principal d'une école secondaire, 23 ans d'expérience. M. Hébert Matthews, assistant administratif de l'association, 40 ans d'expérience. Je m'appelle Robert Rivard, je suis principal d'une école secondaire et vice-président de l'Association des administrateurs des écoles protestantes du Québec. J'ai 32 ans d'expérience dans la profession. Mlle Marksfield va présenter notre mémoire. Mlle Marksfield.

Mlle Sylvia Marksfield

MLLE MARKSFIELD: M. le Président, M. le ministre, Mme Casgrain, messieurs, mesdames, je regrette de ne pas pouvoir changer mon programme pour ce soir, mais, comme j'ai beaucoup de bonnes réponses dans notre mémoire, je vais commencer ma lecture.

Toute discussion qui se veut sérieuse sur les problèmes de l'éducation au Québec nous ramène inévitablement au fait indéniable que la majorité de la population est francophone. Ceci étant acquis, on ne peut néanmoins ignorer les aspirations légitimes d'une "minorité" substantielle comme celle que représente l'élément anglophone du Québec. En dépit des meilleures intentions de l'actuel gouvernement du Québec, le bill 62 doit tenir compte du fait qu'une éducation en anglais pour les anglophones n'est pas un privilège que le ministre de l'Education accepterait d'accorder, mais un droit inaliénable qu'il faudrait sauvegarder à tout prix, selon les principes les plus élevés de démocratie et de liberté civile, et comme un prolongement naturel de la Déclaration des droits de l'homme.

De plus, là où la langue d'instruction sera l'anglais, il faudra s'assurer que le niveau professionnel du personnel enseignant soit au moins équivalent aux critères exigés actuellement par les commissions scolaires anglaises.

Nous n'avons nulle intention d'attaquer les mobiles du ministère de l'Education, mais on ne peut nier que les remous engendrés par le bill 62 ont créé, dans les coeurs et les esprits de l'élément anglophone du Québec, une inquiétude et un malaise qui vont quelquefois jusqu'à l'hystérie collective.

Il est du devoir absolu du ministère de mettre un terme, une fois pour toutes, à ce sentiment de crainte. Les appréhensions des anglophones doivent être calmées par l'assurance que rien ne menace l'éducation de leurs enfants.

La diversité culturelle dans une communauté n'est pas un état pathologique. Bien au contraire, le développement et l'épanouissement des divers groupes linguistiques ne peuvent que contribuer à l'enrichissement général de toute la population.

Les avantages du bill 62 sont évidents: uniformisation des taxes, égalité de tous, et établissement d'un système multiconfessionnel. Mais, ainsi que plusieurs l'on souligné, l'éducation ne peut pas être considérée comme un service au même titre que la voirie ou les transports; c'est une matière qui touche à des valeurs tellement fondamentales que le ministère doit procéder avec précaution pour tout changement significatif dans ce domaine.

Par ailleurs, cette dichotomie de l'éducation n'est pas un phénomène unique au Québec. Des problèmes de cette nature se sont posés à la Belgique, à la Suisse, pour ne citer que quelques exemples.

Il y a des problèmes, on ne peut le nier ; mais aucun problème n'est insoluble pour des gens de bonne volonté. Une politique coercitive ou répressive ne pourra jamais produire les résultats que donnerait au contraire une adhésion volontaire ou un accord mutuel. Nous pensons que notre mémoire présente les principes de l'organisation des systèmes scolaires qui permettront aux anglophones et aux francophones de la province d'atteindre un niveau jamais atteint dans cette province, dans les domaines si étroitement liés de l'éducation, la culture et le commerce.

Dans les territoires actuellement desservis par les commissions scolaires de l'île de Montréal, il y a un grand nombre de gens des deux langues principales, francophones et anglophones. L'Association des administrateurs des écoles protestantes est convaincue que les écoles et l'administration, jusqu'au niveau de la commission scolaire régionale, devraient être divisées selon la langue; en d'autres termes, il devrait y avoir des commissions scolaires régionales de langue anglaise et des commissions scolaires régionales de langue française. Notre conviction étant que les écoles et les commissions scolaires devraient être divisées sur une base linguistique pour le maintien et l'encouragement de la haute qualité d'éducation dans les deux groupes linguistiques, nous ne pouvons accepter le concept, proposé par le bill 62, de commissions

scolaires unifiées. Notre association, par conséquent, ne peut accepter le bill 62 dans sa forme actuelle.

Depuis plus de cent ans, des administrations séparées de langue française et de langue anglaise ont établi des systèmes qui répondaient aux besoins spécifiques de leurs élèves. Il nous paraît que c'est seulement par le maintien de ces systèmes qu'on pourra continuer à répondre aux besoins de nos élèves.

Dans un système unifié, le simple fait de prévoir la nomination de responsables administratifs (Français, Anglais, catholique, protestant, non-confessionnel) au sein de chaque groupe administratif ou commission scolaire, ne fournit pas une protection suffisante pour l'amélioration de l'enseignement et la transmission de l'héritage culturel des groupes minoritaires. Avec deux systèmes séparés, chacun basé sur sa langue, administrateurs et professeurs seront beaucoup plus à même de choisir les manuels, les méthodes et les programmes qui conviennent le mieux aux besoins de leurs élèves.

Et je vous rappelle ici que, du côté protestant, les professeurs ont une très grande liberté dans le choix des méthodes ainsi que des manuels et une voix prédominante dans les "curriculum committees" ceci, bien avant l'entente provinciale.

D'autre part, la plupart des professeurs et des administrateurs, dans un tel système scolaire, auraient été eux-mêmes instruits, auraient reçu leur formation professionnelle et acquis leur expérience dans des systèmes éducatifs semblables, en beaucoup de points, à celui que nous envisageons pour leurs étudiants actuels, soit des systèmes basés sur une division linguistique.

Et, pour l'avenir, une telle commission scolaire régionale, avec un tel personnel, et de tels administrateurs sera bien plus apte à offrir la meilleure éducation possible aux enfants des écoles élémentaires et secondaires du Québec. A cause de la grande mobilité des anglophones, le système scolaire devrait être assez souple pour pouvoir absorber, à tous les niveaux, les enfants de langue anglaise nouvellement arrivés dans la province, et leur offrir une éducation qui leur permette de continuer leurs études universitaires ou techniques au Québec, dans une autre province du Canada ou dans un autre pays. Nous pensons que des commissions scolaires régionales de langue anglaise sont la meilleure garantie pour l'éducation de ces étudiants. Dans le passé, le Québec a beaucoup bénéficié de l'immigration d'étudiants et de professeurs venant d'autres provinces du Canada ou d'autres pays du monde. Sans la garantie du choix de la langue d'éducation telle que la propose le bill 63, nous sommes convaincus que les immigrants, familles avec enfants d'âge scolaire, ou professeurs, viendront au Québec moins nombreux et ce, au détriment de notre belle province.

Nous sommes profondément convaincus que les immigrants ont besoin d'autre chose que de la seule garantie du choix de la langue d'éducation telle qu'elle est offerte par le bill 63; nous sommes profondément convaincus que les immigrants ont besoin d'être complètement rassurés sur l'éducation de leurs enfants et de savoir que ceux-ci seront éduqués dans un système dont la base linguistique particulière leur assure une formation qui convient parfaitement à leurs besoins.

Les commissions scolaires. A la lumière de ce qui précède, nous pensons que la section 582 et les suivantes doivent être révisées pour assurer aux enfants de langue anglaise et de langue française un enseignement qui soit le reflet de leur culture propre et qui réponde le mieux à leurs besoins. A cet effet, nous pensons que la section 582 devrait déclarer clairement la nécessité d'établir des commissions scolaires séparées selon la langue. De plus, nous pensons que toutes les commissions existantes dans l'île de Montréal devaient être remplacées par neuf commissions scolaires françaises et quatre commissions scolaires anglaises, ainsi que l'a recommandé le conseil de restructuration scolaire de l'île de Montréal. Enfin, la section 582 devrait stipuler que, dans le territoire de chacune de ces treize commissions scolaires, chaque commission scolaire devrait avoir juridiction sur tout l'enseignement préscolaire, élémentaire, secondaire, ainsi que sur l'éducation des adultes autre qu'au niveau universitaire.

En fait, la section 582 du bill 62 devrait confirmer les pouvoirs et responsabilités que détiennent actuellement les commissions scolaires. Notre association est convaincue que la création d'un conseil scolaire de l'île de Montréal, suivant les recommandations du bill 62, représente une centralisation excessive du système scolaire, et constitue, de ce fait, une menace au pouvoir des commissions scolaires. En particulier, le bill 62 donne tout le contrôle financier au conseil scolaire.

Nous craignons que l'enseignement ne se trouve menacé par le danger d'un contrôle centralisé par le conseil scolaire de l'île de Montréal, si ce conseil et le ministre de l'Education ont le contrôle total de l'autorisation des dépenses et de l'imposition des amendes et sanctions. Nous estimons que le conseil scolaire devrait accorder des budgets aux commissions scolaires régionales, et que ces commissions scolaires devraient bénéficier, de par la loi, de la plus grande flexibilité possible dans les limites et budgets accordés.

Il est certain qu'une commission scolaire régionale est beaucoup plus au courant des besoins, à l'intérieur de son territoire (d'où l'allocation de son budget pour aider ses enfants au maximum), que ne peuvent l'être un conseil assez lointain et un ministère de l'Education encore plus lointain et dont le ministre a seul le pouvoir d'autoriser les dépenses. Nous pensons que la décentralisation des pouvoirs, par l'entre-

mise de commissions scolaires régionales nanties de pouvoirs considérables proches de l'autonomie, est le meilleur moyen d'aider les éducateurs à répondre aux besoins des enfants dans les diverses — et différentes — régions de l'île de Montréal.

Effectivement, puisque les administrateurs de langue française savent mieux que personne ce qui convient aux enfants dont ils ont la charge, ces administrateurs devraient exercer leur savoir et leur compétence dans des commissions scolaires françaises. De même, des administrateurs de langue anglaise peuvent seuls s'occuper efficacement de l'éducation des enfants de langue anglaise.

Pour résumer: 1. Les mots "chaque commission scolaire" devraient être remplacés par: "chaque commission scolaire de langue française ou chaque commission scolaire de langue anglaise". 2. Les mots "de la première à la onzième année inclusivement" devraient être remplacés par: "du jardin d'enfant à la onzième année inclusivement". 3. L'article 203 de la Loi de l'instruction publique mentionnée dans la section 586 du bill 62 ne donne pas une description adéquate des fonctions des commissions scolaires dans les systèmes modernes d'éducation. Par conséquent, l'article 203 devrait être amendé pour traiter plus justement des besoins et exigences de l'éducation moderne. A ce propos, nous sommes d'accord avec le Conseil de restructuration scolaire de l'île de Montréal. Nous suggérons donc que l'article 203 soit amendé de façon à inclure les fonctions suivantes: a) organiser et administrer l'enseignement pré-scolaire, élémentaire et secondaire polyvalent à l'intention de tous les enfants de son territoire et des adultes qui requièrent un tel enseignement ; b) surveiller et animer l'enseignement, déterminer les méthodes à offrir au choix des écoles, organiser des cours et élaborer des programmes supplémentaires, expérimentaux ou nouveaux; c) assurer les services médicaux, sociaux, psychologiques, le service d'orientation scolaire et professionnelle, les services de pastorale, requis dans toutes les écoles sous sa juridiction, et en favoriser l'intégration; d) choisir, engager et congédier le personnel enseignant et non-enseignant et le personnel de direction des écoles sous sa juridiction, leur assigner leur poste; assurer l'inspection des écoles; e) assurer l'entretien et la réparation des bâtiments scolaires, déterminer les besoins de locaux et d'équipement, choi- sir les meilleurs emplacements pour les nouvelles écoles, soumettre tout projet d'achat, de rénovation et de construction et tout devis pédagogique au conseil scolaire de l'île de Montréal; acheter tout le matériel requis; organiser le transport des élèves et les cafétérias; f ) préparer et soumettre au conseil scolaire de l'île de Montréal le budget nécessaire à la bonne marche et au progrès de ses écoles et au fonctionnement de ses comités d'écoles; g) fournir des garanties religieuses pour un enseignement confessionnel requis par les parents dans les écoles ou commissions scolaires où le nombre le justifie; h) assurer aux enfants la possibilité de fréquenter des écoles éloignées de leur quartier, où ils puissent recevoir le type d'enseignement religieux que leurs parents désirent, dans le cas où un tel enseignement ne soit pas dispensé dans le territoire de leur propre commission scolaire régionale.

Nous insistons sur le fait que les pouvoirs des commissions scolaires ne devraient être réduits en aucune façon. Mieux encore, leur pouvoir devrait être augmenté, en particulier, du fait que la participation des parents sera plus grande que par le passé, comme en témoigne la proposition d'établir dans chaque école des comités d'école formés de parents.

D'autre part, depuis quelques années, les administrateurs et les professeurs ont bénéficié, et les élèves en ont profité, du processus consultatif en vertu duquel les professeurs ont eu et auront une voix égale en matière de pédagogie, de programme, du choix des méthodes et des manuels, du fonctionnement et des règlements de l'école: bref, en tout ce qui concerne l'éducation des enfants sous leur responsabilité.

Les commissions scolaires régionales sont, par conséquent, renforcées par la participation des parents et des éducateurs, et devraient alors jouir de pouvoirs considérables. Il ne fait aucun doute qu'on ne devrait pas diminuer les pouvoirs des commissions scolaires.

On peut sauter d'ici jusqu'à la page 12. Je vous signale le dernier paragraphe de la page 12.

Note de l'Editeur

Le texte en italique qui suit n'a pas été lu par la représentante de la Quebec Association of Protestant School Administrators, mais nous le publions ici afin d'éviter de reproduire en entier le mémoire en appendice.

Bill 62 — Section Il — Commissions scolaires — Section 612

La section 612 devrait être divisée en 2 parties qui indiqueraient clairement que les commissions scolaires seraient séparées sur une base linguistique en commission scolaire française et commission scolaire anglaise.

La première partie devrait être rédigée ainsi: "Les commissaires d'école des commissions scolaires françaises doivent nommer un directeur général ainsi que deux directeurs-généraux associés chargés, l'un de l'organisation des cours adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, l'autre pour ceux qui sont applicables aux écoles publiques autres que catholiques ou protestantes. Les commissaires peuvent aussi nommer d'autres fonctionnaires et employés conformément à l'article 204. "

La deuxième partie devrait être rédigée ainsi: "Les commissaires d'école des commissions scolaires anglaises doivent nommer un directeur général ainsi que trois directeurs-généraux associés chargés, l'un de l'organisation des cours adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, le deuxième de l'organisation des cours adoptés ou reconnus pour les écoles publiques protestantes, et le troisième pour ceux qui sont applicables aux écoles publiques autres que catholiques ou protestantes. Les commissaires peuvent aussi nommer d'autres fonctionnaires et employés conformément à l'article 204. "

En procédant ainsi, on sera assuré d'avoir des fonctionnaires qualifiés pour les commissions scolaires françaises et les commissions scolaires anglaises.

Bill 62 — Section III — Les comités d'école

L'Association des Administrateurs des écoles protestantes du Québec est d'accord avec le principe de la création de comités d'école dans nos écoles. Cependant, pour donner aux parents une voix dans l'instruction religieuse, la section 623 devrait être amendée par l'addition des clauses suivantes:

(d) de consulter les parents pour s'assurer que les enfants reçoivent une instruction religieuse, morale ou civique correspondant aux voeux de leurs parents;

(e) d'accepter ou de rejeter tous règlements proposés par les autorités scolaires affectant des applications particulières de confessionnalité ou non-confessionnalité dans l'école, sous réserve des règlements des Comités catholique et protestant du Conseil Supérieur de l'Education.

En outre, la section 623 devrait stipuler que le comité d'école a une fonction consultative et non administrative, sauf en matière de confessionnalité. Le comité d'école devrait essentiellement avoir un double rôle d'intermédiaire:

(a) tenir les parents au courant;

(b) conseiller le principal (l'autorité compétente) et le personnel, et faire des recommandations.

Le comité d'école ne sera pas habilité à prendre des décisions engageant le principal et le personnel, sauf en matière de confessionnalité.

Nous sommes d'avis que, de par sa formation et son expérience, l'éducateur professionnel est plus qualifié que quiconque pour s'occuper de l'amélioration du programme d'instruction et que les décisions administratives devraient être laissées à l'éducateur ainsi qu 'aux commissaires élus des Commissions scolaires régionales.

Le Conseil scolaire de l'île de Montréal

L'Association des administrateurs des écoles protestantes du Québec admet la nécessité de réaménagements financiers permettant l'accessibilité de tous à l'enseignement: uniformisation de l'évaluation et du taux de la taxe scolaire, répartition des fonds aux commissions scolaires au prorata des besoins. A ce sujet, l'Association laisse à des autorités plus compétentes le soin de décider de la procédure à suivre.

Dans ce mémoire, nous avons laissé de côté les commentaires sur les dispositions financières de la Section IV "Conseil scolaire de l'île de Montréal" et de la Section V "Taxation".

En ce qui concerne la division des pouvoirs entre les Commissions scolaires régionales et le Conseil scolaire de l'île, l'Association croit fermement que les commissions scolaires régionales devraient recevoir un pouvoir maximum en accord avec les objectifs ci-dessus.

La section 662 du Bill 62 stipule que les membres du Conseil scolaire de l'île seront nommés par le Lieutenant-Gouverneur en Conseil sur la recommandation du Ministre. Nous pensons que ceci remet trop de pouvoir entre les mains d'une seule personne. Nous pensons que cette procédure est anti-démocratique.

Afin d'assurer une représentation démocratique au sein du Conseil de l'île, la section 662 devrait être remplacée par le texte suivant: "Le Conseil est composé de treize membres; chacune des neuf commissions scolaires françaises et chacune des quatre commissions scolaires anglaises nomme un membre."

En outre, nous estimons que la section 666 devrait être revisée et rédigée de la façon suivante: "Toute vacance est comblée par la Commission scolaire régionale convenable. "

Enfin, nous pensons que le premier paragraphe de la section 667 devrait être remplacé par le texte suivant: "Le président et le vice-président du Conseil scolaire de l'île sont élus par et parmi les membres du conseil et sont choisis, l'un parmi les représentants des commissions scolaires françaises, l'autre parmi les représentants des commissions scolaires anglaises. "

Nous savons que, dans le passé, les lois du Québec stipulaient que, dans certains cas, des nominations devraient être faites à des commissions scolaires. Il serait cependant erroné d'assumer que, du moment que cela s'est fait dans le passé, cela devrait se faire aujourd'hui et dans l'avenir. Si nous devions examiner deux mots, "loi" et "justice", nous pourrions affirmer que nous obéissons à la loi, parce que c'est nécessaire au maintien de l'ordre social.

Cela ne signifie pas, cependant, que nous croyons que chaque loi est synonyme de justice si la loi est inflexible et ne se prête pas à une interprétation en terme de droits humains de l'individu et de larges secteurs de la société. La nomination de membres nous parait donc flexible, et nous ne sommes pas d'avis que l'éducation, cette partie vitale de la formation de l'esprit et de l'âme, devrait dépendre des recommandations d'un seul homme, quelles que soient sa compétence, sa sagesse et sa position. Nous pensons que la seule façon démocratique de servir l'éducation est par l'élection des membres.

Actuellement, les commissions scolaires de Montréal sont confessionnelles de par la loi et sont, par conséquent, protégées par l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique. Nous comprenons que, dans l'île de Montréal, des groupes dissidents ont constitué des corporations d'administrateurs et que ces corporations administrent des écoles qui sont légalement confessionnelles. Il en découle que ceux qui bénéficient des privilèges de telles écoles ont aussi des droits et des privilèges garantis par la Constitution canadienne.

Lorsque le gouvernement du Québec adoptera des lois pour changer la structure actuelle de l'éducation dans l'île de Montréal, nous espérons que le gouvernement apportera des modifications à la Constitution du Canada pour que les droits linguistiques soient parfaitement protégés. C'est une étape nécessaire qui peut, seule, offrir plus de garanties qu'un décret provincial, qu'un simple vote majoritaire de l'Assemblée nationale peut abroger.

En conclusion, nous regrettons, malgré une certaine note optimiste, d'avoir à conclure sur un ton pessimiste. Il est probable qu'avec la création de onze commissions scolaires, seulement deux auront une majorité de langue anglaise. Si, par suite de l'adoption du projet de loi 62 dans sa forme actuelle, un tel système est constitué, nous pensons qu'il y a un grand danger que des ghettos culturels de langue anglaise se constituent dans la région de l'ouest de l'île de Montréal.

De la même manière, nous pouvons imaginer qu'il se créera des ghettos français du fait que les parents qui auront les moyens de déménager iront résider dans des régions où ils estimeront que leurs enfants pourront profiter d'une instruction plus conforme à leurs désirs. Si l'on ne crée que deux commissions scolaires anglaises, nous avons peur que nos jeunes éducateurs professionnels ne soient amenés à penser que les chances de promotion à des postes de plus grande responsabilité dans l'administration seront limitées.

Nous craignons aussi que cette situation ne provoque une baisse de qualité dans le personnel engagé.

Nous pensons que les dangers de ghettos seront évités par l'établissement de réseaux de neuf commissions scolaires françaises et quatre commissions scolaires anglaises, réseaux qui se recouvrent et couvrent toute l'île de Montréal.

Dans les commissions scolaires francophones qui seront créées, il n'y a aucune garantie qu'il existera une structure administrative de langue anglaise. Nous craignons que les écoles anglaises ne puissent survivre dans de telles conditions.

Si les prédictions qui précèdent se réalisent, les immigrants, en particulier ceux qui veulent que leurs enfants reçoivent leur instruction en anglais, ne voudront pas venir au Québec. L'industrie et le commerce ont besoin, pour prospérer, des talents, des compétences et de l'expérience de ces gens qui, pour leur travail, ont dû se déplacer souvent. Si de telles personnes ne peuvent venir s'installer au Québec, l'économie du Québec pourrait bien s'en ressentir profondément.

Notre association accueille cependant avec plaisir les sections du bill 62 qui insistent sur le principe de l'accessibilité de tous les enfants du Québec à une éducation de qualité, sans distinction de croyance ou de langue. Nous espérons sincèrement que, dans nos efforts pour promouvoir l'accessibilité de tous les enfants à l'enseignement, des structures scolaires seront mises en place pour encourager le bilinguisme et pour éviter que nos enfants vivent dans deux solitudes. Chaque enfant devrait être en droit de bénéficier de l'enrichissement exceptionnel que lui apporterait la participation à ce patrimoine culturel double.

Et voici enfin un résumé de nos recommandations: 1) Nous recommandons que tout changement proposé dans la structure des systèmes d'éducation de l'île de Montréal soit fait selon les principes les plus élevés de démocratie et de liberté civile, et comme un prolongement naturel de la Déclaration des droits de l'homme. 2) Nous recommandons que le système scolaire de l'île de Montréal soit établi sur une base linguistique, c'est-à-dire des commissions scolaires régionales de langue française et des commissions scolaires régionales de langue anglaise. 3) Nous recommandons que toutes les commissions scolaires existantes de l'île de Montréal soient remplacées par neuf commissions scolaires de langue française et quatre commissions scolaires de langue anglaise, ayant chacune juridiction sur tout l'enseignement préscolaire, élémentaire et secondaire dispensé dans son territoire. 4) Nous recommandons la formation d'un conseil scolaire de l'île de Montréal, mais dont les pouvoirs ne devraient pas être rendus excessifs par une trop grande centralisation. 5) Nous recommandons que les membres de ce conseil scolaire de l'île de Montréal soient élus et non nommés. 6) Nous recommandons que les commissions scolaires de langue française et les commissions scolaires de langue anglaise reçoivent des pouvoirs et des responsabilités au moins égaux aux pouvoirs et responsabilités que détiennent actuellement les commissions scolaires de l'île de Montréal, avec cependant certaines restrictions en matières financières. 7) Nous recommandons que la section 203 de la Loi de l'instruction publique soit revue et amendée pour qu'elle puisse décrire adéquatement les fonctions des systèmes modernes d'éducation. 8) Nous recommandons l'établissement de comités d'école qui devraient avoir une voix dans l'enseignement confessionnel. 9)Puisque l'article 93 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique donne des garanties constitutionnelles aux commissions scolaires de l'île de Montréal, nous recommandons que des garanties pour la protection totale des droits linguistiques soient incorporées ailleurs que dans un décret provincial qui peut être abrogé par un simple vote majoritaire de l'Assemblée nationale.

M. LE PRESIDENT: Quelques remarques?

M. CARDINAL: M. le Président, félicitations à madame pour sa voix française et féminine.

MLLE MARKSFIELD: Merci.

M. CARDINAL: Un tel mémoire passe beaucoup plus facilement de cette façon. Si j'étais l'un des 220 millions d'anglophones en Amérique, les craintes que l'enseignement de l'anglais ne vienne à disparaître ou à diminuer de valeur, je les aurais peut-être. Même si je reconnais que ces craintes existent, je ne crois pas qu'elles soient fondées. L'histoire passée du Québec en est la garantie. Ce ne sont pas les lois ou les décrets qui garantiront l'avenir, mais la façon d'agir, de penser et de s'exprimer des citoyens du Québec, de quelque culture qu'ils soient. Merci sincèrement, madame, d'avoir exprimé ces craintes sur ce ton sans passion, qui décrit bien une anxiété existante. Pour y répondre, je ne puis que référer à tout ce qui a déjà été dit à ce sujet aux séances précédentes de cette commission. Il est inutile de reprendre tout cela. Votre mémoire est une contribution, comme les autres mémoires. Si vous appuyez le projet de loi 62 dans certains de ses objectifs, il est bien évident que les moyens que vous préconisez pour y arriver sont tout à fait différents de ceux qui sont prévus dans le projet de loi. Pour l'instant, je ne puis faire autrement que reconnaître les sentiments de crainte ou d'anxiété que vous décrivez, mais vous me permettrez de ne les point partager.

M. LEFEBVRE: C'est madame Rivard, je crois?

MLLE MARKSFIELD: Mademoiselle Marksfield.

M. LEFEBVRE: Très bien. J'aurais une question principale à vous poser. J'en aurais bien une autre, mais je vais y réfléchir en vous posant la première, parce que ma deuxième serait un peu malicieuse, pas à votre endroit, remarquez.

MLLE MARKSFIELD: Allez-y.

M. LEFEBVRE: Je vais d'abord vous poser la première. A la page 14, je lis le paragraphe suivant: "Dans les commissions scolaires francophones qui seront créées, il n'y a aucune garantie qu'il existera une structure administrative de langue anglaise. Nous craignons que les écoles anglaises ne puissent pas survivre dans de telles conditions." Ce point de vue, vous l'exprimez, vous, d'une certaine façon. D'autres l'ont exprimé à l'égard des écoles françaises dans les districts prévus par le bill 62, où les Français seront en minorité, car il y aura de tels districts.

Ma question est la suivante: Si le bill 62, au niveau de la description de la composition des commissions scolaires unifiées proposées par le bill, au niveau de la représentation au sein même de la commission, c'est-à-dire parmi les commissaires, et au niveau de la direction

pédagogique, vous avait donné la garantie que, dans ces commissions scolaires, les écoles de langue anglaise, pour les enfants dont les parents auront choisi l'école de langue anglaise, auraient reçu ce support pédagogique au niveau de la commission scolaire, est-ce que l'ensemble de votre mémoire aurait pu en être modifié ou si votre position aurait été la même? Autrement dit, quelle est l'importance que vous accordez vous-même à ce quatrième paragraphe de votre page 14?

MLLEMARKSFIELD: Je base mes commentaires sur la composition actuelle du ministère de l'Education. Il n'y a que 23 membres de langue anglaise qui travaillent maintenant pour le ministère. Alors, où est la protection?

M. TETLEY: Sur combien?

MLLE MARKSFIELD: Sur 291 ou 300. Alors, ce n'est même pas 20 p.c.

M. CARDINAL: Pardon? Est-ce que l'enseignement de l'anglais a diminué au Québec parce qu'il n'y a que 23 personnes de langue anglaise?

MLLE MARKSFIELD: Il y a des difficultés, M. le ministre.

M. CARDINAL: Il y en a pour les Français, aussi.

M. BOUSQUET: Combien y en a-t-il à Toronto?

MLLE MARKSFIELD: Je l'ignore, monsieur.

M. LEFEBVRE: Si le député de Saint-Hyacinthe veut être patient.

M. BOUSQUET : Ah! Vous l'ignorez !

MLLE MARKSFIELD: J'habite le Québec. Alors, c'est le Québec qui m'attire et je ne veux pas devenir une Québécoise errante.

M. CARDINAL: Me permettez-vous, mademoiselle?

M. LEFEBVRE: Mademoiselle n'a pas vraiment répondu à ma question.

M. CARDINAL: Je voudrais qu'on revienne au sujet.

M. LEFEBVRE: Je crois que vous n'avez pas répondu à ma question encore.

MLLE MARKSFIELD: Je le sais.

M. LEFEBVRE: Vous en êtes consciente.

Est-ce que je puis la poser de nouveau? Enfin, vous la connaissez. J'aimerais avoir une réponse.

MLLE MARKSFIELD: Je ne suis pas certaine, monsieur, parce qu'il faut vraiment signaler les garanties. On dit qu'il y a des garanties avec le bill 63, regardez les difficultés que nous avons maintenant. Comment régler ce bill 63? M. Cardinal a indiqué qu'il va avoir des formules la semaine prochaine, mais regardez les inquiétudes qui se sont produites...

M. LEFEBVRE: Oui, parce que le ministre a attendu un an.

M. CARDINAL: Pardon, un an?

MLLE MARKSFIELD: ... Alors comment faire pour donner strictement une réponse honnête à ce moment? Je ne peux pas.

M. LEFEBVRE: Mais je sens quand même, dans votre réponse, que vous hésitez, c'est-à-dire que si vous aviez...

MLLE MARKSFIELD: Tout le monde hésite aujourd'hui, monsieur.

M. LEFEBVRE: Oui. Si vous aviez trouvé dans le bill 62 des garanties au niveau de la commission scolaire, peut-être que ça aurait changé votre jugement.

MLLE MARKSFIELD: Alors donnez-les-nous, énumérez-les, décrivez-les et nous en parlerons, monsieur.

M. LEFEBVRE: Bon, j'ai une autre question à vous poser avant d'arriver à ma question méchante...

MLLE MARKSFIELD: La méchante question?

M. LEFEBVRE: Non, la méchante s'en vient ensuite. Est-ce que vous habitez Montréal?

MLLE MARKSFIELD: Oui, monsieur.

M. LEFEBVRE: Bon, vous connaissez bien la Commission des écoles catholiques de Montréal?

MLLE MARKSFIELD: Plus ou moins, pas trop.

M. LEFEBVRE: Plus ou moins, voyez comme les solitudes sont terribles, même sur la même île parce que vous avez de plus...

MLLE MARKSFIELD: Mais j'ai appris mon français à Lachine, monsieur.

M. LEFEBVRE: Ah bon, mais vous avez, depuis cent ans...

MLLE MARKSFIELD: Comme M. Cardinal.

M. CARDINAL: J'ai appris l'anglais à Lachine.

MLLE MARKSFIELD: Bravo, chapeau, monsieur!

M. LEFEBVRE: Si vous avec des histoires de jeunesse à vous raconter! Alors, à la Commission des écoles catholiques de Montréal, depuis cent ans maintenant, je crois, on enseigne le français et l'anglais, c'est-à-dire qu'il y a des écoles françaises et anglaises, et je ne sache pas que les catholiques de langue anglaise aient été tellement en difficulté du fait de cette unification au niveau des structures scolaires. Je voudrais avoir votre opinion là-dessus.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, M. Lefebvre, avant que Mademoiselle ne réponde, je voudrais citer un autre témoignage que je voudrais apporter devant cette commission. Un commissaire de la commission des écoles catholiques de Saint-Laurent, que j'ai déjà cité devant cette commission, écrit ceci: "La commission scolaire des écoles catholiques de Saint-Laurent est actuellement une commission scolaire unifiée, selon la langue, et elle compte 35 p.c. de sa population scolaire de langue anglaise, 35 p.c. Il y a une direction générale à la tête de laquelle se trouve un directeur général flanqué de deux adjoints...

M. LEFEBVRE: Oh, comme c'est bien dit! Continuez, M. le ministre, là vous allez peut-être comprendre.

M. CARDINAL: Je lis là. M. LEFEBVRE: Continuez...

M. CARDINAL: "Son directeur de l'enseignement, c'est un français...

M. LEFEBVRE: Oh, comme c'est bien dit! M. CARDINAL: Je peux continuer?

M. LEFEBVRE: Oui, oui, si vous en avez d'autres lettres comme ça, des gens qui ont compris.

M. CARDINAL: "A ma connaissance, et j'ai été président de l'Association des éducateurs de Saint-Laurent pendant trois ans, il n'y a jamais eu de commissaire anglophone à Saint-Laurent. Et pourtant les anglophones ne se sont jamais plaints de cette situation à Saint-Laurent. Ce système d'une commission scolaire unifiée a donné d'excellents résultats. En effet, depuis septembre dernier, un dialogue s'est établi dans un climat de compréhension et d'acceptation réciproque des deux communautés linguisti- ques. D'ailleurs, sur les sept commissions scolaires préconisées dans le rapport Parent, une seule est formée d'anglophones et dont la langue maternelle est nécessairement l'anglais. Les trois autres, à majorité dite anglaise, le sont à cause des immigrants qui se sont intégres à la communauté anglophone plutôt que francophone à cause du système actuel."

Cela, ce n'est pas moi qui écris ça, c'est M. Raymond Désilets, qui est, non seulement commissaire à Saint-Laurent — bien, il l'a été pendant trois ans, il le mentionne ici — mais qui est maintenant président de la Fédération des enseignants de l'île de Montréal.

M. LEFEBVRE: Est-ce que le ministre a noté le beau petit paragraphe au sujet des émissions pédagogiques?

M. CARDINAL: J'ai noté, j'ai noté tous les paragraphes. S'il n'a pas été commissaire, il a été président des éducateurs pendant trois ans. De toute façon, je le cite tel quel. C'est public, car cela a été publié dans certains journaux francophones. Je ne sais pas si cela a été publié dans d'autres journaux. Mais ceci est un fait qui me frappe plus que la CECM, parce que là vous avez quand même une municipalité dont le maire est de langue française, dont les commissaires sont de langue française et qui a 35 p.c. de ses membres anglophones. Mademoiselle parlait de Lachine tantôt. J'y ai exercé et j'y ai vécu pendant un certain nombre d'années. On y a un phénomène qui ressemble un peu à ceci: j'ai même cet après-midi cité le cas d'anglophones de Lachine qui allaient dans des écoles françaises et vice-versa. Disons que ceci ne répond pas à la question de M. Lefebvre, mais s'ajoute à sa question comme exemple de ce qui se produit.

M. LEFEBVRE: Les hésitations de mademoiselle Marksfield ont été très éloquentes; elles ne sont pas inscrites au journal des Débats, mais cela a suffi, en tout cas, pour que je comprenne. Ma dernière question, c'est celle-là qui est malicieuse, vous n'êtes pas obligée d'y répondre. Si on vous donnait la garantie qu'on va changer de ministre de l'Education, auriez-vous aussi peur du bill 62?

MLLE MARKSFIELD: Cela n'a rien à faire avec le ministre...

M. LEFEBVRE: C'est parce que, privément, j'entends d'autre chose... C'est pour cela que je pose...

MLLE MARKSFIELD: Plus cela change, plus c'est la même chose!

M. CARDINAL: Sans cela, j'aurais posé la question à M. Lefebvre: Est-ce que M. Lefebvre a déjà eu des aspirations qu'il n'a pu satisfaire?

M. BOUSQUET: Je n'ai pas de question à poser. J'ai seulement le commentaire suivant à faire. Je félicite madame d'avoir admis que les Canadiens français des autres provinces sont ni plus ni moins que des Canadiens errants!

M. PEARSON: J'aurais juste une petite question à poser à madame. A la page 9...

M. RIVARD: Est-ce que je peux faire des commentaires? Le premier s'adresse au ministre à propos des gens de langue anglaise de Saint-Laurent. Mon école est bien proche de l'école Father McDonald, à Saint-Laurent, et depuis six ans, je travaille parmi eux et je sais bien qu'ils ne sont pas aussi contents que le ministre le pense.

M. CARDINAL: Ce n'est pas le ministre qui l'a dit. J'ai lu le texte...

M. RIVARD: Ah! excusez. Une question à M. Lefebvre, je pense! A Montréal, les structures de la commission dont vous parlez sont séparées, n'est-ce pas? Il y a deux structures: une structure pour les anglophones...

M. CARDINAL: Non, non, non. Au niveau de la commission scolaire, il n'y a qu'une structure. Trois des commissaires sont nommés par l'évêque; quatre sont nommés non pas par le ministre de l'Education, mais par le lieutenant-gouverneur en conseil. Il n'y a jamais eu deux structures. M. Lefebvre a été commissaire. Il y a des structures pédagogiques, c'est la différence.

M. RIVARD: C'est cela que je veux dire. Il y a des structures...

M. LEFEBVRE: Vous comprenez que je connais fort bien cette institution, y ayant vécu pendant cinq ans. Il est exact de dire qu'il y a, à mon avis, une excellente protection pour les écoles de langue anglaise, mais la majorité des commissaires est de langue française; la direction générale de la commission scolaire est de langue française; la direction générale des études est de langue française.

Mais vous avez une forte structure pédagogique, enfin, aussi forte qu'il est nécessaire, compte tenu des dimensions de cette institution, et vous avez, évidemment, des gens de culture anglaise qui dirigent des écoles de langue anglaise. C'est ce que nous nous évertuons à demander au ministre depuis le début et c'est ça qu'il n'a pas l'air de vouloir comprendre; et c'est la même chose pour les Français, remarquez bien, j'insiste là-dessus. On a le même problème avec les minorités françaises dans deux districts prévus par le bill 62 où ces minorités françaises n'ont aucune garantie, d'après le bill, qu'une direction pédagogique compétente verra à assurer la qualité d'un enseignement en langue française, mais nous avons talonné le ministre tant et plus là-dessus. Vous avez vu ce qui en est sorti. Vous en êtes juges comme moi.

M. PEARSON: J'aurais une question à poser, mais, avant de la poser, j'aimerais avoir une précision de M. Rivard. Vous dites que vous êtes principal d'une école près de Father MacDonald, à Montréal?

M. RIVARD: Oui.

M. PEARSON: Et vous avez mentionné, tantôt, que les catholiques anglophones de Saint-Laurent ne sont pas si contents. Qu'est-ce que vous vouliez dire exactement? Dans quel sens? Est-ce que c'est dans le sens de l'équipement? Des services scolaires? Des professeurs?

M. RIVARD: Tout ce que je peux dire, c'est que, parmi eux, plusieurs viennent à notre école et ils voudraient bien que leurs enfants reçoivent l'éducation qu'on offre dans nos écoles. Deuxièmement, ce sont les parents qui nous disent qu'ils ont besoin de plus d'écoles...

M. PEARSON: Ah bon!

M. CARDINAL: C'est exactement le problème, et je le connais parfaitement. La commission scolaire protestante de Saint-Laurent a refusé de passer des locaux à la commission scolaire catholique de Saint-Laurent. Ceci est un fait, et j'ai tout le dossier au ministère. C'est la raison pour laquelle une commission scolaire unique et un conseil métropolitain peuvent distribuer les équipements. Vous avez parfaitement raison. C'est pour ça qu'ils ne sont pas contents.

M. PEARSON: Bon, maintenant, j'en arrive à ma question.

M. RIVARD: Oui. Vous savez peut-être qu'une des écoles incluses ici, c'est une école qu'on appelle Helen Grove School et, en ce moment, on l'utilise pour des programmes totalement français.

M. CARDINAL : Et pour regrouper les élèves qui viennent de diverses paroisses de Saint-Laurent.

M. RIVARD: Justement.

M. CARDINAL: Et même d'en-dehors de Saint-Laurent. Je n'ai pas les chiffres par coeur.

M. RIVARD: Mais, ce n'est pas...

M. PEARSON: Maintenant, à la page 9 de votre mémoire — peut-être que je saisis mal — vous mentionnez au sujet de la section 612:

"La section 612 devrait être divisée en deux parties qui indiqueraient clairement que les commissions scolaires seraient séparées sur une base linguistique en commission scolaire française et en commission scolaire anglaise." Au sujet de la commission scolaire française, vous mentionnez qu'on doit nommer un directeur général ainsi que deux directeurs généraux associés, l'un catholique et l'autre, applicable aux écoles publiques autres que catholiques et protestantes.

Dans l'autre paragraphe, par contre, vous mentionnez, pour les écoles anglaises, trois directeurs généraux, l'un catholique, l'un protestant et l'un "autre".

Pour les écoles françaises, pourquoi le mot protestant, de la façon dont vous le définissez, puisque vous mentionnez un directeur aux écoles publiques autre que catholiques ou protestantes? Voulez-vous signifier par là qu'automatiquement les protestants sont anglophones?

MLLE MARKSFIELD: Je m'excuse, je ne comprends pas tout à fait votre question, monsieur.

M. PEARSON: Dans votre division, au sujet de la section 612, vous mentionnez, pour le secteur français, le nomination d'un directeur général ainsi que deux directeurs généraux associés, dont l'un pour les écoles publiques catholiques, et l'autre pour les écoles publiques autres que catholiques et protestantes.

MLLE MARKSFIELD: Il y a ceux qui sont protestants, ceux qui sont catholiques et ceux qui sont autres.

M. PEARSON: Vous ne mentionnez que deux directeurs généraux associés, un catholique et l'autre pour les autres.

Au sujet de la nomination des directeurs généraux associés pour le secteur anglophone, il y en a trois; un pour les catholiques, un pour les protestants et un pour autres. Y a-t-il une raison spéciale à cette distinction?

MLLE MARKSFIELD: Pour les écoles multi-confessionnelles alors, parce qu'il doit aussi y avoir ce genre d'écoles.

M. GOLDBLOOM: M. le Président, je pourrais peut-être donner un coup de main à Mlle Marksfield. La suggestion n'est pas originale de la part de l'association qui présente ce mémoire, elle a été faite à plusieurs reprises; on a dit que les protestants d'expression française ne sont pas assez nombreux pour avoir besoin strictement d'une structure à eux et qu'ils seraient disposés à se joindre aux autres non catholiques d'expression française.

Je ne voudrais pas parler pour les protestants d'expression française, mais voilà l'argument qui a été souvent avancé pour justifier la proposition que vous faites.

MLLE MARKSFIELD: Je vous remercie.

M. CARDINAL: Sauf qu'il faudrait s'entendre sur le sens du mot protestant. Vous êtes un protestant, monsieur.

M. LE PRESIDENT (Crôteau): Il n'y a pas d'autre question? Alors nous vous remercions. Il est dix heures moins cinq, on a mentionné tantôt qu'on voulait terminer les travaux à dix heures.

M. CARDINAL: Malheureusement, il y a un comité interministériel.

MLLE MARKSFIELD: Messieurs, de la part de la QAPSA, je vous remercie de votre accueil ici, ce soir.

M. LE PRESIDENT: Très bien, merci.

M. CARDINAL: Je vous en prie, mademoiselle; cela nous a fait plaisir. La prochaine fois, on se rappellera de vieux souvenirs de Lachine.

MLLE MARKSFIELD: D'accord.

M. LE PRESIDENT: Avant d'ajourner, j'aimerais souligner ici qu'un M. Gerald Fitzgerald, à titre personnel, a envoyé une lettre à cette commission. Il aimerait qu'on la produise au journal des Débats.

M. CARDINAL: Si vous le permettez, je ne suis pas entièrement d'accord. Je reçois, chaque jour, au bureau, de ces lettres de gens qui ne se présentent pas devant la commission. Ils nous envoient des lettres à titre personnel en demandant qu'elles soient publiées au journal des Débats. Il y a là une question de principe. Je ne sais pas ce qu'en pense l'Opposition, mais le nombre de lettres déjà reçues au ministère est de plusieurs centaines.

Si le monsieur veut se présenter, il a ce droit, comme tout citoyen.

M. LEFEBVRE: Je pense que je serai d'accord avec le ministre, car, autrement, le journal des Débats pourrait devenir une masse énorme.

MME KIRKLAND-CASGRAIN: Il serait quand même important de l'aviser qu'il peut se présenter.

M. CARDINAL: Oui, oui.

M. PEACOCK: M. le Président, je m'excuse de vous déranger dans ce petit débat que je n'entends pas, mais je dois vous rappeler que nous attendons ici depuis deux heures. Ce n'est pas comme cela qu'on entend les gens. Nous avons amené tout notre conseil exécutif pour montrer aux membres de cette commission l'importance que nous attachons à ce débat. Malheureusement, à cause de plusieurs choses:

les gens qui veulent trop parler, ceux qui veulent lire tout leur mémoire, nous sommes ici, à dix heures du soir, avec les gens de Lakeshore sans avoir été entendus.

Je vous demande, au moins, la politesse de nous écouter en premier lieu mercredi prochain. Y a-t-il une garantie formelle?

M. CARDINAL: Je vous le garantis.

M. PEACOCK: Les gens de Lakeshore pourront être entendus en deuxième lieu.

M. CARDINAL: Attendez un peu. Vous parlez de Lakeshore deux fois. Lequel?

M. PEACOCK: Le deuxième.

M. CARDINAL: Il y a deux groupes qui n'ont pas été entendus aujourd'hui.

M. PEACOCK: Oui, la Montreal Teacher's Association, et Lakeshore.

M. CARDINAL: C'est cela. We are ready to hear you on next Wednesday afternoon around four o'clock in the same order as indicated in the agenda today. So, we garantee you that those two associations will be the two first ones who will be heard, and the only ones in fact, at the next meeting of this committee.

M. PEACOCK: Je m'excuse, M. le Président, mais je posais la question au président des députés assemblés ici à cette commission. Je ne comprends pas comment le ministre a pu répondre. Je m'adresse à vous, M. le Président.

M. CARDINAL: Je m'excuse de vous avoir répondu, monsieur, et je vous remercie de votre délicatesse.

M. LE PRESIDENT: Monsieur, je tiens à vous dire ici qu'il y a collaboration entre l'Opposition et le parti ministériel.

Quant au président, sa fonction, c'est de maintenir l'ordre. Alors ce que les membres des deux côtés de la table décident, je pense bien que le président doit s'y soumettre.

M. LEFEBVRE: M. le Président, quant à moi, je comprends l'impatience de nos amis de la Montreal Teachers Association, mais je ne pense vraiment pas qu'ils puissent nous faire grief; nous avons tenté d'établir une espèce d'entente en vertu de laquelle chaque groupe aurait une demi-heure, mais c'est difficile de limiter le droit de parole des gens. Vous-même, lorsque vous serez entendu, si, au bout de vingt minutes, on vous disait que votre temps est fini, vous n'aimeriez probablement pas ça. Franchement, malgré l'inconvénient qui vous est causé du fait que vous devrez revenir, en toute objectivité, je ne pense pas que vous puissiez faire de grief à la commission, je pense que c'est un problème non partisan. Nous avons fait notre possible pour écouter tout le monde.

M. PEACOCK: M. le Président, si je puis m'expliquer, nous serions prêts à faire un petit résumé de notre point de vue, si nous étions assurés que les membres ont lu notre mémoire avant. Nous l'avons présenté il y a au moins un mois. Pourquoi est-ce que ce n'est pas possible? Tout le monde exige qu'on lise chaque mot, pour que ce soit enregistré. C'est pour cette raison que les gens restent ici afin de lire chaque mot. Si vous pouviez nous assurer que notre mémoire serait étudié sans être lu ici, nous serions tout à fait d'accord pour prendre dix minutes.

M. LE PRESIDENT: C'est ce que nous avons convenu au début de la séance. Nous avons donc vos mémoires; à la prochaine séance, les membres de la commission auront pris connaissance de vos mémoires et ils pourront vous interroger sur ces mêmes mémoires.

M. PEACOCK: Je vous remercie, M. le Président.

M. LE PRESIDENT: Alors, ajourné?

M. DAOUST: M. le Président, seulement une petite question. Je sais que vous êtes pas mal fatigué à cette heure-ci, mais, la semaine prochaine, aurions-nous plus qu'une demi-heure?

M. LE PRESIDENT: Nous allons siéger de quatre heures à cinq heures et demie ou six heures? Six heures? Nous allons avoir deux heures.

M. CARDINAL: Nous ne pouvons pas garantir l'heure du début de la séance; nous sommes pendant la période des travaux parlementaires; malgré la bonne volonté de l'Opposition et des ministériels, nous sommes à la disposition de l'Assemblée nationale; nous aurons entre une heure et une heure et demie pour les deux mémoires.

M. LE PRESIDENT: Il ne faudrait pas que ces gens reviennent encore.

M. CARDINAL: Si ces deux associations pouvaient s'entendre, ce sont les deux seuls que nous entendrons; elles peuvent se diviser ce temps.

M. LE PRESIDENT: Entendez-vous donc entre vous.

M. DAOUST: Je vous remercie. (Fin de la séance: 22 h 1)

APPENDICE MEMOIRE

SOUMIS PAR

LE CONGRES JUIF CANADIEN

SECTION DU QUEBEC 1. INTRODUCTION

Le Congrès Juif Canadien représente la communauté juive, en vertu d'élections des délégués des organisations et du public en général, par des procédés démocratiques.

Il est divisé en régions qui administrent leurs programmes locaux et s'occupent de toutes questions qui représentent un intérêt pour la communauté juive locale en tant que telle. C'est la région du Québec, du Congrès Juif Canadien, qui a siège à Montréal, et en tant que porte-parole reconnu de la communauté juive de la Province de Québec, qui se présente aujourd'hui devant le Comité de l'Education de l'Assemblée Nationale et soumet ce mémoire qui expose ses vues sur la restructuration proposée de l'organisation scolaire à Montréal. 2. LA COMMUNAUTE JUIVE - HISTORIQUEMENT ET DEMOGRAPHIQUEMENT

La communauté juive au Québec, remonte à 1759 et possède une histoire de plus de deux siècles d'existence ininterrompue.

Les membres de la communauté juive fournirent, de nombreuses et importantes contributions au développement de la Province de Québec, dans un vaste domaine d'activités.

Quoique la communauté juive soit historiquement, dans une large mesure, d'expression anglaise, elle rassemble actuellement une grande proportion qui est bilingue. Depuis 1957, alors qu'une immigration en provenance d'Afrique du Nord amena au Canada plusieurs milliers de familles juives, dont la première langue est d'expression française, cette tendance vers le bilinguisme s'est régulièrement accrue. En conséquence, la composition linguistique au sein de la communauté juive, est devenue de plus en plus variée et un plus grand pourcentage de la population juive s'exprime en français en tant que première langue, alors qu'une proportion croissante de l'autre partie de la population juive est bilingue ou étudie le français et pourvoie à ce que ses enfants fassent de même.

Néanmoins, les membres de la communauté juive éprouvent profondément le sentiment, qu'eux-mêmes et leurs enfants doivent conserver la faculté de communiquer entre eux dans la Province de Québec, aussi bien qu'avec le reste du Canada et la communauté internationale, tant en anglais qu'en français selon leur choix.

A ces fins, le système éducatif de la Province de Québec et plus particulièrement de l'île de Montréal, en ce qui a trait aux langues, doit assurer à la communauté l'accessibilité de l'éducation dans la langue de son choix, à partir de la première jusqu'à la onzième année d'études inclusivement, grâce à des études de la plus haute qualité d'excellence pédagogique.

3. POSITION DE LA COMMUNAUTE JUIVE AU SEIN DU SYSTEME SCOLAIRE DE LA PROVINCE DE QUEBEC

La Communauté Juive de la Province de Québec, chérit et est fière d'une longue histoire d'association et de coopération étroite, avec ses concitoyens d'autres religions, dénominations et origines, dans toutes les phases des activités civiques, culturelles, économiques et philanthropiques. Dans le champ de l'éducation, un processus historique aboutit en une affinité plus étroite avec le système des écoles protestantes et en conséquence, l'acceptation du fait que celles-ci sont les plus proches d'un système d'éducation sans dénomination propre. La Commission des Ecoles Catholiques de Montréal, décida tout récemment, de faciliter l'admission dans ses écoles, d'enfants d'expression française, autres que catholiques et actuellement, une section d'une de ses écoles élémentaires a été attribuée aux enfants juifs.

Notre intention n'est point en ce mémoire, de nous occuper des difficultés actuelles auxquelles les juifs de la Province de Québec ont à faire face en matière d'éducation. Nous nous limiterons à exprimer l'espoir, que jusqu'à ce que de nouvelles structures administratives soient mises en oeuvre, les problèmes spécifiques de la communauté juive, tels que soulignés dans nos mémoires précédents, fassent l'objet de la considération qu'ils méritent par les autorités respectives. 4 , MEMOIRES SOUMIS ANTERIEUREMENT PAR LE CONGRES JUIF CANADIEN, EN EN MATIERE D'EDUCATION AU QUEBEC

Le Congrès Juif Canadien, a précédemment et en de nombreuses occasions, exprimé ses vues en ce qui concerne le système éducatif dans la Province de Québec. Nos recommandations au sujet de la loi 62 sont fondées sur celles précédentes qui comprenaient: a) Mémoire soumis à la Commission Royale d'Enquête sur l'Education (Mars 1962) b) Mémoire soumis à la Commission Royale sur la Taxation au Québec (Janvier 1964) c) Mémoire soumis à la Commission Parlementaire sur la Constitution (Juin 1964) d) Mémoire soumis au Conseil Supérieur de l'Education au Québec (Octobre 1966) e) Mémoire soumis au Comité de l'Education de l'Assemblée Nationale au sujet de la Loi 56 (Novembre 1968) f) Mémoire soumis au Comité de l'Education de l'Assemblée Nationale au sujet de la Loi 85 (Janvier 1969) g) Mémoire soumis à la Commission d'Enquête sur la Position de la Langue Française et sur les Droits Linguistiques au Québec (Août 1969).

Nous requérons respectueusement que ces mémoires qui sont dans vos dossiers soient considérés comme faisant partie intégrale du présent mémoire.

Nous désirons plus particulièrement citer à nouveau, la position exprimée par nous, dans notre mémoire à la Commission d'Enquête sur la Position de la Langue Française et sur les Droits Linguistiques au Québec: « Nous sommes convaincus, que tous les Québécois doivent bénéficier de la même opportunité de jouir d'un système scolaire applicable à tous les résidents, sans distinction, et qui pourvoierait aux moyens nécessaires en vue de l'acquisition future, des langues française et anglaise et des éléments fondamentaux d'une culture pluraliste. « Nous recommandons que le système éducatif soit basé sur une dualité linguistique, au sein d'une même administration scolaire, avec l'option allouée à tous les parents, d'envoyer leurs enfants aux écoles de leur choix. Le but de toutes les écoles doit être un processus éducatif fournissant aux étudiants une connaissance d'usage du français et de l'anglais, en tant que langues de communication. « La mise en oeuvre du système éducatif scolaire suggéré, devrait inclure la pleine reconnaissance par le Gouvernement du Québec du secteur d'écoles indépendantes bénéficiant d'une aide gouvernementale la plus étendue et dans lequel chaque groupe pourra, s'il le désire, assumer des responsabilités supplémentaires de son propre chef, en vue de développer son propre héritage culturel et religieux et ce conformément aux « idéaux » démocratiques du Québec et du Canada ».

5. OBSERVATIONS GENERALES

La loi No 62 qui modifierait fondamentalement le système éducatif actuel, pour autant que l'administration de nos écoles en est l'objet, revêt une importance primordiale pour la communauté juive. Le Congrès Juif Canadien, Section du Québec, dédia aux modifications y proposées une étude des plus attentives. Son Comité sur la Position des Juifs dans le système éducatif du Québec, établit immédiatement un Comité d'Etudes chargé d'analyser ladite loi sous tous ses aspects. Des réunions publiques furent tenues, ainsi que des consultations individuelles avec des organisations et des personnes, les plus qualifiées à exprimer des opinions sur cette question vitale.

La Communauté Juive n'est pas monolithique et il existe des différences d'opinions sur un certain nombre de questions. Des principes généraux existent cependant, auxquels souscrit la Communauté Juive dans son entité et au sujet desquels se fait une unanimité complète, tels que l'acceptation d'une dualité linguistique et d'un pluralisme culturel fondement de notre système éducatif, le droit des parents de choisir la langue dans laquelle leurs enfants seront instruits, le caractère démocratique des structures administratives élues par un suffrage universel, la participation des parents aux décisions prises et une égalité d'imposition.

L'opinion bien considérée du Congrès Juif Canadien est que le but ultime des amendements à la loi sur l'éducation, devrait être l'établissement d'une administration scolaire unifiée, élue démocratiquement avec des garanties législatives écrites adéquates en vue d'assurer l'égalité des droits en matière d'éducation et des conditions nécessaires afin de fournir des programmes d'études dans la langue choisie par les parents de la plus haute qualité pédagogique. C'est dans cet ordre d'idées que le Congrès Juif Canadien soumet respectueusement un certain nombre de suggestions et de recommandations développé ci-après, que nous considérons comme essentiel au développement du système éducatif viable qui a« ses racines dans la tradition et regarde vers l'avenir ». (Rapport de la Commission Parent). 6. COMMISSIONS SCOLAIRES UNIQUES

Nous exposons respectueusement que la création proposée de commissions scolaires uniques, soit considérée dans le contexte des buts et des objectifs supérieurs de n'importe quel système éducatif appelé à fournir une éducation de la plus haute qualité possible pour tous sans distinction, et d'assurer à tous l'éducation qu'ils requièrent. Dans le contexte de la société québécoise, ceci comporte certainement un pluralisme culturel et un dualisme linguistique.

Il pourrait être facilement soutenu qu'une organisation administrative unique est plus capable que toute autre, d'organiser une éducation supérieure au niveau élémentaire et secondaire moyennant un enrichissement des programmes en rendant ceux-ci plus flexibles, un recrutement de personnel compétent, une organisation de bibliothèques scolaires, la création de moyens d'éducation physique, l'usage de méthodes audio-visuelles et autres.

Ce qui n'est pas aussi certain, est de savoir si de pareilles commissions seraient capables de mieux maintenir la diversité des choix religieux et le dualisme linguistique dans le système scolaire. L'unification est une chose et l'uniformité en est une autre. Sans aucun doute, le plus grand soin doit être manifesté à mesure que la ligne de démarcation entre ces deux concepts devient plus estompée.

Le droit pour chacun à une éducation de la meilleure qualité et de son choix, revêt une priorité par rapport à n'importe quel avantage qui pourrait découler d'une administration scolaire unifiée sur l'île de Montréal. Il n'est pas suffisant de légiférer sur des opportunités en vue d'une éducation diversifiée. Il est essentiel que soient clairement définies des procédures établissant comment cette diversité peut être atteinte et mise en oeuvre.

Nous exposons que des révisions substantielles sont essentielles en vue de faire en sorte que l'unification proposée soit effective par l'établissement d'un système éducatif prévoyant l'opportunité égale pour tous sans distinction, ainsi que des conditions nécessaires pour une dualité linguistique et un pluralisme culturel qui, tous deux, sont des fondements de la société québécoise.

7. DUALITE LINGUISTIQUE

A la lumière de l'article 2 de la loi en vue de promouvoir la langue française au Québec — Loi No 63 — la loi sur l'éducation fut amendée de sorte qu'il incombe à chaque Commission Scolaire « de prendre les mesures nécessaires pour que les cours d'études... adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques, protestantes ou autres, selon le cas, soient dispensés à tous les enfants... en langue française », et « en langue anglaise à chaque enfant dont les parents en font la demande lors de son inscription ».

Etant donné que la poursuite de l'instruction en français et, ou, en anglais, apparaît comme étant une des préoccupations majeures de plusieurs membres de la communauté, nous recommandons que cette obligation soit clairement réaffirmée dans la loi relative à l'organisation scolaire dans l'île de Montréal.

Nous sommes convaincus qu'il est très important pour la communauté non seulement d'être réassurée et systématiquement informée au sujet du fait que chaque commission scolaire possédera les moyens de fournir des cours d'études dans la langue du choix des parents, mais aussi de savoir de quelle manière ce système fonctionnera sous l'égide de l'administration scolaire unifiée, telle que proposée.

Plus particulièrement, nous pensons qu'il est important d'assurer que l'on disposera de personnel adéquat à tous les niveaux pour établir, superviser et fournir de tels cours, et de s'assurer que ces cours sont de la plus haute qualité.

En conséquence, nous recommandons qu'aucune loi ne soit adoptée sans une disposition relative à la désignation de deux directeurs généraux associés sur une base linguistique et pour chaque commission scolaire, l'un pour tous les cours d'instruction donnés en langue française, et l'autre pour tous les cours d'instruction donnés en langue anglaise. Ces deux directeurs généraux associés auraient charge de la responsabilité de l'administration éducative et de la supervision des cours respectifs d'études, conformément à l'option des parents. Au surplus, les directeurs généraux associés devraient à leur tour disposer d'un personnel suffisamment expérimenté afin que les cours d'études bénéficient du plus haut niveau de compétence et de qualité.

De telles dispositions feraient que les parents seront plus rassurés sachant que les programmes sont administrés et exécutés par un personnel parlant la même première langue que leurs enfants. 8. OPTION DES PARENTS

Nous exposons que des dispositions soient ajoutées à la loi 62 définissant les procédures d'exercice de l'option des parents en ce qui concerne la langue d'instruction, et que cette option soit également ouverte à chacun sans distinction.

Notre opinion bien considérée est que de telles dispositions sont essentielles en vue de celles de la loi 63 qui a amendé la section 3 de la Loi sur l'Immigration (1968, Chapitre 68) en stipulant que le Ministre de l'Immigration devra « prendre, de concert avec le ministre de l'éducation les dispositions nécessaires pour que les personnes qui s'établissent au Québec acquièrent dès leur arrivée ou même avant qu'elles quittent leur pays d'origine la connaissance de la langue française et qu'elles fassent instruire leurs enfants dans des institutions d'enseignement où les cours sont donnés en langue française ».

Tout ce qui peut être accompli en vue d'assister les nouveaux venus dès leur arrivée, afin d'obtenir une connaissance d'usage de la langue française, est certainement très recommandable et utile. La communauté juive dans la limite de ses ressources, a depuis un certain nombre d'années accompli exactement cette tache et aidé les immigrants juifs à apprendre le français. Des cours de langue française sont donnés par le Service d'Aide aux immigrants juifs qui est l'agence centrale d'aide de la communauté juive aux nouveaux venus et des livres de textes appropriés, ainsi que toute aide éducative est disponible au profit de ces programmes.

Il serait cependant inconcevable si, à l'occasion de l'éducation fournie aux enfants des nouveaux arrivants, une distinction était créée entre un résident et un autre d'une part, et que d'autre part, un groupe entier serait institué dans une catégorie séparée. Nous sommes catégoriquement opposés à pareille distinction. Ces dispositions introduiraient au Québec une conception qui pourrait avoir des répercussions lointaines en mettant un terme à l'égalité des droits fondamentaux entre ceux nés au Québec et les autres résidents de la Province, et au surplus elles seraient en contradiction avec la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme.

9. CONSEIL SCOLAIRE DE L'ILE DE MONTREAL

Un rôle très important dans la restructuration proposée de l'organisation scolaire à Montréal est assigné au conseil scolaire de l'île de Montreal, qui sera chargé du financement, de la planification et de la coordination des services de chaque Commission. Il est très essentiel que le Conseil reflète parfaitement la communauté totale et exprime tous les types d'éducation qui seront dispensés par les Commissions, que ce soit des cours d'études adoptés ou reconnus pour les écoles publiques catholiques et pour les écoles publiques protestantes, et pour les écoles publiques autres que catholiques et protestantes, qui toutes devront dispenser une instruction en langue française et anglaise. Nous exposons que le Conseil, en vue d'acquérir la confiance des parents et de la population en général, et afin qu'il soit plus effectif, devrait être élu sur une base largement démocratique et être ainsi responsable envers la communauté. Nous recommandons en conséquence que chaque commission scolaire soit requise d'élire parmi ses membres un représentant au Conseil scolaire de l'fle.

Des membres additionnels jusqu'à un maximum de 25% des membres élus du Conseil de l'fle, pourraient être nommés par le Ministre de l'Education qui s'assurerait que parmi ceux-là il y aura des membres autres que catholiques et protestants.

Nous recommandons qu'afin de donner un vrai sens démocratique au Conseil de l'fle, le Président et le Vice-Président soient élus par les membres du Conseil et parmi ceux-ci, et non point être désignés par le Ministre de l'Education tel qu'il est actuellement stipulé dans la loi. 10. ARRONDISSEMENTS SCOLAIRES

Nous exposons que l'organisation scolaire à Montréal fonctionnerait plus effectivement si le nombre des commissions scolaires projetées était moindre, permettant ainsi un contrôle plus effectif et efficient des écoles se trouvant sous la juridiction d'une commission scolaire déterminée.

Nous recommandons que soit poursuivie l'étude des recommandations de la Commission d'Enquête sur l'Education au Québec — Commission Parent — qui envisageait seulement sept commissions scolaires pour l'fle de Montreal. Au cas où le nombre des commissions scolaires serait maintenu à onze, tel que prévu par la loi 62, nous recommandons que leur délimitation soit modifiée à la lumière de considérations démographiques et que plus particulièrement, une portion de l'arrondissement scolaire No 4 soit ajoutée à l'arrondissement scolaire No 2 qui lui est limitrophe, et ce, en vue d'une administration plus efficace et plus cohésive des écoles de cette région.

A l'appui de cette recommandation, nous joignons une copie d'une étude qui indique la position spécifique des enfants juifs qui actuellement fréquentent les écoles protestantes dans cette région, et les avantages qui résulteraient des changements proposés. 11. QUALIFICATIONS ELECTORALES

Telle qu'ainsi rédigée, la loi 62 dispose qu'en vue d'avoir le droit de voter à l'élection d'un commissaire, il sera nécessaire d'être, parmi d'autres conditions, citoyen canadien. Cette disposition excluerait automatiquement les parents qui sont de nouveaux arrivants, durant la période qui devrait s'écouler avant qu'ils ne deviennent éligibles à la citoyenneté canadienne, soit un minimum de cinq ans. Les élections scolaires, si importantes pour le total de la population, sont d'un intérêt primordial pour ceux le plus directement intéressés: soit les parents. La loi 62 à juste titre, reconnaît la grande importance du rôle des parents dans la décision qui a trait à l'éducation de leurs enfants; aussi au niveau du comité scolaire, accorde-t-elle le droit de vote à tous les parents, sans aucune exception. Nous pensons qu'une période de résidence canadienne supérieure à une année, est parfaitement suffisante pour habiliter une personne a voter aux élections d'un commissaire scolaire et nous recommandons en conséquence que la qualification de citoyen canadien afin de pouvoir voter relativement aux commissaires scolaires soit abrogée et remplacée par la condition d'une résidence canadienne pour une période supérieure à une année.

12. TRANSITION

Des changements d'une nature aussi fondamentale, tels qu'ils sont proposés par la loi 62, causeront nécessairement une dislocation durant la période transitoire, alors qu'un ensemble d'organes administratifs disparaîtra et qu'un autre d'une nature complètement différente en prendra la place.

Un excès de zèle en vue d'effectuer des changements dans un laps de temps minimum, conduirait nécessairement à une situation chaotique et pour le moins temporairement la qualité de l'éducation en souffrirait.

Une période d'ajustement est nécessaire en vue d'obtenir dans son entité l'objectif des changements proposés, soit le maintien de la dualité linguistique et du pluralisme culturel au plus haut niveau et de la plus haute qualité.

En conséquence, nous recommandons qu'un grand soin soit exercé dans l'exécution de la loi 62 afin de s'assurer que les changements proposés sont introduits avec la dislocation et l'interruption minima des services.

Ceci s'applique en particulier à l'unification des commissions scolaires où un soin spécial est requis afin de s'assurer que l'éducation des enfants qui fait l'objet actuellement de différentes structures maintienne la plus haute qualité et une excellence pédagogique.

Nous recommandons que l'unification des commissions scolaires soit effectuée par étapes de manière qu'il n'y ait pas d'abaissement des niveaux à cause du transfert des responsabilités administratives et pédagogiques. 13. ECOLES PRIVEES

Plus de 4,000 enfants juifs représentant 25 à 30% de la population totale juvénile juive, fréquentent les écoles diurnes juives à Montréal dans lesquelles ils reçoivent leur éducation générale en sus des cours d'études de religion et culture juives.

Actuellement, ces écoles jouissent du statut « associé » avec la Commission Scolaire Protestante du Grand Montréal et la Commission Scolaire Protestante du Grand Saint-Martin.

Nous comprenons que la loi 62 n'altérera pas en aucune manière la position des écoles privées en général qui continueront à être soumises aux dispositions de la loi sur l'éducation privée (Loi 56) ou la loi 37, qui institue le statut « associé ». 14. CONCLUSIONS

Dans une société multiculturelle telle que la nôtre, il ne peut y avoir de doute qu'une attention spéciale soit nécessaire en ce qui concerne cet aspect de l'éducation publique qui mène à une plus profonde et durable compréhension mutuelle entre les différentes variétés religieuses et le maintien de la dualité linguistique. Nous sommes tous dédiés à ce but. C'est notre espoir que la nouvelle perspective qui est actuellement projetée pour l'organisation scolaire à Montréal, apportera une nouvelle vitalité et force à ces concepts fondamentaux. Le chemin qui mène de la théorie à la pratique est souvent long, non tracé et estompé, et des mesures énergiques sont requises pour assurer la compréhension, l'aide et la confiance de la population entière.

Nous sommes reconnaissants de l'opportunité qui nous a été donnée d'exprimer nos vues et confiants que les problèmes présentés dans ce mémoire seront considérés avec équité et bonne volonté.

Respectueusement soumis, de la part de la Région du Québec du Congrès Juif Canadien.

Nathan Gaisin, Monty Berger,

Président Président du Comité sur la

Position des Juifs dans le Système éducatif du Québec

Morton Bessner, Dr. Samuel Lewin

Président du Comité d'Etudes Directeur Exécutif

Le 19 février 1970

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