Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.
Question avec débat
(Dix heures quatre minutes)
Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous
plaît!
Nous allons commencer les travaux de la commission permanente de
l'éducation qui se réunit pour discuter la question avec
débat du député de Gaspé qui s'adresse au ministre
de l'Education sur le sujet suivant: La politique du gouvernement relativement
à l'enseignement privé.
Je voudrais vous rappeler que les travaux de cette commission sont
régis par le règlement 162A qui se lit ainsi: "Lorsqu'une
commission élue est saisie d'une question avec débat, elle est
soumise aux règles spéciales suivantes: a) le
député qui a donné l'avis de la question avec débat
a droit d'être entendu le premier et le ministre questionné peut
lui répondre immédiatement après; chacune de ces
interventions doit être limitée à vingt minutes; b) un
député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui
plaît, à condition de ne pas parler plus de vingt minutes en tout;
cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné
l'avis de question avec débat ni au ministre questionné, lesquels
ont un droit de parole privilégié". Je fais une parenthèse
ici: privilégié ne veut pas dire exclusif ". c) le ministre peut
se faire accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à
prendre la parole et ils parlent alors en leur nom; d) la commission ne
désigne pas de rapporteur et il n'y a pas de rapport à
l'Assemblée; e) le quorum est présumé exister et l'absence
de quorum ne peut être invoquée; f) il ne peut y avoir ni motion,
ni vote; g) à treize heures, ou lorsqu'il n'y a plus d'opinant, le
président met fin aux travaux de la commission ". Ceci dit, je laisse la
parole à M. le député de Gaspé.
Exposé du sujet
M. Michel Le Moignan
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je suis très
heureux, ce matin, d'entamer, avec le ministre de l'Education et mes autres
collègues de l'Assemblée nationale qui s'intéressent
à la question une discussion franche et honnête sur l'avenir de
l'enseignement privé au Québec.
J'aimerais bien que ces quelques heures mises à notre disposition
nous permettent, non seulement de faire le point sur ce dossier important qui
préoccupe un très grand nombre de Québécois dans
toutes les régions de la province, mais aussi de jeter un peu plus de
lumière sur les intentions réelles du gouvernement à
l'endroit du secteur d'enseignement privé.
Que l'Union Nationale porte un intérêt particulier à
ce dossier, je pense que cela ne surprend personne. C'est plutôt le
contraire qui serait étonnant. Lorsque nous avons demandé
à l'As- semblée nationale, en décembre 1968, d'adopter la
loi 56 sur l'enseignement privé, nous avons posé, avec le
concours unanime de tous les députés, un geste
démocratique et responsable qui répondait à un besoin
réel de la population québécoise, c'est-à-dire,
premièrement, le maintien des institutions privées d'enseignement
sur le territoire du Québec et, deuxièmement, l'obligation de
l'Etat de contribuer financièrement au fonctionnement de ces
institutions dûment reconnues par le ministère de l'Education.
Notre attitude, en 1978, demeure toujours aussi ferme en faveur du
respect intégral de ces deux principes. Je suis persuadé que
cette attitude est partagée par tous les partis d'opposition
représentés à l'Assemblée nationale.
Malheureusement, il me paraît difficile, sinon impossible, de
faire la même affirmation à l'endroit du gouvernement. Nous ne
connaissons vraiment pas, à l'heure actuelle, la politique que le
gouvernement entend suivre vis-à-vis des institutions de renseignement
privé. Tout ce que nous savons de façon certaine, c'est qu'on
procède, au ministère de l'Education, à une remise en
question fondamentale de la politique suivie par le ministère dans ce
secteur depuis maintenant plus de dix ans.
Nous ne savons pas grand-chose non plus sur la nature et la
portée de cette étude en profondeur, si ce n'est par les bribes
de renseignements que le ministre a bien voulu nous donner à loccasion.
Je sais que depuis environ un an il y a un comité, au ministère
de l'Education, qui travaille, comme nous l'indique un communiqué en
date du 29 juin 1977. Je puis citer ces quelques lignes en passant: "Cette
étude portera notamment sur la place des écoles privées
par rapport à l'enseignement public, I'admission, la sélection et
le renvoi des élèves, la qualité du personnel enseignant,
les caractéristiques des programmes d'étude de ces institutions,
l'organisation des services aux étudiants, etc. Ces travaux sont devenus
nécessaires, compte tenu des projets du gouvernement en vue
d'intégrer l'école davantage dans son milieu."
Nous savons, par ailleurs, qu'en janvier 1977 le ministre Laurin faisait
allusion à un comité spécial chargé d
étudier le fonctionnement de l'enseignement privé. Le ministre
actuel de l'Education fait aussi partie de ce comité. J'ose croire que
ce matin nous allons en savoir un peu plus long à ce sujet. Ces quelques
éclaircissements ou fuites calculées que le ministre nous a
fournis, ajoutés aux gestes concrets que le ministre a posés
depuis plus d'un an relativement au financement des institutions privées
et à la reconnaissance de nouvelles institutions, sans oublier la
résolution du Parti québécois, adoptée au dernier
congrès du parti en mai 1977, sont suffisants, à mon avis, pour
jeter des doutes sur I affirmation du premier ministre, à savoir que ni
de près ni de loin, les droits des citoyens ne seront brimés de
quelque façon que ce soit affirmation faite devant les
représentants et amis de l'Association des parents catholiques du
Québec dans cette même salle en novembre dernier.
Lors de I étude des crédits du ministère de
I'Education I an dernier, le ministre nous a livré ce qu il qualifiait
à lépoque de réflexions qui demeurent pour I'instant tout
à fait personnelles. Il y a de cela un an et le ministre a probablement
aujour-d nui une position plus officielle. Je comprends très bien sa
situation. Malgré ses sentiments personnels, il y a aussi des aspects
stratégiques et des aspects politiques auxquels il est soumis. Le
ministre nous a dit, à ce moment, que deux principes fondamentaux
l'animaient dans sa réflexion sur la place de l'enseignement
privé par rapport à l'ensemble du système d
éducation. Le premier principe était que le Québec doit
accorder la priorité au développement du secteur public. Ce
principe me semble aller de soi, compte tenu de limportance du nombre des
institutions publiques, du nombre d étudiants intéressés
et de la nature des budgets en cause.
Il ne nie aucunement I existence d un secteur privé dynamique et
une interaction créatrice entre le secteur public et le secteur
privé. Tout le monde est d accord pour améliorer la
qualité de I'école publique, mais, pour ce faire, est-ce
nécessaire de remettre en cause la survie du système
privé? C'est bien plus le deuxième principe, celui qui concerne
le rôle et la place de I'institution privée dans notre
système d'éducation, qui soulève le plus de discussions.
Ici, je me permets de citer le ministre au journal des Débats du 24 mai
1977, à la page B-3169. Les institutions privées, dit-il,
"doivent, à mon avis, collaborer avec le secteur public et contribuer
ainsi, selon la nature de leurs ressources et de leur expérience,
à la pleine réalisation des objectifs d'éducation au
Québec. Un tel choix permettrait aux institutions privées de
rendre un service à caractère public. C'est dans la mesure
où elles contribuent à ce service de caractère public qu
elles peuvent justifier leur existence.
Mais pour bien comprendre cette notion de service à
caractère public que le ministre, soit consciemment ou inconsciemment,
semble nier aux institutions privées qui existent à l'heure
actuelle, je crois qu'il faut la relier à une autre notion, que le
ministre avait mentionnée au cours de cette même allocution, qui
me semble indissociable de la première dans mon esprit. Et je me permets
de citer à nouveau le ministre au journal des Débats, toujours,
du 24 mai 1977: "La notion d'intérêt public n'étant plus
fondée sur la complémentarité et la coordination des
services éducatifs entre institutions privées et
établissements publics, comme le proposait le rapport Parent,
l'application de la loi de l'enseignement privé a favorisé le
développement d'un secteur privé de plus en plus parallèle
et même concurrent par rapport au secteur public".
Je ne crois pas que je puisse être taxé d'une
interprétation abusive des propos du ministre, propos, faut-il le
rappeler, qui lui sont tout à fait personnels, en lui demandant s'il est
exact que, dans un avenir plus ou moins rapproché, seules les
institutions privées qui pourront justifier qu'elles rendent un service
à caractère public, c'est-à-dire qu'elles rendent des
services complémentai- res, seront reconnues comme institutions
privées au sens de la loi par le ministère de l'Education. (10 h
15)
Je demeure persuadé, après mes discussions avec des gens
du milieu, que cette notion de complémentarité qui a refait
surface à l'Assemblée nationale sous forme de questions orales,
suite à I'adoption, par le Parti québécois, à son
congrès de mai 1977, d'une résolution en faveur d'une
réduction progressive des subventions, sur une période de cinq
ans pour les écoles privées qui n'entreraient point dans les
perspectives d'intégration que le parti a adoptées, je demeure
persuadé, dis-je, que cette notion est au coeur du débat qui
oppose à l'heure actuelle les tenants et les adversaires de
l'enseignement privé au Québec.
Le ministre nous a dit hier, en Chambre, qu'il serait probablement en
mesure, ce matin, de nous livrer quelques éléments de la
politique du gouvernement sur l'avenir de l'enseignement privé au
Québec. J'aimerais bien qu'il aborde cet aspect déterminant du
dossier et qu'il nous dise clairement là où il veut en venir
lorsqu'il déclare, comme il l'a fait le 31 mai dernier en Chambre
à la suite d'une question de mon voisin de gauche, le
député de Mégantic-Compton, et je cite: "J'ose
espérer que nous en viendrons à des perspectives où
I'école publique et l'école privée seront davantage
complémentaires qu'elles ne le sont à l'heure actuelle".
Je voudrais maintenant aborder une autre facette du dossier de
l'enseignement privé qui, tout en étant de nature plus technique,
revêt une importance capitale pour la survie des institutions
privées. Il s'agit de la question de la politique de subvention à
ces dites institutions privées. Le ministre a déclaré le
24 mai dernier, en commission parlementaire, qu'une saine administration des
fonds publics exigeait que toute politique de subvention aux institutions
privées tienne compte d'un certain nombre de choses, et il en a
énuméré trois: 1) que les subventions soient
utilisées en conformité des objectifs définis à
I'intérieur de la mission éducative de l'Etat; 2) que les
subventions ne contribuent pas à favoriser des comportements
discriminatoires en éducation; 3) que les subventions soient
dépensées de la façon la plus judicieuse possible en
évitant notamment le dédoublement des services.
Ces trois critères ont sûrement guidé le ministre
dans l'élaboration des modifications qu'il a annoncées lors de
l'étude des crédits de son ministère, l'année
dernière, relativement au calcul des subventions aux
établissements privés. En vertu de la loi 56, le financement des
établissements privés est fondé sur le coût moyen
par élève l'année précédente dans le secteur
public. Les établissements privés qui détiennent une
déclaration d'intérêt public ont droit à 80% du
coût moyen et ceux qui ont obtenu une reconnaissance pour fins de
subvention ont droit à un financement qui équivaut à 60%
du coût moyen.
Selon la nouvelle méthode de calcul, on ne tiendra plus compte,
dans le calcul du coût moyen, des intérêts à court
terme payés pour les arrérages dans le paiement des subventions
aux
commissions scolaires, ni du coût relatif à
l'opération d'un centre relié au Service de l'informatique du
ministère, puisque, dans ce dernier cas, il n'y a pas de coût
équivalent dans le système privé. En plus, la nouvelle
méthode de calcul doit tenir compte des effectifs enseignants
alloués par les conventions collectives, tant au niveau des commissions
scolaires qu'au niveau des collèges, selon la catégorie et selon
le type du programme d'enseignement
M. le Président, le ministre s'est défendu avec
acharnement, au printemps dernier, contre l'interprétation qui avait
été faite dans certains media d'information où l'on
faisait allusion à une diminution, dans le secteur privé, de
l'ordre de $13 millions par suite de cette nouvelle méthode de calcul
pour les subventions. Pour le ministre, il ne s'agissait pas de coupure, mais
plutôt d'un calcul plus exact du coût moyen.
Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de nous dire, après la
mise en application de ces nouvelles mesures, s'il existe des institutions
privées au Québec qui ont reçu un montant
inférieur, sous forme de subvention, par rapport à l'ancienne
méthode de calcul du coût moyen? Dans l'affirmative, pourrait-il
nous donner la répartition de ces institutions et des montants
accordés? Je serais très surpris si des établissements
privés avaient reçu des montants supérieurs à ceux
auxquels ils auraient eu droit avec l'ancienne méthode de calcul, mais
si cela existe, j'aimerais bien en être informé.
La question du financement des institutions privées sous forme de
subventions de l'Etat est vitale et le ministre n'est pas sans l'ignorer. Je ne
crois pas que ce soit l'intention du gouvernement de nier ce principe
fondamental, mais il ne faudrait pas que la future politique du gouvernement en
matière d'enseignement privé soit à ce point restrictive
qu'elle lui permette de faire indirectement, par le biais de l'octroi des
subventions, ce qu'il n'ose pas faire directement. D'ailleurs, M. le
Président, le ministre n'est pas sans savoir que l'application de la
notion de complémentarité suscite énormément
d'inquiétude à ce niveau dans le milieu des institutions
d'enseignement privé. J'aimerais bien que le ministre profite de cette
tribune que nous lui offrons aujourd'hui pour nous donner clairement et sans
faux-fuyants sa pensée sur les liens entre les subventions et la
complémentarité de l'école privée envers
l'école publique. Je ne saurais trop insister sur ce point. Il me
paraît primordial.
A titre d'exemple, si le ministre est appelé à donner son
approbation à un projet d'école privée qui donne toutes
les garanties d'accessibilité à la population et répond
aux normes pédagogiques du ministère, est-ce que l'application du
principe de la complémentarité l'emportera sur un autre principe
universellement reconnu du droit des parents de privilégier certaines
options fondamentales dans l'éducation de leurs enfants? Nous croyons
fermement que ce droit des parents découle non seulement de la nature
des choses, mais aussi des exigences d'une société qui se veut
pluraliste et respectueuse de la liberté de ses membres.
Je ne voudrais pas terminer ce bref exposé sans dire quelques
mots sur un autre geste qu'a posé le ministre, au cours de
l'année dernière, et qui a causé tout un émoi parmi
les associations représentatives du secteur privé. Le 29 juin
dernier, le ministre annonçait par voie de communiqué que
dorénavant les demandes en vue de la création de nouvelles
écoles privées feraient l'objet de consultations du milieu par
l'entremise des commissions scolaires régionales sur le territoire
desquelles ces institutions veulent s'implanter. Suite à cette
initiative, il y a lieu de se demander ce qu'il adviendra de la Commission
consultative de l'enseignement privé que le ministre est tenu de
consulter en vertu de la loi 56 avant de déclarer une institution
d'intérêt public ou de recommander une institution pour fins de
subvention. Doit-on conclure que le ministre met en doute la
représentativité de cette commission où, soit dit en
passant, siège un représentant de la Fédération des
commissions scolaires? Ou, d'un autre côté, doit-on s'attendre
d'ici peu à une remise en cause complète du rôle et des
pouvoirs de cette commission consultative?
Quant à la création de nouvelles écoles
privées, je sais que le ministre a reçu des demandes d'ouverture
d'institutions privées dans quatre villes du Québec, soit
Roberval, Sorel, Rimouski et Matane et peut-être aussi dans quelques
autres. Le ministre a jugé bon, conformément à cette
nouvelle politique de consultation du milieu de demander l'avis de la
commission scolaire régionale dans chacun de ces cas, malgré le
fait que ces demandes émanaient d'éducateurs et de parents qui
travaillaient depuis longtemps à élaborer des projets de mise sur
pied d'institutions scolaires conformes à leurs aspirations, à
leurs droits et au bien commun.
Serait-il possible, M. le Président, de savoir, ce matin, ce que
le ministère entend faire dans chacun de ces cas et, de manière
plus générale, le ministre pourrait-il nous fournir des
statistiques précises et à jour sur le nombre de demandes qui ont
été faites, depuis le 15 novembre 1976, par des institutions
d'enseignement désireuses d'être reconnues comme institutions
d'intérêt public ou comme institutions pour fins de subventions,
et parmi celles-ci, celles qui ont réussi à obtenir un statut
quelconque?
Je n'ai pas à épiloguer plus longtemps sur le climat
d'inquiétude et d'incertitude qui règne présentement dans
le secteur privé de l'éducation au Québec. Si cette
commission parlementaire n'avait pour seul résultat que de fournir un
éclairage nouveau et plus positif sur les intentions réelles du
gouvernement en ce domaine, de manière que la population puisse
évaluer, en toute connaissance de cause, quel sera le rôle et la
place de l'enseignement privé dans notre système
d'éducation, je pense que nous aurons rempli, de façon
responsable, notre rôle au sein de cette Assemblée.
Les enjeux et les valeurs engagés dans le processus
éducatif, qu'il s'agisse du secteur public
ou du secteur privé, ont profondément marqué
l'évolution du peuple québécois, et nul doute qu'ils la
marqueront davantage dans les années à venir. Parmi ces valeurs,
il en est une qui nous tient particulièrement à coeur et à
laquelle les Québécois sont profondément attachés
et dont on retrouve l'expression législative dans le préambule de
la loi du ministère de l'Education, à savoir que "les personnes
et les groupes ont le droit de créer des institutions d'enseignement
autonomes et, les exigences du bien commun étant sauvées, de
bénéficier des moyens administratifs et financiers
nécessaires à la poursuite de leurs fins".
M. le Président, nous entendons que le gouvernement du
Québec respecte ce droit que l'Assemblée nationale a voulu
concrétiser par le biais d'une loi particulière. Nous sommes
convaincus que ce n'est pas seulement l'Union Nationale qui le veut, mais
l'immense majorité des citoyens du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Gaspé, je vous remercie. M. le ministre de l'Education.
Réponse du ministre M. Jacques-Yvan
Morin
M. Morin (Sauvé): M. le Président, madame,
messieurs les députés, le voudrais-je que j'aurais quelques
difficultés à dissimuler l'intérêt que suscite chez
moi la question avec débat que le député de Gaspé a
décidé de présenter devant cette commission parlementaire.
Je suis heureux de l'occasion de faire le point, dans la mesure où c'est
possible, au moment où se débat au sein du gouvernement la
nouvelle politique relative à renseignement privé. Effectivement,
comme l'a mentionné le député, une étude en
profondeur a été effectuée depuis un peu plus d'un an
maintenant et se trouve en ce moment sur le point d'aboutir devant le
comité ministériel de développement culturel ainsi que
devant le Conseil des ministres. (10 h 30)
En guise d'entrée en matière et pour éclairer, dans
la mesure du possible, la discussion que nous allons avoir sur l'enseignement
privé, j'ai pensé qu'il convenait de présenter aux membres
de cette commission quelques données de base sur ce secteur et de leur
faire part de certaines mesures particulières qui l'ont touché
depuis le début de l'année scolaire. Je pense démontrer
que, ni de près ni de loin, les droits des citoyens n'ont
été brimés.
Le secteur de l'enseignement privé, il faut le rappeler, regroupe
une très grande variété d établissements, que ce
soit en raison de leur ancienneté, puisque certains sont plus que
centenaires, de leur mission, de leur taille, de leur caractère
confessionnel, du niveau et de la nature de leur enseignement ou, enfin, de
leur statut juridique.
C'est selon le type d'enseignement que la loi de l'enseignement
privé distingue trois grandes catégories d'établissements:
ceux qui s'intéressent à l'enseignement général,
ceux qui s'occupent d'enseignement professionnel et les écoles de
culture personnelle. Quelle que soit la catégorie où il se situe,
tout établissement doit détenir l'un des trois statuts suivants
que lui accorde le ministère de I'Education: soit le statut
d'établissement déclaré d'intérêt public, ce
qu'on appelle communément la D.I.P., soit le statut
d'établissement reconnu pour fins de subvention, appelé
généralement la R.F.S., ou encore le statut d
établissement avec permis.
Certains établissements ont reçu plus d un statut, selon
les degrés ou les niveaux d'enseignement autorisés. D'autres
peuvent être dispensés de I'obligation de détenir un permis
de culture personnelle en vertu des règlements de la loi ou sont exclus
du champ d'application de la loi. Comme le démontre un tableau que j'ai
fait joindre dans la pochette qui a été distribuée aux
membres de la commission et, je pense, aussi à la presse, le
ministère a émis ou reconduit 713 permis cette année, dont
501 à des écoles de culture personnelle et 119 à des
maternelles. Aucune subvention n'est accordée pour ces écoles
sous permis puis-qu elles ne détiennent ni D.I.P., ni R.F.S. A cela s
ajoute encore 241 cas de dispenses ou d exclusions en vertu de la loi. 263
statuts ont été reconduits en faveur de 200 établissements
déclarés d'intérêt public ou reconnus pour fins de
subventions. Ces 200 établissements offrent pour la plupart ce qu on
appelle des cours de formation générale.
Les effectifs étudiants des établissements
subventionnés s'élèvent cette année à 88 465
élèves et étudiants. Alors que le taux moyen d
accroissement de ces effectifs a été de 12,7% entre 1970/71 et
1976/77, il n'a varié à la hausse que de 0,2% entre 1976/77 et
1977/78, soit 212 élèves de plus. On note même une
diminution du nombre d élèves là où ils sont en
plus grand nombre, c est-à-dire dans les établissements d
enseignement général des niveaux secondaire et collégial.
Evidemment, ces phénomènes s'apparentent au
phénomène de décroissance qu'on note dans I'ensemble du
système scolaire en raison de la dénatalité. La croissance
du nombre d'élèves des écoles primaires en 1977/78
provient surtout du fait que, selon la politique de désassociation
progressive amorcée en 1972, les effectifs du quatrième
degré des écoles juives se sont ajoutés aux effectifs de
ce niveau. Il en sera ainsi, d'ailleurs, pour le cinquième degré
l'an prochain.
Quant au financement de l'enseignement privé, il s appuie, je
pense que tout le monde le sait, sur les coûts par élève,
déterminés à partir des coûts de fonctionnement dans
le secteur public l'année précédente pour les
établissements de même catégorie, comme l'a fait valoir
tout à l'heure le député de Gaspé.
J'aborderai cette question devant vous plus longuement la semaine
prochaine au moment de I'étude des crédits du ministère.
Mais je veux dès maintenant signaler que les modifications
apportées au mode de détermination des subventions de cette
année ont rétabli une plus grande équité par
rapport à l'enseignement public, sans retombées graves pour les
écoles privées. En outre, j'ai demandé au Service
général de l'enseignement
privé d'effectuer des analyses financières pour
vérifier l'utilisation faite des fonds publics.
La charte de la langue française adoptée par
l'Assemblée nationale en août dernier, a été
appliquée dans tous les établissements subventionnés et
ceux-ci en ont respecté les prescriptions de façon très
fidèle. Une école anglaise d'enseignement commercial intensif est
même devenue française après la promulgation de la loi. Un
seul établissement a décidé d'accepter des
élèves inadmissibles à l'enseignement en langue anglaise
et, en conséquence, n'a pas reçu de subvention. Un second cas est
en suspens à l'heure actuelle en attendant la décision de la
Commission d'appel créée sous l'empire de la charte.
C'est aussi au cours de l'année que le ministère a
rappelé aux établissements privés leur obligation
légale de ne pas admettre les élèves à la
maternelle et en première année de l'école primaire avant
l'âge défini par règlement, c'est-à-dire
respectivement cinq ans et six ans révolus avant le 1er octobre de
l'année scolaire en cours.
Le ministère a fait l'essai, cette année, d'une nouvelle
procédure d'examen des demandes d'implantation d'établissements
en consultant les commissions scolaires des territoires d'où ces
demandes proviennent. Je voudrais informer les membres de cette commission des
recommandations, déjà rendues publiques dans chaque région
concernée, que quatre commissions scolaires régionales m'ont
présentées après avoir consulté les organismes
intéressés par ces projets.
Le député de Gaspé me rappelait tout à
l'heure ces quatre cas d'écoles que d'aucuns voudraient ouvrir à
Matane, à Rimouski, à Sorel et à Roberval. Les
consultations, je pense, sont déjà connues du public, mais j'ai
pensé qu'il serait utile que les membres de la commission aient devant
eux la réponse qui m'est parvenue de ces quatre commissions scolaires
régionales. Dans trois cas sur quatre, les commissions m'ont rendu un
avis nettement défavorable à l'ouverture de nouvelles
écoles privées. Il s'agit de la Commission scolaire
régionale Carignan, de la Commission scolaire régionale des Monts
et de la Commission scolaire régionale du Bas-Saint-Laurent. Dans le cas
de la Commission scolaire régionale du Lac-Saint-Jean, l'avis est
formulé de telle façon qu'il constitue, de fait, un avis
négatif, puisqu'il pose comme principe que l'Etat devra assumer les
coûts découlant de la baisse du nombre d'élèves et
de professeurs causée par la création de l'école
privée, principe auquel je ne puis évidemment souscrire. En
effet, si, dans certains cas, la création d'une école
privée devait entraîner une situation financière
impossible, voire même la fermeture d'une école publique, je ne
puis évidemment continuer de financer une école ou une commission
scolaire de la même façon que s'il n'y avait pas eu de diminution
de clientèle. Vous savez que le principe du financement est celui d'une
contribution de l'Etat par tête.
J'ai voulu observer le statu quo pour tout ce qui a trait au
développement du réseau de l'enseignement privé, en
n'accordant aucun statut sub- ventionné nouveau et en
n'améliorant aucun statut existant au cours de l'année, nous
sommes engagés dans un processus de réflexion en profondeur quant
aux orientations à donner à l'enseignement public, à tous
les niveaux, et il me paraîtrait extrêmement imprudent de poser des
gestes qui pourraient compromettre les efforts de redressement et de renouveau
que nous impose l'état actuel des choses.
Je me permettrais de citer un extrait d'un discours prononcé par
un membre de l'Union Nationale qui portait presque le même nom que
moi-même, M. Jean-Marie Morin, en 1968. Je pense que cela va souligner
l'importance du problème auquel j'ai dû m'attaquer en arrivant au
ministère, après plusieurs années de négligence.
"C'est un fait, disait M. Jean-Marie Morin, que de trop nombreuses
écoles privées exposent la santé et même la vie des
enfants à de graves dangers, que d'autres exploitent
financièrement leurs élèves ou les parents par des
procédés quasi ou nettement frauduleux, et que d'autres, enfin,
ne donnent qu'un simulacre d'enseignement ou un enseignement tout à fait
inadapté aux besoins de leurs élèves". Cette situation,
j'ai pu constater au cours des derniers 18 mois qu'elle n'est pas encore
parfaitement assainie après bientôt une dizaine d'années et
j'ai dû effectivement procéder à certains resserrements
dans l'octroi des déclarations d'intérêt public, des
reconnaissances pour fins de subvention et des permis.
D'autre part, l'enseignement privé fait aussi I'objet d'un examen
complet, à l'heure actuelle, en vue de le resituer par rapport au
contexte d'ensemble et en fonction des perspectives d'avenir du système
scolaire. Tout à l'heure, le député de Gaspé
faisait état devant nous de cette notion de
complémentarité qui, effectivement, a été
mentionnée à loccasion: Complémentarité de
l'enseignement privé par rapport à l'enseignement public. Il nous
disait que cette notion suscite des difficultés. Ce peut effectivement
être le cas, mais j'aimerais lui rappeler qu en 1968, ce sont
effectivement des critères qui ont été mentionnés
par I'Union Nationale au moment du débat sur la loi 56. Je voudrais
même lui citer un ou deux passages qui vont plus loin encore et qui
démontrent qu à cette époque-là on songeait
même à une intégration des deux systèmes
privé et public. Si la notion de complémentarité suscite
des difficultés, vous pensez bien que cette autre notion
d'intégration en suscite également. Peut-être le
député de Gaspé voudra-t-il nous donner des
éclaircissements sur la pensée officielle actuelle de l'Union
Nationale à cet égard.
Je cite toujours M. Jean-Marie Morin, à la page 5015 des
débats de 1968 (c'était le 17 décembre 1968): "Aujourd hui
que le Québec est à se donner un système d'enseignement
unifié, coordonné et cohérent, les institutions
privées ne peuvent plus vivre et fonctionner, en quelque sorte, en marge
de ce système, elles doivent s'y intégrer. J'aurai aussi des
citations de la part des libéraux pour vous, madame, tout à
l'heure, si la chose peut vous intéresser. Un peu plus loin, M.
Jean-Marie Morin disait ceci, à la page suivante: "Enfin, un
troisième objectif consiste à faciliter I'intégration des
institutions privées au système unifié et coordonné
que le Québec est à édifier.''
Au terme des études en cours et des conclusions du groupe
chargé du dossier, qui vont nous être transmises au début
de juin, le gouvernement a lintention de faire connaître sa politique; ce
sera vraisemblablement dans le courant du mois de juin. Ce matin, cependant, je
suis tout à fait disposé à discuter de I attitude que j'ai
adoptée à I'égard des établissements d'enseignement
privés depuis que je suis responsable des affaires de I Education. Je
suis disposé, en particulier, à discuter chacun des cas où
j'ai pris une décision; mais, naturellement, je ne suis pas
disposé à annoncer une politique qui n'est pas, encore au point.
Je ne suis pas disposé à rendre publics des rapports qui font I
objet de discussions au niveau ministériel. (10 h 45)
Telles sont, M. le Président, les observations
préliminaires que j'ai cru utile de porter à la connaissance de
la commission, au début de ce débat. Si vous me le permettez, je
pourrais maintenant répondre à une ou deux des questions qui ont
été soulevées par M. le député de
Gaspé.
Tout d'abord, il m'a demandé quelles sont les institutions qui
ont demandé une DIP ou une RFS depuis le 15 novembre 1976 et quelle a
été la réponse du ministère. Je vous rappelle que
j'ai suspendu, tant qu'il n'y aura pas de nouvelle politique, toute
décision qui pourrait aller à l'en-contre des
intérêts existants dans le domaine de l'enseignement privé.
Je me suis donc gardé de porter atteinte à ce qui existe, mais je
me suis également gardé de reconnaître quelque nouveau
statut que ce soit. C'est à la lumière de ce double principe
qu'on doit interpréter les détails que je vais maintenant vous
donner.
Nous avons reçu cinq demandes de DIP d'établissements qui
existaient déjà et qui nous demandaient, en quelque sorte, des
renouvellements. Comme ces établissements existaient et que la politique
n'était pas énoncée, je ne me suis pas cru autorisé
à refuser ces renouvellements, sauf dans un cas où j'ai dû
modifier un statut, mais toujours pour un établissement qui existait
déjà. Ceux-ci sont les suivants: Campus Notre-Dame-de-Foy; Ecole
Armen-Québec; Collège de Saint-Césaire, qui est
passé d'une RFS à une DIP, donc qui a vu son statut
s'améliorer; Ecole de l'Eglise arménienne; Institut
Notre-Dame-du-Souri-re.
M'ont ensuite demandé des DIP cinq autres établissements
qui existaient déjà et je leur ai accordé, aux termes des
pouvoirs que me confère la Loi sur l'enseignement privé, ce qu'on
appelle la RFS. Ce sont: L'Académie Centennial; le Collège
d'Arthabaska; le Collège Français primaire de Longueuil; le
Juvénat Saint-Jean et l'Institution Charlemagne, qui est de niveau
secondaire.
M'ont demandé également une déclaration
d'intérêt public des établissements qui n'existaient pas
auparavant ou qui n'avaient pas ce statut de DIP auparavant. J'ai
accordé, dans certains cas, des permis, mais, en vertu des principes que
j'énonçais tout à l'heure, je n'ai pas accordé la
DIP. Ce sont: L'Académie Centennial, pour un autre niveau de son
enseignement; l'établissement Audrey Morris; le Centre de
céramique-poterie Bonsecours; le Collège Sainte-Marcelline;
l'établissement Armand le coiffeur vous voyez qu'il y a une
très grande variété dans ces écoles l'Ecole
bilingue Notre-Dame-de-Sion; l'Ecole d'é-quitation du Saguenay; l'Ecole
d'éveil de Sainte-Foy; l'Ecole maternelle Marie Soleil; les Ecoles
Emmanuel; l'établissement appelé Au Jardin Bleu; le Lower Canada
College; l'Ecole Saint-Georges; le Studio l'Ecrin; le Study, qui est une
école; l'Ecole supérieure des Grands Ballets Canadiens.
M'ont fait parvenir des demandes de DIP, mais ont essuyé un refus
pour des raisons qui m'appa-raissent suffisantes, deux établissements:
Le Centre d'études espagnoles et le Collège de Dolbeau.
C'est-à-dire que c'étaient des projets que je n'ai pas
approuvés.
M ont fait parvenir des demandes de déclaration d
intérêt public, mais se trouvent en suspens les collèges ou
écoles qu'a mentionnés tout à I'heure M. le
député de Gaspé: l'Ecole secondaire Matane Inc., le
Collège Saint-Pierre de Sorel, lEcole secondaire de Rimouski, l'Ecole du
Tremblay à Roberval, ainsi que le Pensionnat Mont-La-Mennais à
Oka.
M ont fait parvenir des demandes de reconnaissance pour fin de
subvention et I ont obtenue les institutions suivantes: il s agissait
encore une fois de renouvellements I Académie catholique
Saint-Jude, le Collège moderne de secrétariat de
Trois-Rivières, le Collège O'Sullivan de Limoilou, le
Collège Driscoll où j'avais refusé la RFS et
où à Iheure actuelle, j'ai dû la renouveler sur ordre du
tribunal; mais nous avons porté la cause en appel parce que nous
estimons que cette reconnaissance pour fin de subvention n'est pas
justifiée et enfin l'Ecole coopérative secondaire
Beauséjour qui est fermée à l'heure actuelle, mais que
j'avais prolongée pour un an pour permettre que cet enseignement prenne
fin de façon ordonnée.
M'ont demandé une reconnaissance pour fin de subvention et ont
obtenu un simple permis. L'Ecole maternelle Marie Soleil, l'Ecole Pasteur,
l'lnstitution Charlemagne, qui est de niveau primaire, la Villa
Sainte-Marcelline, l'Ecole coopérative secondaire Beauséjour pour
ce qui est du niveau secondaire I. Je vous souligne ce principe qui
était appliqué par tous les gouvernements
antérieurs du refus de subventionner les écoles primaires. Ce
n'est pas neuf, il n'y a jamais eu de subventions pour les écoles
primaires, sauf dans le cas des pensionnats.
Enfin m'ont fait parvenir une demande de reconnaissance pour fin de
subvention, mais ont essuyé un refus, le Groupe Nouvel Air et le
O'Sullivan Business College de Montréal.
S il me reste encore quelques instants...
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, je vous ai
accordé le même temps qu à M. le député de
Gaspé qui avait dépassé son temps de trois
minutes. Je vous demanderai de conclure, s'il vous plaît!
M. Morin (Sauvé): Ce sera très bref. Plutôt
que de traiter dès maintenant les autres questions que me posait le
député de Gaspé, je vais tout simplement attendre qu'il me
pose ces questions.
M. Le Moignan: Mais si le ministre veut compléter
l'énumération qu'il a déjà commencée,
personnellement, je n'ai pas d'objection.
Mme Lavoie-Roux: On n'a pas de copie de cette
énumération, n'est-ce pas?
M. Le Moignan: Je n'ai pas d'objection à ce que vous
terminiez votre...
Le Président (M. Dussault): Si c'est la volonté
unanime de la commission, je n'y vois aucune objection.
M. Roy: Unanimité.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, vous pouvez
continuer votre liste.
M. Le Moignan: Est-ce qu'on pourrait avoir copie plus tard de
cette...
M. Morin (Sauvé): J'avoue que M. le député
de Gaspé a eu l'amabilité de porter quelques questions à
mon attention dès hier. Les fonctionnaires du ministère ont
passé la nuit à trouver ces renseignements, à faire les
listes, de sorte que nous n'avons pas eu le temps ce matin de les faire
photocopier. J'avais déjà, comme vous le voyez, prévu un
certain nombre de documents pour la commission, mais nous n'avons pas eu le
temps de les photocopier et je possède, je pense, le seul exemplaire. Y
aurait-il moyen de faire photocopier les documents pour les distribuer aux
membres de la commission, voire même à la presse?
Le Président (M. Dussault): Le personnel de la commission
va s'occuper de ce travail, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je veux bien
continuer à répondre aux questions qui m'avaient
été posées hier. Ce sera peut-être plus simple que
d'attendre que M. le député de Gaspé me les
répète. Avec sa permission, donc, je procéderai dès
maintenant.
M. Le Moignan: Si les autres membres n'ont pas d'objection, je
n'aurai pas à y revenir.
M. Morin (Sauvé): La première question qui
m'était posée était la suivante: Quelles sont les
institutions qui ont perdu leur permis ou ont vu leur statut diminuer? La
réponse est la suivante: 21 institutions ont perdu leur permis ou ont vu
leur statut diminuer de la DIP à la RFS pour les raisons que je vais
maintenant décrire.
Tout d'abord, il y a une première catégorie
d'établissements où j'ai dû procéder à des
changements dans l'octroi des statuts. L'Institut professionnel d'informatique
qui a obtenu un permis; l'école Métropole qui a obtenu un permis;
l'école Michelin qui a obtenu un permis pour le primaire; l'école
commerciale Bluteau qui avait ouvert un secteur professionnel sans
autorisation, en dépit des décisions du ministère, et qui
s'est vu retirer la subvention et le permis; l'école secondaire Duval
qui a été fermée pour cause; elle est maintenant,
d'ailleurs, fermée. Quant à l'institut Belletête, le permis
vient tout juste de lui être refusé également pour cause.
Si le député veut que nous entrions dans les détails des
refus, des raisons qui ont motivé ces refus, je lui citerai à
nouveau les textes de l'Union Nationale de 1968 et je lui donnerai les raisons
précises, si cela peut l'intéresser.
Enfin, il existe une deuxième catégorie qui est
constituée des écoles juives, lesquelles, vous le savez, ont
obtenu un statut particulier, je dirais même un statut
privilégié au cours des années précédentes,
à conditions qu'elles se francisent graduellement. Ce sont des
écoles de niveau primaire, je crois, pour toutes ou pour la plupart.
Comme elles faisaient exception à la règle générale
qui veut que les écoles, francophones ou anglophones, ne soient pas
subventionnées au niveau primaire, le gouvernement avait exigé
que ces écoles juives procèdent au moins à un minimum
d'intégration à la société
québécoise. Nous avons rencontré, dans l'application des
conditions décrites par l'ancien gouvernement et reprises par le
nôtre, des difficultés considérables. J'ai dû
réduire la déclaration d'intérêt public à une
reconnaissance pour fins de subvention. Pour obtenir une DIP, il fallait que
1050 minutes d'enseignement sur 1250, au niveau primaire, années I, II
et III soient données en français. Aux niveaux IV, V et VI du
primaire, 1300 minutes sur 1500 devaient être données en
français. Aucune des écoles juives n'ayant jugé bon de se
conformer à ces critères, j'ai dû me contenter d'accorder
une RFS. Cette RFS, nous l'avons accordée dans la perspective d'une
francisation graduelle de ces écoles, ce qu'on peut appeler le principe
de la progressivité dans |a francisation.
Ainsi, pour une école qui accepterait de passer, aux niveaux
primaires I, II et III, de 660 minutes à 840 minutes de français
par semaine, j'ai accordé la RFS. Pour une école comportant les
IV, V et VI, j'ai accordé la RFS lorsque cette école était
prête à passer de 780 à 960 minutes de français par
semaine. J'avoue qu'à l'heure actuelle, après avoir
accepté ces critères, l'application laisse fort à
désirer et que nous nous heurtons à de très nombreuses
difficultés.
Aussi, devrai-je, au cours des mois qui viennent, réexaminer le
statut des écoles privées juives de Montréal. Est-ce que
je dois énumérer les 15 écoles en question? Beth Jacob
School, Community Holy Association, Akiva School, Hebrew Academy, Hebrew
Foundation, House of Rivkah, Jewish People's (Van Home) School, Jewish People's
(Wavell Road) School, Rabbinical College, Solomon Schechter Academy
celle de la Côte-Saint-
Luc United Talmud Torahs of Montreal, les quatre
établissements de Chomedey, de la Côte-Saint-Luc, de Saint-Laurent
et de Snowdon et, enfin, la Yeshiva Merkaz Torah School. Je pense que
l'énumération elle-même démontre qu'il y a un
problème de francisation. (11 heures)
La deuxième question portait sur les nouvelles écoles
privées qui auraient pu être reconnues. Il y a, aux niveaux
primaire et de la maternelle, neuf écoles nouvelles à qui j'ai
accordé des permis, non pas des statuts subventionnés mais des
permis, puisque la suspension de politique ne porte que sur la politique de
subvention à l'enseignement privé et non pas sur la politique
d'ouverture sous permis.
Il y a une RFS qui a été accordée à un
établissement qui a essaimé, c'est-à-dire qui a ouvert un
nouveau campus à Longueuil, soit le Collège français de
Longueuil. Deux écoles secondaires qui assuraient la suite d'autres
établissements ont également obtenu, l'une, une RFS, et l'autre,
un permis. Je mentionne notamment l'Ecole Beauregard qui existait
déjà ce n'est donc pas un nouvel établissement
qui a été fermée et remplacée pendant un an
par l'Ecole Beauséjour laquelle, comme je le disais tout à
l'heure, est maintenant fermée. Nous avons mis fin à ce statut de
façon ordonnée. Il y a eu douze demandes de permis qui ont
été refusées tout simplement parce que les demandes ne
rencontraient pas les critères du ministère de l'Education,
lesquels nous voulons exigeants parce que nous ne voulons pas que s'ouvrent de
nouveaux établissements qui ne soient pas de qualité.
La troisième question portait sur les demandes de DIP ou de RFS.
Il s'agit essentiellement de renouvellements, de nouvelles demandes pour
ajouts. Voici quels sont les résultats: il y a eu cinq demandes de DIP,
des renouvellements ont été accordés; il n'y a pas eu de
RFS, ni demandes, ni subventions. Cinq demandes de DIP nous sont parvenues,
auxquelles nous avons accordé des RFS. Encore là, ce sont des
renouvellements ou des ajouts. Egalement, cinq demandes de RFS nous
étaient parvenues auxquelles nous n'avons pas donné suite, sauf
une institution qui a obtenu une RFS sur ordre du tribunal; il s'agit de
Driscoll College, affaire que nous avons portée en appel, comme je le
disais tout à l'heure.
Maintenant, continuant l'énumération d'un tableau qui sera
distribué tout à l'heure et qui est passablement
compliqué, seize demandes de DIP nous sont parvenues et ont obtenu des
permis, et cinq demandes de RFS nous sont parvenues qui ont également
donné lieu à des permis. Deux demandes de DIP nous sont parvenues
et ont été refusées, deux demandes de RFS nous sont
parvenues et ont essuyé un refus. Enfin, il y a cinq demandes de DIP qui
sont en suspens et auxquelles j'ai fait allusion plus tôt.
Une quatrième question portait sur les institutions qui ont
demandé une DIP ou une RFS et j'y ai répondu tout à
l'heure en donnant la liste complète des établissements.
Une cinquième question portait, M. le député de
Gaspé, sur la croissance des étudiants, de 1970 à 1978, en
comparaison avec le secteur public. Il a fallu faire des recherches
extrêmement rapides et difficiles pour extraire ces chiffres, mais je
vais tenter de vous les donner succinctement. Nous sommes en train de faire
polycopier ce document d'ailleurs. Il n'a pas encore été
distribué, je crains. De 1970/71 à 1977/78, le secteur
privé ou le secteur régi par la loi 56, en maternelle est
passé de 13 à 3628, tandis que le secteur public passait de 108
127 à 82 065. Au niveau primaire, le secteur privé est
passé de 5617 élèves à 15 454, tandis que le
secteur public passait de 865 620 à 600 684
Au nivau secondaire, le secteur privé est passé de 46 809
vous voyez que c'est là que se trouvait sa force en
1970/71 à 69 076 en 1977/78, tandis que le secteur public passait de 591
734 à 571 821 élèves. Au niveau collégial, nous
sommes passés en 1970/71 de 10 244 élèves à 16 661
en 1977/78, tandis que le secteur public passait de 65 081 à 108 306.
Les totaux sont les suivants. En 1970/71, il y avait au secteur privé 62
863 élèves. Il y en a 104 819 en 1977/78, tandis que, dans le
secteur public, nous sommes passés de 1 630 562 à 1 372 876,
donc, une diminution dont tout le monde connaît l'origine qui est la
dénatalité, qui ne s'est pas fait sentir de la même
façon au secteur privé. Je vous fais grâce des totaux parce
que c'est la comparaison qui vous intéresse, donc, les totaux n'offrent
pas un très grand intérêt.
Enfin, une sixième question: existe-t-il des institutions
privées qui ont reçu un montant inférieur sous forme de
subvention par rapport à l'ancienne méthode de calcul du
coût moyen? La réponse est la suivante: Aucune école n'a
reçu de subvention inférieure cette année par rapport
à l'an dernier. Je dis bien aucune n'a reçu de subvention
inférieure en raison de la révision des coûts moyens, tous
les coûts moyens ayant augmenté par rapport à I
année précédente. Vous savez que, si nous n'avions pas
redéfini la formule du coût moyen, l'augmentation aurait
représenté de très nombreux millions de dollars. Elle a
déjà comporté une augmentation substantielle et elle
aurait été encore beaucoup plus considérable si nous
n'avions pas redéfini la formule de calcul. Ceux qui ont augmenté
le plus sont les enseignements professionnels, secondaire et collégial.
Les coûts moyens de l'enseignement général, secondaire et
collégial, cependant, ont moins augmenté que dans le secteur
professionnel, ceci en raison de la nouvelle façon de calculer les
subventions.
Les écoles qui ont reçu cette année une subvention
inférieure à celle de l'an dernier sont les écoles qui ont
connu une diminution de clientèle. C'est évident que dans ce cas,
lorsqu'il y a eu diminution de clientèle, et dans ces seuls cas, ou
encore lorsqu'il y a eu des pertes de statut cela a pu se produire aussi
comme l'ont montré les réponses que j'ai données aux
questions précédentes; ' je pense qu'il y a deux cas
naturellement, il y a eu diminution de la subvention.
M. le Président, voilà les éléments que je
pouvais donner en réponse aux questions que le député de
Gaspé a bien voulu porter à ma connaissance. Je suis prêt
maintenant, si vous le voulez, à commenter les avis qui me sont parvenus
des commissions scolaires régionales au sujet de l'ouverture de
nouvelles écoles à Matane, à Rimouski, à Sorel et
à Roberval. Mais peut-être devrais-je maintenant passer la parole
aux membres de l'Opposition.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, je pense que
cela dépasserait évidemment la convention que nous avons
établie tout à l'heure, à l'unanimité des membres
de la commission.
M. le député de Mégantic-Compton me signifiait tout
à l'heure qu'il voulait me faire part d'une question de
règlement. Avant cette question de règlement, je voudrais
indiquer tout de suite dans quel ordre je vais distribuer le droit de parole
aux membres de la commission, maintenant que le ministre et le
député de Gaspé ont utilisé leur droit de parole
privilégié. La jurisprudence, qui n'est pas considérable
encore mais qui, quand même, peut nous servir, nous fait penser que,
normalement, je devrais donner la parole à Mme le député
de l'Acadie, ensuite à M. le député de Beauce-Sud, ensuite
à M. le député de Rosemont et, selon le principe de
l'alternance, je reviendrais à un député de l'Union
Nationale, donc M. le député de Mégantic-Compton, et nous
retournerions ensuite au parti ministériel avec M. le
député de Bourassa. Je n'ai pas eu d'autres avis. A ce moment,
nous reviendrions à M. le député de Gaspé qui
exercerait à nouveau son droit de parole privilégié
après les réponses de M. le ministre.
M. le député de Mégantic-Compton, sur la question
de règlement.
M. Grenier: M. le Président, je n'ai pas voulu, bien
sûr, intervenir pendant l'intervention du ministre, mais je voudrais
signaler au ministre que pour ce qui est des propos qu'il a rapportés de
l'Union Nationale, je pense que le ministre n'a pas le droit d'attaquer un de
ses collègues qui était, à ce moment, ministre de
l'Education et qui est actuellement député de Prévost. Les
citations qui ont été faites sont de M. Jean-Marie Morin, qui
était ministre d'Etat à l'Education, sous l'autorité de M.
Jean-Guy Cardinal qui est l'actuel vice-président de la Chambre. Les
politiques de l'Union Nationale de ce temps étaient conçues par
l'actuel député PQ de Prévost. Je voudrais bien que, tout
à l'heure, le député de Gaspé apporte des
précisions sur ce sujet, mais j'ai trouvé fort étrange de
la part du ministre de vouloir parler de ces politiques qui ont
été conçues par l'actuel député de
Prévost.
M. Morin (Sauvé): Je ne l'ai pas attaqué.
Le Président (M. Dussault): Je tiens à faire
remarquer à M. le député de Mégantic-Compton que
son intervention relève plus d'une question de privilège que
d'une question de règlement.
M. Grenier: II n'y a pas de question de privilège en
commission.
Le Président (M. Oussault): C'est ce que j'allais vous
dire, on n'a pas le droit d'utiliser des questions de privilège en
commission.
Mme le député de L'Acadie.
Autres interventions Mme Thérèse
Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce qu'on a droit
à vingt minutes qu'on peut diviser?
Le Président (M. Dussault): Effectivement, vous pouvez le
diviser. Je ne sais pas si vous aurez le temps par la suite d'utiliser le reste
de votre intervention. (11 h 15)
Mme Lavoie-Roux: De toute façon, je voudrais
féliciter le député de Gaspé pour avoir mis sur la
table un débat qui est hautement politique, sinon de nature très
idéologique, mais qui, à tout événement,
mérite qu'on lui accorde un peu de considération, compte tenu du
fait qu'il y a eu il y a environ... je ne sais pas, je pense que c
était à I'automne une pétition qui a
été adressée ici à l'Assemblée nationale,
par environ 600 000 personnes, si je ne m'abuse. De plus, comme le signalent
les chiffres que le ministre nous a abondamment servis, il y a plusieurs
milliers d'élèves ou d'étudiants qui se trouvent dans le
secteur privé et autant de parents dont les enfants sont parfois
quelques-uns dans le secteur privé, d autres dans le secteur public,
sans compter tous les enseignants et les éducateurs qui oeuvrent dans le
secteur privé. Le ministre de l'Education est tout autant responsable du
secteur privé que du secteur public, d'après les lois qui
régissent le ministère de l'Education.
C'est heureux que nous ayons l'occasion d essayer de faire le point sur
cette question très litigieuse, parce que, comme je le disais au
départ, très politique, quoique je ne conserve pas beaucoup d
espoir que le débat nous mène très loin. D'une part, selon
ses tactiques habituelles, le ministre de l'Education va remonter
jusqu'à Adam pour essayer de retrouver des énoncés de
députés qui nous ont précédés dans cette
Assemblée. Vous pourrez, si le coeur vous en dit, citer des
députés libéraux qui m'ont précédée;
je ne m'en sens pas du tout responsable. C'est une bonne tactique pour
éviter de répondre aux vraies questions.
L'autre tactique est celle-ci. Je comprends que les fonctionnaires ont
travaillé toute la nuit pour nous produire des chiffres. On aurait pu
tout simplement les déposer. A moins que mes collègues n'aient un
esprit beaucoup plus rapide que le mien, je serais fort en peine pour vous
citer beaucoup d'écoles que vous avez mentionnées, à
commencer par la liste des écoles juives, et celles qui ont
demandé une DIP, celles qui l'ont eue et celles qui ne I'ont pas eue?
Tout cela, ça prend du temps et, pendant ce temps-là, on ne
répond pas aux questions.
II ne faudrait peut-être remonter au point de départ, quand
on aborde cette fameuse question de l'enseignement privé
évidemment, on le situe toujours par rapport à l'enseignement
public, ce qui est tout à fait normal et se demander si la charte
scolaire qui avait été adoptée au Québec en 1964
vaut encore. Je pense qu'il va falloir partir d'un principe de base. On a
longtemps discuté et il y a des questions auxquelles on devrait encore
tenter de répondre. Est-ce que le secteur privé est
privilégié par rapport au secteur public? Est-ce que les fonds
qu'on y met sont supérieurs à ceux du secteur public? Je pense
qu'il faut essayer de répondre à ces questions d'une façon
rigoureuse.
Au point de départ, il y a une question fondamentale et
j'aimerais ici rappeler le préambule de la charte scolaire, qui a
donné naissance au ministère de l'Education et au conseil
supérieur du même nom, dans lequel on lit: "Attendu que tout
enfant a le droit de bénéficier d'un système
d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa
personnalité; attendu que les parents ont le droit de choisir les
institutions qui, selon leur conviction, assurent le mieux le respect des
droits de leurs enfants; attendu que les personnes et les groupes ont le droit
de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du
bien commun étant sauves, de bénéficier des moyens
administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leurs
fins, etc. "
La Loi de l'enseignement privé, qui a été
sanctionnée en septembre 1968, reprenait aussi, je pense, les
mêmes principes. Finalement, on retrouve, dans la Charte des droits et
libertés de la personne, à l'article 42, que "les parents ou les
personnes qui en tiennent lieu ont le droit de choisir pour leurs enfants des
établissements d'enseignement privés pourvu que ces
établissements se conforment aux normes prescrites ou approuvées
en vertu de la loi. ' Ce sont quand même là des principes qui,
actuellement, servent d'assises aux écoles privées. Est-ce que la
question fondamentale n'est pas de se demander si ces principes sont encore
valables ou si on veut les écarter? Tant et aussi longtemps que, par des
lois nouvelles, on ne les aura pas modifiées, il me semble, autant que
mes connaissances juridiques me permettent de l'affirmer, que ce sont encore
ces règles qui prévalent dans le cas des institutions
privées quant à leur établissement et quant à leur
financement.
Après cela ceci a été assez bien
souligné par le député de Gaspé il semble y
avoir une confusion dans les termes qui mériterait certainement
d'être éclaircie. Quand on se réfère à des
termes comme: Priorité au secteur public, tout le monde va se dire: On
est d'accord avec cela, mais quelle frontière donne-t-on à ce
mot: priorité? On pourrait toujours raisonner que tout ce qui ne va pas
au secteur public, la priorité du secteur public n'est pas
respectée. Simplement, si on partait d'une notion aussi large que
celle-là, on serait aussi bien de dire qu'on ne reconnaît plus,
dans les faits, le secteur privé. Cela dépend vraiment de la
définition qu'on donne au mot priorité, même si tout le
monde est d'accord pour dire qu'il faut accorder une priorité au secteur
public parce que c'est celui qui a quand même la responsabilité de
servir la très grande majorité des enfants du Québec,
mais, encore une fois, je pense que le vague de ce terme rend les discussions
extrêmement difficiles.
Il y a également le fameux terme complémentaire".
Là, je suis d'accord avec le ministre que ce n'est pas lui qui l'a
inventé, qu'il subsiste dans la littérature du ministère
depuis X années et qu'il est aussi un terme très ambigu. Ce qui
est plus simple, c'est de dire qu'une école pour enfants
inadaptés, qui requièrent des soins très particuliers
qu'on ne retrouve pas dans le secteur public, est une école
complémentaire. Mais, encore une fois, quelle extension faut-il donner
à ce mot complémentarité? Par exemple, un enfant, sans
être un inadapté, mais ayant des traits personnels au point de vue
de la timidité ou de sa facilité à s'adapter à des
groupes plus larges, etc., ne profiterait-il pas, pendant un certain temps,
d'un milieu peut-être un peu plus protecteur que la grande école
publique? C'est encore une dimension qui peut être donnée au mot
"complémentarité". Alors, il y a urgence pour définir ce
terme: complémentarité.
Le dernier qui est entré dans le vocabulaire mais,
paraît-il, qui n'était pas si neuf que cela puisque le ministre y
a fait allusion tout à l'heure, c'est la question d'intégration.
Je ne l'avais pas entendu avant la résolution du conseil du Parti
québécois, il y a quelques mois ou l'an dernier. Mais on
intègre de quelle façon? On intègre tout? On
intègre en partie? Ce sont des termes qui doivent vraiment être
définis pour en arriver à une discussion intelligente,
honnête, objective du problème de la survie des écoles
privées, tel qu'il est posé par certains tenants qui font des
gorges chaudes de l'élitisme des écoles privées. Je pense
qu'il y a eu des études faites là-dessus et s'il est vrai que
certaines écoles privées sont, traditionnellement des
écoles élitistes je ne les mentionnerai pas, mais je pense
que tout le monde sait ce dont je parle il y a par contre des
écoles privées qui sont des écoles qui reçoivent
une population qui n'est pas une population particulièrement
privilégiée et où la scolarité des parents est loin
d'être très élevée. Enfin, tous les arguments sont
bons et il faudrait se demander quelle est vraiment la préoccupation de
ces personnes qui posent toujours le problème en fonction uniquement
d'une facette de la situation.
Je voudrais dire, au nom.de mon parti, qui ne m'a pas mandatée,
mais dont je connais quand même un peu les vues, que nous voulons
travailler avec le gouvernement et éclaircir ces différents
points que j'ai soulevés. Mais il n'est pas question pour nous de dire
que, l'école privée étant disparue, l'école
publique va devenir meilleure. C'est, à mon point de vue, une assertion
qui ne fait pas avancer le débat et qui, surtout, n'améliore pas
la qualité de l'école publique. Il est assez intéressant
de voir que, dans le livre vert d'ailleurs on accuse le ministère
ou le ministre, peu importe.
d'avoir des visées, de vouloir faire de l'école publique
une espèce d'école privée, parce que plusieurs des
concepts qu'on intègre ou qu'on retrouve dans le livre vert sont des
concepts qui... On sait que les parents ont retrouvé, avec satisfaction,
dans l'école privée je n'en mentionnerai que la
discipline, les devoirs, enfin, ces choses qui se rapprochent davantage de
l'école privée. Mais je dis, en toute objectivité et en
toute honnêteté, que l'existence des écoles privées
a quand même permis un point de comparaison pour l'école publique,
qui a traversé les crises qu'on a connues durant les huit ou dix
dernières années. A cet égard, l'émulation d'un
secteur avec l'autre, compte tenu de cette responsabilité
première de l'Etat vis-à-vis de l'école publique, ne
devrait pas être vue uniquement dans un contexte politique et
idéologique. Je pense qu'il faut songer qu'il y a des enfants à
servir; où peuvent-ils être le mieux servis et dans quelle mesure?
Là encore le livre vert fait une large part aux désirs des
parents, aux attentes des parents. Quand vous avez une pétition
d'au-delà un demi-million j'imagine que ce sont des parents,
j'espère bien qu'on n'a pas fait signer les enfants je me dis que
cela veut quand même dire au moins des attentes d'un certain nombre ou
d'un nombre assez considérable de parents vis-à-vis de
l'école. Je voudrais qu'on essaie d'aborder la discussion de ce
problème le plus rationnellement possible, avec le seul objectif de
mieux servir les enfants et de répondre, dans la mesure du possible
aussi, aux attentes des parents.
Maintenant, peut-être me suis-je méprise sur les paroles du
ministre quand il a parlé tout à l'heure des écoles juives
privées. Il a dit que c'étaient des écoles qui,
jusqu'à un certain point, avaient été ou étaient
privilégiées. Avez-vous bien dit cela, M. le ministre?
M. Morin (Sauvé): Par rapport aux écoles
françaises, notamment.
Mme Lavoie-Roux: Ceci s'applique à tout le problème
des écoles privées. Il y a au plan de l'histoire des
réalités dont on ne peut pas faire abstraction. Par exemple, le
fait qu'un grand nombre de parents veulent l'école privée. Il ne
faut pas oublier que tous les parents de 40 ans et plus, et peut-être de
35 ans et plus sont des produits de l'école privée. Cela fait
partie de l'histoire de l'éducation du Québec et explique en
partie ce désir des parents de retrouver une école qui correspond
à des valeurs qu'ils considèrent importantes. Dans le cas des
écoles juives, il ne faut pas oublier que jusqu'à aujourd'hui,
l'école publique n'ouvre pas encore officiellement la porte aux
non-confessionnels, aux gens d'autres confession-nalités. On sait fort
bien que cela a été le cas des écoles privées
juives; les Juifs ne trouvaient pas ce qu'ils voulaient dans l'école
protestante, qui était à toutes fins pratiques une école
neutre. Je pense que même les protestants vont dire à l'occasion
qu'ils se rapprochent de l'école neutre; ils me corrigeront si je me
trompe...
M. Morin (Sauvé): Oh oui! Attention à ce que vous
dites, Mme le député!
Mme Lavoie-Roux: Je l'ai déjà entendu au Conseil
scolaire de l'île de toute façon. Même dans cette
école, les Juifs ne s'y sont pas sentis à l'aise et disaient: On
veut pour nos enfants un enseignement religieux qui corresponde à nos
croyances religieuses. C'est à partir de là que les écoles
juives privées se sont développées. On peut
peut-être appeler leur situation privilégiée, mais je pense
qu'elle répond aussi à un contexte historique qu'on ne peut pas
rejeter du revers de la main. Le fait aussi qu'elles soient anglaises
correspond à d'autres réalités sur lesquelles je ne veux
pas revenir, mais le fait est que l'école catholique était
complètement fermée aux enfants de foi juive.
C'est pour cela qu'il faut être nuancé dans ses jugements.
La seule chose que je voudrais dire en terminant c'est que je regrette
qu'après au-delà de 18 mois, le gouvernement soit encore à
élaborer, n'ait pas encore de politiques précises. Cela viendra,
mais je vous assure que je les attends. On est dans le processus du vert
à l'élémentaire, le livre blanc sur le collégial
s'en vient, l'autre vert sur les universités, et tout cela sera
coiffé par le culturel blanc.
M. Morin (Sauvé): Un véritable arc-en-ciel, Mme le
député.
Mme Lavoie-Roux: Avec le livre rose sur les femmes, c'est
sûrement un arc-en-ciel!
M. Laplante: II y en a un autre aussi qui s'en vient sur le
tourisme. (11 h 30)
Mme Lavoie-Roux: Tout ceci pour dire qu'on ne pourra pas
indéfiniment prendre une attitude d'autruche et se cacher la tête.
C'est dans ce sens que j'apprécie le geste du député de
Gaspé. Il y a un problème réel qui touche un grand nombre
d'étudiants et de parents. Il est important qu'on le regarde avec
objectivité et non pas à travers un prisme qui soit teinté
par la politique, l'idéologie et autres notions du genre.
J'aimerais poser deux questions au ministre. Il y en a une qui est plus
importante que l'autre. La première a d'ailleurs été
posée par le député de Gaspé et le ministre n'y a
pas répondu. Dans la Loi de l'instruction privée, il est
prévu qu'il y a une commission consultative de l'enseignement
privé qui doit faire, j'imagine, des recommandations au ministre, comme
dans tous les cas de commissions consultatives. Ce qui m'étonne à
ce moment-ci, c'est que sans modification de cette loi, le ministre de
l'Education substitue tout à coup ou semble substituer il ne faut
jamais rien affirmer, paraît-il l'avis des commissions scolaires
à celui de la Commission consultative de l'enseignement privé. Je
veux bien reconnaître chez lui un souci de planification
générale du système d'éducation, mais il
m'apparaît qu'il semble rejeter du revers de la main un peu facilement
les avis de cette Com-
mission consultative de l'enseignement. Ou il ne la juge pas
représentative, ou elle n'a pas son importance réelle dans
l'application de la Loi de l'enseignement privé, mais à tous
égards, j'aimerais qu'il nous apporte un peu plus d'éclairage
là-dessus.
La deuxième est une question assez particulière.
Peut-être que si j'avais écouté attentivement la longue
liste qui nous a été donnée, je l'aurais retrouvée,
mais je ne connaissais pas le nom de l'école. Est-il exact, que dans la
région d'Oka, une demande de permis d'école au niveau secondaire
formulée par les Frères des Ecoles chrétiennes, qui
apparemment n'avaient pas demandé de subvention, a été
refusée? Si tel est le cas, est-ce qu'on pourrait m'en donner les
raisons?
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais
remercier Mme le député de L'Acadie d'avoir abordé de
front et très sincèrement les problèmes tout à fait
fondamentaux que nous devons résoudre dans le domaine de l'enseignement
privé. Elle qui a été présidente de la CECM, donc
responsable d'une vaste partie du secteur public, sait à quel point
c'est notre responsabilité de faire en sorte que le secteur public
connaisse des progrès pédagogiques et à quel point c'est
aussi notre mission d'améliorer l'école publique et de la
protéger. Sans nier les principes de liberté qu'elle a
mentionnés et dont le gouvernement entend tenir compte, comme le premier
ministre l'a rappelé au moins à deux ou trois reprises, nous
devons examiner les conséquences des gestes que nous posons lorsqu'on
nous demande d'ouvrir un nouvel établissement privé. Bien
sûr, nous sommes responsables aussi bien de l'enseignement public que de
l'enseignement privé. Si Mme le député connaissait la
somme de travail que me donne chaque semaine, chaque année, le domaine
de l'enseignement privé, elle verrait que nous nous en portons
totalement responsables. Nous devons également examiner les
conséquences par rapport au système public qui est notre
première responsabilité.
Mme le député a soulevé la question du rôle
de la Commission consultative de l'enseignement privé. Je vais justement
profiter de cette question pour lui décrire brièvement les
démarches que j'ai entreprises, cette année, non seulement
auprès des commissions scolaires régionales, mais auprès
de la Commission consultative de l'enseignement privé pour m'aider
à trancher les quatres cas auxquels le député de
Gaspé s'est référé tout à l'heure.
M. Le Moignan: Est-ce que M. le ministre me permettrait une
brève question?
M. Morin (Sauvé): Volontiers.
Quatre projets refusés
M. Le Moignan: Vous n'avez pas répondu à la
question de Mme le député de L'Acadie au sujet du rapport de la
Commission consultative de l'enseignement privé. Quand on regarde les
motifs et les raisons qui sont invoqués par Rimouski, Matane et Sorel,
par exemple, elles sont très positives. On donne de très bons
arguments.
M. Morin (Sauvé): J'y venais, M. le
dépué.
M. Le Moignan: Si on sait que, d'un autre côté, il
s'est fait une très forte campagne du Parti québécois
auprès de l'opinion publique à Matane et à Rimouski contre
l'enseignement privé. Je me demande s'il y a une relation
là-dedans.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'ai voulu
consulter les commissions scolaires régionales pour une raison
très simple; elles sont infiniment plus près des problèmes
de la région, des besoins de la région que ne peut l'être
le ministère de l'Education à Québec. Les commissions
scolaires sont des organismes élus. Ce sont des gouvernements locaux qui
sont donc aptes à donner des conseils au ministre de l'Education lorsque
l'enseignement est en cause dans leur région. Cela a été
ma première démarche et je la trouve fort intéressante par
ce qu'elle nous a révélé.
Prenons le cas de Rimouski, par exemple. J'ai demandé à la
Commission scolaire régionale du Bas-Saint-Laurent de me faire parvenir
un avis sur l'ouverture d'une école privée de quelque 510
élèves à Rimouski. On m'a fait observer j'ai fait
inclure les procès-verbaux des commissions scolaires ou les lettres
qu'elles m'ont adressées dans le portefeuille qui a été
remis à chacun des membres de la commission et à la Presse
qu'il est indéniable que la clientèle recrutée par
l'école privée sera sélective, les services rendus ne
couvrant pas les classes du secteur professionnel, ni les classes de l'enfance
exceptionnelle. On m'a fait observer qu'avec une diminution de 300 à 400
élèves, si ce n'est davantage, les normes actuelles
occasionneraient un surplus d'instituteurs variant de 17 à 23 dans la
commission scolaire régionale. On ajoute: "Les instituteurs
remerciés de leurs services ou mis en disponibilité ne seraient
pas nécessairement engagés par l'école privée et,
comme la commission devra supprimer une moyenne de 25 postes d'enseignement
annuellement au cours des prochaines années dû à la
diminution de sa propre clientèle en raison de la
dénatalité, il faudra envisager le climat
d'insécurité qui prévaudra chez les instituteurs à
notre emploi. De plus, me dit cette commission scolaire, les instituteurs mis
en disponibilité demeureront à la charge du secteur public. " Je
vous fais grâce de toutes les considérations dont on me fait part
quant aux conséquences draconiennes qu'entraînerait l'ouverture
d'une institution privée pour le personnel-cadre, les professionnels, le
personnel de soutien, de même que les répercussions sur
l'organisation matérielle.
A Rimouski, la conclusion est la suivante: "Le fonctionnement de nos
deux écoles polyvalentes.
Rimouski et Mont-Joli, requiert des services et du personnel
d'encadrement et de soutien qu'il nous est essentiel de maintenir et une
diminution additionnelle de 8% de nos élèves ne pourra que nuire
au maintien et au développement de la qualité de l'école
publique."
Voilà des choses que le ministère ne savait
peut-être pas avant la consultation, mais qu'il sait
désormais.
M. Le Moignan: Une dernière question.
M. Morin (Sauvé): M. le député, si vous le
voulez, je n'ai aucune objection à ce que vous me posiez d'autres
questions, mais je vais quand même terminer le tableau des quatre
écoles qu'on m'a demandé d'ouvrir. Dans le cas de Matane, je vous
fais grâce de la longue résolution qui m'a été
envoyée. Je me contente de citer un ou deux paragraphes pour bien
montrer les conséquences de l'ouverture d'une école
privée: "Attendu que, dans la situation particulière de Matane,
la concurrence ne peut être invoquée comme facteur
d'amélioration de l'enseignement parce que l'école privée
ne peut s'implanter sans priver l'école publique d'une partie de ses
ressources, ce qui rendrait cette concurrence déloyale; attendu que le
mode de sélection de la clientèle de l'institut privé ne
permettrait pas à tous les étudiants qui ont besoin d'un
encadrement pédagogique particulier et d'une discipline plus
sévère d'y avoir accès; attendu que l'institut
privé proposé pour Matane n'a pas de vocation fondamentalement
différente de celle des écoles publiques et que, par
conséquent, on ne peut le considérer comme étant
complémentaire; attendu que l'institut privé tirerait sa
clientèle de la clientèle actuelle de la CSR des Monts et que,
par conséquent, cette dernière, à cause du mode actuel de
financement des commissions scolaires, se verrait contrainte de diminuer son
personnel et ses services", la commission scolaire, à la suite de ces
attendus, me recommande de ne pas procéder à l'implantation d'un
institut privé à Matane et elle le fait unanimement.
Dans le cas de Sorel, je ne voudrais pas citer davantage, sauf
peut-être attirer votre attention sur deux ou trois lignes seulement
où vraiment on voit à quel point l'impact peut être
néfaste pour le système d'enseignement public. La commission
scolaire me fait remarquer que tout cela risque, de façon
immédiate, de compromettre le projet de la Commission scolaire
régionale Carignan de maintenir ouverte une école de plus petite
dimension. Il ne faut pas oublier que le système public voit ses
effectifs diminuer chaque année de façon draconienne. Dans le cas
de la CECM, cette année, Mme le député, cette diminution
sera de 12 000 élèves. Au moment où vous y étiez,
la clientèle augmentait. Maintenant, elle diminue. Et si la
création de nouvelles institutions privées a pour effet d'amener
des fermetures d'écoles publiques, alors là on voit à quel
point cela peut être néfaste. En tout cas, je considère que
c'est ma responsabilité, en tant que ministre de l'Education, de
protéger l'école publique.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président...
M. Morin (Sauvé): Enfin, je pourrais également vous
citer l'école...
Le Président (M. Dussault): M. le ministre, Mme le
député invoque une question de règlement.
Mme Lavoie-Roux: II y a un règlement qui permet de poser
une question au ministre, c'est l'article 94.
M. Morin (Sauvé): Que s'il y consent.
Le Président (M. Dussault): De toute façon, Mme le
député, si M. le ministre le permet, cependant.
Mme Lavoie-Roux: C'est relié à cela parce que je
vous ai posé la question.
M. Morin (Sauvé): Me permettriez-vous de conclure, parce
que j'y venais?
Mme Lavoie-Roux: D'accord.
M. Morin (Sauvé): Je consulte également la
Commission consultative de l'enseignement privé sur l'ouverture de ces
quatre écoles privées. J'ai l'intention de tenir compte non
seulement de l'avis qu'ils ont déjà exprimé dans le
rapport annuel, mais de ce qu'ils me feront parvenir sur cette question. J'ai
l'intention d'en tenir compte. Mais je vous avoue que j'accorde la plus haute
importance au verdict d'organismes élus par la population de ces
régions. Si cela avait été le cas de la CECM, il y a
quelques années, je pense qu'il aurait été dans l'ordre
que je consulte la CECM. S'il y avait une proposition d'ouverture
d'écoles privées à Montréal, à
l'intérieur du territoire de la CECM, je consulterais la CECM parce que
j'estimerais que, comme ministre de l'Education, je ne peux pas prendre les
risques de répercussions graves pour l'enseignement public sans avoir
consulté les premiers responsables, les gouvernements locaux que sont
les commissions scolaires.
M. Le Moignan: Les commissions scolaires régionales sont
un peu en conflit d'intérêts parce qu'elles reçoivent les
fonds publics du gouvernement.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la question que je
voulais poser au ministre, était: est-ce que vous substituez les
commissions scolaires au rôle de la Commission consultative de
l'enseignement privé, et vous venez de me dire que non, que vous allez
également les reconsulter ou que vous les avez
reconsultées...
M. Morin (Sauvé): Je les ai reconsultées.
Mme Lavoie-Roux: ... sur la question. Ce sur quoi vous devez vous
appuyer, pour le moment, demeure quand même un élément
important de loi
que la Commission consultative de l'enseignement privé.
M. Morin (Sauvé): Oui. Mais je ne me substitue point
à la commission. J'ai l'intention de tenir compte de ses avis, mais
c'est le ministre qui est responsable de la décision.
Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je suis heureuse d'entendre le
ministre faire cette profession de foi à la consultation des élus
des commissions scolaires. J'espère que, dans d'autres domaines, quand
les avis ne rencontreront pas nécessairement ses points de vue, il saura
les consulter avec autant de vigueur également.
M. Morin (Sauvé): Mais je le fais en ce moment pour le
livre vert, Mme le député, et je vous assure que les commissions
scolaires viennent très nombreuses à la consultation. Est-ce que
Mme le député voulait ajouter quelque chose?
J'ai quelque chose à rétorquer au député de
Gaspé. Je ne voudrais pas laisser passer sans y répondre cette
histoire de conflit d'intérêts. Un organisme public a à
prendre des décisions. Il n'est pas en conflit d'intérêts
lorsqu'étant élu par la population, il constate que l'ouverture
d'une école privée nuira au système public. Si
c'était là un conflit d'intérêts, je dirais qu'il y
a également conflit d'intérêts dans le cas de groupes qui
veulent ouvrir des institutions privées pour leurs propres fins. Il ne
faudrait pas oublier cela non plus.
J'estime que, comme ministre de l'Education, c'est mon devoir de
consulter les élus régionaux et les élus locaux pour
mesurer les conséquences des gestes que je suis appelé à
poser. Il n'y a donc pas de conflit d'intérêts, pas plus que
lorsque le gouvernement lui-même doit trancher au niveau national entre
des intérêts privés et des intérêts publics.
Lorsque, comme ministre de l'Education, je dois trancher entre une école
privée et une école publique, on ne viendra pas me raconter que
je suis en conflit d'intérêts. J'exerce mes
responsabilités, un point, c'est tout. (11 h 45)
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Beauce-Sud.
M. Fabien Roy
M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord
féliciter mon collègue le député de Gaspé
d'avoir inscrit cette motion pour un débat spécial un vendredi,
comme il l'a fait, et pour l'excellence de l'exposé qu'il a fait au
début. Il a fait un tour complet de la question et je pense qu'il a su
cerner, de façon magistrale, le problème que les institutions
privées ont, à l'heure actuelle, en regard de la politique
gouvernementale.
Hier, j'ai posé une question au ministre de I'Education, suite
à une autre que je lui avais posée, effectivement, le 8
décembre, soit une semaine après le dépôt de la
pétition à l'Assemblée nationale qui avait
été présentée par l'Association des parents
catholiques du Québec. Elle comprenait 546 097 signatures et demandait
que la loi 56 soit maintenue et respectée. En deuxième lieu, elle
demandait qu'aucune restriction concernant son développement normal,
selon les demandes des différentes régions de la province, ne
soit imposée à ce secteur d'enseignement.
Le 8, le ministre me répondait: La raison pour laquelle nous ne
sommes pas en mesure de répondre avec précision aux questions du
député tient simplement du fait que ces questions sont à
l'étude et que nous n'en sommes pas venus encore à nos
conclusions. C'était le 8 décembre; aujourd'hui, nous sommes le
19 mai et nous avons obtenu, de façon beaucoup plus explicite
mais je pourrais résumer la même réponse. Nous
devrons attendre.
Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le
député, je voudrais rappeler à nos visiteurs que nos
règlements ne permettent pas qu'il y ait des manifestations d'aucune
sorte dans la salle. Je vous remercie.
M. Morin (Sauvé): Néanmoins, le
député avait raison, M. le Président.
M. Roy: Oui, c'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle les gens
ont manifesté.
Ils ont le droit de rire, les gens dans la salle, cependant? Oui.
Le Président (M. Dussault): Oui, M. le
député, mais il est du devoir du président de la
commission de rappeler les règlements qui nous régissent.
M. Roy: Je suis d'accord avec vous, M. le Président.
Alors, le ministre m'avait invité, à la fin de sa
réponse, d'être présent ce matin à la commission
parlementaire, qu'il en dirait plus.
M. Morin (Sauvé): Vous êtes arrivé en retard,
cependant.
M. Roy: Je ne suis pas arrivé en retard à la
commission ce matin, je m'excuse, je suis arrivé ici avant le
ministre.
M. Morin (Sauvé): C'est vrai? M. Roy: Oui, je
m'excuse.
M. Morin (Sauvé): Je prends la parole du
député.
M. Roy: Le ministre doit prendre la parole du
député, il y a des témoins.
M. Morin (Sauvé): Je la prends. C'est tout simplement que
je n'ai pas vu le député de Beauce-Sud.
Le Président (M. Dussault): J'en témoigne. M. le
député.
M. Roy: Merci, M. le Président, vous m'êtes d'un
précieux secours.
Je dois dire, pour reprendre la question de façon très
sérieuse, que la population du Québec est loin d'être
rassurée, que c'est décevant, même si je dois ajouter que
ce n'est pas surprenant.
Au ministère de l'Education, il va falloir qu'on cesse
c'est la première question à se poser de regarder
l'école privée comme un problème et qu'on la
reconsidère plutôt comme un actif dans le système de
l'éducation du Québec. En ce qui me concerne, j'ai toujours
été extrêmement déçu,
désappointé de voir les représentants du gouvernement
considérer l'école privée comme étant un
problème, alors que c'est plutôt un actif.
Le ministre nous a cité, ce matin, un très grand nombre de
chiffres, que j'ai notés d'ailleurs, et on constate qu'il y a une
croissance énorme de la clientèle des écoles
privées, alors qu'il y a une décroissance dans l'école
publique du nombre d'élèves.
M. Morin (Sauvé): Oui.
M. Roy: II y aurait peut-être une question qu'on devrait se
poser.
M. Morin (Sauvé): Oui, oui, oui.
M. Roy: J'ai remarqué que le ministre, ce matin, s'est
référé aux propos qu'avait tenus un ancien ministre d'Etat
à l'Education, M. Jean-Marie Morin, en 1968, rappelant certaines
considérations en tentant encore faire le procès des
défauts qu'on pouvait trouver dans l'école privée.
Si le gouvernement se posait plutôt la question suivante: Comment
se fait-il qu'un si grand nombre de parents acceptent de débourser plus
d'argent, s'imposent des sacrifices pour envoyer leurs enfants à
l'école privée, plutôt que de les envoyer à
l'école publiaue, qui leur est très accessible? Si le
ministère de l'Education pouvait répondre à cette
question, de façon objective, je pense qu'on serait en mesure d'apporter
des éléments de solution extrêmement valables pour que
l'école publique réponde aux besoins et aux aspirations de ceux
qui les fréquentent, tout en donnant satisfaction à ceux qui y
envoient leurs enfants, c'est-à-dire les parents. A ce moment-là,
et à ce moment-là seulement, l'école publique n'aura pas
besoin de protection arbitraire. Je suis sérieusement en train de me
demander, puisque c'est une question politique toute cette question est
purement et simplement une question politique pour qui l'enseignement
existe au Québec. Existe-t-il pour les instituteurs qui risquent de se
retrouver sans situation? Existe-t-il pour la bureaucratie gouvernementale?
Existe-t-il pour les commissions scolaires? Existe-t-il actuellement pour le
maintien du système, pour faire en sorte qu'il y ait le moins d'espace
libre ou libéré dans tous ces monstres de béton qu'on a
créés dans tout le territoire du Québec? Doit-on sacrifier
l'éducation au profit du système? Ce sont les véritables
questions qu'on doit se poser.
En ce qui me concerne, je suis toujours déçu de constater
l'attitude du gouvernement. Ce n'est pas nouveau avec l'actuel ministre de
l'Education. On regarde le système d'éducation privé
à la loupe, au cas où il y aurait une petite imperfection, au cas
où il y aurait des erreurs de commises; on fait un spécial
et Dieu sait le spécial qu'on fait pour se fermer les yeux, se
les boucher de façon à ne pas voir les lacunes et les
défauts qu'il y a dans l'école publique et au sujet desquels les
parents je parle en connaissance de cause n'ont pas grand-chose
à dire. Il est là, le problème. C'est le véritable
problème. Pourquoi y a-t-il tant de personnes, tant de gagne-petit
partout au Québec il n'y a pas que des ministres qui envoient
leurs enfants dans les institutions d'enseignement privées qui font
d'énormes sacrifices pour envoyer leurs enfants dans les institutions
privées? Pour leur donner une meilleure éducation, pour leur
donner une meilleure formation et surtout pour avoir un certain droit de
regard, encore.
Je poserai une seule question au ministre ce matin. Il y a des
institutions privées au Québec qui attendent la politique
gouvernementale. J'avais espéré que ce matin le ministre nous en
dirait beaucoup plus long que ce qu'il nous a dit. On nous parle du mois de
juin. Est-ce que ce sera dans les premiers jours ou dans les derniers jours du
mois de juin? J'aimerais savoir ce que doivent faire actuellement les
institutions d'enseignement privées au Québec en attendant.
Les enseignants, il faut les retenir, il faut les engager, les embaucher
à l'avance, il y a des conventions collectives à respecter. Il y
a évidemment, pour les parents, l'obligation d'inscrire leurs enfants.
Il y a, pour ces institutions, la nécessité de recevoir les
inscriptions. Il faut que ces institutions planifient et s'il y a un endroit
où on planifie sur une haute échelle, c'est bien au
ministère de l'Education. Je verrais très mal qu'on place les
institutions privées dans une espèce de cul-de-sac dans lequel
elles ne pourraient pas bouger comme si, en quelque sorte, on leur offrait un
genre de camisole de force invisible pour essayer de les décourager le
plus possible, pour les amener à démissionner parce que
celles-là, le jour où elles auront démissionné, ne
seront plus un problème pour le ministère.
Que le ministère de l'Education cesse de considérer
l'école privée comme étant un problème, qu'il la
considère comme un actif. Surtout, que le ministère de
l'Education prenne donc les mesures qui s'imposent pour que l'école
publique soit remise à son milieu, pour qu'elle puisse s'adapter
à son milieu, pour qu'elle puisse répondre aux besoins du milieu,
répondre aux attentes des parents, répondre aux besoins des
élèves. A ce moment-là, elle n'aurait pas besoin d'une
protection arbitraire. C'est là la solution et je demanderais au
ministre de faire diligence.
Nous savons ce qu'il pense personnellement de l'école
privée, mais le ministre je ne dirai pas qu'il est en conflit
d'intérêts, je le connais trop pour cela a un
problème politique très grave et très sérieux entre
les mains. Nous en sommes
conscients, mais en politique il faut parfois faire preuve de courage,
il faut parfois faire preuve de ténacité. S'il y a un ministre
qui doit faire preuve de courage et de ténacité, compte tenu des
immenses responsabilités qu'il a envers la population du Québec,
c'est bien le ministre de l'Education actuel.
M. Morin (Sauvé): Comme vous avez raison!
M. Roy: Je demanderais au ministre de l'Education de faire
diligence, d'agir rapidement et de ne pas faire en sorte de sacrifier tout le
secteur privé de l'enseignement, sous prétexte que cela pourrait
peut-être améliorer la qualité de l'enseignement du secteur
public, ce qui, à mon avis, est absolument faux.
Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous avez
terminé votre intervention, M. le député?
M. Roy: Oui, j'ai terminé, mais j'ai posé une
question au ministre: Que doivent faire les institutions privées, en
attendant?
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président,
j'apprécie beaucoup les propos du député de Beauce-Sud,
particulièrement lorsqu'il me met devant mes responsabilités et
qu'il déclare qu'il faudra du courage et de la fermeté pour
régler ce problème. J'en suis tout à fait conscient. Il
peut être sûr que, lorsque les décisions viendront et que
les politiques seront annoncées, elles seront fermes. Je peux l'assurer
d'avance de la chose.
Pour ce qui est des projets qui, à l'heure actuelle, sont en
suspens, il n'y a pas de problèmes concrets. Ces écoles ne
peuvent pas, à l'heure actuelle, engager du personnel, puisqu'elles
n'ont ni autorisation, ni reconnaissance pour fins de subvention, ni
déclaration d'intérêt public. Si j'avais accordé ces
subventions, ces statuts ou ces permis, bien sûr il y aurait des
problèmes, mais ce serait du côté public, parce que
là, il faudrait mettre du personnel à pied. Il y aurait toute une
série de problèmes, mais ils ne sont pas là où le
député semblait l'indiquer.
Si, dans l'avenir, la politique me dicte d'agir ainsi, lorsque j'aurai
reconnu un statut ou que je ne l'aurai pas reconnu je ne sais pas encore
ce que je serai appelé à faire il faudra certainement
qu'il s'écoule quelques mois pour que le système public s'ajuste
à des réalités nouvelles. Il faut que le
député mesure l'impact que peut avoir sur l'enseignement public
l'ouverture, dans une région, d'un nouvel établissement
privé. Donc, de toute façon, entre le moment où une telle
décision serait prise et le moment où elle serait
exécutée, il devrait s'écouler des mois, pour être
sûr qu'on arrive à des solutions qui soient équitables pour
le privé comme pour le public.
A l'heure actuelle, il n'y a pas de problème, ni du
côté privé, ni du côté public, qui ait sa
source dans la création de nouveaux statuts, puisque de tels statuts
n'ont pas été accordés.
Mais plus importants me paraissent être les propos du
député portant sur la philosophie qui doit sous-tendre nos
attitudes à l'endroit de l'enseignement privé. Pour qui existe
l'école, demande, avec raison, le député? Est-ce qu'elle
existe pour les enseignants, pour les commissaires, pour les directeurs, pour
les parents? La réponse, c'est que l'école existe d'abord pour
les enfants et pour la collectivité, puisqu'il y a un enjeu collectif
considérable également dans l'existence de l'école.
M. Roy: Les parents ont quand même une
responsabilité.
M. Morin (Sauvé): Et les parents font partie de la
collectivité et, à travers leurs enfants, ils sont les clients de
l'école, bien sûr.
M. Roy: Ils sont les premiers responsables.
M. Morin (Sauvé): Les parents, bien qu'ils aient souvent
démissionné devant ce rôle, sont les premiers responsables
de l'éducation de leurs enfants. Est-ce que cela peut être plus
clair?
M. Roy: Parfait!
M. Morin (Sauvé): Mais tout dépend des
conséquences qu'on veut bien tirer de ces principes. Il ne
découle pas de là, nécessairement, qu'on doive ouvrir une
école privée à côté d'une école
publique. Il faut encore mesurer l'impact de l'une sur l'autre et voir
où se situe le bien commun. Cela aussi est un principe fondamental.
Où se trouve le bien commun? Où se trouve le bien de l'enfant?
Où se trouve le bien de la collectivité? C'est la raison pour
laquelle le livre vert a été conçu et rendu public,
justement pour élucider cela, après des années de
difficultés faut-il le souligner des années pendant
lesquelles l'école a été écartelée entre
tous ceux qui prétendent avoir un droit exclusif de la régenter.
Le livre vert entend essayer de remettre les choses dans leur juste perspective
et de montrer que l'école est faite pour l'enfant et qu'elle appartient
à la collectivité et non pas à tel ou tel groupe
d'intérêts privés ou publics.
Le principe étant posé, je voudrais vous dire que je suis
très soucieux de ia qualité de l'enseignement dans l'école
publique, comme je le suis de la qualité de l'enseignement dans
l'école privée, car il y a de bonnes écoles publiques et
privées, il y en a de moins bonnes et il y a de très
médiocres écoles publiques ou privées. C'est ma
responsabilité de faire en sorte que la qualité de l'enseignement
soit améliorée, aussi bien du côté privé que
du côté public. Cela, je ne le conteste pas. Au contraire. Tout ce
que j'ai dit ce matin, notamment dans l'octroi des statuts, le retrait des
statuts ou des permis, démontre que j'ai le souci d'améliorer
également ce qui existe du côté privé. D'ailleurs,
j'ai un mandat du gouvernement pour agir de la sorte. (12 heures)
Le livre vert tend essentiellement à restaurer la qualité
de l'enseignement dans l'école publique. Mais en attendant, nous en
avons pour des mois et même des années à mettre en oeuvre
de nouveaux programmes, de nouvelles méthodes d'enseignement, des
manuels de base de meilleure qualité. Il y a des disciplines au
Québec pour lesquelles il n'y a même pas de manuels de base
actuellement. L'héritage du passé est lourd, M. le
député de Beauce-Sud, comme vous le savez. On ne nous a pas
légué un jardin fleuri, mais un jardin dans lequel il y avait pas
mal de roches.
M. Roy: C'est pour cela que j'ai trouvé étonnant
que vous citiez des phrases de vos prédécesseurs!
M. Morin: Oui! Ces phrases témoignent de
l'ancienneté des préoccupations. Mais j'ai constaté, quand
je suis arrivé au ministère, que cela ne s'était pas
beaucoup amélioré depuis quelques années, d'où le
livre vert, encore une fois, pour tenter de redresser les choses.
Mme Lavoie-Roux: ... livre vert vient de l'ancien gouvernement
aussi, M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): Je regrette, madame. Mme Lavoie-Roux:
Je regrette!
M. Morin (Sauvé): Ne tentez pas de laisser courir de tels
bruits. Je sais que cela ferait votre affaire. Il a fallu reprendre cela
à zéro ou presque!
Mme Lavoie-Roux: ... aller voir les fonctionnaires en
particulier.
M. Morin (Sauvé): Les fonctionnaires, en particulier, ont
travaillé très fort, je peux vous le dire, pour faire un livre
vert convenable, depuis le 15 novembre 1976.
Mme Lavoie-Roux: Prenez... qui vous revient, laissez aux autres
la leur!
Le Président (M. Dussault): Mme le député de
L'Acadie, je vous rappellerais à l'ordre s'il vous plaît!
M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne voudrais
pas que s'envenime un débat inutilement. Je reconnaîtrai
volontiers au gouvernement précédent l'idée du livre vert,
mais le contenu actuel n'est pas celui du gouvernement précédent.
Je voudrais que cela soit clair. Bon.
M. le Président, revenons au livre vert. Nous allons tenter
je suis navré que vous partiez, M. le député de
Beauce-Sud ...
M. Roy: C'était juste pour un appel
téléphonique, mais je vais attendre.
M. Morin (Sauvé): J'achève mon exposé.
M. Roy: D'accord.
M. Morin (Sauvé): Parce que je réponds à
votre intervention en ce moment.
Dans ce livre vert, nous voulons justement que toute la
collectivité reprenne possession de l'école. Nous voulons,
même au niveau de l'école, voir intervenir de façon
coordonnée les parents, la direction, les enseignants, le personnel non
enseignant, le personnel spécialisé non enseignant, et même
au niveau secondaire, au second cycle en particulier, les élèves.
Et partout, à travers le Québec, à l'heure actuelle,
pendant la tournée qui s'achève, j'ai pu constater que les
parents en particulier, mais aussi les enseignants veulent essayer de faire en
sorte que l'école redevienne la propriété collective.
C'est là l'enjeu. Mais tandis que se déploie cette
tournée, cette consultation, vais-je agir de façon à
compromettre l'école publique alors que je tente de la redresser?
Vais-je agir de façon à l'affaiblir dans le cas de Matane, de
Rimouski, de Sorel ou de Roberval, alors que je tente justement de
rétablir les choses? Vous voyez que le problème n'est pas si
simple! Et, il faut faire bien attention de ne pas se lancer dans la
démagogie à cet endroit. Je ne dis pas que vous en avez fait,
mais il y a beaucoup de monde qui en fait.
Vous avez dit que la population du Québec est loin d'être
rassurée. Comme vous avez raison! Je vous assure que me parvient, de
façon hebdomadaire, l'anxiété des commissions scolaires
devant la perspective de voir ouvrir des écoles concurrentes à
côté...
M. Roy: ... de la population.
M. Morin (Sauvé): Oui, mais la population, cela comprend
la clientèle des écoles publiques et non pas seulement les 10%
qui se trouvent à l'école privée. La population, c'est
tout le monde au Québec! Pas seulement un groupe, n'est-ce pas? Je peux
vous dire que, effectivement, la population du Québec est loin
d'être rassurée. Elle est même très inquiète
devant certains gestes que le ministre pourrait poser et qui seraient
défavorables à l'enseignement public.
Voilà ce que je voulais répondre à l'intervention
par ailleurs fort intéressante du député de
Beauce-Sud.
M. Roy: M. le Président, j'aurais tout simplement une
courte question ici, dans peu de mots. Est-ce que les institutions
privées, en attendant, peuvent se préparer pour l'automne? On a
cité un certain nombre d'institutions privées qui avaient obtenu
une nouvelle désignation, qui avaient changé de vocation, des
institutions qui avaient reçu leur permis, d'autres institutions qui
n'avaient pas reçu leur permis mais c'est un nombre assez limité.
Il y en a une multitude d'autres. Celles dont vous n'avez pas fait mention ce
matin, que doivent-elles faire pour septembre? Est-ce le maintien du statu quo?
Ou doivent-elles attendre la politique qui sera annoncée en juin?
M. Morin (Sauvé): M. le Président, aux termes de la
loi, aucune institution qui n'est pas déjà établie ne peut
procéder à l'ouverture d'un nouvel établissement, à
l'engagement du personnel ou à l'inscription des étudiants sans
que le ministre ne lui en ait accordé l'autorisation. C'est clair.
M. Roy: Les autres.
M. Morin (Sauvé): Pour toutes celles qui n'existent point
déjà, c'est la règle. Il y en a qui l'ont fait dans le
passé. Autrement dit, si elles procèdent à l'ouverture des
classes sans autorisation, elles sont littéralement à
l'extérieur de la loi. J'ai dû d'ailleurs, cette année,
sévir dans un cas parce que, sans autorisation, on avait
procédé à l'ouverture d'un secteur professionnel.
M. Roy: Mais je veux avoir les autres.
Mme Lavoie-Roux: ... demande de subventions qu'elles peuvent
ouvrir.
M. Morin (Sauvé): Quelles autres? M. Roy: Les
autres écoles privées. M. Morin (Sauvé): Les autres
écoles... M. Roy: ... privées qui existent. M. Morin
(Sauvé): Qui existent?
M. Roy: Oui. Est-ce que c'est le maintien du statu quo?
M. Morin (Sauvé): Oui.
M. Roy: Ou si elles doivent attendre la nouvelle politique de
juin?
M. Morin (Sauvé): Non. Elles ont toutes été
renouvelées. Si le ministre jugeait que les conditions étaient
respectées, elles ont toutes été renouvelées, sauf
les cas où j'ai dû pour cause parce que l'enseignement
n'était pas suffisant ou parce que les conditions qui sont connues de
toutes les institutions privées n'étaient pas respectées
soit rabattre le statut de la DIP à la RFS ou de la RFS au simple
permis ou encore tout simplement fermer les établissements, me heurtant
d'ailleurs à des résistances d'autant plus farouches que
l'établissement était incertain.
M. Roy: Merci.
Mme Lavoie-Roux: J'avais posé tout à l'heure une
autre question précise au ministre sur le cas de l'école d'Oka.
Avez-vous l'information?
M. Morin (Sauvé): Oui, M. le Président. Dans le cas
du Pensionnat du Mont-La-Mennais, si c'est le projet auquel vous faites
allusion...
Mme Lavoie-Roux: Les Frères des Ecoles
chrétiennes.
M. Morin (Sauvé): ... il s'agit là d'une demande de
DIP ou de permis. J'ai déclaré que la décision serait
suspendue jusqu'à ce que la politique du gouvernement soit
annoncée.
Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on vous demandait des subventions?
M. Morin (Sauvé): Oui, on me demandait un statut...
Mme Lavoie-Roux: Ou est-ce que c'était simplement une
question de permis?
M. Morin (Sauvé): On me demandait les deux. On me
demandait d'abord une subvention ou un permis.
Mme Lavoie-Roux: Ou un permis ou les deux?
M. Morin (Sauvé): L'un ou l'autre.
Mme Lavoie-Roux: Alors si on vous demandait un permis...
M. Morin (Sauvé): L'octroi de permis, pour des
institutions privées nouvelles, au niveau primaire, secondaire et
collégial, est suspendu.
Mme Lavoie-Roux: Même si on ne demande pas de fonds au
gouvernement.
M. Morin (Sauvé): C'est exact.
Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire, à ce moment, qu'il n'est
plus permis... Cela était quand même un principe contre lequel
même les grands adversaires de l'école privée n'en avaient
pas. Si les gens veulent des écoles privées, qu'ils se les
financent.
M. Morin (Sauvé): Oui.
Mme Lavoie-Roux: Dans ce cas, cela ne fonctionne plus?
M. Morin (Sauvé): Le danger, voyez-vous, c'est qu'on m'a
demandé également une DIP, donc une subvention à 80%. Je
veux d'abord que la politique soit claire. Je ne veux pas risquer d'entrer dans
un dossier où on viendrait, par la suite, me demander une DIP parce que
c'est à cela que cela va mener inévitablement.
Mme Lavoie-Roux: Là on vous avait demandé
strictement un permis.
M. Morin (Sauvé): II faut être réaliste. On
ne peut pas faire marcher une institution comme un pensionnat sans une
subvention. Donc je sais bien qu'au fond ce que l'on va me demander, c'est une
subvention.
Mme Lavoie-Roux: Enfin, ce sont les conclusions que vous
tirez.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Rosemont, mais auparavant je voudrais vous faire remarquer qu'il reste ensuite
M. le député de Mégantic-Compton et M. le
député de Bourassa. Dans l'esprit de notre règlement, avec
le droit de parole privilégié du député qui pose la
question, il faudrait faire l'effort de garder les dix ou quinze
dernières minutes pour le député et le ministre.
M. Paquette: A quelle heure terminons-nous, M. le
Président?
Le Président (M. Dussault): Nous terminons à 13
heures selon le règlement. M. le député de Rosemont.
M. Gilbert Paquette
M. Paquette: Je vais respecter vos directives, M. le
Président, bien qu'il y aurait énormément de choses
à dire sur le sujet. Je regrette que le député de
Beauce-Sud soit parti parce que je voulais relever une de ses remarques
où il se déclarait surpris qu'après 18 mois d'attente,
sous le nouveau gouvernement, la question de l'enseignement privé ne
soit pas encore réglée.
Dans toutes les sociétés occidentales et, en particulier,
quand on pense au temps qu'on a mis, en France, pour régler le statut de
l'enseignement privé on peut parler de décennies il
ne faudrait pas se surprendre que le nouveau gouvernement n'ait pas encore de
politique. Je sais que cela cause des problèmes à tout le monde
et qu'il faut le plus rapidement possible clarifier les relations
entre les écoles publiques et les écoles privées. Je
souhaite personnellement que nous puissions le faire le plus rapidement
possible, mais il ne faudrait quand même pas s'en étonner.
J'aimerais simplement rappeler quelques faits, relever aussi certaines
allusions. C'est par un gouvernement libéral que le rapport Parent a
été élaboré et endossé. Dans le rapport
Parent, concernant le statut de l'école privée, on pouvait lire
ceci: "L'Etat reconnaît à des particuliers ou à des groupes
le droit de mettre sur pied des écoles privées". Je pense que ce
droit n'est pas remis en question. Je pense que ce droit n'est nullement remis
en question dans les discussions qu'on a eues à ce sujet, tant au sein
du parti qu'ici, à l'Assemblée nationale, par quelque parti que
ce soit. "La liberté d'enseignement est une liberté privée
et elle fait partie des droits du citoyen. Cela est aussi reconnu dans la
Charte des droits et libertés de la personne que nous endossons
totalement. Cette liberté n'emporte pas de soi le droit à des
subventions". C'est là qu'il y a problème. Non pas qu'on veuille
remettre totalement en question les modes de subsistance des écoles
privées, mais il y a effectivement un problème. Je reviendrai
là-dessus. "L'exercice de cette liberté, comme de toutes les
libertés d'ailleurs, ne se conçoit pas sans limites, et son
exercice doit être ordonné à une fin positive, le
progrès de l'éducation ". D'ailleurs, on a mis cela en
évidence tantôt, le droit des enfants et également le droit
de la société à renouveler ses ressources humaines de la
meilleure façon possible. "Les institutions privées sont donc
appelées à participer et à contribuer à
l'élaboration et à la réalisation d'un plan d'ensemble
dont l'objectif est de créer les conditions permettant de satisfaire au
droit à l'éducation".
Je pense qu'encore aujourd'hui ces principes devraient faire
l'unanimité autour de cette table et dans la population. Un peu plus
tard, en 1968, c'est un gouvernement de l'Union Nationale tout à
l'heure, le ministre a relevé les propos du ministre d'Etat, M.
Jean-Marie Morin, au sujet de la nécessité d'une
intégration des réseaux public et privé qui
adoptait le projet de loi 56 qui régit actuellement l'enseignement
privé, ou est introduite pour la première fois, je pense, la
notion de complémentarité. C'est une loi qu'on a pu
évaluer peut-être deuxou trois ans plus tard, cette fois-ci sous
un gouvernement libéral.
On a pu se rendre compte, d'une part, de critiques qui
commençaient à se manifester, à savoir que cette loi ne
garantissait pas une bonne intégration, une bonne adéquation
entre les écoles publiques et les écoles privées et que,
d'autre part, du côté des écoles privées, elle
mettait de sérieuses contraintes à la vie et au
développement des écoles privées. C'est à partir de
ce moment que s'est bâtie, de part et d'autre, une argumentation qui est
forcément, de part et d'autre, basée sur des idéaux
démocratiques. Je pense que, des deux côtés, on peut
prétendre qu'on travaille en fonction de la démocratie, en
fonction du bien des enfants. Mais, de plus, dans notre société,
les citoyens se sont partagés en quelque sorte en camps
retranchés. D'un côté, les partisans de l'école
privée; de l'autre côté, les partisans de l'école
publique.
Il est curieux de voir qu'après 18 mois on nous demande de
résoudre cette tension que je considère intolérable dans
notre société bien qu'il faille le faire le plus
rapidement possible alors que, pendant six ans, aucun geste n'a
été posé pour la réduire.
Toujours est-il que nous sommes devant ce problème de
l'adéquation. Je ne dirais pas que c'est le problème de
l'école privée. C'est le problème de l'adéquation
entre différents types d'écoles, de façon à
définir la meilleure école possible et le meilleur système
scolaire possible. Ici, on a évoqué abondamment les arguments des
groupes qui défendent, à bon droit, le droit d'initiative des
citoyens dans la mise sur pied d'écoles qui correspondent à leurs
préoccupations. Je crois déceler, dans le livre vert qui a
été déposé par le ministre, une ouverture à
ce sujet lorsqu'on parle des différents modèles de gestion et
qu'on dit: II faudrait laisser aux citoyens une initiative. Il faudrait donner
aux écoles une autonomie. Il faudrait permettre des types
diversifiés d'écoles. (12 h 15)
Simplement pour faire contrepoids, j'aimerais résumer les
principales interventions des gens qui soulignent qu'il y a un problème
d'adéquation entre l'école publique et l'école
privée. C'est justement à ce problème que le gouvernement
doit
faire face. Par exemple, au niveau de la Fédération des
commissions scolaires catholiques du Québec, on affirmait ceci en 1974:
"L'école privée choisit les élèves les plus
prometteurs, écarte les autres, renvoie les retardataires et, ainsi,
elle se constitue une réputation d'école miracle qui donne la
plus belle formation confirmée par des diplômes brillants. Ce
faisant, ces écoles privées refusent le rôle social qui
doit être le leur, c'est-à-dire contribuer à la formation
de tous les Québécois. "Les commissions scolaires ne se proposent
pas de réduire leur collaboration avec les écoles privées,
mais elles entendent proposer des mesures qui feront que l'école
privée assumera le même rôle social que l'école
publique je pense que c'est le devoir du gouvernement de le faire
soit d'offrir et de garantir une éducation de qualité à
tous les citoyens qui y ont droit. " Un peu plus loin, on disait: "De plus, les
écoles secondaires privées sont, dans la très grande
majorité, des écoles traditionnelles, alors que les écoles
secondaires publiques sont des écoles qui offrent un enseignement
polyvalent." Si on peut remettre en question les gigantesques polyvalentes que
nous a données cette réforme scolaire, on ne peut quand
même pas remettre en question le fait qu'une école doit offrir les
services les plus diversifiés possible à sa clientèle.
On dit également: "Il est inconcevable aussi que le réseau
d'enseignement privé soit régi de façon
privilégiée par une loi particulière, par des
règlements distincts, un service autonome au sein du ministère de
l'Education et un système d'auto-évaluation cloisonné,
sans que les commissions scolaires et surtout les gens du milieu soient
consultés."
Je relève également des remarques au niveau du Conseil
scolaire de l'île de Montréal où siégeait Mme le
député de L'Acadie, le 26 avril 1976, basé sur un rapport
que j'ai en main ici et qui reconnaît également tous les principes
que j'ai énumérés au préalable. Le conseil a
adopté la résolution suivante: "Que le conseil invite les
commissions scolaires de l'île de Montréal à étudier
l'opportunité de donner suite aux recommandations suivantes le
conseil doit, évidemment, respecter l'autonomie des huit commisions
scolaires qui le composent premièrement, que les commissions
scolaires favorisent, à l'intérieur d'un réseau polyvalent
pouvant répondre aux besoins et aux aspirations de toute leur
clientèle, l'émergence d'écoles diversifiées tant
par leur vocation propre que par leur style et leur régime
pédagogique; deuxièmement, que les commissions scolaires assurent
aux parents la possibilité de choisir la liberté de choix,
encore une fois, un principe sur lequel tout le monde s'entend pour
leurs enfants l'école qui réponde le mieux à leurs
aspirations indépendamment de leur lieu de résidence et compte
tenu des exigences de certaines écoles à vocation
particulière qu'il faut reconnaître aussi; troisièmement,
que les commissions scolaires favorisent la décentralisation
administrative et pédagogique au niveau de l'école au
niveau de l'école; donc, l'autonomie des écoles, un autre
principe qui m'apparaît extrêmement important en
précisant les pouvoirs réels qu'elles sont prêtes à
reconnaître aux parents dans la gestion administrative et
pédagogique d une école; quatrièmement, que les
commissions scolaires, dans la mesure où elles diversifient leur
réseau d'écoles, s'assurent d'une communication directe avec les
parents, les informent des vocations particulières de certaines
écoles et de leurs conditions d'accessibilité." Ce sont des
recommandations qu'à la fois les écoles publiques et les
écoles privées auraient intérêt à appliquer,
à mon avis.
On adresse, évidemment, les tendances idéologiques de la
Centrale de l'enseignement du Québec pour dire que les partisans de
l'école publique sont biaisés, sont guidés par des
considérations idéologiques. Je dois dire que tout le monde est
guidé par des considérations idéologiques. La CEQ a les
siennes. Le Parti québécois a les siennes. Le
député de Beauce-Sud a les siennes. Il les a très bien
exprimées tantôt. Tout le monde part de considérations
idéologiques.
Il y a quand même des choses à retenir, entre autres, cet
article de Fernand Toussaint qui a beaucoup travaillé la question
à la CEQ, qui est directeur du service pédagogique de la CEQ et
qui disait ceci: "Les griefs sont nombreux contre l'école publique
vous voyez qu'il y a problème à l'école publique
aussi, tout le monde le reconnaît gigantisme, milieu de vie moins
humain et moins discipliné, valeurs culturelles et religieuses moins
homogènes, méthodes pédagogiques plus
relâchées, tels sont quelques-uns des reproches entendus. On ne
peut prétendre, en tout cela, que l'école publique soit parfaite
et inattaquable, mais seuls les esprits peu nuancés admettront sans plus
de preuves que l'école privée offre des services
supérieurs à ceux de l'école publique. "Là, je
référerais aux articles de Lysiane Gagnon, entre autres, qui
faisaient état d'examens, communs passés dans les écoles
publiques et privées, et où à certains moments, les
enfants de l'école publique obtenaient de meilleurs
résultats.
Le contraire semble parfois plus près de la vérité.
Maintenant, cela dépend des écoles; il y a de bonnes
écoles publiques, il y a de mauvaises écoles publiques, il y a de
bonnes écoles privées et il y a de mauvaises écoles
privées, je pense qu'il faut le reconnaître.
M. Toussaint continue ainsi: "On peut aussi bien croire que les
écoles privées un point de vue traditionnel de la culture
et de la société sont davantage des facteurs de statisme
social que des forces de renouvellement et de marche en avant. Cela aussi doit
être une préoccupation d'un gouvernement, non pas pour imposer une
idéologie, mais pour s'assurer que la société
québécoise continue son évolution.
M. le Président, je pense que I'approche que nous devons avoir,
face aux relations avec l'école publique et I'école
privée, n'est pas de prendre parti pour l'un ou l'autre des camps
retranchés, mais d'essayer de transcender le débat en se
demandant quelle est l'école et quel est le système
scolaire dont les Québécois ont besoin. Je rappelle
brièvement les principes, je pense qu'un principe de base est
l'autonomie des écoles quelles qu'elles soient, qu'il y ait des modes
diversifiés, que certaines soient des corporations publiques
éventuellement, que d'autres soient des corporations privées
à but non lucratif, comme c'est le cas de la plupart des écoles
privées, que d'autres soient même des coopératives, je
trouve cela extrêmement intéressant. Je trouve cette idée
d'école coopérative en particulier, expérimentée
dans le secteur privé, extrêmement intéressante.
Le premier principe, autonomie des écoles je donne mes
opinions personnelles, j'espère qu'elles seront retenues par le ministre
et le gouvernement. Deuxièmement: libre choix des parents. Que ce soit
par une coordination régionale, que ce soit au sein d'un secteur public,
on peut dire que les écoles privées font partie du secteur
public, bien qu'elles se coordonnent au niveau le plus élevé, au
niveau du bureau des sous-ministres, avec des organismes qui leur sont
particuliers, et au niveau du ministre également. Cela fait partie du
système scolaire, les écoles privées. Qu'il y ait libre
choix des parents.
Troisièmement...
M. Roy: Je m'excuse auprès du député, M. le
Président, vous venez de mentionner le libre choix des parents.
M. Paquette: Oui.
M. Roy: A quel niveau? Entre l'école publique et
l'école publique ou bien non entre l'école publique et
l'école privée?
M. Paquette: Au niveau du choix des écoles
diversifiées, à mon avis, qui devraient être
diversifiées, qui présentent différents modèles
pédagogiques et qui s'offrent à eux.
M. Roy: Mais cela peut être un libre choix à
l'intérieur du secteur public.
M. Paquette: Possiblement, la politique du gouvernement n'est pas
établie encore sur ce sujet.
M. Roy: En tout cas, c'est un libre choix extrêmement
limité.
M. Paquette: Tout dépend du genre de système
scolaire qu'on a. Mais, M. le député, si l'autonomie des
écoles est telle, si on permet l'existence, à côté,
de certaines qui seraient des corporations publiques ou des corporations
privées ou des coopératives, vous admettrez que cela change
considérablement le portrait du système scolaire actuel.
Troisième principe, je pense qu'il faut une certaine coordination
entre les écoles, qu'elles soient privées ou publiques, et quel
que soit leur modèle pédagogique. Actuellement, je pense qu'il y
a une déficience au secteur public, au niveau des outils
pédagogiques qu'on donne aux enseignants, les systèmes de
perfectionnement, de façon que chaque milieu puisse déterminer
les moyens les plus propres à déterminer les objectifs
généraux qui seront précisés par le
ministère. La déficience est encore plus grande du
côté des écoles privées qui fonctionnent en vase
clos. Je pense qu'il y a avantage à ce que les idées
pédagogiques, les modèles d'organisation, même la
réglementation à l'intérieur des écoles se
transmettent d'une école à l'autre, quel que soit leur statut. Il
faut donc une coordination également pour qu'on puisse parler d'un
système scolaire.
Quatrièmement et c'est peut-être le point le plus
délicat qu'on a à traiter actuellement, et cela a
été relevé dans plusieurs des citations que j'ai
données tantôt c'est de rompre une certaine discrimination.
C'est vrai qu'il y a beaucoup de parents qui paient en supplément pour
aller à l'école privée, parce qu'ils ne croient plus aux
services qu'ils peuvent obtenir dans les écoles publiques. C'est vrai,
mais beaucoup de parents que j'ai rencontrés et qui envoient un de leurs
enfants à l'école privée se déclarent incapables de
le faire quand ils ont trois ou quatre enfants, parce que le coût devient
exorbitant. Il est d'autre part, injuste de taxer doublement des parents qui
paient des taxes pour soutenir le réseau public et qui, en plus, paient
des suppléments pour des frais de scolarité dans des
écoles privées.
Il y a également la sélectivité au niveau des
résultats scolaires. J'ai eu à mon bureau récemment, et le
cas n'est pas unique, une mère célibataire qui doit travailler
pour faire vivre ses enfants, lesquels ont des difficultés d'adaptation
à l'école; elle voulait obtenir plus d'attention envers ses
enfants. A tort ou à raison, elle estimait ne pas pouvoir l'obtenir dans
le secteur public. Elle a fait le tour de toutes les institutions
d'enseignement secondaire privées de la région de Montréal
et presque partout on lui a dit: Vos enfants n'ont pas 75% dans leurs
résultats scolaires, nous ne pouvons pas les admettre.
Quand on a des cas comme ceux-là, on se dit: L'école
privée n'est pas au service de tout le monde. Les partisans de
l'école privée doivent reconnaître que, si on ne les a pas
placées dans des conditions idéales pour qu'elles puissent rendre
service à tout le monde, il y a lieu d'examiner cette question
très sérieusement.
En terminant, je souhaiterais que le ministre de l'Education puisse
coordonner sa politique sur l'enseignement privé avec les
résultats de la consultation sur le livre vert de l'enseignement
élémentaire et secondaire; à mon avis, ce sont deux
problèmes qu'on ne doit pas traiter isolément si on veut
transcender le débat, si on veut sortir de cette situation où on
est actuellement entre Québécois, en camps retranchés. Ce
n'est pas de cette façon que nous allons obtenir une école et un
système scolaire qui soient dans l'intérêt des enfants.
Merci.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Mégantic-Compton.
M. Fernand
Grenier
M. Grenier: Rapidement, puisque notre porte-parole officiel est
le député de Gaspé qui a fait un excellent exposé
ce matin et puisqu'il s'apprête à exercer son droit de
réplique. D'abord, je voudrais m'excuser d'avoir été
absent pendant quelques minutes, j'ai été appelé à
d'autres obligations pendant le débat, et je ne voudrais pas être
long, justement pour ne pas répéter des choses qui ont
déjà été dites ici. J'ai personnellement
vécu les transformations du rapport Parent, en 1961, alors que
j'étais un enseignant au collège Bourget, de Rigaud, et que je
voyais bâtir à côté de chez nous la première
polyvalente, celle de M. Gérin-Lajoie à Vaudreuil-Soulanges. J'ai
vu aussi les inconvénients que cela pouvait causer à ce
moment-là, de même que les lacunes qu'on voulait combler. J'ai
aussi vécu des difficultés avec l'association des parents et
l'association des élèves et j'ai vu même si on a
vécu depuis ce temps-là pas loin d'une quinzaine d'années
les difficultés que cela a causé dans le secteur
privé, cette transformation qui s'amenait au Québec.
Ce secteur public a bien sûr grugé à même le
secteur privé qui était déjà en place. J'ai
vécu aussi cette transformation des valeurs qui s'est
opérée à ce moment-là. J'ai réalisé,
comme la plupart des gens qui sont autour de cette table et des invités
qui sont là, que la nature ne fait pas de bond. Ce rapport Parent a
commencé son application sous le Parti libéral et a
été continué par nous avec le ministre de l'Education que
vous connaissez, qui a été ministre de l'Education sous notre
gouvernement, qui est aujourd'hui le vice-président de la Chambre et
député de Prévost, M. Cardinal. On s'est rendu compte que
la machine était en marche et qu'elle était difficile non pas
à arrêter, mais à diminuer. Il y avait une programmation de
faite et des choses devaient se réaliser. On a regretté, tous
ensemble, que dans le secteur de l'éducation on ait été si
vite. Des changements qui auraient dû, à mon sens, prendre pas
loin d'un quart de siècle ont été réalisés
en moins de dix ans, et la nature humaine s'adapte mal à de pareilles
transformations. Cela a fait des soubresauts dans la population, vous le savez,
c'est une étape qu'on a vécue.
Aujourd'hui, nous en sommes à une autre étape, avec un
autre gouvernement qui a des vues qui sont peut-être différentes
des deux anciens gouvernements qui ont précédé. Je
voudrais mettre le ministre en garde c'est là le propre de mon
intervention contre son propre gouvernement. Je ne suis pas en grande
confiance quand je vois le ministre entrer dans un congrès du PQ et que,
à I'ordre du jour, c'est indiqué qu'on parlera d'éducation
ou de système public ou privé. Je puis vous dire que je ne suis
pas en sécurité. Je voudrais bien que, dans ce
secteur-là... (12 h 30)
M. Morin (Sauvé): Je ne sais pas comment je me sentirais
dans un congrès de l'Union Nationale cependant.
M. Grenier: Je vous connais assez pour savoir que vous ne seriez
pas malheureux. Vous avez un esprit qui est assez conservateur. Le danger qui
vous guette...
Mme Lavoie-Roux: C'est pas mal!
M. Grenier: ... ce n'est pas vous-même et ce ne sont pas
vos fonctionnaires, c'est votre congrès du PQ.
Je voudrais vous mettre en garde contre des gens qui vous entourent et
qui sont beaucoup plus radicaux que vous ne pouvez l'être. Vous
êtes, à mon sens, une continuation des anciens gouvernements dans
ce secteur bien précis que nous étudions ce matin. Il n'y a pas
de problème. Ce que je voudrais, c'est qu'on mette la pédale
douce dans le moment.
Puisque tout à l'heure on annonçait que 21 permis
n'avaient pas été renouvelés, et qu'on en avait
donné huit nouveaux. J'aimerais connaître la moyenne
d'étudiants là où le permis a été suspendu
et là où les nouveaux ont été donnés; savoir
si c'est un nombre d'étudiants important qui n'ont maintenant plus
accès au secteur privé. Non pas que je sois attaché
uniquement au secteur privé, mais je ne tiens pas non plus à
ressembler à d'autres pays. Si je posais la question au ministre, il me
répondrait peut-être que notre moyenne, dans le secteur
privé, est encore plus importante que dans bien d'autres pays. Oui, et
pourquoi ne serait-ce pas ainsi? Pourquoi faut-il absolument ressembler
à d'autres pays et en venir à une telle proportion? J'ai
longuement critiqué le secteur des affaires sociales qui dit que quand,
par exemple, on a une moyenne de 6% de nos vieillards qui sont en institutions,
gouvernementales ou privées, c'est suffisant pour une population. C'est
peut-être suffisant ailleurs, dans d'autres pays, mais pourquoi serait-ce
encore suffisant ici parce que c'est ainsi ailleurs?
L'histoire fait qu'on a d'abord connu le secteur privé, pour ne
pas dire uniquement le secteur privé. Si on décidait que le
secteur privé demeure, au Québec, plus important qu'ailleurs, il
n'y aurait peut-être pas de péché à cela non plus,
parce qu'on n'est pas prêt à rejeter du revers de la main ce qu'on
a bâti pendant plusieurs décennies. Vous êtes l'un de
ceux-là. Je ne sais pas si on vous a demandé avec insistance
quelles étaient vos intentions quant à de nouvelles fermetures,
mais je sais que vous êtes de ceux-là qui aimeraient probablement
voir continuer, dans le Québec, tout en corrigeant bien sûr les
lacunes, ce que nous avons connu dans notre système
d'éducation.
Il y a des régions isolées qui n'ont pas j'ai vu
tout à l'heure les quatre villes dont le permis a été
refusé, pour des raisons que vous avez établies
demandé de permis. Je pense que c'est une émulation importante
que d'avoir deux secteurs qui se concurrencent au niveau de chacune des
régions. Il y a des régions qui sont complètement
isolées, qui n'ont pas de concurrence. Les difficultés que cela a
pu causer sont difficiles à évaluer. Je vou-
drais bien que cette très courte intervention vous fasse
réfléchir et je sais que vous en êtes capable
sur ce problème d'y aller tranquillement, très
modérément et d'accepter comme d'autres gouvernements l'ont
accepté, que notre secteur privé, au Québec, ne soit pas
diminué. Vous voulez le garder aussi intact que possible je pense
que c'est votre intention mais je voudrais bien aussi que vous
réussissiez à convaincre votre gouvernement et ceux qui vous
entourent qu'il n'y a pas eu de mauvaises choses de faites dans ce secteur par
les anciens gouvernements.
Les lacunes que vous avez notées, que l'Union Nationale notait en
1968 bien sûr, on a travaillé pour les corriger et
améliorer le système, comme l'ont fait les autres gouvernements
et comme vous le faites actuellement. Mais je voudrais encore une fois, en
terminant et avant de laisser la parole à mon collègue de
Gaspé, attirer votre attention, pour que vous soyez davantage
sensibilisé, lorsque vous ferez face à votre congrès du
Parti québécois, sur le fait que vous serez muni d'armes venant
de gens qui, de ce côté de la table, représentent 60% de la
population. Ne l'oubliez pas; les avertissements qu'on peut vous donner sont
fondés.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Bourassa.
M. Patrice Laplante
M. Laplante: Merci, M. le Président. Le seul regret que
j'ai, c'est que Mme le député de L'Acadie ne soit plus ici; elle
a dû quitter. Je lui aurais dit que, lorsqu'elle s'est dite signataire de
la pétition présentée en Chambre, j'ai peut-être eu
un sourire narquois à ce moment-là, sachant tout ce qui
s'était passé à la Commission des écoles
catholiques de Montréal, dont elle a été présidente
elle-même pendant de nombreuses années, la position qu'elle
prenait lors de rencontres avec les professeurs ou avec les commissaires sur
l'enseignement privé. Le mémoire que le secteur privé
présentait à ce moment-là s'attache seulement à la
loi 56 et n'offre aucune forme d'amendement à la loi qui pourrait
satisfaire tout le monde.
C'est pour dire aussi que la Fédération des commissions
scolaires catholiques du Québec a été plus positive dans
son approche vis-à-vis du secteur privé. Elle a fait des
études par étapes de 1975 à décembre 1976.
Lorsqu'elle a préparé le mémoire elle l'a fait par
étapes après être retournée à
l'intérieur des commissions scolaires pour qu'il soit approuvé
avant d'être finalisé. La CECM s'est prononcée, elle aussi,
sur le mémoire. On décrivait à ce moment-là la
situation actuelle des écoles privées et on disait que les
critères d'admission étaient discriminatoires. On n'acceptait en
majorité que des enfants qui ne laissaient prévoir aucun
problème. On recrutait une majorité d'enfants dans les milieux
économiquement forts. On privait les écoles publiques de certains
éléments qui pourraient être, pour elles, un ferment
intellectuel. On rejetait même, au cours de l'année, une partie
des élèves parce qu'ils étaient indisciplinés ou
pour d'autres raisons, par exemple, parce qu'ils n'étaient pas assez
forts intellectuellement. On parlait aussi du financement des écoles
privées à 80%. On parlait de l'orientation qu'on donnait à
la politique lorsqu'on imposait les polyvalentes au secteUr public. A ce
moment-là aussi elles étaient exemptes de l'application de la loi
22, de la politique des langues: aujourd'hui, c'est le contraire. Elles
n'étaient pas soumises aux contrôles administratifs que l'on se
trouve à imposer au secteur public en immobilisations et en achats.
Elles n'ont pas besoin d'organiser le transport scolaire, mais jouissent des
services de l'école publique. Les parents n'ont à peu près
pas leur mot à dire encore, même si la loi 27 est en vigueur,
à l'intérieur des institutions privées.
La fédération est arrivée à des conclusions.
La première recommandation, c'était que soit maintenu le
système de l'école privée, mais non subventionnée.
On proposait une modification du système actuel de financement des
institutions privées reconnues d'intérêt public ou
reconnues pour fins de subvention. On recommandait aussi la mise en place d'un
système public formé de deux catégories, l'une
associée et l'autre purement publique, dont les objectifs,
l'administration, les exigences, le financement et les prérequis vers un
niveau supérieur, seraient conformes au tableau ci-joint, lequel
permettra de faire la comparaison avec les systèmes privés, tel
que préconisé à l'article A des présentes
recommandations.
On proposait la mise en place d'un comité paritaire
régional. Les objectifs d'un tel comité seraient d'exercer une
supervision sur le respect des lois et règlements du ministère,
avec une responsabilité de faire rapport au ministre sur leur
non-observance; d'étudier et de planifier la distribution des options;
de voir à ce que l'acceptation des élèves au début
de l'année par une institution ne porte préjudice à aucun
élève désireux de s'y inscrire, sauf s'il n'y a pas de
place; d'étudier les cas de renvois d'élèves après
le 30 septembre parce qu'on sait que, selon le mode de financement du
ministère de l'Education, un élève, après le 30
septembre, n'est plus financé par le ministère de l'Education; il
faut que les inscriptions soient reconnues au 30 septembre de recevoir
les plaintes des élèves et des parents relatives aux conflits
communs aux deux groupes du système.
Ensuite, on préconisait l'assainissement du climat social. On
voulait préconiser auprès des autorités compétentes
la subdivision d'écoles dont la clientèle est trop nombreuse en
unités administratives n'ayant plus le défaut du gigantisme qui
contribue à déshumaniser l'école et ne permet pas
l'individualisation de l'enseignement et de la formation. On prônait avec
vigueur l'amélioration de la catégorie purement publique dans une
concurrence loyale à l'avantage des étudiants,
conformément au désir des parents.
Dans le but de favoriser une telle amélioration, nous
suggérons, entre autres, l'élaboration de programmes
institutionnels mieux structurés et mieux respectés, une
meilleure possibilité d'en-
cadrement d'élèves, évolution des enseignants et du
rendement de l'école, participation des parents à l'orientation
de l'école, intégration des parents à la vie de
l'école. C'est toute une série de recommandations que la
fédération a voulu faire pour dire que l'école
privée pouvait avoir sa place aussi dans un système public.
Si on reprend le mémoire des écoles privées, on
s'appuie seulement sur la loi 56 et sur le droit des enfants. Lorsqu'on parle
des droits de l'enfant, on les définit par les déclarations du 20
novembre 1959 à la quinzième session des Nations Unies en ce qui
concerne l'éducation. L'article 7 disait: L'enfant a droit à une
éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins au niveau
élémentaire. Il doit bénéficier d'une
éducation qui contribue à sa culture générale et
lui permet, dans des conditions d'égalité des chances, de
développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des
responsabilités morales et sociales et de devenir un membre utile
à la société. L'intérêt supérieur de
l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de
son éducation et de son orientation. Cette responsabilité
incombe, en priorité, à ses parents".
D'autre part, le pacte des Nations Unies de 1966 dit: "L'enseignement
secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement
technique et professionnel, doit être généralisé et
rendu accessible à tous, par tous les moyens appropriés et
notamment par l'instauration progressive de la gratuité".
Je pense que c'est un peu le programme du Parti québécois
qu'on veut actuellement essayer d'étudier pour être conforme
à la Charte des droits de I'enfant sur la gratuité et
l'accès à l'éducation, arrêter de faire payer une
famille, comme le disait tout à l'heure le député de
Rosemont. Si un premier enfant paie $25, comment les parents qui ont un revenu
moyen pourront-ils envoyer deux ou trois enfants additionnels qu'ils pourraient
avoir? Le secteur public est là pour justement compenser ces lacunes et
pour offrir une gratuité scolaire à tous les enfants.
Vu qu'il y a une entente pour laisser plus de temps aux deux panelistes
il reste quinze minutes je termine là-dessus, M. le
Président.
Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le
député de Bourassa, de votre collaboration. M. le
député de Mégantic-Compton.
M. Grenier: Juste une seconde. J'allais faire une question de
règlement. Je voudrais vous signaler que, dans cette salle, il y a un
excellent défenseur des intérêts du Québec à
Ottawa en la personne du député de Joliette, M. Lasalle.
M. Morin (Sauvé): Ne lâchez pas.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Gaspé.
Répliques
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je me souviens
très bien, que dans le passé, dans une certaine institution, il y
avait une horloge semblable. Il y avait une inscription latine, si ma
mémoire est fidèle, qui disait ceci: "Vulnerant omnes ultima
necat". Toutes les heures blessent, mais c'est la dernière qui tue.
Malheureusement, je regarde I'horloge, cet amas de papier, ces douzaines de
questions que j'aurais aimé poser, mais pour ne pas poser ces questions,
je vais essayer de résumer plutôt.
Beaucoup de questions sont restées sans réponse, dans ma
première intervention. Je sais que je n'en aurai pas. C'est inutile de
les reposer. Les gens de la salle vont demeurer sur leur appétit. Tout
de même, cela vous permettra de relire toutes ces choses, de les
repenser, de les méditer.
Je voudrais répondre à une question du ministre
relativement à la politique de l'Union Nationale de 1968. Je
n'étais pas au monde en politique, à ce moment-là. J'ai
adhéré pour la première fois à un parti vers le 22
octobre 1976. Donc, je ne veux pas porter tous les péchés du
gouvernement de l'Union Nationale, encore moins ceux du Parti libéral.
Tout de même, sa question d'intégration j'ai noté
cela quelque part, je pense que je vais le retrouver à mon point
de vue, je n'ai pas suivi les débats, je ne crois pas que, dans
l'idée de l'Union Nationale, on voulait monopoliser, on voulait
intégrer totalement, complètement l'enseignement privé
pour que l'Etat en ait un monopole exclusif. Je crois que cela n'a jamais
été l'intention d'aucun gouvernement, avant le 15 novembre 1976.
Quand j'écoute les explications qui nous sont données ce matin,
on voit qu'on peut encore subsister pendant un certain nombre d'années.
(12 h 45)
Ceci étant dit, je sais très bien que le ministre de
l'Education a une lourde tâche. Il n'est pas le ministre des
écoles publiques. Il est le ministre de l'Education. Je ne suis pas un
adversaire de l'école publique. Je n'ai pas d'école privée
dans mon comté. L'école publique, on peut lui reprocher bien des
défauts. Avec le temps, je pense qu'il y a un moyen de la revaloriser.
Je ne veux pas parler de toutes ces choses. On a parlé des
défauts et des qualités des deux systèmes.
Je ne voudrais pas laisser l'impression ce matin que mon intervention a
pour but de remplacer l'école publique par l'école privée.
On sait que c'est impensable. Il y a environ 3% de nos jeunes, dans la
province, qui sont dans le système privé. J'ai dit 3%.
M. Morin (Sauvé): 10%. M. Le Moignan: Pas 10%.
M. Morin (Sauvé): Oui, c'est cela, en moyenne.
M. Le Moignan: Très bien. J'accepte vos chiffres. J'ai vu
3% dans différents endroits, sans contrôle. Quand on a
parlé de complémentarité, je comprends très bien
que ce n'est pas un mot nouveau, que cela existait aussi dans le passé.
Je
pense qu'il n'y a personne qui met en doute que les institutions
privées doivent exister et s'épanouir à l'intérieur
du système d'éducation exclusivement. Elles doivent exister et
elles doivent aussi accepter le jeu de l'Etat. Je ne les vois pas comme des
rivales. Elles doivent plutôt être collaboratrices. On pourrait
discuter longuement sur cela. Je pense que l'école privée peut
apporter un complément. Dans la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, je crois qu'il n'y a pas une seule
école privée. Dans bien des cas, soit de maladie de parents ou de
foyers séparés, on doit les placer ailleurs dans des internats.
Je crois que l'école de Matane aurait facilement pu accepter 150
élèves qui sont obligés d'aller à
l'extérieur pour de multiples raisons que je n'ai pas à juger
mais que je constate très facilement.
M. Morin (Sauvé): Je m'excuse. C'est 510, M. le
député.
M. Le Moignan: Comme cela, je me trompe, C'est dans le cas de
Sorel ou de Roberval. C'est un autre endroit que j'ai vu dans le rapport. De
toute façon, je me trompe peut-être de chiffres.
M. Morin (Sauvé): Projet Matane.
M. Le Moignan: Avec pensionnat, je crois.
M. Morin (Sauvé): Oui.
M. Le Moignan: Oui. Le ministre a donné des chiffres tout
à l'heure. Je ne veux pas reprendre tous les chiffres qui ont
été donnés. On parle de dénatalité au
secteur public; or il semble qu'il y ait moins de dénatalité chez
les parents du secteur privé. Je n'ai pas envie de faire d'analyse
là-dessus. On peut se poser des questions. Est-ce que c'est dû
à une meilleure qualité de l'enseignement? Est-ce que le milieu
de vie est plus humain? Est-ce que, est-ce que, est-ce que? Maintenant, comme
je l'ai dit, je pense que le ministre s'interroge et c'est son droit de
s'interroger car il a une grande responsabilité. Mais il a dit un petit
quelque chose sur lequel je ne suis pas totalement d'accord.
J'avais posé une question qui est demeurée sans
réponse, et je crois que c'est un peu l'essentiel du débat de ce
matin, quand je disais, en page 7. "A titre d'exemple, si le ministre est
appelé à donner son approbation à un projet d'école
privée qui donne toutes les garanties d'accessibilité à la
population et répond aux normes pédagogiques du ministère,
est-ce que l'application du principe de la complémentarité
l'emportera sur un autre principe universellement reconnu du droit des parents
de privilégier certaines options fondamentales dans l'éducation
de leurs enfants?" S'il a répondu, je n'ai peut-être pas saisi
clairement sa réponse.
J'avais parlé aussi de cette société pluraliste
parce qu'on parle d'une seule école, d'un seul syndicat, d'une seule
façon de penser, en somme, de l'école neutre, laïque
à 100%, de bannir l'école confessionnelle. Je n'attaque pas le
gouvernement du tout de ce côté. Je ne lance aucune flèche
au gouvernement. C'est clair, c'est précis.
M. Paquette: C'est dit dans notre programme.
M. Le Moignan: C'est clair et net.
M. Paquette: Au congrès du Parti
québécois.
M. Le Moignan: J'ai lu le livre vert. On parle de l'enseignement.
Le ministre l'a déclaré aussi... Maintenant, le ministre a dit
tout à l'heure qu'il devait s'incliner devant la consultation des
élus du peuple en parlant des commissions scolaires régionales.
Mais dans cette commission consultative, il y a tout de même un
représentant de la Fédération des commissions scolaires
régionales. Quand on parcourt la page 8, on voit que les arguments qui
sont apportés, pour trois écoles au moins, sont très
positifs, donnant des raisons solides. Donc, à ce moment, ce
comité consultatif, peut-être qu'on me dira que c'est comme un
conseil de chanoines qui est consultatif, l'évêque pouvant
demander leur opinion, et c'est l'évêque qui décide...
Evidemment, c'est le même cas, c'est le ministre de l'Education qui, en
définitive, prend les décisions.
Mais, on parle des écoles. J'ai souvent eu l'occasion de
rencontrer des jeunes. J'ai écouté le ministre l'an dernier,
recevant un groupe d'étudiants dans cette même salle, leur dire
qu'il ne se construira jamais d'autres boîtes monstres de 2000 ou 3000
étudiants. Je suis d'accord avec lui. Je sais que cela a
créé des problèmes au début. Cela a jeté
beaucoup de discrédit sur l'école publique. Dans bien des
endroits, on est en train de remédier à cette situation. Il reste
encore beaucoup de rattrapage à faire.
Je suis allé dernièrement au Conseil supérieur de
l'éducation, étant de passage à Montréal, comme
observateur. On m'a donné la permission d'aller dans un atelier
où il y avait quatre ou cinq jeunes des polyvalentes. J'ai beaucoup
aimé leurs réflexions. Encore là, le livre vert dit que
j'oublie le mot l'enfant doit être au coeur de
l'école. Je pense que c'est cela ou quelque chose du genre.
Il y a une jeune demoiselle qui a dit qu'elle ne se sentait pas au coeur
de l'école. Elle faisait partie d'une grosse école. Pour elle,
ils étaient des numéros. Elle faisait le parallèle avec
ses compagnes ou ses compagnons qui fréquentaient l'école
privée. Quand je dis que je suis très favorable à
l'école publique, il reste qu'il y a beaucoup d'améliorations
à faire et ces jeunes ont déploré certaines choses.
J'ai pris des notes cette journée-là, trois ou quatre
pages, de leurs arguments. Ils se sentaient perdus dans ce milieu et ce type
d'école. Ce n'était pas l'école du milieu qu'on voudrait
avoir. Ils étaient obligés souvent de se déplacer. Ils
trouvaient cela horrible d'aller à deux milles, cinq milles de leur
domicile, quand on sait qu'en Gaspésie on les prend à 40 milles
à peu près de chaque côté de Gaspé. Ils
partent à six heures le
matin de l'Anse-à-Valleau; ils partent de Bridge-ville, tout
près de Percé; à six heures, ils sont sur le bord de la
route. Ce n'est pas vous autres, je ne vous blâme pas.
M. Grenier: La semaine de 40 heures.
M. Le Moignan: Quand on pense à cela. Ces jeunes devaient
traverser un pont et ils se trouvaient à être
dépaysés dans un autre milieu.
J'aurais bien d'autres choses, M. le Président, mais je me
garderai juste un petit mot tout à l'heure. Si je commence à
poser trop de questions au ministre, cela va priver M. le ministre de son droit
de parole. Comme je sais qu'il a le don de condenser... J'en garde, M. le
Président; nous allons nous rencontrer en commission parlementaire
bientôt. Encore une fois, je suis content ce matin de cette renconre qui
aurait dû se prolonger très tard aujourd'hui, pour essayer de
vider certaines questions. Je suis content et je remercie M. le ministre
d'avoir accepté. Tout à l'heure, après I'intervention du
ministre, j'aurais peut-être un petit mot de conclusion, très
bref.
Le Président (M. Dussault): M. le ministre.
M. Morin (Sauvé): M. le Président, le
député de Mégantic-Compton m'affublait tout à
l'heure du titre de conservateur.
M. Le Moignan: II a vu rentrer le député de
Joliette.
M. Morin (Sauvé): Evidemment ces termes, comme beaucoup
d'autres, sont très relatifs. Je voudrais l'assurer qu'à ce
compte-là je puis être très radical. Je suis radical dans
ma volonté d'améliorer l'école publique et de la
protéger.
Je voudrais remercier le député de Gaspé; il a
permis que soit éclairé le débat, les tenants et
aboutissants, de ce long débat sur l'avenir de l'enseignement
privé. Je puis l'assurer que ce qui a été dit ce matin va
contribuer à la discussion qui a lieu en ce moment au sein du
ministère, de même qu'au niveau ministériel.
Ce débat nous a permis de constater un certain nombre de faits.
Je vais essayer d'être très bref pour en faire état.
Premièrement, les institutions privées ont été
administrées, depuis le 15 novembre 1976, avec le même souci
d'équité et de qualité que nous avons
déployé à l'endroit de l'enseignement public. Aucun geste
arbitraire n a été commis, mais nous avons recherché
constamment l'amélioration du système privé comme nous
avons tenté par tous les moyens, y compris le livre vert, ci
améliorer le système public.
En second lieu, le gouvernement a le plus grand souci de protéger
et de développer l'école publique, particulièrement au
cours des années qui viennent, alors qu'elle connaîtra une
diminution dramatique des clientèles. Qu'on songe qu'à l'heure
actuelle, à travers le Québec, cette clientèle diminue,
d'année en année, de 30 000 à 35 000 élèves
si ce n'est davantage.
Troisièmement, le gouvernement entend consulter désormais
les commissions scolaires régionales, comme il l'a fait dans les quatre
cas que nous avons étudiés ce matin, avant d'autoriser
l'établissement d'une institution privée. Avant même que ne
soit annoncée la nouvelle politique, je puis vous dire que nous voulons
avoir la plus grande considération pour ces gouvernements locaux que
sont les commissions scolaires.
Quatrièmement, le ministre d'Etat au développement
culturel et le ministre de l'Education ont reçu un mandat du
gouvernement à l'effet de réviser les politiques qui
régissent l'enseignement privé. Nous y travaillons très
ferme en ce moment en vue de proposer des politiques réalistes et justes
à l'endroit tant du système public que du système
privé. Même si chacun peut être impatient et je
conçois que le député de Gaspé le soit, on I'est
dans le milieu de connaître ce que sera cette politique, nous
n'entendons pas conclure avec précipitation et nous n'entendons pas
bâcler cette nouvelle politique. Elle sera fondée sur le bien
commun et sur le bien de l'enfant, sur le bien de chaque petite
Québécoise et de chaque petit Québécois.
Le principe de la liberté est fort important et je tiens à
dire que le gouvernement n'a pas l'intention de négliger ce principe,
mais il ne doit pas être applicable seulement à ceux qui en ont
les moyens ou à ceux dont les enfants obtiennent plus de 75% dans leurs
résultats. La liberté est pour tout le monde et il faut s'assurer
qu'elle vaut également pour les citoyens qui doivent s'en tenir à
l'école publique. C'est la perspective dans laquelle se situe d'ailleurs
le livre vert, M. le Président, et j'ai noté avec grand soin ce
qui a été dit par mon collègue, le député de
Rosemont, que la politique à l'endroit du système privé
devra tenir compte de ce qui résultera de la démarche propre au
livre vert.
M. le Président, encore une fois merci au député de
Gaspé d'avoir soulevé cette question avec débat. Je pense
que nous n'avons pas perdu notre temps ce matin.
Le Président (M. Dussault): M. le député de
Gaspé, en guise de conclusion.
M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être un
mea culpa à l'intention des fonctionnaires qui ont sacrifié
plusieurs heures de sommeil, hier soir, et qui, peut-être dans le fond du
coeur, n'adoraient pas trop le député de Gaspé, mais je
sais qu'ils vont me pardonner cela très facilement.
En terminant, j'avais formulé le souhait, au début de mon
intervention, que cette rencontre puisse jeter un peu plus de lumière
sur les intentions réelles du gouvernement à l'endroit du secteur
de l'enseignement privé. Le ministre nous a répété
des choses que nous savions déjà, des choses redites à
l'Assemblée nationale. Il tente de nous rassurer, mais il nous laisse
dans l'expectative. C'est vrai que nous sommes impatients: de mois en mois les
choses traînent, il y a des livres de toutes les couleurs, et
j'espère que nous
n'aurons pas à être trop déçus. Ce climat
d'incertitude et d'inquiétude qui plane actuellement sur l'enseignement
privé, je formule le voeu qu'il soit dissipé un jour. Avec cette
question de critères, de permis, etc., qu'on ne s'organise pas,
indirectement, pour que les écoles continuent de s'affaiblir, manquent
de clientèles, ou encore, ce qui est plus grave, manquent de
subventions. Mon inquiétude c'est que le malaise s'accentue, et je le
déplore énormément.
Je remercie M. le ministre et tous les autres qui ont voulu participer,
de même que les auditeurs qui sont dans la salle. Merci beaucoup.
Le Président (M. Dussault): En terminant, je tiens
à remercier tous les participants aux travaux de cette commission, ainsi
que nos visiteurs pour leur collaboration. J'ajourne les travaux de cette
commission sine die.
(Fin de la séance à 13 h 2)