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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le vendredi 19 mai 1978 - Vol. 20 N° 86

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Question avec débat — La politique du gouvernement relativement à l'enseignement privé


Journal des débats

 

Question avec débat

(Dix heures quatre minutes)

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons commencer les travaux de la commission permanente de l'éducation qui se réunit pour discuter la question avec débat du député de Gaspé qui s'adresse au ministre de l'Education sur le sujet suivant: La politique du gouvernement relativement à l'enseignement privé.

Je voudrais vous rappeler que les travaux de cette commission sont régis par le règlement 162A qui se lit ainsi: "Lorsqu'une commission élue est saisie d'une question avec débat, elle est soumise aux règles spéciales suivantes: a) le député qui a donné l'avis de la question avec débat a droit d'être entendu le premier et le ministre questionné peut lui répondre immédiatement après; chacune de ces interventions doit être limitée à vingt minutes; b) un député peut prendre la parole aussi souvent qu'il lui plaît, à condition de ne pas parler plus de vingt minutes en tout; cette restriction ne s'applique pas au député qui a donné l'avis de question avec débat ni au ministre questionné, lesquels ont un droit de parole privilégié". Je fais une parenthèse ici: privilégié ne veut pas dire exclusif ". c) le ministre peut se faire accompagner des fonctionnaires de son choix et les autoriser à prendre la parole et ils parlent alors en leur nom; d) la commission ne désigne pas de rapporteur et il n'y a pas de rapport à l'Assemblée; e) le quorum est présumé exister et l'absence de quorum ne peut être invoquée; f) il ne peut y avoir ni motion, ni vote; g) à treize heures, ou lorsqu'il n'y a plus d'opinant, le président met fin aux travaux de la commission ". Ceci dit, je laisse la parole à M. le député de Gaspé.

Exposé du sujet

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je suis très heureux, ce matin, d'entamer, avec le ministre de l'Education et mes autres collègues de l'Assemblée nationale qui s'intéressent à la question une discussion franche et honnête sur l'avenir de l'enseignement privé au Québec.

J'aimerais bien que ces quelques heures mises à notre disposition nous permettent, non seulement de faire le point sur ce dossier important qui préoccupe un très grand nombre de Québécois dans toutes les régions de la province, mais aussi de jeter un peu plus de lumière sur les intentions réelles du gouvernement à l'endroit du secteur d'enseignement privé.

Que l'Union Nationale porte un intérêt particulier à ce dossier, je pense que cela ne surprend personne. C'est plutôt le contraire qui serait étonnant. Lorsque nous avons demandé à l'As- semblée nationale, en décembre 1968, d'adopter la loi 56 sur l'enseignement privé, nous avons posé, avec le concours unanime de tous les députés, un geste démocratique et responsable qui répondait à un besoin réel de la population québécoise, c'est-à-dire, premièrement, le maintien des institutions privées d'enseignement sur le territoire du Québec et, deuxièmement, l'obligation de l'Etat de contribuer financièrement au fonctionnement de ces institutions dûment reconnues par le ministère de l'Education.

Notre attitude, en 1978, demeure toujours aussi ferme en faveur du respect intégral de ces deux principes. Je suis persuadé que cette attitude est partagée par tous les partis d'opposition représentés à l'Assemblée nationale.

Malheureusement, il me paraît difficile, sinon impossible, de faire la même affirmation à l'endroit du gouvernement. Nous ne connaissons vraiment pas, à l'heure actuelle, la politique que le gouvernement entend suivre vis-à-vis des institutions de renseignement privé. Tout ce que nous savons de façon certaine, c'est qu'on procède, au ministère de l'Education, à une remise en question fondamentale de la politique suivie par le ministère dans ce secteur depuis maintenant plus de dix ans.

Nous ne savons pas grand-chose non plus sur la nature et la portée de cette étude en profondeur, si ce n'est par les bribes de renseignements que le ministre a bien voulu nous donner à loccasion. Je sais que depuis environ un an il y a un comité, au ministère de l'Education, qui travaille, comme nous l'indique un communiqué en date du 29 juin 1977. Je puis citer ces quelques lignes en passant: "Cette étude portera notamment sur la place des écoles privées par rapport à l'enseignement public, I'admission, la sélection et le renvoi des élèves, la qualité du personnel enseignant, les caractéristiques des programmes d'étude de ces institutions, l'organisation des services aux étudiants, etc. Ces travaux sont devenus nécessaires, compte tenu des projets du gouvernement en vue d'intégrer l'école davantage dans son milieu."

Nous savons, par ailleurs, qu'en janvier 1977 le ministre Laurin faisait allusion à un comité spécial chargé d étudier le fonctionnement de l'enseignement privé. Le ministre actuel de l'Education fait aussi partie de ce comité. J'ose croire que ce matin nous allons en savoir un peu plus long à ce sujet. Ces quelques éclaircissements ou fuites calculées que le ministre nous a fournis, ajoutés aux gestes concrets que le ministre a posés depuis plus d'un an relativement au financement des institutions privées et à la reconnaissance de nouvelles institutions, sans oublier la résolution du Parti québécois, adoptée au dernier congrès du parti en mai 1977, sont suffisants, à mon avis, pour jeter des doutes sur I affirmation du premier ministre, à savoir que ni de près ni de loin, les droits des citoyens ne seront brimés de quelque façon que ce soit affirmation faite devant les représentants et amis de l'Association des parents catholiques du Québec dans cette même salle en novembre dernier.

Lors de I étude des crédits du ministère de I'Education I an dernier, le ministre nous a livré ce qu il qualifiait à lépoque de réflexions qui demeurent pour I'instant tout à fait personnelles. Il y a de cela un an et le ministre a probablement aujour-d nui une position plus officielle. Je comprends très bien sa situation. Malgré ses sentiments personnels, il y a aussi des aspects stratégiques et des aspects politiques auxquels il est soumis. Le ministre nous a dit, à ce moment, que deux principes fondamentaux l'animaient dans sa réflexion sur la place de l'enseignement privé par rapport à l'ensemble du système d éducation. Le premier principe était que le Québec doit accorder la priorité au développement du secteur public. Ce principe me semble aller de soi, compte tenu de limportance du nombre des institutions publiques, du nombre d étudiants intéressés et de la nature des budgets en cause.

Il ne nie aucunement I existence d un secteur privé dynamique et une interaction créatrice entre le secteur public et le secteur privé. Tout le monde est d accord pour améliorer la qualité de I'école publique, mais, pour ce faire, est-ce nécessaire de remettre en cause la survie du système privé? C'est bien plus le deuxième principe, celui qui concerne le rôle et la place de I'institution privée dans notre système d'éducation, qui soulève le plus de discussions. Ici, je me permets de citer le ministre au journal des Débats du 24 mai 1977, à la page B-3169. Les institutions privées, dit-il, "doivent, à mon avis, collaborer avec le secteur public et contribuer ainsi, selon la nature de leurs ressources et de leur expérience, à la pleine réalisation des objectifs d'éducation au Québec. Un tel choix permettrait aux institutions privées de rendre un service à caractère public. C'est dans la mesure où elles contribuent à ce service de caractère public qu elles peuvent justifier leur existence.

Mais pour bien comprendre cette notion de service à caractère public que le ministre, soit consciemment ou inconsciemment, semble nier aux institutions privées qui existent à l'heure actuelle, je crois qu'il faut la relier à une autre notion, que le ministre avait mentionnée au cours de cette même allocution, qui me semble indissociable de la première dans mon esprit. Et je me permets de citer à nouveau le ministre au journal des Débats, toujours, du 24 mai 1977: "La notion d'intérêt public n'étant plus fondée sur la complémentarité et la coordination des services éducatifs entre institutions privées et établissements publics, comme le proposait le rapport Parent, l'application de la loi de l'enseignement privé a favorisé le développement d'un secteur privé de plus en plus parallèle et même concurrent par rapport au secteur public".

Je ne crois pas que je puisse être taxé d'une interprétation abusive des propos du ministre, propos, faut-il le rappeler, qui lui sont tout à fait personnels, en lui demandant s'il est exact que, dans un avenir plus ou moins rapproché, seules les institutions privées qui pourront justifier qu'elles rendent un service à caractère public, c'est-à-dire qu'elles rendent des services complémentai- res, seront reconnues comme institutions privées au sens de la loi par le ministère de l'Education. (10 h 15)

Je demeure persuadé, après mes discussions avec des gens du milieu, que cette notion de complémentarité qui a refait surface à l'Assemblée nationale sous forme de questions orales, suite à I'adoption, par le Parti québécois, à son congrès de mai 1977, d'une résolution en faveur d'une réduction progressive des subventions, sur une période de cinq ans pour les écoles privées qui n'entreraient point dans les perspectives d'intégration que le parti a adoptées, je demeure persuadé, dis-je, que cette notion est au coeur du débat qui oppose à l'heure actuelle les tenants et les adversaires de l'enseignement privé au Québec.

Le ministre nous a dit hier, en Chambre, qu'il serait probablement en mesure, ce matin, de nous livrer quelques éléments de la politique du gouvernement sur l'avenir de l'enseignement privé au Québec. J'aimerais bien qu'il aborde cet aspect déterminant du dossier et qu'il nous dise clairement là où il veut en venir lorsqu'il déclare, comme il l'a fait le 31 mai dernier en Chambre à la suite d'une question de mon voisin de gauche, le député de Mégantic-Compton, et je cite: "J'ose espérer que nous en viendrons à des perspectives où I'école publique et l'école privée seront davantage complémentaires qu'elles ne le sont à l'heure actuelle".

Je voudrais maintenant aborder une autre facette du dossier de l'enseignement privé qui, tout en étant de nature plus technique, revêt une importance capitale pour la survie des institutions privées. Il s'agit de la question de la politique de subvention à ces dites institutions privées. Le ministre a déclaré le 24 mai dernier, en commission parlementaire, qu'une saine administration des fonds publics exigeait que toute politique de subvention aux institutions privées tienne compte d'un certain nombre de choses, et il en a énuméré trois: 1) que les subventions soient utilisées en conformité des objectifs définis à I'intérieur de la mission éducative de l'Etat; 2) que les subventions ne contribuent pas à favoriser des comportements discriminatoires en éducation; 3) que les subventions soient dépensées de la façon la plus judicieuse possible en évitant notamment le dédoublement des services.

Ces trois critères ont sûrement guidé le ministre dans l'élaboration des modifications qu'il a annoncées lors de l'étude des crédits de son ministère, l'année dernière, relativement au calcul des subventions aux établissements privés. En vertu de la loi 56, le financement des établissements privés est fondé sur le coût moyen par élève l'année précédente dans le secteur public. Les établissements privés qui détiennent une déclaration d'intérêt public ont droit à 80% du coût moyen et ceux qui ont obtenu une reconnaissance pour fins de subvention ont droit à un financement qui équivaut à 60% du coût moyen.

Selon la nouvelle méthode de calcul, on ne tiendra plus compte, dans le calcul du coût moyen, des intérêts à court terme payés pour les arrérages dans le paiement des subventions aux

commissions scolaires, ni du coût relatif à l'opération d'un centre relié au Service de l'informatique du ministère, puisque, dans ce dernier cas, il n'y a pas de coût équivalent dans le système privé. En plus, la nouvelle méthode de calcul doit tenir compte des effectifs enseignants alloués par les conventions collectives, tant au niveau des commissions scolaires qu'au niveau des collèges, selon la catégorie et selon le type du programme d'enseignement

M. le Président, le ministre s'est défendu avec acharnement, au printemps dernier, contre l'interprétation qui avait été faite dans certains media d'information où l'on faisait allusion à une diminution, dans le secteur privé, de l'ordre de $13 millions par suite de cette nouvelle méthode de calcul pour les subventions. Pour le ministre, il ne s'agissait pas de coupure, mais plutôt d'un calcul plus exact du coût moyen.

Le ministre est-il en mesure, aujourd'hui, de nous dire, après la mise en application de ces nouvelles mesures, s'il existe des institutions privées au Québec qui ont reçu un montant inférieur, sous forme de subvention, par rapport à l'ancienne méthode de calcul du coût moyen? Dans l'affirmative, pourrait-il nous donner la répartition de ces institutions et des montants accordés? Je serais très surpris si des établissements privés avaient reçu des montants supérieurs à ceux auxquels ils auraient eu droit avec l'ancienne méthode de calcul, mais si cela existe, j'aimerais bien en être informé.

La question du financement des institutions privées sous forme de subventions de l'Etat est vitale et le ministre n'est pas sans l'ignorer. Je ne crois pas que ce soit l'intention du gouvernement de nier ce principe fondamental, mais il ne faudrait pas que la future politique du gouvernement en matière d'enseignement privé soit à ce point restrictive qu'elle lui permette de faire indirectement, par le biais de l'octroi des subventions, ce qu'il n'ose pas faire directement. D'ailleurs, M. le Président, le ministre n'est pas sans savoir que l'application de la notion de complémentarité suscite énormément d'inquiétude à ce niveau dans le milieu des institutions d'enseignement privé. J'aimerais bien que le ministre profite de cette tribune que nous lui offrons aujourd'hui pour nous donner clairement et sans faux-fuyants sa pensée sur les liens entre les subventions et la complémentarité de l'école privée envers l'école publique. Je ne saurais trop insister sur ce point. Il me paraît primordial.

A titre d'exemple, si le ministre est appelé à donner son approbation à un projet d'école privée qui donne toutes les garanties d'accessibilité à la population et répond aux normes pédagogiques du ministère, est-ce que l'application du principe de la complémentarité l'emportera sur un autre principe universellement reconnu du droit des parents de privilégier certaines options fondamentales dans l'éducation de leurs enfants? Nous croyons fermement que ce droit des parents découle non seulement de la nature des choses, mais aussi des exigences d'une société qui se veut pluraliste et respectueuse de la liberté de ses membres.

Je ne voudrais pas terminer ce bref exposé sans dire quelques mots sur un autre geste qu'a posé le ministre, au cours de l'année dernière, et qui a causé tout un émoi parmi les associations représentatives du secteur privé. Le 29 juin dernier, le ministre annonçait par voie de communiqué que dorénavant les demandes en vue de la création de nouvelles écoles privées feraient l'objet de consultations du milieu par l'entremise des commissions scolaires régionales sur le territoire desquelles ces institutions veulent s'implanter. Suite à cette initiative, il y a lieu de se demander ce qu'il adviendra de la Commission consultative de l'enseignement privé que le ministre est tenu de consulter en vertu de la loi 56 avant de déclarer une institution d'intérêt public ou de recommander une institution pour fins de subvention. Doit-on conclure que le ministre met en doute la représentativité de cette commission où, soit dit en passant, siège un représentant de la Fédération des commissions scolaires? Ou, d'un autre côté, doit-on s'attendre d'ici peu à une remise en cause complète du rôle et des pouvoirs de cette commission consultative?

Quant à la création de nouvelles écoles privées, je sais que le ministre a reçu des demandes d'ouverture d'institutions privées dans quatre villes du Québec, soit Roberval, Sorel, Rimouski et Matane et peut-être aussi dans quelques autres. Le ministre a jugé bon, conformément à cette nouvelle politique de consultation du milieu de demander l'avis de la commission scolaire régionale dans chacun de ces cas, malgré le fait que ces demandes émanaient d'éducateurs et de parents qui travaillaient depuis longtemps à élaborer des projets de mise sur pied d'institutions scolaires conformes à leurs aspirations, à leurs droits et au bien commun.

Serait-il possible, M. le Président, de savoir, ce matin, ce que le ministère entend faire dans chacun de ces cas et, de manière plus générale, le ministre pourrait-il nous fournir des statistiques précises et à jour sur le nombre de demandes qui ont été faites, depuis le 15 novembre 1976, par des institutions d'enseignement désireuses d'être reconnues comme institutions d'intérêt public ou comme institutions pour fins de subventions, et parmi celles-ci, celles qui ont réussi à obtenir un statut quelconque?

Je n'ai pas à épiloguer plus longtemps sur le climat d'inquiétude et d'incertitude qui règne présentement dans le secteur privé de l'éducation au Québec. Si cette commission parlementaire n'avait pour seul résultat que de fournir un éclairage nouveau et plus positif sur les intentions réelles du gouvernement en ce domaine, de manière que la population puisse évaluer, en toute connaissance de cause, quel sera le rôle et la place de l'enseignement privé dans notre système d'éducation, je pense que nous aurons rempli, de façon responsable, notre rôle au sein de cette Assemblée.

Les enjeux et les valeurs engagés dans le processus éducatif, qu'il s'agisse du secteur public

ou du secteur privé, ont profondément marqué l'évolution du peuple québécois, et nul doute qu'ils la marqueront davantage dans les années à venir. Parmi ces valeurs, il en est une qui nous tient particulièrement à coeur et à laquelle les Québécois sont profondément attachés et dont on retrouve l'expression législative dans le préambule de la loi du ministère de l'Education, à savoir que "les personnes et les groupes ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauvées, de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins".

M. le Président, nous entendons que le gouvernement du Québec respecte ce droit que l'Assemblée nationale a voulu concrétiser par le biais d'une loi particulière. Nous sommes convaincus que ce n'est pas seulement l'Union Nationale qui le veut, mais l'immense majorité des citoyens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Gaspé, je vous remercie. M. le ministre de l'Education.

Réponse du ministre M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): M. le Président, madame, messieurs les députés, le voudrais-je que j'aurais quelques difficultés à dissimuler l'intérêt que suscite chez moi la question avec débat que le député de Gaspé a décidé de présenter devant cette commission parlementaire. Je suis heureux de l'occasion de faire le point, dans la mesure où c'est possible, au moment où se débat au sein du gouvernement la nouvelle politique relative à renseignement privé. Effectivement, comme l'a mentionné le député, une étude en profondeur a été effectuée depuis un peu plus d'un an maintenant et se trouve en ce moment sur le point d'aboutir devant le comité ministériel de développement culturel ainsi que devant le Conseil des ministres. (10 h 30)

En guise d'entrée en matière et pour éclairer, dans la mesure du possible, la discussion que nous allons avoir sur l'enseignement privé, j'ai pensé qu'il convenait de présenter aux membres de cette commission quelques données de base sur ce secteur et de leur faire part de certaines mesures particulières qui l'ont touché depuis le début de l'année scolaire. Je pense démontrer que, ni de près ni de loin, les droits des citoyens n'ont été brimés.

Le secteur de l'enseignement privé, il faut le rappeler, regroupe une très grande variété d établissements, que ce soit en raison de leur ancienneté, puisque certains sont plus que centenaires, de leur mission, de leur taille, de leur caractère confessionnel, du niveau et de la nature de leur enseignement ou, enfin, de leur statut juridique.

C'est selon le type d'enseignement que la loi de l'enseignement privé distingue trois grandes catégories d'établissements: ceux qui s'intéressent à l'enseignement général, ceux qui s'occupent d'enseignement professionnel et les écoles de culture personnelle. Quelle que soit la catégorie où il se situe, tout établissement doit détenir l'un des trois statuts suivants que lui accorde le ministère de I'Education: soit le statut d'établissement déclaré d'intérêt public, ce qu'on appelle communément la D.I.P., soit le statut d'établissement reconnu pour fins de subvention, appelé généralement la R.F.S., ou encore le statut d établissement avec permis.

Certains établissements ont reçu plus d un statut, selon les degrés ou les niveaux d'enseignement autorisés. D'autres peuvent être dispensés de I'obligation de détenir un permis de culture personnelle en vertu des règlements de la loi ou sont exclus du champ d'application de la loi. Comme le démontre un tableau que j'ai fait joindre dans la pochette qui a été distribuée aux membres de la commission et, je pense, aussi à la presse, le ministère a émis ou reconduit 713 permis cette année, dont 501 à des écoles de culture personnelle et 119 à des maternelles. Aucune subvention n'est accordée pour ces écoles sous permis puis-qu elles ne détiennent ni D.I.P., ni R.F.S. A cela s ajoute encore 241 cas de dispenses ou d exclusions en vertu de la loi. 263 statuts ont été reconduits en faveur de 200 établissements déclarés d'intérêt public ou reconnus pour fins de subventions. Ces 200 établissements offrent pour la plupart ce qu on appelle des cours de formation générale.

Les effectifs étudiants des établissements subventionnés s'élèvent cette année à 88 465 élèves et étudiants. Alors que le taux moyen d accroissement de ces effectifs a été de 12,7% entre 1970/71 et 1976/77, il n'a varié à la hausse que de 0,2% entre 1976/77 et 1977/78, soit 212 élèves de plus. On note même une diminution du nombre d élèves là où ils sont en plus grand nombre, c est-à-dire dans les établissements d enseignement général des niveaux secondaire et collégial. Evidemment, ces phénomènes s'apparentent au phénomène de décroissance qu'on note dans I'ensemble du système scolaire en raison de la dénatalité. La croissance du nombre d'élèves des écoles primaires en 1977/78 provient surtout du fait que, selon la politique de désassociation progressive amorcée en 1972, les effectifs du quatrième degré des écoles juives se sont ajoutés aux effectifs de ce niveau. Il en sera ainsi, d'ailleurs, pour le cinquième degré l'an prochain.

Quant au financement de l'enseignement privé, il s appuie, je pense que tout le monde le sait, sur les coûts par élève, déterminés à partir des coûts de fonctionnement dans le secteur public l'année précédente pour les établissements de même catégorie, comme l'a fait valoir tout à l'heure le député de Gaspé.

J'aborderai cette question devant vous plus longuement la semaine prochaine au moment de I'étude des crédits du ministère. Mais je veux dès maintenant signaler que les modifications apportées au mode de détermination des subventions de cette année ont rétabli une plus grande équité par rapport à l'enseignement public, sans retombées graves pour les écoles privées. En outre, j'ai demandé au Service général de l'enseignement

privé d'effectuer des analyses financières pour vérifier l'utilisation faite des fonds publics.

La charte de la langue française adoptée par l'Assemblée nationale en août dernier, a été appliquée dans tous les établissements subventionnés et ceux-ci en ont respecté les prescriptions de façon très fidèle. Une école anglaise d'enseignement commercial intensif est même devenue française après la promulgation de la loi. Un seul établissement a décidé d'accepter des élèves inadmissibles à l'enseignement en langue anglaise et, en conséquence, n'a pas reçu de subvention. Un second cas est en suspens à l'heure actuelle en attendant la décision de la Commission d'appel créée sous l'empire de la charte.

C'est aussi au cours de l'année que le ministère a rappelé aux établissements privés leur obligation légale de ne pas admettre les élèves à la maternelle et en première année de l'école primaire avant l'âge défini par règlement, c'est-à-dire respectivement cinq ans et six ans révolus avant le 1er octobre de l'année scolaire en cours.

Le ministère a fait l'essai, cette année, d'une nouvelle procédure d'examen des demandes d'implantation d'établissements en consultant les commissions scolaires des territoires d'où ces demandes proviennent. Je voudrais informer les membres de cette commission des recommandations, déjà rendues publiques dans chaque région concernée, que quatre commissions scolaires régionales m'ont présentées après avoir consulté les organismes intéressés par ces projets.

Le député de Gaspé me rappelait tout à l'heure ces quatre cas d'écoles que d'aucuns voudraient ouvrir à Matane, à Rimouski, à Sorel et à Roberval. Les consultations, je pense, sont déjà connues du public, mais j'ai pensé qu'il serait utile que les membres de la commission aient devant eux la réponse qui m'est parvenue de ces quatre commissions scolaires régionales. Dans trois cas sur quatre, les commissions m'ont rendu un avis nettement défavorable à l'ouverture de nouvelles écoles privées. Il s'agit de la Commission scolaire régionale Carignan, de la Commission scolaire régionale des Monts et de la Commission scolaire régionale du Bas-Saint-Laurent. Dans le cas de la Commission scolaire régionale du Lac-Saint-Jean, l'avis est formulé de telle façon qu'il constitue, de fait, un avis négatif, puisqu'il pose comme principe que l'Etat devra assumer les coûts découlant de la baisse du nombre d'élèves et de professeurs causée par la création de l'école privée, principe auquel je ne puis évidemment souscrire. En effet, si, dans certains cas, la création d'une école privée devait entraîner une situation financière impossible, voire même la fermeture d'une école publique, je ne puis évidemment continuer de financer une école ou une commission scolaire de la même façon que s'il n'y avait pas eu de diminution de clientèle. Vous savez que le principe du financement est celui d'une contribution de l'Etat par tête.

J'ai voulu observer le statu quo pour tout ce qui a trait au développement du réseau de l'enseignement privé, en n'accordant aucun statut sub- ventionné nouveau et en n'améliorant aucun statut existant au cours de l'année, nous sommes engagés dans un processus de réflexion en profondeur quant aux orientations à donner à l'enseignement public, à tous les niveaux, et il me paraîtrait extrêmement imprudent de poser des gestes qui pourraient compromettre les efforts de redressement et de renouveau que nous impose l'état actuel des choses.

Je me permettrais de citer un extrait d'un discours prononcé par un membre de l'Union Nationale qui portait presque le même nom que moi-même, M. Jean-Marie Morin, en 1968. Je pense que cela va souligner l'importance du problème auquel j'ai dû m'attaquer en arrivant au ministère, après plusieurs années de négligence. "C'est un fait, disait M. Jean-Marie Morin, que de trop nombreuses écoles privées exposent la santé et même la vie des enfants à de graves dangers, que d'autres exploitent financièrement leurs élèves ou les parents par des procédés quasi ou nettement frauduleux, et que d'autres, enfin, ne donnent qu'un simulacre d'enseignement ou un enseignement tout à fait inadapté aux besoins de leurs élèves". Cette situation, j'ai pu constater au cours des derniers 18 mois qu'elle n'est pas encore parfaitement assainie après bientôt une dizaine d'années et j'ai dû effectivement procéder à certains resserrements dans l'octroi des déclarations d'intérêt public, des reconnaissances pour fins de subvention et des permis.

D'autre part, l'enseignement privé fait aussi I'objet d'un examen complet, à l'heure actuelle, en vue de le resituer par rapport au contexte d'ensemble et en fonction des perspectives d'avenir du système scolaire. Tout à l'heure, le député de Gaspé faisait état devant nous de cette notion de complémentarité qui, effectivement, a été mentionnée à loccasion: Complémentarité de l'enseignement privé par rapport à l'enseignement public. Il nous disait que cette notion suscite des difficultés. Ce peut effectivement être le cas, mais j'aimerais lui rappeler qu en 1968, ce sont effectivement des critères qui ont été mentionnés par I'Union Nationale au moment du débat sur la loi 56. Je voudrais même lui citer un ou deux passages qui vont plus loin encore et qui démontrent qu à cette époque-là on songeait même à une intégration des deux systèmes privé et public. Si la notion de complémentarité suscite des difficultés, vous pensez bien que cette autre notion d'intégration en suscite également. Peut-être le député de Gaspé voudra-t-il nous donner des éclaircissements sur la pensée officielle actuelle de l'Union Nationale à cet égard.

Je cite toujours M. Jean-Marie Morin, à la page 5015 des débats de 1968 (c'était le 17 décembre 1968): "Aujourd hui que le Québec est à se donner un système d'enseignement unifié, coordonné et cohérent, les institutions privées ne peuvent plus vivre et fonctionner, en quelque sorte, en marge de ce système, elles doivent s'y intégrer. J'aurai aussi des citations de la part des libéraux pour vous, madame, tout à l'heure, si la chose peut vous intéresser. Un peu plus loin, M.

Jean-Marie Morin disait ceci, à la page suivante: "Enfin, un troisième objectif consiste à faciliter I'intégration des institutions privées au système unifié et coordonné que le Québec est à édifier.''

Au terme des études en cours et des conclusions du groupe chargé du dossier, qui vont nous être transmises au début de juin, le gouvernement a lintention de faire connaître sa politique; ce sera vraisemblablement dans le courant du mois de juin. Ce matin, cependant, je suis tout à fait disposé à discuter de I attitude que j'ai adoptée à I'égard des établissements d'enseignement privés depuis que je suis responsable des affaires de I Education. Je suis disposé, en particulier, à discuter chacun des cas où j'ai pris une décision; mais, naturellement, je ne suis pas disposé à annoncer une politique qui n'est pas, encore au point. Je ne suis pas disposé à rendre publics des rapports qui font I objet de discussions au niveau ministériel. (10 h 45)

Telles sont, M. le Président, les observations préliminaires que j'ai cru utile de porter à la connaissance de la commission, au début de ce débat. Si vous me le permettez, je pourrais maintenant répondre à une ou deux des questions qui ont été soulevées par M. le député de Gaspé.

Tout d'abord, il m'a demandé quelles sont les institutions qui ont demandé une DIP ou une RFS depuis le 15 novembre 1976 et quelle a été la réponse du ministère. Je vous rappelle que j'ai suspendu, tant qu'il n'y aura pas de nouvelle politique, toute décision qui pourrait aller à l'en-contre des intérêts existants dans le domaine de l'enseignement privé. Je me suis donc gardé de porter atteinte à ce qui existe, mais je me suis également gardé de reconnaître quelque nouveau statut que ce soit. C'est à la lumière de ce double principe qu'on doit interpréter les détails que je vais maintenant vous donner.

Nous avons reçu cinq demandes de DIP d'établissements qui existaient déjà et qui nous demandaient, en quelque sorte, des renouvellements. Comme ces établissements existaient et que la politique n'était pas énoncée, je ne me suis pas cru autorisé à refuser ces renouvellements, sauf dans un cas où j'ai dû modifier un statut, mais toujours pour un établissement qui existait déjà. Ceux-ci sont les suivants: Campus Notre-Dame-de-Foy; Ecole Armen-Québec; Collège de Saint-Césaire, qui est passé d'une RFS à une DIP, donc qui a vu son statut s'améliorer; Ecole de l'Eglise arménienne; Institut Notre-Dame-du-Souri-re.

M'ont ensuite demandé des DIP cinq autres établissements qui existaient déjà et je leur ai accordé, aux termes des pouvoirs que me confère la Loi sur l'enseignement privé, ce qu'on appelle la RFS. Ce sont: L'Académie Centennial; le Collège d'Arthabaska; le Collège Français primaire de Longueuil; le Juvénat Saint-Jean et l'Institution Charlemagne, qui est de niveau secondaire.

M'ont demandé également une déclaration d'intérêt public des établissements qui n'existaient pas auparavant ou qui n'avaient pas ce statut de DIP auparavant. J'ai accordé, dans certains cas, des permis, mais, en vertu des principes que j'énonçais tout à l'heure, je n'ai pas accordé la DIP. Ce sont: L'Académie Centennial, pour un autre niveau de son enseignement; l'établissement Audrey Morris; le Centre de céramique-poterie Bonsecours; le Collège Sainte-Marcelline; l'établissement Armand le coiffeur — vous voyez qu'il y a une très grande variété dans ces écoles — l'Ecole bilingue Notre-Dame-de-Sion; l'Ecole d'é-quitation du Saguenay; l'Ecole d'éveil de Sainte-Foy; l'Ecole maternelle Marie Soleil; les Ecoles Emmanuel; l'établissement appelé Au Jardin Bleu; le Lower Canada College; l'Ecole Saint-Georges; le Studio l'Ecrin; le Study, qui est une école; l'Ecole supérieure des Grands Ballets Canadiens.

M'ont fait parvenir des demandes de DIP, mais ont essuyé un refus pour des raisons qui m'appa-raissent suffisantes, deux établissements: Le Centre d'études espagnoles et le Collège de Dolbeau. C'est-à-dire que c'étaient des projets que je n'ai pas approuvés.

M ont fait parvenir des demandes de déclaration d intérêt public, mais se trouvent en suspens les collèges ou écoles qu'a mentionnés tout à I'heure M. le député de Gaspé: l'Ecole secondaire Matane Inc., le Collège Saint-Pierre de Sorel, lEcole secondaire de Rimouski, l'Ecole du Tremblay à Roberval, ainsi que le Pensionnat Mont-La-Mennais à Oka.

M ont fait parvenir des demandes de reconnaissance pour fin de subvention et I ont obtenue les institutions suivantes: — il s agissait encore une fois de renouvellements — I Académie catholique Saint-Jude, le Collège moderne de secrétariat de Trois-Rivières, le Collège O'Sullivan de Limoilou, le Collège Driscoll — où j'avais refusé la RFS et où à Iheure actuelle, j'ai dû la renouveler sur ordre du tribunal; mais nous avons porté la cause en appel parce que nous estimons que cette reconnaissance pour fin de subvention n'est pas justifiée — et enfin l'Ecole coopérative secondaire Beauséjour qui est fermée à l'heure actuelle, mais que j'avais prolongée pour un an pour permettre que cet enseignement prenne fin de façon ordonnée.

M'ont demandé une reconnaissance pour fin de subvention et ont obtenu un simple permis. L'Ecole maternelle Marie Soleil, l'Ecole Pasteur, l'lnstitution Charlemagne, qui est de niveau primaire, la Villa Sainte-Marcelline, l'Ecole coopérative secondaire Beauséjour pour ce qui est du niveau secondaire I. Je vous souligne ce principe qui était appliqué par tous — les gouvernements antérieurs du refus de subventionner les écoles primaires. Ce n'est pas neuf, il n'y a jamais eu de subventions pour les écoles primaires, sauf dans le cas des pensionnats.

Enfin m'ont fait parvenir une demande de reconnaissance pour fin de subvention, mais ont essuyé un refus, le Groupe Nouvel Air et le O'Sullivan Business College de Montréal.

S il me reste encore quelques instants...

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, je vous ai accordé le même temps qu à M. le député de Gaspé qui avait dépassé son temps de trois

minutes. Je vous demanderai de conclure, s'il vous plaît!

M. Morin (Sauvé): Ce sera très bref. Plutôt que de traiter dès maintenant les autres questions que me posait le député de Gaspé, je vais tout simplement attendre qu'il me pose ces questions.

M. Le Moignan: Mais si le ministre veut compléter l'énumération qu'il a déjà commencée, personnellement, je n'ai pas d'objection.

Mme Lavoie-Roux: On n'a pas de copie de cette énumération, n'est-ce pas?

M. Le Moignan: Je n'ai pas d'objection à ce que vous terminiez votre...

Le Président (M. Dussault): Si c'est la volonté unanime de la commission, je n'y vois aucune objection.

M. Roy: Unanimité.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, vous pouvez continuer votre liste.

M. Le Moignan: Est-ce qu'on pourrait avoir copie plus tard de cette...

M. Morin (Sauvé): J'avoue que M. le député de Gaspé a eu l'amabilité de porter quelques questions à mon attention dès hier. Les fonctionnaires du ministère ont passé la nuit à trouver ces renseignements, à faire les listes, de sorte que nous n'avons pas eu le temps ce matin de les faire photocopier. J'avais déjà, comme vous le voyez, prévu un certain nombre de documents pour la commission, mais nous n'avons pas eu le temps de les photocopier et je possède, je pense, le seul exemplaire. Y aurait-il moyen de faire photocopier les documents pour les distribuer aux membres de la commission, voire même à la presse?

Le Président (M. Dussault): Le personnel de la commission va s'occuper de ce travail, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je veux bien continuer à répondre aux questions qui m'avaient été posées hier. Ce sera peut-être plus simple que d'attendre que M. le député de Gaspé me les répète. Avec sa permission, donc, je procéderai dès maintenant.

M. Le Moignan: Si les autres membres n'ont pas d'objection, je n'aurai pas à y revenir.

M. Morin (Sauvé): La première question qui m'était posée était la suivante: Quelles sont les institutions qui ont perdu leur permis ou ont vu leur statut diminuer? La réponse est la suivante: 21 institutions ont perdu leur permis ou ont vu leur statut diminuer de la DIP à la RFS pour les raisons que je vais maintenant décrire.

Tout d'abord, il y a une première catégorie d'établissements où j'ai dû procéder à des changements dans l'octroi des statuts. L'Institut professionnel d'informatique qui a obtenu un permis; l'école Métropole qui a obtenu un permis; l'école Michelin qui a obtenu un permis pour le primaire; l'école commerciale Bluteau qui avait ouvert un secteur professionnel sans autorisation, en dépit des décisions du ministère, et qui s'est vu retirer la subvention et le permis; l'école secondaire Duval qui a été fermée pour cause; elle est maintenant, d'ailleurs, fermée. Quant à l'institut Belletête, le permis vient tout juste de lui être refusé également pour cause. Si le député veut que nous entrions dans les détails des refus, des raisons qui ont motivé ces refus, je lui citerai à nouveau les textes de l'Union Nationale de 1968 et je lui donnerai les raisons précises, si cela peut l'intéresser.

Enfin, il existe une deuxième catégorie qui est constituée des écoles juives, lesquelles, vous le savez, ont obtenu un statut particulier, je dirais même un statut privilégié au cours des années précédentes, à conditions qu'elles se francisent graduellement. Ce sont des écoles de niveau primaire, je crois, pour toutes ou pour la plupart. Comme elles faisaient exception à la règle générale qui veut que les écoles, francophones ou anglophones, ne soient pas subventionnées au niveau primaire, le gouvernement avait exigé que ces écoles juives procèdent au moins à un minimum d'intégration à la société québécoise. Nous avons rencontré, dans l'application des conditions décrites par l'ancien gouvernement et reprises par le nôtre, des difficultés considérables. J'ai dû réduire la déclaration d'intérêt public à une reconnaissance pour fins de subvention. Pour obtenir une DIP, il fallait que 1050 minutes d'enseignement sur 1250, au niveau primaire, années I, II et III soient données en français. Aux niveaux IV, V et VI du primaire, 1300 minutes sur 1500 devaient être données en français. Aucune des écoles juives n'ayant jugé bon de se conformer à ces critères, j'ai dû me contenter d'accorder une RFS. Cette RFS, nous l'avons accordée dans la perspective d'une francisation graduelle de ces écoles, ce qu'on peut appeler le principe de la progressivité dans |a francisation.

Ainsi, pour une école qui accepterait de passer, aux niveaux primaires I, II et III, de 660 minutes à 840 minutes de français par semaine, j'ai accordé la RFS. Pour une école comportant les IV, V et VI, j'ai accordé la RFS lorsque cette école était prête à passer de 780 à 960 minutes de français par semaine. J'avoue qu'à l'heure actuelle, après avoir accepté ces critères, l'application laisse fort à désirer et que nous nous heurtons à de très nombreuses difficultés.

Aussi, devrai-je, au cours des mois qui viennent, réexaminer le statut des écoles privées juives de Montréal. Est-ce que je dois énumérer les 15 écoles en question? Beth Jacob School, Community Holy Association, Akiva School, Hebrew Academy, Hebrew Foundation, House of Rivkah, Jewish People's (Van Home) School, Jewish People's (Wavell Road) School, Rabbinical College, Solomon Schechter Academy — celle de la Côte-Saint-

Luc — United Talmud Torahs of Montreal, les quatre établissements de Chomedey, de la Côte-Saint-Luc, de Saint-Laurent et de Snowdon et, enfin, la Yeshiva Merkaz Torah School. Je pense que l'énumération elle-même démontre qu'il y a un problème de francisation. (11 heures)

La deuxième question portait sur les nouvelles écoles privées qui auraient pu être reconnues. Il y a, aux niveaux primaire et de la maternelle, neuf écoles nouvelles à qui j'ai accordé des permis, non pas des statuts subventionnés mais des permis, puisque la suspension de politique ne porte que sur la politique de subvention à l'enseignement privé et non pas sur la politique d'ouverture sous permis.

Il y a une RFS qui a été accordée à un établissement qui a essaimé, c'est-à-dire qui a ouvert un nouveau campus à Longueuil, soit le Collège français de Longueuil. Deux écoles secondaires qui assuraient la suite d'autres établissements ont également obtenu, l'une, une RFS, et l'autre, un permis. Je mentionne notamment l'Ecole Beauregard qui existait déjà — ce n'est donc pas un nouvel établissement — qui a été fermée et remplacée pendant un an par l'Ecole Beauséjour laquelle, comme je le disais tout à l'heure, est maintenant fermée. Nous avons mis fin à ce statut de façon ordonnée. Il y a eu douze demandes de permis qui ont été refusées tout simplement parce que les demandes ne rencontraient pas les critères du ministère de l'Education, lesquels nous voulons exigeants parce que nous ne voulons pas que s'ouvrent de nouveaux établissements qui ne soient pas de qualité.

La troisième question portait sur les demandes de DIP ou de RFS. Il s'agit essentiellement de renouvellements, de nouvelles demandes pour ajouts. Voici quels sont les résultats: il y a eu cinq demandes de DIP, des renouvellements ont été accordés; il n'y a pas eu de RFS, ni demandes, ni subventions. Cinq demandes de DIP nous sont parvenues, auxquelles nous avons accordé des RFS. Encore là, ce sont des renouvellements ou des ajouts. Egalement, cinq demandes de RFS nous étaient parvenues auxquelles nous n'avons pas donné suite, sauf une institution qui a obtenu une RFS sur ordre du tribunal; il s'agit de Driscoll College, affaire que nous avons portée en appel, comme je le disais tout à l'heure.

Maintenant, continuant l'énumération d'un tableau qui sera distribué tout à l'heure et qui est passablement compliqué, seize demandes de DIP nous sont parvenues et ont obtenu des permis, et cinq demandes de RFS nous sont parvenues qui ont également donné lieu à des permis. Deux demandes de DIP nous sont parvenues et ont été refusées, deux demandes de RFS nous sont parvenues et ont essuyé un refus. Enfin, il y a cinq demandes de DIP qui sont en suspens et auxquelles j'ai fait allusion plus tôt.

Une quatrième question portait sur les institutions qui ont demandé une DIP ou une RFS et j'y ai répondu tout à l'heure en donnant la liste complète des établissements.

Une cinquième question portait, M. le député de Gaspé, sur la croissance des étudiants, de 1970 à 1978, en comparaison avec le secteur public. Il a fallu faire des recherches extrêmement rapides et difficiles pour extraire ces chiffres, mais je vais tenter de vous les donner succinctement. Nous sommes en train de faire polycopier ce document d'ailleurs. Il n'a pas encore été distribué, je crains. De 1970/71 à 1977/78, le secteur privé ou le secteur régi par la loi 56, en maternelle est passé de 13 à 3628, tandis que le secteur public passait de 108 127 à 82 065. Au niveau primaire, le secteur privé est passé de 5617 élèves à 15 454, tandis que le secteur public passait de 865 620 à 600 684

Au nivau secondaire, le secteur privé est passé de 46 809 — vous voyez que c'est là que se trouvait sa force — en 1970/71 à 69 076 en 1977/78, tandis que le secteur public passait de 591 734 à 571 821 élèves. Au niveau collégial, nous sommes passés en 1970/71 de 10 244 élèves à 16 661 en 1977/78, tandis que le secteur public passait de 65 081 à 108 306. Les totaux sont les suivants. En 1970/71, il y avait au secteur privé 62 863 élèves. Il y en a 104 819 en 1977/78, tandis que, dans le secteur public, nous sommes passés de 1 630 562 à 1 372 876, donc, une diminution dont tout le monde connaît l'origine qui est la dénatalité, qui ne s'est pas fait sentir de la même façon au secteur privé. Je vous fais grâce des totaux parce que c'est la comparaison qui vous intéresse, donc, les totaux n'offrent pas un très grand intérêt.

Enfin, une sixième question: existe-t-il des institutions privées qui ont reçu un montant inférieur sous forme de subvention par rapport à l'ancienne méthode de calcul du coût moyen? La réponse est la suivante: Aucune école n'a reçu de subvention inférieure cette année par rapport à l'an dernier. Je dis bien aucune n'a reçu de subvention inférieure en raison de la révision des coûts moyens, tous les coûts moyens ayant augmenté par rapport à I année précédente. Vous savez que, si nous n'avions pas redéfini la formule du coût moyen, l'augmentation aurait représenté de très nombreux millions de dollars. Elle a déjà comporté une augmentation substantielle et elle aurait été encore beaucoup plus considérable si nous n'avions pas redéfini la formule de calcul. Ceux qui ont augmenté le plus sont les enseignements professionnels, secondaire et collégial. Les coûts moyens de l'enseignement général, secondaire et collégial, cependant, ont moins augmenté que dans le secteur professionnel, ceci en raison de la nouvelle façon de calculer les subventions.

Les écoles qui ont reçu cette année une subvention inférieure à celle de l'an dernier sont les écoles qui ont connu une diminution de clientèle. C'est évident que dans ce cas, lorsqu'il y a eu diminution de clientèle, et dans ces seuls cas, ou encore lorsqu'il y a eu des pertes de statut — cela a pu se produire aussi comme l'ont montré les réponses que j'ai données aux questions précédentes; ' je pense qu'il y a deux cas — naturellement, il y a eu diminution de la subvention.

M. le Président, voilà les éléments que je pouvais donner en réponse aux questions que le député de Gaspé a bien voulu porter à ma connaissance. Je suis prêt maintenant, si vous le voulez, à commenter les avis qui me sont parvenus des commissions scolaires régionales au sujet de l'ouverture de nouvelles écoles à Matane, à Rimouski, à Sorel et à Roberval. Mais peut-être devrais-je maintenant passer la parole aux membres de l'Opposition.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, je pense que cela dépasserait évidemment la convention que nous avons établie tout à l'heure, à l'unanimité des membres de la commission.

M. le député de Mégantic-Compton me signifiait tout à l'heure qu'il voulait me faire part d'une question de règlement. Avant cette question de règlement, je voudrais indiquer tout de suite dans quel ordre je vais distribuer le droit de parole aux membres de la commission, maintenant que le ministre et le député de Gaspé ont utilisé leur droit de parole privilégié. La jurisprudence, qui n'est pas considérable encore mais qui, quand même, peut nous servir, nous fait penser que, normalement, je devrais donner la parole à Mme le député de l'Acadie, ensuite à M. le député de Beauce-Sud, ensuite à M. le député de Rosemont et, selon le principe de l'alternance, je reviendrais à un député de l'Union Nationale, donc M. le député de Mégantic-Compton, et nous retournerions ensuite au parti ministériel avec M. le député de Bourassa. Je n'ai pas eu d'autres avis. A ce moment, nous reviendrions à M. le député de Gaspé qui exercerait à nouveau son droit de parole privilégié après les réponses de M. le ministre.

M. le député de Mégantic-Compton, sur la question de règlement.

M. Grenier: M. le Président, je n'ai pas voulu, bien sûr, intervenir pendant l'intervention du ministre, mais je voudrais signaler au ministre que pour ce qui est des propos qu'il a rapportés de l'Union Nationale, je pense que le ministre n'a pas le droit d'attaquer un de ses collègues qui était, à ce moment, ministre de l'Education et qui est actuellement député de Prévost. Les citations qui ont été faites sont de M. Jean-Marie Morin, qui était ministre d'Etat à l'Education, sous l'autorité de M. Jean-Guy Cardinal qui est l'actuel vice-président de la Chambre. Les politiques de l'Union Nationale de ce temps étaient conçues par l'actuel député PQ de Prévost. Je voudrais bien que, tout à l'heure, le député de Gaspé apporte des précisions sur ce sujet, mais j'ai trouvé fort étrange de la part du ministre de vouloir parler de ces politiques qui ont été conçues par l'actuel député de Prévost.

M. Morin (Sauvé): Je ne l'ai pas attaqué.

Le Président (M. Dussault): Je tiens à faire remarquer à M. le député de Mégantic-Compton que son intervention relève plus d'une question de privilège que d'une question de règlement.

M. Grenier: II n'y a pas de question de privilège en commission.

Le Président (M. Oussault): C'est ce que j'allais vous dire, on n'a pas le droit d'utiliser des questions de privilège en commission.

Mme le député de L'Acadie.

Autres interventions Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, est-ce qu'on a droit à vingt minutes qu'on peut diviser?

Le Président (M. Dussault): Effectivement, vous pouvez le diviser. Je ne sais pas si vous aurez le temps par la suite d'utiliser le reste de votre intervention. (11 h 15)

Mme Lavoie-Roux: De toute façon, je voudrais féliciter le député de Gaspé pour avoir mis sur la table un débat qui est hautement politique, sinon de nature très idéologique, mais qui, à tout événement, mérite qu'on lui accorde un peu de considération, compte tenu du fait qu'il y a eu — il y a environ... je ne sais pas, je pense que c était à I'automne — une pétition qui a été adressée ici à l'Assemblée nationale, par environ 600 000 personnes, si je ne m'abuse. De plus, comme le signalent les chiffres que le ministre nous a abondamment servis, il y a plusieurs milliers d'élèves ou d'étudiants qui se trouvent dans le secteur privé et autant de parents dont les enfants sont parfois quelques-uns dans le secteur privé, d autres dans le secteur public, sans compter tous les enseignants et les éducateurs qui oeuvrent dans le secteur privé. Le ministre de l'Education est tout autant responsable du secteur privé que du secteur public, d'après les lois qui régissent le ministère de l'Education.

C'est heureux que nous ayons l'occasion d essayer de faire le point sur cette question très litigieuse, parce que, comme je le disais au départ, très politique, quoique je ne conserve pas beaucoup d espoir que le débat nous mène très loin. D'une part, selon ses tactiques habituelles, le ministre de l'Education va remonter jusqu'à Adam pour essayer de retrouver des énoncés de députés qui nous ont précédés dans cette Assemblée. Vous pourrez, si le coeur vous en dit, citer des députés libéraux qui m'ont précédée; je ne m'en sens pas du tout responsable. C'est une bonne tactique pour éviter de répondre aux vraies questions.

L'autre tactique est celle-ci. Je comprends que les fonctionnaires ont travaillé toute la nuit pour nous produire des chiffres. On aurait pu tout simplement les déposer. A moins que mes collègues n'aient un esprit beaucoup plus rapide que le mien, je serais fort en peine pour vous citer beaucoup d'écoles que vous avez mentionnées, à commencer par la liste des écoles juives, et celles qui ont demandé une DIP, celles qui l'ont eue et celles qui ne I'ont pas eue? Tout cela, ça prend du temps et, pendant ce temps-là, on ne répond pas aux questions.

II ne faudrait peut-être remonter au point de départ, quand on aborde cette fameuse question de l'enseignement privé — évidemment, on le situe toujours par rapport à l'enseignement public, ce qui est tout à fait normal — et se demander si la charte scolaire qui avait été adoptée au Québec en 1964 vaut encore. Je pense qu'il va falloir partir d'un principe de base. On a longtemps discuté et il y a des questions auxquelles on devrait encore tenter de répondre. Est-ce que le secteur privé est privilégié par rapport au secteur public? Est-ce que les fonds qu'on y met sont supérieurs à ceux du secteur public? Je pense qu'il faut essayer de répondre à ces questions d'une façon rigoureuse.

Au point de départ, il y a une question fondamentale et j'aimerais ici rappeler le préambule de la charte scolaire, qui a donné naissance au ministère de l'Education et au conseil supérieur du même nom, dans lequel on lit: "Attendu que tout enfant a le droit de bénéficier d'un système d'éducation qui favorise le plein épanouissement de sa personnalité; attendu que les parents ont le droit de choisir les institutions qui, selon leur conviction, assurent le mieux le respect des droits de leurs enfants; attendu que les personnes et les groupes ont le droit de créer des institutions d'enseignement autonomes et, les exigences du bien commun étant sauves, de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires à la poursuite de leurs fins, etc. "

La Loi de l'enseignement privé, qui a été sanctionnée en septembre 1968, reprenait aussi, je pense, les mêmes principes. Finalement, on retrouve, dans la Charte des droits et libertés de la personne, à l'article 42, que "les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit de choisir pour leurs enfants des établissements d'enseignement privés pourvu que ces établissements se conforment aux normes prescrites ou approuvées en vertu de la loi. ' Ce sont quand même là des principes qui, actuellement, servent d'assises aux écoles privées. Est-ce que la question fondamentale n'est pas de se demander si ces principes sont encore valables ou si on veut les écarter? Tant et aussi longtemps que, par des lois nouvelles, on ne les aura pas modifiées, il me semble, autant que mes connaissances juridiques me permettent de l'affirmer, que ce sont encore ces règles qui prévalent dans le cas des institutions privées quant à leur établissement et quant à leur financement.

Après cela — ceci a été assez bien souligné par le député de Gaspé — il semble y avoir une confusion dans les termes qui mériterait certainement d'être éclaircie. Quand on se réfère à des termes comme: Priorité au secteur public, tout le monde va se dire: On est d'accord avec cela, mais quelle frontière donne-t-on à ce mot: priorité? On pourrait toujours raisonner que tout ce qui ne va pas au secteur public, la priorité du secteur public n'est pas respectée. Simplement, si on partait d'une notion aussi large que celle-là, on serait aussi bien de dire qu'on ne reconnaît plus, dans les faits, le secteur privé. Cela dépend vraiment de la définition qu'on donne au mot priorité, même si tout le monde est d'accord pour dire qu'il faut accorder une priorité au secteur public parce que c'est celui qui a quand même la responsabilité de servir la très grande majorité des enfants du Québec, mais, encore une fois, je pense que le vague de ce terme rend les discussions extrêmement difficiles.

Il y a également le fameux terme complémentaire". Là, je suis d'accord avec le ministre que ce n'est pas lui qui l'a inventé, qu'il subsiste dans la littérature du ministère depuis X années et qu'il est aussi un terme très ambigu. Ce qui est plus simple, c'est de dire qu'une école pour enfants inadaptés, qui requièrent des soins très particuliers qu'on ne retrouve pas dans le secteur public, est une école complémentaire. Mais, encore une fois, quelle extension faut-il donner à ce mot complémentarité? Par exemple, un enfant, sans être un inadapté, mais ayant des traits personnels au point de vue de la timidité ou de sa facilité à s'adapter à des groupes plus larges, etc., ne profiterait-il pas, pendant un certain temps, d'un milieu peut-être un peu plus protecteur que la grande école publique? C'est encore une dimension qui peut être donnée au mot "complémentarité". Alors, il y a urgence pour définir ce terme: complémentarité.

Le dernier qui est entré dans le vocabulaire mais, paraît-il, qui n'était pas si neuf que cela puisque le ministre y a fait allusion tout à l'heure, c'est la question d'intégration. Je ne l'avais pas entendu avant la résolution du conseil du Parti québécois, il y a quelques mois ou l'an dernier. Mais on intègre de quelle façon? On intègre tout? On intègre en partie? Ce sont des termes qui doivent vraiment être définis pour en arriver à une discussion intelligente, honnête, objective du problème de la survie des écoles privées, tel qu'il est posé par certains tenants qui font des gorges chaudes de l'élitisme des écoles privées. Je pense qu'il y a eu des études faites là-dessus et s'il est vrai que certaines écoles privées sont, traditionnellement des écoles élitistes — je ne les mentionnerai pas, mais je pense que tout le monde sait ce dont je parle — il y a par contre des écoles privées qui sont des écoles qui reçoivent une population qui n'est pas une population particulièrement privilégiée et où la scolarité des parents est loin d'être très élevée. Enfin, tous les arguments sont bons et il faudrait se demander quelle est vraiment la préoccupation de ces personnes qui posent toujours le problème en fonction uniquement d'une facette de la situation.

Je voudrais dire, au nom.de mon parti, qui ne m'a pas mandatée, mais dont je connais quand même un peu les vues, que nous voulons travailler avec le gouvernement et éclaircir ces différents points que j'ai soulevés. Mais il n'est pas question pour nous de dire que, l'école privée étant disparue, l'école publique va devenir meilleure. C'est, à mon point de vue, une assertion qui ne fait pas avancer le débat et qui, surtout, n'améliore pas la qualité de l'école publique. Il est assez intéressant de voir que, dans le livre vert — d'ailleurs on accuse le ministère ou le ministre, peu importe.

d'avoir des visées, de vouloir faire de l'école publique une espèce d'école privée, parce que plusieurs des concepts qu'on intègre ou qu'on retrouve dans le livre vert sont des concepts qui... On sait que les parents ont retrouvé, avec satisfaction, dans l'école privée — je n'en mentionnerai que la discipline, les devoirs, enfin, ces choses qui se rapprochent davantage de l'école privée. Mais je dis, en toute objectivité et en toute honnêteté, que l'existence des écoles privées a quand même permis un point de comparaison pour l'école publique, qui a traversé les crises qu'on a connues durant les huit ou dix dernières années. A cet égard, l'émulation d'un secteur avec l'autre, compte tenu de cette responsabilité première de l'Etat vis-à-vis de l'école publique, ne devrait pas être vue uniquement dans un contexte politique et idéologique. Je pense qu'il faut songer qu'il y a des enfants à servir; où peuvent-ils être le mieux servis et dans quelle mesure? Là encore le livre vert fait une large part aux désirs des parents, aux attentes des parents. Quand vous avez une pétition d'au-delà un demi-million — j'imagine que ce sont des parents, j'espère bien qu'on n'a pas fait signer les enfants — je me dis que cela veut quand même dire au moins des attentes d'un certain nombre ou d'un nombre assez considérable de parents vis-à-vis de l'école. Je voudrais qu'on essaie d'aborder la discussion de ce problème le plus rationnellement possible, avec le seul objectif de mieux servir les enfants et de répondre, dans la mesure du possible aussi, aux attentes des parents.

Maintenant, peut-être me suis-je méprise sur les paroles du ministre quand il a parlé tout à l'heure des écoles juives privées. Il a dit que c'étaient des écoles qui, jusqu'à un certain point, avaient été ou étaient privilégiées. Avez-vous bien dit cela, M. le ministre?

M. Morin (Sauvé): Par rapport aux écoles françaises, notamment.

Mme Lavoie-Roux: Ceci s'applique à tout le problème des écoles privées. Il y a au plan de l'histoire des réalités dont on ne peut pas faire abstraction. Par exemple, le fait qu'un grand nombre de parents veulent l'école privée. Il ne faut pas oublier que tous les parents de 40 ans et plus, et peut-être de 35 ans et plus sont des produits de l'école privée. Cela fait partie de l'histoire de l'éducation du Québec et explique en partie ce désir des parents de retrouver une école qui correspond à des valeurs qu'ils considèrent importantes. Dans le cas des écoles juives, il ne faut pas oublier que jusqu'à aujourd'hui, l'école publique n'ouvre pas encore officiellement la porte aux non-confessionnels, aux gens d'autres confession-nalités. On sait fort bien que cela a été le cas des écoles privées juives; les Juifs ne trouvaient pas ce qu'ils voulaient dans l'école protestante, qui était à toutes fins pratiques une école neutre. Je pense que même les protestants vont dire à l'occasion qu'ils se rapprochent de l'école neutre; ils me corrigeront si je me trompe...

M. Morin (Sauvé): Oh oui! Attention à ce que vous dites, Mme le député!

Mme Lavoie-Roux: Je l'ai déjà entendu au Conseil scolaire de l'île de toute façon. Même dans cette école, les Juifs ne s'y sont pas sentis à l'aise et disaient: On veut pour nos enfants un enseignement religieux qui corresponde à nos croyances religieuses. C'est à partir de là que les écoles juives privées se sont développées. On peut peut-être appeler leur situation privilégiée, mais je pense qu'elle répond aussi à un contexte historique qu'on ne peut pas rejeter du revers de la main. Le fait aussi qu'elles soient anglaises correspond à d'autres réalités sur lesquelles je ne veux pas revenir, mais le fait est que l'école catholique était complètement fermée aux enfants de foi juive.

C'est pour cela qu'il faut être nuancé dans ses jugements. La seule chose que je voudrais dire en terminant c'est que je regrette qu'après au-delà de 18 mois, le gouvernement soit encore à élaborer, n'ait pas encore de politiques précises. Cela viendra, mais je vous assure que je les attends. On est dans le processus du vert à l'élémentaire, le livre blanc sur le collégial s'en vient, l'autre vert sur les universités, et tout cela sera coiffé par le culturel blanc.

M. Morin (Sauvé): Un véritable arc-en-ciel, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: Avec le livre rose sur les femmes, c'est sûrement un arc-en-ciel!

M. Laplante: II y en a un autre aussi qui s'en vient sur le tourisme. (11 h 30)

Mme Lavoie-Roux: Tout ceci pour dire qu'on ne pourra pas indéfiniment prendre une attitude d'autruche et se cacher la tête. C'est dans ce sens que j'apprécie le geste du député de Gaspé. Il y a un problème réel qui touche un grand nombre d'étudiants et de parents. Il est important qu'on le regarde avec objectivité et non pas à travers un prisme qui soit teinté par la politique, l'idéologie et autres notions du genre.

J'aimerais poser deux questions au ministre. Il y en a une qui est plus importante que l'autre. La première a d'ailleurs été posée par le député de Gaspé et le ministre n'y a pas répondu. Dans la Loi de l'instruction privée, il est prévu qu'il y a une commission consultative de l'enseignement privé qui doit faire, j'imagine, des recommandations au ministre, comme dans tous les cas de commissions consultatives. Ce qui m'étonne à ce moment-ci, c'est que sans modification de cette loi, le ministre de l'Education substitue tout à coup ou semble substituer — il ne faut jamais rien affirmer, paraît-il — l'avis des commissions scolaires à celui de la Commission consultative de l'enseignement privé. Je veux bien reconnaître chez lui un souci de planification générale du système d'éducation, mais il m'apparaît qu'il semble rejeter du revers de la main un peu facilement les avis de cette Com-

mission consultative de l'enseignement. Ou il ne la juge pas représentative, ou elle n'a pas son importance réelle dans l'application de la Loi de l'enseignement privé, mais à tous égards, j'aimerais qu'il nous apporte un peu plus d'éclairage là-dessus.

La deuxième est une question assez particulière. Peut-être que si j'avais écouté attentivement la longue liste qui nous a été donnée, je l'aurais retrouvée, mais je ne connaissais pas le nom de l'école. Est-il exact, que dans la région d'Oka, une demande de permis d'école au niveau secondaire formulée par les Frères des Ecoles chrétiennes, qui apparemment n'avaient pas demandé de subvention, a été refusée? Si tel est le cas, est-ce qu'on pourrait m'en donner les raisons?

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais remercier Mme le député de L'Acadie d'avoir abordé de front et très sincèrement les problèmes tout à fait fondamentaux que nous devons résoudre dans le domaine de l'enseignement privé. Elle qui a été présidente de la CECM, donc responsable d'une vaste partie du secteur public, sait à quel point c'est notre responsabilité de faire en sorte que le secteur public connaisse des progrès pédagogiques et à quel point c'est aussi notre mission d'améliorer l'école publique et de la protéger. Sans nier les principes de liberté qu'elle a mentionnés et dont le gouvernement entend tenir compte, comme le premier ministre l'a rappelé au moins à deux ou trois reprises, nous devons examiner les conséquences des gestes que nous posons lorsqu'on nous demande d'ouvrir un nouvel établissement privé. Bien sûr, nous sommes responsables aussi bien de l'enseignement public que de l'enseignement privé. Si Mme le député connaissait la somme de travail que me donne chaque semaine, chaque année, le domaine de l'enseignement privé, elle verrait que nous nous en portons totalement responsables. Nous devons également examiner les conséquences par rapport au système public qui est notre première responsabilité.

Mme le député a soulevé la question du rôle de la Commission consultative de l'enseignement privé. Je vais justement profiter de cette question pour lui décrire brièvement les démarches que j'ai entreprises, cette année, non seulement auprès des commissions scolaires régionales, mais auprès de la Commission consultative de l'enseignement privé pour m'aider à trancher les quatres cas auxquels le député de Gaspé s'est référé tout à l'heure.

M. Le Moignan: Est-ce que M. le ministre me permettrait une brève question?

M. Morin (Sauvé): Volontiers.

Quatre projets refusés

M. Le Moignan: Vous n'avez pas répondu à la question de Mme le député de L'Acadie au sujet du rapport de la Commission consultative de l'enseignement privé. Quand on regarde les motifs et les raisons qui sont invoqués par Rimouski, Matane et Sorel, par exemple, elles sont très positives. On donne de très bons arguments.

M. Morin (Sauvé): J'y venais, M. le dépué.

M. Le Moignan: Si on sait que, d'un autre côté, il s'est fait une très forte campagne du Parti québécois auprès de l'opinion publique à Matane et à Rimouski contre l'enseignement privé. Je me demande s'il y a une relation là-dedans.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'ai voulu consulter les commissions scolaires régionales pour une raison très simple; elles sont infiniment plus près des problèmes de la région, des besoins de la région que ne peut l'être le ministère de l'Education à Québec. Les commissions scolaires sont des organismes élus. Ce sont des gouvernements locaux qui sont donc aptes à donner des conseils au ministre de l'Education lorsque l'enseignement est en cause dans leur région. Cela a été ma première démarche et je la trouve fort intéressante par ce qu'elle nous a révélé.

Prenons le cas de Rimouski, par exemple. J'ai demandé à la Commission scolaire régionale du Bas-Saint-Laurent de me faire parvenir un avis sur l'ouverture d'une école privée de quelque 510 élèves à Rimouski. On m'a fait observer — j'ai fait inclure les procès-verbaux des commissions scolaires ou les lettres qu'elles m'ont adressées dans le portefeuille qui a été remis à chacun des membres de la commission et à la Presse — qu'il est indéniable que la clientèle recrutée par l'école privée sera sélective, les services rendus ne couvrant pas les classes du secteur professionnel, ni les classes de l'enfance exceptionnelle. On m'a fait observer qu'avec une diminution de 300 à 400 élèves, si ce n'est davantage, les normes actuelles occasionneraient un surplus d'instituteurs variant de 17 à 23 dans la commission scolaire régionale. On ajoute: "Les instituteurs remerciés de leurs services ou mis en disponibilité ne seraient pas nécessairement engagés par l'école privée et, comme la commission devra supprimer une moyenne de 25 postes d'enseignement annuellement au cours des prochaines années dû à la diminution de sa propre clientèle en raison de la dénatalité, il faudra envisager le climat d'insécurité qui prévaudra chez les instituteurs à notre emploi. De plus, me dit cette commission scolaire, les instituteurs mis en disponibilité demeureront à la charge du secteur public. " Je vous fais grâce de toutes les considérations dont on me fait part quant aux conséquences draconiennes qu'entraînerait l'ouverture d'une institution privée pour le personnel-cadre, les professionnels, le personnel de soutien, de même que les répercussions sur l'organisation matérielle.

A Rimouski, la conclusion est la suivante: "Le fonctionnement de nos deux écoles polyvalentes.

Rimouski et Mont-Joli, requiert des services et du personnel d'encadrement et de soutien qu'il nous est essentiel de maintenir et une diminution additionnelle de 8% de nos élèves ne pourra que nuire au maintien et au développement de la qualité de l'école publique."

Voilà des choses que le ministère ne savait peut-être pas avant la consultation, mais qu'il sait désormais.

M. Le Moignan: Une dernière question.

M. Morin (Sauvé): M. le député, si vous le voulez, je n'ai aucune objection à ce que vous me posiez d'autres questions, mais je vais quand même terminer le tableau des quatre écoles qu'on m'a demandé d'ouvrir. Dans le cas de Matane, je vous fais grâce de la longue résolution qui m'a été envoyée. Je me contente de citer un ou deux paragraphes pour bien montrer les conséquences de l'ouverture d'une école privée: "Attendu que, dans la situation particulière de Matane, la concurrence ne peut être invoquée comme facteur d'amélioration de l'enseignement parce que l'école privée ne peut s'implanter sans priver l'école publique d'une partie de ses ressources, ce qui rendrait cette concurrence déloyale; attendu que le mode de sélection de la clientèle de l'institut privé ne permettrait pas à tous les étudiants qui ont besoin d'un encadrement pédagogique particulier et d'une discipline plus sévère d'y avoir accès; attendu que l'institut privé proposé pour Matane n'a pas de vocation fondamentalement différente de celle des écoles publiques et que, par conséquent, on ne peut le considérer comme étant complémentaire; attendu que l'institut privé tirerait sa clientèle de la clientèle actuelle de la CSR des Monts et que, par conséquent, cette dernière, à cause du mode actuel de financement des commissions scolaires, se verrait contrainte de diminuer son personnel et ses services", la commission scolaire, à la suite de ces attendus, me recommande de ne pas procéder à l'implantation d'un institut privé à Matane et elle le fait unanimement.

Dans le cas de Sorel, je ne voudrais pas citer davantage, sauf peut-être attirer votre attention sur deux ou trois lignes seulement où vraiment on voit à quel point l'impact peut être néfaste pour le système d'enseignement public. La commission scolaire me fait remarquer que tout cela risque, de façon immédiate, de compromettre le projet de la Commission scolaire régionale Carignan de maintenir ouverte une école de plus petite dimension. Il ne faut pas oublier que le système public voit ses effectifs diminuer chaque année de façon draconienne. Dans le cas de la CECM, cette année, Mme le député, cette diminution sera de 12 000 élèves. Au moment où vous y étiez, la clientèle augmentait. Maintenant, elle diminue. Et si la création de nouvelles institutions privées a pour effet d'amener des fermetures d'écoles publiques, alors là on voit à quel point cela peut être néfaste. En tout cas, je considère que c'est ma responsabilité, en tant que ministre de l'Education, de protéger l'école publique.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président...

M. Morin (Sauvé): Enfin, je pourrais également vous citer l'école...

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, Mme le député invoque une question de règlement.

Mme Lavoie-Roux: II y a un règlement qui permet de poser une question au ministre, c'est l'article 94.

M. Morin (Sauvé): Que s'il y consent.

Le Président (M. Dussault): De toute façon, Mme le député, si M. le ministre le permet, cependant.

Mme Lavoie-Roux: C'est relié à cela parce que je vous ai posé la question.

M. Morin (Sauvé): Me permettriez-vous de conclure, parce que j'y venais?

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Morin (Sauvé): Je consulte également la Commission consultative de l'enseignement privé sur l'ouverture de ces quatre écoles privées. J'ai l'intention de tenir compte non seulement de l'avis qu'ils ont déjà exprimé dans le rapport annuel, mais de ce qu'ils me feront parvenir sur cette question. J'ai l'intention d'en tenir compte. Mais je vous avoue que j'accorde la plus haute importance au verdict d'organismes élus par la population de ces régions. Si cela avait été le cas de la CECM, il y a quelques années, je pense qu'il aurait été dans l'ordre que je consulte la CECM. S'il y avait une proposition d'ouverture d'écoles privées à Montréal, à l'intérieur du territoire de la CECM, je consulterais la CECM parce que j'estimerais que, comme ministre de l'Education, je ne peux pas prendre les risques de répercussions graves pour l'enseignement public sans avoir consulté les premiers responsables, les gouvernements locaux que sont les commissions scolaires.

M. Le Moignan: Les commissions scolaires régionales sont un peu en conflit d'intérêts parce qu'elles reçoivent les fonds publics du gouvernement.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, la question que je voulais poser au ministre, était: est-ce que vous substituez les commissions scolaires au rôle de la Commission consultative de l'enseignement privé, et vous venez de me dire que non, que vous allez également les reconsulter ou que vous les avez reconsultées...

M. Morin (Sauvé): Je les ai reconsultées.

Mme Lavoie-Roux: ... sur la question. Ce sur quoi vous devez vous appuyer, pour le moment, demeure quand même un élément important de loi

que la Commission consultative de l'enseignement privé.

M. Morin (Sauvé): Oui. Mais je ne me substitue point à la commission. J'ai l'intention de tenir compte de ses avis, mais c'est le ministre qui est responsable de la décision.

Mme Lavoie-Roux: En tout cas, je suis heureuse d'entendre le ministre faire cette profession de foi à la consultation des élus des commissions scolaires. J'espère que, dans d'autres domaines, quand les avis ne rencontreront pas nécessairement ses points de vue, il saura les consulter avec autant de vigueur également.

M. Morin (Sauvé): Mais je le fais en ce moment pour le livre vert, Mme le député, et je vous assure que les commissions scolaires viennent très nombreuses à la consultation. Est-ce que Mme le député voulait ajouter quelque chose?

J'ai quelque chose à rétorquer au député de Gaspé. Je ne voudrais pas laisser passer sans y répondre cette histoire de conflit d'intérêts. Un organisme public a à prendre des décisions. Il n'est pas en conflit d'intérêts lorsqu'étant élu par la population, il constate que l'ouverture d'une école privée nuira au système public. Si c'était là un conflit d'intérêts, je dirais qu'il y a également conflit d'intérêts dans le cas de groupes qui veulent ouvrir des institutions privées pour leurs propres fins. Il ne faudrait pas oublier cela non plus.

J'estime que, comme ministre de l'Education, c'est mon devoir de consulter les élus régionaux et les élus locaux pour mesurer les conséquences des gestes que je suis appelé à poser. Il n'y a donc pas de conflit d'intérêts, pas plus que lorsque le gouvernement lui-même doit trancher au niveau national entre des intérêts privés et des intérêts publics. Lorsque, comme ministre de l'Education, je dois trancher entre une école privée et une école publique, on ne viendra pas me raconter que je suis en conflit d'intérêts. J'exerce mes responsabilités, un point, c'est tout. (11 h 45)

Le Président (M. Dussault): M. le député de Beauce-Sud.

M. Fabien Roy

M. Roy: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord féliciter mon collègue le député de Gaspé d'avoir inscrit cette motion pour un débat spécial un vendredi, comme il l'a fait, et pour l'excellence de l'exposé qu'il a fait au début. Il a fait un tour complet de la question et je pense qu'il a su cerner, de façon magistrale, le problème que les institutions privées ont, à l'heure actuelle, en regard de la politique gouvernementale.

Hier, j'ai posé une question au ministre de I'Education, suite à une autre que je lui avais posée, effectivement, le 8 décembre, soit une semaine après le dépôt de la pétition à l'Assemblée nationale qui avait été présentée par l'Association des parents catholiques du Québec. Elle comprenait 546 097 signatures et demandait que la loi 56 soit maintenue et respectée. En deuxième lieu, elle demandait qu'aucune restriction concernant son développement normal, selon les demandes des différentes régions de la province, ne soit imposée à ce secteur d'enseignement.

Le 8, le ministre me répondait: La raison pour laquelle nous ne sommes pas en mesure de répondre avec précision aux questions du député tient simplement du fait que ces questions sont à l'étude et que nous n'en sommes pas venus encore à nos conclusions. C'était le 8 décembre; aujourd'hui, nous sommes le 19 mai et nous avons obtenu, de façon beaucoup plus explicite — mais je pourrais résumer — la même réponse. Nous devrons attendre.

Le Président (M. Dussault): Un instant, M. le député, je voudrais rappeler à nos visiteurs que nos règlements ne permettent pas qu'il y ait des manifestations d'aucune sorte dans la salle. Je vous remercie.

M. Morin (Sauvé): Néanmoins, le député avait raison, M. le Président.

M. Roy: Oui, c'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle les gens ont manifesté.

Ils ont le droit de rire, les gens dans la salle, cependant? Oui.

Le Président (M. Dussault): Oui, M. le député, mais il est du devoir du président de la commission de rappeler les règlements qui nous régissent.

M. Roy: Je suis d'accord avec vous, M. le Président.

Alors, le ministre m'avait invité, à la fin de sa réponse, d'être présent ce matin à la commission parlementaire, qu'il en dirait plus.

M. Morin (Sauvé): Vous êtes arrivé en retard, cependant.

M. Roy: Je ne suis pas arrivé en retard à la commission ce matin, je m'excuse, je suis arrivé ici avant le ministre.

M. Morin (Sauvé): C'est vrai? M. Roy: Oui, je m'excuse.

M. Morin (Sauvé): Je prends la parole du député.

M. Roy: Le ministre doit prendre la parole du député, il y a des témoins.

M. Morin (Sauvé): Je la prends. C'est tout simplement que je n'ai pas vu le député de Beauce-Sud.

Le Président (M. Dussault): J'en témoigne. M. le député.

M. Roy: Merci, M. le Président, vous m'êtes d'un précieux secours.

Je dois dire, pour reprendre la question de façon très sérieuse, que la population du Québec est loin d'être rassurée, que c'est décevant, même si je dois ajouter que ce n'est pas surprenant.

Au ministère de l'Education, il va falloir qu'on cesse — c'est la première question à se poser — de regarder l'école privée comme un problème et qu'on la reconsidère plutôt comme un actif dans le système de l'éducation du Québec. En ce qui me concerne, j'ai toujours été extrêmement déçu, désappointé de voir les représentants du gouvernement considérer l'école privée comme étant un problème, alors que c'est plutôt un actif.

Le ministre nous a cité, ce matin, un très grand nombre de chiffres, que j'ai notés d'ailleurs, et on constate qu'il y a une croissance énorme de la clientèle des écoles privées, alors qu'il y a une décroissance dans l'école publique du nombre d'élèves.

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Roy: II y aurait peut-être une question qu'on devrait se poser.

M. Morin (Sauvé): Oui, oui, oui.

M. Roy: J'ai remarqué que le ministre, ce matin, s'est référé aux propos qu'avait tenus un ancien ministre d'Etat à l'Education, M. Jean-Marie Morin, en 1968, rappelant certaines considérations en tentant encore faire le procès des défauts qu'on pouvait trouver dans l'école privée.

Si le gouvernement se posait plutôt la question suivante: Comment se fait-il qu'un si grand nombre de parents acceptent de débourser plus d'argent, s'imposent des sacrifices pour envoyer leurs enfants à l'école privée, plutôt que de les envoyer à l'école publiaue, qui leur est très accessible? Si le ministère de l'Education pouvait répondre à cette question, de façon objective, je pense qu'on serait en mesure d'apporter des éléments de solution extrêmement valables pour que l'école publique réponde aux besoins et aux aspirations de ceux qui les fréquentent, tout en donnant satisfaction à ceux qui y envoient leurs enfants, c'est-à-dire les parents. A ce moment-là, et à ce moment-là seulement, l'école publique n'aura pas besoin de protection arbitraire. Je suis sérieusement en train de me demander, puisque c'est une question politique — toute cette question est purement et simplement une question politique — pour qui l'enseignement existe au Québec. Existe-t-il pour les instituteurs qui risquent de se retrouver sans situation? Existe-t-il pour la bureaucratie gouvernementale? Existe-t-il pour les commissions scolaires? Existe-t-il actuellement pour le maintien du système, pour faire en sorte qu'il y ait le moins d'espace libre ou libéré dans tous ces monstres de béton qu'on a créés dans tout le territoire du Québec? Doit-on sacrifier l'éducation au profit du système? Ce sont les véritables questions qu'on doit se poser.

En ce qui me concerne, je suis toujours déçu de constater l'attitude du gouvernement. Ce n'est pas nouveau avec l'actuel ministre de l'Education. On regarde le système d'éducation privé à la loupe, au cas où il y aurait une petite imperfection, au cas où il y aurait des erreurs de commises; on fait un spécial — et Dieu sait le spécial qu'on fait — pour se fermer les yeux, se les boucher de façon à ne pas voir les lacunes et les défauts qu'il y a dans l'école publique et au sujet desquels les parents — je parle en connaissance de cause — n'ont pas grand-chose à dire. Il est là, le problème. C'est le véritable problème. Pourquoi y a-t-il tant de personnes, tant de gagne-petit partout au Québec — il n'y a pas que des ministres qui envoient leurs enfants dans les institutions d'enseignement privées qui font d'énormes sacrifices pour envoyer leurs enfants dans les institutions privées? Pour leur donner une meilleure éducation, pour leur donner une meilleure formation et surtout pour avoir un certain droit de regard, encore.

Je poserai une seule question au ministre ce matin. Il y a des institutions privées au Québec qui attendent la politique gouvernementale. J'avais espéré que ce matin le ministre nous en dirait beaucoup plus long que ce qu'il nous a dit. On nous parle du mois de juin. Est-ce que ce sera dans les premiers jours ou dans les derniers jours du mois de juin? J'aimerais savoir ce que doivent faire actuellement les institutions d'enseignement privées au Québec en attendant.

Les enseignants, il faut les retenir, il faut les engager, les embaucher à l'avance, il y a des conventions collectives à respecter. Il y a évidemment, pour les parents, l'obligation d'inscrire leurs enfants. Il y a, pour ces institutions, la nécessité de recevoir les inscriptions. Il faut que ces institutions planifient et s'il y a un endroit où on planifie sur une haute échelle, c'est bien au ministère de l'Education. Je verrais très mal qu'on place les institutions privées dans une espèce de cul-de-sac dans lequel elles ne pourraient pas bouger comme si, en quelque sorte, on leur offrait un genre de camisole de force invisible pour essayer de les décourager le plus possible, pour les amener à démissionner parce que celles-là, le jour où elles auront démissionné, ne seront plus un problème pour le ministère.

Que le ministère de l'Education cesse de considérer l'école privée comme étant un problème, qu'il la considère comme un actif. Surtout, que le ministère de l'Education prenne donc les mesures qui s'imposent pour que l'école publique soit remise à son milieu, pour qu'elle puisse s'adapter à son milieu, pour qu'elle puisse répondre aux besoins du milieu, répondre aux attentes des parents, répondre aux besoins des élèves. A ce moment-là, elle n'aurait pas besoin d'une protection arbitraire. C'est là la solution et je demanderais au ministre de faire diligence.

Nous savons ce qu'il pense personnellement de l'école privée, mais le ministre — je ne dirai pas qu'il est en conflit d'intérêts, je le connais trop pour cela — a un problème politique très grave et très sérieux entre les mains. Nous en sommes

conscients, mais en politique il faut parfois faire preuve de courage, il faut parfois faire preuve de ténacité. S'il y a un ministre qui doit faire preuve de courage et de ténacité, compte tenu des immenses responsabilités qu'il a envers la population du Québec, c'est bien le ministre de l'Education actuel.

M. Morin (Sauvé): Comme vous avez raison!

M. Roy: Je demanderais au ministre de l'Education de faire diligence, d'agir rapidement et de ne pas faire en sorte de sacrifier tout le secteur privé de l'enseignement, sous prétexte que cela pourrait peut-être améliorer la qualité de l'enseignement du secteur public, ce qui, à mon avis, est absolument faux.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que vous avez terminé votre intervention, M. le député?

M. Roy: Oui, j'ai terminé, mais j'ai posé une question au ministre: Que doivent faire les institutions privées, en attendant?

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'apprécie beaucoup les propos du député de Beauce-Sud, particulièrement lorsqu'il me met devant mes responsabilités et qu'il déclare qu'il faudra du courage et de la fermeté pour régler ce problème. J'en suis tout à fait conscient. Il peut être sûr que, lorsque les décisions viendront et que les politiques seront annoncées, elles seront fermes. Je peux l'assurer d'avance de la chose.

Pour ce qui est des projets qui, à l'heure actuelle, sont en suspens, il n'y a pas de problèmes concrets. Ces écoles ne peuvent pas, à l'heure actuelle, engager du personnel, puisqu'elles n'ont ni autorisation, ni reconnaissance pour fins de subvention, ni déclaration d'intérêt public. Si j'avais accordé ces subventions, ces statuts ou ces permis, bien sûr il y aurait des problèmes, mais ce serait du côté public, parce que là, il faudrait mettre du personnel à pied. Il y aurait toute une série de problèmes, mais ils ne sont pas là où le député semblait l'indiquer.

Si, dans l'avenir, la politique me dicte d'agir ainsi, lorsque j'aurai reconnu un statut ou que je ne l'aurai pas reconnu — je ne sais pas encore ce que je serai appelé à faire — il faudra certainement qu'il s'écoule quelques mois pour que le système public s'ajuste à des réalités nouvelles. Il faut que le député mesure l'impact que peut avoir sur l'enseignement public l'ouverture, dans une région, d'un nouvel établissement privé. Donc, de toute façon, entre le moment où une telle décision serait prise et le moment où elle serait exécutée, il devrait s'écouler des mois, pour être sûr qu'on arrive à des solutions qui soient équitables pour le privé comme pour le public.

A l'heure actuelle, il n'y a pas de problème, ni du côté privé, ni du côté public, qui ait sa source dans la création de nouveaux statuts, puisque de tels statuts n'ont pas été accordés.

Mais plus importants me paraissent être les propos du député portant sur la philosophie qui doit sous-tendre nos attitudes à l'endroit de l'enseignement privé. Pour qui existe l'école, demande, avec raison, le député? Est-ce qu'elle existe pour les enseignants, pour les commissaires, pour les directeurs, pour les parents? La réponse, c'est que l'école existe d'abord pour les enfants et pour la collectivité, puisqu'il y a un enjeu collectif considérable également dans l'existence de l'école.

M. Roy: Les parents ont quand même une responsabilité.

M. Morin (Sauvé): Et les parents font partie de la collectivité et, à travers leurs enfants, ils sont les clients de l'école, bien sûr.

M. Roy: Ils sont les premiers responsables.

M. Morin (Sauvé): Les parents, bien qu'ils aient souvent démissionné devant ce rôle, sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants. Est-ce que cela peut être plus clair?

M. Roy: Parfait!

M. Morin (Sauvé): Mais tout dépend des conséquences qu'on veut bien tirer de ces principes. Il ne découle pas de là, nécessairement, qu'on doive ouvrir une école privée à côté d'une école publique. Il faut encore mesurer l'impact de l'une sur l'autre et voir où se situe le bien commun. Cela aussi est un principe fondamental. Où se trouve le bien commun? Où se trouve le bien de l'enfant? Où se trouve le bien de la collectivité? C'est la raison pour laquelle le livre vert a été conçu et rendu public, justement pour élucider cela, après des années de difficultés — faut-il le souligner — des années pendant lesquelles l'école a été écartelée entre tous ceux qui prétendent avoir un droit exclusif de la régenter. Le livre vert entend essayer de remettre les choses dans leur juste perspective et de montrer que l'école est faite pour l'enfant et qu'elle appartient à la collectivité et non pas à tel ou tel groupe d'intérêts privés ou publics.

Le principe étant posé, je voudrais vous dire que je suis très soucieux de ia qualité de l'enseignement dans l'école publique, comme je le suis de la qualité de l'enseignement dans l'école privée, car il y a de bonnes écoles publiques et privées, il y en a de moins bonnes et il y a de très médiocres écoles publiques ou privées. C'est ma responsabilité de faire en sorte que la qualité de l'enseignement soit améliorée, aussi bien du côté privé que du côté public. Cela, je ne le conteste pas. Au contraire. Tout ce que j'ai dit ce matin, notamment dans l'octroi des statuts, le retrait des statuts ou des permis, démontre que j'ai le souci d'améliorer également ce qui existe du côté privé. D'ailleurs, j'ai un mandat du gouvernement pour agir de la sorte. (12 heures)

Le livre vert tend essentiellement à restaurer la qualité de l'enseignement dans l'école publique. Mais en attendant, nous en avons pour des mois et même des années à mettre en oeuvre de nouveaux programmes, de nouvelles méthodes d'enseignement, des manuels de base de meilleure qualité. Il y a des disciplines au Québec pour lesquelles il n'y a même pas de manuels de base actuellement. L'héritage du passé est lourd, M. le député de Beauce-Sud, comme vous le savez. On ne nous a pas légué un jardin fleuri, mais un jardin dans lequel il y avait pas mal de roches.

M. Roy: C'est pour cela que j'ai trouvé étonnant que vous citiez des phrases de vos prédécesseurs!

M. Morin: Oui! Ces phrases témoignent de l'ancienneté des préoccupations. Mais j'ai constaté, quand je suis arrivé au ministère, que cela ne s'était pas beaucoup amélioré depuis quelques années, d'où le livre vert, encore une fois, pour tenter de redresser les choses.

Mme Lavoie-Roux: ... livre vert vient de l'ancien gouvernement aussi, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je regrette, madame. Mme Lavoie-Roux: Je regrette!

M. Morin (Sauvé): Ne tentez pas de laisser courir de tels bruits. Je sais que cela ferait votre affaire. Il a fallu reprendre cela à zéro ou presque!

Mme Lavoie-Roux: ... aller voir les fonctionnaires en particulier.

M. Morin (Sauvé): Les fonctionnaires, en particulier, ont travaillé très fort, je peux vous le dire, pour faire un livre vert convenable, depuis le 15 novembre 1976.

Mme Lavoie-Roux: Prenez... qui vous revient, laissez aux autres la leur!

Le Président (M. Dussault): Mme le député de L'Acadie, je vous rappellerais à l'ordre s'il vous plaît!

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je ne voudrais pas que s'envenime un débat inutilement. Je reconnaîtrai volontiers au gouvernement précédent l'idée du livre vert, mais le contenu actuel n'est pas celui du gouvernement précédent. Je voudrais que cela soit clair. Bon.

M. le Président, revenons au livre vert. Nous allons tenter — je suis navré que vous partiez, M. le député de Beauce-Sud — ...

M. Roy: C'était juste pour un appel téléphonique, mais je vais attendre.

M. Morin (Sauvé): J'achève mon exposé.

M. Roy: D'accord.

M. Morin (Sauvé): Parce que je réponds à votre intervention en ce moment.

Dans ce livre vert, nous voulons justement que toute la collectivité reprenne possession de l'école. Nous voulons, même au niveau de l'école, voir intervenir de façon coordonnée les parents, la direction, les enseignants, le personnel non enseignant, le personnel spécialisé non enseignant, et même au niveau secondaire, au second cycle en particulier, les élèves. Et partout, à travers le Québec, à l'heure actuelle, pendant la tournée qui s'achève, j'ai pu constater que les parents en particulier, mais aussi les enseignants veulent essayer de faire en sorte que l'école redevienne la propriété collective. C'est là l'enjeu. Mais tandis que se déploie cette tournée, cette consultation, vais-je agir de façon à compromettre l'école publique alors que je tente de la redresser? Vais-je agir de façon à l'affaiblir dans le cas de Matane, de Rimouski, de Sorel ou de Roberval, alors que je tente justement de rétablir les choses? Vous voyez que le problème n'est pas si simple! Et, il faut faire bien attention de ne pas se lancer dans la démagogie à cet endroit. Je ne dis pas que vous en avez fait, mais il y a beaucoup de monde qui en fait.

Vous avez dit que la population du Québec est loin d'être rassurée. Comme vous avez raison! Je vous assure que me parvient, de façon hebdomadaire, l'anxiété des commissions scolaires devant la perspective de voir ouvrir des écoles concurrentes à côté...

M. Roy: ... de la population.

M. Morin (Sauvé): Oui, mais la population, cela comprend la clientèle des écoles publiques et non pas seulement les 10% qui se trouvent à l'école privée. La population, c'est tout le monde au Québec! Pas seulement un groupe, n'est-ce pas? Je peux vous dire que, effectivement, la population du Québec est loin d'être rassurée. Elle est même très inquiète devant certains gestes que le ministre pourrait poser et qui seraient défavorables à l'enseignement public.

Voilà ce que je voulais répondre à l'intervention par ailleurs fort intéressante du député de Beauce-Sud.

M. Roy: M. le Président, j'aurais tout simplement une courte question ici, dans peu de mots. Est-ce que les institutions privées, en attendant, peuvent se préparer pour l'automne? On a cité un certain nombre d'institutions privées qui avaient obtenu une nouvelle désignation, qui avaient changé de vocation, des institutions qui avaient reçu leur permis, d'autres institutions qui n'avaient pas reçu leur permis mais c'est un nombre assez limité. Il y en a une multitude d'autres. Celles dont vous n'avez pas fait mention ce matin, que doivent-elles faire pour septembre? Est-ce le maintien du statu quo? Ou doivent-elles attendre la politique qui sera annoncée en juin?

M. Morin (Sauvé): M. le Président, aux termes de la loi, aucune institution qui n'est pas déjà établie ne peut procéder à l'ouverture d'un nouvel établissement, à l'engagement du personnel ou à l'inscription des étudiants sans que le ministre ne lui en ait accordé l'autorisation. C'est clair.

M. Roy: Les autres.

M. Morin (Sauvé): Pour toutes celles qui n'existent point déjà, c'est la règle. Il y en a qui l'ont fait dans le passé. Autrement dit, si elles procèdent à l'ouverture des classes sans autorisation, elles sont littéralement à l'extérieur de la loi. J'ai dû d'ailleurs, cette année, sévir dans un cas parce que, sans autorisation, on avait procédé à l'ouverture d'un secteur professionnel.

M. Roy: Mais je veux avoir les autres.

Mme Lavoie-Roux: ... demande de subventions qu'elles peuvent ouvrir.

M. Morin (Sauvé): Quelles autres? M. Roy: Les autres écoles privées. M. Morin (Sauvé): Les autres écoles... M. Roy: ... privées qui existent. M. Morin (Sauvé): Qui existent?

M. Roy: Oui. Est-ce que c'est le maintien du statu quo?

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Roy: Ou si elles doivent attendre la nouvelle politique de juin?

M. Morin (Sauvé): Non. Elles ont toutes été renouvelées. Si le ministre jugeait que les conditions étaient respectées, elles ont toutes été renouvelées, sauf les cas où j'ai dû pour cause — parce que l'enseignement n'était pas suffisant ou parce que les conditions qui sont connues de toutes les institutions privées n'étaient pas respectées — soit rabattre le statut de la DIP à la RFS ou de la RFS au simple permis ou encore tout simplement fermer les établissements, me heurtant d'ailleurs à des résistances d'autant plus farouches que l'établissement était incertain.

M. Roy: Merci.

Mme Lavoie-Roux: J'avais posé tout à l'heure une autre question précise au ministre sur le cas de l'école d'Oka. Avez-vous l'information?

M. Morin (Sauvé): Oui, M. le Président. Dans le cas du Pensionnat du Mont-La-Mennais, si c'est le projet auquel vous faites allusion...

Mme Lavoie-Roux: Les Frères des Ecoles chrétiennes.

M. Morin (Sauvé): ... il s'agit là d'une demande de DIP ou de permis. J'ai déclaré que la décision serait suspendue jusqu'à ce que la politique du gouvernement soit annoncée.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce qu'on vous demandait des subventions?

M. Morin (Sauvé): Oui, on me demandait un statut...

Mme Lavoie-Roux: Ou est-ce que c'était simplement une question de permis?

M. Morin (Sauvé): On me demandait les deux. On me demandait d'abord une subvention ou un permis.

Mme Lavoie-Roux: Ou un permis ou les deux?

M. Morin (Sauvé): L'un ou l'autre.

Mme Lavoie-Roux: Alors si on vous demandait un permis...

M. Morin (Sauvé): L'octroi de permis, pour des institutions privées nouvelles, au niveau primaire, secondaire et collégial, est suspendu.

Mme Lavoie-Roux: Même si on ne demande pas de fonds au gouvernement.

M. Morin (Sauvé): C'est exact.

Mme Lavoie-Roux: Cela veut dire, à ce moment, qu'il n'est plus permis... Cela était quand même un principe contre lequel même les grands adversaires de l'école privée n'en avaient pas. Si les gens veulent des écoles privées, qu'ils se les financent.

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans ce cas, cela ne fonctionne plus?

M. Morin (Sauvé): Le danger, voyez-vous, c'est qu'on m'a demandé également une DIP, donc une subvention à 80%. Je veux d'abord que la politique soit claire. Je ne veux pas risquer d'entrer dans un dossier où on viendrait, par la suite, me demander une DIP parce que c'est à cela que cela va mener inévitablement.

Mme Lavoie-Roux: Là on vous avait demandé strictement un permis.

M. Morin (Sauvé): II faut être réaliste. On ne peut pas faire marcher une institution comme un pensionnat sans une subvention. Donc je sais bien qu'au fond ce que l'on va me demander, c'est une subvention.

Mme Lavoie-Roux: Enfin, ce sont les conclusions que vous tirez.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Rosemont, mais auparavant je voudrais vous faire remarquer qu'il reste ensuite M. le député de Mégantic-Compton et M. le député de Bourassa. Dans l'esprit de notre règlement, avec le droit de parole privilégié du député qui pose la question, il faudrait faire l'effort de garder les dix ou quinze dernières minutes pour le député et le ministre.

M. Paquette: A quelle heure terminons-nous, M. le Président?

Le Président (M. Dussault): Nous terminons à 13 heures selon le règlement. M. le député de Rosemont.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: Je vais respecter vos directives, M. le Président, bien qu'il y aurait énormément de choses à dire sur le sujet. Je regrette que le député de Beauce-Sud soit parti parce que je voulais relever une de ses remarques où il se déclarait surpris qu'après 18 mois d'attente, sous le nouveau gouvernement, la question de l'enseignement privé ne soit pas encore réglée.

Dans toutes les sociétés occidentales et, en particulier, quand on pense au temps qu'on a mis, en France, pour régler le statut de l'enseignement privé — on peut parler de décennies — il ne faudrait pas se surprendre que le nouveau gouvernement n'ait pas encore de politique. Je sais que cela cause des problèmes à tout le monde et qu'il faut — le plus rapidement possible — clarifier les relations entre les écoles publiques et les écoles privées. Je souhaite personnellement que nous puissions le faire le plus rapidement possible, mais il ne faudrait quand même pas s'en étonner.

J'aimerais simplement rappeler quelques faits, relever aussi certaines allusions. C'est par un gouvernement libéral que le rapport Parent a été élaboré et endossé. Dans le rapport Parent, concernant le statut de l'école privée, on pouvait lire ceci: "L'Etat reconnaît à des particuliers ou à des groupes le droit de mettre sur pied des écoles privées". Je pense que ce droit n'est pas remis en question. Je pense que ce droit n'est nullement remis en question dans les discussions qu'on a eues à ce sujet, tant au sein du parti qu'ici, à l'Assemblée nationale, par quelque parti que ce soit. "La liberté d'enseignement est une liberté privée et elle fait partie des droits du citoyen. Cela est aussi reconnu dans la Charte des droits et libertés de la personne que nous endossons totalement. Cette liberté n'emporte pas de soi le droit à des subventions". C'est là qu'il y a problème. Non pas qu'on veuille remettre totalement en question les modes de subsistance des écoles privées, mais il y a effectivement un problème. Je reviendrai là-dessus. "L'exercice de cette liberté, comme de toutes les libertés d'ailleurs, ne se conçoit pas sans limites, et son exercice doit être ordonné à une fin positive, le progrès de l'éducation ". D'ailleurs, on a mis cela en évidence tantôt, le droit des enfants et également le droit de la société à renouveler ses ressources humaines de la meilleure façon possible. "Les institutions privées sont donc appelées à participer et à contribuer à l'élaboration et à la réalisation d'un plan d'ensemble dont l'objectif est de créer les conditions permettant de satisfaire au droit à l'éducation".

Je pense qu'encore aujourd'hui ces principes devraient faire l'unanimité autour de cette table et dans la population. Un peu plus tard, en 1968, c'est un gouvernement de l'Union Nationale — tout à l'heure, le ministre a relevé les propos du ministre d'Etat, M. Jean-Marie Morin, au sujet de la nécessité d'une intégration des réseaux public et privé — qui adoptait le projet de loi 56 qui régit actuellement l'enseignement privé, ou est introduite pour la première fois, je pense, la notion de complémentarité. C'est une loi qu'on a pu évaluer peut-être deuxou trois ans plus tard, cette fois-ci sous un gouvernement libéral.

On a pu se rendre compte, d'une part, de critiques qui commençaient à se manifester, à savoir que cette loi ne garantissait pas une bonne intégration, une bonne adéquation entre les écoles publiques et les écoles privées et que, d'autre part, du côté des écoles privées, elle mettait de sérieuses contraintes à la vie et au développement des écoles privées. C'est à partir de ce moment que s'est bâtie, de part et d'autre, une argumentation qui est forcément, de part et d'autre, basée sur des idéaux démocratiques. Je pense que, des deux côtés, on peut prétendre qu'on travaille en fonction de la démocratie, en fonction du bien des enfants. Mais, de plus, dans notre société, les citoyens se sont partagés en quelque sorte en camps retranchés. D'un côté, les partisans de l'école privée; de l'autre côté, les partisans de l'école publique.

Il est curieux de voir qu'après 18 mois on nous demande de résoudre cette tension que je considère intolérable dans notre société — bien qu'il faille le faire le plus rapidement possible — alors que, pendant six ans, aucun geste n'a été posé pour la réduire.

Toujours est-il que nous sommes devant ce problème de l'adéquation. Je ne dirais pas que c'est le problème de l'école privée. C'est le problème de l'adéquation entre différents types d'écoles, de façon à définir la meilleure école possible et le meilleur système scolaire possible. Ici, on a évoqué abondamment les arguments des groupes qui défendent, à bon droit, le droit d'initiative des citoyens dans la mise sur pied d'écoles qui correspondent à leurs préoccupations. Je crois déceler, dans le livre vert qui a été déposé par le ministre, une ouverture à ce sujet lorsqu'on parle des différents modèles de gestion et qu'on dit: II faudrait laisser aux citoyens une initiative. Il faudrait donner aux écoles une autonomie. Il faudrait permettre des types diversifiés d'écoles. (12 h 15)

Simplement pour faire contrepoids, j'aimerais résumer les principales interventions des gens qui soulignent qu'il y a un problème d'adéquation entre l'école publique et l'école privée. C'est justement à ce problème que le gouvernement doit

faire face. Par exemple, au niveau de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, on affirmait ceci en 1974: "L'école privée choisit les élèves les plus prometteurs, écarte les autres, renvoie les retardataires et, ainsi, elle se constitue une réputation d'école miracle qui donne la plus belle formation confirmée par des diplômes brillants. Ce faisant, ces écoles privées refusent le rôle social qui doit être le leur, c'est-à-dire contribuer à la formation de tous les Québécois. "Les commissions scolaires ne se proposent pas de réduire leur collaboration avec les écoles privées, mais elles entendent proposer des mesures qui feront que l'école privée assumera le même rôle social que l'école publique — je pense que c'est le devoir du gouvernement de le faire — soit d'offrir et de garantir une éducation de qualité à tous les citoyens qui y ont droit. " Un peu plus loin, on disait: "De plus, les écoles secondaires privées sont, dans la très grande majorité, des écoles traditionnelles, alors que les écoles secondaires publiques sont des écoles qui offrent un enseignement polyvalent." Si on peut remettre en question les gigantesques polyvalentes que nous a données cette réforme scolaire, on ne peut quand même pas remettre en question le fait qu'une école doit offrir les services les plus diversifiés possible à sa clientèle.

On dit également: "Il est inconcevable aussi que le réseau d'enseignement privé soit régi de façon privilégiée par une loi particulière, par des règlements distincts, un service autonome au sein du ministère de l'Education et un système d'auto-évaluation cloisonné, sans que les commissions scolaires et surtout les gens du milieu soient consultés."

Je relève également des remarques au niveau du Conseil scolaire de l'île de Montréal où siégeait Mme le député de L'Acadie, le 26 avril 1976, basé sur un rapport que j'ai en main ici et qui reconnaît également tous les principes que j'ai énumérés au préalable. Le conseil a adopté la résolution suivante: "Que le conseil invite les commissions scolaires de l'île de Montréal à étudier l'opportunité de donner suite aux recommandations suivantes — le conseil doit, évidemment, respecter l'autonomie des huit commisions scolaires qui le composent — premièrement, que les commissions scolaires favorisent, à l'intérieur d'un réseau polyvalent pouvant répondre aux besoins et aux aspirations de toute leur clientèle, l'émergence d'écoles diversifiées tant par leur vocation propre que par leur style et leur régime pédagogique; deuxièmement, que les commissions scolaires assurent aux parents la possibilité de choisir — la liberté de choix, encore une fois, un principe sur lequel tout le monde s'entend — pour leurs enfants l'école qui réponde le mieux à leurs aspirations indépendamment de leur lieu de résidence et compte tenu des exigences de certaines écoles à vocation particulière qu'il faut reconnaître aussi; troisièmement, que les commissions scolaires favorisent la décentralisation administrative et pédagogique au niveau de l'école — au niveau de l'école; donc, l'autonomie des écoles, un autre principe qui m'apparaît extrêmement important — en précisant les pouvoirs réels qu'elles sont prêtes à reconnaître aux parents dans la gestion administrative et pédagogique d une école; quatrièmement, que les commissions scolaires, dans la mesure où elles diversifient leur réseau d'écoles, s'assurent d'une communication directe avec les parents, les informent des vocations particulières de certaines écoles et de leurs conditions d'accessibilité." Ce sont des recommandations qu'à la fois les écoles publiques et les écoles privées auraient intérêt à appliquer, à mon avis.

On adresse, évidemment, les tendances idéologiques de la Centrale de l'enseignement du Québec pour dire que les partisans de l'école publique sont biaisés, sont guidés par des considérations idéologiques. Je dois dire que tout le monde est guidé par des considérations idéologiques. La CEQ a les siennes. Le Parti québécois a les siennes. Le député de Beauce-Sud a les siennes. Il les a très bien exprimées tantôt. Tout le monde part de considérations idéologiques.

Il y a quand même des choses à retenir, entre autres, cet article de Fernand Toussaint qui a beaucoup travaillé la question à la CEQ, qui est directeur du service pédagogique de la CEQ et qui disait ceci: "Les griefs sont nombreux contre l'école publique — vous voyez qu'il y a problème à l'école publique aussi, tout le monde le reconnaît — gigantisme, milieu de vie moins humain et moins discipliné, valeurs culturelles et religieuses moins homogènes, méthodes pédagogiques plus relâchées, tels sont quelques-uns des reproches entendus. On ne peut prétendre, en tout cela, que l'école publique soit parfaite et inattaquable, mais seuls les esprits peu nuancés admettront sans plus de preuves que l'école privée offre des services supérieurs à ceux de l'école publique. "Là, je référerais aux articles de Lysiane Gagnon, entre autres, qui faisaient état d'examens, communs passés dans les écoles publiques et privées, et où à certains moments, les enfants de l'école publique obtenaient de meilleurs résultats.

Le contraire semble parfois plus près de la vérité. Maintenant, cela dépend des écoles; il y a de bonnes écoles publiques, il y a de mauvaises écoles publiques, il y a de bonnes écoles privées et il y a de mauvaises écoles privées, je pense qu'il faut le reconnaître.

M. Toussaint continue ainsi: "On peut aussi bien croire que les écoles privées — un point de vue traditionnel de la culture et de la société — sont davantage des facteurs de statisme social que des forces de renouvellement et de marche en avant. Cela aussi doit être une préoccupation d'un gouvernement, non pas pour imposer une idéologie, mais pour s'assurer que la société québécoise continue son évolution.

M. le Président, je pense que I'approche que nous devons avoir, face aux relations avec l'école publique et I'école privée, n'est pas de prendre parti pour l'un ou l'autre des camps retranchés, mais d'essayer de transcender le débat en se demandant quelle est l'école et quel est le système

scolaire dont les Québécois ont besoin. Je rappelle brièvement les principes, je pense qu'un principe de base est l'autonomie des écoles quelles qu'elles soient, qu'il y ait des modes diversifiés, que certaines soient des corporations publiques éventuellement, que d'autres soient des corporations privées à but non lucratif, comme c'est le cas de la plupart des écoles privées, que d'autres soient même des coopératives, je trouve cela extrêmement intéressant. Je trouve cette idée d'école coopérative en particulier, expérimentée dans le secteur privé, extrêmement intéressante.

Le premier principe, autonomie des écoles — je donne mes opinions personnelles, j'espère qu'elles seront retenues par le ministre et le gouvernement. Deuxièmement: libre choix des parents. Que ce soit par une coordination régionale, que ce soit au sein d'un secteur public, on peut dire que les écoles privées font partie du secteur public, bien qu'elles se coordonnent au niveau le plus élevé, au niveau du bureau des sous-ministres, avec des organismes qui leur sont particuliers, et au niveau du ministre également. Cela fait partie du système scolaire, les écoles privées. Qu'il y ait libre choix des parents.

Troisièmement...

M. Roy: Je m'excuse auprès du député, M. le Président, vous venez de mentionner le libre choix des parents.

M. Paquette: Oui.

M. Roy: A quel niveau? Entre l'école publique et l'école publique ou bien non entre l'école publique et l'école privée?

M. Paquette: Au niveau du choix des écoles diversifiées, à mon avis, qui devraient être diversifiées, qui présentent différents modèles pédagogiques et qui s'offrent à eux.

M. Roy: Mais cela peut être un libre choix à l'intérieur du secteur public.

M. Paquette: Possiblement, la politique du gouvernement n'est pas établie encore sur ce sujet.

M. Roy: En tout cas, c'est un libre choix extrêmement limité.

M. Paquette: Tout dépend du genre de système scolaire qu'on a. Mais, M. le député, si l'autonomie des écoles est telle, si on permet l'existence, à côté, de certaines qui seraient des corporations publiques ou des corporations privées ou des coopératives, vous admettrez que cela change considérablement le portrait du système scolaire actuel.

Troisième principe, je pense qu'il faut une certaine coordination entre les écoles, qu'elles soient privées ou publiques, et quel que soit leur modèle pédagogique. Actuellement, je pense qu'il y a une déficience au secteur public, au niveau des outils pédagogiques qu'on donne aux enseignants, les systèmes de perfectionnement, de façon que chaque milieu puisse déterminer les moyens les plus propres à déterminer les objectifs généraux qui seront précisés par le ministère. La déficience est encore plus grande du côté des écoles privées qui fonctionnent en vase clos. Je pense qu'il y a avantage à ce que les idées pédagogiques, les modèles d'organisation, même la réglementation à l'intérieur des écoles se transmettent d'une école à l'autre, quel que soit leur statut. Il faut donc une coordination également pour qu'on puisse parler d'un système scolaire.

Quatrièmement — et c'est peut-être le point le plus délicat qu'on a à traiter actuellement, et cela a été relevé dans plusieurs des citations que j'ai données tantôt — c'est de rompre une certaine discrimination. C'est vrai qu'il y a beaucoup de parents qui paient en supplément pour aller à l'école privée, parce qu'ils ne croient plus aux services qu'ils peuvent obtenir dans les écoles publiques. C'est vrai, mais beaucoup de parents que j'ai rencontrés et qui envoient un de leurs enfants à l'école privée se déclarent incapables de le faire quand ils ont trois ou quatre enfants, parce que le coût devient exorbitant. Il est d'autre part, injuste de taxer doublement des parents qui paient des taxes pour soutenir le réseau public et qui, en plus, paient des suppléments pour des frais de scolarité dans des écoles privées.

Il y a également la sélectivité au niveau des résultats scolaires. J'ai eu à mon bureau récemment, et le cas n'est pas unique, une mère célibataire qui doit travailler pour faire vivre ses enfants, lesquels ont des difficultés d'adaptation à l'école; elle voulait obtenir plus d'attention envers ses enfants. A tort ou à raison, elle estimait ne pas pouvoir l'obtenir dans le secteur public. Elle a fait le tour de toutes les institutions d'enseignement secondaire privées de la région de Montréal et presque partout on lui a dit: Vos enfants n'ont pas 75% dans leurs résultats scolaires, nous ne pouvons pas les admettre.

Quand on a des cas comme ceux-là, on se dit: L'école privée n'est pas au service de tout le monde. Les partisans de l'école privée doivent reconnaître que, si on ne les a pas placées dans des conditions idéales pour qu'elles puissent rendre service à tout le monde, il y a lieu d'examiner cette question très sérieusement.

En terminant, je souhaiterais que le ministre de l'Education puisse coordonner sa politique sur l'enseignement privé avec les résultats de la consultation sur le livre vert de l'enseignement élémentaire et secondaire; à mon avis, ce sont deux problèmes qu'on ne doit pas traiter isolément si on veut transcender le débat, si on veut sortir de cette situation où on est actuellement entre Québécois, en camps retranchés. Ce n'est pas de cette façon que nous allons obtenir une école et un système scolaire qui soient dans l'intérêt des enfants. Merci.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Mégantic-Compton.

M. Fernand Grenier

M. Grenier: Rapidement, puisque notre porte-parole officiel est le député de Gaspé qui a fait un excellent exposé ce matin et puisqu'il s'apprête à exercer son droit de réplique. D'abord, je voudrais m'excuser d'avoir été absent pendant quelques minutes, j'ai été appelé à d'autres obligations pendant le débat, et je ne voudrais pas être long, justement pour ne pas répéter des choses qui ont déjà été dites ici. J'ai personnellement vécu les transformations du rapport Parent, en 1961, alors que j'étais un enseignant au collège Bourget, de Rigaud, et que je voyais bâtir à côté de chez nous la première polyvalente, celle de M. Gérin-Lajoie à Vaudreuil-Soulanges. J'ai vu aussi les inconvénients que cela pouvait causer à ce moment-là, de même que les lacunes qu'on voulait combler. J'ai aussi vécu des difficultés avec l'association des parents et l'association des élèves et j'ai vu — même si on a vécu depuis ce temps-là pas loin d'une quinzaine d'années — les difficultés que cela a causé dans le secteur privé, cette transformation qui s'amenait au Québec.

Ce secteur public a bien sûr grugé à même le secteur privé qui était déjà en place. J'ai vécu aussi cette transformation des valeurs qui s'est opérée à ce moment-là. J'ai réalisé, comme la plupart des gens qui sont autour de cette table et des invités qui sont là, que la nature ne fait pas de bond. Ce rapport Parent a commencé son application sous le Parti libéral et a été continué par nous avec le ministre de l'Education que vous connaissez, qui a été ministre de l'Education sous notre gouvernement, qui est aujourd'hui le vice-président de la Chambre et député de Prévost, M. Cardinal. On s'est rendu compte que la machine était en marche et qu'elle était difficile non pas à arrêter, mais à diminuer. Il y avait une programmation de faite et des choses devaient se réaliser. On a regretté, tous ensemble, que dans le secteur de l'éducation on ait été si vite. Des changements qui auraient dû, à mon sens, prendre pas loin d'un quart de siècle ont été réalisés en moins de dix ans, et la nature humaine s'adapte mal à de pareilles transformations. Cela a fait des soubresauts dans la population, vous le savez, c'est une étape qu'on a vécue.

Aujourd'hui, nous en sommes à une autre étape, avec un autre gouvernement qui a des vues qui sont peut-être différentes des deux anciens gouvernements qui ont précédé. Je voudrais mettre le ministre en garde — c'est là le propre de mon intervention — contre son propre gouvernement. Je ne suis pas en grande confiance quand je vois le ministre entrer dans un congrès du PQ et que, à I'ordre du jour, c'est indiqué qu'on parlera d'éducation ou de système public ou privé. Je puis vous dire que je ne suis pas en sécurité. Je voudrais bien que, dans ce secteur-là... (12 h 30)

M. Morin (Sauvé): Je ne sais pas comment je me sentirais dans un congrès de l'Union Nationale cependant.

M. Grenier: Je vous connais assez pour savoir que vous ne seriez pas malheureux. Vous avez un esprit qui est assez conservateur. Le danger qui vous guette...

Mme Lavoie-Roux: C'est pas mal!

M. Grenier: ... ce n'est pas vous-même et ce ne sont pas vos fonctionnaires, c'est votre congrès du PQ.

Je voudrais vous mettre en garde contre des gens qui vous entourent et qui sont beaucoup plus radicaux que vous ne pouvez l'être. Vous êtes, à mon sens, une continuation des anciens gouvernements dans ce secteur bien précis que nous étudions ce matin. Il n'y a pas de problème. Ce que je voudrais, c'est qu'on mette la pédale douce dans le moment.

Puisque tout à l'heure on annonçait que 21 permis n'avaient pas été renouvelés, et qu'on en avait donné huit nouveaux. J'aimerais connaître la moyenne d'étudiants là où le permis a été suspendu et là où les nouveaux ont été donnés; savoir si c'est un nombre d'étudiants important qui n'ont maintenant plus accès au secteur privé. Non pas que je sois attaché uniquement au secteur privé, mais je ne tiens pas non plus à ressembler à d'autres pays. Si je posais la question au ministre, il me répondrait peut-être que notre moyenne, dans le secteur privé, est encore plus importante que dans bien d'autres pays. Oui, et pourquoi ne serait-ce pas ainsi? Pourquoi faut-il absolument ressembler à d'autres pays et en venir à une telle proportion? J'ai longuement critiqué le secteur des affaires sociales qui dit que quand, par exemple, on a une moyenne de 6% de nos vieillards qui sont en institutions, gouvernementales ou privées, c'est suffisant pour une population. C'est peut-être suffisant ailleurs, dans d'autres pays, mais pourquoi serait-ce encore suffisant ici parce que c'est ainsi ailleurs?

L'histoire fait qu'on a d'abord connu le secteur privé, pour ne pas dire uniquement le secteur privé. Si on décidait que le secteur privé demeure, au Québec, plus important qu'ailleurs, il n'y aurait peut-être pas de péché à cela non plus, parce qu'on n'est pas prêt à rejeter du revers de la main ce qu'on a bâti pendant plusieurs décennies. Vous êtes l'un de ceux-là. Je ne sais pas si on vous a demandé avec insistance quelles étaient vos intentions quant à de nouvelles fermetures, mais je sais que vous êtes de ceux-là qui aimeraient probablement voir continuer, dans le Québec, tout en corrigeant bien sûr les lacunes, ce que nous avons connu dans notre système d'éducation.

Il y a des régions isolées qui n'ont pas — j'ai vu tout à l'heure les quatre villes dont le permis a été refusé, pour des raisons que vous avez établies — demandé de permis. Je pense que c'est une émulation importante que d'avoir deux secteurs qui se concurrencent au niveau de chacune des régions. Il y a des régions qui sont complètement isolées, qui n'ont pas de concurrence. Les difficultés que cela a pu causer sont difficiles à évaluer. Je vou-

drais bien que cette très courte intervention vous fasse réfléchir — et je sais que vous en êtes capable — sur ce problème d'y aller tranquillement, très modérément et d'accepter comme d'autres gouvernements l'ont accepté, que notre secteur privé, au Québec, ne soit pas diminué. Vous voulez le garder aussi intact que possible — je pense que c'est votre intention — mais je voudrais bien aussi que vous réussissiez à convaincre votre gouvernement et ceux qui vous entourent qu'il n'y a pas eu de mauvaises choses de faites dans ce secteur par les anciens gouvernements.

Les lacunes que vous avez notées, que l'Union Nationale notait en 1968 bien sûr, on a travaillé pour les corriger et améliorer le système, comme l'ont fait les autres gouvernements et comme vous le faites actuellement. Mais je voudrais encore une fois, en terminant et avant de laisser la parole à mon collègue de Gaspé, attirer votre attention, pour que vous soyez davantage sensibilisé, lorsque vous ferez face à votre congrès du Parti québécois, sur le fait que vous serez muni d'armes venant de gens qui, de ce côté de la table, représentent 60% de la population. Ne l'oubliez pas; les avertissements qu'on peut vous donner sont fondés.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Bourassa.

M. Patrice Laplante

M. Laplante: Merci, M. le Président. Le seul regret que j'ai, c'est que Mme le député de L'Acadie ne soit plus ici; elle a dû quitter. Je lui aurais dit que, lorsqu'elle s'est dite signataire de la pétition présentée en Chambre, j'ai peut-être eu un sourire narquois à ce moment-là, sachant tout ce qui s'était passé à la Commission des écoles catholiques de Montréal, dont elle a été présidente elle-même pendant de nombreuses années, la position qu'elle prenait lors de rencontres avec les professeurs ou avec les commissaires sur l'enseignement privé. Le mémoire que le secteur privé présentait à ce moment-là s'attache seulement à la loi 56 et n'offre aucune forme d'amendement à la loi qui pourrait satisfaire tout le monde.

C'est pour dire aussi que la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec a été plus positive dans son approche vis-à-vis du secteur privé. Elle a fait des études par étapes de 1975 à décembre 1976. Lorsqu'elle a préparé le mémoire elle l'a fait par étapes après être retournée à l'intérieur des commissions scolaires pour qu'il soit approuvé avant d'être finalisé. La CECM s'est prononcée, elle aussi, sur le mémoire. On décrivait à ce moment-là la situation actuelle des écoles privées et on disait que les critères d'admission étaient discriminatoires. On n'acceptait en majorité que des enfants qui ne laissaient prévoir aucun problème. On recrutait une majorité d'enfants dans les milieux économiquement forts. On privait les écoles publiques de certains éléments qui pourraient être, pour elles, un ferment intellectuel. On rejetait même, au cours de l'année, une partie des élèves parce qu'ils étaient indisciplinés ou pour d'autres raisons, par exemple, parce qu'ils n'étaient pas assez forts intellectuellement. On parlait aussi du financement des écoles privées à 80%. On parlait de l'orientation qu'on donnait à la politique lorsqu'on imposait les polyvalentes au secteUr public. A ce moment-là aussi elles étaient exemptes de l'application de la loi 22, de la politique des langues: aujourd'hui, c'est le contraire. Elles n'étaient pas soumises aux contrôles administratifs que l'on se trouve à imposer au secteur public en immobilisations et en achats. Elles n'ont pas besoin d'organiser le transport scolaire, mais jouissent des services de l'école publique. Les parents n'ont à peu près pas leur mot à dire encore, même si la loi 27 est en vigueur, à l'intérieur des institutions privées.

La fédération est arrivée à des conclusions. La première recommandation, c'était que soit maintenu le système de l'école privée, mais non subventionnée. On proposait une modification du système actuel de financement des institutions privées reconnues d'intérêt public ou reconnues pour fins de subvention. On recommandait aussi la mise en place d'un système public formé de deux catégories, l'une associée et l'autre purement publique, dont les objectifs, l'administration, les exigences, le financement et les prérequis vers un niveau supérieur, seraient conformes au tableau ci-joint, lequel permettra de faire la comparaison avec les systèmes privés, tel que préconisé à l'article A des présentes recommandations.

On proposait la mise en place d'un comité paritaire régional. Les objectifs d'un tel comité seraient d'exercer une supervision sur le respect des lois et règlements du ministère, avec une responsabilité de faire rapport au ministre sur leur non-observance; d'étudier et de planifier la distribution des options; de voir à ce que l'acceptation des élèves au début de l'année par une institution ne porte préjudice à aucun élève désireux de s'y inscrire, sauf s'il n'y a pas de place; d'étudier les cas de renvois d'élèves après le 30 septembre — parce qu'on sait que, selon le mode de financement du ministère de l'Education, un élève, après le 30 septembre, n'est plus financé par le ministère de l'Education; il faut que les inscriptions soient reconnues au 30 septembre — de recevoir les plaintes des élèves et des parents relatives aux conflits communs aux deux groupes du système.

Ensuite, on préconisait l'assainissement du climat social. On voulait préconiser auprès des autorités compétentes la subdivision d'écoles dont la clientèle est trop nombreuse en unités administratives n'ayant plus le défaut du gigantisme qui contribue à déshumaniser l'école et ne permet pas l'individualisation de l'enseignement et de la formation. On prônait avec vigueur l'amélioration de la catégorie purement publique dans une concurrence loyale à l'avantage des étudiants, conformément au désir des parents.

Dans le but de favoriser une telle amélioration, nous suggérons, entre autres, l'élaboration de programmes institutionnels mieux structurés et mieux respectés, une meilleure possibilité d'en-

cadrement d'élèves, évolution des enseignants et du rendement de l'école, participation des parents à l'orientation de l'école, intégration des parents à la vie de l'école. C'est toute une série de recommandations que la fédération a voulu faire pour dire que l'école privée pouvait avoir sa place aussi dans un système public.

Si on reprend le mémoire des écoles privées, on s'appuie seulement sur la loi 56 et sur le droit des enfants. Lorsqu'on parle des droits de l'enfant, on les définit par les déclarations du 20 novembre 1959 à la quinzième session des Nations Unies en ce qui concerne l'éducation. L'article 7 disait: L'enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins au niveau élémentaire. Il doit bénéficier d'une éducation qui contribue à sa culture générale et lui permet, dans des conditions d'égalité des chances, de développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales et de devenir un membre utile à la société. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation. Cette responsabilité incombe, en priorité, à ses parents".

D'autre part, le pacte des Nations Unies de 1966 dit: "L'enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l'enseignement technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous, par tous les moyens appropriés et notamment par l'instauration progressive de la gratuité".

Je pense que c'est un peu le programme du Parti québécois qu'on veut actuellement essayer d'étudier pour être conforme à la Charte des droits de I'enfant sur la gratuité et l'accès à l'éducation, arrêter de faire payer une famille, comme le disait tout à l'heure le député de Rosemont. Si un premier enfant paie $25, comment les parents qui ont un revenu moyen pourront-ils envoyer deux ou trois enfants additionnels qu'ils pourraient avoir? Le secteur public est là pour justement compenser ces lacunes et pour offrir une gratuité scolaire à tous les enfants.

Vu qu'il y a une entente pour laisser plus de temps aux deux panelistes — il reste quinze minutes — je termine là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le député de Bourassa, de votre collaboration. M. le député de Mégantic-Compton.

M. Grenier: Juste une seconde. J'allais faire une question de règlement. Je voudrais vous signaler que, dans cette salle, il y a un excellent défenseur des intérêts du Québec à Ottawa en la personne du député de Joliette, M. Lasalle.

M. Morin (Sauvé): Ne lâchez pas.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Gaspé.

Répliques

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Je me souviens très bien, que dans le passé, dans une certaine institution, il y avait une horloge semblable. Il y avait une inscription latine, si ma mémoire est fidèle, qui disait ceci: "Vulnerant omnes ultima necat". Toutes les heures blessent, mais c'est la dernière qui tue. Malheureusement, je regarde I'horloge, cet amas de papier, ces douzaines de questions que j'aurais aimé poser, mais pour ne pas poser ces questions, je vais essayer de résumer plutôt.

Beaucoup de questions sont restées sans réponse, dans ma première intervention. Je sais que je n'en aurai pas. C'est inutile de les reposer. Les gens de la salle vont demeurer sur leur appétit. Tout de même, cela vous permettra de relire toutes ces choses, de les repenser, de les méditer.

Je voudrais répondre à une question du ministre relativement à la politique de l'Union Nationale de 1968. Je n'étais pas au monde en politique, à ce moment-là. J'ai adhéré pour la première fois à un parti vers le 22 octobre 1976. Donc, je ne veux pas porter tous les péchés du gouvernement de l'Union Nationale, encore moins ceux du Parti libéral. Tout de même, sa question d'intégration — j'ai noté cela quelque part, je pense que je vais le retrouver — à mon point de vue, je n'ai pas suivi les débats, je ne crois pas que, dans l'idée de l'Union Nationale, on voulait monopoliser, on voulait intégrer totalement, complètement l'enseignement privé pour que l'Etat en ait un monopole exclusif. Je crois que cela n'a jamais été l'intention d'aucun gouvernement, avant le 15 novembre 1976. Quand j'écoute les explications qui nous sont données ce matin, on voit qu'on peut encore subsister pendant un certain nombre d'années. (12 h 45)

Ceci étant dit, je sais très bien que le ministre de l'Education a une lourde tâche. Il n'est pas le ministre des écoles publiques. Il est le ministre de l'Education. Je ne suis pas un adversaire de l'école publique. Je n'ai pas d'école privée dans mon comté. L'école publique, on peut lui reprocher bien des défauts. Avec le temps, je pense qu'il y a un moyen de la revaloriser. Je ne veux pas parler de toutes ces choses. On a parlé des défauts et des qualités des deux systèmes.

Je ne voudrais pas laisser l'impression ce matin que mon intervention a pour but de remplacer l'école publique par l'école privée. On sait que c'est impensable. Il y a environ 3% de nos jeunes, dans la province, qui sont dans le système privé. J'ai dit 3%.

M. Morin (Sauvé): 10%. M. Le Moignan: Pas 10%.

M. Morin (Sauvé): Oui, c'est cela, en moyenne.

M. Le Moignan: Très bien. J'accepte vos chiffres. J'ai vu 3% dans différents endroits, sans contrôle. Quand on a parlé de complémentarité, je comprends très bien que ce n'est pas un mot nouveau, que cela existait aussi dans le passé. Je

pense qu'il n'y a personne qui met en doute que les institutions privées doivent exister et s'épanouir à l'intérieur du système d'éducation exclusivement. Elles doivent exister et elles doivent aussi accepter le jeu de l'Etat. Je ne les vois pas comme des rivales. Elles doivent plutôt être collaboratrices. On pourrait discuter longuement sur cela. Je pense que l'école privée peut apporter un complément. Dans la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, je crois qu'il n'y a pas une seule école privée. Dans bien des cas, soit de maladie de parents ou de foyers séparés, on doit les placer ailleurs dans des internats. Je crois que l'école de Matane aurait facilement pu accepter 150 élèves qui sont obligés d'aller à l'extérieur pour de multiples raisons que je n'ai pas à juger mais que je constate très facilement.

M. Morin (Sauvé): Je m'excuse. C'est 510, M. le député.

M. Le Moignan: Comme cela, je me trompe, C'est dans le cas de Sorel ou de Roberval. C'est un autre endroit que j'ai vu dans le rapport. De toute façon, je me trompe peut-être de chiffres.

M. Morin (Sauvé): Projet Matane.

M. Le Moignan: Avec pensionnat, je crois.

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Le Moignan: Oui. Le ministre a donné des chiffres tout à l'heure. Je ne veux pas reprendre tous les chiffres qui ont été donnés. On parle de dénatalité au secteur public; or il semble qu'il y ait moins de dénatalité chez les parents du secteur privé. Je n'ai pas envie de faire d'analyse là-dessus. On peut se poser des questions. Est-ce que c'est dû à une meilleure qualité de l'enseignement? Est-ce que le milieu de vie est plus humain? Est-ce que, est-ce que, est-ce que? Maintenant, comme je l'ai dit, je pense que le ministre s'interroge et c'est son droit de s'interroger car il a une grande responsabilité. Mais il a dit un petit quelque chose sur lequel je ne suis pas totalement d'accord.

J'avais posé une question qui est demeurée sans réponse, et je crois que c'est un peu l'essentiel du débat de ce matin, quand je disais, en page 7. "A titre d'exemple, si le ministre est appelé à donner son approbation à un projet d'école privée qui donne toutes les garanties d'accessibilité à la population et répond aux normes pédagogiques du ministère, est-ce que l'application du principe de la complémentarité l'emportera sur un autre principe universellement reconnu du droit des parents de privilégier certaines options fondamentales dans l'éducation de leurs enfants?" S'il a répondu, je n'ai peut-être pas saisi clairement sa réponse.

J'avais parlé aussi de cette société pluraliste parce qu'on parle d'une seule école, d'un seul syndicat, d'une seule façon de penser, en somme, de l'école neutre, laïque à 100%, de bannir l'école confessionnelle. Je n'attaque pas le gouvernement du tout de ce côté. Je ne lance aucune flèche au gouvernement. C'est clair, c'est précis.

M. Paquette: C'est dit dans notre programme.

M. Le Moignan: C'est clair et net.

M. Paquette: Au congrès du Parti québécois.

M. Le Moignan: J'ai lu le livre vert. On parle de l'enseignement. Le ministre l'a déclaré aussi... Maintenant, le ministre a dit tout à l'heure qu'il devait s'incliner devant la consultation des élus du peuple en parlant des commissions scolaires régionales. Mais dans cette commission consultative, il y a tout de même un représentant de la Fédération des commissions scolaires régionales. Quand on parcourt la page 8, on voit que les arguments qui sont apportés, pour trois écoles au moins, sont très positifs, donnant des raisons solides. Donc, à ce moment, ce comité consultatif, peut-être qu'on me dira que c'est comme un conseil de chanoines qui est consultatif, l'évêque pouvant demander leur opinion, et c'est l'évêque qui décide... Evidemment, c'est le même cas, c'est le ministre de l'Education qui, en définitive, prend les décisions.

Mais, on parle des écoles. J'ai souvent eu l'occasion de rencontrer des jeunes. J'ai écouté le ministre l'an dernier, recevant un groupe d'étudiants dans cette même salle, leur dire qu'il ne se construira jamais d'autres boîtes monstres de 2000 ou 3000 étudiants. Je suis d'accord avec lui. Je sais que cela a créé des problèmes au début. Cela a jeté beaucoup de discrédit sur l'école publique. Dans bien des endroits, on est en train de remédier à cette situation. Il reste encore beaucoup de rattrapage à faire.

Je suis allé dernièrement au Conseil supérieur de l'éducation, étant de passage à Montréal, comme observateur. On m'a donné la permission d'aller dans un atelier où il y avait quatre ou cinq jeunes des polyvalentes. J'ai beaucoup aimé leurs réflexions. Encore là, le livre vert dit que — j'oublie le mot — l'enfant doit être au coeur de l'école. Je pense que c'est cela ou quelque chose du genre.

Il y a une jeune demoiselle qui a dit qu'elle ne se sentait pas au coeur de l'école. Elle faisait partie d'une grosse école. Pour elle, ils étaient des numéros. Elle faisait le parallèle avec ses compagnes ou ses compagnons qui fréquentaient l'école privée. Quand je dis que je suis très favorable à l'école publique, il reste qu'il y a beaucoup d'améliorations à faire et ces jeunes ont déploré certaines choses.

J'ai pris des notes cette journée-là, trois ou quatre pages, de leurs arguments. Ils se sentaient perdus dans ce milieu et ce type d'école. Ce n'était pas l'école du milieu qu'on voudrait avoir. Ils étaient obligés souvent de se déplacer. Ils trouvaient cela horrible d'aller à deux milles, cinq milles de leur domicile, quand on sait qu'en Gaspésie on les prend à 40 milles à peu près de chaque côté de Gaspé. Ils partent à six heures le

matin de l'Anse-à-Valleau; ils partent de Bridge-ville, tout près de Percé; à six heures, ils sont sur le bord de la route. Ce n'est pas vous autres, je ne vous blâme pas.

M. Grenier: La semaine de 40 heures.

M. Le Moignan: Quand on pense à cela. Ces jeunes devaient traverser un pont et ils se trouvaient à être dépaysés dans un autre milieu.

J'aurais bien d'autres choses, M. le Président, mais je me garderai juste un petit mot tout à l'heure. Si je commence à poser trop de questions au ministre, cela va priver M. le ministre de son droit de parole. Comme je sais qu'il a le don de condenser... J'en garde, M. le Président; nous allons nous rencontrer en commission parlementaire bientôt. Encore une fois, je suis content ce matin de cette renconre qui aurait dû se prolonger très tard aujourd'hui, pour essayer de vider certaines questions. Je suis content et je remercie M. le ministre d'avoir accepté. Tout à l'heure, après I'intervention du ministre, j'aurais peut-être un petit mot de conclusion, très bref.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, le député de Mégantic-Compton m'affublait tout à l'heure du titre de conservateur.

M. Le Moignan: II a vu rentrer le député de Joliette.

M. Morin (Sauvé): Evidemment ces termes, comme beaucoup d'autres, sont très relatifs. Je voudrais l'assurer qu'à ce compte-là je puis être très radical. Je suis radical dans ma volonté d'améliorer l'école publique et de la protéger.

Je voudrais remercier le député de Gaspé; il a permis que soit éclairé le débat, les tenants et aboutissants, de ce long débat sur l'avenir de l'enseignement privé. Je puis l'assurer que ce qui a été dit ce matin va contribuer à la discussion qui a lieu en ce moment au sein du ministère, de même qu'au niveau ministériel.

Ce débat nous a permis de constater un certain nombre de faits. Je vais essayer d'être très bref pour en faire état. Premièrement, les institutions privées ont été administrées, depuis le 15 novembre 1976, avec le même souci d'équité et de qualité que nous avons déployé à l'endroit de l'enseignement public. Aucun geste arbitraire n a été commis, mais nous avons recherché constamment l'amélioration du système privé comme nous avons tenté par tous les moyens, y compris le livre vert, ci améliorer le système public.

En second lieu, le gouvernement a le plus grand souci de protéger et de développer l'école publique, particulièrement au cours des années qui viennent, alors qu'elle connaîtra une diminution dramatique des clientèles. Qu'on songe qu'à l'heure actuelle, à travers le Québec, cette clientèle diminue, d'année en année, de 30 000 à 35 000 élèves si ce n'est davantage.

Troisièmement, le gouvernement entend consulter désormais les commissions scolaires régionales, comme il l'a fait dans les quatre cas que nous avons étudiés ce matin, avant d'autoriser l'établissement d'une institution privée. Avant même que ne soit annoncée la nouvelle politique, je puis vous dire que nous voulons avoir la plus grande considération pour ces gouvernements locaux que sont les commissions scolaires.

Quatrièmement, le ministre d'Etat au développement culturel et le ministre de l'Education ont reçu un mandat du gouvernement à l'effet de réviser les politiques qui régissent l'enseignement privé. Nous y travaillons très ferme en ce moment en vue de proposer des politiques réalistes et justes à l'endroit tant du système public que du système privé. Même si chacun peut être impatient — et je conçois que le député de Gaspé le soit, on I'est dans le milieu — de connaître ce que sera cette politique, nous n'entendons pas conclure avec précipitation et nous n'entendons pas bâcler cette nouvelle politique. Elle sera fondée sur le bien commun et sur le bien de l'enfant, sur le bien de chaque petite Québécoise et de chaque petit Québécois.

Le principe de la liberté est fort important et je tiens à dire que le gouvernement n'a pas l'intention de négliger ce principe, mais il ne doit pas être applicable seulement à ceux qui en ont les moyens ou à ceux dont les enfants obtiennent plus de 75% dans leurs résultats. La liberté est pour tout le monde et il faut s'assurer qu'elle vaut également pour les citoyens qui doivent s'en tenir à l'école publique. C'est la perspective dans laquelle se situe d'ailleurs le livre vert, M. le Président, et j'ai noté avec grand soin ce qui a été dit par mon collègue, le député de Rosemont, que la politique à l'endroit du système privé devra tenir compte de ce qui résultera de la démarche propre au livre vert.

M. le Président, encore une fois merci au député de Gaspé d'avoir soulevé cette question avec débat. Je pense que nous n'avons pas perdu notre temps ce matin.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Gaspé, en guise de conclusion.

M. Le Moignan: Merci, M. le Président. Peut-être un mea culpa à l'intention des fonctionnaires qui ont sacrifié plusieurs heures de sommeil, hier soir, et qui, peut-être dans le fond du coeur, n'adoraient pas trop le député de Gaspé, mais je sais qu'ils vont me pardonner cela très facilement.

En terminant, j'avais formulé le souhait, au début de mon intervention, que cette rencontre puisse jeter un peu plus de lumière sur les intentions réelles du gouvernement à l'endroit du secteur de l'enseignement privé. Le ministre nous a répété des choses que nous savions déjà, des choses redites à l'Assemblée nationale. Il tente de nous rassurer, mais il nous laisse dans l'expectative. C'est vrai que nous sommes impatients: de mois en mois les choses traînent, il y a des livres de toutes les couleurs, et j'espère que nous

n'aurons pas à être trop déçus. Ce climat d'incertitude et d'inquiétude qui plane actuellement sur l'enseignement privé, je formule le voeu qu'il soit dissipé un jour. Avec cette question de critères, de permis, etc., qu'on ne s'organise pas, indirectement, pour que les écoles continuent de s'affaiblir, manquent de clientèles, ou encore, ce qui est plus grave, manquent de subventions. Mon inquiétude c'est que le malaise s'accentue, et je le déplore énormément.

Je remercie M. le ministre et tous les autres qui ont voulu participer, de même que les auditeurs qui sont dans la salle. Merci beaucoup.

Le Président (M. Dussault): En terminant, je tiens à remercier tous les participants aux travaux de cette commission, ainsi que nos visiteurs pour leur collaboration. J'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 13 h 2)

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