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Version finale

31e législature, 3e session
(21 février 1978 au 20 février 1979)

Le mardi 23 mai 1978 - Vol. 20 N° 88

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Etude des crédits du ministère de l'Education


Journal des débats

 

Etude des crédits du ministère de l'Education

(Quinze heures quarante et une)

Le Président (M. Dussault): Madame et messieurs, à l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons commencer les travaux de la commission parlementaire de l'éducation qui se réunit pour étudier les crédits du ministère de l'Education. Les membres de cette commission sont: M. Alfred (Papineau), M. Jolivet (Laviolette), M. Lacoste (Sainte-Anne), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Le Moignan (Gaspé), M. Marquis (Matapédia), M. Morin (Sauvé), M. Paquette (Rosemont), M. Picotte (Maskinongé).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Chevrette (Joliette-Montcalm), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), M. Desbiens (Dubuc), M. Gosselin (Sherbrooke), M. Goulet (Bellechasse), M. Roy (Beauce-Sud), M. Samson (Rouyn-Noranda), M. Springate (Westmount) et M. Saint-Germain (Jacques-Cartier).

Je vais laisser la parole à M. le ministre de l'Education pour les remarques générales et préliminaires. Si je ne me trompe pas, M. le ministre nous signifiera dans quel ordre il souhaite voir se dérouler les travaux de cette commission.

M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, au moment de commencer l'étude des crédits du ministère de l'Education pour l'année 1978/79, je tiens beaucoup à redire tout l'intérêt que présente cette démarche en commission parlementaire. Elle poursuit divers objectifs, mais devrait avant tout me permettre de rendre compte de la dernière année d'activités dans le vaste réseau de l'éducation et de présenter publiquement le programme de travail de l'année financière qui débute en vue de favoriser la discussion, voire même la critique. L'Assemblée nationale sera alors mieux informée de ce qu'il advient des fonds publics considérables qu'elle consacre à cette tâche sociale essentielle qu'est l'éducation.

Avant de vous livrer mes remarques préliminaires, mes observations préliminaires sur les crédits consacrés aux secteurs primaire et secondaire, j'aimerais, M. le Président, proposer à tous les membres de cette commission de suivre un certain ordre permettant d'étudier, avec la plus grande cohérence possible, la masse des crédits qui nous est proposée.

L'an dernier, nous avions déjà procédé de la sorte avec un certain succès, je pense. Aussi voudrais-je proposer que nous étudions d'abord, comme il appert aux premières pages du cahier qui a été distribué à tous les députés membres de cette commission, le secteur primaire et secondaire, c'est-à-dire ce qui relève essentiellement des commissions scolaires, pour ensuite aborder le secteur postsecondaire, comprenant les collèges, les universités, puis l'enseignement privé et enfin l'administration du ministère proprement dit.

Si nous procédions de la sorte, nous pourrions d'abord prendre connaissance de tous les documents qui se trouvent sous l'oeillet A du cahier et non seulement adopter, à la fin de nos débats, le programme 4, mais également plusieurs éléments du programme 2 qui portent sur l'administration de l'enseignement primaire et secondaire, les services au réseau, le développement pédagogique, le soutien administratif, la planification sectorielle et le développement des systèmes, après quoi nous ferions la même chose pour le secteur postsecondaire, regroupant le programme 5 et certains éléments du programme 2. Pour ce qui est de l'enseignement privé, nous traiterions ensemble le programme 8 et l'élément 3 du programme 2.

Au chapitre de l'administration, il s'agirait essentiellement du programme 1, plusieurs éléments du programme 1, de même que du programme 2, le sommaire des crédits.

Voilà ce que je vous propose, M. le Président. J'espère que cela pourra aider à la bonne marche de nos travaux.

Le Président (M. Dussault): Je vous remercie, M. le ministre. Cependant, je pense devoir demander à la commission si elle est d'accord pour suivr§ cet ordre de travail.

Mme Lavoie-Roux: D'accord. M. Le Moignan: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Ayant l'unanimité de la commission, nous allons commencer nos travaux. M. le ministre.

Exposé préliminaire du ministre M. Jacques-Yvan Morin

M. Morin (Sauvé): M. le Président, je voudrais d'abord consacrer quelques moments à l'organisation du travail et à une vue d'ensemble sur l'évolution de l'éducation.

Un peu plus de 95% des crédits requis pour le fonctionnement de l'éducation sont destinés à des dépenses qui sont effectuées au sein des réseaux d'enseignement. C'est également au sein de ces réseaux que se trouvent les élèves, les enseignants et beaucoup d'administrateurs et que se déroule, donc, la plus large part de l'activité éducative.

Il paraît en conséquence normal que ces réseaux d'éducation, leurs programmes d'action et les crédits qui leur sont destinés fassent prioritairement l'objet des préoccupations de cette commission. Nous procéderons donc d'abord, ainsi qu'il a été décidé, à l'examen du réseau primaire et secondaire et des unités administratives qui, au ministère, en assurent la gestion d'ensemble. Nous présenterons ensuite le secteur postsecondaire, à l'égard duquel nous aborderons successivement les questions relatives à l'ensei-

gnement collégial, à l'enseignement universitaire, à l'éducation des adultes et à l'aide financière aux étudiants. Nous traiterons, par la suite, des institutions d'enseignement privé des niveaux primaire, secondaire et collégial, avant de conclure avec l'administration générale, laquelle regroupe la direction du ministère, les organismes de consultation, le secteur de la planification ainsi que les organismes de soutien aux activités des autres unités administratives et des réseaux.

En raison du mode de fonctionnement dont nous avons convenu pour l'analyse des crédits, j'ai l'intention de réserver pour le moment de l'étude spécifique des réseaux d'enseignement, la présentation des faits saillants, des principales réalisations et des orientations les plus significatives qui ressortent des réalisations de l'année 1977/78 et de celles prévues pour l'année en cours.

Je commencerai par faire rapidement état de quelques données d'ensemble qui permettront de situer nos discussions dans un contexte plus général.

Les crédits de l'Education sont, pour l'année 1978/79, de l'ordre de $3 638 000 000, ce qui représente un accroissement de 3,8% par rapport au budget de l'année précédente. En dépit de cette modeste hausse, ces crédits n'en continuent pas moins de requérir une part importante, soit 28,5% de l'ensemble du budget du gouvernement du Québec pour l'année 1978/79, en comparaison de 29,8%, l'année dernière.

Selon d'autres modes de calcul, non moins éloquents, les dépenses en éducation représenteront, au cours de la présente année, environ 7% du produit intérieur brut, ce qui situe le Québec dans une position comparable à celle des nations les plus avancées au chapitre de leurs investissements dans ce secteur de l'activité sociale. J'ajoute que ces dépenses pour les activités éducatives représenteront un déboursé d'environ $600 par citoyen, au cours de la prochaine année, ce qui maintiendra l'avance du Québec sur toutes les autres provinces.

Je me dois également de vous rappeler que les crédits de l'Education s'inscrivent dans la logique du récent discours sur le budget du gouvernement et qu'à ce titre, ils portent la marque de ses contraintes et en reflètent les principales orientations: ralentissement du rythme d'expansion des réseaux d'enseignement et gel de certains coûts à leur niveau de 1977/78; concernant les dépenses du ministère, diminution de 1%de l'effectif et réduction de 5% de certaines dépenses. Sur ce, je vous invite à aborder immédiatement l'examen des crédits de l'enseignement primaire et secondaire.

Enseignement primaire et secondaire

Avant d'aborder l'étude détaillée des crédits de l'enseignement primaire et secondaire public, vous me permettrez de faire un rapide tour d'horizon des développements majeurs que connaît ce réseau, qui est bien connu de certains députés membres de cette commission à divers titres, je pense.

Nous aborderons tout d'abord l'évolution des clientèles et des ressources. Ensuite, j'évoquerai brièvement les réalisations les plus marquantes et j'indiquerai les développements prévus pour les prochains mois.

Au chapitre des clientèles tout d'abord, il existe un phénomène croissant depuis quelques années, qui est la dénatalité. Celle-ci continuera d'éprouver le réseau primaire et secondaire au cours de l'année qui vient. Je crois qu'il est important que je vous fasse part de quelques considérations sur ce phénomène.

Pour l'ensemble des réseaux primaire et secondaire, les clientèles prévues aux crédits passeront de 1 240 717 élèves, qui est un chiffre impressionnant, on en conviendra, pour l'année qui s'achève, à 1 187 562 élèves pour l'année qui vient, soit une diminution nette de 4,3%.

C'est cependant au niveau secondaire que cette baisse est la plus dramatique. Les clientèles y diminueront de 6,4% tandis qu'au primaire, la baisse sera un peu moins sensible, atteignant 3,2%. On peut toutefois s'attendre à une légère remontée, qui semble déjà amorcée au niveau préscolaire, où la clientèle prévue s'accroîtra de 1,9%, entre 1977/78 et 1978/79. Néanmoins, en dépit de cet indice de reprise, le problème de la dénatalité, de la baisse des clientèles continuera de marquer le réseau primaire et secondaire durant quelques années encore. Ce problème se fait sentir de façon différente d'une commission scolaire à l'autre. Des mesures ont dû être prises dans les cas où la baisse était considérable et risquait de compromettre sérieusement la qualité des services pédagogiques.

Si la baisse des clientèles se situe à 4%, le personnel enseignant ne décroît pas au même rythme. Au niveau primaire, on prévoit une diminution de 0,4% du personnel enseignant, comparativement à une baisse de 3,2% de la clientèle. Cette diminution proportionnellement moins forte de l'effectif enseignant est principalement causée par l'amélioration des règles de dénombrement d'effectifs dans les conventions collectives.

Au secondaire, le personnel enseignant décroîtra de 5,6%, alors que la clientèle doit baisser de 6,4%. Cet écart entre la baisse des clientèles et la diminution des enseignants permet une amélioration de la proportion maître-élèves et de la qualité des services à l'élève. Ce phénomène n'est donc pas entièrement négatif, comme on pourrait être porté à le penser.

Quant aux surplus d'enseignants qui résultent de la diminution du nombre d'élèves, les conventions collectives assurent la sécurité d'emploi à tout le personnel permanent. L'expérience nous enseigne qu'il n'y a pas lieu de s'alarmer puisque aussi bien la presque totalité des professeurs mis en disponibilité sont, par la suite, réaffectés à des postes réguliers. C'est ainsi qu'au 1er mai 1977, 659 enseignants avaient été mis en disponibilité. Au 1er avril 1978, 643 d'entre eux avaient été réaffectés à des postes réguliers.

Cette expérience nous permet de penser avec assez d'assurance qu'il en sera de même pour les quelque 1000 enseignants qui ont été mis en disponibilité depuis quelques semaines. Cette très faible proportion de mises en disponibilité, par rapport au nombre d'environ 70 000 enseignants

au sein des réseaux primaire et secondaire, s'explique par le fait que chaque année, plusieurs enseignants quittent leur travail par suite de décès, de mise à la retraite, de promotion, d'obtention d'un emploi dans un autre réseau ou tout simplement de l'abandon de la profession. Ce taux de départ, qui est évalué à 9% par année, compense pour les baisses de clientèle et contribue à diminuer considérablement les mises en disponibilité.

En plus d'assurer une amélioration de la proportion maître-élèves au primaire, le calcul des subventions est fondé, de façon générale, sur un facteur de réduction qui équivaut à un tiers du pourcentage de la diminution des populations scolaires, dans le cas de la direction des écoles, et à la moitié dans le cas des autres personnels et des autres coûts.

Outre cette solution de portée générale, nous maintiendrons, en 1978/79, deux mesures particulières en vue d'apporter l'assistance nécessaire aux commissions scolaires qui sont aux prises avec une forte baisse des clientèles.

Je pense qu'il convient de dire deux mots de ces politiques adoptées spécialement pour faire face à ces situations. Tout d'abord, il existe une politique de soutien pédagogique aux petites écoles et aux petites commissions scolaires, qui a requis des crédits de près de $1 million en 1977/78. Ensuite, il y a les politiques relatives au maintien de la dernière école primaire de village et au maintien de la dernière école de quartier dans les zones urbaines, lesquelles visent à satisfaire les besoins et les choix des communautés locales en ce qui a trait aux distances à parcourir et à la nature des services que dispensent les écoles.

En vue du maintien de la dernière école, primaire de village, les mesures consistent à favoriser une utilisation à des fins scolaires et communautaires d'édifices devenus trop vastes pour répondre aux besoins initiaux. Les frais sont alors partagés entre les utilisateurs et la commission scolaire intéressée est invitée à fournir pour chaque élève fréquentant cette école un montant correspondant au coût moyen par élève sur son territoire. En second lieu, à la suite d'une simulation dans une quinzaine de commissions scolaires urbaines, le ministère a pu définir, avec l'aide d'ailleurs des commissions scolaires, un processus de planification qui leur permet de choisir et de maintenir ouverte, dans chaque quartier, l'école vers laquelle seront progressivement dirigés les élèves, au fur et à mesure que la diminution des clientèles entraînera la fermeture des écoles. (16 heures)

Nous continuerons, au cours de l'année 1978'79, à mettre l'accent sur le perfectionnement du personnel enseignant. Pour les activités de perfectionnement organisées directement par les commissions scolaires, le montant par enseignant passera de $136 en 1977/78 à $141 en 1978/79. Cela représentera un déboursé total de l'ordre de $9 500 000.

A ces ressources s'ajoutent des programmes de perfectionnement destinés, par le ministère, aux secteurs prioritaires. En 1978/79, le coût de ces programmes sera de $11 400 000 et sera ré- parti de la manière suivante: tout d'abord, dans le cadre du plan de développement des langues, $3 700 000 seront consacrés au remplacement des enseignants qui suivront des cours de perfectionnement; $3 800 000 seront versés aux universités pour l'organisation des cours; $750 000 serviront à l'octroi de bourses aux enseignants; enfin, $2 200 000 seront affectés au perfectionnement des enseignants de la langue seconde, qui correspond, vous le savez, à une priorité gouvernementale.

En second lieu, le plan de développement de I'éducation chrétienne disposera de $639 000 pour le perfectionnement des enseignants, alors que le plan de développement de l'éducation physique, de son côté, obtiendra $120 000 pour le perfectionnement des conseillers pédagogiques.

Troisièmement, le perfectionnement des professionnels non enseignants se verra, l'an prochain, octroyer une somme de $247 000.

Passons maintenant aux équipements. La baisse générale des clientèles scolaires a un impact certain sur les immobilisations pour fins scolaires. Toutefois, elle ne se fait pas sentir uniformément sur tout le territoire, puisque certaines commissions scolaires voient même leur clientèle augmenter. Le déplacement des clientèles entraîne souvent des réaménagements dans les équipements existants. C'est ainsi qu'en 1977/78, on comptait 49 projets de construction ou d'agrandissement dans 21 écoles primaires et 28 écoles secondaires, alors qu'on ne retrouvera, en 1978/79, en raison des baisses de clientèle, que 37 projets en cours, dont 21 toucheront des écoles primaires et 16 des écoles secondaires.

Par ailleurs, bien que toutes les analyses ne soient pas terminéees, nous prévoyons mettre en marche, j'allais dire en chantier, en 1978/79, 33 nouveaux projets de construction ou d'agrandissement d'écoles primaires et 18 intéressant les écoles polyvalentes.

Laissez-moi maintenant vous dire deux mots du financement de l'enseignement primaire et secondaire public. Le coût de ce système, incluant toutes les dépenses des commissions scolaires, passera de l'année scolaire 1977/78 à l'année scolaire 1978/79, de $2 247 800 000 à $2 354 800 000, ce qui représente une hausse de 3,4%. La contribution du ministère de l'Education au financement de ces dépenses relatives à chaque année scolaire passera de $1 603 700 000 en 1977/78 à $1 657 800 000 en 1978/79. Cette croissance du coût de système et, par voie de conséquence, des subventions du gouvernement, est principalement due aux augmentations de traitement des personnels, en raison, d'une part, d'une indexation minimum de 6% en 1978/79 et, d'autre part, de la croissance de l'expérience moyenne acquise par les personnels, dont le coût est estimé à 2,33% de la masse salariale.

Il faut se rappeler ici que la rémunération représente plus de 87% des dépenses de l'enseignement primaire et secondaire.

Les crédits nécessaires pour l'exercice financier 1978/79 du gouvernement passent à $2 057 366 500, soit un accroissement de 0,4% par

rapport aux crédits de 1977/78. Ce faible accroissement s'explique par le fait que les crédits de 1977/78 étaient gonflés d'un montant important pour le versement des subventions relatives au règlement des conventions collectives. De plus, le montant de remboursement d'arrérages s'établira à $129 millions, alors qu'il était de $159 millions en 1977/78. Les crédits à voter, après déduction des crédits permanents que représentent les versements aux fonds des régimes de retraite, s'établissent, quant à eux, à $1 974 458 600. Il est important de noter que ces sommes vont permettre la série de réalisations prévues.

Quant aux crédits à voter pour les dépenses des unités administratives du ministère qui sont directement responsables du réseau primaire et secondaire, ils se situent à $18 200 000 en 1978/79 et accusent une hausse de 10,4%. Celle-ci s'explique, en partie, par les augmentations générales de traitement et reflète également les modifications de l'organisation du ministère, qui ont conduit au transfert au primaire et au secondaire, de personnels antérieurement attachés à d'autres secteurs. Plusieurs de ces postes ont été affectés aux directions régionales, dans le cadre de la déconcentration des activités ministérielles.

Permettez-moi maintenant de faire le bilan des réalisations de l'année 1977/78. L'an dernier, j'avais eu l'occasion de préciser les grandes priorités de développement du réseau primaire et secondaire. Il me paraît opportun de faire le bilan des réalisations de l'année 1977/78 et d'indiquer les orientations retenues pour l'année qui vient.

Tout d'abord, je ferai quelques commentaires sur le plan de développement de l'enseignement des langues. Dans ce domaine, il faut rappeler que j'ai annoncé l'an dernier plusieurs priorités, lesquelles sont toutes en voie de réalisation. Pour ce qui est du français, langue maternelle, la révision des programmes du niveau primaire a été complétée avec la participation des milieux intéressés. Ces programmes seront implantés, à titre expérimental, dès septembre prochain dans certaines commissions scolaires. En 1978/79, nous entreprendrons la révision des programmes du niveau secondaire et nous prévoyons dépenser une somme de $1 million pour l'achat de livres de bibliothèque au niveau primaire. En 1977/78 également, 220 conseillers pédagogiques ont été engagés par les commissions scolaires pour l'encadrement des enseignants. De plus, $1 500 000 seront affectés au remplacement des professeurs en instance de perfectionnement.

Pour ce qui est maintenant de l'enseignement des langues secondes, les budgets ont permis, l'an dernier, d'engager 190 conseillers pédagogiques. Des critères ont également été définis pour l'autorisation de l'enseignement de l'anglais au primaire, critères qui serviront à l'évaluation des projets des commissions scolaires. La révision du programme de français, langue seconde, en cours depuis quelques mois, sera complétée en juin 1979. Le programme révisé de l'anglais destiné au secondaire sera implanté dès septembre prochain.

Conformément à ce que j'annonçais l'an dernier, les programmes dits de langue d'origine, en l'occurrence les langues italienne et portugaise, ont été mis au point cette année et seront mis à l'essai dans la région de Montréal dès l'an prochain, avec la coopération des communautés intéressées. Nous avons aussi établi des contacts avec la communauté grecque pour l'organisation d'un enseignement de même nature.

Au chapitre de l'histoire et de la géographie, je puis vous dire que la révision du programme de sciences humaines au niveau primaire avait pour but d'accorder plus de temps à l'enseignement de l'histoire et de la géographie. Le programme deviendra disponible au printemps de 1979 et tiendra compte des conclusions du livre vert.

Au niveau secondaire, la révision du programme de géographie et d'histoire nationales se poursuivra jusqu'en juin 1979. Le programme d'histoire nationale destiné aux élèves du secteur professionnel pourra être utilisé dès septembre prochain. Il convient de rappeler que le programme d'histoire nationale est maintenant obligatoire pour fin de certification au niveau secondaire, secteur général, et nous étudions la possibilité de le rendre obligatoire pour la certification des élèves du secondaire professionnel. Il faudra cependant attendre les conclusions du livre vert avant de nous déterminer de façon définitive à ce sujet.

Pour ce qui est maintenant du plan de développement de l'éducation physique, l'élaboration du plan général de développement de cet enseignement s'est poursuivie au cours de l'an dernier. Nous avons consacré $5 millions pour les équipements légers et $5 autres millions pour l'aménagement des cours d'écoles, montant qui sera reconduit au cours de l'actuel exercice financier.

Une subvention de $3 millions a été affectée, en 1977/78, à l'engagement de conseillers pédagogiques en éducation physique. Cette somme passera à $3 600 000 pour l'année qui vient et un montant de $2 500 000 sera inclus dans le budget du ministère des Transports pour faciliter l'accès des équipements sportifs existants aux élèves du niveau primaire.

L'élaboration des programmes d'éducation physique pour le primaire et le secondaire a atteint sa phase finale. L'expérimentation aura lieu dans quelques commissions scolaires dès septembre qui vient et la généralisation, je devrais dire l'extension générale du programme, devrait aboutir en 1979/80.

Il convient que je vous fasse part de nos réalisations et de nos projets en ce qui concerne l'enseignement religieux. Nous avons, en 1977/78, révisé le programme d'enseignement religieux pour les élèves de la 6e année du primaire et élaboré de nouveaux programmes d'enseignement religieux et moral pour le second cycle du secondaire. Ces programmes pourront donc être implantés dès septembre prochain.

Nous avons aussi pris les mesures nécessaires pour que toutes les commissions scolaires puissent faire respecter les règlements du comité catholique en ce qui concerne la pastorale scolaire. Dans ce domaine, plus de $220 000 ont été affectés aux dépenses admissibles supplémentaires pour remédier à certaines carences. Pour 1978/79, le ministère a adopté des critères uniformes qui permettront

d'assurer la qualité des services de pastorale dans tout le Québec. A ce chapitre, chaque commission scolaire recevra, pour le primaire, une subvention de base de $2500, plus un montant de $0.50 par élève.

En outre, chaque direction régionale sera d'ici peu dotée d'un répondant à temps complet pour la coordination et l'animation des commissions scolaires en ce qui concerne l'enseignement moral et religieux ainsi que la pastorale scolaire.

Quant aux écoles protestantes, elles ont utilisé, pour le perfectionnement des enseignants, les subventions prévues, lesquelles seront reconduites au cours de l'année qui vient.

Quelques mots au sujet de l'enseignement des arts. A mon arrivée au ministère, j'ai constaté que le secteur de l'enseignement des arts souffrait, tout au moins au primaire, d'un certain nombre de carences qu'il importait de corriger. En 1977/78, nous avons précisé les mesures spéciales aptes à améliorer cet enseignement, mesures dont la mise en oeuvre nécessitera, au cours de l'année qui vient, des crédits de $1 300 000. Au cours de cette même année, je m'attacherai à préparer de nouvelles politiques dans ce domaine, en vue d'en faire une priorité, sans doute pour l'année suivante. (16 h 15)

Au chapitre de l'éducation en milieu défavorisé, les mesures visant à permettre aux enfants de ces milieux de trouver plus d'égalité de chances dans l'école ont été accentuées en 1977/78.

L'an dernier, le ministère avait augmenté à $5 500 000 les crédits à ce chapitre, comparativement à un peu plus de $3 millions en 1976/77. Le budget de 1978/79 prévoit des crédits de $7 400 000 pour la recherche et les interventions éducatives dans ces milieux. Il me paraît opportun de vous dire comment seront utilisés ces fonds.

En 1977/78, 53 commissions scolaires ont offert une aide particulière aux enfants de quatre ans, en engageant 142 jardinières pour les maternelles organisées à l'école ou à la maison.

L'an dernier, 16 commissions scolaires ont commencé à offrir une aide particulière aux adolescents des milieux défavorisés, à l'égard des problèmes d'absentéisme et de décrochage scolaire, de consommation de drogues ainsi que d'orientation scolaire et professionnelle. Ces mesures continueront de faire l'objet d'expériences en 1978/79.

Il y a maintenant quelques mois, le ministère a publié une étude des secteurs défavorisés au Québec, qui nous permet maintenant de repérer les commissions scolaires où des interventions seraient utiles.

Enfin, en 1977/78, le ministère amorçait la production de 125 émissions de la série télévisée "Passe-partout". Ces émissions viennent compléter l'action auprès des enfants de quatre ans des milieux défavorisés. Elles sont accompagnées de cahiers qui s'adressent aux enfants eux-mêmes, mais exigent également la contribution et la participation des parents. Le soutien à la série "Passe-partout" comprend aussi l'engagement d'éducateurs-animateurs chargés de faire le lien avec le milieu familial des enfants.

Toutes ces expériences et d'autres qui s'y ajouteront constituent le fondement concret d'une politique des interventions éducatives en milieu défavorisé; je compte rendre public, au cours de l'automne 1978, un document exposant ce que sera cette politique d'ensemble dont nous n'avons vu jusqu'ici que les premiers linéaments.

Je dois également vous dire quelques mots dans ce même contexte de la distribution du lait dans les écoles. En 1977/78, le ministère de l'Agriculture prenait l'initiative d'un nouveau programme qu'il entendait mener conjointement avec le ministère de l'Education, en vue de la distribution du lait dans les écoles primaires. L'année dernière, 56 commissions scolaires, dont 46 pour l'ensemble de leur clientèle et 10 pour une partie de leur clientèle, ainsi que 200 000 élèves ont bénéficié de ce programme.

En 1978/79, cette distribution gratuite du lait se fera auprès d'environ 350 000 élèves du niveau primaire et dans 136 commissions scolaires. Notre objectif est d'atteindre graduellement la distribution gratuite du lait à tous les élèves des écoles primaires dès septembre 1981.

Quelques mots de la décentralisation et de la déconcentration. Avant de vous entretenir du livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire, je tiens à dire quelques mots de la décentralisation administrative, laquelle demeure pour moi une préoccupation de premier plan. Le livre vert, vous ne l'ignorez pas, traite longuement de la question et présente trois hypothèses de gestion. L'une de ces hypothèses, la troisième, nous était imposée par le souci d'intégrer notre réflexion sur l'éducation aux préoccupations plus vastes du gouvernement qui, de son côté, poursuit des travaux en vue de décentraliser son administration.

En conséquence, nous avons dû ralentir quelque peu nos propres travaux afin de consulter la population à ce sujet. Entre-temps, nous avons poursuivi nos démarches de déconcentration qui, tout en étant de nature différente, viennent compléter et préparer la décentralisation. C'est ainsi que la Direction générale des réseaux, dont j'annonçais l'an dernier la création, est maintenant bien en place; elle se développera et se consolidera en 1978/79 en ajoutant 36 personnes et des crédits supplémentaires d'un montant de $875 000.

Deux autres mesures importantes ont été prises au cours de la dernière année en vue de favoriser la déconcentration administrative. L'une porte sur la création de directions régionales qui se voient confier une partie des mandats dévolus antérieurement aux unités centrales du ministère. Les deux directions régionales pilotes créées en 1977/78 ont travaillé de pair avec les commissions scolaires à faire l'expérience d'un nouveau mode de liaison administrative entre les commissions scolaires et le ministère.

Ces nouveaux rapports administratifs constituent, pour le ministère et les commissions scolaires, une démarche qui nous fait franchir un pas de plus vers la décentralisation. Selon ce nouveau mode de liaison, chaque commission scolaire doit préciser ses propres besoins et élaborer quatre

plans de développement portant sur ses services éducatifs, ses ressources humaines, ses équipements et ses ressources financières. Partant de ces plans, les commissions scolaires élaborent par la suite leurs demandes de ressources, lesquelles font l'objet d'analyses et de discussions avec la direction régionale. On veut ainsi éliminer les contrôles "a priori" du ministère et centrer davantage la discussion sur les besoins réels et les priorités de chacune des commissions scolaires.

Cette nouvelle manière d'administrer l'éducation a fait l'objet d'expériences, l'an dernier, dans 45 commissions scolaires. Les premiers résultats nous indiquent qu'il s'agit là non seulement d'un outil précieux de gestion plus décentralisée, mais également d'un instrument très utile à la planification interne des commissions scolaires. Cette expérience, qui ne constitue pas encore le large mouvement de décentralisation proposé dans le livre vert, en est, pour ainsi dire, le prélude, et, si j'en crois tout ce que j'ai pu entendre au cours de la tournée du livre vert, la population appuie très largement nos efforts de décentralisation.

Ces efforts en vue de déconcentrer également la gestion vont d'ailleurs s'accentuer au cours des prochains mois puisque nous entendons généraliser progressivement les deux mesures que je viens de décrire, après avoir procédé à l'évaluation des expériences entreprises dans les régions de l'Ou-taouais-Hull et du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Non sans avoir consulté les fédérations de commissions scolaires, nous voulons créer quatre nouvelles directions régionales en 1978/79 et parachever l'opération dès 1979/80 si possible; l'implantation des nouveaux rapports administratifs suivra de près la création de ces directions régionales et devrait s'étendre à toutes les commissions scolaires en 1980/81. C'est dire que j'espère avoir terminé cette vaste opération au cours du premier mandat du présent gouvernement.

Je ne saurais passer sous silence une démarche qui a fait l'objet de grands travaux et de tournées en 1977/78: le livre vert de l'enseignement primaire et secondaire.

Il y a quelques jours, j'ai terminé ma seconde tournée des régions du Québec, dont je disais volontiers qu'elle était celle de la moisson. J'avais, à l'automne, semé, à travers toutes les régions, le blé d'hiver, comme je me plaisais à l'appeler, et la moisson, somme toute, a été très drue. Je tiendrai en juin des audiences en vue de recueillir l'opinion des organismes d'envergure nationale sur les diverses hypothèses de travail proposées dans le livre vert, qui est avant tout un document destiné à la consultation de la population et des principaux agents de l'éducation en particulier.

Vous comprendrez qu'il ne saurait être question, dès maintenant, d'annoncer les décisions qui s'imposeront à la suite de cette vaste consultation. Je puis toutefois vous assurer que les décisions seront fondées sur les délibérations publiques qui, à mon avis, constituent un succès tout à fait inespéré. Un grand nombre de personnes et de groupements ont saisi l'occasion d'exprimer leurs besoins et leurs aspirations en matière d'éducation.

Voici d'ailleurs quelques chiffres, quelques faits qui en apportent la preuve. Quelque 585 000 exemplaires du livre vert ont été distribués. C'est près de trois fois le chiffre que nous avions prévu au départ. Environ 380 000 guides de lecture ou questionnaires ont été expédiés à ceux qui en ont fait la demande. Plus de 23 000 questionnaires avaient été retournés au ministère au milieu d'avril et il en arrive encore tous les jours; 20 000 de ces questionnaires représentent des réponses individuelles, tandis que plus de 3000 questionnaires ont été remplis par des groupes composés, en moyenne, de dix personnes. Quelque 1300 mémoires ou rapports de réunions d'étude nous sont parvenus; ils sont le fruit des délibérations de plus de 35 000 personnes et le résultat, la plupart du temps, d'une demi-journée, en moyenne, de discussion.

La tournée régionale que je viens de terminer m'a permis de prendre connaissance de 400 mémoires et parfois d'en discuter avec leurs auteurs, lorsque le temps le permettait. Il me reste encore entre 50 et 100 mémoires à recevoir des organismes nationaux et également des organismes scolaires anglophones.

Enfin, je recevrai, lors des audiences de la seconde moitié de juin, plus de 50 représentants d'organismes ou groupements nationaux qui déposeront un mémoire et me feront part de leurs opinions sur les diverses hypothèses du livre vert.

Le bilan partiel du déroulement de la consultation indique déjà que les espoirs que nous mettions dans la démarche de consultation entreprise au mois d'octobre 1977 ont été amplement comblés. Les nombreuses réactions enregistrées, la diversité des points de vue exprimés permettent déjà d'affirmer que le livre vert a pu franchir ce que j'appellerais le mur d'indifférence qui bloque souvent ce genre d'initiative, ce genre de consultation.

Dès l'automne prochain, je serai en mesure de rendre public un plan d'action comprenant les principaux éléments des démarches à court, à moyen ou à long terme que le gouvernement entend donner au livre vert.

Toutes ces actions n'épuisent pas, bien sûr, l'ensemble des réalisations du secteur primaire et secondaire en 1977/78, ni l'ensemble des projets pour 1978/79. J'ajoute qu'elles n'épuisent pas non plus les personnels dévoués du ministère de l'Education. Le cahier d'information, mis à votre disposition, vous permettra de compléter le tableau et de prendre connaissance des détails lors de l'étude de chaque activité, tâche vers laquelle nous pouvons maintenant nous tourner.

M. le Président, comme vous le constatez, je ne fais pas état immédiatement des crédits, des réalisations et des projets qui intéressent le secteur postsecondaire; je préfère réserver ma présentation pour le moment où, ayant adopté les crédits du secteur primaire et du secteur secondaire, nous aborderons les autres parties de l'étude des crédits, de sorte que mes propos seront plus frais à la mémoire des membres de cette commission, ce qui leur permettra d'en faire une critique plus perspicace. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Merci, M. le

ministre. Avant de donner la parole à d'autres membres de cette commission, il faudrait voir à nommer un rapporteur. Est-ce qu'un membre veut me suggérer quelqu'un?

M. Alfred: M. Paquette.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que M. Paquette accepte d'être rapporteur de cette commission?

M. Paquette: Oui.

Le Président (M. Dussault): Alors, M. Paquette sera rapporteur.

On a, je pense, conclu que j'avais appelé le bloc 1, qui apparaît sur la liste, à la table des matières que nous a fournie le ministre. Donc, appel du programme 4 et du programme 2, élément 1. (16 h 30)

Mme La voie-Roux: Je regrette, mais on pourrait peut-être faire quelques commentaires préalablement à l'étude de l'élément 2, ou peu importe.

Le Président (M. Dussault): Je m'excuse. Mme le député, je n'ai pas appelé le vote, je n'ai qu'appelé les éléments en question, parce que je ne l'avais pas fait.

Mme Lavoic-Roux: D'accord.

Le Président (M. Dussault): Ceci dit, je vous donne la parole, Mme le député de L'Acadie.

Remarques de l'Opposition Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je voudrais d'abord remercier le ministre et les fonctionnaires du ministère de l'Education pour nous avoir fait parvenir comme l'an dernier, mais peut-être d'une façon encore plus détaillée, les crédits ou les cahiers qu'ils ont préparés pour l'étude des crédits et je pense que ceci est extrêmement utile et replace les choses dans un ordre plus cohérent.

Ceci dit, je pense que personne ne s'étonnera de mes commentaires généraux sur le budget de l'éducation pour l'année 1978/79. Il est fort évident, en dépit de la présentation très élaborée du ministre sur l'enseignement primaire et secondaire, que l'éducation n'est plus la priorité du gouvernement et d'ailleurs ne l'a jamais été. Je pense qu'il ne s'agit pas ici de vouloir d'aucune façon exagérer les faits. Je pense que les chiffres sont devant nous, et quand on les retrouve à l'intérieur des commentaires du ministre, il s'agit d'une croissance de 3,8% comparée à 10,1%, l'an dernier, même si l'on tient compte de la diminution de la clientèle. Qu'il suffise de dire, par exemple, que, depuis trois ans, il n'y a eu indexation des dépenses que de 6% en 1977/78, et que cette indexation s'est faite à partir du budget de 1974/75, ce qui ne tenait même pas compte de l'inflation réelle qui avait eu lieu en 1975/76, et que si on calcule que l'inflation pour les trois dernières années veut dire au moins 25% à 26% et qu'on y retrouve une indexation de 6%, il est très clair que la qualité des services éducatifs diminue. D'ailleurs, ce fait a été dénoncé par les différents organismes, qu'il s'agisse des universités, des CEGEP ou des commissions scolaires ou des différentes associations d'enseignants.

Quand on parle d'une non-indexation, je pense que c'est peut-être une chose qu'un organisme scolaire ou une université peut porter pendant un an, mais je ne pense pas que ce soit un régime que l'on puisse subir, année après année, sans que finalement la qualité des services n'en souffre.

Puisque nous parlons plus particulièrement de l'enseignement primaire et secondaire, et le ministre en a parlé longuement, il faut aussi tenir compte de l'influence considérable qu'exerce aussi la diminution des clientèles sur les revenus des commissions scolaires, compte tenu que les subventions sont accordées per capita. En même temps qu'on est obligé d'absorber une diminution considérable de la clientèle, ce qui a des répercussions évidemment sur les frais d'administration, on doit égalment subir une non-indexation de l'inflation. Je réalise fort bien qu'il ne peut s'agir en 1977/78 ou 1979 d'expansion, compte tenu de la diminution de la clientèle, alors que même ceci devrait être nuancé, parce que je pense que, dans certains secteurs, on pourrait parler d'expansion, mais si on prend la moyenne générale, il ne faut peut-être pas parler d'expansion, mais il faut au moins parler d'un maintien de la qualité des services. Je le répète, encore une fois, cette qualité se trouve diminuée par ces contraintes budgétaires très sérieuses que le gouvernement fait porter à l'éducation. Ce qu'il ne faut pas oublier dans le cas des commissions scolaires, c'est que, comme l'a mentionné le ministre, les montants qui sont affectés aux salaires subissent l'indexation prévue dans les conventions collectives, soit les augmentations d'échelle, l'indexation due à l'inflation, si bien que les répercussions se font sentir sur les services aux étudiants, l'animation pédagogique, le personnel de soutien, les bibliothèques, qui sont vraiment des outils essentiels pour la qualité de l'éducation.

Sans aucun doute, on retrouve un ajout de $1 million pris dans le programme de développement des langues pour les bibliothèques du Québec. Encore faut-il réaliser que ce million, si on tient compte que la population scolaire à l'élémentaire est de 1 230 000, à peu près, et que les commissions scolaires ont également dû subir la fameuse politique du livre qui a augmenté le coût d'acquisition des livres, je n'ai pas fait le calcul, mais j'imagine que je n'exagère rien en disant que ça peut valoir entre $0.85 et $0.90 par élève.

Alors, loin de penser qu'à ce moment-ci c'est un grand essor pour les bibliothèques, je pense que ça ne compense même pas la politique du livre et la non-indexation des normes.

Je voudrais également citer le Conseil des universités, qui s'étonne et s'inquiète du fait que cette nouvelle politique de restriction des ressources effectuées à l'enseignement supérieur — parce que je discute du budget d'une façon générale — soit mise en vigueur avant que la Commission d'étude sur les universités n'ait remis son rapport

et sans même que le ministère de l'Education ne se soit prononcé sur des priorités internes de l'enseignement supérieur dans un document final sur les stratégies triennales de 1978-1981.

On commente, un peu plus loin, les conséquences sur l'enseignement supérieur de cette austérité des budgets de l'éducation et je cite: "II est difficile, à ce moment-ci, de mesurer l'impact d'une telle coupure sur l'évolution de l'enseignement supérieur au Québec, surtout qu'il n'a pas été précisé de façon très claire s'il s'agissait d'une mesure ponctuelle ou plutôt d'une première étape vers un objectif plus ambitieux de limitation des dépenses dans ce secteur. La coupure proposée par le gouvernement touche les universités au moment où celles-ci n'ont pas terminé leur phase de croissance et où elles peuvent compter sur des accroissements de clientèle pour quelques années encore. Elle implique donc une baisse dans le volume et la qualité des services qui ne peut être compensée par une augmentation équivalente de la productivité des établissements.

Encore une fois, je suis prête à admettre que, dans une première année, un certain resserrement ou une non-indexation de 7% ou 8% puisse même obliger à une rationalisation de l'administration, mais pas quand, d'une part, cette non-indexation se reproduit durant plusieurs années consécutives et, en plus, quand elle s'accompagne de coupures, tel que prévu dans le cas des universités.

Pour ce qui est du cahier qui nous a été remis et compte tenu des déclarations d'intention qui nous avaient été transmises par le ministre de l'Education en deux occasions l'an dernier, une fois au mois de mars devant le Conseil supérieur de l'éducation et, l'autre fois, à l'occasion de l'ouverture de l'étude des crédits du ministère de l'Education, inutile de vous dire que le bilan très ronflant que tente de nous présenter le ministre de l'Education est loin d'être aussi reluisant qu'il voudrait bien qu'on le croie.

Je dirais, d'une façon générale, à lire et à écouter la lecture que nous en a faite le ministre, que, dans la très grande majorité des cas, il s'agit d'activités du ministère qui se sont continuées à partir de travaux qui étaient déjà entrepris. Je citerai de mémoire deux exemples qui me reviennent: la révision des programmes de français pour la sixième année... Ils avaient déjà été faits pour les autres années, antérieurement à la venue du gouvernement. C'est une continuation.

Si on parle de la déconcentration — il est plus juste de parler de déconcentration que de décentralisation, ce que le ministre admet, je pense — c'étaient également des projets qui avaient été mis de l'avant avec les commissions scolaires de l'Outaouais et de la région de la Gaspésie avant son arrivée au ministère. On ne fait que continuer ce qui était amorcé.

Je me permettrai cependant une seule remarque à cet égard. Une chose m'a un peu inquiétée, sans vouloirentrerdans le détail; on aura l'occasion d'y revenir. Le ministre se propose d'étendre cet effort de déconcentration vers quatres autres commissions scolaires et éventuellement de compléter vers les années 1979/80. Mais il dit: "Nos efforts en vue de déconcentrer la gestion vont d'ailleurs s'accentuer au cours des prochaines années, après avoir procédé à l'évaluation des expériences entreprises dans les régions de l'Outaouais-Hull et du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Je me permettrai une question: Est-ce que les évaluations ont été faites ou allez-vous les faire?

M. Morin (Sauvé): Nous allons les faire.

Mme Lavoie-Roux: C'est un peu étrange que vous décidiez d'étendre à quatre autres régions, et éventuellement à toutes les régions, alors que ces deux premières expériences n'ont pas été évaluées.

M. Morin (Sauvé): Je veux dire, madame, que l'évaluation globale, faisant l'objet d'un rapport, n'est pas encore terminée. Bien sûr, tout au long de l'expérience, nous l'avons suivie quotidiennement et nous constatons que le fonctionnement de ces directions régionales, est satisfaisant. C'est ce qui nous porte à étendre l'expérience.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre admettra quand même qu'au texte, c'est pour le moins ambigu.

Puisque nous sommes dans la déconcentration et que j'ai abordé un peu plus en particulier cette question, je serais heureuse, au courant de l'étude des budgets, que le ministre ait l'occasion de définir un peu mieux ce qu'il entrevoit du point de vue de la décentralisation. On sait que, d'une part, il y a le livre vert, dans lequel il y a certaines contradictions et que, d'autre part, ici, le ministre fait beaucoup plus état de la déconcentration que de la décentralisation qu'il voit comme une démarche préalable, ceci dans le but de rassurer, dans la mesure du possible, les différents agents de l'éducation. On me disait — et je le dis sous toutes réserves, M. le Président — qu'à une réunion desdirecteurs généraux qui avait lieu la fin de semaine dernière dans la région de Chicoutimi, un des sous-ministres qui était présent aurait laissé entendre qu'il n'était pas question de décentralisation. Je le répète, et je le dis sous toutes réserves, mais il reste que les commissions scolaires jusqu'à maintenant, même si elles ont fait des erreurs, ont quand même assuré et permis qu'on ait au Québec des services éducatifs, aux niveaux élémentaire et secondaire, qui servent assez bien la population, même s'il y a des améliorations à apporter. Il y a deux mois, le ministre de l'Education et apparemment le ministre des Finance, quoique j'en sois moins certaine, faisaient marche arrière sur la question du transfert de l'impôt foncier aux municipalités. Tout semble indiquer que, pour la prochaine rencontre sur la fiscalité qui aura lieu avec les municipalités incessamment, dans une quinzaine de jours, le sort soit jeté ou les dés déjà tirés en ce sens que tout l'impôt foncier passerait aux municipalités.

Si tel est le cas, j'aimerais que le ministre puisse nous assurer qu'il y aura, non pas à l'automne, mais en même temps que cette politique pourra être adoptée, au moyen d'une législation quelconque, qu'on assure les commissions scolaires d'une source autonome de revenu. (16 h 45)

J'aimerais rappeler ici — du moins, on le cite, je ne sais pas si c'est exact — que, dans le Soleil du 2 avril 1977, le ministre de l'Education, le ministre Morin aurait dit: "La supression de l'impôt foncier scolaire pourrait conduire à l'irresponsabilité financière dans les commissions scolaires."

J'avais eu l'impression, jusqu'au moment où le gouvernement avait fait marche arrière il y a une couple de mois sur cette question de fiscalité, que le ministre de l'Education était quand même sensible à cette autonomie de financement des commissions scolaires, quelle que soit la forme qu'elle prenne, et qu'au moins on en soit assuré. Ceci contrasterait passablement avec ce qui semble être maintenant presque acquis, que tout l'impôt foncier va passer aux municipalités. Je voyais un de vos députés qui me faisait de grands signes af-firmatifs. Si vous voulez contredire M. le ministre, j'en serais fort aise et cela rassurerait bien davantage les commissions scolaires que moi-même. Ce sont bien davantage elles qui sont en cause que ma propre personne.

M. Morin (Sauvé): II faut distinguer, Mme le député, si vous me le permettez...

Mme Lavoie-Roux: Oui, certainement.

M. Morin (Sauvé): ... entre l'impôt normalisé et l'impôt pour fins de dépenses non subventionnées, ce qu'on appelle quelquefois les "inadmissibles".

Mme Lavoie-Roux: II resterait de l'impôt foncier pour les commissions scolaires?

M. Morin (Sauvé): Effectivement. Mme Lavoie-Roux: Ah bon! Je...

M. Morin (Sauvé): Dans l'hypothèse actuelle, oui.

Mme Lavoie-Roux: Dans l'hypothèse actuelle. J'espère que vous allez persister dans vos bonnes intentions, lesquelles ne seront peut-être pas nécessairement celles de vos collègues. Mais je sais que c'est une question qui les inquiète beaucoup et je pense que, durant ces deux années où, quand même, le monde scolaire connaît une paix relative due, comme l'indiquait quelqu'un en fin de semaine, au fait que, peut-être le plus beau cadeau que le gouvernement actuel a reçu, cela a été des conventions signées quand il est arrivé au pouvoir, je pense, dis-je, qu'on devrait profiter de ces deux années pour peut-être, au lieu de soulever des conflits je ne sais pas à quel point utiles, essayer quand même de consolider ce qui existe.

Ceci m'amène à parler d'un autre point sur lequel le discours d'introduction du ministre est tout à fait silencieux, c'est la question des prochaines négociations collectives. J'aimerais peut-être que, dans les jours qui vont suivre, le ministre de l'Education nous donne son point de vue sur ce que devrait être le rôle des commissions scolaires et du ministère de l'Education dans toute cette question des négociations collectives.

Le ministre du Travail a peut-être — d'ailleurs, on l'a vu dans un de ses écrits qui a été publié — tendance, à moins que ce soit une conviction très profonde — on va parler de tendance pour le moment — à penser qu'à la fois l'Etat et les commissions scolaires sont, de fait, des employeurs des personnels des commissions scolaires. Si tel était le cas, je pense qu'il y a un très petit pas à franchir pour que, finalement, l'Etat ou le gouvernement devienne le seul employeur des commissions scolaires. J'aimerais mettre le gouvernement en garde contre une telle approche.

J'aimerais également que le ministre nous indique, dans le cas des négociations présentement en cours avec les enseignants anglo-catholiques, où en sont rendues ces négociations. Je sais que certains mandats d'ordre mineur ont été donnés aux négociateurs du gouvernement. Quand les mandats plus significatifs seront-ils donnés, de telle sorte que, lorsque la convention sera échue, le 30 juin, on en soit quand même passablement avancé dans cette question de la négociation avec les anglo-catholiques?

Dans le bilan dont le ministre a fait état, je voudrais quand même rendre à César ce qui appartient à César, il y a des choses qui sont vraiment, je pense, de l'initiative du gouvernement actuel. Je voudrais entre autres signaler, à moins que je ne me trompe et que cela ait débuté avant que le gouvernement actuel soit ici, mais j'en doute, celle de la...

Je voudrais entre autres signaler — à moins que je ne me trompe et que cela ait débuté avant que le gouvernement actuel ne soit ici, mais j'en doute — d'abord l'obligation du programme d'histoire, pour la certification; je sais que c'est une décision du ministre actuel, et, également, le programme qui a été développé pour les élèves du secondaire professionnel. Je pense que c'est également une initiative du ministre, actuel. Tout ce que je souhaite, c'est que la fameuse grille horaire permette de l'intégrer, parce que c'est tout à fait anormal que, par exemple, dans des écoles où il y a 40% à 50% d'étudiants qui sont au professionnel, on n'ait aucune notion d'histoire en terminant ses études. On sait fort bien, d'ailleurs, le ministre l'admettait l'an dernier, que les difficultés d'adaptation à la grille horaire empêchaient que le programme d'histoire soit donné. Egalement, je pense que les initiatives vis-à-vis de l'enseignement — je ne sais pas si on peut parler de I'enseignement — de l'animation pastorale à l'élémen-taire, sont des initiatives du gouvernement actuel qui se continuent cette année.

Je veux féliciter le ministre pour les initiatives qu'il songe à prendre dans le domaine des arts. Alors qu'au secondaire, du moins, pour un certain nombre d'élèves — cela dépend du nombre d'élèves qui s'en prévalent, quand même, avec les options — il y a quand même des ressources qui sont intéressantes, alors que, pour l'élémentaire, c'était vraiment très épisodique, si je peux dire, ou sporadique d'une école à l'autre ou d'une commis-

sion scolaire à l'autre, je pense qu'une intervention s'imposait dans ce domaine. Ce sont là des initiatives du gouvernement actuel, que je veux reconnaître.

Quand on arrive dans d'autres domaines de la révision des programmes, en français et même en histoire, du réexamen des programmes d'enseignement religieux, c'étaient là des choses qui avaient déjà été amorcées sous l'ancien gouvernement, et je l'ai déjà mentionné.

Je voudrais faire quelques remarques sur ce qui m'apparaît des absences assez sérieuses de la part du ministre, du moins dans ce document d'introduction. En ce qui concerne l'éducation des adultes, je pense, je l'ai dit l'an dernier et je le répète cette année, qu'il y a une nécessité de l'établissement d'une politique globale en éducation des adultes, et peut-être le ministre nous le réserve-t-il quand il arrivera au collégial et à l'université, mais je pense qu'il y a quand même une très grande responsabilité que les commissions scolaires prennent, présentement, à l'égard de l'éducation des adultes. Cette non-cohérence entre les différents niveaux d'enseignement, eu égard à cet enseignement, est regrettable, à moins qu'il y ait quelque chose de beaucoup plus précis, mais cela m'étonne qu'on n'ait quand même pas commencé à en parler au niveau de l'enseignement élémentaire et secondaire.

Le ministre est également assez muet sur la question de l'intégration des enfants qui relèvent présentement du secteur de l'enfance inadaptée. Je voudrais souligner, en passant, la présence de Mme Baron, dont nous n'avions pas eu le plaisir d'avoir la compagnie l'an dernier, ce qui m'a fait souligner, en fait, que, quand vous n'y êtes pas, l'élément féminin au ministère de l'Education est inexistant à cette étude des crédits. Je vois qu'on ne s'est pas repeuplé du côté de la gent féminine dans le ministère de l'Education. Si on me permet...

M. Morin (Sauvé): Cela viendra.

Mme Lavoie-Roux: Oui. C'est ce que vous m'aviez dit, l'an dernier. Vous n'avez pas encore trouvé les bonnes personnes. Cela prend beaucoup de temps.

M. Morin (Sauvé): Oui, cela demande de la patience, mais nous y viendrons.

Mme Lavoie-Roux: Si, au moins, j'étais sûre que c'est l'unique raison. Comme, aujourd'hui, j'ai bien ri quand j'ai trouvé par hasard, sur mon pupitre — et je pense que cela vaut la peine de le souligner — l'école coopérative et l'école sexiste. Je pense qu'il faut rendre hommage au Conseil consultatif de la femme. C'est un premier geste qui est posé. La seule chose que j'ai trouvée — et on me corrigera si je fais erreur, c'est peut-être le cas de toutes les écoles coopératives, mais je ne pourrais pas en jurer — c'est que tous les articles semblent avoir été écrits par des personnes qui sont à l'extérieur du ministère. Est-ce que je me trompe?

M. Morin (Sauvé): En général, dans cette revue, oui.

Mme Lavoie-Roux: Bon! Alors, j'ai hâte que vous ayez un produit authentique qui viendrait de l'intérieur du ministère. Mais, entre-temps, il y a toujours un commencement quelque part. Alors, il convient de le souligner.

Pour revenir à l'enfance inadaptée — j'ai fait cette longue disgression en pensant à Mme Baron — c'est cette intégration des élèves qui éprouvent des difficultés d'apprentissage. Il y a eu le rapport COPEX. Je pense qu'il y a un plan de développement, à l'intérieur du ministère, qui veut faciliter cette intégration des enfants inadaptés à l'enseignement régulier. Mais, quand on regarde les chiffres que le ministère nous a remis cette année, on voit que — je le dis de mémoire — de 1976 à 1977, on passe de 93 000 à 100 000 et là, je réalise qu'il s'agit de l'intégration des enfants du MAS. C'est normal. Parce qu'on les a intégrés, cela a gonflé le nombre pendant cette année. Mais, en 1977/78, on se retrouve avec 103 000 enfants; je pense qu'il y a lieu de faire un examen sérieux pour savoir dans quelle mesure ce plan de développement — je crois qu'il existe, du moins — est implanté dans les diverses commissions scolaires et il serait intéressant ultérieurement que, peut-être, le ministère nous produise des statistiques, que j'appellerais régionales et même compte tenu des commissions scolaires, sur le type de clientèles d'enfance inadaptée qu'on y retrouve et, également, sur le pourcentage de cette clientèle identifiée comme enfance inadaptée par rapport à une région ou à une commission scolaire donnée, pour faire un examen sérieux du problème et apporter les correctifs qui s'imposeraient. D'ailleurs, il faut dire que le livre vert ne parlait pas non plus de l'enfance inadaptée.

Du côté de la formation de professionnels, je vois encore, compte tenu de ce que le ministre nous a remis, qu'il ne s'agit pas d'une priorité du gouvernement. Sans doute, on en parle dans le livre vert, mais si peu, si ce n'est pour essayer de présenter des grilles horaires pour les étudiants à partir des secondaires III, IV et V, et, pourtant, il y a là un domaine qui a besoin d'être revalorisé, d'être mieux articulé avec le monde du travail et aussi pour ne pas avoir tendance à toujours le considérer comme un sous-produit de l'enseignement général, mais vraiment l'intégrer à l'enseignement général. Mais peut-être que ceci ne pourra être réalisé qu'au moment où les exigences d'admission aux CEGEP auront été révisées. En passant, je dois regretter que le livre blanc sur l'enseignement collégial n'ait pas encore été déposé, même s'il nous avait été, ne disons pas promis, mais disons annoncé pour l'automne dernier. Je pense que nous aurons l'occasion d'y revenir un peu plus tard.

Du côté de l'enseignement des langues, j'aimerais beaucoup que le ministre, qui nous avait dit l'an dernier, au moment de l'étude des crédits, qu'il avait reçu un rapport du ministère touchant l'enseignement des langues... Je regrette que nous n'ayons pas encore reçu ce mémoire... Même si, à

satiété, on répète que l'enseignement des langues secondes est une priorité du ministère, ce que je retrouve dans le bilan de l'an dernier, tant pour l'enseignement du français que pour l'enseignement des langues secondes, c'est simplement la continuation du fameux plan Cloutier qui était étalé sur cinq ans, et on décide, cette année, de nouveaux crédits pour le prolonger davantage.

Je voudrais dire quelques mots sur le surplus de personnel. Je dois dire que j'ai été un peu — c'est peut-être du scandale facile, me dira-t-on — j'ai quand même été un peu scandalisée du document d'information sur la sécurité d'emploi du personnel des commissions scolaires qui nous est parvenu du gouvernement du Québec, ministère de l'Education, en date du 16 mai 1978, où on essaie de rassurer les gens. A peine 2,6% de l'ensemble du personnel de toutes les commissions scolaires du Québec seraient en surplus pour l'année scolaire 1978/79. Ne vous inquiétez pas, à peine 2700 personnes pourraient se trouver en disponibilité. De ce nombre, 2237 seront des enseignants. ( 17 heures)

Sans aucun doute, le ministre a voulu nous rassurer en disant que tout ce beau monde va probablement être réembauché, compte tenu des mises à la retraite, enfin, de tous les autres facteurs qui ont été énumérés. Mais j'ai l'impression que c'est la réaction de personnes qui n'ont jamais été menacées dans leur emploi. Je ne devrais peut-être pas dire cela d'un député, mais de fonctionnaires qui n'ont jamais senti une menace à la sécurité de leur emploi, de nous envoyer, d'un ton aussi débonnaire, cette évaluation de 2700 personnes salariées qui se retrouvent en disponibilité, je pense qu'il y a quand même lieu de s'inquiéter. J'aimerais demander au ministre si, compte tenu des prochaines clauses des conventions ou des prochaines dispositions des conventions collectives qui seront négociées, l'an prochain, il entrevoit des modifications dans le sens de cette mise en disponibilité des enseignants et peut-être davantage dans l'utilisation des enseignants qui sont mis en disponibilité.

L'an dernier, je lui faisais la suggestion que certaines de ces personnes pourraient être utilisées comme personnel de soutien dans des — et vous n'aviez pas dit non, M. le ministre...

M. Morin (Sauvé): Personnel de soutien spécialisé?

Mme Lavoie-Roux: Personnel de soutien dans des régions plus défavorisées, pour aider les professeurs en charge. Est-ce qu'on a envisagé, par exemple, la possibilité que, durant leur année de disponibilité, on les recycle à l'université parce qu'évidemment il y a une question de recyclage des professeurs aussi? Quoique, là encore, et là-dessus peut-être que le ministre pourra nous informer plus tard, comment concilier ce problème de recyclage adéquat ou opportun des professeurs avec les dispositions de la convention collective qui font que c'est l'ancienneté qui a priorité? Alors, je pense que ce sont des questions sur lesquelles nous pourrons revenir, mais il ne faudrait quand même pas minimiser le fait que, dans certaines commissions scolaires, il y a des professeurs qui sont mis en disponibilité, cette année, et qui ont jusqu'à neuf ans d'expérience. Vous savez, quand on a dix ans d'expérience — pour arrondir les chiffres — et que, tout à coup, on connaît cette insécurité, je pense qu'il faut quand même réfléchir sérieusement. Sommes-nous tellement riches qu'on puisse se dispenser de professeurs qui ont des qualifications?

Un dernier mot, je voudrais parler des interventions en milieux défavorisés. Là encore, le ministre, lors des crédits de l'an dernier, avait annoncé qu'il nous remettrait un plan de développement touchant l'enseignement ou les interventions en milieux défavorisés. Vous nous l'annoncez maintenant, je pense, pour la moisson d'automne. C'est bien cela?

M. Morin (Sauvé): Les milieux défavorisés?

Mme Lavoie-Roux: Oui, votre politique de développement.

M. Morin (Sauvé): Oui, dans le courant de l'année qui vient.

Mme Lavoie-Roux: Dans le courant de l'année qui vient! Dépêchez-vous avant la fin de votre mandat!

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Lavoie-Roux: Je pense qu'il est inutile, mais je le soulignerai encore... Les gens qui oeuvrent dans ces milieux ont nettement l'impression que ce n'est pas une priorité pour le gouvernement. Sans aucun doute, il y a la fameuse émission "Passe-partout" , mais qui, encore une fois — même si les animateurs sont davantage affectés à des zones plus défavorisées — s'adresse à toute la population, et qui ne semble pas — à moins que le plan de développement promis en comporte — comporter d'interventions qui impliquent directement les milieux. Cette action de "Passe-partout" demeure toujours une opération très marginale, en fonction des vraies besoins et des mesures d'intervention qui pourraient être plus bénéfiques dans les zones défavorisées.

M. le Président, j'arrête ici mes remarques en disant simplement, et je le réitère, que l'éducation n'est plus une priorité du gouvernement. Autant j'en suis qu'on doive à certains moments revoir ces priorités, autant j'en suis qu'on ne doive pas penser à une expansion compte tenu de la diminution de la clientèle. Il m'apparaît quand même très sérieux qu'on permette de prendre du retard à l'éducation. Je ne citerai que les universités qui disent justement: Nous sommes encore en période de croissance. Je pense que ce rapport a été soumis au ministre par le Conseil des universités. Quand on regarde le retard des universités du Québec par rapport aux universités de l'Ontario... Il n'y a pas trois jours, l'Office de la langue française publiait une étude dans laquelle il disait qu'on ne pouvait pas encore répondre, au moins

dans certains secteurs, à la demande, par exemple, dans l'administration, compte tenu des diplômés qui sortent des universités françaises. Je pense que ce sont là des questions sérieuses qu'il faut examiner de près avant de sabrer d'une façon un peu arbitraire dans les budgets de l'éducation. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Gaspé.

M. Michel Le Moignan

M. Le Moignan: M. le Président, mes premières paroles seront pour féliciter le ministre et tous ceux qui lui ont facilité la tâche dans la préparation de ces trois cahiers qui nous furent remis. Ce sont de magnifiques instruments de travail enrichis de tableaux, de statistiques, d'explications, qui nous donnent en même temps un vaste éventail de cet univers de l'enseignement, je devrais plutôt dire ce portrait de l'éducation que nous essayons ici, tous ensemble, autour de cette table, de bien scruter, de bien étudier.

Comme Mme le député de L'Acadie l'a mentionné, si le ministère accorde des crédits à la pastorale, à l'enseignement religieux ou moral, c'est que le ministre sait très bien qu'il est un peu responsable de l'âme de la nation; je prends l'âme au sens moral, non pas au sens religieux.

Il m'arrive quotidiennement de répéter certaines paroles. Ce matin, peut-être par distraction, en disant per ipsum et cum ipso, pour lui et avec lui et en lui, j'ai dit: Ce serait peut-être une excellente devise pour le ministère de l'Education, parce que si l'enfant ou l'étudiant est au centre de l'école, s'il est au coeur de l'école, j'ose croire que la moisson va tomber en bonne terre.

Quand on pense aux crédits du ministère de l'Education, à toutes ses implications, il serait bon de nous arrêter quelques instants à ce projet éducatif global. Le but de l'école, après tout, c'est de préparer les jeunes pour la vie. Cette vie devrait être fructueuse, devrait être heureuse pour le jeune qui entre à l'école, pas seulement avec l'intention d'obtenir un diplôme à l'université, ou encore de se procurer du travail dans l'industrie, ou de gagner de l'argent. Quand on pense à l'éducation, et c'est cela qui résume en un seul mot tout ce projet global, ce projet éducatif dans un projet de société... je crois que si nous réussissons à former des hommes et des femmes avant tout, par la suite ils pourront devenir de bons travailleurs ponctuels, loyaux, actifs, des hommes et des femmes de caractère et, à ce moment-là, nous aurons déjà assuré l'avenir de la collectivité québécoise.

Je sais que le ministère de l'Education se doit aussi d'être pragmatique. Il y a tellement d'implications concrètes, quand on sait que c'est une très grosse machine, qu'il y a des milliers de fonctionnaires, qu'il y a des milliards de dollars impliqués dans tout cela, mais je sais que ceci n'enlève aucune des préoccupations du ministre qui sait qu'il est d'abord le ministre de l'Education. Je crois qu'à ce stade-ci, ce qui nous préoccupe, ce que nous devons essayer d'inculquer aux jeunes, ce sont certaines notions, par exemple, dans quelle société nous voulons vivre demain, quelle sorte de citoyens nous voulons former pour cette société de demain.

C'est encore l'éducation qui va apporter la réponse, beaucoup plus que d'autres domaines dont nous avons étudié les crédits. Le débat de qui de l'oeuf et de la poule vient en premier nous amène peut-être à regarder aussi la société ou l'éducation ou bien l'éducation dans la société, je crois qu'il n'y a pas tellement de discussion et, comme je l'indiquais tout à l'heure, le souci du ministre est d'équilibrer un budget. Il n'y a aucun doute là-dedans; il doit nous fournir des statistiques, il doit travailler sur des grilles horaires et nous sommes dans une société qui évolue tellement vite, d'ailleurs, on le sent du côté des sciences, du côté de la médecine qu'après cinq ou dix ans, on doit se recycler, on doit essayer de se replonger davantage.

Imaginez-vous quand on arrive au plan pratique de l'éducation, quand on regarde cet enfant qui, déjà, à sa naissance, est un citoyen à part entière, c'est un produit brut, si je peux me permettre cette explication, qu'il faut, j'allais dire "encanner", ce n'est pas le sens, mais un produit qu'il faut finir, qu'il faut aider à se développer, à se parfaire en cours de route. Il n'y a pas de question d'âge là-dedans.

Je crois que les intentions du ministère devraient nous être explicitées davantage, à partir de la prématernelle ou de la maternelle préscolaire, et aussi les préoccupations du ministère quant à l'éducation permanente. Notre société a tellement évolué, Dieu merci, au cours des dernières années, que l'éducation n'est plus une question d'âge. A un certain moment, on parlait de forcer les élèves à demeurer à l'école, à 14 ans, à 15 ans ou peut-être à 16 ans, alors qu'aujourd'hui, on voit des milliers d'adultes qui recommencent ou qui continuent des études. C'est ça qui est très encourageant et je crois que ceci devrait permettre au ministère de nous apporter beaucoup d'autres précisions sur certaines propositions en général qui ont été annoncées aujourd'hui par le ministre.

On a mentionné tout à l'heure le livre vert. Il nous faudrait bien connaître un jour les propositions précises de la volonté gouvernementale dans beaucoup de secteurs qui demeurent encore des points d'interrogation: livre blanc sur l'enseignement collégial, livre blanc sur l'enseignement universitaire, même si nous n'en discutons pas à ce moment-ci, il y a de nombreuses politiques gouvernementales que nous avons tous intérêt à connaître. L'avenir, par exemple, du secteur privé, on en a discuté en fin de semaine. Il y a aussi la politique de l'accès à la recherche scientifique. On revient cette année au développement, à l'encouragement à l'étude de l'histoire et de la géographie, je ne sais pas si on a oublié l'insertion des cours d'économie au milieu de ce programme, on a parlé des professionnels et du général. Peut-être qu'un jour, il faudra repenser ces notions qui semblent jeter de la discrimination à l'intérieur de

certaines écoles, alors que les élèves du secteur professionnel se sentent un peu laissés de côté par rapport à ceux de l'enseignement général. (17 h 15)

Ceci dit, tout le système de l'éducation doit s'insérer dans le vécu du secteur. Certaines études, certaines demandes, certains mémoires ont été exposés et on insiste tellement sur l'insertion de l'école dans le milieu, que ce soit Saint-Henri, à Montréal, qui n'est pas nécessairement Saint-Sauveur, à Québec, ou d'autres qu'on peut puiser à travers toute la province...

Ensuite, il y a le rôle de l'école dans le milieu. Je crois que le ministère est très au courant de certaines difficultés, de ce climat de méfiance qui existe depuis trop d'années, à mon point de vue, entre les parents et la direction de l'école. Souvent, la direction de l'école semble craindre les parents. On se demande ce que les parents viennent faire là-dedans; qu'ils restent donc à la maison. Ils nous ont confié un mandat, c'est à nous de l'exercer. Les parents, souvent, ont peur des professeurs; ils craignent l'endoctrinement. Ceci crée certains malaises. Le gouvernement a certainement un rôle à jouer pour rétablir ce climat de confiance face aux futures conventions collectives, comme on vient de le mentionner.

S'il y a cette interaction, cette adéquation, si, toujours, on agit pour lui et avec lui, si on pense à l'enfant qui est là, au coeur de l'école, on va penser aussi en termes de perfectionnement des maîtres. Je sais que c'est une des préoccupations du gouvernement. Cela a été mentionné aujourd'hui.

Il faudrait aussi que le rôle et la place des parents soient mieux définis au sein de l'école. Il y a tout notre système pédagogique aussi qui fait l'objet de nombreuses études et il y a les difficultés d'apprentissage. Quand on sait qu'il y a un nombre effarant d'enfants qui sont classés dans cette catégorie — je n'ai pas de pourcentage, je n'ai pas de chiffres — ceci nous amène à nous interroger sérieusement. On se demande si le système n'est pas en difficulté, le système lui-même, s'il n'est pas en difficulté de convenance, en difficulté d'affinités, de conformité avec son affectation, sa destination. Il y a des surdoués, il y a des sous-doués, il y a des enfants handicapés. Je sais qu'on fait des efforts, il y a des écoles spéciales. C'est un point très important. Dans nos milieux ruraux, on sait qu'il y a beaucoup d'enfants qui n'ont pas les possibilités. Ce n'est pas facile pour le gouvernement, vous allez me dire, de s'occuper de ces cas marginaux spéciaux qui, souvent, ne fréquentent à peu près pas l'école, alors que si on pouvait l'organiser, il pourrait y avoir au moins les éléments pour apprendre à lire et à écrire. Ce sont des enfants qui sont vraiment retardés pour de nombreuses causes.

Je crois que si l'on veut faire de l'éducation ce projet collectif, ce projet global, cela va être plus facile quand nous entrerons dans l'étude des crédits, dans le détail de chacun des programmes, de mieux saisir là où réellement nous pourrons rendre service. Les conditions et les relations de travail au sein du secteur sont en relation directe avec le climat du milieu et la propension à l'étude et à l'acquisition des connaissances. En somme, si on veut former un homme, si on veut former une femme, il faut qu'ils soient à l'école dans les meilleures conditions possible, dans des conditions favorables. L'école n'est pas seulement un lieu d'enseignement, ce n'est pas seulement un endroit pour acquérir des connaissances. C'est aussi le lieu privilégié de la "socialisation". L'enfant, c'est un être social, qui va devenir membre d'une société. S'il sait qu'il a un rôle important à jouer dans cette société, je pense qu'il va être porté à acquérir les valeurs fondamentales et il va essayer de réaliser lui-même ce qu'il doit être comme individu dans cette société.

Quand on voit les jeunes aujourd'hui, même en bas âge, quand on voit, grâce à la télévision et à beaucoup d'autres moyens, les possibilités de développement, les questions qu'ils posent à leurs parents, ou qu'ils nous posent sur l'avenir, à ce moment-là, je crois que cela devient tellement encourageant que le gouvernement doit continuer à travailler dans ce sens-là, et à ne négliger aucun effort pour que l'enfant soit vraiment, au coeur de l'école, l'être privilégié. Et je termine avec ceci, M. le Président, pour l'instant.

Le Président (M. Dussault): M. le député de... Le comté m'échappe.

M. Alfred: Papineau.

Le Président (M. Dussault): ... Papineau.

Mme Lavoie-Roux: Comment pouvez-vous oublier!

Autres interventions M. Jean Alfred

M. Alfred: M. le Président, je siège à une commission dont dépend le devenir même de l'homme québécois de demain. Ce qui m'intéresse surtout dans tout ce débat, c'est l'acte pédagogique, cet acte qui va permettre à nos jeunes Québécois de demain de se révéler vraiment des gars et des femmes capables de prendre la relève, de nous remplacer.

Nous avons parlé beaucoup de l'argent, mais, à mon humble avis, ce qui est important pour nous, maintenant, c'est une affectation rationnelle de l'argent que nous dépensons pour l'éducation. Je pense que le ministre des Finances, en collaboration sûrement avec le ministre de l'Education, a trouvé un bon moyen d'affecter rationnellement cet argent, parce qu'on peut dépenser beaucoup d'argent et, pourtant, on peut ne pas améliorer l'acte pédagogique.

Ce qu'il nous faut, M. le Président, c'est avoir d'abord et avant tout, dans cet acte pédagogique, des maîtres qui sont réellement des maîtres complets, formés, des maîtres modèles, stables et non figés, pour pouvoir élaborer une véritable relation pédagogique où nos élèves sont heureux dans la salle de classe où ils sont.

Je suis content que le ministre ait augmenté l'argent pour le perfectionnement des maîtres. Il faut le souligner, c'est très important. Cet argent qui a été augmenté pour ce perfectionnement contribuera, à mon humble avis, à amener les enseignants à réfléchir sur ce que doit être cette relation pédagogique qui doit être instaurée entre le groupe d'élèves et le professeur.

Je pense que les professeurs qui seront appelés à se perfectionner verront à devenir pour nous des professeurs congruents, capables de comp-prendre chaque élève et de l'accepter de façon inconditionnelle.

Je pense aussi que les professeurs se perfectionneront de façon qu'eux-mêmes deviennent des maîtres, formés académiquement et psychopédagogiquement, si bien que nous aurons des maîtres auto-actualisés, formés. Ces hommes et ces femmes pourront créer une ambiance que j'appellerais, en jargon pédagogique, auto-actualisante et on pourra ainsi arriver à une ambiance où nos élèves québécois de demain seront auto-actualisés.

Je pense que, pour arriver à cela, il faut une véritable formation des maîtres, une véritable école, gérée de façon qu'on trouve un climat où les gestionnaires et les enseignants créent un climat où l'élève est heureux. Il faut que nous réfléchissions de façon à remodeler l'attitude qui règne entre nos administrateurs pédagogiques et les professeurs. C'est très important.

Dans tout ce débat, il faudrait aussi que nous, les hommes politiques, nous ne cherchions pas à faire de la politicaillerie avec le devenir de l'homme québécois, ce qui nous incite aussi, nous députés, à être réellement pour ces êtres qui nous regardent des modèles "supportifs ".

Je pense que nous avons un gouvernement où il y a réellement des hommes et des femmes capables de porter au plus haut point cette réflexion pédagogique et, encore une fois, je félicite le ministre pour l'accent mis sur la décentralisation et la déconcentration; ceci permettra, à mon humble avis, de mieux contrôler l'argent que nous mettons à la disposition des commissions scolaires, au niveau local. Ceci nous permettra d'arriver à une école où chacun se prend en main, où chacun dit: Nous sommes responsables de l'élève québécois. Ce que nous devons faire, nous, adultes, nous devons travailler de façon que tout l'environnement soit éducatif et formateur, et surtout, à tous les niveaux, être, pour nos élèves québécois, des modèles d'hommes et de femmes qui travailleront de façon à avoir des Québécois et des Québécoises qui marchent la tête haute. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): Oui, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: C'est sur une question d'information que le député de Papineau a donnée en disant que les sommes affectées au perfectionnement avaient été augmentées. Il y a une grande partie de cela qui est causée par les conventions collectives, l'autre partie au développement des langues, au plan de développement des langues. Du côté des arts, c'est pour l'avenir, mais je pense que dire qu'il y a eu des augmentations pour le perfectionnement des maîtres... C'est ce qui est prévu.

M. Alfred: L'utilisation que nous faisons de la somme affectée contribuera à améliorer l'enseignement.

Le Président (M. Dussault): M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, permettez-moi de répondre à quelques-unes des interventions de mes collègues de la commission parlementaire.

M. Saint-Germain: Excusez-moi, mais je ne voudrais pas perdre mon droit de parole, tout de même.

M. Morin (Sauvé): Je ne pense pas, mais il faudrait s'en référer au président pour le savoir de façon sûre.

Le Président (M. Dussault): J'avais cru comprendre qu'il n'y avait plus personne intéressé à faire des remarques générales, mais, si vous êtes intéressé, on va tout simplement demander au ministre d'attendre.

M. Saint-Germain: Oui, j'aurais...

M. Morin (Sauvé): Je suis tout à fait disposé à entendre les remarques générales du député. C'est dans la tradition.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Jacques-Cartier.

M. Noël Saint-Germain

M. Saint-Germain: Je vous remercie. Dans tout ce long exposé, ce qui me surprend énormément, c'est que le ministre a passé sous silence les relations de travail au niveau de tout le système d'éducation. Cela me semble absolument inconcevable, surtout pour un député comme moi qui étais déjà ici lorsqu'on a eu les premières discussions au sujet d'un nouveau contrat de travail, au tout début de la centralisation, lorsqu'on a voté le bill 24, et même en Chambre où on avait déterminé d'autorité les revenus des professeurs. Cela a été une expérience extrêmement pénible. C'était le bill 25, j'entends. Je ne ferai pas l'historique de tout ce processus de centralisation auquel on a assisté au niveau du ministère de l'Education, un processus qui a fait qu'actuellement, les commissions scolaires ont bien peu d'autorité et d'importance dans l'administration scolaire au Québec. D'ailleurs, la population en général ressent bien ce manque d'autorité de ses commissaires. C'est une des raisons principales pour lesquelles les citoyens, malheureusement, se désintéressent de plus en plus des élections scolaires.

A vrai dire, lorsqu'on fait un court historique

de la centralisation de notre système d'éducation, on admet facilement que, dans les années passées, il y avait des raisons sérieuses de centraliser l'éducation au niveau du gouvernement et que la population en général, les professeurs et tous ceux qui, de près ou de loin, s'occupaient d'éducation, appuyaient fortement ce mouvement centralisateur qui pouvait ou qui devait permettre à toute la province d'avoir une qualité de services scolaires à peu près uniformes dans tout le Québec. Pour avoir ce service scolaire à peu près uniforme, il fallait nécessairement avoir, dans toutes les régions québécoises, une similitude dans les revenus des professeurs comme une similitude dans la qualification des professeurs. (17 h 30)

Ceci dit, il faut tout de même admettre que cette centralisation a amené des relations de travail extrêmement pénibles entre les professeurs et les diverses autorités, soit provinciales, soit locales. Tellement pénibles, M. le Président, qu'à chaque renouvellement de contrat, il y a eu grève. Aucun contrat n'a été complété sans une grève, et ce n'est que lors de la signature du dernier contrat qui s'est faite après un grève qu'on en est venu à signer une entente entre les représentants des professeurs et les représentants du ministère. Les autres discussions se sont toujours terminées par une loi spéciale ou un décret, sans signature de convention collective.

Ces difficultés dans les relations de travail ont quelquefois amené, il va sans dire, des relations extrêmement difficiles entre les parents et les maîtres en particulier. Il va sans dire que bien des parents n'ont pas pardonné aux maîtres d'être la cause de voir leurs enfants dans la rue — on se souviendra des grèves — et ces parents ont été mécontents, même s'il est possible que les maîtres, les instituteurs aient eu des raisons sérieuses de faire la grève.

Cela pourrait aussi amener des difficultés de relations humaines au niveau des instituteurs et des représentants des instituteurs et de l'autorité provinciale et aussi des difficultés de relations de travail entre les représentants des professeurs et les commissions scolaires; bien souvent, cela a amené des conflits d'intérêts entre les professeurs et les membres du corps professoral. Je ne cours aucun risque, M. le Président, lorsque j'affirme que la détérioration de ces relations de travail a été un inconvénient très sérieux dans le développement normal de notre système d'éducation.

Aujourd'hui, il arrive, de par ces relations de travail très centralisées, que nous avons des contrats de travail de plus en plus complexes, de plus en plus difficiles d'application où très peu de gens se retrouvent et qui donnent lieu à des injustices flagrantes pour les contribuables, premièrement, et même pour certains professeurs qui sont surchargés pendant que d'autres ont la vie beaucoup plus facile.

Dans ces conditions, il me semble... Je suis extrêmement surpris que le ministre, d'aucune façon, n'ait abordé ce problème extrêmement sérieux, problème auquel le gouvernement aura à faire face dès l'année prochaine, d'ailleurs, d'au- tant plus que le Conseil supérieur de l'éducation remettait récemment au ministre de l'Education le rapport de son comité ad hoc sur les négociations dans le secteur public et l'enseignement élémentaire et secondaire. Je crois qu'il y a, dans ce rapport, des suggestions extrêmement valables et j'aurais aimé personnellement entendre le ministre commenter ce rapport, qui devrait être actuellement à l'ordre du jour.

Qu'est-ce que le ministère ou le gouvernement veut faire des prochaines négociations? Quels seront les sujets qui deviendront des responsabilités provinciales? Qu'est-ce qui sera de responsabilité locale, aux commissions scolaires? Quelles seront les nouvelles politiques que le ministère de l'Education voudra établir et, s'il y a décentralisation, quelles seront les politiques que les commissions scolaires voudront bien planifier? Est-ce que ces nouvelles politiques devront être discutées lors du renouvellement des contrats de travail? Ce sont là, M. le Président, des choses que le public a le droit de savoir. Le public a droit à des explications. Trop longtemps dans le passé, à mon avis — je ne blâme pas le gouvernement actuel; je parle bien des gouvernements antérieurs — on a essayé d'arriver à des conclusions, à des contrats de travail et, pendant toutes ces longues discussions, le public n'a pas été tenu au courant; je dirais même que les députés, pendant les négociations, n'étaient pas tenus au courant au jour le jour de ce qui se passait à la table des négociations. C'est réellement dommageable.

Il faut penser que le ministère de l'Education comme les commissaires sont les porte-parole de l'ensemble de la population dans ces négociations et que les professeurs ne sont pas à l'emploi de l'entreprise privée, ne sont pas à l'emploi d'une entreprise à profit, que c'est une entreprise publique et que, quelles que soient les conditions de travail imposées par un nouveau contrat signé, c'est la population qui subit les préjudices ou profite des bienfaits d'une atmosphère positive et harmonieuse créée parmi les professeurs. Dans notre système d'éducation, ces relations de travail ont toujours été excessivement pénibles depuis la centralisation de l'Education, au niveau du gouvernement du Québec, et il me semblerait normal que le ministre de l'Education nous entretienne de la façon dont il voit venir les négociations que nous aurons l'année prochaine.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Rosemont et, ensuite, le député de Maskinongé.

M. Gilbert Paquette

M. Paquette: M. le Président, de très brèves remarques, puisque j'aurai l'occasion de revenir sur certains points, lors de l'étude des budgets en détail.

La première chose qui me frappe dans le rapport du ministre sur l'enseignement élémentaire et secondaire, c'est la très grande importance qui est accordée à la révision des programmes.

J'aimerais que le ministre nous précise de quelle façon cette révision a été effectuée. Est-ce

qu'il y a eu consultation dans les milieux? Est-ce que les enseignants y ont participé? Il y a également un équilibre à assurer, qui me semble présent dans le cas de certaines matières et pas dans le cas de d'autres, entre la révision des programmes et le perfectionnement des maîtres, l'engagement de conseillers pédagogiques, en somme la mise à la disposition des enseignants de ressources pédagogiques pour affronter ces révisions de programmes.

En ce qui concerne l'enseignement des langues, j'ai constaté également, à l'instar de mon collègue de Papineau — et avec plaisir — une augmentation de budget dans ce domaine. Cependant, je crois sentir qu'il y a bien d'autres sommes affectées au perfectionnement, — peut-être quelques autres sommes — dans d'autres matières, dans le cadre de programmes réguliers. Il me semble que c'est un début intéressant que ce qu'on expérimente actuellement, peut-être à cause de la situation politique que le Québec a connue dans le domaine de l'enseignement des langues, tant au niveau du perfectionnement qu'au niveau de l'encadrement pédagogique. J'ai noté que le ministre nous annonçait l'engagement de 220 conseillers pédagogiques dans le domaine de l'enseignement du français et 190 dans l'enseignement des langues secondes. J'ose espérer que c'est là le début d'une politique de soutien à l'acte éducatif. Si on veut vraiment changer, améliorer la qualité de l'enseignement, c'est dans la classe que cela se passe et c'est dans la classe qu'il faut apporter des outils et des moyens.

Un autre point m'a frappé, c'est la déconcentration au niveau des activités du ministère et la création de directions régionales. Je pense que tant les députés ministériels que les députés de l'Opposition devront constater — j'espère que mes collègues de l'Opposition seront d'accord avec moi là-dessus — que la part du budget de l'éducation demeure fort appréciable, si on tient compte de la dénatalité; une augmentation de 3,5% devrait nous donner à peu près la même somme d'argent que l'année dernière pour fonctionner. Cependant, je constate qu'il y a une augmentation des dépenses administratives de l'enseignement élémentaire et secondaire de 10,4%. Je pense que cela tient à la réorganisation qui a été faite où on a créé la direction générale des réseaux et la direction des services pédagogiques — si je me rappelle bien — . On nous dit qu'on a regroupé là de nouveaux services qui étaient auparavant insérés ailleurs. J'aimerais avoir un peu plus de détails sur cette réorganisation, cette déconcentration. Je termine mes remarques là-dessus, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Maskinongé.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: M. le Président, certaines remarques de mes collègues ici autour de cette table ont suscité en moi un problème qui est d'actualité présentement et que le ministre de l'Education connaît sans doute. Je pense qu'il serait bon qu'on se le rappelle. L'école, tout le monde en conviendra, doit être au service entier des étudiants. Quand je dis service, c'est non seulement au niveau pédagogique, mais c'est à tous les niveaux professionnels, qui entourent et qui gravitent autour de cette école.

Quand on parle d'une somme de $9 500 000 concernant le perfectionnement du personnel enseignant, tout le monde conviendra que c'est nécessaire et que c'est même obligatoire. Mais nous devons malheureusement constater que ce perfectionnement, ces sommes qu'on affecte au perfectionnement du personnel enseignant aboutissent assez souvent au perfectionnement et à la formation personnelle de nos enseignants, dans le sens suivant, et vous me permettrez d'utiliser le terme que les enseignants eux-mêmes utilisent, suite à la convention collective. Ce n'est la faute de personne, c'est la convention collective qui a voulu cela et ce sont les ententes au niveau des enseignants et des commissions scolaires. C'est le fameux problème du "bumping". C'est le terme que les enseignants emploient eux-mêmes.

Souvent, dans nos polyvalentes, M. le Président, à cause de la dénatalité, on l'a souligné tantôt, nos enseignants se retrouvent face à un choix, c'est-à-dire qu'ils doivent changer de matière à cause du nombre d'étudiants qui ont choisi une matière plutôt qu'une autre. Alors, cela amène les enseignants, à un moment donné, à cause du nombre d'années d'expérience qu'ils ont, à changer de matière, à en choisir tout simplement une autre et ce en fonction normalement de leurs aptitudes et de leurs capacités.

Si c'était ainsi, je pense, M. le Président, que ce serait un moindre mal, mais ce qui arrive souvent c'est que ie professeur, qui est affecté par ce "bumping", se voit dans l'obligation d'essayer de trouver une autre matière à l'intérieur de son école ou de sa commission scolaire, des autres écoles de la même commission scolaire, de se trouver une matière où il ne se verra pas aux prises avec le même problème à la fin de l'année scolaire suivante. Ce qui fait, M. le Président, que la plupart du temps on a des professeurs qui sont spécialisés en français ou en mathématiques et qui se retrouvent, à un moment donné, dans le but d'une sécurité additionnelle, à enseigner les arts plastiques. Etant moi-même intéressé plus particulièrement à l'agriculture, j'en ai même vu, M. le Président, qui enseignaient la chimie ou la physique dans une école polyvalente et qui choisissaient, à un moment donné, l'option agricole. Cela cause énormément de problèmes. Le professeur, pour qui le système a décidé qu'il devait être au service complet des étudiants, s'en trouve affecté.

Je voulais tout simplement, de façon brève, souligner ce problème, le porter à l'attention du ministre; non seulement il affecte le personnel enseignant lui-même, mais il y a des polyvalentes, M. le Président, qui en souffrent.

J'ai rencontré, en fin de semaine, des gestionnaires de polyvalentes, et des professeurs, des anciens collèges de l'enseignement, qui m'ont mentionné que dans certaines polyvalentes, il y a

énormément de chicane à l'intérieur des groupes et que ça crée un très mauvais climat. Je pense qu'il faudrait, à l'avenir, essayer, tout au moins pour autant que faire se peut, de minimiser ces problèmes et de voir à ce que les enseignants aient des formules de rechange qui leur permettent au moins d'enseigner dans un domaine où ils se sentent vraiment habiles et capables de le faire, et non pas choisir un moindre mal pour tâcher d'obtenir une certaine sécurité et être certains de ne pas se faire déplacer l'an prochain et de se retrouver vis-à-vis de rien au bout d'une autre année scolaire. (17 h 45)

Ce sont uniquement les quelques remarques que je voulais faire comme remarques préliminaires. C'est un sujet d'actualité présentement, c'est un sujet grave. S'il y a une lacune où il faudra amener des corrections dans les plus brefs délais possible, c'est dans ce domaine, M. le Président.

Le Président (M. Dussault): II n'y a pas d'autres intervenants au niveau des remarques préliminaires. M. le ministre, vous avez la parole.

Réponse du ministre

M. Morin (Sauvé): M. le Président, on a soulevé un certain nombre de questions fort intéressantes. La première, qui me paraît remettre en doute le sérieux du gouvernement dans sa façon d'élaborer les politiques dans le domaine de l'éducation, est celle mise de l'avant par Mme le député de L'Acadie qui nous dit: Cela n'est plus une propriété du gouvernement. Allons donc, serais-je tenté de dire.

C'est à l'éducation qu'il se dépense le plus, par tête de citoyen: plus de $600. C'est plus que dans les autres provinces, qui pourtant ne sont pas réputées pour négliger le domaine de l'éducation.

Mme Lavoie-Roux: Elles sont peut-être en avance.

M. Morin (Sauvé): De plus, le gouvernement a annoncé sa volonté, non seulement de présenter un livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire à la population, mais il s'apprête à rendre public un livre blanc sur les problèmes de l'enseignement collégial. Au moment même où je vous parle, une commission créée par le gouvernement il y a quelques mois est en tournée à travers le Québec, visitant les universités du Québec et les diverses régions pour tenter de définir de nouvelles politiques qui seront soumises au gouvernement à l'égard de l'avenir de l'enseignement supérieur.

C'est dire que depuis qu'il est là, le gouvernement a mis en place un vaste dispositif de révision, mais qu'auparavant il désire avoir le temps de réfléchir et de penser avec la population les redressements qui s'imposent ça et là, le renouveau qui, certainement, devrait caractériser l'enseignement au cours des années qui viennent.

L'éducation, et le premier ministre a eu l'occasion de le rappeler dans chacun de ses discours inauguraux, l'éducation est l'une des premières préoccupations du gouvernement. Ce n'est certes pas la seule. Avec la situation économique que nous connaissons, avec les lacunes que l'on trouve dans notre vie sociale, il y a certainement d'autres priorités qui exigent énormément de réflexion, mais aussi d'actions de la part du gouvernement.

Mais qu'on aille insinuer que l'éducation n'est pas l'une de ses premières priorités, alors que le gouvernement sait très bien qu'une bonne qualité d'éducation est un gage d'avenir, une condition préalable à tout avenir, insinuer que nous nous désintéressons de la chose, je pense que cela dépasse les bornes.

Mme Lavoie-Roux: Mais ce sont les remarques des universitaires que je vous ai émises, M. le ministre. Ce ne sont pas les miennes.

M. Morin (Sauvé): Je viendrai en temps et lieu aux universités. A l'heure actuelle...

Mme Lavoie-Roux: ... des associations et des fédérations.

M. Morin (Sauvé): ... Elles ont l'occasion de faire valoir leur point de vue devant la commission d'étude sur les universités. J'ose espérer que les universitaires n'y manqueront pas. D'ailleurs, je pense que les textes que vous me citiez étaient extraits justement de présentations devant la CEU; probablement en tout cas, d'après le contenu de ce que vous avez lu.

Si l'on devait s'en tenir à la seule évaluation du coût du système, si l'on devait juger les priorités gouvernementales simplement par les montants qu'il consacre à tel ou tel aspect de la gestion gouvernementale, les montants eux-mêmes seraient éloquents, car il ne faut pas seulement prendre une partie des chiffres. L'évolution du coût du système en années scolaires n'est pas seulement de 3,8%, qui est l'augmentation des crédits, purement et simplement, ou encore de 3,4%, qui est l'augmentation des subventions en années scolaires. Si l'on s'en tenait à cela, on pourrait croire que c'est peu de chose, bien qu'on dût déjà observer qu'il y a une augmentation. Mais, en plus de cela, il faut tenir compte du fait qu'il y a eu une diminution de clientèle de 4,3% qu'on doit additionner, ce qui fait que l'effort atteint 7,7%. Cela n'est pas la même chose.

Et on conviendra que, dans une période de contraction économique et financière, un effort de l'ordre de 7,7% n'est pas négligeable et, en tout cas, ne peut être avancé comme preuve que le gouvernement se désintéresse de l'éducation.

M. le Président, je pourrais encore épiloguer longuement sur la qualité des services dont on a dit qu'elle ne peut que diminuer. S'il est une chose que j'ai pu constater depuis que je suis au ministère, c'est que la qualité des services ne tient pas seulement à l'argent qu'on y investit. Je ne dis pas toutefois que c'est une dimension négligeable;

avec un budget comme celui de mon ministère, je m'éloignerais du bon sens. Mais ce n'est pas la seule dimension. Ce qui est important — et j'en fais une de mes priorités personnelles dans ce ministère — ce qui constitue vraiment une condition de la qualité de l'enseignement, c'est la motivation des enseignants, c'est la participation des parents, c'est l'existence de rapports maîtres-élèves de meilleure qualité, c'est la présence d'enseignants qui ont la chance de se perfectionner et de devenir meilleurs d'année en année.

Evidemment, il y a un coût à tout cela, mais au-delà de l'aspect financier, il y a le sentiment de bien faire son métier. La motivation que procure le sentiment qu'on travaille pour l'avenir et peut-être, bientôt, pour un pays véritable, cela aussi entre en ligne de compte, cela aussi motive. Je suis de ceux qui pensent qu'il est possible de remotiver tous les agents de l'éducation et de ceux qui pensent qu'on aurait beau augmenter les crédits à l'infini, comme l'ont fait certains gouvernements qui nous ont précédés, les résultats ne seraient pas plus brillants et même pourraient aller de déconfiture en déconfiture, s'il n'y avait, au fond de l'acte pédagogique une profonde motivation pour le travail que fait l'enseignant.

Cela étant dit, je me permettrai de dire quelques mots au sujet du rôle des commissions scolaires et du ministère dans les négociations. C'est une question qui a été soulevée, je crois, par Mme le député de L'Acadie également. Je n'aurai pas le temps de commenter toutes les questions qu'on m'a posées avant l'heure de la suspension de la séance, M. le Président, mais je vais couvrir le plus de domaines possible et, avec votre permission, j'y reviendrai à la reprise de la séance à 20 heures.

On a dit que l'employeur, c'étaient les commissions scolaires, que l'Etat tentait de s'y substituer et de devenir l'unique employeur. M. le Président, rien n'est plus éloigné de nos préoccupations actuelles. L'Etat, bien sûr, est le premier payeur, même dans la situation que nous connaissons actuellement. Avant même que ne soit transféré le moindre impôt, l'Etat est le grand payeur. De cette façon, il est certainement partie au contrat des enseignants. Mais, nous ne voulons pas — je le dis aussi clairement que c'est possible — être le seul employeur, parce que cela signifie une centralisation à outrance, cela signifie que le ministre s'éloignerait des réalités et des besoins de chaque milieu, et Dieu sait s'ils sont divers d'une région à l'autre au Québec.

Récemment, nous avons eu l'occasion de procéder à des conventions, à des consultations avec les commissions scolaires dans le sillage du rapport Martin-Bouchard, précisément à l'égard de ces questions. Je puis vous dire d'ores et déjà que ce que nous avons proposé, qui pourrait fort bien être accepté par les commissions scolaires, c'est de constituer une partie patronale comprenant à la fois le gouvernement et les commissions scolaires. C'est ce que nous avons proposé très fermement. Nous sommes même allés à l'encontre du rapport Martin-Bouchard qui, lui, disait: Un seul négociateur, le Conseil du trésor. Nous avons voulu, au contraire, nous associer pleinement avec ces employeurs que sont demeurées et que sont appelées à demeurer dans notre esprit les commissions scolaires. J'irais même plus loin. Si les commissions scolaires veulent bien se mettre d accord avec nous, les mandats qui devront être élaborés avant la grande négociation qui débutera au mois de janvier 1979, et dont s'inquiétait à juste titre tout à I'heure le député de Jacques-Cartier, ces mandats seraient discutés au sein de l'équipe gouvernement-commissions scolaires. Nous allons, dans toute la mesure du possible, tenter de nous mettre d'accord entre nous pour présenter des propositions raisonnables, qui ne sont pas encore élaborées complètement, aux employés syndiqués du réseau de l'éducation.

Je vais prendre un exemple pour vous montrer comment les choses peuvent se dérouler, un exemple qui, évidemment, anticipe sur les conclusions du livre vert et sur les propositions que le gouvernement sera prêt à déposer sur la table, qui anticipe également sur les demandes syndicales dont on n'a eu jusqu'ici que les prolégomènes. C'est l'exemple de la négociation avec la PACT, les enseignants anglo-catholiques.

Nous avons entrepris une véritable révision de la convention actuelle. A ce moment-ci je peux vous dire — cela n'a pas été annoncé publiquement, mais, enfin, je pense qu'on peut en faire état — que les parties ont paraphé déjà la moitié des articles proposés. Evidemment, elles ont paraphé les articles qui ne posent pas de problème, comme tout début de négociation. Il y a tout de même beaucoup de stipulations qui ne font pas problème. Nous sommes en ce moment à discuter avec I'autre partie patronale, c'est-à-dire les commissions scolaires et les "school boards" en vue de déterminer des mandats. Par exemple, dans le cas de la Fédération des commissions scolaires du Québec, nous sommes déjà à compléter l'harmonisation des mandats patronaux qui seront sollicités du Conseil du trésor par le ministère de l'Education. Donc, nous sommes déjà en conversation.

Nous estimons être en mesure de poursuivre régulièrement les négociations. D'ailleurs dans le cadre de la PACT, lors des rencontres de consultations sur le cadre juridique, on a manifesté une certaine satisfaction quant au déroulement actuel des négociations. Donc, pour me résumer, les choses paraissent bien amorcées et, d'ailleurs, je dois dire que je suis admirablement secondé par le nouveau "ministre" adjoint aux relations de travail, M. Raymond Parent, qui fait un travail, je tiens à le souligner... Ce n'est pas souvent qu'on a l'occasion de le dire à l'égard de nos fonctionnaires qui travaillent dans l'ombre. Nous sommes quelquefois admirablement bien secondés.

Le nouveau sous-ministre adjoint.

M. Picotte: Vous avez dit le nouveau ministre.

M. Morin (Sauvé): Non, le sous-ministre adjoint.

M. Picotte: Vous aviez dit le nouveau ministre. On se posait des questions.

M. Morin (Sauvé): Ministre adjoint? Non, je n'ai pas encore de ministre adjoint, hélas!

Bien! Il est 6 heures. M. le Président, j'avais encore des commentaires sur l'impôt foncier, les relations de travail, les surplus de personnel, les milieux défavorisés, l'enseignement professionnel et la révision des programmes, mais si vous voulez bien, nous verrons cela tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: D'accord!

Le Président (M. Dussault): Effectivement, il est 18 heures. Nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h)

Reprise de la séance à 20 h 6

Le Président (M. Dussault): A l'ordre, madame et messieurs!

Nous allons reprendre les travaux de cette commission; au moment où nous avons ajourné, M. le ministre avait la parole et je la lui remets.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, parmi les nombreuses questions qui ont été évoquées par les membres de la commission, je voudrais en relever encore quelques-unes. L'une des plus importantes a trait à l'impôt foncier. Elle a été soulevée par Mme le député de L'Acadie.

J'ai toujours été soucieux de conserver aux commissions scolaires une source de revenus autonomes, pensant que cette source de revenus était indispensable à l'affirmation de leur autonomie, non seulement de leur autonomie fiscale, mais de leur autonomie tout court.

Effectivement, dans les propositions que le gouvernement vient de rendre publiques et de soumettre aux municipalités qui en débattront lors d'une conférence sur la démocratie municipale qui doit avoir lieu vers la mi-juin, il n'est pas question d'abolir entièrement l'impôt foncier, mais cette partie qu'on appelle normalisée. C'est-à-dire cette partie de l'impôt dont le taux d'augmentation est, notamment, fixé par Québec et qui constitue, à toutes fins pratiques, un impôt centralisé que perçoivent les commissions scolaires, mais sur lesquelles elles n'ont pas de prise puisqu'elles ne peuvent l'augmenter au-delà de certains barèmes.

Si les municipalités acceptent cette proposition du gouvernement, ce qu'on ne saurait tenir pour acquis, bien sûr, comment nous assurer que nous pourrons décentraliser la gestion, les décisions en matière d'éducation vers les commissions scolaires?

La première hypothèse du livre vert contient à cet égard des suggestions, des propositions qui sont importantes. A mon avis, il est possible de décentraliser la gestion du réseau scolaire en dépit du fait que l'impôt foncier normalisé serait transféré aux municipalités. En effet, les commis- sions scolaires conserveraient la possibilité d'imposer un impôt foncier pour toutes les dépenses non subventionnées, celles qu'on appelle à l'heure actuelle les dépenses inadmissibles, expression que je répudie personnellement puisque, si une dépense est inadmissible, elle ne devrait pas se faire par définition; on veut dire inadmissible aux subventions, bien entendu. Le ministre des Finances a été très net dans les contacts qu'il a eus avec les commissions scolaires depuis quelque temps et auxquels j'étais présent. Il n'est pas question d'enlever aux commissions scolaires cette marge de manoeuvre dont elles auront besoin pour aller chercher plus d'argent si elles décident d'ajouter aux normes de base un certain nombre de services qu'elles voudraient se payer.

En second lieu, je pense qu'il sera possible de décentraliser un certain nombre de décisions notamment en faisant appel à ce que nous appelons les quatre plans de gestion des commissions scolaires portant sur les ressources humaines, les ressources financières, les équipements, etc. Ces plans, qui sont mis à l'essai à l'heure actuelle dans 45 commissions scolaires, je crois, permettent à chaque commission scolaire de planifier son développement, de planifier ses dépenses. Les plans sont discutés par la suite avec la direction régionale déconcentrée et, une fois approuvés, ils sont mis en oeuvre par la commission scolaire elle-même, sans contrôle de chacun des actes qu'elle pose. Ce n'est que par la suite, à la fin de l'année, au moment de la reddition de comptes, que s'exerce un contrôle a posteriori des transactions, des actes administratifs posés par la commission.

Nous voulons donc déconcentrer le ministère, nous voulons également décentraliser les décisions dans plusieurs domaines et je puis vous assurer, Mme le député, que le sous-ministre adjoint n'a en aucune façon déclaré que la décentralisation était remise en question ou abandonnée. Il me l'a confirmé encore il y a un instant. La décentralisation demeure donc à l'ordre du jour et, pour ma part, je puis vous laisser savoir, si cela vous intéresse, que je souhaiterais qu'à l'automne ait lieu une rencontre entre les commissions scolaires et le gouvernement pour discuter justement de décentralisation et d'impôt scolaire autonome.

Je m'entretiens de ces possibilités avec la Fédération des commissions scolaires à l'heure actuelle et je ne peux pas vous dire ce qu'il en résultera, parce que nous sommes au stade des discussions. Mais c'est dans l'ordre des possibilités et, du côté du gouvernement, il n'y a aucune espèce de réticence à discuter de ces choses avec les commissions scolaires. S'il fut jamais question de les supprimer, ce n'était qu'une possibilité qui s'est trouvée dans le livre vert parce que nous voulions, en toute franchise, faire savoir que nous en discutions au gouvernement. On peut dire aujourd'hui que l'existence des commissions scolaires n'est pas remise en cause. Elles continueront d'exister, elles ont déjà 133 années d'existence et elles pourront sans doute rendre encore de nombreux services. En tout cas, c'est la philosophie dont je m'inspire personnellement. Je suis de ceux qui croient fermement à la décentralisation.

Le député de Jacques-Cartier a soulevé la question des relations de travail et, je pense, avec beaucoup d'à-propos. C'est en effet une bien grande question et ce n'est pas parce que je ne l'ai pas mentionnée dans mon exposé que je ne m'en soucie point. Au contraire, à l'heure actuelle, dans la foulée du rapport Martin-Bouchard, je suis appelé, avec mon collègue des Affaires sociales et mon collègue du Travail, à en traiter quotidiennement. Plusieurs séances du Conseil des ministres ont d'ailleurs été consacrées exactement aux problèmes qui intéressent le député.

M. le Président, je pense que le député a raison de souligner la centralisation qui s'est fait jour depuis une dizaine d'années. Il a admis lui-même que c'était pour des motifs valables à l'époque, puisqu'il fallait égaliser les conditions entre les régions, il fallait s'assurer que les villes qui avaient une assiette foncière convenable ne puissent pas se donner des services que la région voisine, qui se trouvait à n'avoir aucune assiette fiscale, était obligée de refuser à ses enfants. Mais cette centralisation et le rôle unificateur qu'ont joué et le gouvernement et les centrales syndicales dans les grandes négociations ont amené, il faut le reconnaître, des problèmes, ont créé un climat pénible au moment des négociations et à Dieu ne plaise que cela ne recommence. Nous avons même été témoins — le député le rappelait — de grèves prolongées qui n'ont certainement pas contribué à améliorer la qualité de l'enseignement. (20 h 15)

Si je n'en ai pas dit un mot tout à l'heure, ce n'est pas que je ne sois pas sensible au problème. Je suis prête à corriger la lacune de mes propos immédiatement, parce que la proposition du gouvernement, sous forme d'un document de travail, a été rendue publique la semaine dernière par le ministre du Travail et de la Mai n-d'Oeuvre. Je pense que le député de Jacques-Cartier a dû prendre connaissance de ce document qui fait état de la constitution de la partie patronale, de la partie syndicale, et qui tente de mettre en place les premiers jalons de ce que sera cette vaste négociation.

La proposition gouvernementale s'inscrit dans le sillage du rapport Martin-Bouchard, mais elle ne suit pas à la lettre le rapport. Nous avons été obligés de nous en éloigner sur plus d'un point. Par exemple, je l'ai mentionné tout à l'heure en réponse à une observation de Mme le député de L'Acadie, cette proposition qui nous venait du rapport Martin-Bouchard de n'avoir pour toute partie patronale que le Conseil du trésor. Nous nous sommes éloignés de cette proposition parce qu'elle ne nous paraissait pas réaliste.

La proposition gouvernementale, dans son ensemble, a été discutée la semaine dernière avec les syndicats et avec les fédérations d'employeurs. J'ai moi-même passé l'équivalent d'une journée complète à l'encontrer nos partenaires et nos vis-à-vis, pour discuter avec eux de toutes les questions qui étaient contenues dans la politique gouvernementale.

Ce qui est résulté de ces rencontres n'a pas fait l'objet de conclusions écrites de la part du gouvernement. Je pense que cela devrait venir, soit cette semaine, soit la semaine prochaine, au Conseil des ministres. C'est le ministre du Travail qui va nous faire les propositions finales sur la procédure de la future négociation. Pour l'instant, je ne puis donc en dire plus, sauf pour annoncer au député de Jacques-Cartier qu'il y aura peut-être même des projets de loi qui découleront de ces propositions gouvernementales.

Mme Lavoie-Roux: Le ministre me permettrait-il de lui poser une question sur le sujet?

M. Morin (Sauvé): Oui, volontiers.

Mme Lavoie-Roux: Tout à l'heure, avant le souper, vous disiez que vous aviez l'intention de travailler avec les différentes fédérations, dans le cas présent la Fédération des commissions scolaires, et vous disiez: Si les commissions scolaires veulent bien se mettre d'accord avec nous, nous pourrions aller aussi loin que de permettre que les mandats — les mandats importants, j'imagine — puissent être discutés entre le gouvernement et les commissions scolaires.

C'est quand même un peu ambigu. Si les commissions veulent bien se mettre d'accord, seriez-vous prêt à négocier avec elles? Finalement, si elles disent non, les laisserez-vous de côté? Est-ce que c'est un principe au départ que vous faites l'impossible pour vous entendre, pour que les deux travaillent la main dans la main?

M. Morin (Sauvé): Exactement, je pense qu'on ne peut pas dire les choses mieux que cela. Mes propos avaient pour but de souligner le fait que si les commissions scolaires ne voulaient pas faire partie de la partie patronale ou si elles refusaient de se considérer solidaires du gouvernement dans une même partie patronale, il serait alors très difficile de s'entendre. Mais dans la mesure où les commissions scolaires et les "school boards " acceptent de travailler avec nous, il est évident qu'il faudra que nous nous mettions d'accord sur les mandats.

Bien sûr, en cas de désaccord, en particulier sur ce qu'on pourrait appeler le monétaire lourd, c'est le gouvernement qui aura le dernier mot, mais dans toute la mesure du possible, nous voulons que les commissions scolaires prennent leurs responsabilités avec nous, particulièrement pour tout ce qui touche les négociations locales où cela me paraît particulièrement indiqué de pendre leurs conseils.

Je ne sais plus quel député a abordé la question des surplus de personnel, je pense que c'était Mme le député de L'Acadie également. Selon elle, le ministère aurait une façon désinvolte de présenter les chiffres relatifs aux surplus de personnel. Je pense qu'il s'agit là d'un excès de langage dont le député n'est pas coutumier. Faut-il...

Mme Lavoie-Roux: Je pense, M. le ministre, que quand on dit: II n'y aura que 2737 personnes

en surplus, cela a l'air de dire: Ne vous énervez pas, c'est peu de monde.

M. Morin (Sauvé): Ah!

Mme Lavoie-Roux: Je trouve que c'est assez sérieux.

M. Morin (Sauvé): Eh bien! effectivement, c'est beaucoup de monde, mais laissez-moi vous expliquer les mécanismes...

Mme Lavoie-Roux: On les connaît tous.

M. Morin (Sauvé): ... de sécurité d'emploi qui font que le problème n'est pas sans solution. Faut-il rappeler que les enseignants mis en disponibilité ne perdent pas leur emploi?

Mme Lavoie-Roux: Je sais tout cela, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): Je suis heureux de vous l'entendre dire, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: J'ai d'ailleurs dit dans mon intervention, que je savais que ce serait compensé. Je trouve que c'est une drôle de façon d'essayer de rassurer les gens. Il reste que cela demeure un problème aigu pour les gens qui sont mis en disponibilité...

M. Morin (Sauvé): Sûrement.

Mme Lavoie-Roux:... surtout quand on a huit ou neuf ans d'expérience.

M. Morin (Sauvé): C'est exact. Je prie Mme le député de prendre note du fait que je ne suis pas insensible à ce problème, bien au contraire. Dans le cas des mises en disponibilité, l'enseignant peut, néanmoins, accepter un poste dans une autre commission, ce qui se produit fréquemment, ou encore demeurer dans sa propre commission scolaire et être affecté à des tâches hors normes pendant une année qu'on pourrait appeler de répit. Dans les deux cas, cet enseignant conserve son plein traitement et tous ses avantages sociaux, comme Mme le député, qui a été présidente de commission scolaire, le sait fort bien. Toutefois, l'enseignant permanent qui n'a pas été réaffecté à une tâche régulière dans sa propre commission scolaire ou qui ne s'est pas relocalisé dans une autre commission scolaire est tenu, le 1er mai de l'année suivante, au terme de son année de répit, comme je le disais il y a un instant, d'accepter une offre d'engagement pour l'année suivante dans une commission scolaire du Québec. Ce n'est qu'à ce moment qu'un refus de sa part est considéré comme une démission. Même alors, l'histoire n'est pas terminée. Pour réduire le plus possible les mises en disponibilité, une commission scolaire peut accorder comme mesure supplétive une année de préretraite à un enseignant admissible, si cette préretraite évite la mise en disponibilité.

Un enseignant mis en disponibilité peut encore refuser la mobilité en échange d'une prime de séparation, pouvant aller jusqu'à environ six mois de traitement.

La sécurité d'emploi, en dépit de ce que d'aucuns ont pu affirmer récemment, existe. C'est une réalité dans le monde de l'éducation. Ce n'est que par un abus de langage qu'on pourrait dire que la sécurité d'emploi n'existe plus.

Je voudrais peut-être ajouter quelques chiffres dont je ne vous ai pas fait part tout à l'heure au sujet de la situation en 1977. Si cela vous intéresse, Mme le député...

Mme Lavoie-Roux: II n'en reste que 43, ou 15 même? Vous l'avez donné dans votre...

M. Morin (Sauvé): Seize exactement, oui. Au 1er mai 1977, 1504 enseignants étaient déclarés en surplus. De ce nombre, 642 enseignants permanents étaient en disponibilité et 862 non permanents n'étaient pas rengagés. Les différents mécanismes prévus ont fonctionné et, au 15 avril 1978, il restait 26 enseignants permanents encore disponibles. Je pense que ce chiffre a encore diminué depuis lors. Cela signifie que parmi les 642 enseignants permanents mis en disponibilité au 1er mai 1977, 616 ont été résorbés, 121 demeurant dans leur commission scolaire par suite de la mise en préretraite de leurs confrères admissibles, 42 ont accepté une prime de séparation et 453 autres ont retrouvé un emploi régulier. De ce nombre, 365, c'est-à-dire 80%, ont été réaffectés dans leur propre commission scolaire; 83, c'est-à-dire 17%, ont été relocalisés dans une autre commission scolaire de la région et 11 ont accepté une relocalisation dans une autre région. Et enfin, j'ajouterai que les 26 enseignants permanents toujours en disponibilité, et 16 actuellement, se sont tous vu offrir au moins un poste qu'ils ont refusé.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse, M. le ministre. Vous dites 365 sont retournés dans leur propre commission, 83 dans une autre commission, 11 en préretraite ou...

M. Morin (Sauvé): Non, 11 ont accepté une relocalisation dans une autre région.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Cela donne un total de... Est-ce que vous en avez perdu de vos quelque 600 du début qui sont simplement sortis de l'enseignement? C'est ça qui m'intéresse.

M. Morin (Sauvé): II doit y en avoir quelques-uns. Si vous voulez, je vais demander de l'aide pour vous donner les chiffres au complet.

Mme Lavoie-Roux: Pour faire les additions. Cela donne 459, si on considère les 365 dans leur commission, 83...

M. Morin (Sauvé): II y avait 642 permanents... Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): ... au départ... Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): Là-dessus, nous disons que 616 ont été résorbés.

Mme Lavoie-Roux: Tous dans l'enseignement?

M. Morin (Sauvé): Tous dans l'enseignement. 121 sont demeurés dans leur commission scolaire...

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): ... parce qu'ils ont pris la place d'enseignants qui étaient en préretraite...

Mme Lavoie-Roux: Oui, en préretraite.

M. Morin (Sauvé): ... ou qui avaient quitté, pour diverses raisons. Nous avons toujours, comme vous le savez...

Mme Lavoie-Roux: Des démissions.

M. Morin (Sauvé):... un taux d'attrition important; 42 ont accepté une prime de séparation; 453 ont retrouvé un emploi régulier...

Mme Lavoie-Roux: Cela donne 616.

M. Morin (Sauvé): Cela donne bien 616, n'est-ce pas?

Mme Lavoie-Roux: C'est ça. Après ça, on a repris trois... D'accord, merci.

M. Morin (Sauvé): J'ajouterai simplement ceci: Pour la prochaine année scolaire, nous envisageons des mesures prévoyant une meilleure utilisation des préretraites et des mises en disponibilité pour tout le réseau. Autrement dit, nous allons tenter d'améliorer encore le mécanisme de sécurité d'emploi. Evidemment, là-dessus je ne serai pas bavard parce que cela va faire l'enjeu d'une négociation. Sans doute la partie syndicale aura-t-elle, elle aussi des propositions à nous faire sur le sujet.

Mme Lavoie-Roux: Vous allez vous y appliquer en fonction de la prochaine négociation avec les anglo-catholiques, si je comprends bien.

M. Morin (Sauvé): En fonction de la prochaine négociation, parce que la négociation avec les anglo-catholiques vient un peu tôt par rapport aux politiques que nous sommes en train d'élaborer, mais je ne crois pas que les anglo-catholiques soient appelés à en souffrir outre mesure.

Il y a encore d'autres questions dont on a traité; elles sont même assez nombreuses. Je prendrai maintenant, M. le Président, si ce n'est pas abuser de la patience de la commission, le cas des milieux défavorisés.

J'ai annoncé que nous aurons mis au point une politique d'ici quelques mois, mais déjà des gestes ont été posés qui montrent l'intérêt que le gouvernement porte aux milieux défavorisés, non seulement dans le domaine de l'éducation, mais dans le domaine social. Outre les $7 400 000 prévus aux crédits 1978/79, on peut considérer qu'il y a d'autres montants qui ont une incidence favorable pour les milieux défavorisés.

Je pense en particulier aux OVEP; Mme le député sait ce que sont les organismes volontaires d'éducation populaire. Je pense à l'animation communautaire qui se fait sous l'empire de ces programmes, à l'alphabétisation, à l'éducation populaire, le tout pour un montant de $2 500 000, ce qui signifie qu'en réalité les montants que nous mettons au service des milieux défavorisés sont beaucoup plus près des $10 millions que des $7 millions. Je ne sais pas s'il est nécessaire d'insister là-dessus. On pourra y revenir pour des questions plus précises, si vous voulez.

Mme Lavoie-Roux: On pourra y revenir au fur et à mesure qu'on passera à travers les programmes. (20 h 30)

M. Morin: Oui, on pourra y revenir. J'ajouterai simplement qu'actuellement, le ministère de l'Education intervient, par le biais des commissions scolaires, auprès des milieux défavorisés et à titre expérimental. Une fois que nous aurons énoncé notre politique générale, il se peut que nous annoncions des programmes généralisés à l'intention des milieux défavorisés.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous prévoyez recevoir des projets expérimentaux des commissions scolaires?

M. Morin (Sauvé): Nous en recevons déjà. Comme vous le savez, c'est le Conseil scolaire de l'île de Montréal qui...

Mme Lavoie-Roux: C'est une autre chose. Je parle du reste de la province. Là, il ne faudrait pas trop se vanter du conseil scolaire de l'île de Montréal qui finance à peu près totalement son programme en milieu défavorisé à même la surtaxe.

M. Morin (Sauvé): Une partie.

Mme Lavoie-Roux: A peu près 20% que vous subventionnez ou 25% en étant généreux; c'est 20%, le reste est subventionné par la surtaxe du conseil.

M. Morin (Sauvé): Mais vous pensez bien que nous n'allons pas décourager le conseil de faire un effort lui aussi.

Mme Lavoie-Roux: Là, je pensais à l'extérieur de Montréal.

M. Morin (Sauvé): Voulez-vous poser la question maintenant et qu'on vous fournisse...

Mme Lavoie-Roux: On peut attendre, d'accord. C'est parce que vous en aviez parlé.

M. Morin (Sauvé): On pourra vous fournir une réponse détaillée tout à l'heure, si vous le voulez bien.

Il y a eu également des propos sur la révision des programmes de la part du député de Rosemont. Celui-ci me demandait comment nous a-vions procédé et notamment si les maîtres avaient été consultés. Je suis heureux de lui dire que 1300 enseignants et conseillers pédagogiques, à raison d'un comité par programme, participent à la révision et à l'élaboration des programmes d'enseignement. Les associations professionnelles d'enseignants — j'ai mentionné récemment, je crois, le cas de l'Association québécoise des professeurs de français pour ce qui est des programmes de français, naturellement — participent aux différents comités de programmes. De plus, il y a eu une première grande réunion de 2000 enseignants, conseillers pédagogiques, principaux d'écoles et administrateurs scolaires il y a deux ou trois semaines je crois, au début du mois de mai, à laquelle j'ai participé, en vue de faire le point sur les travaux en cours, tant pour les programmes d'enseignement qu'à l'égard des autres activités pédagogiques, j'entends aussi bien les méthodes d'enseignement, l'encadrement, les recherches, les examens, l'évaluation. Cette réunion a eu lieu du 1er mai au 5 mai, à l'Université Laval, et je crois que c'était une première, dans le domaine de l'éducation. J'avais rarement vu tant de pédagogues ensemble. C'était vraiment impressionnant. 2000 pédagogues, mon Dieu, cela doit bien épuiser le réservoir que nous avons au Québec. Non, sûrement pas.

Mme Lavoie-Roux: J'espère que non, il y a 70 000 enseignants.

M. Morin (Sauvé): Mais j'entends qu'il s'agissait là de gens spécialement intéressés aux programmes. Un pédagogue, Mme le député, c'est tout de même quelque chose de très important et plût au ciel...

Mme Lavoie-Roux: ... fait de la pédagogie.

M. Morin (Sauvé): ... que tous les enseignants fussent pédagogues. Cela dit, je ne veux pas me mettre à compter le nombre d'enseignants par rapport au nombre de pédagogues. Ce serait un exercice périlleux.

Mme Lavoie-Roux: Je croyais que nos centres de formation les initiaient ou les formaient à la pédagogie.

M. Morin (Sauvé): Oui, et c'est pour cela que nous avons des programmes de perfectionnement. M. le député de Rosemont...

Mme Lavoie-Roux: C'est un débat périlleux, M. le ministre.

M. Morin (Sauvé): ... me posait également une question sur les dépenses administratives aux niveaux primaire et secondaire. Il a été frappé par la hausse des dépenses des unités administratives responsables du secteur primaire et secondaire, laquelle hausse atteint 10,4%. L'écart est causé par une augmentation générale des traitements, aussi par une augmentation de certains personnels et par des causes techniques sur lesquelles je voudrais maintenant revenir un instant.

Il est illustré par les chiffres qui se trouvent à la page A-49. Si vous voulez bien prendre votre cahier vert, à la page A-49, vous verrez que le chiffre passe de $16 549 000 à $18 257 000, ce qui fait une différence de $1 708 000. L'essentiel de l'explication se trouve à la page A-61, vers laquelle je vous invite maintenant à vous tourner. Si vous regardez le tableau qui s'y trouve, vous verrez qu'il s'agit surtout d'ajustements mécaniques, plus $389 000, lesquels sont des ajustements aux traitements résultant notamment de la déconcentration, puisque, évidemment, il y a des mutations qui sont entraînées par cette politique de déconcentration.

De même, le chiffre de $875 000 est constitué d'ajouts, d'effectifs et de crédits dont 32 postes réguliers à la direction générale des réseaux, à la suite de la restructuration. Cet ajout, comme vous pouvez le constater, explique 48% de la croissance du budget de la direction des réseaux. C'est donc là que se trouve l'explication, M. le député de Rosemont, et si vous voulez plus de détails, nous sommes en mesure de vous en donner encore davantage. On me signale qu'aux programmes 1 et 2, l'ensemble des dépenses ministérielles ne s'accroîtra, de fait, que de 0,4% en 1978/79 et ceci en dépit de l'indexation des salaires.

Donc, ce sont vraiment des raisons d'ordre mécanique qui expliquent cette hausse apparemment considérable. M. le député?

M. Paquette: Si vous me permettez une petite question additionnelle, j'imagine qu'on compare des oranges avec des pommes. L'année dernière, est-ce que la direction générale des réseaux était créée ou si...

M. Morin (Sauvé): Oui.

M. Paquette: ... mais elle n'était pas encore... M. Morin (Sauvé): Elle se mettait en route. M. Paquette: ... placée, oui.

M. Morin (Sauvé): Elle n'avait pas tout l'effectif dont elle entend disposer. D'ailleurs, je pense qu'elle ne l'a pas encore tout. Il y a encore des transferts à effectuer, bien sûr, puisque ça va devenir la plaque tournante du ministère, j'entends la plaque tournante entre le ministère et les réseaux. Il va donc falloir lui donner l'effectif dont elle a besoin, et c'est lié aux directions régionales, bien sûr.

Mais en fait, les montants n'augmentent pas de façon désespérée, parce qu'il s'agit souvent de

transferts et que c'est un effectif tiré d'autres services du ministère qu'on transfère dans la DGR ou même dans les directions régionales. Je voudrais souligner en terminant que, pour ce qui est de l'ensemble des dépenses ministérielles, dont j'ai dit qu'elles ne s'accroîtront que de 0,4%, il s'agit de la croissance la plus faible dans tout le champ de l'éducation pour l'année financière 1978/79. J'espère que ça répond à la question du député.

M. Paquette: Oui.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, puis-je aborder maintenant encore une ou deux questions importantes qui ont été soulevées par les députés et notamment celle qui a trait à l'enfance en difficulté d'apprentissage. Je crois que c'est Mme le député de L'Acadie qui a soulevé cette question. Elle a traité en particulier de deux aspects de cette question, tout d'abord de l'augmentation de la population scolaire inadaptée, qui l'a beaucoup frappée, et, en second lieu, de l'intégration des élèves inadaptés aux classes régulières, au système régulier.

Je pense qu'il convient de donner quelques explications pour ce qui est de l'augmentation apparemment considérable des chiffres de l'enfance en difficulté d'apprentissage. Si vous voulez bien prendre le tableau qui se trouve à la page A-08, que vous avez peut-être vu — ah voilà, bien sûr — vous constaterez qu'on y trouve la compilation du nombre d'élèves qui doivent recevoir des services spéciaux. Il faut bien souligner qu'il y a des services de rééducation pour certains enfants, des services éducatifs spécialisés pour d'autres, et enfin, des services qu'on appelle d'enseignement correctif pour plus de 41 000 élèves. C'est particulièrement ce dernier service qui s'est développé depuis quelques années.

Et il faut bien comprendre de quoi il s'agit, autrement, on pourrait croire que les chiffres sont en train de devenir incontrôlables. Les politiques du ministère ont permis l'embauche de personnel affecté à ce qu'on appelle l'enseignement correctif, qui est destiné aux élèves normaux ou réguliers, mais éprouvant des difficultés temporaires ou certaines faiblesses qu'on tente de pallier.

L'examen attentif de l'évolution des clientèles nous laisse voir que l'augmentation est d'abord causée par l'intégration des élèves confiés traditionnellement au ministère des Affaires sociales et surtout par la mise en place de nouveaux services à ces élèves qualifiés d'élèves ayant des troubles légers d'apprentissage. Autrefois, ces élèves doublaient leur année scolaire ou encore, quittaient l'école prématurément. Aujourd'hui, les correctifs apportés par les différentes formules, dont le dénombrement flottant, permettent de réchapper plusieurs de ces élèves, je dirais même probablement la majorité. Le nombre d'élèves identifiés a augmenté parce que le texte de la dernière convention collective a permis de généraliser ce service qui s'adresse à des élèves choisis par les commissions scolaires, comme Mme le député de L'Acadie le sait sans doute.

Pour ce qui est maintenant de l'intégration des élèves — sa seconde question — je dirais qu'il n'y a aucun doute quant aux intentions du ministère. Nous poursuivons, comme dans tous les pays civilisés, une politique visant à l'intégration sociale la plus complète possible des enfants en difficulté d'apprentissage. Bien sûr, il y a des cas qui ne sont pas intégrables, mais à ceux-là, il faut des institutions spéciales ou il faut des moyens spéciaux pour s'en occuper. Mais la politique, la règle générale est l'intégration, l'intégration scolaire, qui devient notre moyen privilégié nous permettant d'atteindre cet objectif.

Toute cette population dont je parlais tout à l'heure, soit le groupe d'élèves ayant des troubles légers d'apprentissage, est déjà intégrée aux classes régulières et reçoit des cours d'appoint quelques heures par semaine. De plus, nous poursuivons actuellement, avec les commissions scolaires, de nombreuses expériences permettant l'intégration d'élèves très handicapés physiquement, ou même mentalement. J'ai moi-même été témoin, lors de la visite de certaines écoles, de ce que cela pouvait donner. J'ai été étonné de constater à quel point, dans une école comme Sainte-Colette, à Montréal-Nord, les enfants handicapés sont pris en charge par les autres enfants, si bien que non seulement il y a intégration sociale et psychologique de l'enfant handicapé, mais il y a éducation de tous les enfants de l'école, ou, en tout cas, d'un bon nombre d'enfants, qui apprennent, qui commencent à comprendre que la personne handicapée a des droits, qu'elle est capable de faire un apprentissage scolaire et que ce n'est pas une personne à repousser dans un ghetto.

Les enseignants m'ont fait valoir, lors de cette visite en particulier, à quel point il serait essentiel qu'il y ait des élèves de ce type distribués dans toutes les écoles. Je crois qu'on pourrait penser qu'à la longue, cela pourrait avoir un effet d'éducation sur les élèves qui ne souffrent pas de ces troubles d'apprentissage.

Que dire encore là-dessus? Si vous avez besoin de statistiques, nous pourrons vous en transmettre, Mme le député.

Enfants en difficulté d'apprentissage

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, par votre intermédiaire, j'aimerais dire au ministre qu'on pourra peut-être y revenir en temps et lieu. Est-ce que je dois conclure, d'après les explications qu'il a données, que pour l'année 1977/78, le total de 41 147 enfants souffrant de difficultés d'apprentissage légères sont intégrés aux classes régulières? (20 h 45)

M. Morin (Sauvé): Oui, la réponse, c'est effectivement...

Mme Lavoie-Roux: Cela n'a pas l'air sûr.

M. Morin (Sauvé): Je vais demander à Mlle Baron de venir s'asseoir tout près de moi pour qu'on puisse vous donner une réponse complète. J'ai l'impression qu'effectivement, les 41 000 l'é-

taient, mais peut-être y a-t-il des nuances à apporter à cette affirmation.

Oui, en fait, il y en a 25 000, en 1977-1978, servis par le dénombrement flottant, à comparer à 20 000 en 1976-1977, et à environ 16 000 en 1975-1976. Cette technique permet vraiment une intégration pour les difficultés légères d'apprentissage. C'est ce qui est permis dans la définition de la technique, mais il faut ajouter à cela, comme le disait M. le ministre, d'autres expériences qui ne sont pas couvertes par cette statistique, parce qu'elles font partie des ententes. Quand les enfants sont servis par ententes, ces nombres sont complètement à part, on ne tient pas compte s'ils sont servis dans l'établissement ou s'ils sont servis dans l'école par dénombrement flottant.

C'est ainsi, pour donner un autre exemple, qu'à l'Institut des sourds de Charlesbourg, les élèves handicapés sourds intégrés à la polyvalente au niveau de la fin du secondaire ne sont pas calculés dans le dénombrement flottant et pourtant ils partagent les cours des élèves. Les 25 000 sont un minimum, mais on ne peut pas dire que tous les élèves en difficulté légère sont actuellement servis en dénombrement flottant, parce qu'il reste encore des classes d'attente et des classes de maturation, même si la dernière entente collective n'en prévoyait pas ou pas de la même façon.

Mme Lavoie-Roux: J'aimerais, M. le ministre, si les collègues le permettaient, qu'on vide cette question de l'enfance inadaptée pendant que Mme Baron est ici.

M. Morin (Sauvé): J'en conviens très volontiers.

Mme Lavoie-Roux: Elle est ici surtout pour cela. Si les autres étaient d'accord... Somme toute, cela veut dire qu'il faudrait calculer 103 000 moins 25 000.

M. Morin (Sauvé): Non, les 103 000 couvrent tous les enfants, ceux qui sont calculés en dénombrement flottant, ceux qui sont calculés par les ententes avec les Affaires sociales, de sorte que les 25 000, encore une fois, ne tiennent pas compte de ceux qui seraient servis en dénombrement.

Mme Lavoie-Roux: 103 000.

M. Morin (Sauvé): C'est à l'intérieur des 103 000. En fait, il y a actuellement un peu plus de 8000 enfants servis par entente. Il y a des enfants reçus dans les établissements et c'est ce qui explique que des 10 000 enfants de plus en trois ans, il faut exclure les quelque 8000 qui sont actuellement servis.

Mme Lavoie-Roux: Mais, dans votre dénombrement flottant de 25 000...

M. Morin (Sauvé): 25 000 plus un nombre que je ne peux pas définir.

Mme Lavoie-Roux: II se peut qu'il s'y trouve aussi quelques-uns des 8000 dont vous parlez?

M. Morin (Sauvé): Oui.

Mme Lavoie-Roux: En mettant à peu près 25 000, ou 25 000 à 30 000, si vous voulez, ce serait... Cela veut dire qu'il resterait 70 000 — enfin, en faisant un calcul rapide — enfants qui sont encore dans des classes extérieures aux classes régulières.

Je sais que, dans ce pourcentage, il y en a probablement — là vous pourrez me corriger — 1% qui n'est pas intégrable.

M. Morin (Sauvé): Je serais porté à dire qu'il y a plus de 1%, parce que vous avez les handicapés mentaux, d'abord, les semi-éducables, qui sont difficilement intégrables à l'heure actuelle. Ils sont près de 3000. Vous avez aussi des handicapés physiques avec handicaps multiples, physiques et sensoriels, qui sont difficilement intégrables. Vous avez aussi...

Mme Lavoie-Roux: Ils sont combien?

M. Morin (Sauvé): II faudrait que je retrouve les troubles graves d'apprentissage qui nécessitent vraiment une rééducation.

Mme Lavoie-Roux: Soustrayez 10 000, si vous voulez, je pense que c'est le maximum. Cela veut dire qu'il vous reste au moins un objectif de 60 000 à intégrer dans les classes régulières.

M. Morin (Sauvé): Oui, cela est parfait. C'est vraiment ce que nous visons.

Mme Lavoie-Roux: Est-ce que vous observez — c'est la question que je posais tout à l'heure à M. le ministre — une différence dans l'évolution des mentalités entre les régions ou entre les attitudes des commissions scolaires ou des enseignants ou enfin... disons les commissions scolaires pour le moment? Est-ce que vous entendez faire porter vos mesures d'appui ou d'aide du côté de ces régions? Y aurait-il moyen d'avoir un tableau général des endroits en province où se retrouvent ces enfants?

M. Morin (Sauvé): II y a deux questions. Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): Je vais essayer d'y répondre séparément. Est-ce que le ministère entend faire quelque chose?

Mme Lavoie-Roux: ...

M. Morin (Sauvé): Le ministre lui-même a demandé de préparer une politique et des plans de développement.

Mme Lavoie-Roux: Elle n'y est pas, la politique.

M. Morin (Sauvé): Elle est à se préparer. Mme Lavoie-Roux: Ah bon!

M. Morin (Sauvé): Enfin, les orientations sont déjà faites. La politique est rédigée...

Mme Lavoie-Roux: Quand l'aurons-nous?

M. Morin (Sauvé): La réponse est au ministre. Je répondrai à cette question tout à l'heure.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Morin (Sauvé): Cette politique va viser une intégration aussi complète que possible, qui suppose, comme vous l'avez dit, une préparation du milieu. Tous les milieux ne sont pas prêts au même niveau. Il y a encore des commissions scolaires qui hésitent même à servir dans leurs écoles certains enfants de l'établissement. Il y en a d'autres qui sont très avancées et qui, au fond, pour leur propre clientèle, prennent des mesures à la fois pour les mésadaptés sociaux affectifs, même graves, et pour des handicapés physiques et sensoriels. Elles prennent des mesures qui intègrent vraiment ces enfants dans le milieu. La politique que je prépare à la demande du ministre devra prévoir une prise en charge par les commissions scolaires de leur propre milieu, selon la volonté du ministre. Ce n'est pas le ministère qui va décider où, quand, comment et pourquoi, pour chaque enfant, telle mesure va s'appliquer. Je pense qu'il y a à déterminer des mesures générales et à aider les commissions scolaires à s'orienter vers une prise en charge selon des méthodes normalisantes. Les nombres que nous pourrions actuellement vous donner, c'est la répartition de la clientèle par région, et je crois, par commission scolaire; le nombre aussi d'enfants servis par dénombrement flottant, mais encore une fois, cela ne couvre pas tout. Nos statistiques, à l'heure actuelle, ne sont pas tout à fait compatibles avec la nouvelle politique.

Mme Lavoie-Roux: Quelle mesure — je n'aime pas toujours utiliser le mot recyclage — d'aide entendez-vous donner aux enseignants réguliers, parce que le succès de ceci dépend grandement de l'attitude, de l'acceptation des enseignants réguliers à pouvoir recevoir les enfants dans leur classe? On sait fort bien que les enseignants réguliers n'ont pas eu de formation; sans avoir de formation spécialisée, et plusieurs dans leur formation n'ont pas été sensibilisés à ces problèmes d'intégration, parce que, de l'époque où il n'y avait absolument rien, on est passé à l'époque où on les a tous sortis, et là, on revient vers un équilibre où on les intègre de nouveau. Il reste quand même que les enseignants réguliers vont avoir énormément besoin de soutien et d'aide pédagogique. Est-ce qu'il y a des mesures de prévues pour les enseignants réguliers, parce qu'on sait que la population scolaire diminuant, nos enseignants vieillissent, etc.?

M. Morin (Sauvé): Parmi les mesures qui ont été soumises au ministre et qui vont faire l'objet de plus d'étude, nous avons essayé de distinguer deux situations bien différentes. S'il s'agit simplement de troubles légers d'apprentissage, c'est-à-dire de correction finalement, d'aide au bon moment — vous savez de quoi je parle, c'est-à-dire ne pas attendre qu'en enfant ait doublé et triplé, ne pas attendre qu'il soit complètement perdu, mais lui apporter une aide immédiate — pour ces aides, la plupart des enseignants, avec l'aide d'un orthopédagogue au niveau d'une école, d'une région, pourraient, je pense, assez facilement prendre en charge ces enfants si on les aide et si on applique les ratios prévus même dans la dernière entente collective, qui prévoit quand même un certain nombre de spécialistes à calculer d'après le nombre d'enseignants à l'emploi dans l'école primaire. C'est au primaire qu'il faut vraiment faire cette action.

Pour les enseignants qui auraient des préjugés, qui ne se sentiraient pas capables, quoique je dois vous dire que j'ai rencontré beaucoup de groupes d'enseignants depuis un an... J'ai été invitée à bien des endroits, et je n'ai jamais trouvé, en fait, de réaction négative. La seule condition qu'on posait, c'était: Est-ce qu'on nous aidera? Est-ce qu'on aura les instruments pour le faire? Est-ce qu'il y aura quelqu'un pour nous aider? Je pense qu'il faut que la politique le prévoie.

Pour les troubles graves, il faut vraiment prévoir du perfectionnement, parce que les programmes universitaires actuels — nous l'avons constaté — ne préparent pas les enseignants à faire face à tous les troubles graves d'apprentissage. Les diplômes d'orthopédagogues permettent certainement de faire face à des troubles ordinaires, mais il n'y a pas encore de préparation explicite pour les enseignants qui prennent charge des aveugles, qui prennent charge des sourds, même pour certains troubles moteurs. Il n'y a qu'aux Etats-Unis ou dans certaines autres provinces qu'on peut vraiment trouver des systèmes de formation. La politique que nous sommes à préparer devra prévoir, avec les universités et les commissions scolaires concernées, des programmes de perfectionnement pour ce type de situation. Au point de départ et pour l'ensemble du système, une sensibilisation devrait surtout se faire principalement au niveau des cadres de la commission, du service d'adaptation et des écoles. Je pense que les principaux d'écoles ont un rôle à jouer dans la sensibilisation du milieu et dans l'aide pédagogique à apporter, s'ils ne sont pas que des administrateurs financiers.

Mme Lavoie-Roux: II y a deux questions qui, je pense, s adresseraient davantage au ministre.

Vous savez ce qui était au livre vert et que je vais citer, pas textuellement, mais de mémoire. L'esprit de la chose voulait qu'on prévoie, pour les enfants ou les élèves qui présentent des difficultés d'adaptation, de les sortir du système scolaire. C'est dommage que je n'aie pas le livre vert, je vous le lirais. Je vous l'apporterai demain. Enfin, de les sortir des classes...

M. Morin (Sauvé): Régulières.

Mme Lavoie-Roux: ... ce qui nous semblait... Et même prévoyait l'internat pour eux. Ce n'était pas le mot "internat"...

M. Morin (Sauvé): Non, je proteste. Ce n'était certainement pas le mot...

Mme Lavoie-Roux: Internat? Bien, je vous l'apporterai demain, M. le ministre. Ce n'est peut-être pas le mot "internat", mais...

M. Morin (Sauvé): Non.

Mme Lavoie-Roux: ... de la résidence ou d'autres endroits.

Il y avait assurément cette tendance à les sortir de l'école...

M. Morin (Sauvé): Ecoutez! Il faut préciser...

Mme Lavoie-Roux: Cela me semblait un petit peu en contradiction avec... C'est bien dommage que je n'aie pas le livre vert. Je vais l'apporter demain.

M. Morin (Sauvé):... qu'il s'agit de cas graves.

Mme Lavoie-Roux: On ne parlait pas de cas graves.

M. Morin (Sauvé): Je peux vous dire que c'était l'esprit dans lequel c'était fait, parce qu'autrement nous serions allés à l'encontre de la politique d'intégration...

Mme Lavoie-Roux: C'est l'interprétation que les gens ont faite.

M. Morin (Sauvé): ... que le rapport COPEX nous proposait. Ce n'était pas notre intention d'aller à l'encontre. Non, il ne faut tout de même pas ajouter trop de crédit à ceux qui auraient voulu lire, dans ce paragraphe du livre vert, une proposition d'école de réforme. Ce n'est pas ça que nous avions à l'esprit. Il s'agit de donner de meilleurs services à des étudiants qui en ont besoin.

Mme Lavoie-Roux: L'impression que ça créait, M. le ministre, c'est que les enfants qui dérangeaient dans les classes — ça pouvait être parce qu'ils avaient des troubles d'apprentissage sérieux ou des troubles de comportement divers, mais pas nécessairement des troubles graves — pouvaient être sortis de l'école. Il y a souvent cette plainte — il faut bien se rendre à l'évidence — de la part des enseignants et des principaux d'écoles: S'il n'y avait pas quelques élèves qui dérangent ici et là, on n'aurait pas tous ces problèmes dans les polyvalentes. Enfin, je suis sûre que Mme Baron a entendu ça souvent. Je ne voulais pas qu'on succombe à cette tentation que certains expriment de vouloir sortir des enfants, parce que, justement, ils ne peuvent pas tous être des enfants sages.

M. Morin (Sauvé): On m'a même suggéré, dans certaines écoles, de les envoyer à l'école privée.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): Peut-être devrais-je demander à Mlle Baron si elle a des commentaires à ajouter à ce que j'ai dit il y a un instant.

Mme Lavoie-Roux: D'accord.

M. Morin (Sauvé): La politique prévoit, comme le rapport COPEX d'ailleurs, une série de mesures allant de l'aide aux professeurs réguliers dans sa classe jusqu'à l'école à domicile pour certains cas tout à fait exceptionnels. Je pense, par exemple, à des cas de convalescence prolongée allant jusqu'à l'école spéciale et l'internat; — j'irais jusque-là, moi, dans certains cas. Lorsqu'on parle des enfants délinquants, qui sont en centres d'accueil, vraiment placés par la cour à cause de délinquance, ces enfants ne peuvent pas être scolarisés dans l'école. L'ordre du juge, c'est qu'ils ne doivent pas sortir. Mais ça ne veut pas dire que le système scolaire ne les prend pas en charge. Il les prendra en charge par entente, comme on le fait actuellement, par exemple, à Berthelet. Il n'est pas exclu, non plus dans la politique, et l'application dépendra du niveau d'évolution du milieu, que pour certains types d'enfants, il soit nécessaire, pour leur propre bien, de les scolariser dans une école spéciale. (21 heures)

Par exemple, si, dans un milieu, on n'accepte pas du tout l'enfant handicapé mental moyen, le mongolien, par exemple, il ne serait pas approprié d'en faire un souffre-douleur dans une école régulière. Je pense qu'à ce moment il faut faire évoluer le milieu, mais il y a des milieux qui déjà sont prêts à intégrer ces enfants dans des classes spéciales, mais dans l'école régulière. D'autres ne le sont pas et je peux parler en connaissance de cause parce que j'ai eu à discuter avec des commissions scolaires à ce propos. Il y a donc un long chemin à parcourir. En fait, il ne devrait y avoir, hors du système scolaire public, personne; c'est ce que la politique prévoit; Que personne ne soit obligé d'aller en dehors. Je pense qu'il faut conserver, au moins comme une étape intermédiaire — et c'est ce que la politique va proposer — des moyens de vie appropriés à certains milieux, c'est-à-dire la classe spéciale, là où l'évolution ne sera pas faite, et même l'école spéciale et certainement les établissements du ministère des Affaires sociales qu'on ne supprime pas par la politique du ministère de l'Education.

Mme Lavoie-Roux: Deux petites questions qui, je pense, peuvent être adressées au ministre. Le fait qu'on continue de les calculer — je pense aux enfants qui sont maintenant dans des classes régulières, mais qui bénéficient du dénombrement flottant — ici, est-ce que c'est la convention qui vous y oblige ou, si ce n'est pas le cas, je vous demanderais pourquoi vous ne les sortez pas de vos 103 000?

M. Morin (Sauvé): C'est exactement le désir du ministère et du ministre, mais je pense qu'il ne faut pas aller plus loin que les conventions...

Mme Lavoie-Roux: C'est à cause de la convention qu'ils sont encore là.

M. Morin (Sauvé): ... Les commissions ont appliqué, dans certains cas, les 10% qui n'obligeaient pas à identifier? lorsqu'elles ne l'ont pas fait, elles ont dû identifier et dans les statistiques du 30 septembre, ces enfants sont inclus, mais je pense — et M. le ministre partage sûrement votre point de vue — qu'il serait tout à fait normal de ne plus considérer comme inadaptés des enfants qui n'ont que des difficultés légères d'apprentissage pour lesquelles il ne s'agit tout simplement que de mesures pédagogiques correctives — parce que c'est un trouble purement pédagogique que celui-là.

Mme Lavoie-Roux: Surtout que les enfants sont si souvent catalogués par les autres rapidement...

La dernière question s'adresse au ministre; il y avait un article de Mme Gagnon, dans la Presse, il y a une dizaine de jours, touchant les intentions de la CEQ à l'égard de la prochaine négociation. Le titre était à peu près ceci: "La CEQ veut bien être pour les travailleurs, mais elle veut d'abord se protéger", et elle faisait allusion au fait que...

M. Paquette: "Clauses dans la convention collective".

Mme Lavoie-Roux: C'était le titre... Elle signalait le fait que la CEQ — je ne voudrais pas mal interpréter — s'opposait, jusqu'à un certain point, à l'intégration des enfants aux classes régulières. Est-ce qu'il y a un fondement à cela ou est-ce inexact?

M. Morin (Sauvé): II faut sans doute tenir compte du fait que beaucoup d'enseignants sont prêts à pratiquer l'intégration, à condition qu'on leur donne des moyens et ils ne veulent pas se retrouver — surtout quand ils se sentent non qualifiés pour faire face à des situations difficiles — avec plusieurs enfants en difficulté d'apprentissage dans leur classe. Je pense que c'est là, d'abord et avant tout, leur souci et c'est à cela qu'il faudra répondre dans la mesure où nous voudrons mettre sur pied une politique véritable d'intégration.

Mme le député me permet-elle de revenir au livre vert?

Mme Lavoie-Roux: Oui.

M. Morin (Sauvé): Je pense qu'elle chercherait en vain l'idée d'internat là-dedans...

Mme Lavoie-Roux: Je vais en chercher un.

M. Morin (Sauvé): Je vais vous passer mon exemplaire.

Mme Lavoie-Roux: Oui, passez-le moi, je vais vous le retrouver.

M. Morin (Sauvé): Je voudrais souligner aussi que nous énoncions cette proposition sous forme de question. "Cette question doit être posée " — je lis le paragraphe 4-79 du livre vert — "elle n'appelle sans doute point une réponse simple, faut-il la chercher du côté d'institutions spécialisées dans les troubles de comportement?"

Mme Lavoie-Roux: Oui, c'est très large.

M. Morin (Sauvé): C'est très large, mais dans notre esprit, évidemment, il s'agissait d'enfants qui ont besoin d'être envoyés dans des institutions, mais ce n'est sûrement pas la majorité des enfants.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais je pense que, dans un contexte où on parle d'intégration — vous l'avez lu, vous parlez d'institutions, j'ai dit: Internats à 4-77. Quel numéro est-ce?

M. Morin (Sauvé): 4-79.

Mme Lavoie-Roux: Du côté de l'institution spécialisée dans les troubles du comportement... Vous savez, ce sont presque tous des enfants qui ont des troubles de comportement; alors, à ce moment-là, cela laissait la porte ouverte. D ailleurs, c'est comme cela que les gens l'ont interprété, surtout que c'est la seule allusion qu'on faisait dans tout le livre vert à l'enfance inadaptée. C'était fort malheureux.

M. Morin (Sauvé): C'est une question qui a donné lieu à diverses interprétations, mais je pense que les choses sont maintenant plus claires pour Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: Cela va les rendre plus claires pour le public aussi. C'est plus important encore.

M. Morin (Sauvé): Oui, et j'ai même l'intention pour que la confusion cesse et, pour qu'on ne puisse pas me faire le reproche de n'en point parler dans le plan d'action que je vais annoncer à l'automne, je songe sérieusement à annoncer et le plan d'action du livre vert et le plan d'action découlant du rapport COPEX en un seul et même document.

Mme Lavoie-Roux: Ce serait faire amende honorable. Ce serait bien.

M. Morin (Sauvé): Mme le député de L'Acadie est libre de l'interpréter comme elle voudra.

Mme Lavoie-Roux: Merci, je n'ai pas d autre question.

Le Président (M. Dussault): Est-ce que M. le ministre avait terminé ses remarques générales en réponse...

M. Morin (Sauvé): M. le Président, j'en avais peut-être quelques autres, mais je pense qu'il vaut mieux laisser venir les questions; le débat était engagé. Je ne voudrais pas nuire aux questions.

Mme Lavoie-Roux: Mme Baron n'a pas fini.

M. Paquette: Je m'excuse, c'est parce que j'avais encore une ou deux questions sur l'enfance inadaptée.

M. Morin (Sauvé): Un instant.

M. Paquette: C'est parce qu'on avait convenu de vider le sujet maintenant. Ce qui m'intéresse là-dedans, ce sont les mécanismes de dépistage des troubles de l'apprentissage et également, puisque le rapport COPEX propose différentes orientations une fois les troubles dépistés, soit des institutions spécialisées dans certains cas ou l'intégration dans d'autres, que j'espère dans la majorité des cas, comment se fera cette orientation des étudiants vers l'une ou l'autre solution et quelle sera la participation des parents dans ce choix?

M. Morin (Sauvé): Sur la question du dépistage, je voudrais tout de suite dire que et le rapport COPEX et le comité qui se préoccupe de la politique et qui la prépare sont quand même aussi très attentifs à ne pas créer de nouveaux dépis-teurs qui ne feront qu'augmenter le nombre des enfants catégorisés, sans apporter de solution.

M. Paquette: ... ou un parent.

M. Morin (Sauvé): Oui, c'est cela. Alors, je pense que ce qui est important c'est vraiment de fournir à chaque commission scolaire l'aide dont elle a besoin pour apporter les services nécessaires. Le dépistage, pour une partie, devrait être fait avant l'âge scolaire. Je pense, par exemple, aux handicapés physiques et sensoriels. En liaison avec les plans de développement du ministère des Affaires sociales, il faut prévoir un dépistage à la naissance ou dans la période pré-scolaire et à tout le moins à l'entrée de la maternelle, ce qui signifie des services sociaux, des services de santé très bien harmonisés avec les services d'éducation, et cela fait partie de cette politique. D'ailleurs, à la demande du ministre de l'Education, des représentants du ministère des Affaires sociales travaillent avec nous sur ce même comité des politiques.

Cela signifie, au niveau de la commission, donc, des ressources pour l'évaluation des enfants, mais des ressources surtout pour des services adaptés. Pour le dépistage fait par le biais du ministère des Affaires sociales, il est déjà prévu que les parents sont dans le coup et ne peuvent pas ne pas être dans le coup. Dans le rapport COPEX, on a aussi bien insisté sur la nécessité pour les parents, non pas de se voir proposer, sous une forme plus ou moins claire, des mesures qu'ils ne comprennent pas, mais de faire participer les parents à l'évaluation, de tenir compte d'ailleurs du milieu familial et de trouver avec les parents la meilleure solution de sorte que je pense que pour la mésadaptation socio-affective, il est impossible de travailler sans les parents. Pour les troubles d'apprentissage légers, c'est vraiment autre chose, il faut que la famille soit intéressée. Souvent, c'est surtout dans les méthodes pédagogiques qu'il faut intervenir: plus d'individualisation, plus d'attention à l'enfant et de temps en temps, une aide supplémentaire même en dehors du temps de classe. Il faut peut-être aussi, c'est l'autre aspect qui est actuellement à l'étude, revoir notre perception du dénombrement flottant qui, actuellement, ne se fait qu'à l'heure de la classe, de sorte que l'enfant est toujours privé d'une partie de sa classe pour avoir un service approprié pour l'aider à reprendre le fil.

Il y a peut-être lieu de prévoir d'autres types de mesures pour ces enfants. En général, je pourrais dire que ce qu'il faut prévoir, si on veut tenir compte du fait que ce sont les commissions scolaires qui ont la responsabilité d'appliquer les mesures, c'est d'instrumenter les commissions scolaires, d'instrumenter les directions régionales du ministère pour aider les commissions, et d'instrumenter les enseignants. On ne peut pas penser qu'on va diminuer globalement le nombre d'enseignants affectés à ces enfants. On ne récupérera pas des enseignants à ne rien faire, parce qu'on va, par exemple, cesser d'identifier des troubles légers d'apprentissage. Il faut tout simplement prévoir qu'une partie des enseignants sont là pour aider les autres à mieux travailler et pour aider les élèves à mieux profiter des cours.

M. Paquette: II y a des cas de dépistage qui prêtent moins à controverse en ce qui concerne les déficiences physiques. Quand on arrive à des difficultés d'apprentissage dans les déficiences intellectuelles, c'est toujours extrêmement délicat...

M. Morin (Sauvé): ...

M. Paquette: C'est beaucoup moins sûr et ça m'amène à cette question. Avant d'orienter un jeune pour la vie dans une direction ou dans l'autre, est-ce qu'il y a une seule personne qui fait l'évaluation ou s'il y a des mécanismes de révision?

M. Morin (Sauvé): Je suis très heureux de vous entendre dire cela, parce que c'est aussi une des préoccupations de ne pas laisser à une seule personne ou à un seul administrateur scolaire le soin de décider du sort d'un enfant. Il faut prévoir des comités, il faut prévoir des mécanismes qui intègrent les parents et il faut prévoir aussi un droit d'appel des parents. Il faut que quelqu'un...

M. Paquette: Je suis parfaitement d'accord avec vous.

M. Morin (Sauvé): ... quelque part puisse confirmer un diagnostic.

M. Paquette: Cela me rassure, je vous remercie.

Le Président (M. Dussault): Oui, Mme le député.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, si vous me permettez, une toute dernière question. Assez récemment, l'Association des parents pour les enfants déficients a présenté au premier ministre un mémoire dans lequel ceux-ci faisaient état du fait que... je ne l'ai pas lu en détail, c'est simplement ce que j'ai lu dans le journal, mais ça m'a frappé, parce que c'est un domaine qui m'intéresse particulièrement, enfin que certaines écoles ne semblaient pas très sensibles à ce problème d'intégration et demandaient justement que des actions soient prises. Est-ce que vous pourriez commenter cela, est-ce que vous avez vu le mémoire?

M. Morin (Sauvé): Oui, le mémoire posait deux jugements assez graves, le premier portait sur la qualité des services dans certaines commissions scolaires en disant que les parents devaient parfois se contenter d'être heureux que l'enfant soit reçu dans l'école tout en sachant qu'il n'y faisait pas grand-chose, ce qui m'a semblé très dur.

Mme Lavoie-Roux: Ce qui est fort probablement vrai.

M. Morin (Sauvé): Cela peut arriver, parce que ce sont des services qui se développent. Il faudra y voir, je pense; il y a une évaluation qui est la responsabilité du ministère quant à la qualité des services. Je pense que le ministère, même dans une décentralisation, ne peut pas éviter de le faire, si on veut bien servir ce type d'enfant.

Son deuxième jugement, c'était justement qu'on ne les recevait pas toujours très bien, on ne les intégrait pas et on les mettait à part, même si on les servait bien. C'est un fait que, même pour la déficience légère, à l'heure actuelle, la tendance a été, à Montréal comme ailleurs, vous le savez bien, de sortir ces enfants du milieu régulier et, au fond, de faire de l'occupationnel, c'est-à-dire de ne pas développer pleinement toutes leurs ressources et tout leur potentiel.

Il y a deux courants de pensée: il y a un courant selon lequel, pour l'enfant déficient mental, il faut le rendre heureux et un autre selon lequel il faut développer au maximum. A mon point de vue, les deux ne sont pas incompatibles. Je pense qu'au niveau de la politique à préparer, il faudrait être très attentif aux faux débiles, parce qu'il en existe. La mission a permis d'en identifier dans certains centres d'accueil. Lorsqu'on les a confiés aux commissions scolaires, je pense à un centre particulier, la commission scolaire a découvert que certains de ces enfants supposés débiles moyens très graves, au fond, étaient des débiles légers, très légers qui pouvaient facilement s'intégrer. (21 h 15)

II y a donc un danger de catégoriser, dès le début de la scolarité et, ensuite, de ne rien attendre de ces enfants, donc aussi, de ne rien leur donner. C'est un des éléments importants, parce que, finalement, il est peut-être plus difficile d'identifier très clairement le potentiel d'un enfant qui souffre de déficience mentale. Nos instruments de mesure ne sont pas extraordinaires. Il faut miser davantage sur le plus que sur le moins. Les programmes actuels pour les déficients mentaux datent déjà d'un bon bout de temps au niveau du ministère. Je ne parle pas de ceux que nous n'avons pas encore, mais pour la déficience mentale, cela date d'assez loin. Ils sont à refaire et à préciser. Cela fait partie précisément des plans dont parlait M. le ministre tout à l'heure. Les plans s'adresseront aux grandes catégories de clientèle et devront être spécifiques pour chacun de ces types d'enfants.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais demander si vous avez des moyens d'évaluation de la qualité des services qui sont donnés aux différents groupes d'enfants. Je ne parle pas des enfants classés en apprentissage léger, mais particulièrement dans le cas de la déficience mentale.

Il ne faut quand même pas oublier que ce sont des services qui, dans certaines régions du Québec ont été développés plutôt récemment. Est-ce que vraiment toute la province est servie d'une façon adéquate? Je comprends qu'il y aura toujours des cas qui vont nous échapper, mais il ne faudrait quand même pas qu'il reste des lacunes graves dans aucune région de la province.

M. Morin (Sauvé): Non, je pense qu'avec l'action concertée des deux ministères, particulièrement en déficience mentale — cela va être vrai aussi pour les autres catégories, mais pour la déficience mentale, c'est particulièrement vrai — il faudra que le ministère se donne des instruments. A l'heure actuelle, nos instruments ont consisté beaucoup plus — je sais que le ministre aime les choses claires et franches, alors je le dis clairement et franchement — à faire identifier, selon des évaluations certifiées par des personnes qualifiées le fait qu'il y avait des enfants et cela a été de fournir des ressources humaines en pensant que les universités les formaient et de donner des programmes de base, mais assez peu articulés et sans beaucoup d'évaluation.

Je pense que ce besoin d'une politique officielle est aussi un besoin de bien identifier les actions propres au ministère et les actions propres aux commissions scolaires. Il y a des commissions scolaires qui font des choses merveilleuses, qui ne sont pas connues par les autres. Il y a malheureusement une absence de diffusion des expériences heureuses. Cela devrait être aussi une partie de la politique.

De plus, je dois dire que la mission interministérielle se pose le même problème de qualité, puisque son objectif est la scolarisation optimale. Il y a actuellement trois projets pilotes qui visent à identifier, dans trois milieux différents, comme point de départ, les services qui sont donnés, par

qui ils sont donnés, quelle est exactement la fonction des intervenants et quelle est la préparation requise.

A partir de ces expériences pilotes, nous espérons pouvoir fournir au ministère — je parle presque au nom de la mission — des éléments d'évaluation qui servent à l'intérieur de la politique. Le ministère finance aussi des projets d'expérimentation dans des commissions scolaires et quelques-uns de ces projets — j'en ai vérifié la liste dernièrement — pourraient se prêter à une évaluation. Il est difficile pour le ministère de contrôler ce qui se fait dans chaque classe et dans chaque commission scolaire. Même une commission scolaire ne peut pas le faire.

Mme Lavoie-Roux: II faut des outils.

M. Morin (Sauvé): C'est cela. Je pense que c'est ce que la politique doit prévoir, donner aux commissions les outils pour évaluer et pour améliorer le service qu'elles donnent.

Mme Lavoie-Roux: M. le ministre, est-ce que vous croyez présentement que les commissions scolaires ont à leur disposition les instruments suffisants, non pas pour faire le travail d'identification dont on vient de parler, mais pour faire ce que j'appellerais, dans le fond, la relance des enfants qui sont placés dans des classes spéciales? C'était un problème, même là où j'ai travaillé, compte tenu du nombre d'enfants, pour faire une réévaluation au moins annuelle. Je dois l'avouer, cela ne se faisait pas. Je pense qu'un bon plan d'intégration suppose qu'on ait ces instruments de relance régulière des enfants qui sont placés dans des conditions particulières d'apprentissage.

M. Morin (Sauvé): Surtout ceux qui sont en classes spéciales.

A ma connaissance, les commissions scolaires sont sous-équipées et c'est une partie du problème. Il va s'agir de savoir si nous pouvons trouver les moyens, le personnel, la formation et tout ce que cela suppose. Ce sera une politique à échelonner sur quelques années.

Mme Lavoie-Roux: Je voudrais simplement, en terminant, dire au ministre que, quand je parle de qualité d'enseignement et qu'il y a risque, en n'indexant pas suscessivement pendant plusieurs années les normes, je ne parle pas de changer des ratios qui vont chercher des millions de dollars ou des choses comme cela. C'est qu'à un moment donné, ce qui est pénalisé, ce sont des services de soutien comme ceux-là; il y a des professionnels non enseignants qui sont mis à pied ou en disponibilité, cette année, à cause des compressions budgétaires. Quand je parle de qualité d'enseignement, c'est de cela que je parle. Elles sont déjà sous-équipées et on risque de les démunir davantage. C'est dans ce sens que je parle de qualité d'enseignement.

M. Morin (Sauvé): II est bien évident que, lorsque nous tirerons des conclusions, sous forme de politiques, il faudra évaluer le coût de tout cela et que le gouvernement aura des choix à faire, bien sûr.

M. Le Moignan: Mademoiselle, quand on regarde vos chiffres de la page 08, sur les populations scolaires en difficulté d'apprentissage, cela couvre toute la province?

M. Morin (Sauvé): Tout le secteur public.

M. Le Moignan: Tout le secteur public du Québec.

Mme Lavoie-Roux: Merci bien!

Le Président (M. Dussault): M. le ministre, je vous pose à nouveau la question. Est-ce que vous aviez terminé vos remarques?

M. Morin (Sauvé): Je préférerais laisser venir d'autres questions de mes collègues de la commission plutôt que de me permettre des commentaires supplémentaires, M. le Président. Le temps avance et je pense qu'il serait utile que nous entrions dans le vif du sujet.

Pouvoirs des commissions scolaires

M. Saint-Germain: S'il y avait possibilité, j'aimerais mieux parler, m'étendre un peu sur la politique de décentralisation du ministère. Je dois dire, M. le Président, que j'ai apprécié le fait que le gouvernement et le ministère ne voulaient pas enlever aux commissions scolaires tout pouvoir de taxation. Si je comprends bien — je crois que ce chiffre est bon — la taxe sur la propriété prélevée par les commissions scolaires est actuellement de $590 000 000. Est-ce que c'est juste pour ce qui regarde...

M. Morin (Sauvé): $585 000 000.

M. Saint-Germain:... la taxe normalisée? Quel est le montant perçu maintenant pour payer les dépenses inadmissibles, comme on le dit communément, au niveau des commissions scolaires?

M. Morin (Sauvé): Vous avez le tout à la page A-39, M. le député. Si vous voulez bien vous y reporter, vous allez voir que les dépenses inadmissibles sont estimées, puisqu'il s'agit d'une estimation, à $60 millions pour 1978/79.

M. Saint-Germain: II arrive, en fait, que cette taxe normalisée, si, traditionnellement, on l'appelle taxe scolaire, maintenant qu'elle est contrôlée par le gouvernement provincial, est une taxe provinciale, à vrai dire?

M. Morin (Sauvé): A toutes fins pratiques, nous pensons que vous avez raison.

Mme Lavoie-Roux: C'est l'opinion du ministre des Finances.

M. Morin (Sauvé): C'est aussi l'opinion du ministre des Finances, mais je lui communiquerai l'accord de vues que vous venez de signifier.

M. Saint-Germain: Entendu.

M. Morin (Sauvé): Je suis sûr que, venant d'un ancien administrateur scolaire comme vous, cela aura un certain poids.

M. Saint-Germain: Le surplus de taxes est de $60 millions. On s'aperçoit vite que le pouvoir de taxation des commissions scolaires actuellement est extrêmement limité.

Personnellement, je vois notre système scolaire un peu comme ceci: A la base, nous avons des milliers de commissaires qui représentent directement le milieu. Dans le Québec, c'est une très vieille tradition.

M. Morin (Sauvé): 133 ans d'existence.

M. Saint-Germain: Voilà. Cela m'a plu d'entendre le ministre dire aussi que, pour ce qui est de l'autorité du Conseil du trésor dans les prochaines négociations, on a bien voulu lui retirer une certaine autorité en ce qui regarde l'éducation.

M. Morin (Sauvé): Oui, sauf que le Conseil du trésor, naturellement, reste dans le tableau...

M. Saint-Germain: J'en suis.

M. Morin (Sauvé): ... pour coordonner les mandats, aussi pour s'occuper de l'aspect financier lourd.

M. Saint-Germain: J'en suis. En fait, je crois qu'on ne peut pas parler de décentralisation scolaire sans augmenter énormément les pouvoirs des commissions scolaires et les responsabilités des commissions scolaires. Il est évident que seul le ministre élu a autorité pratiquement sur 100 000 personnes, peut-on dire, qui oeuvrent dans le domaine scolaire directement ou indirectement ou qui gagnent leur vie à oeuvrer, si vous voulez, dans le domaine scolaire. Il y a à la tête de tout ceci un seul homme d'élu. C'est bien beau de dire à la population que le système scolaire actuellement est sous l'autorité du gouvernement et des hommes élus. C'est vrai. En fait, c'est vrai légalement. En pratique, je crois que c'est un peu différent. Notre système est très complexe. Ce n'est pas une petite tâche que d'être responsable de l'éducation à titre de ministre au Québec. Avant d'en connaître le rouage et avant de suivre quotidiennement le déroulement, si vous voulez, de l'administration scolaire au Québec, c'est déjà quelque chose. Avant, malheureusement, que la décision du ministre se fasse ressentir au niveau de l'élève qui est assis sur le banc de l'école, ah! ah!, en passant par tous les paliers de l'administration, bien souvent, avant que cette décision se ressente au niveau de l'élève, le ministre a terminé sa carrière, parce que nos ministres...

M. Morin (Sauvé): Je vais dire comme vous, M. le député, ah! ah!

M. Saint-Germain: Voilà. J'ai l'impression que, lorsqu'on enlève aux commissaires élus les responsabilités, en fait, on les remet aux fonctionnaires, bien que, légalement, on dise toujours qu'on les remet au ministre; mais on les remet aux fonctionnaires. Aujourd'hui, il est de mode de se servir des termes "déconcentrer" et "déconcentration". Vous savez, en éducation, on en a entendu des termes à la mode, comme cela, qui pourraient dire bien des choses, mais qui, bien souvent, ne veulent rien dire. Vous savez, la déconcentration, c'est un beau grand mot. Cela ne nous donnera probablement, au niveau des régions, quelques fonctionnaires qui seront, assurément, responsables à Québec, quoi qu'on dise, et probablement que les commissaires s'apercevront vite qu'en entrant en contact avec ces fonctionnaires "déconcentrés", ces fonctionnaires "déconcentrés " devront prendre l'avis de Québec. La déconcentration vaudra probablement aux commissaires d'école le privilège de parler à un intermédiaire au lieu de parler à quelqu'un qui travaille au niveau des décisions. Les commissaires se rendront probablement vite compte de cela. On pourrait probablement déconcentrer au point de vue administratif, au niveau de la capitale, et les résultats seraient probablement les mêmes, croyez-moi!

Je crois que la population du Québec croira à la décentralisation lorsqu'elle verra, en pratique, les responsabilités des commissions scolaires augmentées et la liberté des commissaires respectée. A part cela, ce sont des discours, ce sont des théories, ce sont de vains mots. Cela ne veut rien dire. La population se demande, et avec raison, qui a l'autorité dans le système scolaire actuel. On sent que l'autorité est tellement diffuse, est tellement dispersée qu'on ne sait plus à qui on a affaire, à vrai dire. Même les directeurs d'école ont perdu de cette autorité. (21 h 30)

En plus de toute cette pyramide qui s'est créée, avant d'arriver au ministre, il y a les contrats de travail. On n'a pas trouvé d'autres moyens de réglementer les relations entre les salariés et l'autorité. Mais il arrive que ces contrats de travail sont, en fait, de plus en plus complexes, et qu'ils sont un couloir, ils emprisonnent pratiquement tous ceux qui sont en autorité au niveau scolaire.

Alors, cette décentralisation scolaire devrait se refléter premièrement, par une plus grande liberté de taxation pour les commissaires, une plus grande liberté, une plus grande autorité lors des négociations collectives, à mon avis, et les commissions scolaires sont beaucoup plus à même de connaître les priorités de leur milieu, les difficultés auxquelles elles ont à faire face. Les commissaires vivent ça tous les jours. Ils sont beaucoup mieux informés que, bien souvent, les fonctionnaires et le ministre peuvent l'être. C'est entendu que parmi les fonctionnaires au niveau de l'Education, il y a des intéressés, il y a des gens qui travaillent dur, qui oeuvrent durement et avec

compétence. Ces gens-là pourraient être très utiles au niveau local. Peut-être que leur travail serait même plus efficace au lieu d'essayer de convaincre le ministre...

M. Morin (Sauvé): C'est pour ça que nous les déconcentrons.

M. Saint-Germain: ... de leur façon de voir, s'ils pouvaient directement influencer et conseiller les commissaires d'écoles qui, aussi bien que le ministre, représentent la population. Mais, pourquoi ne pas donner aux commissaires plus d'autorité? Je ne dis pas, lorsqu'on parle de taxation, que cette autorité de taxer devrait se limiter au domaine immobilier. On parle d'agrandir le champ de taxation des municipalités. On pourrait aussi bien agrandir le champ de taxation des commissaires d'écoles si ce système n'est plus approprié aux nécessités du moment.

Alors, c'est ce que j'avais à dire, M. le Président, et je crois que ce que je dis là, la population en est bien consciente. Elle sait très bien que quels que soient les mots dont on se sert, quelles que soient les politiques gouvernementales, il y aura décentralisation, en autant qu'on donnera plus d'autorité aux commissions scolaires.

C'est entendu que le système décentralisé qu'on avait il y a 50 ou 75 ans a amené certains inconvénients. On en a vu des résultats, mais il en reste qu'actuellement, la population du Québec est scolarisée dans toutes les régions du Québec. Il y a des moyens de communication qui existent aujourd'hui qui n'existaient pas dans le temps. On a fait une réorganisation, si vous voulez, du territoire des commissions scolaires. On en a diminué le nombre énormément. On ne vit plus dans le contexte d'il y a 50 ans. Je crois qu'actuellement les commissaires d'écoles, en général, sont capables de prendre leurs responsabilités, et si la population s'apercevait que, réellement, ces gens ont un rôle important à jouer dans la qualité des services scolaires, on attacherait beaucoup plus d'importance à l'école régionale, à l'école locale ou à la commission scolaire locale qu'on n'en attache aujourd'hui. Vous savez, les gens ont toujours le gros bon sens pour eux. Ils connaissent leurs besoins, les difficultés. Ils savent pertinemment qui est en autorité, ils savent aussi quand il n'y a plus d'autorité, et si on prouvait aux gens qu'on veut et qu'on donne aux commissaires d'écoles l'autorité voulue, l'intérêt des citoyens pour la commission scolaire reprendrait et renaîtrait. Maintenant, je ne dis pas que ce sont des politiques qu'on peut établir dans un an, deux ans ou trois ans, mais je crois qu'il est grandement temps d'en arriver là et de diminuer énormément l'autorité du ministre, la responsabilité du ministre, si vous voulez. Gardons l'autorité du ministre — et une autorité bien définie — pour les difficultés auxquelles on peut avoir à faire face, des difficultés provinciales, si vous voulez, qui concernent l'ensemble des commissions scolaires, mais on devrait laisser les pouvoirs résiduels aux commissaires et laisser les commissions scolaires réellement responsables et les grandes responsables de l'éducation au Québec.

C'est ce que j'avais à dire, M. le Président.

M. Morin (Sauvé): M. le Président, si vous permettez, je voudrais faire quelques commentaires à la suite de cette intervention à laquelle j'apporte beaucoup d'importance parce que je sais qu'elle vient d'un ancien commissaire d'école qui a exercé ses fonctions pendant plusieurs années, je pense...

M. Saint-Germain: Cinq ans.

M. Morin (Sauvé): Je voudrais simplement dire que la phase de centralisation par laquelle le ministère de l'Education, comme d'autres ministères du Québec, a dû passer, pendant quelques années, tire maintenant à sa fin. Il fut un temps où tout était à construire au Québec en fait d'éducation. Le député se rappellera qu'il y a 15 ans, une fraction, un pourcentage infime de notre population scolaire accédait au niveau secondaire. Il a fallu l'opération 55, il a fallu construire des polyvalentes; de même, il a fallu créer de toutes pièces un réseau de collèges. Cela ne pouvait pas se faire sans une certaine centralisation parce qu'il fallait égaliser les chances de toutes les régions, équiper toutes les régions sans distinction, qu'il s'agisse de Montréal, qui avait peut-être plus de ressources financières et humaines que les autres régions, ou de la Gaspésie — je dis cela à l'intention du député de Gaspé. Or, cette phase de construction, de mise en place du réseau, je crois qu'elle est à peu près terminée, non pas qu'il ne reste pas, bon an mal an, quelques constructions, quelques agrandissements à faire, nous les faisons sans difficulté au ministère — enfin, sans difficulté, c'est une façon de parler, il y a toujours à s'expliquer avec le Conseil du trésor — mais je veux dire que ce ne sont plus les grands mouvements de construction des dernières années.

Maintenant, nous pouvons entrer dans une phase pédagogique de l'évolution du ministère de l'Education. Ceci ne veut pas dire que nous allons négliger les équipements, mais, comprenez-moi bien, il s'agit de mettre désormais l'accent sur ce qui se passe dans l'école et, pour cela, je pense qu'effectivement il faut revenir à une certaine décentralisation. Bien sûr, le ministère ne pourra pas abdiquer complètement ses responsabilités. Je pense, par exemple, à un phénomène qui est pour ainsi dire irréversible et qui est constitué par les échelles de salaire qui s'étendent à l'ensemble du territoire québécois. Il est bien difficile de s'imaginer qu'on puisse revenir à une situation où telle commission scolaire, parce qu'elle avait sur son territoire des industries et de gros blocs d'appartements, pouvait se payer une pédagogie de qualité, tandis que la paroisse située à 20 coins de rues de là, dans un quartier défavorisé, ou encore dans une petite ville du Québec éloignée des grands centres ou à la périphérie, en Abitibi, en Gaspésie, sur la Basse-Côte-Nord, ces régions,

ces villes ne pouvaient pas se payer les mêmes services. Le ministère de l'Education va donc garder son rôle d'égalisateur des chances, en quelque sorte, mais, pour ce qui est de la pédagogie, bien qu'il doive assurer un minimum, notamment pour les programmes, qu'il doive assurer à chaque Québécois la chance d'avoir un minimum d'apprentissage dans la plupart des disciplines, en dépit de cela, il y a moyen de laisser plus de marge de manoeuvre aux commissions scolaires. C'est d'ailleurs l'objectif que nous poursuivons grâce aux quatre plans d'activités.

Je ne sais pas si le député a pris connaissance de ce qui est dit à la page A-31: 45 commissions scolaires, en 1977/78, utilisent déjà, mais à titre expérimental, un ensemble de quatre plans d'activités. Ces plans sont faits par elles, avec les conseils — comme vous le suggériez tout à l'heure, M. le député — de fonctionnaires du ministère qui, désormais, sont en région et non plus retirés dans leur tour à Québec. La présentation de ces plans se fait aux directions régionales du ministère de l'Education et permet aux commissions scolaires de recevoir des conseils et une aide très structurée. Les commissions scolaires ne sont pas obligées de suivre obligatoirement les conseils du ministère, à moins, évidemment, qu'il s'agisse d'une loi contraignante ou d'une réglementation dont elles ignoraient l'existence.

Ces 45 commissions scolaires n'ont pas d'autre autorisation à obtenir du ministère. Elles présentent d'abord un plan de services éducatifs qui est discuté; ensuite, pour réaliser ce plan, elles doivent mettre au point le plan des ressources humaines et le plan des ressources matérielles. Ce sont elles-mêmes qui les établissent avec les fonctionnaires-conseils. Le tout se traduit par un plan de ressources financières qui engendre annuellement le budget. Une fois discutés et approuvés, la commission scolaire met en oeuvre ses plans et son budget et ce n'est qu'à la fin qu'elles rend compte de sa gestion parce qu'évidemment, le ministère est tout de même là pour s'assurer que les fonds publics sont utilisés correctement. Autrement dit, on diminue le nombre de transactions entre le ministère et la commission scolaire et surtout entre le Québec et la lointaine commission scolaire chaque année. Je me suis laissé dire qu'il y avait jusqu'à 30 et 40 transactions par année entre une commission scolaire normalement constituée et le ministère. On me dit même qu'il y avait 54 transactions annuelles. Désormais, sans que je puisse vous dire exactement combien il y en aura, le nombre sera considérablement diminué. Autrement dit, la commission scolaire n'aura pas à courir à Québec à tout bout de champ pour pouvoir agir. Enfin, il y aurait quatre, cinq, six grandes transactions chaque année qui engloberaient les autres et qui, évidemment, se situeraient aussi dans une perspective de planification puisque la commission scolaire serait invitée à planifier son avenir non pas seulement pour l'année qui vient, mais peut-être pour deux ou trois ans d'avance. Il s'agit d'une démarche vrai- ment nouvelle et qui, je crois, permettra de répondre aux soucis du député de Jacques-Cartier d'accorder une plus grande autonomie de décision aux commissions scolaires.

M. Saint-Germain: C'est entendu, M. le Président, qu'on ne pourra pas, même dans un système très décentralisé, laisser certaines régions du Québec à elles seules au point de vue pécuniaire. Il serait inconcevable qu'on donne dans certaines régions du Québec un service scolaire à rabais comparativement à ce qu'on pourrait avoir dans les grands centres et dans les centres les plus industrialisés. Mais il ne serait pas utopique de penser qu'il pourrait y avoir des paiements de péréquation, un peu comme on en a entre le fédéral et le provincial.

M. Morin (Sauvé): C'est le genre de chose dont il s'agit, oui.

M. Saint-Germain: Surtout, M. le ministre, que c'est même dans votre programme politique; vous voulez tellement décentraliser le Canada que vous voulez en séparer la province.

M. Morin (Sauvé): Attention, nous voulons instaurer un régime d'indépendance ou de souveraineté-association, mais je sais ce que vous allez me dire. Vous allez me dire, vous allez plaider pour la souveraineté-association des commissions scolaires.

M. Saint-Germain: Justement.

M. Morin (Sauvé): M. le député, je vous vois venir.

M. Saint-Germain: Si on est pour la décentralisation, on devrait l'être aussi bien au niveau provincial, pour ce qui regarde les commissions scolaires et les municipalités en particulier, qu'on peut l'être vis-à-vis du fédéral et du provincial.

M. Morin (Sauvé): Toutes proportions gardées...

M. Saint-Germain: ... puisque les commissions scolaires ne sont pas des nations.

M. Saint-Germain: Ce sont des délégations de pouvoir du provincial, mais, au point de vue administratif, on pourrait certainement laisser... On est pour la décentralisation ou on ne I est pas, à mon avis.

Ceci dit, si on pouvait remettre, pour égaliser, le pouvoir de payer des commissions scolaires certains paiements sans conditions, il n'est pas utopique non plus de penser qu'on pourrait laisser, aux commissions scolaires régionales du moins, la responsabilité des négociations syndicales qui seraient assurément beaucoup mieux adaptées aux régions qu'elles ne le sont lorsque faites au niveau du gouvernement provincial. Il y a certainement des régions où les priorités, vous le

savez comme moi, sont très différentes des autres. Le comté de Jacques-Cartier, entre autres, vit de l'industrie. La région du Bas-Saint-Laurent ou du Bas du fleuve a des activités tout à fait différentes. Les nécessités au point de vue de l'éducation sont loin d'être les mêmes. Alors... (21 h 45)

M. Morin (Sauvé): C'est bien sûr et c'est pour ça que nous pensons à des plans d'activités qui pourraient beaucoup varier.

Mme Lavoie-Roux: Oui, mais pas au point de vue de la négociation, par exemple.

M. Morin (Sauvé): Evidemment, il y a 87% de la dépense des réseaux primaire et secondaire qui est consacrée à la rémunération. Cela met une limite sérieuse, une limite grave à l'autonomie, non seulement des commissions scolaires, mais laissez-moi vous dire du ministère.

M. Saint-Germain: Considérant que 87% des dépenses sont des salaires et considérant que c'est la raison de fond pour laquelle le gouvernement doit nécessairement être le responsable des négociations, le responsable ultime, tant que vous n'arriverez pas à des négociations locales, la décentralisation sera quelque chose de fictif. D'après nos institutions, c'est celui qui paie, comme homme public, comme homme élu, comme les commissaires... Tant que les commissaires ne paieront pas ou n'auront absolument rien à dire dans les 87% de leur budget, il n'y aura pas de décentralisation possible. Ce sera beaucoup plus du paravent.

Celui qui perçoit l'argent et qui a le contrôle des sommes, c'est toujours celui qui a l'autorité finale, sous quelque administration que ce soit.

M. Morin (Sauvé): Oui. M. le député, vous mettez le doigt sur une grande limitation au principe de l'autonomie et je voudrais explorer ça un peu avec vous. Est-ce que vous iriez jusqu'à abandonner la négociation centralisée des salaires pour remettre cette partie des responsabilités aux commissions scolaires? Est-ce que c'est ça que vous tentez de me dire?

M. Saint-Germain: Je crois que cela serait plus sensé que la centralisation que nous avons dans le moment, oui.

M. Morin (Sauvé): Est-ce que vous ne craignez pas que cela puisse nous ramener à l'époque où il y avait des commissions scolaires qui payaient de gros salaires et donc attiraient de bons enseignants, tandis que d'autres ne pouvaient pas payer de bons salaires et se ramassaient avec ce qu'ils pouvaient?

M. Saint-Germain: Comme je vous l'ai dit, il faudrait que le contexte soit différent, il faudrait qu'il y ait des paiements provinciaux. Ce serait la responsabilité du gouvernement de donner à chaque région un minimum d'égalité au point de vue de la capacité de payer.

M. Morin (Sauvé): Poursuivons ça, je pense que c'est important. Si on disait: Le gouvernement va payer, par tête d'élève, où que cet élève se trouve au Québec. Il y a là une péréquation, parce qu'il est bien certain que l'enfant de la Basse Côte-Nord ou celui de Matagami ne réside pas dans un milieu où il y a une capacité financière ou une assiette fiscale semblable à celle de Montréal ou de Québec. Donc, ce paiement par tête d'enfant comporte une péréquation, comme vous le disiez tout à l'heure. Est-ce qu'on ne doit donc pas maintenir la responsabilité du ministère pour une juste distribution des moyens financiers sur le territoire? Il faut choisir. A un moment donné, cela comporte une certaine centralisation.

Mme Lavoie-Roux: Oui. Mais en Ontario, M. le ministre, il reste que l'on accorde un per capita. Evidemment, nous, nous sommes partis à rebours. Il est difficile de faire la démarche inverse. Vous n'avez pas une négociation centralisée, sauf qu'on reconnaît un per capita pour l'élémentaire, pour le secondaire et les gens ne négocient pas nécessairement localement, mais régionalement, ou par comté, mais nous, il faudrait refaire l'opération à l'envers. C'est cela qui est difficile.

M. Morin (Sauvé): Evidemment, quand on décentralise, quand on parle d'une situation différente comme celle de l'Ontario, où les négociations sont beaucoup plus décentralisées, cela n'en comporte pas moins certains inconvénients. Il se fait une certaine surenchère d'une commission scolaire à une autre et il n'est pas dit que ce soit une situation souhaitable. J'ai parlé avec des hommes politiques ontariens qui m'ont dit qu'ils enviaient, à certains égards, la façon dont nous négocions les salaires au Québec.

M. Saint-Germain: Oh, là là!

Mme Lavoie-Roux: A d'autres égards. C'est parce qu'ils auraient fait le saut et ils ne veulent plus le faire, quand ils ont vu le Québec.

M. Morin (Sauvé): Je ne suis pas convaincu de cela.

M. Saint-Germain: Au moins là, s'il y a une grève, ce n'est pas une grève générale comme chez nous.

M. Morin (Sauvé): C'est un avantage. Mais la grève n'est quand même pas la situation normale.

M. Saint-Germain: Je sais pertinemment que si j'étais employé, je ferais partie d'un syndicat, effectivement. Mais d'un autre côté...

M. Morin (Sauvé): C'est une confession publique, M. le député?

M. Saint-Germain: Je le fais parce que...

Mme Lavoie-Roux:... Il n'a jamais été membre d'un syndicat...

M. Saint-Germain: Oui, je l'ai été, à part cela. Mme Lavoie-Roux: Oui, pardon.

M. Saint-Germain: Je m'excuse. Mais il reste que cette centralisation a amené, a donné, par exemple, au président de la CEQ un pouvoir terrible. Quel que soit le président de la CEQ, on peut réellement se poser des questions. A l'intérieur du syndicat, il y a là aussi une centralisation qui est amenée par la centralisation gouvernementale. Lorsque le gouvernement centralise, tout se centralise.

La centralisation gouvernementale amène une centralisation au niveau du syndicat pour lui donner une force telle qu'elle peut mettre les politiques du gouvernement en jeu et peut occasionner une instabilité du gouvernement, si vous voulez.

On peut se demander, en toute honnêteté, comme je disais tout à l'heure que le ministre, le seul homme élu, ne peut pas contrôler le ministère comme il devrait le contrôler, parce que c'est une tâche inhumaine pour un seul homme, je crois qu on peut prendre le même argument au niveau du président de la CEQ. Comment voulez-vous que cet homme puisse réellement connaître la mentalité, les priorités, la façon de voir de ses syndiqués dans chaque commission scolaire? C'est une impossibilité. D'ailleurs, on l'accuse de prendre des décisions seul.

La décentralisation scolaire amènerait d'autres décentralisations et au moins on aurait une certaine stabilité. Comme je vous dis, tout le monde ne serait pas en grève en même temps, ce qui n'est pas si mal et la population saurait pertinemment où sont les patrons. Le commissaire ou le président de la commission scolaire pourrait même très facilement savoir, parmi les enseignants, lesquels sont compétents. Il pourrait les connaître personnellement, jusqu'à un certain point, savoir qui fait l'effort voulu, qui néglige ses responsabilités, etc. Dans la situation actuelle, tout le monde est anonyme dans ce système, tout les gens sont des numéros.

M. Morin (Sauvé): II n'y a pas de système qui ne comporte des avantages, d'une part, et de sérieux inconvénients de l'autre. Pour reprendre le mot du Cardinal de Retz, si gouverner c'est l'art de choisir entre de grands inconvénients, je préfère choisir le moindre. Si, d'une part, on revient à un système de négociation par commission scolaire, cela pourra aussi comporter de très graves inconvénients, par exemple, de voir un syndicat ou une fédération se concentrer sur une commission scolaire et utiliser tous les moyens requis pour obtenir un traitement que, par la suite, on tentera d'étendre à l'ensemble du Québec, de sorte que ce système comporte également des inconvénients. Nous les avons bien connus dans le passé d'ailleurs.

A tout prendre, je ne suis pas sûr que la négociation salariale centralisée ne comporte pas plus d'avantages ou moins d'inconvénients que celle- là. Il n'y a pas de solution simple pour arriver à la décentralisation. Il s'agit de trouver un équilibre entre les responsabilités de l'Etat. Il ne faut pas oublier que l'Etat n'était pas dans le tableau il y a quelques années, maintenant il y est; maintenant, c'est lui qui détient presque toutes les ressources, en tout cas, une bonne part des ressources. Il faut rechercher un équilibre entre cette nouvelle présence de l'Etat, ses responsabilités et, d'autre part, les responsabilités locales auxquelles je crois, mais qui peut-être doivent porter surtout sur ce qui est local, sur ce qui intéresse la vie de l'école, la vie de la commission scolaire, la pédagogie, la marge de manoeuvre dont on peut disposer à l'intérieur des programmes pour adapter les programmes à chaque commission scolaire, à chaque école.

Il y a là un style de gestion à développer. A mon avis, cela serait plus fructueux que de tenter de revenir à des négociations locales en matière salariale. Je crains que celles-là ne comportent beaucoup trop d'inconvénients pour qu'on puisse s'y arrêter. Bien sûr, il faut clarifier, il faut absolument clarifier — là, je rejoins le député de Jacques-Cartier — le situs des responsabilités politiques du ministre, d'une part, et des responsabilités des commissions scolaires, d'autre part. C'est ce que nous allons nous employer à faire dans la foulée du livre vert, et aussi sans doute dans une rencontre que j'espère avoir avec la Fédération des commissions scolaires, l'automne prochain.

Le Président (M. Dussault): M. le député de Matapédia.

M. Marquis: Merci, M. le Président. Je voudrais simplement ajouter quelques mots à ce qui vient d'être dit par un ancien commissaire d'école et par M. le ministre. Je pense que nous avons vécu, dans les années soixante entre autres, les négociations locales. A titre de président du syndicat, j'ai été appelé à négocier jusqu'à 24 conventions avec 24 commissions scolaires de petites localités. C'est nous-mêmes qui avons demandé, à ce moment, et Mme Baron était du groupe, c est nous les syndicats, qui avons demandé une négociation provinciale, surtout au niveau des salaires, de la masse salariale. Ce n'était pas facile de négocier avec des commissaires qui, bien souvent, n'avaient pas la préparation. On se souvient de petites localités où les commissaires étaient perdus devant deux ou trois membres négociateurs du syndicat, qui avaient des renseignements et les commissaires que nous avions face à nous réussissaient difficilement à placer un mot dans une soirée. Ils étaient complètement démunis. Je vous parle de très petites localités. Il y avait des abus. Je ne serais pas prêt...

M. Morin (Sauvé): Ce n'était pas le député de Jacques-Cartier.

M. Marquis: Sûrement pas! Il me semble qu'on oublie vite. Personnellement, je ne voudrais

pas qu'on revienne à ce qu'on a vécu dans ces années. Evidemment, vous allez me dire qu'il y a eu des fusions de commissions scolaires, des regroupements, que la situation a changé.

M. Saint-Germain: Oui.

M. Marquis: Je suis quand même prêt à admettre que la négociation provinciale, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a ses défauts et qu'il faudrait essayer de les corriger, mais peut-être sans retourner à la situation que nous avons connue il y a dix ou quinze ans.

Le Président (M. Dussault): Madame et messieurs, nous sommes à quelques secondes de 22 heures. Est-ce que je peux annoncer que, demain, à la reprise de nos travaux, à 10 heures, nous pourrons nous attaquer, si l'on peut dire, à l'élément 1 du programme 4?

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, il y avait une question d'ordre général que je voulais poser. Si vous m'autorisez à la poser demain matin, la réponse ne sera pas longue, j'ai l'impression.

Le Président (M. Dussault): Nous pourrons passer ensuite au programme 4.

Mme Lavoie-Roux: Oui.

Le Président (M. Dussault): Ceci dit, nous ajournons nos travaux jusqu'à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 58)

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