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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le jeudi 8 décembre 1983 - Vol. 27 N° 186

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial


Journal des débats

 

Onze heures vingt-neuf minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, messieurs!

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est de procéder à l'étude des nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Aujourd'hui, nous allons poursuivre nos travaux, bien entendu, ce matin, cet après-midi et ce soir. Nous avons un menu assez chargé, puisque six groupes seront entendus aujourd'hui.

J'indique, dès à présent, aux fins du journal des Débats, le nom des membres et des intervenants de cette commission.

Les membres sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères) et M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Payne (Vachon), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), M. LeMay (Gaspé), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Auditions

J'invite donc le premier groupe que nous allons entendre ce matin, l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec, à bien vouloir prendre place à la table des invités. Je signale que vous pourriez prendre vingt ou trente minutes pour faire votre présentation et, ensuite, nous demanderons aux membres de la commission de s'adresser à vous afin d'obtenir des éclaircissements supplémentaires.

Pour les fins du journal des Débats, je demanderais aux représentants de s'identifier et ensuite de procéder à la présentation de leur mémoire.

Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec

M. Legendre (Patrice): C'est bien. Je vous remercie. Voici la délégation de l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec. Il y a Mona Gravel, membre de l'exécutif de l'ANEQ, Peter Wheeland, Jean Robitaille, Jean-Marie Vézina et moi-même, Patrice Legendre. Nous sommes tous de l'exécutif de notre association.

L'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec, l'ANEQ, existe depuis le 22 mars 1975. L'objectif premier de notre association nationale est de regrouper toutes les associations étudiantes afin de travailler ensemble pour défendre et promouvoir les intérêts, tant académiques, économiques que sociaux, des étudiants et des étudiantes.

L'ANEQ est composée d'associations étudiantes locales. Une association devient membre lorsque les étudiants et étudiantes de l'institution concernée le décident suivant les instances démocratiques de l'association. Ces instances sont soit l'assemblée générale, soit le référendum. L'ANEQ représente à ce jour les associations étudiantes suivantes...

Le Président (M. Blouin): Puis-je vous suggérer d'éviter la nomenclature afin d'accélérer la présentation du mémoire?

M. Legendre: Je pense que cela ne prendra pas trop de temps.

Le Président (M. Blouin): Le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale est d'étudier les nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial. Si vous le désirez, je pourrai demander que cette liste soit consignée au journal des Débats.

M. Legendre: Alors, c'est bien. Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Legendre: L'ANEQ est venue présenter sa position, peut-être que ce sera un peu plus long que prévu. J'aimerais quand même qu'on puisse aller au fond, c'est-à-dire présenter l'ensemble de notre position. Maintenant, je veux bien sauter par-dessus cette partie, pour autant qu'elle soit consignée au journal des Débats.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci beaucoup. (voir annexe)

M. Legendre: Par le présent mémoire, l'ANEQ soumet à la commission permanente de l'éducation l'analyse et la position de ses membres concernant le projet de règlement des études collégiales. Mais, avant toute autre chose, il nous semble important de souligner que, pour notre organisme, l'exercice actuel ne s'explique qu'en fonction de l'entêtement du gouvernement, du ministère de l'Éducation et de son titulaire à vouloir adopter un projet de règlement largement impopulaire, dont l'esprit d'ensemble et la teneur sont rejetés et condamnés avec véhémence par plus d'un organisme et qui, de surcroît, est totalement discrédité à la suite des gestes intempestifs et pour le moins inconsidérés posés par le gouvernement du Parti québécois en matière d'éducation au cours des dernières années.

Si le ministre avait accepté les demandes qui lui ont maintes fois été formulées de retirer purement et simplement son projet de règlement des études collégiales, au lieu d'affirmer de manière péremptoire que son gouvernement allait l'adopter coûte que coûte, nous serions sans doute, nous, notre organisme et les participants à cette commission, en train de faire oeuvre plus utile qu'en ce jour et peut-être, qui sait, à participer, cette fois, à un véritable débat public où la population dans son ensemble et les organisations qui la représentent auraient pu discuter quant au fond de "l'actualité" de l'éducation collégiale et des changements qui s'imposent. Au contraire, le ministère de l'Éducation a maintenu ce qu'il est convenu d'appeler la "ligne dure". Il s'en tient toujours à la règle du crois ou meurs. Hors du PREC, dit-il, point de salut.

L'expérience passée de l'ANEQ en commission parlementaire, sans être des plus garnies, a quand même convaincu les instances de notre association qu'il fallait espérer peu, si ce n'est rien du tout, d'un exercice comme celui-là, à fortiori quand les intentions du gouvernement sont déjà, en partant, bien arrêtées. Ce bilan rapide, quant à nous, nous le dressons à partir de notre participation à la commission parlementaire qui a étudié les projets de loi 24 et 25 en juin 1979, celle de l'hiver dernier qui a suivi l'adoption des décrets dans l'éducation et de la commission parlementaire de juin dernier sur la loi 32 qui fut, soit dit entre nous, une véritable parodie de démocratie.

Voilà pourquoi l'ANEQ maintient que, pour le PREC comme pour d'autres questions, nous ne disposons, face au gouvernement, comme ultime recours, que de la sensibilisation, des débats et de la mobilisation de nos membres, avant comme après une commission parlementaire comme celle-ci. À cet effet donc, notre mémoire sera tout autant un outil de sensibilisation, d'animation et de mobilisation pour le mouvement étudiant, reprenant les positions qui depuis maintenant trois ans émanent d'une forte majorité des associations étudiantes et qui concluent à la nécessité de retirer purement et simplement le projet de règlement.

Dans le même ordre d'idées, l'ANEQ a fait la démonstration, le 15 novembre dernier, que le PREC, à l'instar d'une longue liste de mesures gouvernementales, est d'emblée rejeté par les étudiants et les étudiantes du Québec. Vingt-cinq associations étudiantes de cégeps firent une journée de grève le 15 novembre à l'appel de l'ANEQ. Une de leur revendications exigeait le retrait du PREC. Le gouvernement pourra chercher à l'extérieur de ces 25 associations étudiantes un seul appui franc au PREC, un mouvement à la base favorable au PREC, il cherchera en vain. Les étudiants et les étudiantes, de Gaspé à Rouyn, n'en veulent pas du projet de règlement des études collégiales.

À cet égard également, le débrayage du 15 novembre se trouve à être la suite d'une série d'actions, de prises de position sur le PREC que le ministre ne peut ignorer et qui, depuis 1981, ont répété, sans doute à l'excès, mais contraints en cela par l'entêtement du ministère de l'Éducation, que le PREC était indésiré. Ce n'est pas, comme nous le démontrerons dans le mémoire, les modifications apportées à la plus récente version du PREC (que, soit dit en passant, nous avons reçue officiellement le matin même de l'ouverture de la commission parlementaire) qui tempéreront un tant soit peu l'opposition de l'ANEQ manifestée dans le passé et encore tout récemment au travers de journée d'étude, de documents, de journaux étudiants, de communications au ministre, de débrayage, etc.

Nous entendons démontrer que les principes qui ont présidé à l'élaboration du PREC, semblables en cela à la volonté de contre-réforme du gouvernement, sont attaquables et réfutables tant au niveau de la pédagogie, de l'accessibilité et de la qualité de l'éducation que de la nouvelle certification et des droits étudiants.

Nous entendons faire valoir que le PREC, loin d'être la "persistance du statu quo" auquel on aurait ajouté quelques modifications au régime actuel, comme on s'est plu à nous l'affirmer au ministère de l'Éducation, contient, en fait, le plan pour une transformation majeure de l'enseignement collégial. L'apparence de consultation, la convocation in extremis d'une commission parlementaire, le mirage de démocratie qui entoure les actions du MEQ confinent au scandale eu égard aux conséquences qu'aurait le PREC s'il venait à être adopté tel quel.

Ces critiques - on le verra - justifient à elles seules la volonté des étudiants et étudiantes de voir le PREC relégué une fois

pour toutes aux poubelles de l'histoire. Or, mis en relation avec l'ensemble des mesures prises par le gouvernement depuis plusieurs années contre l'éducation, contre la qualité des services, contre l'accessibilité, contre les personnels enseignants et non enseignants et contre les étudiants et les étudiantes, on se dit qu'au-delà de ces critiques le PREC nous apparaît aussi comme le dernier obus d'une véritable canonnade.

Si aujourd'hui la population, les jeunes et les étudiants et les étudiantes en particulier rejettent aussi massivement le Parti québécois, c'est en bonne partie parce que le gouvernement qui en est issu s'est fait le champion de la bataille contre leur droit à l'éducation.

Ce n'est pas, peu s'en faut, les quelques mesures concernant la formation professionnelle contenues dans le pseudo-plan de relance du gouvernement qui changeront d'un iota le bilan de l'action gouvernementale en matière d'éducation. Depuis la parution du livre blanc sur les collèges, le droit des Québécois et des Québécoises à accéder à l'enseignement postsecondaire et à recevoir une formation satisfaisante s'est vu opposer un barrage de mesures conduisant à la décélération des investissements dans l'éducation, à l'appauvrissement du réseau, au sous-équipement des institutions, comme s'en est plaint tout récemment le Conseil des universités, à un contrôle accru sur les programmes et sur la fonction d'enseignant et d'enseignante, à une formation, pour une part, élitiste et, pour l'autre, déqualifiée, et à une attaque sans précédent contre les droits des étudiants et étudiantes. Le gouvernement a fait son choix. Il confine dorénavant les jeunes issus des milieux populaires aux soubassements de l'éducation. Voilà son bilan. Voilà aussi nos griefs à son égard.

Depuis bientôt trois ans, l'ANEQ affirme: Non, nous n'irons pas dans des collèges comme ceux-là! L'examen que nous avons fait du projet de règlement des études collégiales en 1980-1981 a amené le 13e congrès de notre association, tenu en février 1981, à rejeter toute réglementation des études collégiales conduisant à une déqualification des diplômes, à l'ajout de cours obligatoires, à une perte de pouvoirs et d'autonomie des étudiants et étudiantes et à une surspécialisation de la formation collégiale au service des entreprises. Le plan d'action adopté à ce moment-là par notre association pour lutter contre le PREC a réalisé l'unité du mouvement étudiant derrière une position claire et ferme du rejet du PREC. Au début d'avril 1981, quinze journées d'étude, ainsi que de nombreuses autres décisions d'assemblées générales condamnaient le PREC. Devant la montée de la mobilisation étudiante et la dénonciation du PREC provenant de tous les autres milieux, le gouvernement décida d'en reporter l'adoption.

Depuis ce temps, de nouvelles versions du PREC ont été produites. Quelques amendements ont été apportés, mais les enjeux fondamentaux demeurent. Les attaques à l'accessibilité et à la qualité de l'éducation pour tous et toutes sont maintenues et même renforcées par l'évolution qu'ont connue les autres aspects de la contre-réforme dans l'éducation au cours des trois dernières années.

Le présent mémoire expose donc l'analyse et la position de l'ANEQ sur le PREC élaborées autour des points suivants: accessibilité et qualité de l'éducation, nouveaux programmes/nouvelles certifications, vie pédagogique, réglementation et droits étudiants.

Le PREC et la contre-réforme. Le ministère de l'Éducation affirme que le PREC constitue "à ses yeux la pièce maîtresse de la réforme préconisée" et à ce titre il a raison. Mais à une distinction près: le PREC renferme tous les éléments d'une contre-réforme. Si on examine attentivement les orientations fondamentales des politiques gouvernementales dans l'éducation, on réalise que l'État québécois veut redéfinir ses priorités budgétaires pour être en mesure de faire face à la crise économique et de prendre le virage technologique avant qu'il soit trop tard et que cette redéfinition entraîne nécessairement une réduction des budgets éducatifs par un asservissement de l'école à l'entreprise. Pour que cette contre-réforme devienne effective, il est nécessaire pour le MEQ d'affiner sa gestion des cégeps et, par là, d'accroître son contrôle sur les institutions scolaires.

Au moment de la création des cégeps, le rapport Parent affirmait que, "plus que les connaissances emmagasinées, ce sont des habitudes de travail qui lui serviront - à l'étudiant - toute la vie. Aussi, insisterons-nous pour qu'on ne se contente pas à l'institut - maintenant, le cégep - des seuls cours magistraux: les professeurs devront savoir utiliser les séminaires, les discussions de groupe, les travaux personnels, les projets collectifs pour donner à l'enseignement un caractère actif, dynamique dans lequel l'étudiant devra s'engager et s'exprimer."

Il est clair que de telles méthodes requièrent une volonté politique ferme pour que ces voeux ne soient pas remisés aux oubliettes. Il reste que, lors du dépôt du livre blanc sur l'enseignement collégial en 1978, le MEQ annonçait que le gouvernement devait redéfinir ses priorités à cause de la conjoncture économique et que l'éducation ne devait plus "évoluer sous le signe de l'abondance". Pour une fois, le MEQ a tenu parole.

Il a mis de l'avant une politique de

coupures budgétaires qui a eu des conséquences néfastes sur la qualité de vie et sur nos conditions d'études. Le ministère de l'Éducation a mis la hache dans les services aux étudiants. On n'a qu'à penser aux bibliothèques qui offrent un service réduit au minimum en termes d'heures d'ouverture et de nombre de volumes disponibles; au matériel didactique désuet et insuffisant, numériquement parlant; à la réduction croissante du nombre de professionnels et professionnelles non enseignants et non enseignantes, par exemple, les aides pédagogiques individuels qui ne peuvent même plus répondre aux besoins minimaux des étudiants et étudiantes, et à la diminution du ratio maître-élèves. Nous pourrions continuer cette longue liste, mais nous savons que vous en connaissez le détail aussi bien, sinon mieux que nous. Laissez-nous, au moins, dire que les reculs qualitatifs que vous faites subir à l'enseignement collégial n'ont d'égal que la détérioration du climat social que le gouvernement du Parti québécois a lui-même engendrée.

En décrétant unilatéralement, l'hiver dernier, les conventions collectives des enseignants et enseignantes québécois et québécoises, le gouvernement péquiste entendait aussi donner des pieds et des mains à son projet de redéfinition des priorités budgétaires en défaveur du système d'éducation. Par ses décrets, le gouvernement a réduit le personnel enseignant d'une façon excessive et, conséquemment, a augmenté radicalement la tâche des professeurs qui ont eu la chance de conserver leur emploi. Dans sa logique de rationalisation, le MEQ a introduit une série de modifications permettant un contrôle accru des enseignants et enseignantes et des enseignements par le biais des départements. (11 h 45)

Avec les coupures et les décrets, le gouvernement a mis en place tous les éléments nécessaires à l'application de sa contre-réforme. En resserrant son contrôle sur les enseignants et enseignantes, en redéfinissant ses priorités budgétaires pour favoriser une formation professionnelle déqualifiée, assujettie aux seules exigences ponctuelles des entreprises, et en coupant de façon draconienne dans l'éducation, le gouvernement ouvre les portes qui permettront au PREC de s'imposer dans sa totalité et de pouvoir y intégrer éventuellement des politiques et des mesures claires sur la formation professionnelle. En effet, l'introduction d'un AEC ou d'un CEC permet au MEQ de commencer à vérifier, entre autres hypothèses, l'épineuse question de la formation mixte.

D'autre part, le MEQ a fait connaître son intention, il y a quelque temps, de refluer vers le secondaire un certain nombre de techniques actuellement dispensées au collégial. Prenons l'exemple des techniques de secrétariat, qui sont touchées par ces mesures, pour démontrer la déqualification de la formation qu'entraînera une telle pratique. Les techniques de secrétariat ont amplement prouvé ces dernières années que la formation collégiale dans ce domaine permettait aux finissantes et aux finissants de se trouver un emploi lié à leurs études et ce, dans une proportion de 90%. Pourquoi le MEQ veut-il déqualifier une technique qui a fait ses preuves et qui se situe dans un secteur qui connaît une grande évolution technologique? De plus, pourquoi le gouvernement affirme-t-il, d'un côté, qu'il fera tout en son pouvoir pour permettre aux femmes d'accéder à des emplois décents, alors que, de l'autre, il dévalorise les professions majoritairement féminines? Si les techniques que le MEQ veut refluer vers le secondaire ne correspondent plus aux exigences du marché du travail, qu'il les révise, mais à partir des revendications des étudiants et étudiantes concernés. Si, au contraire, il ne s'agit que d'une tactique destinée à diminuer les frais sans cesse croissants de la formation professionnelle, nous sommes en droit d'affirmer que, derrière vos beaux principes, se cache une déqualification qui sera lourde à porter pour toute une génération d'étudiants et d'étudiantes.

Les principes qui guident la réglementation ou réglementer pour tout contrôler? Après quinze ans d'existence sous un régime pédagogique, le ministère de l'Éducation tient absolument à encadrer la réforme des études collégiales dans une loi. Nous considérons important et préalable à toute analyse des grandes orientations du PREC de porter d'abord le débat sur le fait de réglementer le régime des études collégiales. Pour ce faire, nous allons reprendre et critiquer chacun des prétendus arguments de la Direction générale de l'enseignement collégial qui justifient la réglementation.

D'abord, il faut, selon la DGEC, affirmer les traits particuliers de l'enseignement collégial, soit la polyvalence de la formation et la primauté à la formation fondamentale, en les consacrant dans un règlement.

Le PREC représente un recul important de l'enseignement collégial concernant la polyvalence et la formation fondamentale, tel que nous le verrons expliqué plus loin dans ce document. C'est dans une perspective tout autre que s'oriente le PREC, par exemple, en offrant une nouvelle diplômation plus spécialisée et coiffant des programmes beaucoup plus courts et de moindre qualité. Il est donc évident que ce premier argument de la DGEC tombe à plat.

En deuxième lieu, il faut, toujours selon la DGEC, assurer l'unité et la stabilité du réseau d'enseignement collégial. La situation

actuelle pouvant se prêter, sous la pression des événements, à des interprétations et à des accommodements qui sont différents des principes qu'on entendait protéger.

Avec une telle affirmation et par les articles du PREC qui la confirment, il est clair que seul le ministre s'arroge le droit d'interpréter ou de permettre une souplesse par rapport aux principes de base du PREC. Ainsi, le ministre a tous les pouvoirs fondamentaux. Par les articles 2.1, 2.2, 3, 6, 9, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 19, 20, 21, 22, 25, 35, 36, 37, 38, 39, 40 et 41, le ministre est responsable de l'admission des élèves, de l'établissement des programmes et de leur contenu; il approuve les cours, autorise les dérogations et sanctionne les études.

Dans ce cas, la créativité, la diversité et la souplesse essentielles à l'enseignement postsecondaire sont répudiées. Ces principes devraient être gérés par les intervenants les premiers concernés, à savoir les professeurs, les étudiants et les étudiantes, plutôt que d'être contrôlés par le ministre.

Finalement, puisqu'on conteste l'organisation et l'orientation de l'enseignement collégial tel qu'il est et tel qu'il serait, il est bien évident qu'il y aura toujours des tiraillements, des rapports de force pour modifier la situation.

Face à cela, le ministre veut mettre un diktat pour immobiliser tout cela. Il voudrait rendre illégale la remise en cause de ce qui est illégitime aux yeux des étudiants et étudiantes, des professeurs ou de la population en général.

Troisième grand principe, il faut, selon la direction générale, établir des règles du jeu claires. Les conventions collectives définissant déjà les prérogatives et les obligations pour tous les agents de l'éducation, un règlement pourra enfin permettre de reconnaître des droits et leur contrepartie, des responsabilités aux élèves.

Depuis quand la protection des droits d'un groupe pourrait-elle être noblement assurée par celui-là même qui est responsable de la répression des droits de ce groupe? En quoi le PREC reconnaît-il un seul véritable droit aux élèves qu'on ne daigne même plus nommer "étudiant" au ministère? Ces pastiches de droits étudiants ne viennent-ils pas plutôt mettre un terme au sale boulot entrepris par les décrets?

Le discours mielleux et récupérateur du MEQ ne nous laisse aucune illusion. Nous savons depuis longtemps - l'histoire de la répression contre le mouvement étudiant s'étant chargée de nous le faire comprendre - que nous ne devons compter que sur nos propres moyens pour défendre et promouvoir nos droits. C'est en luttant quotidiennement et sans répit qu'on peut seulement espérer les faire respecter.

Mais qu'est-ce qui justifie que le gouvernement tienne tant à contrôler qu'il récupère des arguments aussi fallacieux pour légitimer sa décision de passer, en 1983, d'un régime pédagogique à un règlement des études collégiales? L'intention gouvernementale de donner des assises juridiques à la vie pédagogique du niveau collégial doit être comprise à partir d'une vision globale de toutes le politiques de contre-réforme dans l'éducation, à savoir le contingentement, les coupures, les décrets, les attaques à la pédagogie progressiste et populaire, etc., que le gouvernement met en place depuis près d'une dizaine d'années.

Le Québec, depuis le début des années soixante-dix, a pris le parti de respecter fidèlement les prescriptions des rapports de l'OCDE invitant les gouvernements à se doter de politiques visant à assujettir l'école aux besoins des entreprises.

Derrière les principes avoués... Le ministère de l'Éducation a identifié dans son document de présentation et de commentaires la liste des grandes orientations auxquelles le PREC répond. On se réfère d'abord aux grands objectifs qui ont présidé à la création du réseau collégial, à savoir l'accès aux études collégiales, la polyvalence de la formation et la cohérence du réseau. On a ajouté à ces éléments d'autres traits caractéristiques de l'évolution des cégeps, soit la primauté de la formation fondamentale, l'importance accordée à la mission socioculturelle des collèges et à la décentralisation et, enfin, l'affirmation des droits des élèves.

Pour l'ANEQ, les principaux éléments du PREC sont issus de principes tout autres. Nous ne voyons absolument pas comment la surspécialisation, la déqualification des diplômes, les pertes de pouvoir et d'autonomie pour les enseignants et enseignantes et les étudiants et étudiantes, toutes des conséquences directes du PREC, peuvent correspondre aux grandes orientations formulées par le MEQ.

Notre analyse des enjeux du PREC nous amène à considérer les déterminations économiques comme fondamentales dans l'élaboration du PREC et des autres pièces de la contre-réforme. C'est pour ajuster la formation collégiale au service des entreprises que le gouvernement tente d'instituer de nouvelles politiques. Depuis quelques mois, le gouvernement annonce son plan de relance. S'inscrivant dans les perspectives du virage technologique qu'on veut nous faire prendre et qui, du reste, n'est pas très bien défini, le plan de relance révèle des options claires: soutien de l'État à l'entreprise privée, mesures pour assurer le développement de l'élite québécoise, abandon des politiques social-démocrates, le tout coiffé d'un discours progressiste et de l'esprit de concertation bidon servi à toutes les sauces. Dans ce sens, l'école doit non pas tenter de répondre aux besoins de la

population, mais elle doit plutôt s'adapter mécaniquement aux besoins des entreprises afin de leur fournir, au rythme qui est le leur, une main-d'oeuvre, une force de travail essentiellement capable de faire fonctionner la machine. Les beaux principes de polyvalence et de formation fondamentale sont bien loin. C'est pourtant cela que le PREC nous propose, tout comme d'autres mesures: les centres spécialisés, les comités école-travail, les programmes d'établissement de subventions aux universités pour accueillir des étudiants et étudiantes s'inscrivant dans les perspectives du virage technologique, d'autres politiques à l'étude comme les bourses pour les seuls étudiants et étudiantes inscrits dans des disciplines prioritaires au virage technologique.

Ce que nous dénonçons dans de telles politiques, ce n'est bien évidemment pas le fait de recevoir une formation adéquate pour être compétent face aux emplois qui pourraient nous être offerts. Non, ce qu'on dénonce, c'est que l'école n'ait que cette seule préoccupation, qu'elle ne remette jamais en question l'organisation sociale du travail et ses conséquences souvent dramatiques sur la qualité de nos vies et qu'on préfère y former des individus robots, dépendants des entreprises plutôt que des individus autonomes possédant une vision critique de la société. Et ce n'est sûrement pas le remplacement d'un cours de philosophie par un cours d'histoire et institutions du Québec ou d'économie du Québec qui va arranger cela.

Mais que pourrions-nous aussi voir derrière les nobles intentions du ministère concernant l'importance accordée à la mission socioculturelle des collèges et à la décentralisation? Cette affirmation, une référence directe à l'attestation d'études collégiales, permettra aux collèges de préparer des programmes sur mesure pour répondre aux besoins particuliers des entreprises d'une région. Belle conception de la décentralisation et de la mission socioculturelle!

Dans le plan de relance gouvernemental qui s'adresse aux jeunes, on offre donc une formation collégiale de courte durée, surspécialisée qui ne procure, en fait, que des programmes et des diplômes à rabais.

Il nous apparaît, à ce moment, essentiel de mettre en relation notre critique des grandes orientations du PREC avec notre analyse plus concrète des différents articles, des différentes sections qui le composent et des enjeux concernant l'accessibilité et la qualité de l'éducation postsecondaire au Québec.

Le gouvernement tente de justifier les nouveaux diplômes à rabais, l'AEC et le CEC, en utilisant les principes de démocratisation et d'accessibilité aux études postsecondaires. Cette tentative de justification est tout bonnement tirée par les cheveux. La rhétorique gouvernementale sur l'accessibilité n'est qu'un écran de fumée pour cacher les orientations fondamentales d'un projet pour l'éducation collégiale qui réponde directement aux besoins à court terme des employeurs et du marché du travail. Les conséquences à long terme pour ceux et celles qui bénéficieraient de ces nouveaux diplômes sont évidemment ignorées.

Comme on l'a vu plus haut, on assiste avec le PREC à une nouvelle organisation des programmes visant à ajuster la formation aux besoins de l'entreprise et à l'adapter aux nouvelles réalités socio-économiques engendrées par le virage technologique. On remarque aussi une volonté chez les autorités gouvernementales d'occuper une certaine partie de la population, les jeunes, les assistés sociaux, mise au rancart par la crise, le chômage, les changements sur le marché du travail. D'où la nécessité de modifier certains diplômes et de créer de nouveaux programmes.

L'attestation d'études collégiales sera accordée à ceux et celles qui réussiront un programme d'établissement. Ce dernier, préparé par le collège pour des secteurs non couverts par des programmes déjà sur pied, doit répondre aux besoins de la collectivité. Or, la durée variable de ces programmes permet l'établissement de programmes ultra-courts - une seule session, à la limite -ouvrant la porte à une sous-formation; formation rapide, non polyvalente, qui prépare une main-d'oeuvre très spécialisée dans un seul secteur de travail, main-d'oeuvre rapidement déqualifiée parce que sans formation permettant l'adaptation aux changements.

Le certificat d'études collégiales, programme déjà existant, sera passablement modifié par le PREC: d'abord, par l'ajout de cours complémentaires et obligatoires aux cours de spécialisation qui lui donneraient désormais un caractère polyvalent; ensuite, par le fait qu'il deviendra accessible à tous et à toutes, alors qu'il ne s'adressait jusqu'à maintenant qu'aux adultes. D'après le ministère, ces changements permettront de voir diminuer le nombre de décrocheurs et de décrocheuses.

Mais que dire de ces soudaines polyvalence et accessibilité? On sait qu'une surspécialisation dans la formation confine l'individu à un type de travail et limite un possible contrôle sur ce travail. Le nouveau CEC devrait offrir, selon le ministère, une certaine polyvalence, mais que signifie polyvalence dans des programmes visant principalement à répondre aux besoins des entreprises, besoins toujours changeants parce que celles-ci doivent s'adapter constamment aux nouvelles technologies? La polyvalence dont on se gargarise tant devrait fournir des outils qui permettent d'avoir une prise sur le

travail et sur les changements qui peuvent survenir. L'ajout de quelques cours dans le CEC ne change rien au type de formation promu.

L'orientation proposée par les nouvelles certifications contenues dans le projet de règlement - déqualification des diplômes, surspécialisation - est, par ailleurs, en contradiction flagrante avec certaines déclarations du ministre qui a déjà affirmé, à la conférence du Conseil des ministres de l'Éducation du Canada qui s'est tenue à Toronto en octobre 1982, que "se préparer au marché de l'emploi, c'est se préparer à être mobile". Le ministre ajoutait: "Il ne s'agit pas de rechercher une adéquation serrée et immédiatement vérifiable entre contenus de formation et exigences du marché de l'emploi ou même de la vie active: cela desservirait les diplômés eux-mêmes en les enfermant prématurément dans des secteurs étroits et en diminuant leur mobilité et leur capacité de renouvellement". Selon le ministre, "l'enseignement supérieur doit plutôt viser des formations de base, fondamentales, solides et larges, seules capables de nourrir par l'intérieur toutes les démarches de spécialisation". "N'était-ce de risquer de tomber dans quelque exagération rhétorique, il faudrait même dire que, dans une période de crise et de mutation comme la nôtre, l'enseignement supérieur devrait peut-être accentuer le caractère ouvert, fondamental et "fondateur" des formations qu'il dispense." C'étaient les propos de M. Camille Laurin. Nous sommes d'accord avec cette approche du ministre. C'est, d'ailleurs, en s'appuyant sur ces conceptions que nous nous opposons aux nouvelles certifications contenues dans le PREC.

Quant à l'accessibilité réelle à l'éducation, peut-on signaler qu'elle ne se limite pas à la mise sur pied de nouveaux programmes courts, surtout quand ils ne mènent qu'à des diplômes déqualifiés et à des emplois de second ordre? Les nouvelles certifications, par l'orientation que leur donne le gouvernement, ne peuvent que constituer une voie d'évitement pour ceux et celles qui n'ont pas accès à l'éducation et seront éventuellement une bonne excuse pour ne pas leur rendre accessibles les autres niveaux d'études postsecondaires. Si on offre la possibilité de faire des études collégiales de courte durée avec un AEC ou un CEC aux finissants et aux finissantes du secondaire, il est clair que plusieurs choisiront cette direction au lieu d'arrêter leurs études ou de compléter un DEC. Mais, ce à quoi ils et elles ne s'attendront sûrement pas, c'est à recevoir une formation à peine plus qualifiée que ce qui est offert dans les cours professionnels de l'école secondaire. De cette façon, seule une infime partie de la population continuera à bénéficier des études postsecondaires et des privilèges qui en découlent. (12 heures)

L'établissement de nouveaux diplômes permettra peut-être le retour aux études pour les décrocheurs et les décrocheuses, les assistés sociaux et les assistées sociales, les mères de famille, mais pourra-il garantir l'amélioration de leurs conditions de vie? Nous sommes loin de le penser. On connaît les difficultés des femmes à accéder au marché du travail. Aux mères de famille, aux femmes à la maison, assistées sociales ou non, qui veulent y retourner ou simplement y entrer, on ne reconnaît pas leur travail à la maison comme expérience pertinente, étant donné que, socialement, le travail ménager n'est pas considéré comme un travail. Le ministère, par les nouveaux diplômes, permet à ces femmes de recevoir une formation de courte durée, qui leur ouvrirait une porte sur le marché du travail, mais vers quel type d'emplois veut-on les orienter? Depuis trop longtemps, la main-d'oeuvre féminine se retrouve "ghettoïsée" dans des secteurs déqualifiés où les salaires sont peu élevés. Or, quelle valeur sera accordée à l'AEC et au CEC sur le marché du travail avec les exigences qu'on lui connaît et les changements qui y surviennent sans cesse? Et, même si les employeurs leur reconnaissaient une certaine valeur, on ne peut s'attendre que les diplômés et les diplômées aient un réel contrôle sur leur travail avec la formation reçue au préalable.

Une fois de plus, les jeunes et les femmes qui constituent une bonne part des bénéficiaires de l'aide sociale seront relégués à des emplois de second ordre et, par le fait même, à des conditions de vie précaires. D'ailleurs, cette situation risque de se maintenir tant que l'école ne changera pas dans le sens d'une réelle démocratisation de l'enseignement (dans la forme et le contenu des programmes), tant que l'école sera au service de l'entreprise et d'une élite et non au service de la population, et tant qu'elle ne sera pas attentive aux réalités vécues par la majorité.

En réponse au discours gouvernemental disant que ces nouveaux diplômes à rabais vont améliorer l'accessibilité au cégep, nous affirmons que l'accessibilité recouvre une réalité plus large que le simple achalandage des institutions. Il est exact que l'ajout de ces nouveaux diplômes peut avoir l'effet d'augmenter le nombre d'inscriptions dans nos collèges, mais cela ne signifie pas pour autant une démocratisation, ni une plus grande accessibilité.

Les concepts d'égalité et de qualité de la formation sont intimement liés à la question de l'accessibilité. Comme nous l'avons dit plus haut, l'AEC et le CEC sont loin de constituer des améliorations dans la formation collégiale. Quant à l'égalité, ces diplômes vont servir à assurer la

reproduction des inégalités sociales à l'intérieur du système postsecondaire. Comme l'ont démontré plusieurs études qui ont établi le lien entre le statut socio-économique et les voies académiques au secondaire et au collégial, la coexistence de programmes professionnels courts avec des programmes professionnels longs et des programmes d'enseignement général va faire en sorte que les enfants de la classe ouvrière seront détournés sur la voie de service sans pouvoir atteindre l'autoroute de l'éducation supérieure.

En clair, ces nouveaux diplômes vont perpétuer cette canalisation socioculturelle dans nos collèges. Même dans le système actuel, le cégep n'en continue pas moins à reproduire les rapports sociaux entre les sexes, même si l'accession des filles au cégep contribue à une meilleure qualification de la main-d'oeuvre féminine. Le cégep reproduirait les inégalités entre les sexes comme il continue de reproduire les inégalités entre classes sociales.

Tel qu'il est déjà, le cégep est un système stratifié qui sépare la clientèle étudiante selon deux voies: le préuniversitaire et le professionnel technique. Cette division produit nécessairement une séparation entre les travailleurs et travailleuses intellectuels et manuels, laquelle, par conséquent, tend à refléter les origines et les aspirations sociales de la population cégépienne. Le système collégial contribue ainsi à assurer la reproduction des classes sociales. La création de nouveaux diplômes ne servirait en rien à démocratiser les cégeps. Elle ne ferait que produire de nouvelles subdivisions de classes et, partant, stratifier encore plus la population étudiante.

La cohabitation dans une même institution d'étudiants et étudiantes d'origines sociales diverses ne changera rien aux divisions de classes qui existent dans nos écoles. Cete nouvelle stratification aura pour simple effet de créer une conception fallacieuse d'égalité dans la diversité de la clientèle collégiale. Déjà, dans le présent système, il y a une nette séparation dans l'identification de classes, selon qu'on est en préuniversitaire ou en techniques. En ajoutant de nouvelles couches à cette stratification, on ne pourra qu'accentuer les différences sociales et économiques plutôt que d'assurer une meilleure promotion de classe. "Dans la mesure où la translation de la structure des chances d'accès à l'enseignement supérieur laisse intacte l'organisation hiérarchique de cet enseignement, elle constitue sans doute un bon moyen de perpétuer la structure des correspondances entre hiérarchies scolaires et hiérarchies sociales tout en procurant aux individus et aux familles des classes moyennes l'illusion de la promotion scolaire et, par voie de conséquence, l'illusion de la promotion sociale." C'est une citation tirée d'une étude du Conseil supérieur de l'éducation.

Si le gouvernement est vraiment intéressé à améliorer l'accessibilité et la démocratisation dans l'éducation postsecondaire, il doit s'en prendre aux causes fondamentales de l'inaccessibilité et de l'échec de la démocratisation. Ce mal prend racine bien avant le niveau cégep; il se manifeste dès le début du secondaire. Aussitôt que les étudiants et les étudiantes sont tenus de faire des choix de cours en fonction d'un choix de carrière, leur cheminement scolaire commence à se tracer de façon de plus en plus rigide. "Sélection scolaire et sélection sociale font donc partie d'une même réalité. L'école reproduit les classes sociales comme elle reproduit la division sociale du travail. Ainsi, les secteurs d'enseignement général et professionnel reproduisent la division entre travail intellectuel et travail manuel. On ne peut éviter de faire un tel rapprochement quand on analyse le cheminement scolaire de la population étudiante. Il existe des réseaux différents qui subsistent malgré le décloisonnement qu'a opéré l'école polyvalente et les réseaux sont suffisamment étanches pour éviter les transfuges. Le choix des études générales ou techniques est déterminant. Une fois placé dans une filière scolaire donnée, l'étudiant en sera marqué non seulement intellectuellement, mais aussi dans ses attitudes, comportements, motivations et aspirations. À chaque point de bifurcation du cursus scolaire, la filière d'enseignement suivie jusque-là est déterminante de l'orientation ultérieure. Les avantages et les désavantages sont cumulatifs étant donné que chaque choix définit irréversiblement la destinée scolaire." Citation tirée de la même étude.

Le PREC ne fait que mettre de l'avant ce processus de "canalisation multiple" dans les cégeps, sans chercher à solutionner les problèmes de fond que sont l'égalité et l'accessibilité dans l'éducation. En fait, le PREC renforce l'inégalité dans le système d'éducation. Si le gouvernement avait honnêtement à coeur de s'occuper de la question de l'accessibilité, il amènerait des réformes visant à traiter le malaise du système de l'éducation plutôt que simplement ses symptômes. Les nouveaux diplômes créés par le PREC n'amèneront qu'un triage académique, de sorte que les bien-portants seront hospitalisés tandis que les malades auront droit à des "Band-Aid".

Nous supposerons tout de même un instant que le gouvernement est sincère dans sa volonté de s'occuper de l'accessibilité et de la démocratisation, et nous prendrons ici le temps de lui souligner quelques-unes des actions qui nous paraissent primordiales en vue d'une réelle amélioration de la

participation des classes défavorisées à l'éducation postsecondaire.

La première barrière à l'éducation postsecondaire pour les classes populaires est souvent le système éducatif lui-même. Beaucoup de jeunes de ces classes ainsi que leurs parents se retrouvent devant un système d'éducation complètement décroché de leur vécu quotidien. Si ces jeunes ne comprennent pas comment l'éducation qu'ils et elles reçoivent présentement va leur être utile, comment espérer les voir désirer continuer leurs études au cégep ou à l'université?

Le système éducatif tant au primaire qu'au secondaire ou au postsecondaire doit poser ce problème fondamental si on veut voir se démocratiser l'éducation supérieure. La rigidité et le monoculturalisme de l'orientation de notre système éducatif bloque l'accès aux étudiants et étudiantes dont les cultures, valeurs et croyances diffèrent de celles prônées par le système. Si nous vivons vraiment dans une société pluraliste, il doit en être de même de l'école. Par cela, nous n'entendons pas, comme le PREC le préconise, une séparation des différents cheminements qui isole toute réalité différente. Au contraire, nous croyons que le système éducatif doit favoriser les échanges et les contacts où les étudiants et les étudiantes de différents milieux seront mis en contact avec plusieurs réalités différentes tant au niveau des cultures que du vécu.

L'ANEQ souscrit pleinement à cette philosophie de l'éducation appelée pédagogie progressiste et populaire. Certains seront là pour opiner que cette philosophie est incompatible avec la vision traditionnelle que l'on se fait de l'instruction publique. Nous croyons, pour notre part, que c'est plutôt cette tradition éducative qui se moque de la diversité et de la pluralité de la population québécoise.

S'il s'efforçait d'envisager lucidement les facteurs socioculturels qui déterminent les choix en matière d'éducation, le ministère ferait un pas dans la bonne direction. La pédagogie progressiste ne peut, cependant pas éliminer les coûts énormes de l'éducation postsecondaire pour un étudiant et une étudiante ou sa famille. Tant que le coût de la formation restera un élément déterminant dans les choix académiques, comme le démontrent presque toutes les études, l'éducation postsecondaire continuera d'être le fait des classes moyennes et supérieures. La seule façon de réduire l'importance de ce facteur est l'établissement d'un système de gratuité scolaire universelle et d'aide financière entièrement sous forme de bourses répondant aux besoins de tous les étudiants et de toutes les étudiantes de tous les programmes.

Inutile d'insister sur le fait que les frais de scolarité ne sont pas le seul facteur économique qui constitue le coût de l'éducation pour un étudiant et un étudiante. Qu'on ajoute le manque à gagner occasionné par une entrée tardive sur le marché du travail à celui du logement, de la nourriture et aux frais de transport et de papeterie et la facture grimpe rapidement. Pour plusieurs étudiants et étudiantes, cette barrière devient insurmontable et l'endettement causé par le système des prêts et bourses ne fait rien pour les encourager.

Ce n'est pas le temps ici de creuser en détail l'échec du système d'aide financière par rapport à la démocratisation de l'enseignement. Qu'il suffise, cependant, de mentionner qu'accessibilité et démocratisation sont directement liées à la question de l'aide financière et que, subséquemment, l'étude de ces sujets est indissociable d'une critique du système des prêts et bourses.

De même, on peut difficilement croire en la volonté du gouvernement d'améliorer l'accès aux décrocheurs et décrocheuses, aux assistés sociaux, aux chômeurs, aux adultes en général, considérant les restrictions draconiennes apportées à l'accessibilité à l'éducation des adultes en imposant des frais de scolarité aux étudiants et étudiantes à temps plein. Pour que ces personnes puissent avoir la possibilité de retourner aux études, il est nécessaire de revenir à la gratuité scolaire dans l'éducation permanente, tant pour la clientèle à temps plein qu'à temps partiel.

Une autre barrière importante s'ajoute pour les étudiantes et étudiantes qui ont des enfants: l'absence d'un système de garderies gratuit et accessible. À cause de cette lacune, les parents d'enfants en bas âge sont souvent confinés à la maison pour des années et, pour eux, une éducation supérieure est un rêve qui devra être remis à plus tard ou oublié. De même, les femmes qui interrompent leurs études pour cause de maternité se voient retirer leur aide financière et leur assurance-chômage. Le bien-être social est alors la seule source de revenu pour bien des femmes qui se voient ainsi emprisonnées à la maison. Nous considérons que la reconnaissance d'un congé de maternité pour les étudiantes (c'est-à-dire qu'elles continueraient à bénéficier de l'aide financière aux étudiants et étudiantes) contribuerait à éliminer cette injustice.

Mais puisque nous ne sommes pas invités ici pour discuter de nos propres propositions en matière d'accessibilité et de démocratisation, nous allons nous en tenir là en attendant le jour - que nous rêvons proche - où le gouvernement entreprendra de prendre les mesures nécessaires pour mettre un terme aux barrières financières, sociologiques et politiques qui empêchent l'égalité d'accès aux études et l'égalité de la formation.

Nous nous contenterons, pour le moment, de dire que le PREC ne solutionne en rien le problème de l'inaccessibilité et qu'au contraire il aggrave la stratification de classe dans l'éducation postsecondaire.

En matière de pédagogie, examinons maintenant le PREC d'un point de vue strictement pédagogique. Ce qui inquiète d'abord, c'est la centralisation des plans de cours vers les administrations collégiales. Ces dernières devront s'assurer que lesdits plans de cours sont bien conformes aux recommandations ministérielles. L'uniformisation des plans de cours est une mesure de contrôle qui prétend assurer à la population étudiante un contenu de cours et une formation complète. Le ministère et ses vassaux, les directeurs et directrices des services pédagogiques, auraient, assure le PREC, jusqu'au droit de vérifier l'acquisition des connaissances comprises dans le plan de cours et ce, selon les articles 30, 36, 37, 38 et 39. Cela ouvre la porte à des examens nationaux, issus du ministère, encadrant de façon plus encadrante encore la formation des étudiants et étudiantes avec la seule perspective du fameux examen. Toute transformation du plan de cours serait illusoire, le contenu des cours devant demeurer assujetti à la matière d'examen.

De plus, nous constatons que cette centralisation mène les étudiants et les étudiantes vers une perte d'autonomie irrémédiable. Aujourd'hui, dans la majorité des collèges d'enseignement général et professionnel, la population étudiante a obtenu, après des luttes parfois dures, le droit implicite ou explicite de discuter et de modifier un plan de cours qui ne correspond pas à ses besoins et à ses intérêts. La centralisation des plans de cours, leur uniformisation aux principes du ministère, constitue un recul inacceptable sur ce que nous considérons comme des acquis. De plus, elles sont un acte d'autorité qui renforce les rapports dominants-dominés qui imprègnent profondément l'école québécoise. Dans une société où l'individu doit apprendre à s'affirmer à travers la démocratie, il semble impossible et incohérent que l'on impose, de façon dictatoriale, un pouvoir là où il existe un vouloir collectif. Les plans de cours doivent rester entre les mains des principaux concernés: la masse étudiante et les professeurs.

De même, l'ajout des cours obligatoires gruge encore un peu de l'autonomie de l'étudiant et de l'étudiante, maître et maîtresse de leur formation. Ils réduisent aussi leur possibilité de choisir selon leurs goûts et leurs intérêts une formation adéquate. À ce chapitre, c'est toute la question des cours obligatoires qu'il faudrait revoir. Ces cours où l'étudiant et l'étudiante vont par obligation sans autre motivation que la note contribuent-ils vraiment à parfaire leur formation? La vérification d'atteinte des objectifs que propose le ministère n'impose-t-elle pas substantiellement à l'étudiante et à l'étudiant de passer outre à ses critiques au plan de cours pour être bien sûr d'atteindre lesdits objectifs? Ce sont là des conditions de vie et d'études fort peu dynamiques et peu impliquantes que l'on nous propose. (12 h 15)

L'uniformisation des plans de cours et de leur contenu soulève aussi de grandes craintes. Le contenu de nos cours est déjà largement sexiste. Toutefois, nous, étudiantes et étudiants, avons les moyens de contester le contenu des cours. Au secondaire, nous savons que le ministère est capable dans ses programmes des pires attaques faites à la condition des femmes. Nous protestons et nous agirons avec fermeté contre toute propagande chauvine, fût-elle issue du ministère de l'Éducation du Québec. Outre l'aspect sexiste que risque de renforcer l'uniformisation des contenus de cours, celle-ci sonnera le glas pour toutes les expériences alternatives, telles qu'en connaissent Sherbrooke et Jean-de-Brébeuf. Ces derniers fonctionnent selon des projets en relation avec les besoins et les objectifs des étudiants et étudiantes pour les faire accéder à l'autonomie et à l'efficacité. Ces projets ne sauraient en aucun cas s'accommoder de contenus de cours préétablis et rien ne nous assure que le ministre autorisera des dérogations dans ces cas précis.

En fin de compte, il est nécessaire de se demander si l'imposition du règlement des études collégiales ne sera pas le dernier coup de glas pour un concept pour lequel le peuple québécois lutte depuis longtemps et qu'on appelle la qualité de l'éducation.

Le PREC et les droits étudiants. Au chapitre des droits des étudiants, le PREC constitue, à notre avis, la plus grande mystification depuis l'adoption de la loi 32 en juin dernier. C'est peu surprenant puisque le ministère de l'Éducation, sous la gouverne de M. Camille Laurin, s'est particulièrement signalé par le ton uniformément racoleur et trompeur de ses interventions en matière de vie étudiante et de droits étudiants.

Sous la formule "affirmation des droits des élèves", le ministère énumère une liste de droits qui seraient, soi-disant, consacrés par le PREC et que les collèges auraient pour nouvelle mission de faire respecter, en d'autres mots, d'en assurer la protection. Contre qui? Contre quoi? Assurément pas contre les collèges eux-mêmes;

Une remarque s'impose en premier lieu. C'est que le discours relatif aux droits étudiants ressort non pas du projet de règlement lui-même, mais du document de présentation et de commentaires qui l'accompagne. Nulle part, dans le PREC, n'est-il fait mention de ces droits qu'on nous présente, par ailleurs, fort généreusement. Ils

relèvent tous de l'interprétation gouvernementale, du discours et de l'emballage. Là où le PREC est muet, le ministère se permet d'interpréter et, par ricochet, de semer des illusions sur la portée réelle des nouveaux droits que le PREC autoriserait aux étudiants et étudiantes.

Ainsi, à titre d'exemple, est-il tout à fait faux et, qui plus est, malhonnête de prétendre que les articles 23, 24 ou 25 qui, soit fixent la durée d'une session et la période d'inscription, soit définissent le contenu des plans de cours, accorderaient dans le même souffle le droit à une session de durée fixe, ou encore le droit "à des cours conformes, en contenu et en durée, aux programmes officiels". Le plus grand sans-gêne est atteint par le MEQ lorsque celui-ci affirme que le futur règlement accordera "le droit à des conditions d'admission rendant les études collégiales accessibles au plus grand nombre". Nous pensons avoir démontré que le PREC n'a pas pour objectif, ni même n'aura pour effet tangible d'étendre effectivement l'accessibilité au plus grand nombre, mais qu'à l'inverse il conduira un plus grand nombre de jeunes et d'étudiants et étudiantes à écourter leur passage au travers de la filière postsecondaire. Que dire également du "droit à un enseignement de caractère polyvalent" qui serait supposément un des titres de gloire du PREC? En fait de paradoxe, on ne peut faire mieux, puisque jamais, avant le PREC et les modifictions apportées à la certification, ne sommes-nous allés aussi loin dans le renoncement au caractère polyvalent de l'enseignement. Sur le "droit à l'évaluation", autre trouvaille sur la liste du MEQ, nous pouvons ajouter, quant à nous, la précision suivante: l'étudiant et l'étudiante n'auront, à toutes fins utiles, aucun mot à dire sur l'évaluation de l'apprentissage qui, pourtant, les concerne en tout premier lieu.

On le constate aisément, le PREC est une coquille vide en matière de droits étudiants, une opération de séduction qui relève de l'idéologie bien plus que des droits réels.

Mais qu'à cela ne tienne. Jouons le jeu, soyons dupes un instant et tenons pour acquis que le PREC accorde aux étudiants et aux étudiantes de véritables droits. Ce qui saute alors aux yeux, c'est que le MEQ a à ce point d'égards pour les étudiants et les étudiantes qu'il est prêt à réduire leurs droits à la simple notion des droits de l'usager. Le PREC et le document de commentaires sont clairs: l'étudiant et l'étudiante est l'usager et l'usagère du système d'éducation. C'est à ce titre, et à ce titre uniquement, qu'il et elle bénéficient de certains services, un peu comme le malade est l'usager des services de santé dans une institution hospitalière. L'étudiant est donc en droit de s'attendre que le produit qu'il va chercher, que la prestation à laquelle il s'attend soient conformes au produit annoncé, tant au niveau du contenu que de la durée. Cette vision rabougrie des droits étudiants, aseptisée au point de porter dorénavant le vocable de "droits des élèves", c'est le cheval de bataille que voudrait nous voir enfourcher le ministère de l'Éducation. Pourtant, elle est en tout point inconciliable avec la conception que nous nous faisons des droits étudiants.

Tant que les étudiants et étudiantes devront affronter des barrières financières pour avoir accès aux études postsecondaires ou pour achever leurs études collégiales et universitaires, le pseudo-droit à des "études collégiales accessibles au plus grand nombre" ne sera qu'une formule de rhétorique. Tant et aussi longtemps que les étudiants et étudiantes ne pourront pas négocier les plans de cours en début de session, le pseudo droit de connaître le contenu et la durée des cours ne sera qu'un appât fort peu alléchant.

De plus, l'antisyndicalisme du gouvernement s'accommodera fort bien de ces cohortes d'étudiants et d'étudiantes qui se lèveront pour défendre des droits que nous savons fictifs contre ceux des personnels enseignants et non-enseignants. Que les professeurs d'un département manifestent le désir de conserver certaines de leurs prérogatives et aussitôt l'étudiant usager sentira une menace planer contre ses droits. Qu'un syndicat ait recours à la grève pour faire valoir le droit de ses membres et aussitôt l'étudiant usager mettra de l'avant son droit inaliénable à un enseignement continu. On n'a qu'à observer la situation qui prévaut actuellement dans le secteur universitaire pour se rendre compte de la facilité avec laquelle une administration et, à terme, un gouvernement peuvent tabler sur les droits de rhétorique pour renvoyer dos à dos les étudiants et étudiantes et les employés et employées ou enseignants et enseignantes.

Que le gouvernement veuille "consacrer" selon son expression la "responsabilité des collèges quant à la protection des droits de l'élève à une formation de qualité" et ce, après avoir eu l'indécence d'adopter l'été dernier la loi 32 qui constitue la plus importante attaque contre le droit d'association après avoir partagé pendant des années la responsabilité des cégeps dans la répression contre les associations étudiantes et alors qu'il est de notoriété publique que de plus en plus d'administrations collégiales tentent par tous les moyens de se débarrasser des associations locales qui sont les seules responsables de la promotion et de la défense des droits étudiants, cela témoigne du peu de cas que fait objectivement le ministère de l'Éducation des droits des étudiants.

Depuis l'adoption de la loi 111, on sait que, quand le gouvernement parle de droits, c'est un peu comme dans la légende quand le diable parle de vertu. Ce que l'ANEQ constate à la lecture du PREC et du document d'accompagnement, c'est que les notions qui sont mises de l'avant en matière de droits étudiants vont nous faire retraiter 20 ans en arrière alors que les élèves à l'époque et non pas les étudiants et étudiantes, comme nous persistons encore à nous appeler, étaient soumis à la férule des autorités collégiales.

S'il vous plaît, M. le ministre, à l'avenir, n'associez plus les droits étudiants au PREC, c'est un non-sens qui a déjà trop duré.

En conclusion, nous n'avons qu'un seul souhait à formuler quant au PREC et il est clair et sans équivoque: Nous exigeons son retrait. Nous rejetons le PREC parce qu'il constitue une entrave sérieuse à l'accessibilité aux études collégiales. Nous rejetons le PREC aussi parce qu'il porte atteinte irrémédiablement à la qualité de l'enseignement dispensé dans les cégeps. Enfin, nous rejetons le PREC parce qu'il oriente l'éducation vers les besoins de quelques-uns, ce qui a pour effet de nier et, ce qui est pire, de mystifier les aspirations légitimes de la population québécoise.

Comme nous le disions tantôt, ce n'est pas d'hier que l'ANEQ et ses membres demandent au ministère de l'Éducation de mettre au rancart son projet de règlement. Nous l'avons déjà dit et nous le répétons dans ce mémoire, nous condamnons les activités gouvernementales dans l'éducation. Nous vous avons démontré avec force rigueur comment le PREC se révèle inacceptable pour les étudiants et étudiantes et pour la population en général. Nous entendons maintenant expliquer au gouvernement ce qu'il doit faire pour répondre adéquatement aux critiques fondamentales que nous avons précédemment formulées.

La formation dispensée au niveau collégial doit être polyvalente et qualifiée. Le diplôme ou les certificats que le MEQ décernera ne seront que de vils morceaux de papier tant et aussi longtemps qu'ils seront assujettis à un seul secteur d'emploi, aux besoins de main-d'oeuvre d'une seule région. Tous les diplômes menant au marché du travail doivent être autant valables à Gaspé qu'à Montréal, à Hull qu'à Chicoutimi, sinon c'est votre capacité comme ministère, comme gouvernement ou comme parti de saisir les besoins réels du Québec et d'y apporter les correctifs adéquats qui sera mise en doute. Nous voulons des diplômes qui ont une valeur nationale et, qui plus est, nous voulons qu'ils nous donnent prise sur la réalité pour que nous puissions, grâce à la formation collégiale, accéder à de meilleures conditions de vie.

Nous réclamons aussi du ministère qu'il procède à une réelle décentralisation du réseau d'enseignement. Les cégeps doivent être gérés par ceux et celles qui sont les premiers et premières concernés par la formation collégiale et non par ceux qui sont uniquement concernés par sa gestion. Qui d'autre, en effet, que les étudiants et étudiantes, les professeurs, la population regroupée démocratiquement dans des organisations dont elle s'est elle-même dotée ou encore les groupes de femmes ou les syndicats, de n'importe quel secteur, connaît mieux le type de formation ou d'enseignement qui convient? Pour que cette décentralisation ne soit pas factice, la pédagogie doit, elle aussi, être révisée pour, d'une part, correspondre à la réalité de ceux et celles qui la vivent et, d'autre part, considérer les aspirations spécifiques de ceux et celles à qui elle s'adresse.

Nous savons pertinemment que le MEQ éprouve des difficultés à comprendre et à articuler nos demandes dans un régime pédagogique. La preuve en est que, depuis trois ans, nous lui formulons sensiblement les mêmes revendications. C'est pourquoi nous croyons qu'il est temps d'organiser un débat public large autour des enjeux fondamentaux du PREC et des contre-réformes, c'est-à-dire l'accessibilité, la qualité et l'orientation de l'éducation, afin de permettre aux premiers concernés de définir eux-mêmes le contenu et les orientations de leur projet d'école. Qu'on ne s'y méprenne pas: nous ne proposons pas au MEQ d'organiser ce débat, mais plutôt d'en permettre la réalisation.

L'expérience nous a démontré que ces discussions qui prennent la forme de concertation n'ont pour effet que la légitimation des politiques gouvernementales et sèment l'illusion d'une participation au processus décisionnel, alors que dans les faits cela permet au MEQ d'afficher un pastiche de démocratie tout en ne considérant aucunement les revendications du mouvement étudiant. C'est parce que nous croyons que le gouvernement ne doit pas ignorer une fois de plus nos besoins et nos intérêts spécifiques, de même que ceux de la population, mais qu'il doit au contraire les laisser surgir en dehors de toute contrainte étatique que nous exigeons la tenue d'un débat public sur l'éducation. Nous demandons seulement au ministère de l'Éducation d'écouter et de prendre en compte les demandes légitimes qui en seraient issues.

Nous pouvons d'ores et déjà réclamer du gouvernement qu'il mette au rancart son PREC et ses politiques de contre-réforme pour que ce débat ne soit pas obnubilé et qu'il puisse davantage porter sur les fondements de ce que nous et les autres intervenants considérons être à la base de tout système d'enseignement, à savoir l'accès, la qualité et les orientations de

l'éducation. Si le MEQ accepte la tenue de ce débat, son discours sur la démocratisation, la participation populaire sera enfin réalité. S'il refuse, nous saurons que ses belles paroles n'ont qu'un but, celui de mystifier la population dans une perspective électoraliste dont personne ne sera dupe.

L'ANEQ et ses membres ont déjà démontré vigoureusement au ministère que le PREC ne nous satisfaisait pas. En effet, près de 30 institutions ont débrayé le 15 novembre dernier pour manifester publiquement leur désaccord avec ce projet et réclamer du gouvernement qu'il agisse sur les trois axes du système d'éducation qu'il a lui-même reconnus comme fondamentaux. Nous revendiquons depuis quelques annés déjà la gratuité complète de l'éducation postsecondaire pour en favoriser l'accès. Nous croyons aussi que le MEQ doit cesser sa pratique de contingentement qui contredit lamentablement ses palabres sur l'accessibilité. Le gouvernement doit miser sur l'éducation collégiale et universitaire pour que son plan de relance économique s'avère une solution concrète à la crise. Il ne doit pas uniquement augmenter les budgets dans le domaine scientifique, mais dans l'ensemble du réseau. Nous exigeons du gouvernement qu'il hausse substantiellement les budgets du ministère de l'Éducation au nom même de ce qu'il appelle la qualité de l'enseignement.

De plus, nous exigeons que l'éducation corresponde à notre réalité et à nos aspirations et qu'à ce titre nous prenions une part réelle dans les décisions et les orientations de l'enseignement collégial. Nous croyons qu'il est de notre devoir de s'impliquer dans la vie pédagogique des cégeps. C'est pourquoi, dès la session prochaine, les étudiantes et les étudiants de cégeps négocieront dans chacun de leurs cours les plans de cours, utiliseront des temps de libération pour discuter de leurs exigences pédagogiques et se doteront de comités paritaires professeurs-étudiants dans chacun des départements qui auront comme principal mandat d'évaluer la qualité de l'enseignement et d'y apporter les correctifs nécessaires.

Puisque le MEQ n'attache aucune importance aux demandes étudiantes, nous nous donnerons nous-mêmes les moyens pour bénéficier d'une formation de qualité et orientée vers les besoins de la majorité de la population. Nous n'accepterons jamais d'aller dans des collèges-PREC et nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir, et ce dès la session d'hiver, pour que notre voix soit entendue. Si ce n'est pas par le MEQ, ce sera par et avec les professeurs. Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Legendre. D'abord, j'indique aux membres de cette commission qu'il y a deux modifications à la liste des membres et des intervenants. M. Cusano (Viau) est remplacé par M. Dauphin (Marquette) comme membre et M. Maltais (Saguenay) remplace M. Dauphin à titre d'intervenant.

M. Legendre, vous avez mis presque une heure à présenter votre mémoire. Je signale cependant que vous avez clairement exprimé vos positions. Je demande aux membres de cette commission de s'adresser à vous dans la mesure où ils désirent obtenir des éclaircissements supplémentaires; sinon, nous aurions des difficultés à entendre tous les groupes qui ont été convoqués aujourd'hui et qui se sont effectivement rendus.

M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je viens de prendre connaissance avec les membres de la commission du mémoire de l'ANEQ. Évidemment, il est très difficile de commenter tous les aspects d'un mémoire aussi long que celui qu'on vient de nous présenter, alors que notre prise de connaissance est aussi immédiate. Donc, il ne me sera guère possible de le commenter dans son entièreté. (12 h 30)

Cependant, ce mémoire tient plus du plaidoyer et du plaidoyer politique que d'une présentation qui voudrait apporter quelques modifications au projet qui est actuellement à l'étude. D'ailleurs, l'ANEQ l'avoue elle-même: elle vient moins demander des modifications que poursuivre une campagne de sensibilisation et une campagne de mobilisation auprès de l'opinion pour faire valoir sa conception de l'éducation. Car je crois voir - et je pense que l'ANEQ ne me démentira pas - que sa critique va bien au-delà du PREC. C'est une critique qui va à l'organisation même des collèges telle qu'elle existe actuellement, qui va à l'encontre de ce que les gouvernements successifs ont fait depuis une vingtaine d'années en matière d'éducation, que sa critique va jusqu'à l'organisation même de notre société et va, au fond, contre le projet social que la collectivité s'est donné depuis une trentaine d'années. Donc, c'est bien évident qu'on ne peut pas régler ce problème aussi large, aussi profond, dans une séance de commission parlementaire.

Évidemment, cela ne veut pas dire que j'accepte les présupposés philosophiques où je reconnais une bonne partie des affirmations du marxisme-léninisme. Il n'est donc pas dit que j'accepte ces postulats, ces axiomes, la lecture qu'ils amènent l'ANEQ à faire de la société, les conséquences qu'elle en tire et les recommandations qu'elle fait. Je pense que ce n'est pas le lieu d'en discuter ici.

Cependant, je voudrais relever quand même un certain nombre d'affirmations. Quand l'ANEQ dit que le projet de régime

des études est rejeté par la plupart des partenaires du milieu, je crois que c'est là une affirmation qui ne souffre pas la confirmation. Car, déjà, un certain nombre d'organismes se sont prononcés en faveur d'un règlement qui doit exister après quinze ans d'expérimentation. Nous avons entendu deux organismes, hier: la Fédération des collèges et l'Association des collèges privés. Je sais aussi que le Conseil supérieur de l'éducation demande qu'il y ait enfin un régime d'études collégiales. Le Conseil des collèges nous fait la même recommandation. Le Conseil des universités nous fait la même recommandation. Un certain nombre d'autres organismes, tout en critiquant l'une ou l'autre des dispositions du règlement, en arrivent cependant à la conviction qu'il faut, après ces quinze années de pratique, justement, en arriver à établir des règles claires qui permettront à chacun de se situer et qui permettront des progrès ultérieurs. D'ailleurs, le député d'Argenteuil, hier, -donc, l'autre grand parti politique - a conclu à la nécessité d'un règlement.

Je conteste aussi l'affirmation selon laquelle le projet d'études collégiales est figé dans le béton et que le gouvernement s'entête à vouloir l'imposer dans sa forme actuelle à la population étudiante et à la population en général. Déjà, à la suite de la présentation d'un premier projet, en 1980, les consultations ont été intenses, les échanges ont été nombreux et la nouvelle proposition qu'on a faite, au cours de 1983, montre bien que nous avons tenu compte d'un bon nombre d'observations et de recommandations qui nous ont été faites, à la demande même des associations étudiantes. Il en est de même pour le projet. Bien sûr, nous avons progressé; notre pensée étant maintenant plus claire à la suite des échanges, nous sommes rendus plus loin. Mais si nous tenons une commission parlementaire, c'est précisément parce que nous voulons continuer d'entendre les réactions, les représentations et les recommandations, et ceci implique bien que nous sommes encore réceptifs à des modifications ultérieures. Donc, je ne crois pas que l'on puisse, d'une façon crédible, prétendre que le projet de régime pédagogique pour le collégial soit d'ores et déjà coulé dans le béton.

Dans les représentations qu'on nous a faites aussi, on s'en prend, non seulement au PREC, mais à toute la politique gouvernementale en matière d'éducation et, en particulier, aux compressions, aux coupures budgétaires, auxquelles il a fallu avoir recours au cours des dernières années.

Je pense que nous nous sommes assez souventefois et longuement expliqués sur la nécessité de ces compressions budgétaires que nous avons dû assumer en tant que société, en raison d'une crise économique qui frappe d'ailleurs bien d'autres sociétés que la nôtre et qui revêtait une acuité particulière au Québec. Nous avons dû faire face à ce problème qui impliquait la capacité de payer de notre société. Nous avons dû procéder à des réajustements, réajustements qui ont pris la forme de compressions dont les services éducatifs ont dû prendre leur part. Il reste cependant que ces compressions ou coupures que nécessitaient les circonstances ont été faites et nous avons tenté quand même de limiter au maximum les conséquences sur la qualité ou la quantité des services. Il est plaisant maintenant de voir qu'avec la relance économique qui s'amorce, on peut être sûr que ces compressions n'auront plus à être faites. Elles ont été effectuées, mais elles n'auront pas à être répétées. On peut même commencer à penser qu'on pourra recommencer une croissance qui doit être orientée, bien sûr, vers les secteurs prioritaires.

Je voudrais aussi dire quelques mots sur ce que l'ANEQ dit de l'asservissement aux entreprises. Je ne crois pas qu'on puisse dire que le système d'éducation au Québec, qu'il s'agisse des universités, qu'il s'agisse des collèges, qu'il s'agisse du secondaire, soit asservi pieds et poings liés aux entreprises. Le témoignage de l'ANEQ est ici contredit par un très grand nombre d'organismes et d'observateurs de la scène politique. Le système d'éducation a ses fins propres et je pense qu'à tous les niveaux, aussi bien les commissions scolaires, les autorités collégiales que les autorités universitaires, on a bien tenu à affirmer et à confirmer dans les faits que leur but premier était le développement de la personne dans toutes les dimensions de sa personnalité, que c'était le développement de l'excellence, de la qualité de la formation.

Évidemment, on ne peut nier pour autant que le système d'éducation ne doit pas exister dans un cadre abstrait. Les services éducatifs ont pour mission, bien sûr, de former des personnes au maximum, mais, également, ces institutions ont un rôle pour les besoins sociaux, les besoins de travail, du marché du travail. Il est bien évident qu'on ne doit pas former dans l'abstrait, mais qu'on doit former des citoyens, des ouvriers, des techniciens, des professionnels, des docteurs ou maîtres dans quelque discipline que ce soit en fonction des besoins de la collectivité, en fonction d'un marché du travail qui évolue, qui est même en train de connaître une mutation technologique. Il importe donc d'établir un équilibre entre ces deux impératifs du système d'éducation qui est le développement des personnes en même temps que l'assomption des rôles sociaux que doivent remplir nos institutions d'enseignement. Je pense que nous avons réussi au Québec, autant et peut-être parfois mieux qu'ailleurs, à concilier ces deux impératifs. Je ne pense donc pas qu'il soit

juste de dire que nos collèges en particulier sont asservis aux entreprises. D'autant plus que la structure même de nos institutions de même que les règlements que nous avons montrent bien que les programmes sont élaborés le plus souvent par des professeurs avec les autres partenaires de l'éducation et qu'ils sont approuvés par le ministère en fonction, précisément, de cet impératif de développement des personnes aussi bien que de services à la collectivité. Je ne pense donc pas qu'on puisse aller jusqu'à ces conclusions.

Une autre remarque aussi. On nous accuse de vouloir refluer au secondaire certaines formations professionnelles, et on a pris l'exemple du secrétariat. C'est là une autre fausseté absolue, puisque cet enseignement se donne actuellement et au niveau du secondaire et au niveau du collégial. Mais, tout le monde a constaté un certain chevauchement et qu'il s'agit de préciser les objectifs d'un enseignement de techniques de secrétariat aux professionnels, de même qu'il faut définir, au collégial, les ordres différents, les niveaux différents, les types différents de formation qu'il importe de faire pour ces deux niveaux. C'est précisément ce que nous sommes en train de faire, encore une fois, avec la collaboration de tous les partenaires du réseau.

Je pourrais continuer très longtemps dans cette veine, M. le Président, mais je voudrais m'arrêter simplement pour poser quelques questions à l'ANEQ. J'ai bien entendu que l'ANEQ vise une réelle démocratisation de l'enseignement, aussi bien dans la forme et le contenu des programmes. Mais, l'ANEQ n'est pas très explicite quant à la démonstration de cette affirmation, quant aux moyens qu'il faudrait prendre pour assurer cette réelle démocratisation de l'enseignement, dans la forme et le contenu des programmes.

La première question que j'aimerais poser à ces gens, c'est de nous donner la recette ou, du moins, une ligne de conduite sur ce qu'ils préconisent pour assurer, sur le plan concret, sur le plan de l'organisation pédagogique, cette réelle démocratisation de l'enseignement.

J'y joindrais une autre question, d'ailleurs. On a parlé de pédagogie populaire et progressiste. Là non plus, on n'a pas été très explicite. J'aimerais bien demander à l'ANEQ qu'elle soit plus explicite, justement, et qu'elle nous illustre sur le plan concret, sur le plan de . l'organisation, ce qu'impliquerait l'adoption de ce qu'elle appelle la pédagogie populaire et progressiste.

Une troisième question que j'aimerais vous poser. Partout dans le mémoire, on conteste les pouvoirs du ministère ou du ministre. On ne voit pas, on n'accepte pas que cette intervention ministérielle est nécessaire pour assurer l'égalité des chances ou l'égalité de la qualité ou la cohérence du réseau, on y voit simplement une mise en tutelle. Par ailleurs, l'ANEQ réclame des diplômes nationaux. J'aimerais que l'ANEQ m'explique comment, d'un côté, on demande au ministère et au ministre de se délester de tous les pouvoirs qu'ils ont, et pourquoi et comment, de l'autre côté, on demande que le ministère assume cette fonction de sanctionner, d'une façon nationale, les diplômes des collèges. Concrètement, comment peut-on assurer la sanction des diplômes nationaux sans qu'il y ait un pouvoir d'intervention qui vise, justement, à assurer la validité de cette reconnaissance des diplômes nationaux?

J'aimerais poser ces trois questions à l'ANEQ.

Le Président (M. Blouin): M. Legendre.

M. Legendre: On va répondre aux trois questions. Juste avant, j'aimerais peut-être faire une petite précision...

Le Président (M. Blouin): Je pense que...

M. Legendre: ...dans la mesure où le ministre, avant de poser sa question, a formulé certains commentaires.

Le Président (M. Blouin): Oui, oui...

M. Legendre: J'aimerais peut-être formuler certains commentaires avant qu'on donne notre réponse.

Le Président (M. Blouin): M. Legendre, je crois que vous avez eu presque une heure pour émettre vos positions. *Le ministre a répondu brièvement à quelques arguments que vous avez développés. Je vais demander et aux intervenants et aux députés et à nos invités de revenir le plus possible au mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale, qui est celui d'étudier les nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Je ne peux pas, quant à moi, excéder ce mandat qui nous a été confié. Si d'autres occasions nous permettent, à d'autres moments, de discuter de propositions plus larges, ce sera à l'Assemblée nationale de le décider, mais le cadre qui nous a été fixé aujourd'hui est relativement restreint et j'aimerais qu'on s'y conforme.

M. Legendre: Oui. Alors, je vais passer la parole a deux de mes collègues pour répondre aux questions du ministre. Cependant, pour la lumière des membres de la commission et de l'ensemble des députés du Parlement, j'aimerais dire au ministre que notre bagage marxiste-léniniste, suivant

l'expression qu'il a employée, nous l'avons pris, pour une bonne part, au Conseil supérieur de l'éducation. Nous avons même cité le ministre lui-même. Donc, s'il y a un ménage à faire, peut-être que le ministère de l'Education peut le faire dans ses propres instances.

D'autre part, le ministre n'en est pas à une bourde près concernant l'ANEQ...

Le Président (M. Blouin): M. Legendre...

M. Legendre: ...je pense que c'est la deuxième en deux commissions parlementaires.

Le Président (M. Blouin): M. Legendre. Maintenant, nous allons revenir au sujet...

M. Legendre: Cela méritait d'être souligné cependant.

Le Président (M. Blouin): ...que nous voulons traiter aujourd'hui.

M. Legendre: Alors, Peter Wheeland, est-ce que tu peux répondre, s'il te plaît?

Le Président (M. Blouin): M. Wheeland. M. Ryan: Un instant, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil. (12 h 45)

M. Ryan: Question de règlement. Je me demande si vous empruntez la bonne voie en soulevant ces aspects-là maintenant. Je pense qu'il y a une chose dont il faut se rendre compte, c'est que nous devons obéir à des contraintes temporaires. Il faut fixer une heure à laquelle on terminera. À l'intérieur de cette période, cela ne serait pas une bonne chose d'être trop chatouilleux au chapitre de la pertinence. Comme le signalait l'intervention qui vient d'être commencée, on pourrait même souligner des aspects dans l'intervention du ministre qui n'étaient peut-être pas immédiatement reliés au mandat technique que nous avons. Si nous faisons preuve de libéralisme dans cela, tout en étant conscient qu'il faut terminer à une certaine heure, cela va être plus sage.

Le Président (M. Blouin): Vous êtes très conscient, M. le député d'Argenteuil, que nous avons des contraintes. Il y a six organismes qui doivent être entendus aujourd'hui. J'ai été très conscient des écarts et je les ai soulignés: ceux de l'ANEQ et ceux du ministre aussi. Ces écarts étant faits, j'ai demandé la collaboration des membres de cette commission et de nos invités pour revenir maintenant de façon plus directe et plus pertinente au sujet qui nous réunit aujourd'hui.

M. Ryan: Encore une fois, j'insiste auprès de vous. Qu'on soit limité dans le temps, mais, pour le reste, on n'a pas la chance de causer souvent de ces choses. Il y a des remarques de caractère plus général qui peuvent avoir un lien important avec le sujet que nous discutons.

Le Président (M. Blouin): C'est sûr.

M. Wheeland (Peter): J'espère que cela ne dérange personne si je parle en anglais.

Le Président (M. Blouin): Pas du tout.

M. Wheeland: The Minister can find the answers to a lot of those questions in a report published by the Conseil supérieur de l'éducation, 1979, called: "L'égalité des chances en éducation", by Mireille Levesque. That is where, as Patrice underlined, we found our Marxist-Leninist citations.

Concerning our perception of a real democratization... Ce n'est pas le même mot en anglais. Democratization of postsecondary education means that there is a real mix of different socioeconomic groups within the educational institutions. The studies of the Minister himself and a number of tables which are noted on the index, at the back of the memoire, including "Caractéristiques des étudiants du professionnel court à partir de l'analyse de leur cheminement scolaire", the document already mentioned, which points out that the scholastic aspirations of francophone students, according to socioeconomic status, clearly delineate a class system reproduced within the educational system. In other words, what the so-called democratization of the 1960s has accomplished is that it has ensured that more people from the middle classes have gone on to postsecondary education. And this has done just about nothing to change the fact that the people from lower socioeconomic classes are not participating in postsecondary education.

What we mean by a true democratization of the postsecondary education system is where we have a mix of students in the postsecondary institutions which are a mirror of the social composition of our society, the socioeconomic composition of our society. That is what we mean, when we talk about the democratization of a cegep, a democratization of the postsecondary education in general.

The pédagogie populaire. Jean will explain.

M. Robitaille (Jean): Concernant la question du ministre de l'Éducation sur ce que serait pour nous la pédagogie progressiste et populaire, je suis étonné et même déçu que le gouvernement et que le

ministre de l'Éducation ne connaissent pas plus la pédagogie progressiste et populaire. On sait cependant que le ministre a refusé d'aider les étudiants et les étudiantes qui ont lutté dans les années passées pour que les expériences de la pédagogie progressiste se continuent à l'Université de Montréal, en préscolaire et élémentaire, en sciences juridiques et dans plusieurs autres départements. Il y a eu deux colloques dans les deux dernières années qui ont regroupé à chaque occasion plus de 300 participants et participantes à Montréal. Le collectif, la maîtresse d'école étaient initiateurs de ces colloques.

C'est quoi la pédagogie progressiste et populaire? Cela appelle des modifications du système éducationnel actuel au niveau tant du contenu des cours que des méthodes et de la pédagogie. Ce sont des projets qui partent de la réalité des étudiants et des étudiantes et du monde en général. Ce sont des projets, c'est du travail, c'est une formation qu'on se donne qui oppose la compétition et l'individualisme, qui sont des valeurs mises de l'avant actuellement dans le système scolaire, qui oppose ces valeurs de compétition et d'individualisme à de nouvelles valeurs qui sont le travail en équipe, la promotion collective et l'excellence dans le travail. C'est beaucoup plus en solidarité avec ces démarches qu'on se situe à l'ANEQ quand on parle de projets d'écoles ou de nouveaux types de systèmes scolaires, de programmes de formation. Si le gouvernement est peu attentif à la pédagogie progressiste et populaire qui regroupe aussi tout le secteur de l'éducation populaire au Québec qui se fait dans les groupes populaires, c'est peut-être aussi une façon de nous démontrer que, dans les mois qui viennent, par les rumeurs de la dissolution des DGEA, les possibilités aussi de couper de façon drastique dans ce qui se fait comme éducation populaire au Québec. C'est donc en solidarité avec ces expériences qu'on se situe.

La deuxième question du ministre sur le fait qu'on conteste les pouvoirs du ministre. On demande des diplômes à valeur nationale et, en même temps, il nous semble important d'avoir des pouvoirs. Si, dans l'esprit du ministre, cela est contradictoire, dans le nôtre, cela ne l'est pas.

Les diplômes nationaux ne se réfèrent pas simplement à la sanction des études ou à la façon de sanctionner les études; bien au contraire, pour nous, cela devrait porter sur autre chose que cela. Ce qu'on entend par diplôme national, c'est très lié à la volonté d'avoir la qualité de l'éducation et la polyvalence de la formation qui permettent aux étudiants et aux étudiantes d'avoir une formation qui va leur donner un emploi intéressant dans l'avenir et qui va leur donner un emploi qui ne sera pas temporaire ou très précaire comme type d'emploi, et non une formation très rapide comme celle que les attestations ou certificats d'études collégiales, les diplômes à rabais amènent. Ce qui fait qu'on est lié aux commandes des entreprises. On nous dit qu'on ne parle pas au Québec d'assujettisement de l'enseignement collégial aux besoins des entreprises, mais à quoi servent les comités école-travail où se réunissent des professionnels non enseignants et des représentants des entreprises régionales? À quoi servent donc ces comités si ce n'est à préparer des programmes sur mesure pour les entreprises?

Dans ce cadre, on a expliqué dans le mémoire le fait qu'on n'était pas contre le fait de recevoir une formation qui nous permette d'être compétent, mais une formation au cégep ou à l'université ou à quelque niveau que ce soit de l'enseignement au Québec. La formation ne doit pas se limiter à former bêtement des individus qui seront des robots et qui fonctionneront en réponse à des besoins très précis, des besoins à court terme d'entreprises, ou bien pour les faire sortir de la crise ou leur faire prendre le virage technologique. Pour nous, la formation qu'on doit aller chercher au niveau collégial va nous permettre d'avoir une formation beaucoup plus polyvalente que cela. C'est dans ce sens que, pour nous, il nous semble important d'avoir des diplômes à valeur nationale. Le ministre, nous semble-t-il, ne doit pas avoir l'ensemble des pouvoirs concernant la gestion, la sanction de tout cela. Il doit assurer, il doit permettre les moyens pour que la qualité de l'éducation et la polyvalence soient assurées au niveau collégial, mais, avec le PREC, on voit que c'est bien autre chose que cela. Pour nous, la dichotomie ou la contradiction que le ministre voyait, on ne l'aperçoit pas parce qu'on part d'une perspective assez différente de la conception de... On ne limite pas le diplôme à valeur nationale à une simple conception de sanction des études.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Robitaille.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord souligner que j'ai écouté avec intérêt le mémoire qui nous a été présenté par la délégation de l'ANEQ. J'étais content de la mise au point qui a été faite au sujet de l'allusion à l'inspiration marxiste-léniniste. Je ne pense pas qu'on puisse imputer ce reproche au document dont nous avons entendu la lecture. C'est une lecture que j'appellerais progressiste, la réalité de l'enseignement dans le Québec d'aujourd'hui. Mais je ne pense pas qu'on doive attacher d'autre étiquette à ce document, en toute rigueur d'esprit.

Cela étant dit, j'ai remarqué deux choses dans le mémoire qui nous a été présenté. Il y a deux soucis de base. On peut discuter de telle ou telle page, de tel ou tel paragraphe à l'infini, mais il y a deux soucis de base qui doivent nous concerner au plus haut point. Ces gens nous disent d'abord: On s'inquiète des conséquences du nouveau règlement sur l'accessibilité à l'enseignement. Il pourrait arriver, et on va en discuter de manière plus précise dans quelques moments, qu'au lieu d'atteindre l'objectif qui est désiré par le gouvernement, cela entraîne des résultats contraires. C'est une inquiétude parfaitement pertinente et qui n'a rien de marxiste-léniniste, sûrement. On peut lire les conséquences d'une mesure gouvernementale d'une manière différente. Cela, c'est très bien et fait partie de la liberté de débat que nous avons dans ces questions. Deuxièmement, on s'inquiète des répercussions des mesures proposées sur la qualité de l'éducation. S'il arrivait qu'à poursuivre la quantité à tout prix, on finisse par entraîner une dévaluation générale de la qualité dans le système d'enseignement collégial, ce serait évidemment - et c'est l'avis du gouvernement aussi, j'en suis sûr - une conséquence déplorable.

Sur ces deux plans, j'ai trouvé que le mémoire nous pose des questions auxquelles nous devons chercher des réponses honnêtes. Le ministre a posé un problème. Je l'avais dans mes notes et je remercie le ministre de l'avoir posé avant moi. Cela nous évite d'en discuter de nouveau, mais je ne pense pas que la réponse ait été complètement satisfaisante. Si on parle de diplôme national, c'est vrai que cela ne peut pas uniquement consister, la dimension nationale du diplôme, dans la signature du ministre et du sous-ministre qui est inscrite sur le diplôme. Il y a beaucoup d'autres choses là-dedans. L'input mis par l'étudiant et le professeur est aussi important pour asseoir solidement la valeur nationale du diplôme que la signature du ministre, en fin de compte. C'est tout cela ensemble qui donne la dimension nationale dans son sens plein. C'est ce qu'on a voulu dire quand on a esquissé une réponse à cette question.

Je soutiendrais que, sur un bon nombre de points, il faut quand même une intervention de l'autorité politique au niveau national pour qu'on puisse avoir un système national d'enseignement collégial. En matière d'admission, par exemple, il faut un certain nombre de normes de base. Nous discutons ces jours-ci de la distinction adulte-jeune, à savoir si cela doit rester ou non. Vous n'en avez pas parlé dans votre mémoire, à mon étonnement d'ailleurs. C'est un point. On parle du cadre temporel dans lequel va se dérouler l'année scolaire. Il faut bien que ce soit fixé quelque part, soit dans les conventions soit dans des décisions administratives. Il faut qu'un cadre de base soit établi par une autorité politique nationale, à mon point de vue. L'orientation générale des cours doit être approuvée quelque part. On a suivi depuis quinze ans une politique en vertu de laquelle les grandes lignes des cours sont approuvées et définies par le ministère de l'Éducation en consultation avec de nombreux milieux. À plus forte raison, l'octroi des diplômes doit relever d'une autorité quelconque. Il pourrait arriver que certaines institutions aient une qualité telle qu'on préfère leur diplôme à celui du ministre. Tant mieux! Ce n'est pas une mauvaise chose en soi. Mais la règle commune, ce sera un diplôme sanctionné par l'autorité politique.

Cela me paraît tellement évident que je n'éprouve pas le besoin de vous poser une question là-dessus. Il y a des différences quant à la mesure et quant au degré d'intervention du ministre. Là-dessus, il y a des remarques qui ont été formulées dans votre mémoire, que j'ai notées avec intérêt. S'il y avait des choses plus précises, ce serait non moins intéressant de les entendre ou d'en prendre connaissance par la suite.

Je ne parle pas des droits étudiants parce que je veux réserver cela à mon collègue de Marquette, M. Dauphin. Je vais vous poser une question principale. Vous avez émis des objections très fortes à l'encontre de la tendance gouvernementale vers la surspécialisation ou vers la professionnalisation précoce des études. Vous vous êtes prononcés carrément contre l'introduction du certificat d'études collégiales et la prolifération du régime des attestations d'études collégiales. J'aimerais avoir des précisions de votre part sur les raisons qui vous amènent à vous opposer à ces deux points précis qui figurent dans le projet de règlement. Je sais que le président va trouver que je suis tout à fait pertinent. Il me semble que c'est une des critiques majeures que vous adressez au projet, dans son contenu tangible, en somme. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi vous vous opposez au certificat d'études collégiales et à la prolifération des attestations, en pensant en particulier aux conséquences que cela peut avoir sur l'orientation des jeunes étudiants.

Le Président (M. Blouin): M. Robitaille. (13 heures)

M. Robitaille: J'essaierai effectivement de reprendre à partir de ce qu'on a déjà amené, de peut-être pousser un peu plus loin les éléments de réflexion qu'on a apportés ou les critiques qu'on a apportées à ces deux nouveaux diplômes.

Le Président (M. Blouin): Juste avant que vous ne poursuiviez votre intervention, je crois qu'il y a entente pour que nous

poursuivions nos travaux au-delà de 13 heures pour pouvoir terminer les échanges que nous avons avec votre organisme, vers 13 h 30 si possible, parce qu'il faudrait quand même terminer vers cette heure. Nous pourrions, au retour, entendre le deuxième organisme qui est inscrit à l'ordre du jour.

Une voix: ...

Le Président (M. Blouin): Très bien. Puisqu'il y a consentement, nous allons poursuivre nos travaux. M. Robitaille.

M. Robitaille: Au niveau du certificat des études collégiales ou de l'attestation d'études collégiales, on aborde un tout petit peu dans le texte cette dimension que la distinction adulte-jeune soit éliminée. Pour nous, en tout cas, on n'est pas du tout convaincu par les arguments du ministèie de l'Éducation qui nous dit que ce n'est pas la clientèle actuelle et normale qui va au cégep qui ne serait pas intéressée à suivre ces certificats d'études collégiales, le certificat d'études collégiales ou l'attestation. Il nous semble au contraire que, dans la situation économique que les jeunes vivent, le fait de s'endetter deux ou trois ans au cégep par le régime des prêts-bourses pour les étudiants qui viennent plus des classes défavorisées, ce n'est peut-être pas toujours une perspective réjouissante, considérant aussi que les étudiants et étudiantes qui proviennent des classes plus défavorisées sont ceux qui, en grande majorité, composent les secteurs professionnels au niveau du système collégial et aussi au niveau secondaire.

Donc, ces deux éléments, les conditions économiques et le fait que les étudiants et étudiantes du professionnel proviennent plus des classes populaires au Québec, nous font dire que ces étudiants pourraient être beaucoup plus tentés de passer par le certificat d'études collégiales, de prendre une formation déqualifiée, une formation d'un an. Il n'y a pas autant de cours obligatoires qui sont mis là; la spécialisation qu'on y reçoit est beaucoup plus rapide; c'est moins complet, mais ce sont des diplômes que tu obtiens plus rapidement.

En même temps, pour les étudiants, cela pourrait être alléchant et, pour nous, c'est très dangereux d'instaurer cette voie d'évitement par rapport aux études postsecondaires, c'est-à-dire que des étudiants et étudiantes qui pourraient avoir honnêtement le goût de poursuivre des études plus longtemps, mais en fonction du contexte culturel ou économique difficile qu'ils vivent, seraient maintenant amenés à être plutôt tentés de prendre le certificat d'études collégiales. C'est un geste qu'ils posent et qui, à court terme, ne semble pas avoir beaucoup de conséquences, sauf qu'à long terme, je pense que cela signifie pour ces étudiants et étudiantes qui auront reçu ces diplômes une formation très dépendante des besoins de l'entreprise pour lesquels ils ont été formés. Cela ne signifie pas du tout que les gens, les individus qu'on forme... Les principes de formation fondamentale dont le ministre de l'Éducation se targue tellement, nous ne le retrouvons absolument pas dans ces certifications. Au contraire, ces gens ne sont pas des gens qui reçoivent une formation au niveau collégial qui permette qu'ils soient autonomes, qu'ils soient des individus qui soient capables de fonctionner de manière critique dans la société.

Pour nous, ce sont des objections fondamentales qu'on porte au certificat d'études collégiales et à l'attestation d'études collégiales qui est un diplôme de "patchage" quand il y a des problèmes qui se posent dans les entreprises. Il nous semble qu'il faille favoriser plutôt que les étudiants et étudiantes puissent avoir accès à une formation de qualité, beaucoup plus qualifiée, à une formation fondamentale.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Robitaille. M. le député d'Argenteuil, cela va? M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Je ne veux pas reprendre la discussion sur les épithètes et sur les tendances et les fondements idéologiques. Je voudrais simplement dire que c'est normal, parfois, que des attitudes comme celles-là surviennent face à des caractères un peu pamphlétaires ou polémiques. Je voudrais plutôt reprendre la discussion là où on en est rendu, c'est-à-dire sur la perception que les gens de l'ANEQ ont face à la proposition de certificats d'études collégiales où ils voient une dévalorisation, une déqualification, une accentuation des différentes classes sociales. J'ai rencontré lundi des enseignants d'un cégep de ma région. Avec un autre vocabulaire, ils m'ont fait part de craintes semblables. Par ailleurs, hier, on a entendu les sous-ministres et les hauts fonctionnaires du ministère de l'Éducation - à qui je prête autant de bonne foi que j'en prête aux enseignants et aux étudiants - qui, eux, nous ont fait état d'expériences étrangères, d'analyses de situations démontrant que, si les craintes que vous manifestez et que les enseignants manifestent peuvent paraître fondées, l'analyse des situations a démontré que plutôt que de réduire, plutôt que de dévaloriser, plutôt que d'accentuer les différences de classe sociale, on a permis, en offrant des possibilités ou des variétés de filières plus ou moins longues... Plutôt que de se contenter d'une seule filière commune pour tout le monde, on a ouvert la porte à des gens qui, de toute façon, décrochaient et n'arrivaient pas à s'inscrire dans le moule commun.

Jusqu'à maintenant, malgré le fait que je sois très sensible à ces représentations, je vous avoue que vous ne m'avez pas convaincu par vos arguments qu'on ferait fausse route en adoptant ce projet de règlement tel qu'il est proposé. Je regarde le nombre de jeunes qui décrochent, le nombre de jeunes qui n'arrivent pas à s'intégrer ni socialement ni professionnellement dans notre société. Je me dis que peut-être finalement le même moule ne doit pas être adapté à tout le monde. C'est peut-être le message que les jeunes qui décrochent, tant du secondaire que du cégep, nous donnent, de toute façon. Ils se sentent mal à l'aise dans un cadre commun. Il y a l'expérience qu'on mène, par exemple, actuellement au niveau des écoles de décrocheurs, où on essaie d'adapter des formules d'éducation différentes, progressistes, là aussi, finalement, et mises au point par les enseignants et non pas selon un moule unique. On se rend compte que ces filières différentes sont mieux adaptées à des besoins d'un certain nombre de jeunes et de moins jeunes.

Dans ce sens-là, je ne sais pas si vous avez des remarques additionnelles pour nous convaincre. Ce n'est pas seulement le discours progressiste qu'il faut aussi tenir. Il faut aussi se rendre compte que le progrès se fait sur le terrain. Si, en fin de compte, on n'arrive pas à débloquer ou à dépasser le discours, qu'on se retrouve avec encore des centaines et des milliers de jeunes qui ont décroché et qui n'arrivent pas à s'intégrer sur le marché du travail, qui n'arrivent pas à trouver de valorisation dans notre société, notamment parce qu'on ne leur a même pas accordé, dans notre société, une valeur à un temps d'étude qu'ils auront accompli, est-ce que nous serons plus avancés? C'est la première question ou remarque que je fais.

Il y a une autre question qui finit par être agaçante. D'une part, on fait face à des problèmes économiques importants. Bien sûr, personne ne le veut. On pourra toujours nous prêter toutes les intentions qu'on veut pour toutes sortes de raisons. Il n'y a personne qui tient, ni d'un côté ni de l'autre de cette table, je pense, à voir les enseignements, les cours dirigés par le patronat, par les dirigeants d'entreprises, par les cadres d'entreprises. Il y a quand même une réalité qui fait que l'enseignement, la formation doit s'inscrire dans un objectif d'intégration dans cette société de participation à la vie active de la société. Est-ce que c'est un crime de lèse-majesté que de penser que, à un moment donné, on puisse mieux arrimer la formation au niveau collégial, la vie scolaire à des besoins d'entreprises? Oui, à des besoins des entreprises du Québec qui, après tout, sont la structure économique de notre société. Ce n'est pas l'État qui est le seul maître d'oeuvre de l'économie. On vit dans une société, dans une philosophie socio-économique où ce sont des entreprises privées, des entreprises coopératives qui suscitent une bonne partie des emplois et ces entreprises ont des besoins. Quand on regarde le nombre de jeunes qui reçoivent de l'assurance-chômage, ils ne se demandent pas si tout est parfait; ce qu'ils voudraient, c'est s'intégrer à ces entreprises et avoir du travail. Et, dans la mesure où ils seraient mieux qualifiés, est-ce que ce n'est pas là l'objectif qu'on doit atteindre sans tomber dans le danger que vous soulignez - je pense que ce n'est peut-être pas mauvais qu'on se le rappelle régulièrement - pour éviter le piège qui serait de laisser aux seuls dirigeants d'entreprises le soin d'organiser la formation, la pédagogie, les objectifs, etc?

Est-ce qu'il n'y a pas une marge entre le discours que vous tenez et les besoins concrets de notre société actuelle qui ferait qu'on pourrait peut-être s'entendre sur une réalité ou des consensus qui feraient qu'on doit mieux adapter la formation qu'on ne l'a fait jusqu'à maintenant aux besoins de notre économie?

Le Président (M. Blouin): M. Wheeland.

M. Wheeland: We are not against. We think that other things have to be taken into consideration. You cannot simply take a look at the economic cost. You also have to take a look at the human and the social cost.

As far as dropouts are concerned, why people are dropping out, they have been a number of different studies which have come up with a number of different reasons through why young people drop out of school. But, a lot of it has to do with the irreality at school for those students. I was a dropout myself, I realized at a certain point of my life that high school education just simply did not seem to have any relevance to my life. That is why I dropped out. I came back in when I started to realize that did have relevance to my life.

That does not change something by increasing the number of students in cegeps by trying to find the lowest common denominator which will get more students to enroll in the cegeps. That is just a numbers game. It is a numbers game which makes accessibility to cegeps look larger in Québec.

I think it really hit me when I saw a Canadian Federation of Students document -and apparently this happens quite often - do a comparison between accessibility in Ontario and accessibility in Québec. They get confused because of the cegeps system in Québec. The accessibility rate looks a lot higher in Quebec, and in fact it is because of the cegeps system.

As far as flexibility, the minister said himself, at the Conference of Administrators of Education of Canada in Toronto, that

employers have to recognize and should recognize that there is value in student having a broad polyvalent training which allows him to be flexible in meeting the job market needs. Right now, the preoccupation of businesses is just to keep the cost as low as possible, to keep labour cost as low as possible, in other words, productivity. And productivity is accomplished by paying people less and that means that the dequalified person who takes a lower salary is more attractive to an employer at this particular period of time.

We think that the kind of solutions to dropout, unemployed and people on social welfare is a full employment policy, not simply a policy which gives youth a minimum of training and gives a minimum wage jobs where they are going to have to go for retraining in a few years or a decade later because they simply did not get enough adequate training to be able to meet changing conditions in the job.

In that context, we do not think that dequalifying or reducing to a lower denominator with a CEC or an AEC increasing the number of students is going to improve their economic situation one bit. We think that the only thing that is going to change the economic situation for those youths is the adoption of a real full employment policy, not as the Prime Minister said the other day, a policy of maximum employment and full activity. That is not the same thing. I hope that answers the questions.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup. M. Vézina, un complément de réponse. (13 h 15)

M. Vézina (Jean-Marie): L'ANEQ croit que, compte tenu des sommes qui sont encourues par la société québécoise pour former un individu, on pense que le gouvernement aurait intérêt à ce que... Le gouvernement rendrait service à la société québécoise s'il entreprenait, dès le départ, de donner à un individu le maximum de formation plutôt que de faire en sorte que les contribuables doivent - là-dedans, j'inclus les entreprises - financer de façon récurrente le recyclage d'un jeune qui deviendra adulte et qui aura perdu, disons, sa qualification par rapport à un type de travail X dans une région, dans une entreprise qui aura fermé ses portes. On pense que c'est un service à rendre à la société que, dès le départ, de s'assurer que cette personne a le bagage pour faire le plus de chemin possible. Effectivement, il faut peut-être, à un moment donné, se recycler, mais la question qu'on se pose, c'est: Est-ce que ce sera tous les deux ans, est-ce que ce sera tous les trois ans qu'on va venir faire de petits certificats très courts?

On pense que, compte tenu des coûts que cela implique de former les gens, dès le départ, on devrait mettre le paquet pour que la personne soit capable de cheminer pendant un bon bout de temps. C'est cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. Il nous reste quelques minutes. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Quelques minutes, oui. À mon tour, j'aimerais remercier l'Association nationale des étudiants du Québec pour la présentation de son mémoire qui, soit dit en passant, est assez volumineux. Je me souviens, après l'élection générale d'avril 1981 et après avoir fait quelques tournées à travers les cégeps du Québec, qu'il y avait, effectivement, une énorme préoccupation des étudiants face au projet de règlement des études collégiales. C'est à ce moment que je m'étais attardé à ce dossier de façon toute particulière et que j'avais demandé au ministre, en Chambre, où en étaient rendues ces consultations et quand il nous arriverait avec un projet final. À ce moment, il m'avait répondu qu'effectivement il continuait les consultations de façon toute particulière avec les associations étudiantes. On réalise malheureusement, après deux ans, que la bonne entente est loin d'être acquise sur ce point autant par vous que par l'autre association étudiante dont je lisais les quelques notes tantôt qui, au lieu, comme vous, de demander le retrait pur et simple du projet demande une table de concertation, que les principaux intervenants reviennent à la table pour ni plus ni moins formuler un texte différent. C'était la remarque que j'avais à faire pour commencer.

Maintenant, vous nous dites, à la page 10, qu'au niveau des droits des étudiants, au niveau de la collégialité - surtout à la fin -c'est un peu un écran de fumée parce que le ministre, finalement, se rend responsable d'à peu près tout: l'admission des élèves, l'établissement des programmes et de leur contenu, il approuve les cours, autorise les dérogations, sanctionne les études, les diplômes. J'aimerais savoir de vous quel rôle bien précis vous voyez - ma question peut être générale - quel rôle devrait être attribué au ministère de l'Éducation sur le plan de l'enseignement collégial. Ma question est très générale, mais quel rôle voyez-vous au ministère? On voit clairement dans le mémoire que vous êtes pour la décentralisation le plus possible. On peut savoir qu'en pratique cela a fait ses preuves dans beaucoup de cas, mais, de façon précise, j'aimerais savoir quelle est votre perception du ministère de l'Éducation. Quel rôle devrait-il jouer, en ce qui nous concerne bien particulièrement, au niveau de l'enseignement collégial?

Le Président (M. Blouin): M. Legendre.

M. Legendre: Nous, a priori, ce qu'on pense, c'est que c'est la fonction tant du ministre, de son ministère que du gouvernement d'assurer que le réseau scolaire postsecondaire au Québec, les équipements, les institutions, le personnel qui y travaille et les étudiants et étudiantes puissent agir, puissent faire fonctionner l'appareil scolaire québécois au meilleur de ses capacités et avec la meilleure efficience possible. On ne pense pas que, par une politique qui porte le nom de projet de règlement des études collégiales ou par d'autres politiques, le ministre doive intervenir de manière à centraliser les pouvoirs entre ses mains, et aussi par d'autres biais, de manière à réduire l'efficacité des sommes investies par la société québécoise dans l'enseignement postsecondaire. C'est notre première préoccupation de voir à ce que le ministre de l'Éducation, l'actuel ministre ou son éventuel successeur, puisse donner le maximum d'efficacité aux équipements, aux sommes qui sont investies par la société québécoise pour que cela fonctionne le mieux possible, que le personnel qui est dans l'éducation n'ait pas constamment à subir certaines contraintes en termes de fonctionnement quotidien dans sa fonction d'enseignant et que les étudiants et étudiantes puissent aussi, par ce biais, avoir un certain mot à dire, avoir un poids dans la définition des programmes, dans la définition des contenus de cours, dans l'ensemble des questions relatives à la pédagogie et au cheminement des étudiants et étudiantes dans le courant de la filière scolaire.

Maintenant, on n'a pas, nous, à nous prononcer - et ce n'est pas, je pense, à cela que conduisent nos mandats, les mandats de nos assemblées générales - sur des termes plus précis, des articles plus précis de pouvoirs à accorder au ministre et de pouvoirs à ne pas lui accorder. Parce qu'on dit - et c'est, je pense, la principale, la teneur d'ensemble de notre mémoire - qu'un projet comme celui-là, à terme, peut bouleverser l'enseignement collégial au Québec et va le faire.

Ce n'est pas vrai que c'est le statu quo auquel on ajoute quelques petites modifications. C'est un projet d'ensemble qui peut bouleverser l'enseignement collégial, autant les pouvoirs du ministre que les pouvoirs des conseils d'administration locaux, que ceux des directeurs pédagogiques ou même des étudiants à la base, et il doit relever d'un débat public qui aura essaimé partout dans les couches de la société, qui aura permis à l'ensemble des organisations représentatives de la population de se prononcer. Donc, on ne s'amène pas ici en disant: Le ministre doit avoir tel pouvoir, on devrait lui en accorder moins ou plus. On pense plutôt que cela appartient à la population, dans son ensemble, dans le cadre d'un large débat, de donner de tels avis.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Legendre. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Peut-être juste une dernière question, si vous le permettez, au niveau des droits des étudiants. À la fin de votre mémoire, vous suggérez, plutôt que de réformer la structure qui est devant nous au niveau du prêt, qu'on élargisse, au contraire, au niveau du régime des prêts et bourses et qu'on facilite plus l'accessibilité aux étudiants de cette façon plutôt que de chambarder tout le système.

Juste une petite question. Je me souviens aussi, lors des différentes tournées, que, de façon générale - je sais bien que vous, en étant dans l'exécutif, vous êtes probablement plus spécialisés en la matière -ce qui préoccupait beaucoup les étudiants de manière générale, c'était, entre autres, la présence obligatoire aux cours, ce qui était dans un des projets venu avant celui-là, de mathématiques. À votre point de vue, est-ce que les étudiants que vous représentez, malgré que ces notions aient disparu, sont autant contre le projet qu'auparavant? Je sais bien que, lorsque vous avez eu votre assemblée générale l'année dernière, je pense que c'était avec l'ancien projet, alors que ces notions étaient incluses, mais...

Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Legendre, très rapidement là-dessus.

M. Legendre: Je pense que les étudiants sont autant déterminés en 1983 qu'ils l'étaient en 1981 à rejeter le PREC. À l'époque, il y avait certains aspects qui accrochaient davantage, comme le cours de mathématiques, comme la présence aux cours obligatoires; et le fait que cela ait formellement été retiré du projet, on a perçu cela, dans une certaine mesure, comme un semblant de victoire. Maintenant, cela ne change rien aux aspects fondamentaux du projet et je pense qu'on a démontré, lors d'un congrès qu'on a tenu encore récemment et lors également d'assemblées générales un peu partout, puis de manifestations, puis d'une journée historique le 15 novembre dernier, que les étudiants étaient au courant des enjeux importants du PREC et ne travaillaient pas à partir de l'ancienne version, mais à partir des débats actuels. Et c'est cela, encore une fois, qu'ils ont refusé assez massivement.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Maisonneuve en terminant.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Rapidement, en fait, parce qu'il nous reste

relativement peu de temps. Je pense qu'une réflexion vaste comme la vôtre est intéressante et utile.

Vous avez cité le Conseil supérieur de l'éducation. Je me rappelle notamment les études faites par les sociologues français Bourdieu et Passeron qui ont sans doute inspiré les réflexions qui ont suivi et qui concluaient effectivement à l'usage de l'école comme moyen de reproduction des classes sociales.

Ceci dit, même quand on est converti à cette analyse - c'est évidemment tout autrement quand on veut opérationnaliser des scénarios qui permettraient de faire autre chose - je pense que même ces analyses démontraient notamment que la gratuité scolaire n'avait pas, en fait, l'effet recherché pour contrer les effets pervers que vous réprouvez. J'ai fait l'exercice suivant -je suis députée dans une circonscription qui est dans un quartier ouvrier montréalais et qui, malheureusement, compte au niveau secondaire le plus important taux d'abandon scolaire à Montréal - avec des organisateurs communautaires cette semaine, au début de la semaine, organisateurs qui travaillent de façon très engagée avec des jeunes du milieu, de ce milieu populaire, de ce milieu ouvrier, avec ces jeunes qui n'ont eu aucun modèle familial ou socioculturel qui les aurait amenés à vouloir se projeter dans des études supérieures, qui ont été comme prédéterminés dès même la première ou la deuxième année. Je puis vous dire que ces organisateurs communautaires, qui sont en contact étroit avec ces jeunes, m'ont dit tout l'intérêt que représentait possiblement ce certificat d'études collégiales, notamment à cause de l'effort qui est fait présentement par ces jeunes pour retourner chercher une formation générale au secondaire, tout en étant très inquiets, en fait, de leur propre capacité, parce qu'il y a aussi, il ne faut quand même pas l'oublier, très profondément un problème de sous-estimation, de mésestime de soi dans ce milieu.

Donc, ce certificat pouvait éventuellement conduire, dans la mesure, justement, où il n'était pas parallèle à la poursuite d'un diplôme d'études collégiales, à une réussite scolaire - et non plus à une continuation des échecs répétés - qui pouvait éventuellement même motiver suffisamment pour poursuivre au niveau d'études collégiales permettant l'obtention d'un DEC ou d'études supérieures.

Alors, je pense qu'il faut réfléchir certainement sur la manière d'opéra-tionnaliser des scénarios, même quand on est converti à cette analyse que vous nous avez présentée ce matin. J'aimerais avoir vos réactions.

Juste pour terminer, j'ai apprécié dans votre texte cette préoccupation constante qu'on retrouve en faveur d'une "désexisation" des contenus de cours, des choix de cours, des profils de carrière, des cheminements scolaires. Je ne peux pas m'empêcher de constater une chose, par ailleurs, pour avoir été en contact dernièrement avec l'association étudiante du cégep de ma circonscription, où sur neuf dirigeants étudiants, il y a une femme. Je ne peux pas m'empêcher de constater que vous semblez avoir dans votre propre délégation les mêmes problèmes que ceux que l'on retrouve à l'Assemblée nationale, en termes d'absence chronique des femmes, puisque, dans votre délégation, je constate qu'il y a une seule femme.

M. Legendre: Est-ce qu'on peut répondre?

Le Président (M. Blouin): Oui, oui, d'accord, M. Legendre. Le plus succinctement possible parce qu'à 1 h 30, il faut...

M. Legendre: Ah oui, ah oui! Mais je ne toucherai pas à la dernière partie, je pense qu'il y en a d'autres qui sont peut-être intéressés à le faire.

Je veux bien que des gens soient convaincus par les analyses de Bourdieu et Passeron autour de la table, devant nous. Je pense cependant que ce qui est plus évident, c'est que la philosophie du PREC découle davantage des documents produits, par exemple, par l'OCDE et c'est plutôt cette philosophie-là qui est reprise par le ministère de l'Éducation. Maintenant, cela est indépendant des positions personnelles des individus.

D'autre part, il me semble que, la logique voulant que, plus on multiplie les diplômes, plus on fait rentrer du monde dans les institutions, cela n'a pas non plus été démontré par le ministère de l'Éducation. Nous, nous voudrions bien aussi être convertis à cette logique-là, mais cela n'a pas été fait. Et il y a d'autres analyses qui disent que plus il y a de diplômes, plus les diplômes se concurrencent entre eux. Alors, on attend que le ministère, avant de faire adopter un projet comme celui-là, mette sur la table les arguments qui sous-tendent son analyse.

D'autre part, on est aussi en contact avec des groupes de jeunes, on l'a été depuis un bon bout de temps déjà. On est aussi en contact, par exemple, avec certaines écoles de décrocheurs, que ce soit à Québec, ici à Jacques Marquette, ou à Montréal à Marie-Anne et ces gens-là ne nous disent pas du tout que ce qui les rebute, ce qui fait en sorte qu'à un moment donné ils quittent l'école, c'est le diplôme. Ce n'est pas parce qu'il y a un DEC qui s'appelle un DEC, qu'un DEC a X cours, qu'un DEC sera de deux ans ou trois ans, qui fait en sorte que ces étudiants-là quittent l'école. Ce sont

d'autres raisons. C'est le milieu familial, c'est la situation socio-économique, c'est l'empêchement financier à poursuivre.

Alors, nos contacts chez les jeunes valent sans doute vos contacts chez les jeunes. Maintenant, sur la dernière partie de la question, je pense que Jean-Marie Vézina est intéressé à répondre. (13 h 30)

M. Vézina: Mais alors, si on met tant d'emphase que cela sur la "désexisation" de l'éducation, c'est effectivement pour qu'on en vienne, à un moment donné, à avoir une parité hommes-femmes au sein de nos organisations et, par ricochet, j'imagine, éventuellement à l'Assemblée nationale aussi. Alors, il faut prendre cela par le bon bout, pensons-nous.

Le Président (M. Blouin): Alors, au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les représentants de l'Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec d'avoir bien voulu venir nous présenter ce mémoire et aussi d'avoir participé à ces échanges.

Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 31)

(Reprise de la séance à 15 h 8).

Le Président (M. Blouin): Mesdames et messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui est de procéder à l'étude des nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Je signale également aux membres de cette commission que nous avons reçu un avis du collège John Abbott concernant le projet de règlement sur le régime pédagogique collégial. Ce mémoire nous a été transmis pour dépôt et les membres de la commission en auront copie. Nous avons également reçu une communication provenant de la commission pédagogique du collège Ahuntsic. Les membres de cette commission recevront également copie de cette communication.

Sur ce, j'invite maintenant la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec à bien vouloir se présenter à la table des invités.

Pour les fins du journal des Débats, je demanderais aux représentantes et représentants de bien vouloir s'identifier.

Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec

Mme Roy (Suzanne): Je vais commencer par mon extrême gauche: Carl Morin, du séminaire Saint-Augustin, Sylvain Tanguay, de l'exécutif de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec, Annie Audet, de l'Association étudiante du cégep Lévis-Lauzon. À mon extrême droite, Normand Lacasse, de l'Association étudiante du cégep André-Laurendeau, Catherine Brossard, de l'Association étudiante du cégep d'Ahuntsic.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Maintenant, vous allez procéder à la présentation de votre mémoire.

Mme Roy: Avant de commencer, j'aimerais mentionner à tous que la position qu'on va présenter ici est appuyée par tous les membres de la FAECQ et, en plus, par l'Association étudiante du cégep de Sept-Îles, par l'Association étudiante du cégep de La Pocatière, par l'Association étudiante du cégep d'Ahuntsic, par l'Association étudiante du cégep Montmorency, par l'Association étudiante du Séminaire Saint-Augustin, par l'Association étudiante du Séminaire de Saint-Georges, par l'Association étudiante du Collège de Lévis, par l'Association étudiante du Séminaire de Québec, par l'Association étudiante du cégep André-Laurendeau, par l'Association étudiante du cégep de Jonquière, par l'Association étudiante du Campus Notre-Dame-de-Foy, par l'Association étudiante du cégep St. Lawrence et par l'Association étudiante du cégep de Joliette.

M. le Président, M. le ministre de l'Éducation du Québec, MM. et Mmes les députés, bonjour. Nous vous remercions de votre invitation à cette commission parlementaire concernant le projet sur le régime pédagogique du collégial. Nous sommes venus ici pour vous exprimer notre déception en ce qui a trait aux modalités employées pour l'adoption et l'application d'un projet de l'envergure de celui qui nous est présenté par le ministère de l'Éducation du Québec. Une réforme scolaire apporte des modifications profondes au système; donc, il s'avère impensable de faire une analyse sérieuse d'un projet quel qu'il soit sans vraiment laisser le temps aux divers intervenants concernés d'élaborer une analyse de toutes les conséquences qu'apporte une telle réforme.

Nous aimerions porter à votre attention le fait suivant: nous avons reçu l'invitation pour la commission parlementaire le 30 novembre 1983 et cette invitation nous demandait de fournir un mémoire le lendemain ou encore le surlendemain et ce, à 100 exemplaires. Étant une instance nationale démocratique, nous nous devions de consulter les étudiants et les étudiantes des cégeps que nous représentons. Il nous était donc impossible de tenir ces consultations. Nous aimerions aussi porter à votre attention la demande faite par la Fédération des

associations étudiantes collégiales du Québec et ses associations membres qui fut appuyée par la Fédération des associations de parents d'étudiants de cégep du Québec. Cette demande était que se tienne une table de concertation.

Pour nous, étudiants et étudiantes, la concertation est un moyen concret d'arriver à une restructuration du système et ce, à la satisfaction de la majorité des intervenants de l'enseignement. Comme l'a si bien dit Maurice Champagne-Gilbert: "On ne fait pas une société sans concertation"; ceci est d'autant plus vrai dans notre système éducationnel où tous les jours les divers intervenants ont à dialoguer, à discuter et à se concerter. Alors, la logique même d'une restructuration scolaire doit être basée sur une approche concertative. Le projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial devrait être un premier pas pour l'amélioration du système postsecondaire, donc, une occasion de réunir les divers intervenants de l'enseignement pour l'élaboration d'une réforme satisfaisante. Il s'avère évident pour nous que l'implantation d'une table de concertation devra se faire avant tout processus de législation.

Pour terminer, M. le Président, nous allons vous remettre une pétition signée de milliers d'étudiants et d'étudiantes de divers cégeps au Québec. Nous désirons qu'elle soit prise en considération car elle exprime d'une façon concrète la volonté des étudiants et des étudiantes de voir s'instaurer une table de concertation pour le projet de règlement sur le régime pédagogique.

Qu'est-ce qui est écrit dans cette pétition? Le projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial, présenté par le ministère de l'Éducation du Québec, revêt une très grande importance pour tous les intervenants de l'enseignement.

C'est l'occasion pour nous, étudiants et étudiantes, d'apporter une redéfinition du vécu du système collégial. C'est pourquoi, considérant l'ampleur de ce projet sur la vie étudiante et sur la société en général, considérant le sérieux que nous devons porter à ce projet, considérant la date tardive de la convocation par la commission parlementaire sur le projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial, considérant notre désir d'être bien informés, d'assumer nos responsabilités et de déterminer nos droits, considérant que cette commission parlementaire ne semble être qu'un dérivé pour une adoption sans véritable consultation, considérant qu'une réforme doit avoir lieu, les étudiants qui ont signé demandent aux représentants et représentantes du peuple de respecter et de voir s'instaurer une table de concertation pour que, tous ensemble, nous puissions discuter et élaborer un système collégial et ce, pour le mieux-être de tous les intervenants de l'enseignement et de la population en général.

Je vais demander à deux personnes, Annie Audet, représentante du cégep Lévis-Lauzon, et Normand Lacasse, représentant de l'Association étudiante du cégep André-Laurendeau, d'aller déposer les pétitions signées par les étudiants.

Je tiens aussi à vous mentionner qu'il manque énormément de pétitions. À cause du mauvais temps, toutes les pétitions venant de Sept-Îles, La Pocatière, Rimouski, Matane et Rivière-du-Loup n'ont pas pu se rendre, à cause du transport qui était difficile. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Roy. M. le ministre.

M. Laurin: Je voudrais, d'abord, remercier Mme Roy pour la présentation de cette note qui tient lieu de mémoire. Je constate avec plaisir qu'il y a une association qui est dirigée par une femme; à la lumière des commentaires qui ont été énoncés à cette table, ce matin et hier, je m'en réjouis.

Maintenant, la note porte presque exclusivement, comme préalable, sur l'opportunité d'une concertation. Avant même de poser ma question, j'aimerais demander à la présidente, d'une part, ce qu'elle entend très précisément par "concertation" et, d'autre part, comment elle et son association entendraient que s'organise cette concertation et comment cette table de concertation pourrait fonctionner.

Le Président (M. Blouin): Mme Roy.

Mme Roy: Pour la première réponse, j'aimerais aussi apporter une petite note. Le texte portait sur la concertation. Ce n'est pas un mémoire, c'est un texte. Nous n'avons pas désiré présenter de mémoire sur le projet, considérant la date tardive, considérant aussi qu'un mémoire d'une instance démocratique doit être approuvé par ses membres et qu'il était impossible de préparer le mémoire et de le faire approuver par les membres et par les autres associations qui désiraient se joindre à notre position.

Concernant ce qu'on entend par concertation, il est clair que l'approche traditionnelle qu'on vit dans notre société n'est pas une approche de concertation. Exemple, aujourd'hui, nous sommes à la commission parlementaire où nous venons déposer, tour à tour, nos positions, sans qu'il puisse y avoir de dialogue entre les divers intervenants. Entre les professeurs et les étudiants, il n'y a pas de dialogue réel. Ici, ce sont des points de vue qu'on vient exposer. Après, qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas vraiment défini. Quel pouvoir a-ton, nous les étudiants, après avoir présenté notre point en commission parlementaire?

Qu'est-ce qu'on peut en faire?

Donc, pour nous, la concertation, c'est un endroit, un lieu où, en tout cas, on retrouve les professeurs, les parents, tous ceux qui interviennent au niveau de l'enseignement, qui ont, premièrement, à se pencher sur ce que sont réellement les problèmes les plus graves au niveau du système éducationnel postsecondaire et sur les lacunes qui sont vécues par les étudiants, les étudiantes et par les professeurs.

Donc, c'est à cela que doit répondre, avant tout, une réforme. C'est là-dessus, justement, que l'approche de concertation est très importante. Quand on parle de droits des étudiants, il me semble que le premier droit des étudiants, ce n'est pas seulement de se faire écouter, mais aussi de se faire comprendre, de pouvoir parler avec les gens qui sont près, c'est-à-dire avec les professeurs, avec tous les intervenants de l'enseignement. C'est cela qui est important. C'est une approche qui est de beaucoup différente de celle qu'on avait à vivre.

Comment cela pourrait-il s'organiser? Cela pourrait prendre différentes formes. Tantôt, l'Association nationale des étudiants du Québec parlait d'un débat public. C'est une forme de concertation, mais il doit y avoir un suivi. Est-ce que ça doit être une table ronde ou carrée? Je pense que ce n'est pas là-dessus qu'on veut s'attarder. Ce que nous voulons, c'est que, avant qu'un règlement soit adopté, on puisse ensemble le travailler - vraiment le travailler - non pas qu'on nous remette quelque chose et qu'on ait à réagir.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Roy. M. le ministre.

M. Laurin: Quand vous dites que vous n'avez pas pu déposer de mémoire parce qu'il aurait fallu, auparavant, le soumettre démocratiquement à la consultation, est-ce que ceci veut dire que l'autre association d'étudiants qui est venue ce matin et qui a déposé un long mémoire ne l'a pas fait d'une façon démocratique puisqu'elle n'aurait pas consulté ses associations?

Mme Roy: Je m'excuse, M. le ministre, mais je crois que la question ne devrait pas s'adresser à moi puisque je vous mentionne que nous, nous n'avons pas eu le temps de le faire. Eux, s'ils ont eu le temps, tant mieux! Sinon, dans ce cas-là, c'est antidémocratique. Mais je crois que la question devrait s'adresser à eux et non pas à nous.

M. Laurin: En ce qui concerne la concertation, évidemment, pour se concerter, il faut accepter de se réunir, d'une part, et Dieu sait que les tentatives de concertation, en tant que gouvernement, que nous avons faites avec les gens, les personnes et les partenaires pourtant directement et vitalement intéressés n'ont pas toujours eu le succès que nous souhaitions.

Je peux même vous faire part d'une expérience que j'ai eue, en 1981, à propos des universités. Nous avions convoqué une table de concertation pour étudier les problèmes majeurs, importants et nous avions invité, à cette table, les administrateurs universitaires. Nous avions invité des professeurs, des associations de professeurs et, pour la première fois, des associations étudiantes. Ces ateliers ont été tenus, donc la concertation a commencé. Elle a fait long feu en un certain sens puisque, dès la première ou la deuxième séance, un des partenaires majeurs, importants, la fédération des professeurs, a quitté la table et a préféré exprimer ses idées ailleurs d'une autre façon. Donc, le dialogue, en l'absence de ce partenaire important, n'a pu se continuer qu'entre les intervenants qui restaient, les administrations universitaires, les associations d'étudiants et aussi le gouvernement, bien sûr.

Mais, même à cette table qui se voulait une table de concertation, le dialogue n'a pas conduit au consensus, en tout cas, que l'on pouvait espérer puisque, même à cette table, les positions ont été à peu près énoncées comme elles peuvent l'être à la commission parlementaire, c'est-à-dire qu'on énonçait ses positions, l'autre partie énonçait ses positions, mais la recherche des consensus s'avérait pénible, difficile et ne conduisait que très rarement, justement, à des consensus, ce qui montre, en tout cas, la difficulté de la concertation.

En ce qui me concerne, comme j'ai déjà eu l'occasion de vous l'exprimer à quelques reprises, j'en suis, pour la concertation; j'aurais beaucoup aimé que l'on puisse discuter de ce projet de régime d'études collégiales en concertation et j'ai fait des efforts pour réunir, autour d'une même table, tous les partenaires, du moins, les principaux partenaires.

C'est devant l'impossibilité d'y arriver que j'ai dû me rabattre sur un moyen plus connu - d'ailleurs, reconnu également dans nos traditions démocratiques - qui est celui de la commission parlementaire où, quand même, chaque groupe peut venir non seulement déposer son mémoire, mais également engager le dialogue avec les parlementaires qui entendent quand même tous les groupes et qui, à la lumière de ce qu'ils ont entendu, peuvent poser des questions pertinentes qui tiennent compte, justement, des témoignages faits par d'autres groupes. De cette façon, le dialogue peut quand même se poursuivre même si c'est d'une façon plus indirecte. Les commissions parlementaires nombreuses qui ont été tenues dans le passé montrent bien qu'elles peuvent quand même aboutir à des résultats heureux

puisque, très souvent, à la suite de ces commissions parlementaires, les projets qui étaient à l'étude ont été modifiés, parfois substantiellement, à la lumière des opinions exprimées, d'abord, par les groupes qui sont venus déposer, mais aussi à la lumière des commentaires que l'un ou l'autre des députés de chaque côté de la table pouvait tenir.

On peut donc penser qu'à défaut de concertation ce débat public qui s'instaure au sein d'une commission parlementaire peut aboutir à des résultats, peut-être moins parfaits que ce que vous pourriez en même temps que moi souhaiter, mais quand même valables et utiles. Bien que vous ayez choisi de ne pas présenter de mémoire, décision que je respecte, il faut quand même rappeler que le projet que nous présentons aujourd'hui reproduit en grande partie, pour des éléments très importants, le projet qui avait déjà été rendu public en 1980 et sur lequel j'ai quand même eu l'occasion de consulter aussi bien les associations étudiantes, une par une, que les organismes de regroupement d'étudiants. D'ailleurs, ces échanges se sont tenus jusqu'à la toute dernière minute. Malgré l'insuffisance de temps que vous avez eue pour examiner ce projet précis, j'aurais quand même souhaité, à la lumière de la connaissance que vous avez de l'ancien projet, des échanges que nous avons eus à cet égard, des consultations qui ont eu lieu, de la réflexion que vous avez continué de mener, que vous vous octroyiez la permission de commenter ce projet dans l'une ou l'autre de ses parties. Évidemment, je respecte votre décision à cet égard et je penserai à la suggestion que vous me faites.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Alors, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je m'excuse, M. le Président. Pendant que le ministre parlait, j'ai eu quelques distractions; je pensais à ce qui était arrivé dans le domaine des micro-ordinateurs en fait de concertation.

M. Laurin: En dehors du sujet, M. le Président.

M. Ryan: Je pensais à ce qui était arrivé, il y a quelques mois, à propos de la loi 32 également. Je pense que nous avons tous des progrès considérables à faire dans cette direction et la démarche qui est proposée mérite d'être accueillie dans cet esprit, je pense bien.

Évidemment, on ne peut pas discuter de beaucoup de choses avec vous parce que vous nous dites que ce n'est pas le forum que vous choisissez pour une discussion comme celle à laquelle vous avez été conviés. Je pense qu'il ne sert à rien d'éterniser la discussion. Je voudrais vous poser simplement une couple de questions. Est-ce que votre fédération a fait des interventions publiques jusqu'à maintenant sur des sujets qui regardent l'éducation et qui pourraient se rattacher, de près ou de loin, au sujet qui nous réunit comme commission parlementaire?

Le Président (M. Blouin): Mme Roy.

Mme Roy: Premièrement, vous parliez du forum choisi. Je pense que cela va au-delà de cela quand on reçoit une lettre le 30 novembre et qu'on nous demande un mémoire pour le 1er décembre. Cela va au-delà du fait que ce ne soit pas le forum choisi. Oui, on l'a dit publiquement. On l'a demandé bien avant, la table de concertation. On l'a demandé bien avant que les intervenants de l'enseignement puissent s'asseoir ensemble, puissent discuter. On sent le besoin d'une réforme, on sent le besoin de faire quelque chose dans l'éducation. Donc, il faut prendre les moyens pour que cela se fasse. (15 h 30)

Tantôt, M. le ministre rappelait son expérience face aux universités. Je me dis: Est-ce que c'est parce que la concertation n'a pas fonctionné qu'on doit continuer à avoir des commissions parlementaires qui, elles non plus, n'ont pas apporté beaucoup à divers intervenants? Quand on parle du succès souhaité, est-ce que la commission parlementaire en aura avec les divers intervenants qui ont passé? Certains demandent le rejet global du projet de réforme. Qu'est-ce qu'on fait face à cela? Qu'est-ce qu'on fait? Ils en veulent sûrement une, réforme. À moins qu'ils ne demandent le statu quo. Mais qu'est-ce que les gens désirent? Je pense que cela n'a pas été clairement exprimé à ce jour. L'approche de concertation devrait avoir lieu. Elle devrait avoir lieu, même après cette commission parlementaire et avant qu'un règlement soit adopté.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai l'impression que vous n'avez pas répondu à ma question. Est-ce que votre fédération a fait des interventions publiques sur des sujets qui pourraient se rattacher directement ou indirectement au champ de travail confié à la commission? Est-ce que vous pourriez nous en donner connaissance ou si votre existence est trop récente? Il se peut que vous ayez une existence plutôt récente. Je n'ai pas tous les renseignements à ce sujet, mais cela va être de bon compte, on va le savoir. S'il y avait des interventions que vous avez déjà faites, peut-être qu'on pourrait engager un peu de conversation là-dessus.

Mme Roy: D'accord. Il y a un an que

la fédération existe. Il y a eu le conflit dans le secteur public et parapublic l'année dernière, où la Fédération des associations étudiantes a présenté un mémoire. Il y a aussi la loi 32, évidemment, sur laquelle on a présenté un mémoire en commission parlementaire. Il y a eu des conférences de presse qui ont été données en réaction aux documents qui avaient été présentés par le Conseil des collèges sur le projet de réglementation des études collégiales. Est-ce que cela répond à votre question?

M. Ryan: Oui, cela commence à m'intéresser.

Mme Roy: II y a eu un congrès pédagogique qui s'est tenu au cours des dernières semaines, où justement on avait à discuter de la situation actuelle dans l'enseignement, parce que je pense que la première étape, avant de parler d'une réforme, c'est de voir ce qui va mal dans l'enseignement. On avait à discuter du projet de réforme; on avait à discuter aussi des alternatives. C'était un processus. La semaine suivante, on a reçu l'invitation pour la commission parlementaire, mais on avait à retourner dans chacune de nos associations locales pour donner le bilan de ce qui s'était passé lors de ce congrès pédagogique, pour décider ensemble, se concerter premièrement entre étudiants pour, après cela, pouvoir mieux se concerter entre les divers intervenants de l'enseignement.

Le Président (M. Blouin): M. Ryan.

M. Ryan: À ce congrès pédagogique que vous avez tenu il n'y a pas tellement longtemps, vous avez fait un certain nombre de constatations sur la situation actuelle dans les cégeps que vous représentez. Est-ce que vous pourriez nous faire part de certaines de ces constatations, dans la mesure où elles peuvent se rattacher au sujet que nous discutons ici? Vous dites très justement dans votre intervention qu'il est souvent plus important de connaître les problèmes que de proposer des solutions. Quand on connaît très bien les problèmes, souvent ils contiennent en eux-mêmes de bons éléments de solution, tandis que des solutions qui ne reposent pas sur une connaissance approfondie et précise des problèmes risquent souvent d'être en dehors de la voie. Est-ce qu'il y aurait des observations que vous auriez recueillies à l'occasion de ce congrès pédagogique et dont vous pourriez nous faire part?

Mme Roy: Comme je vous l'ai déjà mentionné, ce congrès pédagogique avait pour but une étape sur un processus. Les problèmes qui en sont ressortis retournent maintenant aux associations locales où il va y avoir des rapports globaux qui vont se faire. Je n'ai pas le mandat ici de donner le rapport du congrès pédagogique, puisqu'il n'a pas encore été accepté par les associations locales.

Le Président (M. Blouin): Très bien, Mme Roy. Rapidement, s'il vous plaît, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: M. le Président, je pense qu'il n'y a pas grand-chose à ajouter aux deux interventions qui ont été faites précédemment. Simplement, dans la mesure où, par exemple, l'ANEQ demandait ce matin un débat public et où vous, vous parlez de concertation, je voudrais peut-être plaider un peu pour cette institution à laquelle nous sommes associés depuis quelques années, nous les membres de la commission. Je veux bien comprendre qu'on s'imagine que, lorsqu'on vient en commission parlementaire, cela ne donne pas grand-chose, mais je pense que, néanmoins, la commission parlementaire est une occasion privilégiée d'amorcer, d'engager ou de poursuivre un débat public.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Verchères, je crois que toutes ces interventions ont été faites maintenant et que, s'il n'y a pas de question qui porte spécifiquement sur l'objet de notre réunion d'aujourd'hui, il faudrait peut-être accélérer.

M. Charbonneau: M. le Président, je voudrais bien, mais je voudrais aussi que, dans la mesure où l'on a des invités qui adoptent la position qu'ils ont adoptée - je déplore comme eux les délais qu'ils ont eus pour se présenter en commission parlementaire - au moins ils retournent avec la conviction ou l'idée qu'une commission parlementaire n'est pas un forum inutile dans notre société et que ce qui se passe ici, depuis une journée ou deux, se fait devant l'opinion publique en présence des journalistes, qu'on en parle dans notre société, que les étudiants qui s'intéressent à l'actualité, à cette question, peuvent lire les journaux et en débattre. Dans ce sens, la présence ici est un élément important dans un débat public. C'est dans ce sens, compte tenu de la position qui a été adoptée par les membres de la FAECQ, qu'il fallait peut-être faire cette mise au point.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. Je tiens, au moins, à vous remercier d'être venus aujourd'hui nous faire part de votre position face au projet de règlement, surtout étant donné le délai. Je suis d'accord avec mon collègue de Verchères.

Ma question ne s'adresse pas à vous;

elle s'adresse au ministre. Le ministre tantôt nous a dit qu'il n'ouvrait pas ou ne fermait pas la porte, mais est-ce qu'il pourrait nous dire quand il va prendre sa décision pour nous informer si la revendication de la FAECQ va être acceptée ou non?

M. Laurin: J'ai dit que je ne la refusais pas, mais je ne peux rien dire de plus pour le moment.

Le Président (M. Eilouin): Sur ce, je remercie les représentantes et les représentants. Je constate, avec plaisir, qu'il y a de la discrimination positive au sein de votre organisme. Je remercie les représentantes et les représentants de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec de leur participation à nos travaux.

J'invite maintenant, à la suite d'une entente entre les groupes invités, la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep de la CEQ à venir prendre place à la table des invités. Je demanderais aux représentants de s'identifier pour les fins du journal des Débats, s'il vous plaît; ensuite de nous livrer, si possible en une vingtaine de minutes, le contenu de leur mémoire, quitte à en résumer, si c'est possible, certaines parties pour que l'échange puisse ensuite être plus prolongé entre les membres de la commission et les représentants de votre organisme.

Fédération des enseignantes et enseignants de cégep

Mme Gagnon (Marie): M. le Président, je vais faire une encoche à la politesse, je crois, mais je me présenterai la première. Marie Gagnon, je suis vice-présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec. Au bout de la table, Mme Carmen Bourque, présidente de la Fédération des professionnelles et professionnels des cégeps et des collèges, affiliée à la CEQ. À l'autre bout de la table, M. Jacques Pétrin, qui représente le personnel de soutien de commissions scolaires et de collèges, principalement de collèges, personnel de soutien que l'on regroupe aussi à la CEQ. À côté de moi, Mme Béatrice Chiasson, qui est de la CEQ. Dans l'intervalle, ce sera vraisemblablement Mme Nicole Fortin qui prendra place; elle est de la FEC. À côté de moi, je l'ai gardé pour la fin, M. Guy Bellefeuille, président de la Fédération des enseignants de cégep, qui sera le porte-parole avec moi.

Vingt minutes, M. le Président, c'est bien court. Comptez sur nous pour faire le mieux possible dans le temps le plus court possible.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Merci.

Mme Gagnon: On y va. M. le ministre, mesdames et messieurs, deux faisceaux de remarques préliminaires qui tiennent, l'un à la manière cavalière dont on estime qu'on a été traité, l'autre à la généralité de ce gouvernement à l'oeuvre à propos de consultations.

Je pense que d'autres vous l'ont dit, on ne pourrait pas ne pas le faire. Si nous déplorons d'avoir été traités un peu cavalièrement, ce n'est pas par nostalgie, par référence à une politesse un peu surannée, modèle vieille France ou autrement; c'est qu'en la matière il nous semble que les bornes sont légèrement dépassées. Je résume très rapidement. Au moment où collectivement nous avons entamé la rédaction de ce mémoire qu'on dépose aujourd'hui, nous ne savions pas, d'une manière officielle, ni si la commission parlementaire aurait lieu, ni à quelle date elle aurait lieu, ni si nous étions invités à y participer. Et nous n'avions pas eu livraison d'un document officiel à propos de cette commission parlementaire. Cela nous semble, à tout le moins, aléatoire de procéder de cette façon. On l'a fait, cependant. Je passe sur un certain nombre de détails en matière de dates. Bien sûr, devant cette incertitude, on a entamé les démarches qui s'imposaient pour avoir un éclairage un peu plus satisfaisant sur l'avenir immédiat qui nous était réservé. On a donc, par téléphone, eu la confirmation suivante: qu'effectivement la commission siégerait aux dates dont on avait entendu parler, soit les 7, 8 et 9 décembre. Pour ce qui est de la participation de la CEQ, on nous a répondu que ni la CEQ, ni la CSN n'étaient invitées; que, par ailleurs, on constatait, là où il le fallait, que le dossier traînait depuis trois ans déjà et qu'il était temps de faire diligence.

Un peu plus tard, c'est tout à fait vrai, la Fédération des enseignants de cégep, chez nous, a reçu une invitation à participer. Nous y voilà, cependant, et j'atterris. Le temps était court. Je vous répète que vous avez, à tout le moins, négligé un certain nombre de groupes affiliés chez nous et directement concernés. Je ne parle pas de la centrale elle-même, c'est évident, mais je parle de ce groupe de professionnels et de personnel de soutien qui sont à la fois syndiqués CEQ, mais aussi très impliqués dans la vie quotidienne et les affaires ordinaires du collège et qui le sont aussi, comme citoyennes et citoyens et syndiqués, de l'avenir de l'éducation au Québec tant au collégial qu'au primaire et au secondaire. C'était mon premier ordre de remarques.

Le deuxième, M. le ministre. Vous me permettrez de vous dire que vous avez une attitude envers la consultation qui est, à tout le moins, à deux niveaux. Le premier

niveau de votre attitude, on le diagnostique comme ceci: vous n'avez pas peur d'avoir recours à des consultations multiples, successives et fort nombreuses. Le deuxième, cependant - on aurait mauvaise grâce à ne pas vous le dire - c'est qu'on a beau consulter, on a un sentiment profond, en ce qui nous concerne, que c'est toujours à la périphérie et très rarement au coeur des choses, qu'on est le plus souvent mis devant des faits accomplis et qu'à la rigueur on peut se prononcer sur quelques petites bricoles qui concernent l'application, rarement sur le fond des politiques. C'est donc plus à la périphérie qu'au fond qu'on se sent consultés.

Deuxième petite remarque à l'intérieur de cela. S'il fallait, un jour, qu'on acquière un mini-sentiment d'avoir une quelconque influence à travers ces rondes de consultation, on ne serait pas fâchés. Pour le moment, on vit cela comme une enfilade presque systématique. Vous énoncez un plan ou un projet en point de départ. Très généralement parlant, beaucoup de gens, dont nous, vous disent qu'il y aurait plusieurs choses à y revoir, c'est le moins qu'on puisse dire. Deuxième volet de consultation: ça revient à peu près comme c'était et ça peut même revenir, en certains cas, pire. Si je ne parlais que pour nous, je comprendrais que vous ne fassiez pas toujours toute la place qui leur reviendrait aux allégations de la CEQ, mais je constate qu'à travers plusieurs consultations au chapitre de l'éducation on n'est souvent pas tout seuls à tenir des positions et on est souvent plusieurs à constater que les positions qu'on a défendues et tenues sont peu ou pas prises en compte.

Cela dit, vous constaterez cependant que, malgré ces remarques qui peuvent paraître acerbes, on est là, on est tous là. On a réussi, mission accomplie, à vous écrire un mémoire et, par-dessus le marché, on y est avec toute la bonne foi qu'on pense que le sujet mérite et dont on est capable, par ailleurs, je vous en assure, en passant.

Introduction au mémoire, pour celles et ceux qui veulent essayer de suivre, parce que là, ça va aller vite vu le temps dont on dispose.

On a choisi de traiter ça d'une manière globale et non pas article par article. C'est un choix qui en vaut un autre; cela a été le nôtre. On le fait globalement parce qu'on estime que nous sommes en présence d'une pièce d'un casse-tête, lui, plus global, qu'on continue, nous, d'appeler une contre-réforme en éducation couvrant tous les niveaux du primaire et secondaire, incluant le collégial et allant jusqu'à l'université.

Le projet de règlement des études collégiales, qui nous occupe aujourd'hui et qui vous occupe, j'imagine, tout autant, continuera à nous occuper encore par les temps qui viennent. Ce sont essentiellement diverses formes de restrictions à l'accessibilité et la recherche de productivisme dans l'enseignement qui, pensons-nous, aiguillonnent et justifient le projet. Ce sont ces deux thèmes donc, celui de l'accessibilité et du productivisme, qui font l'objet des deux chapitres de ce mémoire. En conclusion, il va sans dire, c'est assez ordinaire, nous vous résumerons ce que nous croyons être vos visées réelles à ce propos et nous formulerons des revendications.

Au chapitre de l'accessibilité à la formation professionnelle d'abord, ce qui va suivre - et le plus rapidement possible -c'est notre compréhension à nous de la gestion que vous faites et que vous entendez faire de la reproduction des rapports sociaux principalement appliquée au cas des jeunes.

On va utiliser un langage qui est fréquent et qui vous est familier: "Trois paramètres." Vous remarquerez que c'est entre guillemets dans le texte, c'est tout près d'une citation. Ces paramètres seront les suivants: chômage phénoménal que subissent les jeunes, début d'un mouvement spontané de ceux-ci à poursuivre des études, et tendance à la croissance des emplois non qualifiés. (15 h 45)

Le chômage phénoménal que subissent les jeunes, on pourrait en parler indéfiniment, le déplorer collectivement. Je connais peu de gens qui s'en réjouissent. Cependant, il nous semble essentiel de vous dire aujourd'hui un certain nombre de choses. Ce chômage, à proprement parler, est exorbitant - vous le savez et nous le savons aussi - extrêmement lourd de conséquences. On peut en rechercher les causes; il faudrait surtout s'acharner à essayer d'y trouver des remèdes, mais de vrais remèdes.

À propos des causes, en ce qui nous concerne, on en diagnostique plusieurs, cela va sans dire. L'une d'elles est que votre gouvernement et les autres gouvernements des pays industrialisés en général l'ont aggravé en faisant de leur premier comment dire - objet de lutte la lutte à l'inflation. La conséquence de cela, on le sait, tout le monde le sait, y compris les économistes les plus traditionnels, c'est que le chômage augmente.

Partant de là, cependant, tous les gouvernements, le vôtre y compris, ont réagi à ce que cela donnait comme effets. Tant qu'on jongle avec des statistiques prévisionnelles, c'est tel que tel; quand on se trouve en présence d'un nombre important de femmes et d'hommes de demain, de filles et de garçons d'aujourd'hui qui sont sans travail et sans espoir d'y entrer, le problème du chômage redevient important.

Que penser de cela et comment gérer ce qui n'est pas sans conséquences sociales? On soulève quelques-unes des conséquences

sociales. Qu'est-ce que cela va donner cette cohorte de jeunes qui n'auront pas été frottés aux dures réalités d'un travail plus ou moins pénible, qui auront probablement un certain niveau d'aspiration à la consommation, mais, en tout état de cause, bien peu de moyens d'y satisfaire? Comment est-ce qu'on peut s'arranger pour le jour où ce sera meilleur et où ils seront réintroduits, de gré ou de force, sur le marché du travail? Comment faire en sorte que ce temps perdu ne soit pas un temps inutile, de manière à les fabriquer un peu pour qu'ils puissent quand même se plier un jour ou l'autre aux dures exigences d'un marché de l'emploi qui, par ailleurs, lui, tend régulièrement et quotidiennement à se dégrader?

On estime que la volonté que vous avez, tant pour le collégial que pour le primaire et le secondaire, d'une insistance qu'on estime, nous, hors de proportion, sans bilan, sans politique d'ensemble autour du concept de stages en industrie ou de l'alternance éducation-travail, a quelque chose à voir avec cela. C'est-à-dire qu'à tout le moins on pourra leur montrer, fût-ce sporadiquement, ce que cela peut vouloir dire et les former un peu à redevenir ensuite, ultérieurement, des citoyens productifs, rentables et utiles. Cela nous semble aller tout à fait dans la logique des choses.

Parallèlement à cela, cependant, les filles et les garçons d'aujourd'hui, qui se trouvent confinés non pas au marché du travail, parce que la réalité ne va pas tellement de ce côté-là, mais au marché du chômage principalement, ont amorcé spontanément un mouvement de retour ou de poursuite des études. Vous le savez M. le ministre, on n'entrera pas dans la kyrielle ou la guerre des statistiques. En ce qui nous concerne, nos tableaux sont peut-être incomplets en termes de pourcentages. Ce que l'on sait, cependant, c'est que, dans les collèges, au moment où l'on se parle, les classes sont bondées, qu'il existe certains exemples de ceci avec des cégeps qui sont d'une construction fort récente et déjà totalement inadéquats, par exemple, Drummondville. On peut le constater tous les jours, quotidiennement, sans se référer à des statistiques: effectivement, il y a un mouvement spontané. On l'appelle spontané parce qu'il n'est ni encouragé, ni suscité, ni obligé, mais qu'il vient, à l'origine, de ces jeunes eux-mêmes qui choisissent, finalement, de poursuivre leurs études plutôt que de se heurter toujours au même obstacle qui est ce chômage chronique et catastrophique.

Le troisième paramètre, c'est, on pense, la déqualification, la croissance des emplois non qualifiés. Je suis à la page 10, pour ceux et celles qui veulent suivre l'écrit; c'est quand même plus complet que l'oral. Les réflexions qui précèdent, qui ont justifié cette partie du chapitre qui s'en vient, ne sont pas que pure spéculation. On est en mesure, je pense, même si on n'a pas les études avec nous, de s'appuyer sur certaines études faites par les Américains, les Japonais et même les Canadiens, à savoir que les nouvelles technologies, à titre d'exemple - on en parle beaucoup et vous savez comme moi que ce sera très important dans la société de demain - n'entraînent pas une hausse du niveau de formation nécessaire pour les travailleurs qui auront à remplir des emplois. Au contraire, toutes ces études démontrent que la plupart des emplois qui seront offerts après le virage technologique n'exigent que quelques heures ou quelques semaines d'entraînement. Une minorité de postes à combler exigera par ailleurs - on l'admet parfaitement - une formation très poussée. Mais il reste que, pour l'ensemble, les métiers seront déqualifiés et la formation nécessaire probablement beaucoup plus petite qu'on ne l'a conçu jusqu'à maintenant, à la satisfaction des employeurs, il va sans dire, et pas nécessairement à celle des travailleuses et des travailleurs.

Il sera, cependant, plus facile d'entraîner ces femmes et ces hommes à de petites fonctions dans la mesure où la formation de base aura une qualité relativement suffisante. Je vous rappelle que vous avez parié sur cette formation de base en reportant la formation professionnelle en secondaire VI et en secondaire VII. On comprend, de notre point de vue, que le secondaire VII est extrêmement aléatoire et sera probablement très réservé. Ce pari, vous l'avez fait - on pourra en reparler ailleurs plus longuement, à moins que vous ne décidiez d'y revenir - au mépris, cependant, du risque, que nous, on s'entête à décrire comme étant réel, de voir de plus en plus d'adolescentes et d'adolescents décrocher. Ce n'est pas parce qu'on trouve que ce n'est pas une bonne chose de repousser la formation professionnelle en secondaire V et VI, au contraire, on est d'accord avec cela, mais parce que, pour nous, cela suppose une transformation radicale du modèle et des pratiques de l'école. En l'absence de ce changement important de l'ensemble de l'appareil éducatif, on estime qu'il y a là risque d'accentuation des décrocheurs aux niveaux primaire et secondaire. Quoi qu'il en soit, peut-être que cela n'a pas d'importance, ces filles et ces garçons serviront, en gros, au bas de la pyramide, pour remplir les emplois non qualifiés, très peu spécialisés, et en conséquence, très rarement bien payés.

Il y a un sous-ensemble qui, lui, ne désespère pas tout à fait et qui aspire à un peu plus; il se peut bien qu'on les juge trop nombreux au ministère. Dès lors, ce qu'on fait, on multiplie les voies de sortie. Vous savez de quoi il s'agit, ce sont les programmes réduits, les attestations réduites,

un ratatinement de la formation collégiale qu'on connaissait. C'est l'aspect général de la formation professionnelle. A-t-on maintenant déjà trop de filles et de garçons qui vont aux cégeps? Nous, on pense le contraire. En a-t-on encore trop qui veulent et qui prétendent aller à l'université? Peut-être le pensez-vous; nous, on pense le contraire. Il semble, de notre point de vue, que l'éducation étant encore un investissement économique important au sens strict et au sens figuré, il aurait fallu faire tout ce que nous pouvions pour encourager ces mouvements, pour hausser le niveau général de scolarité des Québécoises et des Québécois et surtout pas pour essayer d'inventer au niveau intermédiaire une multiplication de portes de sortie qui permettent peut-être de faire le même travail du point de vue des employeurs, mais qui n'assurent ni la même qualification, ni la même capacité de négocier sa force de travail face à ces employeurs.

Quant aux programmes préuniversitaires, ils ne sont pas exempts de retouche, c'est le moins qu'on puisse dire; on devrait plus exactement parler de refonte. Les programmes de concentration ne sont pas à l'abri de la déqualification. L'opération qui consiste à adopter la formation à tous les niveaux aux exigences de la réorganisation du travail fait son oeuvre aussi, y compris sur les programmes dits préuniversitaires.

La refonte est systématique. Depuis quelque deux ans, cela s'opère au niveau des programmes préuniversitaires, d'abord par une réduction de ceux-ci, sorte de fusion qui fait passer les concentrations de six à quatre ou peut-être à trois. L'approche théorique sur la base disciplinaire disparaît, elle aussi, au profit d'une espèce de vulgarisation inductive des concepts et principes à la base des disciplines, en même temps qu'une insistance est mise sur les applications concrètes et pratiques de principes et de notions simples.

Par ailleurs, alors qu'on pouvait jusqu'à maintenant reprocher la trop grande intervention de l'université au niveau collégial, on se rend compte désormais, avec ce qui est devant nous, qu'elle va être évacuée complètement. Alors, le problème ne se posera pas peut-être, sauf qu'on pense qu'il va se poser à l'inverse. Il va y avoir là une dissociation qui n'est pas prometteuse d'avenir. Tout comme au secteur professionnel, la marge considérable dans la fabrication des profils de concentration est laissée à l'initiative locale. Elle peut être de l'ordre de 50%. Nous affirmons que cette mesure risque de porter atteinte à la valeur nationale du diplôme d'études collégiales.

D'autres programmes terminaux encore. On a mis un certain temps à comprendre où cela s'en allait. Il ne faut pas nous en vouloir, il y a beaucoup de choses, vous le savez, à plusieurs niveaux et, à propos de l'éducation, on parle beaucoup au Québec. Je vous souligne, en passant, que le ministère parle, la CEQ aussi. Ne cherchons pas qui commence, mais il reste qu'il s'écrit beaucoup de paroles à propos de l'éducation. On ne comprend pas toujours tout très bien. Mais il y a quelque chose qui nous a aidés, assez récemment, à mettre un peu d'ordre dans cela, ce sont les dernières publications de l'OCDE. Cela a allumé notre lanterne. L'OCDE insiste sur la nécessité - il y en a trois - un, de créer, là où cela n'existe pas, des cycles courts de formation universitaire; admettons qu'on les a ou l'équivalent avec le cégep, qui remplit parfaitement cette exigence; deux, de donner un caractère terminal à ce cycle court, en conséquence de quoi, une certaine formation professionnelle aux étudiantes et aux étudiants de ce niveau. L'OCDE explique - je suis à la page 13 -très précisément cette orientation par le fait embarrassant dans les États, que de plus en plus de jeunes désirent poursuivre leurs études, mais il se trouve que l'entreprise publique ou privée n'a que faire de diplômés universitaires dans le sens classique du terme.

On a donc compris que la déqualification de la formation en général, l'insistance mise sur les applications pratiques dans les projets de refonte des programmes, la souplesse laissée au niveau local venaient parfaitement répondre aux orientations de l'OCDE. D'autant plus qu'on note, depuis deux ans, des contingentements de plus en plus sévères, et c'est le moins qu'on puisse dire, à l'entrée à l'université.

Le secteur préuniversitaire du cégep ne mériterait ce nom, dorénavant, que pour une minorité des étudiantes et des étudiants de cégep, la grande majorité constituerait dès lors une main-d'oeuvre peu qualifiée finalement, indépendamment du nombre d'années passées à l'école, en l'occurrence peu chère, il va sans dire, malléable â souhait, pour répondre à des besoins éventuels de qualification intermédiaire, hypothèse qu'on n'exclut pas. Il va de soi, dans cette perspective, que l'initiative laissée au niveau local dans la fabrication des profils de cours, principalement avec les tables de concertation nationales et régionales, agit tout à fait dans le sens souhaité.

La formation de base était au cégep, jusqu'à maintenant, polyvalente et c'était même la caractéristique et la spécificité de cette formation. On peut imaginer qu'on pourrait changer notre fusil d'épaule à propos de formation de base polyvalente. Dans la mesure où, effectivement, on admet que le cégep n'est là que pour répondre occasionnellement à des besoins plus précis en qualification, on ne voit pas tout à fait l'utilité de donner aux étudiantes et étudiants un sens poussé du développement

critique, des connaissances qui outrepassent le strict utilitarisme quand, dans les faits, on confine le collégial à servir l'utilitarisme et les qualifications étroites.

Vous trouvez que ça fait longtemps. Nous, on pense que ça ne fait pas assez longtemps parce qu'il manque de l'ordre là-dedans et les objectifs qu'on y décèle ne font pas notre affaire.

De la formation professionnelle jusqu'à la formation de base, le PREC n'est pas de nature à améliorer une situation qui aurait pu l'être. Vous ne nous changerez pas en défenseurs absolus de tous les statu quo, mais ce n'est pas ça qu'il va faire. Il ne va pas améliorer, il va détériorer une situation qui aurait mérité encore qu'on s'attarde à l'améliorer, toujours dans le sens de la réforme, dont on a dit tellement de choses, mais, en ce qui nous concerne, on ne renonce pas à dire qu'il y avait là, quelque part, quelque chose d'intéressant. Pour parler franchement, ce fut un changement de nature le jour où, au tournant des années soixante, une petite collectivité, la nôtre, de femmes et d'hommes a accepté de faire le pari de l'éducation, en a payé le prix, d'ailleurs, et largement pour - bon, vous vous rappellerez - qu'on sorte de la grande noirceur. Ce sont des souvenirs que j'ai moins personnellement que d'autres, mais on m'en a assez parlé pour savoir que c'est vrai.

En conclusion au chapitre, je me permettrai de vous rappeler que, quelque part dans un livre blanc sur le développement culturel, il a été constaté que les aspirations des jeunes, et fort légitimement, je crois, s'accommodaient mal d'un travail qui, lui, était peu porteur d'aspirations, peu valorisant, assez morcelé et assez étriqué.

Vous me permettrez, sur le ton familier, de vous rappeler une bonne vieille blague québécoise. Je ne vous la citerai pas mais en voici l'esprit. En gros, on a constaté, tout le monde, qu'on avait une jambe qui n'était pas pareille à l'autre. Il y avait, quelque part, un écart entre l'aspiration des jeunes et les moyens qu'avait le travail de satisfaire ces aspirations. Évidemment, rappelez-vous l'histoire, on aurait tous rêvé de voir la jambe de bois changée en jambe en chair et en os pour nous permettre de mieux marcher; on a l'impression dorénavant que ce qu'on a décidé de faire, c'est nous donner deux jambes de bois. Ne pas changer le travail, mais réduire les aspirations des jeunes de manière qu'ils entrent dans le moule de gré ou de force et, par les temps qui courent, pour ce que je sais d'eux, ce sera probablement plus de force que de gré.

M. Bellefeuille (Guy): Si on peut maintenant aborder le chapitre II qui parle de productivisme dans l'enseignement, dans le PREC l'administration des programmes est placée sous la double bannière du droit des élèves et de la décentralisation. L'emballage est attrayant. Cependant, là encore, le regroupement en ordre des nombreuses pièces du casse-tête que constitue l'opération contre-réforme nous permet d'entrevoir de tout autres visées.

D'une part, l'aspect des services à l'entreprise. Le cégep va devenir cette espèce de "contracteur" en formation au service des besoins des employeurs nationaux ou régionaux. Les éléments de son projet sont bien connus: tables de concertation, souplesse des programmes, centres spécialisés, unités cumulatives et reconnaissance des acquis en plus de l'alternance éducation-travail.

Il faut aussi satisfaire à ces contrats de services dans une juste mesure. D'où les éléments de contrôle nécessaires et les garanties que certains irritants - mot à la mode - ne viendront pas bouleverser les règles du jeu: c'est, bien sûr, la réglementation, mais ce sont aussi les politiques institutionnelles d'évaluation des apprentissages et des personnels, les contrôles serrés sur le plan de cours, sur la révision des notes de l'étudiant. Sans s'attarder sur le premier aspect de ce tableau que nous avons esquissé au premier chapitre, on peut souligner, première chose, que, s'il y a des droits que vous cherchez à protéger, ce ne sont pas ceux des étudiants que vous considérez comme une main-d'oeuvre dont on aura besoin et qui doit donc être formée en conséquence. Il s'agit plutôt de protéger les droits de l'éventuel employeur. Deuxièmement, s'il y a décentralisation, celle-ci ne servira qu'à répondre, au gré des besoins, aux commandes des tables de concertation régionales. C'est le cas évident de la large marge d'initiative laissée au niveau local en matière de programmes. (16 heures)

En termes de contrôle et de productivisme, c'est le deuxième aspect du tableau, celui du respect des normes en vue de hausser la "productivité" dans l'enseignement. Cela est assuré par une hiérarchie bureaucratique qui ira des bureaux du ministère, ou des tables de concertation selon le cas, jusqu'aux salles de cours. Cette hiérarchie va imposer les règles et va en contrôler minutieusement l'application.

Ainsi va s'effacer peu à peu le rôle joué jusqu'à maintenant par les coordinations de matières et programmes au profit d'un mécanisme complexe et centralisé de refonte des programmes, où les tables de concertation s'approprient la plus grande part, et non plus les enseignants comme c'était le cas auparavant. Par ailleurs, on oblige les collèges à se donner des politiques

"institutionnelles" d'évaluation des apprentissages et des personnels dont les règles doivent convenir au ministre. Enfin, on s'assure que l'ensemble de ces règles seront strictement observées par le contrôle minutieux des plans de cours et par les mécanismes d'évaluation des personnels. Ces mécanismes sont encore en voie de mise en application, mais il vaut ici la peine d'en souligner le sérieux - ou l'absurde - par des exemples récents. Ainsi, dans un cégep de la capitale, on a engagé trois nouveaux employés pour surveiller les enseignants en classe et dans leur bureau. Dans un autre établissement, le directeur des services pédagogiques refuse l'impression d'un texte à une enseignante sous prétexte que ledit texte est marxiste. C'est peut-être comme cela que les étudiants sont mal formés, d'après ce que le ministre a dit ce matin.

En instaurant cette bureaucratie tatillonne et absurde faite de normes, de règles et de contrôles, vous dites n'avoir d'autre but que celui de rendre des comptes aux contribuables. Comme si l'on pouvait comptabiliser l'enseignement en en chronométrant les gestes.

Parce que, en fait, il s'agit bien là d'un souci de productivisme. Et si le but est de faire en sorte qu'il n'y ait pas de gaspillage d'argent, il s'agit surtout de s'assurer que l'étudiant, à sa sortie, soit conforme aux attentes du désormais grand concepteur en éducation: le futur employeur. D'où l'importance du contrôle idéologique.

Pour terminer ce chapitre, venons-en à la réglementation du régime pédagogique. Cette nécessité pour vous, M. le ministre, est finement expliquée dans votre projet. Il s'agit en somme de faire en sorte que ne viennent pas s'introduire dans cette mécanique bien huilée ce que nous appelions des irritants. En clair, cela veut dire que les éventuelles conventions collectives - ou les décrets pour le moment - ne pourront subvertir ledit mécanisme. À ce propos, est-il nécessaire de souligner que les décrets ont bien préparé le terrain. L'occasion - ce n'était pas un hasard à notre avis - était toute trouvée puisque nous n'intervenions en aucune manière dans l'élaboration des conditions de travail. Et ceci, nous l'avons déjà souligné lors de la commission parlementaire où nous parlions de la négociation. En effet, alors que les prétextes du pouvoir à imposer des décrets étaient, disait-on, d'ordre budgétaire, on en profitait pour élargir considérablement les droits de gérance et, notamment, en matière de gestion pédagogique.

Tous les mécanismes sont donc mis en place pour assurer que l'administration ait son mot à dire jusque dans les salles de cours.

Il va sans dire que cet élargissement du droit de gérance permet aussi les quelques bavures qu'entraîneront l'application du PREC et de l'ensemble de la contre-réforme: mises à pied, déplacements de personnel, fermetures d'options, augmentation des tâches, déqualification des emplois et recyclage nécessaire.

Si on conclut, on se dit: Y a-t-il d'autres termes qui expriment mieux vos visées administratives que celui de productivisme? S'il en existe un, c'est en quelque sorte son homonyme, le taylorisme, c'est-à-dire cette méthode d'organisation du travail qui consiste à séparer l'aspect conception de l'aspect exécution, qui consiste à instaurer un appareil sophistiqué permettant de contrôler le travail et le produit en fonction de normes préétablies. Nous en serons là, M. le ministre, si vos projets continuent de s'appliquer et les conséquences possibles en sont incalculables: déqualification du métier d'enseignant et d'enseignante, démotivation, absentéisme, difficulté de recrutement des éléments valables, enseignement robotisé, routinisé. Voilà qui clôt le deuxième chapitre.

En conclusion, M. le Président, vous me permettrez de dire que la gestion qui mène à. la reproduction des rapports sociaux n'est pas naïve. Ce que vous dictent vos partenaires économiques, vous faites l'impossible pour maintenir cet ordre établi et vous en faites encore un peu plus que ce qu'on vous demande, tellement désireux de supplanter vos adversaires libéraux auprès des mêmes commanditaires. Vous aviez copié les politiques de création de chômage par les mécanismes dits de lutte à l'inflation. Vous en avez remis en augmentant la tâche de travail et la durée du travail des travailleurs et travailleuses sous votre juridiction, ce en quoi vous avez creusé un sillon dans lequel s'alignent maintenant les entrepreneurs privés, et on le voit très bien. On est loin de la création de nouveaux emplois.

Maintenant, sous prétexte de trouver des solutions au chômage des jeunes, vous réduisez la formation que vous leur offrez, vous hiérarchisez encore plus les reconnaissances de ces formations, vous vous évertuez à trouver des moyens de discipliner, de moraliser, d'enrégimenter ces jeunes. Et, en bonne logique, vous vous sentez obligé d'imposer à vos personnels dans les établissements scolaires la même conception du travail que celle pour laquelle vous préparez les jeunes.

Vous trouverez peut-être que, pour un simple projet de règlement des études collégiales, nous y allons fort dans nos récriminations. Mais nous ne pouvons traiter ce règlement sans tenir compte de l'ensemble des contre-réformes que vous implantez dans l'éducation au Québec depuis que vous êtes au pouvoir. Bourassa n'aurait pas fait mieux et vous lui aurez bien labouré le terrain.

On est loin de satisfaire à l'aspiration du peuple québécois à l'élévation générale du niveau de culture et de connaissances, clairement exprimée et dûment payée depuis la sortie de la noirceur duplessiste. C'est sur la base de cette analyse et de ces constatations que nous faisons les recommandations suivantes:

Attendu que le PREC est une pièce importante de la contre-réforme en éducation;

Attendu que la contre-réforme n'a pour objectif que de rentabiliser, au sens comptable du terme, le système éducatif et d'adapter, au sens étroit du terme, la formation des jeunes et des adultes à la réorganisation du travail et aux besoins éventuels des employeurs;

Attendu que la réorganisation du travail ne vise qu'à augmenter la productivité des travailleuses et des travailleurs, c'est-à-dire à accélérer l'exploitation en vue d'élargir les marges de profit;

Attendu que la contre-réforme en éducation a comme conséquence la déqualification systématique de la formation, la réduction de l'accès à la formation supérieure, l'inféodation du système éducatif aux exigences des employeurs et la dégradation des conditions d'apprentissage;

Attendu que le PREC vise à canaliser une bonne partie des étudiantes et des étudiants, et notamment ceux d'origine populaire, vers des filières à rabais par l'ouverture du certificat d'études collégiales et de l'attestation d'études collégiales à la clientèle en formation initiale;

Attendu que la structure des programmes prévus par le PREC porte atteinte à la valeur nationale du DEC et laisse la porte ouverte aux commandes de l'entreprise locale par l'initiative large laissée aux établissements dans l'élaboration des profils de concentration et surtout de spécialisation;

Attendu que le tronc commun imposé par le projet de règlement des études collégiales est davantage le résultat d'improvisation et de "traficotage" que celui d'un débat ouvert et sérieux sur la formation de base à donner à toutes les collégiennes et à tous les collégiens;

Attendu que le PREC, en changeant les règles de choix des cours complémentaires, en modifie le sens, c'est-à-dire leur contribution à une formation polyvalente;

Attendu que le PREC introduit la notion d'unités cumulatives, lesquelles favorisent une formation taylorisée, incitent les étudiantes et étudiants à choisir des profils étroitement liés à un métier ou, pis, à un poste de travail et introduisent la possibilité d'une formation sur le tas pouvant être sanctionnée comme formation scolaire;

Attendu que le PREC déqualifie le métier d'enseignant et d'enseignante et modifie ses conditions de travail, d'abord, en portant atteinte à la liberté académique et à l'autonomie départementale en renforçant les droits de gérance et en réduisant le champ du négociable;

Attendu que le PREC menace la sécurité d'emploi en entraînant des déplacements et des coupures de personnel;

Attendu que le PREC a été rédigé sans tenir compte - et nous tenons à le souligner -des mémoires qu'étudiantes et étudiants, enseignantes et enseignants avaient déposés en 1980; que le nième projet sur lequel on se prononce aujourd'hui n'a fait qu'amplifier ces éléments inacceptables - CEC, AEC, structure des programmes de concentration et de spécialisation, tronc commun trafi-coté - ;

Attendu que toute révision du régime pédagogique actuel, par ailleurs souhaitable, ne saurait se faire sans un débat large et sérieux impliquant les étudiantes et étudiants, les personnels des collèges, les parents et le public en général.

Nous exigeons:

Le retrait du PREC;

Le maintien pour deux ans du régime actuel, période pendant laquelle serait mené un large débat public sur l'enseignement collégial;

Qu'au lieu d'adapter l'école à un marché du travail qui se dégrade: chômage, précarité, déqualification, le gouvernement intervienne pour créer des emplois et pour améliorer la qualité du travail;

Que le gouvernement améliore l'accessibilité au collégial par les mesures suivantes: hausse des bourses, augmentation du nombre d'établissements et agrandissement des espaces d'accueil, élaboration de normes budgétaires qui favorisent l'accessibilité;

Que le gouvernement donne à toutes les étudiantes et à tous les étudiants entrant au cégep une formation de qualité égale, entre autres par la disparition des filières concurrentes: CEC et AEC;

Que le gouvernement assure l'amélioration de la qualité de l'enseignement par des budgets éducatifs adéquats, par l'amélioration des ratios maîtres-élèves, par le maintien de l'autonomie départementale et de la liberté académique;

Que le gouvernement mette l'accent sur une formation qui développe la conscience, l'esprit critique, l'ouverture au monde en même temps qu'elle donne une véritable compétence professionnelle et ce, indépendamment du sexe et de l'origine sociale ou géographique des étudiantes et étudiants.

Voilà, M. le Président, bien brièvement ce que nous avions à vous dire sur ce projet et sur l'ensemble des contre-réformes que votre gouvernement met en place.

Le Président (M. Blouin): Merci, M.

Bellefeuille, merci, Mme Gagnon. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la CEQ pour le mémoire intéressant qu'elle nous soumet. Je voudrais d'abord dire quelque chose à propos des remarques introductives de la vice-présidente, Mme Gagnon. En l'écoutant, je pensais au vieux proverbe: Damned if you do, damned if you don't. C'est-à-dire que le règlement sur les études collégiales, on n'était pas obligé de le soumettre à une commission parlementaire. En réalité, l'autre régime pédagogique du primaire et du secondaire, comme tous les autres qui avaient précédé, a été adopté par le gouvernement et c'est d'ailleurs la règle dans notre Parlement britannique de faire adopter, par le Conseil exécutif, tous les règlements. Il y a peut-être une tendance dans le sens contraire qui se dessine, et je m'en réjouis, mais il n'y avait quand même pas obligation pour le gouvernement de soumettre à une commission parlementaire ce projet de règlement d'études collégiales. Nous l'avons fait parce que nous croyions opportun de le faire, étant donné l'importance des enjeux.

Maintenant, on nous reproche de le faire d'une façon qui ne répond pas aux souhaits de chacun. Mais, je continue à penser que c'était une décision opportune, même si cette commission parlementaire a été précédée par trois ou quatre années d'échanges, de rencontres qui nous ont quand même permis de recueillir les opinions de tous les intéressés dans le milieu et qui nous ont permis de tirer parti des remarques qui nous ont été faites.

Une remarque, aussi, que je voudrais faire: Le gouvernement ne consulte pas, en l'occurrence, sur quelque chose qui se situe à la périphérie des problèmes importants de notre société. Je crois que le régime pédagogique n'est pas une bricole comme on a eu tendance à le dire tout à l'heure; c'est, au contraire, quelque chose d'important et qui justifie qu'on consacre trois jours de commission parlementaire, aussi bien que les années qui ont précédé, à recueillir toutes les opinions afin d'en arriver à la solution qui semble la plus adéquate dans les circonstances.

La CEQ dans son mémoire fait une analyse du chômage, que nous sommes obligés de constater, et il y a au moins un point sur lequel je suis d'accord avec elle, c'est que la cause principale, probablement, du chômage a été l'augmentation subite et faramineuse des taux d'intérêt et, en conséquence, l'action qui a été menée, qui a pris la forme surtout d'une lutte contre l'inflation, sans qu'on tienne compte assez des conséquences que pouvait entraîner l'inflation, dont le chômage massif que nous avons connu. Une autre cause - et je pense qu'il ne faut pas la nier - c'est la soudaineté et la profondeur de la mutation technologique qui fait que, même si nous consacrons des sommes importantes au développement économique dans ces domaines, nous ne pouvons pas créer des emplois qui correspondent à l'ampleur des capitaux que nous y investissons. Il y a là un défi pour notre société qu'il nous faut régler.

Je suis aussi d'accord avec la CEQ que, quelle que soit la cause que nous pouvons identifier, il faut quand même s'appliquer à mettre en place le plus rapidement possible les remèdes qui nous permettront de faire face à cette situation et d'en atténuer les conséquences malheureuses, particulièrement sur le plan du chômage. Et une des façons, c'est sûrement ce pari de la qualification qu'il nous faut mener à tout prix et qu'il nous faut gagner et qui se traduit par le développement des ressources humaines aux plus hauts niveaux, une plus grande accessibilité, donc, à tous les niveaux d'éducation, une formation de plus en plus qualifiée, que ce soit au niveau collégial ou que ce soit au niveau universitaire. Car, s'il est vrai que, temporairement, certaines entreprises créent des emplois non qualifiés, font de la formation sur le tas, il est évident, d'après tout ce que nous lisons, que, d'ici à quelques années en tout cas, la formation qualifiée de plus haut niveau, que ce soit celle des techniciens au cégep, que ce soit celle des diplômés universitaires, y compris les docteurs et les maîtres dans les disciplines du virage technologique, aura un rôle extrême à jouer pour la revitalisation de notre économie, pour la modernisation de notre structure industrielle et aussi pour la création d'emplois dans des usines que nous pouvons espérer voir apparaître. (16 h 15)

Ceci dit, M. le Président, il ne faut pas du tout en conclure, loin de là, que le gouvernement entend négliger la formation générale ou la formation de base. Bien au contraire, tout le sens de nos réformes au niveau secondaire, c'est de reporter les options professionnelles d'une année et même de deux années, parfois de trois années, au choix de l'étudiant, au bénéfice d'une formation générale qui, justement, est la clef de l'employabilité future et d'une chance de recyclage réussi. Et si nous le faisons au niveau secondaire, évidemment nous entendons le conserver et l'améliorer également au niveau collégial et au niveau universitaire. Donc, le DEC est là pour demeurer, et nous entendons même améliorer par tous les moyens possibles la formation générale qui est donnée au sein des collèges. Et c'est même dans ce sens que nous procédons actuellement aux fusions qu'on nous reproche. Les fusions auxquelles nous procédons actuellement dans le champ des sciences pures et appliquées avec les

sciences de la santé ou dans le champ des sciences humaines et des sciences de l'administration, a précisément pour but d'assurer un tronc commun de formation professionnelle fondamentale, une formation plus large, une formation plus cohérente et une formation commune à tous les élèves d'un même programme. Dans cette refonte des programmes, nous entendons bien, comme dans le passé d'ailleurs, profiter de l'apport des ressources du milieu, qui nous l'ont d'ailleurs recommandée et qui y travaillent avec nous.

Je pense que toutes ces réformes déjà en cours ou à venir vont justement dans le sens de l'amélioration de la formation générale. En même temps, nous tentons de promouvoir le plus possible l'accessibilité. Je ne comprends pas que la CEQ, à la page 15, nous reproche, non seulement de ne pas encourager l'accès du plus grand nombre possible aux études, mais de le décourager en multipliant les voies de sortie faciles. On a prouvé hier que, de 1976 à 1982, c'est-à-dire en moins de six ans, le nombre d'étudiants qui fréquentent le secondaire et qui terminent leurs études secondaires avec un diplôme a augmenté de près de 15%. Le nombre d'élèves qui entrent au collège à temps plein, de 1976 à 1982, a augmenté de 7,2%. Le nombre d'étudiants qui terminent leur diplôme collégial, a augmenté de 22,7% à 27,2% de 1976 à 1982. Et le même phénomène est en train de se produire au niveau des universités. Je n'en donne que cette simple illustration: le Québec, en 1981, comptait pour 26,3% de la population canadienne et pourtant il accueillait 27,9% des étudiants de premier cycle et 33% des étudiants de deuxième et troisième cycle.

Donc, je pense que c'est là le résultat d'efforts déterminés, résolus, systématiques que nous menons depuis six ans, en tout cas, pour augmenter l'accessibilité à tous les niveaux d'études. Il n'y a personne qui se réjouit plus que moi de l'augmentation considérable, que nous constatons actuellement des populations étudiantes au niveau des cégeps et au niveau des universités: 7000 de plus en moins de deux ans, et 5% de plus au niveau des universités. Je pense que c'est là un résultat, en grande partie, des efforts que nous menons tout autant que de la récession économique. Et s'il faut pour cela augmenter les antennes régionales de cégeps, s'il faut pour cela agrandir nos cégeps actuels, s'il faut pour cela construire de nouveaux cégeps, s'il faut pour cela augmenter les constructions universitaires, s'il faut pour cela augmenter les locations que doivent consentir les universités pour accueillir ces cohortes étudiantes, nous le ferons malgré les contraintes budgétaires que nous continuons de connaître. Car l'accessibililté est véritablement une priorité, non seulement pour ce gouvernement, mais pour la société québécoise qui se doit de le faire si elle veut continuer d'axer son succès futur sur le développement des ressources humaines.

Donc, je ne comprends pas que la CEQ nous reproche - ne voie pas l'évidence, ne voie pas les faits - un mépris de la dimension - pour ne pas utiliser le mot paramètre - de l'accessibilité, alors que précisément c'est là une de nos priorités.

Ce que nous voulons faire, et c'est là, au fond, la question: Tout en sauvegardant l'importance de la formation générale, tout en privilégiant le diplôme d'études collégiales, tout en en améliorant la qualité, ne faut-il pas quand même penser - et je le demande à la CEQ - à ces laissés-pour-compte qui, malgré les progrès enregistrés, ne s'inscrivent pas encore au cégep ou qui, une fois inscrits et particulièrement dans les filières de la formation professionnelle, décrochent après quelque temps? Ne faut-il pas continuer, ne serait-ce qu'en attendant, de faire un effort pour ces clientèles de décrocheurs ou de non-inscrits qui ont peine à se trouver des emplois sur le marché du travail et à qui les entreprises disent: Nous pourrions vous engager, mais à condition que vous ayez une formation qualifiante dans tel ou tel domaine? C'est là le sens des programmes qui ont été institués pour les adultes, le CEC actuel, au collège; c'est là le sens des attestations que les collèges dispensent actuellement à la demande des étudiants, ou à la demande des organismes, ou à la demande des gouvernements. Qu'y a-t-il de mal à augmenter ces modes d'accommodation de clientèles qui ont besoin, pour trouver un emploi, pour augmenter le niveau de leur rémunération, de trouver d'autres types de formation encore plus qualifiante que celle des attestations collégiales ou que celle du certificat pour adultes tel qu'il existe actuellement? Ne faut-il pas, même en gardant en vue nos objectifs importants de société, penser quand même à combler un besoin actuel qui existe, dont tout le monde nous parle et auquel plusieurs organismes réclament une solution? Ne faut-il pas penser à apporter des solutions à ces problèmes précis, particuliers, circonstanciels, en attendant que les solutions à long terme, que nous mettons en place depuis une quinzaine d'années et que nous tentons d'améliorer, produisent tous leurs fruits? C'est la question que je poserais à la CEQ.

Le Président (M. Blouin): Alors, Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Oui et avec l'aide de certains autres, vous comprendrez bien, parce que c'est une question qui est quand même complexe.

Dans un premier temps, M. le

Président, je vais revenir un petit peu en arrière. Vous comprendrez, je pense, qu'il y a tout intérêt, quand on fait une présentation abrégée, à vous référer à l'écrit, qui est souvent plus parlant que les quelques minutes dont on dispose pour exposer l'ensemble d'un sujet. Il y a, je crois, en bonne partie, une réponse à la question de M. Laurin qui est contenue dans notre mémoire. Cela n'empêchera pas, cependant, que nos ressources y reviennent.

Dans un premier temps, vous dites: On n'était pas obligé d'avoir cette commission parlementaire. Je voudrais être très claire, nous ne déplorons pas la tenue de la commission parlementaire, bien au contraire.

Une voix: On l'avait demandée.

Mme Gagnon: On l'avait demandée. Et on s'estime, à la rigueur, bien plus satisfait qu'elle se tienne, en dépit de la manière cavalière dont on estime qu'on a été traité dans les délais, plutôt que de la voir ne pas se tenir, sous prétexte de politesse précisément. Alors, on ne déplore pas la commission parlementaire, bien au contraire. On est plutôt content qu'elle ait lieu et cela n'empêche pas cependant qu'on se soit senti légèrement bousculé dans le temps pour arriver à l'heure.

On pourrait probablement, je pense, gouverner sans consulter jamais personne ou à peu près jamais. Ce serait cependant au risque collectif et largement social d'avoir du fil à retordre à un moment donné, à moins de lorgner vraiment du côté de l'autoritarisme, et je ne pense pas que vous alliez de ce côté-là, ni nous non plus.

Quand j'ai parlé de la consultation générale, quand j'ai parlé de l'attitude générale de votre gouvernement à l'égard de la consultation, j'ai dit ceci en regroupant un certain nombre de consultations. C'est qu'il se trouve que la chose qu'on ne pourra jamais vous reprocher de faire, c'est de ne pas consulter sous une forme ou sous une autre. Il y a des masses de consultations sur des masses de dossiers. Elles n'ont pas toujours les mêmes formes et elles s'appellent toujours consultations. Cela est pour la généralité. La deuxième généralité est une sorte d'insatisfaction à propos de la consultation qui est multiforme et dépend des formes de consultation. La première étant - petite chose - la méthode cavalière -je n'y reviens pas - la deuxième, à propos du même sujet, cependant, est le peu de prise que nous avons sur les objets en consultation. En bref, le meilleur exemple, c'est le certificat d'études collégiales.

Vous vous rappellerez qu'il avait été largement mis en question, à toutes fins utiles très controversé et je ne parle pas que de nous. Or, on le retrouve et au pire plutôt qu'au mieux. Il est encore là et il l'est tout à fait. Cela est le deuxième reproche pour une autre sorte. Le troisième reproche - et cela n'a rien à voir avec tenir le PREC pour une bricole - c'est de dire que, sur certains autres dossiers, la consultation a lieu, à la périphérie et je ne vous en donnerai qu'un exemple. Pour la formation professionnelle des jeunes, très tôt dans le long processus de consultation, on s'est trouvé à être consulté sur les moyens de mettre en oeuvre la pratique de comment faire en sorte que cette chose s'applique, alors que nous n'avons pas vraiment eu le temps de débattre de la politique au sens large.

Je comprends qu'à l'oral ces choses peuvent très bien être court-circuitées. Il reste que c'est l'esprit des reproches que nous faisons à propos de la consultation. J'aurais eu mauvaise grâce de ne pas vous les rappeler.

Sur la question que vous nous posez, juste avant de passer la parole à mes collègues, je veux dire ceci. Toutes les fois que vous mettrez de l'avant un objectif qui visera, dans toute la mesure honnête du possible, à scolariser davantage les Québécoises et les Québécois, à favoriser principalement celles et ceux qui n'atteignent pas les plus hauts niveaux scolaires actuels que sont les universités, jamais, M. le ministre, vous n'aurez, au niveau de l'objectif, de difficulté avec la Centrale de l'enseignement du Québec. On pourra avoir des réserves sur les moyens utilisés, mais jamais vous n'aurez de difficulté avec nous pour ces objectifs de démocratisation et d'accès à la meilleure formation possible pour le plus grand nombre.

Il nous semble bien, cependant, qu'avec le PREC, on est loin d'être en présence d'un projet qui permette, même minimalement, l'atteinte de cet objectif. Comme je ne suis pas, moi, super-spécialiste au dossier, je vais permettre à d'autres de répondre plus concrètement à votre question.

Mme Chiasson (Béatrice): La question de la croissance de l'accessibilité aux études que vous avez signalée avec des chiffres, nous en parlons aussi dans notre mémoire. Nous le constatons aussi et nous disons que nous le constatons par les classes qui débordent, les cégeps trop petits, et ainsi de suite. Cette croissance d'accessibilité n'est pas l'effet de vos politiques. Elle s'est faite depuis un certain nombre d'années - comme vous l'avez dit - et vos politiques commencent à s'appliquer. Le nouveau régime pédagogique au secondaire commence à s'appliquer.

Nous, ce qu'on vous dit, c'est que le nouveau régime pédagogique au secondaire et le PREC vont à l'encontre du maintien de cette croissance de l'accessibilité. On dit que le report de la formation professionnelle au secondaire VI, sans prendre énormément de précautions pour s'assurer que les jeunes qui

sont actuellement au secteur professionnel, en secondaire III, IV et V, restent à l'école, va faire en sorte qu'ils vont décrocher. Vous allez augmenter le nombre de décrocheurs. Ces clientèles - vous le savez - sont difficilement motivées dans les programmes du régulier. Soit que les jeunes aillent spontanément à l'enseignement professionnel parce qu'ils ne sont pas à l'aise dans les matières scolaires, soit qu'ils soient canalisés parce qu'ils sont considérés comme pas bons. S'il n'y a pas, dans le nouveau régime pédagogique, des mesures de prises pour que ces jeunes restent accrochés, ils vont décrocher et il y en aura plus qui décrocheront. Ce sont beaucoup de jeunes. Les chiffres, vous les connaissez.

Pour ce qui est de l'accessibilité au cégep, ce qu'on vous dit, c'est que vous avez l'air plutôt embarrassé par l'augmentation du nombre de jeunes qui vont au cégep, puisque vous multipliez les portes de sortie. Vous ne prenez pas de mesures pour continuer à les faire entrer au cégep pour obtenir un DEC, un bon diplôme qui vaut mieux sur le marché du travail qu'un CEC. Vous ouvrez des portes de sortie parce que cela serait trop indécent de fermer encore plus les portes. On sait qu'il y a encore beaucoup de jeunes qui cognent aux portes et qui se les voient encore fermer. Il y a encore beaucoup de refus d'admission au cégep. Et ce n'est pas des ouvertures que vous leur faites.

On maintient aussi dans notre mémoire que, si les CEC étaient appropriés... Ils sont encore appropriés pour favoriser le retour de décrocheurs, mais ils ne le sont pour ceux qui sont restés accrochés. Voilà!

M. Bellefeuille (Guy): Sur la formation fondamentale, j'aimerais ajouter que le problème n'est pas sur le principe ni sur la fusion des programmes. Le problème est de savoir où l'on s'en va avec cela. Au lieu d'avoir une approche qui vise à expliquer les principes de base et l'ensemble de principes dans ces programmes, on va plutôt vers des programmes qui amènent les étudiants à acquérir des habiletés et des aptitudes. C'est à cette approche qu'on en a vis-à-vis de la formation fondamentale puisque, entre le discours que vous tenez sur les principes et les programmes réels que vous faites, les contenus de cours réels que vous faites, il y a toute une marge de manoeuvre. Et cela ne se ressemble pas du tout. C'est sur ce point que nous ne sommes pas d'accord.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre. (16 h 30)

M. Laurin: M. le Président, je ne vois pas pourquoi la CEQ dit que nous sommes embarrassés par cet afflux de clientèles alors que, l'an dernier, les collèges n'ont refusé qu'une partie très infime d'étudiants, très infime je le répète. Et comment peut-on penser que nous encourageons les adultes à aller vers une formation minimale alors qu'actuellement, au moment où on se parle, il y a 15 000 adultes inscrits aux cégeps à temps complet dans les cours réguliers qui mènent au DEC, alors qu'il n'y a que 1300 adultes inscrits au certificat? J'aimerais beaucoup que cette tendance qui se manifeste actuellement d'adultes qui vont s'inscrire au DEC à temps complet se perpétue.

Si nous voulons multiplier ou diversifier les voies de sortie, c'est précisément pour ceux que nous n'atteignons pas encore et qui ne veulent ou ne peuvent pas s'inscrire comme étudiants à temps complet, pour au moins leur donner une formation la plus qualifiante possible puisque, à défaut de le faire, quelqu'un le fera sûrement. Ce ne sera pas dans le système d'enseignement. Ce sera peut-être comme quelqu'un me disait ce matin: Mon fils s'est inscrit à l'institut d'informatique et, après un cours de deux ans et demi, il n'a pas pu avoir d'autre attestation que celle de l'institution qui le recevait et il a eu une extrême difficulté à se procurer du travail puisque l'entreprise exigeait un diplôme de type collégial. C'est précisément pour ces clientèles que nous n'atteignons pas actuellement et qui ont besoin d'une formation qualifiante que nous tendons à assouplir et à diversifier le système, mais sans toucher à ce qui fait la valeur du système actuel, c'est-à-dire le DEC, qui continuera d'être la voie normale, la voie privilégiée et la voie à privilégier également, puisqu'elle donne, bien sûr, une formation encore plus qualifiante que les certificats ou les attestations d'études collégiales.

C'est dans ce sens-là que nous voulons procéder, sans quand même toucher à l'essentiel de ce qui constitue le régime d'études collégiales actuel empirique, qui n'a pas d'assise, mais qui fonctionne quand même et dont nous reconnaissons, après quinze ans d'expérimentation, la valeur, même si nous constatons qu'il faut toujours travailler à son amélioration. C'est peut-être sous forme de question, mais c'est sous forme de commentaire également pour bien marquer que ce que nous encourageons, ce ne sont pas seulement ou exclusivement les habiletés ou les aptitudes, comme on vient de le dire, mais également et bien davantage une formation générale qualifiante.

J'ai une dernière remarque aussi. On nous accuse pour la politique de formation professionnelle de ne pas nous préoccuper suffisamment du report d'une année ou de deux années de la formation professionnelle. Nous sommes d'accord là-dessus avec le CEQ, il importe de faire attention que le changement que nous apportons, et qui tend à privilégier en nombre d'années la formation

de base, ne se traduise pas par un décrochage. Nous le savons et c'est la raison pour laquelle nous mettons l'accent sur une sorte de tutorat pour ceux qui ont des difficultés de cheminement. D'ailleurs, cela va commencer au niveau primaire aussi bien qu'au niveau secondaire. C'est la raison pour laquelle également nous entendons appliquer ce programme d'une façon graduelle et progressive, en surveillant au fur et à mesure et d'une façon très étroite les effets qui pourraient en résulter.

Il reste cependant que ce secondaire VI, et éventuellement ce secondaire VII, contribuera à faire de nos diplômés du secondaire, non seulement des gens qui auront une meilleure formation générale, donc plus recyclables puisque les mutations technologiques nous obligent à un recyclage constant, mais également des ouvriers mieux qualifiés et mieux spécialisés, qui auront plus de facilité à dénicher les emplois qui correspondent à leurs aptitudes en même temps qu'à leurs préférences et aussi à leurs véritables besoins.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. Cela va?

Mme Chiasson: J'ai une petite chose à dire là-dessus, s'il vous plaît!

Le Président (M. Blouin): Un petit commentaire, Mme Chiasson?

Mme Chiasson: Oui. Ce sera bref. Le Président (M. Blouin): Oui.

Mme Chiasson: Je veux bien croire en la bonne foi de M. le ministre quand il dit que les CEC et les AEC sont pour ouvrir la porte à une clientèle qui n'est pas encore atteinte, mais, pour le monde qui vit dans les cégeps, si pour une fois vous voulez les entendre, les étudiants vous ont dit la même chose ce matin, les enseignants vous disent la même chose, les autres personnels vous disent la même chose, c'est-à-dire que cela ne va pas attirer de nouvelles clientèles, cela va faire sortir plus vite les clientèles actuelles. On vous le dit et c'est le monde qui vit dans les collèges qui vous le dit. Alors, essayez d'écouter une fois pour toutes.

M. Laurin: C'est une appréhension.

Mme Chiasson: Ce n'est pas la première fois, cela fait trois ans que cela vous est dit et répété.

M. Laurin: Si jamais, comme on le disait hier, l'introduction de cette voie - qui d'ailleurs est encore amendable, c'est pourquoi nous tenons cette commission parlementaire - aboutissait à ces résultats, c'est bien sûr que nous constaterions comme vous que ce n'est pas la solution et il faudrait en changer immédiatement. Là-dessus, on est d'accord.

Mme Chiasson: Vous pouvez faire des vérifications avant de l'appliquer.

M. Laurin: C'est une appréhension à l'appui de laquelle, actuellement, vous ne pouvez pas apporter de preuves.

Mme Gagnon: M. Laurin, suivez-nous deux minutes. Au moment où on se parle, l'université contingente sévèrement; vous le savez, nous le savons. Les collèges, physiquement, débordent; vous le savez, nous le savons; physiquement, les établissements. On pourrait en construire d'autres, mais, pour le moment, il y a quelques problèmes de bâtisses.

Quand je dis: Suivez-nous un instant, vous allez voir qu'il y en a d'autres qui l'ont pensé avant nous. Si, avec la même clientèle, on pouvait les faire durer moins longtemps au collège, sous prétexte de leur donner une formation qui, fût-elle plus courte et moins satisfaisante, aurait quand même des prétentions à leur donner à peu près l'équivalent, est-ce qu'on ne serait pas en situation d'avoir - comment dire? - une espèce d'attrait sur la clientèle actuelle du cégep? C'est-à-dire qu'on leur dit en gros: Cela va durer moins longtemps et cela va donner à peu près la même chose. Est-ce possible que cela ait un effet sur des filles et des garçons, au moment où on se parle, au Québec? Nous, on pense que le risque, M. Laurin, est réel. On pense qu'on n'a pas le droit de le courir sous prétexte que, dans deux ans ou dans trois ans, on se rajustera, parce qu'on aura sacrifié des filles et des garçons, donc des femmes et des hommes, des êtres en chair et en os, au bout de ce processus. C'est un risque élevé.

Suivez-moi de nouveau pour ce que je vous disais tantôt. Si par hasard on réussissait à ratatiner légèrement la formation du niveau collégial, à faire en sorte que les étudiants restent moins longtemps au collège parce qu'ils quittent plus vite - je parle toujours de la même clientèle - on se trouverait à faire un bon coup au moins dans le sens des politiques de l'OCDE et ce n'est pas nous qui les écrivons, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. Laurin: Un dernier commentaire, M. le Président. D'abord, cela ne serait pas l'équivalent. Deuxièmement, actuellement près de 40% des enseignants inscrits au DEC professionnel décrochent. Des étudiants. C'est aux étudiants qu'il faut penser et c'est pour cette catégorie de personnes qui ont décroché qu'il faut présenter quelque chose qui n'est pas susceptible d'amener ce même

inconvénient que nous connaissons à l'heure actuelle. Mais, cela dit, je suis conscient du pari, du risque et, encore une fois, je pense que cette commission parlementaire et vos avis peuvent nous éclairer. Nous, nous continuerons notre réflexion.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je pense que le ministre a fait un lapsus dans ses dernières remarques quand il a parlé de 40% d'enseignants qui décrochaient; il pensait au secondaire où l'atmosphère créée par les décrets entraîne un climat de découragement très prononcé chez les enseignants, dont je l'ai déjà saisi d'ailleurs.

Je crois qu'on doit remarquer une chose. Nous avons commencé à siéger hier, la Fédération des enseignantes et enseignants de la CEQ est le cinquième organisme qui se présente devant la commission jusqu'à maintenant. Un organisme, celui que nous avons entendu tout à l'heure, ne s'est pas prononcé sauf qu'il a dit: Nous ne voulons pas que ce règlement entre en vigueur avant qu'ait eu lieu cette table de concertation que nous demandons. Les quatre autres ont émis des observations très sévères, des objections à l'encontre non seulement du projet de certificat d'études collégiales que veut instaurer le projet de règlement du gouvernement, mais aussi, et cela est plus grave, à l'encontre de certaines orientations fondamentales de la politique qu'a commencé de suivre le gouvernement en matière de formation au niveau collégial.

Plus j'écoute les choses qui sont dites, plus je constate que le débat porte, dans une très grande partie, sur des clientèles qui ne sont point atteintes actuellement par le réseau des cégeps, c'est-à-dire en très grande partie par conséquent, sur des clientèles adultes qui sont sur le marché du travail ou qui sollicitent des postes sur le marché du travail. Cela pose le problème que nous avons évoqué dès le début des travaux de la commission: il nous manque deux cartes maîtresses pour être en mesure d'apprécier sérieusement le projet du gouvernement en ce qui touche, en particulier, les nouvelles arêtes de la politique qu'il entend suivre. Il manque la politique du gouvernement dans le domaine de l'éducation des adultes et la politique du gouvernement dans le domaine de la formation professionnelle. Je pense que quelque chose fait défaut ici. Je ne sais pas comment vous allez régler ce problème, mais il me semble que, si vous voulez faire une équation qui soit judicieuse, il faudra bien que nous ayons ces pièces sans lesquelles il est impossible de se former un jugement sûr, je dirais même un jugement sérieux sur cet élément le plus controversé de tout le projet de règlement qui est l'introduction d'une nouvelle forme de diplôme. Hier, je ne crois pas avoir mal entendu quand j'ai compris, de la part des deux hauts fonctionnaires qui sont venus témoigner, qu'on ne dispose pas de projections le moindrement systématiques nous permettant de prévoir les conséquences éventuelles de l'instauration de cette politique. J'entendais tantôt le ministre dire aux représentants de la Fédération des enseignantes et enseignants que, s'ils craignent que cela entraîne des conséquences, ils en fassent la preuve. Il me semble que c'est plutôt au gouvernement de faire la preuve du genre de résultats qui vont découler de son approche. On est impressionné par les désirs qu'exprime le ministre, mais beaucoup moins par le genre de démonstration que lui-même apporte.

Ceci étant dit - pour employer la formule ministérielle - je voudrais vous poser quelques questions. Il y a deux questions de fond qui se posent à nous. Il y aura des questions plus précises ensuite qui vont être beaucoup plus brèves. Mais il y a deux questions de fond sur lesquelles j'aimerais que vous nous apportiez des réponses.

Il y en a d'abord une qui est soulevée par ces documents d'orientation de l'OCDE dont vous avez parlé et nous en avons entendu parler longuement hier. Je pense que vous aviez tout à fait raison de penser qu'il y avait une certaine influence de cette documentation parce que nous l'avons appris de la bouche même des porte-parole du gouvernement, hier après-midi. Je trouve que vous nous prévenez de certains problèmes, mais aussi que vous en créez d'autres. Vous voulez qu'on garde le DEC, très bien. Vous voulez qu'on renonce au projet de certificat d'études collégiales, très bien. Vous voulez également qu'on laisse tomber le système des attestations d'études collégiales déjà en vigueur dans une bonne mesure et qui sera davantage amplifié vraisemblablement par le projet de règlement. Mais si nous gardons seulement un diplôme, celui qui existe actuellement, le DEC, comment allons-nous faire face aux besoins de plus en plus diversifiés de formation que pose la population d'aujourd'hui, surtout quand nous voulons étendre la clientèle actuelle des cégeps à toutes les catégories de citoyens qui ne sont pas rejoints? Je ne sais pas si... J'aimerais avoir votre réponse à cette question. Ensuite, il y en aura une deuxième. Je la poserai après parce que c'est un sujet tout à fait... Quand on pose deux ou trois questions - je me suis fait jouer un tour, ce matin - on a un début de réponse à la première partie de la première partie et tout le reste s'en va au panier.

Le Président (M. Blouin): Mme Fortin? Mme Fortin (Nicole): À propos du CEC

et de l'AEC, je pense qu'on dit bien, dans notre mémoire, qu'il n'est pas question d'enlever ces possibilités à ceux qui reviennent à l'école. Je n'ai pas la page exacte, mais je pense qu'on le dit...

M. Ryan: Au bas de la page 24, vous avez une recommandation. Peut-être que, partant de là...

Mme Fortin: Oui. Dans le corps du mémoire, si j'ose dire, on dit qu'on reconnaît très bien le besoin de ces diplômes qu'on appelle à rabais, par ailleurs, mais qui ne sont pas, pour les adultes, nécessairement à rabais. On reconnaît ces besoins pour les adultes, c'est-à-dire pour ceux qui reviennent à l'école. Et je rappelle une question qui était de vous, je pense, ou plutôt de M. Charbonneau, ce matin, parlant des décrocheurs qui revenaient à l'école. Vous souligniez le besoin pour ces gens-là d'avoir ce type de diplômes et on n'est absolument pas contre cela. On est contre le fait qu'on offre ces diplômes en formation initiale, tout simplement.

M. Ryan: Vous établissez...

Mme Fortin: Et on pense que... Si on peut me permettre...

M. Ryan: Pardon, excusez-moi.

Mme Fortin: On pense que, à ce titre, les jeunes qui sont dans la "filière scolarisante", pour utiliser une expression du ministère, ont droit à une formation, à un diplôme égal dans le cursus qu'ils envisagent. (16 h 45)

M. Ryan: Très bien, je pense que cela répond à ma question sur ce point. Vous pensez, par conséquent, que, pour les besoins de la population qui n'est pas au stade de la première expérience de formation collégiale, on pourrait faire un usage très diversifié du mécanisme des attestations d'études collégiales, comme on le fait déjà d'ailleurs.

Mme Fortin: Cela existe déjà, on n'a jamais contesté cela.

M. Ryan: Très bien.

Mme Chiasson: J'attire votre attention sur la page 9 du mémoire où l'on en parle de façon très précise. On dit: Si les programmes menant à des certificats d'études collégiales pouvaient s'avérer une piste judicieuse pour les adultes qui reviennent aux études, il n'en est pas automatiquement de même pour ceux qui sont demeurés dans le circuit. À propos de ces programmes spéciaux offerts aux adultes, nous nous serions attendus à l'amélioration des services pédagogiques entourant lesdits programmes. Nous revendiquons d'ailleurs en ce sens depuis plusieurs années en demandant l'intégration de l'éducation aux adultes à l'enseignement régulier au cégep. On dit qu'on avait sous-estimé le sens de l'ironie du ministre puisqu'il propose l'inverse. Au lieu d'améliorer les certificats aux adultes... Le problème des certificats aux adultes et le sens de nos revendications, c'est que, en général, ce sont des programmes qui sont hors département. Ils ne bénéficient pas de la planification pédagogique dont bénéficient les programmes réguliers et c'est un problème. On dit qu'il propose l'inverse. En faisant disparaître la distinction jeune adulte à des fins d'accès à ces programmes spécifiques, il ouvre la porte à des programmes réduits, plus courts et qui mènent à des reconnaissances inférieures aux jeunes qui, actuellement, s'inscrivent à un diplôme.

M. Ryan: M. le Président, je vais poser ma deuxième question à caractère général. J'en ai deux ou trois à caractère particulier ensuite. Je vois que, dans votre mémoire, vous dites qu'au lieu de s'engager dans cette voie que préconise le gouvernement qui va conduire à reproduire le schéma actuel des classes sociales et multiplier, en somme, les victimes du système social, en particulier dans la partie éducationnelle, vous recommandez des mesures qui coûteraient beaucoup d'argent: hausse des bourses, augmentation du nombre d'établissements, agrandissement des espaces, normes budgétaires favorisant l'accessibilité, amélioration des ratios enseignants-étudiants, et ainsi de suite.

Je pense que c'est une vérité établie -il y a bien des discussions sur les détails -que l'effort que le Québec s'est imposé ces dernières années en matière d'éducation est supérieur à celui qu'on a observé dans les autres provinces canadiennes. Il semble qu'on ait pris une décision, il y a un certain temps, de viser à l'équivalence. On peut discuter sur les modalités et l'interprétation des chiffres. Il y a de la marge en quantité pour la discussion, mais, grosso modo, je pense qu'il y a un consensus assez large voulant que le niveau de sacrifices que cette société s'est imposé soit déjà plus élevé que la moyenne canadienne. Si on allait appliquer toutes les mesures que vous proposez, cela demanderait des déboursés beaucoup plus grands.

Est-ce que vous pensez qu'il faille aller dans cette voie, même si nous étions rendus au seuil que j'ai mentionné?

Mme Gagnon: M. Ryan, il se peut bien que nous ayons dépensé davantage, mais je pense que vous admettrez avec moi qu'on partait de plus loin. Or, de notre point de vue, le rattrapage n'est pas complété. Je

n'ai pas les chiffres avec moi, mais je pense à cette distorsion qui existe encore au niveau, par exemple, de l'université entre les Québécois et les habitants des autres provinces, et les Québécois des deux souches même au Québec. Il reste encore un léger rattrapage, du côté francophone, pour la diplomation universitaire. Je ne pense pas me tromper en avançant cela. Je n'ai pas de chiffres, mais, sauf erreur de ma part, cela a été remis sur la place publique il n'y a pas si longtemps.

Nous savons que cela coûte cher. Nous savons que l'éducation coûte cher. Pour nous, cependant, la contradiction qu'on s'entête à voir depuis un certain temps sur cette colline et peut-être en d'autres lieux entre économie et éducation, on ne la partage pas, c'est-à-dire que pour nous il n'y a pas de distorsion entre les investissements en éducation et les investissements en économie à proprement parler. C'est le très révolutionnaire Conseil économique du Canada qui a établi que, sur une période de 40 ans, peut-être - je n'ai toujours pas mes tableaux, je cite de mémoire - il y avait contribution pour environ le quart de la hausse du niveau de scolarité d'un peuple à sa hausse de niveau de vie. Ne confondez pas les lettres. Ce n'est pas CEQ, c'est CEC, et j'insiste. Nous sommes sûrs qu'on n'a pas le droit, au moment où l'on se parle, de prendre des fonds qui pourraient être utiles en éducation, et qui le sont à proprement parler, en matière de développement social, pour les envoyer ailleurs, sous prétexte que c'est une mauvaise affaire. Cela dit, on sait que cela coûte cher. Vous vous souvenez, autour des années soixante, on avait un slogan qui, à mon avis, était plus qu'un slogan, si je me réfère au CEC, c'était: Qui s'instruit s'enrichit. Au moment où l'on se parle, il semble bien que, comme peuple, on n'a plus les moyens de s'enrichir. C'est extrêmement angoissant. Ce n'est pas le présent seulement, c'est l'avenir aussi.

Ce sont des choix politiques, on le sait. On ne défend pas les mêmes que le gouvernement. Il nous semble qu'il faut consentir les efforts qu'il faut pour s'assurer qu'on ne sacrifiera pas l'avenir en faisant des économies d'échelle ou de bouts de chandelle - au choix - sur le présent.

Le Président (M. Brouillet): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, dans le travail d'éducation qui se fait au niveau des cégeps l'élément le plus important après l'étudiant, c'est l'enseignant. Déjà, par l'effet des décrets, les conditions de travail de l'enseignant ont été rendues considérablement plus difficiles. J'ai obtenu des renseignements l'autre jour sur un cégep et j'ai commencé à en parler devant cette commission. J'ai trouvé des notes que j'ai prises à cette occasion. Les conséquences sont encore plus sérieuses que je ne le pensais. C'est un fait qui ne se rattache peut-être pas directement au sujet qu'on discute et qui constitue quand même une toile de fond très importante.

La question que je veux vous poser est: Si le décret, si le projet de règlement - je suis mêlé dans mes termes, excusez-moi, M. le Président - est imposé dans sa forme actuelle, est-ce qu'il en résultera d'autres conséquences pour l'engagement de l'enseignant, pour sa dignité professionnelle, pour la capacité de travailler de manière libre et responsable? Est-ce qu'il y a des choses qui sont contenues dans ce règlement qui sont de nature, selon vous, à détériorer davantage les conditions de travail des enseignants?

M. Beliefeuille (Guy): II y a d'abord nettement tout l'aspect des contrôles qui est extrêmement important à l'intérieur du projet de règlement des études collégiales, des contrôles qui peuvent devenir à ce point tatillons que le directeur des services pédagogiques peut surveiller ce qui va se dire en classe. Ce n'est pas cela qu'on appelle la liberté pédagogique.

Nous pensons qu'au niveau collégial il doit exister une forme de libertés pédagogique à partir de l'encadrement qui est prévu dans les cahiers de l'enseignement collégial. On risque fort de voir disparaître complètement cet aspect. M. Ryan, ce sont des choses auxquelles tiennent mordicus les enseignants et les enseignantes.

C'est l'aspect principal qui va détériorer le climat pédagogique dans les collèges.

M. Ryan: Les administrateurs de cégeps sont venus nous dire hier qu'eux, comme responsables de l'institution devant le public, ont des comptes à rendre et que, pour pouvoir rendre des comptes, il faut qu'ils puissent exercer un certain contrôle sur le contenu des programmes de cours, par exemple, des plans de cours, et même sur la manière dont le travail est fait. Comment résolvez-vous la question de l'imputabilité, la question de la reddition de comptes? À qui l'enseignant rend-il des comptes? Comment ce problème se résout-il dans votre esprit de manière démocratique et satisfaisante pour tout le monde?

M. Bellefeuille (Guy): Pour nous, la façon dont les enseignants rendent des comptes, c'est qu'ils sont engagés pour donner un certain nombre de cours. Le travail se fait de façon collective dans les départements de façon à voir la qualité de l'enseignement qui est donné, à partir du

contenu des plans de cours qui sont dans les cahiers de l'enseignement collégial.

Si, en département, les enseignants et les enseignantes font leurs plans de cours, évaluent collectivement leurs plans de cours et accomplissent ensuite l'évaluation en question, nous pensons que nous avons rendu des comptes à la société.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que d'autres demandent la parole?

Oui, M. le député de Verchères.

M. Charbonneau: Je ne reprendrai pas les questions qui ont été posées par le député d'Argenteuil et le ministre. Il y a trois choses qui m'ont frappé dans votre mémoire, deux entre autres sur lesquelles je m'interroge beaucoup. J'ai eu l'impression, j'espère que je me suis trompé, que vous vous prononciez contre la reconnaissance des acquis. J'ai aussi eu la nette impression que vous étiez contre le développement de la formation alternée au Québec, temps de travail, temps d'études, en entreprises ou ailleurs, et que vous étiez - là, c'est peut-être plus diffus; cela serait peut-être vous prêter des intentions que vous n'avez pas -contre le rapprochement avec les besoins du marché du travail. Quand je pense que je vous prête des intentions, j'ai peut-être plutôt l'impression que vous êtes contre le fait - et on l'a répété ici à quelques reprises - que l'enseignement soit assujetti totalement et exclusivement aux besoins des entreprises. La marge n'est pas grande - vous l'admettrez - entre ce que vous dites et la conclusion qu'on peut tirer d'un discours qui finit par nous amener à la conclusion qu'à chaque fois que le gouvernement, quel qu'il soit, tente des rapprochements pour arrimer la formation avec les besoins actuels et futurs du marché du travail... Après tout, quand on parle du chômage des jeunes, on parle de jeunes qui veulent entrer dans des entreprises, qui veulent gagner leur vie; ce sont les entreprises qui donnent les jobs et qui ont des conditions et des exigences particulières.

J'aimerais que vous m'entreteniez sur cette impression que j'ai eue que vous êtes vraiment contre la reconnaissance des acquis. J'ai vu des tonnes de jeunes qui ont acquis des expériences de vie, qui ont décroché du cégep ou du secondaire, qui reviennent et qui se rendent compte que ce qu'ils ont vécu lorsqu'ils ont décroché a une valeur. Ils n'admettent pas - et je n'admets pas non plus - que les enseignants fassent en sorte que cet acquis ne soit pas reconnaissable. C'est l'impression que j'ai eue en lisant votre mémoire. Ce n'est pas l'impression que j'ai eue lorsque j'en ai discuté avec les enseignants du cégep de Saint-Hyacinthe où on a réussi, en parlant, à apporter des nuances. Mais de la façon que c'est abordé dans le mémoire, de la façon que vous l'avez dit, cela ouvre des portes dangereuses à mon point de vue.

L'autre chose, c'est la formation alternée. On vient d'adopter un plan de relance où on veut développer plus que jamais cet aspect de la formation professionnelle en entreprise. On n'a pas l'impression d'être rétrograde en faisant cela quand on regarde des sociétés occidentales qui sont beaucoup plus avancées dans le domaine de la formation professionnelle et qui ont justement, depuis plusieurs années déjà, développé des approches en formation alternée.

Est-ce parce que des enseignants seraient amenés à collaborer avec des cadres ou des travailleurs dans des usines, dans des entreprises, que l'enseignement serait moins valable parce qu'il serait alterné: tant de travail, tant d'entreprise? Est-ce parce que certains enseignements seraient donnés par des travailleurs et des cadres dans des entreprises qu'ils auraient moins de valeur? On veut mettre - espérons qu'on va réussir dans les délais qu'on s'est imposés - le plus rapidement possible 30 000 jeunes du Québec en formation en entreprise. Vous nous dites aujourd'hui, à la façon dont vous l'abordez votre mémoire, que la formation alternée n'est pas la bonne chose à faire. Il faudrait peut-être qu'on se parle; mais je n'ai pas l'impression que des pays européens qui ont développé ces approches ont complètement manqué le bateau.

Mme Gagnon: Mme Chiasson, si vous permettez, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Très bien, Mme Chiasson.

Mme Chiasson: Pour m'accrocher à votre dernière remarque sur les pays européens, vous avez peut-être lu seulement les choses qui étaient favorables au modèle allemand ou au stage Barre en France, mais je peux vous donner de la bibliographie qui critique les stages Barre en France et le modèle allemand de la formation professionnelle. Je pourrais vous fournir cela si vous en avez besoin, et si vous n'avez pas vu les critiques qui ont été faites là-dessus.

M. Charbonneau: J'en ai vu quelques unes, mais, si vous en avez d'autres, je vais les prendre.

Mme Chiasson: Oui, il y a la mascarade des stages Barre, entre autres. Je ne les ai pas tous par coeur, mais je pourrai vous en envoyer.

M. Charbonneau: Reconnaissez avec moi, madame, qu'il n'y a pas juste des stages Barre en France.

Mme Chiasson: Non, il y a autre chose. Mais je veux répondre à votre question sur la reconnaissance des acquis, l'alternance et le rapprochement avec le marché du travail.

Sur la reconnaissance des acquis d'abord, je dois vous dire que, dans une de nos recommandations dans le mémoire que nous avons adressé à la commission Jean, nous nous disions très favorables à une très grande ouverture à la reconnaissance des acquis pour l'accès à l'éducation, mais on émettait beaucoup de prudence sur la reconnaissance des acquis qui n'impliquent pas un minimum de retour à la formation pour s'assurer que l'expérience a vraiment permis l'acquisition d'un métier dans son ensemble. (17 heures)

D'autre part, pour ce qui est de la question à la fois de la reconnaissance des acquis et de l'alternance, le moins qu'on puisse dire, c'est que, là-dessus, vous n'êtes pas transparent. Cela fait bientôt quatre ans, depuis le livre vert sur l'enseignement professionnel, qu'il est question de façon générale, souvent, fréquemment, de la volonté de généraliser les stages, de multiplier les stages, d'organiser l'alternance éducation et travail. Mais la dernière chose que j'ai entendu dire là-dessus par le ministre de l'Éducation, c'était à une conférence de presse à Montréal où il disait que c'était le ministère de la Main-d'Oeuvre qui était en train de préparer une politique de stages. Elle n'est pas prête encore et on m'a dit récemment, à un colloque régional du ministère, qu'il n'y aurait pas eu de bilan de fait sur ce qui se fait en ce moment. Il y a des politiques locales de stages et d'alternance actuellement. Il n'y a même pas eu de bilan de préparé à la suite de cela et cela fait quatre ans que vous en parlez.

Il y en a des choses à dire là-dessus. Il y en a un bilan à faire, parce qu'il y a des dangers qui existent dans une politique effrénée d'alternance qu'on peut vous signaler. Par exemple, le risque de généralisation d'un "cheap labour" super "cheap labour": les jeunes viendraient prendre la place de gens qui ont déjà un emploi. Si cela ne s'accompagne pas de la création de nouveaux emplois, est-ce que ce sera le transfert du chômage d'une classe d'âge à une autre? Pour les entrepreneurs, des stagiaires jeunes, pas trop payés et même payés par des subventions gouvernementales, cela peut être tentant de mettre dehors du monde qui a déjà un emploi. Cela ne réglera pas le problème du taux de chômage.

Vous ne nous avez encore rien dit sur les précautions que vous allez prendre pour éviter que ce soit des transferts d'emplois d'une classe d'âge à l'autre. Vous ne nous avez rien dit sur les précautions à prendre pour que les jeunes soient vraiment en formation et non pas en situation de production à la planche, mais appelés stagiaires. Vous n'avez rien dit sur tout cela. Alors, ce sont encore des pièces du "puzzle" qui manquent.

Quant au rapprochement avec le marché du travail, nous avons toujours dit que nous étions conscients d'un certain lien inéluctable entre la formation professionnelle et le marché du travail. Mais vos politiques actuellement mènent à un asservissement bête et étroit à l'utilitarisme immédiat et aux postes de travail tels qu'ils existent. Là on est obligés de faire référence à des documents qui ne sont pas devant cette commission parlementaire à ce moment-ci, mais les politiques sur la formation professionnelle. Dans le livre blanc sur la formation professionnelle, par exemple, vous dites d'une façon... Et je reparle ici d'alternance. Qu'est-ce qu'on dit pour les jeunes actuellement en difficulté et les clientèles actuelles du PC? On dit que pour eux, on prévoira un programme d'initiation à la vie active. Nous prévoirons aussi pour eux une pédagogie qu'on appelle éloquente, des horaires plus proches du marché du travail que celui de l'école et on prévoira aussi pour ces clientèles des périodes de retour à l'école. On ne dit pas si c'est une demi-journée par semaine, une semaine par mois ou une semaine par année. Et c'est dit d'une façon telle qu'on a peur que les jeunes du PC actuels et les jeunes qui sont en difficulté actuellement dans les écoles, que vous avez de la difficulté à maintenir et que vous essayez d'intégrer... Ceux que vous ne réussissez pas à intégrer, vous allez peut-être essayer de les envoyer en "cheap labour". La seule façon dont vous le dites dans le livre blanc nous autorise à ces inquiétudes.

Je n'ai pas fini. Laissez-moi reprendre mon souffle cependant.

M. Charbonneau: Allez-y! Allez-y!

Mme Chiasson: Par ailleurs, alors que dans le livre blanc sur la formation professionnelle, il est question dans quelques pages seulement de formation professionnelle et dans tout le reste de formation générale, dans le plan d'action sorti cet automne, tout se passe comme si le nouveau régime pédagogique, par sa mécanique qui déboule d'une année à l'autre, allait régler tous les problèmes d'abandon qu'on vous prévoit et allait régler tous les problèmes de décrochage. On vous dit: Ce n'est pas automatique; cela ne va pas se faire comme cela.

Dans le plan d'action sur la formation professionnelle qui est publié, les seules priorités qui ressortent, sont: la carte nationale, qui sera encore un beau prétexte pour couper des options, la régionalisation des options, qui va être encore une façon de

faire stagner certaines régions en donnant la formation professionnelle liée seulement à la vocation économique des régions et, une autre de vos priorités dans ce plan d'action, c'est la concertation école-travail. La concertation école-travail va marcher comment? Les tables nationales et les tables régionales. Les tables sont formées comment? D'un tiers de patrons, trois ou quatre ministères représentés, deux chaises pour le monde de l'éducation. Cela mène à l'asservissement et non pas à des rapprochements utiles pour améliorer la formation. Je voudrais compléter, s'il vous plaît!

Le Président (M. Blouin): Oui. Je comprends que nous aurons bientôt un problème d'horaire. Je vous signale qu'il y a trois autres associations qui doivent être entendues aujourd'hui. Ce sont aussi des associations très importantes qui se sont rendues. Je vais maintenant demander, autant aux députés qu'aux invités, d'essayer de ramasser davantage - comment dire? - d'être plus succincts dans leurs propos afin que nous puissions terminer assez rapidement et, si possible, je crois que ce le serait, entendre avant le souper le mémoire...

M. de Bellefeuille: Sur une question de règlement.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. de Bellefeuille: Je voudrais vous signaler qu'il me serait absolument impossible d'être plus succinct que je ne l'ai été.

Le Président (M. Blouin): Je vous rends hommage, M. le député... Mme Fortin, je crois que vous aviez un élément à ajouter.

Mme Fortin: Oui. Je voulais ajouter deux choses très courtes. La première c'est que, parlant d'exploitation dans l'apprentissage, on pourrait justement parler de votre fameux programme de relance. Des gens en apprentissage à 280 $ par mois, si vous n'appelez pas cela de l'exploitation, je ne sais pas comment vous l'appelez? C'est la première chose.

La deuxième chose, c'est qu'il faudrait consulter... Je parle des assistés sociaux qu'on va envoyer en apprentissage en élevant légèrement le salaire...

M. Charbonneau: Je pense que vous donnez des chiffres qui ne sont pas encore fixés, madame.

Mme Fortin: Ce sont les chiffres qu'on a entendus dernièrement. La deuxième chose, concernant les liens avec l'entreprise, c'est que c'est vous qui avez parlé de marge ce matin avec les étudiants. Vous avez dit: II y a une marge entre l'asservissement et des relations raisonnables. On voudrait que vous consultiez les derniers documents du ministère concernant justement les tables de concertation nationale et régionale pour voir l'ensemble des sujets sur lesquels ils peuvent se prononcer. L'ensemble des sujets va de À à Q, en passant par les programmes, par l'évaluation des maîtres, par l'évaluation des apprentissages, etc. Si ce n'est pas de l'asservissement, je ne sais pas ce que c'est.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Verchères, cela va?

M. Charbonneau: J'aurais d'autres questions mais j'imagine qu'il y a peut-être d'autres membres de la commission qui veulent...

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. Je me demande si, peut-être, dans une certaine mesure, votre analyse ne remet pas en question le principe même des cégeps. Ma question est donc: Croyez-vous qu'il est réaliste d'attendre qu'on puisse répondre d'une façon propice aux besoins de tout le monde dans la même institution? Est-ce vraiment possible?

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Madame, je me demande comment vous pouvez penser qu'on remet en question l'existence des cégeps. Il nous semble au contraire qu'on se porte plutôt à la défense des cégeps et de leur vocation spécifique et particulière qui est la formation qu'on a connue à venir jusqu'à maintenant.

Mme Dougherty: Peut-être pourrais-je expliquer ma question.

Mme Gagnon: Si vous voulez, oui.

Mme Dougherty: Hier, nous avons eu un exposé de M. Lucier. Il nous a décrit le système dans d'autres pays. Les cégeps sont une expérience unique, c'est d'essayer d'avoir des jeunes du pré-universitaire et des jeunes des cours professionnels tous dans la même institution. Dans ce sens c'est donc quelque chose d'unique.

Je me demande si, peut-être, maintenant, étant donné tous les problèmes que nous avons en essayant de répondre aux besoins de tout le monde, c'est réaliste d'essayer de le faire dans une seule institution.

Mme Gagnon: Écoutez, je pense qu'il n'y a pas une seule institution éducative au Québec qui entend répondre aux besoins de

tout le monde. En parlant des cégeps, on n'a pas aboli ce qui précède ni ce qui suit. Les cégeps sont là pour une clientèle donnée et une fin particulière, qui est une formation terminale quand ils sont professionnels, préuniversitaire quand ils sont pré-universitaires. Pour ces clientèles, qu'elles soient jeunes, en formation initiale, donc sans interruption dans leur processus scolaire, ou qu'elles soient de retour à ce niveau d'éducation qu'est le cégep, on admet qu'il puisse y avoir des régimes différents: amélioration pour les adultes et tout. Mais il nous semble que ce n'est pas impossible, en conservant la mission initiale du cégep, faite de ces deux aspects, de satisfaire, au moment où on se parle, les clientèles qui y sont déjà, celles qui y reviennent et celles, plus nombreuses, qui y viendraient et qui, à notre point de vue, devraient y venir.

Autrement dit, on trouverait utile et correct qu'il y ait encore un plus grand taux de passage entre le primaire-secondaire et le collégial. Cela n'a pas à prendre en compte tous les besoins de tout le monde puisque c'est à un niveau donné, et il nous semble qu'il n'y a pas d'extravagance à penser que le cégep, sur sa lancée essentielle, ce qui ne dispense pas de certaines révisions et de certains réajustements - on ne défendra pas cela parce que cela a existé un jour pour l'éternité - sont parfaitement aptes à répondre aux besoins de celles et ceux qui les fréquentent et qui les fréquenteront de plus en plus dans les années qui viennent. Cela ne nous semble pas contradictoire de vouloir essayer cela.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Dans votre mémoire, vous parlez de l'intégration de l'éducation des adultes à l'enseignement régulier. Est-ce que cette intégration que vous préconisez ne conduit pas à la disparition de la distinction faite actuellement entre jeunes et adultes? Ce n'est pas clair dans votre mémoire si vous êtes pour ou contre la disparition de cette distinction.

Le Président (M. Blouin): Mme Gagnon.

Mme Gagnon: Ce sera M. Bellefeuille, si vous le permettez.

Le Président (M. Blouin): M.

Bellefeuille.

M. Bellefeuille (Guy): Lorsque nous réclamons l'intégration de l'éducation aux adultes à l'enseignement régulier, c'est sur le plan pédagogique et non pas pour intégrer les étudiants adultes aux étudiants réguliers. Il y a des besoins pédagogiques qui sont différents pour les étudiants réguliers et les étudiants adultes. Cependant, nous réclamons que ce soient des enseignants pour adultes qui se retrouvent dans les départements disciplinaires et qui travaillent aussi au niveau des objectifs, des méthodes pédagogiques, des moyens d'évaluation de façon concertée avec l'ensemble du corps professoral. Cela nous a été refusé par le décret et maintenant les enseignants de l'éducation aux adultes sont complètement isolés et il n'y a à peu près aucun contact qui se fait entre l'éducation des adultes et l'éducation régulière. C'est dans ce sens-là qu'on parlait d'intégration, non pas des clientèles mais de l'intégration pédagogique au niveau de l'enseignement et des services donnés à ces clientèles.

M. Leduc (Fabre): Vous êtes pour le maintien de la distinction jeunes et adultes au niveau collégial. Cette distinction me semble artificielle. On a des jeunes qui ont 18 ou 19 ans à l'enseignement régulier; on a même des gens qui sont plus âgés qui sont à l'enseignement régulier et on retrouve à l'éducation permanente, au secteur dit adulte, des jeunes de 16 ou 17 ans, 18 ans à tout le moins. On retrouve aussi des jeunes dans le secteur de l'éducation permanente, au printemps ou à l'été, aux cours accélérés. Il y a mélange de cette clientèle qui favorise l'intégration des deux clientèles. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Bellefeuille (Guy): Je ne crois pas qu'il y ait une intégration vraiment marquée entre les clientèles actuellement. Les cours dont vous parlez, les sessions de printemps ou les sessions d'été sont habituellement des cours ou des sessions réservées aux étudiants réguliers qui récupèrent un cours qu'ils ont manqué. Il n'y a pas vraiment une intégration, dans les salles de classe, de la clientèle régulière et de la clientèle adulte. Cela n'existe pas. Je ne connais pas les politiques du ministère à ce sujet mais...

M. Leduc (Fabre): Cette question est importante. Vous êtes pour le maintien de la distinction au niveau collégial entre jeunes et adultes.

Mme Fortin: On pense qu'il y a une différence entre les services à donner aux gens qui ont une expérience de travail et à ceux qui sont en formation initiale. Je pense que le meilleur exemple de cela est tout le débat qu'on a aujourd'hui à propos du CEC et de l'AEC. Par ailleurs, j'ai envie de vous renvoyer votre question et de vous demander quelle est la politique du ministère quant aux jeunes et aux adultes. Où la coupure se fait-elle? Quand il s'agit du CEC et de l'AEC, vous dites que c'est du pareil au même; quand on négocie à la table de négociation,

on parle des adultes et on n'arrive pas très bien à savoir où se fait la séparation. Parlant des adultes, c'est de l'éducation à la "job" et pour l'enseignement régulier, c'est un autre régime.

Par ailleurs, on sait que le fédéral, avec lequel vous vous entendez très bien en matière d'éducation, dit que, dès qu'on sort de l'école obligatoire, c'est la même chose pour les adultes et les jeunes. On ne sait plus très bien. Je vous renvoie votre question. Quelles sont vos politiques là-dessus? C'est important en matière de formation professionnelle, notamment. Je reviens à la note de M. Ryan qui disait qu'effectivement il manque un gros dossier sur cette table ici, c'est votre politique concernant l'éducation des adultes. On l'attend toujours. (17 h 15)

M. Leduc (Fabre): II reste qu'on constate un phénomène qui va en s'accélérant, c'est l'intégration à l'enseignement régulier d'un bon nombre d'adultes. Le chiffre avancé est de l'ordre de 15 000. Ceci peut aller - et cela semble être une tendance... C'est possible de rencontrer des jeunes de l'âge de 18 ans à ce qu'on appelle l'éducation permanente. Ne trouvez-vous pas qu'il y a un problème d'établir cette distinction, à la fois pour les jeunes et pour les adultes? Ce qui n'empêche pas de considérer la problématique que vous posez, de l'intégration des deux.

Mme Chiasson: II me semble que la réponse a été claire. Utiliser les expressions "jeunes" et "adultes", ce ne sont peut-être pas les expressions justes, mais il y a des distinctions à faire entre les jeunes qui ont continué l'école et ceux qui reviennent parce qu'ils s'aperçoivent que cela va mal sur le marché du travail ou parce qu'ils sont en chômage.

M. Leduc (Fabre): Est-ce que cela n'est pas, justement, l'une des distinctions qu'il faudrait établir, ou l'un des critères qu'il faudrait trouver pour canaliser une certaine clientèle vers le CEC? Il me semble comprendre que vous n'êtes pas contre l'idée du CEC, mais que vous êtes plutôt contre l'engouffrement, ou le danger, pour les étudiants actuels qui sont inscrits au professionnel et qui vont vers le DEC, de les voir s'engouffrer vers un CEC, c'est-à-dire dans la voie la plus facile. Il s'agirait de trouver ces balises, plutôt que de nier l'importance, le rôle que peut avoir le CEC.

Mme Fortin: On ne sait pas très bien où vous voulez en venir. Tout ce qu'on vous dit, c'est que nous, on fait une distinction entre la formation initiale et la formation en récurrence, si j'ose dire. Effectivement, on admet que le CEC soit offert aux adultes, ou à ceux que l'on considère être des adultes, des gens qui ont déjà une expérience de travail. Tout cela existe déjà. Et ce qu'on vient vous dire ici, c'est précisément: N'offrez pas le CEC et l'AEC aux gens en formation initiale, mais continuez de les offrir aux adultes. Alors, je ne vois pas très bien où va votre question. C'est ce qu'on s'évertue à vous dire depuis le début.

Mme Gagnon: L'âge des gens en chair et en os est relativement secondaire dans ce contexte, c'est-à-dire que c'est vraiment sur les deux types de formation qu'on fait reposer la distinction. Le reproche qu'on fait, finalement, c'est qu'au lieu d'avoir intégré les services de manière qu'ils soient plus fonctionnels pour les adultes qui reviennent on se trouve en situation de réduire la formation initiale pour ceux qui sont là sans avoir quitté. C'est cela.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Sur ce, je... Mme la députée de L'Acadie, rapidement, s'il vous plaît.

Mme Lavoie-Roux: Très très rapidement, M. le Président. Hier, nous nous sommes fait dire qu'il n'y avait pas eu d'étudiants refusés à l'admission dans les cégeps. Aujourd'hui, le ministre nous dit: Un nombre infime d'étudiants ont été refusés. Et, dans votre mémoire, vous dites: La croissance des refus d'admission. Alors... Non, mais c'est quand même important. Est-ce que vous avez des chiffres concernant le nombre d'étudiants qui, évidemment, avaient terminé leur secondaire et n'ont pu être acceptés dans les cégeps?

Mme Gagnon: Mme Lavoie-Roux, on n'aura sûrement pas de chiffres, mais...

Mme Fortin: Je peux parler? Là-dessus, effectivement, vous avez raison de dire que - sans doute, c'est M. Lucier qui vous a répondu, je ne sais pas - les refus ont légèrement augmenté au SRAM et ont augmenté un peu plus au SRAQ, c'est-à-dire à Québec. Ce sont les chiffres que j'ai vus; ce n'est pas significatif. Mais une chose que je veux dire à ce sujet et que je voulais dire aussi à M. Laurin tout à l'heure quand il parlait de la grande politique d'accessibilité du ministère, c'est que c'est envers et contre les politiques du ministère sur les autorisations de clientèles que les collèges acceptent des surplus d'étudiants. Or, les autorisations de clientèles qui sont faites au mois de mars sont superconservatrices. Cette année, elles étaient de l'ordre du statu quo, ou pas beaucoup plus élevées que le statu quo. Les collèges, en étant pénalisés pour faire cela, à cause des règles budgétaires, acceptent des surplus d'étudiants. Ils sont pénalisés dans leur budget et ils sont aussi

pénalisés par le mode d'organisation. Les classes débordent. Et, cela, ce n'est pas une image abstraite; c'est vrai.

Mme Lavoie-Roux: C'est pourquoi je vous posais...

Mme Fortin: Les étudiants assis sur le rebord des fenêtres, maintenant, c'est courant, parce qu'ils n'ont pas de place pour s'asseoir.

Mme Lavoie-Roux: C'est pourquoi je vous pose la question, car la Fédération des cégeps m'en a parlé l'an dernier. On ne semblait, non plus, recevoir les subventions supplémentaires que requérait l'accroissement de clientèle. Il serait peut-être important qu'on sache exactement si, finalement, c'est le collège et les enseignants qui sont pénalisés ou si ce sont les étudiants. Il me semble qu'il y a une zone où tout n'est pas clair et il serait important de l'examiner. Je partage l'objectif du ministre pour la plus grande accessibilité. Je pense que, ici, tout le monde la partage. Si, déjà, on l'empêche parce qu'il n'y a pas les subventions et les équipements nécessaires... Je ne veux pas dire que j'acquiecse à votre demande de commencer à acheter des bâtiments. Il reste que le problème reste concret: comment s'occupe-t-on de la clientèle qui veut venir dans les collèges et qu'on n'a pas les moyens d'accepter? Cela est important?

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Laurin: Je répète, M. le Président, que les refus ont été minimes et infimes et ils sont motivés par des dossiers et non pas en raison du seul fait que les espaces sont insuffisants.

Mme Lavoie-Roux: Non pas en fonction de ce que vous autorisez comme places.

M. Laurin: Oui, c'est cela. Cette année, le financement s'est fait en donnant 5 000 000 $ de plus pour les nouvelles clientèles. Contrairement à ce que dit Mme Fortin, cela ne s'est pas fait, les autorisations de places nouvelles, contre l'accessibilité plus grande, contre ce que le ministère a décidé. Bien au contraire. Dès janvier 1983, nous avions autorisé des places nouvelles et nous les avons réparties dans tous les collèges. Ce n'est donc pas contre l'autorisation du ministère, loin de là, mais c'est avec l'encouragement du ministère.

Mme Fortin: M. Laurin, faut-il sortir, ici, vos règles budgétaires émises au début de l'année dernière?

M. Laurin: II y a règle budgétaire, mais il reste que, sur les clientèles additionnelles, on les a modifiées puisque, comme je vous le dis, on a ajouté 5 000 000 $ de plus pour les clientèles additionnelles. C'est avec notre autorisation et même notre encouragement que le SRAQ et le SRAM ont réparti ces clientèles nouvelles dans les collèges.

Mme Fortin: Si elles sont égales ailleurs, cela finira bien par déborder si le mouvement dont on vous parle se poursuit.

M. Laurin: Je dirais même que je le souhaite.

Le Président (M. Blouin): Sur ce, au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les responsables de la Fédération des enseignants et enseignantes de cégeps de la CEQ de ce fructueux échange.

FNEEQ

J'invite maintenant les représentants de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec, la FNEEQ, à bien vouloir prendre place à la table des invités.

Je crois qu'avant 18 heures, la période du souper, nous pourrions entendre le mémoire de la FNEEQ et, ensuite, nous pourrions suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures. À 20 heures, nous pourrions entamer l'échange avec les représentants de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec.

Vous comprendrez que, votre mémoire étant assez volumineux, je présume que vous allez en résumer certaines parties. Nous pourrons suspendre nos travaux à 18 heures et, à ce moment, dans l'intervalle de 35 minutes, vous aurez pu faire la présentation de votre point de vue. Au retour, à 20 heures, nous entamerons les échanges et nous aurons, à la suite des discussions que nous aurons eues avec vous, à entendre deux autres organismes jusqu'à 24 heures au plus tard.

Pour les fins du journal des Débats, je vous demande de vous identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de votre mémoire.

Mme Pellerin (Rose): Mon nom est Rose Pellerin, présidente de la FNEEQ. À ma droite, Mme Flavie Achard, première vice-présidente et responsable du dossier "École". Ensuite, Mme Louise Desmarais, qui est l'une des personnes-ressources du comité "École"; M. Denis Choinière, membre de l'exécutif et secrétaire général. À ma gauche, en commençant par la fin, M. Paul Jones, deuxième vice-président de l'exécutif, et M. Robert Campeau, un autre membre du comité "École" qui est aussi une personne-ressource ici aujourd'hui.

Nous comprenons que, devant le mémoire qui semble volumineux, vous nous demandiez de raccourcir, mais il faut dire

que ce mémoire représente la consultation auprès de nos membres qui sont au nombre de 12 000. Il y a eu beaucoup de consultations et vous avez là un rapport, un mémoire qu'on va essayer de résumer le plus possible, mais on ne veut pas perdre l'essentiel, parce qu'on veut dire, à travers le mémoire, tous nos arguments pour notre demande du rejet du PREC.

Je voudrais souligner aussi que la CSN a fait savoir à M. le ministre Laurin, ainsi qu'à la presse, qu'elle était désolée de ne pas avoir été invitée à se présenter à la commission parlementaire, ainsi que deux autres fédérations de la CSN, celle du soutien et celle des professionnels, qui ont aussi des représentants dans les cégeps. Alors, nous déplorons qu'ils n'aient pas été invités.

Depuis quelques années, le gouvernement québécois se caractérise par sa bougeotte multicolore. Sous l'ère du grand dérangement, les documents arc-en-ciel pleuvent sur la tête des citoyennes et citoyens. En éducation, livres blanc, beige, orange, vert, projet de règlement en 1980, lois 24 et 25 sont implantés à la pièce.

Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre, en septembre, par le cégep Édouard-Montpetit - on biffe conseil d'administration, c'est le cégep lui-même -qu'une nouvelle version du projet de règlement existait et serait adoptée par le Conseil des ministres en octobre 1983. Après les décrets, on achève bien...; Nous remercions le ministre de l'Éducation de nous avoir invités, nous aussi, le 1er décembre à déposer notre mémoire pour le 2 décembre.

En 1980, nous avons déposé un mémoire sur le PREC et nous constatons à regret que le MEQ n'a pas tenu compte de nos recommandations. Malgré cela, nous vous soumettons, avec lucidité, le point de vue des enseignantes et enseignants de notre fédération sur le PREC, version 1982.

La première question qu'on s'est posée, c'est: Pourquoi un règlement? Tout le discours gouvernemental actuel sur le régime pédagogique tourne autour du caractère expérimental du régime pédagogique, comme si les cégeps avaient fonctionné dans l'arbitraire et le flou le plus complet. En voulant mettre fin à ce soi-disant régime temporaire, le gouvernement ne consacre pas légalement l'expérience de quinze ans d'existence des cégeps, mais introduit des mesures importantes qui vont les saborder complètement. Un règlement en soi ne protège pas la valeur nationale du DEC, surtout quand ce règlement permet les centres spécialisés, le bloc de cours 40%, 50% déterminé par le collège et la certification multiple. En outre, notre fédération ne voit pas comment la série de lois et de règlements en matière pédagogique vont ajouter quoi que ce soit par rapport à des ententes entre les collèges et l'État. Une telle approche s'inscrit plus dans les habitudes centralisatrices gouvernementales développées depuis quelques années.

En procédant par voie de règlement, le gouvernement touche à des objets qui faisaient partie du champ négociable, négociable avec les étudiantes et étudiants et négociable avec l'État. Concernant la responsabilité du département, la révision de notes, la définition de l'année scolaire, le gouvernement tente de soustraire ces objets de nos conventions pour les régir par un autre décret déguisé en règlement. Là encore, le gouvernement tient-il compte des expériences pédagogiques entre enseignantes et enseignants, étudiantes et étudiants élaborées au fil des ans?

Le régime pédagogique actuel adopté sous forme de règlement augmenterait de toute manière l'emprise gouvernementale sur les différents collèges et l'enseignement qui s'y donne et tout cela, sous le couvert de la décentralisation. Ce serait plus juste de parler de déconcentration.

Le cégep, une expérience originale. Alors que les experts de l'OCDE disent que l'expérience toute récente des cégeps est une des expériences les plus originales de formation polyvalente au plan international, le PREC constitue la pièce maîtresse qui chamboule les cégeps. Pour nous, la modification majeure, c'est de revenir à des cheminements scolaires différents pour les étudiantes et étudiants du général et pour celles et ceux du professionnel. C'est diminuer la formation générale au profit d'un concept ambigu de formation fondamentale, c'est réduire la véritable polyvalence, c'est soumettre l'école à l'entreprise, c'est diminuer l'emprise des enseignantes et enseignants sur leur travail, c'est amener les étudiantes et étudiants dans des culs-de-sac. (17 h 30)

Le discours gouvernemental parle du besoin de redressement du niveau collégial. Certes, il y a des problèmes dans les cégeps, telles les difficultés des étudiantes et étudiants par rapport à la langue maternelle, les difficultés à poser un problème globalement, mais sur quelles études se base-t-il pour proposer un réaménagement si profond? En quoi les cégeps sont-ils démodés alors qu'ils ont à peine quinze ans d'existence? On parle du chômage des jeunes, du besoin d'ajuster la formation aux nouveaux besoins du marché du travail comme si l'école était responsable du chômage.

Des économistes réunis à un colloque à l'Université de Montréal, l'année dernière, ont prévu que la situation durerait encore dix ou quinze ans. Comment faire croire aux jeunes que cette modification des cégeps leur ouvrira de meilleures perspectives? Non, les vraies raisons sont d'ordre économique.

L'éducation coûte trop cher et la formation donnée aux étudiantes et étudiants est trop poussée pour les emplois qui les attendent. C'est pourquoi nous parlons de contre-réforme. Le gouvernement veut revenir en arrière et saborder les acquis scolaires de la révolution tranquille, principe de l'égalité d'accès et abolition de la différenciation faite entre le général et le professionnel.

Le gouvernement implante des mesures législatives au compte-gouttes et à toute vapeur sans tenir compte de l'expérience originale des cégeps accumulée pendant quinze ans.

Nous considérons que les mesures avancées - non seulement le PREC, mais aussi la formation professionnelle des jeunes - par le gouvernement ont pour effet de changer profondément la mission des cégeps. Ces mesures devraient faire partie d'un vaste débat public sur l'enseignement postsecondaire. En ce sens, la FNEEQ refuse expressément toute modification au régime pédagogique en place, de même que tout déplacement de programme avant qu'un débat public sur la question n'ait lieu.

À la page 5, pour résumer, on dit que le gouvernement a un discours louable mais que, dans la pratique, toutes les mesures vont saper les acquis de la révolution tranquille et démanteler, à court terme, les cégeps.

Si on va à la page 6, au centre: Toutes ces mesures prennent tout leur sens à la lecture de la conjoncture économique et des gestes précédents que le gouvernement du Québec a déjà posés. Et, c'est ce qu'on tente de démontrer ensuite par le reste du paragraphe et nous tenterons cette lecture.

On s'en va à la page 8 sur la question du chômage. Et le chômage. Le mouvement syndical se préoccupe au plus haut point des retombées des nouvelles technologies sur l'emploi. Selon un rapport du ministère du Développement économique du Canada, le chemin à parcourir jusqu'en 1990 sera tortueux. L'utilisation des techniques nouvelles dans la production va produire 2 000 000 de chômeuses et de chômeurs en 1990 au Canada en coupant 50% des emplois dans le secteur manufacturier, 30% dans le secteur des bureaux et 25% dans le secteur financier. D'après les analystes, le chômage est structurel et la situation ne s'améliorera pas sensiblement avant une bonne quinzaine d'années.

Il est clair, en ce qui concerne les étudiants, que pour les années à venir il sera impossible de prévoir et de planifier quelles seront les nouvelles entreprises qui domineront le marché et les nouvelles compétences s'y rattachant. La formation ne doit pas répondre seulement aux besoins des compagnies mais également à ceux des citoyennes et des citoyens.

À l'heure actuelle, un nombre croissant d'étudiantes et d'étudiants vont s'engager dans des secteurs d'activités dont nous ne pouvons pas encore connaître la nature exacte, dit le ministre de l'Éducation. Les étudiantes et étudiants qui vont étudier dans des centres spécialisés ou dans les départements de mécanique, qui utiliseront la conception assistée par ordinateur, la fabrication assistée par ordinateur et qui choisiraient le CEC comme diplôme vont sortir du cégep avec une formation pointue telle que désirée par l'entreprise. Comme citoyennes et citoyens, il leur manquera une formation large et polyvalente nécessaire pour une mobilité occupationnelle sans les qualifications.

Veut-on faire payer ce virage par les étudiantes? Même si l'emballement est grand pour les compétences de l'avenir, parce que, semble-t-il, elles constituent les orientations gagnantes et garantiront un emploi, nous devons malheureusement constater que le taux de chômage des finissantes et finissants du secteur professionnel dont la formation est reliée aux technologies de pointe est grand. Et ici, vous avez une série d'exemples. Si nous prenons l'exemple des techniques du cégep, le taux de chômage moyen chez les finissants du secteur professionnel a doublé par rapport à 1981.

Je suis rendue à la page 11. La plupart des secteurs d'emploi sont touchés. Au-delà de 30 programmes accusent des taux de chômage supérieurs à 50% et les techniques nécessaires pour le virage technologique telles que l'informatique et l'électronique connaissent des taux de chômage de 32,6% et de 12,9% en 1981. Et, c'est rendu maintenant plus important. Cela n'a pas empêché le gouvernement d'ouvrir la technique d'informatique dans 35 cégeps tout en sachant que la cinquième génération de l'ordinateur - le robot intelligent - fera disparaître, d'ici quelques années, ce genre de techniciens.

Le chômage élevé des prochaines années va conduire les jeunes à occuper des tâches qui ne sont pas reliées à leur métier.

En 1980-1981, 40,8% des finissantes et finissants du secteur professionnel ont obtenu un emploi qui n'était pas relié de façon permanente à leur formation. Ces étudiantes et étudiants travaillaient dans les tâches connexes. Ce sont surtout les finissantes et les finissants des techniques dites féminines qui obtiennent un emploi qui n'est pas relié de façon permanente à leur formation. Le pourcentage est plus bas pour les finissantes et les finissants des techniques dites masculines.

En résumé, le virage technologique, s'il n'est pas maîtrisé ou s'il n'est maîtrisé que par celles et ceux qui ont une mentalité économiste et productiviste, risque d'accentuer les inégalités sociales.

À la page 13. Il nous semble important

dans ce contexte que la grande priorité pour nous, enseignantes et enseignants, soit la création d'emplois permanents dans tous les secteurs avec une politique d'implantation des changements technologiques protégeant l'ensemble des travailleuses et des travailleurs. Et cela, afin de satisfaire les attentes des gens qui sortent des programmes de formation et d'éviter de les renvoyer au chômage.

Nous remarquons que le Canada et le Québec ne sont pas dotés d'une politique industrielle en matière d'emploi.

À la page 14. On remarque que le discours gouvernemental sur l'emploi est toujours axé sur la formation. On culpabilise les jeunes d'avoir trop d'aspirations, on culpabilise l'école parce qu'elle prépare aux métiers de l'avenir, on culpabilise les chômeuses et les chômeurs parce qu'ils ne travaillent pas, on culpabilise les femmes parce qu'elles veulent des jobs.

Nous demandons que le gouvernement québécois se dote d'une politique de plein emploi; qu'il se dote d'une politique d'implantation des nouvelles technologies; qu'il cesse ses coupures et ses compressions dans son propre champ d'activité; qu'il ne pratique plus une politique de gestion du personnel qui favorise la multiplication des statuts précaires.

La nouvelle stratégie de formation, un virage dans l'incertain. L'introduction des nouvelles technologies dans les modes de production aura tendance à faire disparaître les emplois intermédiaires et séparera les travailleuses et les travailleurs en deux groupes: celui des spécialistes très qualifiés, bien rémunérés, et celui des manoeuvres sans qualification, peu rémunérés.

Le risque est grand de voir surgir à long terme une économie duale: l'une officielle, très compétitive, avec une main-d'oeuvre hautement qualifiée; l'autre souterraine, composée d'une main-d'oeuvre formée ponctuellement pour des emplois précaires et des tâches d'entretien et de vérification.

C'est dans ce contexte que la nouvelle stratégie de formation privilégie surtout les travailleuses et les travailleurs qualifiés. Un des maillons de cette stratégie c'est la nouvelle politique fédérale de formation professionnelle des adultes (Loi C-115), qui met l'accent sur une caisse d'accroissement des nouvelles compétences considérées comme priorités nationales. À l'examen de ces compétences, ce sont des techniques dites masculines (techniciens en ingénierie, en architecture, soudeurs, mécaniciens et programmeurs) qui sont considérées comme des priorités nationales.

À la fin de la page 17. La hantise du virage technologique a incité le gouvernement à développer une nouvelle stratégie de formation qui ne met essentiellement l'accent que sur les compétences nécessaires pour les industries de pointe. Ce faisant, le gouvernement québécois semble abdiquer une partie de ses droits à en éducation, au gouvernement fédéral et à l'entreprise privée.

Le virage dans l'incertain nous semble avant tout un virage économiste et volontariste. Depuis quelques années les enseignantes et les enseignants se demandent où va le gouvernement du Québec en matière d'enseignement. Des événements importants démontrent à l'heure actuelle que le ministère de l'Éducation est de plus en plus soumis aux ministères à vocation économique et technique. Pour nous autres, l'exemple des 500 000 micro-ordinateurs est significatif. -C'est 50 000. Ce n'est pas grave, cela va être 500 000 dans peu temps.

M. Ryan: C'est dans 25 ans, 500 000.

Mme Pellerin: L'exemple des 50 000 micro-ordinateurs est significatif. Le démantèlement des directions générales au profit des ministères à vocation économique - je donne seulement les grands titres - Un autre exemple bureaucratique: La série des structures de liaison école-travail.

À la page 20. Les collèges incorporés. À travers ce dédale bureaucratique une chose apparaît de plus en plus clairement aux enseignantes et aux enseignants: le gouvernement du Québec cherche à implanter de force une nouvelle conception de l'éducation par le biais de ses réformes administratives, institutionnelles et juridiques. Le gouvernement a décidé de privilégier une conception utilitariste de l'éducation afin de faire son virage technologique. L'alternance école-travail, le savoir concret et la carte nationale des programmes de formation professionnelle qui se précisent autour de la notion des besoins quantitatifs ou besoins en main-d'oeuvre pour le marché régional vont permettre à l'entreprise d'influencer, via les mécanismes de concertation, les 40% des cours choisis par le collège.

Vous avez deux exemples: Le cégep Saint-Laurent a fait la demande que le département de mécanique soit équipé en appareils de CAO/FAO. Les appareils, évalués à environ 3 000 000 $, seraient financés à même la Caisse d'accroissement des compétences. Il en coûtera 300 000 $ par année pour l'entretien des machines. Déjà dans le projet, les enseignantes et les enseignants comme celles et ceux du cégep de Matane pensent autofinancer le département en produisant eux-mêmes des circuits intégrés et en les vendant aux entreprises, et songent à mettre sur pied un fonds de recherche financé par l'entreprise. Allons-nous assister, comme aux États-Unis, à la constitution d'un fonds de recherche privé pour chaque centre spécialisé? La

présence de sociétés géantes dans certaines régions va accentuer l'écart économique, mais également pédagogique entre les régions. Est-ce que le statut de l'enseignante ou de l'enseignant, du professionnel en deviendra un de sous-contractant de l'entreprise? Quelle conséquence sur l'enseignement.

Autre exemple si le PREC est appliqué. Le ministre a annoncé l'ouverture d'un centre spécialisé en ordinique à Sainte-Thérèse. La compagnie General Motors a annoncé sa nouvelle politique concernant la robotisation de ses usines. Elle a besoin d'une centaine de mécaniciens en entretien de robots. Nous pensons qu'il serait possible, avec le PREC, de s'adresser au cégep Lionel-Groulx pour qu'il mette sur pied, via un CEC ou un DEC, un cours de durée variable spécifiquement sur ce besoin. Dans le cas du DEC, jusqu'à 40% des cours spécialisés peuvent être déterminés par le collège. Tout ceci entraîne une profonde modification du statut de l'école et instaure d'autres rapports de pouvoir au sein de l'école. Une de ces modifications touchera la réorganisation des programmes scolaires. Quel sera le rôle des enseignantes et des enseignants dans la détermination des programmes?

Et ce virage, est-ce un virage mâle? Les priorités gouvernementales visent les techniques dites masculines reliées aux secteurs de pointe. Qu'entend faire le gouvernement des 180 000 femmes en chômage qui veulent se recycler? Les aurait-il oubliées? Vont-elles se diriger vers les techniques dites féminines reléguées aux oubliettes par le gouvernement? Mais notre intention n'est pas de conserver ces ghettos. Il nous semble important que les étudiantes aient accès aux techniques dites masculines parce que nous évaluons que, de façon précise, ce sont les techniques dites féminines au cégep qui paraissent menacées de disparition ou de profonde transformation. Les responsables des programmes à la DGEC en sont très conscients.

Nous savons que ces techniques ont été très durement touchées par les coupures de personnel dans le domaine des services sociaux et de la santé. D'autre part, l'informatisation du secteur tertiaire fera disparaître les emplois intermédiaires et toute une série d'emplois qui, jusqu'à maintenant, étaient occupés par des techniciennes en laboratoire, de diététique, en secrétariat. La déqualification des tâches et une réduction de la polyvalence à sa dimension la plus simpliste et monotone s'ensuivront. Cela a été mis en évidence dans une recherche de l'IRAT sur l'impact des nouvelles technologies sur l'emploi. D'autre part, le gouvernement laisse planer depuis au moins un an la fermeture d'une des techniques dites féminines la plus populeuse au cégep, technique de secrétariat. Que restera-t-il des techniques dites féminines? Nous n'en savons rien. Mais nous savons qu'aucune mesure concrète n'est prise pour garder ces techniques au collégial. C'est l'incertitude.

Nous avons aussi une question à poser qui est hors du texte: est-ce exact ce que nous venons d'apprendre que la décision serait prise au sujet des techniques de secrétariat et que celles-ci seraient transférées au secondaire? Nous venons d'apprendre cela. On aimerait avoir la réponse tantôt à cette question. C'est M. Paul-Henri Lamontagne qui vient de nous donner cette réponse.

Le CEC sera-t-il le lot des techniques dites féminines non régies par des corporations ou associations professionnelles?

Le Président (M. Blouin): Un petit moment, Mme Pellerin, s'il vous plaît.

M. Ryan: Pourriez-vous répéter la nouvelle que vous dites avoir apprise? J'ai eu un moment de distraction.

Mme Pellerin: Nous avons appris que la décision serait prise au sujet des techniques de secrétariat à savoir que celles-ci passeraient du collégial au secondaire. C'est un dénommé - comment s'appelle-t-il encore? - M. Lamontagne... On vient d'avoir un appel téléphonique de Montréal à ce sujet.

M. Ryan: Après l'étude DELPHI.

Le Président (M. Blouin): Le ministre signale que la montagne a accouché d'une souris. Je ne sais pas si...

Mme Pellerin: Pardon?

Le Président (M. Blouin): Je vous dis que le ministre signale que la montagne aurait accouché d'une souris.

M. Campeau (Robert): C'est qu'il y a plusieurs souris qui se promènent.

Le Président (M. Blouin): Très bien, vous pouvez poursuivre.

Mme Pellerin: En tout cas, on a eu un appel téléphonique de Montréal. Le CEC sera-t-il le lot des techniques dites féminines non régies par des corporations ou associations professionnelles? Les étudiantes auraient-elles plus tendance à choisir cette voie que les étudiants? Les femmes vont-elles se retrouver encore dans des secteurs dits traditionnels de l'emploi peu qualifiés et peu rémunérés comme exécutantes dans la préparation des aliments dans le soutien médical, dans le service de nettoyage et d'autres services moins susceptibles d'être

informatisés ou automatisés?

La réorganisation des programmes au collégial semble plus favorable aux hommes qu'aux femmes. La liste des métiers désignés de compétence nationale par le gouvernement fédéral nous convaincra que ce sont surtout les techniques dites masculines qui seront privilégiées dans ce virage fait par les hommes et pour les hommes qui sortiront comme main-d'oeuvre hautement qualifiée.

De même la volonté du gouvernement québécois de mettre l'accent sur une correspondance entre les secteurs clés de l'économie et les compétences à former l'amène à privilégier les techniques dites masculines au cégep. Parmi les 21 secteurs d'activité choisis par le gouvernement, les deux tiers favorisent déjà les techniques dites masculines. Dans ce cadre d'établissement d'une carte nationale des programmes, la régionalisation va-t-elle être au désavantage des étudiantes concentrées majoritairement au secteur professionnel en fusionnant ou en faisant disparaître des techniques dites féminines?

La création des centres spécialisés ne concerne que les techniques dites masculines. Les centres de main-d'oeuvre et le gouvernement font jouer le manque de débouchés et de spécificité des programmes dits féminins du collégial par rapport au secondaire.

En cherchant à préparer des programmes professionnels conformes au marché économique futur, le MEQ ne fait-il pas l'erreur de reproduire au sein des programmes la bipolarisation des qualifications: d'une part, en privilégiant une main-d'oeuvre masculine hautement qualifiée et rémunérée, reliée aux nouvelles technologies; d'autre part, une main-d'oeuvre féminine peu qualifiée, ou pas du tout, et peu rémunérée qui va continuer à s'engager dans les secteurs dits traditionnels? Comme enseignants et enseignantes, nous ne pouvons pas accepter ce découpage des programmes en fonction des rôles sexuels. Nous pensons qu'au moment des modifications de programmes scolaires, l'État doit tenir compte des effets de ces transformations sur les étudiantes et les femmes en général de façon à ne pas renvoyer ces dernières à la maison. De plus, de véritables mesures d'accessibilité aux techniques dites masculines s'imposent pour les étudiantes.

La FNEEQ refuse un PREC qui institutionnalise un modèle d'école permettant et/ou accentuant la discrimination des femmes dans les programmes scolaires; une soumission mécanique de l'école au marché du travail; une abdication silencieuse en faveur du fédéral du champ de juridiction provinciale en matière de formation professionnelle des adultes. Prioritairement, la FNEEQ demande au gouvernement de véritables mesures d'accès à l'égalité pour les étudiantes.

Je passe la parole à Mme Achard.

Mme Achard (Flavie): La nécessité d'une formation de base large et polyvalente. Lors de la conférence des ministres de l'Éducation du Canada sur l'enseignement postsecondaire dans les années 1980, qui a eu lieu l'année dernière à Toronto, M. Laurin a réaffirmé la nécessité d'une formation de base large et polyvalente. On retrouve le même discours dans les propositions sur la formation professionnelle des jeunes. Mais est-ce dans le but d'assurer des "formations de base fondamentales, solides et larges" que le ministère propose de nouveaux cheminements pour les étudiantes et étudiants du secteur professionnel au niveau collégial? Je suis à la page 28. Peut-être le ministère considère-t-il que la formation de base acquise jusqu'en secondaire V suffit largement à l'insertion d'une certaine catégorie de jeunes à la vie active. C'est sans doute pourquoi il se permet de multiplier les filières professionnelles tout en y diminuant la formation générale, de redéfinir les programmes de ce secteur et d'instaurer un système d'unités de formation capitalisables. Une formation professionnelle "pointue" devient le lot des étudiantes et étudiantes qui se destinent immédiatement au marché du travail. Tout ceci trouvant sa justification dans le caractère postobligatoire du niveau collégial - j'insiste ici parce que maintenant on ne trouve plus de postsecondaire, on parle toujours de postobligatoire - et dans l'éventuelle possibilité d'une formation récurrente. Ces mesures vont-elles dans le sens d'une plus grande mobilité professionnelle, d'une capacité d'adaptation au changement?

Pour nous, les nouvelles filières évacuent la formation générale. Si on regarde au niveau du DEC, dans le choix des cours complémentaires, si les étudiants et étudiantes ont choisi dans leur champ de concentration, ils se trouvent à évacuer des domaines du savoir. Au niveau du CEC, la formation générale n'est qu'effleurée, si on peut dire. C'est une mince couche. Et auniveau de l'AEC, il n'y en a pas du tout. C'est la surspécialisation hâtive.

Les programmes du secteur professionnel seront désormais pensés plus en termes d'adaptation à un métier qu'en termes de formation polyvalente. Il y a d'abord l'instauration de programmes de durée variable, de même que la mise sur pied des cours maison, qui peuvent être jusqu'à 40% dans le cas du DEC. Selon nous, cela permet une formation sur mesure pouvant répondre aux besoins ponctuels des entreprises.

L'élaboration et la révision des programmes professionnels se feront à partir de comités techniques composés

exclusivement de représentants du monde du travail en utilisant la méthode DACUM-DELPHI. On connaît peut-être plus la méthode DELPHI, mais la méthode DACUM est aussi pernicieuse. Si vous voulez une étude, on en a une. Cette orientation a tout pour plaire au patronat puisqu'elle lui donne un plus grand contrôle sur la formation des travailleuses et travailleurs, aux frais de l'État, souvent sans restrictions ni exigences d'aucune sorte sur l'orientation et la qualité de cette formation. Les travailleuses et travailleurs ont eux-mêmes dénoncé l'étroitesse de formation dans les entreprises au moment des audiences de la commission Jean. Non seulement cette mesure bloque-t-elle l'accès aux études universitaires, mais elle perpétue également la dévalorisation de la formation professionnelle.

On le soulignait à la CSN: "Pour nous, une véritable formation polyvalente pour les jeunes comprend non seulement un élargissement nécesaire de la formation professionnelle, mais passe aussi par ce qu'il est convenu d'appeler la formation générale." Les programmes s'articuleront autour d'un savoir pratique et utilitaire. Le système d'unités cumulatives mis de l'avant par le ministère ne favorise-t-il pas une formation sur mesure en fonction de la nouvelle machinerie introduite dans l'entreprise?

Comme le souligne d'ailleurs un document du ministère: "Face aux difficultés d'adéquation entre les modalités d'apprentissage dans le domaine professionnel et les exigences de travail devant être rencontrées pour satisfaire les besoins des employeurs, il convient d'étudier à fond et de mettre en oeuvre un système modulaire de formation appelé système de contrôle continu par unités capitalisables."

Il y a une autre citation qui, pour nous, est éloquente à ce sujet. C'est celle de M. Tilman. II dit: "L'enseignement modulaire vient encore renforcer cette atomisation de la formation. En certifiant des morceaux de formation, au sein d'un système d'enseignement toujours aussi inégalitaire, il rationalise l'éclatement de cette formation, tout en mystifiant ceux qui y sont soumis. En effet, il laisse croire aux "apprenants" qu'ils disposent d'un savoir reconnu puisque certifié, alors que cette parcelle de savoir n'a aucune efficacité professionnelle et ne pèse pas d'un grand poids dans le rapport de forces sur le marché du travail."

En pratique, le système modulaire assouplira le passage d'une section professionnelle à une autre section professionnelle mais non le passage d'une filière professionnelle à la filière générale menant à l'université. On ne peut donc parler de mobilité professionnelle verticale, mais tout au plus de mobilité horizontale.

Alors, je n'ai pas besoin de vous dire que nous ne croyons pas tellement à la théorie de l'attraction vers le haut dont nous parlait M. Lucier hier.

Une confusion évidente entre la formation initiale et la formation récurrente: Selon le ministère, il apparaît injuste d'interdire aux jeunes diplômés du secondaire l'accès à certains programmes de formation actuellement réservés aux adultes. C'est donc sous le couvert de l'accessibilité qu'on introduit un professionnel court de niveau collégial et que les jeunes étudiantes et étudiants s'engouffreront dans des voies sans issue. La solution au chômage des jeunes doit-elle passer par une déqualification de leur formation? Cette déscolarisation massive créera-t-elle de nouveaux emplois?

En agissant de la sorte, le ministère sanctionne les abandons scolaires prématurés: L'étudiante qui aura obtenu un CEC ou un AEC croira sa formation terminée et sortira plus tôt du système scolaire. Une formation de base large leur aurait pourtant permis de bénéficier par la suite des multiples occasions de formation ultérieure facilitant la mobilité professionnelle.

Cette démarche semble ignorer la situation actuelle de l'emploi que nous avons décrite au début particulièrement dans le secteur privé où la majorité des travailleuses et travailleurs n'est syndiquée. La crise permet aux employeurs de maximiser la relation avantage/coût en matière d'embauche.

Plus un jeune est instruit, plus sa collaboration au sein de l'entreprise risque d'être rentable. Pourquoi engagerait-on un détenteur de CEC en informatique, par exemple, quand on a le choix d'engager un candidat ou une candidate possédant un DEC ou un baccalauréat au même salaire?

Il apparaît évident que les finissantes et finissants du secteur professionnel auront à remplir des tâches diverses, souvent même en dehors de leur champ de spécialisation. Des aller-retour continuels entre l'école et le marché du travail sont à prévoir. Cette démarche ne saurait s'appuyer sur une formation initiale pointue.

C'est pourquoi la FNEEQ réaffirme la nécessité d'une formation de base la plus large possible, aussi bien générale que professionnelle.

La génération des "VIC 20" a-t-elle encore besoin de philosophie? Je pense que maintenant nous devons dire: La génération des Comterm-Matra.

Devrait-on aller jusqu'à soupçonner, chez ceux qui nous gouvernent, un quelconque intérêt politique à vouloir réduire les cours de philosophie au moment où il semble plus nécessaire que jamais que se refassent les débats fondamentaux au Québec? En termes plus restreints, y en a-t-il qui souhaitent qu'on prenne le "virage" sans avoir eu l'occasion de le penser, de le comprendre, de critiquer les valeurs et les

priorités qu'il nous impose?

L'implantation de nouveaux cours au détriment de l'enseignement de la philosophie nous paraît constituer un geste d'autant plus absurde et cynique que les professeurs de philosophie du Québec, en collaboration avec la DGEC et le Service des programmes, viennent à peine de mettre la dernière touche à une refonte des quatre cours. Or, avec la dernière version du PREC, quatre années de réflexion et de consultation s'envolent en fumée, avant même que le nouveau programme puisse être appliqué.

Il y a lieu de rappeler que c'est seulement au collégial que les étudiantes et étudiants, dans leur ensemble, peuvent suivre de façon systématique des cours de philosophie. Plus encore, c'est seulement au collégial que les étudiantes et étudiants peuvent faire une démarche suivie de réflexion critique. Ignore-t-on que le but de l'enseignement de la philosophie consiste non pas uniquement à découvrir par une introduction ce qu'est la réflexion, mais aussi et surtout à en faire?

Je continue à l'autre page. En cette époque où nous sommes plus que jamais bombardés d'idées reçues, de mythes, de croyances télé-publicisées à coeur de jour, il est indispensable que les étudiantes et étudiants puissent profiter pleinement de ce "moment d'arrêt réflexif et critique" que constituent les cours de philosophie.

La plus grande "variété" de cours offerts dans le nouveau tronc commun ne garantit pas, à notre avis, le type spécifique de liberté de pensée propre à la réflexion philosophique. Nous savons que les autres disciplines abordent des questions de réflexion fondamentale. Nous devons reconnaître que c'est seulement à l'occasion d'une démarche philosophique que ces questions sont abordées systématiquement et de façon globale.

Mme Pellerin: Comme la fédération représente cinq cégeps anglophones, ce qui veut dire 2000 professeurs, et qu'on parle toujours de philosophie mais pratiquement jamais de "Humanities", on a préparé une page sur "Humanities" que je vais vous lire en anglais.

Humanities: An effort of synthesis. In addition to the arguments cited concerning the necessity to conserve, in its entirety, the philosophy programme in the Francophone CEGEP's, we would also like to refer to the uniqueness of the Humanities programmes in the Anglophone CEGEP's. Since 1969, these programmes have evolved into an exemplary approach to the general education requirements of CEGEP studies. Referring to the broad rubric of humanity and the complex world which surrounds it, the approach and orientations is thematic and multidisciplinary founded upon four major themes: 1- World views, 2- Knowledge, 3-Creativity, 4- Focal issues. Each student is required to choose one course from each theme as part of his or her compulsory course requirements for the CEGEP diploma, DEC.

Briefly stated, Humanities represents a fundamental pedagogical goal founded upon the necessary to bring together those concepts and approaches offered to students in the traditional disciplines within a programme of integrated learning and studies. Each theme represents an essential part of this overall goals and our Federation finds it unacceptable to propose the elimination of any component of the programme.

Our complex world cries out for a synthesis of understanding and comprehension. That is the service which Humanities provides in the Anglophone CEGEP's as part of each students general education. To cut this programme in any way or form is to do them a disservice.

Mme Achard: La distinction jeunes-adultes. Le travail fait par la commission Jean a démontré les besoins spécifiques des adultes par rapport à ceux des jeunes. L'expérience de vie et de travail des premiers les situe différemment par rapport à leur processus de formation. Faire disparaître la distinction administrative entre jeunes et adultes, cela veut non seulement dire rendre accessibles à des jeunes des programmes conçus par les adultes, mais c'est aussi s'engager dans un processus de négation des besoins spécifiques des adultes, surtout dans cette période de coupures budgétaires où l'éducation des adultes est constamment sacrifiée. Rappelons que le gouvernement n'a toujours pas sorti sa politique d'éducation des adultes.

Les conditions matérielles de travail et d'études des adultes, leur situation insécurisante de retour aux études, leur préparation souvent moins académique que celle des jeunes font que les adultes ont besoin de supports et services spéciaux leur permettant vraiment d'avoir accès à la formation de niveau collégial.

À la CSN, quand nous revendiquons l'intégration de l'éducation des adultes au système public d'éducation, il n'est pas dans nos perspectives de faire disparaître la distinction qui existe entre jeunes et adultes. Nous reconnaissons qu'il existe des différences spécifiques entre ces deux types de clientèle et que le système scolaire doit en tenir compte au niveau des structures pédagogiques et administratives.

C'est pourquoi nous revendiquons la constitution d'un seul réseau d'éducation où nous reconnaissons la spécificité de l'éducation des jeunes et celle de l'éducation des adultes.

Ce que nous demandons, c'est un décloisonnement entre les deux secteurs en vue de permettre aux enseignantes et enseignants actuellement engagés comme pigistes d'être en contact avec l'ensemble du département, tout en valorisant des approches pédagogiques correspondant aux besoins des adultes et des travailleurs. C'est la qualité des services pour les adultes comme pour les jeunes. C'est l'utilisation de la façon la plus adéquate possible du corps professoral et des ressources humaines des institutions scolaires. C'est la possibilité pour les professeurs de l'éducation des adultes d'avoir les mêmes conditions de travail et de rémunération que les professeurs qui se trouvent actuellement au niveau régulier.

Je voudrais maintenant vous parler du métier d'enseignante et d'enseignant car cela nous tient passablement à coeur.

Le Président (M. Blouin): Mme Achard, nous allons excéder de quelques minutes 18 heures pour vous permettre de compléter votre présentation.

Mme Achard: Je remercie la commission, surtout qu'on a travaillé fort pour vous présenter cela.

Les enseignantes et enseignants sont parmi les principaux artisans des cégeps. Ils ont adhéré à l'effort de démocratisation scolaire que constituait la création de ces institutions où étudiantes et étudiants du professionnel côtoient celles et ceux du général, où elles et ils suivent ensemble des cours communs et obtiennent un même diplôme, le DEC. Les enseignantes et enseignants ont mis sur pied les départements. Ils ont constitué les coordinations de matières responsables des programmes et des cours. Ils ont monté les laboratoires, etc. Depuis 15 ans, elles et ils prennent de l'expérience, rodent ce système, modifient les programmes selon l'évolution du marché du travail, évoluent avec les nouvelles situations. L'âge des étudiants est moins élevé maintenant dans les cégeps. Il y a des modifications dans la préparation en raison de l'influence des médias électroniques. Il y a de nouvelles valeurs telles que l'amélioration de la qualité de la vie. Les enseignants et les enseignantes ne se sentent pas déphasés parce que la relative autonomie dont ils disposaient - je dis bien disposaient puisque maintenant, avec les décrets, on a un contremaître dans le département - leur a permis d'expérimenter, d'innover, de garder leur dynamisme et cela, sans représailles. (18 heures)

La dernière ronde de négociations a été marquée par le mépris du travail de ces enseignants et enseignantes - elles et ils ne s'y reconnaissaient pas - et cela continue avec le PREC. On veut faire des professeurs des exécutants qui n'auront qu'à appliquer les normes du ministère ou du collège. Le plan de cours devra désormais être conforme au plan-cadre et présenté selon une forme déterminée. Le collège pourra changer la note d'une étudiante ou d'un étudiant pardessus le comité de révision des notes composé d'enseignants et d'enseignantes. Cependant, ce comité constitue un mécanisme de recours valable pour les étudiantes et les étudiants.

En ce qui concerne l'évaluation des apprentissages, le CA s'occupera de cela par une politique institutionnelle d'évaluation. On se demande comment, sous le couvert de sauvegarder le droit des étudiantes et des étudiants à une évaluation adéquate, il sera possible de dire aux enseignants comment évaluer des cours aussi divers que la philosophie, les arts, les mathématiques, la diététique, la musique. Quelle est la compétence du CA en de tels domaines? Depuis le début, les départements se sont acquittés de cette tâche correctement et nous croyons que cela devrait continuer ainsi. Plus on instaure des normes, des règlements dans un système, moins il est créateur et dynamique, plus il est sclérosant et terne. Cette autonomie relative de l'enseignante et de l'enseignant permet une relation dynamique avec ses étudiantes et étudiants. Celles-ci et ceux-ci ne peuvent intervenir dans leur processus d'apprentissage que dans la mesure où il y a une possibilité d'aménagement, mais si tout est déterminé par le ministère ou le collège, cela n'est pas possible.

Le contenu de la formation à dispenser influence également la relation professeur-étudiant. Les enseignantes et enseignants ont à coeur d'outiller l'étudiante et l'étudiant pour leur vie personnelle et sociale, de développer leur esprit critique, de leur transmettre des connaissances qui leur permettront de comprendre la société dans laquelle on vit, de les préparer à une plus grande indépendance sur le marché du travail. Ce sont des dimensions importantes des droits des étudiantes et des étudiants. Mais le ministère n'en parle pas. Il donne suite à sa conception étroite et autoritaire de ces droits. Il a adopté, au mois de juin, à la vapeur, la loi 32, alors que la majorité des intervenants n'était pas d'accord. Aujourd'hui, il transforme le régime pédagogique en un règlement qui encarcane la relation professeur-étudiant.

Il faut bien parler de la sécurité d'emploi. Non seulement le PREC, en continuité avec les décrets, s'attaque-t-il au métier d'enseignante et d'enseignant, mais il entraîne à court terme des coupures et des déplacements de personnel importants. La loi 105 avait d'ailleurs prévu cela. Ce n'est pas sans raison qu'on a réduit le salaire des mis en disponibilité, qu'on les rend plus mobiles.

II y a également plusieurs mesures d'encouragement à la démission; l'acquisition de la permanence est quasi impossible pour les nouveaux dans les cégeps, de sorte que les statuts précaires sont multipliés. Finalement, il y a le nouveau calcul du temps partiel qui est injuste et scandaleux.

Les coupures et les déplacements de personnel se retrouveront où? Tout d'abord, vous avez la suppression des cours de philosophie. Le ministère dit qu'au moins 200 enseignants et enseignantes seront touchés. La mise sur pied d'un cours d'histoire ou d'économie entraînera-t-elle de nouveaux engagements ou plutôt le recyclage des enseignants et enseignantes en surplus? Quant à la nouvelle orientation des cours complémentaires, cela affectera certainement les disciplines dites de service. Si les étudiants choisissent leurs cours complémentaires dans leur champ de concentration, les disciplines générales vont certainement y goûter. Les programmes de durée variable au secteur professionnel vont affecter les professeurs du professionnel. Le DEC aura entre 32 et 65 unités alors qu'actuellement, c'est aux alentours de 60. Le CEC comprendra un maximum de 50 unités et l'AEC aura 15 unités environ.

De même, si la clientèle du secteur professionnel décidait massivement d'aller au CEC, il y aurait des répercussions très sérieuses avec la disparition des cours de formation générale. Il y a des enseignants du cégep de Saint-Jérôme qui ont fait une simulation de ce qui arriverait dans leur cégep si la moitié des étudiants et des étudiantes passait au CEC; c'est aussi basé sur le fait que la moitié choisirait ses cours complémentaires dans son champ de concentration; c'est aussi basé sur le fait qu'il y aurait une nouvelle clientèle à l'éducation des adultes, une clientèle supplémentaire et, malgré cela, le résultat est une réduction des effectifs de 17%. Je pense que ce sont des choses importantes à dire aujourd'hui alors qu'il y a une augmentation de clientèle dans les cégeps, qu'on vient de faire des coupures l'an dernier et qu'on s'apprête à en faire au printemps prochain.

La dévalorisation du métier d'enseignante et d'enseignant ne pourra pas rester sans conséquences sur l'enseignement. Résumons le tableau: Vous aurez des professeurs surchargés ayant de moins en moins le temps de rencontrer les étudiantes et étudiants, qui vont avoir un horaire ouvert jusqu'à 23 heures - peut-être même la nuit; cela se peut bien, dans l'industrie on a des corps de travail - à qui on imposera des contrôles de plus en plus nombreux, qu'on désappropriera de leur travail au niveau du plan de cours, de l'évaluation, de la planification des programmes et des cours, qu'on écartera du processus d'équivalence et de reconnaissance des acquis, qu'on confirmera de plus en plus dans des statuts précaires permanents. Ce n'est pas rare, il y a tout un "staff" de professeurs à temps partiel qui se promène depuis des années d'un cégep à l'autre sans jamais pouvoir avoir accès à un emploi permanent. Cela déstabilise également les équipes départementales qui sont sans cesse confrontées à des coupures de personnel dont une des conséquences est la disparition des enseignantes dans les cégeps. Vous savez que les plus jeunes, ce sont les enseignantes dans le corps professoral; dernières arrivées, premières sorties, et on a commencé à voir l'effet des décrets dans ce sens. Il y a également les salaires qui ont été coupés de façon importante.

Les États-Unis viennent de s'apercevoir qu'avec de telles mesures ils ont fait subir un recul important à la qualité de la formation des jeunes Américaines et des jeunes Américains. Le gouvernement québécois ne semble pas avoir compris la leçon et il continue ses attaques contre les enseignantes et enseignants. Et tout cela, c'est sous le couvert d'une plus grande démocratisation.

C'est sûr que les cégeps, c'est un acquis indéniable pour la démocratisation scolaire. Mais qui dit accessibilité ne dit pas nécessairement démocratisation, car, même si les masses ont accès à l'école de façon physique, cela ne veut pas dire que l'école ne soit pas encore faite pour une élite: la petite minorité qui va aller à l'université, ce qui est effectivement le cas.

Par le PREC, on ne fait que consacrer institutionnellement les inégalités en offrant à chaque type de clientèle une filière qui lui convient. Or, ces filières n'ont pas toutes la même valeur quant à la formation générale, à la polyvalence de la formation professionnelle et quant à l'accès au marché du travail. Il est manifeste qu'au lieu d'effacer les inégalités le PREC tendra à les reproduire et à les maintenir. Tous et toutes auront accès à l'éducation, mais chacune et chacun à partir d'une filière préétablie selon son niveau.

En résumé, ce départage des étudiantes dans des filières préétablies, selon des qualités souhaitées, constitue une mobilité parrainée par l'État. On pourrait la comparer à une série d'escaliers mécaniques qui mèneraient l'enfant vers l'étage qui lui est destiné. Au lieu des haltes temporaires, ces étages représenteraient de façon définitive ou la classe ouvrière, ou la classe moyenne, ou la haute société. Encore une raison pour nous de ne pas croire à la théorie de l'attraction vers le haut.

La démocratisation scolaire se fonde sur deux principes intimement liés pour nous: une plus grande accessibilité à l'école pour les classes populaires et une plus grande

égalité face au savoir, c'est-à-dire la disparition du cloisonnement imposé par les filières à l'intérieur de l'école. Si le tronc commun des cours obligatoires permet à tous de se voir reconnaître les mêmes droits, le même statut et d'aspirer aux mêmes chances, ce n'est pas uniquement en raison du caractère obligatoire des cours, mais aussi à cause du contenu spécifique de la formation offerte. Il y a les cours de philosophie, les cours de français, les cours d'éducation physique. Il y a eu plusieurs sourires hier quand on a parlé des cours d'éducation physique. Pour nous, cela est essentiel en ce moment, avec le type de stress qu'il y a dans notre société, d'avoir ce genre de cours. Ces différents cours ont comme vocation propre de permettre à l'étudiante et à l'étudiant de s'assumer comme personne intégrale au niveau de la pensée libre et critique, au niveau de la langue et au niveau du corps. Pour nous qui oeuvrons au collégial depuis les quinze dernières années, ce choix ne paraît pas arbitraire. Au contraire, il est lié à une conception de l'éducation et à des valeurs que l'enseignement collégial doit promouvoir.

Je vais résumer ce bout. La stratégie gouvernementale en matière de démocratisation doit viser à réduire les véritables obstacles à la fréquentation scolaire. Or, les principaux facteurs qui empêchent les adultes de retourner aux études sont d'ordre situationnel. On en a identifié trois pour nous: le premier, c'est le manque de temps; les adultes ont beaucoup de difficulté avec leur travail à revenir aux études. Le deuxième, c'est le manque d'argent, et le troisième, cela concerne surtout les femmes et cela a été identifié par la commission Jean. C'est, d'une part, le manque de support comme les garderies et, pour une catégorie de femmes, 20% - c'est quand même important - c'est un manque de confiance en elles qui font qu'elles ne reviennent plus au cégep.

À la page 50. La FNEEQ propose des moyens concrets pour les grands objectifs de démocratisation, à savoir que le gouvernement arrête les coupures en éducation, qu'il mette des ressources supplémentaires pour les vrais problèmes pédagogiques, qu'il ouvre réellement le cégep aux clientèles défavorisées en mettant sur pied des programmes d'accueil conduisant au niveau collégial, qu'il améliore le système de prêts et bourses et les conditions matérielles d'études des étudiantes et des étudiants sans discrimination dans le choix de programmes des étudiantes et des étudiants; qu'il réduise l'inégalité actuelle entre le nombre de professeurs femmes et le nombre de professeurs hommes dans les cégeps; qu'il arrête tout le processus de transfert de programmes de ghettos féminins aux écoles secondaires et possiblement aux universités.

Mme Pellerin: Je vais vous faire la conclusion, cela va être assez rapide, c'est à la page 51. On dit: Le projet de règlement des études collégiales soumis à la commission parlementaire par le ministère de l'Éducation suppose une conception de l'éducation à laquelle nous n'adhérons pas et nous l'avons exposé amplement.

Nous pensons également que ce projet, loin de refaire le régime pédagogique des cégeps en fidélité aux grands objectifs qui ont présidé à la création de ces institutions, met en péril leur existence même. Rassemblons les différents éléments du casse-tête: On envoie au secondaire des options parmi les plus populeuses; on raccourcit les programmes professionnels; on voit fermer des options par le processus de régionalisation; on envoie les techniques lourdes dans des centres spécialisés ou dans des départements avec un statut particulier; l'enseignement à distance se développe rapidement grâce aux nouvelles technologies et la filière générale se porte très bien dans les collèges privés. Nous craignons que tout cela signifie l'éclatement des cégeps. Et vous avez, l'éclatement des cégeps, un schéma qui représente notre hypothèse à la page suivante. Et à la page 53, vous avez une résolution qui a été adoptée par la FNEEQ dans son instance la plus large, celle qui regroupe les représentants de tous les collèges. On dit que c'est pourquoi la FNEEQ a rejeté unanimement le projet de règlement des études collégiales tel que présenté et réclame du gouvernement le retrait de ce projet de loi. Vous avez tous les "parce que" qui expliquent pourquoi nous avons rejeté, on s'est débattu. Et, à la page 56, ce qu'on réclame du gouvernement avec les attendus.

Attendu que le PREC a pour effet de changer profondément la mission des cégeps sans que cela fasse l'objet d'un débat large dans la population et chez les principaux intervenants, contrairement à ce qui s'est passé lors des réformes des années soixante qui avaient créé ces mêmes institutions;

Attendu que le PREC constitue la pièce maîtresse d'une contre-réforme globale du système d'éducation québécois particulièrement en ce qui concerne la formation professionnelle; la FNEEQ réclame du gouvernement un débat public large sur le projet de règlement des études collégiales et l'ensemble des contre-réformes et cette commission parlementaire ne saurait tenir lieu de ce débat public. Pour nous, elle n'en est qu'un élément.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Pellerin.

Mme Pellerin: Nous allons aussi vous donner une pétition que les professeurs ont commencé à signer à travers les collèges.

Nous en avons une partie aujourd'hui; on vous envoie le reste dès qu'on les reçoit. Parce que le peu de temps qu'on a eu, la pétition s'est signée quand même; alors, on va aussi vous la donner.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Merci beaucoup, Mme Pellerin. Sur ce, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures et à 20 heures, nous entamerons l'échange entre les parlementaires et les représentants de la FNEEQ.

(Suspension de la séance à 18 h 13)

(Reprise de la séance à 20 h 10)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Nous avons entendu, avant la pause pour le souper, la FNEEQ, la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec, nous présenter le contenu de son mémoire. Nous avions convenu que nous reprendrions nos travaux avec l'échange entre les parlementaires et la fédération. M. le ministre.

M. Laurin: Je veux, d'abord, remercier la FNEEQ pour son mémoire très étoffé. Elle nous a dit qu'elle y a mis beaucoup d'efforts, beaucoup de travail et cela se sent. Je la remercie pour cet effort.

Je sens, évidemment, dans une grande partie de ce mémoire qu'il est présenté peu de temps après que le décret gouvernant maintenant le collégial est entré en vigueur. On sent que les réactions sont encore très vives et il n'est pas étonnant d'y rencontrer un ton polémique qui prend parfois l'allure d'un réquisitoire. Je le reconnais et je le constate. Mais, au-delà de cela, je sens, évidemment, dans le mémoire, une grande préoccupation et une grande inquiétude que je partage en ce qui concerne la situation économique actuelle, la crise que nous vivons, le chômage qui nous frappe, les moyens que nous essayons de trouver tous ensemble en tant que société pour y remédier.

Dans son mémoire, la FNEEQ aurait souhaité que le gouvernement du Québec se conduise un peu comme le gouvernement fédéral et augmente son déficit pour parer aux effets néfastes de la crise que nous venons de vivre. Évidemment, si nous avions accru considérablement notre déficit, il aurait été possible d'éviter certaines des mesures que nous avons cru opportun de prendre comme les compressions budgétaires, les réductions d'effectifs, la réduction même de certains services en matière de santé et d'éducation. Mais, malheureusement, il s'est avéré impossible de le faire, d'abord parce que nous ne sommes pas le gouvernement fédéral. Nous n'avons pas de machines à fabriquer de l'argent comme la Banque du Canada. Nous n'avons pas les pouvoirs que possède le gouvernement fédéral, d'une part et, d'autre part, il fallait surveiller de très près notre pouvoir d'emprunt, nos équilibres financiers et l'augmentation du service de la dette. Et pour maintenir l'équilibre budgétaire aussi bien que pour maintenir la santé et même redresser la santé de notre budget et de notre économie, il a fallu procéder à des réajustements qui ont été aussi douloureux pour nous que pour ceux qui, dans la société, ont eu à les subir. Je retrouve un peu cette même préoccupation dans le reste du mémoire.

Il est évident que, si nous pouvions avoir à notre disposition des ressources budgétaires accrues, nous apporterions des solutions plus immédiates et probablement plus adaptées aux divers problèmes auxquels nous sommes confrontés. Mais, malheureusement, ce n'est pas le cas. Je ne crois pas que, en face du nombre, de la diversité, de l'ampleur des problèmes que nous avons à régler actuellement dans tous les secteurs, nous puissions, avec les ressources qui sont à notre disposition, les régler subitement, magiquement et profondément comme nous pourrions peut-être le faire si les ressources ne nous manquaient pas. C'est là, je pense, un préalable qu'il nous faut tous accepter.

Il y a un autre élément du mémoire qui m'a frappé. La FNEEQ regrette que, dans l'accord que nous avons signé avec le fédéral, particulièrement avec le ministère de l'Emploi et de l'Immigration du Canada, nous ayons comme obéi aux diktats du gouvernement fédéral. Malheureusement, je dois bien constater que c'est le cas parce qu'on nous a présenté un contrat avec une sorte de couteau sous la gorge en nous disant: Nous qui pouvons faire des déficits, nous qui pouvons consacrer à ce chapitre des centaines et des centaines de millions, nous avons préparé un programme et, si vous n'acceptez pas ce programme, vous n'en aurez pas les avantages.

Évidemment, dans ces circonstances, même si nous avons négocié durement, avec acharnement même, il a fallu, malgré tout, passer sous les fourches caudines du gouvernement qui avait la juridiction qu'il s'est arrogée en grande partie et surtout les moyens financiers. Nous avons, malgré tout, réussi à améliorer quelque peu l'accord antérieur, par exemple, en acquérant un plus grand contrôle sur l'exécution de ces politiques. Il reste, cependant, que nous avons dû accepter en gros le programme qui nous était imposé et particulièrement cette définition des besoins nationaux dont vous parlez dans votre mémoire. Ce n'est donc pas de gaieté de coeur que nous l'avons fait et nous préférerions de beaucoup, comme

nous le disons depuis longtemps, rapatrier tous les fonds que nous envoyons au fédéral en même temps que tous les pouvoirs et juridictions. En ce sens-là, c'est un souhait que je continue d'exprimer et qui nous permettrait, évidemment, de mieux régler ces problèmes.

J'ai été aussi intéressé et frappé par ce que vous disiez sur le virage technologique. Évidemment, c'est un virage qu'il nous faut prendre, même s'il ne faut pas penser qu'il va régler tous nos problèmes. Il y a certains secteurs qu'il importe de moderniser sans qu'on entre dans la technologie de pointe. Il y a, bien sûr, des secteurs nouveaux à ouvrir et ceux-là se situent davantage dans les nouveaux créneaux des technologies de pointe, mais il ne faut pas penser, quand même, que les seuls efforts doivent se concentrer sur ce virage technologique.

En ce qui concerne ce virage technologique, vous dites qu'il semble s'orienter, un peu comme tous les virages antérieurs, vers une sorte de maintien et même d'accroissement de la différence entre les professions ou les carrières masculines et féminines. Vous semblez dire que, avec l'appui ou la complicité des gouvernements, le virage sera pris d'une façon qui va désavantager les carrières ou les clientèles féminines. Évidemment, nous héritons d'une situation qui nous a précédés. Il n'est pas facile d'effectuer des redressements même s'il faut s'y employer.

En ce qui concerne le virage technologique, je crois quand même - et j'avais l'occasion de le dire récemment lors de l'ouverture du Salon de la science et de la technologie - que nous avons fait d'assez grands progrès en ce qui concerne l'insertion des femmes dans ces nouveaux secteurs. J'ai alors donné des statistiques qui montraient qu'au collégial en particulier l'augmentation de la proportion des femmes dans les carrières auparavant considérées comme masculines, particulièrement dans les carrières du génie et de l'informatique, était marquée et on pouvait penser qu'elle continuerait à s'accélérer dans l'avenir. Et ceci jusqu'aux filières universitaires même si le progrès à l'université est moins marqué et qu'il faut que les autorités universitaires se joignent aux efforts qui sont faits pour l'accélérer.

Je voudrais faire une autre remarque. Je pense qu'il faut accélérer ce virage par des campagnes d'information scolaire et professionnelle, des campagnes de promotion. Cela a cours actuellement bien qu'il faille peut-être l'accélérer et l'intensifier en persuadant les parents, aussi bien que les filles, que dans ces nouvelles carrières il y a place pour les femmes beaucoup plus que les femmes ne le croient. Justement, au fur et à mesure qu'on informatise, qu'on télématise ou qu'on robotise, l'effort physique associé jusqu'ici aux carrières masculines est de moins en moins important, pour ne pas dire accessoire ou nul. Il devient possible aux femmes d'entrer d'une façon massive dans ces nouvelles carrières. Cela vaut également pour certaines carrières reconnues antérieurement comme masculines où l'informatisation, peut-être, fait disparaître certains emplois, mais maintient les emplois où les femmes deviennent de plus en plus expertes.

Nous travaillons actuellement sur des techniques de secrétariat et c'est justement notre intention non pas de faire disparaître le DEC au secrétariat ni au secondaire, mais de tenir compte des progrès qui ont été faits pour moderniser les deux cours en question, d'instaurer une continuité entre le secondaire professionnel et le collégial et, justement, de rehausser de beaucoup la qualité de la formation reçue au collégial dans les techniques de secrétariat pour les ajuster aux nouveaux progrès que la technologie nous permet de faire dans ces domaines.

Je suis donc un peu moins pessimiste que vous à cet égard. Je crois qu'il y a place et qu'il y aura place de plus en plus pour les femmes dans ces carrières du virage technologique. Le gouvernement, pour sa part, et le ministère de l'Éducation en particulier entendent bien faire tous les efforts pour accélérer ce mouvement de redressement et de progrès en ce sens.

Je relève aussi dans votre mémoire quelques inexactitudes. Par exemple, à la page 44, vous dites que les chiffres bruts ne doivent pas nous faire oublier qu'à peine 45% des nos étudiantes et étudiants finissent le secondaire. Les chiffres que nous avons en main et que nous avons cités à cette commission montrent qu'au contraire, en 1982, c'est 74% des étudiants et des étudiantes qui finissent le secondaire. Vous ajoutez qu'à peine 25% de nos jeunes se rendent au cégep. En 1982, c'est 47% de nos jeunes qui accèdent aux études collégiales. De la même façon, vous nous faites dire que nous voulons instaurer des unités cumulatives capitalisables. Je ne sais pas où vous avez pris cela parce que le PREC ne mentionne aucunement cette nouveauté. Peut-être avez-vous confondu le mot "unité" qui apparaît dans le projet de régime pédagogique avec les anciennes unités capitalisables dont parlait un projet antérieur. Mais en réalité le mot "unité" qui paraît dans le projet ne fait que remplacer le mot "crédit" qui était antérieurement utilisé, et ce à la suggestion de l'Office de la langue française. Il n'y a donc absolument rien dans le PREC qui vous permette et nous permette de penser que nous entendons instaurer, officialiser ce système d'unités capitalisables. Je ne dis pas que je suis contre ou pour. Cela se fait actuellement dans les cégeps. Il y a des

discussions autour de cette notion, mais je ne pense pas que c'est une habitude qui est générale ou qui risque de se généraliser dans un avenir prochain malgré qu'on puisse, encore une fois, reconnaître un certain nombre de mérites à cette mesure. Mais, de toute façon, elle n'a rien à voir avec le PREC.

Vous craignez, comme beaucoup d'intervenants antérieurs, que l'introduction d'un CEC qui serait ouvert aux jeunes risque d'amener les jeunes qui sont inscrits dans la filière du DEC à pencher vers la facilité et à prendre ce nouveau certificat. Nous avons dit à assez de reprises devant cette commission que telle n'était pas l'intention du projet, que le DEC était sûrement la voie à privilégier en formation initiale et que le CEC, même s'il nous semblait qu'il fallait l'ajouter aux voies de sortie possibles, ne devait, justement, être vu que comme une voie de sortie pour les jeunes qui ont décroché et qui veulent revenir compléter leur formation afin de se qualifier davantage. Peut-être l'avons-nous balisé insuffisamment dans le projet, mais je pense bien que cette commission et les réflexions qu'elle entraîne nous amèneront à le clarifier et à le préciser davantage pour bien s'assurer que l'objectif de formation générale fondamental que nous poursuivons pour le plus grand nombre de jeunes possible continue d'être la voie d'accès normale, privilégiée pour les jeunes et que ce CEC ne soit considéré véritablement que pour ce qu'il doit être, c'est-à-dire un ajout, une autre voie qui pourrait répondre à des besoins.

De la même façon, quand vous parlez des 40% de programmes maison, je pense que c'est un peu court que de s'exprimer de cette façon. Ces programmes maison, limités à 40%, il n'est pas sûr qu'ils existeront à 40% dans les collèges; d'ailleurs, dans le plupart des collèges, on peut penser qu'ils n'atteindront que 20% ou 25%. Par ailleurs, la confection de ces programmes passe, encore une fois, par les filtres habituels, les procédures habituelles, c'est-à-dire que les programmes sont préparés dans les institutions mêmes par les enseignants, la commission pédagogique et qu'ils doivent être approuvés également par le ministère, ce qui, je pense, constitue une garantie contre cet asservissement total, complet de l'institution d'enseignement qu'est le cégep aux besoins de l'entreprise.

C'est là une préoccupation constante que vous avez. J'ai l'impression qu'il y a dans votre milieu une suspicion extraordinaire, une méfiance absolue à l'égard de l'entreprise. Je ne sais pas si c'est parce que nous vivons en crise et que l'entreprise se cherche autant que les autres secteurs de la société. Mais, de toute façon, il est très clair que les programmes d'établissement, quel qu'en soit le nombre, ne constitueront jamais une réponse bête, automatique, immédiate à quelque besoin que ce soit que l'entreprise pourrait exprimer. Les cégeps sont largement autonomes et ils y tiennent. À l'intérieur du cégep, il y a des mécanismes actuellement pour l'élaboration des programmes. Le ministère a aussi un rôle de caution à jouer et des garanties aussi à donner en ce sens. Il . est bien sûr que ces garanties constituent un frein, pour ne pas dire un empêchement, à cette situation un peu catastrophique que vous évoquez dans votre mémoire.

J'aurais aimé continuer à commenter votre mémoire parce qu'il est très intéressant. Comme le temps passe, je voudrais vous poser quelques questions, tout en vous assurant, cependant, que nous continuerons à lire et à relire ce mémoire pour continuer notre réflexion.

Ma première question touche à ce que vous affirmez en page 2, lorsque vous parlez d'une sorte de collision possible entre le projet de régime collégial et les conventions collectives. Vous pensez que le gouvernement tente de soustraire ces objets de vos conventions pour les régir par un autre décret déguisé. Évidemment, je comprends que, si peu de temps après les décrets, vous ayez une sorte d'allergie ou d'anaphylaxie à tout ce qui peut venir du gouvernement sous forme de décret...

Une voix: Ana... quoi?

M. Laurin: Anaphylaxie. (20 h 30)

Mme Achard:Filer mal.

Une voix: Filer mal?

Mme Achard: Mais habituellement c'est un choc.

M. Laurin: Le phénomène d'Arthus et de Richet.

Une voix: Ce n'est pas un médicament.

M. Laurin: Non, non, c'est encore bon. En tout cas, je voudrais rappeler que le règlement sur le régime pédagogique du collégial définit les objectifs de l'État en matière d'éducation dans les collèges, comme les régimes pédagoqiques du primaire et secondaire le font à ce niveau. Donc, les régimes pédagogiques viennent normalement encadrer les conventions collectives et non pas l'inverse.

Surtout en termes de contenu, le projet de régime pédagogique ne modifie en rien, ni les conventions collectives existantes, ni le régime pédagogique actuel sur les objets qui sont définis comme négociables. Vous avez dit qu'on voulait modifier par ce décret, par ce régime, le département, la révision de

notes, l'année scolaire, mais en réalité, en termes de contenu, ce projet ne modifie en rien les conventions collectives existantes, ni le régime pédagogique actuel sur ces objets qu'on peut définir comme négociables. Évidemment, la seule différence vient du fait que le nouveau régime serait un règlement comme c'est le cas du primaire et secondaire.

Je voulais vous demander si là-dessus vous partagiez mon point de vue.

Mme Achard: Alors, je vois que le ministre a bien réfléchi sur notre mémoire pendant l'heure du souper. Les remarques sont nombreuses. Je vais, d'abord, essayer de répondre à votre première question et je voudrais réagir un peu aux différentes remarques. Sur l'idée que c'est un règlement, je pense que c'est clair que pour nous cela enlève les objets du négociable. Je ne peux pas vous dire autre chose que cela. Avant le décret, c'était négociable, la question de la composition et des fonctions du département, et tout cela; le décret nous a chambardé cela et a mis autre chose. Dans les conventions, avant, dans la tâche du prof, il était indiqué qu'il faut faire un plan de cours, et jamais les enseignants et les enseignantes n'ont refusé de faire un plan de cours. On trouve que c'est quelque chose qui fait partie de notre tâche; c'est quelque chose qu'on présente aux étudiants en début de session et c'est la responsabilité du département.

Le régime pédagogique vient encarcaner cela. On lui dit comment le faire et quoi mettre exactement d'une façon très autoritaire et très encarcanée. C'est vraiment cela qu'on conteste. Il y a également l'évaluation des apprentissages. C'était sous la responsabilité du département; maintenant, on a mis une ligne hiérarchique au-dessus de cela. Il y a aussi quelque chose qui n'est peut-être pas d'égale importance par rapport aux autres points, mais qui est quand même important: ce sont les horaires. On avait des horaires et maintenant dans le régime pédagogique, quand on parle de définition de session et qu'on dit comment les étudiants vont prendre leurs cours, cela implique nécessairement des choses sur les horaires des enseignantes et des enseignants. C'est vraiment une série de points qui font qu'on ne peut plus négocier cela.

Il y a la révision de notes, il ne faut pas l'oublier. Quand il est dit dans un règlement que le collège a le pouvoir de réviser la note d'un étudiant s'il juge qu'il a atteint les objectifs, cela veut dire que, même si le prof ou le comité de révision de notes ont jugé que l'étudiant n'avait pas atteint les objectifs de ce cours, le collège peut juger par-dessus que oui, il avait atteint ces objectifs. C'est important pour nous.

Parmi vos remarques, vous avez indiqué que le gouvernement du Québec n'était pas une machine à fabriquer de l'argent, qu'on était dans une ère difficile financièrement; on en convient, mais l'argent que vous avez maintenant, vous le distribuez selon des choix. Vous avez fait un choix, ce ne sont pas les politiques sociales qui sont votre priorité en ce moment, ce sont les ministères à incidence économique. Les politiques sociales vont passer au second rang. C'est écrit dans vos documents qu'elles n'ont plus la même place. Alors qu'au Québec on était dans une situation de rattrapage, et on n'a pas terminé cette situation, maintenant on va arrêter les progrès qu'on avait faits en éducation.

Quant à l'entente Canada-Québec, vous dites que vous avez été pratiquement forcés de la faire, eh bien, pour moi c'est encore une question de choix. Vous avez décidé de la signer dans ces conditions, comme il y a eu des droits qu'on a laissé tomber en matière constitutionnelle. Le Québec avait un droit de veto. C'est un choix que vous avez fait à ce moment. Je pense que c'est de votre responsabilité de les assumer. Ce que nous faisons, c'est contester vos choix.

Au niveau du virage technologique, vous dites que les efforts ne doivent pas s'orienter seulement vers ces disciplines. Nous sommes bien d'accord avec cela, sauf que c'est vous qui les orientez là-dessus seulement, au niveau des bourses que vous voulez offrir aux étudiants qui vont être dans ces secteurs de pointe, au niveau des différentes mesures où vous favoriserez les emplois de l'avenir.

Par rapport au secrétariat, je ne trouve pas qu'il y a beaucoup d'assurance dans ce que vous m'avez dit sur le fait que le secrétariat va rester au collégial. Le secrétariat, en ce moment, c'est un programme cohérent qui n'a pas seulement des cours de dactylo. On y donne des cours de socio, des cours d'économique et tout cela. C'est très important. Ce qu'on va envoyer au secondaire, ce sont seulement les cours de dactylo. Le programme lui-même, on pense qu'on va l'arrêter. Ce qu'on va faire, c'est peut-être un programme de bureautique ou de choses comme cela. On ne sait pas ce qui va arriver à la secrétaire de direction pour qui on pense qu'il y a encore des possibilités d'emploi. Je ne considère pas que vous m'avez donné des assurances là-dessus.

Finalement, je vais vous répondre sur le CEC. On dirait qu'il y a beaucoup de biologistes ici. En tout cas, je me sens interpellée parce que j'enseigne la biologie. Vous parlez d'anaphylaxie. Hier, M. Lucier parlait de chaînon manquant, il parlait de diversification. Or, cela m'interpelle. C'est ce que j'enseigne dans mes cours, la diversité dans le milieu vivant. J'enseigne aussi qu'il existe deux types de sélection. Il

existe une sélection faite par l'homme en fonction de ses besoins et il existe une sélection qu'on dit naturelle, c'est la sélection du milieu.

Je considère que le CEC est une mesure de diversification, de diversité, mais, pour moi, on laisse aller l'éducation à des mesures de sélection naturelle. Ce sont les plus forts qui vont l'emporter et les plus forts, pour moi, ce sera une classe donnée, la classe ouvrière. C'est pour cela qu'on est contre les CEC.

Une voix: Pas la classe ouvrière. C'est l'inverse.

Mme Achard: C'est la classe dominante. Excusez. Je me suis trompée de chaînon. J'espère que ce ne sont pas mes gènes qui ont des problèmes. Il y a quelqu'un d'autre.

M. Campeau: Mon nom est Robert Campeau. Je suis libéré de 0,5 pour travailler au comité école avec Louise Desmarais qui est à côté de moi. Nous ne sommes pas des permanents d'une organisation syndicale. Nous enseignons encore, je tiens à le dire. Le travail qui a été fait représente une démarche de consultation. Sur le point de vue qu'il y a dans le mémoire, il y a eu toute une série de consultations, d'instances, pour aller jusqu'au conseil fédéral qui a été adopté à l'unanimité.

Sur le premier point du ministre, ce qu'on trouve important, c'est qu'on a eu deux modèles de gestion de la crise qui nous ont été présentés comme citoyens et citoyennes, comme travailleurs et travailleuses. Il y a eu le modèle fédéral. On ne dit pas que c'est le meilleur, mais, quand on regarde comment le Conseil économique du Canada recommandait au conseil fédéral d'augmenter le déficit, comme travailleurs, comme travailleuses, on trouvait qu'il y avait là une orientation qui était possible dans le contexte actuel pour faire en sorte que la crise ou l'étape par laquelle on passait se fasse de façon plus douce et que les mesures sociales soient conservées.

Il y a eu aussi la façon dont le gouvernement actuel a géré cette étape et qu'on a trouvé un petit peu plus difficile. Ce n'est pas seulement la question des décrets parce que, selon toute la première partie du mémoire, pour nous, ce qui est primordial à l'heure actuelle, ce sont les prochaines générations. Dans cinq ans - j'espère que les coupures vont arrêter et qu'on sera là comme travailleurs et travailleuses - ou dans dix ans, c'est clair que le régime qui va être appliqué touchera des milliers d'étudiants et d'étudiantes dans le secteur collégial. Cela nous paraît important.

Tantôt, j'ai posé la question à un haut fonctionnaire, à savoir pourquoi, par exemple, en 1980, le projet de règlement était moins sévère ou moins "flyé" que celui qu'on a sur la table présentement. J'aimerais qu'on réponde à cette question. Le CEC était destiné aux adultes, alors que, maintenant, il est destiné aux jeunes aussi. On ne nous garantit pas les conséquences sur les jeunes. Si on me prouvait qu'effectivement cela n'aura pas plus de conséquences... Il y en a qui parlent même de mettre des balises là-dedans. Je ne comprends pas ce qu'une balise viendrait faire à ce niveau. L'orientation des jeunes, des étudiantes et des étudiants, comment cela peut-il se canaliser juste par le support de l'information scolaire? Il y a eu des coupures dans ce secteur. Les professionnels, chez nous, le nombre en a été coupé. Il y a très peu de gens affectés à l'information professionnelle. Qu'est-ce qu'on va faire? Des annonces à la télévision? Cela va peut-être coûter moins cher. On va diffuser cela à toute la population et on va dire aux gens que les compétences de l'avenir seront dans tel et tel secteur?

Je pense que c'est là un problème. Dans la première partie - je comprends que le ministre ait réagi à cela - ce qu'on veut dire, c'est qu'il y a des choix qui se font à ce niveau comme au niveau du virage technologique. On a senti pendant la négociation qu'il y avait une certaine forme de mépris, comme les multinationales le font pour leurs employés à un moment donné. Elles licencient du monde et introduisent de la machinerie. Pendant la négociation, on a annoncé 150 000 000 $ pour introduire de la machinerie. M. Leduc est venu à mon cégep et il nous a annoncé cela pendant la négociation. Il y a beaucoup d'enseignants, d'enseignantes, d'étudiants et de professionnels qui se sont sentis humiliés par cette opération. Je ne dis pas que ce n'est pas nécessaire d'acheter des ordinateurs. Je pense qu'on va s'entendre là-dessus. Peut-être que le moment a été mal choisi. Effectivement, on sentait très bien que l'argent des grèves servirait à financer cette opération. Ce n'est peut-être pas fait, les 150 000 000 $ ne sont peut-être pas sur la table, mais il y a de la part des travailleurs et des travailleuses un ressentiment par rapport à cela qui est effectivement exprimé dans le mémoire. On ne sait pas où le gouvernement s'en va avec cela. On le dit clairement.

Par rapport à l'entreprise privée, M. Laurin dit qu'il y a la commission pédagogique et le CA. Par rapport à cette opération, même si la commission pédagogique recommande qu'on n'accepte pas tel et tel programme parce qu'il vient directement de GM et qu'on a d'autres préoccupations qui, elles, sont pédagogiques, comme c'est consultatif, on sait très bien que le conseil d'administration peut décider ce qu'il veut, compte tenu aussi qu'à ce

conseil d'administration une grande majorité des socio-économiques viennent de l'entreprise locale. En tout cas, c'est cela à Laval.

Mme Pellerin: On voudrait tout simplement dire - à la page 44 - qu'on est d'accord avec les chiffres que le ministre a avancés. On est content. On les a vus hier, ils ont été publiés. On va dire qu'ils sont exacts.

Pour les métiers désignés de compétence nationale dite pratiquement masculine, concrètement, qu'est-ce qu'on fait pour inciter les filles à aller vers ces métiers? Ce dont on s'aperçoit avec le décret, c'est que les femmes enseignantes disparaissent de plus en plus. Au niveau collégial, on sait que c'est assez dramatique. On est passé de 35% à pratiquement 30% de femmes cette année qui enseignent. Est-ce que ce sont les hommes qui vont inciter les filles qui entrent au cégep ou bien le secondaire qui va diriger ces filles vers ces métiers? On peut formuler des souhaits et dire qu'on fait son possible pour les intégrer. Je pense bien que tout le monde a voulu faire son possible tout le temps sur la condition des femmes, mais est-ce que cela les incite plus à aller vers ces études? C'est une question que je me poserais: Concrètement, est-ce qu'on fait quelque chose pour intégrer les filles? La publicité qu'on va faire va aboutir quand? Dans combien d'années les filles vont-elles être intéressées à ces métiers?

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre.

M. Laurin: Une deuxième remarque. Je voudrais juste relever le fait que les socio-économiques peuvent contrôler le conseil d'administration. En fait, les socio-économiques au conseil d'administration ne sont que 4 sur 19, plus un représentant du secondaire et de l'université. Je ne pense pas qu'ils puissent emporter aussi facilement une décision dans leur sens. (20 h 45)

Je voudrais aussi dire un dernier mot sur le plan de cours. Je ne pense pas que ce que nous disons dans le PREC sur le plan de cours change ce qui est écrit dans la convention collective. Nous ne faisons qu'un seul ajout. Nous disons que le plan de cours préparé par les enseignants doit être remis aux étudiants; c'est la seule chose qu'on ajoute. Je ne pense pas que ce soit une entorse à la convention collective de dire cela.

Le Président (M. Blouin): Mme

Desmarais, vous aviez un mot à rajouter.

Mme Desmarais (Louise): J'aurais aimé intervenir au sujet des unités capitalisables. Quand le ministre nous dit que le PREC n'a rien à voir avec les unités capitalisables, pour nous à la FNEEQ, le PREC n'est que le cadre juridique qui permettra la mise en place de la politique sur la formation professionnelle des jeunes. On a plusieurs preuves qui vont dans ce sens-là. Par exemple, pourquoi modifie-t-on le cégep en profondeur principalement dans le secteur professionnel? Pourquoi les CEC ne s'adressent-ils qu'au secteur professionnel? Pourquoi les AEC ne s'adressent-elles qu'au secteur professionnel? Il nous semble que la concordance est facile à faire. Si on lit la Politique de formation professionnelle des jeunes, proposition de relance et de renouveau, à la page 78 on dit textuellement: "La mise en place d'un système de reconnaissance des acquis doit pouvoir s'appuyer elle-même sur un système bien rodé d'évaluation continue et d'attribution de crédits ou d'unités capitalisables." C'est dans un document du ministère.

Dans un autre document du ministère qui est soumis à la consultation actuellement et qui s'appelle l'Élaboration, la révision et la mise à jour des programmes de formation professionnelle, on dit: "L'unité est une mesure pour la reconnaissance officielle de la valeur attachée à une formation dans le cadre d'un diplôme." Plus loin, on dit: "Pour des fins de cohérence, il serait important qu'une unité représente la même réalité dans l'ensemble du système scolaire. Pensons en particulier aux équivalences, aux transferts verticaux et horizontaux et à la compréhension de nos reconnaissances par le monde du travail." C'est un document qui vient du ministère de l'Éducation.

Dans un autre document qui vient aussi du ministère de l'Éducation, qui s'appelle Plan d'action de la politique de la formation professionnelle des jeunes, projet préliminaire daté du mois de juin 1983, on dit: "Une politique de reconnaissance des acquis nous oblige à réduire les écarts entre les jeunes et les adultes et à faire émerger un système d'unités capitalisables." À la page 30 de notre mémoire, nous avons une citation tirée d'un autre document du ministère de l'Éducation et je relis cette citation: "Face aux difficultés d'adéquation entre les modalités d'apprentissage dans le domaine professionnel et les exigences de travail devant être rencontrées pour satisfaire les employeurs, il convient d'étudier à fond et de mettre en oeuvre un système modulaire de formation appelé système de contrôle continu par unités capitalisables." Le document dont il est question est cité dans notre mémoire à la page 30; il s'appelle Modalités d'acquisition de la formation. Travaux d'approfondissement, document no 3, MEQ, secteur de la planification, direction

des politiques et plans, mars 1980, page 77. Nous ne l'avons pas inventé. Quand on parle d'unités dans le PREC, nous concluons qu'il s'agit d'unités capitalisables et que nous parlons de la même chose.

Je suis une enseignante du secteur professionnel et les unités capitalisables nous apparaissent comme une menace à une véritable formation large et polyvalente pour les étudiants de ce secteur. Elles permettent une adéquation entre les besoins de l'entreprise et ce qu'on appelle encore la formation de niveau collégial. Mais on devrait peut-être employer le terme "entraînement" plutôt que celui de "formation" et parler d'entraînement à une fonction précise de travail.

D'autre part, le ministère entend préparer des programmes de formation professionnelle à l'avenir. Je me réfère encore au document l'Élaboration, la révision et la mise à jour des programmes de formation professionnelle, à la page 31, où on dit: "La direction concernée ou le groupe ad hoc devra pousser plus en profondeur l'expertise face à des fonctions de travail ou à des aspects particuliers et se donnera à cet effet un comité technique provenant du monde du travail. La méthode DACUM-DELPHI est recommandée en raison de son efficacité et de sa rapidité." Et on continue de cette façon. Alors, quand on dit que dans le PREC il n'y a pas d'unités capitalisables ou d'unités cumulatives, nous avons de la difficulté à le croire.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, ce n'est pas dans le PREC. Comme je le soupçonnais bien, les remarques de la FNEEQ reprennent les critiques que la FNEEQ a déjà adressées au programme de relance de la formation professionnelle. Évidemment, je respecte les critiques que la FNEEQ a pu faire à cet égard.

Mais comme Mme Desmarais l'a bien dit au début, ce concept d'unités se situe dans une perspective de reconnaissance des acquis. Je pense que ce principe de l'instauration d'un modèle de reconnaissance des acquis fait l'unanimité actuellement. Il faut absolument, à l'avenir, que nous puissions reconnaître les acquis d'un certain nombre de clientèles qui veulent retourner aux études après dix ou quinze ans de vie active, que ce soit au foyer ou ailleurs; il faut le reconnaître également pour d'autres clientèles, par exemple les jeunes qui ont décroché durant quelques années et qui reviennent ensuite compléter leurs études et qui peuvent vouloir prendre la filière cégépienne. Je pense que l'adhésion est facile à faire autour du principe de la nécessité d'un système et d'un modèle de reconnaissance des acquis.

À partir du moment où on accepte cette idée, cette nécessité, n'est-il pas normal de penser à un système qui reconnaîtrait les études déjà faites sous forme d'unités, quel que soit le nom qu'on leur donne? Évidemment, nous ne sommes pas encore rendus à l'élaboration, surtout à la consécration d'un modèle. Cela devra être fait en concertation et avec toutes les expertises voulues. Mais je pense que ce principe de la reconnaissance des acquis et ce principe de la reconnaissance des études déjà faites sous forme de crédits ou sous forme d'unités est absolument salutaire, normal, dans la mesure où, justement, on évite les pièges ou les dangers que Mme Desmarais cite, c'est-à-dire un danger de trop grande miniaturisation du concept tel qu'on a pu, peut-être, l'entendre exprimer au cours des récentes années. Mais, encore une fois, ces remarques, ces critiques plutôt, s'adressent à une politique de formation professionnelle qui est encore en voie d'élaboration.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je voudrais vous signaler, tout d'abord, que je suis un peu embarrassé parce que j'ai constaté que le ministre a pris à peu près 45 minutes. Je comprends qu'il n'a peut-être pas abusé dans d'autres cas, mais, si on devait fonctionner à ce rythme, je pense que vos impatiences antérieures de la journée perdraient tout leur sens.

Le Président (M. Blouin): Elles sont en train de revenir.

M. Ryan: Oui. Je ne veux pas faire de grand exposé à ce moment-ci, sauf pour signaler quelques points, avant d'adresser quelques questions à la délégation de la FNEEQ.

Il est de bon ton, je pense, que le ministre nie que le gouvernement ait explicitement décidé de s'orienter dans telle ou telle voie qui ne serait pas acceptable, par exemple dans une subordination systématique de l'éducation à l'économie ou encore dans une diminution des conditions de travail telle que le métier d'enseignant ne soit pas aussi attrayant qu'il devrait l'être en soi. Mais je pense que, malgré ces dénégations, on doit noter qu'il y a eu beaucoup d'avertissements, beaucoup de signaux d'alarme qui ont été communiqués depuis le début des audiences de la commission et qui doivent être notés par le gouvernement. Il y a peut-être quelquefois des conceptions qui ne sont pas encore à l'état tout à fait explicite, mais qui ont pris de l'importance dans la façon dont le

gouvernement voit les choses. Il m'arrive de voir, moi-même, certains documents dont l'inspiration m'étonne, dont l'inspiration procède parfois de cet économisme, de cette tendance à tout subordonner à l'économie qui est redoutée comme l'un des plus dangereux risques de l'orientation que propose le gouvernement. Ne serait-ce que le fait que ces avertissements ont été donnés est une invitation à la réflexion pour le gouvernement qui devrait entraîner, je l'espère, des redressements salutaires.

Également, il y a une tendance, depuis un an ou deux, à culpabiliser les milieux de l'éducation pour des maux dont souvent ils ne sont aucunement responsables ou, à tout le moins, dont ils ne sont pas les principaux responsables. C'est évident qu'il y a des maux structurels dans l'économie canadienne et dans l'économie québécoise qui ne sont pas, d'abord, le fruit du système d'éducation. Si le gouvernement fédéral a décidé de bâtir l'aéroport de Mirabel, c'est sûrement en relation avec la formation qu'ont reçue ceux qui l'ont décidé, mais mettre en cause le système d'éducation à cause de cela serait absolument farfelu. On pourrait citer des exemples très nombreux de décisions sottes qui ont été prises à la fois par des gouvernants et par des dirigeants de l'entreprise privée, qui n'avaient aucune bonne justification économique et qui mettent en cause le jugement des personnes qui les ont prises, mais pas le système d'enseignement en soi.

Je pense que c'est une chose importante à rappeler à ce moment-ci parce qu'il me semble que c'est une caractéristique d'une société libérale, une conception que j'ai toujours défendue, que l'éducation poursuit ses fins propres dont certaines doivent s'harmoniser avec celles de l'économie et d'autres transcendent les réalités et les besoins de l'économie. Il faut assurer cette primauté des fins qui vont au-delà des besoins de l'économie. On prétend le faire dans le programme actuel, mais il y a des objections sérieuses qui sont soulevées par plusieurs milieux et je veux croire que le gouvernement y sera plus attentif qu'il ne l'a été dans la préparation de ce projet, au moins de certains éléments du projet.

Je rappelle qu'il y a une tendance pas seulement du côté du gouvernement, mais dans bien des milieux à identifier l'institution avec l'autorité, dans le cas des cégeps, à identifier l'institution avec le CA, le conseil d'administration et les directions supérieures. Je pense que c'est une confusion qu'il faut éviter. Le cégep, le ministre lui-même dans ses plus beaux discours le dirait éloquemment, est une communauté où tous les éléments ont une place irremplaçable et où l'élément le plus important, à mon humble point de vue, je l'ai dit plus tôt cet après-midi, après l'étudiant, c'est l'enseignant.

Au point de vue d'atteinte au sens de la dignité de l'enseignant, au sens de sa responsabilité professionnelle, les décrets ont été un coup très sérieux. Dans le PREC, il y a certains éléments qu'il faut examiner de près. Tantôt - je ne me souviens pas laquelle des représentantes à la table - je pense que Mme Achard en a signalé quelques exemples. Il est évident que, si toute la responsabilité de l'évaluation s'en va du côté du conseil d'administration et des directions supérieures, là il y a un changement de cas très important. Jusqu'à maintenant, l'évaluation s'est faite sous la responsabilité principale des professeurs et des départements. Il y a des choses à regarder de près. Je ne sais trop. Il faudra, peut-être, revoir l'article qui traite de l'évaluation, qui dit: L'institution doit se doter d'une politique institutionnelle." Le ministre me dira: Ils pourront mettre les enseignants dans le coup. Les étudiants et les étudiantes - on n'en a pas parlé beaucoup jusqu'à maintenant - ont, je pense, leur mot à dire aussi. Il me semble que ces choses vont mieux quand elles sont dites, surtout avec le gouvernement qui a été l'auteur des décrets.

Maintenant, j'en viens à quelques questions. Le point le plus important dans le mémoire qui nous a été soumis, pour moi, c'est la distinction faite entre la formation initiale et la formation récurrente. Vous insistez pour qu'on maintienne cette distinction non seulement au niveau des concepts mais au niveau des structures également. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu comment vous voyez cela, comment vous voyez l'organisation idéale de ce côté. Est-ce qu'il y a des problèmes qui doivent être corrigés actuellement? Quelles sont les faiblesses du PREC à ce sujet? Si vous pouviez nous communiquer vos idées à ce point de vue, ce serait très important. (21 heures)

Le Président (M. Blouin): Mme Desmarais. Non?

Mme Desmarais: Oui. Le problème de la formation initiale par rapport à la formation récurrente, c'est un problème majeur dans le secteur professionnel. Comme nous le disons dans notre mémoire, il est évident que les travailleurs et les travailleuses devront à l'avenir se recycler plusieurs fois. Nous prétendons que ce recyclage doit toujours s'appuyer sur une formation de base large et polyvalente. Si on compare le PREC avec le régime pédagogique actuel dans le secteur professionnel, au niveau de la formation large et polyvalente, nous sommes en perte de vitesse. Si, par exemple, on transforme non seulement un DEC en CEC, mais qu'il y a certaines modifications au niveau du DEC; si, par exemple, on regarde la question des

cours complémentaires qui pourront désormais être choisis à l'intérieur de la concentration et de la spécialisation, donc qui deviendront, à toutes fins utiles, quelque chose d'autre que ce qu'ils étaient, plus axés sur la spécialisation, même à l'intérieur du secteur professionnel; si on regarde les 40% de cours qui pourront être choisis par le collège, donc directement adaptés aux besoins de l'entreprise; si, par exemple, on considère le CEC, il y a une perte évidente pour les étudiants du secteur professionnel.

Nous ne faisons pas la même analyse que le ministère de l'Éducation et nous croyons qu'une grande partie des étudiants qui s'inscriront au CEC viendront de la clientèle qui se destinait au DEC antérieurement. Nous ne sommes pas d'accord pour dire que la clientèle du CEC sera une nouvelle clientèle. Les étudiants qui s'inscriront au CEC seront privés de deux cours de français et peut-être de tous les cours de philosophie; ils seront privés de deux cours complémentaires et les deux qui resteront pourront être pris à l'intérieur de la spécialisation. Ils seront privés de tous les cours d'éducation physique. Le ministère nous présente le CEC actuel comme étant un CEC enrichi par rapport au CEC qui existe à l'éducation des adultes. Nous disons, quant à nous, que c'est un DEC appauvri. Il y a donc une perte à ce niveau.

Quand on considère les AEC, il y a, évidemment, une perte au niveau de la formation large et polyvalente. Alors, nous sommes obligés d'arriver à la conclusion que, pour le ministère, la formation large et polyvalente a été acquise à la fin du secondaire V pour les étudiants du secteur professionnel qui sont au niveau collégial. Nous ne sommes pas d'accord avec cette prise de position. Nous considérons que la formation générale de niveau collégial - nous nous en tenons encore à la formation générale et nous avons des restrictions très importantes à faire au niveau de la conception même de la formation fondamentale - a été transformée en une formation pointue. Quand on regarde la façon dont les programmes seront préparés dans l'avenir, quand on dit que la formation fondamentale pourrait aussi bien être acquise dans les fondements de la discipline elle-même, les cours qui resteront au secteur professionnel, devenant de plus en plus pointus, s'éloigneront même du concept de formation fondamentale.

Donc, le concept de formation récurrente est très intéressant en soi. Il est très intéressant qu'un travailleur ne soit pas mis de côté parce qu'il n'a plus supposément les qualifications requises en raison de changements qui sont intervenus dans la société. Nous disons que cette formation récurrente doit toujours s'appuyer sur une formation de base large et polyvalente. À l'heure actuelle, nous disons que, pour le niveau collégial, nous sommes en perte de vitesse à ce niveau-là.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Est-ce que je dois comprendre que votre position est que la formation initiale ne doit pas faire l'objet de compromis, qu'elle doit viser à conduire au DEC, qu'ensuite, en ce qui regarde la formation récurrente, vous voyez de la place pour beaucoup plus de souplesse? Est-ce que je comprends bien?

Mme Desmarais: Nous reconnaissons que les CEC qui existent à l'éducation des adultes actuellement ne comprennent pas la partie de formation générale qui est fournie par le DEC, mais nous reconnaissons que l'expérience de vie des adultes peut justifier ce choix. Mais pour les jeunes, nous voyons le problème d'une façon totalement différente.

M. Ryan: Dois-je comprendre que la formation récurrente est un concept qui s'applique à des personnes qui ont laissé les études, qui sont allées sur le marché du travail pendant un certain temps, dans votre concept?

Mme Desmarais: C'est-à-dire que, d'après le concept qui nous a été fourni -nous ne l'avons pas inventé, ce concept, non plus - finalement, la formation récurrente, c'est dans l'optique de la formation permanente. Il va être difficile d'échapper à cela à l'avenir.

Le Président (M. Blouin): M. Ryan.

M. Ryan: Vous dites dans votre mémoire que le gouvernement fédéral, avec l'entente Axworthy-Marois, impose sa domination au gouvernement du Québec, impose ses priorités et que, si le projet de règlement devait être mis en vigueur dans sa forme actuelle, cela pourrait risquer d'élargir encore les conséquences de cela. Pourriez-vous nous expliquer cette conception que vous présentez dans votre mémoire? C'est à la page 16. Comment cela se présente-t-il réellement? De quelle manière pouvez-vous affirmer que les dégâts risquent d'être plus grands encore de la manière dont le gouvernement présente son projet de règlement?

Le Président (M. Blouin): M. Campeau.

M. Campeau: Quand l'entente Canada-Québec a été signée le 17 octobre 1982, il n'y a pas eu beaucoup de publicité autour de cela, mais dans le journal Le Travail il y a

eu un petit article où le ministre Marois disait que c'était une très bonne entente. On a fouillé la question, on a sorti l'entente Canada-Québec et on a fait une comparaison avec l'entente qui existait auparavant. On s'est aperçu qu'effectivement sur ce point ce qui était de plus en plus clair, c'est que le Québec s'enlignait sur la stratégie du gouvernement fédéral pour reconnaître, d'une part, qu'il va falloir que le Québec se dote de nouvelles compétences et acceptait d'une façon assez claire les priorités et la démarche du gouvernement fédéral.

Le deuxième point qui était aussi très clair, c'est un ajustement en fonction du marché avec deux éléments précis, c'est-à-dire un système de prévision des professions pour l'avenir. C'est toujours basé sur des statistiques et on sait qu'on peut se tromper dans ces prévisions. Le deuxième élément, c'est une caisse d'accroissement des compétences. Le gouvernement fédéral délimite cette caisse. On en a mis un exemple au niveau de l'annexe 2 où on voit l'ensemble des métiers qui ont été désignés comme étant de priorité nationale. Il y a un comité mixte Canada-Québec qui a été formé. Auparavant, ce comité fonctionnait au niveau d'une certaine coordination. Ce qu'on peut retenir, c'est qu'auparavant le Québec avait, dans l'ensemble des éléments, presque toujours le dernier mot, alors que maintenant c'est par consensus qu'il fonctionne. S'il n'y a pas de consensus, ce qu'on en a lu, c'est que le gouvernement fédéral se gardait le droit de veto et, à ce moment, se gardait le droit de conserver l'argent en question. En tout cas, on a quelques éléments.

Ce qui a été noté aussi, mais cela n'est pas sorti énormément dans les journaux, c'est que la commission Jean avait dénoncé cette entente. Ce qu'elle disait, c'est que cela ne correspondait pas aux besoins de formation des adultes, que c'était très clair que ce qu'on voulait, c'était former une main-d'oeuvre hautement qualifiée pour l'entreprise compétitive reliée aux technologies de pointe, mais qu'on délaissait, par exemple, au Québec entre 300 000 et 500 000 analphabètes fonctionnels. Là-dessus, il n'y avait pas de priorités de la part du gouvernement québécois, il n'y avait pas de support. On sait qu'il y a des organismes populaires dans les quartiers, à Montréal entre autres, dont les budgets ont été coupés et qui travaillent sur ce dossier.

Il y a des éléments très précis comme la formation en établissement, la formation en entreprise. À la formation en établissement, il y a un plan annuel de formation et, dans l'ancienne entente, le Québec déterminait qui avait accès à la formation en établissement selon les aspirations des gens. Maintenant, c'est le centre d'emploi du Canada qui détermine l'accessibilité à ces programmes.

Ce qui est très clair également, c'est que le comité conjoint ou le comité mixte peut transférer les crédits de la formation en établissement à la formation en entreprise de l'un à l'autre. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Tout cela pour dire qu'un des liens qu'on a faits avec le PREC, c'est que, dans l'entente Canada-Québec, un adulte, c'est quelqu'un qui a 16 ans, qui est allé sur le marché du travail un an et qui revient. Si le gouvernement du Québec abolit cette distinction, l'hypothèse qu'on fait - dans le mémoire de la CSN, ils l'avaient faite sous forme de question - c'est: Qui va payer pour les jeunes au niveau de la formation professionnelle? Est-ce que ce sera maintenant le gouvernement fédéral ou si ce sera le gouvernement du Québec?

Seulement un autre point aussi. Dans la nouvelle entente, le gouvernement fédéral demande qu'il y ait une révision des programmes. On sait que le MEQ - en tout cas, j'ai un document ici - effectivement revoit l'ensemble des programmes, mais, pour nous, ce qui est très clair, c'est que cela va aller dans le sens des priorités du gouvernement fédéral.

On a reçu un document du cégep de Saint-Laurent où on demande une technique, c'est-à-dire que le département de mécanique s'oriente en fonction de la CAO-FAO, conception assistée par ordinateur, fabrication assistée par ordinateur. Ce qu'on sait dans ce document, c'est que c'est le gouvernement fédéral qui va payer toute la quincaillerie au département en question.

M. Ryan: Merci. M. le Président, j'avais plusieurs autres questions, mais, malheureusement, le temps court et je voudrais laisser un peu de temps à mes collègues qui sont ici aussi. Par conséquent, je vais m'excuser de ne pas poser ces questions. Je trouverai le moyen de vous les poser autrement.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je voudrais parler un peu de la question de l'autonomie des professeurs. Vous abordez cette question, entre autres, à la page 57. Vous avez dit aussi à quelques reprises que le PREC limiterait l'autonomie du professeur. Vous mentionnez, entre autres, la question des plans de cours, de l'évaluation de la note finale. Vous dites aussi que cela va limiter les possibilités des professeurs dans leur intervention au niveau des méthodes pédagogiques. J'aimerais que vous explicitiez un peu ce point de vue parce qu'il m'apparaît que le PREC introduit quand même certaines souplesses au niveau de la gestion pédagogique par rapport au

régime qu'on connaît actuellement.

Par exemple, à l'article 20 du régime actuel, il est mentionné explicitement toute une procédure au niveau du plan de cours. On précise la responsabilité du directeur des services pédagogiques qui a la responsabilité de faire établir par les professeurs un plan d'études détaillé pour chaque cours et on dit même ce que le plan de cours doit contenir. Au niveau de l'évaluation, on dit même que - dans l'article 23 du régime actuel - chaque cours comprend un examen final administré sous la responsabilité du ministère de l'Éducation. Article 26: "Le ministère de l'Éducation se réserve le droit de vérifier les plans d'études." Cela va très loin. C'est le ministère qui peut, selon le régime actuel, vous demander les plans de cours, les moyens de contrôle, les questionnaires d'examens, la correction des copies d'examens. Cela va très loin. Cela ne se fait pas et je ne pense pas que ce soit fait, mais, tout de même, c'est à l'article 26. (21 h 15)

À l'article 27, le ministère de l'Éducation pourra, à l'occasion, utiliser lui-même les moyens qu'il jugera utiles à l'évaluation de l'enseignement donné dans les collèges. À ce niveau-là, si le ministère le voulait, dans le régime actuel, il pourrait exercer une autorité qui contraindrait beaucoup, en tout cas qui limiterait beaucoup l'autonomie des professeurs. Dans le PREC, on remet beaucoup de ces responsabilités aux collèges. Cela veut dire essentiellement... Il est sûr que l'autorité revient au conseil d'administration. Qu'est-ce que vous craignez au juste? Qu'est-ce qui peut limiter, du fait que le conseil d'administration va assumer certaines responsabilités qui étaient jusque-là assumées par le ministère, vu aussi qu'il y a une commission pédagogique où les professeurs sont tout de même majoritaires qui devrait, il me semble, fonctionner dans les collèges et qui a quand même un rôle essentiel à jouer à ce niveau.

Quant à l'évaluation, il me semble qu'il n'y a pas de politique d'évaluation. Je pense que vous le savez, aucune politique ne peut être établie sans la participation des professeurs. Je vois mal comment un conseil d'administration pourrait décréter que l'évaluation va se passer de telle ou telle façon vis-à-vis des professeurs. Il me semble qu'il y a des garanties dans le fonctionnement des cégeps qui nous permettraient de dire que l'autonomie des professeurs va quand même demeurer ce qu'elle est actuellement et, dans certains cas, même s'améliorer vu que les professeurs pourraient participer à la gestion pédagogique d'une façon beaucoup plus grande. Je voudrais vous entendre réagir à cela.

Le Président (M. Blouin): Quelle est votre question précise, M. le député de

Fabre?

M. Leduc (Fabre): M. le Président, je pourrais en inventer une. Je voudrais les entendre...

Le Président (M. Blouin): Je me permets d'insister parce que, si on part avec un pareil éventail de sujets, on en a jusqu'à minuit.

M. Leduc (Fabre): Ma question touche l'autonomie des professeurs. Je voudrais savoir en quoi le PREC va limiter leur autonomie, comme on le souligne dans le mémoire.

Le Président (M. Blouin): En quoi le PREC limiterait-il votre autonomie?

Mme Achard: J'ai de la misère à entendre M. Leduc parler comme cela. Je connais M. Leduc et je sais qu'il a été lui-même enseignant dans un cégep. J'ai de la misère à croire qu'il a une version aussi idyllique de ce qui se passe dans les cégeps. Dans mon cégep, en tout cas, au conseil d'administration, quand on envoie un avis de la commission pédagogique, j'ai déjà été là, j'étais obligée de lever la main et dire: Écoutez, la CP s'est penchée sur cette question. Justement en 1980, sur le PREC, le CA ne voulait rien savoir de la commission pédagogique. J'ai été obligée d'insister pour donner... Mon DSP n'a même pas apporté l'avis de la commission pédagogique sur le PREC. C'est un exemple de ce qui peut se passer au CA par rapport à la commission pédagogique.

Sur la question de l'évaluation, vraiment, je ne sais pas comment vous pouvez concevoir que le CA ne peut nous imposer quelque chose. Le CA va nous imposer des choses. Le collège, c'est notre patron. Il est là et, si on ne fait pas ce qu'il nous dit, il sévit. Même si c'est une politique qui ne nous plaît pas, à laquelle on n'adhère pas car on ne trouve pas qu'elle est conforme à ce qu'on veut faire comme enseignants et enseignantes, il va nous l'imposer. Le deuxième avis du Conseil des collèges vise à nous obliger à faire cela. On nous dit: Si vous ne faites pas votre politique institutionnelle d'évaluation, on va vous désaccréditer. C'est quasiment une chose comme cela.

Le consensus et la participation des enseignants dans les cégeps après un décret, ne nous en parlez pas trop. Au niveau des plans de cours, je ne dois pas avoir le même régime pédagogique que vous. Pourtant, on a pris celui de 1983-1984 et ce n'est pas le DSP qui demande le plan de cours, mais le ministre de l'Éducation qui se réserve le droit de vérifier les plans de cours, lesmoyens de contrôle des cours, les

questionnaires d'examens, la correction des copies d'examens et les autres travaux. Vous savez, M. Leduc, cela ne s'est presque jamais fait. Cela s'est peut-être fait à Limoilou une fois. C'est à peu près cela. Pour que le ministre vienne voir dans chacun des départements ce qui se passe, je pense qu'il va y avoir un laps de temps très important qu'on aime bien en termes d'autonomie.

Ce que le PREC dit en ce moment, c'est que le plan détaillé des cours contient les objectifs du cours, le contenu, les indications méthodologiques, une médiagraphie, les modalités de participation aux cours et les modalités d'évaluation des apprentissages. Ce plan est distribué aux élèves au début de chaque année, à chaque session. Le collège a la responsabilité de faire établir cette chose par chaque professeur. Le plan doit être conforme au plan-cadre d'études. Ce sont tous des éléments nouveaux qui n'étaient... Peut-être que je n'ai pas la même chose que vous; on a regardé dans les cahiers d'enseignement collégial version 1983-1984 pour la version du régime et ce n'était pas le DSP qui avait cela.

Actuellement, c'est un régime pédagogique; ce n'est pas un règlement. Je ne sais pas comment, légalement, le ministre peut obliger les collèges à se soumettre. Il y a sans doute des mesures morales et financières, mais j'ai de la difficulté à voir les autres mesures.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Achard. Mme la députée de L'Acadie. Est-ce que ça va, M. le député de Fabre?

M. Leduc (Fabre): Vous nous limitez tellement, M. le Président, que je suis gêné de continuer. Je veux simplement dire que, pour ce qui est du travail de l'élève, à l'article 20, c'est bel et bien ce que j'ai. On n'a peut-être pas le même régime, mais c'est une photocopie du régime, article 20; ce n'est pas le ministre, c'est chaque directeur des services pédagogiques qui a la responsabilité de faire établir un plan d'études détaillé par les professeurs. On donne même exactement ce que doit contenir le plan d'études; cela revient à peu près à ce qu'il y a dans le PREC.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Je vous signale que loin de moi l'idée de vous limiter; je dois cependant tenir compte que nous avons deux autres groupes à entendre ce soir et, dans la mesure du possible, j'essaie de faire en sorte que les questions soient claires et les réponses claires et brèves aussi.

Mme la députée de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, pour ne pas subir vos foudres, mes deux premières remarques ne nécessiteront pas de commentaires de votre part; elles sont adressées au ministre. Après quoi, j'aurai une question.

J'entendais au début le ministre qui expliquait, en réaction à la présentation du mémoire dont je veux souligner la qualité et que j'ai trouvé très intéressant, que le gouvernement avait été coincé financièrement. Là-dessus, je ne veux pas me chicaner; on pourrait faire la genèse de ce pourquoi le gouvernement s'est trouvé coincé financièrement, mais je laisse cela de côté. Il y a une chose à laquelle les enseignants ont réagi et réagissent encore, je pense, c'est la façon dont ils ont été traités. Je ne sais pas si le ministre - s'il trouve un moment de loisir, car je sais qu'il travaille très fort - a le temps de regarder les bobines et la publicité qui avaient été faites au moment des négociations. Elles étaient très tendancieuses; j'ai même été étonnée que les enseignants ne réagissent pas plus fort qu'ils ne l'ont fait. Si vous relisez attentivement certaines publicités qui avaient été faites à la télévision ou à la radio... Je m'arrête là.

Une dernière remarque pour le ministre. Vous avez parlé de...

Le Président (M. Blouin): J'imagine que votre troisième remarque touche le régime pédagogique de l'enseignement collégial également.

Mme Lavoie-Roux: Pas encore. La troisième remarque est encore pour le ministre, mais vous êtes en train de me la faire perdre. C'est sur l'orientation des filles vers les carrières qu'on dit traditionnelement masculines. Le ministre nous a dit: Nous avons hérité... Évidemment, il y a un héritage, mais... Je voudrais simplement faire remarquer au ministre que son gouvernement est dans sa huitième année maintenant et que bientôt il y aura une décennie qu'il est au pouvoir. Une décennie, c'est long dans une vie. Je pense que c'est un vieux réflexe dont on n'arrive pas à se défaire.

Cela étant dit, j'avais une question sur les orientations vers les carrières masculines. Je la laisse tomber.

Une voix: C'est dommage. Mme Lavoie-Roux: Pardon? Une voix:Allez-y.

Mme Lavoie-Roux: Non, cela prendrait trop de temps et il faut que nous ayons fini dans quelques minutes et j'ai promis une question courte. Vous avez développé passablement d'arguments quant à la subordination ou aux dangers de subordination

de l'éducation à l'entreprise. Je simplifie parce qu'on n'a pas le temps. J'aimerais que vous me disiez comment vous voyez la concertation ou les relations qui doivent exister entre le collégial et l'entreprise. Il faut quand même réaliser qu'en fin de compte - et je suis d'accord sur la nécessité de la formation fondamentale - il faut établir des ponts parce que vos étudiants, que ce soit à la sortie du collège ou que ce soit à la sortie de l'université, vont devoir se trouver sur le marché du travail. On ne peut pas en faire abstraction complètement. Comment voyez-vous l'articulation ou la concertation entre le cégep et l'entreprise?

Le Président (M. Blouin): Oui.

Mme Desmarais: Comme je l'ai déjà mentionné, je suis une enseignante du secteur professionnel. Donc, je suis dans un domaine, en technique de diététique, où justement nous avons affaire à ce qu'on appelle communément la PME, aux entreprises particulièrement dans le domaine de l'agro-alimentaire. Nous avons aussi affaire à l'Etat comme employeur, mais c'est un autre problème.

Nous n'avons jamais dit, à la FNEEQ, que tout le monde devrait passer par la filière générale. Par exemple, on n'a jamais valorisé les savoirs d'autant plus qu'ils étaient non utilitaires. On reconnaît que, dans le secteur professionnel, on prépare les étudiants pour le marché du travail. Il y a différentes façons de préparer un étudiant pour le marché du travail. Il est évident que nous dénonçons le fait qu'un étudiant soit préparé d'une façon très pointue pour le marché du travail dans le genre qu'une entreprise donne une commande de tel genre d'étudiants pour qu'ils soient déjà entraînés, prêts à commencer le premier jour, à travailler sans entraînement. Quand l'entreprise donne une commande au cégep, elle n'est jamais obligée d'engager les étudiants formés. Elle peut en faire former cent pour en engager un ou pour ne pas en engager du tout. C'est qu'au Québec l'entreprise n'est absolument pas responsabilisée dans ce sens.

Donc, nous pensons que ce n'est pas un service que de donner une formation pointue aux étudiants. Quelle est la différence entre la formation pointue et la formation professionnelle plus large? On pourrait en débattre très longtemps, mais il est évident pour nous... D'ailleurs, à la CSN, on a toujours distingué la différence entre formation et entraînement. Un entraînement à une fonction de travail précise, ce n'est pas de la formation, cela ne relève pas de l'école.

Que, par exemple, Bell Canada entraîne ses employés à une fonction de travail précise à ses frais, cela est parfait, mais l'étudiant doit avoir pour lui-même - si on part des besoins de l'étudiant plutôt que des besoins de l'entreprise - son bagage, c'est-à-dire une formation large et polyvalente. Il y a des ajustements qui ont été faits. Avec le régime pédagogique actuel, il y a eu des modifications très importantes qui ont été apportées à des programmes du secteur professionnel dont le programme où j'enseigne en particulier, la diététique; on le souligne d'ailleurs dans notre mémoire. C'est un programme qui, au départ, formait plutôt des gens qui travailleraient dans les hôpitaux en diététique, c'est-à-dire en diétothérapie ou en gestion de services alimentaires. Le gouvernement, par ses restrictions budgétaires, a coupé les postes dans les hôpitaux. Il nous a dit, à un moment donné: Est-ce que vous avez encore une raison d'exister? C'était lui l'employeur de nos finissants, il pouvait dire qu'il n'en emploierait plus.

À ce moment, le programme a été revu et on s'est orienté vers de nouveaux débouchés à l'intérieur du régime pédagogique actuel. On a décidé de s'orienter vers l'agro-alimentaire, vers l'inspection des aliments, vers de nouveaux débouchés pour les étudiants. On n'a pas fait abstraction du marché du travail, sauf que l'étudiant qui est formé au niveau collégial continue à être polyvalent. On refusera toujours, par exemple, de remplir une commande pour telle entreprise régionale parce que nous n'aurons jamais de garantie que cette entreprise régionale embauchera le finissant en question.

Mme Lavoie-Roux: Je m'excuse de vous interrompre, je pense que je vous suis assez bien. Ce que je comprends ou ce que je dois comprendre, c'est que vos appréhensions sont davantage vis-à-vis de la formation que propose le certificat qui, lui, s'orienterait immédiatement vers une spécialité plutôt que vers l'enseignement professionnel tel qu'il existe actuellement au collège. (21 h 30)

Mme Desmarais: II y a plusieurs autres mesures qui vont dans le même sens comme, par exemple, le bloc de cours qui est déterminé par le collège, le choix des cours complémentaires dans la spécialisation, l'AEC. Ce sont toutes des mesures qui vont dans ce sens. Ce n'est pas un service à rendre à l'étudiant. Par exemple, j'assistais dernièrement à un colloque sur l'agro-alimentaire où on disait: C'est épouvantable, au Québec, les employeurs n'ont pas le choix. On donnait comme exemple qu'en sciences et technologie des aliments au premier cycle, l'employeur n'a le choix qu'entre deux ou trois diplômés. C'est épouvantable! II devrait avoir le choix entre 100, 200 et 300. Autrement dit, tout est pensé en fonction de l'employeur.

II y a un autre problème que je voudrais souligner à propos du secteur professionnel au collégial. C'est qu'avec toute la question de la régionalisation des options, de la carte nationale etc., on se donne des moyens de fermer des options si les finissants ne débouchent pas sur des emplois. Je m'étonne que cette logique soit appliquée au secteur professionnel au niveau collégial, alors que, dans les universités, on forme plein de gens qui ne travaillent pas plus à la fin de leurs études. Si vous prenez la faculté d'éducation, personne ne travaille plus.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que cela va? M. Jones, vous avez un commentaire à rajouter?

M. Jones (Paul): Je suis à me demander... C'est la mode aujourd'hui de demander comment les écoles peuvent servir les entreprises, quel doit être le lien entre l'école et les entreprises? Je vois cela comme une espèce de "deal". La FNEEQ est prête à considérer les besoins des entreprises en termes de nos projets d'école, c'est-à-dire qu'à l'école on enseigne aux étudiants à avoir une sécurité de vie. On dit que c'est quelque chose qui est fondamental pour la condition humaine et que cela doit être respecté. Il faut avoir une sécurité de revenu, par exemple. Il faut être capable de travailler dans une situation qui est sécuritaire pour la santé du travailleur et de la travailleuse. On dit qu'il faut respecter -et nous la respectons, comme enseignants -la capacité créatrice de chacun des élèves à qui on enseigne. Du moment que les entreprises sont prêtes à donner du travail qui va dans un tel sens, on est prêt à faire le "deal": on va les écouter afin de voir quels sont leurs besoins, mais en même temps il faut s'assurer qu'elles donnent cela à nos élèves quand ils deviendront travailleurs et travailleuses.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jones. M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Merci, M. le Président. Je voudrais essayer de reposer en termes plus particuliers la question que Mme la députée de L'Acadie vous a posée en termes assez généraux.

Il y a une usine d'hélicoptères qui doit être implantée à Mirabel; c'est une implantation industrielle très considérable. À votre avis, quelles en sont les implications pour les deux cégeps les plus rapprochés de cette implantation industrielle, le cégep Saint-Jérôme et le cégep Lionel-Groulx?

Mme Desmarais: Quelles sont les implications?

M. de Bellefeuille: Oui, pour ces deux cégeps.

Mme Desmarais: Ce n'est pas à moi de répondre à cette question dans le sens des implications. Est-ce que vous voulez dire: ce que devrait faire le cégep face à cela?

M. de Bellefeuille: Oui.

Le Président (M. Blouin): M. Campeau, peut-être désirez-vous répondre.

M. Campeau: Si on prend l'hypothèse du PREC, est-ce que c'est cela que vous voulez dire? Si le PREC est impliqué?

M. de Bellefeuille: Non. Nous débattons la question de savoir dans quelle mesure le réseau d'enseignement doit s'aligner sur les besoins des employeurs. Les réponses sont un peu équivoques. Ce n'est pas à vous que je dis cela particulièrment; l'ensemble des réponses à cette question ou à toutes ces questions donne un tout un peu équivoque que j'aimerais clarifier. Il y a un cas concret et particulier. Il y a cette grande implantation industrielle. Est-ce que ces deux cégeps doivent se mettre à vouloir ajouter au programme d'enseignement des cours alignés sur les besoins de cette entreprise? Et quel genre de cours? C'est cela que je demande.

Le Président (M. Blouin): M. Campeau.

M. Campeau: Ce serait plus au gouvernement de répondre à cette question. Ce que nous pouvons dire par rapport à ce que nous entendons quotidiennement, c'est qu'on dit que la PME est faible au Québec, que toute la formation va essayer de donner un coup de pouce à la PME. C'est ce qu'on entend. Bell Helicopter c'est une grande compagnie comme GM et Bombardier; ce n'est pas une PME québécoise. Est-ce que le cégep doit s'inscrire dans la stratégie d'une société géante qui vient s'implanter au Québec et essayer de fournir une main-d'oeuvre que j'appellerais presque captive pour Bell Helicopter? C'est une question qu'on se pose, nous aussi. J'ai des interrogations par rapport à cela. Si, d'autre part, vous nous dites qu'il y a des départements de technique, de mécanique, de CAO-FAO dans ces deux cégeps, quel serait le rapport entre ces deux cégeps et Bell Helicopter, je pense qu'il pourrait y avoir des liens qui n'ont pas besoin d'être institutionnalisés, structurés, dans toute une hiérarchie. C'est un peu cela qu'on dit dans le document. Tout cela, c'est une question de mentalité. La circulation d'un savoir technique de l'école à l'entreprise est nécessaire. On pense aussi à la FNEEQ qu'elle est nécessaire. On ne dit pas qu'il ne

doit pas y avoir de circulation du savoir technique. Les enseignants font du travail dans les départements. Ce savoir, ils l'utilisent quotidiennement avec les étudiants. Ce serait important qu'il circule, qu'il soit utilisé aussi en fonction des entreprises. Mais ce qu'on voit, l'orientation du gouvernement, c'est de prendre une structure juridique, administrative, de la plaquer et de dire: Vous n'avez pas cette mentalité; nous, on va vous donner cette mentalité. C'est pour cela qu'on appelle cela aussi un tournant un peu volontariste.

Je rappellerais que, lors de la première révolution industrielle en Angleterre, il n'y avait pas de comité école-travail. D'ailleurs, en Angleterre, dans le système d'enseignement, il n'y avait pas non plus d'écoles techniques; c'était en France et en Allemagne. Ce qu'il est important de voir, c'est que c'est en Angleterre que la révolution industrielle s'est faite et qu'il y avait des collaborations entre l'école et l'entreprise. C'est une mentalié qui existait. Et je pense que ce que le gouvernement essaie de faire - il peut avoir des objectifs louables - c'est de mettre en place une série de structures et de dire aux enseignants, et je dirais même aux entrepreneurs: Vous n'avez pas cette mentalité de concertation. Nous, on va vous mettre ensemble dans des structures. Vous allez vous parler et, à un moment donné, on est sûr qu'une nouvelle mentalité va surgir. Il y a des relais intermédiaires, ou des situations intermédiaires qui ne sont pas structurables dans les faits, dans des organigrammes et qui pourraient permettre cette collaboration, je pense.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Campeau. Cela va? M. Jones.

M. Jones: Je veux ajouter encore, au sujet des deux collèges mentionnés, qu'il faut s'assurer que chaque étudiant qui va éventuellement travailler dans ces usines soit informé sur ses droits au travail, l'accès à la syndicalisation dans l'usine éventuellement, ses droits en termes de santé au travail. Je considère que c'est aussi la responsabilité des deux collèges dans la région.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Jones. Oui, rapidement, Mme Pellerin.

Mme Pellerin: Avant de terminer, parce que je sens que la fin approche, j'aurais deux remarques à faire...

Le Président (M. Blouin): Est-ce sur le même sujet...

Mme Pellerin: Non.

Le Président (M. Blouin): ...parce que

M. le député d'Argenteuil avait encore une dernière question à adresser à M. Jones.

Mme Pellerin: C'est seulement avant de terminer.

M. Ryan: Une question très brève, M. Jones. Je voudrais que vous nous disiez un mot sur le cours des "humanities". Je ne voudrais pas que vous soyez passé ici sans qu'on ait au moins exprimé un intérêt pour cette partie de votre mémoire. On a déjà entendu des arguments en faveur du maintien du statu quo pour les cours de philosophie d'un des cégeps francophones. J'aimerais que vous nous expliquiez un peu pourquoi vous tenez à garder les huit crédits pour les "humanities" au lieu de six, comme en propose le PREC.

M. Jones: Premièrement, je voudrais faire remarquer que les professeurs d'humanités n'ont pas été invités par la commission parlementaire pour faire une présentation. Si les députés pensent qu'un cours d'humanités est important pour l'avenir, je pense qu'ils auraient pu, au minimum, inviter des représentants. Vous avez fait le choix d'inviter les professeurs de philosophie. Je pense que c'est une omission importante de ne pas les avoir invités. C'est le premier point.

Dans le secteur anglophone, on a fait un choix il y a dix ans. Ce choix était de faire une partie de la formation de base, la formation générale qui s'appelle "humanities". Dans le secteur anglophone, les étudiants ont un choix pour leur quatre cours obligatoires entre la philosophie et les humanités. Ils font un choix. Dans le vécu, dans le secteur anglophone, le choix de 90% d'étudiants va vers les cours d'humanités. Cela reflète peut-être une différence d'analyse historique du secteur anglophone vis-à-vis du secteur francophone, je ne veux pas entrer dans le débat entre les deux choix. Je peux dire que l'orientation des cours d'humanités, c'est essentiel. Moi, je suis un professeur d'humanités. J'ai oublié de mentionner cela au début. C'est peut-être simpliste, mais je peux vous dire que l'idée des humanités, au fond, c'est de défoncer les contraintes que les disciplines régulières imposent sur notre façon de comprendre la réalité. C'est simpliste, mais quelle est la définition d'une rose? Une rose, ce n'est pas la rose d'un biologiste, ce n'est pas la rose d'un philosophe, ce n'est pas la rose d'un poète, ce n'est pas la rose d'un historien vis-à-vis d'une guerre des roses. Une rose, c'est le président de la FNEEQ.

Je fais des farces, mais, honnêtement, c'est une composante de l'enseignement dans le secteur anglophone qui est vraiment bien reçue, importante et, je pense, primordiale si vous comprenez la formule d'immersion

générale dans le sens qu'on la définissait il y a dix ans. On ne peut pas sortir l'écart sans une idée qui regroupe l'ensemble des expériences dans les disciplines du genre régulier. La réalité n'est pas l'économie, la réalité n'est pas la philosophie, la réalité est un mélange de toutes les perspectives présentées dans les autres disciplines. C'est cela le but des humanités à l'intérieur des cours thématiques multidisciplinaires. Je veux encore souligner le point que c'est vraiment un oubli de ne pas avoir invité les profs d'humanités ici pour défendre leur discipline.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, est-ce que cela va?

M. Ryan: Merci. J'irai après.

Le Président (M. Blouin): Mme Rose Pellerin.

Mme Pellerin: Je fais partie, comme on le disait... J'espère que je ne fais pas partie de la bougeotte multicolore du gouvernement. On avait les livres blancs, n'en sortez jamais un rose. Surtout, épargnez-moi cela.

J'aurais deux points à mentionner pour terminer brièvement. À la page 56, quand on réclamait du gouvernement un débat public large, sur le projet de règlement des études collégiales et l'ensemble des contre-réformes c'est qu'on aimerait, une fois pour toutes, que se fasse un débat sur l'ensemble des réformes qui arrivent dans l'enseignement. Plus tôt, on nous disait que la formation professionnelle était encore en consultation, que le PREC était encore en consultation. Pourtant il y a un lien entre les deux. Est-ce qu'on va adopter le PREC et ensuite la formation professionnelle? On est passé du nouveau programme primaire-secondaire au PREC. Est-ce qu'il y quelque chose qui va s'annoncer pour les universités? Il y a ce lien-là. Ensuite, il y a la formation professionnelle, les sciences spécialisées. Enfin, il y a un tel chambardement dans l'éducation qu'on aimerait faire un débat global plutôt que pièce à pièce, sans oublier là-dedans l'enseignement privé. Moi, je suis un professeur du secondaire dans des maisons privées d'enseignement et je le "plogue" à chaque fois que je suis quelque part parce qu'on est totalement ignoré. On aimerait bien un jour voir la loi sur l'enseignement privé quelque part, qui influence grandement l'école publique. Je pense que c'est un débat qu'il faudra aussi faire.

On aimerait voir un jour un grand étalage, faire une grande discussion et un grand débat et non pas du pièce à pièce.

La deuxième chose était pour dire qu'en 1980 aussi on avait présenté un mémoire. Comme on le disait au début, il n'en a rien été retenu. On espère que, pour le mémoire que les gens trouvent aujourd'hui intéressant et bien étoffé, il en restera quelque chose.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Pellerin.

Au nom de tous les membres de cette commission, je remercie les représentants de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes du Québec (FNEEQ) pour leur importante participation.

Sur ce, j'invite maintenant la Fédération des associations des parents de cégep du Québec Inc. à bien vouloir s'avancer et prendre place à la table des invités. (21 h 45)

Bonsoir. Pour les fins du journal des Débats, je vous demande de vous identifier et d'identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Fédération des associations des parents de cégep du Québec

Mme Raymond (Gisèle): Je suis Gisèle Raymond, la secrétaire générale de la Fédération des associations de parents de cégep du Québec. Je suis accompagnée, à ma gauche, de Mme Nicole Lizotte-Chiricota, qui est présidente de l'Association des parents du cégep de Limoilou, membre affilié à la fédération, et M. Claude Plouffe, qui est membre du conseil d'administration de la fédération et membre de l'Association des parents du cégep de Hull.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs, les membres de la Fédération des associations des parents de cégep du Québec m'ont déléguée auprès de cette commission afin de transmettre leur position concernant l'invitation qui leur a été adressée de se présenter devant vous afin de présenter leur avis sur les procédures relatives au régime d'études collégiales.

Avant de poursuivre et pour faciliter la compréhension de la position que prend la fédération ce soir, il serait bon de revenir en arrière et d'énumérer certains événements. La fédération recevait, par téléphone, le mardi 29 novembre, en fin d'après-midi, une invitation à comparaître devant la commission spécifiant que 100 copies de son mémoire devaient être remises au Secrétariat des commissions parlementaires pour le 2 décembre 1983.

Après consultation de ses membres, la fédération adressait au ministre de l'Éducation un télégramme dans lequel elle dénonçait les délais trop courts de convocation, mentionnait son impossibilité de terminer la consultation démocratique de ses membres - consultation entreprise à la fin d'octobre - et, finalement, demandait au ministre de l'Éducation le report après la période des fêtes de la présente commission.

II faut noter ici que le projet de régime d'études collégiales n'a été en possession des parents qu'au cours de la dernière semaine d'octobre. Je puis ajouter qu'il a fallu le quémander pour l'obtenir.

Précédemment, le 2 novembre 1983, la fédération adressait au ministre de l'Éducation un télégramme par lequel elle appuyait la demande d'un groupe d'associations étudiantes de collèges demandant la création d'une table de concertation au sujet du régime pédagogique.

Le ministre de l'Éducation n'a tenu aucun compte des demandes formulées par les parents et les étudiants, les usagers comme le dit la formule consacrée. Les parents déplorent cette attitude de la part du ministre et la dénoncent vigoureusement.

Pourquoi tenir les parents et leurs enfants, les jeunes du secteur collégial pour quantité négligeable au moment où le ministre s'apprête à doter le secteur collégial d'un nouveau régime pédagogique qui est loin de faire l'unanimité? Pourquoi ne pas avoir mis en place la table de concertation demandée?

Est-il devenu si urgent, ce régime d'études collégiales attendu depuis 1967, pour que le ministre ne puisse retarder son adoption de quelques semaines afin de permettre aux parents de terminer leur travail et aux intervenants de chercher un consensus?

En ce qui concerne la fédération, le ministre de l'Éducation croit-il que la qualité de l'enseignement, la qualité de la vie dans les collèges, sont des préoccupations qui ne peuvent intéresser les parents et les jeunes usagers? La formation des jeunes, l'évaluation des acquis, les crédits, les cours sont aussi des préoccupations pour les parents. Les jeunes sont les usagers, ceux qu'on veut former, ils doivent donc à ce titre être consultés pour devoir dire ce qu'ils désirent comme formation. Il en va de même pour les parents dont l'éducation compte parmi les premiers devoirs qu'ils ont envers leurs enfants.

Le ministre de l'Éducation semble oublier que le devoir d'éducation des parents envers leurs enfants, leurs jeunes, quel que soit leur âge, ne se cède à personne. Les parents délèguent certains pouvoirs et, à l'occasion, désirent exercer un droit de regard et de parole. Ils exigent qu'on leur en donne la possibilité.

Qui sont-ils ceux qui aujourd'hui doivent prendre cette place publique, cette tribune pour revendiquer leurs droits? La fédération regroupe des journaliers, des avocats, des ménagères, des médecins, des chômeurs, chômeuses, électriciens, enfin des parents qui viennent de toutes les couches de la société. Ce ne sont pas des ignares et se prévaloir de leur statut de parents n'enlève rien à leurs capacités, à leur expérience ni à leurs connaissances. Le ministre de l'Éducation semble en douter si l'on considère l'attitude qu'il a adoptée envers eux.

Les membres de la fédération se sentent aujourd'hui plus frustrés car c'est la deuxième fois en quelques mois qu'ils se voient écartés de débats importants, car en juin dernier, avec l'adoption à toute vitesse de la loi 32 sur l'accréditation des associations d'étudiants, aucune invitation ne leur a été adressée. Pourtant, ils auraient eu des choses à dire car ils sont touchés par cette loi. Cette fois-ci, ils sont pris au dépourvu, car, vu l'éloignement de ses membres et son manque de moyens, la fédération ne peut s'organiser rapidement pour faire un travail valable qui aurait donné l'opinion d'une majorité de parents.

Que le ministre de l'Éducation se rassure; si les parents sont incapables de donner un avis, ils auront toujours la franchise et l'honnêteté de le dire. Ils ne viendront jamais ennuyer personne s'ils sont incapables de poser un jugement de valeur. Mais, quand ils seront privés des moyens de le faire, ils réclameront, comme ils le font maintenant.

Les membres de la fédération sont au regret d'avoir utilisé cette commission pour porter leurs doléances. Mais, après les démarches entreprises et le peu de succès remporté auprès du ministre de l'Éducation, c'était le seul moyen qu'ils avaient à leur disposition; ils n'avaient plus d'autres choix. Ils l'ont fait espérant que, cette fois-ci et à l'avenir, ils seront écoutés et entendus avec toute l'attention et le respect qui leur est dû.

Voilà, mesdames et messieurs, le message que j'avais à vous transmettre de la part des membres de la fédération. Merci de m'avoir écoutée.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Raymond. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, j'accueille avec respect ce message que nous transmet la Fédération des associations des parents de cégep du Québec. La demande de concertation qu'elle nous réitère à son tour nous a été faite ce matin par une association d'étudiants. J'ai eu l'occasion à ce moment de dire à quel point j'aurais souhaité qu'il y eût concertation. Mais les approches que nous avons faites pour que cette concertation s'établisse et ait des chances de succès se sont malheureusement révélées infructueuses. C'est la raison pour laquelle je n'ai pas pu donner suite à cette intention que j'avais, car, comme vous, je pense que la concertation, surtout quand elle réunit tous les intéressés, est sûrement préférable, et de loin, à des dialogues qui, parfois, peuvent aboutir à des confrontations qui ne donnent sûrement pas tout le résultat

espéré et surtout qui ne réussissent pas à dégager les consensus souhaitables.

Il reste cependant qu'à défaut de table de concertation nous avons depuis deux jours cette commission parlementaire dans le style de toutes les commissions parlementaires que nous avons depuis plusieurs années. Je dois avouer que cette commission parlementaire, même si elle a été marquée de tensions ou de dialogues qui ne réussissaient pas toujours à se rejoindre, a été fructueuse. Elle nous a permis de dégager plusieurs avenues et de cerner des points de désaccord, leurs origines, leurs motivations et elle a permis aussi de dégager des pistes, des voies nouvelles d'exploration qui vont sûrement s'avérer utiles pour la suite des choses.

Donc, encore une fois, à défaut de cette table de concertation, qui pourra peut-être s'instaurer d'ailleurs par la suite, cette commission parlementaire s'avère quand même très utile jusqu'ici. En ce sens, même si je reconnais que, dans votre message, vous n'avez pas émis d'opinion particulière sur l'un ou l'autre des aspects du projet de régime d'études collégiales, étant donné que je note que vous avez quand même eu le temps de prendre connaissance du projet depuis deux ou trois mois, j'imagine que vous avez pu en discuter à vos réunions usuelles. J'aimerais vous demander si, au-delà de ce message que vous nous présentez aujourd'hui, vous auriez quand même quelques commentaires à nous faire sur l'un ou l'autre des éléments que comporte le projet de régime d'études collégiales: ses orientations, ses articulations majeures, les quelques sujets qui, lors de cette commission parlementaire, ont fait l'objet de controverses ou de débats comme, par exemple, les cours complémentaires, les programmes d'établissement ou le certificat d'études collégiales qui serait maintenant ouvert aux jeunes autant qu'aux adultes.

Le Président (M. Blouin): Mme

Raymond.

Mme Raymond: Vous me permettrez un commentaire avant de répondre à votre question, M. le ministre. Je ne mettrai pas en doute le fait que vous ayez tenté d'organiser une table de concertation. Toutefois, ce que je peux déplorer, c'est que les parents qui vous avaient demandé cette table de concertation n'aient pas été consultés au moment de la tentative de cette création.

Aussi, je me permettrai de vous faire remarquer que ce n'est pas depuis une période de deux mois que les parents ont en main le projet de règlement. Il est arrivé au bureau de la fédération dans la dernière semaine d'octobre. Il a fallu le distribuer et, comme nos associations sont réparties à travers le Québec aussi loin que Sept-lles,

Hull, Valleyfield ou, enfin, toutes les régions du Québec, cela a quand même pris quelques jours avant qu'il soit reçu. Les parents, malheureusement, doivent, avant de pouvoir se réunir comme parents, exercer leur profession et ce n'est que lorsqu'ils peuvent avoir leur quorum qu'ils peuvent se réunir pour prendre connaissance des documents qui leur sont distribués par le secrétariat.

Ce n'est donc qu'à la mi-novembre que les parents ont pu commencer à prendre connaissance des documents qui leur avaient été soumis pour donner un avis. À ce moment, nous n'avons reçu que quelques avis qui sont très fragmentaires. À l'heure actuelle, si je me permettais d'apporter une réponse à la question que vous venez de me poser, ce serait une réponse qui ne serait que la mienne. Comme je suis peut-être un peu plus privilégiée en ce qui regarde le secteur collégial que ne le sont les parents, du fait que j'y travaille depuis quinze ans, je pense que je biaiserais possiblement la réponse que je pourrais donner et elle ne serait pas exactement celle que les parents auraient désiré qui vous soit transmise.

Je regrette, M. le ministre, mais, pour une fois encore, les parents sont obligés de déplorer qu'ils sont tenus à l'écart de tout ce qui se fait au secteur collégial et qu'on le fait sous prétexte que nos jeunes sont des adultes. Je pense que ce qui se véhicule, soit au ministère de l'Éducation, soit dans les collèges, concernant la maturité de nos jeunes, la liberté et les distances qu'ils ont prises à l'égard de leur famille, est une réalité qui est véhiculée par ce milieu, mais celle qui est vécue à l'intérieur des familles est tout autre.

Je pense que, si le ministre de l'Éducation ne daigne pas s'adresser aux parents pour avoir leur avis lorsque arrive le moment des grands débats, il se prive et il prive le milieu collégial et tout le milieu de l'éducation d'un avis éclairé et essentiel pour la construction du devenir de nos enfants.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Raymond. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Seulement un petit mot. Je voudrais vous signaler, Mme Raymond, que je partage les regrets que vous venez d'exprimer. Maintenant, votre organisme n'est pas le seul dans cette position. Je pense que votre organisme a été traité comme tous les autres organismes, c'est-à-dire qu'à peu près tous avaient été laissés en dehors du portrait dans ce dossier-ci.

C'est seulement lorsque le ministre a décidé de consentir à la tenue d'une commission parlementaire récemment que tous les organismes ont été invités. La plainte que vous avez formulée, d'autres l'ont également formulée depuis le début des audiences. Je ne voudrais pas que vous

pensiez que c'est une chose qui s'applique seulement aux parents. C'est un reproche général et qu'on doit adresser au gouvernement dans ce cas-ci. Il y a peut-être d'autres cas où vous avez été ignorés. Vous réglerez votre problème avec le ministre. Il en a déjà beaucoup d'autres sur le dos. On va vous laisser cela. (22 heures)

Je voudrais vous rappeler une chose: Dès les réunions de la commission de l'éducation qui ont porté sur l'examen des crédits du ministère au début de mai dernier, je me souviens d'avoir insisté auprès du ministre pour qu'il convoque la commission parlementaire de l'éducation pour l'examen des problèmes des cégeps et en particulier pour l'examen du projet de règlement des études collégiales qui circulait sous le manteau à ce moment-là dans plusieurs milieux de collège. Si on avait donné suite plus tôt à cette recommandation, peut-être que les choses auraient pu se dérouler autrement.

L'idée d'une table de concertation, je vous dis cela car une association d'étudiants nous avait approchés à ce sujet. Nous préférions la commission parlementaire. Je veux être franc avec vous et je vais vous dire pourquoi. À ce stade-ci, nous estimions que cela fait cinq ans qu'on discute les règlements des études collégiales et qu'il était temps qu'on ait un débat public là-dessus. Pas une table de concertation pour initiés mais un débat public. Nous avons pensé que la commission parlementaire pouvait au moins l'amorcer sérieusement et je pense que c'est cela qui va avoir été fait. À d'autres stades, le gouvernement éprouve le besoin d'une table de concertation. Je pense que cela irait très bien. On ne pouvait pas commencer par cela parce qu'il y avait eu des consultations au cours des cinq dernières années. Je pense qu'il faut considérer qu'il y en avait eu beaucoup. Je vous expose seulement la position que nous, de ce côté-ci de la table, avons tenu dans ce dossier. J'espère qu'à l'avenir le gouvernement pourra s'y prendre plus tôt pour convoquer une commission parlementaire afin que chaque groupe, à l'intérieur des moyens dont il dispose, puisse se présenter en pleine connaissance de cause après avoir préparé le dossier qu'il est capable de présenter.

J'apprécie énormément la retenue qui vous fait dire que vous ne voulez pas confondre vos idées personnelles avec celles du groupe que vous représentez et qui vous induit à ne pas émettre d'opinion sur la substance du projet de règlement qui est devant nous ce soir. Je crois comprendre que c'est pour une autre fois et on l'attendra avec plaisir.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Mme la député de L'Acadie.

Mme Lavoie-Roux: Un petit mot seulement, M. le Président. Je voudrais faire remarquer que, dans le cas de la Fédération des associations des parents, quand l'échéancier est trop court, cela devient presque impossible pour eux. D'abord, ces gens n'ont pas la longue tradition de l'organisation des parents du niveau scolaire. Ils sont évidemment répartis dans l'ensemble du Québec tandis que les commissions scolaires généralement ont une meilleure structure. Vous retrouvez des groupes d'école à l'intérieur d'une commission scolaire, ce qui n'est pas le cas des cégeps.

J'aimerais simplement vous demander, puisqu'il est vrai que ce projet est maintenant le résultat de consultations informelles, est-ce qu'à un moment donné ou l'autre vous avez été consultés sur le projet de règlement? Je ne parle pas de celui-ci. Tout au long de l'élaboration de ce projet de règlement, est-ce que le ministère de l'Éducation a eu des contacts avec vous?

Mme Raymond: Nous avons déjà eu des contacts sur un projet antérieur. Nous avons déjà donné un avis il y a quelques années, je pense - si ma mémoire est bonne, c'est en 1980 - sur un projet qui nous avait été présenté, que quelqu'un nous avait envoyé sous la table évidemment et pour lequel nous avions émis un avis. Sur ce projet-ci, personne chez nous n'a eu le projet avant la dernière semaine d'octobre. Cela a été impossible pour nous de donner un avis sur un élément quelconque ou sur un autre.

Mme Lavoie-Roux: C'est en 1980, de mémoire, le seul moment où vous auriez eu à donner un avis. Sur celui-ci, je comprends bien que vous ne l'ayez pas eu.

Mme Raymond: Entre 1980 et 1983, concernant un régime pédagogique, nous n'avons pas eu de concertation comme telle, de demande d'avis sur un projet, sinon, à la même période en 1980, il y a eu un avis de donné sur les cours de français.

Mme Lavoie-Roux: Une dernière question que je vais poser au ministre. Je comprends, comme mon collègue d'Argenteuil l'a exprimé, vos réticences à donner vos opinions personnelles. J'aimerais quand même demander au ministre si, dans l'hypothèse où les deux clientèles fusionnent, celle des étudiants réguliers et celle des étudiants adultes, à ce moment-là, le ministre a examiné si ceci aurait une influence sur la participation des parents dans les conseils d'administration des cégeps. À ce moment-là, les parents en général étaient des représentants des étudiants réguliers et à ce

moment-ci, viendrait s'ajouter une clientèle adulte qui peut être beaucoup plus âgée. Est-ce que cela influencerait la représentation des parents à l'intérieur des cégeps?

M. Laurin: L'insertion dans le système collégial d'un plus grand nombre d'adultes, quelle que soit la façon dont on les définit -ce sont des adultes de 18, 19 ou 20 ans; ils quittent pour un an et ils reviennent - va peut-être changer la configuration des clientèles étudiantes, c'est bien sûr. Est-ce que le fait qu'il y ait de plus en plus d'adultes par rapport aux jeunes qui y sont nous amènera à réduire le rôle de l'association des parents? Sûrement pas, je n'envisage aucune mesure dans ce sens.

Mme Lavoie-Roux: Je vous remercie, M. le ministre.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Chiricota, M. Plouffe et Mme Raymond.

Je vais demander aux représentants de l'Institut canadien d'éducation des adultes de bien vouloir s'approcher et de prendre place à la table des invités.

Madame, si vous voulez bien vous identifier et identifier la personne qui vous accompagne; ensuite, vous lirez le contenu de votre mémoire.

Institut canadien d'éducation des adultes

Mme Cousineau (Léa): Je suis Léa Cousineau, vice-présidente de l'ICEA. Je suis accompagnée de M. Richard Nantel, agent de projet responsable à l'ICEA du dossier politique en éducation des adultes.

M. le Président, M. le ministre, mesdames et messieurs les députés, je vous épargne la répétition des doléances des groupes qui nous ont précédés quant au délai et à l'effort un peu surhumain que nous avons dû faire pour présenter notre mémoire ce soir.

L'Institut canadien d'éducation des adultes a la mission particulière de promouvoir les droits et les besoins des adultes en matière d'éducation au Québec et au Canada français. C'est à ce titre que nous sommes intervenus fréquemment auprès des gouvernements et de l'opinion publique ces dernières années et c'est à ce titre que nous sommes interpellés par le projet de réforme de l'enseignement collégial débattu aujourd'hui en commission parlementaire de l'éducation. Nous remercions d'ailleurs le gouvernement d'avoir accédé à la demande des organismes du milieu et de l'Opposition pour qu'une telle commission se tienne et nous le remercions également d'avoir invité l'ICEA pour représenter le point de vue des adultes.

En effet, il faut reconnaître que toute réforme de l'enseignement collégial aura, et doit avoir, des impacts sur l'enseignement aux adultes. C'est d'ailleurs de ce point de vue, vous l'aurez deviné, que nous intervenons dans ce débat, et plus particulièrement en ayant en tête l'amélioration nécessaire des conditions d'accès des adultes à l'enseignement collégial ainsi que l'amélioration de la qualité de cet enseignement.

Les clientèles adultes, qui sont-elles? Avant même de faire quelque commentaire que ce soit sur le projet de réforme, nous estimons absolument indispensable de parler plus abondamment de cette clientèle qui fréquente ou voudrait fréquenter les institutions collégiales, car les adultes ne forment pas un groupe homogène. La situation sociale et les acquis de vie et d'expérience des adultes sont variés, segmentés et, en conséquence, leurs besoins de formation le sont aussi. Par exemple, les besoins et les objectifs de femmes qui veulent revenir sur le marché du travail après 10 ans de vie familiale sont différents de ceux de jeunes décrocheurs de 20 ou 24 ans qui veulent reprendre leur formation de base ou une formation initiale.

Les objectifs de travailleurs qui veulent se mettre à l'heure des nouvelles technologies sont différents de ceux des membres d'un groupe qui veulent mettre sur pied une radio communautaire et ont besoin d'une formation pour y arriver. Ces quelques exemples - et on pourrait, je pense, les multiplier - expliquent pourquoi les adultes attendent du réseau public qu'il adapte ses formats et ses programmes jugés trop scolarisants et trop rigides. Ils attendent aussi qu'on leur fournisse un appui et un encadrement spécialisé qui leur conviennent vraiment.

Les adultes s'attendent également que les enseignements et les approches pédagogiques tiennent compte de leurs expériences et de leurs acquis de formation non scolaires. Ces particularités, ces spécificités des adultes sont reconnues dans les faits depuis toujours dans le monde scolaire. En fait, seules les institutions qui ont reconnu ces disparités, ces spécificités et qui ont su adapter leur travail ont réussi auprès des adultes. Cette réalité est également reconnue par l'ensemble des organismes internationaux et se trouve à la base des orientations du rapport de la commission Jean.

Il semble cependant que l'unanimité qui existe au Québec sur ce sujet parmi les organismes scolaires et sociaux n'ait pas atteint les rédacteurs du projet de règlement que nous avons devant nous, lequel ne reconnaît pas l'éducation des adultes comme une mission importante et spécifique des collèges. Nous faisons de la reconnaissance de l'éducation des adultes comme une

mission spécifique et particulière du réseau collégial notre première recommandation.

L'intégration des clientèles, quant à nous, ne sert ni les jeunes ni les adultes. En effet, la proposition la plus importante selon nous dans le PREC est celle qui lève la distinction d'âge qui était jusqu'à maintenant le facteur discriminant entre les clientèles jeunes et adultes.

Cette proposition se fonde sur l'objectif généreux de rendre accessibles toutes les ressources du cégep à toutes les clientèles. Nous estimons que cette proposition, pour y arriver, est extrêmement naïve, sinon dangereuse, et qu'elle aura un impact négatif à la fois sur l'accessibilité des adultes au réseau collégial et sur la qualité de l'enseignement.

Du point de vue de l'accès aux ressources, le problème que vivent les adultes en ce moment est double. Ils n'ont pas facilement accès aux ressources régulières du cégep, d'une part, et, d'autre part, les ressources spécifiques des services d'éducation des adultes ont été durement touchées par les compressions budgétaires imposées depuis trois ans par le gouvernement dans ce secteur. Le projet de réforme n'apporte qu'une mince réponse comme solution à ce problème. Ouvrir aux adultes les ressources régulières, si on pense à la bibliothèque, à l'imprimerie et aux autres services, répond à un besoin, bien sûr, mais à la condition qu'on étende l'ouverture de ces services aux heures qui conviennent aux adultes, ce qui n'est pas le cas.

En ce qui concerne les services d'accueil et de référence, d'encadrement et d'organisation des cours, on passe à côté du problème si on pense que les ressources régulières actuelles sont suffisantes et prêtes à répondre aux besoins des clientèles adultes. On peut certes espérer qu'une meilleure collaboration entre les ressources existantes apportera des résultats, mais cette espérance ne réglera pas par magie le problème de l'insuffisance des ressources responsables d'ouvrir davantage le réseau collégial aux adultes.

Ce que nous recommandons, c'est d'équiper les services d'éducation des adultes des ressources suffisantes pour jouer leur rôle, pour remplir leur mission propre. C'est là notre deuxième recommandation.

Du point de vue de l'accès à un enseignement collégial de qualité, c'est au niveau de l'enseignement que la philosophie, qu'une approche d'intégration des clientèles peut faire le plus de ravages, parce que cela peut nous mener à l'intégration systématique dans les groupes-cours de clientèles extrêmement hétérogènes, aux bagages de départ différents et aux cheminements très variables.

Quel enseignant sera capable dans ce contexte de préparer un cours et une approche pédagogique efficace pour tout le monde en même temps? Cette philosophie donnera-t-elle aux collèges les moyens de construire des programmes appropriés à plusieurs types de besoins et d'offrir des formats capables de s'adapter aux disponibilités des différentes clientèles? La voie de l'intégration est-elle compatible avec la nécessité d'un encadrement plus lourd? Si on se réfère aux clientèles qu'on a décrites plus haut, on comprend que plusieurs d'entre elles demandent un encadrement plus lourd qui vienne à la fois des enseignants et des enseignantes et des professionnels non enseignants de ces milieux. Des collèges ont développé des pratiques en ce sens qui ont fait leurs preuves. Il faudrait s'en inspirer.

Soulignons également que déjà le problème se pose; on a vu des problèmes semblables se poser simplement dans un mélange quasi au hasard des étudiants du général et du professionnel. Les intérêts et le bagage des uns et des autres étant inégaux, ce sont les derniers qui décrochent. Et si on ajoute à cela la disparité des clientèles adultes et que tout cela se retrouve dans les mêmes cours, les mêmes formats de cours, on craint que les adultes ne soient perdants, les jeunes aussi.

La qualité de l'éducation offerte aux adultes est incompatible avec l'intégration des clientèles aux mêmes groupes-cours. Cette qualité exige qu'on reconnaisse la spécificité des clientèles et qu'on développe des enseignements adaptés à ces clientèles. C'est notre troisième recommandation. Ce qu'on craint, c'est que ces disparités disparaissent.

Les programmes. La conception des programmes dans une perspective d'éducation récurrente doit permettre d'adapter les contenus en fonction des groupes ou clientèles.

La question des formats est aussi extrêmement importante pour nous. Nous retrouvons actuellement dans les cégeps des formats de longueurs très variées, qui ont certaines limites, que ce soit le DEC, le CEC ou l'AEC, mais qui forment un ensemble relativement progressif et cumulatif du plus petit au plus grand. Nous aurions aimé retrouver ces mêmes principes d'organisation des programmes dans le PREC d'une façon plus claire.

Par ailleurs, le poids relatif des CEC vis-à-vis des DEC et des programmes d'établissement vis-à-vis des sixième et septième du professionnel secondaire pose certains problèmes déjà évoqués par le Conseil des collèges du Québec, par exemple. (22 h 15)

II faut éviter qu'un adulte visant un CEC en telle discipline ne se voie imposer une programmation presque aussi lourde qu'un DEC et deux fois plus lourde que celle d'un CEC d'une autre discipline. Il est urgent

qu'on mette un peu de cohérence dans cette question des formats, afin que les adultes s'y retrouvent.

Cette question de la valeur relative des programmes se pose aussi par rapport aux diplômes. Pourquoi offrir des diplômes certifiés par l'État, DEC et CEC, et d'autres, programmes d'établissement, qui ne le seraient pas? Il y a là un risque de voir la valeur des diplômes d'établissement très peu reconnue sur le marché du travail, ou peu reconnue d'une région à l'autre, risque dont les adultes vont faire les frais.

Cette interrogation se pose aussi par rapport au DEC sans mention qui est proposé par le PREC.

On est bien conscient de certains problèmes. Que l'on puisse, comme voie de sortie, juger pertinent de façon exceptionnelle d'attribuer un DEC sans mention à des étudiants qui auraient repris deux ou trois fois des choix d'orientation, c'est une chose différente de le reconnaître exceptionnellement à la sortie et d'en faire une voie d'entrée et une voie d'orientation, compte tenu des conséquences lourdes d'un tel choix quant à l'intégration au marché du travail ou à la poursuite d'études universitaires.

Nous estimons que des efforts devraient être consentis pour apporter plus de cohérence dans les formats, dans l'ensemble des programmes, afin de les rendre progressifs et cumulatifs. Nous proposons aussi que les programmes conduisent tous à une certification par l'État. C'est notre quatrième recommandation.

Nous voulons ajouter un commentaire sur la proposition d'introduire des cours obligatoires de formation générale dans le CEC. Elle est intéressante en ce sens qu'elle pourrait bien compléter une formation professionnelle et nous ramener à une notion de formation fondamentale plus large. Mais, si elle doit passer par une diminution des contenus de spécialisation, elle fait du CEC un mini-DEC moins poussé sur tous les plans, à la fois sur la formation fondamentale et sur la formation professionnelle.

Par ailleurs, nous aurions suggéré d'élargir, dans le cas des adultes, la gamme des cours de formation générale proposés. Les adultes peuvent, à juste titre, préférer aux cours de langue, philo et institutions au Québec, des cours, par exemple, sur l'évolution de l'organisation du travail, les lois du travail, la santé et la sécurité au travail.

Des filières courtes pour les jeunes. Cela nous intéresse parce que la formation initiale a, quant à nous, un impact toujours important, après la formation des adultes qui sont ceux qui ont manqué de formation à l'origine.

Les principes énoncés plus haut en rapport avec les dangers de l'intégration des clientèles valent aussi pour les jeunes. C'est bien mal utiliser le principe de l'éducation permanente que de vouloir offrir aux jeunes en formation initiale les filières courtes jusqu'ici réservées aux adultes.

Cette intention du gouvernement ne se justifie ni du point de vue du marché du travail - il n'y a pas tant d'emplois qui attendent les jeunes à leur sortie du collège - ni du point de vue de la récurrence. Il n'y a pas de système de congé-éducation en vigueur au Québec, que l'on sache, qui permettrait aux jeunes sortis rapidement du réseau scolaire de revenir compléter leur formation plus tard. Ce sont donc des manques qui handicapent toute une vie.

Nous reconnaissons parfaitement qu'il existe un sérieux problème de décrochage au collégial, mais aucune étude n'a encore démontré que la solution à ce problème passe par la réduction de la durée des études. Nous soumettons qu'il faut peut-être regarder du côté des contenus de la pédagogie avant de passer tout de suite aux filières courtes.

Nous proposons donc comme règle qu'on n'ouvre pas aux jeunes les diplômes courts au niveau collégial et que le gouvernement propose d'autres solutions au problème du décrochage. C'est notre cinquième recommandation.

Du point de vue de l'accès à l'enseignement collégial. La reconnaissance des acquis. La reconnaissance des acquis de formation et d'expérience est certainement l'une des solutions clés au problème de l'accessibilité des clientèles adultes. On sait que les adultes réclament depuis fort longtemps de telles politiques. L'ouverture manifestée par le PREC sur ce sujet est intéressante mais nous apparaît insuffisante. Ce dont nous avons besoin, maintenant que le principe fait consensus, c'est d'un modèle de reconnaissance des acquis qui réponde aux besoins de la société québécoise, d'un modèle applicable à tous les types de situation, reconnu par l'ensemble des intervenants du monde de l'éducation et du monde du travail. Ce modèle devrait être assez uniforme et en même temps assez souple pour garantir la transférabilité des acquis reconnus.

En ce sens, l'article 27 du PREC est insuffisant. Sans modèle uniforme, la reconnaissance des acquis par les collèges continuera de se faire à la pièce, avec les dangers que cela comporte et dans les deux sens, c'est-à-dire d'une reconnaissance parfois trop permissive ou, au contraire, d'une reconnaissance étroite dans d'autres cas.

Notre sixième recommandation vise à demander l'élaboration de ce modèle dans les plus brefs délais.

Le discours du PREC concernant l'accessibilité à l'enseignement collégial rejoint nos préoccupations. Mais, il risque de demeurer sans effet s'il n'est pas appuyé de

mesures précises qui ne doivent peut-être pas faire l'objet d'un règlement concernant le régime pédagogique mais qui devraient accompagner un projet de réforme de l'enseignement collégial. On veut parler entre autres de l'augmentation des frais. L'augmentation des frais exigés des adultes depuis trois ans notamment est contraire à toute perspective d'accessibilité et l'abolition de ces frais devrait être l'une des premières mesures proposées par le gouvernement.

Des mesures d'égalité d'accès ou d'action positive, si on veut les appeler ainsi, doivent être mises de l'avant pour les clientèles dites défavorisées ou pour celles qui ont du retard à rattraper, sous forme de support financier, de services de garde, de services d'orientation et autres services qui ont vaguement été décrits dans d'autres mémoires ou documents que nous avons remis au ministre de l'Éducation.

La sélection des étudiants adultes, cela est un petit point mais on aurait pu toucher d'autres points qui concernent les ententes fédérales-provinciales concernant les programmes de formation de main-d'oeuvre du Canada. Depuis la dernière entente, la sélection des étudiants adultes échappe aux collèges et échappe au ministère à ce titre. Cette situation empêche des collèges de jouer le rôle d'orientation et occasionne trop souvent la formation de groupes-cours extrêmement hétérogènes.

Dans la perspective de négociation de nouvelles ententes en 1985, on souhaiterait qu'on ne laisse pas se perdre, se diluer le pouvoir dans le domaine pédagogique du Québec concernant la formation qui est faite à l'intérieur des ententes. Le gouvernement devrait rapatrier cette fonction dans des collèges, lors de la renégociation des accords Canada-Québec en 1985.

Les services à la collectivité. Pour beaucoup d'adultes, individus ou groupes, particulièrement les groupes, l'accès aux ressources collégiales passait par la capacité des collèges d'offrir des services à la collectivité sous forme de cours hors programme, non crédités, ou sous forme de ressources humaines ou matérielles: locaux, équipements, etc. Ces services constituent un apport non négligeable et peu coûteux, somme toute, des collèges à leur communauté.

Cette responsabilité, services à la collectivité, doit être reconnue et redonnée aux collèges. Peu d'entre eux ont pu maintenir ces activités depuis les coupures budgétaires de 1981-1983. C'est notre dixième recommandation.

Au-delà du PREC, une politique d'éducation des adultes. Évidemment, les quelques remarques et recommandations qui précèdent ne trouvent leur cohérence, selon nous, que dans une perspective d'éducation permanente et dans le cadre d'une politique cohérente, interniveau scolaire, d'éducatior des adultes.

Or, cette politique se fait attendre depuis février 1982. Le gouvernement, on s'en souvient, s'était engagé à la rendre publique en s'inspirant du rapport de la commission Jean. L'absence de cette politique explique l'absence quasi tragique, quant à nous, de la perspective "éducation des adultes" dans le projet de règlement qui est devant nous ainsi que dans le projet de loi 40 sur la restructuration scolaire. On constate, au contraire, que ces deux projets éducatifs passent par l'intégration de l'éducation des adultes à l'enseignement régulier et au réseau régulier. Quant à nous, il nous faut beaucoup craindre quant à l'avenir de l'éducation des adultes.

Nous réitérons notre opposition à cette orientation et demandons de nouveau au gouvernement de donner suite à ses engagements, de rendre public son projet de politique d'éducation des adultes. Cela est demandé de façon continue et urgente par la totalité des organismes intéressés à cette question depuis deux ans. C'est notre dernière recommandation et sans celle-là, les autres commentaires, dans leur ensemble quant à nous, perdent beaucoup de leur sens.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Cousineau. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie beaucoup l'Institut canadien de l'éducation des adultes pour son mémoire même s'il dit qu'il a eu peu de temps pour le préparer, je pense qu'il a réussi à bien cerner, clairement les problèmes les plus importants. Évidemment, l'institut connaît en grande partie les problèmes de l'enseignement collégial étant donné que c'est au collège que se retrouvent plusieurs adultes. On le voit par la profondeur de leurs remaques à cet égard.

J'aurais quelques commentaires et questions à adresser à l'institut cependant. Quand vous dites que les adultes attendent du réseau public qu'il adapte ses formats et programmes jugés trop scolarisants et trop rigides et que les adultes s'attendent que les collèges fournissent un support et un encadrement spécialisé. Est-ce que je pourrais vous demander de spécifier par quelques illustrations concrètes ce que vous entendez par ces deux jugements d'une part, programmes et formats trop scolarisants et trop rigides et d'autre part, type de support et d'encadrement qui paraissent nécessaires aux adultes?

Mme Cousineau: Oui, cela va me permettre de lever ce qui pourrait apparaître une contradiction ou une ambiguïté dans nos affirmations. C'est-à-dire, d'un côté nous affirmons que nous voulons que les adultes aient droit à la

même certification, au même contenu et à la même formation que les jeunes et d'un autre côté, nous parlons de déscolarisation et le rigidité. Pour nous, tout se passe dans l'organisation même de l'accès aux cours et de la prestation des cours au collège même. Quand on parle d'encadrement, on pense à la fois à des services d'accueil, à des services l'orientation qui sont différents, à la limite, à des services d'information ou simplement la façon dont on reçoit les gens qui sont différents. On pense au rapport maîtres-élèves, si on veut, ou professeurs-étudiants, qui doit être différent par définition.

L'apport des adultes est à la fois plus riche d'expériences de vie, ou plus riche d'acquis hors scolaire, mais en même temps, ils sont plus démunis que les jeunes parfois, si on pense à l'habitude du milieu scolaire, à l'habitude de l'organisation scolaire. Donc, chacune de ces difficultés fait appel à des actes d'encadrement pédagogique ou à différentes prestations d'enseignement qui doivent s'organiser dans chaque collège et qui gardent quand même des objectifs semblables et les mêmes que ceux des jeunes quand on parle de certification ou d'accréditation de ces études. Donc, cela suppose qu'au niveau des collèges, on puisse à la fois - et pour nous, cela a des conséquences - dans l'organisation scolaire, dans l'organisation administrative et dans la façon même d'organiser, permettre aux adultes de profiter au maximum des acquis de l'institution. Et là, on pense aux personnels qui sont là, à l'expertise des départements, à l'expertise des professeurs ou du personnel non enseignant. Mais qu'il y ait du monde qui soit là d'abord et avant tout pour les adultes et qui puisse assurer cet encadrement.

M. Laurin: Ces remarques rencontrent mon entier agrément.

À la page 4, vous dites que, par le PREC, on ne reconnaît pas l'éducation des adultes comme une mission importante et spécifique des collèges. Nous ne le disons peut-être pas "in so many words", comme on dit en français, mais je pense que le fait de vouloir ouvrir le collège à toutes les clientèles adultes et faire bénéficier les jeunes qui sont devenus des adultes parce qu'ils ont décroché ou qu'ils n'ont pas réussi à avoir accès au système en temps opportun, montre bien que nous partageons votre opinion à savoir que le collège a une mission importante et spécifique aussi à l'égard des adultes. Nous voulons, nous aussi - et c'est l'un des buts du projet - le rendre plus souple, plus ouvert aux besoins, plus capable de diversité. Incidemment, nous voudrions dépasser uniquement le point de vue de l'accessibilité sur le plan théorique.

Nous voudrions que ceci se traduise par des mesures concrètes et je suis tout à fait d'accord avec vous qu'il faut, par exemple, prévoir beaucoup plus que ce n'est le cas actuellement des structures d'accueil, des structures de référence, de même que des pratiques pédagogiques appropriées, de même que des services proprement identifiés également, ce qui est conforme aux demandes que vous nous avez d'ailleurs déjà adressées. Il me fait plaisir de confirmer que, dans cette politique de l'éducation des adultes qui, quand même, verra le jour très bientôt, cette affirmation sera confirmée à nouveau, précisée et illustrée par les mesures que nous entendons prendre pour la traduire au plan des réalités. Donc, je reconnais avec vous que l'éducation des adultes constitue une mission importante et spécifique des collèges.

J'aurais une autre question...

Mme Cousineau: Est-ce que vous me permettez une réaction?

M. Laurin: Oui.

Mme Cousineau: II est évident que si une loi générale ou une politique claire concernant l'éducation des adultes existait et que nous la connaissions, on serait probablement amené à faire une lecture différente des documents qui circulent actuellement. Je parlais tantôt du projet de loi 40. C'est la même chose concernant le PREC. Mais l'ignorance dans laquelle nous sommes des intentions du gouvernement et de l'existence de lois garantissant le droit des adultes à l'éducation nous amène à faire la lecture que nous faisons maintenant. Et dans ce contexte, ouvrir la porte à tout le monde sans que soient clairement inscrites ces distinctions constitue, quant à nous, non pas une garantie d'accessibilité, mais une menace à cause de cette absence d'approche quand on regarde tout cela. Effectivement, on s'en va vers une disparité de plus en plus grande tant du côté des jeunes que du côté des clientèles adultes. Et, pour nous, c'est en spécifiant et non pas en remélangeant le tout qu'on va rendre les services plus spécifiques. Je vous le dis encore, peut-être trouvez-vous que notre lecture est injuste, mais en l'absence d'une politique plus générale d'éducation des adultes, nous ne pouvons pas en faire une autre. (22 h 30)

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Laurin: En tout cas, nous voulons ouvrir non seulement les collèges mais aussi les commissions scolaires très largement, complètement aux clientèles adultes en les dotant des ressources appropriées.

La seule limite étant, évidemment, lorsqu'on parle de ressources, les contraintes budgétaires du gouvernement, qui reflètent

les problèmes de la société que nous connaissons. Même si nous faisons et entendons faire des efforts additionnels en ce sens, il est sûr que nous ne pourrons pas dès l'an prochain ou dans deux ans doter les collèges et les commissions scolaires, pour les fins de l'éducation des adultes, de toutes les ressources que vous mentionnez dans votre document, même si je suis d'accord avec vous qu'en principe ces ressources sont nécessaires. Il faudra y travailler graduellement.

Mon autre question porterait sur ce que vous appelez en page 6 "l'intégration systématique" dans les groupes-cours de clientèles extrêmement hétérogènes. C'est justement là mon problème, étant donné cette grande variété des populations adultes que nous connaissons maintenant. Il y a des adultes de 19 ans, de 20 ans, de 30 ans ou de 50 ans que nous retrouvons maintenant aussi bien dans les commissions scolaires d'ailleurs que dans les collèges.

Faudra-t-il, au nom de cette spécificité dont on parlait plus tôt, de cet optimum pédagogique dont on peut parler, faire des groupes-cours tellement réduits qu'ils vont coller aux caractéristiques ou aux profils de chacun des groupes d'âges nombreux qui peuvent se retrouver chez les adultes qui choisissent de revenir à l'école. Ceci pourrait poser des contraintes de tous ordres d'une part. D'autre part est-ce qu'on peut envisager que c'est toujours et, de la même façon, nécessaire? Je pense, par exemple, quand il y a des auditoires où se retrouvent des jeunes et des adultes qui doivent entendre parfois une longue présentation, il y a quand même un front commun qui permet un apprentissage sinon égal du moins valable. C'est peut-être moins vrai pour les ateliers ou pour d'autres formes d'enseignement plus individualisées, mais quand on parle des classes en général, jusqu'à quel point, en somme, faut-il aller dans ce cloisonnement ou dans cette répartition par groupes d'âge très précis ou d'adultes qui ont des expériences d'un certain type?

Mme Cousineau: Sur ce point, je pense qu'on peut faire un certain nombre de distinctions. Quand on disait: se référer à l'expérience qui se vit déjà dans certains collèges, il ne s'agit pas, pour nous, de constituer de petits groupes-cours ghettos permanents pour chaque clientèle ou sous-clientèle.

Il a de grandes distinctions qu'on peut faire déjà. J'en vois trois. Les jeunes en formation discontinue mais qui, à peine sortis de la formation initiale, reviennent. Il y a bien sûr... je pense à toutes les femmes qui sont nombreuses à réintégrer le système après une absence à la fois du marché du travail et du monde des études. Et c'est autre chose si l'on parle de recyclage perfectionnement. On aurait déjà des groupes.

Quand on disait que, quant à nous, on doit offrir aux collèges les possibilités de s'adapter, on peut jouer - j'allais dire dans le temps et dans l'espace - si je pense aux groupes de femmes, pour parler d'une clientèle avec qui j'ai travaillé dans un collège, c'est clair que pour nous, par exemple, ces femmes ne se retrouvaient entre elles que lors de leur première session, qui était une session essentiellement sur leur intégration, sur la remise à jour de leur capacité, de leurs méthodes de travail intellectuel et de leur capacité d'apprentissage. Au fur et à mesure de leur intégration au collège, on imaginait qu'elles s'intégreraient à d'autres groupes d'adultes, qu'elles s'intégreraient même, à l'occasion, d'une façon exceptionnelle, à des groupes de jeunes en petits nombres et sans perturber les groupes de jeunes qui étaient en formation initiale. Il y a des modèles possibles, mais tout est dans la possibilité de pouvoir garder cette approche spécifique et de pouvoir, de façon ponctuelle, graduer et appliquer la possibilité.

C'est clair qu'il y a des disparités quant au bassin de population, mais il y a des cégeps qui peuvent fort bien, compte tenu de l'importance des clientèles adultes qu'ils reçoivent, se permettre cette très grande spécialisation d'accueil ou de début... Dans certains cas, on peut penser aux groupes de femmes en milieu urbain qui représentent un bassin suffisant en formation pour justifier l'existence de groupes homogènes qui correspondent même aux normes budgétaires pour les constituer.

M. Laurin: Bien que vous ne recommandiez pas de normes trop rigides à cet égard.

Mme Cousineau: Non, mais la possibilité de le faire au maximum selon les besoins.

M. Laurin: Selon les possibilités.

Mme Cousineau: Mais dans un cadre qui garde la distinction constante.

M. Laurin: Je note ailleurs que vous êtes plutôt en faveur de diplômes nationaux même pour les AEC, même pour les CEC, alors que d'autres organismes ici reconnaissent qu'il serait mieux de n'accorder qu'une valeur régionale ou locale à certains diplômes de durée plus courte.

À part la raison que vous nous mentionniez, le marché du travail, est-ce que vous pourriez expliciter un peu les raisons qui vous amènent à faire cette recommandation?

Mme Cousineau: C'est notre crainte que

Les adultes se retrouvent avec une certification déqualifiée et qu'il y ait des diplômes reconnus de valeur et qu'il y en ait d'autres qui soient rapidement désuets ou peu reconnus en dehors de la région où on les a eus, ou peu reconnus quand il s'agit d'accéder à d'autres formations supérieures ou simplement de changer de lieu d'apprentissage.

M. Laurin: Est-ce à dire que vous reconnaîtriez très peu de valeur aux diplômes d'établissement?

Mme Cousineau: Nous ne disons pas que, nous, nous en reconnaissons peu, mais nous craignons qu'une telle pratique ne développe une perception et que le moindre incident de parcours fasse que la perception généralisée du peu de valeur de telle diplômation se répande sans égard à la valeur réelle des diplômes et que, dans certains cas, cela ouvre la porte à une déqualification de la certification dont les adultes risqueraient de faire les frais encore une fois.

M. Laurin: M. le Président, deux autres questions. Vous me semblez déplorer, en page 9, que le CEC actuel réservé aux adultes ne comporte qu'un enseignement spécialisé. Il me semble sentir dans votre mémoire que vous voudriez élargir la gamme des cours dispensés au-delà de la spécialisation et vous recommandez aux CEC pour adultes des cours de formation générale. C'est la première fois que cette recommandation nous est faite.

Mme Cousineau: II faut voir la double recommandation dans cela. Quant à nous, actuellement, le CEC a l'avantage d'offrir clairement aux adultes tous les cours de la spécialisation concernée. On sait très bien que ce qui n'est pas présent au certificat, ce sont les quatre cours de philo, les quatre cours de français. On sait que c'est cela, Les adultes qui reçoivent un certificat ont une diplomation qui garantit un équivalent total en ce qui concerne la formation professionnelle. Nous sommes d'accord avec cela. Ce que nous craignons d'un certificat qui reste court mais auquel on ajoute de la formation générale tout en voulant le garder court, c'est que c'est du côté de la formation de la spécialisation qu'on va couper. Je vous pose la question: Est-ce qu'on va se retrouver avec des certificats qui auront à la fois un peu moins de formation générale et un peu moins de formation professionnelle, qui à toutes fins utiles seront des mini-DEC qui vaudront un peu moins qu'un DEC? À cet égard, on aime mieux un certificat qui donne une formation professionnelle totale. Sur cela, on ajoute que l'approche concernant la formation fondamentale... Peut-être que si le DEC offrait aux adultes autre chose que la même définition... On ne veut pas mettre en doute la définition de la formation, on ne veut pas non plus se prononcer sur la valeur de la formation générale proposée aux jeunes, mais ce qu'on sait, c'est que, dans le cas des adultes, peut-être que si on leur proposait d'autres types de formation sous le vocable général, touchant les domaines qui les intéressent ou plus liés à l'expérience, ils seraient plus intéressés à ajouter cela à la formation professionnelle et peut-être, éventuellement, dans ce cadre choisiraient-ils même d'aller chercher un DEC. On pense à des formations fondamentales, larges, mais qui seraient plus liées à leur condition de vie ou aux interrogations que leur expérience sur le marché du travail les amène à se poser. On donne des exemples, mais il pourrait y en avoir d'autres.

M. Laurin: Et, par ailleurs, vous êtes d'avis qu'il ne faudrait pas offrir aux jeunes en formation initiale ce CEC, craignant probablement, comme beaucoup d'autres, qu'un trop grand nombre de jeunes actuellement inscrits au DEC s'inscrivent à ce CEC parce que plus court.

Mme Cousineau: On sait que le retour aux études, bien que souhaité par beaucoup d'adultes et bien que souhaitable, se fait toujours dans des conditions fort difficiles et les conditions d'accès actuellement ne nous permettent pas de croire que l'aller-retour du travail à l'école est chose facile. Il y a des pertes au niveau de la formation initiale qui sont toujours difficiles à rattraper. Là-dessus, on fait allusion au fait que le congé-éducation payé n'existe pas et que les conditions d'accès se passent actuellement avec des frais de scolarité et se passent avec l'absence de services minimaux qui permettent l'accès aux études pour les adultes.

M. Laurin: Ceci, même pour les jeunes qui auraient décroché au professionnel ou au général et qui seraient obligés d'attendre un an pour revenir s'inscrire à un CEC nouveau format.

Mme Cousineau: Ce qu'on rejette, c'est la filière courte comme étant la règle qui propose la solution, c'est-à-dire que ce problème est réel et on pense qu'effectivement il doit sûrement soulever l'attention et du ministère et de l'ensemble des intervenants du monde collégial actuellement. Mais identifier la filière courte du certificat comme la solution nous apparaît être une fuite rapide autour du problème et il y aurait d'autres questionnements, en tout cas sûrement d'autres réflexions à pousser là-dessus avant

d'identifier cette solution qui, quant à nous, comporte plus de dangers que de réponses au problème actuellement.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai écouté avec intérêt la présentation du mémoire de l'Institut canadien de l'éducation des adultes. Je pense qu'il était clair, concret et dans la ligne de la véritable tradition de l'éducation des adultes au Québec.

Une chose qu'on ne doit pas oublier -je ne pense pas que le ministre en ait parlé de manière explicite dans ses réactions -c'est l'avertissement qu'on donne à la fin du mémoire, à savoir que toutes ces recommandations particulières qui sont faites ne vont prendre toute leur signification qu'à l'intérieur de la politique de l'éducation des adultes que le gouvernement doit dévoiler tôt ou tard. Aussi longtemps qu'on n'aura pas cette politique d'éducation des adultes, c'est bien difficile de prendre l'une de ces recommandations isolément et de dire: On est d'accord avec ceci ou on n'est pas d'accord, parce qu'il faut bien voir comment elle finira par s'intégrer dans la politique que définira le gouvernement. Je répète encore une fois le voeu que nous avons émis à tellement de reprises au cours de la dernière année, que cette politique soit dévoilée dans les meilleurs délais et qu'elle puisse donner lieu à un débat de fond pendant une période raisonnablement prolongée qui comportera - je l'espère - une expérience comme celle-ci à un stade ou l'autre. C'est un premier point qu'on doit souligner avec force.

En ce qui concerne les points plus précis qui se dégagent du mémoire, je pense qu'il y en a deux qu'on doit souligner au départ. D'abord, la manière dont le gouvernement concevait l'élimination de la distinction entre étudiants adultes et étudiants jeunes apparaît de plus en plus, à mesure que la commission avance dans ses travaux, comme superficielle et hasardeuse. Cette dénomination, étudiants adultes - et l'autre, étudiants jeunes - n'est peut-être pas la bonne; peut-être devrait-on trouver d'autres dénominations. Quelles que soient les dénominations qu'on trouve, on se retrouvera toujours devant des distinctions que la réalité impose à l'observateur, au constructeur de systèmes et au gérant de systèmes également. Les adultes qui éprouvent des besoins de développement intellectuel dans la vie présentent une situation particulière, des problèmes propres, des difficultés spéciales qui demanderont d'être traités de manière particulière et spécifique. (22 h 45)

Je ne pense pas qu'on pourrait s'en tirer en disant: On va éliminer les distinctions à la base, au niveau de la prestation des services, mais on va garder en même temps certaines distinctions dans la partie administrative ou dans la partie de la planification. Le problème est beaucoup plus complexe. Je suis content qu'il ait été rappelé avec force.

À mesure que nous avançons, nous constatons que les milieux qui voient les choses de cette manière sont beaucoup plus nombreux et importants qu'on n'aurait pu le penser au départ. Je pense bien que cela devrait être une invitation au gouvernement à réfléchir très sérieusement à cette partie de son projet de programme d'études collégiales.

Un point qui soulève des objections à peu près universelles jusqu'à maintenant, c'est le projet de certificat d'études collégiales, surtout dans l'application universelle qu'on voudrait en faire. Si on voulait en faire une application limitée aux adultes, tout en élargissant le concept de certificat par rapport à celui qui existe actuellement, on se heurterait à toutes sortes d'autres difficultés qui demanderaient qu'on le réexamine d'une façon beaucoup plus approfondie. Je pense que cela fait huit organismes qui se présentent devant la commission jusqu'à maintenant. Il y en a deux qui n'ont pas émis d'opinion sur le contenu du projet que nous discutons et les six autres ont été unanimes à exprimer des objections fondamentales à l'encontre du projet de certificat d'études collégiales. Ce sont deux points confirmés par la présentation que nous venons d'entendre, qui confirment bien des appréhensions que de nombreux observateurs avaient formulées et qui devront faire l'objet d'un examen minutieux de la part du gouvernement.

Dans la présentation que l'institut canadien de l'éducation des adultes a faite, évidemment, un bon nombre de questions se posent. Je voudrais en poser quelques-unes, mais il y a une chose que je veux souligner avant de les poser. Quand on parle de l'éducation des adultes, ce qui se fait à Québec dépend à 90% de fonds fédéraux. Les sommes que le gouvernement du Québec affecte à l'éducation des adultes à partir de ses revenus autonomes sont extrêmement limitées et n'ont pas augmenté sensiblement depuis quelques années, à ma connaissance.

M. Laurin: Vous oubliez la clientèle qui va dans les collèges et les commissions scolaires et qui est payée par les crédits normaux du ministère de l'Éducation. C'est important.

M. Ryan: Si vous avez des chiffres à donner là-dessus, vous pourrez nous les donner, mais je maintiens mon affirmation quant aux fonds. Les sommes que nous

dépensons au Québec en provenance du gouvernement fédéral pour la formation des adultes sont beaucoup plus considérables que celles qui y sont affectées par le gouvernement du Québec. Celles qui sont affectées par le gouvernement du Québec ont été l'objet de nombreuses coupures au cours des dernières années, qui ont entraîné des réductions très importantes de clientèles dans certains secteurs.

Dans le secteur des collèges, est-ce que vous réunissez d'une manière régulière ou institutionnelle les responsables de l'éducation des adultes des collèges? Est-ce qu'il existe à l'Institut canadien de l'éducation des adultes une commission ou un comité spécial des responsables de l'éducation des adultes dans les collèges?

Mme Cousineau: Pas comme tel. Plusieurs collèges sont représentés et sont membres de l'institut. Dans les structures de l'institut comme tel, nous n'avons pas une table des responsables, mais depuis trois ans, dans le cadre de notre travail sur l'ensemble des politiques en éducation des adultes, l'ICEA a été à l'origine de la mise sur pied de la coalition de l'éducation des adultes. Dans cette coalition se retrouvent les représentants des responsables des services de l'éducation des adultes des collèges. Donc, à ce titre, à plusieurs tables de travail nous sommes amenés à rencontrer une bonne partie des responsables des services de l'éducation des adultes.

M. Ryan: D'après des renseignements que vous possédez à ce sujet, y a-t-il eu progression ou recul au chapitre des ressources mises à la disposition de l'éducation des adultes dans les collèges au cours des trois ou quatre dernières années?

Mme Cousineau: Là-dessus, je pourrais vous référer à l'ensemble des dossiers noirs que nous avons successivement présentés et rendus publics, entre autres, un qu'on a justement appelé le dossier noir de l'éducation des adultes où, quant à nous, on identifiait une baisse importante des clientèles et des fonds affectés à la formation dite générale au niveau collégial et la disparition quasi-totale de toute la formation qualifiée de socioculturelle, à la fois créditée et non créditée et une baisse importante dans certaines formations professionnelles.

Je ne pourrais vous chiffrer cette constatation actuellement mais il y a des documents. C'est clair que du côté de la formation générale particulièrement, il y a eu une baisse importante de clientèle.

M. Ryan: Est-ce que...

Mme Cousineau: ...de l'accueil moins grand et des disponibilités moins grandes dans l'offre de cours qui, elles, étaient dictées par les ressources budgétaires mises à la disposition des collèges pour préparer cette offre de cours.

M. Ryan: Je crois me souvenir que l'Institut canadien de l'éducation des adultes avait souscrit à l'ensemble des recommandations formulées par la commission Jean concernant l'élaboration d'une politique d'éducation des adultes au Québec. Vous me corrigerez si mes souvenirs sont déficients.

Mme Cousineau: Dans l'ensemble des recommandations, effectivement, l'ICEA et beaucoup d'organismes avec lesquels nous travaillons, ont souscrit à l'ensemble, en tout cas à la majorité des recommandations. Là-dessus aussi, nous avons rendu public l'ensemble de nos positions sur les grandes orientations de base concernant entre autres le droit à l'éducation, l'accessibilité, etc. Nous avons appuyé les grandes recommandations de la commission.

M. Ryan: C'est toujours la politique de l'Institut canadien de l'éducation des adultes. Elle n'a pas été modifiée depuis ce temps.

Mme Cousineau: Non.

M. Ryan: Très bien. Dans votre mémoire, vous dites qu'il faudrait instaurer un modèle de reconnaissance des acquis, un modèle uniforme, je crois comprendre, à travers le Québec. Vous ne voulez pas que chaque institution ait son modèle particulier parce que, si je comprends bien, vous trouvez que cela donnera rapidement lieu à des incohérences, à des inégalités de traitement d'une institution, d'une région ou d'une clientèle à l'autre, par exemple. Je vais vous poser deux questions là-dessus. Est-ce que vous pensez que c'est le gouvernement qui devrait prendre cela en main ou si ce devrait être les institutions? Deuxièmement, est-ce que l'Institut canadien de l'éducation des adultes est impliqué de quelque manière dans des consultations, des rencontres ou des actions concertées qui pourraient conduire à ce résultat?

Mme Cousineau: Quand nous parlons du dossier de la reconnaissance des acquis, nous sommes à la fois conscients combien c'est important pour les adultes d'avoir un tel système de reconnaissance des acquis; nous sommes bien conscients aussi que cela doit être appliqué d'une façon rigoureuse et intelligente si on ne veut pas qu'un tel système produise autre chose que les effets désirés. Donc, on ne voudrait pas d'une politique de reconnaissance des acquis qui introduirait encore plus de disparité, encore plus d'arbitraire et qui mènerait, encore là,

à une déqualification graduelle des certifications ou des reconnaissances données aux adultes.

Par ailleurs, c'est clair - plusieurs groupes l'ont signalé - qu'actuellement les acquis non scolaires et même certaines expériences... Là-dessus je vais reprendre encore l'exemple des femmes qui ont été coupées du marché du travail rémunéré. On a même connu et on connaît encore dans le système scolaire, de façon générale, un mépris des expériences. Donc, c'est clair que le fond de la recommandation, c'est de dire: Nous savons des choses, elles sont, à certains égards, équivalentes à des apprentissages scolaires et nous voudrions les voir reconnaître. Là-dessus, on veut trouver dans le monde scolaire, à la fois la souplesse et un examen intelligent de l'appréciation de ces expériences.

Par ailleurs, on est bien conscient que tout cela doit être uniformisé quelque part. On ne veut donc pas d'un modèle automatique qui, sans examen réel des expériences qui sont difficilement évaluables, on le reconnaît, ferait qu'à toutes fins utiles, il n'y ait pas de reconnaissance. On ne veut pas non plus que ce soit à ce point remis à l'initiative locale, qu'on recrée une disparité et qu'on reconnaisse n'importe quoi, ce que certains craignent à juste titre. Donc, un modèle qu'il faudrait avancer, largement discuter, peut-être expérimenter et, finalement, appliquer un peu partout. Là-dessus, on sait qu'il y a des travaux qui ont été commencés au ministère. Il y en a aussi qui ont été faits du côté des universités qui s'occupent de la formation des formateurs d'adultes, par exemple. On sait qu'un certain praticien aussi a amorcé des réflexions là-dessus. L'ICEA s'est impliqué mais nous on n'a pas travaillé particulièrement sur un modèle comme tel de reconnaissance des acquis. On souhaiterait une initiative du ministère pour proposer des choses à la lumière des travaux déjà faits pour que puisse s'amorcer le débat non plus sur le principe, car on pense que là-dessus il y a un consensus beaucoup plus large qu'il y a quelques années, mais les craintes demeurent et vont toujours demeurer tant qu'on n'aura pas un modèle d'application. Il faudrait aussi le soumettre à une large discussion. On ne croit pas que cela puisse s'inventer magiquement, non plus, un tel système de reconnaissance des acquis.

On sait que des expériences ont été faites ailleurs dans d'autres pays, certaines malheureuses d'autres heureuses. On pense qu'à partir de cela on serait prêt au Québec maintenant à examiner un tel modèle et à s'acheminer tranquillement vers une application.

M. Ryan: Est-ce que, a priori, il vous semblerait préférable que ce modèle-là soit imposé et géré par le ministère de l'Éducation ou par le réseau des collèges?

Mme Cousineau: On pense que le modèle devrait être provincial et à quelque part les reconnaissances avoir une valeur de transférabilité totale dans l'ensemble du réseau collégial au Québec. Quant à l'application - quand je pense à l'application, cela veut dire rencontrer les gens, les entrevues, l'application de tests d'équivalence - on devrait revenir à un palier local qui pourrait être régional, qui pourrait être harmonisé sur la base des régions, compte tenu des différents niveaux impliqués - je pense au secondaire, au collégial et à universitaire - mais près des clientèles à cause de toute la partie qui est de l'ordre quasi de la relation qui doit s'établir entre des individus lors d'une telle évaluation.

M. Ryan: Ne trouvez-vous pas, Mme Cousineau, que le gouvernement agirait de manière imprudente en mettant en vigueur l'article 27 de son projet de règlement sans qu'on ait trouvé une solution convenable à ce problème? Votre mémoire incline dans ce sens-là, mais il n'est pas particulièrement ferme sur ce point. Est-ce que je vais trop loin en vous posant cette question?

Mme Cousineau: Actuellement, ce principe garantit au moins ce qui existe déjà, à savoir un minimum de reconnaissance en ce qui concerne l'accès - cela on l'a déjà -la reconnaissance des acquis en termes d'accès à un niveau. Quant à nous c'est, bien sûr, à préserver. Dans ce sens-là on a comme un début d'utilisation du principe de reconnaissance des acquis et on ne veut pas le perdre. On pense que cela pourrait aller plus loin en termes d'équivalence. Donc que cela apparaisse au règlement, en soi, pour nous, ce n'est pas un problème. D'une certaine façon le vrai débat devra s'engager sur le modèle et sur la façon de l'appliquer. C'est clair qu'on ne peut pas le généraliser sans connaître le modèle. Quant à nous, on ne voudrait pas voir se développer mille et une façons d'interpréter cet article du règlement, bien sûr.

M. Ryan: Je passe à un autre sujet: le diplôme qui devrait être l'objet d'une certification nationale de la part du gouvernement. Lorsqu'il s'agit des attestations d'études collégiales, je vais vous dire franchement que je trouve que vous allez trop loin. Je trouve que vous en confiez beaucoup trop au ministère de l'Éducation. Je me demande si vous n'êtes pas portés à manquer un peu de confiance envers les institutions collégiales. J'ai de la misère à avaler celle-là, pour être franc avec vous. Celles que vous avez déjà données au ministre, je les ai écoutées; si vous avez

d'autres explications, cela me fera plaisir de les entendre. Je voulais juste vous faire part de ma réaction sur ce point-là. (23 heures)

Mme Cousineau: À moins qu'on se comprenne mal... Lorsqu'un établissement propose un programme, qu'il puisse le proposer, on n'a aucune objection. S'il a de la valeur, je ne vois pas qu'il y ait de problème à ce que le ministre de l'Éducation le reconnaisse comme tel et que cela devienne une certification d'État. Le fait d'échapper à la certification d'État nous apparaît être une ouverture au développement de certifications différentes et qui se dévaluent. Notre manque de confiance ne serait pas envers les institutions mais envers l'usage qu'on pourrait développer autour de... Par exemple, il y a quelques années, lorsque dans certains secteurs d'emploi on manquait de main-d'oeuvre, il suffisait de présenter un bulletin cumulatif attestant qu'on avait fait deux sessions qui auraient pu mener à un certificat ou à un DEC pour que les employeurs trouvent absolument intéressant le fait d'avoir un tel bulletin cumulatif. Il est clair que, lorsque l'emploi s'est fait plus rare, le fait de n'avoir qu'un bulletin et non pas un certificat est devenu discriminant, sans égard à l'expérience. Nous pensons qu'une certification d'établissement porterait éventuellement le même inconvénient ou les mêmes limites. À la moindre difficulté, ce serait considéré comme une certification inexistante parce que différente des autres, inférieure aux autres.

M. Ryan: Deux questions sur l'accessibilité. Vous dites que le CEC ne sera pas nécessairement la bonne solution aux problèmes des décrocheurs. Vous dites qu'il y aurait probablement d'autres solutions qui pourraient...

Mme Lavoie-Roux: Le sexe, on a compris le sexe.

M. Ryan: Non, c'est le domaine du gouvernement, cela.

M. Laurin: On a compris... C'est ce qu'on a compris.

M. Ryan: Vous autres...

Mme Lavoie-Roux: Moi aussi, j'ai compris...

M. Ryan: Nos fautes étaient autres.

M. Leduc (Fabre): C'est peut-être une solution.

M. de Beliefeuille: Qu'est-ce que vous avez dit?

M. Ryan: Non, l'Institut canadien d'éducation des adultes dit, dans son mémoire, que le certificat d'études collégiales proposé par le gouvernement ne sera pas nécessairement la bonne solution aux problèmes des décrocheurs et qu'il y aurait probablement d'autres solutions. Est-ce qu'il y en a d'autres que vous avez déjà proposées ou que vous voudriez soumettre à la réflexion de la commission?

Mme Cousineau: Ce n'est pas un domaine dans lequel nous avons une expertise réelle ou très poussée. Par ailleurs, notre expérience de travail avec les adultes nous indique qu'il y a beaucoup d'autres solutions à inventer qui sont du côté de l'encadrement, de l'accueil et des services offerts. On reconnaît qu'il y a un problème; on serait naïf de dire qu'il n'y en a pas mais, quant à la connaissance qu'on a des problèmes de retour aux études et d'intégration au monde scolaire ou de réintégration, on ne croit pas que la certification courte soit la solution.

D'ailleurs, on sait que plusieurs adultes choisissent les DEC plutôt que les CEC. Dès que les conditions le permettent, ils vont bien plus s'orienter vers un DEC que vers un CEC. On pense qu'il est préférable de viser à cela et que, dans le cas des jeunes, ce serait leur offrir une solution de facilité plutôt que de les aider à avoir accès à la vraie solution. On n'a pas d'expertise quant à ce qui devrait être permis.

M. Ryan: Juste une petite parenthèse avant que je vous pose ma dernière question. On a beaucoup parlé, depuis deux jours, des quelque 15 000 adultes en quête d'un DEC qui seraient inscrits comme étudiants réguliers dans des cégeps. Est-ce que le ministère pourrait nous communiquer des statistiques sur l'âge de ces étudiants? Cela pourrait changer bien des choses. À supposer que la très grande majorité soit de 19 et 20 ans, à ce moment-là, cela ne pose pas un problème aussi considérable que l'a prétendu le gouvernement. Mais s'ils échelonnent sur différentes catégories d'âge, d'une manière beaucoup plus étendue, cela posera un problème différent. Si on pouvait obtenir des données là-dessus, selon les sexes également...

M. Laurin: C'est le cas.

M. Ryan: Pardon? ...et la répartition selon les cours aussi, en particulier les deux grandes divisions. Je pense que cela nous aiderait beaucoup à mieux cerner cette réalité. Je ferme la parenthèse et je vous pose ma dernière question, Mme Cousineau.

Vous avez une recommandation, à la page 12, dans laquelle vous dites que l'abolition des frais exigés des adultes depuis

trois ans devrait être une des premières mesures proposées par le gouvernement. Est-ce que je dois comprendre que vous demandez qu'on supprime seulement les hausses de frais de scolarité institués par le gouvernement depuis trois ans ou si vous voudriez qu'on aille vers la gratuité totale de l'éducation des adultes au plan secondaire, ce qui est déjà la politique de l'Institut canadien d'éducation des adultes depuis le temps lointain où j'en étais le président, et au niveau collégial? Au niveau collégial, cela pose un problème particulier parce qu'on change d'étage; cela comporte des implications budgétaires assez considérables. Est-ce que c'est la politique de l'Institut canadien d'éducation des adultes d'aller jusque là et pour quelle raison, parce que c'est gratuit déjà pour les étudiants réguliers, je suppose?

Mme Cousineau: Oui, c'est dans le droit et en cela on rejoint l'approche de la commission Jean. On pense qu'une reconnaissance du droit absolu des adultes à une formation fondamentale inclut un accès et la gratuité jusqu'à la fin du niveau collégial.

Par ailleurs, je dois vous faire remarquer que le problème qui se pose pour les adultes ne se traduit pas par des frais stricts de scolarité parce que, théoriquement, il n'y a pas de frais de scolarité, sauf que la hausse faramineuse des frais d'inscription ou des frais d'administration - comme on les a surnommés - nous paraît une appellation déguisée de frais de scolarité. Je n'ai pas les chiffres avec moi, mais quand les frais d'admission représentent 15 $ pour 15 heures de cours dans certains cas, on est près de frais de scolarité qui ne sont jamais appelés frais de scolarité, mais frais d'admission ou d'administration. Ce sont ces frais qu'on veut voir disparaître; quant à nous, ce sont des frais de scolarité déguisés.

M. Ryan: Est-ce que vous savez que pour les cours de formation professionnelle, c'est beaucoup plus que 15 $ par jour?

Mme Cousineau: Je parlais d'unités de 15 heures quand j'ai mentionné 15 $.

M. Ryan: II me semble - si je comprends bien cette partie de votre mémoire - qu'au cours des dernières années, en matière de frais encourus par les adultes pour fins d'éducation dans les institutions, on a reculé plutôt qu'avancé.

Mme Cousineau: Oui.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je reviens à une question qui a été soulevée par le député d'Argenteuil. À la page 10 de votre mémoire, vous parlez d'un sérieux problème de décrochages au collégial. 11 y a également un sérieux problème au niveau du secondaire.

Par ailleurs, on a commencé à instaurer un certain nombre de cours qui s'adressent aux décrocheurs. Ces cours existent présentement dans les écoles secondaires. II en existe également au collégial. Je sais, non pas de façon précise et détaillée, qu'il s'agit de cours adaptés à une clientèle qu'on appelle une clientèle de décrocheurs et ces cours sont assumés par les services d'éducation des adultes. Est-ce que votre groupe a été consulté? Est-ce que vous suivez cette expérience? Est-ce que cette expérience peut servir de modèle pour répondre aux problèmes qu'on soulève, comme alternative au CEC?

Mme Cousineau: Certains des partenaires de l'ICEA sont près de ces expériences, particulièrement au secondaire. Je sais qu'elles sont considérées, dans certains cas, comme positives. Il y a peut-être lieu de les examiner en vue de nous amener d'autres solutions mais je dois dire -à moins que Richard n'ait des choses à ajouter sur cela - qu'on n'a pas suivi de très près ces expériences.

M. Leduc (Fabre): D'accord. À la page 12 de votre mémoire, vous parlez de la sélection des étudiants adultes et cela me semble un point important. Dans le cadre des programmes de formation des Centres de main-d'oeuvre du Canada, vous dites que cela échappe de plus en plus aux collèges. Selon votre expérience, quel est le rôle des collèges actuellement, des services d'éducation des adultes par rapport aux centres de main-d'oeuvre? Quelles sont les relations et est-ce qu'il y a moyen d'améliorer cela dans le cadre actuel ou si, vraiment, il n'y a rien à faire? Quelle est votre opinion à ce sujet?

Mme Cousineau: Sur ce point, nous pensons que le texte de l'entente fédérale-provinciale a remis aux centres de main-d'oeuvre la responsabilité de la sélection et les collèges reçoivent les étudiants qui sont envoyés par les centres. Les collèges n'interviennent plus dans le processus de sélection, de plus en plus. L'entente ne prévoyait pas nécessairement que seuls les centres le feraient, mais elle leur donnait une plus grande responsabilité. On nous avait dit à l'époque que cela permettrait d'élargir l'accessibilité mais, dans les faits, ce sont les centres de main-d'oeuvre et nous pensons que cet article de l'entente devrait être réexaminé lors de la renégociation pour garantir à nouveau ia responsabilité des

collèges et du ministère de l'Éducation quant à la sélection et à l'encadrement pédagogique, de façon générale, de la formation professionnelle qui se donne dans le cadre des PFMC.

Nous pensons que la responsabilité du ministère, en termes pédagogiques - cela comprend la sélection, l'accueil - a été mise en phase de recul, de disparition par les dernières ententes. On pense qu'il y aurait lieu, lors de la prochaine négociation, de revenir là-dessus à l'examen de l'expérience de l'entente qui est actuellement appliquée.

M. Leduc (Fabre): Donc, le rôle des collèges se limite uniquement à dispenser des cours. C'est ce que vous dites.

Mme Cousineau: Et à faire de l'encadrement. Actuellement, les professeurs, une fois que les étudiants sont là, assument... Dans la plupart des cas, ce sont les professeurs qui assument cet encadrement, mais, au niveau de la sélection, il y a un recul certain. Et, nous, on se pose la question: Est-ce que, de façon générale, tant au secondaire qu'au collégial, on a suffisamment d'encadrement pour assurer la qualité pédagogique de cette formation qui risque d'échapper complètement au système d'éducation s'il y a trop de responsabilités qui sont envoyées du côté des centres de main-d'oeuvre?

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. J'ai une question: L'Université Concordia a réussi, d'une façon assez remarquable, je crois, à intégrer les étudiants à temps plein, les adultes à temps plein, les jeunes à temps partiel, les adultes à temps partiel, jour et nuit. Est-ce que vous avez examiné ce modèle et est-ce qu'il y a des éléments qui sont pertinents? Est-ce qu'on pourrait apprendre ou appliquer quelques éléments aux problèmes des cégeps?

Mme Cousineau: Je pense qu'en partant il faut bien voir que la différence, l'écart d'âge et la différence d'expérience entre les étudiants en formation initiale, qu'on appelle les jeunes au niveau collégial, et les adultes qui reviennent, sont quand même plus importants qu'au niveau universitaire. Personnellement, je connais, puisque j'y travaille maintenant, l'expérience de l'UQAM qui se pique aussi d'avoir réussi une intégration totale et intéressante des clientèles, mais je dois vous dire, par ailleurs, que dans ce contexte - et cela m'a beaucoup frappée - dans le plan triennal, le nouveau plan triennal de l'UQAM, est apparue cette année une longue série d'articles confiant aux services pédagogiques universitaires une plus grande responsabilité dans l'examen des conditions de travail des étudiants adultes, en spécifiant particulièrement les femmes, particulièrement tel autre type de clientèle. On reconnaît dans le plan triennal, plus fortement qu'il y a quelques années, l'importance de l'accueil spécifique, de l'encadrement spécifique et de la présence différente du corps professoral à ces adultes, malgré une différence d'âge souvent peu apparente.

Donc, quant à moi, l'expérience d'intégration dans certaines universités est une leçon, qui nous conduit non pas à l'intégration des clientèles au collégial, mais qui, au contraire, nous indique que, même lorsque l'intégration est souhaitée et possible, on revient à une approche pédagogique qui dit: II faut pour ces clientèles, même à l'université, un encadrement spécial, un accueil spécial et des services pédagogiques spéciaux. Je ne connais pas du tout l'expérience de Concordia, mais, pour ce que je connais de l'UQAM, je trouve que là-dessus les décisions du dernier plan triennal sont révélatrices.

Mme Dougherty: Merci. C'est très intéressant.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Laurin: Une dernière question, M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le ministre, une dernière question.

M. Laurin: ...toute légère. La sélection des adultes - mon collègue en a parlé - je voudrais y revenir un bref moment. Actuellement, en région, elle est faite par le CEIC et le CFP, fédéral et provincial. Est-ce que vous considérez que - parce que c'est l'objet de votre recommandation 9, je crois; oui? - est-ce que vous considérez que cette sélection des adultes est une tâche de formation? Ne seriez-vous pas portés à considérer que c'est une fonction qui découle d'une politique de la main-d'oeuvre? Est-ce que c'est quelque chose, donc, si c'est une tâche de formation, qui devrait être assumé par le collège?

Mme Cousineau: Nous, on pense que... On ne prétend pas que les collèges devraient être les seuls, sans autre considération. Mais ce qu'on considère, c'est que, en référence à toute notre approche de formation des groupes et de constitution de groupes courts qui ont quelque caractère d'hétérogénéité, etc., cela supposerait que les collèges puissent intervenir aussi dans ce processus de

sélection. Donc, ils ne devraient pas simplement agir lors de la prestation stricte de la formation, mais qu'ils puissent intervenir aussi au moment de la sélection. Pas comme seuls intervenants, mais ils devraient jouer un rôle à ce niveau

M. Laurin: La sélection vous apparaît appartenir plutôt au domaine de la main-d'oeuvre qu'au domaine de la formation. Politique de main-d'oeuvre ou politique de formation, la sélection.

Mme Cousineau: Pas uniquement. Je pense que les collèges, à cause de l'importance de l'opération qui consiste même à former les cours et à préparer les groupes d'étudiants, devraient aussi intervenir dans le processus de sélection.

M. Laurin: Très bien.

Le Président (M. Blouin): D'accord? Alors, M. Nantel et Mme Cousineau, merci beaucoup de votre participation aux travaux de notre commission. Et sur ce, la commission élue permanente de l'éducation ajourne ses travaux sine die.

(Fin de la séance à 23 h 16)

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