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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 9 décembre 1983 - Vol. 27 N° 191

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Étude des propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial


Journal des débats

 

(Onze heures quarante-six minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre! La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission qui porte sur l'étude des nouvelles propositions relatives au régime pédagogique de l'enseignement collégial.

Les membres de cette commission sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. de Bellefeuille (Deux-Montagnes), Mme

Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), Mme Harel (Maisonneuve), M. Charbonneau (Verchères), M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Dauphin (Marquette), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

Alors, aujourd'hui, nous devrons interrompre nos travaux à 13 heures précisément, puisqu'on m'indique qu'il y aura, à ce moment-là, un vote et que la présence des députés sera requise au salon bleu de l'Assemblée nationale.

M. Ryan: ...12 h 50.

Le Président (M. Blouin): Enfin, aux alentours de 13 heures, m'indique-t-on.

Sans plus tarder donc, nous allons demander à la Société de philosophie du Québec et à l'Association des professeurs de philosophie au niveau collégial de bien vouloir prendre place à la table des invités.

Aux fins du journal des Débats, je demanderais aux représentants de la société et de l'association de bien vouloir s'identifier et, ensuite, de nous livrer le contenu de leur présentation.

Auditions

Société de philosophie du Québec

et Association des professeurs de philosophie au niveau collégial

Mme Ayoub (Josiane): M. le Président, M. le ministre, M. le porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation, messieurs et mesdames les députés, mesdames et messieurs, nous vous remercions tout d'abord de l'invitation que vous nous avez faite de présenter le mémoire au sujet du projet de règlement des études collégiales. Je vous présenterai d'abord les membres de notre délégation. Moi-même, présidente de la Société de philosophie du Québec, professeur de philosophie à l'Université du Québec à Montréal et directrice du module de philosophie; M. Paul-André Quintin, premier vice-président de la Société de philosophie du Québec, professeur de philosophie à l'Université du Québec à Trois-Rivières et chef du département de philosophie de l'Université du Québec à Trois-Rivières; M. Pierre Cohen Bacrie, qui est le président de notre comité permanent sur l'enseignement de la philosophie, qui est professeur de philosophie au cégep de Montmorency et qui est coordonnateur adjoint du département de philosophie du cégep de Montmorency; mon collègue, M. Bruno Leclerc, professeur de philosophie au cégep de Rimouski, chef de département du collège de Rimouski et président de l'Association des professeurs de philosophie au niveau collégial; M. Jean-François Martineau, professeur de philosophie au cégep d'Ahuntsic, membre du conseil d'administration de la société de philosophie au collège et ancien membre du groupe de travail ministériel pour l'établissement du programme-cadre des quatre cours communs et obligatoires de philosophie dans les collèges.

Avant que M. Pierre Cohen Bacrie ne vous lise le mémoire, je vous présente brièvement la Société de philosophie du Québec. Je souligne aussi ou je rappelle que les grandes lignes du mémoire qui suivra ont été adoptées à l'unanimité par son conseil d'administration lors de sa réunion du 3 décembre.

La Société de philosophie du Québec compte entre 350 et 450 membres, réguliers, étudiants et institutionnels. Bien implantée dans les universités et les collèges, avec des représentants régionaux dans tout le Québec et même dans les régions francophones des provinces voisines, la Société de philosophie du Québec publie régulièrement un bulletin, ainsi que la Revue philosophique. L'assemblée annuelle a lieu lors du congrès de l'Association canadienne française pour l'avancement des sciences (ACFAS). Elle tient également chaque année un colloque

interdisciplinaire avec les sciences humaines.

Au mois d'août 1983, la Société de philosophie du Québec a été l'une des deux sociétés hôtesses du congrès mondial de philosophie à Montréal. Elle fêtera l'an prochain son dixième anniversaire de fondation.

Depuis plusieurs années, la société a formé un comité permanent de l'enseignement de la philosophie dont le président siège au conseil d'administration de la société. C'est essentiellement sous l'impulsion de son comité, le CEPH, appuyé à l'unanimité par son conseil d'administration et ses officiers, que la Société de philosophie du Québec a dernièrement réitéré, en les reformulant, ses prises de positions publiques sur l'enseignement de la philosophie et la place de la philosophie dans la culture québécoise.

M. Bruno Leclerc, voulez-vous présenter votre société?

M. Leclerc (Bruno): "Philosophie au collège" est une nouvelle association fondée à Montréal récemment en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies et qui vise à promouvoir et à développer l'enseignement de la philosophie au Québec. Cette association regroupe tous les professeurs de philosophie au niveau collégial qui le désirent et compte déjà 150 membres en règle. Également dénommée Association des professeurs de philosophie du Québec de niveau collégial, Philosophie au collège est associée de très près, au niveau du comité organisateur, à la préparation des états généraux de la philosophie au Québec, de concert avec la Société de philosophie du Québec, entre autres. Ces états généraux auront lieu les 19 et 20 janvier 1984 au Collège du Vieux-Montréal. Parmi de nombreux participants de renom, citons M. Dominique Lecourt, qui y représentera le nouveau Collège international de philosophie créé par le gouvernement français pour développer l'enseignement et la recherche en philosophie. À propos de ces états généraux, nous aimerions vous présenter un dépliant qui présente les grandes lignes de cet événement.

De plus, "Philosophie au collège" entreprend la publication d'une brochure contenant des expériences pédagogiques informatisées concernant le renouvellement de l'enseignement de la philosophie au collégial en relation avec l'ensemble des départements de philosophie des collèges publics et privés représentés à la coordination provinciale de philosophie.

C'est donc un honneur et un privilège, à notre avis mérité, pour nos deux associations, d'avoir été invitées à présenter ce mémoire conjoint à la commission élue permanente de l'éducation au nom de la communauté philosophique québécoise. Il est important de souligner que, malgré la rapidité de convocation de la présente commission parlementaire, les éléments constitutifs de ce mémoire ont fait l'objet d'une intense consultation auprès des départements de philosophie des collèges dont les délégués, réunis en réunion extraordinaire de coordination à Québec le 3 décembre 1983, ont approuvé, par un vote majoritaire de l'ordre de 90%, les recommandations finales.

Le présent mémoire conjoint concerne le projet de règlement sur le régime pédagogique du collégial dont les mesures suivantes concernent plus particulièrement la philosophie et la formation générale des étudiants du collégial: 1° réduction de quatre à trois des cours de philosophie communs et obligatoires requis pour l'obtention d'un diplôme d'études collégiales; 2° introduction, concurremment au DEC, d'un nouveau diplôme, certificat d'études collégiales ou CEC à l'intention des étudiants qui le désirent et qui sont inscrits au secteur professionnel. La formation générale y est réduite comparativement au DEC et ne comporte plus qu'un seul cours de philosophie qui ne serait, d'ailleurs, plus obligatoire pour tous les étudiants. Trosièmement, possibilité nouvelle offerte aux étudiants de choisir leurs cours complémentaires à l'intérieur de leur champ de spécialisation ou de concentration. Cette mesure concerne essentiellement les disciplines des sciences humaines dont la philosophie fait aussi partie actuellement, majoritairement choisies pour assurer un complément de formation générale en dehors du champ de concentration ou de spécialisation des étudiants.

Pour la lecture de l'essentiel du mémoire, je cède la parole à M. Pierre Cohen Bacrie, président du comité sur l'enseignement de la philosophie de la société de philosophie qui avait été chargée de préparer le dossier. M. Bacrie.

M. Cohen Bacrie (Pierre): Merci. Je commence ma lecture au chapitre 2, intitulé 8 du mémoire. Le livre blanc de 1978. En 1978 était publié le livre blanc intitulé "Projet du gouvernement à l'endroit des collèges" et qui visait à faire le point sur le réseau collégial. Il est remarquable que ce livre blanc, soumis à la consultation de toutes les instances impliquées dans le réseau collégial, ne prévoyait aucunement de réduction du nombre de cours de base obligatoires de philosophie. Le maintien de la formation philosophique pour tous les étudiants, qu'ils soient inscrits au secteur général ou au secteur professionnel, était donc considéré comme un acquis valable et faisait partie intégrante du projet du gouvernement à l'endroit des collèges. Cependant, le livre blanc n'était pas resté

sourd aux critiques qui, ici ou là, avaient pu être formulées contre la pratique de l'enseignement obligatoire de la philosophie. Il en avait tenu compte et s'en était fait l'écho.

Ces critiques disparates et parfois contradictoires entre elles y sont consignées. Apparaissait donc dans le livre blanc le projet de formuler, sous l'autorité du ministre, un nouveau programme-cadre pour ces quatre cours de philosophie afin d'améliorer un enseignement dont, par ailleurs, le gouvernement ne contestait nullement l'utilité dans la formation des étudiants.

Le nouveau programme cadre pour quatre cours de philosophie. Ce nouveau programme-cadre est contenu dans la brochure qui est adjointe vers la dernière page du mémoire.

Dès 1979, un an après la parution du livre blanc, un groupe de travail ministériel était constitué avec le mandat de redéfinir les objectifs visés par les quatre cours de philosophie en rapport avec les besoins des étudiants. Ce groupe de travail, constitué d'un universitaire, d'un fonctionnaire du ministère, d'un cadre pédagogique d'un collège et de deux professeurs de philosophie du collégial, a effectué un travail remarquable qui a fait l'objet en 1982 d'une approbation ministérielle. Conviée à se prononcer sur un travail qu'elle n'avait pas produit elle-même, la coordination de philosophie, composée d'un représentant par département de philosophie des collèges publiques et privés, a accepté de redéfinir le contenu des quatre cours de philosophie afin d'en réaliser les objectifs. Le résultat final de ce processus a conduit à la préparation d'un nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie accepté à l'unanimité par la coordination de philosophie et accepté également par la direction générale de l'enseignement collégial.

Ce nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie, qui vise à améliorer un enseignement de qualité et à tenir compte des critiques formulées, comporte, comme trait caractéristique, le souci d'équilibre entre la transmission d'une tradition culturelle occidentale riche de quelque 25 siècles et l'actualisation de ses problématiques dans la société contemporaine. C'est ainsi que chacun des quatre cours de philosophie comporte une rubrique intitulée: Problématique contemporaine. Notons particulièrement, parmi les objectifs généraux des quatre cours de philosophie, le suivant: Assurer une réflexion critique sur les facteurs socio-économiques, idéologiques et autres qui modèlent et structurent l'insertion de l'être humain dans son milieu social, technologique et naturel. Enfin, les quatre cours de philosophie visent également à former, sur le plan social "des citoyens éclairés et responsables capables de s'engager dans les grands débats de la cité". Il s'agit d'un extrait de la présentation officielle du nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie. (12 heures)

Ce nouveau programme-cadre entre en vigueur dès janvier 1984 et est susceptible d'une application généralisée en septembre 1984. On doit en attendre une meilleure actualisation, une meilleure adaptation aux besoins des étudiants des quatre cours de philosophie, et tout permet de l'espérer compte tenu du comportement de la coordination de philosophie.

Des efforts pédagogiques particuliers sont entrepris pour faire passer ce programme du papier à la réalité de salles de cours. Les professeurs de philosophie se sont attelés à cette tâche et ont entrepris de produire un outil d'implantation pédagogique sous la forme de publication d'expériences pédagogiques informatisées en regard des rubriques du nouveau programme. Le dynamisme, le sérieux et le souci de l'actualisation de leur enseignement ne font certainement pas défaut aux quelque 800 enseignants de la philosophie au niveau collégial.

La place de la philosophie dans la société québécoise. Malgré le rôle privilégié que la philosophie a à jouer dans la formation générale, il est à remarquer que cette discipline est actuellement totalement absente de l'enseignement obligatoire jusqu'à seize ans. C'est ainsi que seuls les étudiants de niveau collégial postobligatoire peuvent y avoir accès. Il s'agit là d'un manque qui doit faire l'objet d'une réflexion.

Mentionnons simplement, à ce titre, les travaux de Matthew Lippman, de l'Institute for the Advancement of Philosophy for Children, Montclair State College. Plusieurs dizaines de milliers de jeunes Américains suivent déjà des cours de philosophie dans des programmes progressifs de l'élémentaire à la fin du secondaire. Compte tenu des résultats de l'enquête sur la qualité de l'éducation aux Etats-Unis, cette tendance au développement de l'enseignement de la philosophie au cours de la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans devrait se poursuivre.

Pour l'heure, la présence de la formation philosophique est, au Québec, limitée au collégial pour quelque 140 000 étudiants. Toute réduction entraînerait automatiquement une réduction de la place de la réflexion philosophique dans notre société dans les circonstances actuelles.

De plus, comme il n'existe pratiquement pas de profession ou de métier qui exige une formation philosophique spécialisée, il serait vain de croire que des étudiants de niveau collégial choisiraient la

philosophie comme cours optionnel en nombre significatif. Le choix de la philosophie, aux côtés du français, comme discipline de formation à l'intérieur du bloc de cours communs et obligatoires et le maintien du nombre de ses cours sont donc une condition nécessaire si l'on ne veut pas voir disparaître rapidement cet aspect de la formation.

Par ailleurs, il y a tout lieu de penser qu'une réduction du quart ou plus de l'enseignement de la philosophie au collégial entraînerait un impact négatif sur les départements de philosophie des universités -perfectionnement des enseignants, désir de spécialisation des étudiants, interaction des niveaux. En particulier la recherche aurait à en souffrir. Selon un rapport rédigé par Mme Letocha, de l'Université d'Ottawa, une part très importante des publications et des recherches en philosophie au Québec est assurée par les professeurs du niveau collégial.

L'impact culturel de la philosophie est également largement dépendant de sa présence actuelle dans la formation collégiale. Prenons pour exemple la publication d'un Descartes par les éditions Hexagone-Minerve qui, dans le cadre de leur collection Balises ayant pour but de réactualiser dans la culture québécoise, par un travail de présentation et d'annotation, les oeuvres fondamentales de la philosophie classique, en ont vendu 4500 exemplaires et prévoient en publier 12 000 exemplaires. Et cet exemple n'est pas unique.

On le voit bien, la place de la philosophie dans la société québécoise est directement dépendante de son enseignement à un grand nombre de jeunes dans le réseau collégial; elle y est en quelque sorte proportionnelle. Et il s'agit d'une spécificité culturelle québécoise qui, par son insistance sur la philosophie dans la formation, continue de s'enrichir d'une traduction vivante, constamment renouvelée et réactualisée.

Importance et actualité des objectifs globaux de formation de l'enseignement de la philosophie.

La philosophie constitue un espace de réflexion pour les étudiants du collégial.

Par rapport à ses cours de concentration ou de spécialisation qui le préoccupent au niveau de sa formation professionnelle ou pré-universitaire et dans lesquels l'acquisition d'une compétence spécifique prime nécessairement la libre réflexion, l'étudiant s'aperçoit assez vite que de bons cours de philosophie lui permettent, pour la première fois, d'intégrer une dimension réflexive à sa pensée.

Raymond Aron exprime ainsi, dans ses mémoires, l'effet formateur des cours de philosophie. "...le travail de la pensée, authentique, sans aucune comédie, offert à une vingtaine de garçons (de jeunes), de dix-sept ou dix-huit ans, non un spectacle, mais une expérience humaine, prit pour quelques-uns d'entre nous une valeur unique, incomparable. Pour la première fois, le professeur ne savait pas, il cherchait, pas de vérité à transmettre, mais un mode de réflexion à suggérer..."

Un peu plus loin, Raymond Aron dit: "...la classe de philosophie m'avait enseigné que nous pouvons penser notre existence au lieu de la subir et l'enrichir par la réflexion..." En contact avec un corpus philosophique théorique où, comme on l'a dit, les questions sont souvent plus importantes que les réponses et, dans le cadre concret d'une salle de cours du collège, l'étudiant y voit parfois également le lieu à partir duquel il peut faire les liens qui s'imposent afin de s'approprier de façon critique les savoirs qui lui sont communiqués dans d'autres disciplines.

Il est vrai que la philosophie a souvent fait, au cours de l'histoire, l'objet des critiques de pouvoirs établis qui la trouvaient, justement, par trop critique. C'est ainsi, par exemple, que la preuve de l'existence de Dieu que Descartes tente dans ses Méditations métaphysiques n'a pas l'heur de plaire à certains théologiens. Arnauld, dans les quatrièmes objections, écrit à Descartes: "Ceux qui penchent aujourd'hui vers l'impiété pourraient se servir de vos paroles pour combattre la foi et la vérité de notre croyance."

La conclusion d'Arnauld est donc claire: la philosophie (celle de Descartes) en l'occurrence, malgré ses bonnes conclusions et ses bonnes intentions, est dangereuse. Dangereuse pour qui? Pour un pouvoir établi (ici, celui de l'Église à l'époque de l'Inquisition) qui veut compter sur une fidélité aveugle et qui a peur de se justifier, peur que, si les gens pensent librement, son pouvoir se trouve réduit.

C'est, en bref, la crainte des pouvoirs autocratiques ou totalitaires. Hobbes lui-même, ce philosophe anglais qui rationalisa l'État et son pouvoir, dut s'exiler. C'est qu'il ouvrait un espace de réflexion dans lequel, d'ailleurs, s'engouffra, un siècle plus tard Jean-Jacques Rousseau, pour ne pas aboutir au même résultat.

Au contraire, une société démocratique a tout à fait intérêt à ce que les citoyens s'impliquent dans des débats et participent ainsi, par le dialogue, à définir ensemble un projet de société. La philosophie, qui remet souvent en question ce qui apparaît comme des évidences, permettrait ainsi aux citoyens d'acquérir une formation qui donne tout son sens au fonctionnement démocratique.

Enfin, loin de réduire le champ de l'investigation et de la réflexion philosophique, le développement de sciences

ne fait que l'augmenter. La certitude de certains résultats scientifiques n'a de commune mesure qu'avec l'incertitude de questions ouvertes. Qu'il s'agisse de l'origine de l'univers, de la vie ou du comportement des particules élémentaires subatomiques, les esprits formés à la philosophie reconnaîtront, au coeur même de la science contemporaine la plus avancée, une réactualisation de débats philosophiques que ce soit entre le déterminisme d'Einstein et le relativisme de Bohr ou le finalisme contre la théorie de l'émergence dans la génétique de Jacques Monod, etc.

Il faut dire que, faute d'une formation philosophique, les citoyens resteront passifs et peut-être crédules face à une vulgarisation scientifique qui fait partie de la culture de masse et qui est elle-même informée d'une option philosophique non explicite passant alors pour indiscutable parce que scientifique.

Quant au développement technologique, il pourrait donner l'impression d'une panacée capable de résoudre les problèmes humains et sociaux. Mais, sans une réflexion approfondie sur ses limites et les valeurs ou les fins que ce moyen peut servir, on devait s'attendre à d'amères désillusions. Sans nécessairement reprendre à notre compte les mots du philosophe Bergson à propos de la complexification sociale et technique qui était le suivant: "À ce corps démesurément agrandi, il faut un supplément d'âme." On dirait, avec plus de modestie, que, pour un projet de société et dans ce qu'on appelle le virage technologique, en sus des formations techniques absolument nécessaires, il serait bon d'y intégrer une formation réflexive de type philosophique.

Histoire spécifique de l'enseignement de la philosophie au Québec. Jusque dans les années soixante, la formation philosophique au Québec a fait preuve d'une remarquable homogénéité et d'univocité. Dans un milieu social où les mêmes idées traditionnelles étaient partagées par de larges couches de la population, cet enseignement avait sans doute des raisons d'être univoque. Cependant, aujourd'hui, s'il était resté le même, il serait effectivement tout à fait inadapté à une société pluraliste.

C'est pourquoi, depuis quinze ans, l'enseignement de la philosophie a cherché, souvent par tâtonnements, à se renouveler. Le rapport Lacharité sur l'enseignement de la philosophie dans les collèges soulignait l'apparition de nouvelles tendances philosophiques en rupture avec les traditions, mais frappées trop souvent d'une univocité inverse.

Aujourd'hui et demain, l'enseignement de la philosophie au collégial présente et va présenter un visage nouveau. À la suite de la réflexion systématisée depuis le livre blanc de 1978 et synthétisée dans l'orientation du nouveau programme-cadre, la pédagogie moderne de la philosophie est pluraliste et insiste sur la réflexion et la prise de position informée et critique de l'étudiant. On ne considère plus, généralement, qu'une théorie philosophique a une valeur de formation en soi, mais que c'est par la confrontation à plusieurs théories philosophiques que l'étudiant est amené à réfléchir personnellement et à s'orienter lui-même dans son milieu social et culturel. De plus -ce que je peux ajouter au mémoire - dans une époque récente, les professeurs de philosophie, lors d'un colloque sur la pertinence sociale de leur enseignement, se sont prononcés sur la nécessité de se rapprocher des besoins de formation des jeunes dans notre société et un tel souci se manifeste dans le nouveau programme-cadre. Ce colloque s'intitulait "De l'étudiant renaît le professeur possible" et il sera publié très prochainement dans la revue Némésis.

Conclusion sur la pertinence de réduire l'enseignement de la philosophie. Compte tenu de l'analyse qui précède, nous ne voyons pas ce qui pourrait justifier une réduction de l'enseignement de la philosophie. Par son rôle dans la formation des étudiants, son histoire spécifique au Québec, sa place dans la culture et l'effort considérable de renouvellement pédagogique matérialisé dans les orientations du nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie faisant suite au livre blanc de 1978, la philosophie n'apparaît-elle pas plutôt comme devant être maintenue?

Je peux ajouter au mémoire la chose suivante: À aucun moment, dans le texte de présentation du projet de règlement, n'est-il question de raisons pédagogiques ou davantage pédagogiques à la réduction du nombre de cours de philosophie. Dans l'avis du Conseil des collèges, si le nombre de quatre est déclaré ne pas être absolu, par ailleurs, aucun argument n'est exprimé à l'effet de justifier la réduction d'un cours de philosophie. C'est ainsi qu'une impression pouvait se dégager qu'il s'agissait seulement de trouver de la place dans un jeu de blocs sans aucune argumentation ou justification pédagogique. La réflexion n'a donc pas été faite au niveau du rôle de la philosophie dans la formation générale et fondamentale et nous espérons que les quelques pages qui précèdent pourront y contribuer.

J'aborde maintenant une autre partie du mémoire qui s'intitule: "Projet du gouvernement de s'assurer que l'un des aspects de la formation commune et obligatoire porte spécifiquement sur la société québécoise". En principe, nous sommes d'accord avec l'objectif visé si c'est bien celui, formulé dans la présentation du projet de règlement, de viser à affermir l'enracinement des citoyens dans le tissu

culturel du Québec. Comme l'a remarqué le Conseil des collèges dans son récent avis au ministre, il ne peut s'agir, dans le cadre de la formation générale commune et obligatoire, de cours dont les contenus seraient par trop informatifs plutôt que réflexifs.

Serait-il déraisonnable de penser que l'enseignement de la philosophie au niveau collégial pourrait avoir quelque chose de pertinent à dire sur ce projet, étant donné son souci, déjà manifeste dans le nouveau programme-cadre, d'actualisation et de mise en prise de la réflexion philosophique sur notre société? (12 h 15)

Les formes concrètes prévues pour la réalisation de cet objectif jusqu'à présent nous semblent inadéquates. Premièrement, les premières versions du projet de règlement prévoyaient le remplacement de cours complémentaires par de nouveaux cours obligatoires d'histoire et institutions du Québec et d'économie du Québec. Le résultat de la consultation menée fut clair. Il n'en est plus question dans le nouveau projet de règlement. Notons, au passage, que se manifeste ici la difficulté de concrétiser un objectif que nous aussi trouvons important et que certaines hypothèses de réalisation ont du être abandonnées pour des raisons pédagogiques.

La version actuelle du projet de règlement prévoit le remplacement d'un cours de philosophie par un nouveau cours commun et obligatoire au choix d'histoire et institutions du Québec ou d'économie du Québec.

Il s'agit là encore, selon nous, d'une hypothèse de réalisation qui se heurte à des obstacles pédagogiques majeurs. En effet, la réduction envisagée d'un cours de philosophie nous l'avons montré - manque de pertinence pédagogique.

Par ailleurs, le Conseil des collèges a manifesté l'évidence en refusant les contenus proposés dans des disciplines historiques ou économiques qu'il a jugés trop informatifs par rapport au rôle dévolu au bloc des cours communs et obligatoires.

La question ouverte ici est donc celle-ci: y aurait-il une alternative pour réaliser concrètement l'objectif visé de façon plus satisfaisante eu égard aux intentions mêmes du gouvernement et à l'équilibre de la formation au collégial?

Forme concrète souhaitable et adéquate pour la réalisation de cet objectif. Après mûre réflexion, les professeurs de philosophie en sont arrivés à la conclusion qu'il importait à la fois de sauvegarder quatre cours de philosophie au collégial - pour les raisons que nous avons mentionnées aux chapitres II à VI du présent mémoire - et d'utiliser les acquis de cet enseignement afin de réaliser l'objectif du gouvernement.

Positivement, il nous apparaît que l'enseignement de la philosophie serait particulièrement qualifié pour répondre au besoin des étudiants de réfléchir sur leur milieu culturel au Québec.

Un réaménagement du nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie est possible pour reformuler les objectifs et le contenu de l'un des quatre cours de philosophie dans le sens d'une réflexion philosophique sur des concepts, théories, références historiques et problématiques contemporaines relatifs au milieu socioculturel québécois et ce, dans un délai raisonnable.

C'est, nous le disions dans la présentation de ce mémoire, à 90% que les délégués des départements de philosophie des collèges publics et privés, consultés le 3 décembre à Québec après une intense période de consultation, ont donné leur accord et l'accord de leur département à une telle alternative. Bien que cette tendance à réfléchir plus particulièrement sur la culture québécoise soit déjà présente dans certains enseignements de la philosophie, nous sommes d'avis que ce serait un progrès et une incitation à la créativité de systématiser ces tendances en les précisant dans le cadre formel de l'un des quatre cours de philosophie.

Il s'agirait alors d'un nouveau tournant et d'un nouvel effort d'actualisation, dans la foulée de la démarche déjà entreprise de redéfinition du programme-cadre, qui nous apparaît pédagogiquement valable et culturellement souhaitable.

Compte tenu de la modification et du renforcement du programme de formation obligatoire au secondaire qui comporte un cours d'histoire du Québec et un nouveau cours d'économie, il y a aurait ainsi avantage à amener les étudiants du collégial à poursuivre leur formation en ce sens par une réflexion philosophique dans le bloc des cours communs et obligatoires.

De plus, il y aurait moyen de compléter cette formation philosophique commune et obligatoire au collégial portant sur la culture québécoise par l'introduction, déjà prévue, dans le bloc des huit cours obligatoires du programme des sciences humaines, d'un cours donné par des disciplines plus spécialisées comme histoire et économie et qui porterait sur la société québécoise.

Citons, pour exemple, le thème 4 prévu du nouveau programme de concentration en sciences humaines qui est déjà accepté par le service des programmes et qui s'intitule "Le Québec dans un monde interdépendant". 60% des étudiants inscrits au secteur général suivent obligatoirement ce cours. Pour le reste, comme le choix des étudiants pour leurs cours complémentaires privilégie déjà les sciences humaines, il y a tout lieu de

penser qu'une bonne proportion des autres étudiants choisiraient un tel cours comme complément à leur formation acquise dans un cours de philosophie spécifique sur le Québec.

Cette alternative globale a le mérite de se situer à l'intérieur des missions respectives de l'enseignement secondaire et de l'enseignement collégial et du rôle respectif du bloc des cours communs et obligatoires, du bloc des cours de concentration et du bloc des cours complémentaires. Pédagogiquement justifiée, cette recommandation de confier à l'enseignement de la philosophie la tâche concrète de réaliser l'objectif de formation du gouvernement comporte également l'avantage de ne pas impliquer de nouvelles dépenses de fonds publics et peut se prévaloir de l'accord des premiers concernés.

La formation générale. Au niveau des cours complémentaires, la formulation retenue dans le projet de règlement est de nature à permettre aux étudiants de choisir leurs quatre cours complémentaires à l'intérieur des disciplines constituant leur champ de spécialisation ou de concentration. Comme d'autres intervenants, nous estimons que ce serait une décision allant à l'encontre de l'équilibre caractéristique du réseau collégial entre la formation générale et la formation professionnelle ou spécialisée. Il est essentiel, en particulier pour la formation dispensée par les sciences humaines, de maintenir plutôt les balises du régime pédagogique actuel.

Deuxièmement, le nouveau certificat d'études collégiales ou CEC. Comme d'autres intervenants, nous sommes en désaccord avec sa forme dans le projet de règlement. L'inconvénient majeur serait, en effet, d'offrir aux étudiants du secteur professionnel un mini-DEC ou un DEC tronqué, pour reprendre l'expression de la fédération des cégeps.

L'objectif du ministère étant, selon nous, d'augmenter l'accessibilité au réseau collégial plutôt que de déqualifier la formation assurée par le DEC, il nous semble que l'obstacle majeur est celui d'identifier une clientèle spécifique pour ce nouveau certificat; une clientèle qui ne soit pas la clientèle régulière qui s'inscrit actuellement au DEC. Actuellement existe un certificat qui ne comprend d'ailleurs aucun cours de formation générale et qui est offert à l'éducation des adultes. Sur plus de 100 000 adultes inscrits au réseau collégial - là je dois corriger ce chiffre d'après les chiffres cités par le ministre - seulement environ 15 000 - et non pas 5000 à 7000 -poursuivent un DEC. Le deuxième chiffre est beaucoup plus clair. Il est tiré d'un document produit également par le service des programmes. À l'automne 1979, sur 13 410 adultes inscrits à temps plein au secteur général public, seulement 5202 poursuivaient un DEC.

Il en ressort que le certificat répond à un besoin des adultes qui, dans leur immense majorité et quelque soit leur âge, exercent un métier. Certains ont une famille et ils ne peuvent prendre plus de trois ou quatre cours par session, essentiellement le soir. Évidemment, exiger d'eux que leur accès au collégial se fasse seulement par l'intermédiaire du DEC peut revenir à exiger d'eux qu'ils suivent six ou sept années d'études au collège. Comme le ministère entend maintenir des formes particulières d'accueil ou d'encadrement pédagogique à l'intention de l'effectif adulte qui fréquente les collèges - c'est tiré de la présentation du projet de règlement, page 9 - cette clientèle est facilement déterminable. Donc, il y aurait lieu d'introduire effectivement dans le règlement un nouveau certificat qui, tel que prévu, comporte quelques cours de formation générale et qui serait réservé à cette clientèle spécifique.

Il faut remarquer que le certificat, dans le projet de règlement, ne comporte plus un seul cours obligatoire de philosophie pour tous les étudiants. Alors que deux cours obligatoires de français sont maintenus, il n'y aurait que le choix entre un cours de philosophie ou de deux autres disciplines. Dans la mesure où le CEC serait réservé à l'éducation des adultes, il conviendrait de réintroduire au moins un cours obligatoire de philosophie et de supprimer le choix avec deux autres disciplines.

On peut s'interroger enfin sur la pertinence de l'ouverture envisagée du CEC aux étudiants de l'enseignement régulier au moment où le réseau des cégeps est une réussite manifeste. La clientèle est en augmentation. Cette année, plus de 140 000 étudiants réguliers y sont inscrits. Le besoin du DEC et sa valeur sur le marché du travail, le projet de création des secondaires VI et VII, la faible différence au niveau des décrocheurs entre la formation exigée au DEC et au CEC au collégial nous font penser et soutenir respectueusement que l'ouverture du CEC des adultes aux jeunes inscrits à l'enseignement régulier ne se justifie pas actuellement.

Les coûts entraînés par le remplacement envisagé par le projet de règlement d'un cours de philosophie par un cours obligatoire au choix d'histoire et institutions du Québec ou d'économie du Québec. Il est question de recyclage, envisagé par le ministère, sur cinq ans de 50 professeurs de philosophie. En intégrant rémunération et avantages sociaux, au minimum, sur un an, cela reviendrait à 2 000 000 $. Les rares préretraites ou retraites anticipées coûteraient quelques dizaines ou centaines de milliers de dollars supplémentaires. Les quelque 130 ou 140

mises en disponibilité qui resteraient, malgré la réduction de la sécurité d'emploi à 80% du salaire la première année et à 50% du salaire la deuxième année, coûteraient, même avec un étalement sur cinq ans, plusieurs millions de dollars additionnels. Au total, c'est d'une dépense de fonds publics additionnels de l'ordre d'une dizaine de millions de dollars qu'il s'agit et ce, sur une période de mise en oeuvre de cinq ans.

A contrario, l'alternative ici proposée à la commission élue permanente de l'éducation et au ministre de l'Éducation n'entraînerait aucun transfert de personnel et ne coûterait donc pratiquement rien. Il est évident que la question des coûts ne devrait pas empêcher le gouvernement de se pencher sur la formation commune et obligatoire, mais si une alternative - celle que nous avons développée à la section 3 du chapitre VII du présent mémoire - permet de réaliser pleinement ces objectifs, nous estimons que l'économie réalisée n'est pas un élément qui puisse jouer en la défaveur d'une telle alternative.

Recommandations en conséquence: Modifications souhaitées au projet de règlement sur le régime pédagogique au collégial. Nous nous sommes basés sur le texte du projet de règlement qui nous a été communiqué. Premièrement, modification de l'article 14 de la section III du projet de règlement, page 7; il s'agit des cours complémentaires. Il faudrait modifier dans le sens suivant: restriction du choix des huit unités des cours complémentaires à des disciplines extérieures au champ de concentration ou de spécialisation de l'étudiant, comme c'est le cas dans le régime pédagogique actuel.

Deuxième recommandation: modification à la sous-section II de la section III du projet de règlement, articles 15 à 18, page 8 - il s'agit du certificat: restriction du choix du nouveau certificat pour l'éducation des adultes, comme c'est le cas dans la pratique du régime pédagogique actuel.

Troisièmement, compte tenu de la modification précédente, modification de l'alinéa 2 de l'article 16 du projet de règlement, page 8: remplacer le texte par le texte suivant: 2e, philosophie ou "humanities": deux unités.

Quatrième et dernière recommandation: modifications à l'article 9 de la section III du projet de règlement, page 7; il s'agit du DEC. À l'alinéa 2, mettre le texte suivant, ou à peu près: 2e philosophie ou "humanities", huit unités, dont deux unités axées plus spécifiquement sur une réflexion sur la culture québécoise et supprimer l'alinéa 3 de l'article 9.

Je pourrais simplement mentionner ici qu'après un contact avec les représentants des professeurs de "humanities", et en particulier leur coordonnateur, M. Lian

Phelan-Cox, on nous a demandé de bien vouloir exprimer à la commission parlementaire, premièrement, l'appui total des professeurs de "humanities" à la position qu'en tant que philosophes nous vous présentons ici et, deuxièmement, le fait que les professeurs de "humanities" vont envoyer dans les jours qui viennent au ministre de l'Éducation une lettre précisant leur intention de se rallier à notre position et, effectivement, de penser, à l'intérieur du programme de "humanities", à la modification de l'un de leurs cours obligatoires afin de réaliser l'objectif visé par le gouvernement.

En conclusion, les questions soulevées dans ce mémoire concernent essentiellement la place de la philosophie dans la société québécoise, son rôle de formation dans le bloc des cours communs et obligatoires au collégial, l'effort de renouveau pédagogique entrepris à partir du livre blanc de 1978 et l'étonnement devant l'absence de raisons d'ordre pédagogique qui justifieraient une réduction de quatre à trois des cours de philosophie. (12 h 30)

D'autre part, sensibles à l'objectif du gouvernement d'orienter l'un des axes de la formation commune et obligatoire au collégial vers une réflexion spécifique sur la culture québécoise, nous posons une nouvelle question: Pourquoi ne pas confier aux professeurs de philosophie qui en ont manifesté explicitement la volonté la réalisation concrète de cet objectif?

Enfin, qu'il s'agisse des questions mentionnées plus haut ou de la nouvelle question posée, nous souhaiterions que l'on tienne compte des enjeux, en ce qui concerne la formation des étudiants, qui sont déjà ou seront bientôt des citoyens à part entière, du maintien ou de la réduction de la place de la philosophie dans l'enseignement collégial au Québec.

En annexe, vous possédez, mesdames et messieurs, une copie du nouveau programme-cadre pour quatre cours de philosophie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bacrie. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, j'ai pris un très vif plaisir à l'audition de ce mémoire ainsi qu'à la rencontre récente que j'ai eue avec les mêmes représentants de la Société de philosophie du Québec, rencontre assez longue où nous avons échangé plusieurs questions et réponses, autant que plusieurs hypothèses, quant à l'orientation du régime d'études collégiales.

J'y ai pris un vif plaisir, parce qu'en un temps très bref et dans une langue parfaite, les membres de la Société de philosophie non seulement ont tracé un historique très adéquat de la situation de l'enseignement de la philosophie au Québec,

mais ont fait valoir également les enjeux et la problématique qui se posent à nos esprits à cet égard, à l'heure actuelle.

J'ai retenu en particulier ce que disaient à propos de l'enseignement de la philosophie les membres de la société. Il est vrai qu'au Québec, l'enseignement de la philosophie n'a toujours commencé qu'au niveau collégial, même au temps du collège classique. C'était peut-être parce qu'à l'époque, la philosophie était encore tout imprégnée des idées d'Aristote, reprises par saint Albert le Grand et saint Thomas, et selon lesquelles l'éthique ne pouvait être abordée qu'à l'adolescence et à la haute adolescence, c'est-à-dire au moment où les passions humaines commencent à se calmer quelque peu et où l'esprit est ouvert à une autre approche de l'univers. Je pense que c'est dans l'Éthique à Nicomaque qu'Aristote nous donnait ces conseils. Et pour l'avoir entendu plusieurs fois, je pense que mes professeurs à l'époque étaient tout à fait d'accord avec cette prescription aristotélicienne.

Je suis aussi d'accord pour dire avec la Société de philosophie que l'enseignement de la philosophie au Québec, du moins jusqu'à 1964-1965, et même un peu plus tard, était quelque peu, pour ne pas dire beaucoup, univoque. Conformément à ce qu'Arnauld répondait à Descartes, on craignait que la philosophie puisse être utilisée par les contestataires d'une idéologie aussi bien religieuse que sociale ou politique qui faisait l'unanimité à l'époque dans ces sociétés, ou presque l'unanimité. On craignait donc que la philosophie, par son questionnement, constitue un élément de doute pyrrhonien, mais d'autant plus dangereux, qui risquerait d'ébranler les fondements mêmes sur lesquels on était d'accord pour asseoir la société.

Cependant, cette univocité a disparu rapidement au Québec, en moins d'une quinzaine d'années. Il reste que ce danger est toujours présent puisque l'univocité, à la manière d'un sphinx qui renaît de ses cendres, renaît dès qu'on croit l'avoir chassée. Vous connaissez sûrement tous les reproches qu'on fait à l'enseignement de la philosophie qui existe en Russie actuellement, où on peut sûrement dire que cet enseignement est univoque et contesté faiblement par les habitants qui y résident, mais très fortement par ceux qui en constatent les effets à l'étranger. D'ailleurs, c'est Feuerbach et Marx eux-mêmes qui dénonçaient l'enseignement de la philosophie dans l'Allemagne de leur temps puisqu'ils disaient déjà à l'époque que la philosophie était au service du pouvoir établi. Et même actuellement, les philosophes français reprochent à l'enseignement de la philosophie dispensé en France, sinon son univocité, du moins ses accointances ou ses complicités avec la conception que l'on se fait du pouvoir. Et ils vont jusqu'à lui reprocher, sinon sa servilité, du moins sa complicité dans l'encouragement au maintien des formes traditionnelles de répartition des pouvoirs. Donc, ceci est pour montrer qu'effectivement, la philosophie, tout en étant un questionnement, peut très bien, elle aussi, glisser vers des objectifs qui sont précisément le contraire de ce qu'elle se fixe comme recherche de la vérité et questionnement des structures établies.

Vous dites que dans votre nouveau programme-cadre, vous entendez situer l'enseignement de la philosophie en une sorte de lieu où toutes les théories pourront être exposées, discutées, confrontées les unes aux autres. Je m'en réjouis, parce que c'est bien là, pour moi, l'essentiel de la mission philosophique. J'accepte aussi avec plaisir que vous disiez que l'enseignement de la philosophie visera maintenant à questionner, non pas la pertinence ou la nécessité du développement scientifique ou du développement technologique extraordinaire que nous connaissons actuellement, mais à en faire voir les aspects philosophiques implicites et à en faire voir les dangers aussi pour la conception que l'on peut se faire de l'homme et de l'aménagement de ses rapports avec l'entourage, de même qu'avec la mission même de l'homme, qui est un être de liberté en même temps que de vérité.

Incidemment, je me réjouis énormément de cet effort que les philosophes ont fait pour améliorer le programme-cadre de l'enseignement de la philosophie. Je pense qu'il était temps de le faire, parce que les critiques que contenait le livre blanc à cet égard, bien que parfois contradictoires ou disparates, étaient fondées, je pense, en ce sens que, de plus en plus, on se rendait compte que l'enseignement de la philosophie était devenu, non pas une sorte de fourre-tout, mais une sorte de lieu tellement vaste qu'on y mettait n'importe quoi. Cela est peut-être dû, justement, à l'ébranlement de l'univocité, mais peut-être aussi à l'effet des conceptions américaines ou anglophones de la philosophie qui commençaient à prévaloir chez nous.

Comme on l'a vu hier soir, quand on a entendu des représentants de la Fédération des cégeps, dans nos collèges anglophones, l'enseignement de la philosophie est quand même beaucoup plus réduit que ce qui existe dans nos collèges francophones. On emploie plutôt le mot "humanities" où la philosophie en tant que telle, en tant que discipline spécifique, n'occupe qu'une très faible partie. Le reste, les trois autres cours, peuvent être appelés "de philosophie" en un certain sens, mais sûrement pas au sens où vous l'entendez, ne serait-ce que parce que la réflexion est encore plus large et qu'elle fait référence à des données, à des faits tirés de

la réalité contemporaine, où les faits sont étudiés en tant que tels et où on ne tente pas toujours d'en tirer les conclusions plus proprement philosophiques que les cégeps francophones, en tout cas d'après votre programme, essaieront d'en tirer.

Donc, quant à ce qui est de la pertinence de l'enseignement de la philosophie pour la formation générale, quant à ce qui est de l'amélioration de cet enseignement par une attention plus grande donnée aux objectifs, par une attention plus grande aussi donnée aux contenus qui seront maintenant beaucoup plus clairs, délimités, inscrits dans des séquences logiques et continues, je suis d'accord et je me réjouis. Mais la question était et demeure que cette formation fondamentale, cette formation générale inclut peut-être plus et davantage que ce qui y est contenu actuellement. Actuellement, c'est le français, l'éducation physique, la philosophie. En raison même de l'évolution de nos préoccupations, de nos problèmes également, il n'est pas interdit de penser que cette conception de la personne humaine, que cette conception des sociétés où ces personnes humaines ont à vivre inclut un plus grand nombre d'approches, de disciplines ou de préoccupations que ce que jusqu'ici la philosophie a contenu.

D'ailleurs, la Fédération des collèges, la première association à nous exposer ses points de vue, a fait valoir qu'il serait peut-être intéressant de revoir l'ensemble des cours communs et obligatoires. Pour sa part, elle verrait l'utilité peut-être d'envisager la possibilité d'une nouvelle formulation de ces cours communs et obligatoires, ce qui amènerait, bien sûr, une pondération différente des enseignements actuels, français ou philosophie, et l'addition peut-être d'autres approches ou enseignements qui pourraient s'avérer opportuns justement en raison de l'évolution que nous avons connue.

C'est d'ailleurs un peu aussi ce qui se passe dans le monde anglophone où on se repose des questions sinon sur la conception, du moins sur l'organisation de ce bloc de cours communs et obligatoires. C'est un peu en raison de cette préoccupation qu'en 1979 et en 1980, le gouvernement a fait valoir qu'il était opportun d'ajouter dans la formation générale un enseignement qui viserait à une meilleure problématique entre la personne humaine et l'entourage précis, spécifique dans lequel elles doivent vivre au Québec, ce qu'on appelait l'enracinement culturel. Cela prenait la forme d'un accent qu'on voulait mettre sur l'histoire, sur les institutions du Québec, sur les facteurs économiques au Québec, qui sont très importants comme éléments de notre problématique et de notre évolution. Il nous semblait qu'il fallait le faire.

Évidemment, est arrivée tout de suite la question concrète: Comment le faire? Il ne fallait pas ébranler par trop l'équilibre du système d'enseignement au collégial et c'est la raison pour laquelle nous avons d'abord pensé à inclure cet enseignement dans les cours complémentaires en en réduisant d'autant le nombre et, devant le tollé que cela a provoqué, aussi général que le CEC aujourd'hui, nous avons pensé alors à l'inclure d'une façon différente dans les cours communs et obligatoires. Comme l'enseignement du français au niveau collégial est reconnu comme une nécessité absolue par tout le monde qui en constate actuellement les lacunes ou les dangers de la façon dont il doit continuer à être enseigné dans les circonstances aussi bien géographiques et économiques, où nous sommes, il devenait évident que le seul autre endroit où nous pouvions le mettre, c'était dans les cours communs et obligatoires de philosophie, pensant qu'il y avait quand même un lien à faire entre histoire, institutions, enracinement socioculturel et philosophie. (12 h 45)

II y avait en tout cas un lien plus immédiat. Là aussi, évidemment, nous voyons que cela provoque des difficultés. J'ai suivi de près les protestations des professeurs de philosophie à cet égard et c'est la raison pour laquelle, dans la rencontre que j'ai eue avec vous, nous avons échangé quelques hypothèses, quelques questionnements, et d'ailleurs l'alternative que vous nous présentez aujourd'hui, j'avais eu l'occasion de l'évoquer comme une hypothèse que je soumettais à votre réflexion.

Je vois que vous avez travaillé rapidement et bien et que vous nous arrivez maintenant avec une alternative mieux étoffée et un engagement surtout où à partir de votre propre problématique de l'enseignement de la philosophie, vous tenteriez d'atteindre cet objectif d'enracinement socioculturel tel qu'illustré par un enseignement.

Pour le moment, je dois dire que je trouve cette alternative très intéressante. Je ne peux m'engager aujourd'hui à l'accepter mais je vais sûrement y accorder une très grande attention souhaitant que je puisse répondre favorablement à votre position.

Je souhaiterais cependant que, au cas où cette hypothèse serait acceptée, l'on puisse quand même faire une référence plus élaborée quitte à ce qu'elle soit considérée comme sacrilège par certains philosophes, aux faits, aux données, à l'information qui, après tout, constituent toujours le soubassement de la réflexion philosophique, constituent le tuf où elle s'enracine.

Donc, si cette hypothèse que vous nous présentez aujourd'hui est acceptée, j'aimerais pouvoir communiquer avec vous pour que l'on puisse, même si je ne suis pas philosophe, dans l'aménagement qui serait décidé, en arriver quand même à atteindre, d'une façon

un peu plus marquée, cet objectif que vous avez rappelé et que je continue de croire extrêmement important.

Pour le moment, M. le Président, je voudrais me limiter à ces commentaires parce que, sur les autres points qui ont été soulevés et le CEC, je pense qu'on a déjà entendu des opinions qui nous font réfléchir et auxquelles ajoute, bien sûr, la réflexion des philosophes qui va dans le même sens.

Le Président (M. Blouin): Merci bien. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président. Nous n'aurons pas beaucoup de temps d'ici le moment où nous serons appelés pour le vote. Je me demande si ce ne serait pas préférable, peut-être même, qu'on ajourne ici et qu'on reprenne à 15 heures.

Le Président (M. Blouin): Pour que vous puissiez alors commencer le débat. Très bien. Alors, ça va. Sur ce, si vous pouvez être ici à 15 heures.

M. Quintin (Paul-André): Nous, nous avions compris cela à une heure moins vingt.

Le Président (M. Blouin): Alors la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise de la séance à 15 h 12)

Le Président (M. Blouin): La commission élue permanente de l'éducation reprend donc ses travaux. Immédiatement après la présentation de ce matin de la Société de philosophie du Québec et de l'Association des professeurs de philosophie au niveau collégial, le ministre avait communiqué ses commentaires et je crois que l'association désirerait brièvement y réagir.

M. Quintin (Paul-André): Simplement faire une brève remarque sur un point particulier qui a été soulevé par M. le ministre et qui me semble important. C'est sur la comparaison qu'il a commencé à faire entre le style d'approche des "humanities" et la philosophie francophone ou de type continental, diraient les Européens, face à la position anglo-saxonne.

Il me semble qu'effectivement il y a une conception différente de l'interdisciplinarité dans un des mondes culturels en comparaison avec l'autre. Comme la plupart des Anglo-Saxons se situent à peu près dans la même tradition empiriste de philosophie analytique ou d'analyse du langage, ils sont plus capables d'approches de disciplines conjointes sur des thèmes communs qu'on peut le faire dans la tradition francophone, où on se préoccupe plus des questions de fondement. Ainsi, les approches interdisciplinaires du côté de la tradition française se heurtent toujours à des problèmes et de langage et de méthodologie et d'approche scientifique.

C'est moins le cas du côté anglo-saxon, compte tenu du partage de cette approche au niveau de la philosophie du langage qui est commun à la plupart des gens du côté anglophone.

Cela dit, pour ce qui est de ce que vous avez appelé la référence à des données, il est évident que, même dans la tradition francophone, la réflexion philosophique ne peut commencer que sur la base d'une description déjà serrée de la réalité, que ce soit de problèmes de vie quotidienne ou que ce soit de descriptions faites par des sciences déjà existantes comme la psychologie, la sociologie, les sciences politiques, etc. Il faut absolument avoir une description serrée de la réalité avant de reposer les questions philosophiques à l'aide de cette description de sorte que, théoriquement, il n'y a aucune contre-indication, je dirais, à la question que vous souleviez quant à la possibilité de faire de la philosophie à partir d'un donné plus déterminé dans un champ et tout; il n'y a aucune contre-indication au niveau épistémologique. Au contraire, il faut cette description actualisée avec des références historiques, et mes collègues voudraient vous montrer comment, de façon plus précise, c'est déjà à l'intérieur d'une première conception qu'il y a dans le nouveau programme.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Quintin. (15 h 15)

M. Martineau (Jean-François): Je me contenterai de souligner que ce n'est pas sans être tout à fait conscient de l'importance des contenus informatifs dans un cours de réflexion philosophique sur la société et la culture québécoise qu'on s'est engagé dans la démarche qu'on poursuit ici aujourd'hui. D'ailleurs, si on fait référence au plan-cadre existant, on constatera, par exemple, aux rubriques Références historiques et Problématique contemporaine, dans la section "contenu" de ce programme, que c'est une préoccupation qui nous occupait déjà. Ceci est conforme à une large partie de la tradition pédagogique, de la pratique pédagogique existante de sorte qu'on peut déjà s'appuyer sur une banque, que nous entreprendrons sous peu, de colliger des expériences pédagogiques et des définitions des objets de réflexion propres à la culture québécoise.

Finalement, pour ce qui est des modalités de production d'un tel cours, si

jamais on décidait d'y procéder, il y a aussi une expérience sur laquelle on peut s'appuyer qui est celle de la production du plan-cadre qui entre en vigueur en janvier. Les professeurs réunis en comité pédagogique, samedi dernier, se sont montrés favorables à toute démarche qui respecterait les coordonnées et le mode d'interaction entre la coordination et le ministère en vue de la réalisation d'une telle entreprise.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Une voix: Cela va.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il nous a fait plaisir d'entendre le point de vue de la Société de philosophie et de l'Association des professeurs de philosophie des collèges. Nous avions eu l'occasion d'en prendre connaissance à quelques reprises au cours des derniers mois. Je pense que les premiers contacts auprès du personnel politique se sont faits le printemps dernier quand on a commencé à prendre connaissance du projet de règlement qui circulait alors sous le manteau. Dès ce moment, après avoir entendu les représentations des professeurs de philosophie et celles en provenance d'autres milieux, nous avions commencé à insister pour que le projet de règlement soit soumis à un débat public avant d'être adopté et institué sous sa forme finale.

Les développements des derniers mois à ce point de vue ont été plutôt heureux. On peut toujours discuter de l'échéancier qui a été suivi. Il aurait été possible peut-être même d'en suivre un meilleur, mais tout de même on a eu une bonne partie de discussion depuis quelques jours. Il y en aura peut-être encore au cours des mois à venir. Chaque fois qu'on accepte de discuter, du point de vue de la cause que vous défendez, les chances sont meilleures parce que, comme philosophes, vous êtes censés avoir confiance à la vérité et au pouvoir de rayonnement de la discussion libre. Je pense que c'est ce qui est en train de se produire.

Je n'ai pas l'intention de vous faire un exposé le moindrement étendu sur les mérites de la discipline philosophique pour deux raisons. D'abord, je pense qu'un exposé suffit dans un échange où le temps est limité. Deuxièmement, nous aurons l'occasion de nous reprendre au mois de janvier parce que vous dites, dans ce dépliant sur les prochains états généraux, que vous avez transmis une invitation à participer à un panel au ministre de l'Éducation et au porte-parole de l'Opposition en matière d'éducation. Je crois vous avoir déjà répondu que je serai présent. On aura l'occasion de hausser le ton. J'espère que le ministre pourra accepter également. Cela nous fera plaisir de reprendre cette conversation dans un climat peut-être plus gratuit que celui qui doit caractériser nos discussions ici.

J'ai quatre ou cinq questions que je voudrais vous soumettre. Il y en a une première. Vous avez eu un congrès mondial de philosophie, il y a quelque temps, à Montréal. Cela a sans doute été l'occasion pour vous de rafraîchir vos informations sur la place qui est faite à la discipline philosophique dans les systèmes d'enseignement de sociétés comparables à la nôtre. Est-ce que vous pourriez nous faire part des observations ou des informations que vous avez là-dessus? Est-ce qu'au Québec, au niveau d'enseignement dont nous parlons la discipline philosophique est interprétée de la même manière que dans d'autres sociétés? C'est une première question. J'ai remarqué que c'est la chose qu'on définit le moins. Il est beaucoup plus difficile de définir la philosophie, aujourd'hui, que d'autres disciplines davantage conditionnées par des normes quantifiables ou mesurables. C'est la première partie de la question. Est-ce qu'on comprend cette discipline de la même manière dans des sociétés comparables? Deuxièmement, est-ce qu'on lui réserve une place supérieure, inférieure ou à peu près égale dans d'autres systèmes d'enseignement? S'il y a des différences considérables, pourquoi devraient-elles continuer d'exister d'après vous?

Le Président (M. Blouin): M. Cohen Bacrie?

M. Cohen Bacrie: Oui. Effectivement, lors du congrès mondial de philosophie, nous avons eu l'occasion de discuter en particulier avec des professeurs de philosophie venant de France et nous nous sommes renseignés sur le sort réservé à la philosophie, à la suite du projet de réforme qui s'appelait le projet de réforme Haby, du nom du ministre de l'Éducation à l'époque et qui visait, dans ce cas, pour d'autres raisons, à réduire également du quart l'enseignement de philosophie obligatoire et à rendre optionnel cet enseignement pour une bonne partie des étudiants. Nous avions appris, à ce propos, que non seulement cette réforme n'a pas été appliquée, mais, au contraire, que le gouvernement français a décidé d'étendre l'enseignement de la philosophie. Comme, jusque-là, il n'était pas présent dans les collèges techniques, il y a eu, à ce qu'on m'a dit, introduction de deux à trois heures d'enseignement obligatoire de philosophie dans les collèges techniques, ce qui est une nouveauté et qui est récent.

D'autre part, il y a eu la création du Collège international de philosophie pour développer la recherche et l'enseignement de la philosophie. Pour ce qui est du lieu de

rencontre culturel entre les philosophes québécois et les philosophes des autres pays, pour l'essentiel, le congrès mondial a été un forum très utile et a entraîné une rencontre. À l'exception peut-être des délégués soviétiques, on a eu la chance, lors d'un atelier, d'entendre le délégué d'Ouzbékistan qui nous a gratifiés du discours suivant: "Nous, en Ouzbékistan, nous avons des réponses claires et nettes à toutes les questions". À ce moment, je dois dire que les philosophes québécois faisaient partie de l'ensemble des philosophes qui ne semblent pas partager cette perception d'enseignement de la philosophie.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Cohen Bacrie. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Dans les autres provinces canadiennes, est-ce que vous avez des renseignements sur la situation? Si vous pouviez, en même temps, nous dire quelle est la différence, d'après vous, entre le cours de philosophie que nous avons dans les cégeps francophones et les cours de "humanities" que l'on a dans les cégeps anglophones?

M. Cohen Bacrie: Justement, dernièrement, j'ai participé à un congrès de philosophes de l'Atlantique qui avait lieu en Nouvelle-Écosse. À ce propos, nous avons eu droit à un exposé de Matthew Lippman dont j'ai parlé dans le mémoire à propos de l'introduction de la philosophie comme enseignement obligatoire au niveau élémentaire et secondaire. Il y a des possibilités dans ces régions qui sont si proches des États-Unis que la philosophie se développe. Jusqu'à présent, c'est considéré comme un manque. Cependant, il y a quelques réticences d'ordre culturel dans ces provinces. Essentiellement, c'est exprimé de cette façon par un haut fonctionnaire du ministère de l'Éducation de la Nouvelle-Écosse. La philosophie, dans cette province, est plutôt de tradition catholique. Les protestants, qui sont aussi majoritaires, n'ont pas eu de formation philosophique. Ils étaient fort intéressés d'apprendre de l'expérience québécoise qu'il pouvait y avoir en effet un enseignement de la philosophie qui ne se revendique pas nécessairement d'une tradition religieuse particulière. Ils se sont montrés intéressés. En somme, il n'y a pas actuellement d'enseignement de la philosophie au niveau collégial dans la plupart des provinces anglophones, mais il y a des voies pour l'introduction de la philosophie à l'enseignement obligatoire.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Quintin.

M. Quintin: Je pourrais simplement noter qu'il est difficile, à brûle-pourpoint, de faire des comparaisons qui impliquent en même temps des comparaisons sur l'ensemble du curriculum et les niveaux mêmes d'études. On ne peut pas facilement comparer le "high school" avec le cégep, et même les premières années d'université sont différentes dans un système et dans l'autre et ont des buts différents. De sorte que, pour faire une comparaison, il faudrait comparer les deux systèmes au complet, incluant les niveaux universitaire ou fin du secondaire. Ce n'est pas la perspective que nous avons prise, en tout cas, pour étudier la question ici, compte tenu du problème particulier que nous avions à résoudre.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Quintin. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais vous demander des précisions au sujet de la situation où nous sommes présentement. Au cours des deux ou trois dernières années, les représentants de votre milieu ont travaillé sous les auspices du ministère de l'Éducation à la révision en profondeur du programme de cours obligatoires de philosophie qui existe déjà au régime des études collégiales. Un nouveau programme a été élaboré qui, vraisemblablement, a été approuvé par le ministère. Vous nous disiez qu'au cours du congrès de philosophie qui a eu lieu à Montréal, en septembre je crois, on avait distribué cette brochure qui donne les grandes lignes du programme. Normalement, ce programme devait entrer en vigueur, si je comprends bien, en janvier et, de manière plus générale, probablement à compter de la prochaine année scolaire. Quand avez-vous appris qu'il y aurait un changement? Et comment l'avez-vous appris?

M. Martineau: Si je peux me permettre de répondre à cette question, nous avons été clairement mis en face des nouvelles perspectives il y a environ un an, au moment où la démarche du groupe de travail et celle du sous-comité concernant les contenus arrivaient à leur terme. À ce moment-là, des copies du projet de règlement des études collégiales ont commencé à circuler qui nous indiquaient clairement qu'il faudrait probablement se remettre à la tâche sous peu. Cependant, il convient de reconnaître que les rumeurs à cet effet circulaient depuis un certain temps et que nous étions conscients de la précarité de la situation de transition dans laquelle nous avions à travailler.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Martineau.

M. Ryan: Si je comprends bien, on avait introduit ce changement dans le projet

de régime des études collégiales, dans le nouveau règlement, et vous n'en aviez pas été saisis directement?

M. Martineau: Nous n'avons pas, en tant que groupe de travail ou en tant que sous-comité au comité pédagogique de la coordination de philosophie, été saisis de ce projet de réduire les cours de philosophie de quatre à trois - pas officiellement, non.

M. Quintin: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Quintin.

M. Quintin: Puis-je simplement rappeler que, dans les nombreuses tentatives qui ont été faites d'étudier le régime collégial ou de le modifier - et je pense ici au rapport Roquet; je pense au rapport Nadeau - aucune de ces approches n'était vraiment comparable à l'autre. Dans certains cas, on faisait des approches par comparaisons de type culturel, de type disciplinaire. Dans d'autres cas, on faisait la comparaison sur une base plus technique. Dans d'autres cas, on comparait avec les systèmes existants dans d'autres pays ou dans le monde anglophone, soit canadien, soit américain et qu'il est très difficile de saisir ou de prétendre qu'il y a vraiment une continuité, si ce n'est sur certains points globaux de réforme du régime collégial. Mais, dans chacun des cas, il a fallu reprendre la discussion, je dirais presque à zéro, compte tenu de la perspective particulière qui était adoptée à ce moment-là. (15 h 30)

M. Ryan: Vous êtes au courant - parce que vous y faites allusion dans votre mémoire - de l'avis qui a été communiqué au gouvernement par le Conseil des collèges au sujet de la réduction des cours de philosophie de quatre à trois. Vous parlez brièvement, au passage, de cet avis dans votre mémoire. J'aimerais que vous nous disiez, de manière peut-être un peu plus détaillée, votre réaction devant cet avis du Conseil des collèges et la critique que vous en faites. J'ai des arrière-pensées. Vous savez, comme moi, que les représentants du Conseil des collèges sont présents cet après-midi; ils témoigneront après vous. J'aimerais que vous nous disiez peut-être plus clairement que dans votre mémoire, où c'est peut-être trop implicite, ce que vous pensez de l'avis qui a été exprimé là-dessus par le Conseil des collèges.

M. Leclerc: L'avis du Conseil des collèges affirme précisément, concernant la diminution des cours de philosophie, qu'il n'y aurait pas de dommages majeurs à réduire les cours obligatoires de philosophie de quatre à trois. Il invoque à la défense de cette hypothèse que la division scolastique traditionnelle des quatre cours de philosophie pourrait souffrir un réaménagement, disons plus moderne. Nous croyons que la perception de l'enseignement de la philosophie du Conseil des collèges est davantage enracinée dans une connaissance de l'histoire de l'enseignement de la philosophie à ses débuts que dans une perception claire et complète des pratiques actuelles de l'enseignement de la philosophie et des nouveaux programmes qui les synthétisent. Nous déplorons à ce propos que le Conseil des collèges et les représentants des professeurs de philosophie n'aient pu échanger à point nommé sur l'actualité de l'enseignement de la philosophie, compte tenu sans doute des contraintes de travail auxquelles le Conseil des collèges a été confronté dans la rédaction de son avis.

Ceci dit, nous tenons à souligner que les enseignants de philosophie se sont inspirés directement du souci du Conseil des collèges concernant le maintien de la mission fondamentale des cours communs obligatoires et du souci d'assurer que les cours portant sur l'enracinement culturel québécois correspondent à cette mission. Sous cet aspect, l'avis du Conseil des collèges est donc intervenu de façon appréciable dans la préparation des propositions énoncées dans le mémoire que nous vous avons présenté ce matin et qui ont été raffermies, notamment à la suite de la rencontre avec le ministre de l'Éducation.

M. Ryan: Avez-vous bien dit, M. Cohen Bacrie, que le Conseil des collèges, avant de remettre son opinion au ministre à la fin de septembre dernier, n'avait pas sollicité d'abord l'opinion des professeurs de philosophie? Est-ce que j'ai bien compris?

M. Cohen Bacrie: Je pense que je n'ai pas parlé de cela directement. Cependant, nous avons pris l'initiative au mois de juin d'envoyer au Conseil des collèges un dossier présentant la situation de l'enseignement de la philosophie. Toutefois, il est fort possible que le Conseil des collèges, ayant à se prononcer sur l'ensemble du document, n'ait pu prendre le temps de reprendre la réflexion sur les cours de philosophie. Je souhaiterais qu'effectivement il puisse le faire.

M. Leclerc: J'aimerais ajouter que l'envoi de documents à un groupe de travail tel que le Conseil des collèges est sûrement significatif, dans un premier temps, mais qu'il serait sûrement utile, pour bien faire comprendre la pratique de l'enseignement de la philosophie, qu'il y ait effectivement des rencontres. Je crois que les rencontres directement avec les personnes impliquées sont irremplaçables dans ce sens-là. Mais

nous comprenons très bien aussi que le Conseil des collèges ne puisse faire intervenir tous les individus, finalement, dans la rédaction d'un avis global sur la réforme de l'enseignement collégial.

M. Ryan: Si je comprends bien, après l'envoi de votre documentation en juin dernier, il n'y eut point de rencontre avec le Conseil des collèges?

M. Quintin: C'est exact.

M. Ryan: Très bien. J'en viens au problème central qui se dégage de votre mémoire. Vous dites: On pourrait peut-être envisager la possibilité d'intégrer dans les cours de philosophie les objectifs du cours -appelons-le de culture québécoise pour simplifier les choses - qui est envisagé par le gouvernement. Cela me pose des problèmes et je voudrais que vous m'expliquiez cela comme il faut. Je vais vous donner deux difficultés que cela pose, à mon point de vue. À moins qu'on cerne la réalité québécoise d'une manière assez directement compatible avec les normes de la discipline philosophique, il me semble que cela peut être dangereux parce que cela peut devenir rapidement une espèce de fourre-tout. Je pense que la culture québécoise, c'est énormément de choses qui seront comprises à la lumière et avec le concours de plusieurs disciplines et non d'une seule. C'est toute une partie de la réalité québécoise qui va se comprendre mieux par le recours à la discipline économique, le recours à la discipline historique, le recours à la discipline sociologique, etc.

J'aimerais voir sous quel angle exactement vous allez faire cette intégration et comment cela pourrait s'intégrer, par exemple, dans le programme qui a été distribué par le gouvernement. J'aimerais avoir des exemples concrets de cela.

M. Quintin: Je commencerais - je laisserai la parole à M. Bacrie ensuite - par dire que, dans le sens même de la remarque que j'ai faite tout à l'heure, il faut préalablement à une réflexion philosophique une description rigoureuse d'un certain nombre d'objets pouvant servir de base à la réflexion. Dans ce cadre, ce qu'on appelle culture ne doit évidemment pas être limité à la culture savante au sens des arts et des lettres, cela vise évidemment à l'organisation générale d'une société dans tous ses types de production. Faire une étude de la réalité québécoise signifie, par exemple, pour poser le problème du pouvoir, évidemment, faire la description d'un régime parlementaire, montrer comment à l'intérieur de ce régime parlementaire le pouvoir est exercé au niveau de l'exécutif, du législatif, et tout. Tels types de base supposent l'emprunt de connaissances déjà établies, non pas de connaissances de recherche ou en mouvement, mais de connaissances, de descriptions déjà faites dans d'autres secteurs disciplinaires à partir desquelles on pose les problèmes de fond, mais en mettant l'intérêt cette fois-ci sur les valeurs sous-jacentes, sur les problèmes fondamentaux d'organisation que cela pose à l'intérieur d'une société, etc.

Donc, il s'agit de définir un certain nombre d'objets - et cela peut se faire d'une façon assez précise - et de s'assurer que la réflexion philosophique porte sur ces objets, part de ces objets, mais demeure une réflexion philosophique, c'est-à-dire ne vise pas simplement à accumuler à l'infini les connaissances, mais à poser les problèmes qui sont sous-jacents à ces organisations culturelles, que ce soit au niveau de la politique au sens large, de l'organisation des sociétés, des institutions, que ce soit au niveau de l'éthique au sens du droit, de l'organisation à l'intérieur d'une société particulière où des questions de valeur sont sous-jacentes. C'est à titre d'exemple que ces connaissances ou ces descriptions d'objets doivent être utilisées pour la réflexion philosophique.

M. Ryan: Je vous dis que dans... Excusez.

M. Cohen Bacrie: Si vous me permettez, M. le député, de compléter un peu la réponse à cette question. Déjà, en 1968, le professeur, dans un article intitulé "La philosophie au Québec, son passé et son avenir", concluait de la façon suivante: En résumé, la philosophie devrait tendre à une perception plus concrète de la réalité propre du Québec. En politique, nous avons un besoin urgent de déterminer de façon réaliste ce qui est nécessaire à notre vie et à notre progrès. Cette recherche dont le Québec mesure toute l'importance ne peut déboucher que sur des résultats bénéfiques. Nous vivons des problèmes qu'aucun autre groupe humain n'a jamais connus avec la même acuité avant nous et nous pouvons, dans la dignité et le respect mutuel, trouver des solutions originales qui feront progresser la pensée politique. C'était en 1968, déjà, la façon dont le professeur Venant Cauchy voyait le rôle que pouvaient jouer dans l'avenir les philosophes québécois. Il faut remarquer que le fait que les philosophes s'intéressent de très près à leur culture existe dans d'autres pays.

Si je peux me permettre, il m'est arrivé, en lisant le livre de Jean-Paul Sartre "Questions de méthode", de trouver que la réflexion qui était contenue sur l'interaction entre la liberté humaine et les déterminismes sociaux était fort intéressante. Cependant, il m'a été par ailleurs impossible de sortir un

extrait de ce texte pour le distribuer aux étudiants, parce que l'essentiel de la réflexion de Jean-Paul Sartre dans ce livre porte sur l'expérience de la révolution française.

Il serait donc, à notre avis, très positif et très important que près de 200 ou 400 philosophes québécois se penchent sur leur culture actuellement et produisent des textes qui pourraient être de grande valeur.

Par ailleurs, il y a déjà, comme nous l'avons mentionné dans le mémoire, un certain nombre d'enseignants de la philosophie qui, dans le cadre de l'ancien programme, avaient orienté certains cours vers une réflexion sur la culture québécoise. Par exemple, il est question, dans un cours que j'ai ici, qui est un cours 201, de parler de la société québécoise et de la culture québécoise avec, dans un premier temps, la société traditionnelle et la culture traditionnelle, un retour historique et sociologique sur cette société, la vision religieuse traditionnelle, la vision philosophico-religieuse traditionnelle avec Mgr Paquet, philosophe et théologien; ensuite, la société actuelle et la culture actuelle, l'approche sociologique et historique de la période actuelle, la culture actuelle, les grandes visions du monde ayant cours dans cette culture, la vision religieuse, la vision individualiste, les visions socialisantes, etc. Il y a déjà comme éléments de base - ce sont même des éléments bibliographiques - en particulier les oeuvres de Denis Monière, sur le développement des idéologies au Québec, les Enjeux du référendum, Pour la suite de l'histoire, celle de Serge Proulx et Pierre Vallières, Changer la société, celles de Nicole Laurin-Frenette et Jean-François Léonard... etc.

Nous avons bien conscience qu'afin de répondre à l'objectif que nous avons accepté du gouvernement, il y aurait lieu de prendre un tournant et d'accentuer une réflexion sur ces questions. Ce que je voulais dire, c'est que ces questions ne sont pas étrangères à la philosophie et au type de réflexion philosophique qui est prévu dans le programme-cadre.

Je vais citer pour terminer l'un des objectifs qui, d'ailleurs, s'adresse plus spécifiquement au cours 201, dans ce cas-là, qui est déjà d'assurer une réflexion critique sur les facteurs socio-économiques, idéologiques et autres qui modèlent les structures de l'insertion de l'être humain dans son milieu social. Dans le cadre du programme, il s'agissait aussi du milieu technologique et naturel.

Autrement dit, M. le député, nous avons vraiment l'impression, en formulant cette recommandation, de faire quelque chose de positif et de poser un geste qui peut entraîner un renouvellement de l'approche sociale des philosophes québécois et donc, aussi, de la culture québécoise.

M. Ryan: Si je comprends bien, M. le Président, on envisagerait plus d'intégrer des éléments qui se rattachent à la réalité québécoise, autant historique que sociologique ou idéologique, par exemple, culturelle, sous chacun des grands chapitres, sous chacune des grandes têtes de chapitre du programme-cadre.

Par exemple, si je prends le cours 201, l'Être humain et son milieu, là, il y a une catégorie pour les références historiques, une autre catégorie pour la problématique contemporaine. Là, on pourrait insérer davantage d'éléments qui émanent du sol québécois finalement, des éléments intellectuels, spirituels, culturels, etc. Dans les Conceptions de l'être humain, ce qui décrit le cours 301, vous pourriez faire le même exercice et j'imagine aussi sous le titre, Éthique et politique. Il ne s'agirait pas de briser l'équilibre de fond qui s'est dégagé des travaux de révision des deux dernières années, mais plutôt d'enrichir le contenu de chacun des grands éléments du programme-cadre, si je comprends bien, à l'aide de références plus nombreuses et plus délibérées, plus systématiquement puisées à même la culture québécoise.

M. Cohen Bacrie: M. le député, ce que vous soulignez là peut être effectivement une hypothèse de travail. Cependant, la structure du programme est en fait de telle sorte que, pour chacun des cours, un ensemble qui peut être finalement assez différent de contenu peut correspondre à la réalisation du cours. Il nous a semblé qu'afin de réaliser l'objectif du gouvernement, il serait souhaitable qu'un cours en particulier voit définir l'ensemble de ces contenus dans cette même perspective, ce qui n'exclut évidemment pas que, dans d'autres cours, il puisse en être question. Mais, par ailleurs, nous avons bien compris également qu'il s'agissait de s'assurer que l'un des axes de la formation générale commune et obligatoire porte spécifiquement sur le Québec, et je ne crois pas que ce soit - en tout cas, ce n'est pas notre intention, comme professeurs de philosophie - je ne crois pas, dis-je, que ce soit l'objectif du gouvernement de se séparer de la tradition occidentale. Et il y a place également pour d'autres axes de la formation qui ne portent pas spécifiquement sur la société québécoise, même si nécessairement on doit rester informé également, dans l'actualité, de la société québécoise. (15 h 45)

M. Ryan: Je vous entendais citer des sources tantôt. J'espère que, si on se rend jusqu'à réaliser l'objectif qui est discuté, vous élargirez les sources considérablement, de manière que toutes les dimensions de ce qu'a pu être et de ce que peut être le passé

québécois soient représentées de manière plus riche et plus significative. C'est l'une des sources d'inquiétude... Quand on parle de cela, quand on entend le gouvernement parler de culture québécoise et d'enracinement dans la réalité québécoise, cela fait un peu peur parce qu'on a eu souvent des objections sérieuses contre l'utilisation que le gouvernement a... Pardon?

M. Laurin: ...auxquelles on pense.

M. Ryan: Je sais bien que le ministre, ce matin, était plus universel, mais on pourrait citer d'autres de ses écrits qui l'étaient moins. Mais je pense que c'est une inquiétude qui est quand même assez répandue. On ne veut pas que les milieux éducatifs plongent à tête baissée dans le désir de répondre aux voeux du gouvernement là-dessus. On veut que ce soit le fruit d'un exercice beaucoup plus libre que cela. Un objectif de nature politique a été émis qui est parfaitement acceptable, à mon point de vue, à condition d'être interprété et d'être réalisé dans la pratique dans des perspectives très larges. Est-ce que vous pensez que la famille des professeurs de philosophie peut offrir de bonnes garanties aujourd'hui là-dessus?

M. Martineau: Si je peux me permettre d'intervenir sur cet aspect de la question...

M. Ryan: Nous ne voulons pas, en somme, d'endoctrinement étroit comme il y en a souvent eu.

M. Martineau: Oui. Dans le processus de constitution d'un plan-cadre, dans les années récentes, l'une de nos préoccupations constantes a été de produire un document qui répondrait à la diversité considérable des attitudes idéologiques, philosophiques et pédagogiques des professeurs dont nous avons besoin d'aller chercher l'accord avant qu'un cours puisse être accepté par la coordination provinciale de philosophie. Je pense que c'est l'existence de cette population de 800 professeurs de toutes origines socioculturelles et de tous les horizons de la province qui est la meilleure garantie qu'un programme renouvelé ne pourra, encore une fois, être accepté que dans la mesure où il est fidèle à la diversité et à la pluralité des positions philosophiques, politiques et idéologiques à travers le Québec.

M. Ryan: Très bien. Et pour la connaissance plus précise des institutions? Vous considérez sans doute que tous les autres cours qui sont disponibles, par exemple dans les départements de sciences politiques, de sociologie, d'histoire, etc., peuvent répondre aux besoins qu'on voudrait satisfaire de ce côté-là?

M. Cohen Bacrie: M. le député, comme nous l'avons souligné dans notre mémoire, la présence au secondaire de cours obligatoires d'histoire du Québec et de nouveaux cours d'économie serait de nature à assurer une base informative à partir de laquelle l'étudiant pourrait, au collégial, revenir en termes réflexifs sur une connaissance qui serait d'ailleurs aussi approfondie dans le cadre du même cours. Par ailleurs, en cours complémentaires ou en cours de concentration, il y a actuellement 60% des étudiants inscrits au secteur général qui poursuivent un DEC qui suivent 12 cours de concentration de sciences humaines et, en particulier dans la nouvelle définition du programme, il y a des cours portant sur le Québec, donnés par des disciplines qui ont leur mot à dire - disciplines historiques et économiques - qui continueraient, comme dans la formule de régime pédagogique actuel à former un complément indispensable à la formation générale assurée par le bloc de tronc commun.

M. Ryan: M. le Président, je pourrais continuer, mais je pense que j'ai terminé étant donné l'heure. Je voudrais émettre le voeu que les conversations qui commencent, peut-être un peu tardivement, entre le milieu des professeurs de philosophie et le ministère de l'Éducation sur ce point précis, se poursuivent de manière plus intense et peut-être accélérée au cours des prochains mois, de manière qu'on en vienne à une solution qui respecte le plus possible la place que la philosophie a tenue dans notre système d'enseignement depuis longtemps et qu'elle doit continuer de tenir dans l'avenir. Je pense qu'on a entendu des propos ce matin qui sont plutôt dans le sens d'un rapprochement que dans le sens d'une application littérale du projet qui avait été conçu sur ce point précis. Le meilleur voeu que l'on puisse émettre, c'est que le travail se continue dans ce sens-là et que vous n'oubliiez jamais en cours de route d'informer l'Opposition, pas seulement quand ça va mal mais aussi quand ça va bien, parce que cela nous évite de faire des critiques inutiles.

J'ai remarqué aussi les opinions que vous avez formulées au sujet du certificat d'études collégiales. Je ne veux pas m'attarder là-dessus. Nous avons entendu beaucoup de ces opinions depuis deux jours, mais je pense que votre opinion vient s'ajouter à toutes celles que nous avons déjà entendues. Je faisais le compte avec un de mes collègues ce matin. Sur sept organismes qui ont exprimé un avis sur le projet de certificat d'études collégiales, je pense qu'il y en a sept qui ont émis soit des objections fondamentales, soit des réserves tellement importantes que ça équivaut, en pratique, à donner une espèce de signal de prudence et

de retenue au gouvernement, je ne sais si j'interprète correctement ce que j'ai vu, mais je voulais le signaler avant de vous interpeller.

M. Martineau: M. le Président... Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Martineau: M. le Président, sur la question du certificat d'études collégiales, je pense qu'à titre de professeurs de philosophie, on serait malvenus de ne pas signaler le souci pressant que nous avons de ne pas voir les étudiants d'orientation technique exclus ou soustraits directement ou indirectement à la possibilité d'effectuer une réflexion de fond et d'abord sur leur propre dignité d'êtres humains libres - je reprends les termes de M. Laurin - et sur leur insertion dans une société qui est en évolution technologique extrêmement rapide.

Nous croirions qu'il est extrêmement inquiétant, du point de vue du sens que nous accordons à notre pratique, que cette partie de notre clientèle qui, à notre avis, a le plus vif et le plus pressant besoin d'accéder à un tel niveau de réflexion, en soit exclue par des mesures administratives.

M. Ryan: Je vous rappelle simplement une de vos recommandations à la page 5 de votre mémoire où vous dites que, dans l'idée que vous vous en faites actuellement, le certificat d'études collégiales devrait continuer d'être réservé pour le secteur de l'éducation des adultes. On a toutes sortes de débats sur les termes qu'il faudrait employer pour définir ces réalités, mais indépendamment de ces discussions, vous dites que ça ne devrait pas être étendu sans aucune espèce de discernement, surtout aux étudiants qui sont au stade de la formation initiale.

M. Martineau: À défaut d'un critère qui pourrait assurer que ce sont les décrocheurs actuels du système qui bénéficieraient de ce certificat, il nous semblerait plus prudent de maintenir la distinction actuelle qui fonctionnne.

Nous sommes très sensibles aux problèmes que posent ces décrocheurs. Nous croyons, par expérience du contact avec les étudiants en technique, que c'est un faux postulat que de croire que c'est l'existence de cours de formation fondamentale et particulièrement de cours de philosophie qui désincitent les jeunes d'entrer ou de rester dans le cadre de la formation collégiale et de la poursuite d'un diplôme d'études collégiales.

Il nous semble, au contraire, que les cours de philosophie représentent actuellement, dans la formation des étudiants en technique, un espace dans lequel ils peuvent respirer à un rythme qui est plus proche de leur démarche intellectuelle d'adolescents qui abordent la réalité du monde adulte et qui s'apprêtent à plonger dans le monde politique et dans le monde économique.

Il nous apparaît que, si une pression existe qui incite les étudiants à ne pas poursuivre leurs études, elle vient peut-être bien davantage de pressions exercées à partir des matières de concentration, qui laissent tellement peu de disponibilités intellectuelles et de temps à des étudiants surchargés par ailleurs que les cours de culture sont pour eux difficiles à poursuivre dans des conditions acceptables. On sympathise avec eux sur ce plan-là.

Dans ce sens-là, l'existence d'un certificat d'études collégiales en deux ans qui seraient composées uniquement de matières de concentration ou de spécialisation nous semble de nature à créer un contexte éducatif qui imposerait un rythme d'apprentissage professionnel encore accru aux étudiants sans le bénéfice d'un espace pédagogique où ils peuvent penser ou s'exprimer d'une façon plus libre et plus spontannée.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Martineau: D'autant plus que la pression se ferait sur les professeurs de techniques et de spécialisations enseignant dans le cadre du certificat des études collégiales pour valoriser ce diplôme en étant d'autant plus exigeants et plus sévères à l'égard des étudiants qui le poursuivraient.

Le Président (M. Blouin): Très bien. S'il n'y a pas d'autres interventions...

M. Ryan: Merci.

Le Président (M. Blouin): ...je remercie au nom de tous les membres de la commission les représentants de la Société de philosophie du Québec ainsi que ceux de l'Association des professeurs de philosophie au niveau collégial.

Conseil des collèges

Sur ce, j'invite maintenant les représentants du Conseil des collèges à venir s'asseoir à la table des invités, tout en signalant que, puisque le Conseil des collèges a déjà rendu public son avis au ministre il y a quelques mois maintenant et qu'il a été largement diffusé, il a été convenu que Mme Blackburn nous ferait une présentation d'une vingtaine de minutes et qu'ensuite nous pourrions procéder au dialogue entre les membres de cette commission et les représentants du conseil.

Pour les fins du journal des Débats,

Mme Blackburn, veuillez bien identifier les personnes qui vous accompagnent, s'il vous plaît.

Mme Blackburn (Jeanne): Très bien, M. le Président. Je m'appelle Jeanne Blackburn, présidente du Conseil des collèges. À ma gauche, M. Laurent Laplante, président de la commission de l'évaluation; à la droite de M. Laplante, M. Lelièvre, secrétaire du conseil et, à ma droite, M. Claude Simard, président de la Commission de l'enseignement professionnel.

M. le Président, comme il a été convenu, je vais tenter d'être relativement brève, parce que, effectivement, l'avis du conseil a été largement distribué et les membres de la commission l'ont eu en main depuis déjà un moment. Je vais peut-être aussi essayer d'être brève, parce que le nombre des combattants diminue constamment et que le vendredi après-midi, ce n'est peut-être pas le moment le plus indiqué pour entreprendre des débats aussi fondamentaux.

Tout à l'heure, il y avait une question à l'endroit des professeurs de philosophie, leur demandant si le conseil avait entendu les professeurs ou s'il avait tenu compte de leur avis. La réflexion du Conseil des collèges sur cette question du règlement des études collégiales a été fort longue et pas facile non plus. Dès les premiers débats du conseil - le conseil a été créé à la fin de 1979, c'est-à-dire qu'au début de 1980, le conseil devait déjà commencer à discuter de cette question du règlement des études collégiales - on a fait effectuer de nombreuses recherches. On a examiné également les modes d'encadrement des activités professionnelles et de la mission d'autres établissements, des établissements d'enseignement et des établissements publics également.

Nous avons pris connaissance, systématiquement, de tous les avis qui ont été remis au ministre de l'Éducation sur cette question. Évidemment, nous avons pris connaissance également du mémoire du Regroupement des professeurs de philosophie. C'est donc à la lumière de ces études, des avis et à la lumière également de l'expérience des membres du Conseil des collèges que le conseil a rendu son avis.

Il est peut-être utile de rappeler la composition du Conseil des collèges: dix-huit personnes dont sept membres sont issus des collèges. Vous avez là 3 professeurs, des administrateurs membres de conseils d'administration. Ces personnes ont une excellente connaissance du réseau collégial. S'ajoutent à ces personnes également le président de la Commission de l'enseignement professionnel, M. Simard qui, jusqu'à son arrivée au conseil était enseignant dans un cégep; M. Laplante qui a siégé à un conseil d'administration à titre de conseiller socio-économique, et M. Lelièvre, qui a été aussi directeur général d'un cégep pendant plusieurs années et qui a quitté ce poste au moment où il est entré chez nous. (16 heures)

C'est donc dire que la réflexion du Conseil des collèges s'est appuyée sur une bonne connaissance du réseau collégial et on pense, également, sur une bonne connaissance des besoins de la collectivité.

Le projet de règlement qui est soumis à l'examen de cette commission est relativement peu volumineux compte tenu de l'importance du sujet et, de l'avis du conseil, c'est de bon augure.

Le conseil estime que, dans la mesure du possible, on devrait réduire, adopter davantage des règlements-cadres plutôt que des règlements allant dans tous les détails d'une activité, qu'elle soit pédagogique ou administrative, dans les collèges.

On aurait pu craindre qu'un règlement trop volumineux confère au régime pédagogique une stabilité, peut-être même une rigidité qui rendrait difficile une adaptation aux besoins tant des étudiants que de la société.

Le conseil se réjouit de ce fait que le règlement soit relativement peu volumineux et voit en ça une réponse favorable à l'invitation qu'il faisait au ministre lors d'avis précédents, d'éviter une trop grande ingérence du ministère de l'Éducation dans la gestion interne des collèges.

Le conseil n'a pas examiné article par article le projet de règlement des études collégiales; il ne s'est donc pas attardé sur les modifications qui lui apparaissaient mineures ou encore sur les articles sur lesquels il était favorable.

Le projet qui nous est soumis ne modifie pas profondément la nature, le nombre, la substance même, le fondement de la structure des programmes. C'est la même structure des programmes, le même équilibre entre les cours, le même objectif de formation, le même rapport entre les cours de formation de type général ou fondamental.

Quant aux changements proposés, le Conseil est d'accord, comme on l'a dit dans notre avis, en principe sur une participation plus grande des collèges à la certification, la non-différenciation des clientèles jeunes et adultes, la reconnaissance des acquis, une marge d'interprétation plus large laissée aux institutions pour l'admission des étudiants, l'obligation faite aux collèges de se doter d'une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages et, enfin, le fait que le régime pédagogique prenne la forme d'un règlement.

Voyons maintenant les objectifs du ministère. Les commentaires qui accompagnent le règlement sur le régime

pédagogique dégagent un certain nombre d'objectifs que le ministère entend, par différents moyens, favoriser. Ces objectifs sont une accessibilité plus grande, une décentralisation dans un ensemble cohérent et une affirmation des droits des étudiants.

Le conseil est d'accord avec ces objectifs évidemment, mais propose certaines mesures susceptibles d'en favoriser l'atteinte.

L'accessibilité. Depuis leur création, les collèges ont contribué à relever de façon remarquable le niveau de scolarisation des Québécois. Comme on le rappelle dans l'avis, ils étaient à ce niveau environ 56 000 étudiants en 1967 et aujourd'hui vous en avez plus de 147 000. Il y a environ 110 000 adultes alors qu'ils étaient quelques milliers en 1967. On peut penser que, si là on a fait beaucoup, il reste quand même des entraves, des contraintes qu'il faudrait lever.

Le projet propose différentes mesures: un assouplissement dans les conditions d'admission, une reconnaissance officielle des acquis, une certification diversifiée et l'unification des clientèles.

Jusqu'ici, les candidats à l'enseignement régulier devaient être titulaires d'un diplôme d'études secondaires ou d'un diplôme jugé équivalent. Il y a une modification qui est proposée, c'est qu'ils aient une formation jugée suffisante.

Le conseil, afin d'éviter l'arbitraire dans l'évaluation de la formation jugée suffisante et d'éventuelles contestations des candidats mécontents, propose que les collèges établissent un règlement local sur cette question.

Donc, l'article du règlement devrait être modifié pour se lire ainsi: "Être titulaire d'un diplôme d'études secondaires ou d'un diplôme jugé équivalent par le ministre ou, à défaut, satisfaire aux exigences établies par un règlement du collège sur ce sujet".

L'utilité, voire la nécessité d'un tel règlement local semblerait être d'autant plus réelle que c'est la meilleure garantie que la clientèle peut avoir, particulièrement la clientèle adulte, que cet assouplissement dans les conditions d'admission sera réellement mis en application.

La reconnaissance officielle des acquis. L'article 27 du projet propose que le collège peut accorder une équivalence lorsque l'élève démontre qu'il a atteint, par sa scolarité antérieure ou par sa formation extrascolaire, les objectifs du cours pour lequel il demande une équivalence. On sait que la reconnaissance des acquis scolaires est déjà acceptée dans le réseau, bien qu'on puisse s'interroger sur ce qui en est par rapport à la reconnaissance des acquis scolaires, des détenteurs d'un diplôme d'enseignement professionnel. Les collèges n'ont souvent pas, un peu comme les universités dans le cas des collèges probablement, tendance à accorder beaucoup de crédits à la formation professionnelle dispensée dans les écoles secondaires.

Pour sa part, la reconnaissance officielle des acquis extrascolaires ou non scolaires, actuellement, n'est pas reconnue dans les collèges. Cette reconnaissance des acquis non scolaires, réclamée depuis de nombreuses années par les éducateurs d'adultes, en particulier, trouve enfin sa place dans un règlement des études collégiales, et c'est heureux. Mais il y a risque de voir cette mesure rester au niveau des intentions si on ne prend pas les moyens nécessaires pour en assurer l'application. En effet, si les instruments de mesure pour évaluer la formation jugée suffisante sont peu nombreux, dans le cas de la reconnaissance des acquis non scolaires, ils sont inexistants. Et une certaine résistance du milieu n'est pas étrangère à ce fait. Ces instruments ne sont pas faciles à fabriquer, il est vrai, mais d'autres pays l'ont fait. Aussi est-il nécessaire de mettre en place les moyens permettant de s'assurer que cet article du règlement soit réellement mis en application.

Le Conseil des collèges recommande donc au ministre de l'Education de prendre rapidement des mesures pour que le ministère et le collège élaborent un modèle opérationnel de reconnaissance des acquis non scolaires et que la gestion de ce modèle soit placée sous la responsabilité d'un organisme relevant des collèges eux-mêmes.

Selon le conseil, mis en application, cet article fera plus pour les adultes et les autodidactes que toute autre mesure. On peut penser qu'un candidat qui fait évaluer ses acquis pourra non seulement réduire la durée de ses études, mais également poursuivre des études selon le profil qui tient compte de ses expériences antérieures. De même, les candidats pourront, en vertu de cet article du règlement, exiger que l'on évalue leurs acquis scolaires et non scolaires. À la limite, pour cette seule raison, qui en est une d'équité, on pourrait penser qu'il vaudrait la peine de se donner un règlement.

Le régime pédagogique actuel prévoit un certain nombre de certifications, le DEC général des professionnels, le certificat qui est réservé aux adultes et des attestations d'études collégiales. Les attestations d'études collégiales sont autorisées et c'est aussi un programme ministériel. Le projet qui est soumis à notre attention propose les modifications suivantes: l'ajout d'un DEC sans mention, d'un certificat et des programmes d'établissement, de même qu'un diplôme de perfectionnement.

Le DEC sans mention. Bien que les diplômes d'études collégiales sans mention ne soient pas tout à fait conformes à l'esprit du régime pédagogique proposé, le Conseil des collèges est d'accord avec son introduction,

qui peut permettre de répondre à des besoins spécifiques, notamment à des besoins d'une clientèle adulte. On devra toutefois s'assurer que les étudiants qui postulent un tel DEC soient bien informés des conséquences, en particulier s'ils veulent poursuivre des études universitaires.

Certificat d'études collégiales. Il y a actuellement dans le régime pédagogique du collégial, un certificat qui, comme vous le savez, est composé exclusivement des cours de la spécialité. Ce qui est proposé dans le projet, c'est un certificat modifié qui serait accessible tant aux jeunes qu'aux adultes. Pour vous présenter la position du conseil, avec votre permission, M. le Président, je demanderais à M. Simard de le faire.

Le Président (M. Leduc, Fabre): M.

Simard.

M. Simard (Claude B.): M. le Président, il serait sans doute important de rappeler la position du Conseil des collèges concernant le certificat d'études collégiales. Dans son avis sur le projet de règlement d'études collégiales, le conseil indique son désaccord quant au contenu du certificat, contenu qui, selon l'aspect où on le regarde, a trop ou trop peu de contenu.

On peut résumer la position du Conseil des collèges de la façon suivante: D'abord, on propose l'exclusion du projet de règlement de tous les articles relatifs au certificat, le recours aux articles 21 et 22 du projet de règlement qui ont trait aux attestations d'études collégiales et une amélioration du bulletin cumulatif uniforme afin qu'il présente de façon plus claire et plus détaillée l'état de la formation acquise en regard du diplôme d'études collégiales.

Cette prise de position, aux yeux du conseil, semble logique et cohérente. En effet, en se référant aux commentaires qui accompagnent le projet de règlement, on peut retrouver les raisons qui ont amené le ministère à proposer de tels programmes sanctionnés par un certificat d'Etat. Il considère que ce programme plus court constitue une nécessité pour la clientèle adulte, répond davantage aux besoins des décrocheurs, il augmente les taux de rétention aux études collégiales et attire une clientèle de jeunes absents des cégeps, étant réticents à poursuivre des études après avoir obtenu un diplôme d'études secondaires.

Donc, le ministère choisit un seul moyen, soit le certificat d'État, pour satisfaire à la fois une clientèle adulte diversifiée dans ses besoins comme dans ses caractéristiques d'emploi, une clientèle potentielle de jeunes qui n'accèdent pas aux études collégiales et, enfin, une clientèle de jeunes qui semblent se désintéresser des études collégiales et qui décrochent. Le conseil n'est pas d'accord avec le ministère.

On peut examiner brièvement le cas de la clientèle adulte. Le certificat d'État existe pour les adultes depuis plusieurs années. Il est d'ailleurs utile ici de mentionner tout de suite qu'il existe depuis le même temps pour les décrocheurs, étant donné que la distinction administrative entre les jeunes et les adultes permettait aux décrocheurs d'avoir accès au certificat après une année de décrochage. Or, à l'examen des quelques statistiques relatives au certificat, on se rend compte que ce programme plus court n'a pas été l'objet d'un achalandage considérable. Ainsi, de 1970 à 1980, un total d'environ 6100 CEC ont été émis, ce qui représente autour de 600 CEC par année. De ce nombre, 2900 CEC ont été émis en techniques infirmières, 1000 en techniques administratives et 300 en techniques d'éducation spécialisée.

À première vue, ces chiffres peuvent paraître considérables. Depuis ces dernières années, cependant, ces programmes conduisant à un certificat connaissent un réel déclin, malgré l'augmentation des clientèles dans les collèges. Ainsi, en 1981, ils ne représentent plus que 1,6% de tous les diplômes accordés. De plus, une chute de 12% des CEC délivrés a été enregistrée entre 1980 et 1982, passant de 573 à 503. On peut conclure que cette baisse considérable de popularité indique sans doute que le certificat répond de moins en moins aux besoins diversifiés de la clientèle adulte.

Or, l'application de l'article 27 concernant la reconnaissance des acquis scolaires et non scolaires amènera la clientèle adulte à se désintéresser encore davantage dans les prochaines années du certificat étant donné que l'obtention d'un diplôme leur sera facilité. Le Conseil des collèges considère comme très important cet article 27, étant convaincu qu'il s'agit là d'une innovation majeure et d'un outil de simple équité pour les adultes. Il ne peut ici qu'insister encore sur l'urgence de développer les mécanismes et de créer les instances afin que l'on puisse rapidement, en ce domaine, passer du discours à la pratique.

Toujours durant les dernières années, une augmentation marquée, par contre, des attestations d'études collégiales laisse supposer à bon droit qu'il y a eu un glissement important des clientèles des programmes de certificat vers des programmes d'attestation, ce qui, par voie de conséquence, indique que les attestations répondent mieux aux besoins des adultes. Ainsi, en 1980 et en 1981, il y a eu d'émis deux attestations pour un CEC. La clientèle adulte des collèges, avons-nous dit, est diversifiée dans ses besoins comme dans ses caractéristiques d'emploi. Aussi, le conseil considère que les programmes d'attestation peuvent mieux répondre à ces besoins diversifiés, d'autant plus que l'article 27 du

projet de règlement rendra plus accessibles aux adultes les diplômes d'études collégiales, les DEC, ce qui est certainement souhaitable et un objectif que l'on devrait tenter de faire atteindre par un plus grand nombre d'adultes. (16 h 15)

D'autre part, le conseil ne croit pas que les certificats puissent être un remède universel pouvant guérir le mal du décrochage ou de la non-fréquentation de l'ordre collégial. Le malade, selon nous, a été l'objet d'un mauvais diagnostic.

Ainsi, selon le conseil, le phénomène de décrochage, en plus d'être relié à un problème d'abord socioculturel, est pour une bonne part d'ordre pédagogique et sa solution se retrouvera, par voie de conséquence, au niveau de la pédagogie. C'est pourquoi le conseil considère qu'un programme plus court de quelques unités ne réussira certainement pas à faire disparaître le phénomène des décrocheurs. Il fera plutôt augmenter le nombre de ceux qui décrocheront du diplôme d'études collégiales pour s'engager dans un programme malheureusement amputé d'une partie importante de formation fondamentale, croyant quand même, mais à tort, obtenir un diplôme équivalent au DEC étant donné qu'un certificat leur permettra d'accéder à la même fonction de travail sur le marché de l'emploi.

Quant aux jeunes qui ont terminé leur secondaire, qui possèdent un dossier adéquat mais qui ne poursuivent pas leurs études au collégial, le conseil ne croit vraiment pas que l'existence de programmes plus courts, conduisant à des certificats d'État, les attire en très grand nombre au collège. Selon le conseil, la longueur des études n'a que peu d'influence sur la décision de ces étudiants. Les raisons sont d'un autre ordre et très diversifiées: manque de motivation, manque de ressources, méconnaissance des collèges et des programmes offerts, des types de cheminement possibles, manque d'ambition ou défaut de se croire capable de réussir des études collégiales, lassitude face aux études, manque de soutien et d'encouragement de leur milieu.

Une chose est certaine, c'est dans les milieux économiquement faibles que l'on retrouve la majorité de ces étudiants potentiels. Il y a une barrière culturelle et sociale qui existe dans notre société en regard de la poursuite d'études supérieures. Le conseil ne croit pas qu'un programme plus court, comme celui du certificat, pourra éventuellement l'abolir. La solution est ailleurs et certainement moins simple.

Pour toutes ces raisons, le conseil croit que l'on peut faire aisément l'économie du certificat dans la panoplie de diplômes et de programmes qui sont offerts aux étudiants jeunes et adultes et ce certificat viendra tout simplement encombrer une pièce déjà surpeuplée. Il n'est pas utile et ce n'est certainement pas le moment de remettre en cause, par l'introduction du certificat d'État, les fondements et les orientations que l'on a voulu donner aux collèges, la pierre d'assise étant la formation fondamentale.

Le Président (M. Leduc, Fabre): M. le ministre ou madame?

Mme Blackburn: Si vous me le permettez, je poursuivrai. Juste un mot pour expliquer que la position qui vient d'être présentée par le président de la Commission de l'enseignement professionnel est une position qui ne paraît pas dans l'avis qui vous a été remis. Au moment où le conseil remettait son avis, comme le rappelait M. Simard, nous attendions qu'il y ait une politique de formation professionnelle qui soit adoptée. On nous a laissé savoir qu'il n'y aurait pas, à proprement parler, de vraie politique, de politique qui serait soumise au conseil touchant la formation professionnelle. C'est pourquoi le conseil a poursuivi ses réflexions et vous présente aujourd'hui sa position sur le certificat.

Parmi les moyens envisagés pour assouplir et assurer une plus grande accessibilité et une plus grande équité dans le réseau, il y a l'affirmation des droits des étudiants. C'est un objectif que semble vouloir poursuivre le projet qui nous est soumis. Le conseil estime que le règlement sur le régime pédagogique est effectivement l'affirmation des droits des étudiants, jeunes et adultes. C'est, en quelque sorte, le contrat qui lie le collège à l'étudiant qui s'y inscrit. Par exemple, comme je le disais tout à l'heure, ces étudiants pourront exiger qu'on évalue leurs acquis scolaires et non scolaires et qu'on les évalue selon la politique en vigueur dans le collège.

Par ailleurs, une autre mesure est susceptible d'affirmer les droits des étudiants et c'est la politique d'évaluation des apprentissages. Avec votre permission, je demanderais au président de la commission d'évaluation de nous dire en quoi cette politique pourrait effectivement confirmer les droits des étudiants.

Le Président (M. Leduc, Fabre): Je vous rappelle que vous avez dépassé légèrement les vingt minutes qui vous avaient été attribuées. Je vous demanderais de faire une synthèse pour que, dans quelques minutes, vers 16 h 25, il soit possible de passer aux questions.

Mme Blackburn: Bien. Alors on pourra y revenir.

M. Ryan: C'est une question de minutes, nous autres là.

Le Président (M. Blouin): Allez-y.

Mme Blackburn: Bien. L'unicité des clientèles et l'abolition des distinctions jeunes et adultes. Le conseil est favorable à l'abolition de la distinction. Je ne voudrais pas reprendre l'ensemble des considérations qui ont été apportées ici pour justifier ou refuser cette modification dans le règlement. Il y a deux raisons, pour le conseil, qui nous permettent de penser qu'on devrait abolir cette distinction, ajoutées évidemment à celles qui sont déjà évoquées dans l'avis qui vous a été soumis.

La première, c'est que l'abolition de la distinction entre les jeunes et les adultes n'empêche en rien qu'il y ait, pour des clientèles spécifiques, un encadrement de services particuliers, une pédagogie adaptée. Il ne nous viendra pas à l'idée, par exemple, d'introduire dans le règlement des études collégiales une provision pour les handicapés sous prétexte qu'ils ont besoin de services particuliers. Ces services aux handicapés sont offerts, bien que ça n'apparaisse pas dans le régime pédagogique actuel.

La seconde raison, c'est que, avec la reconnaissance des acquis non scolaires, cette reconnaissance des acquis non scolaires ouvre la porte à des possibilités d'adaptation beaucoup plus grandes que celles qu'on n'a jamais connues. Je ne sais pas si on a bien saisi l'importance et la valeur de cette mesure. Si, à la limite - je le répétais tantôt - il n'y avait que cela, que cette raison qui justifie l'adoption d'un règlement, je pense qu'il faudrait le faire.

Vous savez, avec la télématique, l'informatique, les adultes auront de plus en plus de moyens pour augmenter leurs connaissances. Le temps n'est peut-être pas loin où on ira louer son cours sur vidéocassettes comme actuellement on loue des films. L'évaluation des acquis de formation scolaire et non scolaire, alors, ne sera plus une question de choix, ce sera une nécessité. C'est pourquoi le conseil voudrait qu'on se mette rapidement à la tâche, et on entend suivre ce dossier.

Je vais passer sur la participation locale aux programmes d'Etat. Vous connaissez la position du conseil. On estime que 40% est une marge trop élevée et risque de donner une formation trop spécialisée et peut-être trop conditionnée aux besoins d'entreprises particulières. Peut-être qu'on pourra, là-dessus, répondre à des questions.

Les structures de programmes, les cours de spécialisation. Peut-être est-il nécessaire ici de rappeler la position du conseil par rapport aux cours de spécialisation. Actuellement, il est prévu que ça soit variable, c'est-à-dire entre 32 et 60 unités. Le conseil estime qu'on devrait conserver, comme c'est le cas, environ 60 unités. Actuellement il n'y a qu'un programme qui ait 35 unités, je pense, et c'est le cours de reliure. Les autres, c'est 45 et plus; ça va jusqu'à 63, je pense. La moyenne est beaucoup plus près de 60. Selon nous, c'est cette moyenne que l'on devrait préserver.

Dans la composition du bloc des cours communs obligatoires, évidemment, il y a le cours de philosophie dont on a parlé largement, longuement, sur lequel il y a eu des débats fort intéressants, animés, sûrement, comme on a pu le constater tout à l'heure. Si le temps ne nous pressait pas, j'aurais invité un philosophe à donner la position du conseil. Il pourra peut-être le faire lors de la période de questions.

Une voix: J'aurai une question, tout à l'heure.

Mme Blackburn: Sur les cours d'éducation physique, le projet de règlement sur le régime pédagogique maintient quatre cours d'éducation physique. Le contenu de ces cours continuerait d'être déterminé par le collège et dispensé sous forme de cours traditionnels. Tous les projets précédents, il est important de se le rappeler, contestaient soit le contenu, soit le rôle, soit le nombre, soit l'existence même de ces cours à un niveau postobligatoire. Le seul projet qui n'a pas remis en question ce cours dans le bloc de cours communs obligatoires, c'est le projet qui nous est soumis. Des raisons de circonstances reliées aux besoins du moment ont présidé à l'imposition de ces cours en 1967, mais aujourd'hui doit-on les conserver? Est-ce qu'il y a des raisons qui justifient que cet enseignement soit remis en question par le bloc des cours communs obligatoires? Les régimes pédagogiques qui ont été adoptés au primaire et au secondaire justifient sûrement qu'on se demande, qu'on se pose des questions et qu'on fixe à nouveau des objectifs aux cours d'éducation physique. Y aurait-il lieu, cependant, par exemple, de remplacer les cours d'éducation physique par des activités physiques qui pourraient avoir comme objectifs de maintenir les bonnes habitudes acquises au secondaire? Le conseil n'a pas de réponse à ces questions, mais il estime que, s'il est pertinent de maintenir un tel enseignement dans les cours communs obligatoires au niveau collégial, le ministre devra, comme il le fait pour les autres cours, en fixer les objectifs.

Pour ce qui est des cours complémentaires, le conseil est favorable à ce qu'il y ait, j'allais dire un adoucissement de la règle actuelle, mais il n'irait pas aussi loin que va le projet en ouvrant à tous les cours la possibilité à l'étudiant de choisir ses cours complémentaires. Le conseil voudrait limiter le choix ou exclure du choix des étudiants les cours complémentaires sur les disciplines représentées dans les cours de la spécialité et de la concentration.

Ce sont les principales recommandations du conseil. Il faudrait peut-être se rappeler que le débat d'abord n'est pas nouveau, je le disais dans l'introduction. Toutes les tentatives de modification du projet de règlement des études collégiales depuis 1970 ont échoué. Je pense que c'est important de savoir que, sur cette question, il ne semble pas que ce soit facile de faire l'unanimité. Le conseil n'est pas, en soi, favorable à la multiplication des règlements et des lois. Il existe des cas toutefois où la forme réglementaire s'avère le meilleur moyen d'assurer les droits des individus. C'est le cas selon nous en ce qui concerne le régime pédagogique du collégial.

On ne saurait trop insister sur la nécessité de retirer du règlement des études collégiales le programme de certificat. Tous les groupes entendus ici s'opposent à l'introduction - quasiment tous les groupes -de ce programme, et c'est significatif. C'est un fait. J'espère que cette commission aura la sagesse de retenir de ce fait les conséquences qui s'imposent. Ces réserves étant faites, le conseil estime que, modifié dans le sens suggéré par le conseil, le régime pédagogique qui en résultera, comme on l'a déjà dit, sera un régime pédagogique fort valable.

Juste en concluant, M. le Président, je voudrais me permettre d'attirer votre attention sur une question qui préoccupe profondément le conseil. Les collèges sont l'objet de nombreux contrôles, de multiples réglementations tant dans les affaires pédagogiques que dans les affaires administratives. À ce jour, l'aire de retournement des collèges n'était pas très grande. Cependant, le projet de règlement laisse un peu plus de latitude. Avec l'adoption de ce règlement et de celui qui, depuis peu, régit les états financiers des collèges, le gouvernement aura en main les principales règles à partir desquelles il pourra rendre compte de l'activité des collèges. Aussi serait-il souhaitable qu'après l'adoption de ce règlement, le ministère de l'Éducation déréglemente l'enseignement collégial et fasse un peu le ménage dans le cahier des règles politiques, normes, règlements et procédures qui touchent l'enseignement collégial et n'en conserve que l'essentiel. Les contrôles coûtent cher et, malheureusement, on finit souvent par les trouver indispensables surtout s'ils justifient des structures, mais il n'est pas toujours certain qu'ils valent les ressources qu'on y investit. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Blackburn. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie beaucop le Conseil des collèges pour ce mémoire verbal qu'il ajoute au mémoire écrit très étoffé que nous avions déjà en main. Le Conseil des collèges joue un rôle très important dans l'élaboration des politiques de l'enseignement collégial en raison, évidemment, du rôle que la loi lui reconnaît, mais aussi en raison des multiples avis qu'il nous fournit régulièrement sur chacun des aspects de nos politiques. Il en est de même pour le projet de règlement du régime collégial. Ce rapport que nous avons reçu en septembre a été étudié avec attention et, sans que je puisse annoncer immédiatement la conclusion de cette réflexion parce que je devais aussi attendre l'expression d'opinion des autres groupes, je peux assurer le conseil que nous avons sûrement tiré profit de toutes les remarques, commentaires, suggestions et recommandations qu'il nous a faits, (16 h 30)

II convenait peut-être que nous l'entendions à la fin du processus, comme il a été le premier à faire entendre sa voix dès septembre. Le conseil se retrouve donc à l'alpha et à l'oméga du processus et je trouve que c'est normal et naturel. Je ne veux pas, bien sûr, reprendre tout ce qui a été dit ou écrit, mais je suis heureux quand même de noter les points d'accord qui se sont dégagés. Nous aussi, nous préférons un règlement-cadre à un règlement détaillé, un règlement-cadre qui permette les adaptations en cours de route et c'est ce que nous avons retenu, conformément, d'ailleurs, à ce que souhaitait le Conseil des collèges.

Les points d'accord sont nombreux entre l'avis du conseil et le projet; je ne veux pas les reprendre. Il y a aussi largement un accord sur les objectifs et les moyens que nous suggère le conseil pour réaliser ces objectifs, encore une fois, seront étudiés avec attention.

Je pense que que je vais passer tout de suite, M. le Président, à certaines des questions que je voulais poser au conseil, bien que, avant de le faire, je voudrais quand même noter qu'il estime lui aussi qu'il est le temps d'en arriver à l'établissement d'un règlement, même s'il est difficile de faire l'unanimité, que ce règlement est la meilleure façon d'assurer les droits des personnes et qu'effectivement, ce règlement donnera une latitude plus grande aux collèges et permettra au ministère de l'Éducation de diminuer considérablement les normes, directives et ordres qui partent du ministère vers les collèges. Je le souhaite également, Mme la présidente, et, comme j'ai tenté et tenterai de le faire dans les autres ordres d'enseignement, soyez assurée que, dès que ce sera possible, nous augmenterons la marge de manoeuvre des collèges en diminuant d'autant plus les contrôles, les normes et les directives qui émanent du ministère à cet effet.

Je passe donc maintenant aux questions. La question probablement fondamentale que

je voulais vous poser, c'est celle-ci: Que pensez-vous de la répartition des pouvoirs, à l'intérieur du collège, qui se dégage du régime proposé? Pensez-vous, en particulier, que le projet de régime modifie la répartition actuelle des pouvoirs entre les professeurs, les départements, le directeur des services pédagogiques, le conseil d'administration et le ministère, étant donné que c'est cela qu'ont prétendu un certain nombre d'associations qui se sont présentées devant nous?

Le Président (M. Blouin): Mme

Blackburn.

Mme Blackburn: M. le Président, M. le ministre, comme nous le disions tout à l'heure en introduction, le règlement des études collégiales s'arrête à la porte des collèges et, pour nous, c'est souhaitable.

On se rappellera que, dans une première version, on indiquait les responsabilités du directeur des services pédagogiques, en particulier, et le conseil estimait que c'était là décider pour un collège qui était responsable de quoi. Il faudrait peut-être que je demande, soit au secrétaire ou au président de la commission de l'enseignement professionnel, si certains articles ne modifient pas la situation actuelle. Mais, quant au partage interne des responsabilités, le fait qu'on retrouve le collège, le collège, le collège, c'est clair qu'il n'y a pas d'indication à savoir qui fera quoi à l'intérieur des collèges. Dans ce sens, pour nous, c'était tout à fait ce que nous souhaitions.

M. Lelièvre (Lucien): J'aimerais peut-être expliciter deux points en particulier...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. Lelièvre.

M. Lelièvre: ...la question des plans de cours et une question qui est celle de l'obligation d'établir une politique d'évaluation des apprentissages.

Sur la question des plans de cours, il est dit que maintenant, au début de chaque session, chaque étudiant aura le droit de recevoir le plan de cours qu'il sera appelé à suivre. Bien entendu, dans la compréhension que nous avons de cette obligation, la participation des étudiants est aussi assurée dans l'élaboration de ce plan de cours que cela peut l'être dans la situation actuelle. Je ne crois pas que le règlement doive s'interpréter comme signifiant que c'est la direction du collège ou la direction des services pédagogiques qui détermine le plan de cours de l'enseignant ni non plus que l'enseignant seul élabore son plan de cours. Sur ce plan - si vous me permettez l'expression - je ne crois pas qu'il y ait une diminution de la participation.

Un autre point, qui est l'obligation d'avoir une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages. Là également, la participation à sa mesure de l'étudiant à la façon dont le cours sera évalué, je pense que c'est assuré autant que cela peut l'être dans le régime provisoire actuel. Sur ces deux points qui ont été soulevés d'une façon ou d'une autre depuis quelques jours, je pense qu'il y avait peut-être mésentente ou malcompréhension, je ne sais. Ce n'est pas le fait qu'il y ait une obligation d'avoir un plan de cours qui enlève à ceux qui sont concernés le droit de participer à l'élaboration de ce même plan, ni non plus le fait qu'il y ait une obligation d'avoir une politique d'évaluation des apparentissages qui enlève aux personnes directement concernées leur proposition pour déterminer les meilleures façons d'assurer cette évaluation.

M. Laurin: Dans la foulée de ce qui vient d'être dit, M. le Président, sur la répartition des pouvoirs, mais avec l'accent sur les étudiants, je voudrais poser une question subsidiaire: Considérez-vous que le projet de régime vient accroître ou diminuer les droits des étudiants?

Mme Blackburn: Le projet de régime, comme on l'a dit, je pense, assez abondamment dans notre mémoire, vient confirmer les droits des étudiants. Le conseil estime, avec la réserve qu'on a eue quand même tout à l'heure sur leur certificat, qu'il est temps que le réseau se dote d'un tel règlement. Vous savez que dans les collèges, actuellement, tous les groupes sont relativement bien protégés: voient leurs droits protégés, les personnels syndiqués par des conventions collectives, les personnels cadres par des politiques administratives et salariales; on a même trouvé utile de protéger le droit des étudiants à l'association par une loi. On peut penser qu'il n'est pas superflu de protéger le droit des étudiants en regard des études collégiales par un règlement des études collégiales. Ce règlement, comme je le disais - et sur certains points, en particulier - confirme des droits des étudiants. Et c'est en vertu d'un tel règlement qu'ils pourront, par exemple, réclamer leur plan de cours, réclamer la reconnaissance de leurs acquis. Dans ce sens, pour le conseil, c'est une chose tout à fait souhaitable.

M. Laurin: Mme la présidente m'a souvent parlé, dans les rencontres que j'ai eues avec elle, de l'autonomie des collèges et a toujours insisté pour que cette autonomie soit non seulement maintenue, mais augmentée. Étant donné que vous vous êtes toujours portée à la défense de

l'autonomie des collèges, pourriez-vous m'expliquer pourquoi vous demandez maintenant que la part des programmes déterminée localement ne dépasse pas 25% de la concentration ou de la spécialisation? En apparence, il y a là quelque chose, non pas de contradictoire, mais de non expliqué. J'aimerais avoir de plus amples explications à cet égard.

Mme Blackburn: Effectivement, cela ne semble pas tout à fait cohérent avec les attitudes et les discours du conseil autour de l'autonomie. Mais quand on parle d'autonomie dans les collèges, il ne s'agit pas de mettre en danger, j'allais dire, l'unicité du réseau ou le caractère national des programmes. Nous estimons qu'il faut le maintenir. On dit: La participation des collèges est intéressante. Il faut au moins qu'il y en ait un minimum de 10%. Si elle est importante, il faut qu'on leur en laisse au moins un peu. Mais on dit: Au-delà de 25%, c'est peut-être beaucoup parce que cela risque de nuire à la mobilité de l'étudiant, c'est-à-dire sa possibilité d'aller d'un collège à un autre en cours de formation. Cela peut également nuire à la mobilité du futur travailleur. Si, par exemple, ces 40% de sa formation, de ses cours de spécialisation sont davantage axés sur les besoins régionaux ou les besoins d'entreprises particulières, cela risque de porter atteinte à sa mobilité. Ce sont vraiment les raisons qui justifient la décision et la recommandation du Conseil des collèges. Peut-être que le président de la commission de l'enseignement professionnel, qui a examiné de façon très attentive cette question, pourrait ajouter quelque chose.

M. Simard: Oui, brièvement. Disons que le ministère propose dans son règlement qu'il y ait une proportion de 40% qui soit réservée au collège - un maximum de 40%. Or, ce maximum représente véritablement une nouvelle voie de sortie, c'est-à-dire autour de 24 unités de formation spécialisée. Et les motifs qui sont invoqués par le ministère, sont, d'une part, pour répondre davantage aux besoins de la région et, d'autre part, pour répondre aux besoins d'une population scolaire particulière. La troisième raison, c'est pour ajuster l'enseignement aux changements technologiques. Finalement, c'est pour utiliser plus rationnellement les ressources disponibles. On pourrait prendre chacun des motifs qui ont été invoqués pour justifier ce maximum de 40% et démontrer d'une part, que, entre autres, le technicien en génie civil ou l'infirmière, qu'ils soient formés à Chicoutimi ou qu'ils soient formés à Rimouski, à Montréal, ou à Québec, leur description de tâche et l'exercice de leur emploi ne sont pas du tout changés parce qu'ils ont été formés dans une région et qu'ils doivent travailler ailleurs. Donc, les besoins sont identiques, je pense, d'une région à l'autre.

Je pense, d'ailleurs, que les fonctions de travail ne se définissent plus en termes de localités ou même de région et que même, dans beaucoup de cas, particulièrement dans les techniques de pointe, les définitions des fonctions de travail se font de façon internationale. Donc, il nous apparaît difficile de dire que, pour répondre à des besoins régionaux, on a besoin de 40% pour faire une voie de sortie particulière pour répondre aux besoins d'une entreprise particulière. Cela nous apparaît à cet égard très dangereux.

Pour ajuster les programmes aux changements technologiques, je pense que, jusqu'à maintenant, les comités pédagogiques, qu'on appelait anciennement les comités de coordination des programmes, ont rempli leur mandat tout à fait correctement. Peut-être que récemment, par des coupures un peu fortes, il y a des comités de coordination qui péréclitent, mais je pense que la part des enseignants de la base pour l'élaboration, la révision et la mise à jour des programmes, a très bien fonctionné, et je pense que cette vigueur dans les comités pédagogiques a été à la base même de bons programmes, d'excellents programmes dans l'enseignement professionnel. On ne peut pas parler vraiment de redonner aux institutions de l'autonomie, étant donné que cette autonomie appartenait déjà à des professeurs, à des artisans de l'enseignement qui sont à la base, les enseignants. Ce sont eux qui déterminent, finalement, 100% de la partie spécialisation. C'est approuvé par la suite par le ministre, évidemment, mais c'est un enseignant de chaque collège qui donne une spécialité qui détermine la configuration, les objectifs d'un programme et le contenu de chacun des cours d'un programme. Cela nous apparaît donc une pseudo-autonomie que l'on retourne au collège. Elle est déjà à la base du réseau.

Je prends peut-être un peu de place et je m'en excuse. À propos des populations scolaires particulières, je pense que ce dont les étudiants ont besoin, quand ils terminent un cours de spécialisation, qu'ils deviennent techniciens, quel que soit le secteur, ce dont ils ont besoin - Mme la présidente l'a mentionné tantôt - c'est d'une bonne mobilité professionnelle, particulièrement en période de crise économique. Si, dans une région, il n'y a plus de débouché pour un jeune diplômé, il ne faut pas qu'il soit, à cause d'une spécialisation trop axée sur des besoins régionaux, véritablement lancé dans une période de chômage assez longue, parce qu'il ne peut pas aller travailler dans une autre région. (16 h 45)

Pour les ressources disponibles, maintenant, cela nous apparaît un peu dangereux d'invoquer ce motif. Je pense

qu'on est en droit de penser que, si un collège a moins de ressources qu'un autre et qu'il est autorisé à donner une spécialisation professionnelle, cela voudrait dire, dans mon esprit - peut-être que je fais erreur - que ce collège-là pourrait quand même conserver son autorisation, même s'il n'a plus les équipements adéquats, même s'il n'a plus les ressources suffisantes et, ainsi, essayer d'obtenir des ressources dans son milieu qui sont plus ou moins adéquates. Je pense qu'on a raison de s'inquiéter, particulièrement depuis le saupoudrage de la manne fédérale par le biais de la caisse d'accroissement des compétences. Il y a sûrement là des débalancements de ressources dans le réseau, dans les collèges qui offrent la même spécialité. C'est de plus en plus difficile de dire que l'enseignement professionnel se donne avec des ressources, des équipements de même équivalence d'un collège à l'autre, à cause de l'impact des ressources qui sont consenties par le biais de la caisse d'accroissement des compétences dans certains collèges.

M. Laurin: Cependant, pour les attestations d'études collégiales, votre opposition est différente, vous insistez pour que ce soit des attestations d'établissement déterminées exclusivement sur le plan local. Et, hier, nous avons entendu l'Institut canadien d'éducation des adultes qui a revendiqué, pour tous les diplômes ou attestations, des reconnaissances nationales, même pour les attestations d'études collégiales. J'aimerais vous entendre vous exprimer sur cette opinion de l'Institut canadien d'éducation aux adultes.

Mme Blackburn: Je n'ai pas, M. le Présidient, eu en main le texte de... Et, malheureusement, je n'ai pas pu assister à la présentation que faisait hier l'Institut canadien de l'éducation des adultes.

Pour le conseil - vous savez, je vais peut-être le reprendre du côté plutôt des unités qui peuvent être comptabilisées. C'est que les attestations d'études collégiales, les attestations d'établissement, les programmes d'attestation seront composés à partir des cours apparaissant dans le cahier de l'enseignement collégial. Les cours apparaissant dans le cahier de l'enseignement collégial sont sujets à crédits. On peut avoir pour ces cours-là un bulletin cumulatif. Le bulletin cumulatif est national - je le pense bien, je ne dis pas là une hérésie. Alors, de ce fait, c'est qu'il y a déjà une reconnaissance nationale parce que les cours sont pris dans le cahier de l'enseignement collégial et il y a un bulletin cumulatif, que l'étudiant peut réclamer, qui est national. Donc, que l'attestation soit locale, je trouve que cela n'enlève rien à la valeur, sauf que je vais ajouter le fait que pour ces unités, il y ait un bulletin cumulatif, cela veut dire aussi que le candidat pourra, éventuellement, faire reconnaître ces unités-là dans un programme de DEC par exemple. Je trouve cela extrêmement intéressant.

Donc, le fait qu'il y ait cette reconnaissance, on peut penser que les attestations devraient être locales. Cela donne un peu plus d'autonomie aux établissements, pour les raisons qu'on a invoquées ici et celles qui ont été invoquées également par le ministère. Cela laisse toute sa valeur au diplôme d'enseignement collégial.

M. Laurin: Une dernière question, M. le Président. Vous avez entendu la position de la Société de philosophie du Québec sur la réduction éventuelle des cours communs obligatoires en philosophie. Comme on s'inquiétait que je ne pose pas la question derrière vous, je la pose: Que pensez-vous de cette position?

Mme Blackburn: M. le Président, si vous permettez, je demanderais à M. Lelièvre d'y répondre.

M. Lelièvre: Bon, je vais répondre à votre question en présentant la position du Conseil des collèges. En fait, la position du Conseil des collèges est une forme de contreproposition à la proposition du projet du gouvernement dont on a parlé depuis quelques jours. Ce n'est pas utile, je pense bien, de préciser que la position gouvernementale vise à réduire de quatre à trois le nombre de cours de philosophie et pour faire place à un cours d'histoire, ou d'institutions ou d'économie du Québec; le tout, disons, ayant pour but d'enraciner le citoyen dans la tradition et le tissu socioculturel du Québec.

La contre-proposition du conseil, qui a été le fruit d'un long cheminement et d'une longue réflexion, c'est, dans un premier temps, d'être d'accord avec l'intention de réduire de quatre à trois le nombre de cours communs obligatoires de philosophie. Dans un deuxième temps, le conseil n'est pas d'accord avec le projet de cours introduit par le ministère, mais il propose plutôt d'avoir un cours qu'on peut appeler un cours-projet qui est celui d'un contenu de connaissances qui vise précisément à enraciner les Québécois dans l'univers d'ici, le Québec.

Entre les deux, il y a un cheminement dont je vais brièvement vous indiquer les principales étapes. La première de ces étapes fait référence au concept même du régime pédagogique, qui est celui d'un régime formé de trois blocs de cours distincts qui visent, chacun, des objectifs spécifiques ou relativement spécifiques, si on se fie au rapport Parent duquel est issue cette conception de cours à trois blocs de cours

distincts.

Je ne veux pas insister longtemps sur les objectifs particuliers de chacun de ces blocs de cours, sinon pour rappeler que l'objectif particulier au bloc de cours communs obligatoires est un objectif de formation générale dans ce que cela peut avoir de plus fondamental, à savoir comprendre l'univers et l'exprimer. Comprendre l'univers, prévoyait le rapport Parent, par l'intermédiaire des cours de philosophie, l'exprimer par l'intermédiaire des cours de langue.

Je passe sur le deuxième bloc qui est formé des cours de concentration et de spécialisation parce que cela n'a pas directement affaire à notre propos, pour arriver au troisième bloc qui est celui des cours complémentaires dont l'objectif, de toute évidence, en est un de culture générale. C'est pourquoi l'étudiant avait le droit, et a toujours le droit jusqu'ici, de choisir ses cours dans n'importe quelle discipline, un cours par discipline.

Or, selon la compréhension que le conseil se fait de la proposition gouvernementale, introduire dans le bloc de cours communs obligatoires, qui a une visée de formation générale, un cours d'histoire ou d'institutions ou d'économie du Québec comme devant permettre à l'étudiant d'effectuer un choix qui soit compatible avec son programme, plus conforme à ses goûts, selon nous cela a très peu à voir avec la finalité des cours communs obligatoires mais cela se situe très bien et d'emblée dans l'optique des cours complémentaires qui visent justement à parfaire, selon le goût, les aptitudes et le temps de l'étudiant, sa formation par le biais d'une culture générale plus étendue. Selon nous c'est vraiment la signification qu'a le cours proposé par le projet ministériel.

Autre désavantage du projet ministériel d'introduire un cours d'histoire ou d'économie ou d'institutions québécoises, outre le désavantage de déséquilibrer l'économie générale du régime pédagogique, c'est la duplication possible de ce cours avec des cours similaires déjà inscrits dans le programme de l'étudiant dans son bloc de cours de concentration, particulièrement pour tous les étudiants de sciences humaines qui, à un moment ou à un autre, auront l'obligation de suivre ou un cours d'histoire ou un cours d'économie ou un cours qui ressemblera à quelque chose comme les institutions du Québec. D'autant plus qu'aujourd'hui, si on se fie au nouveau régime du secondaire, les étudiants auront déjà, pour la plupart, suivi un cours d'histoire et d'économie du Québec.

Pour le conseil, ces deux désavantages, ces deux inconvénients justifient le rejet de la proposition gouvernementale. Cependant, le Conseil des collèges reconnaît qu'il y a chez l'étudiant québécois, disons peut-être même chez l'étudiant contemporain tout court, un besoin d'enracinement dans l'univers où il vit, dans l'univers d'ici, le Québec, pour les étudiants québécois. Face à cette entrée de l'étudiant dans le monde qui fait que le village d'aujourd'hui, comme disait McLuhan, pour l'étudiant c'est l'univers, il y a, selon nous, un authentique besoin d'enracinement dans l'univers d'ici, le Québec. Pour combler ce besoin, le Conseil des collèges ne croit pas qu'un cours, tel que proposé par le projet gouvernemental, puisse répondre adéquatement à ces besoins.

Pour répondre à ce profond besoin d'enracinement, un cours doit être conçu, un cours nouveau dont le contenu aiderait à la compréhension de cette partie de l'univers qu'est le Québec et, ici, je cite notre ami -je m'en excuse - "de ses assises, de la signification de son patrimoine, des lignes de force de l'univers d'ici, de son vouloir vivre ensemble et, aussi, de son ouverture au reste du monde, le tout dans une perspective qu'on pourrait appeler existentielle."

Pour atteindre ce résultat, pour combler ce besoin d'enracinement, on doit, comme je le soulignais au début, penser à un cours-projet beaucoup plus qu'à un cours-discipline. On doit penser à un cours qui vise essentiellement une formation fondamentale, plutôt qu'à assurer l'acquisition d'un certain nombre de connaissances d'une discipline particulière, que ce soit l'histoire, la sociologie ou autre.

À cet effet, le Conseil des collèges pense que, pour assurer cette formation fondamentale, cet enracinement dans l'univers d'ici, un cours qui porterait sur l'ensemble des principales institutions du Québec constituerait un excellent moyen pour réaliser cet objectif, ces institutions pouvant être soit juridiques, coopératives, syndicales, religieuses, enfin politiques, et le reste. Parce que, par le biais de ces institutions, c'est le génie québécois de l'histoire qui se trouve concrétisé. C'est par là qu'on peut le mieux, pour peu qu'on le fasse de façon intelligente, pénétrer dans le vécu de nos ancêtres, parce que ces institutions sont le témoin de nos valeurs du passé et, peut-être encore, de nos valeurs actuelles. C'est certainement le témoin de nos particularismes, de notre identité, de notre façon que nous avons eue et que nous avons encore d'harmoniser nos relations d'homme avec le Québec, l'univers d'ici.

Maintenant se pose une autre étape et la question suivante: quelle discipline? Quelle discipline peut le mieux assurer à la fois ce contenu et cet objectif? Ce contenu: les institutions québécoises, et cet objectif: assurer l'enracinement des Québécois dans la terre d'ici, dans une perspective d'ouverture au monde?

Selon nous, n'importe quelle des

sciences humaines peut assurer cet objectif, parce que, d'abord, les sciences humaines sont, je pense bien, le groupe de sciences qui s'impose, de préférence aux autres sciences pour cet objectif-là. Que ce soit l'anthropologie, la sociologie ou la philosophie, toutes ces sciences ont maintenant, ce qui n'était pas le cas peut-être, il y a 20 ou 25 ans, au Québec à tout le moins, acquis, ici, un statut, une rigueur scientifique qui les rend aptes à un tel enseignement, qui les rend capables d'acheminer vers un tel objectif.

Est-ce que, dans une telle perspective, il fallait aller plus loin et privilégier une science plutôt qu'une autre, dire que ce doit être la science humaine "a" plutôt que la science humaine "b"? Pour le conseil, il n'en est pas question, pour la raison suivante: c'est qu'on pense que, dans la dynamique même de ce cours, il est préférable de laisser à chaque collège le soin de déterminer quelle science humaine est la plus apte, dans ce collège, à assurer cet objectif. On pense qu'ainsi on assure mieux l'identité du collège, on assure mieux sa personnalité, de même que le dynamisme propre de chaque département et, aussi, les aptitudes, les goûts et, je dirais, la sensibilité intellectuelle particulière des étudiants de chaque collège. C'est pourquoi on estime qu'il appartient à chaque collège d'utiliser au mieux les ressources locales disponibles. (17 heures)

Reste maintenant une autre question. Pour assurer ce cours qui nous semble nécessaire, est-ce qu'il faut, est-ce qu'il est pensable d'ajouter un autre cours commun obligatoire? La réponse est rapide. C'est non parce que nous sommes à un niveau postobligatoire et, à notre sens, il est profondément inconvenant d'ajouter des cours obligatoires à un niveau qui ne l'est pas, il serait inconvenant d'ajouter, par-dessus la charge actuelle des étudiants, un nouveau cours. Alors, il fallait aller, à l'intérieur des cours actuels, prendre une place qui était occupée par un autre cours et, selon la parenté des objectifs de ce cours avec les cours de philo, il nous a semblé plus naturel de suggérer de prendre la place d'un cours de philo plutôt que d'aller du côté d'un cours de langues.

Donc, dernière étape de ce cheminement: Est-ce que, faisant cela, en introduisant un nouveau cours qui a comme conséquence de réduire de quatre à trois le nombre de cours obligatoires de philosophie, on porte atteinte à la qualité même de l'enseignement de la philosophie? Deux réponses rapides là-dessus: par comparaison avec les autres pays occidentaux, comme il a été signalé aujourd'hui à quelques reprises, la position de la philosophie au collégial au Québec est avantageuse. Je pense que, dans l'ensemble, il y a beaucoup plus de cours de philosophie au Québec que dans la plupart des pays occidentaux. Cette comparaison, évidemment, ne vide pas la question, mais c'est quand même un indice.

Est-ce qu'on peut penser, pour autant, que la réduction de quatre à trois du nombre de cours de philosophie compromet le rôle de la philosophie dans la formation de l'étudiant? Plus qu'une discipline scientifique, la philosophie est, comme son nom l'indique d'ailleurs - c'est à ce titre qu'elle figure au régime pédagogique - une sagesse. On nous l'a dit cet avant-midi. C'est une sagesse qui pour nous, Occidentaux, porte l'inquiétude et l'espérance humaine depuis les Grecs de l'antiquité jusqu'à aujourd'hui.

Pour traduire cette sagesse qui est plutôt une qualité de l'âme ou du coeur ou de l'intelligence, quatre cours, trois cours, est-ce que cela fait une différence? On pense, qu'à partir d'un certain minimum que trois cours assurent, ce n'est pas du côté de la quantité qu'il faut se tourner pour atteindre cet objectif de la philosphie, mais beaucoup plus du côté de l'approche, de la méthode d'enseignement, de la capacité de communiquer et de la qualité de la communication; autrement dit, beaucoup plus du côté de la pédagogie que du côté de la quantité.

Je m'excuse d'avoir été un peu long mais, comme la présidente l'avait signalé au début, c'est au terme d'un long cheminement dont j'ai rappelé rapidement les principales étapes qu'on en est venu à cette position.

Le Président (M. Blouin): Nous avons pu le constater, M. Lelièvre. Merci. Alors, M. le député d'Argenteuil. Cela va, M. le ministre? M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci. Je ne vais pas faire de remarques générales au début parce que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer la présidente du Conseil des collèges après la publication de l'avis du conseil sur le projet de règlement et nous avons fait beaucoup d'observations générales en cours de route. Je pense que tout ce qu'on pouvait trouver à dire sur le plan général a été dit jusqu'à maintenant. Je voudrais cependant signaler que le mémoire qu'on nous a présenté est à peu près complet, traite d'à peu près tous les problèmes que soulève le projet de règlement et, de ce côté-là, je pense que c'est très intéressant.

Il y avait une sorte d'obstacle psychologique qui se posait. C'est un document qui est public depuis le mois de septembre. C'est un peu curieux qu'on en discute deux mois et demi après, mais j'aime encore mieux que le document soit resté tel quel que d'avoir eu à traiter avec une adaptation qui aurait été faite à la dernière minute parce que d'autres auraient émis des opinions.

J'ai été témoin, récemment, d'une expérience à une autre commission parlementaire où un organisme chargé de conseiller le gouvernement s'est avisé, dans l'espace de 48 heures, de sortir tout un document-conseil au gouvernement comme s'il avait voulu - je ne prétends pas qu'il voulait le faire - donner une couverture à l'avance aux modifications à la loi qui allaient être publiées quelques jours après. Je trouve que cet organisme aurait été mieux de se présenter comme les autres, au début du processus, plutôt que de venir faire la leçon à tout le monde, du haut de sa tour.

Le conseil n'a pas fait cela et je l'apprécie. Je suis content que madame soit venue. J'avais cru comprendre que les organismes consultatifs ont un petit peu de réticence à venir devant une commission parlementaire. Un de vos collègues a soutenu, dans une autre commission, M. le ministre, que les organismes consultatifs conseillent le ministre et non pas les organismes de l'Assemblée nationale. Je suis content que vous ne soyez pas un tenant de cette théorie rétrécissante et j'espère qu'on aura l'occasion de vous rencontrer encore, par conséquent, de même que les autres organismes chargés d'aviser le ministre.

On a eu d'autres expériences, le ministre s'en souvient; il y en a qui se font du scrupule avec cela. Il me semble qu'il n'y a pas de scrupule à se faire en démocratie, quand il s'agit d'intervenir publiquement surtout quand on est détenteur d'un mandat public. Alors, de ce côté-là, je suis bien content. J'apprécie l'esprit général du mémoire. Il y a des points sur lesquels je ne suis pas tout à fait de la même opinion que le conseil, mais j'ai accueilli les opinions que le conseil nous a transmises avec respect.

Je voudrais simplement faire un petit bout de remarque à propos de ce que M. Lelièvre, je pense, vient de dire, parce que cela nous réfère à cette partie du mémoire du conseil qui traite d'un cours sur la matière québécoise. La manière dont c'est formulé dans le mémoire soulève des difficultés dans mon esprit, pour être franc avec vous. Quand j'ai lu des passages comme celui-ci, on parlait de l'homo quebecensis.

M. Lelièvre: Ce sont deux mots latins.

M. Ryan: Ce n'est pas cela qui m'effrayait. Mais, après avoir parlé de l'homo quebecensis, on parle d'un cours qui doit être conçu en visant davantage à la formation de l'étudiant qu'à son information. Cela m'inquiète un petit peu, parce que je me dis que autant la dimension québécoise doit se développer à la faveur de l'enseignement donné dans toutes les disciplines, à la faveur du climat général qui existe dans le système d'enseignement, dans le réseau des institutions collégiales en particulier, autant je serais méfiant à l'endroit d'un cours dont ce serait l'objectif spécifique de développer la culture de l'homo quebecensis, de le former dans ce sens-là.

Je pense qu'on ne réussira pas, d'ailleurs, avec un seul cours. Je me demande si ce n'est pas plutôt une dimension qu'on aurait profit à chercher à introduire de manière plus large dans la grande majorité, en tout cas, des disciplines qui sont enseignées au niveau du collège. Cela pose un problème dans mon esprit. J'ai écouté les explications de M. Lelièvre; je n'ai pas été pleinement satisfait. Je ne veux pas ouvrir un débat interminable à cette heure-ci, mais c'est une considération que je communique au ministre qui connaît mes opinions là-dessus, depuis longtemps.

À la page suivante, je retrouvais des remarques qui sont un peu du même ordre et je craindrais qu'un cours comme celui-là ne tende à être une espèce de cours de patriotisme québécois. Il me semble que le patriotisme soit une très grande vertu, mais qu'on ne classe pas cela comme matière d'un cours en particulier. S'il doit s'agir des institutions, il y a des cours qui donnent beaucoup d'informations à propos des institutions économiques, il y en a d'autres qui vont traiter des institutions politiques. Il me semble que, dans l'ensemble des programmes d'État qui seront approuvés par le ministre, il va y avoir amplement matière pour ce travail d'initiation, je pense, qui sera beaucoup mieux fait dans le choix de cours qu'un étudiant fera à l'intérieur d'un programme donné, que si on a un titre spécial comme celui-là, à l'intérieur de la matière, obligatoire. Il faut dire que l'étudiant va suivre beaucoup d'autres cours, et il va être... Cette dimension-là, je vous dirai une chose, M. le ministre, vous rattrape volens nolens comme on pourrait dire, un peu plus qu'on ne le voudrait et, parfois, un peu plus qu'il ne serait souhaitable. Par conséquent, je pense qu'il n'y a pas lieu de nourrir trop d'anxiété de ce point de vue-là. Je ne pense pas que personne ait été frustré. On en a entendu parler autant qu'on aurait voulu depuis qu'on est au monde.

J'apprécie quand même l'esprit qui a inspiré ceci, mais je trouve que la formulation pose des problèmes. Je ne voudrais pas avoir fait cette remarque sans vous donner la chance de me donner au moins des éléments de réponse. Je ne veux pas abuser du temps de la commission non plus, mais je me sentais obligé de faire cette remarque, parce qu'elle se rattache à tout ce dont on a discuté depuis quelques jours. J'ai l'impression qu'on a fait un certain progrès dans la compréhension du problème qui se pose.

M. Lelièvre: Très brièvement, parce que je suis conscient d'avoir pris un long temps

tout à l'heure, j'ajouterais ceci. Tout d'abord c'est que, dans l'avis qu'on a remis, on ne fait que proposer la nature d'un contenu. On n'entre pas dans le contenu lui-même. Première remarque.

Deuxième remarque. Quand on dit que, selon nous, ce cours doit viser davantage à la formation qu'à l'information, ce qui est important, c'est les mots "formation", information" et "davantage". On ne veut pas dire qu'on doit former et non pas informer. C'est une question d'accent. On dit: Mettre l'accent sur la formation plutôt que sur l'information. Déjà, j'entre dans un domaine qui n'est pas le nôtre, à savoir de définir le contenu. Cela pourrait être, par exemple -pour prendre l'exemple des institutions coopératives - d'étudier le cheminement du portefeuille de Desjardins et des autres organismes coopératifs depuis 50 ans au Québec mais, sans oublier cela, demander pourquoi est né un tel mouvement au Québec. Pourquoi ce mouvement, à la différence des autres pays industrialisés les plus près de nous, s'est-il développé de telle ou telle façon, sans lien direct avec le syndicalisme, ce qui existe dans beaucoup de pays? Quand on parle de formation, ce sont des choses de cette nature. C'est un peu cette optique.

On pourrait prendre un autre exemple dans n'importe quelle des sciences humaines, y compris l'histoire: par exemple, prendre comme véhicule l'histoire de l'art pour expliquer bon nombre d'institutions québécoises. Ce n'est peut-être pas une visée directement informative mais, au point de vue de la formation, de quelle façon l'imaginaire québécois a-t-il cheminé depuis 100 ou 150 ans? Je pense que ce sont des choses possibles par l'intermédiaire de ce cours. Comme je vous le disais tout à l'heure, on ne fait qu'indiquer la nature du contenu. On ne peut pas aller plus loin parce que ce n'est vraiment pas notre rôle de définir un contenu de cours.

M. Ryan: J'espère, personnellement, que cela n'ira pas beaucoup plus loin. C'est une opinion que je vous livre en toute humilité.

J'ai remarqué que le Conseil des collèges recommande au gouvernement de ne point procéder avec l'introduction du certificat d'études collégiales tant que n'aura pas été mise au point la politique du gouvernement en matière de formation professionnelle. Est-ce que j'interprète correctement ce que vous avez dit sur ce point, Mme la présidente?

Mme Blackburn: Oui.

M. Ryan: Si c'est correct, ce n'est pas la question que je veux vous poser, c'est seulement la prémisse.

Mme Blackburn: D'accord.

M. Ryan: S'il y a des précisions, cependant, vous les donnerez en même temps que la réponse à ma question. J'accepte cela, il n'y a pas de problème, je n'ai même pas de question là-dessus, mais cela soulève une autre question dans mon esprit. Est-ce que vous ne devriez pas recommander la même chose en tout ce qui touche le statut des étudiants adultes? Vous souscrivez un peu allègrement, à mon point de vue, au projet du gouvernement de laisser tomber la distinction entre étudiant adulte et étudiant jeune. Est-ce qu'on ne pourrait pas formuler la même exigence ici, que ce soit envisagé comme un des objectifs possibles, mais qu'on n'y donne point suite institutionnellement et réglementairement tant que le gouvernement n'aura pas dévoilé et soumis au débat public sa politique sur l'éducation des adultes? Nous avons entendu beaucoup de choses depuis hier qui incitent à la prudence en ces matières.

Mme Blackburn: M. le Président, c'est toute la question de l'unification des clientèles, je pense. Ce que le conseil disait pour le certificat et les raisons qui expliquent la position actuelle du conseil, ce n'est quand même pas le fruit d'une réaction spontanée à une situation nouvelle. Tant sur la question de l'unification des clientèles que sur celle du programme, le conseil a mené des débats - je ne saurais pas combien - fort longs et généralement, pour ne pas dire chaque fois, appuyés soit sur des documents de recherches qui ont été effectuées par la permanence ou qui ont été effectuées par des chercheurs autonomes. (17 h 15)

Pour nous, cette question de l'unification des clientèles dans le régime pédagogique du collégial ne peut avoir de conséquences regrettables ou déplorables sur ce que pourrait être une politique de l'éducation des adultes. On est à un niveau postobligatoire. Qu'il y ait un programme pour des clientèles, quelles soient jeunes ou adultes, cela n'enlève en rien la possibilité que, par exemple, on prévoie des programmes d'accueil particuliers pour les décrocheurs. Cela n'a pas à être contenu dans un régime pédagogique, ce sont des mesures qui assurent une plus grande accessibilité.

Hier en particulier, je pense que c'est la FNEEQ qui déplorait le fait qu'on n'ait pas suffisamment de programmes d'accueil destinés aux décrocheurs, destinés à ceux qui ne fréquentent pas... Tout cela est possible, bien qu'il y ait ce règlement. C'est pourquoi le conseil n'estimait pas nécessaire ou indispensable qu'on attende une politique de l'éducation des adultes là-dessus.

Les attestations d'études collégiales, la reconnaissance des acquis non scolaires, ce qui a été réclamé depuis de nombreuses

années - je ne sais pas, ce dossier remonte peut-être à dix ou douze ans, et peut-être plus - par les adultes, y compris l'ICEA, c'est là-dedans.

Je me dis qu'on ne pourra pas, quitte à me répéter, je pense qu'on n'a pas vraiment bien saisi ce que cela voulait dire et comment le gouvernement, qui permet une telle mesure et qui reconnaît que c'est possible, s'est engagé loin. C'est pourquoi je pense qu'il faudrait l'adopter, quitte à ce que, après, on se donne des politiques qui permettent vraiment d'assurer une plus grande accessibilité, qu'on revoie l'aide financière, qu'on favorise le recyclage, qu'on permette le congé éducation. Il y a toutes sortes de mesures. Cela ne sera pas empêché par l'adoption d'un règlement sur les études collégiales.

M. Ryan: Justement, un élément essentiel d'une politique comme celle-là, c'est l'existence d'un système de reconnaissance des acquis non scolaires. Vous dites vous-mêmes - je pense que c'est à la page 32 de votre mémoire - qu'il faut avoir un modèle opérationnel qui va fonctionner pour l'ensemble du territoire. Il ne faut pas que ce soit un modèle qui soit propre à chaque collège. Il faut un modèle qui va être bon pour l'ensemble du réseau. Vous dites vous-mêmes qu'il faudrait qu'il soit mis au point en collaboration avec le ministère et le réseau des collèges. On ne peut pas faire cela en l'espace d'un mois ou deux. C'est une opération, d'après ce qu'on nous a dit hier, d'après ce que des organismes qui se sont exprimés là-dessus nous ont dit, qui va prendre un petit bout de temps. Tant que nous n'aurons pas ce modèle opérationnel, est-ce que nous pouvons vraiment nous engager dans l'autre, à votre point de vue?

Mme Blackburn: C'est-à-dire qu'il est sûr que la fabrication de ce genre d'outil n'est pas facile. Sinon, ce serait déjà fait probablement, à moins qu'il y ait eu trop de résistance. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu longtemps des résistances par rapport à cette question de la reconnaissance des acquis non scolaires. De l'aveu même de la Fédération des cégeps, sa position est nouvelle là-dessus.

Donc, qu'on ne se soit pas donné au Québec le temps ou qu'on ne se soit pas soucié de se donner ce genre d'outil, cela peut s'expliquer. Ce n'est certes pas facile. Ce sera probablement plus facile dans certaines spécialités ou dans certaines techniques que ce le sera quand on parlera de formation générale, en particulier, probablement, de la philosophie. Ne me demandez pas comment on va mesurer les acquis de formation non scolaire dans ce domaine. Je ne pourrais vous donner une réponse satisfaisante. Sauf que cela existe déjà aux États-Unis en particulier - on a à la fois les inconvénients et les avantages d'avoir comme voisin un géant - ils les ont fabriqués ces outils-là. J'ai vu récemment un document sur cette question. Donc, ça existe déjà.

Comment pourrait-on les adapter? Comment, en se servant de leur propre expérience et en l'ajustant à notre propre réalité, pourrait-on aller plus rapidement? Je ne serais pas en mesure de vous le dire. Je sais qu'actuellement il y a des réflexions qui se font.

Selon la Fédération des cégeps, on peut penser à une année, mais le seul avantage que représente la présente situation d'un régime pédagogique pour les adultes, la situation actuelle, c'est le certificat. La situation demeure sensiblement la même. Le seul avantage, c'est le certificat, et le certificat est de moins en moins fréquenté.

M. Ryan: M. le Président, tantôt, Mme la présidente a commencé à répondre à une question - c'était vers la fin de votre intervention initiale. Vous avez failli passer la parole au président de la commission de l'évaluation. Il y a eu un moment de distraction et nous avons été entraînés vers autre chose. J'aimerais bien que votre groupe nous dise un petit peu ce qu'il envisage à cet égard, au point de vue de l'évaluation. Il y a un article très important dans le projet de règlement, l'article 34, qui dit que le collège se donne une politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages des élèves. Est-ce que vous pourriez nous dire un peu le travail que vous faites là-dedans? Qu'est-ce que cet article-là va changer? Est-ce que cela change quelque chose et dans quel sens? Quelles améliorations cela peut apporter, à quelles conditions peut-être?

Mme Blackburn: Je vais simplement d'abord vous dire que c'est à la suite d'une recommandation du conseil parce que celui-ci estime que, étant donné que le DEC ou le certificat est émis par le ministre sur la recommandation du conseil, il a en cette matière une responsabilité partagée entre le ministre qui signe le diplôme et le collège qui fait la recommandation. C'est pourquoi le conseil trouvait utile que cet article soit introduit dans le projet de règlement des études collégiales.

Pour vous parler un peu plus longuement, vous expliquer la portée de cet article et vous dire comment il se développe dans les collèges actuellement, je passerai, avec votre permission, la parole à M. Laplante.

M. Laplante (Laurent): Très rapidement, M. le Président. Sur cette question de l'évaluation, la loi demande simplement à la commission de l'évaluation non pas d'évaluer les collèges mais d'examiner les politiques

que les collèges se donnent eux-mêmes. Le problème qui se pose, c'est que, depuis que la loi existe, les politiques d'évaluation des collèges ne pleuvent pas. Autrement dit, la commission est extrêmement alerte sur les documents qui sont sur sa table. Ce sont les documents qui font défaut de temps en temps.

La semaine dernière encore, le ministre de l'Éducation lui-même, en s'adressant à des gens du réseau collégial, leur disait ceci: Le réseau collégial me semble tarder cependant à s'engager résolument dans des démarches d'évaluation qui sont essentielles à son évolution et à son développement. Nous, comme commission, avons à examiner des politiques qui, de l'avis de tout le monde, tardent à venir. En ce sens-là, il nous paraît heureux qu'on dise aux cégeps et aux collèges: Vous devez vous donner des politiques d'évaluation. Il y a là deux cibles précises qui sont isolées: les apprentissages et les acquis non scolaires.

Là où cela nous paraît insatisfaisant, du moins au niveau de la commission de l'évaluation, c'est qu'il y a une loi qui n'est pas appliquée ou pas assez vite et un règlement vient préciser quelque chose. On ne voit pas les garanties que cela nous donne que cela sera plus appliqué face à un règlement que cela ne l'est face à la loi. Ce qui nous paraît manquer, c'est une pression supplémentaire et, au besoin, une échéance pour que les collèges finissent par savoir que, d'ici telle date, il y a telle chose qu'une politique d'évaluation, soit dans les apprentissages, soit dans les acquis non scolaires, soit ailleurs... Il faut que ce soit rédigé et soumis à l'examen de la commission.

Disons que, telle que rédigée, cette proposition est une solution mitoyenne. Cela fait sentir aux collèges qu'il en faut, cela ne dit pas encore au milieu collégial qu'il faut que cela se fasse avant telle date et tant et aussi longtemps que la date peut être le jugement dernier, il y a à redouter que les politiques se fassent attendre.

L'autre élément qui, aux yeux de la commission à tout le moins, semble un peu décevant, c'est que je ne suis pas certain que ce soit d'une cohérence parfaite de dire à des collèges dont on vante l'autonomie: Voici le cheminement que vous devez suivre. Il nous paraîtrait plus cohérent au niveau de la commission de l'évaluation qu'on soit, comme disait un ex-ministre de l'Éducation, intransigeant sur le principe et très souple dans les modalités. Autrement dit, qu'on dise: Vous devez vous donner les politiques d'évaluation nécessaires. Choisissez le cheminement et la première cible comme vous l'entendrez. Si telle institution collégiale veut commencer par les enseignements, je ne vois pas au nom de quoi on lui dirait: Écoutez, absolument les apprentissages, les enseignements viendront plus tard. J'aimerais mieux qu'on mette une échéance quelque part. Vous devez vous donner des politiques d'évaluation d'ici, à peu près, à telle date. Ensuite qu'une institution décide de frapper d'abord du côté des apprentissages, une autre du côté des acquis non scolaires, une autre du côté des enseignements, cela me paraîtrait devoir relever de l'autonomie de chaque institution. Qu'on établisse un principe, qu'on établisse un cadre, des échéances, etc., et qu'ensuite, on laisse les institutions collégiales cheminer là-dedans.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Laplante. Mme Blackburn.

Mme Blackburn: Si j'ai bien compris la question du député d'Argenteuil, c'était à savoir comment s'élaborait une politique comme cela et quel effet cela avait à l'intérieur d'un collège. Ce que j'ai entendu, la crainte des enseignants en particulier, c'est qu'on vienne leur dire comment faire l'évaluation. C'est peut-être là-dessus qu'il serait intéressant d'entendre le président, parce que, l'an passé, il y a eu une tournée qui a été faite des collèges pour voir comment évoluait cette question de l'évaluation des apprentissages.

Plusieurs collèges privés se sont effectivement donné des politiques d'évaluation des apprentissages. Il y a quelques collèges publics, il y en a un qui en a une, il y en a d'autres qui sont en voie d'élaboration d'une telle politique. Vous pourriez peut-être parler un peu des contenus, des modalités et de la démarche qui est prévue au moment où l'on veut adopter une politique, M. Laplante?

M. Laplante (Laurent): Disons que les cheminements... On ne peut pas, au niveau de la commission d'évaluation, tirer de conclusions à partir d'échantillons aussi restreints qu'une, deux ou trois politiques. Ce qui semble émerger au niveau du développement collégial, c'est souvent via les droits des étudiants que s'élaborent, par exemple, des politiques d'évaluation des apprentissages. S'il y a plan de cours, si les professeurs donnent, dès le départ, une idée très précise des techniques qui vont suivre pour l'évaluation des apprentissages, et le reste, il y a plus grande satisfaction du côté des étudiants, il y a plus grande clarté dans la démarche de l'étudiant et c'est souvent par ce cheminement-là, via le respect des droits des étudiants, qu'on sensibilise encore davantage les enseignants à leurs responsabilités du côté des apprentissages.

Du haut de mes quatre mois d'expérience à la commission d'évaluation, il me semble que l'équilibre qui doit exister c'est entre un collège qui a la responsabilité

de donner quelque chose à sa population étudiante et qui a la liberté et l'autonomie qu'il faut pour le faire, selon sa philosophie, et le reste.

Au terme de tout cela, il y a un ministre de l'Éducation qui, lui, est obligé de décerner un diplôme d'études collégiales, sans trop savoir ce qu'il y a exactement dans la tête des étudiants. Ou bien on veut un régime d'État et des collèges d'État où c'est le pouvoir central qui vient voir dans chaque institution ce qui se passe exactement, ou bien on est obligé de remettre des chèques en blanc à des institutions sur lesquelles on n'a aucun contrôle.

Dans cette économie générale, c'est là qu'arrive une commission d'évaluation, entre autres, qui assure le ministre et le public que, dans les collèges, on s'est donné les instruments nécessaires pour qu'on puisse assurer, à la fin du cours collégial, que les acquis souhaités sont effectivement là. Maintenant, je ne veux pas entrer dans les précisions, parce que précisément, je pense que je ne serais pas très cohérent si je disais: II faut respecter le cheminement de chaque institution, et si j'essayais de dégager des dénominateurs communs entre une, deux ou trois politiques, selon chaque institution, ou l'on commence par les apprentissages, ou l'on commence par les enseignements, ou l'on commence par la relation du cégep avec son milieu, par exemple, et je ne crois pas être en mesure, à ce moment-ci, ni de dégager une démarche type, ni même de dégager une démarche qui serait plus souhaitable pour l'ensemble du réseau.

M. Ryan: II y a une chose qui m'embarrasse dans la manière dont est formulé le règlement. C'est qu'à propos de cette question-ci en particulier, on dit "Le collège se donne"; à un autre article, on dit "Le collège détermine"; à un autre article, "Le collège remet", "L'élève doit démontrer, à la satisfaction du collège". Quand j'examine les définitions qui sont données au début du projet de règlement, c'est le seul mot qui n'est pas défini, le mot "collège". La tendance de certains va être d'interpréter le mot collège comme englobant, dans le respect de la fonction propre de chacune, toutes les parties intégrantes de l'institution. La tendance de d'autres va être de dire que le collège, c'est la direction.

C'est une question qui n'est pas réglée, qui donne le sens à bien des ambiguïtés dans l'interprétation qu'on fait des textes. En particulier, en ce qui touche l'évaluation, je pense bien qu'on est tous assez réalistes pour soupçonner qu'il s'en fait déjà beaucoup d'évaluation des apprentissages. Tout le monde est venu dire ici, depuis trois jours, que la tâche accomplie par les cégeps depuis une quinzaine d'années n'est pas mauvaise, finalement. Cela devait être parce qu'il se faisait de l'évaluation des apprentissages et du travail de cheminement des étudiants en cours de route qui n'était pas mauvaise.

Ce que je voudrais seulement donner comme avertissement ici, c'est que ceux qui s'engagent dans cette opération devront se rendre compte que l'élément le plus important dans la mise au point et surtout l'application d'une politique d'évaluation des apprentissages, ce sera l'enseignant qu'il faudra qu'on respecte, à la place absolument centrale qu'il occupe dans l'appareil. (17 h 30)

On est venu nous dire, surtout hier, ceux qui sont venus nous parler au nom des enseignants, qu'ils avaient des appréhensions sérieuses à propos de cette partie particulière du projet de règlement et c'est pour cela que j'étais très intéressé, que je voulais voir comment vous conceviez ce problème, le rôle du conseil dans la mise au point de politiques d'apprentissage et la manière dont vous voyez également la mise en oeuvre de l'article 34 du projet de règlement.

Je suis content des explications que vous m'avez apportées. Je ne veux pas prolonger le débat là-dessus; à moins que vous ayez des choses que vous teniez à ajouter, j'aurais une ou deux autres questions à poser ensuite.

Le Président (M. Blouin): M. Laplante. Rapidement.

M. Laplante (Laurent): Une simple phrase, si vous me permettez. En effet, quand on dit "le collège se donne une politique d'évaluation des apprentissages", ça m'apparaît une phrase dangereuse, parce qu'elle est exposée à durer éternellement. Elle n'aura plus de sens quand le collège aura une politique institutionnelle d'évaluation et je préférerais de beaucoup qu'on nous dise, par exemple, que le département ou la commission pédagogique a la responsabilité d'administrer ou de gérer la politique institutionnelle d'évaluation des apprentissages. On aura l'air moins fou dans cinq ans.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je vous remercie. Je ne sais pas si c'est la solution que je retiendrais mais, en tout cas, je pense qu'on a le même souci de fonctionnalité et de précision plus grande que ce que nous présente le texte actuellement.

Tantôt, le ministre a posé une question à la présidente, Mme Blackburn, et je voudrais simplement ajouter mon grain de sel à la réponse qui a été donnée. Le ministre a demandé: "Trouvez-vous que ça change quelque chose dans les rapports, par exemple,

entre les enseignants et la direction dans le collège"? J'ai cru comprendre que finalement, vous minimisiez la portée du projet de règlement sous cet angle. C'est votre droit le plus strict et je respecte votre opinion. Je voudrais vous signaler seulement quelques articles qui ouvrent la porte à des interprétations plus péjoratives que celles que vous avez proposées.

L'article 34 en est un évidemment et je pense que ce que vient de dire M. Laplante suffit, pour le moment. Je pense que les observations qu'il a faites sont un peu dans le même sens que les miennes, que ceci, interprété par une direction autoritaire, pourrait aller très loin et, quand je dis cela, je ne veux prêter de mauvaises intentions à personne. J'ai été moi-même dans des positions d'autorité longtemps et ce n'est pas le reproche dont je fus le plus exempt. Ce que les critiques ignoraient souvent, j'étais capable d'en rire.

C'est un point, mais je vous souligne l'article 25. On nous dit que l'article 25, c'est la même chose qu'avant. "Not true". Ce n'est pas vrai, il y a un changement. Dans l'article 25, la formulation - c'est l'article 20, je pense, dans le régime actuel - "chaque cours est présenté dans un plan d'études qui en définit les objectifs et décrit les modes d'évaluation qui lui sont propres. Les cahiers de l'enseignement collégial présentent les plans d'études-cadres. Chaque directeur des services pédagogiques a la responsabilité de faire établir par les professeurs un plan d'études détaillé pour chaque cours. Le plan d'études contient, etc".

Voici la différence. On dit "le collège a la responsabilité..." Encore là, c'est le collège, évidemment, avec toute l'ambiguïté que cela peut comporter de faire établir, par chaque professeur et pour chaque cours, un plan détaillé conforme aux plans-cadres publiés dans les cahiers de l'enseignement collégial dûment approuvés par le ministre. Il s'agit d'un cours évalué sur le plan-cadre. Cela, ce n'est pas le plan du cours. Ici, lorsque l'on ajoute "conforme aux plans-cadres", ça, c'est une clé - M. Laplante est habitué à faire de l'interprétation de textes comme moi - une clé qui peut donner lieu à un mécanisme d'approbation préalable et évidemment de censure préalable aussi, si vous avez une direction qui est le moindrement inquiète au sujet de l'infiltration du marxisme-léninisme ou d'autres idéologies pernicieuses comme celle-là.

Par conséquent, je vous donne cela. C'est un exemple de changement. Il y en a un autre à l'article 30. "L'élève qui démontre, à la satisfaction du collège, qu'il a atteint les objectifs d'un cours obtient la ou les unités attachées à ce cours". J'espère que, depuis quinze ans, les diplômes qui ont été donnés l'ont été à la satisfaction du collège, parce qu'il y aurait quelque chose de drôle en la demeure s'ils n'avaient pas été donnés à la satisfaction du collège.

Quand on introduit - ça, c'est nouveau - "à la satisfaction du collège", c'est un additif du genre des additifs inoffensifs qu'on a appris à appréhender quand on examine les textes du ministère de l'Education. Je voudrais que ce soit clair. Je pense que le changement que cela représente ici... Jusqu'à maintenant, un élève qui passe un examen et n'est pas content de sa note fait un appel. Le droit d'appel est sacré. Est-ce qu'il est introduit dans le règlement, M. le ministre? Il faudrait l'introduire. C'est capital, clairement.

Actuellement, il soumet un appel; cela existe dans les faits. Cependant, il ne faut pas dramatiser non plus. Je crois que la révision se fait par un comité formé par le département. Il y aura deux professeurs qui sont étrangers au litige, et le professeur concerné; je pense qu'ils sont tous les trois et ils vont rendre une décision. Avec ceci, cela veut dire que l'administration vient se mettre le nez potentiellement dans le processus de révision. Il me semble que cela devrait être examiné soigneusement. Cela devrait être défini de manière plus rigoureuse, de manière qu'on sache exactement vers quoi on va, qu'on ne se retrouve pas, au bout d'un certain temps, avec toutes sortes de conflits que n'auraient point prévus les rédacteurs du projet de règlement. Je ne sais pas si vous trouvez que j'exagère, messieurs et mesdames les membres de la délégation du Conseil des collèges, ou si ce sont des appréhensions qui ont un certain fondement dans la chose.

Mme Blackburn: Le conseil a examiné la première version du régime pédagogique, version 78. Il a examiné la possibilité ou l'intérêt qu'il y avait d'introduire dans le règlement un partage des responsabilités entre les différentes parties. On aurait même quasiment pu, à la limite, prendre toute la responsabilité du département qui est actuellement décrite dans la convention collective et le retrouver - là il ne serait plus un décret - dans un règlement des études collégiales.

Le conseil estimait que cela n'était pas vraiment souhaitable, parce que vous savez ce qui arrive à ce moment-là, c'est que vous venez de figer dans un règlement la situation pour les collèges qu'ils aient 700 enseignants dans le corps professoral ou qu'ils aient 700 élèves dans leur collège. Là, on vient de dire que c'est le département, que c'est le DSP, que ce pourrait être l'adjoint au DSP, et là vous venez de figer des structures qui correspondent ou qui s'ajustent mal à la taille des collèges, parce que vous déterminez de la même façon qui va faire

quoi dans un collège où il y a 700 enseignants et un autre qui a 700 élèves. Et vous avez de ces situations-là au Québec.

Alors le conseil estimait qu'il n'était pas souhaitable que l'on définisse à l'intérieur de ce règlement-là... D'ailleurs, c'était partagé, je me rappelle bien, par les enseignants qui ne voyaient pas qu'on indique, chaque fois, le DSP, le DSP, parce que, ou on fait des collèges d'État, ou on détermine finement et dans les plus fins détails le partage des responsabilités entre les différentes composantes à l'intérieur d'un cégep - et là, je pense bien que, si l'on prenait cette décision, cela pourrait être cela le modèle - ou on a des corporations relativement autonomes qui, une fois qu'on a arrêté la mission de ces établissements et qu'on a déterminé le mandat et qu'on leur a donné des règlements principaux, on leur dit: à présent, vous avez la responsabilité d'administrer ceci. Pour voir dans quel esprit ils le font, ou, si c'est respectueux des professionnels qui travaillent dans ces établissements, et je pense en particulier aux enseignants, il va y avoir ces politiques qui vont dire comment on a partagé les responsabilités à l'intérieur.

Il m'apparaît tout à fait inconcevable, mais inconcevable, et je pense bien que cela va de soi pour tout le monde, qu'un collège se donne une politique et un collège, pour moi, cela entend le conseil d'administration, cela devrait être adopté là, mais ce n'est certainement pas le conseil d'administration qui va écrire une politique d'évaluation des apprentissages. Il n'en a pas la compétence. Tout ce qu'il pourra faire, c'est s'assurer que, en place, on a vraiment consulté les personnes les plus compétentes pour le faire. Les personnes les plus compétentes pour le faire, évidemment, ce sont les enseignants.

Dans ce sens-là, c'est le fait que les collèges devraient se donner des politiques là-dessus; cela permettrait de se dire dans quel esprit c'est fait, si on a bien consulté et si cela s'est bien fait avec la collaboration des différentes parties.

On peut penser, par exemple, que le règlement des études collégiales qui nous est soumis là et qui prévoit une participation des collèges dans la composition des cours de la spécialisation, il me semble qu'il faudrait que ce soit la commission pédagogique, il me semble que c'est elle qui devrait, là-dessus, déterminer les cours qui vont être choisis par le collège. On voit difficilement que cela puisse être fait exclusivement par le directeur des services pédagogiques ou, encore pis, par un conseil d'administration. Dans ce sens-là, c'est le collège qui a à déterminer, à l'intérieur de son établissement, pour les responsabilités qui sont siennes, comment il entend partager ces responsabilités.

Pour nous, le conseil, c'est évidemment toute la question. Ou on continue à réglementer dans le plus fin détail tous les collèges indépendamment de leur taille, ou encore on reconnaît qu'on s'est donné des institutions dotées d'un conseil d'administration dont les membres sont nommés par le gouvernement et on leur fait un peu confiance.

Le Président (M. Blouin): Merci. Alors, est-ce que vous aviez un petit commentaire, M. le député d'Argenteuil?

M. Ryan: Oui, juste un mot. J'ai bien apprécié les observations du conseil au sujet de l'équilibre à conserver dans les cours, dans la responsabilité du ministère et dans celle des institutions collégiales individuelles.

L'insistance que vous mettez sur la préservation d'une responsabilité tout à fait majeure du ministère dans la mise au point des projets de cours, des programmes de cours, je pense que c'est un point très important. Je souscris à l'opinion que vous avez émise là-dessus sans difficulté, sans aller dans les détails évidemment, ce n'est pas mon domaine. Mais je pense que, comme orientation générale, c'est un point sur lequel il n'y aura pas de difficulté en ce qui nous touche, justement pour assurer une qualité de base partout et assurer qu'ensuite, comme vous l'avez dit judicieusement, à mon sens, le certificat ou l'attestation décerné par une institution soit quand même jugé valable parce qu'on saura que cela se fait à l'intérieur d'un cadre général qui, lui, est sous la responsabilité du ministère de l'Éducation.

Je ne pense pas que ce soit la signature qui détermine la crédibilité du titre au bout de la ligne. De ce point de vue et même du point de vue des diplômes, il y a des choses que vous avez dites dont nous n'avons pas eu le temps de discuter et qui méritent la plus grande attention.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Simard, Mme Blackburn, M. Lelièvre et M. Laplante, merci de votre précieuse collaboration. Sur ce, je demande au rapporteur de cette commission, le député de Verchères, de faire rapport à l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais. Je précise que la commission a accompli le mandat qui lui avait été confié par l'Assemblée nationale et, sur ce, j'ajourne les travaux.

M. Ryan: Une remarque avant de terminer.

Le Président (M. Blouin): Une remarque.

M. Ryan: Une remarque de caractère général.

Le Président (M. Blouin): Vous l'avez dit juste à temps. Allez-y.

Conclusions M. Claude Ryan

M. Ryan: Vous ne m'avez pas regardé. Je voulais simplement souligner une couple de points, M. le Président. Ce ne sera pas long, soyez sans inquiétudes.

Je voudrais tout d'abord signaler que je suis content de cette expérience que la commission parlementaire de l'Éducation vient de faire. Je pense que, pour une rare fois, nous avons pu entrer davantage dans le contenu des problèmes éducatifs et ne pas nous limiter, comme nous le faisons trop souvent, aux discussions d'ordre budgétaire ou aux discussions portant immédiatement sur des textes de loi de caractère tellement général que souvent on approuve sans trop savoir ce qu'on fait.

Cette fois-ci, je pense qu'on est entré davantage dans la substance même du problème que pose la mise au point d'un règlement des études collégiales et je crois que cela s'est fait dans un excellent esprit. Il y avait des limites inhérentes à l'exercice qui ont déjà été mentionnées et qu'il ne vaut pas la peine de redire à ce moment-ci. Je pense que les organismes qui se sont présentés ont apporté une contribution remarquable; en tout cas, en ce qui nous touche, l'Opposition voudrait les remercier de l'apport très riche qu'ils ont fourni à la recherche qui se poursuivra pendant quelque temps, je l'espère.

Je voudrais souligner la participation des députés, qui a été remarquable. Je pense que, des deux côtés, il y a eu une bonne présence. C'est malheureux pour vous, cet après-midi, du Conseil des collèges, que la participation ait été moins forte. Il faut comprendre que certains étaient à la Chambre et, en fin de semaine, les députés ont beaucoup de travail dans leurs circonscriptions respectives et certains consacrent beaucoup de temps à se rendre chez eux, surtout en hiver. Dans l'ensemble, la participation a été forte et l'intérêt des députés très grand. Je pense que c'est excellent.

Je voudrais signaler que j'ai été bien édifié par l'assiduité du ministre. Je pense qu'à aucun moment, pendant les trois jours, il n'y a eu une minute d'absence du ministre, ni physique, ni mentale. Des fois, nous, nous étions un peu absents quand il parlait. Je sais qu'il me rendra la monnaie de ma pièce tantôt mais je pense que c'est excellent de ce point de vue là. Je félicite le ministre du sérieux avec lequel il a fait l'exercice et je ne puis que réitérer le voeu que le président de l'un des organismes entendus hier a exprimé, soit qu'il y ait autant d'application dans les suites concrètes données à toutes les opinions émises au cours des trois jours qu'il y en a eu à les écouter. Je pense que, de ce point de vue-là, le ministre a été irréprochable et je tiens à le lui dire, en toute loyauté. (17 h 45)

Ceci étant dit, il y a beaucoup de points qui se dégagent. Je ne les dégagerai pas ce soir; je pense que ce serait trop long. Mais il y en a quelques-uns qui sont d'importance tout à fait majeure. Je pense que la nécesssité pour le gouvernement de faire connaître, dans les meilleurs délais, sa politique en matière d'éducation des adultes et sa politique en matière de formation professionnelle s'impose de manière très forte. Je pense même que si le gouvernement veut bien entendre le message qui découle des témoignages entendus depuis trois jours, il voudra éviter de mettre la charrue devant les boeufs et attendre, avant d'arrêter définitivement certaines dispositions de son projet de règlement, que le débat ait eu lieu sur ces aspects plus larges.

Ceci étant dit, je pense que nous aurons l'occasion, chacun de notre côté, de faire valoir nos vues sur d'autres tribunes et sous d'autres formes. Pour l'essentiel, je pense que le travail a été bien fait et j'espère que cette commission continuera de siéger pour l'examen des problèmes de l'éducation.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Camille Laurin

M. Laurin: Je souscris, pour une bonne part, aux remarques du député d'Argenteuil. Il me félicite pour mon assiduité; je le félicite, de son côté, pour sa vigilance quelque peu agressive. Je pense qu'au demeurant, l'expérience a été fort utile et je voudrais qu'avant que nous procédions, nous fassions connaître notre politique d'éducation des adultes, je suis tenté de souscrire à son point de vue, puisque, justement, une des articulations majeures du projet de règlement touche précisément cette abolition de la distinction entre jeune et adulte et il est bien sûr qu'elle entraîne des conséquences qui seront encore plus visibles quand nous pourrons rendre publique notre politique de l'éducation des adultes.

J'en profite pour relever une affirmation du député d'Argenteuil, hier soir, lorsque nous entendions l'Institut canadien de l'éducation des adultes. Il a glissé dans l'une de ses remarques que le gouvernement fédéral dépensait beaucoup plus en éducation des adultes, au Québec, que le gouvernement québécois lui-même. J'étais convaincu qu'il avait tort, mais j'ai quand même fait vérifier son assertion pour pouvoir lui

apporter, comme il les aime, des chiffres frais, croustillants et précis. La conclusion de cette vérification montre que nous dépensons actuellement, au Québec, la part proprement québécoise, à peu près 600 000 000 $ par année pour l'éducation des adultes, alors que le fédéral dépense au Québec, pour les fins de l'éducation des adultes, à peu près 260 000 000 $. Ce qui veut dire que nous dépensons notre part. Notre proportion dépasse les 71% ou 72% et la proportion du fédéral se maintient aux alentours de 27% ou 28%.

Mais, ceci dit, il reste que nous devrons faire un effort plus grand et je suis le premier à regretter, comme je le disais hier, que nous ne puissions consacrer davantage de fonds à l'éducation des adultes. Nous entendons d'ailleurs, dans un très proche avenir, montrer que cette question nous préoccupe au plus haut point, et que, maintenant, il nous sera possible d'injecter des fonds additionnels à cette grande politique de l'éducation des adultes qui couvre plusieurs ministères aussi bien que plusieurs directions générales au sein du ministère de l'Éducation.

Quant à la politique de formation professionnelle, je n'ai jamais annoncé que je promulguerais ou que j'officialiserais une politique de formation professionnelle. Ce que j'avais dit, au mois de mai 1982, c'est que je tentais de lancer des propositions de relance et de renouveau dans une réflexion, au fond, qui s'échelonne depuis les trois années que je suis là. Il faut bien comprendre que cette "politique" de formation professionnelle, aussi bien des jeunes que des adultes, correspond bien davantage à des pratiques pédagogiques, à des modes d'organisation que nous avons d'ailleurs soumis largement à l'attention des divers milieux, au cours des deux dernières années, et que le résultat s'en trouve inscrit dans les règlements pédagogiques du primaire et du secondaire déjà sous forme d'orientation et que, probablement, ceci nous amènera plutôt à modifier dans l'avenir, au fur et à mesure que nous verrons nos propositions obtenir un consensus de plus en plus grand, par des amendements que nous tenterons d'apporter à ce régime.

De même, le projet de régime pédagogique que nous présentons aujourd'hui contient déjà, comme on l'a amplement discuté ces derniers jours, des orientations en ce qui concerne la formation professionnelle. Nous disons, par exemple, que nous voulons ouvrir, rendre plus accessible le système collégial aux adultes; que nous voulons diversifier, augmenter les modes, les formats qui pourront désormais être accessibles à ce qu'on appelle actuellement la clientèle adulte qui recouvre une population très disparate. C'est un peu ce que je voulais dire quand je disais qu'il fallait se référer à des pratiques, à des modes d'organisation plutôt qu'à des politiques au sens du livre blanc.

Il reste cependant que les réflexions cheminent simultanément et qu'il y a une fécondation réciproque entre ces trois cheminements, entre ces trois ordres deréflexion. J'ai trouvé la commission très éclairante. J'avais dit au début que je l'abordais dans un esprit d'ouverture et c'est bien de cette façon que j'ai écouté tous les groupes qui sont venus nous faire part de leurs opinions, leurs recommandations fondées sur leur expérience, leur expertise. Je dois dire que j'en ai beaucoup profité.

J'en retire l'impression qu'une bonne partie des éléments du projet sont valables. Or, sur quelques points, les opinions ont été à ce point fortes et éclairantes que cecim'amènera sûrement à me pencher à nouveau sur un certain nombre de problèmes que je peux énumérer d'ailleurs tout de suite, qu'il s'agisse du CEC, qu'il s'agisse des cours complémentaires, qu'il s'agisse des programmes d'établissements, qu'il s'agisse de la réduction des cours de philosophie, et je pourrais en ajouter un ou deux autres plus mineurs.

Sur ces quelques points, je poursuivrai sûrement ma réflexion à la lumière non seulement des commentaires reçus des associations, mais également des commentaires très éclairants reçus de l'Opposition qui a fait un travail attentif et intensif, qui ressemble beaucoup à la fougue bénédictine dont s'inspire le député d'Argenteuil. Il n'y a aucun doute que je profiterai aussi des remarques, des suggestions qu'il m'a faites, et j'espère que le projet qui en sortira reflétera cet éclairage particulièrement instructif qui m'est venu et des groupes et de l'Opposition.

Le Président (M. Blouin): Alors, sur ces derniers commentaires du député d'Argenteuil et du ministre qui ont un peu la saveur du temps des fêtes, j'ajourne les travaux de cette commission sine die.

(Fin de la séance à 17 h 54)

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