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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le mardi 10 janvier 1984 - Vol. 27 N° 228

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Dix heures douze minutes)

Le Président (M. Blouin): Je demande aux membres de la commission parlementaire de bien vouloir prendre place. S'il vous plaît; S'il vous plaît! Je demande aux membres de la commission parlementaire de bien vouloir regagner leur siège.

S'il vous plaît; Je demande aux membres de la commission parlementaire de prendre place pour que nous commencions nos travaux.

Mesdames, messieurs, la commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Permettez-moi d'abord de souhaiter la bienvenue, au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, aux invités qui participeront à nos travaux, au public qui nous visite au salon rouge et, évidemment, aux milliers de nos concitoyens et concitoyennes qui, grâce à la télédiffusion de nos séances, peuvent suivre nos travaux.

Nous avons reçu de l'Assemblée nationale le mandat suivant: entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Le nombre d'organismes que nous aurons à entendre et la période de quelques semaines au cours desquelles nous aurons à débattre de ce sujet indiquent bien l'ampleur de notre tâche et, en conséquence, l'efficacité et la rigueur dont nous devrons tous et toutes faire preuve.

Avant que ne commencent véritablement nos travaux, je vais tout de suite identifier les membres de cette commission parlementaire qui sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Gauthier (Roberval), M. Payne (Vachon), M. Ryan (Argenteuil).

Les intervenants et les intervenantes de cette commission sont: M. Bisaillon (Sainte-Marie), Mme Juneau (Johnson), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Paré (Shefford), M. Rochefort (Gouin), M. Sirros (Laurier).

Comme le veut la procédure, s'il n'y pas de questions préliminaires, je vais maintenant inviter le ministre.

M. le député d'Argenteuil.

Les organismes invités M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'aurais une question préliminaire à soulever au sujet de la liste des organismes qui doivent être invités à se présenter devant la commission parlementaire.

Un problème a surgi vers la fin de décembre alors que le gouvernement m'a fait remettre une liste d'organismes qui avaient été convoqués à se présenter devant la commission parlementaire. J'ai constaté que cette liste contenait les noms de soixante-dix-huit organismes ou associations, alors qu'en fait le nombre total des mémoires qui ont été adressés à la commission parlementaire s'élève à quelque 250.

Je ne sais pas l'interprétation que le gouvernement donnera aujourd'hui à cette liste qui nous a été communiquée à l'époque mais j'ai fortement insisté, et je le fais de nouveau ce matin, pour que cette liste qui a été préparée par le gouvernement ne soit qu'une première liste et qu'elle n'épuise en aucune manière la liste des organismes invités à se présenter devant la commission. Je voudrais soulever, à ce sujet, une question de discipline et de courtoisie qui me semble avoir été oubliée par le gouvernement. Lorsqu'une commission parlementaire doit siéger, elle communique son intention d'entendre les organismes qui veulent soumettre leur point de vue à la commission parlementaire et ensuite elle les convoque. Mais il me semble que l'interprétation que nous devrions donner à la disposition de notre règlement qui traite de cette question, c'est que tous doivent être convoqués sur un pied d'égalité. Si l'on fait une convocation, on l'adresse à tous les organismes intéressés et non pas simplement à une liste choisie.

Dans ce cas-ci, le fait qu'on ait arrêté une liste choisie, qu'on n'ait pas adressé d'invitation à tout le monde, a créé un malentendu chez plusieurs organismes. Il y en a qui m'ont adressé des messages à ce sujet. Il y a des organismes qui s'étonnent d'avoir été omis de la liste d'invitation pendant que d'autres recevaient des invitations, des organismes qui ont absolument la même importance que ceux qui ont pu être invités.

Je voudrais vous communiquer une couple de messages que j'ai reçus à ce sujet. Par exemple, le Comité de coordination de la concertation régionale du territoire de la

Yamaska qui gravite autour de la commission scolaire régionale de ce côté, m'adresse le message suivant: "Nous avons appris que notre groupe représentant les agents d'éducation, quatre commissions scolaires de notre territoire, ne pourrait présenter son mémoire collectif prévu dans le cadre des audiences publiques de la commission parlementaire portant sur le projet de loi 40. Pourtant, nous étions inscrits au numéro 38 et avions déposé ledit mémoire dans les délais prévus, considérant qu'au cours de la dernière année, nous avons poursuivi dans notre milieu une longue réflexion sur le livre blanc et le projet de loi 40, réflexion impliquant les nombreux agents d'éducation de notre milieu ainsi que de la population en général; considérant que le législateur aura sans doute à prendre conscience de l'impact qu'un tel projet de loi crée auprès des gens de la base. Pour tous ces motifs, nous vous demandons de veiller à ce que nos représentants soient entendus par la commission parlementaire permanente de l'éducation." "Espérant que vous prendrez les mesures nécessaires, nous vous prions d'accepter nos salutations distinguées."

Je recevais ces jours-ci, du président du conseil des commissaires de la commission scolaire Lakeshore, le message suivant: "En réponse à notre demande - je vous prierais, M. le Président, d'écouter ceux-ci attentivement, non pas parce que vous êtes distrait, mais à cause de l'importance de ce qui est dit au niveau des faits - le secrétariat des commissions de l'Assemblée nationale nous a informés que la commission scolaire Lakeshore n'a pas été choisie pour faire une représentation devant la commission de l'éducation sur le projet de loi 40.

Nous protestons avec véhémence contre cette exclusion arbitraire, d'autant plus que nous avons des soupçons à l'égard des raisons qui ont motivé cette décision. Nous demandons à nouveau que la commission scolaire Lakeshore soit entendue sur cette importante question."

Je voudrais qu'il soit absolument clair -j'ai reçu des appels téléphoniques et mon bureau en a également reçu au cours de la journée d'hier, d'organismes qui s'attendaient à être invités comme les autres et à qui on a dit qu'ils n'avaient pas été retenus sur la liste des organismes qui ont été choisis pour se présenter - et qu'on dissipe, ce matin avant que nous commencions nos travaux, ce malentendu qui s'est érigé entre nous. Si le gouvernement est prêt à prendre l'engagement qu'une convocation sera immédiatement adressée à tous les organismes qui ont exprimé le désir de se faire entendre, quitte à ce qu'on les entende... J'aurais aimé, entre parenthèses, que le gouvernement consultât l'Opposition au sujet de l'ordre dans lequel les mémoires seront présentés à la commission. Cela aurait pu contribuer à un fonctionnement encore plus harmonieux de la commission et cela se fait souvent. Mais là, tout a été fait unilatéralement, je tiens à le signaler. Nous n'avons rien eu à voir jusqu'à maintenant dans le choix des organismes, ni dans le choix de l'ordre dans lequel ils seront appelés à se présenter. Si le gouvernement est prêt à prendre l'engagement ferme, ce matin, d'adresser sans délai une convocation à tous ces organismes qui ont été laissés de côté sur la liste qui nous a été communiquée au mois de décembre, cela pourrait régler le problème, je pense.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre.

M. Michel Leduc

M. Leduc (Fabre): M. le Président, il est vrai que la commission va entendre 78 organismes qui ont effectivement été choisis par le gouvernement. Ces organismes seront entendus pendant un mois. J'ai eu l'occasion de rencontrer le député d'Argenteuil avant Noël avec des gens du cabinet pour lui exposer la situation et pour lui présenter la liste des organismes qui avaient alors été invités par le gouvernement à se présenter en commission. Il est important, je pense, de dire que, pour toutes les commissions, lorsqu'il y a des audiences, la tradition veut que ce soit le gouvernement qui établisse la liste et qui envoie les convocations aux différents organismes. Nous ne créons pas de précédent à cette commission. Le gouvernement a simplement agi comme il le fait pour chaque commission. C'est la première chose à établir.

Lorsque j'ai eu l'occasion de rencontrer le député d'Argenteuil, je lui ai demandé, au nom du ministre, de nous soumettre une liste d'invités qu'il aimerait voir à la commission. Le député d'Argenteuil m'a alors dit qu'il y penserait et que nous aurions l'occasion de nous rencontrer après les fêtes, dans la semaine précédant la commission, pour qu'une entente soit établie avec le gouvernement pour savoir quels autres organismes pourraient s'ajouter aux 78 déjà invités. J'ai personnellement attendu en vain l'appel du député d'Argenteuil. J'étais personnellement disponible. Par ailleurs, nous avons reçu une lettre - je dois le dire - dans laquelle nous trouvions une liste d'organismes, environ 70, que proposait le député d'Argenteuil. Il n'y a jamais eu de demande de rencontre de sa part.

Je dois ajouter que j'ai également dit au député d'Argenteuil - je le répète ici -que le gouvernement est toujours disposé à recevoir d'autres organismes. Les 78 organismes invités l'ont été après une première sélection. Il s'agit d'une première sélection, d'une première préparation et

d'une première invitation. Cette liste pourra s'allonger, selon la volonté de la commission.

Pour notre part, nous croyons qu'il pourrait s'avérer suffisant d'entendre 78 organismes pour que la commission soit suffisamment éclairée. Si la commission juge que c'est insuffisant, qu'elle a besoin d'éclairage supplémentaire, qu'elle a besoin d'entendre d'autres organismes pour compléter ce que nous aurons entendu après un mois de commission, absolument rien ne s'oppose à ce que nous invitions d'autres organismes et que la commission poursuive ses travaux au-delà du 4 février.

Il n'y a vraiment pas de malentendu. Les choses ont été bien établies avant la commission. Nous avons pris l'initiative de rencontrer l'Opposition et de lui montrer une ouverture d'esprit quant à notre intention d'entendre d'autres groupes mais, encore une fois, je pense que dans notre esprit il s'agissait d'établir une première liste de 78 organismes qui, à notre point de vue, sont représentatifs des différents milieux. Il s'agit d'organismes à caractère national, à caractère régional et à caractère local. Il s'agit d'organismes qui représentent des points de vue sur la confessionnalité, sur la participation des parents, etc. Cette liste est suffisamment représentative des différents milieux et des différents groupes qui représentent l'ensemble des mémoires.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre, j'ai bien peur que si nous poursuivons cette discussion nous nous engagions dans un faux débat. Afin de clarifier la situation et la procédure que nous devons suivre, je me permettrai de lire l'article 118a de notre règlement, qui est ainsi libellé: "1. Sauf dans le cas prévu à l'article 113a - ce qui n'est pas notre cas -lorsqu'un projet de loi est envoyé à une commission élue après la première lecture -voilà qui est notre cas - avis doit être donné par le secrétaire des commissions dans la Gazette officielle du Québec." Donc, il y a d'abord un avis qui doit être donné par le secrétaire des commissions dans la Gazette officielle du Québec. On continue: "Après cet avis, les personnes ont un délai de trente jours pour déposer au secrétariat des commissions cent exemplaires de leur mémoire, accompagnés d'un bref résumé. "112. Après ce délai, le secrétaire des commissions fait parvenir à chaque membre de la commission un exemplaire des mémoires et des résumés. "113. Il convoque les personnes qui ont déposé des mémoires au moins sept jours avant la réunion où elles se feront entendre." Quatrièmement, cela ne nous concerne pas. "115. À l'ouverture de la séance, le président donne lecture de l'ordre du jour -c'est ce que je ferai tout à l'heure. Il appelle à tour de rôle les personnes convoquées et si celles-ci ne se présentent pas ou ne sont pas prêtes à procéder, elles perdent leur droit de se faire entendre, à moins que la commission n'en décide autrement.

Voilà ce qui est important: "116. Lorsqu'elle croit être suffisamment renseignée, la commission peut décider de cesser les auditions. "117. Elle représente à l'Assemblée le rapport prévu à l'article 144."

Il me semble donc dans les circonstances, comme l'indique très bien l'avis qui est paru dans la Gazette officielle, que tous les organismes et toutes les personnes qui ont déposé des rapports peuvent potentiellement être entendu à cette commission et que seule une motion en vertu de l'article 118a, 6, qui indiquerait que la commission est suffisamment renseignée, pourrait décider de faire cesser les travaux de notre commission parlementaire.

Voilà pourquoi je ne voudrais pas que nous nous engagions dans un débat sur ce sujet et surtout dans un débat de procédure. Je crois que ce n'est pas le moment, surtout au début de nos travaux. Si nous pouvions dès à présent entendre les remarques préliminaires du ministre et du représentant de l'Opposition, je crois que ce serait la procédure la plus sage.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, sur ce même point; je ne veux pas prolonger la discussion indéfiniment. Je pense que c'est important de ne pas laisser s'introduire des malentendus qui pourraient avoir des conséquences graves pour le fonctionnement de notre système et de nos institutions. J'entendais le député de Fabre dire tantôt que le gouvernement part avec le préjugé que 78 représentations pourraient suffire à éclairer la commission et qu'à ce moment-là, elle pourrait juger. J'aime mieux le préjugé inverse, qu'on parte avec l'idée qu'on va entendre tout le monde. Si, en cours de route, le gouvernement estimait qu'il a été suffisamment instruit, qu'il suive la procédure prévue. Qu'il présente une motion à cette fin qui serait discutée à son mérite. Il me semble qu'à ce moment-ci, la manière dont le problème était présenté par le député de Fabre, qui parle quand même au nom du gouvernement dans cette chose, est inacceptable. (10 h 30)

Je voudrais corriger une erreur de fait qui a été commise également en ce qui me touche: le député de Fabre disait qu'on n'a pas communiqué avec lui. Mon bureau a tenté de le rejoindre le mardi qui a suivi le jour de l'an; on a répondu que le député de

Fabre n'était pas là, qu'il était en congé. À ce moment-là, nous avons communiqué directement avec le bureau du ministre le même jour.

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. le député d'Argenteuil. Merci, je crois que vous avez bien saisi l'esprit du règlement. Sur ce avant que...

Mme la députée de L'Acadie.

Discussion générale

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'aimerais que le député de Fabre nous énumère les critères sur lesquels on s'est basé pour retenir ces 78 mémoires. Il reste que cela est très important, sans cela il semble que ce soit une décision arbitraire d'entendre ces 78 mémoires plutôt que les 78 autres. Dans les explications qu'il nous a données, cela ne m'est pas apparu très clair.

Le Président (M. Blouin): À moins que...

Mme Lavoie-Roux: À ce moment-là, on peut aussi lui imputer toutes sortes de motifs sur la foi de ceux qu'il a énoncés.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de L'Acadie, je veux bien que, très rapidement, le député de Fabre puisse nous indiquer les critères qui ont présidé à cette sélection mais je ne voudrais pas que cela engage un débat sur les critères de sélection et les premiers groupes que nous entendrons au cours de ces travaux.

M. le député de Fabre, rapidement, s'il vous plaît.

M. Leduc (Fabre): Rapidement, M. le Président. On a tenu compte du caractère national des organismes. Tous les organismes qui sont reliés au monde de l'éducation et qui ont un caractère national ont été invités. On a également tenu compte des groupes régionaux, de la répartition géographique pour que toutes les régions du Québec puissent être entendues lorsqu'il y avait possibilité ou lorsqu'il y avait des mémoires qui émanaient des régions. Je pense qu'à ce point " de vue-là il y a une représentation régionale tant pour les commissions scolaires que pour les comités de parents.

Il y a bien sûr les mémoires émanant des commissions scolaires, les mémoires émanant des comités de parents, des comités d'école, mémoires aussi qui touchent à des thèmes spécifiques - je pense qu'il fallait en tenir compte - telle la confessionnalité. Il fallait, pour ce qui est de la confessionnalité, qu'il y ait une expression d'opinions diverses. Je crois que la communauté anglophone est bien représentée dans la liste des 78 mémoires. Je peux vous énumérer en gros ce que cela donne comme synthèse: il y a 15 groupes de commissaires, 18 groupes de parents; ces 18 groupes de parents comprennent les anglophones de même que les parents catholiques. Il y a environ cinq groupes d'administrateurs, directeurs généraux, cadres, directeurs d'école. Il y a environ dix groupes d'enseignants, certains à caractère professionnel, d'autres à caractère syndical. Environ seize groupes d'anglophones. Là, je confonds toutes les catégories parmi ces groupes d'anglophones, les parents, les administrateurs, les groupes à caractère national comme Alliance Québec. Il y a également quelques autres groupes qui présentent des points de vue particuliers comme l'AFEAS, l'Office des personnes handicapées, le Regroupement des associations étudiantes universitaires. Comme vous voyez, il s'agit d'une grande diversité d'opinions que nous aurons l'occasion d'entendre.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Fabre. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: M. le Président, je pense qu'il est important, au début de nos travaux, qu'un certain nombre de choses soient établies clairement. Ce sur quoi je veux insister, dans un premier temps - et je dis bien dans un premier temps - c'est sur le fait que les renseignements que j'ai sont qu'une quarantaine de commissions scolaires ont pris la peine de se réunir, de consulter tous les agents qui sont impliqués dans le travail quotidien qu'ils font. Ils ont consulté les enseignants, ils ont consulté les directeurs d'école, ils ont consulté les orienteurs professionnels et ils ont fait un travail absolument extraordinaire de ce côté. Plus que cela, après avoir fait ce travail extraordinaire, ils ont pris la peine de rédiger des rapports, de les faire adopter par les gens qui avaient été consultés, et c'était de la véritable consultation, ne nous trompons pas, parce qu'on a déjà assisté à des simulacres de consultation; c'était de la véritable consultation. Se fiant sur le mandat qu'on avait confié à la commission parlementaire, ces gens ont contacté le secrétariat des commissions et ont transmis des mémoires dans les délais prescrits. Il y en a 4D qui ont fait cela.

Ce matin, l'ordre du jour nous apprend qu'il va y en avoir quatre qui seront entendus, quatre de suite, et le député de Fabre nous dit qu'un des critères fondamentaux qui ont présidé au choix des organismes, c'est le caractère de représentativité nationale. Or, on s'aperçoit dès ce matin que les quatre intervenants sont des commissions scolaires qui sont de caractère local, ce qui vient en contradiction avec son premier argument. D'un autre côté,

les 40 commissions scolaires sont élues au suffrage universel. Ce sont des représentants de la population qui les a élus démocratiquement. Je ne pense pas que nous ici nous soyons placés, M. le Président, et je termine là-dessus, pour faire un choix entre des commissions scolaires qui est représentatif et qui ne l'est pas? Agir de cette façon, c'est faire preuve de la plus totale discrimination. Si les travaux de cette commission doivent s'engager sur cette voie avec des commissions scolaires qui sont triées sur le volet par le ministre, qui tout à l'heure ne s'occupait pas de cette discussion, il préférait lire son journal, je vous dis que c'est mal engagé, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Nous allons avoir des problèmes parce que nous devrons nous entendre sur les intervenants....

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert, s'il vous plaît...

M. Doyon: ... qui vont venir ici devant cette commission.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît! M. le député de Louis-Hébert, je tiens à vous signaler que le débat s'engage actuellement en fonction de ce qui est rigoureusement prévu à l'article 118a que j'ai lu tout à l'heure. On peut débattre toute la journée et toute la nuit même, si vous le voulez, de la représentativité de tel ou tel organisme, puisqu'il y en a au-delà de 200. Nous pouvons passer toute la journée à faire cela. Mais je crois que ce qu'il est important de retenir, c'est que la commission se réunit, il y a des organismes qui seront entendus dès aujourd'hui, après les remarques préliminaires du ministre et du représentant de l'Opposition. Et, la commission, pour mettre fin à ses travaux, selon ce qui est prévu à l'article, devra juger qu'elle est suffisamment renseignée.

Pour le moment, je crois savoir que nous avons quatre semaines de travaux qui sont déjà prévues et, si après ces quatre semaines, la commission n'est pas suffisamment renseignée, le règlement prévoit que les travaux doivent se poursuivre. C'est pour cela que je vous dis qu'au fond, nous sommes peut-être en voie de nous engager sur un faux débat et que, si nous voulons nous mettre à apprécier la qualité des 243 organismes ou personnes qui ont soumis des mémoires à la commission, nous n'en sortirons pas. Et je ne crois pas que ce soit passionnant pour ceux et celles qui suivent nos travaux.

M. Doyon: M. le Président, nous ne sommes pas ici pour donner un spectacle. Et je ne pense pas que notre préoccupation première soit d'être passionnants pour les gens qui nous écoutent. Notre préoccupation première, actuellement, est de nous assurer que le mandat qui a été confié à cette commission parlementaire soit respecté. Et, ce mandat, quel est-il? La commission élue permanente de l'éducation a pour mandat d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, etc. Or, qu'est-ce que le gouvernement nous apprend? Que ce n'est pas toute personne; ce sera un tiers des personnes, 78... Et, M. le Président... C'est pour cela que j'ai limité mon propos. Vous avez étendu mon intervention à toutes les personnes, etc. J'ai limité mon propos aux 40 commissions scolaires. Et je voudrais dès maintenant avoir un engagement du ministre qu'il fera tout ce qui est nécessaire pour ne faire aucune discrimination, de quelque nature que ce soit, envers les commissions scolaires. Elles sont toutes aussi légitimes les unes que les autres et elles ont toutes le droit de se faire entendre en conformité avec le mandat confié à cette commission.

M. le Président, sur cette question, je vois que vous vous impatientez légèrement, je vous dis que nous avons le droit de parler 20 minutes chacun là-dessus et j'ai à peine pris quelques minutes. Alors, c'est important que cette question soit vidée. Autrement, nous y reviendrons tant et plus, tellement que les 20 minutes que vous pensez épargner maintenant vont en coûter 40 et plus, M. le Président. Et nous devons dès maintenant savoir du ministre s'il a l'intention, oui ou non, de traiter toutes les commissions scolaires, qui sont toutes aussi légitimes les unes que les autres, qui ont toutes été élues par la population et qui toutes ont reçu un mandat clair de la population, si le ministre a l'intention de traiter ces commissions scolaires sur un pied d'égalité ou s'il a l'intention, comme cela s'annonce maintenant, d'après la teneur des mémoires que nous avons en main, de donner une impression d'unanimité avec quatre commissions scolaires qui sont, grosso modo, semble-t-il, en accord avec le projet de loi 40, quand on sait que plus de 80% ou 85% des commissions scolaires - et là, je suis très conservateur - sont en désaccord sur des points fondamentaux du projet de loi. Est-ce que le ministre veut jeter de la poudre aux yeux dès le début? Ne nous trompons pas. Ce ne peut être l'effet du hasard que, parmi les 40 mémoires qui ont été soumis, il y en ait 4 qui soient entendus aujourd'hui. Et, comme par hasard, on se retrouve avec 4 commissions scolaires qui sont en accord, grosso modo, avec le projet de loi du ministre. On ne peut pas faire semblant que le hasard fait si bien les choses.

Le Président (M. Blouin): Je vous répète, M. le député, très simplement que nous sommes effectivement en train de nous engager dans un faux débat.

M. Doyon: Pas du tout. C'est fondamental, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je vous rappelle... Non, permettez-moi de m'exprimer, si vous le voulez bien, parce que le gouvernement, par le leader du gouvernement, selon notre tradition, n'a que le droit de fixer l'ordre des témoins qui seront entendus. Il n'a pas de discrétion à l'égard du nombre d'intervenants que nous devrons entendre au cours de cette commission. Je répète que ce n'est que par une motion par laquelle on indiquera que nous sommes suffisamment renseignés que nous pourrons mettre fin à nos travaux.

C'est pour cela que je vous dis, M. le député, que c'est un faux débat que de présumer que nous mettrons automatiquement fin à nos travaux.

Un instant s'il vous plaît!

Moi, ce que je dois faire, c'est de faire en sorte que les travaux se déroulent selon les règlements qui régissent ces commissions parlementaires. C'est pour cela que j'ai lu, au début, ce règlement qui m'apparaît très clair à cet égard. Si l'on désire encore discuter de cette question, on peut bien en discuter puisque, comme M. le député de Louis-Hébert l'a très bien dit, chaque député peut s'exprimer pendant une vingtaine de minutes sur ce sujet. S'il y a des députés qui veulent prendre la parole, je n'ai pas d'objection, mais il me semble que la situation est claire.

M. Leduc (Fabre): M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je pense qu'il est important de notre côté de rétablir les faits chaque fois que l'Opposition affirme un certain nombre de choses.

Le député de Louis-Hébert... M. le Président, il est important de dire ceci...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre, je voudrais, si vous le permettez, puisque nous sommes sur une question qui touche le règlement, que les interventions portent sur le règlement lui-même et non pas sur les procès d'intention qu'on peut faire à un membre ou à un autre membre de la commission parlementaire.

C'est dans cette perspective que j'ai dit que nous ne nous en sortirons pas si nous commençons à présumer qu'un député a voulu dire telle chose lorsqu'il a fait son intervention. Je souhaiterais que les interventions que nous faisons maintenant portent sur le règlement lui-même afin que la situation soit très claire et que nous puissions ensuite commencer nos travaux.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, le débat porte sur la liste, sur le nombre d'intervenants que nous devons entendre en commission.

Quant à nous, nous avons dit que nous étions disposés, si c'est nécessaire, à entendre tous les intervenants qui en ont manifesté le désir, parce que ce ne sont pas tous les intervenants. Il y a une trentaine de mémoires qui ont été déposés sur les 250.

M. le Président, je voudrais ajouter ceci. Si nous entendons tous les mémoires, je voudrais signaler à l'Opposition que nous entendrons beaucoup plus de mémoires émanant des comités de parents et des comités d'écoles que des commissions scolaires parce qu'il y a beaucoup plus de mémoires qui ont été déposés devant cette commission qui émanent des comités de parents et des comités d'écoles.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Fabre. Voilà! Vous déplacez le débat.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, j'ajoute ceci parce que le député de Louis-Hébert a tellement insisté sur les commissions scolaires. Je pense qu'il aurait été important qu'il insiste sur la présence des comités d'écoles et des comités de parents.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Fabre. Je crois que cela complète un peu la présentation que vous vouliez faire.

M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, je pense que pour clarifier la situation, si le ministre était prêt à s'engager, comme l'a dit le député de Fabre, à convoquer tous ceux qui veulent se faire entendre, sur 250 - il y en a peut-être une trentaine qui ne sont pas intéressés. Ils ont envoyé des mémoires pour dépôt seulement - qu'il convoque tout ce monde et cela va régler le problème. Cela fait trois fois que cette commission est remise. Ce n'est pas la faute des intervenants si elle est toujours remise aux calendes grecques. Le ministre peut montrer une bonne volonté. Qu'il convoque tout le monde, cela va régler le problème. Cela va remplir le mandat que l'Assemblée nationale a donné à cette commission. (10 h 45)

Le Président (M. Blouin): M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Pour revenir justement à l'aspect réglementaire de la discussion, je

crois que le fait d'avoir convoqué simplement 78 groupes à ce jour ne ferme pas la porte du tout à la possibilité que nous offre le règlement de décider, sept jours avant l'audition de ceux qui ne sont pas convoqués actuellement, de les convoquer. Nous sommes à un mois... Oui, j'ai bien entendu tantôt le règlement. On dit: Pourvu que les groupes soient convoqués sept jours avant - nous sommes loin encore du 7 ou 8 février -l'échéance de ceux qui sont convoqués. À ce moment, le règlement offre la possibilité à une commission de décider si elle est suffisamment informée. On se garde cette possibilité que nous offre le règlement et sept jours avant que nous ayons à convoquer éventuellement d'autres personnes, nous discuterons pour savoir si nous sommes suffisamment informés ou non. À ce moment, je ne vois pas pourquoi, aujourd'hui, nous poursuivons la discussion puisque le règlement nous offre la possibilité de discuter de cette question, sept jours avant l'audition des autres personnes.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau.

M. le député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, il me semble qu'il est très clair que le mandat de la commission est d'entendre toute personne ou tout groupe qui est intéressé, qui désire intervenir. Le règlement est très clair que ces personnes... Ce n'est pas qu'elles peuvent être convoquées, mais elles doivent être convoquées, selon le règlement. En partant... je ne vous ai pas interrompu, M. le député de Fabre...

M. Leduc (Fabre): J'aimerais que vous relisiez le règlement pour les députés.

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît, M. le député de Fabre, vous avez eu l'occasion d'intervenir. Le député de Viau a également le droit d'intervenir.

M. le député de Viau.

M. Cusano: C'est partir sur des faux pas ce matin, lorsqu'on nous annonce ici qu'il y a 78 organismes qui seront entendus. Il est très clair dans nos règlements que toute personne intéressée doit être convoquée et ce n'est qu'après que la commission, d'elle-même, comme vous l'avez dit, décide si elle est suffisamment informée ou non, qu'elle peut cesser ou continuer ses travaux. Je ne vois pas qu'on puisse commencer une commission parlementaire en nous imposant déjà le bâillon sur la commission avant même qu'on ait entendu les personnes qui, selon nos règlements, ont toutes le droit d'être convoquées.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, vous êtes en train - c'est pour cela que je dis que nous sommes en train de tenir un faux débat - de tenir des propos qui devraient, à mon avis, se tenir si nous avions à débattre une motion en vertu de l'article 118a, 6, c'est-à-dire au moment où la commission jugera qu'elle est suffisamment renseignée.

M. Cusano: M. le Président, je ne vois pas comment cela est un faux débat lorsque le représentant du gouvernement nous dit qu'il y a 78 organismes qui ont été retenus selon ses critères. Ce n'est pas le représentant du gouvernement qui établit, c'est la commission qui établit qui doit être entendu.

Le Président (M. Blouin): C'est cela.

M. Cusano: Pour le bon fonctionnement de cette commission, il serait très sage de sa part de retirer ses paroles sur le nombre d'organismes qui seront invités.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je reconnais que vous avez fait un effort loyal pour clarifier la signification et la portée du règlement, je l'apprécie. Il y a un préjudice qui a été créé à des organismes à cause de la manière d'agir du gouvernement. J'en ai donné un exemple tantôt, la commission scolaire de Lakeshore s'est fait dire en téléphonant au secrétariat des commissions qu'elle n'avait pas été choisie pour faire une représentation devant la commission élue permanente de l'éducation. D'autres organismes ont eu exactement la même réponse, nous a-t-on communiqué par téléphone. Au moins, est-ce qu'on pourrait faire une démarche pour écrire à ces organismes qui ne sont pas sur la liste choisie pour leur dire qu'on reconnaît, comme commission parlementaire, leur droit d'être convoqués et qu'ils seront convoqués au stade où ce sera justifié par le cheminement de nos travaux? C'est vrai que le règlement dit qu'ils seront convoqués...

Le Président (M. Blouin): Enfin, M. le député d'Argenteuil...

M. Ryan: ...dans les sept jours. Au moins, s'il y avait une communication qui leur était adressée pour corriger le préjudice qui leur a été causé et dissiper le malaise dans lequel ils se trouvent placés, cela pourrait clarifier la situation et on pourrait passer à autre chose. Mais, j'aimerais...

Le Président (M. Blouin): C'est une bonne solution, M. le député d'Argenteuil. Nous pourrions leur envoyer copie de l'article

118a.

M. Ryan: Sans excuse pour cette marque de discrimination qui a été commise à l'endroit de certains et sans explication. J'aimerais mieux qu'il y ait une lettre dans le même sens que la convocation qui leur a été adressée. Ce qui faisait curieux, c'est qu'on écrit à 78 organismes et on leur dit, dans la lettre de convocation: Selon le mandat de la commission, toute personne, tout organisme intéressé à se faire entendre est invité. Ce n'était pas nécessaire. Il n'y avait aucune urgence à inviter au mois de décembre ceux qui vont venir au mois de février. Le règlement mentionne sept jours avant la date où ils vont se présenter. Vous renvoyez les autres aux calendres grecques. Ils n'existent pas. Ils se font même dire, en s'enquérant de la discipline qu'on veut suivre, qu'ils n'ont pas été choisis. Je voudrais qu'on dissipe ce malaise pour que tout soit clair.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, je dois vous répéter, puisqu'il me semble que c'est mon rôle et mon devoir de tenir les travaux de cette commission parlementaire selon le règlement - de toute façon, nous ne pouvons pas faire autrement -que, dans mon esprit, et cela, en parfaite adéquation avec le règlement, tous les organismes et toutes les personnes qui ont déposé des mémoires au secrétariat des commissions peuvent être entendus à cette commission parlementaire, à moins que la commission ne décide qu'elle est suffisamment renseignée.

M. Ryan: "Ont un droit égal à": est-ce que cela serait acceptable pour vous?

Le Président (M. Blouin): "Ont un droit égal", à moins que la commission ne juge qu'elle est suffisamment renseignée, puisque cela fait partie des règlements.

M. Ryan: Si vous étiez prêt à leur écrire dans ce sens, je serais parfaitement satisfait.

Le Président (M. Blouin): Comme je viens de le dire, c'est exactement l'esprit du règlement 118a. Je suis prêt à leur écrire pour leur expliquer la teneur du règlement.

M. Ryan: Merci beaucoup.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député d'Argenteuil. Sur ce, nous allons maintenant désigner un rapporteur qui fera évidemment rapport de nos travaux à l'Assemblée nationale, lorsque nous aurons terminé.

M. Laurin: Je proposerais le député de Shefford, M. Roger Paré.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Shefford, très bien. M. le député de Shefford sera le rapporteur de cette commission. Comme le veut la procédure coutumière, je vais maintenant demander successivement à M. le ministre de l'Éducation et à M. le critique de l'Opposition de nous livrer, avant que nous n'entendions les premiers organismes invités, leurs remarques préliminaires. M. le ministre, vous avez la parole.

Remarques préliminaires M. Camille Laurin

M. Laurin: M. le Président, avant de vous présenter l'objet de nos travaux, j'aimerais faire trois remarques préliminaires. Je veux d'abord remercier les quelque 250 groupes, organismes ou citoyens qui ont pris le temps et la peine de préparer un mémoire pour cette commission. Certains y ont consacré des centaines d'heures et des efforts soutenus et considérables. Je crois qu'ils méritent notre profonde reconnaissance. Cette abondance de mémoires, de même que leur qualité, témoigne de l'extrême importance que revêt la mission éducative pour tous et chacun. Chacun veut pour lui-même ou ses enfants l'éducation la plus poussée et la meilleure possible, y voyant, à bon droit, une garantie et une condition essentielle de développement, d'épanouissement, d'insertion sociale et professionnelle réussie et, pour tout dire, de bonheur. Une collectivité, pour sa part, progresse d'autant plus sur tous les plans que chacun de ses membres peut bénéficier d'une éducation de qualité, en prise sur le milieu. Or, c'est précisément ce double objectif que vise le projet de loi.

Je voudrais enfin dire que j'ai rempli tous les engagements que j'avais rendus publics au cours de la démarche entreprise il y a deux ans. Le livre blanc a été déposé, tel que promis, à l'Assemblée nationale en juin 1982. J'ai tenu par la suite, tel que promis, des consultations dans toutes les régions du Québec et auprès de tous les partenaires du monde de l'éducation. À la suite de ces consultations qui m'ont permis de m'entretenir avec quelque 6000 participants, j'ai fait connaître une liste substantielle d'amendements importants en mars 1983. Tel que promis, le projet de loi, qui incorporait les éléments du livre blanc et les amendements, a été déposé à l'Assemblée nationale en juin 1983. Tel que promis encore, j'ai rendu publiques les orientations et la teneur des nouveaux règlements en octobre 1983, afin que les participants à la commission parlementaire puissent en tenir compte lors de la présentation de leur mémoire. Tel que promis enfin, une commission parlementaire a été convoquée,

afin que toute la collectivité québécoise participe, ne serait-ce que par le truchement de la télévision, à cet important débat et le fasse avancer avant que ne commence l'étude formelle du projet de loi à l'Assemblée nationale.

Au nom du gouvernement et en mon nom propre, je suis satisfait et fier que tous ces engagements aient été tenus. Ce respect de la parole donnée contribue déjà à donner à ce projet de loi et à la volonté gouvernementale qui en assure l'élan toute la crédibilité et l'importance appropriées.

L'Assemblée nationale, par sa commission élue permanente de l'éducation, inaugure donc aujourd'hui l'examen du projet de loi 40 sur l'enseignement primaire et secondaire public. La télédiffusion de ces travaux en souligne l'importance et permet à la population de s'y associer de plus près. De nombreux citoyens, organismes et associations ont manifesté leur volonté d'y prendre part activement dans les quelque 250 mémoires adressés à la commission. Ces mémoires s'ajoutent aux multiples interventions qui ont contribué déjà de manière significative à la qualité des débats.

Le moment vient de conclure l'ample démarche entreprise par la présentation du projet gouvernemental pour "Une école communautaire et responsable". La préparation du livre blanc, puis sa publication en juin 1982, la tournée effectuée dans les régions jusqu'à la fin de l'automne qui a suivi, l'annonce de modifications à la proposition initiale en mars 1983, le dépôt du projet de loi 40 en juin, la communication des orientations des futurs règlements en octobre, toutes ces étapes ont conduit résolument et sans précipitation à celle de la décision où nous entrons maintenant.

Je désire faire partager trois convictions qui m'animent au terme de ces deux ans d'intense réflexion collective.

Premièrement, la visée de départ continue de s'imposer avec vigueur. Le meilleur moyen de favoriser la qualité de l'éducation est de donner à l'école et à ses agents la place qui leur revient dans le système éducatif.

Deuxièmement, à défaut d'une unanimité sans doute impossible, des courants majoritaires se sont formés autour des aspects principaux du projet. Ces courants s'affirment assez puissamment pour porter plus loin, à la faveur des débats de cette commission, la considération de points restés controversés qu'il est souhaitable et possible d'améliorer.

Troisièmement, la société québécoise est en mesure de puiser, dans les vingt années d'efforts considérables qu'elle vient de consacrer à l'éducation, la sagesse et la détermination nécessaire pour parachever la réforme scolaire et pour mettre en oeuvre correctement autant qu'harmonieusement les changements qu'elle est apte à choisir.

Ces convictions, je les tire particulièrement de mon observation de la démarche accomplie jusqu'ici et je ne doute pas qu'elles trouveront de nouveaux appuis dans les travaux que commence cette commission. Permettez-moi, M. le Président, de rassembler mes propos autour de chacune de ces trois convictions. Le projet de loi 40, ainsi qu'il apparaît de plus en plus clairement à tous, est marqué au coin du souci toujours plus aigu d'assurer la qualité de l'éducation. Cette qualité de l'éducation ne peut se concrétiser plus efficacement qu'en plaçant l'école entre les mains de ceux qui la font. La proposition gouvernementale vise donc à remettre l'école aux élèves et à leurs parents, aux enseignants et au directeur: le but est de susciter la qualité de l'éducation à sa source même.

Tous s'accordent à reconnaître que l'école est, parmi toutes les instances du système scolaire, le lieu premier de la qualité de l'éducation, parce qu'elle est le lieu premier de l'activité éducative. Revaloriser l'école et son projet éducatif, c'est toucher la condition essentielle d'une bonne éducation, c'est-à-dire un milieu centré sur les enjeux éducatifs animés par des agents qui partagent des objectifs communs et qui sont solidairement responsables de ces objectifs, de leur action ainsi que de ses résultats. (11 heures)

Responsabiliser l'école, voilà la visée essentielle du projet de loi. "Une école communautaire et responsable." Tout le projet du gouvernement tient dans son titre. Projet vaste, nous l'avons tous pressenti dès le départ, projet simple, tout compte fait, qui repose sur une idée également simple: faire que l'école soit vraiment au centre du système scolaire; faire que sa vie et son développement commandent l'organisation, les règles de fonctionnement et les pratiques quotidiennes de tous les partenaires du système scolaire. Cet objectif constitue la réponse la plus directe aux préoccupations des parents, des enseignants et de l'ensemble des citoyens, qui mettent le plus souvent l'école au coeur de leurs discours sur l'éducation.

D'où vient donc ce projet? Il prend son sens et son inspiration dans l'évolution que poursuit le système scolaire du Québec. Il y a 20 ans, comme l'a rappelé le livre blanc, il importait d'élever le niveau de scolarisation de l'ensemble des jeunes, d'accroître considérablement et de répartir équitablement les ressources consacrées à l'éducation, de procéder à des regroupements qui permettraient d'atteindre plus facilement des seuils communs de qualité. Égalité des chances et accessibilité aux études commandaient alors de consolider, d'intégrer, de généraliser.

Mais, aujourd'hui, la situation a évolué. Nous disposons, dans l'ensemble du territoire, d'équipements scolaires importants; les enseignants et les autres personnels ont atteint des niveaux élevés de compétence et d'expérience; l'allocation des ressources financières est normalisée; les règles d'admission à l'école et de sanction des études ont été uniformisées; les régimes pédagogiques doivent être appliqués dans toutes les écoles; la plupart des programmes d'enseignement ont été renouvelés, précisés et enrichis de guides pédagogiques; le matériel didactique et le soutien pédagogique sont maintenant plus disponibles...

Tous ces instruments de la démocratisation des services éducatifs sont désormais bien en place. Ce qui importe maintenant, c'est que les communautés scolaires se les approprient pour mieux les intégrer au projet éducatif qu'il leur appartient de se donner dans chaque école. Ce qui importe, c'est que les moyens et les responsabilités se rejoignent au plan de l'école, là où s'exerce l'activité éducative. Ce qui importe, c'est de permettre à l'école d'être responsable d'elle-même.

Un double mouvement nous presse d'agir en ce sens et de porter plus loin l'évolution dans laquelle notre système scolaire est engagé; d'une part, la relance pédagogique, qui axe l'école québécoise sur le service de l'enfant et de ses apprentissages, d'autre part, des impératifs sociaux et communautaires qui appellent à la participation des usagers, premiers intéressés des services publics et à la prise en charge des agents et des milieux locaux par eux-mêmes.

Parlons d'abord de la relance pédagogique. Après la poussée soutenue de quinze ans de développement, nous nous sommes arrêtés collectivement, à l'aide d'un livre vert en 1977, pour faire le point au sujet de l'enseignement primaire et secondaire. Le document a donné lieu à l'époque à une consultation d'une envergure sans précédent, marquée par le retour de milliers de réponses au questionnaire qui l'accompagnait, par la présentation de 500 mémoires, par des audiences dans toutes les régions du Québec, par un débat public considérable. Une préoccupation centrale s'est alors imposée: la qualité de la pédagogie et des apprentissages. L'événement clé des dernières années en ce qui concerne l'évolution de l'éducation scolaire au Québec demeure sans conteste l'établissement du plan d'action "L'École québécoise" en 1979, puis des régimes pédagogiques en 1981 qui entendaient donner suite à la volonté générale de concerter efforts et attention sur cette préoccupation. Or ce mouvement a fait apparaître un partenaire paradoxalement nouveau pour le système d'éducation, c'est-à-dire l'école. Le titre même du plan d'action: "L'École québécoise", est à cet égard lourd de signification en parlant d'emblée de cette entité de base dont nos lois ne traitaient pratiquement pas jusqu'ici. Tout ce plan de 1979 portait sur une valorisation de l'école en mettant de l'avant le développement de projets éducatifs et leur prise en charge par leurs artisans les plus directs et les plus immédiats.

L'évolution des tendances sociales s'est, elle aussi, accélérée et nous pousse dans la même direction. Les tendances sociales accordent, en effet, de plus en plus d'importance à la place des usagers des services, à la responsabilité première des agents et des milieux locaux, à l'engagement et à la concertation des forces de développement régional. Dans les services publics en particulier, les citoyens deviennent de plus en plus sensibles aux contraintes de systèmes qui leur échappent, bloqués qu'ils sont dans des normes, des règles, des conventions.

Contre un envahissement des bureaucraties et une extension sans cesse accrue de l'intervention des pouvoirs supérieurs dans leur vie et dans la vie de leur milieu, ils cherchent les moyens de regagner prise sur des services qui leur appartiennent. Ainsi, quels éducateurs, quels parents, quels élèves n'éprouvent pas le sentiment que l'école leur échappe, prisonnière de tous les conditionnements extérieurs qui pèsent sur elle? Les lois 30 et 71 adoptées en 1979 ont amorcé déjà un redressement; elles entendaient rapprocher les partenaires immédiats de l'école entre eux et rapprocher l'école de son milieu en lui attribuant la possibilité juridique de se donner un projet éducatif et de se doter d'un conseil d'orientation. Ce n'était là qu'un début qui montrait la voie de développements plus importants.

Cette amorce s'est heurtée à d'importantes difficultés qu'il faut maintenant travailler à surmonter. À l'école, que fréquentent quotidiennement nos enfants, que pouvons-nous trop souvent observer? Le peu de prise des parents et des communautés locales sur les orientations et la vie de l'école, la faible autonomie et le maigre pouvoir de décision reconnu à l'école, à son directeur, aux enseignants et aux parents, l'incertitude sur le maintien ou la fermeture de l'école, la taille parfois excessive de l'école et la difficulté d'y créer un climat humain de qualité, le poids et la rigidité des conventions collectives et de leur application, les servitudes du transport scolaire et ses coûts humains, sociaux, pédagogiques trop élevés, le caractère limité de la vie démocratique à l'intérieur même de l'école, les malaises liés aux aménagements de la confessionnalité scolaire. Toutes ces doléances se sont exprimées maintes fois, sous maintes formes. Elles convergent vers

une même constatation de base: l'école, dont le plan d'action, "L'École québécoise", propose de faire le pivot du système scolaire, est en réalité tout autre chose que le pivot. À bien des égards, l'école est trop souvent bloquée; l'école n'a pas vraiment les moyens de ses responsabilités; l'école échappe à son directeur et à ses enseignants, à ses élèves et à leurs parents.

Les autres éléments du système scolaire sont évidemment partie prenante sous ce diagnostic. Aux commissions scolaires, on reproche leurs préoccupations souvent plus administratives que pédagogiques, leur éloignement des communautés locales, la lourdeur de leur fonctionnement et le poids de leur emprise sur les écoles. Le ministère de l'Éducation est l'objet de semblables griefs auxquels s'ajoutent les tendances à la centralisation et à la normalisation, l'extension et les lenteurs de la bureaucratie, des comportements et des attitudes peu propices au dialogue. On relève en outre, comme des causes de difficultés provenant de la structure des commissions scolaires, leur fréquente compartimentation selon les enseignements primaire et secondaire, leur nombre, leur chevauchement, leur division selon la confessionnalité.

C'est l'objectif poursuivi par le gouvernement dans son projet de s'affronter à ces difficultés. Le moyen choisi, c'est de responsabiliser l'école parce qu'il n'est pas de meilleure garantie de la qualité de l'éducation que de compter avant tout sur ceux-là même qui font l'école.

C'est autour de ce choix fondamental que s'articulent les principales composantes du projet de loi. Premièrement, dès les deux premiers chapitres et comme pour donner le ton à l'ensemble, le projet de loi définit la nature et les objectifs des services éducatifs offerts aux élèves. Il précise l'ensemble des droits et obligations des élèves et des parents en matière d'éducation scolaire. C'est tout à fait volontairement qu'est ainsi traité en priorité ce qui concerne les réalités éducatives elles-mêmes et les usagers auxquels elles sont destinées.

Deuxièmement, le projet de loi établit le statut de l'école et il définit l'ensemble des responsabilités et des pouvoirs qui lui sont reconnus. L'école sera un établissement exerçant des pouvoirs clairement définis dans la loi, notamment l'application du régime pédagogique, l'élaboration des programmes de services complémentaires, les modalités de l'évaluation des apprentissages, l'organisation des services éducatifs à l'intention de la collectivité. L'école est placée sous l'autorité d'un conseil d'école nettement conçu comme un lieu de concertation: dans le respect des compétences spécifiques de chacun, les représentants des divers partenaires, parents, enseignants, personnel non enseignant, élèves, seront appelés à faire ensemble avec le commissaire d'école et avec le directeur les choix jugés les plus bénéfiques pour la qualité des services éducatifs offerts aux élèves. Le projet de loi n'impose d'ailleurs pas un modèle unique pour la composition du conseil. Il ne détermine que le minimum apparu souhaitable pour en assurer le fonctionnement.

À moins que les intéressés n'en jugent autrement, ce conseil sera assisté d'un comité de parents, d'un comité d'enseignants et d'un comité d'élèves, ayant pour fonctions principales de conseiller le conseil d'école sur des sujets déterminés et de promouvoir la participation à la vie de l'école. De concert avec l'ensemble des comités de l'école, le conseil est responsable de donner à l'école des orientations et un plan d'action accordés à son milieu et de définir ainsi les éléments de base du projet éducatif de l'école. Le directeur d'école assure la mise en oeuvre de ce projet éducatif, l'administration courante et le bon fonctionnement de l'école, de même qu'il veille à la qualité des services éducatifs dispensés.

Troisièmement, le projet de loi redéfinit le statut et le rôle des commissions scolaires, en particulier leurs fonctions de soutien, de planification, de coordination et de répartition équitable des ressources. Les commissions scolaires ont ainsi la responsabilité d'assurer à la population de leur territoire les services éducatifs auxquels elle a droit, les écoles, pour leur part, ayant la charge de dispenser ces services. Pour raffermir l'enracinement de la commission scolaire dans la vie des écoles, le projet prévoit que les commissaires seront dorénavant membres d'un conseil d'école et élus au suffrage universel selon une liste électorale ayant comme unité de scrutin une école de la commission scolaire, librement choisie par les électeurs, plutôt que le quartier géographique de résidence, comme c'était le cas jusqu'ici.

Il est également prévu que les commissions scolaires auront dorénavant un statut linguistique, francophone ou anglophone, et qu'elles auront compétence, à la fois pour le primaire et le secondaire. Il est enfin prévu que leurs territoires seront modifiés et leur nombre réduit d'environ la moitié. (11 h 15)

Quatrièmement, en matière de confessionnalité scolaire, le projet de loi assure l'exercice démocratique des libertés de conscience et de religion et des droits historiques des communautés catholiques et protestantes. Ainsi le projet de loi garantit le droit à l'enseignement religieux catholique ou protestant et permet aussi, selon certaines conditions, des enseignements religieux d'autres confessions. Il établit partout le système d'options entre

l'enseignement religieux et l'enseignement moral, garantit aux catholiques les services d'animation pastorale, offre aux protestants la possibilité d'avoir des services d'animation religieuse, permet aux communautés scolaires de définir des projets éducatifs comportant certaines valeurs religieuses et accorde aux écoles de pouvoir demander, après une consultation des parents conduite selon les règles prévues, une reconnaissance comme école catholique ou protestante.

Cinquièmement, le rôle de l'État et, plus spécifiquement, du ministère de l'Éducation, est précisé et surtout recentré sur les grands encadrements nationaux relatifs aux services éducatifs, aux ressources humaines, aux ressources matérielles et aux ressources financières. Dans chacun de ces quatre champs, les responsabilités ministérielles sont plus nettement situées au plan de l'orientation, du maintien de la cohérence générale du système et de l'équité, c'est-à-dire de la justice. Le ministre est délesté de certains pouvoirs qui ressemblaient à des pouvoirs discrétionnaires. Certains pouvoirs ont été transférés aux commissions scolaires. Ainsi en est-il, par exemple, des autorisations de dérogation au régime pédagogique et des approbations des budgets. Le projet de loi prévoit également qu'un organisme sans but lucratif, majoritairement composé d'enseignants, pourra se voir confier des tâches de production pédagogique. Sera ainsi rendue plus transparente la participation de ces importants agents du réseau à l'élaboration de plusieurs instruments pédagogiques d'intérêt national. L'ensemble de ces dispositions s'inscrit dans une volonté de recentrer le ministère sur sa mission nationale propre et de favoriser un exercice plus décentralisé des responsabilités.

Sixièmement, enfin, le projet de loi prévoit des mécanismes et des modalités de mise en oeuvre du nouveau régime. Une commission nationale de mise en oeuvre, assistée de son comité exécutif et des comités locaux de mise en oeuvre, constitueront les principales chevilles ouvrières d'une implantation que l'on veut ordonnée, harmonieuse, respectueuse des besoins et des rythmes des communautés. On y précise que les conseils d'école disposeront du temps nécessaire pour assumer progressivement, selon le calendrier qui leur conviendra, les pouvoirs et responsabilités attribués par la loi aux conseils d'école.

Telle est donc la teneur du projet qui recentre le système scolaire entier sur l'école dans un nouvel équilibre entre les partenaires. La visée est claire et résolue, c'est-à-dire que notre loi régissant l'éducation scolaire, préscolaire, et l'enseignement primaire et secondaire, soit une véritable charte de l'école, assurant aux élèves des services éducatifs de qualité.

Après ce bref survol du projet de loi, j'aimerais maintenant commenter les principales objections qu'il a suscitées, même si elles ne me paraissent pas atteindre l'intention de fond du projet de loi. Ces objections ont trait d'abord à la déstabilisation qui menacerait le système scolaire à la suite des changements préconisés. À cet égard, je ferai simplement deux observations. D'abord, bien des commissions scolaires et des écoles n'ont pas attendu le projet de loi 40 pour chercher et réussir des aménagements inédits de leurs responsabilités en dépassant souvent les lois en vigueur et en s'avançant même plus loin que l'actuel projet de loi. Leur expérience démontre, dans les faits, non seulement que les changements envisagés sont applicables sans déstabiliser le système, ' mais encore qu'il est nécessaire de légitimer les efforts ainsi observés et surtout d'étendre à tous les milieux les possibilités ainsi ouvertes.

Ensuite, ceux qui soulèvent l'objection de la déstabilisation ne semblent pas s'apercevoir que ce sont les éléments avec lesquels ils sont généralement d'accord qui vont apporter le plus de changements structurels. Par exemple, la division des commissions scolaires selon la langue, l'intégration des enseignements primaire et secondaire sous une même compétence et la réduction du nombre de commissions scolaires. Il est pourtant curieux qu'à cet égard ils ne craignent pas le dérangement du système. En réalité, ce contre quoi ils en ont, c'est la nouvelle répartition des responsabilités. Mais ils ne parviennent pas à désigner les ambiguïtés qu'ils dénoncent. Et surtout, ils ne proposent rien pour les lever, sinon que de se replier sur le statu quo en renonçant au nouvel équilibre envisagé.

Ce sont souvent les mêmes opposants qui brandissent haut et fort, et systématiquement, contre toute évidence, l'autre objection principale, celle de la centralisation à laquelle serait livré le système scolaire sous le ministère de l'Éducation. Ces opposants ont nui à la teneur du débat suscité par le projet de loi. D'une part, en braquant les feux sur le ministère de l'Éducation, ils ont esquivé l'examen des vrais enjeux, c'est-à-dire les besoins de l'école en regard des besoins de l'enfant et, en conséquence, les nouveaux rapports à établir entre les partenaires. D'autre part, ils ont évité l'analyse même du projet, tâchant de parler d'autant plus fort que leur objection était sans fondement. Il est, en effet, profondément erroné de prétendre que le projet de loi 40 tend à affaiblir le rôle des commissions scolaires de manière à livrer les écoles démunies à l'emprise gouvernementale dans un propos inavoué d'étatisation.

Ceux qui exploitent cet argument manifestent plutôt leur incapacité de

remettre le moindrement en cause le rôle des commissions scolaires, sinon en tâchant de rattraper leur retard et de faire croire soudainement à leurs efforts de responsabilisation de l'école. Leurs craintes non fondées leur bouchent les yeux et les empêchent de lire correctement le texte même du projet de loi.

En réalité, non seulement les commissions scolaires sont clairement maintenues comme instances intermédiaires et conservent à l'égard des écoles de réelles responsabilités, mais encore les rapports de subordination qui les lient à maints égards actuellement au ministère de l'Éducation sont redéfinis en termes de partnership qui les associent organiquement, d'une part, au ministère et, d'autre part, aux écoles.

Par ailleurs, le ministère de l'Éducation n'est pas resté de son côté sans instituer son autocritique, ni sans se soumettre à la révision générale des rôles. Le projet de loi délimite plus précisément que jamais jusqu'ici ceux de ces rôles qu'il doit tenir en vertu de la mission éducative de l'État. À cet égard, dans son analyse du projet, le Conseil supérieur de l'éducation n'y voit pas autre chose, en ce qui concerne le rôle de l'État, que celui qui lui revient normalement. Le Conseil supérieur de l'éducation dit, en effet, dans son avis adopté à la 287e réunion, le 22 septembre 1983, aux pages 12 et 13 ceci: "Sans nier ou réduire les énoncés sur la primauté de l'activité pédagogique et sur la responsabilité des parents et des autres éducateurs en éducation, il est nécessaire -c'est le conseil qui parle - de reconnaître l'importance du rôle de l'État en éducation. C'est à lui que revient la responsabilité de proposer un plan d'ensemble, d'inviter à la coordination tous les agents. "En matière de pédagogie, précise encore le conseil, l'énumération des pouvoirs du ministre et du gouvernement correspond à l'idée que l'on peut se faire du rôle de l'État en éducation. C'est dit-il ce que l'expérience des 20 dernières années en éducation a appris à la population."

Dans l'application de ce rôle de l'État, il faut voir ainsi que je l'ai démontré sur pièce en communiquant, en octobre, les orientations des futurs règlements que le projet de loi 40 opère un important mouvement de décentralisation. Il transfère des pouvoirs réels aux commissions scolaires et aux écoles. Il réduit notablement la lourdeur bureaucratique de l'administration en transformant plusieurs dispositions qui prendront une portée générale plutôt que de requérir une intervention particulière en chaque cas. De la sorte seront entraînés une simplification et un allégement notable des transactions entre le ministère et les commissions scolaires.

À ceux qui persistent à faire croire que le ministère de l'Éducation conforte ses positions à la faveur du projet de loi, je demande quels sont les pouvoirs additionnels que s'arroge le ministère? En quoi les commissions scolaires et les écoles sont-elles affaiblies? J'affirme nettement, pour ma part, que le projet de loi vise la décentralisation du système scolaire vers les écoles. J'entendrai par ailleurs avec la plus grande attention toutes les recommandations présentées à cette commission pour améliorer le projet de loi en ce sens.

J'ai fait moi-même l'exercice de relire une nouvelle fois le projet afin de le rendre encore plus net si possible sur ce point. J'ai annoncé quelques amendements en rendant publiques au mois d'octobre les orientations des règlements prévus dans la suite du projet de loi. Il s'agit de trois suppressions dans la liste des matières assujetties au pouvoir de réglementation du gouvernement ou du ministre de l'Éducation. J'ajoute aujourd'hui cinq autres amendements dans le même sens.

Amendements au projet de loi

Je dépose pour publication au journal des Débats la liste de tous ces amendements qui paraît dans l'annexe au texte des notes qui servent au présent exposé.

Selon l'article 33, "le ministre peut établir une école à vocation régionale ou nationale"; il est proposé de préciser qu'une telle école ne puisse être instituée qu'après entente avec la commission scolaire dont elle relèvera, cette entente statuant sur toutes les matières énumérées dans la suite de l'article.

Selon l'article 234, "une commission scolaire doit, à la demande du ministre, transférer la propriété d'un immeuble excédentaire à un organisme public que le ministre désigne"; le retrait de cet article est proposé.

L'article 242 exige que la commission scolaire intègre dans son budget de l'année suivante son déficit ou son surplus; il est proposé de maintenir cette exigence en ce qui concerne le déficit, mais de permettre à la commission scolaire d'étaler son surplus comme elle l'entend.

À l'article 245, le pouvoir accordé au ministre de préciser le mandat du vérificateur externe nommé par la commission scolaire est nouveau, bien que le ministre l'exerçât déjà avec l'accord des commissions scolaires; sans contester ce pouvoir, des organismes ont demandé qu'il soit restreint de telle sorte que les précisions définies par le ministre s'appliquent généralement au mandat de tous les vérificateurs et non particulièrement à tel vérificateur; on demande également que de telles précisions soient apportées après consultation des commissions scolaires. Il est proposé que l'article soit modifié dans le sens de l'une et de l'autre demande.

II est proposé de supprimer l'alinéa 6 de l'article 308 au sujet des renseignements à fournir pour l'autorisation d'emprunter sur un marché étranger; les articles 246 et 247 suffisent à cet égard.

Il est proposé de supprimer l'alinéa 5 de l'article 309 au sujet des conditions d'admission d'un élève qui ne relève pas de la compétence d'une commission scolaire et au sujet de la prescription et des modalités de paiement des frais de scolarité; il sera traité de ces matières en meilleure place dans les règles budgétaires annuelles, établies après consultation obligatoire des commissions scolaires.

Il est proposé de supprimer les alinéas 6 et 7 de l'article 309 également au sujet des allocations versées aux commissaires et au sujet des normes de remboursement des dépenses des commissaires et des membres d'un conseil d'école ou d'un comité; un nouvel article habilitera plutôt la commission scolaire à décider en ces matières (nouvel article 191).

Il est proposé de modifier l'article 353 en établissant que les normes de transfert et d'intégration des personnels syndiqués des anciennes aux nouvelles commissions scolaires soient déterminées par entente avec les syndicats.

Je suis tout disposé à considérer d'autres amendements susceptibles d'établir hors de tout doute la volonté de décentralisation inscrite dans le projet de loi.

J'en arrive maintenant à ma deuxième conviction selon laquelle, au-delà des courants majoritaires qui se sont dégagés, d'autres améliorations demeurent nécessaires et possibles. J'estime en effet que le projet gouvernemental est encore perfectible et qu'il vaut la peine d'y travailler avec résolution parce que c'est un projet que nous devons et que nous pouvons réaliser. Les objections de la déstabilisation et de la centralisation ne prévalent pas réellement contre lui. Le débat au contraire a permis que se fassent jour des courants majoritaires assez forts pour accréditer nettement les éléments les plus centraux du projet et pour laisser voir la possibilité d'améliorer plusieurs points demeurés litigieux.

Une première ligne de convergence s'est dessinée quant à la valorisation et à la responsabilisation de l'école. L'accord est général sur la nécessité de donner à l'école plus d'importance, plus de pouvoir, plus de stabilité aussi - et en particulier grâce aux moratoires sur les fermetures d'établissements - et de la replacer avec plus d'évidence au centre de notre organisation scolaire. C'est là le coeur même du chapitre troisième du livre blanc où sont exposés les fondements de la proposition gouvernementale. C'est également la poutre maîtresse autour de laquelle est charpenté le projet de loi.

(11 h 30)

Un deuxième lieu de convergence, très proche du premier, porte sur le développement et l'affermissement des projets éducatifs locaux, de même que sur leur enracinement dans la vie socio-communautaire des milieux. Il s'agit là de permettre à l'école de définir ses besoins, ses valeurs, ses objectifs et ses priorités en fonction de ce que pensent, de ce que vivent, de ce que constatent parents, élèves, enseignants et autres membres du personnel. Le projet de l'école, élaboré et poursuivi en concertation, guide son organisation et se traduit en un plan d'action dont chacun prend sa part. Les partenaires de l'équipe-école cherchent ainsi à utiliser chaque ressource, chaque moment, chaque activité, en fonction des besoins et des objectifs d'apprentissage des enfants. Chaque école doit être en mesure de former et de vivre quotidiennement son identité, de poursuivre ses propres visées, de s'ouvrir aux besoins de la communauté à laquelle elle appartient, de devenir en somme un véritable pôle de développement culturel, en prise sur son milieu. Cette école, mise en possession de ses usagers et de ses agents, rejoint ainsi les aspirations d'une vaste majorité de citoyens.

Une troisième convergence a trait à l'accroissement du rôle des parents dans l'organisation et l'orientation de la vie des écoles. Les parents, premiers responsables de l'éveil et de la croissance de leurs enfants, désirent une participation plus déterminante à leur cheminement scolaire et aux services éducatifs qui leur sont destinés. Des craintes et des appréhensions ont pu se manifester. Des marchands de peur s'en sont immédiatement emparés pour convaincre les parents qu'ils allaient s'en mettre trop sur le dos. Il reste qu'un courant très majoritairement favorable s'est dégagé autour de cette intention de fond, en dépit de résistances qui n'ont peut-être rien d'étonnant dans la structure et le système en place.

Le Conseil supérieur de l'éducation l'observe encore ici très clairement: "Si l'on se fie aux congrès et assemblées de parents qui ont suivi l'annonce du projet gouvernemental de restructuration scolaire, on se rend compte que les parents demeurent fidèles à l'attitude observée dans l'enquête du conseil en 1978: ils veulent participer à part entière aux prises de décision dans l'école tout en n'ayant pas l'intention en quoi que ce soit de supplanter les éducateurs à qui ils confient leurs enfants. Ils ne veulent pas devenir maîtres absolus dans l'école. Mais ils veulent, de plus en plus, exercer une capacité réelle d'intervention sur le plan pédagogique. "De même, ajoute le conseil, la présence des parents au conseil d'administration de la commission scolaire

depuis 1979, les groupes consultés l'ont confirmé, a permis un regard neuf sur les questions relatives à l'administration scolaire en centrant davantage les commissions sur ce qui favorise l'activité pédagogique des écoles. De ce seul fait, on peut penser à une représentation élargie des parents sans pour autant aller jusqu'à un conseil composé uniquement de parents." C'était une citation du Conseil supérieur de l'éducation.

La nécessité d'une redéfinition de la carte scolaire présente une quatrième ligne de convergence. Un accord d'importance majeure se construit quant au choix de la division linguistique des commissions scolaires. Cet accord est également observé de manière explicite par le Conseil supérieur de l'éducation, et je le cite: "On peut dire sans trop de risque de se tromper, écrit le conseil, qu'un certain consensus est en train de se former autour d'une restructuration des commissions scolaires sur une base linguistique. Les consultations du conseil à cet égard sont révélatrices. Plusieurs intervenants, tant chez les anglophones que chez les francophones, préfèrent opter pour des commissions scolaires linguistiques. On juge qu'il s'agit là d'un compromis historique acceptable, celui qui a le plus de chance de réussir.

D'autres points sont aussi agréés, par exemple: la réduction du nombre de commissions scolaires, la suppression des dédoublements confessionnels, l'intégration des compétences quant à l'enseignement primaire et quant à l'enseignement secondaire. Voilà autant d'objets qui auraient en d'autres temps, suscité des affrontements passionnés et qui reçoivent actuellement de larges appuis dans la perspective d'une structure organisationnelle et d'un découpage territorial à la fois plus rationnel, plus fonctionnel et mieux accordé aux besoins éducatifs et à ceux des communautés.

Un courant majoritaire, enfin, s'est également formé quant au réaménagement de l'exercice de la confessionnalité scolaire: inscription du droit à l'enseignement religieux dans la loi elle-même, généralisation du système d'option entre l'enseignement de la religion et l'enseignement de la morale, maintien des services d'animation pastorale et possibilité pour l'école d'obtenir un statut confessionnel. Toutes ces dispositions ont l'accord du grand nombre.

Il faut se réjouir que la collectivité ait su mener ce débat difficile et qu'un certain consensus, qui ne saurait certes forcer l'unanimité, ait pu s'établir ainsi sur la nécessité de procéder dans le respect des droits et libertés de la personne, de même que dans le respect de nos traditions, à des changements d'importance.

Toutes ces convergences, on a pu les voir s'affirmer avec de plus en plus de constance et de netteté. Il importe d'autant plus d'en prendre acte que des oppositions opiniâtres pourraient risquer de nous faire oublier que, comme, peut-être, à aucun autre moment de notre histoire des 20 dernières années, de larges accords se sont réalisés sur les éléments les plus centraux du dossier si vaste et ardu de la restructuration scolaire.

Mais il est d'autres éléments de la proposition gouvernementale qui n'ont pas recueilli autant d'adhésions et qui ont prêté à de plus ou moins amples controverses. Controverses qui n'ont pas été inutiles puisqu'elles ont permis de nouveaux approfondissements, comme il faut toujours l'attendre d'une discussion raisonnable. À la faveur de ces approfondissements, le gouvernement s'est attaché à améliorer certains aspects de sa proposition en introduisant des modifications qui sont maintenant intégrées dans le présent projet de loi. D'autres améliorations demeurent cependant souhaitables et possibles, ainsi que je l'ai indiqué tantôt en parlant de la décentralisation. J'ai fait part déjà de nouveaux amendements à ce sujet.

J'ajoute ici une autre proposition d'amendement, également formulée en annexe. Elle a trait aux normes de transfert et d'intégration des personnels syndiqués, des anciennes aux nouvelles commissions scolaires. Plutôt que de maintenir l'article 353 remettant au ministre le soin de déterminer ces normes, j'ai demandé qu'elles soient établies par entente avec les représentants des personnels intéressés. En ce qui concerne le personnel cadre, la concertation sera assurée également en cette matière avec les associations. Cette démarche est en cours et je demanderai que soit amendé en conséquence l'article 353 du projet de loi.

D'autres aspects du projet sont susceptibles d'être ainsi améliorés, particulièrement à la faveur des travaux de cette commission. Je signale l'aspect suivant fort important: la composition du conseil d'administration des commissions scolaires et le mode d'élection de ses membres. Les avis paraissent se rassembler à ce sujet autour d'une formule située entre le statu quo et la proposition initiale du gouvernement parue dans le livre blanc. Le gouvernement a retenu une formule du genre dans le projet de loi. Le conseil supérieur en a recommandé une autre selon laquelle le conseil d'administration d'une commission scolaire se composerait de représentants élus par les conseils d'écoles et de citoyens élus au suffrage universel par circonscription, les premiers devant être majoritaires.

Je considère qu'il y a place encore pour la recherche d'une solution qui s'approche le plus possible des paramètres qu'il faut tâcher de tenir ensemble, c'est-à-dire un conseil qui concilie la représentation des communautés-écoles, la représentation

des contribuables et des citoyens ainsi que le maintien du suffrage universel. Je souhaite donc que des améliorations du projet de loi surgissent de l'examen des mémoires présentés à la commission et des discussions qui vont s'ensuivre.

La troisième conviction que je désire maintenant exprimer, c'est que le moment est venu d'une décision réfléchie à l'égard d'un projet issu des expériences d'échecs et de réussites des 20 dernières années, mûri et débattu pour lui-même depuis de longs mois. Je suis persuadé que nous sommes collectivement capables de franchir ce pas et de nous engager de manière à la fois prudente et résolue dans de nouvelles réalisations. Le projet repose en effet sur de solides assises. Il s'inspire d'abord des résultats de consultations systématiques comme celles qui ont suivi la parution du livre vert sur l'enseignement primaire et secondaire - ainsi que je l'ai rappelé - mais aussi d'enquêtes scientifiques comme celles qui ont été menées sur les enseignants du Québec et sur la participation des parents dans l'école, de sondages, de relevés des opinions exprimées dans les médias, dans des colloques, des tables rondes, des manifestes de tout genre. Plus immédiatement, c'est le renouveau pédagogique marqué par l'énoncé politique et le plan d'action à l'école québécoise qui a déclenché cette nouvelle proposition gouvernementale.

Les éléments de ce renouveau pédagogique sont nombreux et importants: revalorisation de la formation de base, allongement de la formation générale, équilibre nouveau des matières à enseigner, renouvellement et précision des programmes d'étude, fabrication de guides pédagogiques, détermination des pratiques d'évaluation des apprentissages, relance des services personnels et complémentaires à offrir aux élèves, amélioration des mesures destinées aux besoins de groupes particuliers, comme élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, élèves de milieux économiquement faibles, enfants inuits et amérindiens, intensification des échanges d'information entre l'école et les parents.

Les nouveaux régimes pédagogiques ont intégré tous ces éléments. Ils se sont accompagnés d'autres dispositions: lois 30 et 71, touchant le projet éducatif de l'école et la participation des parents, orientation sur la place des élèves dans le système scolaire, politique de la formation professionnelle des jeunes, politique de la formation et du perfectionnement des enseignants, plan d'introduction de l'informatique à l'école. C'est dans cet immense mouvement essentiellement animé par la recherche de la qualité de l'éducation que s'inscrit le projet de loi maintenant à l'étude. Il ajoute moins à des changements ressentis déjà comme nombreux qu'il n'offre un meilleur instrument pour assumer ces changements au service de la pédagogie et des apprentissages.

En effet, ce qu'il s'agit de faire maintenant, c'est de donner à l'école les moyens de réaliser l'ensemble de ce renouveau. Il faut nous assurer que l'école a vraiment, structurellement, pourrions-nous dire, les pouvoirs qui correspondent à ces responsabilités. Autrement, à défaut d'en avoir vraiment les moyens, l'école pourrait bien ne pas pouvoir vivre son projet éducatif ni aller au bout du renouveau pédagogique dans lequel elle est engagée. Elle pourrait même - et cela bien des gens le déplorent déjà - être rapidement récupérée par toutes les technocraties que nous savons. (11 h 45)

L'une des conditions majeures créées par le projet de loi pour favoriser cette prise en main de l'école par elle-même c'est qu'il fait de l'école un authentique centre de décision. Il lui assure une autonomie - une marge de manoeuvre, comme on dit - plus grande que celle dont elle dispose actuellement. L'école pourra dorénavant être vraiment responsable, c'est-à-dire assez maîtresse de ses choix et de ses gestes pour pouvoir en répondre auprès de ceux qu'elle doit servir. La responsabilisation de l'école, c'est essentiellement cela et c'est ce que le projet de loi propose à tous les partenaires du système scolaire - parents, éducateurs enseignants et non enseignants, administrateurs, commissaires - et à l'ensemble de la population qui les soutient. C'est tous ceux qui oeuvrent dans l'éducation scolaire de nos enfants et nos enfants eux-mêmes qui reçoivent la possibilité de prendre pleinement leurs responsabilités, sans devoir s'en remettre à quelque pouvoir supérieur et souvent anonyme dont les gestes les dispenseraient d'avoir à assumer les orientations et les résultats de leurs propres actions.

L'expérience de la réforme des années soixante est bien claire à ce sujet. La décision qui nous est proposée s'éclaire davantage encore, en effet, si nous prenons du recul en l'inscrivant aussi dans notre évolution scolaire des vingt dernières années. Rendre l'école accessible, accroître la qualité des apprentissages, favoriser l'enracinement des écoles dans leur milieu, réunir parents et personnel scolaire autour d'un même projet, n'est-ce pas ce qu'à travers chacune des étapes franchies, nous recherchons et poursuivons depuis le début de la réforme scolaire? En fait, aucun des besoins et des problèmes soulevés dans le projet gouvernemental n'est totalement nouveau; peu de solutions, non plus, dont on n'ait pas déjà discuté d'une façon ou d'une autre. Le projet de loi actuel reprend à son compte les cheminements commencés.

Dans la mesure où le renouveau pédagogique réclamait avant tout l'attention

au cours des années soixante-dix, les problèmes de structures demeurés pourtant lancinants et irrésolus depuis le rapport Parent s'étaient estompés momentanément. Mais ils se sont imposés à nouveau quand il s'est agi d'assurer à l'école les moyens nécessaires pour se prendre en charge selon ses responsabilités pédagogiques plus nettement reconnues. En même temps que la mise en oeuvre du plan d'action ramenait d'elle-même à l'attention collective la question des structures, elle suscitait cependant une nouvelle manière de l'aborder: désormais, c'est la pédagogie qui détermine la question des structures, c'est la pédagogie qui indique la base sur laquelle entreprendre de restructurer, et cette base, c'est l'école même. Voilà ouverte la voie par laquelle assumer enfin toutes les parts de l'héritage de la commission Parent restées trop longtemps en suspens.

L'ensemble de ces facteurs manifeste qu'une décision peut maintenant être arrêtée. Tous les problèmes ne sont pas parfaitement résolus. Mais, ainsi que l'observe le Conseil supérieur de l'éducation, et je le cite, "un système d'éducation a plus de chances de se transformer positivement s'il s'appuie sur une volonté commune pragmatique plus que sur une logique idéale mais sans racines concrètes." En considérant le chemin parcouru et l'étape où nous sommes, il est possible d'affirmer que nous avons atteint, à maints égards, une sorte de momentum historique qu'il est impérieux de saisir en cueillant certains fruits parvenus à maturité et en tablant sur des convergences plus fortes que jamais. Nous ne pourrions réprimer un sentiment de profonde déception dans la conscience collective si nous devions échouer au moment même de décider.

La décision importe, mais également sa mise en oeuvre par la suite. Il faut veiller avec soin aux conditions de cette mise en oeuvre. À cet égard, l'inspiration du projet doit être celle qui guide son implantation. Le projet est fondé sur cette idée force: personne ne peut mieux assurer la qualité de l'éducation que ceux-là même qui font l'école. Il est essentiel de favoriser avant tout la prise en charge de l'activité éducative par les premiers intéressés. De même, en conséquence, la mise en oeuvre du projet doit être assumée aussi par les intéressés en premier lieu. C'est eux qui devront se trouver au coeur et au centre des concertations nécessaires.

Il faut voir que trois postulats de base sont alors en cause auxquels doivent adhérer l'ensemble des partenaires. Ces postulats sont les suivants: accepter la diversité comme richesse, reconnaître la compétence des uns des autres, respecter les responsabilités les uns des autres. Je sais que le ministère de l'Éducation cède, de l'avis de plusieurs partenaires, au travers de se croire trop souvent le seul compétent et responsable. J'entends donc qu'il mette en oeuvre lui-même et résolument les postulats avancés et veiller à ce qu'il évite de jouer des rôles à la place d'autres partenaires.

Il s'agit en réalité d'une saine pédagogie que tous les éducateurs ont à s'appliquer à eux-mêmes de la manière dont ils sont invités à le faire par notre politique éducative et nos programmes d'études dans leurs interventions auprès des élèves, c'est-à-dire reconnaître et respecter les différends, aider à apprendre, stimuler la motivation, tenir que chacun est apte à faire ce qu'il faut et ne pas le faire à sa place.

C'est dans ces perspectives que j'ai bien l'intention de situer la mise en oeuvre du projet gouvernemental. La démarche enclenchée au sujet des normes de transfert et d'intégration des personnels, et dont j'ai fait mention tantôt, dans mes propositions d'amendement du projet de loi, s'inscrit dans le sens de l'association des partenaires et de la responsabilisation des premiers intéressés. Il en sera de même quant aux manières d'assurer le soutien de tous les agents dans leur nouveau rôle.

Des ressources et des pratiques sont déjà appliquées au perfectionnement, à l'animation, au soutien des commissaires, des parents membres de conseils et de comités, les cadres, les directeurs d'écoles, les enseignants et autres personnels. Beaucoup n'ont pas attendu le projet de loi 40 pour s'intéresser activement à la décentralisation, à l'autonomie de gestion, aux projets éducatifs de l'école. Depuis l'adoption de la loi 71, en 1979, de multiples initiatives sont nées en ce sens à même les ressources et les services déjà disponibles, réaménagés et exploités selon les nouveaux choix des intéressés eux-mêmes. Le rôle du ministère n'est pas de définir d'en haut les formes de soutien nécessaires. Son rôle est d'assurer les ressources. Il est aussi de veiller à la meilleure information possible de tous les intéressés quant aux lois, règlements, cadres généraux que les communautés scolaires sont appelées à s'approprier en percevant les objectifs poursuivis et en dégageant de ce qui est prescrit toutes les virtualités de prise en charge autonome et responsable.

La tâche de mettre en oeuvre le projet adopté sera confiée spécialement à une commission nationale et à des comités locaux. Ces organismes auront un rôle déterminant à jouer non seulement quant aux démarches à accomplir, mais aussi quant aux ressources de soutien à assurer et quant à l'esprit qui doit animer toute l'entreprise. Sur tout ce qui peut éclairer et faciliter cette tâche, je serai particulièrement heureux d'accueillir les suggestions que voudront formuler tous ceux que s'apprête maintenant à recevoir cette commission parlementaire.

En conclusion, je voudrais affirmer à nouveau que les trois convictions que j'ai exprimées, nous pouvons tous les observer à l'oeuvre dans le mouvement qui porte et anime l'ensemble du projet proposé maintenant à l'adoption de l'Assemblée nationale. Je forme le voeu que les débats conduits dans cette dernière étape s'inscrivent dans le même mouvement et qu'ils mènent, dans un esprit d'ouverture et de résolution à la fois, au pas décisif qu'il nous est possible de franchir.

Une école éducative, humaine, attentive aux besoins des enfants, une école capable de favoriser les apprentissages, de définir et de poursuivre un projet éducatif de qualité centré sur les enfants et bien enraciné dans la communauté; une école dont l'ensemble des agents collaborent à une même oeuvre et s'efforcent de créer un milieu où il fasse bon vivre et apprendre, n'est-ce pas ce que nous voulons tous? Et n'est-ce pas ce qui nous indique sans l'ombre d'un doute qu'on ne se trompe pas en voulant faire de l'école le pivot du système scolaire? Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le ministre. M. le député d'Argenteuil, vous avez la parole.

M. Claude Ryan

M. Ryan: Merci, M. le Président. Dès le début des travaux de la commission parlementaire permanente de l'éducation qui est chargée d'examiner les vues de la population québécoise sur le projet de loi 40, je voudrais féliciter les organismes du milieu de l'effort considérable de recherche et de réflexion auquel ils se sont livrés en guise de préparation aux séances publiques de la commission parlementaire.

Mes collègues et moi-même avons lu avec beaucoup d'intérêt et de profit les quelque 250 mémoires soumis à notre attention. Nous y avons trouvé une connaissance vécue des problèmes scolaires, une accumulation d'expertises pédagogique, administrative et professionnelle, une recherche de réalisme et d'équilibre, un souci, enfin, du bien de l'enfant, de la famille et de l'école dont nous avons lieu d'être fiers comme collectivité. Un journaliste écrivait en fin de semaine que, de tous les sujets susceptibles de nous passionner, l'éducation est encore celui qui nous fait réagir le plus spontanément et je dirais peut-être aussi de la manière la plus intéressée. À travers toutes les déceptions que nous avons connues ces dernières années, il y a là de quoi nous encourager à poursuivre avec optimisme notre recherche d'un destin collectif sans cesse meilleur.

De tous les biens que les sociétés modernes mettent à la disposition de leurs membres, il n'en est pas de plus fondamentaux ni de plus productifs en longue période que ceux qui se rattachent au système d'enseignement. Les sociétés qui veulent progresser au plan économique doivent investir généreusement dans la formation sans cesse renouvelés d'une main-d'oeuvre souple et compétente. Les sociétés qui veulent s'assurer un avenir solide et créateur, non seulement au plan politique, mais aussi aux plans social, culturel et moral, doivent fournir à leurs citoyens, par l'entremise d'un système d'enseignement dynamique, une préparation appropriée en vue des tâches de la vie professionnelle et des défis de la vie familiale, civique, politique et religieuse.

Dans son rapport récent sur le déclin de l'enseignement public aux États-Unis, rapport intitulé "A Nation at Risk", la commission nationale sur l'excellence en éducation, créée par le président Reagan, tire deux conclusions majeures. Elle constate d'abord que la qualité générale du système d'enseignement américain a connu une diminution inquiétante, d'où elle conclut qu'en raison de leurs performances médiocres dans le domaine de l'éducation, les États-Unis sont maintenant menacés de perdre la place dominante qu'ils ont occupée dans les affaires mondiales au cours de la dernière génération. La commission conclut ensuite qu'il n'y a pas d'autre voie vers l'excellence pour une nation que la poursuite incessante des normes les plus élevées dans le domaine de l'éducation. "La connaissance, l'étude, l'information, le perfectionnement de l'esprit, écrit la commission d'enquête américaine, sont les nouvelles matières premières sur lesquelles se fondent désormais les échanges entre les peuples. Elles connaissent aujourd'hui une diffusion aussi fulgurante que celle que connurent naguère les nouveaux médicaments miracle, les fertilisants synthétiques et les "blue jeans". Ne serait-ce que pour conserver et améliorer la marge ténue dont nous disposons encore sur les marchés internationaux - c'est toujours la commission d'enquête américaine qui parle - nous devrons nous consacrer à la réforme de l'éducation pour tous, pour les jeunes et les vieux, pour les riches et les pauvres, pour la majorité autant que pour la minorité. L'acquisition des connaissances, voilà l'indispensable investissement dont nous avons besoin pour réussir dans l'âge nouveau de l'information où nous entrons." (12 heures)

La Commission nationale sur l'excellence en éducation refuse toutefois de limiter ses horizons aux seules questions du commerce et de l'industrie. Elle embrasse aussi les lignes de force intellectuelles, morales et spirituelles du peuple américain, lesquelles, et je cite de nouveau la

commission, "sont le tissu même de notre société. Le peuple américain doit savoir ceci: les personnes dépourvues du niveau de développement, de connaissances et de culture essentiel à notre époque ne se verront pas seulement refuser les avantages matériels qui sont le corollaire de la compétence professionnelle, elles seront aussi incapables de participer pleinement à la vie nationale. Aussi, un niveau élevé de participation aux bienfaits de l'éducation est-il essentiel au fonctionnement d'une société libre et démocratique, et à la promotion d'une culture commune à tous les citoyens et ce particulièrement dans une société qui s'enorgueillit de la place centrale qu'elle accorde au pluralisme et à la liberté individuelle".

Parce qu'il a compris depuis longtemps l'importance capitale de l'éducation pour l'avenir du peuple québécois, le Parti libéral du Québec a été à l'origine de la plupart des changements apportés à notre système d'enseignement depuis le début du XXe siècle. À une époque plus récente, on lui doit particulièrement la démocratisation et la modernisation du système d'enseignement du Québec, lesquelles furent effectuées avec audace et courage par le gouvernement Lesage au début des années soixante. Le développement de l'enseignement secondaire et collégial public; la gratuité de l'enseignement à ces deux niveaux; le développement de l'enseignement universitaire; la multiplication phénoménale des effectifs étudiants aux niveaux secondaire, collégial et universitaire; la syndicalisation généralisée des personnels enseignants et l'amélioration considérable des conditions de travail dans ce secteur; le développement de l'éducation des adultes à tous les niveaux; autant de progrès qui tirent leur origine de l'élan inspiré et des postulats posés dans le secteur de l'éducation par la révolution tranquille.

En raison de l'intérêt très vif que nous avons toujours porté à l'éducation, nous du Parti libéral du Québec avons suivi de manière très active les débats qui ont entouré le projet de réforme des structures de l'enseignement primaire et secondaire et ce dès avant la publication du livre blanc de juin 1982 sur l'école communautaire et responsable. Dès les mois qui précédèrent la publication du livre blanc, une commission spéciale de notre parti, que dirigeaient M. Henri-François Gautrin et le député de Marguerite-Bourgeoys, M. Lalonde, effectuait une tournée du Québec afin de sonder le pouls de la population à ce sujet. À l'issue de son travail, la commission spéciale publiait un rapport qui a largement servi d'inspiration aux orientations que nous avons défendues depuis ce temps. Toutes les étapes qui ont suivi la publication du livre blanc ont été l'objet d'une attention suivie de la part de notre formation politique. Chaque fois qu'il le fallait, nous sommes intervenus avec vigueur et clarté, mais autant que possible sans partisanerie et surtout en évitant de verser dans les procès d'intention et les querelles stériles de personnalité.

Vu l'importance souveraine que nous attachons à l'éducation, vu le rôle capital du système d'enseignement dans la formation et la transmission des valeurs fondamentales qui permettent l'existence dans notre société d'un consensus transcendant les divergences culturelles et religieuses et les oppositions partisanes, il eut été souhaitable, à mon point de vue, qu'une réforme comme celle que veut engager le gouvernement avec le projet de loi 40 donne lieu, comme cela arrive assez souvent à l'Assemblée nationale, à un consensus large entre les partis politiques.

À une période où les assises mêmes de notre société ont été plus souvent qu'à leur tour ébranlées et où nous paraissons plus incertains que jamais au sujet de notre avenir collectif, un consensus ferme autour des finalités et des structures de l'enseignement primaire et secondaire eut été de la part de notre société un signe encourageant de cohésion. Nous avons travaillé, quant à nous, à faciliter un tel consensus en mettant l'accent dans nos interventions sur les aspects positifs. Mais, à moins que ne se produise un changement de cap important du côté gouvernemental, tel ne paraît pas être la direction dans laquelle nous nous orientons.

En tout premier lieu, le contexte actuel n'est guère propice à une réforme d'envergure comme celle que propose le ministre de l'Éducation. De l'avis général, les milieux concernés, le monde de l'éducation n'a pas encore fini, loin de là, de diriger les effets des soubresauts très importants survenus depuis quelques années dans ce secteur. On commence à peine l'implantation des nouveaux régimes pédagogiques et des nouveaux programmes. On tente encore, tant bien que mal, de réparer les effets souvent dévastateurs des coupures budgétaires chez les enseignants qui demeurent les premiers artisans du système d'enseignement. L'impact des décrets imposés l'an dernier, de manière autoritaire et unilatérale par le gouvernement s'avère si lourd que le ministre de l'Éducation s'est vu obligé récemment de solliciter à ce sujet l'intervention spéciale du Conseil supérieur de l'éducation. Ce n'est d'ailleurs que dans quelques mois que nous saurons à quel degré la qualité de l'enseignement a pu être affectée par l'effet des coupures et des décrets.

Que le gouvernement veuille entreprendre dans un contexte aussi difficile une réforme dont le succès dépendra inexorablement de la collaboration entre les partenaires et de l'esprit de confiance qui

existera entre eux voilà qui tient soit de l'illusion, soit du caprice, soit de l'entêtement mais sûrement pas d'une vue pondérée et réaliste des choses. C'est d'ailleurs là l'une des principales critiques que l'on a adressées à partir des sources les plus diverses au livre blanc sur l'école communautaire et responsable. Sur la base d'observations individuelles glanées ici et là, les auteurs de ce document ont dressé de toute pièce une problématique artificielle qui apparaît beaucoup plus comme une construction de l'esprit que comme un portrait fidèle de la réalité. Il n'est pas étonnant qu'à partir d'une base aussi contestable ils aient été amenés à concevoir pour l'école de demain l'échafaudage branlant et incertain que décrit le projet de loi 40.

En second lieu, il importe de signaler l'absence de tout consensus le moindrement substantiel autour des propositions mises de l'avant par le ministre de l'Éducation. J'écoutais le ministre tantôt parler des convergences plus fortes que jamais qu'il croit observer. Au niveau de la stratosphère c'est peut-être un fait, la stratosphère où lui-même semble évoluer plus souvent qu'autrement. Je crois que s'il a lu attentivement les mémoires qui ont été soumis à cette commission et dont nous aurons l'occasion de prendre connaissance, c'est là une observation qui est hautement contestable. La très grande majorité de ces mémoires remettent en effet en cause, l'une ou l'autre des orientations jugées fondamentales par le ministre de l'Éducation. Dans l'état actuel des choses, le projet ministériel n'est l'objet d'aucun consensus. Il oppose plutôt le gouvernement à la population et surtout au milieu d'éducation.

S'il ne s'agissait que de regrouper les commissions scolaires afin qu'elles puissent dispenser de manière intégrée l'enseignement primaire et secondaire, s'il ne s'agissait que de réduire le nombre des commissions scolaires de manière à les ramener à un nombre plus raisonnable, il s'agirait certes d'une réalisation très importante qui requerrait un temps et une attention considérables. Mais le concours actif des milieux intéressés et du public serait à tout le moins largement assuré. La séparation des commissions scolaires en celles qui dispensent l'enseignement secondaire et d'autres qui dispensent l'enseignement primaire est en effet un mode d'organisation dépassé. Le regroupement des commissions scolaires est non seulement souhaitable mais inévitable. Ces objectifs ne sont pas les objectifs principaux du projet gouvernemental. Ce qui caractérise le projet - à cet égard il y a un certain accord entre des choses que disait le ministre tantôt et ce que nous constatons -de loi 40 ce sont les changements majeurs qu'il voudrait instaurer dans le statut et le rôle respectif de la commission scolaire et de l'école ainsi que les changements qu'il veut introduire à l'intérieur même de l'école dans les rapports entre les principaux agents de l'éducation. Là, réside l'essentiel du projet de loi 40 c'est sur cela, qu'il faut le juger.

Nous sommes d'accord comme la très grande majorité des intervenants dans ce débat sur la nécessité de donner une plus large responsabilité à l'école et de renforcer le rôle indispensable des parents dans le système d'enseignement. Nous sommes disposés à appuyer toutes les mesures concrètes et raisonnables visant à promouvoir ces objectifs. L'école, avais-je signalé dans un rapport que je soumettais à notre formation parlementaire en novembre 1982, est l'incarnation première du système d'enseignement sous l'angle du service à la population. Elle est l'institution de base par laquelle les services éducatifs atteignent quotidiennement la population parce que ses tâches concrètes sont multiples et difficiles et que les situations pratiques varient beaucoup d'un milieu à l'autre parce que, dans tous les domaines, on éprouve aujourd'hui le besoin de redonner les responsabilités plus authentiques à la base et l'école doit jouir d'une saine autonomie et d'une marge de manoeuvre élevée dans la poursuite de son projet éducatif et la gestion de ses ressources humaines, financières et matérielles.

Au sujet du rôle des parents, on pouvait trouver dans le même rapport les observations suivantes: "à titre de premier responsable de l'éducation de leurs enfants, les parents ont un rôle indispensable à remplir dans la vie de l'école. Ils ont intérêt à s'impliquer dans la vie de l'école. Ils ont aussi, à cet égard, des titres de compétence incontestables qui leur viennent de leur mission de parents et de l'expérience éducative acquise au sein de la famille ainsi que de la connaissance directe et quotidienne qu'ils ont de leurs enfants. Les parents ont été associés depuis plus de 20 ans d'une manière grandissante au travail de l'école. Il faut maintenir et renforcer les structures qui ont permis cette participation accrue."

Ces vues que j'énonçais, il y a plus d'un an, furent approuvées par le groupe parlementaire libéral et, ensuite, par le conseil général du Parti libéral du Québec. Elles sont toujours celles de notre parti. Nous adhérons fermement, en conséquence, au double objectif de la valorisation du rôle des parents et de la responsabilisation de l'école. Mais autant nous étions et demeurons d'accord sur les objectifs fondamentaux que le gouvernement met de l'avant, autant nous n'avons cessé de souligner que ces objectifs ne sauraient être promus au mépris ou dans l'oubli de certains autres éléments tout aussi essentiels à la santé et à la bonne marche du système d'enseignement. Avec son projet

de réforme, le gouvernement, au nom d'objectifs nobles, risquait, avons-nous signalé dès le début du débat, de semer la pagaille dans le système d'enseignement. Nous l'avons prévenu, dès la publication du livre blanc, des dangers que présentait son projet. De très nombreux organismes l'ont aussi fait de leur côté.

Nous avions espéré que le débat qui suivit la publication du livre blanc exercerait une influence salutaire sur la politique du gouvernement. De fait, le gouvernement a sans doute apporté un certain nombre de changements au projet que le livre blanc mettait de l'avant, il y a 18 mois. Mais à peu d'exceptions près - et le ministre l'a confirmé tantôt - l'économie générale du projet gouvernemental est demeurée la même. Aussi, nos raisons de nous opposer au projet du gouvernement sont-elles aussi fortes aujourd'hui qu'au lendemain de la publication du livre blanc.

Dans un débat aussi fondamental, il importe que les positions des uns et des autres soient clairement connues. Aussi, avant d'indiquer en quoi le projet de loi reste inacceptable, je voudrais indiquer la manière dont nous, au Parti libéral du Québec, concevons l'aménagement des structures scolaires dans notre société. Notre conception gravite autour de huit propositions principales.

Il faut d'abord que le système d'enseignement appartienne à la communauté et soit placé sous la responsabilité d'organismes publics composés de membres démocratiquement élus par la population. Je rappellerai plus loin qu'il doit y avoir une place légitime dans l'enseignement pour les institutions privées. Il n'en reste pas moins que l'enseignement primaire et secondaire doit d'abord et principalement être public. Il doit être accessible à tous et il doit être placé sous la responsabilité de personnes détenant un mandat de la population et responsables à cette dernière. (12 h 15)

En second lieu, il faut, au sommet du système, une autorité politique. Cette autorité, ce doit être un ministre de l'Éducation investi à cette fin de pouvoirs appropriés. La création du ministère québécois de l'Éducation remonte au gouvernement Lesage et à la révolution tranquille. Avec la commission Parent, elle fut le double détonateur qui entraîna la réorganisation en profondeur du système d'enseignement québécois. Nous ne renions pas cet héritage. Bien au contraire, nous en sommes fiers. Comme nous acceptons le principe d'un ministère de l'Éducation, nous voulons aussi que ce ministre soit investi de l'autorité dont il a besoin pour s'acquitter efficacement de sa tâche. Nous refusons cependant que le ministre de l'Éducation exerce sur l'ensemble du système d'enseignement une autorité tentaculaire, omniprésente et sans cesse croissante. Nous voulons au contraire que les pouvoirs du ministre de l'Éducation soient nettement circonscrits par la loi, conformément aux perspectives que laissait entrevoir à cet égard le livre blanc. Nous voulons aussi qu'un redressement s'opère dans le sens d'une véritable décentralisation des pouvoirs présentement détenus et exercés de manière trop souvent écrasante par le ministère de l'Éducation.

En matière d'enseignement, le peuple québécois aurait pu opter pour la tradition fortement centralisatrice qui a cours depuis longtemps en France. Il aurait pu opter en faveur d'un système à l'intérieur duquel le ministre aurait été le dépositaire de tous les pouvoirs et où tous les artisans auraient été des fonctionnaires dépendant de près ou de loin de l'autorité du ministre. Dans ce domaine, comme dans plusieurs autres, notre peuple a plutôt opté pour la tradition anglo-américaine, laquelle maintient entre le gouvernement et la population, dans le domaine de l'éducation, une structure intermédiaire de décision munie d'un mandat politique de la population et investie d'un pouvoir réel de direction sur les services de l'enseignement dispensé à l'intérieur de son ministère. Cette structure intermédiaire, c'est au Québec la commission scolaire, considérée jusqu'à récemment comme un véritable gouvernement local en matière d'éducation. Depuis plus d'un siècle, la commission scolaire fait partie du système politique québécois. Elle a sans doute perdu des plumes depuis l'avènement du ministère de l'Éducation. Elle demeure néanmoins un élément important de notre vie collective. Tandis que certains voudraient s'en débarrasser, d'autres, dont nous sommes, veulent plutôt faire en sorte qu'elle puisse continuer longtemps de servir la communauté québécoise de façon responsable.

Il ne suffit pas que les commissions scolaires existent sur papier. Si leur existence doit avoir un sens, il faut que les commissions scolaires aient la responsabilité réelle de la qualité des services publics d'enseignement dispensés sur leur territoire respectif. Elles doivent posséder à cette fin et les pouvoirs voulus pour agir et les moyens nécessaires pour soutenir leurs interventions.

Les commissions scolaires, suivant notre tradition québécoise, ont été formées de membres élus par suffrage universel à partir d'unités géographiques de représentation que définissait la loi. Ces unités étaient et demeurent de nature territoriale; c'était tantôt la circonscription, le quartier, le district et c'étaient des unités territoriales. Ce principe doit demeurer. Il doit aussi signifier, qu'au mandat reçu du peuple par les commissaires, doivent s'ajouter une

autorité correspondante et des pouvoirs de décision qui ne peuvent en définitive qu'être attribués aux détenteurs du mandat démocratique donné par les citoyens.

Les commissaires d'écoles, en contrepartie, ont l'obligation de s'appuyer pour agir sur le concours actif de tous les agents de l'éducation. Élèves, enseignants, parents, professionnels non enseignant, personnel technique et de soutien, administrateurs scolaires, corps intermédiaires, autorités municipales et provinciales, citoyens ordinaires, tous ont intérêt à ce que les investissements faits par la communauté dans l'éducation soient gérés de la manière la plus efficace. Sous des formes répondant à l'apport propre de chacun, tous doivent trouver le moyen de participer à l'action quotidienne et au fonctionnement du système d'enseignement. Le système est la propriété de personne en particulier mais la propriété de tous. Tous doivent trouver leur mot à dire dans sa bonne marche.

La forme première d'intervention du système d'enseignement dans la société est l'école. L'école est un véritable creuset social et culturel. Tout le monde y passe. Elle est la fenêtre ouverte du système d'enseignement sur la communauté locale. Après avoir été très longtemps une institution purement locale, l'école a attendu d'être perçue davantage à mesure que se développaient les rouages de notre société comme un élément à l'intérieur d'un système beaucoup plus large où l'autorité supérieure fut trop souvent appelée à jouer un rôle excessif. À juste titre, on veut aujourd'hui restituer à l'école sa vocation locale. Encore une fois, nous souscrivons à cet objectif même si nous doutons de l'opportunité d'inscrire dans un texte de loi les vues trop uniformes quant à la manière dont il doit se réaliser.

Au sujet de l'objectif lui-même, deux réserves s'imposent. Tout d'abord à l'intérieur du système d'enseignement, il y a de nombreuses fonctions qui ne pourront jamais être accomplies exclusivement ni même principalement par l'école locale mais qui exigent et exigeront des interventions à l'échelle beaucoup plus vaste d'une région. C'est le cas notamment de l'éducation des adultes, des services spécialisés à l'intention de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, l'animation pédagogique, la gestion du personnel, les politiques d'investissement, etc.

En second lieu, à l'intérieur même de ses propres attributions, l'école a besoin et aura besoin dans l'avenir d'être soutenue, orientée voir au besoin d'être contrôlée et guidée par une structure plus large et mieux équipée qui doit nécessairement être la commission scolaire. Il est essentiel qu'un lien organique clair et fort existe entre l'école et la commission scolaire. Il ne saurait être question sous quelque prétexte que ce soit de créer 3000 écoles indépendantes les unes des autres au Québec. Si jamais un projet de cette nature devait se réaliser, on peut prédire qu'il en résulterait soit une diminution considérable de la qualité de l'enseignement, soit une dépendance de plus en plus poussée des institutions ainsi atomisées envers le ministère de l'Éducation.

À l'intérieur de l'école, il faut que les responsabilités soient clairement définies. Le premier agent de l'éducation, c'est l'élève; il doit être amené à se prendre en charge le plus possible suivant des modalités qui varieront évidemment avec les degrés d'enseignement, mais qui devront privilégier au maximum l'exercice de la libre association. Après l'élève, l'agent le plus important, c'est l'enseignant; en classe, où l'élève passe le plus clair de son temps à l'école, l'autorité ne peut être que l'enseignant. Il serait irréaliste, par contre, qu'exerçant en classe une autorité que nul ne lui conteste sérieusement, l'enseignant soit, pour ainsi dire, assujetti en dehors de la classe à des structures où il ne serait plus guère qu'un figurant, qu'un élément infiniment minoritaire, un exécutant, une voix sans pouvoir réel. Il faut promouvoir la liberté et la responsabilité de l'enseignant en classe et en dehors de la classe. Ce n'est pas en écrivant cyniquement que l'enseignant pourra participer à telle ou telle tâche "s'il le désire" - c'est le langage du projet de loi 40 - qu'on réglera ce problème capital.

Les parents, pour des raisons évidentes, ont un intérêt vital à ce qui se passe à l'école. Celle-ci est le premier milieu extérieur au foyer dans lequel leur enfant est appelé à s'intégrer. L'école est, à cause de cela, surtout au niveau primaire, un véritable prolongement de la famille. Que les parents veuillent être associés à la vie de l'école, c'est normal. L'expérience a d'ailleurs montré, dans des cas très nombreux, l'utilité indéniable de la participation des parents à la vie de l'école. Cette contribution est essentielle; elle demande aujourd'hui à s'élargir, à s'intégrer davantage dans le processus décisionnel. Cela est parfaitement compréhensible. Mais les parents, en général, ne demandent pas le contrôle du pouvoir dans l'école; ils veulent participer à l'exercice du pouvoir, ce qui est tout autre chose. Le problème consiste à trouver l'équation souple qui leur permettra de le faire sans mettre en danger le rôle non moins essentiel des autres agents de l'éducation.

Pour l'ensemble de l'école, il faut une tête, une direction. On doit envisager de plus en plus des mécanismes collégiaux pour l'exercice de l'autorité. Mais cela n'effacera jamais le besoin d'une autorité qui s'identifie

clairement dans une fonction et une personne déterminées. À l'école, cette personne, cette fonction, c'est le directeur d'école. En vertu de la loi 71 de 1979, le directeur d'école est actuellement investi de plusieurs pouvoirs et attributions définis dans la loi. Mais il est nommé, révoqué, muté ou promu par la commission scolaire. Et toujours selon les dispositions de la loi 71, le directeur d'école exerce ses attributions - et là, je cite le texte de la loi 71 - "sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire". Ainsi sont assurés à la fois l'unité de l'autorité, laquelle est essentielle à la bonne marche de l'école, et le rattachement organique des écoles à la commission scolaire, lequel est essentiel au bon fonctionnement de l'ensemble du système d'enseignement.

Le système public met à la disposition de la population des écoles qui doivent, par définition, être publiques, c'est-à-dire ouvertes à tout le monde. Il serait plus facile et peut-être plus logique d'assurer ce caractère de l'école en faisant abstraction des différences que l'on observe chez les citoyens en matière d'option religieuse et de culture. La tradition québécoise a cependant voulu jusqu'à maintenant qu'au lieu de faire abstraction des options religieuses et des différences linguistiques, le système d'enseignement les assume positivement, tout en respectant les droits fondamentaux de tous. Aussi longtemps que notre société fut homogène, cette politique allait pour ainsi dire de soi. Aujourd'hui que les options spirituelles sont de plus en plus diversifiées et que la composition culturelle de la population s'ouvre à des apports extérieurs de plus en plus variés, de nombreux problèmes surgissent toutefois à l'intérieur du système. Comme législateurs, nous avons le devoir d'être conscients de ces problèmes et d'y apporter des solutions conformes aux meilleures exigences de la démocratie et de la justice. Je me contente de noter pour l'instant, et jusqu'à preuve du contraire, que je ne vois pas comment un système qui permet et respecte l'expression des croyances religieuses à l'école serait moins démocratique qu'un système qui prétendrait les exclure de l'école. À prime abord, la première voie me paraît même beaucoup plus conforme que la seconde au principe fondamental de la liberté d'expression.

À la lumière des objectifs qui viennent d'être évoqués, nous avons scruté attentivement du côté de l'Opposition le projet de loi 40, dans l'espoir d'y trouver des éléments vraiment neufs qui l'auraient rendu plus acceptable que le livre blanc de juin 1982 sur l'École communautaire et responsable. Nous avons au contraire trouvé dans le projet de loi la présence de la plupart des éléments qui faisaient du livre blanc un document inacceptable. On a effectué de nombreux changements de détail à divers endroits et le ministre en a annoncés d'autres ce matin. Mais les vices structurels qui caractérisaient le document de juin 1982 sont toujours présents dans le projet de loi 40. Permettez que je les signale rapidement.

Premièrement, tandis que le gouvernement occupe depuis des mois le monde de l'éducation à discuter interminablement des rapports entre l'école et la commission scolaire et du rôle de chaque agent éducatif à l'intérieur de l'école, la trame de fond du projet de loi 40 est tout autre. Le discours politique du gouvernement parle de décentralisation, de responsabilisation de l'école. Mais, en réalité, le projet de loi 40 tend vers une centralisation plus forte du pouvoir au profit du ministre de l'Éducation, de ce même ministre dont le livre blanc disait, il y a un an et demi, qu'il fallait le délester d'une bonne partie de ses devoirs actuels.

La tendance centralisatrice du projet de loi est inscrite dans la logique même du texte du document. Chaque fois que le gouvernement enlève un pouvoir à la commission scolaire sous prétexte de le donner à l'école, il tend en effet à multiplier des situations de conflit ou de dépendance où le gouvernement sera lui-même appelé, tôt ou tard, à intervenir plus directement qu'aujourd'hui. Le projet de loi propose une atomisation du système d'enseignement. La phase suivante consistera logiquement à resserrer le lien de dépendance rattachant chaque unité au centre même du système. Cet aboutissement logique a d'ailleurs été clairement perçu et dénoncé par un grand nombre d'organismes qui se présenteront devant la commission parlementaire. (12 h 30)

II faut, en outre, étudier chaque article du projet de loi pour discerner que, loin de réduire les pouvoirs du ministre, il tend au contraire à les augmenter. Les articles où il est question des pouvoirs du ministre sont très nombreux. On en compte plus de 80. À peu près nulle part, on ne trouve d'articles entraînant une réduction significative des pouvoirs du ministre. À de nombreux endroits, par contre, on trouve des articles visant à renforcer les pouvoirs du ministre ou à lui en conférer de nouveaux. Et nous aurons amplement l'occasion d'en faire la preuve au cours des débats des prochaines semaines. Force est de conclure, à l'examen du projet de loi 40 sous l'angle de la décentralisation des pouvoirs du ministère de l'Éducation, que la montagne a accouché d'une souris. Le danger d'une centralisation accrue est plus fort que jamais. Il constitue même le vice central de tout le projet gouvernemental.

Le deuxième objet de critique: la

composition, le rôle et les pouvoirs des commissions scolaires sont définis d'une manière si boiteuse dans le projet de loi 40 qu'on se demande qui voudra à l'avenir s'engager à servir à ce niveau. À travers les formules alambiquées que l'on trouve un peu partout dans le texte du projet de loi, celui-ci tend inexorablement vers l'affaiblissement radical des commissions scolaires. Une fois réalisée cette première étape, l'élimination définitive des commissions scolaires souhaitée d'ailleurs dans le programme politique du Parti québécois ne sera plus qu'une question de temps.

En ce qui touche la composition des commissions scolaires, le livre blanc proposait l'abolition du suffrage universel en ce qui touche le choix des commissaires. Le suffrage universel était remplacé par une formule pseudo-fédérative où la commission scolaire devait être composée de représentants des conseils d'école en plus de quelques représentants des municipalités et d'un représentant des institutions privées. Cette formule donna lieu à un rejet très général. Obligé par l'opinion de revenir au principe du suffrage universel, le parrain du projet de loi a imaginé à cette fin un mode de représentation qui ne satisfait pas davantage le milieu concerné et les amis de la véritable démocratie. L'élection d'un commissaire par école entraînerait des disparités de représentation inacceptables au niveau de la commission scolaire. Elle créerait aussi des problèmes fort difficiles au chapitre de l'organisation pratique. Nous refusons ce mode de représentation parce qu'il nous apparaît irréaliste et peu démocratique.

En ce qui touche les fonctions et les pouvoirs des commissions scolaires, le projet de loi 40 souffre d'un vice majeur. Tandis qu'il crée l'impression de préserver, en bonne partie, la fonction administrative des commissions scolaires, il ampute ces dernières de la plupart des responsabilités pédagogiques qui leur incombent présentement. Ainsi, l'application des régimes pédagogiques jusqu'à maintenant attribuée à la commission scolaire est transférée globalement et sans nuance à l'école; il n'est plus question d'une responsabilité propre des commissions scolaires à cet égard. À toutes fins utiles, il en est de même de l'évaluation, des apprentissages, de l'intégration de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, des modalités de passage du primaire au secondaire, du choix des méthodes pédagogiques et des manuels. La commission scolaire se voit attribuer en ces matières, quand on daigne seulement la mentionner, un vague rôle de planification et de soutien. Nulle part, il n'est clairement établi dans le projet de loi qu'elle devra exercer une autorité véritable. Le plus grave de tout, c'est sans doute l'abolition ou à tout le moins l'amenuisement radical du lien organique entre l'école et la commission scolaire. Le rôle pédagogique de la commission scolaire envers l'école est ramené à une fonction de soutien à laquelle ne se rattache aucune autorité propre. L'école se voit attribuer des responsabilités très étendues en matière pédagogique. Il n'est nulle part indiqué qu'elle devra s'acquitter de ses responsabilités sous l'autorité et la surveillance de la commission scolaire.

Nulle part cette ambiguïté n'est-elle plus évidente que dans les articles du projet de loi qui traitent du directeur d'école. Celui-ci est "choisi", dit le projet de loi, par la commission scolaire, mais il est en réalité nommé par la commission scolaire et choisi par un organisme où le conseil d'école est majoritaire. La commission scolaire n'a plus aucune autorité sur le directeur d'école. Celui-ci relève désormais du conseil d'école. Mais, à supposer que le directeur ne fasse plus l'affaire de l'école, là, l'école le renvoie à la commission scolaire et cette dernière a l'obligation de l'affecter ailleurs. Nous étions familiers depuis quelques années avec la technique du "bumping". Il faudra s'habituer désormais à la technique du dumping.

Contrairement aux stipulations du projet de loi 40, nous tenons à conserver les commissions scolaires comme élément clé du système public de l'enseignement, mais nous ne voulons pas des commissions scolaires émasculées et desséchées que propose le projet de loi 40.

Troisièmement, en raison du rôle qui lui revient et encore davantage de celui que voudrait lui attribuer le projet de loi 40, l'école dont rêve le ministre de l'Éducation doit être l'objet d'un examen attentif. Bon nombre des propositions contenues dans le projet de loi à ce sujet ne résistent guère à un examen sérieux.

Tout d'abord, les fonctions et les pouvoirs de l'école sont définis d'une manière ambiguë et trompeuse. L'énumération qu'on trouve à cet égard dans le projet de loi impressionne à première lecture, mais, quand on scrute de près la liste des pouvoirs attribués à l'école, on constate vite que l'on est en présence de nombreuses questions qui restent sans réponse. Tantôt, on attribue à l'école des responsabilités qu'elle ne saurait exercer seule, parce qu'elle n'en a ni la compétence, ni les moyens, tantôt, on lui propose des tâches qui devront être accomplies sous l'empire de contraintes définies au niveau du ministère de l'Éducation. Il faut réviser très soigneusement le partage des fonctions entre l'école et la commission scolaire, entre le conseil d'école et le directeur d'école, entre la direction de l'école et les enseignants.

La structure d'autorité que le projet de loi propose d'instituer à l'intérieur de l'école

n'est pas davantage satisfaisante. Un conseil d'école à composition majoritairement parentale et jouissant de pouvoirs très étendus serait une source perpétuelle de tensions entre le conseil d'école et le directeur d'école et aussi entre le conseil d'école et le personnel enseignant. Il est inconcevable que l'on veuille imposer une formule semblable dans toutes les écoles du Québec, alors que l'on n'en a nulle part fait l'expérience véritable et concluante.

Pour montrer comment les vues du côté gouvernemental peuvent être peu fiables à ce sujet, il faudrait rappeler que, dans le programme politique du Parti québécois, il était question de constituer un conseil d'école, mais, on disait encore, dans la dernière version de ce document qui remonte à 1982, que le conseil d'école devrait être composé, sur une base paritaire, d'un nombre égal de représentants des parents et des enseignants au niveau primaire et d'un nombre égal de représentants des parents, des enseignants et des élèves au niveau secondaire. Ce n'est pas du tout ce qu'on trouve dans le projet de loi. C'est une tout autre conception.

Dans l'échafaudage de structures qu'il voudrait imposer partout, sans expérimentation préalable, encore une fois, le gouvernement ne fait à peu près jamais de distinction entre l'école primaire et l'école secondaire. Il ne saurait être question pour des personnes sérieuses d'imposer le même modèle d'organisation à des écoles primaires dont la majorité compte entre 200 et 300 élèves et à des écoles polyvalentes où l'on trouve de 1500 à plus de 3000 élèves. C'est pourtant ce que le gouvernement envisage de faire avec le projet de loi 40.

Quatrièmement, à voir agir le gouvernement depuis un an et demi dans le secteur de l'éducation, j'ai acquis l'impression qu'il s'est trop souvent laissé guider par des perceptions erronées en ce qui touche le rôle respectif des parents et celui des enseignants. Au sujet des premiers, le gouvernement se nourrit d'un idéalisme abstrait; au sujet des seconds, il se nourrit au contraire de mauvais souvenirs et de préjugés.

Au niveau des commissions scolaires, la preuve a été faite que la très grande majorité des commissions scolaires sont déjà composées, dans une proportion de 70% et plus, de parents qui ont des enfants dans les écoles de la commission scolaire où ils sont commissaires. En quoi des changements radicaux comme ceux que propose le gouvernement concernant la composition des commissions scolaires pourraient-ils améliorer la situation à cet égard? Qu'est-ce qui empêche les parents intéressés de se porter candidats aux élections scolaires et de s'y faire élire?

Au niveau de l'école, surtout de l'école élémentaire, la preuve est aussi faite qu'une étroite participation des parents à la vie de l'école est bienfaisante, voire indispensable. À juste titre, les parents ont maintes fois souligné qu'ils voudraient être associés au processus décisionnel. Cette attente est légitime dans la mesure où elle respecte la différenciation normale des rôles à l'intérieur de l'école. Elle devient éminemment contestable si elle va jusqu'à exiger, comme le fait le projet de loi 40, que le contrôle de l'école loge, à toutes fins utiles, entre les mains des parents. Je signale d'ailleurs à cet égard que le projet de loi 40 va beaucoup plus loin que ce qu'avaient indiqué les consultations qui suivirent la publication du livre vert il y a quelques années et précédèrent la publication du livre orange. Une rigidité excessive, une uniformité trop précise ne sauraient être recommandables en ces choses. C'est pourtant cette voie que retient le gouvernement, contre toutes les indications du réalisme.

En ce qui touche les enseignants, le projet de loi 40 procède de conceptions qui ne sont rien de moins qu'insultantes pour les membres de cette profession. Prétendant définir l'action professionnelle de l'enseignant dans l'école, le projet de loi le fait d'une manière fort incomplète, sans tenir compte de ce qui est souvent déjà inscrit dans les conventions collectives. Quant au corps enseignant comme tel, il doit se contenter d'une représentation nulle au sein de la commission scolaire, d'une représentation très minoritaire au sein du conseil d'école et, pour le reste, d'un comité pédagogique démuni de tout pouvoir. Dans le choix des enseignants qui siégeront au conseil d'école, on prend en outre le soin de s'assurer que le syndicat qu'il y représente sera exclu du processus. Sur ces deux aspects majeurs de la réforme des structures scolaires, soit le rôle et la place des parents et des enseignants, le gouvernement devra réviser ses positions.

Au chapitre de la confessionnalité, les aménagements proposés dans le projet de loi sont, à première vue, attrayants. Ils risquent toutefois de donner lieu dans la pratique à des difficultés nombreuses. Je vois mal, pour ma part, toutes ces questions concernant la présence des valeurs religieuses à l'école se réglant uniquement entre l'école et les comités confessionnels, c'est-à-dire par-dessus la tête de la commission scolaire, laquelle n'aurait aucun rôle à jouer dans le processus, selon le projet de loi. Il me semble que ce n'est pas là la bonne manière d'en arriver à des agencements harmonieux et économiques des ressources dont nous disposons et ce, en conformité avec les voeux et les besoins de la population.

Au plan des principes, deux questions de fond semblent avoir été escamotées. Tout d'abord, si les catholiques - je prends ce

groupe comme exemple et non pas du tout à l'exclusion des autres - en raison de notre tradition propre et de notre conception de la démocratie, doivent conserver une sorte de droit collectif à des écoles confessionnelles, comment peut-on décider que l'exercice de ce droit sera conditionné au plan local par l'obtention d'une majorité qui risque d'être parfois artificielle, équivoque et éphémère? Une famille catholique ou protestante aurait-elle moins de droit à cet égard parce qu'elle aurait choisi d'habiter dans l'ouest ou dans l'est de la région de Montréal? Les anglo-catholiques qui comptent pour environ 50% de la population anglophone ont fait valoir à ce sujet, avec beaucoup de sérieux, les conditions auxquelles il faudra satisfaire pour que le projet de réaménagement des commissions scolaires suivant des lignes linguistiques leur soit acceptable. Leurs inquiétudes sont partagées par des milliers de parents francophones.

D'autre part, si l'école doit être en même temps publique et commune, comme le dit le texte du projet de loi, comment peut-on éviter l'opposition de ceux pour qui l'école ne saurait être en même temps commune et franchement confessionnelle, sans porter atteinte à la liberté de conscience des parents qui ne veulent pas qu'une influence religieuse s'exerce sur leurs enfants à l'école?

Je ne veux pas multiplier à plaisir les interrogations. Le problème est déjà suffisamment embrouillé pour qu'on évite de le compliquer davantage. Comme législateurs, nous avons néanmoins la grave obligation de faire en ces matières des choix lucides, justes et pratiques. Je ne voudrais pas, pour ma part, être complice d'une orientation qui équivaudrait à traiter les élèves et les parents de manière inégale, selon qu'ils adhèrent à telle ou telle conception religieuse ou morale. Je ne voudrais pas davantage être complice d'une orientation qui entraînerait une érosion progressive de la présence des valeurs religieuses dans le système d'enseignement québécois. (12 h 45)

La position de notre groupe politique à ce sujet se veut ouverte et compréhensive, mais, en même temps, fidèle à notre tradition historique et positivement respectueuse des valeurs religieuses et morales. Nous partons du postulat que la liberté de conscience et de religion doit être respectée, mais, au lieu d'interpréter ce postulat suivant le mode réducteur qui consisterait, au nom d'une philosophie laïque intransigeante, à interdire toute présence explicite de la religion à l'école, nous croyons que le postulat doit plutôt être interprété d'une manière positive, c'est-à-dire de façon à donner aux grandes familles religieuses le maximum de chances d'avoir accès à des écoles répondant à leurs convictions et reflétant leurs valeurs propres. Nous sommes d'autre part conscients de l'extrême complexité des situations concrètes auxquelles font aujourd'hui face en ces matières les commissaires d'école, les directeurs d'école et les enseignants. Aussi, est-ce avec un préjugé favorable envers les écoles confessionnelles, mais avec un esprit ouvert en ce qui touche certains réaménagements éventuels, que nous entendons aborder cette partie du débat.

Dans la mesure où des réponses satisfaisantes seront apportées aux questions qui viennent d'être soulevées, les réaménagements des commissions scolaires suivant des lignes linguistiques seraient acceptables, tant du côté protestant que du côté catholique. Des milieux importants ont cependant soulevé des objections sérieuses quant à la validité constitutionnelle du projet de loi gouvernemental.

Il faut regretter que le gouvernement n'ait rien fait au cours des derniers mois pour chercher à dissiper ce malaise. Il faut déplorer l'absence totale de dialogue entre le gouvernement et les milieux intéressés à ce sujet. Serait-il honnête et réaliste que le gouvernement cherche à implanter son projet avant que les difficultés constitutionnelles aient été honnêtement et régulièrement dissipées? Vu le dossier plutôt négatif du gouvernement en matière de contestation constitutionnelle devant les tribunaux, on est enclin à répondre en formulant à l'endroit du gouvernement une mise en garde sévère.

Enfin, des volets majeurs de la politique d'éducation du gouvernement sont traités en parents pauvres, quand ils ne sont pas tout simplement ignorés dans le projet de loi 40. La raison de ces omissions est très simple: après des années d'attentisme, le gouvernement n'est pas encore prêt à dévoiler sa politique dans ces domaines à propos desquels il a pourtant pris des engagements précis à maintes reprises.

Le secteur qui retient le plus l'attention est celui de l'éducation des adultes. Après tous les beaux discours du gouvernement à ce sujet, on pensait que l'éducation des adultes se verrait accorder, dans le projet de loi, le droit de cité comme partie intégrante, comme dimension essentielle du système d'enseignement public québécois. Mais il n'en est rien. L'éducation des adultes fait si peu partie des préoccupations du gouvernement qu'il n'en est aucunement question dans les articles 1 à 13 du projet de loi 40 qui définissent les services éducatifs devant être fournis par le système d'enseignement et dont le ministre nous disait tantôt qu'ils avaient été délibérément inscrits en tête de tout le projet de loi pour montrer l'importance que le gouvernement y attache. On cherche en vain dans ces articles l'évocation, la dimension capitale de l'éducation des adultes.

Au chapitre de la gratuité, on avait établi, il y a de nombreuses années, le principe voulant que l'éducation primaire et secondaire soit de plus en plus disponible gratuitement pour tous les citoyens, sans distinction d'âge. Un comité que j'avais l'honneur de présider, sous les auspices du ministère de la Jeunesse dans le temps - il y a déjà 20 ans - avait recommandé que ce principe soit accepté par le gouvernement comme un élément de base de la politique d'éducation. Or, après les reculs que nous avons connus à ce sujet au cours des dernières années, voici que l'article 15 du projet de loi, qui traite de la gratuité, ouvre la porte à des reculs encore plus importants. Il ne comporte aucune espèce de garantie ou d'engagement à cet égard en ce qui touche l'éducation des adultes. À plusieurs endroits, le projet de loi 40 ouvre aussi la porte à des délégations de responsabilités qui permettraient de refiler à des organismes de qualité plus ou moins établie des responsabilités que la commission scolaire ou l'école ne voudrait pas assumer en matière d'éducation des adultes. Est-ce là une manière convenable pour le système public d'enseignement d'assumer ses responsabilités dans un domaine aussi vital?

Enfin, contrairement à ce qu'avait suggéré avec insistance la commission Jean, ni au plan pédagogique, ni au plan administratif l'éducation des adultes ne se voit-elle garantir la moindre trace de ce statut distinct, de ces structures propres d'organisation dont elle a besoin, au jugement de tous les experts, pour s'épanouir normalement. Il n'est pas davantage question, dans le projet gouvernemental, de la participation des étudiants adultes aux structures consultatives ou directionnelles qu'il prétend instituer dans les écoles publiques.

Les services à l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage sont également l'objet d'un traitement très insatisfaisant dans le projet de loi 40. Au cours des dernières années, des milliers d'enfants en difficulté d'apprentissage ont été intégrés dans les classes régulières sans recevoir en même temps le soutien pédagogique nécessaire. Les conditions dans lesquelles s'est faite l'intégration ont souvent été très dommageables pour ces enfants et pour les autres. Le projet de loi 40 n'offre à cet égard aucune perspective d'amélioration. La manière imprécise et vague dont on y aborde le problème de l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage laisse même présager que l'on pourrait rapidement aller vers de nouveaux reculs.

Le projet de restructuration fournissait aussi au gouvernement une belle occasion de préciser enfin sa politique au sujet des institutions privées d'enseignement, lesquelles, au niveau secondaire, recrutent environ 12% de la clientèle totale des établissements d'enseignement. Par souci de justice envers ces institutions que l'on maintient depuis des années dans l'incertitude quant à leur statut futur, par souci de justice aussi envers le secteur public qui a le droit de savoir à quoi s'en tenir au sujet du sort réservé aux établissements privés, il aurait été normal -à tout le moins hautement désirable - que le gouvernement explicite enfin, à l'occasion du projet de loi 40, sa politique sur l'enseignement privé, cette politique qu'il promet de six mois en six mois depuis maintenant plusieurs années et dont il n'a jamais accouché. Tout ce qu'on trouve à ce sujet dans le projet de loi 40, ce sont des dispositions secondaires prévoyant la participation des établissements privés à certains organismes à vocation uniquement consultative.

On chercherait en vain dans le projet de loi des indications sur la politique du gouvernement dans le secteur de la formation professionnelle. Après avoir publié en mai 1982 un livre blanc à ce sujet, le gouvernement procéda au cours des mois qui suivirent à des rencontres d'information avec les milieux intéressés. Depuis ce temps, on a l'impression que le gouvernement procède étape par étape à la mise en place de cette politique qui n'a jamais donné lieu jusqu'à ce jour à un véritable débat au niveau politique.

Une dernière critique s'impose au sujet du traitement que le projet de loi 40 réserve aux structures scolaires de la région métropolitaine de Montréal et de la région de Québec. Dans la région de Montréal, deux organismes, la Commission des écoles catholiques de Montréal et le Bureau des écoles protestantes du Grand-Montréal, accomplissent depuis des générations un travail de premier plan dans des conditions souvent difficiles. Très souvent, parce qu'ils devaient faire face à des problèmes inédits, ces deux organismes ont joué un râle de pionnier, de leader dans le domaine pédagogique. Dans des domaines comme l'enseignement des langues secondes, la participation des parents, l'adaptation des services éducatifs aux besoins des milieux moins favorisés, ils ont pris des initiatives dont le rayonnement a maintes fois débordé les frontières de la région métropolitaine, voire du Québec. Si la Commission des écoles catholiques de Montréal et le Bureau des écoles protestantes du Grand-Montréal ont pu exercer un rôle comme celui-là, ce fut principalement en raison du bassin plus large de ressources dont ils pouvaient disposer en raison de leur taille adaptée aux besoins de la région métropolitaine.

Or, le projet de loi projette de sabrer dans cet actif avec un sans-gêne qui frise l'irresponsabilité. D'autres commissions scolaires d'importance, par exemple celle de Chambly, sont également atteintes par cette

psychose du nivellement et de l'uniformisation qui semblent avoir inspiré le gouvernement. Nulle part autant que dans le cas de la Commission des écoles catholiques de Montréal, l'ampleur de la déstructuration qu'implique le projet gouvernemental n'est-elle cependant aussi voyante, aussi susceptible d'entraîner des conséquences néfastes.

La manie de dérangement du gouvernement atteint également le Conseil scolaire de l'île de Montréal, lequel exerce avec compétence et efficacité depuis une dizaine d'années une action bienfaisante de coordination et de péréquation fiscale et budgétaire au sein de l'ensemble du système scolaire public de l'île de Montréal. Le projet de loi 40 ne propose pas l'abolition pure et simple du conseil scolaire de l'île de Montréal, mais il projette de le placer dans une situation de totale dépendance à l'endroit du bon plaisir du ministre. C'est ainsi que le ministre entend réaliser, semble-t-il, son projet de décentralisation!

Le gouvernement doit cesser de se nourrir de pensées technocratiques et uniformisantes. Il doit cesser de se laisser influencer par les expériences négatives qu'il a pu avoir avec certains organismes. Le règlement des problèmes reliés à Montréal requiert des solutions adaptées aux besoins de la réalité métropolitaine, non seulement dans le secteur de l'éducation, mais aussi dans la plupart des autres domaines. Les structures d'éducation qu'on trouve présentement dans la région de Montréal sont loin d'être, dans l'ensemble, une source de gaspillage et d'inefficacité. Elles produisent généralement des résultats très positifs dans des conditions qui ne sont pas les mêmes que dans le reste du Québec et qui défient, par conséquent, toute comparaison simpliste qu'on voudrait tenter d'instituer. Avant de consentir à l'opération de charcuterie que propose le ministre de l'Éducation à ce sujet, nous tiendrons à entendre le point de vue des organismes intéressés. Nous exigerons aussi que le ministre fasse la preuve du bien-fondé des changements qu'il entend imposer.

De ce tour d'horizon, je voudrais rapidement dégager trois conclusions principales. D'abord, le gouvernement fera fausse route s'il s'obstine, contre toutes les indications reçues, à procéder avec son projet de loi, à moins d'y avoir apporté des modifications très substantielles. Le gouvernement a refusé, en outre, de tenir compte des avis qui lui ont été communiqués au cours des derniers mois au sujet de son projet de loi. Les consultations bidons du ministre de l'Éducation n'étaient sûrement pas le genre d'exercice capable de l'éclairer vraiment sur les sentiments réels des milieux concernés. Avec ses invités triés sur le volet, avec ses réunions fermées au grand public et à la presse, la démarche ministérielle ressemblait beaucoup plus à une tournée de propagande qu'à une mission d'information ou de consultation.

Quoiqu'il en soit, les milieux d'éducation, qui sont parmi les plus consciencieux et les plus industrieux, les plus travailleurs que je connaisse, ont répondu abondamment et avec beaucoup de compétence à l'invitation gouvernementale. Nous constaterons toutefois à l'occasion des séances publiques de cette commission que leurs avis furent plus souvent qu'autrement laissés de côté ou encore, de manière plus subtile, retenus seulement dans certains éléments qui faisaient l'affaire du ministre et de ses conseillers.

Dans sa teneur générale, le projet de restructuration scolaire était et demeure contraire aux vues de la grande majorité des intervenants du monde de l'éducation. Il ressemble beaucoup plus à une immense et coûteuse toile d'araignée, tissée à la mesure des illusions du ministre de l'Éducation, qu'à une solution réaliste aux problèmes actuels de l'enseignement.

Le projet gouvernemental survient en outre à un moment fort peu propice. Dans les milieux de l'éducation, on préférerait infiniment s'en tenir pour l'instant à l'oeuvre combien plus importante et positive de la mise en place de la réforme pédagogique. On en est encore à s'ajuster aux conséquences pénibles des coupures budgétaires et des décrets. On attend enfin, avant d'ouvrir de nouveaux chantiers pourtant très urgents, que soit connue la politique du gouvernement dans des domaines aussi chargés d'implications que l'éducation des adultes, l'enfance en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, l'enseignement privé et la formation professionnelle. Comment concevoir qu'une réforme aussi ambitieuse que celle que propose le projet de loi 40 puisse être entreprise convenablement dans un contexte aussi empêtré?

Le gouvernement sait aussi que la mise en oeuvre du projet de loi 40 nécessitera au moins une année de démarches préliminaires et transitoires et ce, après l'adoption du projet de loi par l'Assemblée nationale, si cela devait être le cas un jour. Or, une bonne partie de l'année qu'il faudrait consacrer à cet exercice coïncidera fort probablement avec la période au cours de laquelle le Québec sera déjà plongé dans la fièvre d'une élection générale. Le ministre de l'Éducation serait-il assez irréaliste pour oser entreprendre une réforme aussi importante dans des conditions semblables, surtout dans l'hypothèse où l'absence actuelle de consensus devrait se maintenir à la suite des travaux de la commission parlementaire? J'espère bien que non, car il faudrait alors le juger très sévèrement. (13 heures)

Quoi qu'il en soit, nous abordons avec un esprit d'ouverture et de dialogue les travaux de la commission parlementaire permanente de l'éducation. Nous écouterons avec respect et attention les organismes qui se présenteront devant nous, y compris - et cela va de soi - les organismes dont nous ne partagerons pas les opinions. Nous espérons aussi - et je le répète avec toute la fermeté possible - que tous les organismes désireux de se faire entendre devant cette commission auront la chance de se présenter devant les parlementaires. Nous espérons enfin que cette consultation n'aura pas lieu pour rien. Nous espérons que le gouvernement voudra tenir compte des opinions qui lui auront été communiquées.

À tous ceux qui se présenteront devant cette commission, je veux donner l'assurance, au nom de notre formation politique, qu'ils seront écoutés avec respect et que leurs arguments seront examinés avec toute l'attention nécessaire.

Quant au gouvernement, il convient de lui rappeler que celui qui engage une consultation aussi solennelle et générale contracte par le fait même des obligations exigeantes envers la population. Il contracte l'obligation d'écouter sérieusement les opinions qu'on voudra lui transmettre et de se mettre dans l'état de disponibilité qui le rendra ensuite capable de modifier, au besoin, ses orientations si celles-ci sont, de toute évidence, contraires, comme nous le pensons dans le cas présent, à celles de la majorité de la population qu'il prétend servir.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député d'Argenteuil. Il est 13 h 2 et, sur ce, la commission élue permanente de l'éducation suspend ses travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise de la séance à 15 h 10)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre, s'il vous plaît!

Auditions

La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vais donc, comme le prévoit le règlement, vous indiquer quels sont les organismes que nous allons entendre aujourd'hui et leur demander en même temps de s'identifier, s'ils sont présents dans la salle.

D'abord, la commission scolaire de Jacques-Cartier.

Une voix: Présents.

Le Président (M. Blouin): Présents. La commission scolaire Morilac. Une voix: Présents.

Le Président (M. Blouin): Présents. La commission scolaire catholique de Sherbrooke et la commission scolaire Beauport sont présentes. Mais, comme la commission scolaire de Sherbrooke est convoquée pour ce soir, je présume qu'elle sera parmi nous dans quelques heures.

Sans plus tarder, je vais rappeler à tous nos invités que la tradition veut que, généralement, les groupes d'invités prennent une vingtaine de minutes pour présenter le contenu de leur mémoire et, ensuite, qu'à chaque formation politique soit allouées aussi une vingtaine de minutes pour poser des questions et demander des avis supplémentaires à nos groupes invités.

Sur ce, je vais demander aux représentants de notre premier organisme invité, la commission scolaire de Jacques-Cartier, de bien vouloir d'abord s'identifier. Il serait aussi pratique peut-être pour certains membres d'identifier le territoire de leur commission scolaire, où il se situe, et, une fois qu'ils se seront identifiés, de procéder à la présentation de leur mémoire.

Aussi le député d'Argenteuil me demande si vous pouvez indiquer à quel niveau s'adresse votre commission scolaire, c'est-à-dire au niveau primaire ou secondaire.

Commission scolaire de Jacques-Cartier

M. Neveu (Daniel): M. le Président, la commission scolaire de Jacques-Cartier est située à Longueuil et c'est une commission scolaire locale, donc de niveau primaire. Si vous me le permettez, je présenterai mes collègues à la commission.

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Neveu: Mme Ginette Courchesne, déléguée du comité de parents de la commission scolaire; à ma gauche, M. Raymond Guay, président du comité de parents de la commission scolaire; Mme Lucille Théroux-Saint-Laurent, vice-présidente du conseil des commissaires et moi-même, Daniel Neveu, président du conseil des commissaires.

M. Guay.

M. Guay (Raymond): M. le Président, M. le ministre de l'Éducation, mesdames et messieurs les députés, je ne voudrais pas reprendre tout l'avant-propos du mémoire dont nous ferons lecture dans quelques minutes, mais permettez-moi de vous indiquer quelques facettes du travail mené par les commissaires et les parents tout au cours de l'étude du projet de loi.

D'une part, un sondage a été mené par

le comité de parents de la commission scolaire de Jacques-Cartier de Longueuil, auquel plus de 5490 familles ont répondu. L'une des principales conclusions de ce sondage mené par la firme indépendante Informa-Log Inc., est que l'école devienne le pôle d'attraction et le pivot du système scolaire au Québec.

D'autre part, un comité ad hoc a été formé, composé de commissaires et de parents. Le sondage a, de plus, servi d'inspiration à ce même comité. Le travail de concertation commissaires-parents a débouché sur la présentation d'un mémoire conjoint, ce qui est, à notre avis, une première au Québec. Nous nous devons de préciser que le mémoire a été adopté à l'unanimité et par le conseil des commissaires et par l'assemblée générale du comité de parents de la commission scolaire.

Nous favorisons les principales orientations incluses dans le projet de loi, mais, pour répondre davantage aux besoins et aux désirs des commissaires et des parents, nous vous soumettons quelques amendements qui permettront d'atteindre l'objectif visé, une école communautaire et responsable.

Permettez-moi de céder la parole à M. Daniel Neveu et à Mme Ginette Courchesne qui vont procéder à la lecture du mémoire de la commission scolaire de Jacques-Cartier. Par la suite, il nous fera plaisir de répondre à vos différentes interrogations.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Neveu: M. le Président, il nous apparaît important, voire essentiel, avant d'aborder le contenu même de ce mémoire, de faire état du cheminement propre de la commission scolaire de Jacques-Cartier dans ce dossier de la restructuration scolaire au Québec.

Dès le mois de décembre 1981, les commissaires prenaient connaissance du projet de livre blanc et de l'avant-projet de loi. En janvier 1982, une rencontre d'information avait lieu pour les commissaires et les membres de l'assemblée générale du comité de parents. Un consensus s'est dégagé parmi tous les participants, à savoir que tous les agents de l'éducation devaient se concerter face à cette réforme et faire valoir, au nom de la commission scolaire, leurs remarques et leurs observations sur les principales orientations que contiendra le livre blanc lors de son dépôt.

Un comité ad hoc sur la réforme scolaire était formé en août 1982 avec le mandat d'étudier les principes et les modalités de L'école, une école communautaire et responsable, et d'essayer de dégager un consensus autour des principales orientations de la réforme proposée.

Ce comité était constitué de parents, de cadres d'école, de cadres de service, de personnel non enseignant, du directeur général et de commissaires. Faisant suite aux quatre rencontres des membres de ce comité, une soirée d'information était organisée pour la population en général et, plus particulièrement, pour les parents d'enfants d'âge préscolaire et aussi pour les contribuables sans enfant.

Dès le début de février 1983, les trois commissaires membres de ce comité tenaient des audiences publiques afin de connaître l'opinion des gens et des groupes organisés sur le contenu de la réforme.

En juin 1982, le comité de parents de la commission scolaire établissait un plan d'action à deux volets: diffusion de l'information et sondage d'opinions. Au début d'octobre se tenaient deux soirées d'information et d'échanges au cours desquelles près de 300 personnes se sont présentées. En novembre, tous les parents de la commission scolaire recevaient une synthèse du livre blanc, préparée par le comité de parents. Trois semaines plus tard, 7688 familles de la commission scolaire étaient invitées à remplir un questionnaire pour faire connaître leurs opinions sur certains aspects de cette réforme. En tout, 5490 familles ont répondu au questionnaire pour un taux de participation de 71,4%. La compilation des réponses révèle, entre autres, que les répondants avaient, dans 52% des cas, lu au moins un document sur la réforme proposée. Le conseil des commissaires en février et le comité de parents en mai se prononçaient officiellement sur le contenu du livre blanc.

Dans un deuxième temps, le mandat du comité ad hoc du conseil des commissaires devait se poursuivre avec le dépôt du projet de loi 40. Animés par le même souci de concertation, les intervenants de Jacques-Cartier avaient une fois de plus l'occasion d'échanger leurs points de vue sur la réforme scolaire proposée par le ministre de l'Éducation.

Acceptant d'emblée le principe que l'école devienne le pôle d'attraction de tout notre système scolaire au Québec, il a été décidé que le mémoire présenté aujourd'hui en soit un conjoint du comité de parents et du conseil des commissaires de la commission scolaire de Jacques-Cartier.

En terminant, nous pouvons affirmer que ce mémoire est véritablement le fruit d'une concertation des parents et des commissaires de notre commission scolaire et non pas seulement le fait de quelques individus. Il est l'expression d'un point de vue commun sur le projet de loi. Ainsi, croyons-nous avoir respecté entièrement la décision unanime du conseil des commissaires de produire un mémoire qui tienne compte

des consensus exprimés par tous les intervenants.

Nous espérons donc maintenant que ce mémoire contribuera à enrichir le débat autour du projet de loi 40 pour que l'école puisse pleinement remplir sa mission éducative que la réforme veut consacrer.

Le ministre de l'Éducation, M. Camille Laurin, dans son allocution à l'Assemblée nationale le 30 juin 1983, lors du dépôt du projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public, disait que le contenu de cette loi est centré sur les services éducatifs et sur le projet éducatif de l'école. Essentiellement, l'objectif fondamental du projet est de faire des réalités de l'école le pivot de notre système scolaire. Le projet de loi, présenté comme un ensemble de moyens, allait enfin permettre la réalisation de cet objectif.

Nous avons maintes fois eu l'occasion d'affirmer que nous, à Jacques-Cartier, adhérions entièrement à ce grand principe d'une plus grande responsabilisation de l'école en ce qui concerne sa mission éducative. C'est spécifiquement sous cet angle que nous ferons part dans ce mémoire de nos réactions au projet de loi 40. Est-ce que les principaux moyens mis de l'avant par le projet de loi vont permettre l'atteinte de l'objectif?

Avant d'aller plus loin, nous désirons, toutefois, attirer l'attention des membres de la commission sur le fait que nous nous sommes particulièrement intéressés au chapitre traitant de l'école et de la commission scolaire.

Mme Courchesne (Ginette): L'école. Nous sommes totalement favorables à ce que l'école assume tous les pouvoirs d'ordre pédagogique qui lui sont confiés par le projet de loi. Compte tenu que les programmes d'enseignement sont établis à l'échelle de la province et que les objectifs à atteindre sont les mêmes partout, ne serait-il pas souhaitable que l'application du régime pédagogique soit sous la responsabilité de l'école? En effet, dans un contexte où l'école détermine ses orientations et son plan d'action, en accord avec le milieu qu'elle dessert, il serait incohérent qu'elle ne soit pas responsable de l'application du régime pédagogique que peut enrichir son personnel enseignant. Une saine gestion commande que la responsabilité d'une activité donnée soit située au niveau où elle se réalise.

Les ressources de l'école. La mission éducative dans un système scolaire constitue son unique priorité. Tous les autres services existent en périphérie pour permettre la pleine réalisation de cette mission.

Il nous apparaît important de souligner, quant aux ressources mises à la disposition de l'école, que la commission scolaire demeure l'organisme de décision. Le projet de loi y gagnerait en clarté s'il était spécifié que l'école doit transmettre pour approbation à la commission scolaire ses plans d'effectifs, ses besoins de perfectionnement ou encore ses besoins d'amélioration de locaux, tel que précisé dans les cas des prévisions budgétaires de l'école.

Quant aux services à la communauté, nous sommes également d'accord avec le fait que l'école ait "pour mission de promouvoir les intérêts sociaux et culturels de la communauté à laquelle elle dispense des services." Cet aspect permettra, entre autres, une plus grande utilisation des locaux assurant ainsi la rentabilisation maximale des biens publics pour un mieux-être de la communauté.

Nous appréhendons, toutefois, que les responsabilités qui incomberaient ainsi au conseil d'école dans l'organisation et l'administration courante de ces services l'éloigneraient de sa mission première. Par ailleurs, nous tenons à ce que le conseil d'école conserve ses droits d'élaborer les politiques concernant les services à la communauté. Nous préférons donc que l'organisation de ces services puisse relever de la commission scolaire ou de tout autre organisme qui verrait à respecter les politiques des écoles avant de négocier des protocoles d'entente.

Le conseil d'école. Nous acceptons la composition du conseil d'école telle que définie par l'article 39, à l'exception, cependant, de l'alinéa 1 qui inclut le commissaire de l'école. Nous nous opposons à ce que, d'abord, le commissaire soit élu au niveau de l'école et qu'il fasse partie de plein droit du conseil d'école. Nous ne voyons pas d'un bon oeil que le débat politique fasse ainsi son entrée officielle dans l'école. Nous craignons que le processus électoral, avec tout ce que cela comporte, ne vienne éloigner l'école et son conseil d'école de leur mission première. Que le milieu prenne en charge son école ne signifie pas qu'il faille, en plus d'élire un nombre majoritaire de parents au conseil d'école, élire par suffrage universel un commissaire. Les inévitables conséquences d'une élection, comme la campagne elle-même, les jeux politiques, etc., ont d'autant plus de dangers de laisser des séquelles que le milieu est relativement petit. Ainsi, spécialement parce que nous croyons que l'école doit devenir le centre de notre système scolaire et que son conseil d'école doit être totalement responsable de la mission éducative, nous ne désirons pas courir ce risque que l'élection du commissaire vienne nuire à l'atteinte de l'objectif premier du projet de loi.

Un autre raison justifie le rejet de la présence d'un commissaire élu comme membre du conseil d'école. Cette raison, tout aussi importante que la précédente, nous

la trouvons à l'article 138 qui dit que "la commission scolaire est administrée par un conseil d'administration composé du commissaire de chaque école." Un conseil chargé d'administrer un ensemble d'écoles devrait être formé d'individus libres de tout conflit d'intérêts. Tel ne serait pas le cas si la loi n'est pas amendée à ce chapitre. Imaginons un seul instant dans quelle situation se trouvera un commissaire lorsque, par exemple, le conseil d'administration aura à décider qu'en vertu de l'article 217 son école n'a pas respecté un règlement et que la commission scolaire doit se substituer aux décisions prises par son école. Enfin, au risque de nous répéter, nous sommes persuadés que les préoccupations électoralistes primeront au détriment de la collectivité. Nous ne croyons pas à la pertinence et au bien-fondé de l'élection d'un commissaire attaché à une école.

Nous traitons plus loin de la composition du conseil d'administration de la commission scolaire telle que nous l'envisageons à la commission scolaire de Jacques-Cartier. Toutefois, nous croyons que le commissaire, s'il le désire, devrait avoir la possibilité de faire partie d'un conseil d'école, mais sans droit de vote comme personne-ressource. C'est pourquoi nous souhaitons que le mouvement heureusement amorcé depuis quelques années pour que de plus en plus de commissaires soient impliqués dans les comités d'école ou les comités de parents se poursuive et soit encouragé.

En ce qui concerne les comités d'école, nous nous réjouissons que le projet de loi prévoie la formation, au niveau de l'école, d'un comité de parents, d'un comité pédagogique et d'un comité des élèves, dans la mesure où les personnes concernées le désirent. Il est indéniable qu'avec un tel réseau de consultation, où tous les intervenants auraient l'occasion de s'exprimer, l'école aurait toutes les chances d'élaborer et de réaliser son projet éducatif. De plus, les membres du conseil d'école ainsi éclairés pourront assurer une gestion des plus efficaces.

Cependant, dans un cadre d'apprentissage global, nous souhaitons que la possibilité de formation d'un comité d'élèves ne soit pas limitée au seul niveau secondaire, mais qu'elle s'applique également aux élèves du primaire. Nous sommes bien conscients qu'un comité d'élèves du primaire ne pourrait pas jouer le même rôle qu'un comité d'élèves au secondaire. Le but visé en fait, en permettant à ces élèves de former leur comité, en serait beaucoup plus un de formation que de consultation.

Le directeur d'école. Nous aimerions porter à l'attention des membres de la commission parlementaire quelques ambiguïtés que nous avons relevées dans les articles touchant la direction de l'école, ambiguïtés qui pourraient nuire au fonctionnement de l'école. Par les articles 82 et 84, le conseil d'école a le pouvoir de recommander à la commission scolaire l'embauche d'un directeur et la résiliation du mandat du directeur. Or, à l'article 83, le conseil a, tout à coup, le pouvoir de décider de ne pas renouveler le mandat du directeur. Dans ces trois cas, articles 82, 83, 84, pour le conseil d'école, nous privilégions un pouvoir de recommandation auprès de la commission scolaire puisque celle-ci, de toute façon, en vertu de l'article 219, est l'employeur du personnel affecté à son fonctionnement et à celui des écoles. Il s'agit là de beaucoup plus qu'une simple question de sémantique. Il est, en effet, extrêmement important que, dans une structure que nous voulons tous fonctionnelle, les rôles et pouvoirs de chacun soient clairement définis. La commission scolaire étant l'employeur, elle est la seule à pouvoir embaucher un directeur et renouveler ou résilier son mandat. Que la commission scolaire agisse, dans ces circonstances, en prenant en considération les recommandations du conseil d'école nous apparaît, cependant, essentiel.

M. Neveu: La commission scolaire. Tous les intervenants de la commission scolaire de Jacques-Cartier approuvent la formation de commissions scolaires linguistiques, non confessionnelles et intégrées, qui auront compétence sur toutes les écoles de leur territoire dont le statut linguistique sera le même que le leur. Quant aux fonctions de la commission scolaire, afin de permettre à l'école de jouer pleinement son rôle, il est intéressant de noter que le projet de loi confie à la commission scolaire le soin, entre autres, de répartir les services éducatifs et d'assurer le soutien à l'organisation scolaire. Les fonctions essentielles de coordination et de planification, qui appartiennent de plein droit à la commission scolaire, sont très bien cernées dans le projet de loi. Nous déplorons, cependant, que la fonction de contrôle, tout aussi importante dans le processus de gestion, soit, elle, moins bien définie. Nous souhaiterions, afin d'éviter au maximum les fausses interprétations et les conflits de juridictions, que cette fonction de contrôle, que doit exercer la commission scolaire, soit mieux définie.

Cette recommandation ne diminue en rien la responsabilité de l'école dans son champ de compétence. Elle s'inscrit davantage comme un moyen supplémentaire octroyé à la commission scolaire pour que l'école ait tous les outils nécessaires à la réalisation de ses fonctions. (15 h 30)

Les ressources. Que ce soit au niveau des ressources humaines, matérielles ou financières, nous croyons que le projet de loi

est consistant avec l'objectif visé. Par conséquent, nous sommes satisfaits des articles de ces sections du chapitre IV, dans la mesure, évidemment, où le texte de loi tiendra compte de la nécessité pour la commission scolaire de détenir le pouvoir de contrôle, tel que nous le mentionnions précédemment.

Sans reprendre au complet l'argumentation que nous faisions valoir lorsque nous avons traité de la composition du conseil d'école, permettez-nous de rappeler ici notre opposition à ce qu'un commissaire, issu d'une école, siège à ce titre au conseil d'administration de la commission scolaire. À la commission scolaire de Jacques-Cartier, nous préconisons la formule mixte et paritaire d'un nombre restreint de membres désignés par et parmi les parents membres des conseils d'école et des commissaires élus au suffrage universel. Ainsi, les membres du conseil d'administration n'auraient pas à défendre des intérêts particuliers, à être juges et parties. Ils seraient donc plus en mesure de réaliser la mission générale de la commission scolaire.

Les différents comités consultatifs de la commission scolaire créés par le projet de loi vont permettre au conseil d'administration d'exercer plus adéquatement ses fonctions. Nous apprécions que la loi les détermine puisque, de cette façon, une certaine uniformité de gestion sera assurée dans l'ensemble du Québec.

Permettez-nous, en guise de conclusion, de vous présenter les amendements que le comité de parents et le conseil des commissaires de Jacques-Cartier souhaitent voir apporter à la loi 40.

Que l'alinéa 1 de l'article 39 concernant l'élection du commissaire au conseil d'école soit retranché.

Il est nécessaire d'inclure au texte de loi, aux articles 120, 122 et 126, que l'école transmet à la commission scolaire pour approbation, avec ou sans modification son plan d'effectifs, ses besoins de perfectionnement de personnel et d'amélioration de locaux.

La promotion des intérêts sociaux et culturels de la communauté et l'organisation de ses activités répondant aux besoins exprimés pourraient être sous la responsabilité de la commissions scolaire ou de tout autre organisme, après entente, bien sûr, avec l'école.

Il est important, dans un processus de formation et d'apprentissage, que les élèves du primaire aient aussi la possibilité de former un comité d'élèves. Ainsi, le mot "secondaire" devrait être biffé de l'article 70.

Il est essentiel, selon nous, que l'article 83 soit amendé de la façon suivante: Le mandat du directeur de l'école est d'une durée de cinq ans. Le mandat est renouvelé automatiquement, à moins que le directeur décide de ne pas le renouveler ou que la commission scolaire décide de ne pas le renouveler à la suite d'une recommandation en ce sens du conseil d'école par un vote aux deux tiers des membres.

Parmi les fonctions de la commission scolaire, il est important que la fonction de contrôle que doit exercer la commission scolaire dans le cadre de sa compétence soit beaucoup mieux définie et qu'elle ne laisse aucune zone grise dans le partage des responsabilités entre l'école et elle-même.

Le conseil d'administration de la commission scolaire devra être formé en partie de parents membres des conseils d'école et de commissaires élus au suffrage universel. Le nombre de personnes ainsi désignées ou élues ne devra pas excéder douze et la parité entre les deux types de représentants devra être la règle.

En deux phrases, M. le Président, un court résumé de ce mémoire de la commission scolaire de Jacques-Cartier. À la suite de toute cette consultation et de cette concertation qui a été vécue chez nous, tous les intervenants, majoritairement, au niveau des deux comités et du conseil des commissaires, unanimement se disent entièrement favorables à une restructuration qui irait dans le sens d'une plus grande responsabilisation de l'école. Et, pour nous, les moyens que préconise le projet de loi, à tout le moins un certain nombre d'entre eux, il y a matière, justement, à les modifier ou à les amender dans le sens, effectivement, qu'on puisse atteindre l'objectif essentiel du projet de loi qui est de confier une plus grande responsabilité au milieu.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. Neveu. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier la délégation pour son mémoire à la fois clair, sobre et cohérent. Je voudrais surtout la féliciter pour le souci démocratique dont elle a fait preuve en désirant associer à sa réflexion plus de 6000 familles et en respectant les opinions recueillies lors des réunions ou lors des sondages qui ont été tenus. Je pense que, si tous les organismes faisaient la même chose, on aurait une bonne idée de ce que veut vraiment la population.

Je félicite aussi la délégation non seulement pour son souci démocratique, mais pour son souci de concertation puisqu'elle a voulu associer dans cet effort important de réflexion non seulement les commissaires, mais également les parents, les cadres et du personnel de l'école. Je pense que cela donne une validité, une crédibilité accrue à l'opinion qu'elle nous présente aujourd'hui.

Quant à cette opinion, évidemment, je

ne voudrais pas la commenter trop longuement puisqu'elle épouse en grande partie les conclusions de la proposition gouvernementale. J'accueille avec plaisir cette opinion globale qui veut que l'école devienne véritablement le pivot du système scolaire plutôt que cette école orbite qui existe actuellement et que certains voudraient consacrer pour toutes les générations à venir.

Je reconnais aussi que la commission scolaire aussi bien que les parents sont d'accord pour que l'on transfère à l'école la majorité, pour ne pas dire la plus grande partie des pouvoirs d'ordre pédagogique, puisque les commissaires et les parents trouvent que l'école est mieux placée pour assumer ces responsabilités d'ordre pédagogique que tous les autres organismes. Évidemment, la commission scolaire de Jacques-Cartier et les parents de Jacques-Cartier, dans un souci de bon aloi, veulent que l'objectif qu'ils partagent soit atteint et, pour cela, ils nous proposent des amendements que nous étudierons avec attention. Je dois, cependant, reconnaître avec plaisir que les commissaires autant que les parents sont d'accord pour dire que ce projet d'école, que ce projet de structure scolaire que nous présentons est un projet viable et non pas un rêve, que ce projet est faisable, qu'il peut se matérialiser, se concrétiser et que non seulement il peut être fait, mais que c'est dans l'ordre des choses qu'il le soit.

Je note aussi avec plaisir que la délégation est d'avis que les pouvoirs entre commissions scolaires et écoles sont bien répartis, sans trop d'ambiguïtés même s'il y a lieu de les préciser, et que la répartition de ces pouvoirs peut conduire à une meilleure qualité de l'éducation.

Je note, enfin, que la délégation est d'accord pour que, à la tête d'une école, se trouve un conseil d'école, assisté, cependant, par des comités représentant les parents, les enseignants, le personnel non enseignant et les élèves, et même, au niveau de l'école primaire, des enfants qui, bien sûr, auraient peut-être moins le pouvoir de recommander des solutions que le pouvoir de se former à leurs propres responsabilités en assumant d'ores et déjà une sorte de prise en charge afin qu'ils deviennent partie prenante de leur propre éducation.

J'imagine, après cette opinion que nous avons entendue, que la commission scolaire de Jacques-Cartier n'est pas d'accord avec la position générale de la Fédération des commissions scolaires. Je voudrais me contenter de vous poser une seule question, car je sais que mes collègues en auront d'autres à vous poser. Vous voulez que nous clarifiions la fonction de contrôle de la commission scolaire. J'en suis, mais j'aimerais vous demander si vous avez des suggestions à nous faire afin que nous en arrivions à définir avec plus de précision cette fonction de contrôle que devrait, selon vous, exercer la commission scolaire sur les conseils d'école.

Le Président (M. Blouin): M. Guay. Je m'excuse, M. Neveu.

M. Neveu: M. le Président, oui, à notre sens et selon l'étude qu'on a pu faire, nous avons décelé un certain nombre d'articles. En guise d'exemple, pour éclairer mon propos, on dit dans le projet de loi que l'école relève de la commission scolaire. Le directeur doit rendre compte de son administration à son conseil d'école. La commission scolaire demeure l'employeur. La direction d'une école donnée, qui doit rendre compte de son administration à son conseil d'école, reste l'employée de la commission scolaire. Le lien hiérarchique entre, par exemple, la direction générale de la commission scolaire et les employés qui travaillent au sein des écoles n'est pas suffisamment clair, à notre sens. Un autre exemple: on parle des fonctions de contrôle dans une valeur d'évaluation. L'école aura maintenant et fort heureusement des fonctions spécifiques à exercer, entre autres, l'application du régime pédagogique. Nous retrouvons cela à l'article 94.

Le directeur, selon ses attributions et ses fonctions, doit exécuter les décisions de son conseil d'école. Qui entre l'école et la commission scolaire pourra tenter d'évaluer ce qui se vit au niveau des écoles, l'évaluer dans le sens d'un mieux-être possiblement, dans le sens d'une amélioration? Il y a des objectifs que les écoles, les conseils d'école se donnent auxquels aussi adhéreront les directions d'école qui relèvent de ces conseils.

On demande d'apporter plus de clarté sur ce lien hiérarchique qui devrait exister entre la commission scolaire et l'école, le directeur d'école, concernant les fonctions du conseil d'école, fonctions au niveau de l'orientation, au niveau du régime pédagogique, est un peu l'exécutant, mais le lien hiérarchique doit absolument demeurer et être inscrit au niveau de la loi pour que la direction d'école ne soit pas prise à ne pas savoir à qui se rapporter sur tel ou tel dossier. C'est cette ambiguïté qui risquerait que le conseil d'école ne se trouve pris dans une situation qui ne lui permettra pas avec autant de facilité d'atteindre l'objectif pour lequel il est créé dans la loi.

On revient et je termine sur cet aspect du contrôle. Tel qu'on le retrouve dans le projet de loi, le conseil d'administration aura effectivement une difficulté à exercer cette fonction de contrôle au niveau de l'évaluation, laquelle s'inscrit dans un cadre de gestion. Il aura de la difficulté à

l'exercer parce qu'il est formé, selon le projet de loi, d'un représentant de chacune des écoles. Vous imaginez dans quelle situation un ou une commissaire serait lorsqu'on discuterait de l'école concernée, de son école, puisque, inévitablement dans un système comme celui-ci, la personne élue au suffrage universel, issue d'une seule école, sera clairement identifiée à une école. Humainement, dans un conseil d'administration, les membres vont hésiter à juger, à évaluer une des écoles de leurs collègues de crainte d'avoir à subir les mêmes choses, à tort ou à raison. C'est dans ce sens qu'on se dit: Si cette fonction hiérarchique était davantage définie, on atteindrait fort probablement le but visé de clarifier cette situation qui est, d'ailleurs, relevée par beaucoup d'intervenants actuellement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Neveu.

M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, je vous remercie et je remercie également les membres du conseil d'administration de la commission scolaire de Jacques-Cartier du mémoire qu'ils ont présenté. Je suis heureux d'être d'accord avec le ministre pour convenir que le mémoire est clair et sobre. Il est en même temps concis, ce qui n'est pas un mince mérite dans le genre d'exercice que nous faisons ici. J'aurais un certain nombre de questions à vous poser. Tout d'abord, le ministre a fait une remarque, au début de son intervention, à laquelle vous n'avez pas fait suite dans vos propos, M. Neveu. Votre commission scolaire fait partie de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, n'est-ce-pas?

M. Neveu: Oui, M. Ryan. (15 h 45)

M. Ryan: Est-ce que vous avez inscrit votre dissidence lors des assemblées de la fédération qui ont porté sur l'examen du projet de loi? Est-ce que vous l'avez énoncée publiquement? Je vois qu'on ne fait pas mention de cela du tout dans le cheminement que vous avez suivi. À la première page de votre mémoire, vous décrivez votre cheminement; il n'est pas du tout question de ce qui aurait pu se passer avec votre fédération. Est-ce que vous avez donné une indication quelconque là-dessus ou si vous êtes prêt à en donner une maintenant?

M. Neveu: J'ai déjà eu l'occasion de donner des indications. Il me fait plaisir de les livrer aux membres de la commission parlementaire. Effectivement, ce qui s'est vécu à la commission scolaire de Jacques-Cartier répondait à l'un des souhaits du président général de la fédération, M. Chagnon, que chacune des commissions scolaires membres puisse véritablement étudier le projet de loi sans toutes ses facettes. Étant membres de la fédération, on a suivi cette suggestion, puisqu'il ne s'agissait naturellement pas d'une directive, et c'est, somme toute, ce qui vous est présenté aujourd'hui.

Quant à l'autre aspect de la question, j'ai effectivement eu l'occasion, à plusieurs reprises, de rencontrer le président de la fédération, d'autant plus qu'il est président d'une commission scolaire sur le même territoire que nous, et de lui faire part publiquement des intentions de la commission scolaire de Jacques-Cartier et du cheminement qui avait été le nôtre depuis les tout débuts. J'ai également eu l'occasion, au nom de l'ensemble des commissaires de Jacques-Cartier qui font partie du conseil des commissaires de la régionale de Chambly à laquelle nous appartenons au niveau du territoire, d'enregistrer officiellement une dissidence quant à la position qui a été prise, puisque la position de la fédération était de demander purement et simplement le retrait du projet de loi. Compte tenu de la démarche qui avait été faite chez nous, on ne pouvait certainement pas abonder dans le même sens.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je constate un peu plus loin, à la première page de votre mémoire, que vous dites avoir formé un comité "constitué de parents, de cadres d'école et de service, de personnel non enseignant, du directeur général et de commissaires." Il n'est pas question du tout des enseignants dans votre mémoire. Est-ce que je pourrais savoir ce qui est arrivé de ce côté?

M. Neveu: Oui. Je peux vous dire, d'ailleurs, que cela a été à notre regret, à tous les membres du conseil des commissaires. Ces consultations - je n'ai rien à apprendre à personne, je pense bien, dans le secteur de l'éducation - se sont tenues à Jacques-Cartier à une période de l'année où, finalement, les enseignants avaient d'autres priorités que celles d'aborder le livre blanc et le projet de loi 40. On a tenu les membres du syndicat des enseignants de Champlain au courant du cheminement; ils ont été effectivement invités aussi à participer à chacune des ces rencontres. Compte tenu des circonstances et de l'impossibilité qui était la leur de se joindre au comité, on a quand même tenu à ce qu'ils reçoivent toute la documentation permise pour, au moins, suivre le cheminement qui était le nôtre.

M. Ryan: Pensez-vous honnêtement, M. L'Heureux... M. Neveu?

M. Neveu: Neveu, oui, M. Ryan.

M. Ryan: ...que, si les enseignants ne sont pas partie prenante, à tous les stades de la réforme projetée, cette réforme peut réellement fonctionner?

M. Neveu: Ils ne sont pas partie prenante, M. Ryan, sur les fonctions dévolues à l'école... Je ne comprends pas tout à fait le sens...

M. Ryan: Oui. Je peux bien vous donner un exemple tout de suite.

M. Neveu: S'il vous plaîtî

M. Ryan: Prenez le conseil d'école. Dans le programme du Parti québécois, on dit qu'il y aura un conseil d'école au niveau primaire - puisque c'est le niveau qui vous intéresse - formé, dans des proportions égales, de représentants des enseignants et de représentants des parents. Et là on a un conseil d'école qui sera formé en majorité de parents. On a déjà eu beaucoup d'indications montrant que les enseignants ne sont pas d'accord sur cette formule. Qu'est-ce que vous en pensez? J'aimerais que vous me disiez pour quelle raison on aurait un conseil d'école formé en majorité de parents. Au nom de quels principes démocratiques? Je conçois que vous êtes favorables à une commission scolaire élue démocratiquement. Vous voulez qu'elle ait la responsabilité de l'ensemble des services éducatifs dispensés sur son territoire. Je me demande comment vous allez faire le joint entre tout cela. S'il s'agit d'exercer des fonctions sous le contrôle général de la commission scolaire avec une autorité véritable - d'ailleurs, je vais en venir à cela tout de suite après -peut-être que cela peut se concevoir. Mais est-ce qu'on peut envisager qu'un conseil comme cela, qui aura toutes les fonctions mentionnées dans le projet de loi, qui sera plus ou moins indépendant et composé en majorité de parents, encore une fois, pourrait prendre des décisions pédagogiques où les personnes normalement les plus compétentes devraient être les enseignants?

Le Président (M. Blouin): M. Neveu.

M. Neveu: Donc, de vos questions, j'en retiens deux auxquelles on va tenter de répondre. La première était sur la participation des enseignants. La seconde: Pourquoi, finalement, les parents devraient-ils être majoritaires au sein des conseils d'école? Mme Saint-Laurent répondra à la première et mes collègues, des parents également, répondront à l'autre volet de la question.

Mme Théroux-Saint-Laurent (Lucille):

Pour ce qui est de la part des enseignants dans le projet de loi, je crois qu'il faut s'en tenir à l'aspect qui est le leur, c'est-à-dire l'aspect professionnel. Dans ce sens, bien qu'on dise dans le projet de loi: "s'ils le désirent", il est bien entendu que le projet de loi, en soi, laisse la place aux enseignants qui veulent prendre une part active dans le processus d'identification des besoins et répondre aux besoins identifiés dans le milieu en étant membres du conseil d'école, s'ils le désirent, bien entendu, avec une proportion qui n'est pas établie par les règlements ou par la loi, mais qui dit que les parents doivent être majoritaires. Mais être majoritaire, cela peut être un de plus, cela peut être deux de plus. On ne donne pas de nombre. La quantité d'enseignants qui peuvent siéger à un conseil d'école n'est pas déterminée par la loi; on peut donc en retrouver plusieurs selon la grandeur de l'école et l'implication souhaitée par les gens. Alors, c'est pour le conseil de l'école. Pour ce qui est de la structure au niveau consultatif dans l'école, on aura, comme le prévoit la loi d'ailleurs, un comité pédagogique formé du personnel enseignant et du personnel non enseignant dans chacune des écoles, bien entendu, s'ils le désirent. La loi ne les y force pas et la loi ne les empêche pas de prendre la place qu'ils veulent prendre.

Sur l'aspect professionnel, qui concerne les méthodes, sur l'aspect consultatif, en termes de contenu vraiment centré sur l'enseignement, c'est-à-dire sur l'exercice de leur profession, ils ont toute la place. Il n'y a pas de parents au comité pédagogique. Il n'y aura que des enseignants et du personnel non enseignant. Donc, l'école, grâce à son comité pédagogique, pourra s'alimenter, et il nous semble absolument aberrant de penser qu'un conseil d'école où siégeront parents et enseignants ne s'alimentera pas à même les comités et, en particulier, au comité pédagogique. Selon l'expérience vécue chez nous et à bien des endroits - nous avons des contacts avec d'autres personnes dans le milieu de l'éducation - personne ne veut nier aux enseignants la part qu'ils ont au niveau professionnel en terme de contenu dans l'enseignement. Sur ce, je crois que les enseignants ont leur place au niveau de l'école.

Au niveau de la commission scolaire, les enseignants n'ont effectivement pas une place dans la structure administrative. Je crois que c'est heureux, puisque la commission scolaire est leur employeur. Dans ce sens-là, je n'irai pas plus loin au niveau de leur place dans la structure, mais, au niveau professionnel, on leur fait une place qui est très importante. Si on regarde à la

page 34 du projet de loi, à l'article 185, on dit que la commission scolaire peut constituer un comité consultatif des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage. Ce comité est formé de représentants des parents de ces élèves, du personnel en cause, qui sont effectivement les professionnels non enseignants et les enseignants formés en adaptation scolaire. Alors, ils ont là, encore une fois, une place, mais au niveau professionnel. Je crois que, s'ils veulent la prendre, le projet de loi leur fait une place de choix, à mon avis.

M. Ryan: C'est très bien. Les enseignants vont nous donner des points de vue complémentaires là-dessus. Évidemment, je ne serais pas satisfait de ceci, mais je respecte votre opinion quand même, remarquez bien.

Je voudrais revenir à ce qu'a dit tantôt M. Neveu à propos du directeur.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, pour bien suivre notre débat, je crois qu'il y avait une réponse du côté des parents aussi.

M. Ryan: Ah oui! Excusez-moi.

M. Guay (Raymond): Vous avez demandé pourquoi les parents étaient majoritaires. Je crois que, dans la structure proposée on veut redonner davantage l'école aux parents et on donne aussi une place aux enseignants. Comme Mme Saint-Laurent le disait tout à l'heure, je pense que les enseignants vont prendre leur place auprès des parents, car, depuis les dernières négociations qui ont eu lieu l'an dernier, les enseignants se rapprochent et invitent les parents à les rencontrer de plus en plus. C'est peut-être au niveau syndical, mais je pense que déjà il y a là une amorce et que c'est une porte ouverte à une plus grande participation conjointe des parents et des enseignants dans l'école. Allons actuellement dans les écoles, voyons ce qui s'y passe: les parents travaillent de plus en plus avec les enseignants et les enseignants ont besoin des parents.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guay. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je tiendrais à vous dire que nous sommes tous d'accord sur la dernière partie de votre réponse. Il n'y a pas de problème là, c'est dans les modalités proposées par le projet de loi que surgissent des difficultés auxquelles je n'ai pas de réponse claire.

Je vais poser une autre question à celui ou à celle de la délégation qui voudra bien me répondre. M. Neveu tantôt a parlé du rôle du directeur, qui est un rôle absolument charnière dans la structure. Vous avez dit: II ne faut pas qu'il soit placé dans la situation où il serait obligé de se demander de qui je relève. Vous avez demandé que des clarifications soient apportées dans le texte de la loi là-dessus. Je n'ai pas vu clairement ce que vous envisagiez comme amendement dans le texte de loi. Je vais vous poser une question: Dans la loi actuelle, le directeur exerce ses fonctions sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire. Est-ce que vous êtes pour ou contre cela?

M. Neveu: On est pour cela. C'est, d'ailleurs, dans ce sens-là que je disais tantôt que le lien hiérarchique - cela a été mon expression - devra être maintenu entre la direction générale de la commission scolaire et les directions d'école.

M. Ryan: C'est très bien. Je vous remercie. Cela me satisfait.

M. Neveu: C'est ce que je disais.

M. Ryan: Très bien, je voulais qu'on clarifie cela. Je suis bien content. Une autre question à propos du régime pédagogique. Vous dites dans votre mémoire que vous acceptez toutes les fonctions pédagogiques qui sont proposées pour l'école. Je suis moi-même porté à les accepter, pour être franc avec vous, mais pas de manière exclusive. Je vais prendre un exemple concret de l'application du régime pédagogique. Prenons un exemple pratique: supposons qu'il s'agisse d'un nouveau programme de français en 4e année et que la manière dont ce programme est appliqué à l'école ne soit pas jugée convenable ou dans le meilleur intérêt des enfants ou en conformité avec les normes les plus exigeantes de ce côté-là et que la commission scolaire se rende compte de cette situation. Il peut arriver que deux ou trois membres du conseil d'école, eux, aient jugé dans leur sagesse que le français s'enseignait de telle manière; ou un enseignant, cela peut aussi arriver. Est-ce que vous reconnaissez un pouvoir d'intervention à la commission scolaire dans un cas comme celui-là, un pouvoir de redressement de la situation autre que le pouvoir de mise en tutelle qui est proposé à l'article 207 ou 217?

M. Neveu: D'abord, je pense qu'avant de répondre au corps même de votre question, M. Ryan, il faut faire bien attention. Je comprends que le conseil d'école aurait la possibilité - vous me reprendrez si j'interprète mal ce que vous dites - de décider de la façon dont un enseignant doit fonctionner, doit travailler dans sa classe. Il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui nous permet de penser que le conseil d'école va avoir une autorité

de fait sur l'enseignement dans chacune des classes. L'enseignant va devoir continuer à être le seul maître de sa classe, à enseigner le programme officiel du ministère.

M. Ryan: Je m'inspire du texte du projet de loi, quand on dit, à l'article 94: "L'école est responsable de l'application du régime pédagogique." On vous dit ailleurs -je pense que c'est à un article précédent -que, quand on parle de l'école, on parle du conseil d'école; les deux sont synonymes. Cela veut dire qu'il peut se mettre le nez assez loin, s'il est plutôt interventionniste.

M. Neveu: On dit également à l'article 104 que chaque membre du personnel enseignant détermine les modalités d'application du régime pédagogique.

M. Ryan: Justement, il y a tellement d'articles qui chevauchent les uns les autres - vous l'avez vous-même mentionné tantôt -qu'on éprouve le besoin d'avoir des clarifications pour ne pas se retrouver dans la pratique avec des chevauchements de fonctions ou de rôles qui donneront lieu à des conflits. (16 heures)

M. Neveu: Non, sur ce point-là spécifiquement, si vous me le permettez, M. le Président, je ne voyais pas d'ambiguïté comme telle puisqu'il me semble clairement établi dans le texte du projet de loi que les fonctions du conseil d'école ne permettent pas, justement, d'intervenir au niveau des modalités, des méthodes d'enseignement et, finalement au niveau du vécu en classe. Toutefois, en ce qui concerne le régime pédagogique ou tout ce qui est service éducatif, le conseil d'école va devoir se prononcer sur les principales orientations sur l'enrichissement des programmes, en collaboration avec le corps enseignant. Je ne crains pas du tout, M. Ryan, que les conseils d'école interviennent dans les classes.

M. Ryan: Je vais poser ma question d'une autre manière parce que je suis sûr qu'on est près de se comprendre. Est-ce que vous reconnaissez qu'il doit y avoir un certain rôle assez important pour la commission scolaire dans la mise en oeuvre du régime pédagogique dans les écoles qui relèvent de sa compétence?

M. Neveu: Effectivement. On disait tantôt - c'était d'ailleurs un des exemples que je fournissais - que la commission scolaire souhaitait que la fonction de contrôle soit mieux définie dans le texte de loi. On peut facilement donner comme exemple l'application du régime pédagogique qui est sous la responsabilité de l'école et de son conseil, de la direction et de son corps enseignant.

M. Ryan: Dans la situation dont je vous ai parlé, supposons que, dans une école, l'application de tel programme se fasse de travers, est-ce que la fonction de contrôle que vous reconnaissez à la commission scolaire comporterait un pouvoir d'intervention de manière à redresser la situation? Ou, est-ce que l'école peut dire: En vertu de la loi, on est indépendant, on regrette; vous avez une fonction de service, vous nous avez dit ce que vous pensiez, et bonjour?

Mme Théroux-Saint-Laurent: Dans ce sens-là, je pense qu'il ne faut pas penser que, parce que la loi déplace des pouvoirs, c'est-à-dire donne à l'école des pouvoirs que la commission scolaire avait, les gens dans les écoles vont, tout à coup, arrêter de se questionner, de se concerter et d'utiliser les ressources qui sont disponibles. Dans ce sens-là, je pense qu'effectivement, lorsque, dans les écoles, on aura à décider de l'application du régime pédagogique, les gens auront à aller cueillir des informations pour devenir efficaces, rentables et capables de répondre vraiment à ce que la loi ou le régime pédagogique prescrit. Les gens devront donc se concerter et ce sera dans un effort de plus grande qualité.

Je pense qu'il ne faut pas se leurrer. Dans une école, dans un milieu donné qui est assez fort, il pourrait y avoir un groupe de gens qui impose des choses, des idées, des façons d'appliquer un régime pédagogique, mais, dans la façon de le vivre et dans la façon de véhiculer les contenus prévus dans un régime pédagogique... Est-ce que ce n'est pas cela qu'on veut, une couleur locale? Pour autant que le régime pédagogique est appliqué, pour autant que les contenus sont assurés, dans la façon dont cela se fait, si cela répond aux besoins du milieu, le milieu peut se donner ce qu'on appelle une couleur locale. L'école deviendra responsable. Si, en l'appliquant, dans sa façon de le juger apte à répondre aux besoins ou aux valeurs énoncés dans le milieu, on se rend compte que le régime pédagogique n'est pas bien respecté, c'est là que la commission scolaire pourra intervenir. Seulement au moment où elle se rendra compte que le régime n'est pas bien respecté et non pas dans la façon de l'appliquer. Là est toute la différence. On veut permettre aux écoles d'avoir l'air de ce que le milieu veut. C'est ce qu'on appelle, M. Ryan, le projet éducatif à couleur locale.

M. Ryan: Ça va.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Une dernière question. Là-dessus, je crois comprendre que, si ça ne va pas bien, vous reconnaissez que la

commission scolaire non seulement peut, mais doit intervenir au nom de sa responsabilité.

Mme Théroux-Saint-Laurent: Je le souhaite beaucoup en termes de respect de régime et non pas de la façon...

M. Ryan: Pas légalement? Est-ce que la loi devrait lui donner ce pouvoir-là, ou non?

Mme Théroux-Saint-Laurent: Elle le lui donne.

M. Ryan: Actuellement?

Mme Théroux-Saint-Laurent: Elle le lui donne à l'article 217, page 39.

M. Ryan: C'est cela que je vous ai dit; c'est le pouvoir ultime, en tout dernier lieu. Est-ce que cela veut dire qu'elle ne pourra rien faire tant qu'elle ne décidera pas de les mettre en tutelle? Il me semble qu'il doit y avoir d'autres formes...

Mme Théroux-Saint-Laurent: M. Ryan, si je sais qu'on peut me mettre en tutelle... Je présume que les gens seront encore intelligents, même s'ils sont dans les écoles, qu'ils ne sont pas à la commission scolaire. Je présume que, dans les écoles, les gens avant d'être mis en tutelle vont se parler et la tutelle sera le coup de massue.

M. Ryan: Vous avez droit à votre opinion...

Mme Théroux-Saint-Laurent: Je ne souhaite pas qu'on s'y rende.

M. Ryan: ...mais je ne la partage pas du tout. Je pense que vous reconnaissez qu'en fin de compte, il y a un problème. Une autre question: Est-ce que vous concevez qu'il pourrait et qu'il devrait y avoir... Là, on parle d'un projet éducatif local. Très bien, mais une commission scolaire, à l'échelle de sa région, pourrait décider d'avoir un projet régional. Elle pourrait se dire qu'elle représente une population rurale, une population ouvrière, une population qui est dans le domaine des services et qu'il faudrait mettre l'accent sur tel ou tel point. Est-ce que la commission scolaire, dans un tel cas, ayant décidé d'avoir certaines priorités sur son territoire, aura le pouvoir de donner des orientations aux écoles ou si chaque école pourrait dire, en vertu des pouvoirs qu'elle aurait: Nous regrettons, mais nous n'avons pas de directive à recevoir de vous?

Mme Théroux-Saint-Laurent: Moi, je pense que c'est exactement cela, M. Ryan. C'est cela que le projet de loi veut. Une commission scolaire ne pourra plus imposer sa façon de concevoir l'éducation par un groupe de personnes à un niveau qui est loin de l'école. Si, dans une région donnée, les gens peuvent se parler et s'entendre sur un projet commun, régional, il n'y a pas de limite. Les limites sont celles que les gens se mettront. Mais, si effectivement il y a des écoles qui ne veulent pas, elles prendront l'article qui leur dit qu'elles sont responsables et elles diront à la commission scolaire: Je regrette, nous n'embarquons pas. C'est effectivement ce que la loi dit. Je pense que c'est ce que la loi veut.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Théroux-Saint-Laurent. Cela va, M. le député d'Argenteuil?

Mme Théroux-Saint-Laurent: J'ai bien dit la loi, M. Ryan.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): M. le Président, au début de votre mémoire, vous parlez d'un sondage que vous avez fait faire auprès de la population de votre commission scolaire, sondage qui a été réalisé par une société indépendante, auquel ont participé 5490 familles, ce qui représente une participation d'au-delà de 70%, ce qui est fort impressionnant. Par contre, vous ne parlez pas du tout des résultats ou de certains résultats de ce sondage. Est-ce que vous pourriez nous éclairer à cet égard? Par exemple, quelle est la position de la population qui a été sondée en ce qui concerne la participation des parents au niveau de l'école? Une autre question intéressante, c'est ce que les gens pensent du caractère décisionnel du conseil d'école, des pouvoirs qui sont confiés à l'école. Est-ce que vous pouvez nous donner certaines idées sur ce que pense la population?

Le Président (M. Blouin): Je comprends que votre question touche particulièrement deux points, la participation des parents et le rôle décisionnel du comité d'école. M. Neveu.

M. Neveu: Si vous me le permettez, M. le Président, compte tenu que le sondage avait été mené par le comité de parents, à tout seigneur, tout honneur, je vais leur laisser le soin de commenter et de répondre aux questions.

M. Guay (Raymond): Sur la participation des parents, il y a près de 70%, si ma mémoire est fidèle, des parents qui sont intéressés à une plus grande participation avec le nouveau système qui est proposé. Le sondage, il faut bien le dire, avait été fait dans le cadre du dépôt du livre blanc, Une

école communautaire et responsable. Dans le cas des pouvoirs décisionnels, au-delà de 54% des parents désiraient un plus grand pouvoir de décision au niveau de l'école.

M. Leduc (Fabre): Je reviens sur une autre question, M. le Président, celle de la fonction de contrôle de la commission scolaire. Je voudrais que vous clarifiiez certaines idées que vous avez exprimées tout à l'heure. Vous avez parlé d'un contrôle que la commission scolaire devrait exercer sur l'école. Vous avez parlé d'un lien hiérarchique qui devrait exister entre le directeur d'école et le directeur général de la commission scolaire. Est-ce que, pour vous, ce contrôle devrait s'exercer dans tous les domaines ou dans certains domaines spécifiques? La question que je me pose, c'est: Est-ce que vous n'enlevez pas l'autonomie à l'école, ce qui est précisément dans le projet de loi? Comment conciliez-vous cela, l'autonomie donnée à l'école par rapport au contrôle hiérarchique? J'aimerais que vous précisiez le mieux possible votre point de vue.

Le Président (M. Blouin): M. Neveu.

M. Neveu: Quant à la première partie de la question, je pense bien que, pour réinstaurer, si vous voulez, ce lien hiérarchique, il ne suffirait que de stipuler dans la loi que les directions d'école relèvent, au niveau hiérarchique de l'organigramme, de la direction générale. Quant à jusqu'où peut s'étendre ce pouvoir de contrôle, moi, j'y vois là un sens contrôle-évaluation. Ce n'est pas un contrôle dans le sens répressif ou de coups de baguette, c'est dans le sens d'évaluation. Donc, jusqu'où ce contrôle peut-il s'exercer? C'est, bien sûr, d'abord dans les limites des fonctions qui sont celles de la commission scolaire, d'une part. Je ne pense pas que celles-là causent des problèmes. Quant aux fonctions spécifiquement dévolues aux conseils d'école - toutes les fonctions d'ordre pédagogique - la commission scolaire devra avoir cette faculté, cette possibilité d'évaluer le travail, d'évaluer si les besoins exprimés et les attentes du milieu au niveau pédagogique ont été mis en place dans l'école afin que soit réalisée cet objectif. Si on n'a pas cette notion d'aller jusqu'à l'évaluation des fonctions pédagogiques, si cela ne s'inscrit pas dans la loi, on court le risque que des milieux, des conseils d'école, merveilleusement bien structurés avec de bonnes directions d'école, ne bénéficient pas d'une évaluation de l'extérieur. Ce ne pourrait être qu'une auto-évaluation. L'évaluation qui peut être faite à l'extérieur dans un cadre de gestion, c'est généralement très sain, dans le sens que c'est un élément dynamique. C'est dans ce sens qu'on propose d'amender la loi. Donc, cela peut aller, effectivement, si le besoin se fait sentir, jusqu'à une évaluation quant aux fonctions dévolues aux conseils d'école.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Leduc (Fabre): Donc, si je comprends bien, évaluation et non-intervention de façon à donner des directives sur la manière de gérer ou d'organiser le projet éducatif?

M. Neveu: C'est cela. Il n'y a pas de directive qui doit émaner de la commission scolaire vers le conseil d'école. C'est une évaluation; c'est un outil de gestion.

M. Leduc (Fabre): Très bien. Une autre question. Vous proposez une formule de représentation au conseil d'administration de la commission scolaire, une formule mixte parents-commissaires élus. Comment concilier cela avec l'idée de maintenir un lien avec l'école, que l'école soit représentée à la commission scolaire, que le point de vue de l'école soit défendu à la commission scolaire? Est-ce que vous ne brisez pas ce lien qui me semble indispensable pour que l'école accorde tout le soutien nécessaire à son bon fonctionnement?

M. Neveu: Vous avez absolument raison de prétendre que c'est un lien essentiel. Toutefois, on pense - on en est persuadé également, compte tenu de tout ce qui s'est fait chez nous - que la formule que nous préconisons n'atténuera aucunement ce lien entre l'école et la commission scolaire, mais qu'elle a beaucoup plus de chances de le rendre viable, profitable, enrichissant de part et d'autre. Et je m'explique. C'est dans le sens que, tel que le projet de loi le préconise, les conseils d'administration des commissions scolaires seraient formés exclusivement de membres issus d'une école. Il y aurait effectivement un lien qui existerait entre la commission scolaire et une école, l'individu qui la représente. Ce que nous préconisons, c'est que ce soit un genre de collège électoral formé pour que les membres des conseils d'école délèguent des leurs. Donc, les personnes qui seront élues émanant des conseils d'école, elles vont véritablement représenter les écoles du territoire ou de leur territoire en raffermissant les liens pour l'ensemble de la communauté et non pas identifiés à une seule école.

M. Leduc (Fabre): Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Fabre. M. le député de Saint-Henri.

M. Mains: J'ai deux petites questions, M. le Président. Nous, du Parti libéral, dans une tournée que nous avons faite à travers la province, avons rencontré de très nombreux comités et conseils de parents. À ce moment-là, il y a environ un an, ces gens-là, les parents, préféraient surtout le pouvoir de pression qu'ils pouvaient exercer auprès des autorités plutôt que le pouvoir de décision que vous donnerait le projet de loi. Vous semblez accepter cela avec beaucoup de bravoure. Est-ce que je peux savoir comment vous évaluez ces nouvelles responsabilités qu'on s'apprête à déposer sur vos épaules?

Mme Courchesne: Nous souhaitons justement ces responsabilités parce que ce qui est un peu fatigant, quand on travaille dans un comité d'école ou un comité de parents, c'est de ne jamais pouvoir prendre de décision. On est consulté et, selon les commissions scolaires, ou selon les écoles, on est écouté ou non. En fait, à un moment donné, on aimerait bien pouvoir prendre des décisions. Quant il y a un consensus au niveau des parents, on aimerait que l'idée passe. Si on n'a aucun pouvoir de décision, comment voulez-vous qu'on aille loin? Au départ, bien sûr, cela fait un peu peur d'avoir à prendre des décisions quand on n'a pas l'habitude. On s'habitue très vite à cela. (16 h 15)

M. Hains: Je vous le souhaite bien. En tout cas, moi, je suis un ancien directeur d'école. J'ai peut-être mal tourné dernièrement, mais enfin je suis ici aujourd'hui. Vous parlez vraiment avec beaucoup de détails de l'ambiguïté du statut actuel du directeur d'école. Vous dites qu'il est nommé par la commission scolaire, mais qu'il a été choisi ou suggéré par un organisme. Si le directeur d'école ne vous va pas, à un certain moment, vous avez le droit comme cela de le renvoyer à la commission scolaire qui le mettra sur des tablettes ou bien lui trouvera peut-être un autre emploi dans une autre école. C'est un peu la technique du dumping dont parlait notre porte-parole ce matin. Est-ce que vous ne trouvez pas cela vraiment un peu méprisant pour un professionnel du métier?

Mme Courchesne: Précisément, ce qu'on demande, c'est que cela ne soit pas le conseil d'école qui décide de résilier, par exemple, le mandat d'un directeur d'école puisque l'employeur, c'est la commission scolaire; ce serait à la commission scolaire de prendre cette décision, sur recommandation du conseil d'école évidemment.

M. Hains: C'est cela. C'est vous-même qui allez recommander la démission du directeur d'école ou enfin son départ de votre école pour qu'il soit placé ailleurs, parce qu'il ne vous satisfait pas.

Mme Courchesne: En principe, son mandat est de cinq ans.

M. Hains: Cinq ans, mais, s'il ne vous va pas après deux ou trois ans, vous avez la liberté, je crois, de recommander sa démission et là la commission scolaire prendra la décision de le coucher sur une tablette ou de l'envoyer ailleurs.

Mme Courchesne: Ou de l'envoyer à une école qui conviendrait mieux à sa personnalité ou à sa façon de voir les choses.

M. Hains: Mais si tous les postes sont occupés, madame, qu'est-ce qui arrive? Voilà'. Moi je trouve cela vraiment injurieux, non parce que je suis un ancien directeur d'école, mais parce que c'est quand même un professionnel de l'enseignement.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri. M. le député de Vachon.

M. Payne: J'aimerais vous saluer au nom du conseil des députés de la rive sud ainsi qu'en mon nom personnel comme député de Vachon. J'ai été en mesure d'évaluer le travail exceptionnel de votre commission scolaire lors de la consultation sur le projet de loi et sur le livre blanc qui le précédait. Je connais plusieurs de vos enseignants, de vos parents et les personnes qui ont participé à la consultation. Il y a d'ailleurs eu beaucoup de commentaires dans la région sur la consultation qui a été tout à fait impressionnante.

Je prétends que, malgré les discussions politiques et partisanes, il y a un certain consensus qui commence à se dégager depuis quelques mois, particulièrement au niveau de la valorisation de l'école, de la suggestion pour le développement de projets locaux, de l'accroissement du rôle des parents, de la révision de la carte scolaire et aussi de quelques modifications importantes en ce qui concerne l'option confessionnelle ou linguistique.

Les défenseurs du statu quo mettraient de côté ces suggestions progressistes, à mon avis, pour invoquer la non-applicabilité du projet de loi et du livre blanc. Ils rejetteraient du revers de la main l'idéalisme du projet.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Vachon, est-ce que vous avez une question à poser à nos invités pour que nous puissions procéder?

M. Payne: M. le Président, c'était ma

question.

Le Président (M. Blouin): Très bien, d'accord.

Une voix: Bravo!

M. Payne: Quant à cette idée, à savoir que le livre blanc et le projet de loi seraient non applicables, que ce serait un projet idéaliste, quelles sont vos expériences vis-à-vis de la participation des parents au niveau du comité d'école tel que proposé dans le livre blanc? Est-ce que vous considérez qu'un tel pessimisme devrait être général à cet égard, à la suite de l'adoption du projet de loi? Je crois qu'une partie de la réponse se trouve dans la manière dont vous avez engagé la consultation auprès des parents.

Le Président (M. Blouin): M. Guay.

M. Guay (Raymond): M. le Président, à ce sujet, dans le sondage qui a été fait après le dépôt du livre blanc, on disait: Les comités d'école actuels sont orientés vers la consultation. Le livre blanc vous suggère une école avec plus de responsabilités et devant servir davantage le milieu. Plus de 71% ont répondu être d'accord avec ce principe. Si on fait le tour des comités d'école et des comités de parents de la région, de plus en plus, les gens nous disent: Si on peut enfin avoir certains pouvoirs dans l'école, on va nous voir le bout du nez. C'est un élément très important, à mon avis, qui vient répondre à votre interrogation.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Guay.

Oui, Mme Courchesne.

Mme Courchesne: II y a une chose qu'on oublie très souvent lorsqu'on parle des parents, c'est qu'actuellement on est au niveau primaire. Il y a tout de même une nouvelle génération de parents qui est instruite, qui a un certain nombre d'idées et qui est intéressée à suivre vraiment ce qui se passe dans les écoles. Quand votre enfant commence à la maternelle et en première année, vous allez voir ce qui se passe, vous regardez cela. Cela vous prend peut-être un an pour voir tout ce qui va et tout ce qui ne va pas et, ensemble, on commence à avoir des idées. On aimerait que les choses changent, bougent dans le sens des valeurs du milieu. Le milieu est toujours très petit.

Ce qui intéresse les parents, ce n'est pas l'ensemble des écoles du Québec. Ce qui m'intéresse ou ce qui les intéresse, c'est l'école que fréquentent mes enfants, donc mon quartier. Quelles sont les valeurs de mon quartier? Qu'est-ce que j'aimerais voir dans mon secteur? Les parents, si vous leur donnez l'occasion d'exercer des pouvoirs de décision - tout le monde le sait dans le milieu - pourront influencer un grand nombre de personnes et aller de l'avant. Par exemple, dans notre secteur, il est très important d'accorder une grande valeur à la langue parlée. Il est possible que les parents décident de mettre cela de l'avant dans le milieu. Dans un autre milieu, ce qui serait le plus important, c'est peut-être le sport; c'est ce qu'on va plutôt valoriser à l'intérieur du régime pédagogique. On ne touchera jamais aux programmes. Ils sont fixés et ils sont pour tout le monde. Mais on est là pour donner du dynamisme, si vous voulez, au milieu afin que les enfants soient plus contents et nous aussi.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Mme Théroux-Saint-Laurent, une brève réponse complémentaire.

Mme Théroux-Saint-Laurent: Pour reprendre un peu ce que je n'ai pas eu l'occasion de répondre à M. le député, ex-directeur d'école, quand on parlait des pouvoirs de pression et de décision, je crois que la loi permet les deux. Les parents, s'ils le désirent, pourront garder au niveau de l'école un comité de parents ayant un pouvoir de pression. Les pressions des parents, ceux qui ne veulent que faire des pressions y trouveront leur compte et ils pourront les parents qui veulent prendre des décisions au niveau de l'école, mais tout demeure dans l'école.

Le Président (M. Blouin): Je n'avais pas compris que vous vouliez revenir sur une question antérieure. Cela va. M. le député de Vachon.

Mme Théroux-Saint-Laurent: C'était dans la participation des parents.

Le Président (M. Blouin): Si l'on veut.

M. Payne: C'est très simple, il faut être très ferme dans votre réponse. Est-ce qu'il y a la moindre chose, dans le projet de loi, en ce qui concerne le chapitre "Comités de l'école", leur rôle et leur participation, sur l'applicabilité de ce principe qui enlèverait quoi que ce soit à la commission scolaire dans son rôle de soutien du réseau d'écoles?

Mme Courchesne: Non, à mon avis. C'est clair?

Le Président (M. Blouin): Bon, très bien. Merci, M. le député de Vachon. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. J'aimerais vous remercier de votre mémoire. Je constate que, malgré votre appui en

principe au but visé, celui de valoriser le rôle de l'école et surtout le rôle des parents, vous avez soulevé au moins deux problèmes majeurs qui, à mon avis, sont fondamentaux: d'abord, l'ambiguïté du rôle et de l'imputabilité du directeur d'école, et le rôle et l'imputabilité des commissaires. Ce sont deux problèmes que notre porte-parole a soulevés ce matin dans son discours d'ouverture.

Ma question porte sur les pouvoirs consacrés aux parents dans le projet de loi. Voudriez-vous nous préciser, sur le plan pratique, ce que vous envisagez comme pouvoirs décisionnels pour les parents dans le projet de loi, des pouvoirs que vous n'avez pas dans le système actuel? Sur le plan pratique et non théorique, qu'est-ce que vous envisagez comme pouvoirs décisionnels pour les parents?

Le Président (M. Blouin): M. Guay ou Mme Courchesne.

M. Guay (Raymond): Oui.

Le Président (M. Blouin): M. Guay.

M. Guay (Raymond): Cela entre, à mon avis, dans les fonctions de l'école. Dans l'application du régime pédagoqique, l'école peut se donner un comité pédagogique composé d'enseignants et le conseil d'école peut être alimenté par ce comité pédagogique pour donner une orientation plus grande ou une plus grande ouverture à l'application du régime pédagogique. Par la suite, vous avez le service d'enseignement, tout l'aspect de l'évaluation: bulletins, critériums et autres, et les services à la communauté.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée.

Mme Dougherty: D'abord, sur l'application du régime pédagogique, qu'est-ce que vous entendez par le mot "application"? Comme vous l'avez dit à la page 5: "...les programmes d'enseignement sont établis à l'échelle de la province et les objectifs à atteindre sont les mêmes partout." Quels sont les éléments qui restent à l'école dans le... Qu'est-ce que vous entendez par le mot "application"? Quelles sont les décisions qui restent aux parents?

M. Guay (Raymond): Mme Saint-Laurent pourrait répondre.

Le Président (M. Blouin): Mme Saint-Laurent.

Mme Théroux-Saint-Laurent: Sur ce point, d'après la lecture et l'interprétation que je fais de l'application du régime pédagogique, il est évident que les parents dans chacune des écoles auront des pouvoirs qu'ils n'ont pas présentement. Je crois que, dans le contexte actuel de la loi, il est impossible pour des parents, dans une école d'une commission scolaire où il y a plusieurs écoles, de décider si, par exemple, dans cette école, on accordera une plus grande part, comme le disait madame tout à l'heure, aux arts, à la langue ou si on fera la promotion de tel type d'activité plutôt que de tel autre. La commission scolaire établit pour l'ensemble de ces écoles une façon de procéder, répartit les ressources qui sont sous sa juridiction et tout le monde marche au même pas. Dans l'application du régime pédagogique, chaque école pourra choisir, à l'intérieur des normes prescrites par le régime pédagogique, des priorités et même des contenus, puisque le régime pédagogique permet, en plus du minimum qui est prévu pour tout le monde, des ajouts. Les enseignants pourront, selon leur compétence et selon la diversité de leurs affinités ou de leur goût personnel pour certains types d'activités, promouvoir un visage bien spécial dans une école. (16 h 30)

En plus du régime pédagogique, quand on parle des services à la communauté, présentement, la plupart des commissions scolaires ont au niveau de leur territoire une politique de location de salles, une politique d'utilisation de bâtisses qui est uniforme pour tout le monde. Dans la nouvelle loi, une école pourra se donner des services qui répondent à son milieu et si, dans un milieu X, on veut refaire de l'école le centre communautaire où, lors des 25e anniversaires de mariage, c'est dans la salle de l'école qu'on ira, quand on aura des mariages, tout le monde pourra louer la salle. Cela a l'air des détails, mais ce sont des choses concrètes. Présentement, il y a une politique d'ensemble et, effectivement, la politique est suivie pour tout le monde sur le même pied. Les gens pourront se donner des choses plus personnelles, beaucoup plus spécifiques.

On parle aussi de l'évaluation. Je pense que, quand on parle d'évaluation, on ne parle pas beaucoup ici des moyens d'évaluation selon les milieux. Il y a des gens dans certains milieux qui demeurent attachés à quelque chose sentimentalement ou à cause des préjugés ou parce que cela a toujours été comme cela; peut-être qu'ils sont plus conservateurs que d'autres. Il demeure que des gens souhaitent encore des évaluations où on a la note, où on a le rang, où on a des choses qui correspondent plus à leurs besoins. Eh bien! ils pourront se le donner. L'école qui veut un régime d'évaluation par des fiches personnalisées pourra se le donner. Je pense que ce sont là des faits concrets sur différents aspects où la loi peut permettre à une école de se donner des services.

Une dernière chose qui me vient à l'idée: Par exemple, au niveau des commissions scolaires, on a énormément de difficultés à répondre à des besoins en terme d'orthophonie. On décèle beaucoup de difficultés de langage chez les jeunes. Présentement, la commission scolaire, avec les limites budgétaires qu'elle a, se donne des services d'orthophonie qui sont distribués à l'intérieur de la commission scolaire selon les possibilités financières et le temps dont la personne dispose. On a beaucoup parlé des milieux défavorisés, mais on n'en parle pas beaucoup là. Mais si, dans un milieu défavorisé, on sent que l'accent devrait être mis sur le dépistage et sur le soin particulier des élèves en difficulté, pourquoi l'école ne pourrait-elle pas engager, à même les ressources qui lui seront données par la commission scolaire, un orthophoniste à temps partiel? Présentement, la commission scolaire en a un et on s'en sert pour tout le monde, selon les possibilités que l'on a. Couleur locale.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Je suis une ancienne présidente d'une commission scolaire où j'ai vu toutes sortes de priorités exprimées au niveau local dans chaque école. Je me demande comment il se fait que les priorités pédagogiques dont vous parlez, priorité pour les arts, priorité pour les sports, priorité pour la musique... Je me demande comment il se fait que, même aujourd'hui, dans des dizaines et des centaines d'écoles, on voit des programmes, des priorités des parents de chaque école, exprimées exactement comme vous les avez décrites, sans avoir un changement dans la loi. Je me demande où est le problème. Est-ce qu'on a besoin d'un chambardement de tout le système pour valoriser les priorités des parents ou est-ce que la possibilité n'existe pas à l'heure actuelle? Mais, ce n'est peut-être pas demandé suffisamment fort par les parents, parce qu'il y a des centaines d'écoles qui réussissent très bien à exprimer leurs priorités exactement comme vous les avez décrites.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Guay.

M. Guay (Raymond): M. le Président, par le fait que les écoles n'ont pas ces pouvoirs, dans beaucoup de cas, les commissions scolaires ayant juridiction sur les écoles à ce moment-là, les parents veulent bien, ils font des pressions pour obtenir une école qui soit axée davantage sur les arts, mais ce n'est pas la priorité pour la commission scolaire et les parents restent sur leur appétit.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Maintenant, nous devrons, avant 18 heures, entendre un autre organisme. J'invite donc les deux derniers intervenants à faire des interventions succinctes et aussi nos invités à nous donner des réponses succinctes. M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Passons immédiatement aux questions. J'aimerais quand même situer le cadre de ma question, cela va de soi. Un des aspects assez important, je crois, de nos préoccupations en ce qui concerne cette réforme, c'est d'assurer un lien entre les conseils d'école et le conseil des commissions scolaires. Il faut qu'il y ait un rapport assez étroit entre les deux. Vous semblez privilégier le transfert d'une partie des membres du conseil d'école au niveau de la commission scolaire pour assurer la présence de l'école au sein de la commission scolaire. Le projet de loi privilégie l'autre direction. Pour assurer le lien, on va faire en sorte qu'un des membres de la commission scolaire soit présent au conseil d'école. Je pense qu'on s'entend sur la nécessité qu'il y ait un lien entre les deux instances décisionnelles et administratives. Je vais vous poser une question sur une des solutions possibles. Vous vous opposez au projet de loi en faisant appel à deux raisons sur ce plan, le projet de loi qui stipule que le commissaire élu sera présent au conseil d'école.

La première raison, c'est que vous avez peur d'une politisation au sein de l'école par le biais d'une élection. Je ne vois pas très bien la portée exacte de votre raison parce que, de toute façon, les parents qui vont composer le conseil d'école sont des parents qui seront soumis au processus électoral. La communauté de l'école aura à vivre une élection. Dans l'autre cas, c'est évident que le champ où va se jouer l'élection sera plus vaste car ce sera au suffrage universel. Quand même, le jeu électoral est déjà présent dans l'école, de toute façon. Disons que, pour cette raison, je ne vois pas très bien.

La deuxième raison, c'est le conflit d'intérêts. Disons que je suis peut-être un peu plus sensible à cette raison. Une solution que je vous proposerais - j'aimerais connaître votre réaction à cette solution -c'est que le commissaire élu, pour assurer le lien, devrait d'office assister, être membre du conseil d'école et, pour éviter un conflit d'intérêts, il n'aurait pas droit de vote. Il serait là pour bien connaître ce qui se passe, écouter, savoir ce qui se passe à l'école. Quand il arriverait à la commission scolaire, il pourrait vraiment être au fait de ce qui se passe à l'école, mais il ne serait pas lié par un vote auquel il aurait participé quand il aurait à prendre une décision, au niveau de la commission scolaire, dans

l'intérêt de l'ensemble des écoles. Que pensez-vous de cette solution?

Le Président (M. Blouin): Mme Courchesne.

Mme Courchesne: C'est exactement ce qu'on souhaite, c'est dans le mémoire.

Le Président (M. Blouin): Cela résume bien la pensée des représentants de la commission scolaire. M. Neveu.

M. Neveu: Je pourrais étayer juste un petit peu plus.

Le Président (M. Blouin): Oui, rapidement s'il vous plaît!

M. Neveu: Je voudrais quand même relever le commentaire du député de Chauveau, à savoir qu'il ne voit pas très bien la difficulté dans le fait qu'il y a une élection au sein d'une école. Il ne voit pas la difficulté qu'on y voyait. Très rapidement. Bien sûr, quand on parle d'élection au suffrage universel cela sous-entend toute une mécanique qu'on ne retrouve pas lorsqu'un groupe se rencontre, se crée en assemblée générale et voit à se déléguer des membres. C'est un des aspects.

Le second, dans le même ordre d'idées, c'est que la loi prévoit actuellement que les membres des conseils d'école issus des parents vont être nommés selon une procédure déjà préétablie dans la loi et que, subséquemment, le commissaire devra être élu au suffrage universel. Dans l'attente de l'arrivée de la personne élue au suffrage universel, c'est la direction de l'école qui assume la présidence du conseil d'école. Encore là, si, pendant un mois, il y a un groupe d'individus au sein du conseil d'école qui s'implique, qui s'engage et que, dans la principale fonction, le plan d'orientation, la personne élue va intervenir, va arriver par la suite, à ce moment-là, il peut véritablement se créer, strictement au niveau de l'élection, des conflits qu'on déplorerait au niveau de l'école.

Le Président (M. Blouin): Cela va. M. le député de Saguenay, succinctement, s'il vous plaît!

M. Maltais: Brièvement, trois petites questions. Est-ce que, comme une commission scolaire, vous avez la visite d'information du ministre, M. Laurin, lors de sa tournée? Vous parlez beaucoup de suffrage universel et vous allez beaucoup plus loin aussi que le ministre. Le ministre va au suffrage universel par école alors que vous n'y allez pas du tout, parce que le principe d'être élu au suffrage pourrait gêner certaines procédures à l'intérieur du comité d'école. Il y a une petite question qui me vient a l'esprit. Si personne n'est élu, vous n'avez pas dit que vous étiez contre l'article 258 qui permet de taxer... Vous savez qu'il y a un principe en saine démocratie: pour taxer, il faut être élu. Je n'ai pas vu dans votre mémoire des renonciations. Tout ce beau système coûtera des dollars et la loi vous permet d'aller chercher 6% de votre budget. Vous devrez taxer l'ensemble des contribuables de votre commission scolaire dont une partie aura été exclue de la voie décisionnelle. Est-ce que vous croyez que cela est correct?

Le Président (M. Blouin): M. Neveu.

M. Neveu: Quant à votre première question, à savoir si on a eu l'occasion de participer à la séance d'information que le ministre de l'Éducation a pu tenir dans notre région, effectivement, on devait y participer, mais cette rencontre-là a été reportée subséquemment. Par contre, on a eu l'occasion de participer à des rencontres d'information sur tout le territoire avec la direction régionale du ministère de l'Éducation et non pas avec le ministre Laurin.

Quant au second volet de votre question, vous dites qu'on est contre le suffrage universel. On n'est pas contre le suffrage universel, au contraire. On en fait même un amendement. Ce sur quoi on est contre, c'est de le situer au niveau de l'école. On dit que le suffrage universel devrait partiellement être maintenu au niveau du conseil d'administration de la commission scolaire. Pourquoi partiellement maintenu? C'est tout simplement pour faire référence à ce qu'on vit actuellement. Actuellement, l'ensemble des membres du conseil d'administration est élu au suffrage universel. On dit: Demain, avec le projet de loi, on préconise qu'il y ait la moitié des membres qui soit élue.

M. Maltais: Partiellement, pour vous, ça veut dire quoi?

M. Neveu: Partiellement, en termes de quantité. Actuellement, c'est l'ensemble, la totalité et demain, on dit que c'est la moitié qui devra être élue au suffrage universel et les autres seront issus des conseils d'école.

Le Président (M. Blouin): Ça va, M. le député de Saguenay?

M. Maltais: D'accord. Ce sera plus long tout à l'heure.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, au nom de tous les membres de cette commission parlementaire, je remercie les responsables de la commission scolaire

Jacques-Cartier de leur précieuse collaboration aux travaux de cette commission.

J'invite maintenant les membres de la commission scolaire Morilac à s'avancer pour prendre place à la table des invités. Je rappelle à ces invités que nous leur demanderons d'abord d'identifier les responsables de leur commission scolaire et ensuite d'identifier le territoire de leur commission scolaire et le niveau d'enseignement auquel ils s'adressent. Pour les fins du journal des Débats, bien sûr, ils devront s'identifier personnellement avant de nous livrer le contenu de leur mémoire. Très bien, nous vous écoutons.

Commission scolaire Morilac

Mme Custeau (Colette): Merci, M. le Président. La commission scolaire Morilac est une commission scolaire primaire et elle est située dans l'Estrie. Elle regroupe les villes de Valcourt, Richmond et Windsor.

Il me fait plaisir de vous présenter les gens qui m'accompagnent. D'abord, M. René Pelletier, représentant des parents; M. Guy Létourneau, directeur général, et M. Jean-Guy Bolduc, directeur d'école. Si vous me le permettez, M. le Président, je vais faire la lecture du mémoire...

Le Président (M. Blouin): Vous êtes très humble, vous oubliez de vous présentez.

Mme Custeau: Je m'excuse. Colette Custeau, présidente du conseil des commissaires.

M. le Président, M. le ministre, MM. les membres de la commission parlementaire, la commission scolaire Morilac est heureuse de vous faire part de l'analyse qu'elle fait du projet de loi 40 à partir de son expérience vécue depuis de nombreuses années, particulièrement dans l'élaboration de projets éducatifs propres à chacune des écoles. (16 h 45)

Les commissaires d'écoles, les membres du comité de parents, les cadres de la commission scolaire, les directeurs d'école et les professionnels non enseignants ont convenu de se présenter ensemble devant cette " commission parlementaire pour bien manifester le consensus des différents agents sur les propos que nous allons vous livrer.

Ce qui nous incite à faire cette communication, c'est la conscience d'avoir été parmi les pionniers dans la recherche d'une autonomie relative des écoles dans le système actuel. Cette expérience nous confère une certaine compétence pour parler de la situation d'une école qui a un projet éducatif. Étant donné que le gouvernement propose que l'ensemble du système scolaire primaire et secondaire public s'oriente dans cette direction, nous croyons avoir une responsabilité sociale de participer au débat que le projet suscite.

Nous commenterons particulièrement un aspect du projet de loi qui devrait, à notre avis, être à l'origine d'une modification majeure dans la façon d'administrer le système scolaire. Il s'agit de la volonté de reconnaître une autonomie à l'école pour qu'elle puisse vivre un projet éducatif qui comporte des orientations et un plan d'action accordés à son milieu et élaborés en collaboration permanente avec les parents, les élèves et le personnel de l'école. C'est en considérant cette orientation fondamentale que nous serons amenés à commenter diverses mesures proposées dans le projet de loi.

Le projet éducatif, ce qu'il est pour nous. L'idée que chaque école se dote d'un projet éducatif propre correspondant aux aspirations particulières des agents du milieu a été et est encore une source d'action dynamique pour le développement harmonieux de chacune de nos écoles. Nous avons constaté qu'une école avait besoin d'un cadre de référence signifiant, préparé par elle, afin de lui permettre de se situer face à l'ensemble des sollicitations extérieures qui lui arrivent de toutes parts, de prendre conscience de ce qui constitue l'essentiel de son activité auprès des enfants et, enfin, de planifier les diverses actions à réaliser dans le temps et selon un ordre de priorités correspondant à ses besoins. Un tel cadre de référence favorise la prise en charge et le contrôle de son action éducative auprès des enfants. Le projet éducatif a été un instrument privilégié par la commission scolaire Morilac pour atteindre cet objectif.

Nous ne croyons pas que toutes nos écoles aient toujours eu un projet éducatif et nous sommes bien conscients qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir afin que la réalité vécue dans chacune d'elles corresponde entièrement aux idéaux que nous visons. Si on met de l'avant un concept relativement récent, celui de projet éducatif, c'est, croyons-nous, pour mettre l'accent sur certains aspects de la réalité jusque-là mis en veilleuse.

Pour nous, les aspects les plus importants que promeut l'idée de projet éducatif d'école sont les suivants. Premièrement, le développement chez chacun des agents de la conscience des finalités des actions entreprises auprès des enfants et des motivations qui justifient les gestes posés. Deuxièmement, le développement de la solidarité entre les personnes agissant auprès des enfants et du sens de la responsabilité collective tant en ce qui concerne les objectifs à poursuivre et les actions à réaliser qu'en ce qui concerne les résultats obtenus. Troisièmement, le développement de la prise d'initiative qui amène les gens à

rechercher eux-mêmes les solutions aux problèmes qui les confrontent sans réclamer en premier lieu une intervention venant de l'extérieur. Enfin, le développement d'une façon de gérer favorisant l'interaction entre les agents, s'appuyant sur leur compétence et leur reconnaissant l'autonomie indispensable pour assumer leur mission éducative auprès des enfants.

La présence de ces quatre éléments dans l'esprit qui anime les actions de l'école nous permet d'identifier qu'une école vit un projet éducatif. Le projet éducatif n'est pas pour nous principalement une technique de planification des objectifs et des plans d'action. Il ne consiste pas non plus essentiellement dans l'appropriation au niveau local des objectifs et des plans d'action élaborés par le MEQ. Le projet éducatif met l'accent sur le vécu réel de l'école, l'identification par l'école de ses intentions concernant l'éducation des enfants et la prise en charge des actions à réaliser pour mettre en oeuvre ces intentions.

La commission scolaire Morilac considère que ses écoles auront atteint les objectifs qu'elle poursuit, premièrement, lorsque chacune d'elles aura pris en charge, dans l'école, l'orientation, l'organisation, la réalisation et l'évaluation de l'ensemble des activités et des situations vécues d'abord par les enfants, mais aussi par les parents et les membres du personnel de l'école; deuxièmement, lorsque tous les agents se sentiront solidairement responsables d'en améliorer les résultats en tirant le meilleur parti de l'ensemble des ressources disponibles.

C'est là une approche peu légaliste de la notion de projet éducatif. Nous ne saurions accepter une définition de projet éducatif qui minimiserait cette idée de prise en charge de l'activité éducative vécue dans l'école par tous les agents. Cette idée constitue pour nous la clef de voûte qui permettra à l'école de devenir dans les faits le pivot du système scolaire.

Le projet éducatif et l'école. Les pouvoirs de l'école. La commission scolaire Morilac est d'accord pour que la loi reconnaisse des pouvoirs spécifiques à l'école et, sur cet aspect, le projet de loi 40 correspond à ses attentes.

Nous sommes convaincus qu'il est possible, dans la structure actuelle, de déléguer aux écoles les pouvoirs que se propose de leur accorder le projet de loi. Nous l'avons d'ailleurs fait depuis plusieurs années. Cependant, nous sommes conscients aussi que les écoles sont à la merci d'une conception centralisatrice de l'administration. Nous croyons qu'une identification des pouvoirs de l'école dans la loi constitue une protection minimale nécessaire contre cette tendance centralisatrice. Permettez-nous cependant de nous poser des questions sur l'augmentation concrète de l'autonomie de l'école.

Nous constatons que le ministère de l'Éducation ne laisse ni à l'école, ni à la commission scolaire aucun des pouvoirs qu'il exerce actuellement. De plus, plusieurs appuis au projet de loi nous semblent provenir de groupes qui interprètent ce projet comme une augmentation des pouvoirs de leurs groupes. C'est le cas, notamment, du groupe des parents et de celui des directeurs d'école. Enfin, la formulation de certains articles du projet de loi, particulièrement l'article 217, pourrait, croyons-nous, permettre à une commission scolaire d'intervenir dans l'exercice des pouvoirs d'ordre pédagogique attribués à l'école. Si chaque interprétation soulignée ci-dessus est possible, l'application de cette loi sera ou bien une source de tension entre les groupes ou bien génératrice de déceptions pour plusieurs.

La responsabilité du projet éducatif au niveau de l'école. À la lecture du projet de loi, nous n'identifions pas clairement qui est responsable du projet éducatif de l'école. Nous percevons une confusion sur les organismes habilités à déterminer et à gérer le projet éducatif. À l'article 28, on écrit que l'école est sous l'autorité d'un conseil d'école. Aux articles 65, 68 et 71, on détermine que les comités d'école ont pour fonction de donner leur avis sur la détermination des orientations et l'établissement du plan d'action du projet éducatif de l'école. C'est là une fonction consultative.

C'est le deuxième paragraphe de l'article 91 qui introduit la confusion. Il est écrit: "Les parents, le personnel et les élèves peuvent, de concert, donner à l'école des orientations et un plan d'action accordés à son milieu. Les orientations et le plan d'action qu'ils définissent ainsi de temps à autre constituent des éléments de projet éducatif de l'école." C'est là une fonction décisionnelle.

Si nous comprenons bien l'esprit de ce projet de loi, c'est le conseil d'école qui est responsable de la mission de l'école; les parents, le personnel et les élèves influencent le conseil d'école par le biais des comités consultatifs. Comment peut-on alors, d'une part, définir la fonction de ces derniers comme étant consultative et, d'autre part, accorder aux groupes qui les composent le pouvoir de donner à l'école des orientations et un plan d'action?

Notre avis est que ce pouvoir de définir les éléments déterminants du projet éducatif de l'école doit appartenir au conseil d'école et la loi ne doit laisser aucune ambiguïté sur cet aspect. En effet, quel pouvoir aurait un conseil d'école qui ne maîtriserait pas les décisions portant sur ce qui constitue l'essentiel de l'activité de

l'école, c'est-à-dire son projet éducatif?

La confusion disparaîtrait si le deuxième paragraphe de l'article 91 était rédigé de la façon suivante: "Le conseil d'école, de concert avec les parents, le personnel et les élèves, donne à l'école des orientations et un plan d'action accordés à son milieu. Les orientations et le plan d'action qu'il définit ainsi constituent des éléments du projet éducatif de l'école."

Nous recommandons au ministre de modifier le texte de cet article. Cela confirmerait clairement l'autorité du conseil d'école sur le projet éducatif de l'école et ne laisserait aucun doute sur le rôle des comités d'école. Dans cette perspective, il va de soi aussi qu'il doit appartenir au conseil d'école d'établir les modalités de consultation des comités sur le projet éducatif de l'école, car nous sommes convaincus que la définition des modalités de consultation et d'action fait partie intégrante de la prise en charge.

Le projet éducatif de l'école et la commission scolaire. Le rôle de soutien de la commission scolaire. Le fait pour chaque école d'avoir son projet éducatif propre modifie en profondeur la relation entre la commission scolaire et les écoles sous sa juridction. D'une relation axée sur la fonction de direction à travers laquelle la commission scolaire détermine des orientations communes à toutes les écoles, une commission scolaire s'achemine vers une relation axée sur le service et le soutien aux actions issues des écoles. Nous avons vécu cette difficile transformation de rôle.

Nous sommes heureux que le projet de loi reconnaisse à la commission scolaire cette fonction de soutien. En effet, à l'article 206, on peut lire: "La commission scolaire assure le soutien à l'organisation pédagogique des écoles."

Il nous apparaît que le soutien pédagogique constitue un besoin important de l'école pour l'aider à assumer sa mission éducative, et l'école doit participer activement à l'identification de ses besoins de soutien comme à la définition du plan d'action mis en oeuvre pour y répondre. C'est là, d'après notre expérience, une condition essentielle à l'efficacité de toute action de soutien de l'activité éducative des écoles.

La commission scolaire, à cause de sa relation quotidienne avec les écoles, est en situation privilégiée pour assumer ce rôle de soutien pédagogique dans le respect véritable des besoins des écoles. La structure proposée par le projet de loi 40 renforce cette situation en donnant aux écoles la possibilité d'exercer un contrôle sur les activités de la commission scolaire. Ainsi, les écoles peuvent avoir un contrôle réel sur les plans de soutien élaborés par la commission scolaire, ce qui ne serait pas le cas si ce rôle de soutien était attribué à un autre palier du système scolaire, comme le ministère, pour ne citer qu'un exemple.

Cependant, étant donné que l'expression "l'organisation pédagogique" utilisée à l'article 206 peut prêter à diverses interprétations, les unes étant très ouvertes et les autres étant plutôt restrictives, nous recommandons d'utiliser plutôt l'expression "soutien à l'organisation des services éducatifs dispensés par l'école". Cette référence aux services éducatifs a l'avantage d'utiliser une notion clairement définie à l'article 1 du projet de loi.

Le rôle d'animation de la commission scolaire. Nous avons constaté au cours de notre expérience que les écoles avaient besoin que la commission scolaire joue un rôle d'animation en plus de son rôle de soutien de leurs actions propres. (17 heures)

Nous croyons que, si la commission scolaire n'avait pas, année après année, incité les écoles à approfondir leur projet éducatif, si elle n'avait pas interrogé l'adéquation des priorités qu'elles se sont données avec les besoins du milieu, si elle n'avait pas remis en question leur ouverture à la participation des agents, beaucoup de nos écoles seraient retombées dans la routine du fonctionnement quotidien et n'auraient pas investi les efforts nécessaires au contrôle conscient de leur développement. C'est à travers les avis donnés sur le projet éducatif de l'école que la commission scolaire a joué une partie de ce rôle d'animation.

Nous sommes convaincus que tant que les valeurs sous-jacentes au fonctionnement par projets éducatifs d'école ne sont pas largement intégrées dans l'école, ce rôle d'animation joué par la commission scolaire s'avère essentiel. Sans une commission scolaire qui exercerait ce rôle de façon très active dans les premières années de l'implantation de la loi, nous croyons qu'une école pleinement responsable de son activité auprès des enfants prendra plus de temps à s'inscrire dans la réalité.

Puisque la loi reconnaît à la commission scolaire le rôle de s'assurer que la population de son territoire reçoive les services éducatifs auxquels elle a droit dans les écoles situées sur son territoire (art. 199), puisque la loi reconnaît à la commission scolaire le rôle d'informer la population de son territoire des services éducatifs et des services à la communauté qui lui sont offerts dans les écoles (art. 205), puisque la loi reconnaît à la commission scolaire le rôle de veiller à ce que les écoles évaluent les apprentissages de l'élève (art. 207), il apparaît pertinent que l'école rende compte de son projet éducatif à la commission scolaire et que cette dernière ait le pouvoir de transmettre à l'école son avis sur le projet éducatif de l'école.

C'est pourquoi la commission scolaire Morilac recommande qu'on modifie l'article 38 du projet de loi de façon à spécifier que le rapport d'activité de l'école porte sur l'état de son projet éducatif et que ce rapport doit être remis à la commission scolaire. Même si l'article 37 oblige l'école à fournir à la commission scolaire tout renseignement exigé par elle, il n'apparaît pas superflu d'indiquer dans la loi que le projet éducatif de l'école doit être remis à la commission scolaire. De plus, la commission scolaire Morilac recommande qu'on ajoute, après l'article 207, un article indiquant que la commission scolaire peut donner aux écoles son avis sur le projet éducatif de l'école.

Soyons clairs, nous ne demandons pas pour la commission scolaire le pouvoir de définir les projets éducatifs des écoles, ni celui de leur imposer des orientations communes; nous souhaitons que la commission scolaire ait l'occasion de souligner à l'école ce qui constitue, à son avis, les points forts et les points faibles de son projet éducatif à partir d'une vision plus large de l'état des services éducatifs dispensés sur son territoire. Nous croyons que l'école a besoin d'un agent externe jouant le rôle de miroir afin de l'aider à mieux prendre conscience de sa réalité. Le fait pour une commission scolaire de donner son avis sur le projet éducatif de l'école remplit une partie de ce rôle très important.

Le rôle de contrôleur de la commission scolaire. Nous souhaitons que la relation entre la commission scolaire et les écoles soit basée sur la coopération et l'aide mutuelle. Dans cette perspective, nous nous inquiétons particulièrement du contenu de l'article 217 faisant de la commission scolaire le contrôleur du gouvernement et du ministère de l'Éducation.

Il nous semble que cet article pourrait permettre à une commission scolaire d'imposer ses vues aux écoles en pédagogie en invoquant l'obligation qu'elle a de faire respecter les lois et les règlements. Nous pensons que cet article contribuera au maintien du système actuel, car alors, si cela se produisait, les énergies de l'école continueront d'être polarisées par ce qui vient "d'en haut" et non par "un plan d'action accordé à son milieu et élaboré en collaboration permanente avec les parents, les élèves et le personnel de l'école". Lorsqu'on constate, d'une part, tout le champ d'intervention que se sont gardé le gouvernement et le ministère de l'Éducation et, d'autre part, l'obligation faite à la commission scolaire de mettre l'école en demeure de se conformer aux lois et règlements, il y a là tout ce qu'il faut pour que l'école ne devienne jamais "le pivot du système scolaire".

Malgré cette crainte, nous voulons manifester notre accord avec la proposition que la commission scolaire assume la fonction de contrôle de l'application dans les écoles des lois et des règlements du gouvernement et/ou du ministre. Nous croyons qu'il est moins risqué pour les écoles que le contrôle soit exercé par un organisme qui connaît leur évolution et qui est à même de juger de leur situation propre.

D'ailleurs, nous avons dû, dans le passé, prendre des libertés avec les directives du ministère et avec les priorités qu'il voulait nous imposer parce qu'elles auraient eu pour effet d'empêcher telle ou telle école de prendre en main la solution de problèmes plus urgents identifiés par l'ensemble des agents du milieu. Cette liberté relative est une condition essentielle de la reconnaissance d'une autonomie véritable de l'école et un facteur déterminant de la motivation qu'elle aura pour entreprendre une démarche en vue de se donner un projet éducatif propre.

En effet, quelle pertinence y a-t-il à réaliser une analyse de sa situation, à déterminer des priorités d'action convenues dans le milieu, à se donner des orientations correspondant à ses aspirations si tout le temps d'action disponible doit être occupé à appliquer ce qui vient du ministère? Nous osons affirmer qu'en situation de projet éducatif d'école, lorsqu'il y a dans un milieu donné conflit entre les priorités du système scolaire et les priorités largement identifiées par les parents, le personnel et les élèves d'un milieu, ces dernières doivent avoir temporairement préséance sur les premières. C'est là le test de vérité des intentions du projet de loi qui est présentement à l'étude.

Le projet éducatif et le ministère de l'Éducation. Comme vous pouvez l'entrevoir, un système d'éducation reconnaissant à l'école le droit et le pouvoir de se donner un projet éducatif propre correspondant aux besoins et aux aspirations des personnes du milieu implique des changements importants dans la mentalité et dans la pratique des relations entre la commission scolaire et les écoles. Nous pensons que la plus élémentaire cohérence implique des changements tout aussi importants dans la mentalité et dans la pratique des relations entre le ministère de l'Éducation, d'une part, et les commissions scolaires et les écoles, d'autre part.

Le projet éducatif national. Nous reconnaissons à l'État le pouvoir et la responsabilité de définir des objectifs éducatifs communs à tous les élèves du Québec. Cette responsabilité se concrétise principalement dans la précision des objectifs obligatoires des programmes d'études. L'ensemble des objectifs définis par l'État pour l'éducation des enfants constitue ce qu'on appelle de plus en plus "le projet éducatif national".

L'existence de ce "projet éducatif national" conditionne grandement le projet

éducatif de l'école. En effet, l'école ne saurait ignorer qu'elle fait partie d'un réseau plus vaste, qu'un élément de son vécu est la mobilité de sa clientèle scolaire et que son mandat d'éducation lui vient d'abord de l'État avant de lui venir de l'assemblée des parents.

Au cours des deux dernières décennies, le focus a été mis sur la construction de ce "projet éducatif national", ce qui a eu pour effet de renforcer les pouvoirs centraux, parfois au détriment de la mise en valeur des initiatives locales. Actuellement, on observe dans beaucoup de milieux une aspiration à orienter et à contrôler à son niveau les actions vécues dans l'école. C'est cette aspiration qui a donné naissance à des projets éducatifs d'école.

Le projet de loi 40 reconnaît la légitimité d'un projet éducatif de l'école tout en donnant à l'école la responsabilité d'assurer l'éducation dans le cadre des programmes d'études. Est-ce à dire que le projet éducatif de l'école consiste uniquement à appliquer le "projet éducatif national"? Est-ce à dire que le projet éducatif de l'école consiste à répondre aux besoins locaux après avoir appliqué les programmes, politiques et directives issus du MEQ. Est-ce à dire que le projet éducatif de l'école consiste à répondre aux aspirations du milieu en faisant fi des minima nationaux?

Nous pensons que le projet éducatif de l'école doit assurer l'unité de l'action de l'école, qu'il englobe l'ensemble des activités éducatives de l'école auprès des enfants. Dans cette perspective, le seul projet éducatif véritable est celui vécu au niveau de l'école. Ce qu'on appelle le "projet éducatif national" n'est qu'un des éléments du projet éducatif de l'école. Le projet éducatif de l'école doit, en effet, établir un équilibre entre les demandes de l'État, les aspirations du milieu et les besoins particuliers des enfants qui fréquentent l'école.

Le rôle du ministère dans un contexte de projet éducatif d'école. L'existence de projets éducatifs d'école implique que le MEQ n'intervienne d'autorité que dans les domaines où il est essentiel d'établir un minimum commun à toutes les écoles et qu'il laisse l'initiative des décisions sur le développement des services pédagogiques à chacun des milieux en réponse à ses besoins et à ses aspirations propres. Cette orientation présuppose, à notre avis, premièrement, que les écoles et les commissions scolaires cessent de demander au ministère de l'Éducation de résoudre les problèmes qu'elles peuvent solutionner à leur niveau et qu'en retour le ministère de l'Éducation cesse de prendre à son compte la solution des problèmes qui peuvent être réglés au niveau de l'école ou à celui de la commission scolaire; deuxièmement, qu'on modifie la mentalité qui nous fait accepter a priori le caractère obligatoire, voire même infaillible, de tout ce qui vient d'en haut; troisièmement, que dans toute action demandée aux écoles, ce qui est souhaitable soit clairement distingué de ce qui est obligatoire.

Nous aimerions que le ministère de l'Éducation soit assez convaincu que l'école doit être le pivot du système scolaire pour refuser de solutionner tous les problèmes qui lui sont soumis, pour éviter la tentation de donner un caractère juridique obligatoire à toutes ses grandes politiques et pour ne plus revenir à l'habitude d'indiquer les priorités auxquelles devrait s'ajuster annuellement l'action de toutes les écoles du Québec.

Nous ne demandons pas que le ministère de l'Éducation cesse d'agir pour le développement de l'éducation au Québec; nous demandons que, sur l'essentiel, il intervienne avec les moyens juridiques dont il dispose et que, dans les autres domaines, ses interventions soient basées sur des stratégies d'animation du milieu plutôt que sur des stratégies faisant appel à l'utilisation de la loi, des règlements ou de directives. C'est la qualité et la pertinence du contenu qu'il a à proposer qui doivent déterminer l'adhésion des milieux plus que l'autorité juridique qu'il peut utiliser pour imposer ses points de vue. L'expérience de la politique relative à l'intégration des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage illustre bien l'efficacité de cette stratégie.

Les interventions du ministère de l'Éducation dans des actions de soutien. Il nous apparaît que l'articulation globale des interventions dans le domaine pédagogique sera la suivante à la suite de l'adoption du projet de loi présentement à l'étude: premièrement, le gouvernement édicte le régime pédagogique (article 308); deuxièmement, le ministre établit les programmes d'études (article 292), évalue et approuve les manuels scolaires et le matériel didactique (articles 293 et 307); troisièmement, la commission scolaire s'assure que la population reçoit les services éducatifs (article 199), veille à ce que les écoles évaluent les apprentissages de l'élève (article 207) et assure le soutien à l'organisation pédagogique des écoles (article 206); quatrièmement, l'école dispense les services éducatifs (article 92), est responsable de l'application des programmes d'études (article 99), choisit les manuels scolaires et le matériel didactique (article 105) et établit les normes et les modalités d'évaluation des apprentissages des élèves (article 113). (17 h 15)

Le projet de loi ne nous paraît pas attribuer au ministère de l'Éducation un rôle prépondérant dans les actions de soutien pédagogique. Ce rôle est attribué à la

commission scolaire. Nous croyons que cette volonté exprimée dans la loi devra se traduire dans la réalité par une nette diminution de l'action du ministère dans ce champ d'activité et par un transfert aux commissions scolaires et aux écoles des budgets disponibles pour les activités de soutien pédagogique.

Quant au soutien qui serait offert aux commissions scolaires par le ministère de l'Éducation, il devrait être régi par les mêmes règles que celles qui devraient s'appliquer au soutien des écoles par la commission scolaire. Les commissions scolaires devraient participer à l'identification de leurs besoins et au choix des priorités d'intervention dont elles seront l'objet. De plus, elles devraient avoir la possibilité d'exercer un contrôle sur les plans d'action élaborés pour concrétiser ces priorités. Le projet de loi 40 appelle le ministère à mieux distinguer les actions de promotion de celles de soutien et de perfectionnement afin de laisser ces deux dernières catégories d'actions aux organismes qui en ont la responsabilité propre.

Nous n'avons pas de recommandations de modifications au projet de loi à formuler sur le rôle du ministère de l'Éducation, car la loi ne saurait édicter un changement de mentalité. Cependant, nous serions heureux que le ministre nous informe des mesures qu'il entend prendre pour s'assurer que le ministère qu'il dirige n'interviendra d'autorité que sur le minimum nécessaire à toutes les écoles et ajustera sa mentalité et ses modalités concrètes d'intervention à la nouvelle réalité issue de l'existence de projets éducatifs d'école. Nous nous permettons de suggérer au ministre d'indiquer, dans son rapport annuel de chacune des cinq prochaines années, les actions concrètes qui se seront réalisées au sein de son ministère pour atteindre cet objectif.

Le projet éducatif et l'implantation de la loi. La lecture du projet de loi nous informe que les énergies au moment de l'implantation seront surtout mobilisées pour résoudre des questions techniques dont nous reconnaissons l'importance. Nous croyons, cependant, que l'inspiration de la réforme proposée commande qu'autant d'énergies, sinon plus, soient mobilisées pour s'assurer qu'à tous les paliers du système scolaire l'objectif de prise en charge et de responsabilisation soit activement poursuivi dès les premières phases de l'implantation de la loi.

Les structures et les processus utilisés lors de l'implantation de la loi véhiculeront les intentions véritables de cette réforme. L'intention est-elle de réaliser une réforme des structures? Alors, l'implantation mettra l'accent sur la mise en place de la nouvelle structure. L'intention est-elle une réforme de la gestion du système afin de rendre les écoles plus responsables et plus autonomes? Alors, l'implantation mettra l'accent sur le développement d'actions susceptibles d'accélérer la prise en charge, et dans ce contexte le projet éducatif pourrait s'avérer un objet important dans l'action des nouveaux conseils d'école. L'intention est-elle de poursuivre à la fois les deux objectifs énoncés ci-haut? Alors, l'implantation devra accorder autant d'importance à chacun d'eux. À notre avis, la structure d'implantation devrait refléter l'importance de l'objectif de responsabilisation et les mandats donnés devraient le confirmer dans la réalité.

Lors de l'implantation de la réforme, il faudra faire face à deux ordres majeurs de problèmes. Le premier est relié à l'accroissement de la compétence des agents car les changements de rôle nécessiteront l'acquisition de compétences et d'attitudes nouvelles; le second est relié aux relations interpersonnelles et aux relations entre les paliers du système, car l'ampleur du changement proposé suscitera des incertitudes, des luttes pour le contrôle du pouvoir et la mise en place d'un nouveau mode de fonctionnement.

Dans ce contexte provoqué par la nouvelle loi, le comité d'implantation se doit d'avoir un mandat portant sur le développement de la prise de responsabilité. Les commissions scolaires doivent aussi jouer dès le début un rôle actif de soutien aux écoles pour aider à résoudre le plus rapidement possible les difficultés particulières de leur milieu sur chacun des deux ordres de problèmes que nous avons mentionnés.

Nous sommes d'avis que le comité local d'implantation devrait avoir pour rôle de voir à ce que la commission scolaire mette en place un mécanisme de soutien adéquat pour aider les écoles et le personnel de la commission scolaire à assumer leurs nouveaux rôles dans un esprit favorisant le développement de la responsabilité. Il devrait aussi avoir pour rôle de voir à ce que les premières politiques de la commission scolaire soient préparées selon des modalités respectant l'esprit et les objectifs de la loi. Nous croyons que le modèle de relations entre la commission scolaire et les écoles utilisé au moment de l'implantation de la loi risque d'influencer, pour plusieurs années, la nature des rapports entre une commission scolaire et ses écoles. C'est pourquoi nous insistons pour qu'au moment de l'implantation on tienne compte de l'objectif du développement de la prise en charge et de la responsabilité.

La présence du directeur général de la nouvelle commission scolaire sur le comité d'implantation devrait favoriser l'exercice de ce rôle par le comité d'implantation et assurer, par la suite, une continuité des

actions au niveau de la commission scolaire.

Permettez-nous une dernière considération sur l'implantation de la loi. Pour alimenter l'action des comités locaux d'implantation et celle des commissions scolaires et des écoles, on peut déjà anticiper que le ministère de l'Éducation publiera une quantité importante de documents. Nous demandons au ministère de faire l'exercice et, dès ce moment, de distinguer clairement les documents portant sur des opérations obligatoires de ceux portant sur des opérations de soutien et pouvant être facultatives. Quant à nous, nous classons dans la première catégorie les documents destinés à fournir au comité national d'implantation les informations nécessaires pour qu'il assume ses fonctions et nous classons dans la seconde catégorie les outils de travail dont les milieux disposeront pour accomplir les tâches inhérentes à l'exercice de leurs fonctions propres.

En conclusion, nous avons voulu vous présenter nos convictions face au projet éducatif de l'école, ainsi que quelques réflexions qu'a suscitées chez nous la lecture du projet de loi 40. L'expérience que nous avons vécue n'a pas toujours été facile, mais elle s'est avérée, cependant, fort stimulante pour le développement de nos écoles. Cette expérience fut particulièrement significative pour le développement de l'implication des parents.

À travers l'élaboration du projet éducatif de l'école, les parents ont pu jouer dans leur école un rôle plus grand et plus valorisant en participant activement à la détermination des orientations principales de l'école, en se prononçant sur les priorités d'action et en centrant leurs interventions sur l'activité éducative de l'école. Le projet éducatif a permis à tous les agents d'avoir davantage une action éducative concertée et nous sommes convaincus que cette concertation dans l'action est de nature à accroître la qualité des services donnés aux enfants.

En terminant, nous invitons les membres de cette commission parlementaire à s'assurer que la loi fera en sorte que l'école devienne le lieu véritable où s'exerce la prise en charge de l'action éducative et qu'elle devienne, par l'exercice des responsabilités qu'on lui confie, le véritable maître d'oeuvre de son projet d'éducation pour les enfants qu'elle accueille. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme Custeau. Vous comprendrez que vous avez mis une quarantaine de minutes à présenter votre mémoire et que, conséquemment, je demanderai aux membres de la commission de procéder avec des interventions précises, succinctes parce que nous devons suspendre nos travaux à 18 heures et les reprendre à 20 heures avec d'autres groupes.

M. le ministre.

M. Laurin: Voilà un autre mémoire solide, cohérent, clair, qui dénote une réflexion aiguë, aussi bien que profonde, de même qu'une expérience longue et fouillée des problèmes. Je voudrais donc féliciter, en conséquence, chaleureusement la commission scolaire Morilac pour la présentation de ce mémoire. Je me réjouis que la commission scolaire Morilac ait précédé le gouvernement dans la mise sur pied de projets qui visent à responsabiliser l'école, ainsi que ses agents. Je dois vous dire que nous avons puisé, en rédigeant ce projet de loi et le livre blanc, dans vos expériences et la teneur de votre mémoire m'indique que nous n'avons pas fini d'y puiser et de nous en enrichir. Je souscris à la quasi-totalité des considérations que vous venez de nous lire. Je prends à mon compte, en particulier, votre définition du projet éducatif qui, d'après ce que j'ai entendu, dépasse de loin l'instruction que l'on peut donner aux enfants, mais qui couvre le développement de tous les aspects de la personnalité de l'enfant, de même que tous les aspects de l'environnement éducatif de l'école si nécessaire à un sain développement de la personnalité des enfants.

Je reprends aussi à mon compte les considérations que vous faites valoir sur la nécessité de changer la mentalité, les attitudes, le comportement du ministère de l'Éducation. S'il était nécessaire, il y a quinze ans, dix ans, que le ministère de l'Éducation assume des responsabilités très importantes du fait de l'inadéquation de notre système scolaire, je pense qu'en vertu même des progrès que nous avons effectués sur le plan de la pensée, de l'expérimentation pédagogique, de la formation des personnels, du bâti même des écoles il convient maintenant que le ministère de l'Éducation change sa mentalité et fasse de plus en plus confiance aux écoles, surtout du fait que vous nous donnez la preuve que les milieux sont maintenant parfaitement capables de prendre en charge le développement de leurs institutions scolaires.

Je reprends aussi à mon compte vos considérations sur la nécessité que l'implantation de la réforme constitue en elle-même la preuve de cette nouvelle ère que nous inaugurons avec le projet de loi et qu'une importance beaucoup plus grande soit donnée aussi bien à l'animation et au soutien que les commissions scolaires doivent apporter aux écoles qu'à l'animation et au soutien, non imposés d'en haut cependant, que le ministère de l'Éducation doit apporter aux collectivités locales pour l'implantation de cette réforme. Encore une fois, nous puiserons, dans les semaines qui viennent, encore volontiers dans le trésor de considérations que vous venez de nous

soumettre.

En réalité, je ne voudrais vous poser qu'une seule question. Qu'est-ce qui vous a guidés, vous, à la commission scolaire de Morilac, à prendre cette initiative, il y a quelques années, de transférer de votre propre chef des responsabilités pédagogiques aux écoles? Deuxièmement, est-ce que ce transfert a impliqué et continue d'impliquer une double concertation, concertation, d'abord, de ceux qui agissent au niveau de l'école: enseignants, directeurs d'école, parents, cadres, mais concertation qui couvre également non seulement l'instruction, mais les autres activités éducatives de l'école? Comment évaluez-vous, après quatre, cinq ou six ans d'expérimentation, les résultats de ce transfert des pouvoirs pédagogiques que vous avez effectué au niveau de l'école?

Dans la même veine, est-ce que vous considérez, en conséquence, que ce projet de loi qui incarne, au fond, votre expérience est véritablement viable, faisable, que la répartition des pouvoirs qui y est inscrite correspond à votre expérience, à la réalité que vous connaissez? Enfin, troisièmement, comment considérez-vous que le fait d'inscrire dans un projet de loi ce qui ressort de votre expérience peut constituer une aide, une incitation pour toutes les écoles du Québec à aller plus vite, à aller plus loin et d'une façon plus sûre dans le sens de la responsabilisation de l'école? (17 h 30)

Le Président (M. Blouin): II s'agit d'une large question, mais je crois que, comme votre mémoire était très éloquent, vous pouvez résumer certains éléments rapidement. J'insiste sur ce point, parce qu'il y a d'autres membres qui désirent intervenir aussi.

Mme Custeau: D'accord. Pourquoi on l'a fait chez nous? C'est à partir d'une consultation, c'est-à-dire d'une évaluation de notre vécu. On s'est dit que, d'abord, chaque école avait des compétences et que l'action se vivait dans chaque école. À ce moment-là, le conseil des commissaires a décidé de déléguer à l'école certains pouvoirs. J'aimerais que le directeur général qui était là au moment de ce chantier, si on veut, puisse répondre à la question.

M. Létourneau (Guy): Pour continuer, le constat principal qui avait été fait dans le temps, c'était la déresponsabilisation de tous les agents de l'éducation. Quand on demandait aux enseignants de faire des choses, de changer des choses, ils disaient: On ne peut pas, les programmes sont mal faits, les manuels sont mal faits. Quand on demandait aux directeurs d'école d'apporter des changements, eux aussi disaient: On n'a pas le budget, on n'a pas les ressources, on n'a rien pour faire les choses. Donc, les gens reportaient régulièrement la responsabilité aux paliers supérieurs. Ce n'était jamais leur faute. Donc, dans un premier temps, nous voulions responsabiliser les agents de l'éducation dans chacune des écoles.

La première chose à faire a été de décentraliser le budget, par exemple. Chaque école a eu son budget; chaque école a pu aussi avoir la mainmise sur des décisions d'ordre pédagogique, par exemple, le choix des méthodes d'enseignement, le choix des manuels, le choix des activités à faire pendant les journées pédagogiques et ainsi de suite. Cela a rendu, petit à petit, les gens plus responsables. Ils étaient encore influencés facilement par toutes sortes de courants qui arrivaient à tout propos. Une idée nouvelle passait, un groupe de parents faisait une pression et on était porté à faire des changements dans chacune des écoles dans ce temps-là. On s'en allait vers ce qu'on appelait un programme en zigzag. On va un certain temps à gauche; un groupe de pression nous ramène à droite et on s'en va à droite. On s'est dit qu'il faudrait se donner des orientations. C'est là qu'est arrivée l'idée des projets éducatifs et qu'on a pensé donner à chacune des écoles la capacité, la possibilité, de se donner des orientations, de se donner un plan d'action et de l'évaluer de concert avec tous les agents du milieu: les parents, les enseignants, etc.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

Mme Custeau: M. le Président, si vous me le permettez, pour répondre à la deuxième partie de la question: Est-ce que cela permet aux écoles d'aller plus loin, je demanderais au représentant des parents...

Le Président (M. Blouin): Enfin, moi, j'ai compris que le ministre vous demandait si la double concertation touchait seulement l'instruction, comme deuxième point, et que le premier point touchait - effectivement, vous y avez répondu - le fait de responsabiliser les intervenants.

Mme Custeau: D'accord.

Le Président (M. Blouin): Le deuxième point qu'a soulevé le ministre touchait la double concertation, à savoir si elle ne concernait que l'instruction ou d'autres éléments.

M. Bolduc (Jean-Guy): Si vous le permettez, le projet éducatif, à la façon dont on le comprend et dont on le définit, inclut vraiment toutes les dimensions qui impliquent l'enfant et les personnes engagées dans l'école. À ce moment-là, on ne regarde pas seulement le côté instructif; on regarde, autant que possible, tous les autres aspects: émotif, affectif. Bien sûr que cela ne s'est

pas fait du premier coup et que ce n'est pas arrivé comme cela. Mais depuis le temps que les projets éducatifs sont bâtis, il y a des écoles qui sont rendues à leur deuxième ou troisième projet éducatif triennal. Il commence à y avoir là une prise en charge plus globale de toute la démarche de l'enfant. Jusqu'à maintenant, je pense qu'on peut dire que cela se fait en concertation avec toutes les personnes impliquées.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Est-ce que je dois comprendre que vous avez évalué maintenant le transfert de ce pouvoir depuis cinq ou six ans?

M. Bolduc: Je pense qu'il reste encore des petits réflexes de tout laisser au centre et il faut toujours se dire: On décentralise, on décentralise. On y pense et on dit: C'est vrai, on a acquis quelque chose; on a acquis de l'expérience. On est encore obligé de se discipliner. Le réflexe n'est pas encore complètement installé. Cette chose prend du temps à se faire. Quand on parle de changement de mentalité, c'est ce que cela veut dire. Mais c'est faisable et c'est très heureux; une fois que c'est un peu installé, cela change tout le climat des rapports humains.

Le Président (M. Blouin): M. le ministre.

M. Laurin: Oui. Le sens de ma question, c'est: Est-ce que la qualité a changé et, deuxièmement est-ce que la loi va aider dans le même sens?

M. Bolduc: Bien, s'il y en a qui interprètent la loi dans le même sens que nous l'interprétons. Quant à nous, nous croyons qu'avec la loi, telle qu'elle s'annonce, on peut continuer à fonctionner dans cet esprit. D'accord? Même elle nous encourage. En tant que parent, par exemple, moi, je me vois encouragé maintenant à participer beaucoup plus activement et beaucoup plus initialement, ni plus ni moins. Les parents, jusqu'à maintenant vivaient la situation des faits accomplis. Les enseignants savaient comment cela fonctionnait, les commissaires savaient comment cela se budgétisait, les parents arrivaient et là il leur fallait tout apprendre avant de pouvoir décider, eux aussi, et participer à la décision. Sachant que nous serions maintenant dans un conseil d'école, le projet de l'école serait encore plus le nôtre. On se retrouverait beaucoup plus facilement et ce serait beaucoup plus encourageant. Un des petits phénomènes qu'on vit comme parents dans ce système, c'est d'être un peu à la remorque et de tirer des bouts de laine. Ce n'est pas une situation tellement positive.

Le Président (M. Blouin): Cela va, merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Dans son préambule, le ministre nous a dit qu'il était pleinement d'accord avec ce mémoire. J'ai quelques petites questions très brèves.

Nulle part ou très peu dans votre mémoire, on ne fait état de la relation entre enseignants, comité d'école et projet éducatif. De quelle façon la consultation s'est-elle faite avec eux lorsque vous avez préparé le mémoire? Est-ce qu'ils ont été intervenants ou consultés? Quelle a été la réaction des enseignants?

Mme Custeau: M. le Président, nous déplorons avec M. le député le fait que les enseignants ne se soient pas associés à notre mémoire, pour des raisons, je pense, bien évidentes de syndicat probablement. Par contre, la situation de projet éducatif qui se vit dans chacune de nos écoles rencontre l'adhésion très majoritaire des enseignants chez nous.

M. Maltais: Vous parlez, un peu plus loin, dans votre mémoire d'un ministère de l'Éducation interventionniste dans le milieu des commissions scolaires. Cela, c'est un fait connu et même le ministre l'a admis tout à l'heure. Somme toute, vous lui dites, en dehors de son programme éducatif national, de se mêler de ses affaires, en ce sens qu'il vous laisse avec ses contrôles tatillons et que vous êtes capables de prendre vos responsabilités.

Vous demandez une décentralisation du ministère et des commissions scolaires vers l'école. Quels sont les pouvoirs - je ne veux pas de détails - grosso modo en deux points, qui vous tiennent à coeur et que vous aimeriez que le ministère et les commissions scolaires décentralisent vers l'école?

Le Président (M. Blouin): Mme Custeau.

Mme Custeau: M. le Président, ce n'est pas tellement les pouvoirs identifiés comme tels, mais c'est dans la façon. Quand on parle de changements de mentalité, c'est surtout dans la façon d'exercer ces pouvoirs. Ce n'est pas en termes de pouvoirs comme tels.

M. Maltais: D'accord.

Mme Custeau: Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Peut-être M. le directeur?

M. Bolduc: M. le Président, je pense qu'il est important de prendre conscience que, lorsque l'école est en projet éducatif, elle s'est donné une série de plans d'action qu'elle a établis selon un ordre prioritaire et

elle s'est aussi donné probablement un rythme pour atteindre les objectifs qu'elle s'est fixés en collaboration avec tous les agents. Il est important qu'une école qui est en démarche, comme on vient de le signifier, ne soit pas, à tout instant, dérangée par des directives qui arrivent de l'extérieur. Or, ce qui est important, c'est que, si on donne à l'école le pouvoir de s'organiser, par la suite, dans la façon d'entrer en contact avec elle, ou de l'influencer, on doit respecter le rythme et les objectifs qu'elle s'est fixés.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Maltais: M. le Président, toujours en se référant au mémoire, vous nous parlez, à un certain moment, de la commission scolaire comme un agent externe auquel vous vouliez donner aussi les pouvoirs de contrôleur, de vérificateur. Comment concilier une commission scolaire, avec les pouvoirs que vous voulez lui donner, et la façon dont on l'éloigne de l'école? Est-ce que vous avez un lien particulier que vous privilégiez dans l'approche des deux?

Mme Custeau: Je ne suis pas sûre de très bien comprendre la question, M. le Président.

M. Maltais: Je répète. Vous dites, à un moment donné, dans votre mémoire, que la commission scolaire est un organisme de soutien, un organisme de contrôle, etc., qui doit être perçu comme un agent externe à l'école. Mais, par contre, plus loin, vous allez même un peu plus loin que le projet de loi en disant que la commission scolaire devrait garder un rôle de vérificateur à l'intérieur du projet éducatif de l'école. Comment conciliez-vous les deux?

Mme Custeau: D'accord. On ne prend pas le terme "extérieur" dans le sens que vous l'entendez. On a choisi ce terme dans le rôle de contrôle, en ce sens que la commission scolaire est un organisme extérieur à chaque école propre. Le rôle de la commission scolaire se veut rattaché à chaque école et ce rôle, on le retrouve dans son rôle d'animation, dans son rôle de soutien. Pour nous, la commission scolaire n'est pas un organisme extérieur à l'école, dans le sens où vous l'entendez.

M. Maltais: D'accord. Au début de votre mémoire, vous nous dites: - M. le Président, je veux être très bref, pour vous faire plaisir - Nous sommes convaincus qu'il est possible, dans la structure actuelle, de déléguer aux écoles les pouvoirs que propose de leur accorder le projet de loi. Êtes-vous toujours d'accord avec cela?

Mme Custeau: Nous sommes toujours d'accord.

M. Maltais: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Saguenay. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président.

Je veux appuyer les paroles du ministre qui a félicité tout à l'heure la commission scolaire Morilac. Je peux vous dire que j'ai été maintes fois témoin des efforts déployés par la commission scolaire Morilac en fait de projets éducatifs. Cette commission fait un excellent travail depuis fort longtemps.

Je voudrais revenir à l'intervention du député d'Argenteuil, ce matin, qui disait que les commissions scolaires perdaient des plumes, qu'on voudrait s'en débarrasser ou qu'il suffit que les commissions scolaires existent sur papier. Je voudrais vous demander si, à la suite de vos expériences vécues. depuis de nombreuses années, comme vous le dites au début de votre mémoire, vous croyez que le projet de loi 40 serait un outil que le ministère est en train de se donner pour vraiment se débarrasser, comme le député d'Argenteuil le dit dans son intervention, des commissions scolaires ou si vous croyez que le projet de loi 40 est un outil pour vous aider, autant vous que les parents et tous les intervenants du milieu scolaire. J'aimerais que vous nous parliez de cette expérience vécue.

Mme Custeau: La lecture du projet de loi 40 ne nous permet pas de conclure que le gouvernement veut se débarrasser des commissions scolaires. Par contre, cela nous permet de conclure à une volonté politique de donner plus de pouvoirs aux parents dans chacune des écoles. C'est ce qu'on privilégie chez nous depuis longtemps et cela n'enlève pas le pouvoir de la commission scolaire et des commissaires. Un pouvoir qu'on partage, on ne le perd pas, on le partage, mais on le garde. En ce sens, rien ne nous permet de conclure à une volonté politique de faire disparaître les commissions scolaires.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Juneau: En fin de compte, si je comprends bien, votre expérience a été très positive jusqu'à maintenant?

Mme Custeau: C'est cela. Mme Juneau: Merci, madame.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, Mme la députée de Johnson. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le mémoire dont on nous a fait lecture et j'ai constaté que c'est la deuxième fois qu'on reçoit un mémoire émanant d'une commission scolaire à la préparation duquel les enseignants n'ont pas été impliqués. Il y a eu des circonstances spéciales auxquelles vous avez fait allusion de manière peut-être un peu voilée, mais on comprend ce que vous avez voulu dire. Pensez-vous qu'une réforme comme celle-là, si elle devait être amorcée sans la participation des enseignants, sans leur participation clairement définie et jugée satisfaisante par eux, aurait des chances de réussir d'une manière sérieuse? (17 h 45)

Le Président (M. Blouin): Mme Custeau.

Mme Custeau: Je demanderais, si vous le permettez, M. le Président, au directeur, M. Bolduc, de répondre.

Le Président (M. Blouin): M. Bolduc.

M. Bolduc: Je pense qu'il est important d'associer les enseignants à cette démarche des projets éducatifs. Maintenant, le fait que les enseignants ne se soient pas prononcés sur notre mémoire n'implique pas que, dans l'action de nos écoles, ils ne soient pas impliqués à la préparation et à la réalisation de projets éducatifs. Il peut y avoir des circonstances que vous pouvez fort bien deviner qui font qu'ils manifesteront leur appui ou leur désaccord par d'autres voies que celle-ci.

Le Président (M. Blouin): Très bien.

M. Ryan: Le rattachement de l'école à la commission scolaire soulève plusieurs questions. Il y en a une qui a déjà fait l'objet d'échanges avec la commission scolaire qui vous a précédés tantôt, celle de Jacques-Cartier, c'est la question relative au statut du directeur d'école. Vous n'en parlez pas de manière nette dans votre mémoire. C'est une question sur laquelle vous passez rapidement. Comment voyez-vous le statut de directeur d'école? Est-ce que le projet de loi est satisfaisant pour vous de ce côté?

Mme Custeau: M. le directeur.

M. Bolduc: II est sûr que le projet de loi provoque un changement dans le rôle du directeur d'école en ce sens qu'il l'approche du pouvoir politique que deviendrait le conseil d'école. C'est une constatation. Qu'est-ce que cela peut devenir? Évidemment, tout dépend du jeu d'influences que permet une telle organisation. Je ne crois pas qu'il soit impossible pour le directeur d'école de transiger directement avec son conseil d'école, tout en gardant un lien avec une commission scolaire qui lui assure un soutien dans l'organisation des services éducatifs.

M. Ryan: Ce sont des mots qui me font penser un peu à ceux du ministre. Je ne veux pas être provocant, mais est-ce que le directeur d'école, d'après vous, demeure un employé de la commission scolaire?

M. Bolduc: Oui, il demeure un employé de la commission scolaire, soumis au jugement d'un conseil d'école.

M. Ryan: C'est un employé de la commission scolaire qui ne relève pas de la commission scolaire.

M. Bolduc: C'est-à-dire qu'il relève de la commission scolaire, mais son mandat peut être modifié sur recommandation du conseil d'école.

M. Ryan: Mais pas sur l'initiative de la commission scolaire?

M. Bolduc: Possiblement. M. Ryan: Ce n'est pas sûr?

Mme Custeau: Si vous le permettez, M. le Président...

M. Ryan: Pardon?

Le Président (M. Blouin): Oui, Mme Custeau.

Mme Custeau: ...le directeur général voudrait ajouter quelque chose.

Le Président (M. Blouin): Ah oui! M.Létourneau.

M. Létourneau: Nous avons déjà discuté de ce sujet. Nous ne l'avons pas explicité longuement, mais j'aimerais quand même vous faire part des réflexions que nous avons eues. Il est clair que le directeur d'école ne peut pas avoir deux patrons: le directeur général et le conseil d'école. Si on veut protéger le projet éducatif d'une école, à mon avis, il est essentiel que le directeur d'école ait pour patron le conseil d'école seulement et non pas le directeur général. Les relations entre l'école, le conseil et la commission scolaire seront de conseil à conseil.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Ryan: Non. Ce n'est pas complet. M. le directeur a fait signe qu'il voulait donner...

Le Président (M. Blouin): Oui, très bien,

M. Bolduc.

M. Bolduc: Je vais ajouter un aspect, c'est que le conseil d'école a le pouvoir de recommander à la commission scolaire de changer les fonctions ou de remplacer le directeur d'école. Il n'a pas le pouvoir de le congédier. Or, le directeur d'école, qui se voit ainsi l'objet d'une telle recommandation par son conseil d'école, retourne sous la responsabilité de la commission scolaire qui doit l'affecter à une autre tâche. C'est pourquoi je dis qu'il est soumis au jugement du conseil d'école, mais demeure l'employé de la commission scolaire qui est responsable de sa nouvelle affectation, s'il fait l'objet d'une telle recommandation.

M. Ryan: La composition de la commission scolaire, vous n'en dites pas un mot dans votre mémoire. Quelle est votre opinion? Avez-vous une position sur ce point-là?

Mme Custeau: La composition de la commission scolaire, c'est vrai qu'on n'en fait pas mention dans le mémoire. Au moment de la consultation, ce qui est apparu, c'est que l'on souhaite, d'abord, que des gens qui siègent soient élus au suffrage universel. Il n'y a pas eu de consensus dans le sens que les commissaires souhaitaient qu'il y ait une majorité de commissaires élus au suffrage universel et que les parents souhaitaient qu'il y ait une majorité de parents qui soient membres du conseil des commissaires. Mais le consensus s'est fait sur le fait qu'il y ait des gens élus au suffrage universel et des gens issus des écoles.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Ryan: Dernière question, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vous dites, à la page 8, que, dans l'hypothèse d'un conflit entre les priorités du système scolaire et les priorités largement identifiées par les parents, le personnel et les élèves d'un milieu, ces dernières doivent avoir temporairement préséance sur les premières.

Mme Custeau: C'est vrai.

M. Ryan: II y a deux questions qui me viennent à l'esprit à ce sujet. D'abord, à supposer qu'il y ait 2500 écoles qui fassent cela, qu'arrive-t-il? De plus, s'il est nécessaire de le faire, qui doit décider, sous le contrôle de qui et à l'intérieur de quelles limites?

Mme Custeau: M. le Président, c'est vrai qu'on est d'accord sur le fait que le "projet éducatif national" soit temporairement mis en veilleuse; on dit bien "temporairement". Pour nous, ce n'est pas une catastrophe si 2500 élèves retardent l'application d'une directive de quelques mois parce que, dans une école donnée, la priorité est ailleurs. En tout cas, pour nous, ce n'est pas une catastrophe.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Cela va, M. le député d'Argenteuil? Oui, très bien, M. Pelletier.

M. Pelletier (René): Je répondrais à cela que c'est d'abord penser en termes de ministère que de poser une question comme celle-là. Cela supposerait que toutes les écoles aient le même besoin en même temps. Cela va un peu contre l'idée du projet éducatif qui respecte des besoins bien identifiés dans des lieux bien identifiés. Si chacune des écoles prenait cette idée ou cette hypothèse de fonctionnement en disant: Arrêtez un petit peu, ralentissez un petit peu, nous, on fonctionne, on a déjà défini des priorités, ce serait justement tant mieux. Ce serait un signe de responsabilisation.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci, M. Pelletier. Cela va, M. le député d'Argenteuil? Merci beaucoup. M. le député de Roberval, rapidement, s'il vous plaît!

M. Gauthier: Merci, M. le Président. Est-ce que le critique officiel de l'Opposition me permettra d'excéder de quelques minutes?

Le Président (M. Blouin): Je vous suggère d'abord d'épuiser le temps que vous avez à votre disposition, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: M. le Président, vous devriez savoir qu'une question amène une réponse.

Le Président (M. Blouin): Alors, posez votre question, M. le député de Roberval.

M. Gauthier: II n'y a pas moyen de savoir si je vais avoir une prolongation.

Le Président (M. Blouin): Allez-y.

M. Gauthier: Je vais poser mes questions.

M. Ryan: Cela dépend de la question.

M. Gauthier: Je vais poser mes questions et le président décidera si vous pouvez répondre. Mes questions ne concernent pas la plomberie, car je pense qu'il y a des choses quand même

intéressantes dont le ministre devra tenir compte dans la rédaction finale de son projet de loi, mais surtout des principes. Il y a trois choses que les parents fondamentalement se demandent face à la réforme et cela m'intéresse d'avoir votre avis parce que vous avez une expérience réelle de ces choses-là. D'abord, est-ce que l'école qui va naître de la réforme telle que présentée va répondre davantage aux besoins des parents? Est-ce que les parents - on a laissé croire dans certaines publicités que les parents ne souhaitaient pas plus de pouvoirs - effectivement ont donné l'impression dans cette expérience qu'ils souhaitaient plus de pouvoirs et qu'ils étaient capables de les assumer? Puisque je dois faire très vite, voici la troisième question. On a également laissé voir que la commission scolaire n'aurait plus de rôle véritable. De la part du directeur général ou de la présidente, je voudrais savoir de quelle façon la commission scolaire a vécu ces transformations. Est-ce qu'elle a senti qu'elle avait encore une place et que son rôle était d'importance?

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme Custeau.

Mme Custeau: J'ai compris que la première partie de la question s'adressait surtout aux parents.

Le Président (M. Blouin): Aux besoins des parents et s'ils souhaitent effectivement des pouvoirs.

M. Gauthier: Pour nous dire si l'école répond mieux aux besoins des parents, ce pourraient être les parents et le directeur d'école pourra compléter.

M. Pelletier: C'est évident qu'actuellement les parents sont impliqués dans la consultation à tous les niveaux. Quand on fait un projet éducatif, c'est un processus qui dure une année juste au niveau de la préparation et, une fois mis en branle, il peut s'échelonner sur deux ou trois ans. Donc, les parents sont consultés. Ils se retrouvent et ils participent aux correctifs à mesure qu'ils se produisent. Des fois, cela ne va pas aussi vite que certains groupes de parents le voudraient. Ce n'est pas toujours la vie en rose, mais on se reconnaît un peu plus là-dedans. Avec l'exercice et l'expérience, on pourrait éventuellement se reconnaître encore davantage.

L'autre aspect de votre question...

M. Gauthier: Est-ce que les parents ont accepté d'assumer ces responsabilités accrues?

M. Pelletier: La façon dont la loi est arrivée a fait peur à quelques parents au départ. Ils se demandaient s'ils deviendraient des administrateurs non payés. Finalement, lorsqu'on s'est mis à nous expliquer ce qu'est un conseil d'école avec ses fonctions et ses responsabilités, on s'est dit qu'on ne devait pas faire la plomberie quotidienne. On décidera des orientations, on décidera des choses et on les fera exécuter par des gens; et c'est le directeur d'école qui peut faire ces choses-là. Quand on a compris qu'il y a un exécutant et des personnes qui décident et qui jugent des actions qui sont posées, c'est beaucoup moins énervant et c'est moins lourd comme charge. Il faut prendre cette distanciation-là. Il ne faut pas penser qu'on va devenir des exécutants.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Oui?

M. Bolduc: Je voudrais répondre à la question. C'est bien évident que la préparation d'un projet éducatif permet aux parents et aux enseignants de fixer des priorités ensemble, de préparation des plans d'action et, par la suite, de procéder à l'évaluation. Or, j'imagine que cela répond, évidemment, à des besoins qu'ils ont eu l'occasion de manifester.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Bolduc. Oui, M. Létourneau, pour le dernier volet de la question.

M. Létourneau: Si la commission scolaire a encore un rôle à jouer? Pour moi, la commission scolaire a encore un rôle de soutien à jouer. Les écoles, du jour au lendemain, n'auront pas toutes les compétences pour assumer les nouvelles responsabilités. Même chez nous après six ou sept ans de décentralisation, alors que les écoles se sont donné des projets éducatifs, la commission scolaire joue encore un rôle de soutien et d'animation et aussi donne des avis. À titre d'exemple, le conseil des commissaires fait la tournée des écoles tous les ans, une fois par année, écoute les projets éducatifs, les plans d'action des agents de l'éducation, c'est-à-dire le directeur, les enseignants et les parents - à quelques reprises, il y a eu des enfants impliqués - dit ce qu'il en pense et donne son avis sur le projet éducatif. De l'avis même des écoles, c'est une chose assez importante.

On dit, d'ailleurs, dans le mémoire que c'est un miroir, un reflet qu'un organisme extérieur apporte à une école afin qu'elle ne se centre pas sur elle-même, parce que les commissaires vont aussi transporter ce qui se passe ailleurs. Ils ont une vision d'ensemble plus grande et peuvent transporter plus facilement des expériences vécues. À titre de directeur général, je pense que je peux aider les directeurs d'école à mettre en commun leurs forces et leurs faiblesses pour

qu'ils en arrivent à mieux diriger une école. Comment faire une analyse de la situation, comment fixer les priorités, comment vivre avec un nouveau conseil d'école? Ce sont toutes des questions qu'on a déjà posées et qu'on devra se poser dans l'avenir.

M. Gauthier: Me permettez-vous? Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Gauthier: Vous m'avez éclairé sur le fait que les parents acceptaient d'assumer le rôle, vous m'avez éclairé sur le fait que la commission scolaire avait un rôle et était capable de le jouer, mais il reste un aspect un peu obscur. Je m'adresserais peut-être au directeur général qui a vécu un peu les deux systèmes avant et après: Est-ce que vous avez conscience que vos écoles répondent mieux aux besoins de chacun des milieux? Avez-vous des choses à nous citer?

M. Létourneau: J'aimerais vous donner une étude bien scientifique pour savoir si les enfants apprennent mieux. Nous sommes faibles sur ce point d'évaluation. Mais il est évident que les valeurs, que les projets entrepris dans chacune des écoles sont issus des parents et des enseignants. Après sept, huit ans, j'ai l'impression que les parents sont plus heureux et se sentent plus responsables de l'école qu'avant et que les enseignants aussi sont plus partie prenante, plus responsables. On a visé, dans plusieurs écoles, des choses très intéressantes et il me semble que cela ne peut pas faire autrement, si on a du monde satisfait, qui travaille mieux et dans un meilleur climat, que les enfants apprennent mieux. Vous comprendrez qu'il est difficile de faire des tests d'évaluation pour voir comment, il y a sept ans, un enfant prenait de temps à apprendre à lire et, aujourd'hui, combien cela prend de temps.

Mais quand on regarde le climat de toutes les écoles, on se disait encore dernièrement: La première bonne chose du projet éducatif, cela a été d'apprendre aux gens à se parler. Dans plusieurs écoles, il y avait des conflits latents et, quand on s'est dit: II faut se donner des orientations, les conflits ont sorti et il a fallu résoudre ces conflits. Aujourd'hui, on a des gens qui sont capables de se parler de pédagogie, qui sont capables de se parler d'enseignement, de méthodes d'évaluation, de tout cela. Il me semble qu'ils doivent faire mieux ensemble que tout seuls individuellement dans leur classe.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Gauthier: Je vous remercie beaucoup et je vous félicite d'avoir accepté de jouer le rôle de précurseurs dans ce grand projet éducatif. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Roberval. Vous avez été efficace. Cela vous étonne vous-même, je crois. Mais notre générosité à votre égard nous amène à accorder une brève question au député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, je serai plus bref que le député de Roberval. Vous avez mentionné que vous avez décentralisé le budget dans les écoles. Je ne voudrais pas, à cause du temps limité, entrer dans tous les détails, mais pouvez-vous nous dire quels sont ces montants et s'ils ont été répartis de la même façon, c'est-à-dire sur la base du nombre d'élèves? Comment avez-vous fait cette décentralisation du budget? Est-ce que c'est bref, cela, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Cela va. J'espère que la réponse sera aussi brève.

M. Létourneau: Je vais essayer de répondre brièvement. D'abord, le budget est décentralisé à chacune des écoles à tout point de vue, excepté le salaire des personnels. Mais les gens font leur plan de personnel et, ordinairement, il reste même une marge de manoeuvre pour que l'école puisse engager des gens à temps supplémentaire, à temps partiel ou des contractuels. On va même jusque-là. Il y a un montant de base, plus un per capita. Le montant de base est pour tenir compte qu'il y a des frais fixes, quelle que soit la dimension de l'école, et le reste, per capita. Même le surplus est transférable à l'année suivante, et le déficit aussi.

M. Cusano: En termes de montants réels, est-ce que vous pouvez nous donner une indication pour deux écoles de 250 élèves? Quels seraient ces chiffres?

M. Létourneau: Le montant de base, c'est 1000 $. Cette année, c'est 75 $ par élève.

M. Cusano: C'est 1000 $ de base, plus 75 $ par élève.

M. Létourneau: Plus 75 $ par élève. M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci beaucoup, M. le député de Viau.

Au nom de tous les membres de la commission, je remercie beaucoup MM. Bol-duc, Létourneau, Mme Custeau et M. Pelletier de leur collaboration très précieuse aux travaux de cette commission. Sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 3)

(Reprise de la séance à 20 h 2)

Le Président (M. Rlouin): À l'ordre s'il vous plaît!

La commission permanente de l'éducation reprend ses travaux à 20 h 2. C'est de bon augure pour les jours qui viennent et on m'a dit qu'il y a consentement pour que le ministre du Travail, député de Sherbrooke, M. Fréchette, remplace M. Rochefort (Gouin) comme intervenant, au cours de nos travaux de ce soir.

Sans plus tarder, étant donné qu'ils se sont déjà installés à la table des invités, j'inviterais donc un porte-parole de la commission scolaire catholique de Sherbrooke à s'identifer, à identifier les représentants de la délégation et, ensuite, à nous indiquer à quel niveau scolaire ils s'adressent et de procéder, par la suite, à la présentation du mémoire en une vingtaine de minutes, car il est beaucoup plus profitable, je crois... Vous savez que la plupart des membres ont déjà pris connaissance de votre mémoire, et il est beaucoup plus profitable d'avoir des échanges plus prolongés que d'assister à une longue lecture qui limite ensuite les échanges entre les membres de la commission et nos invités que vous êtes.

Commission scolaire catholique de Sherbrooke

M. Demers (Denis): Merci M. le Président. Mon nom est Denis Demers, président de la commission scolaire catholique de Sherbrooke.

Nous couvrons le territoire de Sherbrooke et de Sherbrooke métropolitain. Nous sommes une commission scolaire primaire et les personnes qui m'accompagnent ici, ce soir, sont, à mon extrême droite, M. Réginald Sauvageau, président de notre comité de parents, M. Parr, président d'un de nos comités d'école et membre de notre comité de parents; à ma gauche, le directeur général, M. Bernard Desruisseaux; immédiatement à côté de M. Desruisseaux, M. Rolland Quintal, directeur général adjoint, et M. Roger Poirier, qui représente ici les PME au niveau de cette commission parlementaire. Immédiatement à ma droite, mon collègue commissaire M. Michel Ellyson, président du comité exécutif de notre commission scolaire.

M. le Président, nous tâcherons dans la lecture de notre mémoire de retenir que vous souhaiteriez que nous le fassions dans une période d'une vingtaine de minutes.

Le Président (M. Blouin): Merci.

M. Demers: M. le Président de la commission parlementaire sur l'éducation, M. le ministre de l'Éducation, honorables membres de la commission parlementaire, mesdames et messieurs.

À titre de président du conseil des commissaires de la commission scolaire catholique de Sherbrooke, nous avons le plaisir de vous présenter le présent mémoire. Nous tenons d'abord à vous remercier de l'opportunité que vous donnez à certains des partenaires de la CSCS de se faire entendre relativement au projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Notre mémoire est le fruit du travail du comité de parents, du conseil des commissaires, de la direction générale et des professionnels de la CSCS. Il traduit la volonté commune de concertation de tous ces partenaires.

Notre cheminement. Le mercredi 17 mars 1982, le conseil des commissaires de la CSCS rendait publique son intention d'implanter un nouveau mode de gestion.

Au sujet du cheminement amorcé dès septembre 1981 par une réflexion commune, le président du conseil des commissaires déclarait vouloir mettre l'emphase dans notre organisation non sur les pouvoirs, mais sur le lieu approprié où doit être prise une décision.

C'est dire que nous considérions et considérons toujours qu'une décision doit être prise dans la mesure du possible par celles et ceux qui sont le plus près de l'action, soit les personnes qui sont les plus susceptibles d'avoir la meilleure compréhension des problèmes.

Notre philosophie de gestion. Ainsi, le conseil des commissaires de la CSCS adoptait une ligne d'action voulant favoriser la participation active des partenaires au processus décisionnel. Ces partenaires sont les élèves, les parents, les membres du personnel de l'école et la direction de l'école.

La concertation entre partenaires. Le conseil des commissaires désirait faire de l'école le pivot de la commission scolaire. Les modalités de réalisation de cette conception doivent être définies par tous les partenaires selon le cheminement amorcé en septembre 1981. Les commissaires ont engagé la commission scolaire catholique de Sherbrooke dans une nouvelle étape, celle de la concertation entre tous les partenaires qui veulent bien y adhérer.

Le processus n'est pas facile, nous en convenons. Nous considérons qu'il est même parfois difficile d'amener nos partenaires à s'impliquer activement dans le processus décisionnel. Il n'est pas suffisant de faire état d'une telle volonté; encore faut-il que ces partenaires comprennent et assument les responsabilités rattachées à un pouvoir décisionnel. Il s'agit d'une opération délicate

puisque nous touchons alors le domaine très sensible des changements de mentalité.

Dans ce cheminement, il est essentiel de maintenir un équilibre, qui parfois s'avère fragile, entre les changements de mentalité et les changements de la structure décisionnelle d'une commission scolaire. Nous estimons qu'on oublie trop facilement que ce sont plus souvent les modalités du fonctionnement administratif que la structure globale qui empêchent les partenaires de cheminer ensemble, de se concerter et de mettre en place les mécanismes qui assurent le développement intégral et harmonieux des élèves.

L'objectif fondamental qui guide notre démarche est essentiellement d'assurer à nos élèves la qualité des services éducatifs qui leur sont dispensés. En conséquence, toute la structure scolaire doit être conçue d'abord en fonction de l'atteinte de cet objectif et les modalités du fonctionnement administratif doivent être par la suite cohérentes avec un tel objectif.

C'est dans cette perspective que plusieurs partenaires au sein de notre commission scolaire ont scruté le projet de loi 40. Ils l'ont étudié selon une approche critique positive en respectant les dispositions des chapitres.

Les élèves. Le principe original sous-jacent à ce chapitre est celui des droits des élèves à des services éducatifs. Nous croyons que c'est la première fois qu'ils sont affirmés dans un projet de loi. Nous reconnaissons ces nouveaux droits aux élèves, en plus des obligations généralement faites à une commission scolaire et au ministère de l'Éducation. Cependant, il nous apparaît très conséquent que le projet de loi fasse aussi mention du cas des élèves dits surdoués. L'article 18 accorde aussi aux parents de l'élève le droit de choisir l'école qui répond le mieux à leur préférence ou dont le projet éducatif correspond le mieux à leurs valeurs. L'expérience de notre commission scolaire nous amène à exprimer certaines réserves quant à ce droit.

Sur le territoire de la CSCS, les parents sont très attachés au principe de l'école de quartier ou de municipalité. Dans un récent sondage sur le livre blanc du ministre de l'Éducation, 184 répondants sur 198 donnaient leur accord à l'énoncé suivant: "Un bassin d'alimentation devrait normalement être déterminé pour chaque école physique afin de déterminer qui a droit au transport gratuit et qui a priorité en cas de surplus d'inscription d'élèves dans une école."

Nous estimons que le droit du choix de l'école ne devrait pas avoir pour conséquence la disparition du principe d'une école de quartier ou de municipalité.

L'école. La lecture de l'article 34 nous pose un problème. Suivant notre interprétation, nous percevons difficilement comment une commission scolaire pourrait, à l'intérieur de la période mentionnée de cinq ans, créer une nouvelle école. Le projet de loi devrait laisser cette possibilité à une commission scolaire.

Le livre blanc du ministre de l'Éducation postulait que l'on devait rendre la communauté responsable de son école. On jugeait ainsi que la communauté pouvait gérer son école selon ses besoins et ses attentes. L'article 29 laisse à la commission scolaire le soin d'établir une école et d'en indiquer notamment la composition du conseil. L'article 39 présente un modèle uniforme de la composition du conseil et, ce, pour toutes les écoles du Québec. Notre vécu nous permet de présenter une alternative à cet encadrement.

Les écoles de la CSCS sont décisionnelles quant à leur budget. À cette fin, nous avons demandé aux directions d'école de consulter les comités d'école et les enseignants sur la composition d'un comité du budget. Très majoritairement, les parents et enseignants ont opté pour un comité décisionnel paritaire. En conséquence, il nous apparaîtrait respecter l'esprit du projet de loi si le milieu école pouvait définir lui-même le modèle de conseil d'administration correspondant parfaitement à ses besoins et attentes. Ainsi, pour les années à venir, on laisserait place à l'initiative du milieu quant à la création de nouveaux modèles de conseil.

Le conseil des écoles à vocation régionale. Dans le même ordre d'idées, les écoles à vocation régionale devraient avoir la possibilité d'établir leur propre modèle de conseil afin qu'il soit fonctionnel. Notre vécu nous permet de penser que la formule du projet de loi pourrait difficilement s'appliquer de par la nature même des clientèles de ces écoles.

Vous nous permettrez une dernière remarque sur les dispositions du chapitre III. L'article 38 fait obligation à l'école de publier un rapport d'activité qu'elle rend public de la manière qu'elle détermine. Nous croyons que cette obligation devrait inclure une publication faite lors d'une assemblée générale des parents de l'école.

La commission scolaire. Une commission scolaire a comme objectif, entre autres, de veiller à la répartition des services éducatifs qu'elle offre sur son territoire. Une saine gestion des fonds publics nécessite que des personnes voient à une distribution juste et équitable entre les milieux de toutes les ressources disponibles. Ainsi, un des aspects du rôle de commissaire est de voir à la bonne gestion de la richesse collective.

Un autre aspect, celui de représentant officiel d'une ou de plusieurs écoles. À ce titre, le commissaire doit représenter les intérêts de son école auprès de la

commission scolaire. Négliger un des deux aspects équivaudrait à nier une partie de notre réalité scolaire. Si un commissaire ne devait être qu'un représentant d'une école, c'est toute la communauté scolaire qui en souffrirait. Si un commissaire ne devait s'intéresser qu'à la répartition de la richesse collective, c'est le milieu école qui se sentirait lésé dans la légitimité de ses attentes. Notre vécu nous permet d'établir ces principes fondamentaux.

Les conceptions, à notre commission scolaire, de la représentation électorale. Deux conceptions prévalent à la CSCS quant au type de représentation électorale. Il s'agit de la formule préconisée par le projet de loi 40, soit la représentation par école, et la formule existante, soit la représentation par quartier électoral.

La représentation par école. La formule du projet de loi 40 plaît au comité de parents de notre commission scolaire. Parmi les avantages d'une telle formule, on retient le lien direct qui est ainsi créé entre l'école et la commission scolaire, assurant à la première une influence certaine sur la seconde. Les parents considèrent aussi que le commissaire d'école, lorsqu'il siégera au conseil de la commission scolaire, saura faire preuve d'un souci du bien commun.

Certains parents et commissaires ont par contre exprimé des craintes quant au grand nombre de commissaires à un futur conseil de la commission scolaire de Sherbrooke, lequel totaliserait environ 42 personnes. Si le gouvernement devait retenir la formule de la représentation par école, nous croyons que les pouvoirs du comité exécutif prévus à l'article 181 devraient être passablement modifiés. L'élaboration des règles et modalités de répartition des ressources financières entre les écoles et la détermination du taux de la taxe scolaire devraient relever de la compétence du conseil d'administration de la commission scolaire. Il en va de même pour toutes les politiques de ladite commission. Laisser à un comité exécutif le soin d'établir au nom du conseil d'administration un taux de taxes nous paraît un accroc au principe de la démocratie scolaire telle que nous la connaissons. (20 h 15)

La représentation par quartier électoral. Le conseil des commissaires de la CSCS retient, quant à lui, la formule actuelle de la représentation par quartier électoral. Parmi les avantages d'une telle formule, on retient notamment celui de rôle d'arbitre des différentes composantes de la commission scolaire. Cette formule pourrait cependant être déficiente si le commissaire d'un quartier entretenait peu ou pas de relations suivies avec son ou ses comités d'école. Si le gouvernement devait retenir la formule de la représentation par quartier électoral, nous maintiendrions les mêmes restrictions susmentionnées quant aux pouvoirs du comité exécutif. Nous ajoutons cependant que la taille du conseil des commissaires pourrait être réduite dans la mesure du possible. Elle pourrait idéalement être ramenée à quelque dix membres. Dans ce cas, il serait préférable de ne pas avoir de comité exécutif. Toutes les décisions seraient prises par le conseil d'administration. Le commissaire élu serait tenu de convoquer des réunions regroupant les conseils d'école de son quartier afin de maintenir un lien direct entre les écoles et la commission scolaire. Il pourrait y avoir quatre réunions annuelles obligatoires. Dans l'éventualité d'un grand nombre de postes de commissaires, un comité exécutif serait nécessaire.

La fréquence des élections et le nombre de mandats du commissaire. Nonobstant la formule retenue par le gouvernement, nous estimons que les élections des commissaires devraient se tenir en bloc tous les quatre ans et, afin d'assurer un renouveau au conseil d'administration de la commission scolaire, un commissaire ne pourrait exercer plus de deux mandats successifs, une période de quatre années devant s'écouler entre le deuxième et un nouveau mandat. S'il y avait vacance au poste de commissaire, nonobstant la formule retenue par le gouvernement, toute vacance à un poste de commissaire devrait être comblée par une élection au suffrage universel.

Le conseil d'administration de la commission scolaire. Nonobstant la formule retenue par le gouvernement, nous pensons que tous les pouvoirs devraient être confiés au conseil d'administration dont ceux précédemment mentionnés, soit l'élaboration des règles et modalités de répartition des ressources financières entre les écoles, la détermination du taux de la taxe scolaire et l'adoption de toutes les politiques de la commission scolaire. Le conseil d'administration aurait la possibilité de déléguer ses pouvoirs à un éventuel comité exécutif, suivant les attentes et les besoins exprimés par un milieu.

En conséquence, l'article 181 pourrait se lire comme suit: Le comité exécutif exerce les pouvoirs que lui délègue le conseil d'administration. Il pourrait être chargé notamment d'exécuter, selon le cas, les décisions du conseil d'administration; de préparer le budget et les rapports financiers; d'exercer les pouvoirs de la commission scolaire quant aux emprunts - et il peut, à cette fin, mandater une personne pour négocier ces emprunts - de conclure les contrats; d'appliquer les politiques adoptées par le conseil d'administration.

L'article 182 prévoit l'établissement de règles de régie interne pour le comité exécutif. Les parents et commissaires de la

CSCS désireraient que soient inscrites dans la loi les deux règles suivantes: Un commissaire du comité exécutif, tel que prévu dans le projet de loi, devrait s'abstenir de voter lorsque est débattu un problème relatif à son école, ceci afin d'éviter les conflits d'intérêts; tout commissaire devrait pouvoir assister à un comité privé du comité exécutif si on y discute d'une affaire concernant son école ou son quartier. Il va de soi que ce commissaire serait tenu au secret du huis clos.

Le pouvoir de taxation et de perception de la taxe scolaire. Nous acceptons d'emblée que le projet de loi laisse à une commission scolaire son pouvoir de taxation. Nous pensons cependant que devrait être également conservé à la commission scolaire le pouvoir de perception (article 267) sous réserve que les coûts de perception demeurent les mêmes que ceux qui seraient encourus par une municipalité à qui serait confié ce pouvoir. De plus, une commission scolaire devrait pouvoir taxer selon les ressources qui lui sont nécessaires pour satisfaire tous les droits de l'élève tels que décrits au chapitre II du projet de loi. L'organisme qui doit satisfaire aux obligations qui lui sont faites doit, en conséquence, disposer des ressources nécessaires à cette fin.

Le comité de gestion de la commission scolaire. L'article 184 fait obligation à une commission scolaire d'établir, sous la direction du directeur général, un comité de gestion où siège une majorité de directions d'école. Les parents et les commissaires de la CSCS croient que chaque commission scolaire devrait avoir la responsabilité de juger de la pertinence de l'existence d'un tel comité de gestion, d'autant plus que le projet de loi établit le lien direct entre l'école et la commission scolaire par l'intermédiaire du commissaire d'école, alors qu'actuellement ce lien est assuré par les directions d'école avec le directeur général. Nous ne voyons pas la pertinence de maintenir deux liens directs, possiblement conflictuels, dans l'éventualité de l'adoption du projet de loi.

Le comité consultatif du transport. L'article 187 établit la constitution d'un comité consultatif du transport. Nous nous permettons de vous souligner qu'il nous paraît très pertinent d'inclure dans ce comité un représentant des élèves utilisateurs.

Les options professionnelles, l'éducation aux adultes, le transport scolaire, et les services informatiques. L'article 199 fait obligation à la commission scolaire de s'assurer que la population de son territoire reçoive les services éducatifs auxquels elle a droit. Ces services éducatifs incluent les options professionnelles. Or, selon l'article 92, c'est l'école qui dispense les services aux élèves que la commission scolaire y a inscrits et c'est la commission scolaire qui répartit les services éducatifs entre les écoles; articles 92 et 202. Notre expérience nous permet de vous proposer une autre voie. La région de l'Estrie compte sept commissions scolaires primaires d'importance inégale. Il est assuré que la commission scolaire catholique de Sherbrooke, de par son bassin de population, pourra sans doute s'offrir les services qu'elle déterminera, mais il n'est pas du tout assuré que les autres commissions scolaires pourront en faire autant. C'est pourquoi nous proposons que le projet de loi donne aux commissions scolaires le pouvoir de créer un organisme régional, et de lui confier certaines responsabilités, notamment, la répartition des options professionnelles, les services de l'éducation aux adultes, le transport scolaire, les services informatiques. Les commissions scolaires seraient tenues de dispenser ces services. L'organisme régional serait sous la responsabilité conjointe des sept commissions scolaires de l'Estrie.

La consultation sur la répartition des services éducatifs. L'article 202 prévoit que la commission scolaire répartisse les services éducatifs entre les écoles de son territoire. Les parents, les commissaires de la CSCS demandent que la commission scolaire soit tenue de consulter les conseils d'école avant d'effectuer cette répartition.

Le ministre de l'Éducation et la consultation du ministère. Certains partenaires de notre commission scolaire considèrent que les consultations faites par le ministère souffriraient de quelques lacunes. Les remarques les plus souvent entendues sont les suivantes: On oublie parfois de consulter un ou des partenaires; le temps laissé pour faire la consultation est trop court; le vocabulaire utilisé est parfois incompréhensible pour certains partenaires, ce qui implique que la consultation peut être peu significative. Nous estimons que le ministère devrait corriger ces lacunes. Malgré tout, nous souhaitons, à l'articles 292, que le ministère soit tenu d'établir ses divers programmes en collaboration avec les commissions scolaires, les enseignants, les enseignantes et les parents.

La liste des manuels scolaires: L'article 293 permet au ministre d'établir la liste des manuels scolaires qu'il autorise. Si le milieu école doit s'approprier le processus décisionnel, le ministre devrait se limiter à publier une liste critique des manuels. L'école choisirait ses manuels selon cette liste, ce qui est d'ailleurs souvent le cas actuellement.

La réglementation: Nous pensons que trois principes devraient guider le ministère dans l'établissement de sa réglementation. 1 La réglementation du ministère doit permettre une réglementation propre à

chaque commission scolaire. 2° Le ministère de l'Éducation doit s'obliger à cansulter tous ses partenaires sur sa réglementation. 3° Toute réglementation non spécifiée à l'article 308 relèverait de la compétence des commissions scolaires.

L'article 308 présente les domaines de réglementation que se réserve le ministère. Puisque nous considérons que le ministère s'y réserve trop de pouvoirs, nous pensons qu'il devrait limiter les domaines de sa réglementation. L'article 308 pourrait se lire comme suit: "Le gouvernement peut, par règlement, 1° établir un régime pédagogique pour déterminer le cadre général d'organisation des services éducatifs. Ce régime peut porter sur: a) l'admission, b) le nombre d'heures par année des activités éducatives, c) les cycles de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire, d) l'établissement d'objectifs terminaux d'apprentissage, e) les matières obligatoires et les matières à option, f) le nombre d'unités par matière, g) le passage de l'école primaire à l'école secondaire, h) la sanction des études; 2° définir ce qui constitue une fonction pédagogique ou une fonction éducative; 3° déterminer les normes et les conditions d'acquisition et de disposition des biens immeubles, 4° déterminer les normes, les conditions et la procédure d'octroi des contrats de construction, d'agrandissement, d'aménagement majeur, de reconstruction, de démolition ou de transformation majeure d'un immeuble d'une commission scolaire; 5° déterminer la nature et la forme des renseignements fournis au ministre des Finances et au ministre de l'Éducation pour l'application du premier alinéa de l'article 247, de même que la date à laquelle ces renseignements doivent être fournis."

Les allocations aux membres du conseil d'administration de la commission scolaire et des conseils d'école. L'article 309 indique dans ses paragraphes 6 et 7 que le ministère peut réglementer les normes de remboursement des dépenses des commissaires et des membres des conseils d'école. Une telle réglementation devrait être laissée aux commissions scolaires. En outre, de façon à s'assurer de la plus large participation possible des parents au conseil d'école, la loi devrait inclure à l'article 309 des allocations aux parents d'un conseil pour les frais de garde.

Les dispositions provisoires. La commission de mise en oeuvre. L'article 340 présente la composition de la commission de mise en oeuvre. Nous estimons qu'elle devrait inclure une personne choisie parmi les membres des associations représentatives des professionnels des commissions scolaires.

Les plans de transfert du personnel.

Nous estimons que l'article 349 devrait spécifier que les plans de transfert doivent inclure tout le personnel des commissions scolaires existantes.

Le comité de mise en oeuvre. Nous pensons que l'article 368 devrait faire obligation au ministre de consulter tous les organismes impliqués quant à la nomination des membres du comité de mise en oeuvre. De plus, nous estimons que le comité de mise en oeuvre devrait inclure une personne choisie parmi les membres des associations représentatives des professionnels des commissions scolaires.

L'engagement du directeur général et du directeur général adjoint. L'article 381 spécifie que le directeur général d'une commission scolaire doit obligatoirement être choisi dans une banque composée essentiellement des actuels directeurs généraux et directeurs généraux adjoints. Nous pensons que le projet de loi ne devrait pas obliger les comités de mise en oeuvre à engager un candidat qui occupe actuellement un poste de directeur général ou de directeur général adjoint. Une organisation devrait avoir la possibilité d'engager un candidat qui réponde à ses attentes et besoins. La procédure que nous suggérons serait de retenir obligatoirement, pour fins d'étude, les candidatures des actuels directeurs généraux et directeurs généraux adjoints. Cependant, la sélection d'un candidat devrait respecter la procédure normale des concours de promotion, et la sélection finale devrait permettre au meilleur candidat d'obtenir le poste de directeur général.

Nous tenons à vous souligner que les actuels directeur général et directeur général adjoint de la CSCS se dissocient de cette position.

Conclusion. M. le Président, vous nous permettrez de terminer notre présentation par quelques réflexions communes des parents, des commisaires, des professionnels et des membres de la direction générale de la CSCS.

Nous espérons que la loi qui sera adoptée permettra à la commission scolaire catholique de Sherbrooke de poursuivre la démarche amorcée en septembre 1981. L'important pour les partenaires de la CSCS, c'est d'apprendre et de continuer à travailler ensemble à l'établissement d'une concertation réelle entre tous les agents d'éducation. L'essentiel pour nous ne consiste pas à départager des pouvoirs selon les sphères d'influence, mais bel et bien à s'assurer que les bonnes décisions soient prises aux bons endroits et le plus possible en concertation avec tous les partenaires.

C'est en travaillant ensemble à l'élaboration de nouvelles modalités administratives que nous parviendrons à changer les mentalités dans notre commission scolaire.

Toute cette démarche n'a qu'un but ultime, soit d'améliorer notre efficacité et ce, pour assurer le développement intégral et harmonieux de nos enfants.

Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Demers. Je crois comprendre que la liste des amendements proposés par votre commission scolaire qui est annexée à votre mémoire reprend les points que vous venez de développer.

M. Demers: C'est exact.

Le Président (M. Blouin): Très bien, merci. M. le ministre.

M. Laurin: Je remercie chaleureusement la commission scolaire catholique de Sherbooke pour l'étude sérieuse et substantielle qu'elle a faite du projet de loi 40, comme elle le dit si bien elle-même, à partir de son vécu et en fonction de la démarche qu'elle a accoutumé de faire depuis quelques années. C'est probablement la raison pour laquelle son mémoire fourmille de recommandations et de suggestions intéressantes. (20 h 30)

J'ai déjà eu l'occasion de rencontrer presque tous les membres qui sont assis à la table et je me rappelle avoir eu avec elles et avec eux un échange extrêmement constructif dont je retrouve d'ailleurs plusieurs échos dans le mémoire qui nous est présenté aujourd'hui.

Je les félicite aussi pour cette attitude pragmatique qu'ils ont et en vertu de laquelle, par exemple, ils peuvent déclarer que ce qui les intéresse, ce n'est pas la répartition des pouvoirs mais bien la recherche des lieux les plus appropriés de décision dans une attitude de concertation, d'équipe dans le but d'atteindre l'objectif de la mission éducative qui est l'amélioration de la qualité de l'éducation pour chacun de nos enfants.

Il est réconfortant de voir que le mémoire qui nous est présenté aujourd'hui est justement le fruit de cette concertation, le fruit de cette démarche à laquelle ont été associés des commissaires, des parents, des directeurs généraux, des cadres et mêmes des enseignants si j'ai bien compris. Et le résultat de cette concertation, de cette démarche, c'est de prévoir que cette école pivot, concept auquel adhère la commission scolaire catholique de Sherbrooke, est une réalité non seulement faisable, non seulement viable, mais une réalité qui est en voie d'implantation dans la plupart des écoles qui relèvent de la commission scolaire catholique de Sherbrooke. Vous nous en avez d'ailleurs donné un exemple, car, déjà, les budgets sont décentralisés à votre commission scolaire et ceci semble avoir amélioré la situation.

Je pense que vous avez aussi parfaitement raison de dire qu'il ne suffit pas de changer les structures, il faut, en même temps, que ce changement soit accompagné par un autre changement plus important, plus lent, plus difficile au niveau des mentalités. Comme on nous le disait cet après-midi - c'était d'ailleurs une autre commission scolaire de votre région - c'est que, bien souvent, cette démarche de concertation révèle des conflits qui étaient jusqu'alors latents et que la concertation a précisément pour fonction de mettre en lumière, dans un premier temps, mais qu'elle permet de résoudre, dans un second temps, et que ce rapprochement se fait toujours en fonction d'un objectif commun et aboutit toujours à une amélioration de la qualité de l'éducation. C'est bien comme cela que nous l'entendons. Lorsque vous conviez le ministère de l'Éducation à changer, lui aussi, ses mentalités, à changer ses pratiques de consultation, à les faire plus longues, à les faire plus étoffées et à consulter véritablement les instances décentralisées, nous en sommes et nous espérons bien que nous marquerons de cette façon la nouvelle ère que veut instaurer le projet de loi 40. Vous nous faites plusieurs suggestions et vous savez déjà que nous en avons retenu quelques-unes. Ce matin, j'ai eu le plaisir d'annoncer que l'article 309, aux sixième et septième alinéas, serait amendé dans le sens de votre recommandation et que, également, nous amenderions l'article qui traite du transfert et de l'intégration des personnels de façon que ceci se fasse par entente entre le gouvernement et les organismes syndicaux concernés ou les associations concernées. Je pense ici aux directeurs généraux et aux directeurs d'école.

Dans les autres suggestions que vous nous faites, il y a énormément à glaner, par exemple, lorsque vous nous suggérez d'être peut-être encore plus souples que nous le sommes dans la constitution d'un modèle de conseil d'école, modèle que vous voudriez voir plus souple pour tenir compte des écoles primaires, des écoles secondaires, mais aussi des écoles régionales. Nous apporterons sûrement une très grande attention à votre suggestion.

Je retiens aussi cette autre suggestion sur la table de gestion qui, à votre avis, n'est peut-être pas nécessaire dans le nouveau modèle étant donné qu'elle viendrait dédoubler une autre voie de communication qui existe déjà.

Je retiens aussi cette suggestion très intéressante d'un organisme régional qui serait constitué conjointement des commissions scolaires de la région, qui dépendrait, bien sûr, des commissions scolaires de la région, et qui assumerait certaines fonctions d'importance proprement

régionale, comme la répartition des options professionnelles ou la répartition de services pour élèves que l'on appelle communément en difficulté d'adaptation et d'apprentissage, mais qui, bien souvent, sont des élèves handicapés pour lesquels des services très spéciaux sont nécessaires, sans parler des élèves surdoués également auxquels il est important, je crois, de faire enfin droit dans nos énumérations de clientèle.

Toutes ces suggestions seront étudiées pour notre part. Il est bien possible effectivement que nous continuions, à l'examen, d'en retenir d'autres outre celles que nous avons déjà retenues.

Je voudrais, enfin, vous poser une seule question. Vous affirmez à plusieurs endroits dans votre mémoire que le conseil des commissaires a voulu favoriser la participation active des partenaires au processus décisionnel, c'est-à-dire élèves, parents, membres du personnel de l'école et direction d'école. J'aimerais vous demander si vous pouvez expliquer à la commission parlementaire les raisons qui vous ont amenés à prendre cette orientation, à adopter cette démarche et à poser les gestes que vous avez posés au cours des dernières années.

Le Président (M. Blouin): M. Demers.

M. Demers: M. le Président, pour répondre à la question du ministre de l'Education, lorsque nous parlons de notre vécu, nous référons, bien sûr, à des choses difficiles que nous avons vécues à l'intérieur de notre commission scolaire qui nous ont fait prendre cette orientation, parce que nous croyons profondément qu'au niveau de notre commission scolaire, il est important que nous nous questionnions ensemble. Il est difficile de décider d'autorité au niveau du conseil des commissaires ou même au niveau de la direction générale sans tenir compte de l'avis de tous.

Bien sûr, dans cette démarche, nous favorisons la participation, mais nous estimons également important de ne pas l'imposer d'autorité. C'est pourquoi nous disons dans notre mémoire que nous laissons nos partenaires libres d'y adhérer.

Nous espérons, chaque fois que nous le faisons, avoir un avis de tous. Lorsque nous le recevons, nous en tenons compte avant de décider. Cette démarche nous permet donc de prendre une décision, puisqu'il faut la prendre éventuellement cette décision, et d'avoir quelque chose de mieux étoffé et, bien sûr, quelque chose qui nous permet de répondre, sinon en totalité, du moins, en partie à l'ensemble des partenaires. C'est ce que nous voulons et c'est ce que nous nous efforçons de faire au sein de notre commission scolaire.

M. le Président, je ne sais pas si les partenaires souhaitent ajouter quelque chose. Le Président (M. Blouin): Cela va? Une voix: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le ministre? Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Merci, M. le Président. Je voudrais souligner que le mémoire de la commission scolaire catholique de Sherbrooke nous a vivement intéressés. En vous écoutant, M. le Président, je me faisais une observation. Je me disais qu'aujourd'hui cela fait deux commissions scolaires de votre région que nous entendons. Il y a eu celle de Morilac cet après-midi et vous. Il y en a d'autres qui sont laissées en attente pour une période indéfinie, en particulier la commission scolaire régionale de l'Estrie, la commission scolaire de l'Asbesterie également. Je voudrais en profiter pour signaler que s'il y avait eu une meilleure planification et des consultations plus sérieuses entre le gouvernement et l'Opposition, il y aurait eu moyen de regrouper ces témoignages de manière que l'on puisse profiter de la complémentarité des uns et des autres. Cela n'enlève aucun mérite à ce que vous avez dit. Mais la seule pensée de présumer qu'on devra attendre pendant peut-être un mois et demi avant d'entendre d'autres points de vue de gens qui sont vos voisins nous chagrine.

Cela étant dit, je voudrais signaler une chose qui m'a frappé dans votre mémoire, que j'ai trouvé très clair, très bien présenté. Il y a un certain nombre de problèmes de fond auxquels vous n'avez pas touchés, les problèmes qui sont au coeur du débat qui oppose le gouvernement à tout un ensemble de milieux, y compris l'Opposition. Cela est plus normal, quand c'est l'Opposition; ce n'est pas trop alarmant, parce que c'est la règle même de notre système parlementaire, mais je crois que l'opposition est beaucoup plus répandue que cela dans le milieu en général, même dans la région d'où vous venez. Je remarque que, sur les relations entre l'école et la commission scolaire, sur tout le lien qui doit exister entre l'école et la commission scolaire, votre mémoire est pratiquement silencieux. C'est un point que vous ne touchez pratiquement pas.

De même, sur le statut du directeur d'école, qui est un des éléments clés de la réforme proposée, il n'y a pas d'observations dans votre mémoire et, s'il y en a que vous voulez ajouter tantôt, cela me fera plaisir de les entendre. Vous ne prenez pas position, non plus, sur le regroupement des commissions scolaires primaires et secondaires - je vais vous en dire un petit mot tantôt - vous n'exprimez pas d'opinion

sur la confessionnalité; vous n'exprimez pas d'opinion non plus sur la formule du regroupement des commissions scolaires suivant des lignes linguistiques. Je mentionne ces points-là juste pour rappeler combien le paysage est vaste - ce ne sont pas des reproches que j'entendrais vous adresser - et pour signaler à l'attention du ministre qu'il ne faudrait pas qu'il parte trop vite en pensant que son projet est passé avec vous autres comme une lettre à la poste. Je présume que, sur tous ces points-là, vous avez des réactions qui ne sont peut-être pas aussi simples qu'on pourrait l'imaginer.

J'ai remarqué une chose également. Quand vous parlez du conseil d'école, vous faites une suggestion au gouvernement que n'a point souligné le ministre dans les commentaires qu'il a faits à la suite de votre présentation. Vous dites que le conseil d'école devrait avoir une composition dont la nature serait laissée à l'initiative de l'école, étant donné les situations très variées qui peuvent surgir d'une école à l'autre. C'est un point de vue auquel nous sommes très sensibles de ce côté-ci. Vous signalez à l'attention du ministre qu'une formule uniforme pour tout le Québec, pour tous les genres d'écoles serait "carcanesque" et trop forte pour ce qu'une vision réaliste des choses devrait suggérer. J'ai été bien content de trouver cette suggestion dans votre mémoire.

Il y a beaucoup d'autres points. Il y a une série de points particuliers - là-dessus, je suis très heureux d'être d'accord avec le ministre - qui contribueront à améliorer ces parties du projet de loi dont vous traitez. Le problème de taxation, par exemple, quand vous le posez, a été souligné par beaucoup d'organismes, et je pense que c'est bon qu'il ait été souligné ici. Je crois bien que le gouvernement voudra se rendre aux opinions exprimées là-dessus. Il me semble que c'est de la nature de la commission scolaire d'avoir cette responsabilité de percevoir ses taxes. Si elle juge devoir faire une entente avec une corporation municipale à cette fin-là, c'est son droit, mais il ne devrait pas être écrit dans la loi que c'est l'autre qui va percevoir cela pour elle obligatoirement. Si c'est le point de vue que vous avez voulu souligner, je voulais vous dire que je suis tout à fait d'accord avec vous.

Je vais vous poser quelques questions, si vous me le permettez. Quand vous proposez que les commissions scolaires aient la possibilité de créer un organisme régional qui aurait la responsabilité de dispenser certains services exigeant une taille plus large, comme l'éducation des adultes, la répartition des options professionnelles, je pense que, dans votre région en particulier, c'est un problème que vous faites bien de souligner, parce qu'il a été porté à mon attention par d'autres. Je voudrais vous demander s'il y avait une commission scolaire regroupée, s'il y avait le regroupement des commissions scolaires élémentaires et secondaires, si vous envisagez un autre organisme pour cela ou si les nouvelles commissions scolaires que propose le gouvernement pourraient faire ce travail-là ou si, même avec la nouvelle carte scolaire des commissions scolaires regroupées, il faudrait envisager un organisme régional comme celui-là?

En même temps, si vous pouvez me donner votre opinion sur le regroupement, cela ferait mon affaire. (20 h 45)

M. Demers: M. le Président, pour répondre au député, M. Ryan, quand nous parlons de créer un organisme régional, dans notre vécu et dans nos échanges avec les autres commissions scolaires primaires de notre région, nous nous sommes, bien sûr, rendu compte qu'il y avait à notre endroit une crainte que nous tenions à souligner à cette commission parlementaire, une crainte par rapport à la commission scolaire de Sherbrooke, d'avoir tous les services à Sherbrooke. Nous étions convaincus à Sherbrooke que s'il devait y avoir une ouverture, nous devrions le faire savoir. Nous avons cette ouverture. Cependant, nous estimons que le fait de créer un organisme régional permettrait à l'ensemble des commissions scolaires, qui seraient sans doute intégrées à ce moment-là, de pouvoir échanger et de décider ensemble de ce qui pourrait être confié à Sherbrooke et de ce qui pourrait être confié à d'autres commissions scolaires qui nous entourent parce que les services qu'elles pourraient offrir seraient plus appropriés dans leur région. Ce sont les choses que nous avons remarquées et c'est la raison pour laquelle nous l'avons souligné dans notre mémoire.

Quant au regroupement primaire-secondaire et à l'intégration, au niveau des commissaires à Sherbrooke, tout le monde est d'accord avec cela. D'ailleurs, dans votre exposé, vous indiquiez que nous ne l'avions pas fait ressortir. C'est exact. Vous disiez également qu'il y avait la commission scolaire régionale de l'Estrie. Comme commission scolaire primaire, nous faisons partie de la commission scolaire régionale de l'Estrie et c'est à ce niveau qu'un regroupement primaire-secondaire n'appartiendrait pas seulement à Sherbrooke, mais à différentes commissions scolaires. En d'autres termes, les écoles secondaires sur le territoire qui nous entoure demeureraient, nous le croyons, rattachées à ces commissions scolaires ce qui, bien sûr, ferait disparaître l'entité d'aujourd'hui, dans le système actuel, qui est la CSRE.

Compte tenu de cela, nous croyons important de se regrouper pour pouvoir discuter. On ne pense pas que nous puissions

vivre isolés. On va devoir continuer de se parler pour tenter de se comprendre. C'est dans le respect de ces partenaires que nous estimons que nous avons parlé de cet organisme régional. Je ne sais pas si cela répond à votre question quant au regroupement. Cependant, ce sont à peu près les choses qui ont été discutées à l'intérieur de notre comité.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: J'ai deux autres questions, dont une sur les relations entre l'école et la commission scolaire et, de manière un peu plus particulière, sur le statut du directeur. Doit-il relever de la commission scolaire ou du conseil d'école? Avez-vous établi une position?

M. Demers: Voici ce que nous avons remarqué dans notre vécu. Lorsque vient le temps de nommer un directeur d'école - et c'est arrivé à quelques occasions - nous avons remarqué que les parents dans les écoles, les comités d'école actuels souhaitaient avoir voix au chapitre dans le sens de nous dire ce qu'ils souhaiteraient avoir comme direction d'école. Nous n'avons jamais senti qu'ils souhaitaient se substituer à la commission scolaire et dans ce sens-là, en tout cas, dans le système actuel, nous pouvons dire qu'ils souhaitent donner leur opinion, mais ils nous laissent la possibilité de nommer la direction d'école. Est-ce que ce serait problématique? C'est fort possible, mais nous ne pouvons pas... On n'a pas vécu d'autre formule. Ce dont nous pouvons parler, c'est de la formule de notre vécu actuel.

M. Ryan: Le conseil d'école, si je comprends bien, vous aimeriez mieux que cela reste plutôt général dans la loi? Vous aimeriez qu'au niveau de chaque école, j'imagine, sous la responsabilité générale de la commission scolaire, on puisse décider. Dans une école, ce serait mieux d'avoir un conseil d'école à composition paritaire. Auriez-vous objection à cela, vous autres?

M. Demers: M. le Président, nous n'aurions aucune objection à voir dans nos unités administratives d'école les gens s'interroger, travailler ensemble et déterminer ensemble ce qu'ils souhaiteraient avoir comme conseil d'école ou comme comité d'école. Nous avons remarqué, toujours dans ce vécu, que les partenaires à ce niveau, chez les parents, ne souhaitent pas non plus se substituer aux enseignants. Nous voulons leur faire confiance à ce niveau afin qu'ils puissent faire la démarche qu'ils souhaiteraient dans leur milieu.

M. Ryan: Une dernière question. Il y en aurait beaucoup d'autres, mais la limite de temps nous oblige à abréger. Vous dites des choses qui m'ont paru très intéressantes à propos des pouvoirs réglementaires du ministre. En particulier, vous faites des suggestions qui touchent l'article 309 du projet de loi où on énumère toute une série de pouvoirs réglementaires du ministre. Vous faites une énumération.

J'ai essayé de faire une comparaison avec ce qui est déjà compris dans le texte du projet de loi. Pourriez-vous nous expliquer les changements principaux que vous suggérez par rapport au texte du projet de loi, dans la mesure où ils ne sont pas corrigés par les amendements qui ont été déposés ce matin?

M. Demers: Si je ne m'abuse, le député d'Argenteuil fait référence à l'article 308 du projet de loi plutôt qu'à l'article 309.

M. Ryan: Vous avez raison, c'est cela. Mes lunettes sont un peu sales.

M. Demers: Je vous en prie, nous avons compris que toute personne est susceptible de faire une erreur.

M. Ryan: J'étais à la bonne page, cependant.

M. Demers: Avec votre permission, j'inviterais le directeur général de notre commission scolaire, M. Desruisseaux, à répondre à cette question.

M. Desruisseaux (Bernard): Pour y répondre, on peut diviser l'article 208 en deux parties: la partie qui a trait au régime pédagogique...

Le Président (M. Blouin): On a beaucoup de difficulté avec ce numéro, c'est 308.

M. Desruisseaux: Excusez-moi, c'est 308. La première partie a trait au régime pédagogique. Ce qu'on a retranché de la proposition du projet de loi, c'est ce qui ne paraissait pas, à notre point de vue, nécessaire au ministère pour accomplir la tâche qu'il doit accomplir dans le système scolaire. Ce n'était pas, à notre avis, absolument nécessaire pour lui. Par contre, nous croyons que ce peut être très utile pour les écoles ou la commission scolaire d'avoir un assez haut niveau de liberté à l'égard de ces points pour la gouverne des écoles et pour l'enseignement.

Je prends, par exemple, le temps prescrit pour les services éducatifs. On croit pouvoir faire confiance à l'école pour qu'elle le détermine elle-même. Étant donné que le ministère détermine les objectifs à atteindre, c'est suffisant. Que l'école détermine les

moyens, y compris le temps à y consacrer pourvu que, dans la province, un temps égal soit donné à tout le monde durant une année.

Pour ce qui concerne les autres aspects de l'article, nous avons essayé de préserver les droits que nous possédons actuellement. Nous avons retranché ce qui nous paraissait un empiétement sur ce que nous possédons déjà comme pouvoirs.

M. Ryan: Vous trouviez qu'il y avait des accroissements de pouvoirs ministériels à certains endroits.

M. Desruisseaux: Oui.

M. Ryan: C'est ce que nous pensions, mais on avait entendu le contraire.

M. Desruisseaux: C'est ce que nous voudrions sauvegarder: au moins sauvegarder les pouvoirs que nous possédons actuellement tout en essayant d'en acquérir quelques autres particulièrement au niveau du régime pédagogique.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Sherbrooke et ministre du Travail.

M. Fréchette: Oui, M. le Président, une très brève remarque d'ordre général, d'abord; ensuite, une seule question à la délégation de la commission scolaire catholique de Sherbrooke.

Ma remarque d'ordre général est pour remercier la délégation de la présentation de son mémoire et de son contenu. M. le Président, vous allez comprendre pourquoi je suis en mesure de corroborer ou de confirmer des affirmations qui sont faites dans le mémoire, plus particulièrement au niveau de la volonté qu'a manifestée la commission scolaire catholique de Sherbrooke depuis 1981, d'impliquer le plus grand nombre possible de partenaires dans le processus décisionnel. J'ai une seule question et je ne pense pas qu'on l'ait abordée jusqu'à maintenant. Ce pourrait être une simple question de précision ou alors pour me faire expliciter des choses que j'aurais mal comprises. Vous mettez beaucoup d'emphase sur une volonté que vous manifestez de, précisément, voir s'impliquer le plus grand nombre possible de partenaires dans le processus décisionnel. Vous identifiez expressément et nommément les élèves, les parents, les membres du personnel de l'école, la direction de l'école. La précision que j'apprécierais pouvoir obtenir, c'est la suivante: Est-ce que les enseignants dans l'école ne sont pas reconnus ou identifiés comme tels ou alors, est-ce que j'ai mal compris? Si j'ai mal compris, cela règle le problème. Si, par ailleurs, il n'y avait pas de référence expresse à la participation active des enseignants au processus décisionnel, j'apprécierais qu'on puisse nous expliquer pourquoi il y aurait une semblable exclusion, si telle est la situation; je veux être bien clair là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. Demers.

M. Demers: M. le Président, il n'est pas question d'exclure, bien sûr, les enseignants de cette démarche. Nous laissons à chaque unité administrative dans les écoles le soin de s'interroger. Quand nous parlons, entre autres, de décentralisation, ce que nous voulons faire ou ce que nous voulons à l'intérieur des structures actuelles, c'est inviter ces partenaires ensemble à s'interroger et, à l'intérieur de cette démarche, les enseignants, s'ils veulent y participer, peuvent y participer. Lorsque nous faisons référence entre autres au budget, nous indiquons dans notre mémoire que majoritairement, dans nos écoles, les parents et les enseignants, avec la direction de l'école, souhaitaient avoir des comités paritaires. Nous laissons cela à leur discrétion. Nous estimons que cela leur appartient de décider cela ensemble.

Cependant, ce qui nous apparaît important, c'est de s'assurer que nos directions d'école soient d'accord pour partager avec ces partenaires ce pouvoir, conscients que nous sommes que, dans nos écoles, ce qui représente la commission scolaire officiellement, si je peux m'exprimer ainsi - je ne suis pas sûr de prendre le bon terme, mais quand même - c'est la direction de l'école au niveau d'une décentralisation administrative. Nous sommes heureux de la participation de nos directions d'école qui partagent avec les enseignants, les parents, qui leur demandent: Qu'est-ce que vous souhaiteriez avoir? C'est à la suite de cette décision qui leur appartient, nous respectons cela. Nous n'intervenons jamais pour leur dire: Vous devriez faire ceci ou cela. Ils peuvent demander des avis. Ils peuvent faire référence à la direction générale, s'ils le veulent plus particulièrement, mais cela ne leur est pas imposé. Ils ont le loisir de le faire pour eux-mêmes.

Le Président (M. Blouin): Cela va? M. le ministre.

M. Fréchette: Juste une petite question additionnelle, M. le Président. Quand vous nous donnez ces précisions ou ces détails, M. Demers, est-ce que vous le faites à partir de l'expérience ou des expériences que vous vivez depuis 1981, effectivement? C'est ce qui se passe actuellement sur le plan pratique de l'administration de la commission?

M. Demers: M. le Président, je dois

vous dire que cela ne se fait pas depuis 1981 puisque nous exprimions que notre réflexion débutait en septembre 1981. L'annonce avait été faite par le conseil des commissaires en mars 1982 et, à partir de cette démarche, nous avons ensuite décentralisé au niveau budgétaire dans les unités administratives. On en retrouve au centre administratif de la commission scolaire, mais aussi dans nos unités administratives écoles qui sont reconnues comme telles, qui ont leur budget. Ce n'est pas autre chose que cela, notre démarche. (21 heures)

M. Frechette: Cela répond à mes questions, M. le Président. Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le ministre. M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: M. Demers, comme la commission scolaire Morilac qui vous a précédé cet après-midi, vous insistez, en page 3, sur la nécessité de changer la mentalité plutôt que la structure. Et cela rejoint le vieux proverbe: Ce n'est pas l'habit qui fait le moine. Ce n'est pas non plus, nécessairement, la restructuration scolaire qui va changer les associations. Vous nous affirmez à la page 3 de votre mémoire que, depuis près de deux ans, avec la loi actuelle, vous avez réussi à faire de l'école le pivot de votre commission scolaire. Mais, à la page 21 - et je vous cite - vous dites ceci: "Nous espérons que la loi qui sera adoptée permettra à la commission scolaire catholique de Sherbrooke de poursuivre la démarche amorcée en septembre 1981." Alors, je vous pose deux questions. Premièrement, est-ce que vous pouvez affirmer que vous êtes convaincus vous aussi, comme la commission scolaire Morilac - et je la cite - qu'"il vous est possible dans la situation actuelle, dans la structure actuelle de déléguer aux écoles les pouvoirs que se propose de leur accorder le projet de loi actuel"?

Une deuxième petite question: Pourquoi craignez-vous, comme vous nous le dites à la page 21, de ne pas pouvoir poursuivre votre démarche de septembre 1981 avec ce nouveau projet de loi?

Le Président (M. Blouin): M. Demers.

M. Demers: M. le Président, à l'intérieur de notre démarche, dans la structure actuelle, nous reconnaissons qu'il n'est pas facile de faire cette démarche. Nous reconnaissons également que les mentalités doivent changer. On peut certainement penser que ce sont là des voeux pieux, mais il n'en demeure pas moins que nous croyons également qu'il nous est impossible présentement de pouvoir continuer d'imposer d'autorité. Or, lorsque nous parlons comme nous le faisons, ce que nous espérons, c'est que cette démarche puisse se continuer, parce que nous croyons que, pour notre commission scolaire - et nous n'avons aucune prétention, M. le Président, je vous prie de nous croire, nous n'avons aucune prétention, dis-je, au niveau de l'ensemble des écoles du Québec - ce que nous souhaitons, à l'intérieur de notre démarche, comme si le projet de loi était accepté, c'est que l'ensemble des partenaires puissent se faire entendre, se faire comprendre. Pour l'école, on les retrouve à la commission scolaire. Pour la commission scolaire, on retrouve cela dans notre système par rapport au ministère de l'Éducation. Nous faisons également état dans notre mémoire que la réglementation du ministère est effectivement, autant dans la structure actuelle que dans le projet de loi -et nous ne sommes pas devins - nous espérons que la réglementation du ministère... bref que le ministère s'imposera par rapport à l'ensemble des partenaires que sont les commissions scolaires, une consultation, une véritable consultation. Nous ne pouvons certes pas cacher que nous craignons quelque réglementation qui pourrait suivre le projet de loi 40. Nous craignons cela davantage que le projet de loi, puisque le projet de loi nous donne l'opportunité de pouvoir - d'abord, nous sommes ici pour faire des représentations - dire des choses. Et lorsque la réglementation vient, nous avons un peu l'impression qu'elle échappe au législateur et que nous sommes pris, nous sommes coincés pour articuler la démarche comme elle a été imposée. Nous n'imposons pas à nos écoles, nous ne voulons pas qu'on nous impose des choses. C'est la raison pour laquelle nous formulons cela.

Le Président (M. Blouin): Merci. Cela va? Merci beaucoup. M. le député de Vachon.

M. Payne: Je pense que votre mémoire est bourré de suggestions positives, basées sur une expérience accélérée depuis trois ans. J'espère bien que le gouvernement prend en considération toutes les suggestions. Par exemple, je vous en nommerai une, mais je pourrais en donner une centaine, il y en a plusieurs.

À l'article 202, lorsqu'on dit que la commission scolaire devrait être responsable de la répartition des services, il m'apparaît logique que cela devrait se faire obligatoirement en consultation avec les comités d'école. Comme le ministre, j'ai été impressionné par la suggestion concernant le besoin de se concerter au niveau de la région. D'ailleurs, si je suis bien informé, après avoir discuté à plusieurs reprises avec l'Association des anglophones de l'Estrie, ils ont eu plusieurs expériences de concertation avec le milieu francophone. Vous témoignez, dans votre vécu, des expériences fort

intéressantes.

Lorsque vous parlez d'un organisme régional, à moins que je fasse erreur, et vous me corrigerez si c'est le cas, d'après ce que je lis, vous n'exigez pas nécessairement un organisme autre qu'un organisme souple, léger et probablement très peu coûteux. Cela pourrait, selon moi, être une table de concertation, de services en commun. Par exemple, au niveau du transport scolaire, très souvent avec la carte scolaire proposée pour la commission scolaire linguistique anglophone, il y aurait tout intérêt - voilà le sens de ma question - de se concerter avec le milieu francophone; et c'est la même chose pour les services informatiques. Pensez-vous que le projet de loi basé sur la philosophie du livre blanc qui le précédait va contribuer précisément à maximiser ce principe de concertation au niveau des services en commun?

M. Demers: M. le Président, pour répondre à la question du député, nous espérons pour le moins que nous pourrons effectivement créer nous-mêmes cet organisme régional. C'est bien évident! D'ailleurs, il en existe un présentement, un organisme régional de concertation et les propos que vous tenez, bien sûr, nous croyons que nous pourrions effectivement, entre autres, au niveau du transport scolaire, faire en sorte que les anglophones puissent également y participer, de manière surtout à minimiser les coûts. On peut certainement nous faire confiance à ce niveau. Il y a une expertise, particulièrement au niveau de la commission scolaire régionale de l'Estrie qui, actuellement, a la responsabilité du transport scolaire, entre autres, et il y a des organismes de consultation régionalement à ce niveau. Or, nous croyons qu'en termes de coût, cela ne serait quand même pas si difficile. Nous ne sommes pas très éloignés l'un de l'autre et nous pourrions certainement nous parler pour mieux nous comprendre à ce sujet. Nous espérons qu'on nous fera confiance.

M Payne: Je ne veux pas m'engager dans la question linguistique mais simplement pour souligner ce qui, je pense, s'impose. Ce qui est remarquable dans votre exposé, c'est l'optimisme que vous démontrez face à la réforme. Si, depuis trois ans, vous êtes engagés dans un exercice de concertation progressiste - je sais que vous avez un conseil de concertation - est-ce que cela existe vraiment? Est-ce avancé? Et ceci dit, je peux dire après avoir lu le projet de loi et le livre blanc, ce que le projet de loi ne refuse pas est permis.

M. Demers: M. le Président, si vous le permettez, nous aimerions faire préciser, lorsque vous parlez d'un organisme de concertation. Voulez-vous dire à l'intérieur de notre commission scolaire?

M. Payne: Je veux dire intercommission scolaire, interlinguistique.

M. Demers: C'est cela, entre les commissions scolaires.

M. le Président, nous souhaitons bien sûr à l'intérieur de notre commission scolaire, avoir, autant que faire se peut, une concertation entre tous les partenaires. Encore une fois, nous réitérons que nous respectons ces partenaires et que nous suivons la voie normale, que ce soit avec nos directions d'école, nos enseignants, les parents, les cadres de la commission scolaire, la direction générale, enfin tous les partenaires. Ce que nous espérons, c'est que tout le monde puisse y participer.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Vachon. Pour terminer, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. À l'écoute et à la lecture de votre mémoire, on constate une chose qu'on a répétée aux mémoires des autres commissions scolaires qui vous ont précédés. J'ai été très surpris de ne pas entendre, encore une fois, le ministre de l'Éducation et le ministre du Travail déplorer - pourtant vous avez été choisis par le ministre pour venir ici à la commission parlementaire parmi tant d'autres, parmi 250 autres - le fait que les agents principaux dans les écoles, les 70 000 enseignants au Québec, n'aient pas participé, comme vous le dites dans votre mémoire à la première page.

J'aurais honte et je trouve cela scandaleux de voir le ministre de l'Éducation et le ministre du Travail acquiescer, sans aller en profondeur, aussi rapidement à un mémoire auquel les "bergers de l'enseignement", comme on les appelle, n'ont pas été invités à participer. Pour une étude plus sérieuse, un mémoire plus exhaustif, je pense qu'il aurait été avantageux pour vous, les commissions scolaires, les comités de parents et les comités d'école, d'avoir l'avis des personnes qui auront, éventuellement, à travailler conjointement avec ces comités d'école et les commissions scolaires bidons qui resteront. Il faudra quand même s'assurer que les enseignants embarquent dans le système. Comment, comme commission scolaire, pouvez-vous concevoir un tel revirement du système sans la participation immédiate de ceux-ci dans le processus de consultation qui nécessitera automatiquement un intérêt premier dans la commission scolaire, dans l'école, puisqu'on en fait le pivot du système, alors qu'on les éloigne au départ du processus de consultation, non pas nécessairement de la part des commissions

scolaires, mais de la part du gouvernement? Comment voulez-vous que la population ait des garanties, que les élèves aient des garanties que tout fonctionnera aussi harmonieusement que le ministre le souhaite?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Saguenay, je vous invite à poser vos questions à nos invités, ils sont là pour cela. Si vous avez des questions à poser au ministre, vous allez engendrer des débats. Je préférerais que vous posiez vos questions à nos invités; vous aurez d'autres occasions, en deuxième lecture ou autrement, de faire vos affirmations à l'égard du ministre et du gouvernement et ils auront l'occasion d'y répondre. M. Demers.

M. Ryan: Question de règlement, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, monsieur.

M. Ryan: Je ne pense pas qu'il soit dans vos attributions de limiter comme cela le droit de parole d'un député. Déjà, de gros sacrifices sont faits par les intervenants pour tenir compte des contraintes de temps que nous avons. Il me semble qu'un député a le droit d'émettre une opinion en même temps qu'il pose une question. Je ne pense pas qu'il y ait de règlement qui vous autorise à lui interdire de faire cela, à moins que je ne me trompe.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, c'est simplement le mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale qui, il me semble, nous invite à poser des questions à nos invités plutôt qu'à engendrer des débats entre les membres de' cette commission parlementaire. Je peux le relire si vous voulez.

M. Ryan: Oui.

Le Président (M. Blouin): Le mandat est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Il me semble que mes remarques sont parfaitement conformes au mandat que nous avons reçu de l'Assemblée nationale.

M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je crois que le mandat que vous avez rappelé, c'est celui que nous avons, c'est un fait, mais le règlement en vertu duquel nous nous acquittons de ce mandat, c'est le règlement de l'Assemblée nationale dans sa partie qui régit le travail des commissions. Je ne pense pas qu'on doive... Nous sommes prêts à collaborer avec vous au maximum et nous apprécions l'esprit de bonne efficacité dans lequel vous nous invitez à fonctionner, mais je ne voudrais pas que vous pensiez qu'en principe nous acceptons de nous faire limiter, comme le suggère votre dernière intervention. (21 h 15)

Le Président (M. Blouin): Enfin, vous savez très bien, M. le député d'Argenteuil, que tout cela est une question de collaboration. Si nous acceptons de nous concentrer sur le mandat qui nous a été confié, nous pourrons en venir à bout. Si nous nous mettons à nous invectiver de part et d'autre, connaissant très bien l'atmosphère que peuvent prendre, à certains moments, certaines commissions parlementaires, vous savez très bien que nous n'arriverons pas à bout du mandat qui nous a été confié. C'est dans cet esprit que je suggère au député de Saguenay - je ne le lui impose pas - de bien vouloir adresser des questions à nos invités qui sont venus pour cela et d'éviter, dans la mesure du possible, des débats qui pourraient s'éterniser et ne pas mener cette commission très loin, je crois.

M. Maltais: M. le Président, je pense que je peux simplement ajouter que le fait que j'ai relevé des propos de certains ministres n'est pas, à mon avis...

Le Président (M. Blouin): Comprenez-vous l'esprit, M. le député de Saguenay?

M. Maltais: Je comprends très bien l'esprit, mais permettez-nous quand même de pouvoir interroger nos invités. Si, dans ces interrogations, on doit relever les propos qui ont été dits antérieurement lorsqu'on a interrogé d'autres invités, il n'est pas antiparlementaire de le faire. Si cela l'est, je m'en excuse, mais je pense qu'on a un travail à faire ici et on doit très bien le faire.

Le Président (M. Blouin): Ce n'est pas antiparlementaire. Je vous suggère... Sinon, il n'y aurait plus de parlementarisme.

M. Maltais: Si le fait de dire la vérité est antiparlementaire, M. le Président, on va s'abstenir.

Le Président (M. Blouin): Je vous suggère simplement un esprit de travail qui ferait en sorte que nous ayons le maximum d'échanges avec les invités qui se sont déplacés pour nous rencontrer. Cela va?

M. Maltais: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Alors, M. Demers.

M. Demers: M. le Président, nous respectons les propos de l'honorable député de Vachon... Est-ce Vachon?

Le Président (M. Blouin): Saguenay. M. Demers: Saguenay, je m'excuse.

M. Maltais: M. le Président, cela, c'est antiparlementaire.

Le Président (M. Blouin): On repart encore... Quand ce ne sont pas les membres, ce sont les invités!

M. Demers: M. le Président, nous respectons les propos de l'honorable député de Saguenay. Nous ne croyons pas qu'une école sans enseignant fonctionnera longtemps. Tout le monde est bien conscient de cela. Nous réitérons nos propos à ce niveau et nous invitons les enseignants dans nos écoles à participer, nous ne le leur imposons pas d'autorité. Ils participent s'ils le veulent et c'est dans notre démarche à l'intérieur de notre vécu présentement. Nous pensons avoir déjà répondu dans le sens que, s'il n'y a pas d'enseignant, dans notre système scolaire, nous pourrons difficilement fonctionner. On ne peut quand même pas se faire d'illusion à ce niveau.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Demers: M. le directeur général souhaiterait ajouter...

Le Président (M. Blouin): Très bien, M. Desruisseaux.

M. Desruisseaux: Je voudrais ajouter seulement que, dans les faits, ils participent très activement à toutes nos offres de participation.. Dans tous les comités, par exemple, dans notre politique budgétaire, dans tous les comités décisionnels à l'égard du budget, il y a des enseignants. Il n'y a pas une école où il n'y a pas d'enseignants au comité. Nous avons une école où il n'y a pas de parents. Les parents ne veulent être que consultatifs. Mais les enseignants sont partout au comité. Toutefois, dans la participation à la composition de notre mémoire, ils ont plutôt choisi de donner leur opinion par leur association.

M. Maltais: M. le Président, je pense que, comme vous le dites très bien, dans tous les comités, les enseignants participent. À celui qui implique une réforme fondamentale du système d'enseignement québécois, celui qui engagera les générations futures, comment se fait-il, d'après vous, que les enseignants refusent de participer, alors qu'ils ont participé à tous les autres? Celui-là devrait être une priorité pour eux.

Le Président (M. Blouin): Alors, cela va? Sur ce, je...

M. Fréchette: M. le Président. Le Président (M. Blouin): Oui?

M. Fréchette: Je voulais soulever une question de règlement. Le député de Saguenay, fort habilement d'ailleurs, pose une question au témoin, qui devrait normalement être adressée au ministre de l'Éducation. Je ne pense pas que ce soit de la juridiction des témoins ou des invités qui sont là de répondre à une question de la nature de celle qui vient d'être posée. Cela pourra faire l'objet d'une argumentation ou d'une discussion entre les gens qui sont ici autour de la table, mais on ne va pas demander aux invités...

Le Président (M. Blouin): M. le ministre du Travail, je crois que nos invités ont effectivement indiqué, comme vous êtes en train de le répéter, que ce n'était pas à eux de répondre à ce genre de question. C'est ce que j'ai déduit de la réponse qu'ils nous ont faite. Alors...

M. Cusano: M. le Président, c'est de ce côté-ci.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: On aurait quelques questions. Je vais essayer, compte tenu du temps, de les rendre aussi précises que possible. Lorsque vous parlez de participation budgétaire au niveau de l'école, je présume qu'il y a une décentralisation du budget. Il y a des sommes qui sont allouées à chacune des écoles, c'est basé sur le nombre d'élèves. Pouvez-vous nous dire combien il y a d'élèves dans une école moyenne de votre commission scolaire? Quel est le montant qui est alloué? Comment est faite cette répartition budgétaire? Quelle est vraiment la liberté budgétaire de l'école dans votre commission scolaire?

M. Demers: M. le Président, j'inviterais notre directeur général ou notre directeur général adjoint à répondre à la question du député.

M. Desruisseaux: Le nombre d'élèves dans une école moyenne est d'environ 300 élèves, mais cela varie des écoles d'environ trois classes à des écoles d'environ 800 élèves. Une école de 300 élèves reçoit environ 100 000 $; une école de 700 élèves reçoit environ 215 000 $. Votre deuxième question est de quelle manière les fonds sont-ils attribués?

M. Cusano: C'est-à-dire comment ces fonds-là sont répartis par niveau. Par exemple, les classes d'enfance inadaptée doivent avoir certaines normes. Ma question est de savoir comment... Est-ce que vous leur donnez le budget et que vous leur dites de s'arranger avec ou si vous avez certaines normes que vous imposez?

M. Desruisseaux: Nos opérations budgétaires se font en deux temps. Il y a d'abord un premier temps où on alloue des sommes et ces sommes sont allouées à partir de règles qui ont été ordinairement conçues, imaginées au sein d'une table de gestion formée de directeurs d'école et de cadres de la commission scolaire et soumises à l'exécutif ou au conseil, selon le cas, pour être sanctionnées. Par la suite, ces règles sont appliquées et ceci donne certains montants équivalant à ceux que je viens de donner. Après cela, l'école ayant ce montant-là, avec son comité budgétaire, fait son budget et décide à quoi elle va le consacrer. Les budgets sont retournés à la commission scolaire et, pour être dans la légalité, approuvés par le conseil des commissaires. On consolide l'ensemble des budgets des unités administratives, ce qui constitue le budget de la commission scolaire. C'est en gros la manière dont nous procédons.

Le Président (M. Blouin): Ça va? Oui, M. le député de Viau.

M. Cusano; Je comprends qu'il y ait toute cette concertation - je ne voudrais pas arriver dans la plomberie du budget - mais j'aimerais que vous me disiez, si possible, sinon vous pourrez le faire parvenir après à la commission, comment, dans une école typique, ces 100 000 $ - vous avez mentionné la somme de 100 000 $ pour une école de 300 élèves - sont répartis. Est-ce qu'il y a de l'entretien qui est couvert par cela? Est-ce qu'il y a des salaires pour des spécialistes? Est-ce que ce sont strictement des manuels scolaires? Que représentent ces 100 000 $? C'est ce que j'aimerais que vous précisiez, si cela est possible.

Le Président (M. Blouin): M.

Desruisseaux.

M. Desruisseaux: Je pense qu'il serait plus rapide de vous dire ce que cela exclut. Ce serait plus simple.

M. Cusano: Oui, parfait.

M. Desruisseaux: Cela exclut le salaire des enseignants; cela exclut les salaires de la direction de l'école; l'entretien de la bâtisse est exclu et, naturellement, tout le service de la dette et ces choses-là. Mais, en ce qui concerne l'école, cela veut dire qu'il reste à l'école tout l'aspect pédagogique, les surveillances, tout ce qui est parascolaire et le personnel de secrétariat. C'est à l'école, le personnel de secrétariat. Le personnel qui n'est pas considéré, ce sont les enseignants et la direction de l'école.

M. Cusano: Le personnel de secrétariat, c'est déjà un chiffre considérable, selon le nombre de secrétaires que vous avez. Ma question très précise, c'est de savoir exactement, sur ces 100 000 $, combien il est vraiment alloué au niveau pédagogique, là où les parents et la direction de l'école ont vraiment la responsabilité.

M. Desruisseaux: Je pense qu'on peut exclure seulement le secrétariat. Tout le reste est pédagogique. Si vous voulez avoir une idée de la marge de manoeuvre que peut avoir une école, par exemple - parce que c'est clair qu'elle a des contraintes, elle a des dépenses à faire - une école qui a entre 700 et 800 élèves a eu l'an dernier un surplus budgétaire de 20 000 $. On voit très fréquemment des écoles de 300 élèves qui ont eu l'an dernier - je viens de finir l'analyse - entre 3000 $ et 5000 $ comme surplus. Cela peut nous donner un peu une idée de la marge de manoeuvre qu'elles peuvent quand même avoir.

M. Cusano: Une dernière question.

Le Président (M. Blouin): Oui, en concluant.

M. Cusano: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, est-il possible de faire parvenir à la commission un budget typique d'une telle école?

M. Desruisseaux: Très facilement. M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Viau. Au nom de tous les membres de cette commission, nous vous remercions pour votre importante collaboration aux travaux de notre commission. Sur ce, j'inviterais maintenant les représentants de la commission scolaire Beauport à venir prendre place à la table des invités. Il est 21 h 30.

M. Leduc (Fabre): M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): ...je requiers le consentement pour faire inscrire le député de Montmorency comme intervenant à la commission.

Le Président (M. Blouin): Est-ce que...

M. Richard: M. le Président, comme le député d'Argenteuil et le député de Saint-Henri, je dois comprendre que la culture est indissociable de l'éducation.

Une voix: C'est lui qui va présenter le mémoire?

Le Président (M. Blouin): Le ministre des Affaires culturelles et député de Montmorency remplacera le ministre du Travail et député de Sherbrooke. Je vous demanderais d'abord d'identifier le niveau auquel... Je crois que c'est dans votre mémoire, de toute façon...

Commission scolaire Beauport

Mme Gosselin (Simone): M. le Président...

Le Président (M. Blouin): ...ensuite d'identifier les responsables qui vous accompagnent et de nous livrer le contenu de votre mémoire.

Mme Gosselin: ...nous desservons une clientèle de niveau élémentaire qui compte environ 4900 élèves. Cette commission scolaire a été formée en 1972 par le regroupement des villes de Giffard, Beauport, Sainte-Thérèse-de-Lisieux et Sainte-Brigitte-de-Laval. Cela veut dire que c'est une commission scolaire en banlieue de la ville de Québec, secteur est et rive nord. Je vous présente ici, à la délégation, Mme Léma Lemay, qui est vice-présidente du conseil des commissaires et également présidente du comité exécutif de la commission scolaire Beauport; M. Jean-Pierre Gagnon, qui est président du comité de parents; à ma gauche, Mme Diane Provencher, directrice générale de la commission scolaire Beauport, et Mme Christiane Bruyère, qui est directrice d'une de nos écoles à la commission scolaire Beauport, donc, représentante du groupe des directeurs d'école de la commission scolaire Beauport. (21 h 30)

M. le Président, je vais me permettre de présenter le mémoire, mais sans le lire, plutôt en le commentant, étant donné que vous en avez tous, je crois, reçu une copie. Peut-être que cette formule va nous faire passer d'une façon superficielle sur certains points, mais nous comptons bien pouvoir approfondir davantage au niveau des questions qui nous serons posées.

Le présent mémoire fait suite à une démarche, quand même, assez particulière qui a été engagée au niveau de la commission scolaire Beauport dès le dépôt du livre blanc en 1982. La préoccupation des représentants de la commission scolaire à ce moment, étant donné que le sujet était Une école communautaire et responsable, c'était de faire une démarche la plus objective possible, la plus dégagée possible, impliquant avant tout le plus grand nombre d'agents divers au niveau de la commission scolaire Beauport. À cette fin, un comité a été formé dans le milieu, qu'on a appelé un comité multi-agents. Ce comité était formé de représentants du milieu, de représentants d'étudiants de niveau secondaire, de responsables de comités d'école de niveau secondaire et de niveau élémentaire, de directeurs d'école, de membres de comités d'école, de cadres scolaires et de commissaires. Je dois ajouter immédiatement que les enseignants ont également été invités; nous avons eu une certaine collaboration dont nous pouvons vous faire part, si vous le voulez.

À la suite de la formation de ce comité multi-agents, il y a eu toute une démarche de consultation. Elle a commencé par une séance d'information chapeautée par le comité multi-agents. Cette séance d'information a regroupé dans une même salle 300 personnes du milieu. Tous les groupes étaient représentés et ont eu droit de s'exprimer très librement au niveau de l'information. L'assistance a été invitée - et elle a effectivement répondu - à questionner de façon très dégagée et libre les représentants de chacun des groupes présents, les groupes dont j'ai parlé tantôt.

Découlant de cette séance d'information, un questionnaire a été préparé par le comité multi-agents et distribué à un certain nombre de citoyens, encore là, des différents groupes du milieu. Ce questionnaire était, en fait, un sondage pour connaître les avis, les opinions du milieu concernant le livre blanc. Ce fut l'une des premières démarches.

Le Président (M. Blouin): J'espère que vous avez bien compris les consignes que nous avons données aux autres organismes. Nous ne voulons pas vous restreindre dans vos moyens. Si vous désirez lire votre texte, nous avons l'expérience des longueurs de texte et je crois qu'en une vingtaine de minutes vous réussirez à lire votre texte intégralement. Si vous désirez le faire, je vous invite à le faire.

Mme Gosselin: Non. Je vous remercie, M. le Président, mais je vais peut-être accélérer au niveau du préambule et entrer immédiatement dans le vif du sujet. Les informations que je vous donne ne sont effectivement pas contenues dans le mémoire et pourront servir.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Mme Gosselin: Si on revient au vif du

sujet, à la suite du sondage, des points très clairs ont été dégagés, des points d'accord avec le contenu du livre blanc. Ces points sont listés à la page 3 du mémoire et touchent, entre autres, le statut de l'école, c'est-à-dire que le milieu était contre une école-corporation avec un statut corporatif strictement au plan légal. Il y a eu également accord ou avis, au niveau du sondage, pour le maintien du suffrage universel, c'est-à-dire qu'on veut que la population continue à élire ses représentants au niveau de la commission scolaire. Quand je dis la population, c'est toute la population d'un milieu.

Il y a eu également un accord au niveau de l'intégration primaire-secondaire. Là-dessus, je dois ajouter qu'à la commission scolaire Beauport, cet élément n'a quand même pas été soulevé. En ce moment, c'est un dossier qui est toujours sur la glace et au sujet duquel on espère toujours avoir un appui et un avis clair du ministère de l'Éducation afin d'y donner suite. Il y a eu également au niveau du sondage un accord sur la possibilité pour un parent d'inscrire son enfant à l'école de son choix. Également, nous étions d'accord avec la proposition du livre blanc concernant le statut confessionnel ou non confessionnel, c'est-à-dire que ce soient les citoyens du milieu qui aient à faire le choix du statut de leur école.

En dehors de ce sondage, il y a eu une autre démarche communautaire qui a été une consultation sur la carte. Là, je vais simplement mentionner, même si la carte scolaire n'est pas partie de la loi 40 telle que déposée, que nous apprécions quand même avoir eu un accord à ce niveau à la suite de la démarche qui a été faite dans le milieu.

Par rapport à l'objectif global de la loi 40 - en fait, c'est le coeur du mémoire -qui est la valorisation de l'école, c'est-à-dire la nécessité de lui donner une marge de manoeuvre réelle, comme vous avez pu le constater à la lecture du mémoire, l'avis de la commission scolaire Beauport est clair: nous sommes d'accord avec cet objectif majeur de la réforme. Je vais passer assez rapidement sur les pages 4, 5 et 6 où vous avez des constatations sur le vécu actuel de la commission scolaire Beauport. Également, nous y faisons le lien entre le vécu actuel et les changements qui seraient apportés au niveau de la loi 40.

Voici les modifications que nous espérons voir apporter et sur lesquelles je me permettrai d'insister surtout. La première, c'est que nous ne croyons pas qu'il soit justifié et surtout réaliste de proposer un modèle unique d'exercice de pouvoir dans les écoles. Nous étions présents, ce matin, lorsque le ministre de l'Éducation a fait part dans son discours d'ouverture de l'intention du ministère de permettre, justement, qu'il n'y ait pas de modèle unique d'exercice de fonction. Par contre, nous croyons que la loi 40, telle qu'elle est formulée actuellement surtout à l'article 35, ne concorderait pas avec cette intention. De plus, si nous nous reportons au livre blanc, il avait été établi clairement que l'objectif de responsabilisation de l'école incite à ne pas édicter un modèle unique de conseil d'école. Par contre, nous sommes d'avis que la loi devrait obliger le milieu à se donner une structure de fonctionnement d'école, mais ne pas préciser exactement le modèle de structure. Cela pourrait être apporté dans une orientation ou, disons, une loi-cadre.

Une autre modification que nous souhaitons voir apporter à la loi 40, c'est qu'il y ait plus de souplesse dans le régime pédagogique. À l'article 210, il y a une mince ouverture à ce niveau; à notre avis, elle est quand même encore trop restreinte. Nous souhaiterions qu'une commission scolaire ait plus de latitude à ce niveau.

Une autre modification que nous souhaitons apporter, c'est la possibilité pour l'école de participer à la sélection de tout le personnel. Ici, je fais référence à l'article 224, mais ce n'est pas au niveau de l'article précisément que l'on souhaite une modification. Nous le jugeons excellent, sauf que nous nous demandons, dans les faits, comment il pourrait être appliqué compte tenu des conventions collectives actuellement en vigueur. Il faudrait qu'il y ait suite à ce moment.

Une autre modification est davantage liée à une préoccupation, disons. On veut actuellement, au niveau de la loi, donner des pouvoirs aux écoles et ce qui nous paraît être proposé ici est surtout un déplacement de pouvoirs de la commission scolaire vers les écoles. La crainte que nous avons, c'est qu'on ne fasse que déplacer un problème qui serait identifié et qui aurait peut-être été à l'origine de la restructuration que l'on propose, c'est-à-dire que l'on transpose dans les écoles la situation que l'on reprocherait actuellement aux commissions scolaires. On reproche aux commissions scolaires de ne pas rejoindre l'ensemble de la population. Alors, il nous apparaît que, si on ne dépasse pas, dans la loi, le simple déplacement de pouvoir on ne solutionnera pas le problème que l'on veut régler. Nous croyons qu'il devrait y avoir dans la loi une obligation, pour les écoles ou pour la structure responsable du fonctionnement de l'école, de se donner des mécanismes de consultation pour rejoindre l'ensemble du milieu. Maintenant, c'est bien sûr que nous prévoyons déjà les objections. En fait, cela ne couvrirait pas nécessairement l'entier fonctionnement des écoles, mais cela pourrait être sur des sujets très précis. Et, à ce moment, la consultation devrait également impliquer qu'il y ait obligation de tenir compte du résultat. Alors,

je vous donnerai des exemples, si vous le désirez.

En ce qui concerne les modifications qui seraient apportées, il y a également la préoccupation qu'il n'y ait pas un modèle de gestion unique pour les écoles. Nous voudrions que soit prévue également, si ce n'est dans la loi 40, au moins dans ses modalités d'application, une procédure pour apporter une modification de la façon d'exercer le pouvoir. Nous ne croyons pas qu'en modifiant simplement une structure on puisse modifier la façon actuelle d'exercer le pouvoir.

Un autre point qui nous apparaît extrêmement important, c'est l'implantation de la nouvelle loi. Nous ne croyons pas qu'il soit réaliste de penser qu'on puisse, dans un échéancier très précis et à court terme, effectuer un mouvement général et obliger à ce moment-là des organismes qui ne seraient pas prêts à fonctionner selon une nouvelle structure prédéterminée. Ceci ne nous semble pas cohérent avec l'objectif même de la loi qui est de revaloriser le milieu et de lui permettre d'exercer les responsabilités qu'il veut bien exercer. Nous croyons que ce sera extrêmement important, dans l'implantation de la loi, de tenir compte du rythme de fonctionnement des milieux.

M. le Président, ceci m'apparaît être les points les plus importants. Nous pourrons, dans un échange de questions et de réponses, discuter davantage de ces sujets et peut-être ajouter ceux dont je n'aurais pas parlé dans ma présentation.

Pour ce qui est des aspects divers du mémoire, il y a certains points qui ont été apportés concernant, par exemple, la production de matériel pédagogique. Il nous apparaît extrêmement important à ce moment-ci que le développement pédagogique ne soit pas le parent pauvre du système d'éducation. Même si on veut implanter des programmes, si on n'a pas prévu de donner aux écoles des moyens pédagogiques adaptés, je pense que cela rendrait assez difficile l'implantation de ces nouveaux programmes et à ce moment l'amélioration de la qualité des services. (21 h 45)

Au niveau des aspects divers contenus dans la loi, on suggère la formation d'un organisme de développement pédagogique. Nous souscrivons à la formation de cet organisme. Nous avons également pris connaissance des avis du Conseil supérieur de l'éducation à ce niveau. Notre position n'est pas à l'encontre de celle du Conseil supérieur de l'éducation. Par contre, nous voulons que soit préservée la préoccupation de ne pas limiter la créativité. Actuellement, étant donné certaines carences au niveau de la production de matériel pédagogique, nous avons déjà un excellent travail qui se fait de la part de nos équipes d'enseignants.

Concernant d'autres points, nous sommes également d'accord, tel que prévu à l'article 212, qu'il y ait des mécanismes de consultation des écoles. Nous croyons que l'école est un lieu privilégié pour établir ce qui devrait être du ressort de l'école, c'est-à-dire tout ce qui ferait l'objet d'une concertation.

Nous sommes en désaccord sur le fait que le directeur d'école aura des comptes à rendre à deux endroits. Nous croyons, étant donné le mode de fonctionnement que la loi prévoit, que cela ira à l'encontre d'une saine gestion. Par contre, il y a un aspect qui demeure important, et je le lie ici, au vécu de notre commission scolaire. Nous croyons que le directeur d'école doit relever de la direction générale. Par contre, ceci n'exclut pas l'obligation pour le directeur d'école de rendre des comptes à son milieu. Nous dissocions "relever de", c'est-à-dire le lien hiérarchique, et l'obligation quand même pour le directeur d'école d'avoir à répondre dans son milieu de la gestion de l'école.

Nous sommes également en désaccord, M. le Président, avec la nomination par le ministre du président du comité de mise en oeuvre. Nous croyons que les comités locaux ont la maturité requise pour procéder à la formation des comités. Encore là, si on veut vraiment responsabiliser les milieux, je pense qu'il faut aller jusqu'au bout dans cette ligne.

Au niveau de l'élection du commissaire d'écoles, en fait, nous savons maintenant que le suffrage universel sera maintenu. Par contre, il y a eu au niveau du milieu une indication en ce qui concerne les mécanismes reliés à l'élection du commissaire d'écoles, dont le choix par l'électeur de l'école où il désire voter. En fait, nous ne croyons pas que ce soit réaliste de penser que l'électeur pourra choisir l'école où il aura à voter dans les faits.

Également, nous ne sommes pas d'accord avec l'interdiction pour un membre du personnel d'une commission scolaire de se porter candidat dans une autre commission scolaire que celle où il est employé. En fait, si un membre de personnel de commission scolaire veut se présenter dans une autre commission scolaire que celle où il travaille, nous sommes en accord.

En conclusion, M. le Président, je vais reprendre ce que nous vous avons en page 16. Le livre blanc propose de faire de l'école une école communautaire et responsable. Au niveau de la commission scolaire Beauport, nous considérons que la loi 40 dans sa forme actuelle ne rend pas l'école davantage responsable au sens où l'école n'aura pas de pouvoirs décisionnels... En fait, dès le départ - et nous vous l'avons démontré au début du mémoire - elle aura quand même à répondre des pouvoirs au niveau de la commission scolaire. Quant à l'aspect communautaire, les

écoles, si elles le veulent, continueront à offrir des services de garde, des activités sportives, des activités socioculturelles, ce qui se fait actuellement.

Nous croyons que la loi 40, dans sa forme actuelle, ne constitue pas une réforme en profondeur au niveau de l'éducation, mais beaucoup plus un réaménagement de certaines structures. Pourtant, nous croyons en la nécessité d'effectuer une vraie réforme, à savoir de remettre entre les mains des citoyens le pouvoir de décision qu'ils doivent nécessairement avoir pour se donner une école qui réponde à leurs aspirations. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, Mme Gosselin. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, pour la quatrième fois aujourd'hui, je me réjouis de trouver à la même table une présidente de commission scolaire, un directeur général, une directrice générale, une directrice d'école, un président de comité de parents en minorité, en somme, tous les représentants qui forment et symbolisent à nos yeux ce comité multi-agents qui fait partie de la démarche initiale qu'a entreprise la commission scolaire Beauport.

Je me réjouis aussi de la démarche de concertation qui a été entreprise pour étudier aussi bien le livre blanc que le projet de loi qui en a résulté, ainsi que les nombreuses mesures de consultation qu'a cru bon de prendre la commission scolaire Beauport. Je me réjouis, par exemple, qu'à votre séance d'information il y ait eu plus de 300 personnes, que plusieurs personnes aient répondu ensuite à un questionnaire-sondage et que les rencontres se soient succédé par la suite. C'est déjà là un effet heureux de la présentation du livre blanc que d'avoir provoqué cette animation, que d'avoir provoqué ces échanges considérables d'information dans le milieu. Je pense que la cause de l'éducation a déjà avancé de ce seul fait. Mais, en plus, je me réjouis des résultats de cette démarche que vous nous communiquez aujourd'hui dans votre mémoire.

Je constate plusieurs points d'accord avec le projet de loi. Il me fait surtout plaisir de constater cet accord sur la valorisation de l'école, sur la marge de manoeuvre réelle qu'elle doit avoir et sur la qualité de responsables que doivent assumer tous les responsables scolaires, aussi bien au niveau de l'école qu'au niveau de la commission scolaire. Je pense que c'est là la clé du succès en éducation et surtout une des garanties de la qualité future.

Vous nous faites plusieurs suggestions qui seront étudiées avec beaucoup d'attention. Comme beaucoup d'autres, vous nous recommandez de ne pas adopter un modèle unique de gestion ou d'exercice de fonctions au niveau de l'école. Le projet de loi ne fige quand même pas la situation dans le ciment là-dessus. Nous établissons des paramètres, nous établissons des minima justement parce que nous pensons que chaque école pourra, à son gré, à l'intérieur de ces paramètres ou de ces minima, établir un modèle de gestion qui lui soit propre. De même, dans le projet de loi, nous disons qu'un conseil d'école pourra préparer son modèle au cours de deux ou trois années et ne sera pas obligé d'arriver immédiatement à des conclusions. Il y a là déjà beaucoup de souplesse. Vous nous demandez de penser à une plus grande souplesse encore. Nous étudierons vos suggestions en conséquence.

Je voudrais plutôt m'arrêter à cette dimension pédagogique dont vous avez traité abondamment. Vous craignez, en somme, qu'en confiant à l'école une responsabilité plus grande, pour ne pas dire très importante en matière de pédagogie, on ne règle pas le problème que vous avez décrit et en vertu duquel, par exemple, la commission scolaire pouvait être jugée un peu trop lointaine par rapport à cet exercice du pouvoir pédagogique. Je voudrais vous poser une question à ce sujet: Ne pensez-vous pas, quand même, qu'en déplaçant le pouvoir pédagogique vers les écoles, là où se passe l'action éducative, là où travaillent les divers agents: directeurs d'école, enseignants, parents, élèves, on a quand même un peu plus de chances d'arriver à la constitution de cette équipe-école composée des divers intervenants à l'école, des divers agents qui sont chargés de créer, en somme, l'environnement éducatif approprié ou de prendre des décisions quant à l'application des programmes ou des modèles pédagogiques?

Je comprends que vous voudriez que la consultation du milieu soit faite, mais, précisément, ne croyez-vous pas que le fait de doter l'école d'un comité de parents qui continuera d'exister, d'un comité pédagogique que nous constituons composé d'enseignants et d'un comité d'élèves permettra précisément à ce conseil de gestion de l'école de s'assurer qu'il ne prendra pas de décision avant de s'être nourri et de s'être éclairé aux recommandations et aux suggestions qui pourront lui venir de ce milieu immédiat que constituent les trois comités dont je fais mention et dont l'un, le comité des parents, représente quand même les 250 ou 300 parents qui ont des enfants à l'école?

C'est donc cette question que je voudrais vous poser et une additionnelle. J'ai cru comprendre que vous auriez voulu que la loi soit encore plus explicite en ce qui concerne le pouvoir décisionnel du conseil d'école. En somme, vous seriez incliné à penser que la loi aurait peut-être dû accorder encore plus de pouvoirs sur le plan

pédagogique au conseil d'école.

Mme Gosselin: C'est une question que nous avons longuement discutée dans le milieu. Si vous me le permettez, M. le ministre, je vais demander à Mme Provencher de vous donner la réponse.

Le Président (M. Blouin): Mme

Provencher.

Mme Provencher (Diane): II y a plusieurs choses dans votre question. Dans un premier temps, pour être bien compris, ce qu'on dit, c'est qu'on est très conscients que la loi contient des dispositions ou des pouvoirs additionnels au niveau de l'école en termes pédagogiques. Mais on le prend comme étant, si vous voulez, un transfert théorique. Je dis cela entre guillemets, parce que, quand on regarde notre vécu chez nous, on dit: Ce sont déjà les écoles qui sont responsables de l'application des programmes ou des régimes pédagogiques ou, encore, qui choisissent le matériel didactique. Je vous donne un exemple: chez nous, il n'y a pas un devis d'implantation de programmes au niveau de la commission; il y a un devis d'implantation de programmes par école. Alors, sur cela, on se dit: D'accord, dans la loi, les mots "commissions scolaires" sont changés, on met le mot "école", mais dans les faits, dans la vraie vie, c'est quand même les écoles qui vont continuer de se donner un devis d'implantation de programmes et de choisir le matériel didactique. Alors, c'est dans ce sens que l'on dit qu'il n'y a pas une révolution si grande par rapport au vécu. De toute façon, on a tous commencé, d'abord, par une décentralisation pédagogique et non pas une décentralisation budgétaire. Donc, c'est peut-être ce qui nous fait dire cela et qui paraît peut-être drôle pour quelqu'un qui lit le mémoire.

Une autre chose, c'est que vous demandez: Est-ce qu'on ne croit pas que, quand même, ce sera une amélioration? Le conseil d'école, pour nous, où on a un doute, c'est quand on n'est pas d'accord avec un modèle unique. On se dit que, dans certains milieux, un conseil composé majoritairement de parents, c'est peut-être cela la bonne solution. Mais, pour d'autres écoles, ce n'est pas cela, leur choix. Sur cela, on n'en a pas parlé tout à l'heure, mais notre sondage était très révélateur. La majorité des parents - chez nous, en tout cas - rejetait le conseil d'école décisionnel composé d'une majorité de parents. Ce qui n'était pas clair, c'est ce qu'ils proposaient à la place. Quand on arrivait à la question: Si vous n'êtes pas d'accord, qu'est-ce que vous proposez, là, c'était très partagé. Vous aviez un quart des répondants qui souhaitaient un comité formé également de parents et d'enseignants, un quart qui souhaitaient un conseil d'orientation modifié, 20% qui souhaitaient le statu quo et 18% qui souhaitaient qu'il y ait des citoyens au conseil d'école. Il y avait diverses formules. Autrement dit, ce que l'on retient de cela au niveau du modèle, c'est qu'on se dit dans le fond qu'il faudrait peut-être faire obligation aux écoles de se donner un organisme de gestion, mais que l'organisme de gestion soit celui qui convient à l'école. Cela pourrait très bien être un comité d'école ou un comité tripartite: élèves, parents, enseignants. C'est dans ce sens-là qu'on parle de modèle unique. (22 heures)

Alors, donc, si je reviens à votre question, au niveau des pouvoirs, on dit: D'accord, c'est peut-être souhaitable. Maintenant, au niveau de l'amélioration, on apporte deux solutions additionnelles à cela. Uniquement dire: Les pouvoirs pédagogiques, dorénavant, sont au niveau des écoles. On ne voit pas tellement ce que cela change pour nous. Alors, on se dit qu'il faudrait peut-être ajouter quelque chose à cela. Ce qu'on voudrait, c'est que l'organisme - je dis bien l'organisme, je ne dis pas le conseil de l'école - que le milieu se donnerait soit obligé d'aller consulter l'ensemble des parents du milieu sur des sujets précis. Il pourrait y avoir des sujets prévus dans la loi à cet effet. On pense, entre autres, à la confessionnalité, au territoire, au bassin d'une école. On voudrait que la loi prévoie également que l'organisme de l'école se sente lié par les résultats. C'est dans ce sens-là que les solutions additionnelles qu'on demande auraient pour fins de renforcer la mainmise des citoyens du milieu sur leur école. On se dit: si un comité d'école ou un conseil d'école - on l'appellera comme on voudra - s'assied et dit: Bon, on va gérer cela, s'il prend lui-même toutes les décisions sans jamais aller consulter les gens, qu'est-ce que cela changera par rapport à un conseil des commissaires ou un comité de parents ou un comité d'école? C'est uniquement un déplacement et les gens du milieu n'ont pas plus leur mot à dire sur ce qui se passe dans l'école.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Très bien, merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Je voudrais simplement exprimer mon appréciation pour l'expérience dont on nous a fait part. Je serais très intéressé à vous poser des questions, mais j'ai des collègues qui ont également des questions à vous poser et la première serait la députée de Jacques-Cartier, Mme Dougherty. J'ai pris bonne note des remarques que vous avez faites, surtout vers la fin; des choses très intéressantes ont été dites. Je pense que vous n'êtes pas le premier organisme à souligner le danger

d'une uniformité trop grande dans les définitions de structures que le projet de loi pourrait comprendre. Par conséquent, de ce point de vue-là, je peux vous assurer que vous avez trouvé une oreille très attentive de notre côté. Je passe maintenant la parole à Mme Dougherty avec la permission du président.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci. J'aimerais vous remercier de votre mémoire au nom de notre formation politique. Au début, vous avez parlé d'un sondage réalisé en 1982, lequel fut suivi de discussions et de réunions de toutes sortes. Je suis un peu étonnée des conclusions. À la page 3, la conclusion semble être que le projet de loi 40 respecte la position de la majorité des répondants au sondage concernant le statut de l'école, le maintien du suffrage universel, etc. La plus grande partie de l'argumentation de votre mémoire va dans le sens contraire. Vous avez soulevé, par exemple, l'écart flagrant entre les promesses du livre blanc et le texte du projet de loi 40, surtout en ce qui concerne les pouvoirs du conseil de l'école. Ma première question est: quelles sont les questions que vous avez posées dans votre sondage? Est-ce que vous avez une copie de ces questions?

Mme Provencher: Non, je n'en ai malheureusement pas, mais on pourra en déposer si vous le souhaitez. J'ajoute que ce questionnaire a été préparé avec les participants et il était très dogmatique et très lié au livre blanc et il couvrait vraiment l'ensemble du livre blanc. Il était très sérieux, très élaboré. Nous n'avons pas objection à vous en faire parvenir une copie.

Mme Dougherty: Comment pourriez-vous conclure que le projet de loi 40 respecte la position de la majorité? Est-ce que ce n'est pas plutôt qu'ils étaient d'accord avec les principes exprimés dans le livre blanc? Dans votre mémoire, vous avez souligné à plusieurs reprises que le projet de loi 40 ne reflète pas les promesses du livre blanc.

Mme Gosselin: Effectivement, au moment où nous avons fait toute la démarche de consultation, elle s'est faite sur le livre blanc. C'est bien sûr qu'il y a eu différentes étapes depuis 1982. Après le livre blanc, il y a eu des consultations également à d'autres niveaux qu'au niveau de la commission scolaire Beauport uniquement et il y a vraiment eu des modifications -comme vous dites - assez fondamentales. Dans un deuxième temps, nous nous sommes reconcertés, mais spécifiquement par rapport au texte de loi qui avait été déposé, c'est-à- dire le texte de la loi 40. Je pense qu'à ce moment-là, nous avons voulu être réalistes et nous prononcer de nouveau sur le projet de loi qui est actuellement déposé puisque ce serait éventuellement la loi à laquelle on devrait être soumis.

Mme Provencher: Je voudrais ajouter que dans notre mémoire, on spécifie bien -c'est très important - que lorsqu'on dit que le projet de loi 40 respecte la position de la majorité des répondants, on a dit "concernant" et on cite. Il y a uniquement, pour bien se comprendre, les éléments qui sont cités là qui sont concordants avec ce qui est dans le projet de loi 40.

Mme Dougherty: Même le statut de l'école que vous avez critiqué plus tard dans votre argumentation, le statut, les pouvoirs... Quand vous parlez de statut, vous parlez des pouvoirs.

Mme Provencher: Non. Dans le sondage, on avait demandé - prenons cette question -Est-ce que vous seriez d'accord avec une école-corporation au sens du Code civil et si vous n'êtes pas d'accord, quelle formule? Il y avait quatre ou cinq formules de rechange de proposées. Les gens avaient rejeté majoritairement la formule de l'école-corporation et ils nous avaient demandé que l'école continue d'être une entité institutionnelle et que les écoles continuent de relever de la commission scolaire. C'est pour le statut. Un peu plus loin, on parle de l'organisme de gestion de l'école, ce qui n'est pas... C'est pour cela qu'au niveau de l'organisme de gestion, on n'a pas traité des résultats du sondage à l'intérieur de notre mémoire. C'est pour cela que je veux bien distinguer cela. Le sondage, quand on sort des éléments du sondage, c'est uniquement sur ces aspects qu'il rencontre le projet de loi 50, parce qu'à ce moment-là, c'est une autre consultation qu'il aurait fallu faire à la sortie du projet de loi 40.

Mme Dougherty: Oui, merci. Cela m'amène à la deuxième question, parce qu'à la page 6, vous avez dit que "les fonctions sont plutôt des tâches - vous parlez des fonctions du conseil de l'école - d'exécution, c'est-à-dire que la plupart du temps, l'école est responsable d'appliquer ce qui a été décidé ailleurs." Vous avez soulevé des exemples révélateurs à la page 7. Je ne vais pas les lire, mais je crois qu'ils démontrent un écart flagrant entre les promesses du livre blanc et le texte du projet de loi 40. Donc, ma deuxième question s'adresse au ministre et j'aimerais qu'il explique l'écart.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier, nous ne sommes pas ici pour adresser des questions au

ministre. Nous sommes ici pour adresser des questions à nos invités qui se sont déplacés pour les fins du mandat qui nous a été confié par l'Assemblée nationale et vous aurez d'autres occasions pour poser des questions directement au ministre. Je crois que si nous commençons de façon très formelle des débats entre les intervenants et les différents membres de cette commission, nous n'en sortirons pas.

Mme Dougherty: M. le Président, je proteste contre votre décision, parce que je crois que nous sommes ici pour éclaircir des éléments du projet de loi 40. Je crois que le mémoire de la commission scolaire Beauport demande des explications au ministre, parce qu'il soulève à plusieurs reprises le fait qu'il y a des écarts entre les promesses, les principes exposés ou énoncés dans le livre blanc qui ne sont pas reflétés dans le projet de loi 40. Faut-il attendre plusieurs mois pour avoir une réponse à cette question? C'est une question fondamentale pour notre débat ici.

Le Président (M. Blouin): Mme la députée de Jacques-Cartier, j'ai tenté tout à l'heure d'expliquer dans quel esprit ces travaux devraient normalement se dérouler et de vous faire comprendre, ne serait-ce que par déférence à l'égard des groupes que nous avons invités ce soir qu'il serait normal, compte tenu du mandat que nous avons reçu et qui est très clair, que nous entendions les personnes que nous avons invitées et que nous ayons donc, en conséquence - et il me semble que cela découle de notre mandat -des échanges avec les personnes que nous avons invitées. Je ne crois pas qu'il convienne que nous commencions à avoir des échanges de part et d'autre entre les membres de la commission. Cela aura pour effet de faire dévier considérablement l'objectif que nous nous sommes fixé.

Mme Dougherty: Je vais poser une autre question à la représentante de la commission scolaire Beauport. À la page 8, vous avez conclu que la marge de manoeuvre de l'école prévue dans le projet de loi 40 restait considérablement réduite par les régimes pédagogiques, les règles budgétaires - je cite votre mémoire à la page 8 -certaines clauses des conventions collectives, les programmes d'études obligatoires, le règlement sur le transport scolaire, les instructions du MEQ, la réglementation de la commission scolaire. Est-ce que vous croyez qu'on peut amender le projet de loi afin d'éliminer ces contraintes?

Mme Gosselin: II faut ajouter également, en fait, qu'au niveau de la page 8, nous ajoutons un paragraphe qui se lit comme suit: "II s'avère important de déterminer des encadrements au plan national." C'est bien sûr que nous pensons qu'il faut qu'il y ait des encadrements au plan national. Il est également important de définir la mission de l'école et le cadre dans lequel elle doit fonctionner. Toutefois, est-ce en définissant des règles du jeu dans le détail au niveau national qu'on fera de l'école l'élément principal du système scolaire? En fait, notre préoccupation est davantage à l'effet d'établir une réglementation qui limite de façon excessive les libertés d'action dans les milieux pour que ceux-ci puissent définir leurs attentes et y répondre.

Il y a là des contraintes effectivement et nous demandons que, au niveau de certains des points qui sont cités ici, il y ait des assouplissements au niveau national. Il faut également ajouter que c'était en fait ce qu'on voulait démontrer au niveau de ces pages: c'est que peut-être nous n'avons pas la même vision que l'ensemble des personnes qui ont eu à se prononcer sur la loi 40 mais nous, nous ne croyons pas qu'elle donne pleine liberté aux écoles et nous nous référons également à l'article 90 de la loi 40, qui dit en fait que l'école exerce ses fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire dont elle relève.

En fait, l'école demeure soumise à la commission scolaire, doit répondre à la commission scolaire et doit également répondre au niveau national, tel que la situation existe et continuera d'exister après l'implantation de la loi 40.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

Mme Dougherty: Autrement dit, est-ce que c'est réaliste de s'attendre que l'école soit vraiment autonome dans le sens que vous souhaitez, étant donné la réalité des restrictions énumérées ici?

Mme Gosselin: Quand on se réfère à l'autonomie de l'école, ce n'est pas une autonomie complète. Je ne pense pas qu'il y ait aucun organisme d'éducation, même les écoles privées, qui ait une autonomie complète et nous ne pensons pas que ce soit souhaitable. Le paragraphe qui dit qu'il faudra des encadrements nationaux, nous y croyons et nous le croyons toujours pertinent. (22 h 15)

C'est bien sûr que, poussée à l'extrême, une entière, entière autonomie au niveau des écoles n'est pas possible. Ce que nous demandons, c'est qu'il y ait assouplissement sur des points précis, facilitant l'exercice du pouvoir dans les écoles et la "responsabilisation" du milieu par le fait même. Ce que nous souhaitons, c'est qu'il n'y ait pas une réglementation trop précise et qu'on donne une certaine latitude au milieu, une marge de manoeuvre réelle. Bien sûr, ce serait long

d'énumérer ici, sur chacun des points, quelles seraient ces marges de manoeuvre. Ce que nous exprimons, c'est l'espoir qu'on tienne compte de cette préoccupation et qu'on établisse le moins possible de réglementation. Cela ne veut pas dire qu'il ne doit pas y en avoir.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Mme la députée de Jacques-Cartier, allez-y.

Mme Dougherty: À la page 10, vous dites que "le livre blanc affirme que les écoles et leurs communautés d'appartenance sont maintenant tout à fait capables de se prendre en main." Vous posez une question importante: "Pourquoi le projet de loi 40 ne prévoit-il aucune nouvelle mesure susceptible d'amener une plus grande participation du milieu à la vie de chaque école?" Qu'est-ce que vous envisagez à cet égard?

Mme Gosselin: Je vais demander à Mme Provencher de vous donner la réponse.

Le Président (M. Blouin): Mme

Provencher.

Mme Provencher: Je reviens un peu à l'intervention précédente que j'ai faite. Ce qu'on envisage, par rapport aux comités d'école, aux conseils d'école ou aux organismes de gestion au niveau de l'école, c'est que la loi fasse obligation à l'organisme d'aller consulter le milieu sur des sujets précis et non pas que les décisions qui vont régir la vie des écoles se prennent en vase clos, c'est-à-dire à l'intérieur d'un comité, peu importe la composition de ce comité. On voudrait que, d'une part, il y ait obligation pour l'organisme qui régit l'école d'aller consulter l'ensemble des parents. On voudrait qu'il y ait une liste de sujets précis sur lesquels il y aurait consultation obligatoire. On voudrait également que la loi fasse obligation à l'organisme de gestion de l'école de se sentir lié par les résultats obtenus lors de ces consultations.

Mme Dougherty: Oui, mais qu'est-ce qui, dans le projet de loi, rend impossible une telle consultation?

Mme Provencher: Rien dans le projet de loi ne la rend impossible. Absolument rien, sauf qu'il n'y a pas cette obligation. Puisqu'elle n'y est pas, on extrapole et on se dit: Cela pourrait vouloir dire qu'un conseil d'école ou un organisme de gestion de douze personnes, au niveau de l'école, pourrait décider de la confessionnalité d'une école, ou encore pourrait décider du bassin d'une école, du territoire d'une école. Autrement dit, la loi ne l'empêche pas, mais la loi ne l'oblige pas. On pense que, si on veut que l'ensemble des citoyens puisse davantage participer à donner une couleur à l'école du quartier, il devrait y avoir obligation d'aller prendre le pouls du milieu, le pouls du quartier pour certains sujets précis. C'est sûr qu'on ne croit pas qu'il faille faire cela continuellement, mais on pense qu'il y a des points majeurs qui marquent la vie d'une école. J'ai donné l'exemple de la confessionnalité; il me semble que c'est un sujet sur lequel l'ensemble des citoyens d'un milieu devrait se prononcer et non pas simplement un organisme, qu'il s'appelle le conseil d'école ou autrement.

Mme Dougherty: Une dernière question.

Le Président (M. Blouin): Une dernière question, Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: À la page 13, vous parlez de l'implantation de la réforme. Il semble que vous craigniez que plusieurs écoles ne seront pas prêtes à assumer les pouvoirs accordés par la loi 40. Croyez-vous qu'il y aura plusieurs écoles, dans cette catégorie, qui ne voudront pas assumer l'autonomie prévue?

Mme Gosselin: C'est une question fondamentale au niveau de la refonte. Notre préoccupation est liée au vécu actuel. La commission scolaire Beauport existe quand même depuis 1972, mais on peut dire que depuis au moins sept ans il y a une volonté ferme de la part de la commission scolaire d'amener les écoles à assumer le plus possible de responsabilités. Ce que nous pouvons vous dire à partir d'une évaluation de la situation actuelle, c'est que la prise en charge des diverses écoles est très différente d'une école à l'autre et nous savons pertinemment que nous n'aurions jamais pu imposer - cela ne nous serait pas venu à l'idée - à une école des responsabilités qu'elle ne veut pas à ce moment précis ou qu'elle ne se sent pas capable d'assumer à un moment précis malgré notre volonté de l'impliquer.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Il reste deux intervenants et, ensuite, nous pourrons suspendre nos débats. M. le député de Montmorency et ministre des Affaires culturelles.

M. Richard: Merci, M. le Président. Je voudrais tout d'abord féliciter la commission scolaire Beauport pour la qualité de son mémoire et surtout pour la qualité de son expérience de consultation dont elle a pris l'initiative et qui s'est révélée très heureuse. Je suis curieux de nature, M. le Président, et on a piqué un peu ma curiosité quand on a dit qu'on a consulté - et je le sais pertinemment - plusieurs personnes, que

l'assistance était nombreuse et qu'on a même consulté beaucoup d'enseignants. Alors, je voudrais savoir quelle a été la réaction des enseignants.

Mme Gosselin: M. Richard demande précisément quelle a été la participation des enseignants ou leur réaction à propos de notre démarche...

M. Richard: Oui, vous dites au début... Mme Gosselin: ...de consultation. M. Richard: Oui, oui.

Le Président (M. Blouin): Mme

Provencher.

Mme Provencher: Je pense que, pour bien saisir toute la question des enseignants, il faut se situer dans le contexte. On était dans un contexte de moyens de pression. D'ailleurs, d'autres commissions scolaires vous l'ont dit avant nous. Mais je me souviens très bien qu'on a compilé les résultats du sondage au travers des moyens de pression. Je pense qu'il faut dire cela, parce que cela change un peu la participation qu'on obtient généralement quand on n'est pas dans un contexte de moyens de pression. La réaction des enseignants, cela a été... Moi, je comprends l'organisme qui représente les enseignants dans votre question, c'est cela? Ou les enseignants en général?

M. Richard: Non, pas forcément. Les enseignants.

Mme Provencher: Bon. Alors, au tout début de la démarche, les gens étaient très favorables, ils ont participé. C'est un des groupes qui a exprimé un point de vue au panel. Beaucoup d'enseignants étaient là ce soir-là. Il y a également des enseignants qui ont participé à la confection du questionnaire qui a été distribué dans le milieu et il y a des enseignants qui ont participé à la compilation des résultats du sondage. Alors, face à la démarche, les enseignants chez nous - je ne dis pas à la tonne - mais il y a des enseignants qui ont participé, même dans le contexte qu'il y avait à ce moment-là.

M. Richard: Je vous remercie. J'aurais une deuxième question à vous poser et là, j'avoue qu'il m'a paru que j'éprouvais les mêmes appréhensions que Mme la députée de Jacques-Cartier en ce qui a trait aux mécanismes de consultation que vous recommandez à la page 12 de votre mémoire. Je pense que c'est vous, Mme Provencher, qui avez répondu aux questions portant là-dessus. J'avoue - je pense que c'est peut-être cela que Mme la députée de

Jacques-Cartier voulait dire aussi - j'avoue que je vois mal comment on pourrait rendre cette recommandation applicable. Est-ce que vous entendez imposer, pour certaines questions que vous qualifieriez d'ordre majeur, le référendum?

Le Président (M. Blouin): Mme

Provencher.

Mme Provencher: Oui. En fait, oui, exactement. Vous mentionnez un référendum, c'est un moyen. Il pourrait y avoir d'autres moyens. Mais, nous, on...

M. Richard: Quels seraient... Je m'excuse de vous interrompre...

Mme Provencher: Oui.

M. Richard: ...mais quels seraient les autres moyens que le référendum, parce que je n'en vois pas?

Mme Provencher: Bon. Écoutez, cela peut être un questionnaire, cela peut être une assemblée générale; il peut y avoir différents mécanismes. On n'est pas entré... C'est toute forme de consultation sur des sujets précis qui décident du sort d'une école.

M. Richard: Oui, alors, sauf le référendum, parce qu'on peut imaginer qu'il est relativement facile d'imposer des règles d'application pour l'exercice d'un référendum mais, quand on parle d'un questionnaire et qu'on voudrait ensuite rendre la réponse aux questions obligatoire, vous imaginez qu'il y a un pas que j'éviterais de franchir.

Mme Provencher: Oui, en fait, quand on a relu une deuxième fois le mémoire, on s'est aperçu qu'en écrivant le mot "mécanisme", peut-être que cela porte à confusion. Au lieu de dire le mot "mécanisme", il faudrait peut-être plutôt dire: faire obligation à l'organisme de gestion de l'école de consulter le milieu sur certains sujets. On ne voudrait pas que ce soit réglementé dans le détail, la procédure de consultation et ainsi de suite. Ce n'est pas l'esprit parce qu'on tombe exactement dans ce qu'on ne voudrait pas qui soit fait et ce n'est pas notre intention. C'est plutôt sur le principe. On voudrait que, sur les sujets importants qui décident de l'orientation d'une école, l'ensemble des gens du milieu puissent se prononcer. Et, à l'heure actuelle, à moins que cela soit prévu expressément dans un règlement... C'est sûr que vous pouvez nous dire: Bien, écoutez, faites-le, il n'y a rien qui vous en empêche. C'est vrai. Mais je me dis que, à ce moment-là, on vous demande: Qu'est-ce que la réforme a changé? C'était un comité d'école qui prenait cette décision

sur un même sujet, cela aura changé quoi si c'est un conseil d'école qui prend la même décision sur le même sujet? C'est du même ordre. On dit donc, à ce moment, qu'une réforme de cet ordre n'a pas changé grand-chose. Ce sont encore douze personnes qui décident que l'école, cette fois-ci, a un statut confessionnel.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Dernière question, M. le ministre.

M. Richard: Dernière question, toute courte, M. le Président. Mme Gosselin, vous indiquez dans votre mémoire que vous souhaiteriez que l'école puisse participer à la sélection de tout son personnel. Selon vous, est-ce que ce serait une mesure susceptible d'améliorer la qualité des apprentissages?

Mme Gosselin: En fait, je pense qu'au niveau de l'amélioration de la qualité, c'est une question de base. C'est sûr que, si l'école a la possibilité d'aller chercher le personnel qu'elle croit capable de répondre à ses besoins, c'est la situation idéale.

Si on pense à ce qui se passe actuellement, nous avons très peu de marge de manoeuvre au niveau de la commission scolaire et nous ne voyons pas comment, s'il n'y a pas de modifications au niveau des conventions collectives, on pourra avoir davantage de marge de manoeuvre. Je pense que la possibilité pour un milieu de choisir son personnel est un principe très important lié à la qualité des services.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci, M. le ministre.

M. Richard: Merci.

Le Président (M. Blouin): Pour conclure, M. le député de Saguenay.

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je suis de l'avis du député de Montmorency. J'aurais aimé, avec les différents représentants de la commission scolaire, comités de parents et directeurs d'école, voir aussi assis à cette table un représentant des enseignants. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Mais, ce qui me frappe le plus dans votre mémoire, c'est la conclusion. Contrairement à ce que le ministre affirmait tout à l'heure, qu'il était très réjoui, vous dites que le projet de loi 40, dans sa forme actuelle, ne rend pas l'école davantage responsable et qu'elle n'aura pas plus de pouvoirs décisionnels selon ce que le projet de loi 40 apporte. Ceci veut dire que, si le projet de loi 40 n'est pas modifié, tel que vous le stipulez dans les pages précédentes, pour vous il devient inadmissible et vous n'y adhérez pas. C'est cela?

Mme Gosselin: En fait, il ne s'agit pas de faire une loi, surtout au niveau de l'objectif qui est poursuivi par la réforme, pour que, nécessairement, en ce qui concerne la pratique, il y ait une réelle prise en charge par le milieu. Il y a déjà eu d'autres lois. Il y a eu la loi 71 qui prévoyait des conseils d'orientation. Elle n'a jamais été mise en pratique. Alors, nous pensons que, si on veut vraiment atteindre l'objectif de revalorisation, de prise en charge par le milieu, il faut en même temps prévoir non seulement dans le texte de la loi mais également dans les modalités d'application et surtout en tenant compte de la volonté des milieux, il faut prévoir le suivi et comment, dans la réalité, l'objectif poursuivi pourrait être atteint. Nous n'avons pas l'assurance -nous ne sommes pas plus optimistes qu'il ne faut par rapport au projet de loi actuel -que, nécessairement, il y aura une modification au niveau de la participation et au niveau de l'implantation. Par contre, nous avons adhéré au projet de loi qui est déposé parce qu'il manifeste quand même une volonté; au moins, c'est quand même un pas en vue de donner au milieu, c'est-à-dire aux écoles, des responsabilités.

M. Maltais: Je pense que vos craintes sont justifiées. Merci.

Le Président (M. Blouin): Très bien. On m'a dit que le député de Chauveau désirait intervenir brièvement. Il conclura.

M. Brouillet: Je voudrais revenir un peu sur les points de désaccord que vous avez mentionnés dans votre mémoire. Le point de désaccord qui porte tout d'abord sur la responsabilité qu'a le directeur d'école de rendre des comptes. Vous mentionnez que, selon le projet de loi, il devrait rendre des comptes à deux endroits. Si je comprends bien, vous aimeriez qu'il ne rende des comptes qu'à un endroit. Je crois que c'est assez normal. Quel serait cet endroit, d'après vous?

Mme Gosselin: Si vous me permettez, M. le Président, j'aimerais que Mme Bruyère, qui est directrice d'école, réponde à cette question.

Le Président (M. Blouin): Mme Bruyère.

Mme Bruyère (Christiane): D'abord, le statut qui est conféré à l'école et qui semble l'englober comme étant une entité institutionnelle, nous, les directeurs d'école de la commission scolaire Beauport, croyons qu'on devrait quand même relever du directeur général ou de la directrice générale. Cela n'empêche pas qu'on a aussi des comptes à rendre au conseil d'école qui sera formé, peu importe sa composition. C'est quand même du conseil

d'école qu'on reçoit les mandats. On craignait un peu que l'efficacité d'un directeur d'école n'aille pas nécessairement avec la popularité qu'il peut avoir au sein de son conseil d'école. Je me dis que ce n'est pas toujours facile pour un directeur d'avoir à faire face à un conseil d'école qui ne prendra peut-être pas des mesures qui sont populaires auprès d'un parent en particulier. Cela pourrait peut-être amener des conflits. C'est pour cela que, pour savoir de qui relever, on souhaitait que ce soit de la directrice générale et qu'on rende aussi des comptes de notre administration aux conseils d'école.

M. Brouillet: Donc vous admettez qu'on ne peut pas beaucoup sortir du fait qu'il doit rendre des comptes à deux endroits?

Mme Bruyère: Je me dis qu'il est quand même mandaté par son conseil d'école. Moi qui suis une nouvelle directrice depuis l'année dernière, je pense, par exemple, au niveau de la supervision et de la relation d'aide qui peut m'être accordée par ma supérieure, que je ne suis pas certaine que je pourrais retrouver cette même relation au niveau du conseil d'école. De toute façon, je pense que d'avoir à relever du directeur et d'avoir des comptes à rendre au niveau du conseil d'école, cela n'empêche pas d'avoir un projet éducatif à l'intérieur d'une école. De toute façon, à l'heure actuelle, je pense que les comités d'école, advenant le cas où ils ne sont pas satisfaits du directeur qui gère l'établissement, peuvent quand même faire une recommandation au niveau de la commission scolaire. Il n'y a pas une commission scolaire qui ne tiendrait pas compte de cette recommandation, même si c'est d'un comité d'école.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Brouillet: L'autre point de désaccord concerne le mécanisme d'élection du commissaire d'écoles. Vous mentionnez dans votre mémoire votre désaccord sur certains mécanismes et vous en mentionnez un, celui qui consiste à faire de l'école le point de ralliement des électeurs. L'électeur décide pour quelle école il va voter. D'après vous, quel serait l'autre mécanisme? Si ce n'est pas l'école, est-ce que vous reviendrez au critère territorial? Est-ce que vous privilégieriez...

Mme Gosselin: En fait, vous rejoignez la question du suffrage universel dont on a très peu parlé dans notre mémoire, on le reconnaît. Il y a également eu un cheminement au niveau de cette question. Entre la volonté de favoriser le plus possible le lien entre le commissaire et l'école et la situation concrète de choisir un mode électoral qui soit applicable. Nous avons encore énormément de points d'interrogation. C'est pour cela qu'on ne l'a pas mentionné ici. Il y a des intentions très dynamiques à ce sujet-là dans le but vraiment de rejoindre la préoccupation que le commissaire d'écoles doit vraiment être lié à l'école et représentatif. Par contre, notre grande difficulté à vouloir se donner un mode électoral est liée davantage à la structure actuelle. C'est que nous avons des écoles élémentaires et nous avons des écoles secondaires qui ont des bassins différents. Alors, nous sommes liés à une réalité qui nous rend très difficile une définition précise. On ne saurait ce soir vous dire: Nous avons retenu un modèle plutôt qu'un autre. Nous n'avons pas encore la solution.

M. Brouillet: Très bien.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Chauveau. Sur ce, je remercie les représentantes et le représentant de la commission scolaire Beauport de leur importante participation aux travaux de notre commission. Je remercie également tous les membres de cette commission pour leur esprit positif qui a animé tous les débats au cours de cette journée de travail qui, je crois, s'est bien déroulée. Sur ce, j'ajourne les travaux jusqu'à demain à 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 37)

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