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Version finale

32e législature, 4e session
(23 mars 1983 au 20 juin 1984)

Le vendredi 13 janvier 1984 - Vol. 27 N° 231

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Audition de personnes et d'organismes sur le projet de loi 40 - Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public


Journal des débats

 

(Neuf heures vingt-trois minutes)

Le Président (M. Blouin): À l'ordre! La commission élue permanente de l'éducation reprend ses travaux. Je vous rappelle le mandat de cette commission, qui est d'entendre toute personne ou tout groupe qui désire intervenir sur le projet de loi 40, Loi sur l'enseignement primaire et secondaire public.

Je tiens d'abord à nous excuser du retard que nous avons mis à commencer nos travaux, mais nous avions quelques problèmes techniques avec des bruits qui nous empêchaient de délibérer au salon rouge. Alors sur ce, j'invite, sans plus tarder, les représentants de l'Association des cadres scolaires du Québec à venir s'asseoir à la table des invités, à s'identifier et à nous livrer le contenu de leur mémoire.

Association des cadres scolaires du Québec

M. Giard (Bruno): Je vous remercie, M. le Président. Je vais d'abord présenter aux membres de cette commission la délégation de l'Association des cadres scolaires du Québec. En commençant par ma gauche, M. Vincent Tanguay, vice-président de l'association; à ma droite, M. J. Édouard Lapierre, de la région du Lac-Saint-Jean, premier vice-président de l'association des cadres; de même que M. Denis Hudon, de la rive sud de Montréal, également vice-président de cette association. J'ai oublié de dire que M. Vincent Tanguay était de la région de Québec. Je suis Bruno Giard, président de l'association et je suis de la région de l'Estrie.

Avant de commencer la présentation proprement dite de notre mémoire, permettez-moi, M. le Président, de faire un bref rappel des efforts déployés par notre association pour faire du livre blanc une école communautaire et responsable et du projet de loi annoncé un projet de réseau d'éducation du Québec. Il nous apparaît en effet, comme d'ailleurs l'a exprimé le Conseil supérieur de l'éducation dans son mémoire du 25 octobre 1983, qu'une réforme scolaire, qui ne recueillerait pas l'adhésion du réseau scolaire, risquerait de demeurer une réforme de papier. Je m'excuse, c'est un petit document parce qu'on a fait un avant-propos sur un document à couverture jaune.

Alors je dis donc que nous reprenons ce que le conseil supérieur avait repris après nous, qu'une réforme scolaire, qui ne recueillerait pas l'adhésion du réseau scolaire, risquerait de demeurer une réforme de papier. Dans cette perspective, à la suite des déclarations gouvernementales en matière de décentralisation, voire de régionalisation, l'assemblée générale de notre association adoptait, à l'unanimité, dès juin 1982, un projet de mémoire relatif au livre blanc portant notamment sur les éléments suivants: L'intégration des commissions scolaires, la participation des parents, le partage des pouvoirs et responsabilités entre les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation, entre l'école et la commission scolaire, le pouvoir de taxation et de suffrage universel, la commission scolaire, l'école et le statut confessionnel, la composition du conseil d'école, les statuts administratifs et juridiques de l'école et de la commission scolaire.

Avant le dépôt du projet de loi 40, en juin 1983, nous avons participé à presque toutes les rencontres des agents d'éducation aux fins d'élaborer dans l'harmonie un projet qui réponde aux objectifs visés par chacun des partenaires.

À notre avis, ce projet devait garantir la cohérence sur les plans pédagogique et administratif tout en assurant à chacun une voix dans les décisions relatives à la qualité des services éducatifs à offrir aux jeunes et aux adultes.

Nous avons travaillé quelques fois avec tous les partenaires du réseau sans la présence du ministère de l'Éducation; parfois, avec le ministère de l'Éducation et plusieurs partenaires du réseau; à l'occasion, avec le ministère et certains partenaires du réseau.

Nous devons malheureusement dire que, malgré les efforts loyaux et sincères déployés par chacun, nous n'avons pas réussi à établir les consensus minima en regard de certains objectifs du projet de loi. Nous voulions, à l'époque, élaborer un projet collectif et non pas des projets parallèles. Nous avons alors tenté un ultime effort en novembre et décembre 1983. En effet, au moment du dépôt des projets de règlement par le ministre de l'Éducation, à la fin d'octobre, nous avions perçu une ouverture de sa part à l'effet d'apporter certaines modifications substantielles au projet de loi. Nous avons donc saisi l'occasion pour rencontrer individuellement le ministre de l'Éducation, les présidents des Fédérations

des commissions scolaires, les directeurs généraux, la Fédération des comités de parents, la Fédération des directeurs d'école, les invitant à un ultime effort de concertation en vue d'amender, avant la tenue de la commission parlementaire, les articles du projet de loi d'où paraissent résulter les conflits de juridiction entre le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires, les commissions scolaires et les conseils d'école, le niveau politique et le niveau administratif.

Nonobstant la volonté de chacun de participer à cette démarche, force nous est de constater que la rencontre de ces partenaires le 21 décembre 1983 fut un nouvel échec et ce, malgré nos efforts. Compte tenu de ces éléments, il nous plaît de vous présenter, au nom des 1800 membres de l'Association des cadres scolaires du Québec qui l'ont accepté à l'unanimité, tant au niveau des principes que dans sa forme finale, le mémoire suivant:

L'ampleur des transformations que provoquerait l'application du projet de loi 40 incite l'Association des cadres scolaires du Québec à intervenir devant la commission élue permanente de l'éducation. Nous croyons qu'un système scolaire est toujours perfectible. Cependant, à notre avis, il est fondamental de bien choisir le moment de procéder à des changements et, surtout, de bien mesurer la portée de ces décisions.

Voilà pourquoi l'Association des cadres scolaires du Québec ne peut accepter un projet qui jettera plus de confusion dans le système scolaire qu'il n'apportera d'amélioration. Notre position vise donc, avant tout, à nous assurer qu'une éventuelle réforme recherchera d'abord à parfaire la qualité des services offerts aux jeunes et aux adultes dans les réseaux primaire et secondaire.

Ainsi, toute tentative de solution que l'on voudrait apporter à des conflits hypothétiques de juridiction ou de pouvoir, n'a pas, à notre avis, sa raison d'être. C'est pourquoi, dans une première étape, nous procéderons à l'examen de l'état de santé du système scolaire actuel. Ensuite nous nous interrogerons sur la qualité des services garantis par le projet de loi et dans une troisième étape, nous ne pourrons passer sous silence le traitement qui est fait à nos membres et particulièrement au niveau de leur condition d'emploi. Enfin, nous étudierons les propositions de mise en oeuvre véhiculées dans ledit projet de loi.

L'état de santé du système scolaire. Malgré le peu de temps dont nous disposons, il nous semble nécessaire de rappeler quelques moments significatifs de l'évolution du réseau scolaire depuis le rapport Parent. Les auteurs du livre blanc ont, pour leur part, posé un diagnostic très sévère sur le système scolaire actuel. À notre avis, certains problèmes soulevés par ces derniers auraient mérité une évaluation plus substantielle. D'autre part, nous sommes convaincus que les objectifs visés par les auteurs du rapport Parent, soit l'égalité des chances et l'accessibilité pour tous à l'éducation, sont encore tout à fait d'actualité en 1984. Dans cette perspective, tout projet qui aurait pour résultat de diminuer la qualité et la quantité des services éducatifs accessibles aux jeunes dans une région donnée serait à combattre.

D'autre part, les commissions scolaires, à la demande du ministère de l'Éducation, ont procédé en 1972 à des regroupements. Ces regroupements se sont traduits par des améliorations sensibles, tant sur le plan pédagogique que sur le plan financier pour l'ensemble du réseau des écoles primaires. Cette opération a permis, entre autres, d'assurer un support pédagogique accru aux enseignants, une plus grande disponibilité de matériel didactique par des économies provoquées par des achats regroupés et enfin, la mise en place de services professionnels spécialisés pour les élèves éprouvant des difficultés.

De plus, nous avons assisté depuis 1975 à un mouvement d'intégration volontaire du primaire et du secondaire. Ce mouvement est continue depuis les huit dernières années et favorise, à notre avis, le passage de l'élève du primaire au secondaire, tout en garantissant l'harmonisation et la continuité des apprentissages.

Dans un autre ordre d'idées, nous tenons à rappeler que durant ces dernières années, le ministère de l'Éducation, en collaboration avec les commissions scolaires et leur personnel, a commencé à implanter avec succès plusieurs règlements et politiques portant, notamment, sur le régime pédagogique, l'allocation des ressources, les programmes d'études, l'adaptation scolaire, les services personnels aux élèves. Ces projets sont à peine amorcés et encore en étape d'implantation que déjà d'autres mesures sont annoncées depuis quelque temps, à savoir l'évaluation pédagogique, les services complémentaires, la formation professionnelle des jeunes et des adultes, la politique d'éducation des adultes, la micro-informatique et l'enseignement, les mesures d'insertion sociale des jeunes, la formation et le perfectionnement des maîtres.

Il y aura dans ces dossiers, M. le Président, du travail de base à effectuer. Ce travail s'échelonnera sûrement sur les dix prochaines années. Ce qui nous renverse donc, c'est qu'en dépit de tout le pain qu'il y a sur la planche, le projet du ministre de l'Éducation veuille en plus changer les structures. Nous affirmons que nous risquons, avec tout ce branle-bas de combat, un épuisement du système et, plus particulièrement, des forces vives de ce

système, celles qui peuvent faire un succès des mesures proposées. En effet, pourquoi vouloir tout à coup faire de l'école le pivot du système? Tout le monde est conscient que c'est à l'école que se passe l'action. Tout le monde est également conscient qu'il ne faut pas distraire l'école de sa mission première qui est l'éducation des jeunes en vue de leur insertion sociale et professionnelle. Pourquoi appeler projet éducatif la simple concertation de base des agents d'éducation nécessaires au bon fonctionnement de l'école? N'est-ce pas un nouveau concept pour décrire une vieille réalité? En 1965, nous parlions d'ateliers pédagogiques; depuis 1976, nous parlons de projets éducatifs.

Pourquoi vouloir modifier le mode de relations interpersonnelles dans tout le réseau scolaire, alors que les changements commandés par le ministère mobilisent déjà toutes les énergies disponibles? Pourquoi la réforme pédagogique actuellement en cours devrait-elle être mise en veilleuse au profit de changements de structure?

Est-il nécessaire de rappeler que le réseau d'éducation du Québec a progressé, au cours des années soixante à quatre-vingt, en ce qui a trait à la qualité et à la diversité des services éducatifs offerts à la population québécoise et ce, malgré le fait qu'à tous les trois ans une négociation collective centralisée venait perturber la nécessaire concertation entre les principaux agents du système d'éducation; malgré aussi le fait que des compressions budgétaires très sévères ont mis un frein à beaucoup de projets de développement et ont occasionné une diminution sensible du soutien pédagogique et administratif; malgré, enfin, un climat économique difficile où les faibles perspectives d'emploi ont des répercussions profondes sur la motivation du personnel et celle des élèves?

Nonobstant les derniers bouleversements dans le monde scolaire, l'Association des cadres scolaires du Québec croit que le système scolaire a produit, à maints égards, d'excellents résultats depuis les dernières années. Les constats ci-dessus s'imposent, M. le Président, parce que nous sommes convaincus que les structures actuelles sont efficaces, ce qui n'écarte pas la possibilité qu'on puisse y apporter des améliorations, notamment certaines améliorations proposées dans l'avis au ministre de l'Éducation déposé par le Conseil supérieur de l'éducation le 25 octobre 1983.

Les cadres ont vécu de l'intérieur à travers les hésitations, les perturbations, la lente maturation du système scolaire. Ils ont joué très souvent, face au ministère, par l'expertise qu'ils ont développée tant sur les plans pédagogique qu'administratif, un rôle de soutien de leur commission scolaire.

Voilà pourquoi l'Association des cadres scolaires du Québec affirme que le réseau actuel a la vitalité et la maturité nécessaires pour permettre une application harmonieuse des réformes pédagogiques proposées. Vitalité et maturité, disons-nous, et ce, malgré le fait que de longues périodes de négociations collectives et les règles budgétaires sont toujours susceptibles de constituer des contraintes de taille.

Le projet de loi 40. Les membres de notre association ont lu et étudié très sérieusement le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. L'association en a d'ailleurs fait une étude détaillée dont vous trouverez copie en annexe. Aussi surprenant que cela puisse paraître, toutes les catégories de personnel que nous représentons en sont venues à la même conclusion. En effet, nos membres attendaient, à la suite des déclarations ministérielles sur la décentralisation, un projet de loi exprimant clairement la volonté du gouvernement de confier aux gouvernements locaux que sont les commissions scolaires la responsabilité d'organiser et de maintenir des services éducatifs de qualité pour les Québécois. Force nous est de constater que le ministre veut diluer les responsabilités des commissions scolaires en les confiant, dans certains cas, aux écoles ou, tout simplement, en se les appropriant à titre de ministre.

Pourquoi donc, M. le Président, l'Assemblée nationale du Québec, dans le cadre de ses politiques, ne se limiterait-elle pas à répartir les responsabilités entre le gouvernement, le ministre de l'Éducation et les commissions scolaires? Pourquoi l'Assemblée nationale ne laisserait-elle pas aux commissions scolaires le soin d'en faire autant avec les établissements relevant de leur juridiction?

Dans les faits, un grand nombre de commissions scolaires ont déjà fait la preuve qu'elles pouvaient elles-mêmes agir comme gouvernement local responsable en effectuant dans l'harmonie une répartition des pouvoirs avec les écoles. D'ailleurs, seul un gouvernement local responsable peut répondre devant les citoyens d'un territoire donné de la qualité des services éducatifs offerts à la population scolaire.

Dans les milieux où le partage des responsabilités ne s'est pas encore fait, nous pensons qu'un seul article de loi, tel l'article 212 du présent projet, serait de nature à déclencher un tel processus. Ceci aurait pour effet de permettre à chaque commission scolaire d'évoluer selon le modèle qui lui conviendrait le mieux et à son propre rythme et ainsi d'éviter de créer inutilement des attentes illusoires ou de provoquer des affrontements stériles.

L'Association des cadres scolaires du Québec reconnaît la pertinence de certains éléments de la réforme et elle est prête à contribuer à leur mise en oeuvre. Ainsi en

est-il des éléments relatifs à la langue, à la confessionnalité et à l'intégration des commissions scolaires.

Nous avons toujours collaboré à l'application de la loi 101 et nous pensons que, sous ce rapport, le projet de loi offre des pistes intéressantes. Nous pensons que la réduction du nombre de commissions scolaires et l'intégration du primaire et du secondaire constituent des gestes logiques d'un processus visant à responsabiliser davantage des gouvernements locaux.

Nous croyons, de plus, qu'il faut garantir aux parents la possibilité d'influencer les décisions des commissions scolaires en visant un meilleur service aux élèves. Cependant, l'Association des cadres scolaires du Québec ne saurait être caution de l'empressement du gouvernement à procéder ' partout, en même temps, selon un modèle unique.

Dans chacun des cas d'intégration, il faudra bien mesurer les avenues, bien amorcer le processus et laisser le temps faire son oeuvre. Il n'est pas si loin le temps où le gouvernement, dans un message publicitaire, proclamait "La personne avant toute chose". En éducation, M. le Président, c'est toujours de personnes, dispensatrices ou clients des services éducatifs, dont il est question. Il ne faut pas, au moment où nous sommes conviés à réinventer certains milieux de travail, détruire les personnes qui seront les chevilles ouvrières de l'implantation d'un réseau scolaire primaire et secondaire intégré.

Pourquoi cette course contre la montre, ce compte à rebours jusqu'en juillet 1985? Qu'y a-t-il de si urgent? Pourquoi ne pas prendre le temps qu'il faut? Pourquoi modifier les structures encore une fois plutôt que de travailler en profondeur sur les contenus et sur les services, bref, les défis pédagogiques énoncés plus haut? Pourquoi ne pas faire confiance à cette vitalité et à cette maturité des personnels dont nous faisons mention plus haut?

Les conditions d'emploi des cadres et des gérants. Il nous apparaît important, dans cette partie de notre intervention, de vous faire part de nos inquiétudes en ce qui a trait aux conditions d'emploi des personnels de cadre et de gérance des commissions scolaires.

Nous sommes très perplexes en constatant que le projet de loi traite, nommément, du directeur d'école et du directeur général, mais qu'on ne puisse citer d'endroit où il serait fait mention des responsabilités dévolues aux cadres de direction, de coordination ou de gérance des commissions scolaires ou des écoles.

Les pessimistes parmi nous disent: "Les tâches des administrateurs de la commission scolaire sont tellement vidées de leur contenu que ce n'était plus la peine de les mentionner dans un projet de loi." Les optimistes, eux, prétendent que: "les fonctions sont sous-entendues ou au moins comprises dans les attributions du directeur général." Qu'en est-il au juste?

Par ailleurs, comment se fait-il que le projet de loi soit aussi clair et aussi explicite en ce qui regarde les droits et privilèges des personnels salariés au sens du Code du travail, alors que les règlements relatifs aux conditions d'emploi des cadres sont, à maints égards, ignorés dans le présent projet?

Pourtant, et particulièrement depuis 1972, l'Association des cadres scolaires du Québec et d'autres associations homologues avaient réussi à établir, en collaboration avec le ministère de l'Éducation, une politique administrative et salariale donnant des indications relatives aux règles d'effectifs et aux traitements admissibles pour les cadres et gérants. Ces propositions, colligées en 1977 dans le règlement 2902, reconnaissaient l'existence et les principales prérogatives des cadres et des gérants.

Nous avons toujours continué à travailler en collaboration avec nos homologues et nos interlocuteurs en vue de rendre plus fonctionnelle et mieux adaptée la teneur de ce règlement. Pourquoi les règles du jeu seraient-elles modifiées? Pour quelles raisons le projet de loi semble-t-il vouloir restreindre la portée et l'application de certains articles?

Nous nous excusons, nous avons rayé de notre mémoire le dernier paragraphe de la page 13 et le premier paragraphe de la page 14. Nous les avons rayés car nous avons toutes les raisons de croire que les promesses verbales qui nous ont été faites par le ministre de l'Éducation seront tenues. Nous avons récemment travaillé en collaboration avec les responsables de ces dossiers au ministère de l'Éducation; nous pensons que les règles habituelles seront maintenues et que les éventuels transferts de personnels seront faits dans le respect des personnes avec les garanties appropriées.

Dans un autre ordre d'idées, nous constatons que l'éducation des adultes est un sujet presque ignoré dans le projet de loi. Nous comprenons qu'un texte législatif ne peut contenir toutes les dispositions relatives à son objet, mais il n'en demeure pas moins que les activités directement reliées à l'éducation des adultes sont nombreuses et variées. Aussi, nous ne croyons pas que les mécanismes prévus dans le projet de loi soient de nature à garantir un développement harmonieux de ce secteur.

Sous ce rapport, doit-on comprendre que les personnels présentement affectés à l'organisation et au soutien de l'éducation des adultes n'auront plus désormais de responsabilités dans ce domaime? Nous n'avons pas jugé opportun d'expliciter

davantage nos positions en regard de l'éducation des adultes parce que nos membres se sont prononcés à ce sujet dans un mémoire présenté par la TREAQ, c'est-à-dire la Table des responsables de l'éducation des adultes du Québec.

M. le Président, nous vous prions avec instance de modifier la liste de présentation des mémoires de façon que ce groupe puisse être entendu.

Nous regrettons que ni les directeurs généraux ni nous, n'ayons eu l'occasion de mentionner ce problème dans nos mémoires et nous espérons que vous accepterez de les entendre en commission parlementaire.

La mise en oeuvre du projet. Étant donné l'existence simultanée de l'ancienne commission scolaire, d'une nouvelle commission scolaire, d'un ou de plusieurs comités de mise en oeuvre ayant de vastes pouvoirs, qui, pensez-vous, M. le Président, aurait juridiction pour déterminer les orientations à prendre?

Nous tenons à rappeler que la préoccupation majeure des membres de l'Association des cadres scolaires du Québec a toujours été et demeure la variété et la qualité des services éducatifs que les commissions scolaires doivent rendre accessibles à la population québécoise et ce, au meilleur coût possible.

Dans cette perspective, nous croyons que l'implantation de nouvelles structures provoquant des changements aussi radicaux que ceux préconisés dans le projet de loi risquerait d'occasionner des retards irrécupérables dans la mise en oeuvre d'autres politiques antérieurement mises de l'avant par le ministère de l'Éducation. (9 h 45)

En effet, pendant que les personnels des commissions scolaires seraient insécurisés par de nombreux changements, pendant qu'ils seraient soumis à des orientations multiples en provenance des comités de mise en oeuvre de l'ancienne et de la nouvelle commission scolaire, qui assurerait le soutien nécessaire à l'implantation des politiques récemment acceptées en vertu des nouveaux règlements, comme le régime pédagogique? Qui assurerait l'application des nouveaux programmes d'études?

Notre expérience dans le réseau nous amène à affirmer qu'une nécessaire autonomie doit être laissée à chaque milieu dans le choix de ses priorités. À cet effet, nous sommes d'avis que l'implantation d'un modèle unique, applicable dans toute la province en même temps, n'est pas réaliste. Nous partageons l'objectif du projet de loi visant à réduire le nombre de commissions scolaires. Nous pensons que, normalement, chaque commission scolaire devrait être responsable de rendre disponibles des services éducatifs pour les élèves de la maternelle, des classes du primaire, du secondaire et de l'éducation des adultes. Nous ne sommes toutefois pas convaincus qu'un découpage territorial décrété pourra répondre adéquatement aux vrais besoins de la population concernée.

En conclusion, M. le Président, nous voulons insister sur le fait que les cadres scolaires, parce qu'ils vivent de l'intérieur le système d'éducation, se considèrent parmi les plus aptes à porter un jugement sur les modifications à y apporter. À ce titre, ils demandent le retrait du projet de loi 40. Le projet veut répondre à de trop nombreux faux problèmes générés par une approche théorique, non conforme au vécu quotidien dans la gestion pédagogique et administrative d'une commission scolaire ou d'une école.

L'Association des cadres scolaires du Québec demande plutôt que le gouvernement du Québec respecte les gouvernements locaux que sont les commissions scolaires et ce, en continuité avec les principes énoncés par ce même gouvernement en regard de l'exercice de toute saine démocratie. À notre avis, le vrai respect d'un gouvernement local ne permet pas au gouvernement central de décréter unilatéralement par loi, règlements ou autres moyens, les droits et pouvoirs des écoles sans en convenir avec les commissions scolaires qui ont juridiction sur lesdites écoles.

En effet, l'Association des cadres scolaires du Québec considère que l'école est une entité administrative sous la responsabilité des commissions scolaires et qu'il appartient à celles-ci, en concertation avec les agents du milieu, d'identifier les pouvoirs et responsabilités qu'elles jugeront à propos de lui déléguer. L'Association des cadres scolaires du Québec est aussi d'avis que la commission scolaire, du fait même qu'elle est un gouvernement local, doit être véritablement responsable de la vie pédagogique d'un territoire donné. Dans ce sens, elle doit jouer un rôle fondamental dans la planification des services, leur coordination, leur soutien, l'évaluation des enseignements et des services spécialisés.

L'Association des cadres scolaires du Québec croit que l'école doit être responsable de la totalité de la gestion quotidienne des activités d'apprentissage, des services complémentaires et des services particuliers aux élèves.

Nous considérons toutefois utopique de croire qu'une école puisse s'évaluer seule comme si les autres parties du système n'existaient pas. Il est essentiel que l'ensemble puisse porter un jugement sur chacune de ses parties et développe, en conséquence, des plans de redressement.

M. le Président, s'il devait absolument y avoir un projet de loi, que ce projet de loi se borne à redéfinir le partage des responsabilités entre le gouvernement, le ministre de l'Éducation et les commissions

scolaires et qu'il laisse aux commissions scolaires, qui ont fait la preuve de leur efficacité, le soin de gérer véritablement les activités éducatives sur leur territoire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giard. Avant que nous ne procédions à l'échange entre les membres de la commission et vous-mêmes, je vais donc, comme le prévoit le règlement, identifier les gens de cette commission qui sont: M. Brouillet (Chauveau), M. Champagne (Mille-Iles), M. Cusano (Viau), M. Paré (Shefford), Mme Dougherty (Jacques-Cartier), M. Hains (Saint-Henri), M. Laurin (Bourget), M. Leduc (Fabre), M. Lachance (Bellechasse), M. Payne (Vachon), M. Ryan (Argenteuil), les intervenants étant: M. Bisaillon (Sainte-Marie), M. Charbonneau (Verchères), M. Maltais (Saguenay), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Gauthier (Roberval), Mme Harel (Maisonneuve), Mme Lavoie-Roux (L'Acadie), M. Rochefort (Gouin) et M. Sirros (Laurier).

M. le ministre, vous avez la parole.

M. Laurin: M. le Président, je veux d'abord remercier très sincèrement l'Association des cadres scolaires du Québec de son intéressant mémoire. J'ai eu le plaisir de rencontrer à plusieurs reprises les dirigeants de cette association sur le plan national et j'ai eu aussi le plaisir de rencontrer des représentants régionaux de plusieurs régions, à plusieurs reprises et les échanges que nous avons eus ont toujours été très intéressants et constructifs.

M. Giard a fait allusion à des rencontres récentes que nous avons eues et à une décision que nous avions prise en commun de réunir à nouveau les partenaires pour étudier d'une façon plus précise cette répartition des pouvoirs entre les divers paliers du système éducatif. Je l'ai entendu dire ce matin en préface à son mémoire qu'il regrettait que ces rencontres n'aient pas donné tous les résultats attendus. Je le regrette moi aussi, mais je ne crois pas que nous soyons au bout de nos efforts et je pense qu'il faudra les continuer, pour deux raisons, d'abord parce que je crois qu'il persiste encore, soit des malentendus à dissiper sur la répartition des pouvoirs entre le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires d'une part; d'autre part, parce que les discussions peuvent sûrement être modifiées à partir du moment où, lorsque nous discutons des relations entre commission scolaire et école, nous admettons la pertinence d'un troisième palier de responsabilité et de pouvoir, c'est-à-dire l'école. Je m'explique.

En ce qui concerne le premier point, il faudrait savoir si l'Association des cadres scolaires trouve que dans le projet de loi 40, le ministère s'arroge plus de pouvoirs discrétionnaires, réglementaires, que ceux qu'il possède actuellement et il faudrait alors en faire la preuve, car pour ma part je suis convaincu que déjà nous nous délestons de certains pouvoirs. Deuxièmement, nous transformons des contrôles a priori en contrôles a posteriori. Troisièmement, nous transformons les pouvoirs personnels du ministre, discrétionnaires, donc, par des règlements généraux qui permettront aux commissions scolaires de les appliquer sans référence au ministère, faisant par le fait même disparaître un grand nombre de transactions, de directives qui sont actuellement, chacun le sait, très nombreuses et trop nombreuses.

Ce qu'il faut savoir, c'est si, à l'occasion de la discussion de la loi 40, l'Association des cadres scolaires veut s'en prendre davantage aux pouvoirs actuels du ministère et, à l'instar des commissions scolaires, demander une décentralisation encore plus massive des pouvoirs du ministère auprès des commissions scolaires. Je pense qu'il faut bien s'entendre là-dessus. Est-ce que les critiques portent sur la situation actuelle ou sur la loi 40 qui déleste, allège, mais pas suffisamment au goût de l'Association des cadres scolaires. Sur le deuxième point, il faudrait peut-être ne pas s'entendre, si j'en juge d'après le mémoire de ce matin, mais au moins reconnaître qu'une partie de nos différends, de nos divergences vient du fait que d'un côté le gouvernement veut reconnaître une existence au troisième palier important de responsabilité que nous considérons se situer à l'école, particulièrement sur le plan pédagogique, et, en conséquence, attribuer à ce troisième palier certaines des responsabilités qui sont actuellement exercées par les commissions scolaires.

À partir du moment où on s'entend que c'est là la source du différend, il faudrait d'abord régler ce différend avant que nous puissions nous entendre sur le transfert de responsabilités qui en est la conséquence. C'est la raison pour laquelle je continue de penser que nos discussions, non seulement avec l'Association des cadres scolaires, mais avec certains autres partenaires, devront se continuer à la lumière des éclaircissements qu'aura apportés cette commission, à la lumière des décisions qu'il nous faudra prendre à la suite de cette commission parlementaire.

Je constate quand même avec plaisir que l'Association des cadres scolaires se dit d'accord avec des changements extrêmement importants qu'entend apporter le projet de loi, par exemple au sujet de l'intégration de l'enseignement primaire et secondaire, ce qui amènerait une réduction marquée du nombre de commissions scolaires. L'Association des cadres scolaires se dit également d'accord avec la division des commissions scolaires sur une base linguistique plutôt que

confessionnelle qui est un autre changement majeur. Et l'Association des cadres scolaires se dit enfin d'accord sur les nouveaux aménagements de la confessionnalité qui correspondent davantage à l'évolution de la société québécoise. Ce sont là des changements extrêmement importants et je me réjouis, encore une fois, que l'accord sur ces divers points semble de plus en plus général.

Là où l'Association des cadres scolaires est moins d'accord, c'est sur les conditions de travail des cadres et, deuxièmement, sur l'existence ou la pertinence de ce troisième palier de responsabilité officialisé que constitueraient les écoles.

En ce qui concerne le premier point, les conditions de travail, j'ai bien noté qu'à la suite des rencontres que nous avons eues avec l'Association des cadres scolaires du Québec, les cadres s'inquiètent moins des modalités de transfert et d'intégration des personnels. Je pense que la tendance optimiste dont vous faisiez état s'avère plus juste que la tendance pessimiste. Et, d'ailleurs, vous étiez sûrement là hier quand j'ai dit à vos homologues de la région de Montréal que nous entendions procéder à ces modalités de transfert et d'intégration dans le respect le plus strict des droits acquis et de l'équité.

Cependant, une question demeure. C'est celle de ce règlement de la politique administrative et salariale. On présente souvent l'existence du règlement actuel déterminé par le gouvernement comme une preuve de la centralisation indue du ministère de l'Éducation. La fédération des commissions scolaires, hier, nous a même demandé de nous départir de cette responsabilité à son profit, c'est-à-dire qu'elle voudrait l'assumer. C'est d'ailleurs le cas actuellement en ce qui concerne les enseignants qui oeuvrent à l'intérieur du réseau protestant, puisque nous savons qu'à l'heure actuelle, ce n'est pas le gouvernement qui détermine les conditions de travail du personnel non syndiqué dans le secteur protestant, c'est l'Association des commissions scolaires protestantes. Pour le secteur francophone, jusqu'ici, c'est le gouvernement qui a assumé cette responsabilité. Est-ce que je dois comprendre, M. Giard, que, dans cette manifestation de la volonté de décentralisation du ministère de l'Éducation vers la commission scolaire, vous souhaiteriez, en tant qu'association, que le gouvernement remette à la fédération des commissions scolaires, désormais, la responsabilité de déterminer le règlement fixant les conditions de travail de l'Association des cadres qui travaillent à son service?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Si vous me le permettez, M. le Président, comme dans l'intervention de M. le ministre, j'ai perçu quelques questions, je vais en faire d'abord une analyse. Ensuite, je demanderai à des personnes de répondre, d'une façon plus spécifique, aux questions telles que posées.

Dans un premier temps, à la question que posait le ministre à savoir si nos critiques portent sur le projet de loi 40 ou sur la situation actuelle, je voudrais rappeler que nous appelons plutôt cela des observations et qu'elles portent effectivement sur le projet de loi actuel et non pas sur la situation. (10 heures)

D'autre part, à propos de la décentralisation, des pouvoirs accrus du ministère, j'ai un commentaire à faire et, ensuite, je demanderai à M. Lapierre de répondre selon votre demande.

Je ferai également un commentaire sur le palier de gestion. Au niveau des conditions de travail, je demanderai à M. Hudon de le faire. Quant au quatrième point, au niveau des accords, j'aurai également un commentaire.

Je commence par le premier élément. Je voudrais rappeler au ministre de l'Éducation que ce n'est pas nous qui avons fait des annonces de décentralisation dans l'ensemble des déclarations ministérielles parce qu'il n'est pas de notre pouvoir de le faire, bien qu'il soit tout à fait de notre intention que ces déclarations s'appliquent un jour, nous n'avons pas fait les déclarations de décentralisation à l'intérieur du réseau de l'éducation. Nous trouvons un peu lourd qu'on nous demande de faire la preuve que la décentralisation n'est pas faite. Ce sont ceux qui ont fait les déclarations de décentralisation dans le réseau scolaire qui devraient faire la preuve qu'effectivement, dans le projet, il y a décentralisation.

Les seules observations qu'on peut faire comme personnes extérieures qui ne peuvent intervenir directement dans ce processus, c'est de dire que lorsqu'un projet de loi présente un modèle unique pour l'ensemble des écoles du Québec - alors qu'on sait que les écoles sont toutes différentes les unes des autres - qui présente un modèle qui doit s'appliquer de la même façon dans le temps à tous les endroits dans la province, on peut penser que l'intention de décentralisation là-dessus n'est sûrement pas très forte. C'est la raison pour laquelle on revient continuellement pour dire: Comment peut-on, dans une logique cohérente, décentraliser alors que les écrits mêmes sont de nature très centralisatrice, en partant d'un modèle unique applicable à tout le monde en même temps et partout.

Sur ce, je vais respecter la question que vous nous posez et je vais demander à M. Lapierre de nous dire comment, à la

lecture des articles, on n'a pu faire la preuve que vous décentralisez.

Le Président (M. Blouin): M. Lapierre.

M. Lapierre (J.-Édouard): M. le Président, M. le ministre dit: Est-ce que nous décentralisons suffisamment? Il est certain que, quelle que soit la partie qui discute de décentralisation, elle cherche toujours à en obtenir davantage par ses interventions. C'est la lutte du pouvoir, c'est la lutte pour la vie. Chaque organisme qui se croit mandaté désire avoir les responsabilités de ses mandats.

À l'intérieur du projet de loi, quand on le compare attentivement à la Loi sur l'instruction publique, nous devons, en toute honnêteté et en toute objectivité, constater et concéder qu'il y a un effort louable de décentralisation. Ce serait de l'hérésie que de soutenir d'une façon impérative le contraire. Il y a un effort très louable. À maints endroits, en lisant la Loi sur l'instruction publique, on voit que le ministère de l'Éducation s'est départi, comme le disait M. le ministre tout à l'heure, de pouvoirs discrétionnaires.

Cependant, quand on regarde le projet de loi 40, malentendu ou mauvaise interprétation, nous y retrouvons certaines coquilles. J'en prends comme exemple, en y allant un peu dans l'ordre des articles, le 245, qui a déjà été mentionné par d'autres organismes, où on parle du mandat du vérificateur défini d'une façon générale et particulière. Ce "particulier" intrigue, surtout quand on considère qu'au chapitre VIII, il y a encore une autre possibilité, c'est celle de nommer une personne pour enquêter sur les activités de la commission scolaire et que ce chapitre VIII dans son article 328, si ma mémoire est bonne, permet au ministre d'utiliser la tutelle. On ne le conteste pas, on se réfère tout simplement au mandat d'une façon particulière du vérificateur.

À un autre endroit, c'est-à-dire 246, le ministre est en droit d'obtenir directement de la commission scolaire des informations quant aux opérations financières. Cependant, il nous semble assez intriguant de voir que le ministre peut demander également à la commission scolaire de faire fournir par l'institution bancaire les renseignements concernant les opérations financières.

À l'article 298, alors que c'est un pouvoir que détenait déjà le gouvernement ou le ministre, on dit que ce dernier peut réviser les résultats d'un élève. Il peut pondérer les résultats aux épreuves de l'école. Il va sans dire que ces fonctions doivent répondre à des critères très clairement définis. Toutefois, il nous semble que l'exercice de cette fonction pourrait se faire à un autre niveau, d'autant plus qu'il est permis à l'étudiant ou aux parents d'avoir recours au Protecteur du citoyen.

À l'article 300, lorsqu'on parle de règles d'attribution des ressources financières, ou le texte est mal défini ou il est mal compris, mais lorsqu'on parle de la gestion financière des commissions scolaires et des écoles, c'est aller jusqu'à la définition même des opérations en matière de budget. À l'article 301, peut-être, encore là, est-ce un manque de clarté, mais on parle, dans les allocations de ressources, de conditions particulières et on parle de normes générales ou particulières, alors qu'on sait très bien que ce gouvernement s'est arrêté tout particulièrement à établir des normes assez fixes en matière de distribution équitable des revenus de la province.

À l'article 302, on dit que le ministre peut déterminer les cas ou conditions pour donner des subventions non prévues. Encore là, il me semble que cela échappe à la règle générale de la distribution des subventions statutaires. Également, à l'article 305, on détermine des conditions d'indemnisation à une commission scolaire dont les biens sont endommagés. Il me semble que cela devrait plutôt répondre à un principe général. À l'article 306, il y a un terme nouveau. C'est qu'en matière de distribution, le ministre peut retenir ou diminuer une subvention, sauf celle du transport, mais, par ailleurs, le ministre du Transport peut retenir ou diminuer une subvention.

À l'article 309, dans un sous paragraphe, on parle de conditions d'admission d'un élève n'étant pas sous la juridiction de la commission scolaire. À ce moment, le ministre peut déterminer les frais de scolarité et les modalités de paiement. Est-ce que le milieu ne pourrait pas, à partir des montants non sujets aux subventions, établir les frais de scolarité et établir les modalités de paiement? Aux 6 et 7° alinéas, je lis: "Établir les allocations des membres du conseil d'administration du comité exécutif et du remboursement des dépenses de ses membres et le remboursement des membres des comités d'école et des divers autres comités." Est-ce qu'à partir de normes établies, le milieu ne pourrait pas déterminer ces modalités de paiement ou de remboursement?

M. Laurin: Un amendement que j'ai déposé arrivera justement à ce résultat.

M. Lapierre: C'est vrai, je m'excuse, M. le ministre. Je m'excuse, il m'a échappé celui-là.

À l'article 327 - d'ailleurs j'y ai fait allusion tout à l'heure - à l'effet de nommer une personne pour enquêter sur les activités de la commission scolaire, ce qui revient à l'autre article précédent, c'est-à-dire l'article 245.

À l'article 341, à la commission de

mise en oeuvre, le ministre nomme le président. C'est peut-être un peu chercher noise, mais il me semble que, les personnes étant nommées selon une procédure déterminée par cet article, le milieu pourrait nommer la présidence.

Enfin - c'est le dernier, je ne veux pas m'attarder - à l'article 352, on parle de déterminer les normes d'inventaire sur les actifs et les passifs des commissions scolaires et des transferts, en cas de nouvelles commissions scolaires. Encore là, on aimerait peut-être une générosité plus ouverte à savoir qu'en faisant confiance au milieu, le milieu pourrait élaborer des normes ou des modalités de transfert des actifs dans ces cas, tout au moins les discuter à partir de principes établis. Voilà, M. le Président, en vous remerciant.

Le Président (M. Blouin): Merci. Cela va?

M. Giard: À la question suivante, on parlait plus particulièrement du troisième palier de gestion. Si vous me le permettez, M. le Président, je voudrais tout simplement faire un rappel d'une chose que tout le monde connaît mais qu'on semble oublier à l'occasion. Une commission scolaire n'est pas une entité accrochée quelque part en l'air et à laquelle personne ne peut se référer. Une commission scolaire, c'est un lieu de réunion d'un ensemble d'écoles sur un territoire donné. S'il n'y avait pas d'école, il n'y aurait pas de commission scolaire. Alors, quand on parle de paliers de gestion, si on en donne un aux écoles, cela veut dire, à toutes fins utiles, que ce n'est pas la peine de donner de palier de gestion à une commission scolaire, parce que la commission scolaire est constituée de l'ensemble de ces écoles.

Dans cette perspective, nous disons: Deux paliers de gestion, cela nous apparaît normal et fonctionnel. Cela nous apparaît de nature à permettre aux écoles d'interagir les unes avec les autres et de former ensemble ce qui s'appelle la commission scolaire. Dans ce cadre, nous pensons qu'il est normal que l'école, comme entité administrative autonome, doive assumer un certain nombre de responsabilités. Là-dessus, je ne voudrais pas me répéter. Je vous réfère à la page 18 de notre mémoire. C'est très global, cela resterait à définir, mais on croit que l'école doit être responsable de la totalité de la gestion quotidienne des activités d'apprentissage, des services complémentaires et des services particuliers aux élèves.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Giard: Quant à la troisième question sur les conditions d'emploi, je voudrais tout simplement dire que M. le ministre a raison. Nous avons voulu dire dans notre mémoire que, depuis récemment, nous avons eu des échanges fructueux avec les agents du ministère. Nous considérons qu'avant d'aller vers des études, à savoir que ce serait à tel niveau, ou tel autre, où ces conditions devraient se régler, nous voulons poursuivre ces études.

Je vais demander à M. Denis Hudon de vous faire part de l'approche que nous avons l'intention d'avoir par rapport à ce dossier.

Le Président (M. Blouin): Alors, succinctement, M. Hudon.

M. Hudon (Denis): M. le Président, en 1976, l'Association des cadres avait déposé une requête au gouvernement afin d'établir des nouveaux modes de régime de relations du travail pour les cadres, ce qu'on appelait un régime formel, entier et particulier de relations du travail qui aurait fait l'objet d'une loi. Alors, pendant l'étude de ces dispositions de notre requête, c'est en 1977 qu'il a été convenu par trois parties: l'Association des cadres, l'Association des directeurs généraux et la fédération des commissions scolaires, d'avoir un régime de relations du travail transitoire sous la forme d'un règlement du gouvernement du Québec. En 1979, nous avions entrepris des discussions avec les tables de consultation, afin d'établir un certain nombre de sujets qui auraient pu faire l'objet d'une décentralisation plus poussée au niveau provincial et de sujets qui auraient fait l'objet d'ententes au niveau de chacune des commissions scolaires. Il y a déjà, d'ailleurs, une partie des conditions de travail, celles qui touchent plus immédiatement la gestion des personnels de cadre, qui fait l'objet d'une politique de gestion des commissions scolaires et de consultation au niveau local.

Alors, je pense qu'il y aurait probablement lieu de s'interroger de nouveau sur toute la pertinence d'avoir des conditions de travail aussi réglementées et aussi complètes au niveau provincial et laisser plus de latitude au niveau local. Alors, on serait prêt à entreprendre des discussions là-dessus avec tous les partenaires, la fédération et le ministère. Cependant, entre-temps, tant qu'on ne se sera pas entendus sur les nouvelles modalités, le partage des sujets ou les modalités de fonctionnement des nouvelles conditions de travail et de leur application, il serait pertinent de maintenir encore pour un bout de temps la réglementation des conditions de travail des cadres.

Le Président (M. Blouin): Merci, monsieur.

M. Laurin: M. le Président, j'ai un commentaire. Je suis heureux d'apprendre ces éclaircissements, mais je voudrais rappeler que si le gouvernement, en ce qui concerne

les employés de la fédération des commissions scolaires catholiques, a gardé la responsabilité du règlement, c'est à la demande même de l'Association des directeurs généraux et de l'Association des cadres scolaires. Nous n'avons aucune objection à envisager un changement dans le sens d'un transfert de responsabilités à la fédération des commissions scolaires à cet égard. De plus, en ce qui concerne les articles qu'a soulevés M. Lapierre, il y en a qui ne font que reconduire les pouvoirs actuels en les aménageant cependant d'une façon plus souple. Par exemple, le vérificateur, le ministère ne garderait que la responsabilité de déterminer les champs de vérification alors qu'il reviendrait aux commissions scolaires de déterminer les conditions particulières auxquelles il voudrait soumettre la vérification. (10 h 15)

Sur d'autres points qui touchent la gestion financière, il ne s'agit que d'ajuster la loi aux changements importants survenus dans le système d'allocation des ressources en 1980 à la suite des déclarations du ministre de l'Éducation d'alors et du ministre des Finances pour prévenir des déficits d'une ampleur aussi grande que ceux qu'on avait manifestés. Il est possible que dans cette formulation qui veut recouvrir les méthodes actuelles d'allocation des ressources il y ait encore des ambiguïtés. Je suis bien prêt à les regarder. D'ailleurs je l'ai déjà fait et je peux vous dire que dès mardi je serai en mesure de déposer un document qui visera à éliminer toutes les ambiguïtés qui peuvent subsister dans la formulation de ces articles et que vous avez relevées vous-mêmes, ce qui est encore une fois une preuve qu'on veut que les articles de la loi recouvrent exactement la réalité.

J'aurais d'autres questions à poser sur le deuxième volet auquel je faisais allusion tout à l'heure: l'existence du troisième palier. Je constate que votre opinion est différente de celle des cadres scolaires de l'île de Montréal qui, hier, nous ont dit que - ils nous ont fait un grand plaidoyer pour l'école responsable et communautaire - ils étaient prêts à envisager qu'on leur transfère un très grand nombre de responsabilités importantes sur le plan de la pédagogie. Je vois que vous n'êtes pas prêts à aller aussi loin que vos collègues de l'île de Montréal mais je voudrais vous dire que je trouve votre conception du projet éducatif un peu restrictive en ce sens que vous la réduisez à une concertation des agents éducatifs du milieu de l'école. Ceci est le moyen qui peut être envisagé pour la réalisation du projet éducatif mais il ne décrit en aucune façon un projet éducatif qui, au contraire, est la détermination par les agents en concertation, des besoins de l'école, des priorités de l'école devant conduire à l'établissement d'un plan d'action où chacun des intervenants aurait son rôle à jouer. Je trouve que c'est une conception réductrice et simplificatrice du projet éducatif que celle que vous nous présentez ce matin.

Dans votre mémoire, à la page 5, vous dites qu'il faut quand même laisser une marge de manoeuvre importante à l'école, qu'il faut en particulier lui reconnaître des responsabilités pédagogiques. Si vous dites que le but principal de l'école est l'éducation des jeunes, en quoi les responsabilités pédagogiques reconnues à l'école par le projet de loi 40 peuvent-elles distraire celle-ci de sa mission première?

Puisque vous dites vous-mêmes qu'il tombe sous le sens commun que c'est à l'école que se passe l'action, n'y aurait-il pas lieu alors d'en faire le premier lieu de responsabilité pédagogique, éducative plutôt qu'une simple entité administrative?

Le Président (M. Blouin): Rapidement, M. Giard, s'il vous plaît.

M. Giard: Je pense que M. le ministre est très juste dans son observation. Je relisais la définition de la page 39 du livre blanc sur le projet éducatif et je dois dire que si nous n'avons pas cité la définition ce n'est pas parce que nous ne la partageons pas. Le discours que vous avez prononcé à l'école Saint-Exupéry en décembre 1982, dans le texte "L'enseignant et l'enseignante, des professionnels" et les définitions qu'il y a à l'intérieur du livre blanc, nous sommes tout à fait d'accord pour dire que cela constitue en gros des éléments propres à permettre à chaque école, chaque conseil d'école de se doter d'un projet éducatif qui soit raisonnable, valable et bien articulé.

Comme base de travail, nous sommes tout à fait d'accord pour accepter les documents et déclarations ministériels.

Quant à la deuxième partie de votre question, en quoi le fait que le régime pédagogique s'applique à l'école puisse distraire l'école de sa vocation première, je vais demander à M. Vincent Tanguay de vous donner un certain nombre d'observations.

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay.

M. Tanguay (Vincent): M. le Président, j'aimerais prendre quelques minutes pour rappeler le régime pédagogique. Il me semble qu'il y a beaucoup de confusion qui naît à partir du contenu même du régime pédagogique. On dit que l'école doit être responsable de l'application du régime pédagogique et j'ai l'impression que, même là, l'école ne peut pas elle-même ou elle seule prendre la responsabilité totale de l'application du régime pédagogique. C'est pour cela que j'aimerais faire référence aux principales dispositions du régime pédagogique

et à tout ce qu'il comporte.

Tout d'abord, le régime pédagogique définit les objectifs du primaire et du secondaire. Lorsque le régime pédagogique a été présenté, c'était la première fois, à la suite du livre vert et du livre orange, que le ministre de l'Éducation et le gouvernement définissaient quels étaient les objectifs visés aux niveaux primaire et secondaire. On parle de qualité de langue d'enseignement; on parle de programme d'études, de manuels scolaires, de matériel didactique, d'évaluation des élèves, de renseignements aux parents, de consignation des résultats scolaires jusqu'à ce que les adultes aient 75 ans, des services personnels, des services complémentaires et des services particuliers aux élèves.

Je vais m'arrêter aux services personnels aux élèves pour commencer. D'abord, tout le monde sait que les services personnels sont des services... On parle de services de pastorale, on parle de services d'orientation, de psychologie, d'orthopédagogie, d'orthophonie. On parle aussi de services sociaux, de services de santé qui nécessitent des ententes particulières avec les centres de services sociaux, avec les centres locaux de services communautaires et avec les départements de santé communautaire et d'autres organismes similaires. Les services rendus par le personnel appartenant à ces organismes doivent correspondre aux priorités de ces organismes. Du côté scolaire, il doit y avoir de la cohérence dans les attentes d'une école à l'autre, de sorte que, lorsqu'une école, au niveau des services personnels, est très grande et qu'elle peut avoir l'exclusivité des services d'un ou de deux conseillers d'orientation ou d'un psychologue, il n'y a aucun problème à ce qu'elle puisse gérer les services personnels dans l'école. Mais, à partir du moment - c'est le cas d'environ 2000 écoles au Québec - où une école a moins de 500 élèves, qu'elle ne peut se payer le luxe - qu'elle n'aura d'ailleurs pas plus après l'adoption du projet de loi -d'avoir un conseiller d'orientation à temps plein, un psychologue à temps plein, un travailleur social à temps plein. Il faut qu'elle s'entende avec les autres écoles pour déterminer le genre de services qui doivent s'y rendre et le moment où les gens doivent y aller.

On comprend bien qu'un conseiller d'orientation ne peut pas avoir des objectifs différents d'une école à l'autre. En changeant de milieu de travail deux ou trois fois par semaine, si on n'a pas de cohérence dans les priorités demandées à ces gens-là, ils vont être de vraies queues de veau dans l'école. On doit donc s'ajuster sur le genre de priorités pour une année scolaire. Il faut comprendre aussi que si c'étaient strictement les directeurs d'école qui avaient à s'entendre là-dessus, ils y passeraient leur année. Ce n'est pas parce qu'ils ne s'entendent pas entre eux, mais ils prendraient beaucoup de temps à l'extérieur de l'école pour déterminer les modalités de gestion et de partage de ce personnel.

Au niveau des services complémentaires, il me semble très clair que c'est ici que prend naissance le projet éducatif. Les services complémentaires sont tout ce qui s'appelle l'encadrement des élèves, les modalités d'encadrement des élèves, les politiques d'encadrement des élèves, les règlements d'élèves dans l'école, tout ce qui s'appelle la surveillance des élèves à l'intérieur, à l'extérieur, dans les temps d'arrêt entre les cours, après les cours et les services d'activités culturelles, d'activités sportives et autres activités aux élèves. Il me semble que c'est à partir de ces services-là - les services complémentaires aux élèves - qu'on donne une couleur locale et qu'on donne vraiment une couleur à une école. Ces services doivent être - et c'est le cas dans la plupart des écoles - la responsabilité exclusive de l'école.

Le Président (M. Blouin): Succinctement, s'il vous plaît, maintenant.

M. Tanguay: Je le fais succinctement, M. le Président. Je vais parler de l'enseignement. Si on parle de l'enseignement proprement dit, l'enseignement concerne les programmes. Les programmes d'enseignement sont prescriptifs dans la majeure partie des cas. Il n'y a qu'une partie des programmes qui sont déterminés et acceptés par le ministre où les contenus notionnels sont indicatifs, de sorte que ce serait la partie qui reste à l'école. Les parties qui sont prescriptives, ce n'est pas à l'école que cela revient. Lorsqu'on regarde le temps d'enseignement, le temps prescrit pour chacune des disciplines d'enseignement au primaire et au secondaire, lorsqu'on l'additionne dans le nouveau projet de règlement même du ministre sur le régime pédagogique, il n'y a qu'au premier cycle du primaire qu'il y a 1380 minutes de définies. Ailleurs, les 1500 minutes sont définies par le règlement du régime pédagogique de sorte que ce n'est pas la commission scolaire qui est responsable de ce fait. On ne dit pas que ce n'est pas bien. On dit que les 1500 minutes d'enseignement sont déterminées dans le régime pédagogique et il n'y a que des profils au deuxième cycle du secondaire pour dire: II y a un profil de sciences humaines ou de sciences pures qui peut être sous l'autorité de l'école. Je pense que c'est normal que l'école puisse définir aussi quel genre de profil elle veut donner à ses options au deuxième cycle du secondaire, mais encore là, cela ne peut pas être strictement l'école qui a l'autorité pour

déterminer les programmes, la répartition du temps de programme et la répartition du temps d'enseignement dans chacune des disciplines. Je pourrais m'arrêter là, mais revenir pour d'autres questions.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Tanguay. Cela va, M. le ministre?

M. Laurin: Cela va.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de saluer l'Association des cadres scolaires du Québec avec nous non seulement ce matin, mais depuis le début des audiences de la commission. Nous avons eu l'occasion de côtoyer nos représentants à plusieurs reprises et de noter le vif intérêt avec lequel ils suivent les travaux de la commission. Je reviendrai tantôt sur ce qui vient d'être dit, qui m'a paru particulièrement intéressant pour l'objet de nos débats, mais en vous écoutant ce matin, je me rendais compte peut-être encore plus clairement du dilemme dans lequel le gouvernement place le législateur. Ou la réforme ne sera qu'une espèce de vernis pour donner au gouvernement l'impression que tout cet exercice qu'on fait depuis un an aura servi à quelque chose - et à ce moment-là, cela ne changera pas grand-chose dans la réalité - ou la réforme apportera des changements profonds et à ce moment-là, les changements seront imposés sans qu'existe le consensus nécessaire. C'est le paradoxe, c'est le dilemme dans lequel se place le gouvernement. Nous avons entendu, depuis le début de la journée d'hier, toutes sortes de points de vue. Si on fait le tour des agents qui sont engagés dans l'éducation, on constate qu'il y a l'élève, évidemment, il y a l'enseignant, il y a l'administrateur scolaire professionnel, il y a l'administrateur scolaire élu, il y a les parents et il y a les directeurs d'école. Dans ces six catégories, je pense que nous savons déjà à ce stade de nos débats, étant donné l'importance des points de vue qui nous ont été donnés depuis hier, qu'il va manquer des catégories très importantes. Ce que l'Association des directeurs généraux nous a dit hier soir, c'était concis, mais clair et vigoureux. On a dit au gouvernement: Attachez-vous à certains aspects qui peuvent faire l'objet d'un consensus actuellement, d'un effort commun et d'une véritable concertation, par conséquent, et le reste qui ne donne pas lieu à un consensus, attendez un peu. Attendez que les circonstances aient évolué, que l'opinion ait mûri davantage. On nous dit exactement la même chose ce matin. Je ne pense pas que ces deux mémoires aient été préparés en collusion. D'ailleurs, les explications que chaque groupe a données démontrent qu'on a fait une étude différente du projet de loi. C'est un problème, j'allais dire pour le gouvernement, mais aussi pour nous, comme législateurs.

Dans les arguments qu'on nous a présentés ce matin, il y a en a un qui m'a vivement remué. C'est celui où l'Association des cadres souligne la contradiction fondamentale qui caractérise la politique du gouvernement. D'un côté, on inscrit le projet à l'enseigne de la décentralisation et de l'autre côté, on commet un accroc majeur par la nature même du projet, parce que tout de suite, on a une structure intermédiaire qui s'appelle la commission scolaire qui est un organisme démocratiquement élu. Par-dessus la tête de la commission scolaire, on lui dit: Voici comment vous allez organiser votre affaire. C'est un peu comme si on allait dire aux municipalités: Voici comment vous allez organiser vos services dans vos quartiers respectifs. On va vous le dire, nous autres, vous ne le savez pas. Vous avez été élus par le peuple, mais vous ne savez pas ce que vous avez à faire. On va vous montrer cela. On va vous faire un dessin. (10 h 30)

On va jusque là. C'est vraiment une violation du principe même de la responsabilité d'un gouvernement local que ce type de loi qu'on veut imposer. Cela va plus loin. Quand cela va jusqu'à l'uniformité du modèle, il y a toujours des petites modalités qu'on laisse, mais le modèle fondamental on veut l'imposer partout alors qu'il ne répond, de toute évidence, à aucune espèce de consensus sérieusement établi. J'entendais le ministre tantôt vous dire: vous autres, vous avez ce point de vue-ci. L'Association des cadres scolaires de la commission des écoles catholiques de Montréal nous a donné un autre point de vue hier. Il faudrait nuancer. Je pense que le point de vue qui a été donné hier est assez proche du vôtre finalement. J'avais dit au ministre hier, mais il ne m'écoute pas toujours: si vous voulez invoquer l'Association des cadres scolaires, je vous préviens, prenez son témoignage au complet; ne prenez pas seulement le volet qui convient davantage à votre thèse; prenez-le dans l'ensemble, et vous allez vous apercevoir que c'est autant une mise en garde qu'un aval.

Ce matin, c'est plus direct. On peut moins facilement faire cela, mais je ne crois pas qu'il y ait de contradiction fondamentale entre les deux témoignages qui ont été donnés. Même à supposer qu'il y en eut un, cela montrerait justement l'absence de consensus d'une manière encore plus claire, je pense. C'est un premier point que je voulais souligner nettement. Ce n'est pas la première fois qu'on le fait. Je crois que nous allons être appelés à le souligner à maintes

reprises au cours des prochaines semaines. Nous autres, nous avons eu un avantage, en même temps un pensum pendant la période des fêtes. Nous devions nous préparer en vue des audiences de la commission. Il a fallu que nous lisions, comme parlementaires, cette montagne de mémoires qui nous avaient été remis et je pense bien que le ministre est au courant comme moi, parce qu'il a fait le même exercice, j'en suis sûr: Les associations qui parlent des problèmes d'éducation en véritable connaissance de cause, c'est-à-dire qui comprennent des personnes engagées dans l'éducation, une très forte majorité va parler et a déjà commencé à le faire avec des objections extrêmement sérieuses à l'encontre du projet de loi.

Ceci étant dit, je voudrais en revenir à un certain nombre de questions qui découlent de votre mémoire et que j'aimerais discuter avec vous. Dans une première, vous dites au début du mémoire que vous avez fait une étude plus analytique du projet de loi, que vous auriez ajouté en annexe à votre mémoire. Je n'ai pas cette annexe. Est-ce que l'annexe a été distribuée à tout le monde? Je pense que nous ne l'avons pas eue, nous. Cette pièce-ci, je l'ai peut-être dans toute la collection que j'ai là-bas. Quand j'ai vu le numéro 20, je n'ai pas remarqué le "a" à côté. Très bien, je vous remercie.

Je voudrais en venir d'abord à vos conditions de travail parce que c'est un problème que nous avons commencé à aborder depuis hier. Je suis très heureux des précisions qu'a apportées M. Hudon tantôt. Je veux comprendre que des conditions particulières ont pu justifier à une certaine époque le genre de régime dans lequel on est entré, ce genre de régime réglementaire, pour la définition de vos conditions de travail. Je me souviens, je relisais tantôt une partie du texte, pas tout parce que c'est une brique considérable comme vous le savez, mais cela confirmait ce que j'avais suggéré hier soir: qu'on a sans doute adopté ce règlement en s'inspirant de l'article 16 de la Loi sur l'instruction publique. C'est écrit au début en toutes lettres.

Vous vous souvenez sans doute, vous autres, que le gouvernement n'était pas sûr de son affaire avec cela. Il a dit: On va aller plus loin. Il a fait adopter un amendement à la Loi sur l'instruction publique, il y a un an ou deux. Je ne me souviens pas de la date exacte. Je la fais chercher. On lui a donné explicitement un pouvoir encore plus net de ce côté. On m'avait donné comme explication qu'on se disait: Si jamais il y a des contestations judiciaires, on veut être bien sûr qu'on agit dans notre droit. Là le gouvernement va plus loin. Il met dans la loi d'une manière encore plus explicite l'article 309.2 que vous avez cité tantôt; je pense que c'est M. Lapierre.

C'est un exemple du point jusqu'où on est prêt à aller. J'étais content d'entendre le ministre dire qu'il n'y tient pas. Il y en a beaucoup d'affaires auxquelles il n'a pas l'air de tenir quand on discute avec lui dans le projet de loi. J'espère qu'il va tous les enlever ces articles sur lesquels il se dit prêt à faire montre de souplesse. J'espère que vous autres, de votre côté, vous êtes prêts à affirmer que vous n'avez pas crainte de négocier vos conditions de travail avec vos employeurs réguliers qui sont les commissions scolaires, abstraction faite, je dirais, des conditions salariales qui doivent faire l'objet, à mon point de vue, d'une politique commune pour l'ensemble du Québec. Vu que les fonds qui servent à financer les salaires du personnel des commissions scolaires viennent du trésor public, je pense qu'il serait inadmissible, on le comprend tous, qu'il y ait certaines normes de rémunération dans un secteur et d'autres dans l'autre et qu'il n'y ait point un minimum d'harmonisation de tout cela. C'est la question que je vous pose. Est-ce que vous seriez prêt à aller jusqu'à demander que l'article 309.2 ne figure pas dans le projet de loi? Je comprends très bien que vous ayez besoin d'une période de transition. Je n'ai pas d'objection à cela du tout. Mais, je vais poser ma question autrement: Est-ce que vous insisteriez pour que cet article demeure dans le projet de loi?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Pour répondre au député d'Argenteuil, en ce qui a trait aux conditions d'emploi pour les cadres et le personnel de gérance des commissions scolaires et, je dirais, les cadres des écoles également, c'est une longue histoire qui s'est faite par toutes sortes de dents de scie, quelquefois plus ou moins prononcées. Il faut dire que la démarche a commencé vraiment avec une restructuration des commissions scolaires, en 1972, avec "La politique administrative et salariale", document préparé par M. Jean Lessard dont vous vous souvenez probablement qui, finalement, avait mis ensemble quelles étaient les réalités dans l'ensemble des commissions scolaires et avait fait une espèce de consensus au niveau des emplois mêmes. Ceci a évolué jusqu'à temps qu'on puisse avoir, en 1977, une reconnaissance formelle de ces conditions dans un arrêté en conseil. Ce que nous avons dit tout à l'heure et ce que nous répétons, c'est qu'il nous apparaît important d'avoir, d'une façon formelle, colligé quelque part des conditions minimales.

Nous étions satisfaits, comme mesure transitoire, d'avoir un arrêté en conseil. Aujourd'hui, à l'article 309.2, on nous dit qu'il pourrait y avoir une réglementation qui soit plutôt au niveau du ministre. Dans un

premier temps, on a dit: C'est très surprenant. Mais après réflexion et après discussion avec les agents du ministère, on dit: C'est peut-être une étape d'évolution normale qui nous amènerait éventuellement à amender le règlement tel qu'il est, parce que nous avons déjà une provision à l'intérieur du règlement qui s'appelle la politique de gestion qui est déjà décidée au niveau des commissions scolaires. Alors, peut-être qu'il y a des étapes transitoires à franchir pour augmenter la partie réservée à la politique de gestion qui se règle au niveau de la commission, diminuant par là la partie réglementaire. Et nous sommes ouverts. Et, dans ce cadre-là, je suis tout à fait d'accord avec l'énoncé que nous faisait le ministre de l'Éducation il y a quelques instants à savoir que nous allions nous asseoir ensemble et examiner les hypothèses qui répondraient le plus adéquatement, en 1984, à l'élaboration des conditions d'emploi des cadres et des gérants des commissions scolaires.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Vous déplorez que, dans le projet de loi, il ne soit pas question des cadres scolaires au point de vue de la définition du rôle que vous êtes appelés à jouer. La même remarque s'applique en moins, même aux directeurs généraux qu'on se borne à mentionner dans le projet de loi, comme si c'était une obligation dont on s'était acquitté. Mais, s'il fallait se fier uniquement au projet de loi pour savoir ce que le directeur général est appelé à faire dans une commission scolaire, on n'aurait pas grand-chose et, à plus forte raison, dans votre cas. Je voudrais vous demander: Est-ce que vous avez envisagé des projets d'amendement qui permettraient de combler cette carence?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Je pense, M. Ryan, que vous touchez là le fondement même du projet de loi. Si nous demandons le retrait du projet de loi, c'est parce qu'il nous apparaît absolument impensable qu'on puisse faire un organisme qui n'a pas, à toutes fins utiles, de composantes. Et je définissais tout à l'heure la commission scolaire comme étant un regroupement d'un ensemble d'écoles pour desservir un territoire donné en termes de services éducatifs. La gestion même de cet organisme, si l'organisme est complètement vidé des pouvoirs qu'il avait et de la responsabilité qu'il avait sur l'ensemble de ses unités administratives, il est tout à fait normal pour nous qu'à l'intérieur d'un projet de loi, on n'ait pas trouvé de responsabilités à donner aux cadres, parce que cela n'existe plus. Il s'agit d'une étape à l'intérieur d'un cheminement. Je ne dis pas... Je n'ai pas à critiquer les volontés gouvernementales à savoir si c'est une étape nécessaire ou non, mais il est clair que, dans le projet de loi, comme ce l'était d'ailleurs dans le livre blanc, la loi 40 est une étape à l'intérieur d'un processus visant à éliminer complètement le palier intermédiaire qui s'appelle une commission scolaire. Compte tenu de cette étape, je comprendrais très mal qu'un législateur vienne introduire des fonctions de coordination à un palier intermédiaire, alors que la volonté semble être d'éliminer, à court ou à moyen terme, ce palier intermédiaire.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Une autre question en relation avec ce qu'avait commencé à dire M. Tanguay, tantôt. Celui-ci a dit des choses très intéressantes à propos du projet éducatif. Il y en a beaucoup qui se gargarisent de mots mais, à un moment donné, il faut bien savoir ce qu'il y a là-dessous. Il nous a donné des éléments de description qui sont extrêmement intéressants, qui vont bien au-delà des deux ou trois lignes qu'on trouvait dans votre mémoire, c'était à peine une mention. Ce que vous avez dit est très éclairant aussi.

Dans la même perspective - ce n'est pas parce que je veux vous inviter à redire ce qui a été dit, pas du tout - je voudrais vous poser une question. Dans le projet de loi, j'ai lu avec étonnement que l'application du régime pédagogique relèverait de l'école. Je voudrais vous demander ceci: Est-ce que, dans l'application et la mise en oeuvre du régime pédagogique, il y a une part, d'après vous, qui doit relever de la commission scolaire?

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay.

M. Tanguay: M. le Président et M. Ryan, effectivement, il y a des parts qui doivent relever de la commission scolaire. Parlons, par exemple, de l'évaluation des élèves. Il est très clair que le premier responsable de l'évaluation, c'est l'enseignant. Cela est indéniable. Quand on parle de la partie de l'évaluation qui revient à l'enseignant, il me semble que c'est la partie de l'évaluation formative, soit d'être capable, en cours de cheminement ou en cours d'apprentissage, de vérifier où en est rendu l'apprentissage de tel élève par rapport à tel autre et l'apprentissage de l'ensemble d'un groupe. Ce premier niveau d'évaluation, c'est l'enseignant qui en est le premier et le seul responsable de cela.

Le deuxième niveau d'évaluation, on l'appelle l'évaluation sommative. Quand on a fini un bon déroulement ou une étape de

trois mois, six mois, ou un an et qu'un groupe d'enseignants, ensemble, préparent un test, cela devient encore sous la responsabilité de l'école. L'école doit être responsable, avec l'enseignant, de l'évaluation sommative.

La dernière partie de l'évaluation sommative, c'est le jugement qu'on porte sur un élève pour savoir s'il est prêt à passer à un autre niveau, à une autre classe, de la deuxième à la troisième. C'est l'école qui est responsable de cela avec l'enseignant, en respectant les 60%, les critères de passage de la première à la deuxième, de la deuxième à la troisième.

Par contre, la partie de l'évaluation des apprentissages où on est capable de savoir comment se situe une école par rapport à un ensemble, cela devient de la responsabilité de la commission scolaire. Dans le projet qui nous est proposé actuellement, c'est à l'article 207, je crois. Cet article donne à la commission scolaire la seule responsabilité d'établir des plans d'évaluation pour les matières qui ne sont pas l'objet d'un examen uniforme du ministère et qui sont nécessaires à la sanction des études secondaires. Pour être très clair, la commission scolaire n'aura la responsabilité que de l'évaluation de l'enseignement religieux de quatrième et de cinquième, l'enseignement moral de quatrième et de cinquième et de l'éducation physique. Ce sont les seules matières qui ne sont pas l'objet d'un examen uniforme du ministère et qui sont nécessaires à la sanction des études.

Cela a-t-il de l'allure de remettre à une commission scolaire la responsabilité dans ces seules disciplines? Cela n'a pas de bon sens du toutl On ne s'occupe pas du français en première, deuxième ou troisième, pour savoir si cela va bien. On ne s'occupe même plus des sciences, parce que le ministère a délesté les examens de science, de chimie 442, cette année, de physique 552 qui sont des examens primordiaux pour l'accessibilité des élèves aux études collégiales. De sorte qu'à moyen terme il va se faire quoi? Ce sera le collège qui accréditera une école, qui dira: Les élèves qui nous sortent de telle école ont de l'allure ou ils n'ont pas d'allure. Cela va prendre deux générations d'élèves. Avant d'établir des plans de redressement d'une école, cela va prendre dix ans. Il faut que la commission scolaire puisse avoir la responsabilité de la mesure, pour mesurer à la fin d'une année, en français, première secondaire, en français deuxième, en français, troisième, en mathématiques de quatrième secondaire, en chimie-physique, si l'école performe bien et, si elle joue toute seule dans sa cour, elle n'est pas capable de savoir si elle est bonne. Mon équipe de hockey n'est pas bonne dans sa cour, elle est bonne quand elle se mesure avec une autre.

Le Président (M. Blouin): Cela va. M. le député d'Argenteuil. (10 h 45)

M. Ryan: M. le Président, j'ai encore une question pour la délégation de l'Association des cadres scolaires du Québec. Sur ce point, je voudrais faire une demande à M. Tanguay: Est-ce que ce serait trop vous demander que de vous suggérer d'envoyer une deuxième annexe à votre mémoire, dans laquelle vous donneriez des développements sur tous ces points qui se rattachent à la mise en oeuvre du régime pédagogique. Il me semble que c'est l'un des points absolument cardinaux dans tout l'exercice que nous sommes en train de faire et qui a été littéralement escamoté dans le projet de loi. On dit toutes sortes de choses. On fait de la rhétorique et de la littérature avec cela. Pour nous former une opinion, nous voulons des données fonctionnelles. Si vous pouviez nous rendre ce service, je pense que cela serait très utile.

M. Giard: Nous ferons tous les efforts possibles pour essayer de vous les fournir.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup.

M. Ryan: Maintenant, une dernière question, M. le Président. Vous avez parlé de l'éducation des adultes. C'est un autre bel exemple dans le projet de loi d'une réalité qui est absolument escamotée. Vous le dites vous-mêmes dans votre mémoire. Je pense qu'on en a déjà donné de très bons éléments au cours des interventions des trois premiers jours des travaux de la commission. J'aimerais que vous nous disiez un peu comment vous voyez ce problème: l'éducation des adultes. Vous avez dit tantôt qu'un de vos secteurs, la table des responsables des services d'éducation des adultes, a demandé à être entendu. Je voudrais vous assurer que, sur la liste des 70 organismes que nous demandions d'ajouter à celle des 78 organismes que le gouvernement avait décidé d'inviter, cette table occupait une place de choix. Nous savons que c'est un organisme qu'il est absolument important d'entendre, de même que l'Institut canadien d'éducation des adultes. Mais s'il y avait des choses que vous vouliez ajouter à votre mémoire là-dessus, je pense que ce serait très intéressant de les entendre.

Le Président (M. Blouin): M. Giard, s'il y avait donc des ajouts...

M. Giard: Oui, je vais demander à M. Vincent Tanguay de faire un ajout, mais je voudrais profiter de l'occasion pour remercier M. Ryan de l'insistance qu'il a l'intention d'apporter pour que la table des responsables de l'éducation des adultes du Québec soit

entendue à cette commission. Nous nous excusions de ne pas avoir fait mention de tout ce volet à l'intérieur de notre mémoire, parce que nos membres avaient travaillé avec un autre groupe et c'est avec beaucoup d'insistance que je réitère cette demande.

Le Président (M. Blouin): Cela va.

M. Giard: Je ne sais pas si M. Tanguay voudrait faire quelques commentaires.

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay.

M. Tanguay: M. Ryan, s'il advenait que l'éducation des adultes soit sous l'autorité de la direction d'une école, dans la perspective d'une école responsable et autonome, et que la commission scolaire n'avait pas de responsabilité, de marge de manoeuvre à l'intérieur de cela, il me semble que l'éducation des adultes serait vraiment vouée à l'échec. Je prends exemple dans la formation des adultes, où il y a la formation générale et la formation professionnelle. Dans la formation professionnelle, il faut qu'une commission scolaire, avec son service d'éducation des adultes, puisse s'entendre avec les industries du milieu pour savoir quels sont leurs besoins particuliers en termes de formation et de perfectionnement de leurs employés. Il faut d'abord qu'il y ait une concertation dans un milieu donné, qui dépasse l'école, pour savoir quels sont les besoins de telle industrie par rapport à telle autre et ajuster des plans de formation ou de perfectionnement des employés ou de la main-d'oeuvre qui leur sera nécessaire dans un an ou dans deux ans, de sorte qu'il faut avoir vraiment une concertation régionale pour ce faire. Une école seule ne pourrait pas se promener chez des employeurs et un peu partout et établir des plans de formation et de perfectionnement des employés, de sorte qu'il faut absolument que les centres soient complémentaires les uns aux autres dans un milieu donné. Donc, cette complémentarité est assurée par la commission scolaire et les programmes doivent être ajustés aussi aux besoins de main-d'oeuvre au fur et à mesure qu'ils se développent. De là, ce besoin de coordination ou de cette nécessaire coordination de la formation de la main-d'oeuvre adulte.

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay, cela va? Merci, M. le député d'Argenteuil. M. le député de Mille-Iles, en vous rappelant que nous aurons ensuite un autre groupe à entendre et que nous devrons obligatoirement ajourner nos travaux à 13 heures. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Merci beaucoup, M. le Président. Je remercie les membres de l'Association des cadres scolaires du Québec pour le contenu de leur mémoire. J'étais content de voir que la loi 40, sur certains points, fait des consensus. Elle fait un consensus au point de vue de la langue, comme vous le dites, des commissions scolaires maintenant linguistiques, et c'est un très large consensus. Il y a un consensus aussi au sujet de la confessionnalité, qui est un peu décentralisée plutôt vers l'école que vers l'institution. C'est un consensus très important. Il y a consensus aussi sur l'intégration du primaire et du secondaire. Je pense que ce sont des points qui rallient à peu près la majorité des mémoires. Je pense qu'on peut s'en réjouir.

J'étais content d'écouter M. Lapierre dire tout à l'heure qu'il y avait quand même un effort louable de décentralisation. Peut-être que d'autres disent qu'il n'y en a pas du tout. Il y a un effort de décentralisation et on en a la preuve dans le projet de loi 40. J'étais aussi content d'entendre M. Lapierre dire qu'il fallait faire confiance au milieu mais que, dans tout cela aussi, il y avait une lutte de pouvoirs qu'il reconnaissait. C'est bien sûr qu'il y a un troisième palier. On a entendu la Fédération des comités de parents réclamer un peu plus de pouvoir, eux qui sont à la base. Le palier intermédiaire veut peut-être garder tout le pouvoir. C'est un peu cela, et j'espère qu'il y aura un consensus dans le projet de loi sur un partage pour qu'enfin il y ait un projet éducatif viable dans chacun des milieux. C'est l'enfant qui, à travers ce projet de loi, devrait être le centre et avoir aussi tous les avantages de cette réforme. Alors, il y a 40 000 parents qui s'occupent d'éducation dans tout le système; ils veulent avoir le pouvoir ou les moyens de réaliser cette réforme scolaire.

Tout à l'heure, j'entendais M. Giard dire qu'à travers le projet de loi 40 on essayait d'éliminer le palier intermédiaire. Je pense qu'il faudrait peut-être faire la preuve de cela. On exagère. C'est peut-être un peu gros d'avancer cela. Dans votre mémoire, entre autres, à la page 5, je lisais que c'est à l'école que se passe l'action. C'est sûr que c'est là que se passe l'action. Puis, d'autre part, vous dites à la page 18, et vous l'avez relu après cela: "L'Association des cadres scolaires du Québec croit que l'école doit être responsable." Vous le dites bien. Cela veut dire que vous êtes un peu en faveur du livre blanc, qui parlait d'une école communautaire et responsable. Alors, vous êtes en faveur de cela. On le voit à la page 18: "L'école doit être responsable dans la totalité de la gestion quotidienne des activités d'apprentissage, des services complémentaires et des services particuliers aux élèves."

Vous le dites et, d'autre part, vous n'êtes pas chauds pour le projet de loi 40, qui est l'instrument pour faire en sorte qu'on

puisse donner au milieu les moyens. C'est simplement un projet de loi qui fait en sorte qu'on donne au milieu les moyens de se prendre davantage en main pour réaliser le projet éducatif. J'ai été un peu frustré, et peut-être le ministre en a-t-il parlé tout à l'heure, de voir ce que vous faites du projet éducatif. Le projet éducatif pour vous, c'est une simple concertation. J'ai été un peu choqué de voir cela, lorsqu'on sait ce qu'est un projet éducatif, en soi, dans un milieu, c'est un projet dans lequel on met les objectifs pédagogiques disciplinaires d'une communauté que l'on veut là: les parents, les étudiants, le principal d'école et les enseignants se mettent ensemble pour avoir une école propre à leur milieu.

Vous dites aussi que vous avez peur de l'uniformisation. Le projet de loi 40 va faire que, par l'application du projet de foi 40 et du projet éducatif dans chacun des milieux, il n'y aura pas d'uniformisation, mais il y aura plutôt des écoles à l'image du milieu, qui répond aux besoins du milieu. Alors, un projet éducatif, dis-je, c'est un projet qui contient les objectifs du milieu. Les parents, avec les enseignants, les étudiants et le directeur d'école peuvent dire: On va avoir une école plus permissive. Dans un autre milieu, ce sera une école très autoritaire. Un autre milieu pourra dire: On veut se donner plus de services en fin de semaine et des services d'apprentissage pour ceux qui ont de la difficulté. On veut se donner des services de garderie d'enfants, soit le matin très tôt, le midi ou le soir. C'est cela le milieu et c'est cela le projet éducatif.

Le projet éducatif aussi, c'est du parascolaire. On veut donner à nos enfants plus de moyens, que ce soit dans les activités culturelles et les activités sportives. C'est pour cela que je considère qu'à la fois vous êtes un petit peu pour la vertu mais vous êtes contre les moyens qui feraient en sorte que cette vertu s'applique. J'ai rencontré beaucoup de personnes qui avaient lu le livre blanc et qui trouvaient cela suave parce qu'elles disaient: on ne peut être contre la vertu et elles se ralliaient à cela.

Je vais vous poser une question. Comment voulez-vous, comme cadres scolaires, à la fois une école communautaire responsable de la totalité de la gestion quotidienne des activités d'apprentissage et des services complémentaires, - vous qui êtes en faveur de cela - alors que vous vous refusez de donner aux parents des moyens par la loi de 40 de réaliser une école différente et une école de qualité?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Je pense que ou bien notre mémoire n'est pas écrit selon l'esprit dans lequel on voulait l'écrire ou le député de Mille-Îles donne des interprétations qui ne sont pas sur les lignes à l'intérieur de notre mémoire. Permettez-moi, M. le Président, quand même de revenir sur la question qui nous est posée.

Dans un premier temps, nous sommes tout à fait d'accord pour que les écoles soient communautaires, responsables et publiques. Nous exigeons toutefois que les écoles doivent rendre compte, à quelqu'un et le palier auquel les écoles doivent rendre compte c'est la commission scolaire parce que c'est le palier qui est démocratiquement élu et qui sert de gouvernement local responsable de la qualité des services éducatifs que doit recevoir la population dans un milieu donné.

Il est possible, l'histoire du Québec et l'histoire scolaire du Québec des récentes années nous dit qu'il est possible qu'une école soit très responsable, très dynamique, très autonome à l'intérieur d'une structure qui s'appelle la commission scolaire à qui elle doit rendre des comptes.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Giard: C'est premièrement. Deuxièmement, quant au projet éducatif, je voudrais relire la page 39 du livre blanc où l'école québécoise décrivait le projet éducatif comme une démarche dynamique par laquelle une école, grâce à la volonté concertée des parents, des enseignants, des élèves, de la direction, entreprend la mise en oeuvre d'un plan général d'action. Ce que nous disons, c'est qu'avant de faire des châteaux en Espagne, il va commencer par devoir faire de la concertation dans le milieu avant de bâtir des plans d'action. Ce que nous disons c'est qu'actuellement les enseignants, par le traitement qu'on leur donne à l'intérieur, à la fois des conditions d'emploi et des projets comme le projet de loi 40, ne peuvent s'inscrire dans une démarche de concertation. Donc, s'il n'y a pas de concertation à la base, il n'y aura pas de projet éducatif valable au bout.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci.

M. Giard: C'est l'esprit de notre mémoire qui est là.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giard. M. le député de Mille-Îles.

M. Champagne (Mille-Îles): Je me réjouis de voir qu'on est sur la même longueur d'onde pour dire qu'on veut quand même rendre l'école responsable. Comme vous le disiez, je pense que c'est une question de pouvoir. C'est une lutte de pouvoir. Je vous ai cité tout à l'heure. J'ai pris la peine de citer la page 18. Cela vient de vous, c'est l'interprétation que vous

faites. Ce n'est pas mon interprétation. Je vois la conclusion de la page 19, "que ce projet de loi se borne à redéfinir le partage..." C'est ce que vous souhaitez: "Que ce projet de loi se borne à redéfinir le partage des responsabilités entre le gouvernement, le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires." Vous ne parlez pas des écoles. Vous croyez en l'école communautaire et responsable et - comme M. Lapierre l'a dit, c'est une lutte de pouvoir -vous bloquez cela là.

Je pense que dans le projet de loi, il n'est pas question d'éliminer le palier intermédiaire qu'est la commission scolaire. C'est de faire en sorte que les parents qui veulent aussi se réaliser dans le milieu, les principaux d'école qu'on va entendre tout à l'heure qui veulent aussi une école de qualité, les enseignants et les étudiants dans chacun des milieux puissent le réaliser. C'est la loi 40 qui est le moyen. On va espérer qu'elle fera un grand consensus.

Le Président (M. Blouin): Cela va. Merci, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Louis-Hébert. (11 heures)

M. Doyon: Merci, M. le Président. Les propos qu'on entend et que vous nous avez tenus avec ceux qu'on a eu l'occasion d'entendre pendant les jours précédents commencent à ressembler à un leitmotiv. Finalement, je n'ai pas l'impression que le ministre va vouloir se laisser convaincre, mais une chose est sûre, c'est que, devant un mémoire aussi clair que celui que vous présentez, la chance aura été donnée au ministre de voir les difficultés que soulève son projet. Le ministre parle de concertation, parle de consensus, parle d'intervention du milieu, mais il ne permet pas au milieu d'agir efficacement. Il me fait penser à un jardinier qui veut faire pousser ses fleurs en tirant dessus. Elles ne poussent pas plus vite et, s'il continue comme cela, j'ai l'impression que son projet va manger les fleurs par la racine.

On est vis-à-vis d'une situation où toutes les tentatives de démonstration qui me paraissent extrêmement convaincantes sont tournées de telle façon que le ministre tente de les récupérer comme étant des approbations à son projet alors que ce n'est pas le- cas, d'aucune façon. Les oppositions sont virulentes, sont totales, sont fondamentales. La réflexion qui me vient à l'esprit dans les circonstances, c'est: de quelle façon les intervenants devront-ils dire les choses pour être compris? Si le député de Mille-Iles voit dans le mémoire que vous présentez un endossement du projet de loi 40, c'est le bout de tout. Je me dis: Le français n'est plus le français et les phrases ne disent pas ce qu'elles veulent dire.

Cela m'inquiète joliment parce que c'est une attitude qui risque de vicier à sa base même toutes les autres interventions. Je voudrais que le ministre, si possible - je ne me fais pas trop d'illusions là-dessus -profite de la fin de semaine pour faire un sérieux examen de conscience pour au moins saisir les choses de la façon dont elles sont dites et leur donner la signification normale que les intervenants, les gens qui prennent la peine de venir nous trouver donnent à leurs opinions. Dans le moment, cela m'inquiète joliment. Peut-être que la semaine prochaine sera de meilleur augure, on verra.

Dans vos remarques préliminaires, vous avez fait état - et je vous en félicite -d'une tentative de concertation en vue de dégager un consensus entre la fédération des commissions scolaires, entre le ministère de l'Éducation, entre les cadres, les directeurs généraux. Je pense que c'est un exercice extrêmement louable que vous avez fait et que vous étiez en position privilégiée pour le tenter. J'aimerais que vous nous indiquiez avec un peu plus de détails la forme que cela a pris. Avec qui avez-vous dialogué, s'il y a eu dialogue, du côté du ministère de l'Éducation? Quels étaient vos vis-à-vis? Quelles étaient les personnes qui ont été invitées ou qui ont participé à cette tentative de concertation en vue de dégager un consensus commun qui aurait permis de donner une position uniforme ou, du moins, plus globale de tous les agents du milieu de l'éducation? Qui agissait pour le ministère de l'Éducation? S'il y a eu des rencontres ou s'il y a eu des dialogues, comment s'est comporté le ministère de l'Éducation par ses représentants?

Le Président (M. Blouin): Succinctement, si possible, M. Giard.

M. Giard: Je ne voudrais pas porter de jugement; il y a eu deux étapes. La première étape était que tous les partenaires du réseau, y compris les enseignants et tous les administrateurs et les directeurs d'école, ont tenté de faire un projet de réseau qui serait déposé au ministère par la suite. Cela a été la première étape de ce travail. Il est sûr que, compte tenu des positions que vous entendez autour de cette table, ce n'était pas possible. C'est dans cet esprit-là que nous avons sollicité du ministre de l'Éducation que nous puissions travailler ensemble pour bâtir ce que j'appelais un projet collectif et non pas des projets parallèles. Dans cette démarche-là, il y a un partenaire qui a voulu s'abstenir délibérément et il s'agit des enseignants, de sorte que nous avons continué avec le ministère une démarche qui s'est faite en dents de scie, comme je le disais tantôt.

Pour être objectif, nous avons reçu de la part du ministre de l'Éducation un accueil chaleureux. Nous avons eu l'occasion de

discuter de ce projet toutes les fois que nous l'avons jugé à-propos avec le ministre lui-même et les personnes qu'il avait mandatées pour travailler aux diverses tables ont toujours été des personnes qui étaient porteuses de mandats et qui travaillaient dans un esprit très positif. Toutefois, compte tenu des écarts qui existaient entre les divers partenaires de ces tables - et on l'a dit dans notre mémoire - malgré la bonne volonté des uns et des autres, il n'a pas été possible d'arriver à des consensus véritables.

Je voudrais revenir sur une observation qui a déjà été faite à cette table-ci, à savoir que, si on devait poursuivre cette démarche, il faudrait absolument qu'il y ait un certain nombre de nuages gris et lourds qui disparaissent de la scène scolaire actuellement. Principalement, ces nuages sont causés actuellement par les relations tendues qui existent entre le ministère de l'Éducation et la fédération des commissions scolaires.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Doyon: Pour poursuivre vos propos, du côté du ministère - parce que c'est ce qui nous intéresse dans le moment - avez-vous pu sentir, à la suite des représentations que vous avez faites et aux rencontres que vous avez eues, une certaine évolution devant les arguments que vous avez fait valoir, qui me paraissent assez convaincants comme je le disais tout à l'heure et qui sont probablement de la nature de ceux que vous avez présentés ici? Du côté du ministère, compte tenu que, bien sûr, les gens qui agissaient pour le ministère étaient liés par des mandats qui leur étaient confiés, y a-t-il eu une évolution? Sentiez-vous qu'il y avait un rapprochement qui se faisait ou si les positions ont été figées, finalement, et que cela n'a pas changé?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Je ne voudrais pas porter de jugement exclusif. Je pense que le comportement des agents du ministère a été semblable au comportement d'autres partenaires au niveau du réseau, c'est-à-dire qu'il y avait un certain nombre d'objectifs fondamentaux qui leur apparaissaient, comme ils apparaissaient à d'autres à l'intérieur du réseau, comme des impératifs par rapport aux objectifs visés. Ils voulaient à tout prix que ces objectifs soient atteints. Sur ce, il y a d'autres objectifs qui étaient aussi différents des objectifs du ministère qui ont été soutenus tout au long du processus. Dans ce cadre-là, quand on parle dans nos mémoires des efforts loyaux de concertation, je ne voudrais pas qu'on entache la loyauté du ministère de l'Éducation. À mon avis, ce partenaire a été aussi loyal que les autres dans cette démarche progressive.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Oui. Très brièvement et pour terminer, vous mentionnez dans votre mémoire une inquiétude qui me paraît fondamentale, à savoir qu'il y a un certain nombre de choses qui sont en cours, qui se poursuivent et qui demandent qu'on y consacre tous les efforts dont on est capable. Vous craignez, devant le changement structurel et fondamental que va amener le projet de loi 40, un certain nombre de ces choses qui ne peuvent pas être mises sur la glace purement et simplement; vous craignez qu'on perde, finalement, des acquis et qu'on retarde l'atteinte d'objectifs qui sont nécessaires et qui sont, d'après ce que je comprends, peut-être même à portée de la main. Si on agit trop rapidement et dans la voie qui nous est indiquée par le projet de loi 40, vous indiquez que, possiblement, on remet en question l'atteinte de ces objectifs. Pourriez-vous nous l'expliquer peut-être un peu?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: D'abord, juste un commentaire. Après, je vais demander à M. Vincent Tanguay de donner l'explication. Ce que je voudrais dire - tout le monde le sait, mais je voudrais le répéter - c'est que, depuis deux ans, le ministère de l'Éducation et les commissions scolaires sont en période de latence à cause d'un projet de loi qui vient bouleverser tout le système. Pendant ce temps, il y a quand même des politiques et il y a surtout des élèves dans les écoles qui ont besoin de services éducatifs de qualité. Il est important qu'on arrive à une solution qui permettra aux gens de se concentrer vraiment sur les réalités et sur les objectifs à atteindre, c'est-à-dire la qualité des services à offrir à ces élèves. Je vais demander à M. Tanguay de vous donner les principaux impacts.

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay.

M. Tanguay: Je vais vous donner rapidement trois exemples dont un sur la micro-informatique. Je crois qu'il serait absolument impensable que l'école seule puisse voir au perfectionnement et à la formation des enseignants pour l'avènement de la micro-informatique à l'école et plus particulièrement pour le développement de l'assistance par ordinateur, ce qu'on appelle l'APO. C'est une preuve que l'école, si elle était seule, ne pourrait pas avoir les ressources et l'expertise suffisantes pour faire le développement ordonné pour qu'autant le professeur de français puisse y trouver son profit que le professeur d'arts, le professeur de mathématiques et le professeur

de sciences au niveau de l'avènement de la micro-informatique à l'école. Je ferme cela vite.

Deuxièmement, la formation professionnelle. Il y a une politique de formation professionnelle qui est annoncée. Il y a aussi beaucoup de travail qui a été fait et plusieurs de nos membres ont participé depuis un an à différents comités au niveau du ministère et de la fédération. Dans la politique de formation professionnelle, il y a tout ce qu'on appelle les cheminements particuliers des élèves, c'est-à-dire qu'on a des groupes d'élèves qui entrent au secondaire et qui sortent avec leur diplôme d'études secondaires, c'est fini. Pas de problème avec eux autres. C'est l'élève moyen et brillant et il n'y a pas de problème. Pour tous les autres, qui doivent réorienter leur cheminement scolaire vers la formation professionnelle ou vers l'adaptation scolaire, il y a des attestations, à la fin de leurs études secondaires, un diplôme d'études secondaires ou d'études professionnelles. On doit aménager d'ici à deux ou trois ans des cheminements particuliers pour chacun de ces élèves et il doit y avoir vraiment de la coordination, parce que chacune des écoles ne peut pas le faire à moins d'avoir 4000 élèves et il n'y en a plus beaucoup. Dès qu'un élève sort du réseau de la formation régulière, il faut très souvent qu'il aille vers une autre école pour continuer sa formation professionnelle, sa formation d'adaptation scolaire ou son stage en industrie. Pour ce faire, il faut qu'il y ait une concertation et une coordination entre les écoles, et une école seule, encore là, ne peut pas le faire.

Le troisième point, la préparation des enseignants au nouveau programme et à l'arrivée du nouveau matériel didactique, des nouveaux manuels scolaires. On n'arrive pas avec un manuel scolaire du jour au lendemain et l'enseignant part en classe avec cela. Je pense qu'il faut préparer l'avènement de ce matériel pour assurer le succès. Quand il y a un ou deux enseignants dans une école qui se servent d'un manuel, je pense qu'il faut que les divers enseignants d'une communauté ou d'une commission scolaire puissent regarder ensemble, étudier ensemble les faiblesses et les forces d'un manuel pour pouvoir le mettre en application. Encore là, l'école seule ne pourrait pas le faire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Tanguay. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. Très rapidement, parce que je sais que la Fédération québécoise des directeurs d'école doit passer et on voudrait bien l'entendre aussi. Juste quelques remarques et, ensuite, une question très rapidement. Le député d'Argenteuil disait tantôt que cela prend un consensus pour mettre en application une politique semblable. Oui, cela va prendre un consensus assez large. On ne pourra jamais avoir l'unanimité, c'est évident, parce qu'il y a une question de pouvoirs à l'intérieur de ce projet de loi. Quand il s'agit de partager les pouvoirs, il va toujours falloir s'attendre que les gens veuillent en perdre le moins possible, veuillent en avoir davantage. Il ne faut pas oublier cela, non plus, sauf qu'il ne faudra pas oublier que, même si les gens viennent faire des recommandations de changements, il y a quand même des consensus très larges qui se développent au niveau de très grands principes qui, au départ, n'étaient pas sous le signe du consensus. Donc, il se dégage des consensus, de prime abord.

Deuxièmement, la fédération des directeurs généraux nous disait qu'elle aimerait mieux que certains points du projet de loi n'entrent pas en vigueur. Par contre, elle finissait, quand même, par dire qu'advenant que le projet de loi - parce que le législateur déciderait de l'adopter - soit adopté, elle va collaborer à sa mise en place. Il faut quand même faire attention. Que les gens viennent ici nous demander des changements, je trouve cela formidable, indispensable à l'éclairage des membres de la commission, sauf que demander des améliorations ne veut pas dire un rejet total. Il faudrait aussi faire attention dans ce sens.

J'en viens maintenant au mémoire qui a été présenté. Apparaît, à certains moments, la vitalité et la maturité des personnels dont on parle là-dedans. On reconnaît cela. Si on arrive avec un projet de loi qui demande des changements semblables, on pense que le milieu a justement la vitalité et la maturité de le mettre en place; autrement, on n'arriverait pas avec un projet semblable. Je pense que le projet de loi, c'est une reconnaissance de ces deux qualificatifs que vous apportez.

À la page 18 - je trouve cela important parce que vous en avez parlé beaucoup - c'est spécifié en toutes lettres que la commission scolaire "doit jouer un rôle fondamental dans la planification des services, leur coordination, le soutien aux écoles et l'évaluation des services spécialisés." Les services spécialisés, c'est le transport, c'est l'enfance en difficulté d'adaptation, et c'est l'éducation des adultes. Pour cela, je suis tout à fait d'accord avec vous, il faut absolument qu'il y ait une responsabilité au niveau de la commission scolaire, justement parce qu'il faut la répartir sur le territoire. Mais je dois vous dire que c'est reconnu dans le projet de loi 40. (11 h 15)

Concernant les services spécialisés, l'éducation des adultes, c'est sûr qu'il y a des demandes qui viennent des écoles; c'est

sûr que les écoles ont des besoins qu'elles vont exprimer. Mais on retrouve cela élaboré, au niveau de la commission, dans le projet de loi 40. Donc, il faudrait aussi faire attention, parce que ce n'est pas vrai qu'on enlève tous les pouvoirs à la commission scolaire. Dans les services spécialisés comme ceux-là, on reconnaît des pouvoirs à la commission scolaire.

Il y a une crainte, que vous exprimez à propos du principe de reconnaissance, dans la loi, des pouvoirs des conseils d'école, qui ferait en sorte qu'on vienne uniformiser les écoles. Donc, c'est une crainte que vous avez alors que tout ce qu'on fait, c'est donner des pouvoirs afin que chaque école se donne un projet spécifique, une image selon la volonté des gens de l'école. Cela, c'est un peu contradictoire. En même temps, à la page 9 de votre mémoire, vous dites qu'en amendant l'article 212, "Ceci aurait pour effet de permettre à chaque commission scolaire d'évoluer selon le modèle qui lui conviendrait le mieux et à son propre rythme." Je trouve que c'est beaucoup plus uniformiser chacune des écoles d'une commission scolaire que ce que le projet de loi permet à chacune des écoles à l'intérieur de principes reconnus généraux pour toutes les écoles du Québec. Vous, ce que vous demandez, c'est que ce soit à l'image, à la volonté et au rythme de la commission scolaire.

J'ai une question à vous poser, parce que c'est une préoccupation fondamentale qu'on retrouve dans votre mémoire et que je trouve également très important de souligner. Vous dites que les gens ont la préparation, la maturité pour faire fonctionner le système et on le reconnaît, sauf que vous dites: Vous nous arrivez avec beaucoup de changements. Donc, il faut aussi être capable de le faire en fonction du personnel en place. Vous dites qu'il ne faudrait pas en mettre trop. Mais, par contre, au sujet des changements majeurs que sont l'intégration, la confessionnalité, la reconnaissance des commissions scolaires au niveau linguistique - ce sont des changements majeurs - vous êtes d'accord. Donc, concernant les grands chambardements, il semble que vous pourriez les absorber. Deuxièmement, si on dit que c'est une décentralisation et qu'on donne plus de pouvoirs à l'école, vous ne pensez pas qu'en en donnant à l'école - il semble, en tout cas, selon les directeurs d'école qu'on va entendre tantôt et les comités de parents, qu'ils sont prêts à en prendre - cela vous permettrait de vous libérer d'une partie, justement, de ces tâches pour permettre à la commission scolaire et au personnel des commissions scolaires de consacrer plus de temps aux grands changements qui font consensus et que je viens d'énumérer: intégration, confessionnalité et division linguistique?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Je voudrais revenir sur deux points. Dans un premier temps, je voudrais revenir sur la question de vitalité et de maturité. La raison pour laquelle nous disons que le régime ne peut pas s'appliquer, que la loi ne peut pas s'appliquer en même temps, de la même façon, partout, etc., c'est qu'actuellement, dans des milieux donnés, on a fait des efforts de décentralisation. Si cela fait dix ans que les personnels des écoles, les personnels des services fonctionnent dans un système décentralisé, ils ont une mentalité qui est formée et un perfectionnement acquis qui leur permettent de gérer de plus en plus de dossiers là où les dossiers peuvent être le mieux gérés. Souventefois, en éducation, c'est dans l'école que les dossiers peuvent être le mieux gérés. C'est un premier élément.

Le deuxième élément, c'est qu'à l'intérieur des changements dont vous parlez il faut bien distinguer ceux qui sont des changements en profondeur d'autres changements qu'on pourrait qualifier de brassage de chaises. Si on prend l'intégration des commissions scolaires aux niveaux primaire et secondaire, c'est caricaturer un peu, mais c'est une espèce de brassage de chaises parce qu'on n'a pas changé la structure même des commissions, on n'a pas changé la mission, on n'a pas changé les responsabilités dévolues à l'un ou à l'autre, etc. Alors, à ce moment-là, c'est au détriment de nos membres, parce qu'il y aura vraiment du brassage de chaises. Mais, on dit: Malgré cela, il nous apparaît que les élèves seraient mieux servis par des commissions scolaires mieux organisées qui gèrent en même temps le primaire et le secondaire. Donc, nous sommes d'accord pour que le ministère procède, dans les plus brefs délais, à l'intégration des niveaux primaire et secondaire.

Quant à la confessionnalité, on dit: Actuellement, il nous apparaît que c'est la communauté locale la plus près de l'école qui est la plus en mesure d'évaluer si l'école doit être confessionnelle ou non. On dit dans notre mémoire: II nous semble que le projet de loi pourrait procéder immédiatement sur un sujet comme cela. Par rapport à la langue, je ne répéterai pas la chose. C'est pour dire que, pour nous, lorsqu'on parle de changements en profondeur, on parle de changements qui touchent la mentalité, les façons de faire des personnes et non pas le déplacement des personnes d'un poste à l'autre.

Le Président (M. Blouin): Merci. M. le député de Saguenay.

M. Maltais: M. le Président, un bref commentaire et une question. Ce matin, le

ministre, après la lecture du mémoire, nous disait encore une fois que vous étiez d'accord avec l'intégration. C'est de ce sujet particulièrement que je veux parler. Ce n'est pas la trouvaille du siècle, cela fait des années que le processus d'intégration est engagé au sein des commissions scolaires, sauf que, depuis trois ans, le ministère bloque le processus normal d'intégration désiré par le milieu. Lorsqu'on veut par un projet de loi responsabiliser l'école et le milieu, le ministre devrait d'abord se responsabiliser à ce niveau. Aussi le député de Mille-Îles - à moins qu'il n'ait pas le même mémoire que moi - nous a dit à deux reprises que le système d'éducation que nous avions n'était pas de qualité. Vous le dites spécifiquement dans votre mémoire: Depuis les années soixante, le système d'éducation au Québec n'a tendu qu'à s'améliorer au cours des années. De là à atteindre la perfection, ce n'est pas facile. Je ne crois pas que le projet de loi 40, non plus, permettra aux Québécois d'atteindre la perfection.

À la page 3 de votre mémoire, vous nous dites: "D'une part, nous sommes convaincus que les objectifs visés par les auteurs du rapport Parent, soit l'égalité des chances et l'accessibilité pour tous à l'éducation, sont encore tout à fait d'actualité en 1983. Dans cette perspective, tout projet qui aurait pour résultat de diminuer la qualité et la quantité de services accessibles aux jeunes dans une région donnée serait à combattre." Comment qualifiez-vous le projet de loi 40?

Le Président (M. Blouin): M. Giard, je sais que vous avez déjà touché ce point à quelques reprises. Je vous demande de procéder le plus succinctement possible.

M. Giard: Je vais être très bref. Un des éléments qu'il est important de mentionner ici, c'est qu'étant donné l'assignation de responsabilités à plusieurs niveaux - quand on veut faire trois paliers de gestion, il faut donner des responsabilités aux trois paliers - on en vient à faire une espèce de - excusez l'expression anglaise -"overlapping" de responsabilités, de sorte qu'on aurait, par exemple, à régler un contenant de 100% et on a 160% à mettre dans cela; donc, à un moment donné, il en tombe un peu partout. Je vous donne, à titre d'exemple, le calendrier scolaire. À l'article 85, si ma mémoire est fidèle, le calendrier scolaire appartient au conseil d'école. À l'article 203, c'est la commission scolaire qui décide du calendrier scolaire. À l'article 302 ou 303, on dit que c'est le ministère qui fixe l'encadrement du calendrier scolaire.

Ce qu'il est important de percevoir à la fin de cela, c'est que, dans des situations qu'on dit conflictuelles, il est bien clair que les gens vont devoir s'affronter et, à un moment donné, quand les gens s'affrontent, il y a quelqu'un qui vient mettre la paix dans cela et qui dit: Mes petits enfants, cela fonctionne comme ceci, comme cela. Cette façon de procéder, à notre avis, est de nature à diminuer la qualité des services qui seront offerts pour des élèves dans un milieu donné parce qu'il n'y aura plus personne, dans ces situations conflictuelles, qui aura comme fonction de diminuer les tensions entre les uns et les autres et d'essayer de généraliser la mentalité et le type de services à fournir, allant par là régler les cas individuels élève par élève en les dirigeant vers l'école, le point de services qui peut leur donner le maximum de services éducatifs.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giard.

Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty: Merci, M. le Président. Je m'excuse de mon absence lors de votre présentation, mais je vous ai suivi soigneusement à la télévision. En vous écoutant, il me semble que le coeur du problème en ce qui concerne la décentralisation est que dans le projet de loi le gouvernement fausse complètement le principe de la décentralisation. Si je comprends bien, la décentralisation est un principe, une condition de "good management". Ce principe dit essentiellement que le point de décision doit coïncider avec le point de responsabilité, le point d'imputabilité pour le bien-fondé de la décision. Donc, les pouvoirs décisionnels doivent être distribués aux niveaux et aux points appropriés. Cela veut dire selon la responsabilité pour le bien-fondé des décisions. Si on sépare, comme on le fait dans le projet de loi 40, les points de décision des points de responsabilité, on fausse le principe. Par exemple, si les parents choisissent des manuels scolaires qui ne sont pas appropriés aux besoins spéciaux et particuliers des enfants, qui est responsable? Si les parents choisissent une mauvaise méthode d'enseignement de la langue seconde, qui est responsable des résultats? Le coeur du problème en ce qui concerne le projet de loi 40 n'est-il pas là? Est-ce que vous avez des commentaires là-dessus? Est-ce que mon raisonnement est logique?

Le Président (M. Blouin): M. Giard.

M. Giard: Je demanderais à M. Tanguay de faire un commentaire.

Le Président (M. Blouin): M. Tanguay.

M. Tanguay: Encore là, je pense qu'il y a beaucoup de confusion qui règne. Je vais

prendre l'exemple du manuel scolaire dont Mme la députée de Jacques-Cartier a fait mention. On dit que la responsabilité du choix du manuel scolaire doit revenir à l'école. C'est tout à fait normal que l'école choisisse le manuel scolaire. Mais, en bonne gestion, qu'est-ce qui devrait se passer dans la réalité? On s'aperçoit que nos élèves vont facilement - une étude a été faite lors du livre vert où on disait qu'il y avait plus de 25% des élèves qui ne restaient pas dans la même école pour y terminer leur cours -changer d'école lors de leur cheminement scolaire. On sait aussi que les mécanismes d'affectation des enseignants font que ceux-ci vont aussi changer drécole plusieurs fois durant leur carrière et d'une année à l'autre, très souvent, pour ceux qui sont au bas de la liste. Il me semble qu'une commission scolaire devrait, sans imposer - cela s'appelle de la saine gestion - dire aux écoles qu'il serait bon qu'elles s'entendent pour choisir le même manuel scolaire parce que nos élèves et nos profs se promènent d'une école à l'autre. Même si on dit que l'école est responsable, il me semble que la commission pourrait avoir l'autorité pour faire en sorte que les écoles puissent s'entendre sur le choix du manuel scolaire.

Le Président (M. Blouin): Merci. Mme la députée de Jacques-Cartier.

Mme Dougherty; C'est simplement que je reconnais le bien-fondé de votre exemple. Je crois que c'est un problème sur le plan pratique. Je cherche le principe parce que je crois que le principe même est faussé. Est-ce que vous croyez que les parents doivent choisir des manuels scolaires? Est-ce que c'est vraiment leur responsabilité? Si les manuels ne sont pas appropriés pour tel ou tel enfant ou pour certains groupes en raison de leur "background" ou de je ne sais quoi, est-ce que c'est la responsabilité des parents si le résultat est mauvais?

Le Président (M. Blouin): La question est claire. M. Tanguay.

M. Tanguay: Mme la députée de Jacques-Cartier, dans un centre hospitalier, est-ce que c'est le conseil d'administration qui choisit les méthodes d'opération?

Le Président (M. Blouin): D'accord. La réponse est également claire.

Mme Dougherty: Merci.

Le Président (M. Blouin): Merci, Mme la députée de Jacques-Cartier. Sur ce, je remercie l'Association des cadres scolaires du Québec et ses représentants particulièrement de leur importante collaboration aux travaux de cette commission. Sur ce, j'invite maintenant les responsables de la Fédération québécoise des directeurs d'école à venir prendre place à la table de nos invités afin que...

M. Giard: On remercie beaucoup les membres de la commission. (11 h 30)

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Giard - nous entendions la présentation qu'ils ont à nous faire à l'égard du projet de loi 40. J'ai noté que le mémoire que la Fédération québécoise des directeurs d'école a déposé au Secrétariat des commissions était assez volumineux. Je leur rappelle que leur présentation doit s'effectuer dans une vingtaine de minutes. J'insisterai pour que nous respections ces normes qui sont régulières en commission parlementaire.

M. Leduc (Fabre): M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Je requiers le consentement de la commission pour faire inscrire le député de Bellechasse à titre d'intervenant.

Le Président (M. Blouin): Je crois que le député de Bellechasse est déjà inscrit comme intervenant, M. le député. Non seulement il est intervenant, mais il est membre.

Alors, je vous invite donc à vous identifier et à nous livrer le contenu de votre mémoire, en tenant bien compte des limites de temps auxquelles nous devons tous faire face.

Fédération québécoise des directeurs d'école

M. de Guire (Réal): Merci, M. le Président. Je remercie la commission parlementaire de l'éducation de nous accueillir. Nous sommes très heureux de déposer aujourd'hui le mémoire contenant nos positions. Mon nom est Réal de Guire, président de la Fédération québécoise des directeurs d'école. Si vous me le permettez, je vais vous présenter les membres de notre conseil d'administration. Je vais commencer par l'extrême droite: M. Léonce Gagnon, de la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean; immédiatement à la suite, M. Michel Longchamps, de la grande région 03; M. Marcel Lebel, de la région de Rimouski et du Bas-du-Fleuve, et Mme Rita Barrette, qui représente la région de l'Abitibi-Témiscaminque. Immédiatement à ma droite, notre vice-président, M. Jacques Coderre, qui représente la région de l'Estrie; à l'extrême gauche, M. Jean Soumis, de la région sud de Montréal; M. Gilles Lauzon, de la région de

la ville de Laval, et M. Rolland Poirier, de la grande région de l'Outaouais.

Comme vous le savez, M. le Président, la Fédération québécoise des directeurs d'école est un organisme qui regroupe 27 associations régionales ou locales totalisant 3500 directeurs ou directrices adjoints ou adjointes des écoles primaires et secondaires du Québec. Notre "membership" est composé de francophones travaillant dans les commissions scolaires catholiques, auxquels s'ajoutent plus d'une cinquantaine de membres anglophones de ces mêmes commissions.

Nous disons que nous sommes heureux d'être enfin rendus à ce moment du dépôt de mémoire en commission parlementaire parce que le projet de réforme, le livre blanc et le projet de loi 40 font la une des journaux depuis près de deux ans. Je vous assure que le climat dans les écoles durant toute cette période n'a pas été des plus calmes pour nous permettre de bien travailler. Notre fédération, durant ces deux longues années, a multiplié les études, favorisé la discussion chez nos membres, participé à toute démarche, rencontre, réunion avec les partenaires du réseau scolaire, dans le but de faire en sorte que le projet déposé soit un pas en avant pour un meilleur service à l'élève, dans une école de plus en plus responsable et tournée vers les membres de la communauté.

Je voudrais rapidement vous rappeler quelques grandes étapes qui ont marqué notre démarche de consultation. À la suite des travaux du comité que nous avions formé et que nous avions appelé dans le temps: Vision de l'école québécoise, on avait publié, dès juin 1980, une étude sur L'école de demain et sa gestion. Nos membres votaient, dès février 1982, pour asseoir toute notre démarche sur quatre grands principes de base que je voudrais rappeler. Le premier de ces principes: l'école doit être autonome pour tout ce qui regarde son vécu et les services à offrir a ses clientèles, c'est-à-dire ce qui se passe dans l'école quotidienne; le deuxième principe: l'école délègue à un palier intermédiaire des pouvoirs de coordination et de planification, comme le transport, les relations de travail, etc.; le troisième principe: nous disions que le directeur d'école et la directrice d'école doivent avoir le même type de pouvoirs et d'obligations dans leur école respective qu'un directeur général en a actuellement dans sa commission scolaire. Nous faisons le parallèle clair. Le quatrième mandat que nos membres nous avaient donné, c'est que notre fédération doit s'assurer du statut et de la sécurité de l'ensemble de nos membres.

Le 1er mai 1982. À cette date, nous nous retrouvions plus de 1200 directeurs et directrices d'école à Lévis, tout près, pour étudier les principes que contenaient les documents disponibles sur la future réforme et pour demander qu'un livre blanc soit enfin déposé.

Le dépôt du livre blanc, en juin 1982, nous amena, en octobre de la même année, à adopter des orientations sur ce livre blanc. Vous trouverez le résultat de notre étude en annexe I du présent mémoire. Il contenait 71 éléments qui ralliaient l'opinion de nos membres quant aux énoncés du livre blanc.

Nous sommes allés sur la place publique avec ces prises de position, conscients qu'elles alimenteraient le débat en cours. Pour nous, il fallait que l'ensemble de la communauté éducative connaisse les orientations de nos membres.

Déjà, les pressions que subissaient les directeurs et directrices d'école dans leur milieu nous obligeaient à demander à plusieurs reprises le fameux dépôt d'un projet de loi.

La publication d'un livre blanc indique qu'un gouvernement s'engage dans une démarche pour atteindre des objectifs qu'il juge valables. Pour nous, le dépôt d'un projet de loi, c'est la confirmation que cette démarche se fera.

Aussi, c'est avec un grand soulagement que nos membres apprenaient le dépôt du projet de loi 40 en juin dernier.

L'étude du projet de loi, suivie d'une nouvelle consultation de nos membres, se termine à la fin de septembre 1983, parce qu'à ce moment, on s'attendait encore à venir en commission parlementaire en octobre. C'est pourquoi nous avions terminé nos travaux à la fin de septembre 1983. Notre assemblée générale, à 83% - j'insiste énormément sur la représentativité de notre mémoire - adopte alors les positions qui font l'objet de ce mémoire que nous vous présentons aujourd'hui.

Je voudrais vous rappeler qu'il y a à peine une trentaine d'années, plus de dix ans donc avant le rapport Parent, l'école publique était élémentaire partout au Québec, dans chaque village et dans chaque ville.

Le secondaire public était à peu près inexistant, sauf à Montréal, à Québec et à quelques autres endroits. Là ou ailleurs, le secondaire était privé, classique surtout, et exceptionnellement scientifique. C'était le système.

Pourquoi, aujourd'hui, le projet de loi 40? À cette question, nous répondons que l'ensemble de la réforme qui a débuté avec la publication du rapport Parent n'est pas terminé. L'aboutissement de toutes les démarches, en passant par la consultation du livre vert, c'est dans le vécu de l'école que l'on y trouvera la réponse et c'est dans l'éducation que reçoit l'élève que l'on déterminera si ce fut une réussite. Il est fondamental que l'objectif de la réforme soit de revaloriser l'école, de lui donner la

chance de réaliser son projet éducatif -c'est-à-dire comment l'élève vit chaque jour - et, pour ce faire, de reconnaître son existence, de reconnaître que l'école existe et de lui donner le pouvoir de décider ce qu'elle veut être.

La décentralisation. Est-ce nouveau de parler de décentralisation? Depuis plusieurs années, nous réclamons, nous, directeurs et directrices d'école, une décentralisation et plus de pouvoirs pour l'école, afin de lui permettre de réaliser son "projet d'îécole" avec toute la latitude dont elle a besoin.

J'insiste sur les dates parce que beaucoup de gens pensent que nous sommes devenus favorables à certains éléments du projet du jour au lendemain. Je voudrais rappeler qu'en 1974 - c'était bien avant la présence du gouvernement actuel - novembre, 1974, dans un article ayant pour titre: La décentralisation: pourquoi? comment?", le président de notre fédération d'alors, M. Gill Robert, écrivait: "L'école doit être le pivot de tout système d'éducation et plus particulièrement dans un système décentralisé."

Il revenait à la charge en 1975 dans un autre texte intitulé: "Notre place dans la gestion" en disant: "II n'est permis à personne d'oublier que le lieu des opérations de tout service éducatif, c'est l'école. C'est là que naissent et s'expriment les besoins, c'est là que s'exercent les pressions du milieu; c'est là qu'on doit appliquer les solutions appropriées."

Dans un autre article sur le même sujet, un de nos membres écrivait: "On exige de la part du ministère de l'Éducation de délier les cordons de la hiérarchie scolaire, en rapprochant les pouvoirs de décision de la base. Demander plus de pouvoirs, c'est aussi être capable de plus de responsabilités".

À cette époque, M. Mario Laliberté, conseiller en communications à la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, dans un article de la Revue scolaire, la célèbre revue scolaire de la fédération, en septembre 1975 intitulait son article, La décentralisation, et il terminait l'article ainsi: "Une décentralisation jusqu'à l'école. À la limite, si on veut passer de la démocratisation d'accessibilité à une démocratisation de participation active, le transfert de pouvoir devra s'étendre jusqu'à l'école. Si les commissions scolaires assurent à leurs écoles l'autonomie nécessaire pour favoriser au maximum la prise en charge par le milieu de la gouverne de son école, il y a des chances que le pouvoir se rapproche vraiment de l'étudiant et le serve. "Dans cette perspective, le ministre de l'Éducation - évidemment le ministre de l'Éducation du temps, puisque nous sommes en 1975 - a annoncé la publication prochaine d'un document qui traitera des rapports possibles entre la commission scolaire et ses écoles en conformité avec l'intention du ministère de décentraliser le plus possible le système d'éducation. Il reste aux administrateurs scolaires à franchir les étapes subséquentes et à assumer pleinement la décentralisation." C'était la citation.

Notre président d'alors mentionnait également en février 1976: "En fin de démarche, l'école devra posséder les pouvoirs et les ressources qui lui permettront d'intégrer toutes les richesses et les valeurs du milieu, de faire que les choix des politiques soient largement assis sur des consensus de tous les agents locaux d'éducation. "Tout notre système scolaire n'existe que pour l'instruction et l'éducation des enfants et ces enfants sont dans les écoles. Pour nous, l'école publique doit développer ses propres couleurs, promouvoir ses valeurs particulières par son projet éducatif et se donner les services qu'elle a identifiés elle-même comme nécessaires."

Il faut repartager les pouvoirs, non pour affaiblir quelque entité que ce soit, mais pour renforcer la base. Toute structure qui ne reposerait pas sur une base solide ou qui serait trop lourde ne risquerait-elle pas de s'écrouler?

Le projet de loi 40 propose essentiellement trois paliers. Le projet de loi 40 recentre le ministère sur sa mission éducative et pédagogique, invite les commissions scolaires à la coordination des services à rendre à l'école et rend l'école responsable de la qualité de l'éducation qu'elle doit donner à l'élève.

Me Patrice Garant, notre conseiller qui n'est pas effectivement un spécialiste en administration scolaire, comme le disait M. le député d'Argenteuil, puisque nous, nous sommes des spécialistes en administration scolaire, mais bien un spécialiste en législation scolaire, dans l'étude qu'il faisait pour notre compte sur le projet de loi 40, nous donne un avis favorable quant à l'originalité du système proposé par le législateur et quant à la répartition des pouvoirs dans les trois paliers. Sans entrer dans le détail de son étude sur "Le projet de loi 40 et le directeur d'école", que nous reproduisons d'ailleurs intégralement en annexe 2, citons-le sur la question des trois niveaux: "À première vue, le projet de loi 40 offre une présentation remarquablement ordonnée de la répartition des responsabilités et pouvoirs entre les trois niveaux d'autorité dans le système scolaire: le nouveau système scolaire du Québec sera donc à trois paliers; c'est là une nouvelle caractéristique fondamentale." (11 h 45)

Dans la conclusion, il ' dit: "Dans l'ensemble, ce projet de loi est nettement acceptable; il constitue un compromis dans lequel on retrouve les avantages de la

décentralisation pour la réalisation de la mission éducative proprement dite, et ceux de la déconcentration, pour le fonctionnement efficace d'un système administratif complexe. À notre avis, la loi est suffisamment claire dans la répartition des responsabilités, pouvoirs et droits de chacun des paliers." C'était Patrice Garant.

La proposition actuelle est nettement centrée sur l'option que veut vivre l'école dans son projet éducatif. Ce projet éducatif, c'est le foyer de convergence de toute initiative qui fera de l'école le pivot du système éducatif. C'est ce projet éducatif qui permet de nommer les besoins, de fixer les priorités, de choisir les moyens, de les mettre en oeuvre et de juger aussi bien de la démarche suivie que des résultats obtenus. Le projet de loi veut favoriser l'émergence de ces projets éducatifs élaborés par des communautés éducatives vivantes et responsables, animés par le directeur ou la directrice d'école. Pour faire vivre le projet éducatif de l'école, le projet de loi lui donne le pouvoir de déterminer ses orientations propres, de préciser les modalités d'application du régime pédagogique, d'élaborer des programmes locaux, de choisir ses modèles pédagogiques, d'établir son système dévaluation des apprentissages et de décider de sa participation à des projets communautaires. Actuellement, l'ensemble de ces pouvoirs sont exercés sous l'autorité de la commission scolaire, d'où la nécessité d'un nouveau partage des pouvoirs au profit de l'école. Notre appui au projet de loi 40 vient du fait que nos membres, à la suite de nombreuses études et consultations, retrouvent dans ce projet de loi les principes qu'ils défendent depuis longtemps. C'est dans cette perspective que nous vous livrons nos avis et commentaires sur le projet de loi sur l'enseignement primaire et secondaire public. Au chapitre I...

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, j'ai remarqué que vous procédiez à une lecture systématique de votre mémoire qui contient 42 pages. Vous en êtes à la page 7 et vous avez déjà mis un quart d'heure à présenter cette portion de mémoire. Vous comprendrez donc que j'insiste pour que vous résumiez votre mémoire. Je comprends qu'une vingtaine de minutes, ce serait maintenant assez peu possible, mais au-delà d'une demi-heure, je devrai vous demander de conclure et, à ce moment-là, nous devrons procéder aux échanges entre les membres de la commission et les représentants de votre organisme.

M. de Guire: Je comprends, M. le Président, votre position. En ce qui nous concerne, je crois que la réforme scolaire dépend de son succès dans l'école, de ce que, nous, directeurs et directrices d'école, aurons comme objectifs et comme tâches demain. Je crois que l'avis des gens qui devront mettre en place la réforme scolaire demain m'apparaît important. Nous avons des messages à transmettre à cette commission, des messages qui viennent de l'ensemble de nos membres et je crois que les membres de la commission parlementaire, autant du côté ministériel que de l'Opposition, seraient nettement d'accord pour nous concéder -probablement chacun de son côté - quelques minutes pour nous permettre de donner l'opinion de l'ensemble de nos membres sur certains projets importants de l'école. Je pense, M. le Président, être capable de terminer en une demi-heure, mais, s'il me manquait quelques minutes pour terminer, je pense que les membres de la commission - je vois M. le député d'Argenteuil et M. le ministre qui me font signe que oui -pourraient me prêter quelques minutes que je considère des plus importantes.

Le Président (M. Blouin): Mais avez-vous l'intention à ce moment-là...

M. de Guire: Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de lire de façon servile l'ensemble des choses. J'ai l'intention, à chacune des têtes de chapitre, sauf le chapitre III qui traite de l'école où je vais vraiment élaborer à fond... Les autres, je vais me contenter d'en donner un court résumé.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire.

M. de Guire: M. le Président... M. Ryan: M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Si vous voulez bien me permettre une observation à ce moment-ci. Je n'ai pas d'objection à ce que la lecture aille un peu au-delà de la limite de temps que vous avez indiquée. J'aimerais bien que nous sachions à quoi nous en tenir au sujet de la période de discussion qui suivra, cependant. Vous avez annoncé tantôt que nous devions terminer nos travaux à 13 heures. Si cela devait favoriser une discussion plus élaborée que nous allions jusqu'à 14 heures, je n'aurais pas d'objection. Je crois qu'une fois entrepris cet exercice, il faudrait essayer de le faire comme il faut. Cela nous permettrait d'entreprendre nos travaux au début de la semaine en tenant compte du programme chargé que nous avons. Jusqu'à maintenant, nous n'avons pas accumulé trop de retard. Je ne sais pas si cela convient à la délégation de la Fédération québécoise des directeurs d'école,

mais c'est la manière dont cela m'apparaîtrait.

Le Président (M. Blouin): D'accord. M. de Guire, je crois que vous êtes très conscient des limites dont nous devons tenir compte.

M. de Guire: Je suis conscient de tout cela, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Je fais appel à votre collaboration.

M. de Guire: Je suis bien conscient, M. le Président. Je voudrais remercier M. le député d'Argenteuil pour la spontanéité avec laquelle il consent à nous écouter même au-delà de l'heure limite.

Nous sommes en accord avec la philosophie de l'ensemble de ce premier chapitre qui veut bien définir et focaliser sur l'objet premier de tout le système d'éducation les services éducatifs. Nous voulons attirer l'attention de la commission parlementaire sur la complémentarité de ces services et sur l'importance que revêtent les services complémentaires dans la vie des élèves de nos écoles. Mentionnons à titre d'exemple de ces services, l'encadrement des élèves, les activités parascolaires, l'orientation, la psychologie, la pastorale, etc. À la lecture de ce texte du chapitre, nous avons l'impression qu'il y a une importance très grande aux services d'enseignement, ce qui est bon en soi, mais que les services complémentaires apparaissent comme non essentiels. Une expression comme: Ils comprennent également des services complémentaires, qu'on retrouve à l'article 1, deuxième paragraphe, nous laisse cette impression.

Pour nous, directeurs et directrices d'école, la désignation des services complémentaires dans la loi est une affirmation de la valeur éducative de ces activités et un appui aux efforts soutenus que plusieurs écoles ont déployés jusqu'à maintenant. L'organisation des services complémentaires représente une dimension importante du projet éducatif de l'école et contribue à lui donner sa couleur locale.

Au chapitre II, nous formulons des commentaires sur les articles 14, 15, 17 et 18 qui concernent la fréquentation scolaire, la gratuité, les choix de l'enseignement religieux et moral et le choix de l'école. Je voudrais cependant faire une seule remarque sur ce chapitre et dire que le ministère de l'Éducation n'a pas encore reformulé sa politique de l'éducation des adultes à la suite du rapport de la commission Jean. Il y a là urgence et sa politique devrait tenir compte des soucis que nous exprimons quant à cette clientèle, si nous voulons la servir avec tout le respect qu'on lui doit.

J'en viens au chapitre III. C'est ici qu'apparaît l'économie nouvelle que propose le projet de loi sur le système d'éducation au Québec, un système à trois paliers: écoles, commissions scolaires, ministère de l'Éducation. Le projet de loi 40 reconnaît l'école comme un des trois paliers du système et, pour ce faire, il donne à l'école un véritable statut juridique et propose un réaménagement important des fonctions entre les trois paliers du nouveau système scolaire québécois. La formule de corporation publique proposée par le livre blanc pour assurer un statut juridique à l'école avait fait l'objet de questions par moments. Dans une étude que nous vous déposons aujourd'hui en annexe IV, que Me Garant nous remettait alors, il disait dans son texte: Si l'on applique à la lettre le livre blanc, il ne pourra qu'en résulter des situations fort délicates qui risquent d'engendrer des conflits ou tensions. Il continuait en disant: II est possible de transférer un grand nombre de pouvoirs au niveau de l'école sans qu'il ne soit nécessaire d'en faire une corporation.

Alors, le changement de définition pour l'école par rapport à l'ancienne loi permet d'affirmer que l'école est dotée d'un statut juridique et je voudrais citer à l'appui de cette affirmation Me Garant qui dit que la réforme entend donner un véritable statut juridique à l'école et opérer un réaménagement important des attributions entre les trois paliers du nouveau système scolaire québécois. Actuellement, l'école est définie par la loi comme une entité institutionnelle. Le projet de loi 40 en fait un établissement d'enseignement sans lui conférer la personnalité juridique. Le législateur qui n'est pas censé parler pour ne rien dire a utilisé le même vocable qu'il a utilisé dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour des institutions ou entités qui sont dotées de la personnalité juridique. De plus, le législateur a expressément conféré à l'école de nombreux pouvoirs normatifs et décisionnels. La décentralisation administrative - poursuit-il -signifie l'attribution par une loi de pouvoirs autonome, décisionnels et normatifs à de simples entités ou organismes qui ne sont pas de simples agents ou relais d'exécution du pouvoir central; l'administration décentralisée est donc un centre juridique distinct et autonome.

L'ensemble de ce chapitre du projet de loi, de même que les dispositions qu'il prévoit pour assurer le meilleur service possible à chaque élève fréquentant cette école communautaire et responsable, comme la qualifiait le livre blanc, revêtent pour nous, directeurs et directrices d'école, une importance capitale. De façon particulière, nous aimerions traiter ici - et je dois avouer que nous sommes les seuls actuellement à donner ce son de cloche. Je vais le faire

avec le plus de sincérité et le plus de représentativité possible. Nous aimerions traiter de la place des enseignants et enseignantes dans le projet de loi 40 car ils sont pour nous, directeurs et directrices d'école, nos plus proches partenaires et collaborateurs dans les services que l'école rend quotidiennement à l'élève.

Nous voulons redire ici notre confiance et notre considération pour les enseignants et les enseignantes du Québec. Nous rappelons que les orientations de notre système d'éducation depuis le rapport Parent les ont amenés à passer de généralistes à spécialistes. Aujourd'hui, on leur demande de redevenir les généralistes qu'ils étaient autrefois. Les changements de régime pédagogique ont aussi été fréquents. Nous avons vu que les enseignants et enseignantes ont dû changer d'employeur, dans certains cas jusqu'à trois fois. Il faut, croyons-nous, reconnaître les impacts de ces changements sur leur carrière.

On s'interroge souvent sur la place qui leur est faite dans le projet de loi 40. Est-ce une place prépondérante, digne de leur statut professionnel? Nous, directeurs et directrices dHScole, croyons qu'ils ont un rôle de premier plan. En ce sens, nous voulons pointer certains articles du projet de loi que nous jugeons de la plus haute importance et qui font appel à la participation, à la concertation et au professionnalisme des enseignants et enseignantes, corps d'emploi dont nous sommes issus pour la très grande majorité, nous, directeurs et directrices d'école du Québec.

Sans les mentionner de façon directe, le chapitre I concernant les services éducatifs, base du système proposé, repose en grande partie sur la compétence et l'efficacité des enseignants et enseignantes. Quand nous étudions la constitution de l'école à l'article 28, nous constatons que les enseignants et enseignantes sont collaborateurs du projet éducatif. Puis, nous les retrouvons comme participants largement majoritaires au comité pédagogique, là où pourra s'exercer leur compétence professionnelle.

Aux articles 76, 77 et 78, c'est, encore une fois, la reconnaissance de leur compétence qui permettra de dispenser des services éducatifs de qualité, d'une qualité quant à la langue et d'un professionnalisme quant aux orientations de l'école. Lorsqu'on regarde l'épineux problème des élèves en difficulté d'adaptation scolaire, là aussi, le projet de loi prévoit la consultation de l'enseignant ou de l'enseignante.

L'article 99, au deuxième paragraphe, reconnaît leur compétence quant à l'enrichissement des programmes. Et c'est lui et elle, en tant que professionnels, qui déterminent les modalités d'application de la méthode pédagogique. Et c'est sûrement lui et elle qui aideront le plus l'école à choisir les manuels pour les matières qu'il ou qu'elle enseigne, tel que prévu à l'article 105.

On fait appel à leurs services lorsqu'il s'agit du passage de l'élève du primaire au secondaire. Et ce sont eux, en somme, qui sont les grands responsables de l'évaluation des apprentissages. Nous rappelons que tout ce qui s'élabore et se réalise dans l'école, nonobstant ce que le projet de loi ne peut décrire, invite à la participation et à la concertation des enseignants et enseignantes de chaque école.

La constitution, à l'article 28. Permettez-nous de rappeler le principe que nous défendons depuis le début de l'étude de ce dossier où on dit que l'école doit être autonome. C'est notre principe de base. Et, dans nos conclusions sur le livre blanc, nous adoptions la position suivante: "Notre fédération préconise que les pouvoirs donnés à l'école soient assumés entièrement par un conseil d'école." Alors, ce conseil d'école est l'instance qui est l'autorité dans l'école et qui exerce les pouvoirs conférés à l'école." (12 heures)

Vous comprendrez que l'importance que nous attachons à l'article 28 du projet de loi, pour nous, c'est la pierre angulaire de tout l'édifice et c'est pour cela que nous sommes intégralement en accord avec son texte. C'est à cet établissement d'enseignants et à son conseil que le législateur a attaché une quarantaine de responsabilités en propre qui lui permettront de jouer pleinement le rôle de pivot du système. Nous sommes d'accord avec la proposition du projet de loi, aux articles 29 et 32 qui concernent le statut linguistique, le niveau scolaire primaire et secondaire, le statut confessionnel. Vous comprendrez qu'étant donné l'heure je voudrais vous parler de façon particulière de la composition du conseil d'école.

Nous avons dit précédemment que nous préconisions, en accord avec le projet de loi 40, que le conseil d'école assume entièrement les pouvoirs donnés à l'école. Il est de la plus haute importance de retrouver au conseil d'école des décideurs qui ne peuvent être, en aucun moment, en conflit d'intérêts.

C'est dans cet esprit que nous faisons nôtres les réflexions de M. Louis Roquet sur le conseil d'administration d'un établissement public, rôle et fonctionnement, que nous déposons en annexe 6. Pour nous, le conseil d'école est en fait le conseil d'administration de l'école et je cite Louis Roquet qui dit: "Un conseil d'administration ne gère pas. Commençons par un paradoxe. Quoi qu'en dise la loi, un conseil d'administration ne gère pas et ne devrait jamais gérer. Il ne s'agit pas ici d'une querelle de mots, mais d'une réalité plus fondamentale. En effet, le conseil d'administration n'a rien à voir avec

ce qu'on appelle traditionnellement la gestion, le management ou la direction."

Plus loin, il continue: "Mais si le conseil ne dirige pas, s'il ne gère pas, que fait-il donc? C'est très simple, le conseil juge. Le conseil ne formule pas de plans; il évalue, corrige, amende des plans qui lui sont présentés, à sa demande, par la direction générale. Le conseil ne dirige pas l'organisation, mais il évalue, il juge la façon dont les cadres supérieurs de l'organisation dirigent celle-ci et il pose de façon remarquable les conséquences de cette distinction. La distinction entre gérer et juger n'est pas une distinction mineure, elle est cruciale. Si le conseil d'administration dirige, s'il se mêle de mise en oeuvre, s'il s'ingère dans des domaines qui devraient normalement être du ressort de la direction de l'organisation, il devient en même temps juge et partie."

Par la suite, M. Roquet s'interroge en disant: "Pour la plupart, les membres d'un conseil d'administration, dans le réseau des affaires sociales, sont élus par des segments donnés de la population: les usagers, les autres établissements du réseau, le personnel clinique et non clinique. Ce mode de sélection ou élection des membres du conseil d'administration amène plusieurs d'entre eux à se demander si leur rôle ne se limite pas à représenter fidèlement les intérêts du groupe qui les a choisis. En d'autres mots, les membres du conseil d'administration sont-ils des représentants ou des porte-parole de leurs électeurs?"

Cette situation est génératrice de conflits d'intérêts et M. Roquet le démontre. Il dit: "Plusieurs membres de conseil d'administration se sentent mal à l'aise parce qu'ils sont placés régulièrement en situation de conflit d'intérêts. Prenons l'exemple de l'employé professionnel, membre du conseil, qui participe à l'évaluation du directeur général faite par le même conseil."

M. le Président, si nous avons insisté sur une argumentation quant à la composition du conseil d'administration, venant du secteur des affaires sociales, ce n'est pas parce que le phénomène n'avait pas été étudié dans le réseau de l'éducation. Qu'il suffise de mentionner les nombreux écrits venant du réseau des cégeps où le même modèle de composition du conseil d'administration existe. Plus près de nous, dans le temps, en août 1982, dernièrement, rappelons l'étude de M. Germain Julien, du Centre d'études politiques et administratives du Québec, de l'ENAP, qui portait comme titre: "Le livre blanc sur la restructuration scolaire et l'expérience québécoise de participation à la gestion des établissements publics", que nous reproduisons d'ailleurs en annexe 7. Au point 4 de son étude, parlant des conflits dans les conseils d'administration, il rapporte: "Suivant Roquet, l'économie de ce système suppose qu'une fois élu au conseil d'administration, le délégué d'un groupe doit oublier complètement qu'il représente des intérêts particuliers. Son seul objectif doit être de travailler pour le bien commun, c'est-à-dire d'administrer l'établissement, le bien faire fonctionner et fournir des services adéquats à la clientèle. Ainsi, le délégué d'un groupe ne doit pas siéger au conseil d'administration dans le but de défendre les intérêts du groupe qui l'a élu." Il continue en portant un jugement très sévère: "Cette conception idyllique des établissements publics n'est qu'une illusion. Bien au contraire, en réalité, le système institutionalise le conflit. Le mode de sélection des membres du conseil d'administration et le mandat qui leur est confié, en principe, sont fondamentalement incompatibles, de sorte que les membres d'un conseil se trouvent nécessairement confrontés à une sorte de dilemme entre l'allégeance à leurs électeurs et l'allégeance à leur établissement."

Sa conclusion se présente ainsi: "En définitive, de l'avis général des auteurs consultés, le bilan de l'expérience québécoise de participation à la gestion des établissements publics montre que celle-ci ne s'est pas conformée au modèle proposé selon lequel le conseil d'administration, qui est une structure décisionnelle où se concilient d'une façon harmonieuse les intérêts divergents en vue de servir le bien commun de l'institution. Dans le projet gouvernemental de restructuration scolaire, rien ne peut assurer que les conseils d'école proposés permettront le développement de ce modèle idéaliste."

L'expérience vécue dans les secteurs précités devrait nous inciter à ne pas renouveler une telle pratique. Nous sommes conscients que le projet éducatif nécessite la concertation de tous les intervenants du milieu scolaire. Nous savons aussi que c'est dans nos écoles que nous tentons de vivre cette concertation avec l'ensemble des partenaires parce que nous savons qu'un projet d'école ne peut vivre autrement. Mais il est de la plus haute importance de retrouver sur le conseil d'école des décideurs dont le seul objectif sera toujours le mieux-être de l'élève. Croire que n'importe qui peut siéger au conseil d'école, c'est faire fi de la réalité à laquelle les directions d'école sont confrontées quotidiennement; c'est aussi faire fi de la réalité syndicale au Québec. Il est essentiel de bien voir la différence entre, d'une part, l'enseignant et l'enseignante, des professionnels régis par une sorte de droit de pratique exclusif, disposant de marge de manoeuvre dans l'exercice de leurs fonctions et qui apportent dans la réalisation éducative plus que leur savoir ou leur savoir-faire - ils y témoignent de leur savoir-être - et, d'autre part, l'enseignant et l'enseignante membres d'un syndicat qui véhicule son

propre système de valeurs, tel que nous avons été à même de le constater depuis plusieurs années.

On n'a pas le droit, M. le Président, de prendre des risques avec cette réforme scolaire. C'est trop sérieux et trop engageant pour la compromettre avec de la pseudo-participation. La participation à l'élaboration des projets et des politiques pour l'école, de même que leur mise en oeuvre, doivent être absolument dissociées de la prise de décision de ces mêmes projets. Cela assurera un climat sain et une stabilité dont l'école a besoin pour réaliser son projet éducatif. Nous croyons à l'importance du rôle des enseignants et des enseignantes. Nous l'avons dit précédemment. Nous croyons qu'ils doivent avoir prépondérance sur les décisions en matière pédagogique. Ce rôle, ils peuvent le jouer avec le directeur d'école, la directrice d'école, à l'intérieur du comité pédagoqique, mentionné à l'article 67.

C'est pourquoi, à l'article 39, nous recommandons qu'on n'y retrouve que le commissaire de l'école élu, que les parents qui sont élus et que le directeur d'école.

Nous formulons également à l'intérieur de ce chapitre... compte tenu du temps, je vous citerai uniquement les articles sur lesquels nous faisons des recommandations concernant les procédures de convocation, le mandat du conseil, la présidence du conseil d'école, les règles de régie interne.

Nous passons au comité de l'école. Toute l'éducation est essentiellement recontres et dialogue. Il faut que les attitudes et les mentalités de méfiance, d'affrontement ou de passivité fassent place à des mentalité d'ouverture, de collaboration et de participation. De même que nous avons fermement insisté pour que les décideurs du conseil d'administration aient les mains libres. Ainsi, il est de la plus haute importance, croyons nous, que chacun des groupes impliqués dans l'école puisse être consulté sur les sujets qui les concernent. Nous croyons qu'il faut à tout prix voir à ce que les mécanismes de la consultation et de la participation dans l'école existent et fonctionnent pour que la mise en oeuvre du projet éducatif devienne possible. L'équipe-école constituée des enseignants, des professionnels non enseignants et des personnels de soutien est l'élément qui, avec les usagers jeunes ou adultes ou les parents, fait vivre le processus éducatif dans l'école. Une école ne saurait exister sans la collaboration étroite entre ces divers partenaires. Le conseil d'école aura à juger de l'efficacité de cette participation. Les directeurs d'école donnent leur accord à l'ensemble des articles sur les comités de l'école.

À la section V sur les fonctions de l'école. En étudiant attentivement l'ensemble des fonctions dévolues à l'école, nous nous sentons en terrain connu et nous sommes d'accord avec l'ensemble, sauf avec l'article 90 au sujet duquel nous formulons, à l'intérieur du mémoire, une demande de radiation et nous exprimons suffisamment clairement les arguments sur lesquels repose notre opinion. Je passe aux ressources de l'école à la page 29. Comme vous le voyez, je me rapproche de la fin.

Nous avons dit précédemment que les directeurs et directrices d'école du Québec sont très conscients de l'ampleur de la tâche projetée par le projet de loi 40, mais la réforme scolaire apportera aux directeurs d'école des défis supplémentaires et, dans plusieurs cas, des défis nouveaux, des défis de taille: gestion, écoute du milieu, concertation. La façon de gérer sera totalement nouvelle puisqu'on devra préparer des prévisions budgétaires, des prévisions de personnel, de matériel et d'équipement. Aussi, devrons-nous les présenter à la commission scolaire qui, elle, sera responsable régionalement de la planification, de la coordination et du contrôle des ressources matérielles et financières, selon les règles édictées par le ministère et selon les politiques élaborées avec les écoles. Nous devrons aussi rendre les comptes pour l'école. Le directeur sera l'exécutif dans l'école.

Tout cela demandera de l'aide. Il faudra de la part du gouvernement qu'il y ait une volonté véritable de donner à l'école l'ensemble des ressources humaines, matérielles et financières pour que l'école puisse assurer sa mission. Il va falloir que la nouvelle commission scolaire apporte tout le soutien aux agents responsables de la bonne marche de l'école. C'est un profond changement de mentalité. Je vous invite à lire Mme Marie Bouchard à ce sujet qui est tout à fait explicite.

Je voudrais aussi rappeler que la tension et le stress s'accumulent depuis nombre d'années sur les épaules du directeur et de la directrice d'école, de même que sur celles de leurs adjoints et adjointes, sans qu'il y ait eu de mouvement concret pour leur donner quelque soutien que ce soit et leur faciliter la tâche. Je voudrais vous rappeler ici l'étude que faisait en 1975 le Dr Charles-S. Lusthaus de la faculté d'administration scolaire de l'Université McGill intitulée: "Job related tension and Québec School Administrators" que je reproduis en annexe 9 et que j'aimerais bien citer; elle est très explicite sur le niveau de stress des directeurs et directrices d'école. Je vous fais grâce des citations, mais je pense qu'il est temps que le gouvernement du Québec comprenne que c'est à l'école que s'exercent les pressions du milieu et que c'est là qu'on doit appliquer les solutions appropriées. Nous demandions et nous demandons encore d'aider les directeurs et

directrices d'école qui, eux, vivent sur la première ligne de feu et non dans les arrière-tranchées derrière des bureaux. C'est en toute conscience cependant que nous acceptons le défi, mais aussi, en toute confiance dans les ressources propres de l'école et dans l'aide ainsi que le soutien que peuvent et doivent leur accorder le ministère et les commissions scolaires. (12 h 15)

Au chapitre IV. Depuis le début de nos démarches, concernant les commissions scolaires, dans ce long cheminement qui nous conduit aujourd'hui en commission parlementaire, nous nous sommes appuyés sur quatre principes. Le second portait précisément sur le maintien d'un palier intermédiaire: la commission scolaire.

M. le Président, nous croyons qu'il est bon de le rappeler, car trop souve'nt avons-nous entendu dire que nous étions contre les commissions scolaires, ce qui est totalement faux.

Quand nous voulons ce palier qu'est la commission scolaire, nous le voulons pour qu'il coordonne, qu'il planifie, qu'il soutienne le réseau que constitueront les quelque 30 écoles de son territoire. Nous voulons que la commission scolaire soit préoccupée par la vie de l'école. Nous voulons qu'un lien existe entre les deux paliers: école et commission scolaire. Un lien fort, un lien dynamique. Nous voulons que la collaboration s'établisse en termes de "partnership", car nous croyons que chacun des paliers du système, l'école, la commission, le ministère, est un engrenage essentiel et que les pouvoirs et responsabilités de chacun doivent être clairement définis.

C'est dans cet esprit que nos membres ont analysé et accepté les textes contenus dans ce chapitre. Ils ont reconnu ce palier intermédiaire souhaité, ils ont vu le lien établi entre nos deux paliers par la présence d'un commissaire d'école qui siège au conseil d'école et au conseil des commissaires.

Pour nous, ce lien école-commission scolaire est essentiel et nous croyons qu'il augmentera la cohérence du système.

Si le commissaire perd sa qualité pour siéger au conseil d'école, tel que défini à l'article 58, nous croyons qu'il devrait quitter également son siège à la commission scolaire et, vice versa, s'il perd sa qualité de commissaire.

Il se peut que l'intention du projet de loi soit dans ce sens. Mais nous n'avons pas trouvé les articles l'indiquant clairement. Aussi, nous demandons au gouvernement de donner suite à cette recommandation dans la nouvelle formulation qu'il fera des articles 58 et 172.

Nos membres ont aussi reconnu les fonctions de coordination, de planification et de soutien de la commission scolaire, que ce soit pour la répartition des services éducatifs, pour le plan quinquennal d'utilisation des immeubles, pour la coordination du transport ou pour l'organisation des services aux élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage.

En ce qui concerne le territoire - cela m'apparaît important - notre fédération a retenu comme politique que chacune de nos associations locales prenne position elle-même selon les besoins de son milieu. C'est pour cela que nous ne traitons pas du tout de la carte scolaire.

Je vous fais grâce des quelques modifications que nous suggérons dans le reste du chapitre. Je pense qu'elles sont suffisamment claires dans notre mémoire.

Pour les besoins de notre mémoire, nous avons regroupé l'ensemble des chapitres V à XI, étant donné que les articles qu'ils contiennent sont, sous un aspect ou un autre, reliés au ministre de l'Education et au gouvernement selon leur compétence propre.

Nous avons toujours soutenu qu'il appartenait au gouvernement de fixer les grandes orientations de notre système d'éducation. Il a été élu pour cela. Il doit aussi édicter les règlements qui feront que les orientations retenues s'appliqueront et il doit poser les gestes politiques conséquents à ces orientations.

Cela dit, dans l'ensemble de cette partie du projet de loi, nous reconnaissons très bien le troisième palier du système scolaire avec ses prérogatives, ses pouvoirs, sa stature.

Nous reconnaissons aussi que ces quelques articles ne décrivent que le canevas de ce qu'est le ministère de l'Éducation. Nous savons très bien que les mandats attribués au ministère de l'Éducation seront complétés par une réécriture de la réglementation existante pour la mettre en concordance avec le projet de loi. D'ailleurs, nous avions formellement demandé que ces projets de règlement soient déposés avant la commission parlementaire, et c'est ce qui a été fait.

Par la suite, nous faisons plusieurs recommandations concernant divers articles: 297, 307, 309, 368 et 385. Mais, étant donné la rapidité avec laquelle j'ai dû procéder, je crois que vous me permettrez de résumer en quatre minutes notre pensée sur le projet de loi. Je voudrais la résumer. Peut-être que je ferai une répétion mais c'est dans le but d'être tout à fait conforme étant donné que j'ai omis tellement de points. Je résume en quatre minutes.

Le Président (M. Blouin): S'agit-il de votre conclusion?

M. de Guire: Oui, M. le Président. Nous vous avons présenté notre mémoire sur le projet de loi 40, que je rappelle adopté à 80% de nos membres en assemblée générale.

Notre but a été d'apporter une collaboration positive à l'élaboration et à l'amélioration de ce projet. Nous disons que ce projet rejoint une grande partie de nos aspirations quant à la prise en charge de l'école par elle-même, autant pour un meilleur service à l'élève que pour une meilleure implication communautaire.

Notre appui au projet de loi 40 vient du fait que nos membres, à la suite des nombreuses études et consultations, retrouvent dans ce projet de loi les principes qu'ils défendent depuis longtemps. En effet, le projet de loi recentre le ministère sur sa mission éducative et pédagogique, invite les commissions scolaires à la coordination des services à rendre à l'école et rend l'école responsable de la qualité de l'éducation qu'elle doit donner à l'élève.

L'article 28 est la pierre angulaire de tout l'édifice et c'est pour cela que nous sommes en accord avec son libellé intégral. Pour nous, l'école doit être autonome pour tout ce qui regarde son vécu quotidien et les services à offrir à ses clientèles chaque jour. C'est notre principe de base, c'est ce qui nous a guidés tout le temps.

Nous préconisons, en accord avec le projet de loi 40, que le conseil d'école assume les pouvoirs donnés à l'école. C'est à cet établissement d'enseignement et à son conseil que le législateur a attaché une quarantaine de responsabilités en propre pour lui permettre de jouer pleinement son rôle de pivot du système scolaire. Il est de la plus haute importance cependant de retrouver au conseil d'école, des décideurs qui ne peuvent être, en aucun moment, en conflit d'intérêts. La participation à l'élaboration des projets et politiques pour l'école, de même que l'élaboration de leur mise en oeuvre, doivent être absolument dissociées de la prise de décision sur ces mêmes projets dont l'articulation est assurée à l'aide des comités d'école.

L'école a besoin, pour réaliser son projet éducatif, d'une stabilité et d'un climat sain. Nous retenons que les agents de lrécole, les enseignants et les enseignantes en particulier, ont un rôle important à jouer et que les services offerts à l'élève reposent sur le professionnalisme et la compétence de tous les personnels. Nous sommes d'accord, comme directeurs et directrices d'école, pour exercer les fonctions prévues dans le projet de loi 40 et pour en rendre compte. Nous adhérons à la notion d'imputabilité, ce qui est clairement exprimé.

Nous prétendons cependant que le projet de loi 40 devrait se limiter à fixer qui est l'employeur du directeur et de la directrice d'école - j'ai dû, malheureusement, omettre ce bout qui nous apparaît fondamental. Nous croyons que le projet de loi ne doit déterminer que l'employeur du directeur et de la directrice drécole, de l'adjoint et de l'adjointe, sans préciser comme il est fait aux articles 82, 83, 84 et 85 les règles qui nous concernent nous, directeurs d'école, qui concernent les règles de l'engagement, du mandat, de la nouvelle affectation, de la sécurité d'emploi et globalement de toutes les modalités qui découlent de l'engagement. S'il fallait que tout cela soit contenu dans un projet de loi, demain quand j'aurai à représenter mes directeurs et mes directrices, mes adjoints et mes adjointes pour faire changer quoi que ce soit à leurs conditions de travail, je devrai me présenter à l'Assemblée nationale pour discuter de cela. Je ne veux pas me présenter à l'Assemblée nationale; ce n'est pas la place pour faire des discussions sur nos conditions de travail. Je voudrais retrouver toutes ces conditions dans le règlement.

J'ai résumé, mais c'est un peu vous, M. le Président, qui m'avez forcé à résumer. Je pense que vous avez sûrement compris l'essentiel: les conditions de travail d'aucun corps d'emploi du secteur public ne se discutent à l'Assemblée nationale, ce n'est pas possible.

Rappelons également que ce que nous disons pour le directeur et la directrice d'école doit s'appliquer mutatis mutandis à l'adjoint et à l'adjointe au directeur d'école. C'est un membre à part entière de l'équipe de direction. Nous croyons que la loi est suffisamment claire dans la répartition des responsabilités, pouvoirs et droits de chacun des paliers. Par ailleurs, l'école n'exerçant pas toutes ses fonctions dans un cadre défini par la commission scolaire, nous trouvons inutile et tendancieux l'article 90. Nous voulons qu'un lien existe entre les deux paliers. Nous voulons que la collaboration s'établisse en termes de "partnership". Ce lien est établi entre nos deux paliers par la présence d'un commissaire d'école qui siège au conseil des commissaires. Ce lien école-commission scolaire est essentiel et nous croyons qu'il augmentera la cohérence du système.

En toute conscience, nous acceptons le défi proposé et nous mettons notre confiance dans les ressources propres de l'école et aussi dans le soutien que peuvent et doivent apporter le ministère et les commissions scolaires à nos écoles. Il faudra, de la part du gouvernement et des nouvelles commissions scolaires, qu'il y ait une volonté de donner à l'école l'ensemble des ressources humaines, matérielles et financières pour qu'elle puisse assumer sa mission. Nous estimons que l'union des forces vives du réseau peut faire franchir une étape importante dans la valorisation de notre école publique trop souvent - et à tort, à mon sens - décriée. Nous avons hâte de voir la loi publiée dans la Gazette officielle car, après deux ans de travaux, nous croyons que

le temps est venu de la rendre en vigueur. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire. Je puis déjà vous assurer qu'au-delà de toutes les idées que vous avez exprimées, toutes les idées contenues dans votre mémoire ont déjà fait l'objet d'une étude attentive des membres de la commission qui ont reçu votre mémoire depuis déjà un bon moment. M. le ministre.

M. Laurin: M. le Président, je voudrais d'abord remercier et féliciter la Fédération québécoise des directeurs d'école et toutes ses associations régionales représentées ce matin à la table pour l'étude fouillée qu'elles ont faite, aussi bien du livre blanc que du projet de loi. Vous êtes des administrateurs scolaires, mais vous êtes, parmi les administrateurs scolaires, les seuls qui oeuvrez quotidiennement au niveau de ce palier du système éducatif qui en constitue le coeur, le centre, le foyer, la base et le pivot, c'est-à-dire l'école. Votre tâche est délicate - vous l'avez rappelé - et difficile, mais considérable et essentielle. Je pense que cette expérience et cette tâche confèrent à vos opinions un poids et une crédibilité qu'on ne saurait trop souligner.

J'aurais évidemment plusieurs questions à vous poser, mais je ne voudrais pas les accaparer toutes. Je sais, d'ailleurs, qu'elles vous seront posées soit par mes collègues de l'Opposition ou mes collègues ministériels. Je voudrais simplement commencer la discussion en ne vous en posant qu'une. Plusieurs intervenants à cette commission ont fait état du fait que les modifications apportées par la loi 71 en 1979 relativement à la participation des parents à la gestion de l'école et relativement au conseil d'orientation qui était établi par cette loi étaient suffisantes. Cependant - et je pourrais même dire par contre - votre mémoire insiste particulièrement sur la nécessité de créer juridiquement ce nouveau palier du conseil d'école en lui attribuant des pouvoirs et des responsabilités très définis pour la réalisation du projet éducatif. Ma question est à double volet: Selon vous, comment le projet de loi permettra-t-il à l'école de mieux prendre en charge son projet éducatif? Et le deuxième volet: Croyez-vous qu'une telle mesure sera susceptible d'améliorer la qualité des apprentissages, ce qui est le but premier du système éducatif, tout en respectant, cependant, la diversité des besoins de chaque milieu. (12 h 30)

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: II est bien sûr, en réponse à la question qui m'est posée, qu'on pourrait formellement dire que la loi 71 pourrait être améliorée. Des conseils d'orientation pourraient permettre de réaliser les objectifs qui sont véhiculés à l'intérieur du projet de loi 40. Cependant, la loi 71 ne s'est pas appliquée. Je n'apprendrai rien à personne. Les conseils d'orientation dans la région 01, il n'y en a aucun. Dans la région 02, il n'y a aucun conseil d'orientation. Dans la région 03, il n'y a aucun conseil d'orientation.

Dans la région 04, il y a une exception, à l'école Sainte-Thérèse, à Drummondville. Dans la région 05, il n'y en a aucun. Dans la région 06, dans la première partie, il en existe à la commission scolaire des Mille-Îles dans une école anglophone. Dans la région 06, sur la rive sud de Montréal, il n'y en a aucun. Dans la région de l'île de Montréal, il y en a un à la commission scolaire Sainte-Croix, l'école Cardinal-Léger. Dans la région 07, on en retrouve dans deux polyvalentes de la commission scolaire régionale Papineau.

Il y a une particularité, cependant, à la commission scolaire régionale de l'Outaouais, c'est qu'on a là un comité de régie. Ce n'est pas tout à fait un conseil d'orientation. C'est une particularité importante, cependant, à mentionner. Dans la région 08, il n'y en a aucun. Dans la région 09, il n'y en a aucun. Alors, quand nous affirmons que le projet de loi 71 ne permet pas à l'école de prendre des décisions, c'est que pour tout ce qui se fait à l'école ou tout ce qui pourrait se faire à l'école, c'est écrit partout dans la loi que c'est sous l'autorité du DG de la commission scolaire ou selon les politiques et directives de la commission. Quand on pense actuellement à notre système public, je serais porté à vous faire la comparaison avec notre système privé. Qu'est-ce qui fait qu'on entend régulièrement que c'est merveilleux dans l'école privée. On entend dire que les gens voudraient y aller parce que cela va beaucoup mieux que dans notre système public. Justement, M. le Président, c'est que dans l'école privée ils ont ce que nous demandons dans le projet de loi, ils ont une petite marge de manoeuvre. À l'école privée, ils sont obligés de respecter les lois du Québec, ils sont obligés de respecter les régimes pédagogiques. Ils ont une marge de manoeuvre financière. Nous demandons que les commissions scolaires continuent de régler cette question.

L'autre partie qui fait que l'école privée est si belle par rapport à l'école publique, c'est qu'elle se donne une couleur locale, elle applique elle-même le régime pédagogique dans l'école en permettant une application concrète, quotidienne pour répondre aux besoins de son école, aux besoins des gens qui sont dans son école. Je crois que la qualité de l'éducation, la qualité du service à donner à l'école sera, à mon point de vue, améliorée - c'est en réponse à votre question - parce que, justement, les

décisions qui concernent cette question seront prises près de l'action, c'est-à-dire dans l'école avec les gens qui ont aussi à tenir compte des aspirations, des contraintes, mais des possibilités qu'ils ont également.

Nous croyons que la diversité d'une école à l'autre pourrait apporter justement ce qui fait la gloire actuellement de l'école privée, c'est-à-dire la couleur différente d'une école à l'autre, tout en respectant le régime pédagogique de l'ensemble du système.

Maintenant, je ne sais pas si mes collègues auraient des compléments à la réponse que je viens de vous donner.

Le Président (M. Blouin): Cela va? Merci. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, vous me prenez par surprise...

Le Président (M. Blouin): Ah oui?

M. Ryan: ...parce que les choses marchent à un rythme qui me renverse. Je pensais être encore en train d'écouter le ministre tellement les thèmes concordaient, tellement les thèmes qu'on aborde de part et d'autre sont convergents, cette fois-ci. Voici un cas où je ne contesterais pas le constat de convergence de notre collègue, le ministre de l'Éducation. Blague à part...

Le Président (M. Blouin): Ah! il s'agissait d'une blague?

M. Ryan: Oui, c'était une pure plaisanterie, M. le Président. Blague à part, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt le résumé forcément rapide qu'a présenté M. de Guire, ce matin, du mémoire de la Fédération québécoise des directeurs d'école. Je veux l'assurer que j'ai lu le mémoire au complet -j'ai mes notes ici, dont je vais m'inspirer, ces notes de lecture remontent à la période entre Noël et le jour de l'An parce que, pendant la session, nous n'avions pas le temps de le faire - et je pense que nous aurons une discussion intéressante.

Je voudrais tout d'abord dire à M. de Guire et à l'équipe qui l'accompagne, en particulier à l'un des principaux, M. Poirier, qui nous fit naguère l'honneur d'être un citoyen du comté d'Argenteuil, mais qui a cru aller vers des pâturages plus agréables en se laissant entraîner dans le comté de Papineau, à l'occasion de la dernière refonte de la carte électorale. Je voudrais lui dire que je conserve un très bon souvenir de lui et du dynamisme qu'il a manifesté, non seulement dans son travail d'éducateur, mais également dans son travail d'animateur social et communautaire.

Nous avons eu l'occasion - je pense que vous me permettrez de le rappeler, M. de Guire - de discuter longuement des sujets qui font l'objet de votre mémoire et du projet de loi 40. Vous m'avez accordé beaucoup de temps, l'été dernier, pour une discussion très détaillée sur ce sujet que j'avais vivement appréciée. J'avais apprécié en particulier l'esprit de courtoisie et de dialogue dans lequel nous avions pu causer de ces choses avec vous-même et quelques-uns de vos collaborateurs. Et c'est dans le même esprit que je veux continuer la discussion ce matin.

Sur le rôle capital du directeur d'école, je pense qu'il existe un accord assez large. Je pense qu'on peut comprendre, en lisant votre mémoire, que, pour vous, le directeur d'école est vraiment l'épine dorsale de ce système de relations et de travail qu'est l'école. Si vous avez eu l'occasion d'écouter ce que nous avons dit depuis le début des travaux de la commission parlementaire, vous aurez constaté que, nous aussi, accordons une très grande importance au directeur d'école. Nous ne le voyons pas tout à fait de la même manière que vous - nous en discuterons tantôt - mais, sur le fond, je voudrais vous assurer que le directeur d'école est, pour nous, une pièce absolument majeure du système d'enseignement. Et vous l'avez souligné tantôt avec à propos.

On aurait également pu le dire à propos des cadres scolaires, qui sont venus nous voir plus tôt, aujourd'hui, et des directeurs généraux des commissions scolaires que nous avons rencontrés hier. Toutes ces personnes qui exercent, aujourd'hui, des fonctions de cadre ou de gérance dans le système scolaire furent d'abord, pour la très grande majorité, des éducateurs, des enseignants. Ils le demeurent de coeur et ils ont accepté de servir à des niveaux de responsabilité plus élevés, justement parce qu'ils voulaient que la fonction enseignante produise des fruits encore plus grands. Je pense que le vrai directeur d'école, c'est celui qui est d'abord un enseignant, un éducateur, et qui a vu sa fonction s'élargir, mais sans oublier ce qu'il fut et ce qu'il demeure toujours. J'ai connu beaucoup de directeurs d'école et cela m'a toujours frappé de constater combien ils étaient, d'abord et avant tout, des éducateurs. Et je pense que c'est essentiel que cela le demeure.

Vous avez été mêlée de très près comme fédération à tout le mouvement de discussion et de recherche qui a préparé le projet de loi 40. Vous avez joué un rôle extrêmement actif dans cela. C'est un mérite de votre association de l'avoir fait. Une société démocratique se nourrit des démarches comme celles que vous avez multipliées au cours des années en vue d'obtenir certains résultats dont plusieurs sont satisfaisants pour vous aujourd'hui, dont d'autres demanderaient des améliorations, à votre point de vue. Cela est très bien et

j'espère que votre fédération continuera longtemps à jouer ce rôle de pression, de formation de l'opinion publique, d'agent de changement qui convient à des associations professionnelles dynamiques, me semble-t-il.

Sur la réforme elle-même, vous avez pu constater depuis le début de la semaine que des éléments très importants nous opposent au gouvernement. Je ne veux pas les cacher devant vous ce matin, ce serait jouer à l'illusionnisme et je sais que ce n'est pas votre genre. Il y a des points sur lesquels je voudrais avoir des échanges de vue avec vous et je vais commencer par un - j'en ai inscrit quelques-uns sur ma feuille.

Tout d'abord, au tout début de votre mémoire, vous indiquez les quatre principes fondamentaux dont vous dites vous inspirer. Le premier principe: l'école doit être autonome pour tout ce qui regarde son vécu quotidien et les services à offrir à ses clientèles; deuxièmement: l'école délègue à un palier intermédiaire des pouvoirs de coordination et de planification - vous donnez les exemples en matière de transport et de relations du travail; troisièmement: la direction d'école doit avoir le même type de pouvoirs et d'obligations dans son école que celle que le directeur général a actuellement au sein de la commission scolaire; quatrièmement: la Fédération québécoise des directeurs d'école doit s'assurer du statut et de la sécurité du directeur d'école. Ce sont les quatre principes qui sont inscrits au tout début de votre mémoire.

Il y en a deux qui créent des problèmes dans mon esprit. Le premier, d'abord: l'école doit être autonome pour tout ce qui regarde son vécu quotidien et les services à offrir à ses clientèles. Pour tout ce qui regarde son vécu quotidien, je suis parfaitement d'accord. Les services à offrir à ses clientèles... Autonome, tout dépend de la définition qu'on donne du mot autonome. Si vous voulez dire indépendante vis-à-vis de la commission scolaire, je ne peux pas être d'accord avec cela. Cela remet en question des principes fondamentaux. Tout à l'heure, j'entendais la délégation de l'Association des cadres scolaires du Québec nous dire qu'en ce qui regarde le régime pédagogique, par exemple, il y a des éléments qui dépendent de la commission scolaire. En ce qui regarde la dispensation des services d'éducation des adultes, par exemple, il y a toutes sortes d'aménagements, il y a toutes sortes de conditionnements qui vont dépendre de la commission scolaire, cela ne peut pas relever seulement de l'école. Si vous voulez dire par là qu'elle doit être autonome en ce sens qu'elle assure exclusivement, sans aucune espèce de contrôle de la commission scolaire, des services à offrir à sa clientèle... Il y a le problème de l'évaluation en particulier qui a été soulevé avec beaucoup de pertinence et de manière très concrète ce matin. Il va falloir que vous trouviez des explications satisfaisantes à ces difficultés.

J'émets une réserve tout de suite sur le deuxième principe - on pourrait disposer de ces quatre principes tout de suite pour commencer, cela réglerait un certain nombre d'autres problèmes ensuite: l'école délègue à un palier intermédiaire des pouvoirs de coordination et de planification. Vous vous souvenez que, quand nous nous étions rencontrés, je vous avais dit que cela me faisait sourire. Encore aujourd'hui, je trouve que c'est une formulation dont le réalisme doit être démontré. Dans le système que nous avons actuellement, ceux qui sont les détenteurs d'un mandat, ce sont les élus du peuple qui ont la charge de diriger le système d'enseignement sur l'étendue de leur territoire. À partir du mandat populaire qu'ils détiennent, qu'ils aient une responsabilité de déléguer des pouvoirs et des responsabilités à un autre palier, en particulier à l'école, je le comprendrais très bien.

Si vous me dites que ceci est un principe de base, je vais vous dire une chose: Faites-vous élire par le peuple comme directeurs d'école et comme membres des conseils d'école et on va changer toute la structure. On va créer une vraie structure démocratique en bas. Ce sera un conseil d'école élu par tous les citoyens. On engagera un directeur et tout. Je pense que le ministre lui-même n'oserait pas aller si loin parce qu'il se rendrait compte que ce serait une complication extrême, sans compter l'augmentation des charges d'énergie et même des charges financières et administratives, à tout point de vue. Mais aussi longtemps que nous restons dans le système actuel, c'est une formulation qui crée des problèmes sérieux sur le plan logique. (12 h 45)

Je pense que la commission scolaire, c'est plus que cela; c'est plus qu'un organisme qui se fera déléguer des pouvoirs par l'institution qui est au plan local. N'oubliez pas que c'est la commission scolaire qui reçoit le mandat du peuple. Peut-être qu'on changerait cela si on avait une commission scolaire qui serait uniquement une fédération d'écoles souveraines; peut-être, mais ce n'est pas cela, le système. C'est peut-être le système que vous voulez avoir. C'est l'un des postulats de base de notre politique, à savoir que nous tenons à ce que, sur un territoire, il y ait un groupe de citoyens qui aient reçu de leurs concitoyens le mandat de veiller à ce que les services éducatifs soient assurés sur tout le territoire, suivant les modalités qui pourront comporter au maximum les choses que vous désirez.

C'est ma première question: Est-ce que vous êtes prêts, d'abord, à soutenir les

services à offrir à sa clientèle - cela est exclusif - sans aucune espèce de droit de regard de la commission scolaire ou d'un rôle propre de la commission scolaire? Deuxièmement, comment interprétez-vous le deuxième principe? Est-ce que je l'ai mal lu ou si j'ai bien compris?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. le Président, je voudrais quand même, avant de répondre à la question, relever un peu la boutade de M. le député d'Argenteuil, au départ, qui avait l'impression d'entendre le ministre de l'Éducation. Dans l'ensemble du Québec...

Le Président (M. Blouin): II s'agissait d'une blague; alors, n'insistez pas.

M. de Guire: Peut-être que je pourrais faire une blague et dire que nous sommes possiblement aussi en accord avec M. le député d'Argenteuil sur certaines choses qu'il a dites depuis le début et que, pour autant, je ne crois pas qu'on va me dire que je ressemble aussi...

M. Ryan: Si je peux me permettre juste une petite précision.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, tout cela est très drôle, mais...

M. Ryan: Comme je le disais tantôt, c'est un reproche à mon endroit parce que j'avais été distrait pendant deux minutes par des collègues qui me parlaient de sujets pertinents...

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Ryan: ...et je n'avais pas compris qui intervenait exactement. C'est tout, ce n'est pas autre chose.

Le Président (M. Blouin): Cela va très bien. M. de Guire, sur le fond. Sur le fond, s'il vous plaît, M. de Guire.

M. de Guire: Cela a quand même été dit et moi aussi... Je dois vous appuyer, M. le député, quand vous dites que le directeur et la directrice d'école ont un rôle des plus importants dans le système scolaire. Le directeur d'école est la pièce majeure. Vous nous avez invités à continuer d'être positifs. Je pense que nous l'avons fait depuis le départ et nous allons continuer. Nous aurions pu prendre l'attitude de dire: On est contre. L'attitude qu'on a prise - et certains nous ont ainsi qualifiés - c'est que nous avons décidé d'être positifs et nous avons décidé -d'ailleurs, comme vous nous l'avez demandé et félicité - de trouver la possibilité d'améliorer un projet qui répondrait davantage aux aspirations, à la fois des directeurs et directrices d'école, mais aussi à la fois des gens avec lesquels nous vivons quotidiennement, parce que nous croyons que nous les représentons habituellement.

Nos positions, cependant, et nos revendications datent de 1974. Je les ai citées avec les dates aussi tout au long. Quand vous parlez de nos quatre principes, j'en viens à la fin de votre question, je vais commencer d'abord par le deuxième principe: votre deuxième question, que l'école délègue à un palier intermédiaire. Je voudrais vous rappeler que nous écrivons à ce moment-là que nos membres votaient en février 1982, avant la publication du livre blanc et avant la publication d'un projet de loi. J'ai dit d'ailleurs tout au long du mémoire que nous avions... À partir de ce moment-là, ce que nous défendions en fait, c'est ce que vous dites: une école indépendante - ce qu'on appelait dans le temps dans le jargon populaire: une école corporation - et que les écoles pourraient former une fédération d'écoles et ainsi de suite. C'était ce que nous défendions. J'ai dit aussi dans notre étude - et je pense que vous l'avez - que Me Garant, à qui nous avions demandé de faire l'étude de nos opinions sur cela, nous a fait la preuve qu'il y aurait peut-être davantage de conflits dans un système comme celui-là que dans un autre système. C'est pour cela que, par la suite, nous en sommes arrivés, non plus à dire que l'école délègue à un palier intermédiaire qu'on appelle la commission scolaire, mais que la commission scolaire aura des pouvoirs clairs et à la fois de soutien, de supervision, de contrôle et d'évaluation. Tous ces pouvoirs, nous les souhaitons pour la commission scolaire. Ils sont d'ailleurs, de façon très précise, explicites dans la section V, à la fonction de la commission scolaire où, dès l'article 199 et suivants, on voit que la commission scolaire s'assure que la population de... Ce sont des pouvoirs. La commission scolaire peut établir; la commission scolaire assure le soutien de l'organisation pédagogique et un peu, d'ailleurs, ce qui a été dit ce matin: "La commission scolaire veille à ce que les écoles évaluent les apprentissages des pouvoirs de l'école." Ce n'est pas laissé à la va comme je te pousse. Ce n'est pas l'école qui va faire à peu près n'importe quoi. La commission scolaire doit veiller à ce que ce soit fait et applique les épreuves uniques imposées par le ministre. Et on continue: les pouvoirs et les fonctions de la commission scolaire et on va même, à l'article 217, jusqu'à dire que si cela ne marche pas après avoir fait toutes les observations, la commission scolaire a un pouvoir de tutelle.

M. le Président, ce qui fait que nous sommes en accord et qui peut peut-être paraître ambigu à beaucoup, c'est que pour

nous, la différence entre une délégation de pouvoir que j'appelle dans notre jargon "une décentralisation avec un élastique" je vous prie de croire que les élastiques sont raides, cela rebondit très vite les délégations de pouvoir parce qu'elles sont toutes accompagnées ou de directives ou de politiques si bien que la délégation de pouvoir, c'est, à toutes fins utiles, de la bouillie pour les chats. La délégation de pouvoir, c'est de la déconcentration. Ce n'est pas du tout de la décentralisation. Quand les gens se gargarisent de mots, qu'ils parlent de décentralisation et qu'ils veulent décentraliser des choses à l'école, je regrette, mais de la décentralisation et de la déconcentration, ce sont deux discours tout à fait différents. Ce sont deux mots qui, dans la langue française, sont complètement opposés l'un à l'autre.

Nous sommes en accord parce que précisément ce n'est pas ce qui se produit. Ce qui se produit et qui, à notre sens, évite toutes les ambiguïtés, c'est que c'est le législateur qui décide, c'est-à-dire que c'est vous, les membres de l'Assemblée nationale, qui décidez de donner des mandats par la loi à la fois à votre ministère de l'Éducation -parce que l'Assemblée nationale a aussi des comptes à demander à son ministère de l'Éducation, c'est un palier dans le système -donc, le législateur que vous êtes donne un mandat au ministère de l'Éducation, donne un mandat à la commission scolaire et donne un mandat à l'école.

Les supervisions et les contrôles. C'est l'Assemblée nationale qui fait le contrôle de ce que fait le ministère de l'Éducation; c'est le ministère de l'Éducation qui fait le contrôle de la commission scolaire. Selon le projet de loi 40, c'est la commission scolaire qui fait le contrôle de ce que fait ou de ce qu'aura comme responsabilités l'école. C'est écrit en toutes lettres, tous les articles dans le chapitre des fonctions de la commission scolaire, de 199 jusqu'à 217 et 218 sont passablement clairs dans toutes les fonctions. La commission scolaire doit effectivement veiller, surveiller, chacune des responsabilités qui sont données à l'école. C'est pour cela que lorsqu'on a vu qu'il y avait une véritable décentralisation et qu'on a vu aussi qu'il n'y avait plus les ambiguïtés qu'on retrouvait auparavant dans le livre blanc, à savoir les conflits de juridiction, qu'on a vu que les mandats étaient clairs et qu'il y avait justement non pas le ministre de l'Éducation qui vient vérifier dans l'école pour arriver à l'étatisation du système - c'est important -nous nous sommes mis d'accord, pour éviter précisément l'étatisation et un lien direct entre le ministre et l'école. Ce n'est pas cela, c'est la commission qui vient contrôler si l'école fait bien... Pour employer une expression connue, l'école fait-elle sa "job" ou non? C'est la commission qui vient la vérifier.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire. M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. le Président, au cours des derniers jours nous avons entendu la Fédération des commissions scolaires du Québec, l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires catholiques du Québec et, ce matin, l'Association des cadres scolaires du Québec. Ces trois organismes nous ont dit avec beaucoup de vigueur qu'ils ne trouvaient pas que le rôle dévolu aux commissions scolaires dans le projet de loi est satisfaisant. La Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec est même venue nous dire qu'avec ce genre d'aménagement de pouvoirs, il lui sera impossible de s'acquitter de son mandat.

Et vous, vous dites dans votre mémoire que vous êtes très satisfaits en général de l'économie des pouvoirs. Vous venez de le redire tantôt. Les principaux articles qui traitent du rôle de la commission scolaire semblent vous satisfaire. Plus que cela, un des rares articles charnières qu'on trouve dans le projet de loi - moi-même je le trouve plutôt insatisfaisant - l'article 90, dit: "Dans les domaines de compétence que le chapitre IV attribue aux commissions scolaires - le chapitre IV contient les articles que vous avez mentionnés tantôt -l'école exerce ses fonctions dans le cadre défini par la commission scolaire dont elle relève." Je trouve que cet article n'est pas clair. Si j'étais commissaire d'école, je n'en serais pas satisfait. Vous trouvez qu'il va trop loin et vous voulez l'enlever.

Est-ce que cela ne vous met pas un peu dans l'interrogation que de voir qu'il y a quand même des corps très importants, aussi importants que le vôtre à bien des points de vue, qui ont des objections absolument fondamentales et qui ont même insisté pour demander au gouvernement de retirer le projet de loi, à moins que ce soit amendé? Il y a un article dans la même veine - je pense que c'est l'article 28 - qui donne la définition de l'école. J'ai trouvé très curieux que dans cet article, il ne soit même pas mention de la commission scolaire. Et vous, vous avez l'air à trouver qu'il ne faut pas y toucher d'un iota parce que c'est sacré, c'est la base de l'édifice. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus.

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. le Président, c'est bien sûr que ce qu'on retrouve à l'article 28, c'est la création de l'école, c'est la définition de l'école. C'est pour cela qu'à mon sens il n'est pas question de la commission scolaire à cet article; cela m'apparaît essentiel. On dit: "L'école est un

établissement d'enseignement, sous l'autorité d'un conseil d'école qui est destiné à assurer l'éducation des élèves dans le cadre de son projet éducatif et qui exerce ses activités avec la collaboration des parents, du personnel de l'école..."

Dans le projet de loi 71, on retrouve que l'école est une entité institutionnelle sous l'autorité d'un directeur pour assurer d'une manière ordonnée l'éducation des élèves, activité à laquelle participent les élèves, les enseignants et les autres membres du personnel et les parents. Il n'est pas question non plus dans la loi actuelle de la commission scolaire.

C'est vrai, M. le Président, que des groupes comme la Fédération des commissions scolaires, comme l'Association des directeurs généraux et comme l'Association des cadres scolaires sont opposés- à une décentralisation vers l'école de pouvoirs qui concernent son vécu. Je comprends parfaitement leur position. Je pense qu'il n'y a personne qui cède son pouvoir simplement parce qu'on lui demande. On assiste à...

Ce qu'il faut comprendre, c'est que dans toute démarche, nous, les écoles, nous sommes en demande. C'est tout à fait normal qu'on demande. Ce qu'on demande, c'est une décentralisation. Et je respecte aussi les gens qui veulent conserver des pouvoirs et des responsabilités qu'ils ont. Je trouve cela tout à fait normal. Je respecte leur opinion. Mais je voudrais aussi qu'on respecte l'opinion des gens des écoles qui disent: On est peut-être assez grands pour appliquer nous-mêmes... On a peut-être assez de gens compétents, des enseignants... Il y a peut-être suffisamment de gens dans l'école et on pourrait peut-être être capables, nous aussi, de lire des programmes d'études. Peut-être qu'on serait capables aussi d'essayer ensemble de les appliquer en répondant davantage aux besoins de notre milieu.

On n'a pas demandé pour autant tous les pouvoirs. Je pense que là-dessus, d'ailleurs, vous l'avez... On n'a pas demandé tous les pouvoirs. Et je répète, parce que cela m'apparaît important, qu'on demande aussi que la commission scolaire ait un rôle de soutien à ces responsabilités qui sont dévolues à l'école, mais aussi un rôle de contrôle, comme je vous le disais tantôt. À mon sens, la commission scolaire change de rôle mais, pour autant que je sache, on n'a quand même pas une perte totale de ce qui regarde l'école, du vécu de l'école. La commission scolaire va continuer d'examiner, va continuer de contrôler, va continuer de soutenir les écoles. (13 heures)

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. de Guire: Tantôt, M. le Président, j'ai dû complètement omettre les pages où je développais l'argumentation concernant l'article 90. Je pense qu'à la suite de la question du député je vais être obligé de lire; je ne peux pas faire autrement, toute mon argumentation se trouve là. Sinon, je ne pourrai pas répondre à cette question.

Nous avons indiqué au début dans notre mémoire notre intérêt pour la décentralisation de certains pouvoirs nécessaires à l'école. D'ailleurs le projet de loi 40 attribue à l'école une quarataine de pouvoirs en propre qui engendrent une réelle décentralisation. Nous avons également souligné la différenciation entre les paliers que constituent le ministère de l'Éducation, la commission scolaire et l'école. Pour ce qui est de la décentralisation de certains pouvoirs entre la commission scolaire et l'école, je vais citer encore Me Patrice Garant qui dit: "Un tel système de décentralisation à double palier n'est pas sans susciter des craintes de conflits entre la commission scolaire et l'école, qui sont en germe dans les articles 28 et 199. La mission de l'école est d'éduquer, de dispenser les services éducatifs, d'appliquer le régime pédagogique mais elle doit la réaliser dans le cadre défini par la commission. Ce cadre, la commission l'établit en planifiant la répartition entre les écoles des services éducatifs, des personnels, des ressources financières et matérielles. Elle l'établit aussi en fixant des normes et critères." On retrouve tout cela aux articles 203, 204, 232 et 239.

Plus loin dans son étude, Patrice Garant conclut en disant: "À notre avis, la loi est suffisamment claire dans la répartition des responsabilités, pouvoirs et droits de chacun des paliers. Il y a toutefois quelques ombres au tableau dont l'article 90 qui nous paraît inutile et tendancieux. L'école n'exerce pas toutes ses fonctions dans un cadre défini par la commission scolaire; le cadre d'action de l'école est défini tant par la loi, les règlements du gouvernement et du ministre que par la commission scolaire mais sous certains aspects uniquement. Comme "le législateur n'est pas censé parler pour ne rien dire", l'article 90 risque d'être interprété autrement que comme une disposition redondante. Pourquoi prendre la peine de légiférer pour décréter que dans les domaines de compétence de la commission l'école opère dans le cadre défini par la commission scolairel Cela ne va-t-il pas de soi et le contraire ne confinerait-il pas à l'absurde?".

Je pense que vous avez le reste du dossier de Patrice Garant et que vous pourrez vous en inspirer. Je dois vous dire que l'article 90 est peut-être une chicane juridique. Nous l'avons fait nôtre parce que cela nous semble... Peut-être que deux juristes qui s'assoiraient face à face pourraient trouver que j'ai tort ou que j'ai

raison. Le danger de l'article 90, pour nous, est de laisser croire que l'école sera enfermée dans un cadre que la commission fixera à sa discrétion. L'autonomie de l'école consacrée par la loi ne doit pas être à la merci de la commission scolaire. C'est l'essentiel.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: M. de Guire, il n'y a qu'une réserve que je voudrais émettre à propos de l'opinion que vous attribuez à M. Patrice Garant, mon bon ami M. Garant. Il aurait écrit dans l'étude qu'il vous a remise que le législateur n'est pas réputé parler pour rien. Il doit mal nous connaître. S'il assistait à nos débats plus souvent - nous sommes très heureux de l'avoir avec nous depuis deux jours - il constaterait que parfois nous nous efforçons de mettre un contenu dans ce que nous disons mais que nous ne réussissons pas toujours d'une manière égale.

Le Président (M. Blouin): Je vous invite à faire des efforts, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: Dans la même veine que nous avons commencé à explorer, vous m'avez cité la Loi sur l'instruction publique à propos de la définition de l'école. Vous avez dit que, dans un article de la Loi sur l'instruction publique - l'article 32.1 pour les initiés - il n'est pas question de la commission scolaire. Vous avez parfaitement raison, mais vous savez comme moi que, deux paragraphes plus loin, il y a un article tout aussi important qui vient compléter celui-ci dans lequel il est dit que, sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire, le directeur d'école préside à la définition des orientations et des activités, etc. C'est l'article charnière dans la Loi sur l'instruction publique qui vient expliquer celui que vous avez cité.

Dans cette perspective, je voudrais vous demander une chose. Est-ce que vous seriez prêts à conserver cette disposition dans la nouvelle loi: Sous l'autorité du directeur général de la commission scolaire, le directeur d'école s'acquitte des fonctions que lui attribue le projet de loi 40?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. le Président, en conformité avec tout ce que nous avons exposé, je suis obligé de répondre: Non, nous ne sommes pas prêts à dire "sous l'autorité du directeur général", parce qu'en fait il n'y aurait pas de décentralisation. Il y aurait ce que j'ai dit tantôt, de la déconcentration. Vous avez cité l'article 32.3, que j'ai précisément dénoncé, pour expliquer pourquoi nous demandions une décentralisation, parce qu'on retrouve dans la loi 71 "sous l'autorité du directeur général". Je pourrais vous citer d'autres articles où on dit "conformément aux politiques des commissions" et, malgré tout, nonobstant tout cela, la commission scolaire peut modifier ce qui a été prévu. Et c'est cela, la loi actuelle.

On pourrait s'entendre sur le fait qu'il n'y a pas beaucoup de responsabilités données à l'école dans le projet de loi 40; je trouve qu'on fait beaucoup de bruit pour le peu de responsabilités, en fin de compte, qui sont données. Cependant, quand on parle du vécu de l'école, pour nous, c'est fondamental, le vécu de l'école; quand on parle des règlements, comment cela se vit chaque jour comment on vit chaque jour dans l'école. On dit qu'on est en accord avec cette décentralisation, mais il faut comprendre qu'actuellement, même sur cela, comment cela se vit quotidiennement dans l'école, il faut également suivre les directives de la commission scolaire, parce que c'est sous l'autorité du directeur général et sous l'autorité de la commission scolaire. On dit qu'avec le peu de pouvoirs qu'il y a actuellement de décentralisés à l'école par la loi, ce doit être le conseil d'école qui a la responsabilité de prendre les décisions. Alors, il est évident que, par cela, le directeur d'école devra rendre des comptes à son conseil d'école et non pas à la commission scolaire.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: On pourrait discuter longtemps de ce que la loi actuelle attribue au conseil d'orientation et ce serait en vain, parce que, comme vous l'avez dit justement, il en existe tellement peu que ce ne serait pas rendre compte d'une grande réalité que d'invoquer la loi. Mais il y a une chose que je voudrais vous demander dans la même veine. Vous dites, à un moment donné, qu'il faut que le directeur soit l'employé de la commission scolaire. Vous dites qu'il faut qu'il soit choisi par la commission scolaire et vous demandez qu'on laisse tomber les autres dispositions de tuyauterie qui vous paraissent relever plutôt de la réglementation ou de la négociation que de la législation, ce en quoi je suis d'accord avec vous. Maintenant, s'il est l'employé de la commission scolaire, la chose que je comprends moins, M. de Guire, c'est qu'il ne relève pas de la commission scolaire. Il y a un point qui a été soulevé à d'autres reprises depuis le début de nos travaux, qui n'a pas trouvé de réponse satisfaisante jusqu'à maintenant. Vous ne pouvez pas être l'employé de quelqu'un et relever d'une tout autre autorité qui est indépendante de celle-là. Il faut bien qu'on ajuste nos choses et qu'on réconcilie les

différentes dimensions de la réalité quelque part dans l'unité. Comment résolvez-vous ce problème-là? S'il est leur employé, comment-vont-ils apprécier sa performance? Comment vont-ils la surveiller, l'orienter, pour être en mesure de prendre à son sujet les décisions convenables?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: Je pense que nous sommes en accord et vous l'avez rappelé, ce que nous avons demandé, c'est que le directeur ou la directrice d'école soient des employés de la commission et que, d'autre part, on ne retrouve pas dans la loi ce qui concerne les conditions de travail de ces mêmes directeurs et directrices d'école. Par contre, nous croyons qu'il est possible à la fois d'être l'employé de la commission scolaire et de relever d'un conseil d'école. Je ne voudrais citer qu'un exemple et je suis fort surpris que les gens qui m'ont précédé à cette table depuis le début de la commission parlementaire, aient oublié cette réalité que, pourtant, nous côtoyons tous les jours, dans cette enceinte. Tous les employés de la fonction publique, pour ne citer que cet exemple, sont des employés de la fonction publique qui les engage et les congédie et ils relèvent tous d'un ministère tout à fait différent pour les mandats qu'ils ont à réaliser quotidiennement. Cela est tout à fait dans l'habitude actuelle, cela se fait régulièrement dans la fonction publique. Je pourrais donner un autre exemple. Les enseignants sont des employés de la commission scolaire et, pourtant, ils relèvent, dans l'exécution de leurs tâches quotidiennes, du directeur d'école.

On croit que l'école, comme conseil d'école, pourrait, à ce moment - puisque vous avez parlé de la façon de l'évaluer, etc. - prévoir des mécanismes qui permettraient au conseil d'école de rencontrer la commission scolaire pour faire part de ses observations concernant le directeur d'école. Cela peut très bien se faire. Je crois que cela se fait actuellement à l'intérieur de la plupart des ministères qui sont dans le système québécois.

Le Président (M. Blouin)i Merci.

M. Ryan: Je voudrais simplement vous donner une précision là-dessus. Il y a récemment eu des changements à la loi. Je ne voudrais pas m'avancer trop loin. Mais, à ma connaissance, la Commission de la fonction publique était un organisme de sélection qui établissait un bassin de personnes disponibles pour des fonctions mais l'engagement, les promotions et les congédiements se font par les ministères respectifs, par les vrais employeurs. La commission est un corps qui a une fonction bien spéciale dans tout cela: vérifier l'admissibilité des candidatures, établir un "pool", un bassin de candidats pour l'attribution de fonctions, mais ce n'est pas elle qui engage et qui congédie, à ma connaissance. Est-ce qu'il y a quelque chose là-dessus?

M. de Guire: Peut-être que la loi a été modifiée et que ce n'est plus tout à fait exactement cela. Ce que je voulais dire par là, c'est que cela s'est vécu et que cela se vit aussi de la même façon à l'intérieur de chacune de nos écoles avec le cas des enseignants. Les enseignants sont les employés de la commission scolaire, mais c'est quand même auprès de l'école et envers le directeur d'école qu'ils ont à jouer leur rôle et à exécuter leur mandat. C'est au directeur d'école qu'ils rendent des comptes. C'est clair que c'est le directeur d'école qui s'adresse à la commission scolaire, par exemple, pour une action face à un enseignant. Cela se fait régulièrement et je ne vois pas pourquoi cela ne pourrait pas se faire dans un système qui est là.

Le Président (M. Blouin): Cela va?

M. Ryan: D'abord, l'exemple de la fonction publique, je le récuse jusqu'à nouvel ordre, car je pense qu'il ne s'applique pas. On pourra consulter M. Garant et d'autres experts là-dessus, mais ce que je vous ai dit, ce n'est pas la nouvelle loi. C'est la loi telle qu'elle existait avant les modifications récentes. Je pense cependant que l'essentiel demeure, excepté que c'est passé au Conseil du trésor. C'est un autre débat. Je pense que l'exemple...

M. de Guire: Même si c'est le Conseil du trésor, c'est encore quelqu'un d'autre qui fait cette tâche. C'est ce qu'on veut dire. C'est que cela peut se réaliser.

M. Ryan: Ce que je vous dis, c'est qu'une fois qu'une personne est employée par un ministère - c'est le ministère qui va embaucher la personne - elle relève de l'autorité du ministère, pas de la Commission de la fonction publique.

Maintenant, j'arrive à l'autre point. Vous dites: L'enseignant, au niveau de l'école, relève de l'école, c'est évident, mais par l'intermédiaire d'un directeur qui relève du directeur général de la commission scolaire. On a l'unité du système. Dans ce qui est proposé, nous ne l'avons point. J'écoute les explications et je n'en suis point satisfait. Maintenant, disons qu'on reprendra le débat. Je ne voudrais pas monopoliser davantage de temps là-dessus. J'ai seulement une autre question.

M. de Guire: Je veux simplement vous

illustrer une chose. Quand vous parlez du directeur d'école, il est peut-être aussi, en fait, l'adjoint du directeur général, un peu comme le directeur adjoint dans l'école est l'adjoint du directeur d'école. Je veux dire, si on continue la dialectique autour de cela, on pourrait trouver que cela pourrait peut-être se vivre. De toute façon, comme on ne l'a pas expérimenté, cela nous apparaît, après de nombreuses discussions, faisable et possiblement en tout cas, à notre point de vue, souhaitable.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, une dernière question, je crois.

M. Ryan: Une dernière question à propos du conseil d'école. Vous voulez que l'enseignant soit exclu du conseil d'école. C'est une source d'étonnement pour beaucoup de monde, pas pour moi parce que vous m'en avez déjà parlé à plusieurs reprises. Cela reste une source d'étonnement intellectuel pour moi, cependant, mais je ne me suis pas rendu aux arguments que vous m'aviez apportés là-dessus. (13 h 15)

J'aimerais que vous nous expliquiez: l'enseignant, vous le confineriez, si je comprends bien, à la participation au comité pédagogique qui est d'ordre purement consultatif. Est-ce qu'on pourrait envisager, M. de Guire - j'essaie de cheminer dans votre direction; je n'essaie pas de vous mettre des bâtons dans les roues - que le comité pédagogique - il y a un organisme qui a proposé ça l'autre . jour ici, c'est l'association des cadres de la CECM - ait une certaine autorité sui generis, qu'il ait, au moins, une responsabilité décisionnelle dans les matières qui relèvent de la compétence professionnelle des enseignants?

Le groupe de McGill nous a fait cette distinction. Il y a des décisions de politique pédagogique et des décisions proprement professionnelles à prendre. S'il s'agit, par exemple, de la manière selon laquelle on va enseigner le français, il me semble que ça relève plus du groupe des professeurs de français que du conseil d'école. Je ne sais pas s'il n'y a pas une marge de cheminement ou de progrès dans cette direction. Dire tout simplement: Ils ne seront pas là et qu'ils aillent au petit comité consultatif à côté, paraît un peu méprisant.

Le Président (M. Blouin): M. de

Guire.

M. de Guire: M. le Président, je ne voudrais surtout pas qu'on ait cette impression des directeurs et directrices d'école. Je pense avoir pris toutes les précautions nécessaires pour ne surtout pas laisser l'impression que nous pouvions mépriser, de quelque manière que ce soit, les enseignants et les enseignantes. Quand vous parlez des possibilités d'augmenter, par exemple, les pouvoirs du comité pédagogique, je pense que là-dessus on pourrait facilement trouver des terrains à examiner, à la condition cependant que la cohésion pédagogique puisse être réalisée. Comme le projet de loi ne prévoyait pas plus, nous n'avons pas examiné d'autres possibilités puisque actuellement ce n'est pas comme cela. Cependant, nous demeurons ouverts pour examiner toutes ces possibilités.

Si vous le permettez, je vais demander à mes collègues, s'ils le veulent, de vous distribuer le tableau sur lequel nous avons illustré notre position par rapport à la place des enseignants et des enseignantes à l'intérieur de l'école. Je vous fais grâce de l'ensemble de la partie de gauche, mais, au centre, j'ai la commission scolaire et j'ai ici l'école. Ce que nous souhaitons, c'est qu'au niveau de la commission scolaire, au niveau du palier décisionnel à la commission, on retrouve des commissaires d'écoles. On ne retrouve pas, que je sache, de cadres scolaires. On ne retrouve pas de directeurs d'école. On ne retrouve aucun employé de la commission scolaire à la commission scolaire. Ce pattern, on le trouve tout à fait normal. J'écoute tout le monde au Québec et tout le monde trouve normal qu'il n'y ait pas d'employés à la commission scolaire. Personne n'a parlé de cela.

Par contre, quand on parle du conseil d'école, on arrive à dire que, là, ce n'est plus du tout la même chose. Là, il faut qu'on retrouve des employés, mais la ligne de décision nous paraît différente de la ligne de participation. Si je regarde la commission scolaire, la participation se fait avec le directeur général de la commission. Participent avec lui, pour l'élaboration des politiques, pour tout le cheminement, la mise en place, l'organisation - tout cela se fait au niveau du directeur général - des directeurs d'école, des cadres scolaires, des enseignants, des groupes de parents, des groupes de pression, n'importe qui. Tout le monde est là pour l'élaboration, la mise en place. Tout le monde fait ce travail. On trouve ça normal. On trouve normal qu'on présente au conseil des commissaires des projets, des demandes, qu'on reçoive par la suite des mandats et qu'on voie au troisième palier à leur exécution. Ce que nous demandons, c'est que ce soit le même pattern. C'est tout simplement cela que nous demandons. Nous demandons que le pattern que tout le monde trouve normal au niveau de la commission scolaire le soit au niveau de l'école.

Maintenant, quand on me dit que ce n'est pas la même chose, je dis que ce n'est pas la même chose si j'ai un conseil d'orientation. Là-dessus, je serai d'accord. Si j'ai un conseil d'orientation, je n'ai plus de conseil d'école. À partir du moment où je

n'ai plus de conseil d'école, j'ai un conseil d'orientation et, à ce moment-là, tous les partenaires doivent être au même conseil. C'est pour cela que nous étions d'accord avec la loi 71. Dans la loi 71, on prévoit des conseils d'orientation. Un conseil d'orientation est composé de tous les partenaires qui sont assis parce que l'autorité n'est pas dans l'école. L'autorité est à la commission scolaire, tandis que, dans le projet de loi, nous disons que ce n'est plus un conseil d'orientation. Ce n'est pas un conseil de concertation, mais un conseil de décision. La participation à l'élaboration, à la mise en place doit se faire au niveau du directeur d'école, avec le directeur d'école et tous les partenaires du système.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire.

M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: Merci, M. le Président. Je voudrais féliciter les porte-parole de la Fédération québécoise des directeurs d'école pour la qualité de leur mémoire qui est étayé par de nombreuses références et citations et qui découle d'une vaste consultation auprès de leurs membres. Je vais vous dire tout de suite, M. le Président, que, même si je me sens bien à l'aise, je suis peut-être un peu en conflit d'intérêts puisque, lorsque j'ai été élu député, j'étais directeur adjoint à l'école polyvalente Saint-Damien, dans mon comté. J'en suis fier et je suis surtout fier du mémoire qui nous a été présenté par la fédération. Je dois souligner la façon positive dont vous abordez cet important projet de loi pour la restructuration scolaire. C'est certain que c'est un langage que nos amis de l'Opposition ne semblent pas apprécier beaucoup. Ils semblent plutôt apprécier le langage d'autres groupes, comme la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, qui semble plus coller à leur vision de ce projet de loi.

Je note aussi votre préoccupation - et je la trouve fondamentale - de penser à l'élève d'abord. Pourquoi y a-t-il un système scolaire? Pourquoi y a-t-il des directeurs, du personnel, des commissions scolaires? Pourquoi y a-t-il des écoles? C'est parce qu'il y a des élèves. On y sent clairement l'expérience du vécu quotidien de gens qui sont en contact, qui sont très près de ce pourquoi le système scolaire existe. Avant de poser une question bien spécifique, je voudrais vous dire - et là, je rejoins la discussion qui vient d'avoir lieu, les échanges entre le député d'Argenteuil et vous, M. de Guire - que je partage personnellement vos craintes concernant la composition du conseil scolaire. Cela semblait nouveau pour le député d'Argenteuil, mais en ce qui me concerne, je vais très brièvement vous faire part d'un vécu personnel.

J'ai eu l'honneur et le privilège d'être, pendant trois ans, membre d'un conseil d'administration de CLSC. Comme vous le savez, un conseil d'administration de CLSC est formé de porte-parole des usagers qui sont majoritaires et aussi des porte-parole du personnel clinique et d'autres catégories de personnel. Je peux vous dire que, même si c'est dans un endroit où le CLSC a la réputation d'être relativement tranquille, effectivement on a vécu la transposition de conflits internes. C'est un lieu où on a amené des conflits de personnalités; c'est un lieu où il y a eu, jusqu'à un certain point, certains règlements de comptes internes. On sentait que la lutte de pouvoirs se transposait là à cause de la participation des membres du personnel. Pour avoir vécu dans une école, on sait très bien que l'objectif avoué des enseignants, même si, moi aussi, je pense qu'ils sont des collaborateurs indispensables dans votre travail, c'est le pouvoir de cogérer, c'est la cogestion.

Je ne sais pas ce que le ministre décidera finalement. Cela peut paraître dur; cela peut paraître "rough" d'exclure les enseignants du conseil d'école, mais, comme vous le dites dans votre mémoire, si on veut que cela fonctionne, je pense que leur participation doit se situer à un autre niveau. Là-dessus, je suis parfaitement d'accord avec ce que vous dites en vous basant sur les études de M. Roquet et de M. Julien.

J'en viens maintenant à ma question. Elle découle de l'un des quatre principes que vous avez énoncés dans votre mémoire à la page 1. C'est le troisième point. Vous dites que le directeur d'école doit avoir le même type de pouvoirs et d'obligations dans son école qu'un directeur général a actuellement dans sa commission scolaire. La question que je vais vous poser, M. de Guire, est celle que j'ai entendue de la part de certains organismes ou certaines personnes. Si cela se faisait tel que vous aimeriez que ça se fasse, le directeur d'école étant à l'école ce que le directeur général est à la commission scolaire, est-ce que vous ne voyez pas le danger que le rôle du directeur d'école en soit un de brasseur de paperasse, qu'il soit enfoui dans l'administration et qu'il délaisse son rôle pédagogique?

M. de Guire: Je pense que, lorsqu'on disait que nous voulons que le rôle du directeur d'école s'apparente à celui du directeur général de la commission scolaire, nous l'avons bien illustré. Ce que nous voulons dire, c'est que, par rapport au schéma, à l'organisation prévue dans le projet de loi, on prévoit un conseil d'école. Par rapport au conseil d'école, on voulait que notre rôle soit le même que celui du directeur général de la commission scolaire

par rapport au conseil des commissaires, soit à qui il va rendre des comptes, comment il va le faire. Cette partie nous paraît claire, dans le sens que le directeur général de la commission scolaire rend des comptes au conseil de la commission scolaire et non pas au président de la commission scolaire; il rend des comptes au conseil. Le directeur d'école doit rendre des comptes au conseil. C'est la première partie.

La deuxième partie de votre question: Ne croyez-vous pas que le directeur d'école, en procédant comme cela, sera enterré de paperasse ou pris dans des questions administratives et qu'il en arrivera à délaisser l'essentiel de l'école? Peut-être qu'on aurait eu davantage de difficultés avec l'école-corporation; il aurait fallu, probablement, donner au directeur d'école une structure administrative complète. Ce n'est pas le cas. L'administration, le soutien de l'école, la paperasse, ces choses-là, continueront d'être assumées par la commission scolaire.

C'est au niveau des décisions. Je ne veux prendre qu'un seul exemple: nous allons décider, dans l'école, d'acheter un tableau pour aider les élèves, un tableau spécial qui pourrait illustrer telle partie du programme. On achète un tableau; nous allons le commander. Ce qui est prévu dans la loi, c'est que le directeur d'école passe la commande. Le directeur d'école décide; ce n'est pas lui qui va faire le chèque, ce n'est pas lui qui va faire l'achat et ainsi de suite; ce sont des fonctions de la commission scolaire. On ne croit pas - et je ne vais citer que cet exemple, je pourrais en énumérer plusieurs - que le directeur d'école, selon le projet de loi, sera enterré dans la paperasse. Cela se pourrait si le projet de loi n'avait pas prévu le soutien de la commission scolaire, le soutien à la fois administratif et pédagogique, parce qu'à tous les points de vue les soutiens doivent demeurer. Ils sont prévus par les fonctions et les obligations de la commission, ils sont là.

Je pense qu'on pourrait ajouter quelque chose.

M. Coderre (Jacques): Oui. On pourrait peut-être ajouter que, même actuellement, le rôle pédagogique que le directeur d'école joue dans son école varie beaucoup d'une école à l'autre. Dans une polyvalente où il y a au-delà de 2000 élèves, son rôle administratif est peut-être plus grand que son rôle pédagogique. C'est déjà comme cela. Ce serait différent, mais on demande, comme le disait notre président, de l'aide pour jouer tout le rôle qui nous serait dévolu.

Le Président (M. Blouin): Cela va, M. le député de Bellechasse? Merci. Je donne maintenant la parole à M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. Avant de poser quelques questions à M. de Guire, j'aimerais demander au ministre, puisque l'Association des directeurs d'écoles de Montréal, connue comme l'ADEM, est en désaccord avec des éléments fondamentaux du projet de loi 40 et qu'elle n'a pas été invitée, si on pourrait avoir l'assurance du ministre que l'ADEM sera convoquée à cette commission parlementaire. (13 h 30)

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, je crois que vous êtes en train de relancer un débat qui, il me semble, a été élucidé au début des travaux de notre commission. Je ne voudrais pas que nous entamions de débat sur les organismes qui, éventuellement, seront entendus par la commission.

M. Cusano: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Je vous suggère, puisqu'il est déjà 1 h 30 et que nous devrons terminer nos travaux bientôt, de poser des questions aux organismes qui sont maintenant devant vous, conformément à l'horaire qui a été fixé par le Secrétariat des commissions, afin que nous répondions au mandat qui nous a été fixé au cours de cette journée.

M. Cusano: Je voudrais souligner que le mandat de la commission, c'est d'entendre non seulement les groupes qui sont favorables, mais d'autres qui ont des points divergents. L'ADEM regroupe quelque 350 membres. Vous avez aussi l'ACPM, l'Association des directeurs catholiques de Montréal, qui n'a pas été convoquée; vous avez eu The Quebec Association of Catholic School Administrators qui n'a pas été convoquée. Il me semble que c'est fausser un peu les choses lorsque ceux qui sont en désaccord avec le projet de loi ne sont pas invités, spécialement lorsqu'un organisme aussi important que l'ADEM n'est pas invité. La seule question que je pose au ministre: Est-ce qu'il va les inviter, oui ou non?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, nous nous engageons encore une fois dans un débat qui ne mènera pas très loin, selon ce que j'en ai compris mardi matin. Ce que je vous suggère maintenant, c'est de continuer l'échange que nous avons, qui, je crois, est fructueux depuis quelques instants maintenant avec les responsables de l'association des directeurs d'école.

M. Ryan: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Oui, M. le député d'Argenteuil.

M. Ryan: ...est-ce que vous me

permettriez de dire un mot dans le but d'essayer de collaborer avec vous?

Le Président (M. Blouin): Oui.

M. Ryan: La question du député de Viau me paraît pertinente parce qu'elle fait écho à un organisme qui est un des chapitres de la Fédération québécoise des directeurs d'école. C'est un des chapitres très importants, celui des directeurs d'école de la ville de Montréal ou de la CECM en particulier, je pense. Ils ont émis une déclaration, ce matin même, énonçant leurs opinions et, si le ministre nous dit qu'il va les entendre en commission, qu'il va voir à ce qu'ils soient invités, le député de Viau n'insistera pas. Mais si le ministre n'est pas prêt à nous promettre qu'il va les inviter, le député de Viau va leur donner les opinions émises par cette association-là, il va leur demander ce qu'ils en pensent, ce qui serait parfaitement dans l'ordre.

Le Président (M. Blouin): M. le député d'Argenteuil, il n'y a aucun problème à ce que vous dites. Le député de Viau a un droit de parole d'une vingtaine de minutes. Il peut s'exprimer selon les termes qu'il choisit. Allez-y, M. le député de Viau.

M. Cusano: D'accord, M. le Président, j'ai un droit de parole de 20 minutes. Mais le problème est beaucoup plus complexe. Ces gens de Montréal ont des choses à dire, que je ne pourrai pas dire en 20 minutes. Alors, c'est pour cela que j'insiste et, comme je l'ai dit tout à l'heure, la seule demande que je fais, c'est d'avoir un oui ou un non. C'est tout simple.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, je vous rappelle que nous nous engageons sur un débat qui risque de ne pas mener très loin. Nous avons discuté abondamment de ce sujet mardi matin et il me semble que les éclaircissements que nous avons collectivement réussi à trouver ont fait en sorte que nous avons pu ensuite commencer nos travaux. Je souhaiterais maintenant que nous les poursuivions.

M. Cusano: Merci. Alors, puisque le ministre est muet sur ce sujet ce matin, je me dois de relever les points qui sont soulignés par l'Association des directeurs d'école de Montréal.

Le Président (M. Blouin): D'accord, M. le député Viau.

M. Cusano: Je m'en tiendrai à quelques points parce que le temps va passer assez vite. L'Association des directeurs d'école de Montréal, l'ADEM, avait demandé à être entendue par la commission parlementaire qui a fait l'étude du projet de loi 40 sur la restructuration scolaire. Elle n'a pas été invitée à se présenter parce que, selon un fonctionnaire...

M. de Guire: M. le Président, une question de privilège.

Le Président (M. Blouin): Non, il n'y a pas...

M. de Guire: Je ne sais pas si je peux la poser.

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, je vous demanderais...

M. de Guire: Je n'ai aucune question de privilège, M. le Président?

Le Président (M. Blouin): Non.

M. de Guire: Dommage que je n'aie pas de privilège!

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, je m'excuse.

M. de Guire: C'est parce que lorsqu'il y avait des dissidents...

Le Président (M. Blouin): C'est rare que ce sont les invités qui interrompent les membres de cette commission.

M. de Guire: Quand il y avait des dissidents...

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, non. S'il vous plaît, M. de Guire!

M. de Guire: ...M. le Président...

Le Président (M. Blouin): S'il vous plaît!

M. de Guire: Quand il y avait des dissidents...

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, s'il vous plaît!

M. de Guire: ...à l'intérieur des autres groupes...

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, je vous demande de laisser l'occasion au député de Viau, comme c'est son droit, d'utiliser son droit de parole d'une vingtaine de minutes, s'il désire le faire. Je lui ai demandé de collaborer. Je lui ai demandé, si possible, de vous adresser des questions, mais le député de Viau a toujours le droit, en fin de compte, d'utiliser comme il le souhaite son droit de parole. Alors, je ne pense pas qu'on puisse l'interrompre et très

certainement au cours des interventions qui suivront, vous aurez l'occasion d'émettre certains commentaires. D'ailleurs, il se peut bien que le député de Viau vous demande d'intervenir au cours de ce débat de quelques minutes. M. le député de Viau.

M. Champagne (Mille-Îles): C'est une demande de directive. M. le Président. On a des invités qui représentent une fédération et qui sont ici pour être entendus. Voici une demande de directive...

Le Président (M. Blouin): M. le député de Mille-Îles, s'il vous plaît, vous n'avez pas besoin de continuer, j'ai très bien compris où vous vouliez en venir. Tout ce que je dois vous dire, c'est que la seule directive que je puisse donner, je l'ai déjà donnée. Maintenant, je redonne la parole au député de Viau.

M. Cusano: Merci, M. le Président. J'en étais rendu au point où l'ADEM dit qu'elle n'a pas été convoquée. Selon un fonctionnaire du bureau du leader du gouvernement, seuls les groupes nationaux l'ont été. Ce n'est pas le cas, comme on l'a déjà constaté. Il est à se demander si plusieurs groupes que l'on pourrait qualifier de dissidents ne sont pas victimes d'une stratégie gouvernementale. C'est l'ADEM qui dit cela. L'ADEM, qui représente les directeurs et les adjoints de la plus grosse commission scolaire au Québec, la Commission des écoles catholiques de Montréal, estime important que le public en général connaisse ses inquiétudes sur ce projet de loi controversé. Certaines informations diffusées dans les médias laissent croire que les directeurs d'école du Québec forment un bloc monolithique et qu'ils sont tous d'accord avec le projet de loi. Cette vision des choses est erronée. Ceux de Montréal et certains autres ont des réserves sérieuses face à ce projet de loi. Le président de l'ADEM, M. Michel Dubé, a déclaré, en effet, qu'il devait se dissocier, sur des points essentiels, des positions prises par la fédération compte tenu du vécu particulier de Montréal.

L'ADEM est d'accord pour que l'école devienne le pivot du système scolaire, pour qu'on lui laisse le choix d'être confessionnelle ou non et pour une division linguistique des commissions scolaires. Elle s'oppose, par contre, à des éléments fondamentaux du projet de loi 40. Les directeurs d'école de Montréal croient qu'il faut éloigner le plus possible la politique des services à offrir aux élèves.

Je saute quelques paragraphes et je déposerai le télégramme par après.

Le Président (M. Blouin): Merci de votre collaboration, M. le député de Viau.

M. Cusano: Oui, je continue. Ils sont convaincus que le projet de loi 40 s'il est adopté dans sa forme actuelle, va les éloigner de la pédagogie et les obliger à faire de la politique et à jouer le rôle de conciliateurs face à des parties qui auront des intérêts divergents. L'ADEM s'oppose également à l'implantation des conseils d'école parce que, selon elle, le directeur d'école se retrouvera avec deux patrons, la commission scolaire qui établit des politiques et distribue les ressources et le conseil d'école qui donne les mandats. Elle se prononce aussi sur le territoire de la CECM, et j'en passe. Donc, pour les fins du journal des Débats, je sais que je ne peux pas déposer de documents, mais on se fera un grand plaisir de le laisser circuler pour ceux qui ne l'ont pas vu.

Le Président (M. Blouin): Très bien. Nous pourrons le distribuer aux membres de la commission, M. le député de Viau.

M. Cusano: C'est cela. Une remarque, avant que je pose des questions à M. de Guire. Ce dernier a fait référence, comme plusieurs, à l'école privée comme étant un bel exemple d'une école modèle. M. de Guire a déclaré, comme le ministre l'a souvent fait, que l'école privée se donne une couleur locale. Je crois qu'il faut faire une distinction quand on parle de couleur locale, parce que, dans une école privée, la couleur locale est vraiment une couleur de l'institution et non une couleur géographique comme ce que nous remarquons dans nos écoles du système public. L'école privée se donne un certain projet éducatif, mais son territoire n'est pas limité. Si le parent n'est plus en accord avec le projet éducatif d'une telle école, il envoie son enfant ailleurs, tandis que, dans le système, tel que proposé, il n'y aura pas beaucoup de personnes qui pourront se permettre d'envoyer leur enfant d'un bout à l'autre d'un territoire parce qu'ils ne sont pas en totalité d'accord avec le projet de l'école en particulier.

Vous parlez aussi, M. de Guire, dans votre mémoire de la question du stress. Vous avez cité le Dr Lusthaus. Je suis très heureux que vous ayez cité cette étude parce que j'étais un des participants, un des répondants en 1975. Je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez cité le Dr Lusthaus parce qu'il a très bien indiqué que le stress chez les administrateurs anglophones au Québec était relié à la supervision, c'est-à-dire la "supervision of instruction". Est-ce que je dois comprendre par cela que votre position ou votre vision est que vous voulez enlever le rôle de superviseur de l'acte pédagogique aux directeurs d'école?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. le Président, je ne crois pas que ce que nous ayons voulu dire, en citant l'étude sur le stress, que nous voulions enlever l'aspect de la supervision. Ce que nous avons voulu dire - je pense que le message a été suffisamment clair - c'est que nous trouvons qu'il est de plus en plus difficile d'être directeur ou directrice d'école et que nous trouvons que le gouvernement doit donner le soutien nécessaire aux directeurs et directrices d'école. À l'appui, nous avons cité des études qui démontrent qu'il y a une augmentation du stress chez nos membres.

C'est là une de nos positions. Nous en avons plusieurs à l'intérieur du mémoire que nous avons déposé. Je pense que nous avons pris la peine de préciser à deux ou trois reprises que nos positions avaient été votées à 80% de nos membres. Il est tout à fait normal qu'il y ait parmi nos membres des gens qui ne partagent pas l'ensemble des opinions. Je pense, d'ailleurs, que, dans tous les groupes qui se sont présentés ici, nous avons eu l'occasion d'écouter l'opinion majoritaire et de savoir, par exemple, au niveau des commissions scolaires, qu'il y avait six ou sept commissions scolaires dissidentes. Au niveau de notre fédération, si la question avait été posée, cela nous aurait fait plaisir de dire que nous avions, quand même, deux associations dissidentes. Maintenant, comme l'ADEM est toujours membre de notre fédération, nous avons représenté l'ensemble de nos membres et je répète que c'est à 83% que nos membres ont adopté les idées que nous véhiculons dans notre mémoire.

M. le député, vous parlez de l'école privée par rapport au système public. Quand on parle de couleur locale, chez nous on parle de marge de manoeuvre pour vivre d'une façon différente peut-être un horaire quotidien. Ce n'est pas grand-chose, peut-être strictement cela. C'est un exemple d'une chose qu'une école privée peut se donner, mais dans le système que nous vivons c'est l'horaire défini par la commission scolaire.

Par exemple, si, dans certaines écoles, on met l'accent sur la musique, sur le sport, ce sont des façons de se donner un plus pédagogique et nous croyons qu'un plus pédagogique pourrait être permis à l'intérieur du projet". On ne veut pas, pour autant, devenir totalement des écoles privées. Je pense qu'on a dit clairement qu'on voulait même être sous l'autorité d'une commission scolaire pour tout ce qui s'appelle la supervision, le contrôle, le soutien, etc. Je pense l'avoir dit assez clairement.

Il y a peut-être une chose. Je ne sais pas si vous pourriez me permettre une question à ce moment-ci.

Le Président (M. Blouin): Une question?

M. de Guire: Oui.

Le Président (M. Blouin): Allez-y. (13 h 45)

M. de Guire: Une question, une seule question. J'ai fait allusion, au début de mon message, que je ne voulais pas discuter à l'Assemblée nationale de nos conditions de travail. Quand M. le ministre a fait son intervention, je n'ai pas eu d'écho à cette position. Je ne sais pas si c'est possible que M. le ministre réponde.

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, vous comprendrez que, généralement, ici ce sont les membres de la commission qui posent les questions.

M. de Guire: Ah! Je viens ici dans un esprit de collaboration. Alors, les règles de la commission, vous savez, il est peut-être normal... Mais si M. le député d'Argenteuil ou un autre député pouvait la poser au ministre! On me fait signe que M. le député d'Argenteuil a épuisé son droit de parole, mais peut-être qu'un autre député pourrait poser ma question à M. le ministre.

Le Président (M. Blouin): Je m'excuse, M. de Guire, mais je crois comprendre que ce sujet ne pourrait pas être traité aujourd'hui puisque ce n'est pas l'objet de nos débats.

M. le député de Viau.

M. Cusano: Je vais continuer sur cette question. Je ne poserai pas de question sur vos conditions de travail telles quelles, M. de Guire. On peut faire une très grande distinction. On est intéressé, nous, pas nécessairement à vos conditions de travail. On réalise que vous allez les négocier. On veut savoir, et cela peut être interprété comme étant des conditions de travail, comment cela va fonctionner si tous les pouvoirs que vous réclamez arrivent à l'école. En considérant le stress que vous avez mentionné, dans votre modèle de l'école telle quelle, combien de personnes supplémentaires seront adjointes au directeur d'école?

M. de Guire: Je ne pourrais pas vous répondre en disant: Nous voyons deux, trois ou dix personnes. Tout dépend de l'école et des projets que les gens vont se donner et tout dépend des moyens financiers qui seront mis à sa disposition.

M. Cusano: C'est cela, merci.

M. de Guire: Ce sont quand même des inconnues. Le projet de chacune des écoles sera décidé au moment où chaque école se sera assise, aura discuté et aura préparé un projet de son école en fonction de ses

possibilités et de ses besoins.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci. Alors, si vous n'avez pas tout ce personnel, il y a des possibilités, dépendant de la situation de chacune des écoles, que le projet ne soit pas applicable.

Il y a une autre question que j'aimerais vous poser, M. de Guire. Vous dites à la page 28 où vous vous référez à l'article 113: "Nous voyons mal comment on pourrait, tel qu'indiqué dans le second paragraphe, donner au conseil d'école du primaire la fonction de juger l'aptitude d'un élève à passer du primaire au secondaire." Vous dites plus loin à la page 29 que vous voyez ce pouvoir accordé au directeur d'école. Je suis complètement d'accord avec le fait qu'un conseil d'administration ou un conseil d'école ne puisse pas le faire mais lorsque j'arrive à l'endroit ou vous dites que c'est le directeur d'école - je comprends l'esprit de collaboration et de concertation, etc comment cela va-t-il se faire? On sait que la grande majorité des écoles élémentaires dans la province de Québec, ce sont des écoles de 200 à 300 élèves. Une école secondaire a un bassin de plusieurs écoles élémentaires qui passent au secondaire. De plus, lorsqu'on parle "de collaboration avec le personnel en cause", je présume que le personnel en cause, c'est le directeur de l'école secondaire et tous les autres directeurs. Ils vont tous décider en collaboration avec le conseil d'administration de l'école qui a ses priorités, et chacun de ces conseils d'administration peut avoir des priorités différentes. Alors, vous allez être le juge de tout cela. Lorsque vous allez vous rencontrer, je présume, dans votre vision de choses, le directeur du secondaire et les cinq ou six directeurs d'école du bassin, vous allez décider cela. S'il y a conflit et si vous ne pouvez pas vous entendre sur les normes de passage de l'élémentaire au secondaire, qui le ferait d'après vous?

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, je crois qu'il s'agira probablement de la dernière question, puisque vous aurez épuisé votre temps d'intervention. M. de Guire.

M. Cusano: C'est malheureux, M. le Président, parce qu'un mémoire comme celui-là suscite des heures et des heures de questions.

Le Président (M. Blouin): Que voulez-vous! M. de Guire.

M. de Guire: Pour apporter une précision qui m'apparaît importante, il s'agit du passage de l'élève du primaire au secondaire. Donc, la promotion est donnée au primaire et non pas au secondaire. C'est l'école qui donne la promotion. Il n'est pas question de coordination ou de concertation avec les écoles secondaires ou avec les autres écoles primaires. Quand on donne la promotion à un élève, quand la promotion se fait ou que l'élève reçoit son bulletin comme quoi il a passé, etc., cela se fait dans l'école. Cela ne se fait pas avec les autres écoles, c'est là que cela se fait. L'intervention qu'on fait, c'est plus que cela. On dit que la responsabilité, ou l'imputabilité de cet acte, doit être donnée au directeur d'école et non pas au conseil d'école, parce qu'il s'agit de l'étude d'un enfant.

M. Cusano: Là-dessus, je suis d'accord, M. de Guire.

M. de Guire: C'est tout ce que nous avons dit.

M. Cusano: Je parle du mécanisme de concertation, M. de Guire. Il me semble que, lorsque des élèves d'une école élémentaire se rendent dans une école secondaire, certains objectifs fondamentaux doivent être acquis.

M. de Guire: Oui.

M. Cusano: Ils vont être différents d'une école à l'autre. Ils vont être différents, parce que vous, en tant qu'ex-directeur, et moi en tant qu'ex-directeur d'école, M. de Guire, on peut avoir des divergences s'il n'y a pas un contrôle.

M. de Guire: Je viens de comprendre votre question; je n'avais pas tout à fait saisi la deuxième partie de votre question.

M. Cusano: Ah bon!

Le Président (M. Blouin): M. de Guire, votre intervention devra conclure sur ce sujet pour que nous passions à un autre intervenant.

M. de Guire: Oui. En ce qui concerne les acquis, je pense que l'école n'a pas le choix. Elle devra respecter les critères, les programmes d'études qui sont fixés. Elle devra respecter les bagages qui sont fixés par l'ensemble du système qui parle de régime pédagogique, qui parle de programmes d'études, etc. L'école a le choix d'ajouter des choses aux programmes, mais elle n'a pas le choix de retrancher des choses. C'est uniquement cela. Je pense que l'école ne peut pas faire cela.

M. Cusano: Bon. Si l'école n'a pas le

choix, M. de Guire, cela veut dire que c'est le ministère de l'Éducation...

Le Président (M. Blouin): Non, M. le député de Viau.

M. Cusano: ...qui va contrôler.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci.

Le Président (M. Blouin): D'accord. Merci beaucoup, M. le député de Viau. Sur ce, je cède maintenant la parole au député de Fabre.

M. Leduc (Fabre): Merci, M. le Président. Je vais essayer de donner l'exemple et de poser un certain nombre de questions courtes, mais précises. Ce matin, les cadres scolaires se sont jugés les plus aptes à évaluer les changements qui seront engendrés par le projet de loi 40. Ils ont manifesté leur inquiétude devant l'ampleur des changements, en particulier des changements que créerait le fait d'ajouter un troisième niveau décisionnel, le niveau de l'école, par le biais des responsabilités qui seront dévolues au conseil d'école. Je voudrais savoir si vous partagez cette inquiétude. Je voudrais ajouter qu'à mon sens vous êtes tout aussi compétents, tout aussi aptes à porter un jugement sur la nature des changements que pourrait provoquer la loi 40. Alors, j'aimerais avoir votre opinion sur ces changements. Est-ce que vous partagez ce type d'inquiétude?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: Je pense que, dans l'ensemble de ce que nous avons dit à ce sujet, nous avons été suffisamment clairs, à notre point de vue. Les inquiétudes que nous avions, nous les avons exprimées. On a exprimé une inquiétude concernant le conseil d'école. Je pense que nous avons été clairs là-dessus. Nous n'avons pas d'inquiétude en ce qui concerne la possibilité que l'école puisse assumer certaines responsabilités. Je ne crois pas que l'école soit capable d'assumer toutes les responsabilités de l'ensemble du système scolaire ou celles qu'ont les commissions scolaires.

M. Leduc (Fabre): M. de Guire, je vais préciser ma question. Les inquiétudes qui ont été mentionnées, ce matin, par l'association des cadres étaient reliées au fait que l'école vit actuellement beaucoup de changements. Par exemple, elle doit vivre l'application des nouveaux programmes; elle doit vivre des conditions de travail qui ont été amenées par les décrets. Il y a toutes sortes de changements que l'école vit actuellement. Je voudrais savoir si le fait de créer un troisième niveau décisionnel, de créer un conseil d'école décisionnel, une participation, une concertation à ce niveau avec les responsabilités qui l'accompagnent, dérangera le milieu. Vous vivez cela de l'intérieur; est-ce que cela vous inquiète?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: Je pense qu'à l'intérieur de l'école nous avons déjà des preuves que les gens qui vivent dans l'école sont très responsables et sont capables d'assumer de nouvelles responsabilités. Nous avons dit oui à cela et nous ne sommes pas inquiets parce que les ressources sont toujours là, les ressources sont toujours au niveau de la commission scolaire. Actuellement, nous avons des changements de programmes; il y aura d'autres changements dans cinq ans, dans deux ans, dans trois ans. L'école est un monde en évolution; ce n'est pas quelque chose qui est établi et qui ne peut pas bouger dans le temps. Ce n'est pas statique.

Ce qui est apporté comme nouveauté, c'est que nous aurons un certain nombre de responsabilités en regard du vécu de l'école. Ces responsabilités ne nous inquiètent pas parce que la commission scolaire est encore là; elle va nous soutenir par toutes les ressources, les ressources matérielles et les ressources financières prévues au projet de loi. Nous n'avons pas raison d'être inquiets à ce sujet-là. Je ne vois pas pourquoi; on ne se retrouvera pas seuls le lendemain matin.

M. Leduc (Fabre): Merci. Deuxième question: les cadres ont également dit, ce matin: "L'école ne peut pas, seule, être responsable du régime pédagogique." Vous en avez parlé ce matin. Il a été démontré que l'école n'est pas seule responsable du régime pédagogique. L'article 199 du projet de loi, entre autres, est assez précis à cet égard. Parce que vous vivez cette réalité de l'intérieur, je voudrais vous amener à préciser un certain nombre de choses. Les cadres ont dit - parce qu'eux aussi vivent cela de l'intérieur et il est intéressant d'avoir votre point de vue et de le comparer à celui des cadres - qu'au niveau des services complémentaires vécus dans l'école cela peut se faire, cela peut se réaliser. Les pouvoirs qui sont prévus dans la loi peuvent être réalisés en ce qui concerne les services complémentaires.

Par contre, en ce qui concerne les services personnels, on a mis en doute la possibilité que cela puisse se réaliser. Par exemple, on a parlé des orthopédagogues, des pédagogues qui devront aller d'une école à une autre. On a donc parlé de la nécessité d'une concertation que ne pourrait plus assumer l'école après l'adoption de la loi 40.

On a également parlé du même type de problème au niveau des services d'enseignement, compte tenu que certains enseignants de certaines disciplines doivent aller d'une école à l'autre. Autrement dit, on semblait dire que, à maints égards, les pouvoirs confiés à l'école sont irréalistes parce que c'est, dans les faits et dans le vécu, inapplicable. Qu'en pensez-vous?

Le Président (M. Blouin): Succinctement, M. de Guire, s'il vous plaît!

M. de Guire: Je vais essayer, mais ce n'est pas toujours facile. Je pense que les cadres qui ont exprimé des inquiétudes avaient peut-être raison de les exprimer. Ces inquiétudes viennent de gens qui sont à l'intérieur des bureaux, à l'intérieur de la commission scolaire. Nous, nous sommes dans les écoles et, dans les écoles, nous aurons à appliquer le régime pédagogique comme nous le faisons. La seule distinction est que l'école devra assumer un certain nombre de responsabilités particulières en regard de l'application du régime pédagogique. Il reste quand même à la commission scolaire un pouvoir de coordination, de planification, d'engagement. La commission scolaire devra répondre à des plans d'effectifs donnés par les écoles. On ne se retrouvera pas, du jour au lendemain, complètement dépourvus et complètement seuls sur la planète. L'école, même si elle assume des responsabilités, aura quand même ce qui existe présentement, c'est-à-dire un soutien et un endroit où quelqu'un pourra faire la coordination entre les différentes écoles. Mais la possibilité sera donnée au conseil d'école de prendre les décisions qui concernent l'école en ce qui regarde le régime pédagogique. (14 heures)

M. Leduc (Fabre): Donc, la coordination sera assurée par la commission scolaire en regard de l'utilisation des professionnels: orthopédagogues, pédagogues, etc., au niveau des écoles. La coordination sera assurée. Donc, cela ne présente pas de difficulté à cet égard.

Ma dernière question: Comment évaluez-vous actuellement votre participation à l'élaboration des politiques de la commission scolaire? Est-ce que la commission scolaire fait appel à l'expérience, au vécu des directeurs d'école présentement?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: C'est une question à laquelle il est passablement difficile de répondre, délicate aussi, parce que ça va me permettre de porter un jugement et c'est toujours désagréable. Si la loi 71 avait été appliquée elle dit clairement que le directeur d'école participe à l'élaboration des objectifs et des politiques de la commission scolaire.

L'article ne peut pas être plus clair. C'est l'article 32.3 de la loi actuelle, de la loi 71 sur l'instruction publique. Le directeur d'école participe à l'élaboration. C'est très variable. C'est tellement variable qu'il y a des endroits où ça se résume à des réunions d'information; à d'autres endroits, ce sont des réunions d'information informées; à d'autres endroits, ce sont des lectures. Je dois vous dire, cependant, que dans quelques endroits il y a effectivement de la participation à l'élaboration des politiques, mais ça se fait dans tellement peu d'endroits que nous avons été amenés à dire que les politiques qui touchent l'école doivent être décidées à l'école. C'est toute notre démarche qui fait que l'on arrive à cette conclusion.

Pourquoi, d'ailleurs, demandais-je un peu plus tôt ce matin qu'il y ait le lien écoles-commission par l'intermédiaire du commissaire? C'est pour que la préoccupation soit toujours là parce que ce ne sera pas toujours le directeur d'école. Le directeur d'école sera le mandataire. Je dois dire, cependant, que, différemment de la loi 71, la loi 40 prévoit que toute politique, et non pas que tout ce qui concerne les écoles, devra faire l'objet de discussions au comité de gestion de la commission scolaire dont fait partie le directeur d'école. Comme le commissaire siégera aussi au conseil d'école, le directeur d'école pourra dire à son commissaire: Écoutez, je pense qu'on n'a pas participé, nous, à l'élaboration de cette politique. C'est un peu pour cela que, quand on parle de lien, ça nous intéresse.

Pour nous, si la loi 71 s'était appliquée partout au Québec, je l'ai dit dans des discours déjà, je l'ai déclaré publiquement, nous ne serions pas ici en commission parlementaire

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: C'est avec grande joie que je salue plusieurs d'entre vous qui sont d'anciens collègues du temps où j'étais principal d'école. Évidemment, vous nous apportez aujourd'hui un document qui est très "pesant", favorable, en grande partie, au projet de loi et vous demandez quelques modifications mineures. Soyez assurés que M. le ministre en est tout réjoui surtout que, depuis deux jours déjà, les appuis au projet se font de plus en plus rares et que l'on commence à connaître des agressions éclairées, incisives et pas mal dévastatrices contre ce projet.

Sur ce, je veux vous poser quelques questions - sans aucune malice, vous me connaissez bien - sur le projet et sur votre mémoire. Mais avant, je voudrais vous dire que vous avez raison de croire que votre tâche est difficile parce que je l'ai vécue,

elle est délicate et souvent même, malheureusement, pas assez appréciée. C'est pourquoi je vous trouve presque héroïques d'accepter des défis nouveaux que vous semblez accepter avec plaisir. Moi, je me félicite d'avoir quitté à temps et d'être maintenant de ce côté-ci.

Alors, M. le Président, ne croyez-vous pas - j'ai écrit mes questions pour ne pas commencer à bredouiller un petit peu pour rien et ne pas perdre de temps - que vous allez devenir, comme je le voyais dans un article de presse ces jours-ci, vraiment une courroie de transmission - c'est un peu prosaïque comme mot, mais quand même -entre les nombreuses instances qui vont bourdonner autour de vous, soit des professeurs, des commissions scolaires qui auront des ordres et des parents qui auront des demandes à vous formuler, etc? Est-ce que vous ne voyez pas que cela va vraiment bourdonner trop fort à vos bureaux?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: Je ne voudrais pas être méchant, M. le Président, mais je dois dire que nous sommes actuellement une courroie de transmission de bonne largeur parce qu'effectivement nous allons à la commission scolaire recevoir les directives que nous transmettons à l'intérieur de nos écoles. Le rôle que nous aurons à jouer s'apparente à celui du directeur général dans la commission scolaire. Ce que nous avons demandé, c'est de jouer un rôle qui est beaucoup plus un rôle d'animation, d'influence, au niveau de l'école, auprès d'un conseil d'école, que celui que nous avons à jouer présentement. Je pense qu'une courroie de transmission, cela ne peut pas être différent ou pire que ce que nous pouvons vivre présentement.

Le Président (M. Blouin): D'accord. M. le député.

M. Hains: J'ai des expressions ce matin, je ne sais pourquoi. Vous allez être chargés, un peu comme des ânes, d'obligations diverses et j'ai peur que vous ne crouliez, des fois, sous le poids de vos obligations. Croyez-vous que vous allez pouvoir vraiment jouer, quand même, votre rôle d'animateurs pédagogiques parce qu'en plus de tout cela vous allez être privés, je crois, des services pédagogiques de la commission scolaire puisque ces services sont maintenant plus ou moins rendus entre les mains des parents? Est-ce qu'on va vous garantir des aides surnuméraires pour accomplir votre travail? Je ne. parle pas de coûts, comme mon compagnon vous le mentionnait tout à l'heure. Est-ce que, quand même, vous avez certaines garanties qu'on va vous fournir de l'aide supplémentaire parce que moi, je pense bien qu'il y en a plusieurs d'entre vous qui vont avoir des crises cardiaques durant les prochaines années?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: C'est sûr qu'on est chargés. C'est sûr qu'on sera encore plus chargés. C'est sûr qu'en 1990 aussi on sera encore davantage chargés. Administrer une école, c'est de plus en plus difficile. Administrer une école en 1960 et administrer une école en 1980, vous savez comme moi que c'est toute la différence du monde. Je crois qu'affirmer aujourd'hui que dans dix ans ce sera encore pire ce serait tout à fait réaliste. Même s'il est chargé, le rôle fondamental du directeur d'école que je vous expliquais d'ailleurs tantôt, pour moi, c'est à ce niveau qu'il se situe, c'est-à-dire au niveau de la participation, au niveau de l'animation, au niveau de la préparation, la coordination de tout ce qui se vit dans l'école au plan pédagogique.

Le Président (M. Blouin): Est-ce qu'il y aurait un complément? M. Poirier.

M. Poirier (Rolland): II y a peut-être un élément que j'ajouterais, M. le Président. L'avantage qu'on va y trouver, c'est qu'enfin, peut-être, il y aura des choses qui vont se décider plus rapidement. Au lieu de "parloter" et de ne consulter que les gens, on va décider. Les ânes enfin vont avoir un bonnet. On va être bien. Ce n'est pas tellement avec plaisir qu'on accepte tous ces défis, mais beaucoup plus avec courage. Vous l'avez vécu. Je pense que votre rôle de député maintenant n'est peut-être pas aussi tranquille qu'on le pense.

M. Hains: Ah non! On travaille à des heures...

M. Poirier: Le nôtre ne le sera jamais plus. À cet effet, je crois que dans l'allégement que prévoit cette loi, il y aura certainement un apport de ressources et c'est souhaité. D'ailleurs, le document le précise à plusieurs endroits.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. Poirier.

M. Hains: Vous avez raison et c'est pour cela que cela m'a été facile de passer de mon rôle de directeur à celui de député parce qu'on ne calcule pas nos heures. À la page 11, vous faites l'éloge des enseignants. Je vous en sais gré et je sais que vous êtes sincères. Je n'insisterai pas là-dessus parce que le député d'Argenteuil vous en a parlé tout à l'heure. Je ne vous cache pas ma stupéfaction, quand même, quand j'ai vu que vous demandiez le retrait des professeurs du conseil d'école, d'autant plus qu'hier - on

peut dire que ce sont des gens vraiment neutres - la faculté d'éducation de l'Université McGill disait mot à mot que c'était "de la pure folie de traiter les professeurs comme des éléments marginaux du système d'enseignement." Je n'insiste pas plus, mais si vous voulez ajouter quelque chose là-dessus. C'est parce que le député d'Argenteuil vous avait posé la question.

M. de Guire: Je vous remercie de m'ouvrir la porte. Je pense qu'actuellement j'aurais peut-être une question à poser...

Le Président (M. Blouin): Un commentaire?

M. de Guire: Pas à vous, à l'ensemble de la commission.

Le Président (M. Blouin): Ah bon! Vous me rassurez.

M. de Guire: Est-ce qu'on s'est demandé ce que désiraient les enseignants? Est-ce qu'on a demandé aux enseignants s'ils désiraient vraiment être partie prenante aux décisions? Le jour où les enseignants seront partie prenante aux décisions, on leur enlèvera en même temps le pouvoir de revendication de ces mêmes décisions.

Je pense en avoir parlé un peu. Si vous me parliez d'un conseil d'orientation - on ne parle plus du tout du projet de loi 40 à ce moment-là; on parle d'un conseil d'orientation - nous ne croyons pas qu'il soit possible de le réaliser sans la présence des enseignants, parce qu'il s'agit de la coordination. Actuellement, je trouve peut-être un peu curieux aussi que la demande de la présence des employés au conseil d'école se fasse surtout par les gens qui ne sont pas dans l'école. C'est peut-être une question à se poser: Pourquoi cela? Est-ce qu'on a vécu la réalité de nos écoles depuis quinze ans? Si on avait vécu la réalité comme nous l'avons vécue quotidiennement, les conflits avec lesquels nous devons vivre, peut-être qu'on serait de notre avis. Je vois, d'ailleurs, des gens qui ont déjà été à la tête d'une école et qui sont en commission parlementaire. Je pense que, de toute façon, ils pourront corroborer ce que je viens de dire.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire.

M. Cusano: M. le Président...

Le Président (M. Blouin): Une question de règlement?

M. Cusano: C'est parce que j'ai fait un signe avec ma tête à M. de Guire...

Le Président (M. Blouin): Non, non.

Écoutez, M. le député de Viau, personne n'avait été nommément désigné.

M. Cusano: Je n'étais pas complètement d'accord. J'étais d'accord avec certaines de ses propositions, mais pas avec toutes.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Viau, il ne s'agit pas là d'une question de règlement. Cela va, M. le député de Saint-Henri? Très bien. Allez-y.

M. Hains: Pour une fois que j'ai le droit de parler.

Le Président (M. Blouin): Vous avez le droit.

M. Hains: Dans Le rejet des enseignants, votre conseiller juridique, Me Patrice Garant, concluait comme ceci: Si nous voulons un conseil d'école qui accomplisse ses tâches avec objectivité dans le seul intérêt de la collectivité, il y a des risques qu'il ne faut pas prendre - le risque ce sont les enseignants - sinon la réforme sera un échec.

J'ai peur que ce soit vraiment un échec parce que déjà ce projet, ici, est amoché et vraiment chancelant. Nous voyons les coups qui lui sont portés de ce temps-là. Savez-vous, on dirait que c'est un moribond qui refuse de prendre une pilule parce qu'il a peur de mourir. Parce que la pilule, tôt ou tard, il faut bien la prendre: ce sera la participation des enseignants. Et s'il n'y a pas cette pilule que vous ne voulez pas prendre, ce sera - faites l'agencement que vous voudrez - l'enfantement de l'affrontement et l'échec viendra. Je vous donne mon opinion là-dessus.

Le Président (M. Blouin): D'accord.

M. Hains: D'ailleurs, M. le ministre lui-même l'avait dit et je le cite. C'était M. Camille Laurin, L'enseignant et l'enseignante, des professionnels, en décembre 1981: "Comment faire de l'école et de son projet éducatif le pivot de tout le système si l'enseignant et l'enseignante s'y refusent?" Voilà!

M. de Guire: D'abord, je voudrais faire une distinction au sujet de la présence d'employés autres que des enseignants au conseil d'école. Nous englobons tous les employés.

Maintenant, il n'y a pas que notre conseiller juridique, Patrice Garant; il y a aussi MM. Roquet et Germain qui se sont prononcés là-dessus. Je crois, cependant, que le projet éducatif de l'école, la participation à l'intérieur de l'école, l'élaboration de tout ce qui se fait ne peut se faire sans les enseignants. Cela n'est pas possible. À ce

niveau, nous sommes absolument d'accord que, pour la réalisation du projet éducatif, pour un meilleur vécu dans les écoles, il y a la participation des enseignants. (14 h 15)

Je dois vous dire qu'actuellement les enseignants et les enseignantes le font à l'intérieur des écoles pour l'élaboration des projets éducatifs, mais ils n'ont pas actuellement à prendre des décisions administratives ou qui pourraient concerner leur propre convention collective. Ce n'est pas ce genre de décisions qu'ils prennent. Mais, avec le directeur ou la directrice d'école, ils travaillent en concertation pour élaborer actuellement un projet éducatif l'intérieur de l'école. Nous croyons, malgré la position que nous avons prise, qu'ils sont en accord avec nous pour dissocier, comme nous,, ce qui s'appelle la décision administrative, ce qui s'appelle prendre part aux décisions de gestion, de la participation aux décisions du vécu quotidien et à la préparation d'un projet éducatif. Je crois que l'ensemble des enseignants et des enseignantes sont sûrement d'accord avec nous.

Le Président (M. Blouin): D'accord!

M. Hains: M. le Président, n'avez-vous pas peur, cependant, que, lorsque les professeurs vont voir ce qui se passe dans le projet de loi et surtout devant le rejet que vous faites de leur participation, il y ait de la part du syndicat une nouvelle levée de boucliers et un refus peut-être encore plus accentué et plus total de collaboration avec vous?

M. de Guire: M. le Président, je voudrais relever une dernière phrase du député. Nous n'avons jamais dit que nous rejetions la participation des enseignants.

M. Hains: Au conseil.

M. de Guire: Ce que nous rejetons, c'est la présence, pas la participation même au conseil. Comme un cadre scolaire se présente actuellement à la commission scolaire pour participer à des discussions avec des commissaires et pour présenter des points de vue au niveau du conseil des commissaires, nous n'excluons pas ce genre de participation avec le conseil d'école. Comme on ne rejette pas la participation des enseignants, mais qu'on croit que c'est avec le directeur ou la directrice d'école qu'ils doivent travailler, nous croyons qu'il n'y aura sûrement pas de levée de boucliers de ce côté et qu'au contraire les enseignants et les enseignantes seront en accord avec nous parce que c'est avec nous qu'ils veulent travailler et non pas avec un organisme qui s'appelle un conseil d'école.

M. Hains: Vous m'avez pris sur un mot: ce n'était pas "participation", c'était "présence". Voilà! Et pour revenir maintenant au rôle qui vous est dévolu, comment acceptez-vous la double allégeance d'autorité qui vous est imposée? Je sais que vous protestez et que vous demandez le transfert, par exemple, des articles 82, 83, 84 et 85, de les sortir du projet de loi et de les amener dans la réglementation. Très bien! Mais est-ce que cela vous sera possible de servir deux maîtres contrairement à la parole d'Évangile? Voyez-vous un des vôtres, par exemple, qui a oeuvré - et cela devrait vous faire peur un peu - pendant quinze ou vingt ans comme directeur d'école et qui, à un moment donné, est remercié de ses services par le conseil d'école? Là, on le renvoie à la commission scolaire qui, elle, va essayer de lui trouver une place. Si elle n'en a pas, elle va le coucher sur une tablette et peut-être même le coucher dans sa tombe, parce que vous savez comme ce n'est pas facile des fois à accepter. Alors, vous acceptez cela? Qu'en pensez-vous?

M. de Guire: Je crois que, d'abord, je dois insister sur le fait que nous ne voulons pas que les articles 82, 83, 84 et 85 qui concernent nos conditions de travail demeurent dans le projet. Il n'est pas question, pour nous, que cela demeure là. Nous ne croyons pas que nous aurons à servir deux maîtres. Nous aurons à servir le conseil d'école et à rendre des comptes au conseil d'école.

Il est certain que nous travaillerons avec le directeur général à la commission scolaire pour la préparation des politiques qui concernent la commission. Mais c'est comme mandataires de notre conseil d'école et, comme mandataires de notre conseil d'école, on peut très bien participer et exécuter des décisions, parce qu'on a été mandatés pour cela, qui sont préparées à la commission scolaire. Je ne crois pas qu'on puisse appeler cela une double allégeance ou dire que c'est servir deux maîtres. Par exemple, les travailleurs sociaux, qui travaillent dans nos écoles, sont à la fois des employés d'un CLSC ou d'autre chose, mais, pourtant, ils travaillent à l'intérieur de l'école. Si je regarde la question des infirmières qui sont toutes des employées d'autres organismes et qui viennent travailler aussi à l'école, je ne pense pas qu'elles aient une espèce de double allégeance. Elles ont à remplir un mandat et, à l'intérieur de ce mandat, ces personnes le font de leur mieux. Nous allons essayer de remplir de notre mieux les mandats qui nous seront confiés.

M. Hains: C'est par pur souci de votre santé que je vous posais cette question et, en même temps, de votre bonne place dans le système.

Le Président (M. Blouin): En concluant, M. le député.

M. Hains: En concluant, oui, je vous laisse comme viatique, messieurs les principaux, deux ou trois petites pensées que j'ai cueillies pour vous. En voici une qui est tirée du mémoire de l'ADIGECS hier: "Ce projet de loi doit être légitimé par un consensus du milieu scolaire; il ne doit pas être imposé." Une autre. Il y en a plusieurs, mais, enfin, je vais vous en laisser seulement quelques-unes, parce que, comme un bon professeur, trop de matière à la fois, cela ne passe pas. Mais celle-ci, je vous la laisse; elle est de M. Paul Tremblay, dans la revue Relations d'octobre 1982 et cela a été rapporté hier aussi par l'ADIGECS: "Une institution peut mourir par immobilisme et par refus de changement. Elle peut aussi mourir par suite de tensions et de changements continus." Je pense que cela va nous donner matière à réflexion pour notre fin de semaine.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. Hains: Mes meilleurs remerciements pour votre attention. Cela m'a fait grand plaisir de recommuniquer avec vous.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député de Saint-Henri.

M. de Guire: Je suis d'accord avec vous.

Le Président (M. Blouin): Maintenant, je donne la parole à M. le député de Chauveau.

M. Brouillet: Alors, soyez sans crainte, cela va être très bref. Pour une fois, je vais m'exempter de faire un préambule pour arriver directement à une question qui va concerner la nature du lien de "partnership" entre les deux paliers de décision, l'école et la commission scolaire. Ce lien sera assuré, selon vous, par la présence d'un commissaire élu au conseil d'école selon l'article de la loi. Vous avez aussi, par ailleurs, fait appel au principe suivant, à savoir qu'on devrait, pour une plus grande efficacité, exclure les conflits d'intérêts des lieux de décision. Alors, je fais un rapprochement entre ces deux points. Le commissaire élu, d'après un article que nous avons dans la loi, aura un droit de vote à l'école. Ce même commissaire élu aura aussi un droit de vote à la commission scolaire. Alors, je vois aussi une possibilité de conflit d'intérêts pour la personne. Au niveau de l'école, il votera dans la perspective des intérêts de l'école et des besoins exprimés dans l'école. Et il sera appelé, au niveau de la commission scolaire, à relativiser un peu l'intérêt de l'école et les besoins de l'école en fonction de l'ensemble des écoles d'une commission scolaire. Je vois des difficultés à laisser au commissaire le droit de vote aux deux instances. Ne croyez-vous pas qu'une des solutions serait de lui permettre une présence très active au conseil d'école, participation active à la discussion, etc., mais qu'il s'abstienne de voter à ce niveau-là et qu'il conserve le droit de vote seulement au niveau de la commission scolaire?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: Si vous me parlez du droit de vote strictement, que, dans le projet final, le commissaire ne vote pas au conseil d'école, en ce qui nous concerne, on n'en fait pas une question importante. Ce qui est important, c'est sa présence au conseil d'école. Il doit être là. Et, après, il doit siéger à la commission scolaire. À la commission scolaire, on n'est pas inquiet qu'il défende uniquement son patelin. Si on est inquiet qu'il défende uniquement son patelin, il va falloir s'interroger de nouveau sur l'ensemble de notre système démocratique. Un député représente actuellement un comté et quand il arrive à l'Assemblée nationale, il doit voter des lois pour l'ensemble des citoyens et non pas uniquement pour son propre comté. Quand un commissaire d'écoles se présente, c'est la même chose. Alors, on pense que cet aspect de la question ne devrait pas être une situation de conflit. Cela se vit régulièrement dans la société et on pense qu'on est capable de continuer.

Quand on parle de "partnership", on ne parle pas de "partnership" commission scolaire-école, mais uniquement de la part du commissaire d'écoles. Il y a aussi les relations avec le directeur d'école et la commission scolaire. Il y a ce genre de "partnership". Il y a l'ensemble du réseau: le directeur général avec les liens qu'il aura avec le directeur d'école. C'est tout cela. Nous, on pense que si tout ce monde-là travaille dans un esprit de participation, de "partnership", on ne devrait pas avoir de conflit et surtout pas une fois que le commissaire va siéger à la commission scolaire, pas plus que le député à l'Assemblée nationale.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. de Guire.

M. Brouillet: Je vous ferai remarquer que le député n'a pas déjà participé à un vote dans son comté.

M. de Guire: C'est pour cela que je n'insiste pas.

M. Brouillet: II écoute les gens du

comté et il ne vote qu'une fois. Lorsqu'il doit voter, c'est vrai que cela ne coïncide pas toujours avec ce qu'il a entendu dans son comté sur les projets de loi qu'il défend ou les contenus des projets de loi, mais il n'a pas participé à deux votes. Je suis d'accord avec vous sur sa présence et tout. Mon point précis, c'était sur son double droit de vote, à deux niveaux différents. Quand on est lié par un vote à un niveau, on a tendance à vouloir le justifier à tout prix à l'autre niveau parce qu'on va être obligé de voter encore une autre fois et est-ce qu'on va voter contre le premier vote? C'est sur ce point précis, finalement, que mon intervention voulait porter.

M. de Guire: Je veux simplement apporter la précision suivante: pour nous, le droit de vote comme tel, ce n'est pas important. S'il est enlevé au commissaire au conseil d'école, on ne fera pas de difficulté. Ce qui nous paraît important - et j'insiste -c'est qu'il soit présent, qu'il siège et que, s'il perd son aptitude à siéger à un des deux endroits, il la perde aussi à l'autre endroit. Cela nous apparaît important pour que la pensée des écoles soit présente régulièrement au niveau du conseil des commissaires.

Le Président (M. Blouin): Merci beaucoup, M. le député de Chauveau. Alors, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Je vous remercie de votre enthousiasme. M. le Président, je vais être bref. J'aimerais savoir de la part des directeurs d'école qui, quotidiennement, sont en contact avec les parents, avec les gens qui sont dans l'école, à tous les niveaux, et qui, forcément par leurs fonctions, sont aussi en contact quotidien ou, en tout cas, régulier avec les commissions scolaires qui, selon les chiffres qui ont été apportés ici à cette commission sont composées, à 70% ou 75% - cela dépend des commissions scolaires - de parents si vous avez une opinion sur cette impossibilité, qu'on semble avoir voulu faire ressortir, qu'il y aurait à concilier les deux rôles, c'est-à-dire le rôle de parent éducateur, qui participerait à la gestion de la commission scolaire et qui serait aussi au comité de parents, par opposition au rôle de commissaire d'écoles plutôt gestionnaire et qui, dans les faits et dans la grande majorité des cas, est aussi un parent. J'aimerais savoir si vous avez réfléchi à cette situation et si vous concevez qu'une personne puisse, en même temps, continuer d'avoir des intérêts qui sont ceux des parents, même si elle est élue au suffrage universel, même si elle siège à la commission scolaire ou si vous voyez ces deux activités-là comme s'excluant l'une de l'autre. Comment voyez-vous la situation?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. le vice-président va répondre à la question.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Coderre.

M. Coderre: M. le Président, pour nous, ce qui est important, c'est que ce qui concerne l'école, les décisions concernant le projet éducatif soient prises au niveau de l'école. À ce moment-là, ce sont les parents, qui nous semblent les plus près de l'école, qui doivent former le conseil d'école. C'est donc à partir de ce principe que nous voulons que ce soient les parents parce qu'ils sont plus proches. Nous n'avons jamais dit que nous opposions les parents aux commissaires. C'est notre point de départ qui nous fait dire que les parents sont plus près de l'école et que, en conséquence, ils doivent être membres des conseils d'école.

M. Doyon: Dans la situation où vous êtes actuellement, que diriez-vous d'un projet de loi qui contiendrait des articles vous permettant à vous, en tant que principal d'école, en tant que directeur d'école, de faire valoir auprès de la commission scolaire que, dans votre école, vous seriez désireux, avec l'accord de la commission scolaire et en en faisant la preuve, de gérer telle partie, de gérer telle chose? Est-ce que vous n'avez pas l'impression que vous auriez une oreille réceptive de la part des commissions scolaires si, tout simplement, le projet de loi qui est à l'étude devant nous était de nature à confier une variété de pouvoirs étendus, importants et fondamentaux à la commission scolaire et que vous auriez la tâche, je peux même aller jusqu'à dire le fardeau, par votre compétence dans votre école, par votre désir de travailler pour le milieu, par votre implication de tous les jours avec les parents, avec les intervenants, avec tous les acteurs du milieu scolaire, de faire la preuve à la commission scolaire que vous êtes capables de vous occuper de tel domaine ou de tel secteur?

Il reste que la solution que vous propose le ministre, malgré qu'elle vous mette dans une situation peut-être difficile, ne nécessite pas, de votre part, le besoin de prouver à qui que ce soit que, dans votre milieu, dans votre école, vous avez et la volonté et la capacité d'exercer tel et tel pouvoir. Je comprends qu'il peut être difficile d'avoir à faire la preuve de sa capacité de prendre les responsabilités et de s'en acquitter. Mais ne concevez-vous pas que cette situation, même si elle vous obligeait à des efforts supplémentaires, serait de nature à donner, finalement, au milieu un meilleur service, à condition, bien sûr, que la commission scolaire dispose de ces pouvoirs

et puisse les déléguer?

Le Président (M. Blouin): M. de Guire.

M. de Guire: M. Poirier va répondre.

Le Président (M. Blouin): Très bien. M. Poirier.

M. Poirier: M. le Président, je crois que les efforts ont été faits et, jusqu'à épuisement de la race, on a essayé de participer, on a même fait des guerres dans des commissions scolaires afin de participer à l'élaboration de certaines politiques. On voulait faire la preuve et on était prêt à faire la preuve que nous avions ce leadership. On voulait travailler en concertation avec ces commissions scolaires. Très peu de commissions scolaires, pour avoir travaillé durant huit ans au niveau d'une association qui regroupait onze commissions scolaires, ont fait la preuve qu'on voulait jeter du lest au niveau des écoles pour tout ce niveau.

La loi 71, pour nous, a été une fin de non-recevoir, de façon pratique, je ne dirai pas quotidienne, mais, après chaque table de concertation où nous entrions avec nos DG, nos cadres scolaires, il y a eu un blocage. Au niveau des parents, on a fait aussi la preuve que nous étions capables de travailler en concertation avec nos milieux. Dans plusieurs de nos comités d'école, il y a des commissaires invités qui déjà travaillent avec nous. Je peux en parler d'expérience, depuis quatre ans, cela se vit et cela se vit très bien.

Quels sont les pouvoirs qui nous sont donnés dans la loi 40 qui sont si terribles et que je ne serai pas capable d'assumer demain? Je n'en vois que très peu.

Le Président (M. Blouin): M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Mes remarques seront plutôt pour conclure. Ce que je retiens de tout cela, c'est que, quand même, à plusieurs reprises, on nous a fait la preuve - une preuve, d'après moi, convaincante - qu'il se passait des choses et que les commissions scolaires avaient, avec le peu de moyens dont elles disposent, mis en place des mécanismes et des situations réelles de concertation, de collaboration et de gestion par le milieu à l'intérieur de ses capacités.

Que la commission scolaire ait pu faire cela, on en a apporté de nombreux exemples, hier, en en faisant des signes de maturité, de vitalité, ce que M. le ministre a souligné à plusieurs reprises. Ces signes existent; ils sont vérifiables. On nous a présenté, hier, un document d'environ 100 ou 150 pages où l'on expliquait, à la suite d'un bref sondage fait par une association qui est passée devant nous, des initiatives de prise en charge du milieu à l'intérieur de la loi actuelle. Si on a réussi à faire cela avec le carcan de la loi actuelle, quelles ne seraient pas, avec une loi qui donnerait des moyens réels à la commission scolaire, des pouvoirs et des responsabilités plus globaux, plus conséquents, les possibilités qui s'ouvriraient à nous?

Vous, vous préférez l'autre solution qui est de court-circuiter ce palier de gouvernement local qu'est la commission scolaire et de vous voir confier d'emblée ces pouvoirs. C'est un choix qui vous appartient. Les raisons que vous nous donnez peuvent vous apparaître suffisantes. Pour ma part, je pense que la preuve a quand même été faite et qu'il y avait moyen de procéder autrement. Je suis sûr que, si on vous avait donné la chance de fonctionner dans un autre cadre, vous auriez eu des résultats qui auraient été encore meilleurs et qui, finalement, auraient permis de préserver et le gouvernement local qui est la commission scolaire et la nécessité de voir les milieux prendre en charge le maximum de responsabilités en ce qui concerne l'éducation de leurs enfants.

Le Président (M. Blouin): Merci, M. le député. Je remercie donc, au nom de tous les membres de la commission, les représentants de la Fédération québécoise des directeurs d'école de leur très importante collaboration au cours de ces débats de notre commission parlementaire et, sur ce, j'ajourne les travaux jusqu'au mardi 17 janvier, 10 heures.

(Fin de la séance à 14 h 36)

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